B. LE NIVEAU COMMUNAL
Les communes, particulièrement en milieu rural, sont très impliquées dans l'accueil des jeunes enfants, qui est un service de proximité immédiate.
La souplesse des modes de garde doit prévaloir, comme le pragmatisme dans leur choix , ce qui n'est pas toujours le cas : on construit parfois une halte-garderie pour 1,5 million d'euros, alors qu'une micro-crèche de 10 places aurait coûté 100 000 euros. Le choix le moins coûteux aurait, certes, été moins visible en termes d' « affichage »...
Les maires ruraux souhaitent aussi doter leur territoire de modes d'accueil diversifiés pour les jeunes enfants, car ils constituent un élément fort d'attractivité pour les jeunes couples dont la présence est vivement souhaitée pour dynamiser ces zones.
1. Mieux recenser les offres d'accueil des jeunes enfants grâce aux informations dont disposent les mairies
L'ensemble des maires s'accordent sur la nécessité de recenser les offres d'accueil des jeunes enfants , qui prennent des formes très diverses. Les communes, chargées avec les Centres communaux d'action sociale (CCAS), d'analyser les besoins sociaux de leurs résidents, disposent ainsi d'éléments concrets sur les offres.
De même, le taux d'activité de la population féminine est connu, à un niveau fin, des mairies ou des intercommunalités, qui sont en mesure de juger de l'opportunité d'ouvrir ou non de nouvelles structures.
Ces variations démographiques, difficiles à anticiper, compliquent les prévisions d'investissement des CAF . Celles-ci gagneraient donc à se rapprocher des communes pour obtenir les informations en leur possession, ainsi qu'à axer leurs aides sur la qualité de l'offre d'accueil, plutôt qu'à parfois s'ingérer dans les modes de gouvernance, qui doivent rester l'apanage des élus.
2. Définir les besoins réels des familles
Une approche trop technocratique conduit à méconnaître les réels besoins des familles. C'est ainsi que l'obligation faite aux crèches, depuis 2012, de fournir les repas et les couches - obligation dont les parents s'acquittaient auparavant, à la satisfaction générale - a suscité de nombreux problèmes matériels, et de nouveaux coûts. La fourniture des couches est ainsi évaluée à 165 euros par enfant et par an, somme non négligeable, qui pourrait être réduite si les commandes étaient groupées.
À ce coût financier s'ajoute la nécessité nouvelle de consacrer un local spécifique à leur stockage, qui n'a pas été intégrée dans la conception des crèches existantes.
Les repas (lait et aliments pour jeunes enfants) n'engendrent pas de coûts importants, car ils sont souvent fournis gratuitement par les entreprises spécialisées dans leur production. On peut aisément supposer que leurs motivations ne sont pas uniquement philanthropiques.
Ainsi, une initiative paraissant de prime abord louable, et au bénéfice de l'égalité entre familles, a-t-elle des conséquences concrètes imprévues et parfois néfastes.
La pesanteur croissante de la réglementation technique et financière imposée par les CAF est ainsi mal ressentie et engendre un climat de méfiance parmi les élus, envers ce qui est considéré comme une bureaucratie déresponsabilisante. En réalité, cette « normalisation » est un phénomène qui affecte l'ensemble de notre société, et auquel les CAF ne peuvent échapper.
3. Adapter les amplitudes horaires aux besoins des familles, au lieu de privilégier une logique gestionnaire
Cependant, les CAF privilégient parfois leurs contraintes de gestion au détriment des réalités concrètes. Les crèches doivent ainsi déclarer en début d'année leurs amplitudes horaires, qui ne correspondent pas toujours à celles choisies par les familles ; mais seuls les horaires effectifs sont rémunérés, et non ceux déclarés.
Une vive critique est faite de la tarification à l'heure , imposée par la CNAF aux crèches. En effet, elle fragilise le bien-être des enfants, des parents et des professionnels en suscitant l'existence de crèches s'apparentant à des halls de gare.
Par ailleurs, elle renforce le comportement consumériste des familles , qui respectent de moins en moins les horaires de garde pour lesquels ils s'étaient engagés, ce qui complique la tâche des gestionnaires des crèches. Sur ce point, il semblerait souhaitable que les familles confiant leurs enfants à des crèches, et plus encore à des assistantes maternelles, paient ces services à l'avance , comme cela est aujourd'hui le cas pour les cantines scolaires, après des expériences malheureuses.
La réglementation actuelle de la CNAF ne le permet pas. Cependant, celle-ci fait état d'une expérimentation permettant le paiement par les CAF des assistantes maternelles en tiers-payant pour la part des cotisations qu'elles « remboursent » aux parents.
4. Instaurer un véritable partenariat entre les différents acteurs de la petite enfance
La Cour des comptes estime, en conclusion de son rapport thématique, que « la politique de la petite enfance manque de cohérence, et est insuffisamment coordonnée au plan local ».
Il s'agit là d'un encouragement adressé à la CNAF et au ministère des Affaires sociales à associer plus étroitement les communes à la gestion de la petite enfance.
Les objectifs ambitieux de la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la CNAF pour la période 2013-2017 visent, notamment, à créer 100 000 solutions d'accueil collectif supplémentaires. La moitié d'entre elles reposent sur l'initiative des communes, dont les capacités financières vont être réduites dans les années à venir, pour de multiples raisons (baisse de la Dotation globale de fonctionnement, stagnation des recettes tirées des droits de mutation, dépenses inhérentes à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires).
Le transfert, parfois évoqué, de la responsabilité de l'accueil de la petite enfance aux intercommunalités est possible, et même souhaitable dans le monde rural. En effet, elle est de nature à en renforcer les moyens, dans des zones qui souhaitent dynamiser leur population par l'arrivée de jeunes couples.
En revanche, cette orientation ne semble guère pertinente en milieu urbain, où les communes disposent de plus de ressources en personnels et en finances.
IL importe, avant tout, que le maire garde sa liberté en ce domaine, que ce soit vis-à-vis de l'Etat ou de la CNAF.
L'Association des maires de France déplore qu'en dépit du rôle majeur joué par les communes dans l'accueil des jeunes enfants, elle n'ait jamais été associée à l'élaboration des COG successives, alors que les mairies sont les mieux placées pour répondre, au plus près, aux attentes de la population.
Des contacts réguliers existent cependant, avec l'Etat et la CNAF, au sein d'un comité partenarial « petite enfance ». Mais l'association qui devait initialement prévaloir, en amont des décisions, se borne aujourd'hui à l'exposé de décisions déjà prises, alors que l'AMF souhaite être reconnue comme un acteur à part entière de l'accueil de la petite enfance, dont elle assure 70 % du financement.
Les deux principaux motifs d'inquiétude des maires sont, pour les années à venir :
- un grand nombre d'assistantes maternelles vont partir en retraite à compter de 2015. Leur renouvellement devrait être assuré par une véritable filière de formation, qu'on ne voit pas émerger. Le CAP « petite enfance » ne semble pas, en effet, à la hauteur des enjeux ;
- la préscolarisation à 2-3 ans peut être une solution positive pour les familles très défavorisées, à condition qu'elle soit assurée par du personnel spécialisé dans la petite enfance, et non pas issu de l'Education nationale. De surcroît, le plan « petite enfance » de la ministre Dominique Bertinotti évoquait 75 000 places de préscolarisation, dont le financement reposerait sur les communes, qui n'auraient pu y faire face.