Rapport d'information n° 731 (2010-2011) de MM. Philippe DALLIER , Charles GUENÉ , Pierre JARLIER et Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juillet 2011
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I. LES POTENTIELS FINANCIERS : DE NOUVEAUX
OUTILS DE MESURE POUR UNE NOUVELLE PÉRÉQUATION
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II. LE FONDS DE PÉRÉQUATION
INTERCOMMUNAL ET COMMUNAL (FPIC)
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A. LA GENÈSE DU FPIC
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1. Un dispositif prévu dès la loi de
finances pour 2010
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a) L'engagement de la loi de finances pour
2010 : la clause de « revoyure »
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(1) La réforme de la taxe professionnelle a
rendu impérative la création de nouveaux outils de
péréquation
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(a) La territorialisation de la CVAE concentre la
fiscalité locale sur certains territoires
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(b) Les outils de péréquation
préexistants sont devenus obsolètes
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(2) Les deux engagements pris concernant la
péréquation intercommunale et communale
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b) Les pistes de l'exécutif : le rapport
« Durieux-Subremon »
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c) Les précisions apportées par les
parlementaires en mission
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a) L'engagement de la loi de finances pour
2010 : la clause de « revoyure »
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2. Un mécanisme adopté en loi de
finances pour 2011
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1. Un dispositif prévu dès la loi de
finances pour 2010
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B. METTRE EN PLACE, DÈS 2012, UN DISPOSITIF
DE PÉRÉQUATION APPELÉ À MONTER EN PUISSANCE
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C. UN PRÉLÈVEMENT LARGE,
OPÉRÉ SUR DES CRITÈRES DE RICHESSE, AU NIVEAU
TERRITORIAL
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D. LES REVERSEMENTS : NEUTRALITÉ ET
SIMPLICITÉ DES CRITÈRES
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E. LA CONFIRMATION DU RÔLE CENTRAL DES
EPCI
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A. LA GENÈSE DU FPIC
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III. LE NOUVEAU FONDS DE SOLIDARITÉ DES
COMMUNES DE LA RÉGION D'ILE-DE-FRANCE ET SA COMBINAISON AVEC LE
FPIC
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IV. LES FONDS DÉPARTEMENTAL ET
RÉGIONAL DE PÉRÉQUATION DE LA CVAE
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A. LE TEXTE VOTÉ EN LOI DE FINANCES POUR
2011
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1. Une péréquation de la CVAE des
régions et des départements prévue dès 2009
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2. L'évaluation du dispositif voté
en 2009
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3. Le dispositif de l'article 124 de la loi de
finances pour 2011
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a) La fusion des fonds créés en loi
de finances pour 2010
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b) Une ampleur des prélèvements
fortement réduite à l'issue du débat parlementaire
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(1) La version proposée par le
Gouvernement
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(2) La version adoptée par
l'Assemblée nationale
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(3) La version adoptée par le
Sénat
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(4) La version définitive adoptée en
CMP
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(5) Exemple concret des conséquences de la
modification apportée par le Parlement aux fonds de
péréquation de la CVAE
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c) Des critères de reversements
modifiés à la marge
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(1) Les critères de charge ont
été conservés
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(2) Le critère de ressources
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(3) Le critère
d'éligibilité
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a) La fusion des fonds créés en loi
de finances pour 2010
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4. Les questions en suspens
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1. Une péréquation de la CVAE des
régions et des départements prévue dès 2009
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B. LA NÉCESSITÉ DE REVENIR À
UNE VERSION PLUS AMBITIEUSE DU DISPOSITIF DE PÉRÉQUATION DE LA
CVAE DÉPARTEMENTALE ET RÉGIONALE
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A. LE TEXTE VOTÉ EN LOI DE FINANCES POUR
2011
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE 1 COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL
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ANNEXE 2 RÉUNIONS ORGANISÉES PAR LE
GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PÉRÉQUATION FINANCIÈRE ENTRE LES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
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ANNEXE 3 AUDITION DE MM. GILLES CARREZ,
PRÉSIDENT DU COMITÉ DES FINANCES LOCALES, ET ÉRIC JALON,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS LOCALES
N° 731
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2011 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1), par le groupe de travail sur la mise en oeuvre de la péréquation entre les collectivités territoriales (2),
Par MM. Philippe DALLIER, Charles GUENÉ, Pierre JARLIER et Albéric de MONTGOLFIER,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Serge Dassault , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Hubert Falco, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera. (2) Ce groupe de travail est composé de M. Jean Arthuis, président ; MM. Philippe Dallier, Charles Guené, Pierre Jarlier, et Albéric de Montgolfier, rapporteurs ; M. Philippe Adnot, Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq, MM. Éric Doligé, François Fortassin, Adrien Gouteyron, Edmond Hervé, François Marc, Philippe Marini, Gérard Miquel, Michel Sergent. |
Mesdames, Messieurs,
A l'occasion de sa première réunion de l'année 2011, le Bureau de la commission des finances a décidé la création d'un groupe de travail sur la mise en oeuvre de la péréquation financière entre les collectivités territoriales.
La question majeure de la solidarité financière entre collectivités, particulièrement au sein du bloc communal constitué des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), a en effet été abordée par la loi de finances pour 2011 1 ( * ) qui a prévu la création d'un fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) 2 ( * ) . Toutefois, si les bases ont été établies, les mécanismes du fonds ont été à peine esquissés.
La loi de finances a donc prévu qu'au cours de l'année 2011 le Gouvernement engagerait une réflexion sur la mise en oeuvre concrète des principes qu'elle a fixés.
Son article 125 dispose ainsi qu'avant « le 1 er septembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui précise les modalités de répartition du Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales. Le rapport précise notamment :
1° Les groupes démographiques de communes et les catégories d'établissements publics de coopération intercommunale dont le potentiel fiscal moyen sert de comparaison pour déterminer la contribution des collectivités contributrices ;
2° Le seuil du potentiel fiscal moyen définissant le prélèvement au fonds de péréquation ;
3° Le taux s'appliquant au prélèvement en fonction de l'écart au potentiel fiscal moyen ;
4° Le montant maximal de prélèvement à instaurer afin de préserver les ressources de chacun des établissements publics de coopération intercommunale et communes soumis au prélèvement ;
5° Les critères de ressources et de charges utilisés dans la répartition des attributions au titre du fonds ainsi que leur poids respectif ;
6° Les modalités spécifiques de contribution et de reversement s'appliquant à la région d'Ile-de-France, en précisant l'articulation avec le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France et les conséquences sur ce fonds des nouvelles modalités de péréquation.
Le rapport formule toute proposition de nature à renforcer l'efficacité du dispositif de péréquation adopté.
L'avis du comité des finances locales est joint à ce rapport. »
La création d'un outil de péréquation horizontale au sein du bloc communal n'est pas la seule innovation de la loi de finances pour 2010. Celle-ci a prévu également, au-delà du maintien d'un fonds spécifique à l'Ile-de-France , déjà affirmé par la loi de finances pour 2010, la progression de l'effort de solidarité interne à la région et la multiplication par 1,5 du montant des prélèvements et des reversements effectués par ce fonds.
Dès lors se posait également la question de l'articulation de ce fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France (FSRIF) rénové avec le nouveau fonds de péréquation du bloc communal.
La loi de finances pour 2011 a aussi proposé une nouvelle définition de la richesse des collectivités , rendue inévitable par la suppression de la taxe professionnelle, son remplacement par la contribution économique territoriale (CET) 3 ( * ) , la création de nouvelles impositions locales et la redistribution des composantes du panier fiscal entre les niveaux de collectivités. Les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier ont été réajustées alors que celle de potentiel agrégé d'un territoire a été esquissée.
L'importance de ces sujets et leurs enjeux pour les collectivités ont conduit de nombreuses instances à s'en saisir et à engager des travaux d'analyse et de prospective dès le premier trimestre 2011.
Le comité des finances locales a été sollicité par la Direction générale des collectivités locales pour devenir une enceinte de réflexion en vue de la publication du rapport du Gouvernement. Les associations d'élus se sont mobilisées avec plus ou moins d'enthousiasme (AMF 4 ( * ) , AMIF 5 ( * ) , AdCF 6 ( * ) , ADF 7 ( * ) , ARF 8 ( * ) ). Le syndicat Paris-Métropole, instance d'étude et de proposition, a désigné un groupe de travail et mobilisé l'IAURIF 9 ( * ) pour effectuer des simulations. L'Assemblée nationale, enfin, a chargé, le 8 février 2011, deux rapporteurs, nos collègues Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, d'une mission d'information sur la péréquation intercommunale.
La commission des finances du Sénat, qui avait été à l'initiative, soit par la voie de son rapporteur général, soit sur l'impulsion de plusieurs de ses membres, de modifications importantes de l'équilibre des nouveaux fonds de péréquation du bloc communal, devait prendre sa place dans ce débat.
Elle a identifié trois thèmes particuliers d'investigation en vue de dégager des propositions :
- le nouveau mode de calcul des potentiels fiscal et financier ;
- le fonctionnement du fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales ;
- le remplacement du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) et son articulation avec le FPIC.
La commission a également souhaité mener une réflexion sur les nouveaux fonds régional et départemental de péréquation de la CVAE, institués par la loi de finances pour 2011, élargissant ainsi le périmètre de ses travaux à l'ensemble des dispositifs de péréquation votés par le Parlement pour une entrée en vigueur en 2012.
Sur chacun de ces thèmes, elle a désigné un rapporteur chargé d'établir un état des lieux, de dégager les problématiques et de formuler des propositions.
Celles-ci ont été éclairées par les nombreuses auditions auxquelles le groupe de travail a procédé, par les débats au sein du groupe de travail et par les échanges entre les rapporteurs.
Les rapporteurs, élus de territoires aux caractéristiques très différentes, ont traité de tous les sujets de la future péréquation horizontale pour trouver des solutions non conflictuelles, voire consensuelles, sans mettre en opposition les types de collectivités ou l'urbain au rural .
Les conclusions du groupe de travail ont enfin été soumises à la commission des finances qui les a adoptées .
Elles ne préjugent pas des positions qui seront retenues par la commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 qui comportera les dispositions arbitrées par le Gouvernement.
Elles proposent des orientations appuyées sur des principes que le groupe de travail a estimées les meilleures au regard des objectifs d'équité, de simplicité et d'efficacité , sans la moindre référence à des situations particulières qui auraient pu influer sur les choix du groupe de travail.
En effet, c'est une des particularités de ce travail que d'avoir été réalisé sans simulations de ses effets sur chacune des collectivités territoriales, faute de données existantes sur la territorialisation du nouvel impôt économique local ou sur les potentiels financiers issus des nouvelles règles de calcul.
Mais si l'absence de simulations disponibles a obligé le groupe de travail à beaucoup de prudence dans la formulation de ses préconisations, dont il n'est pas exclu qu'elles puissent aboutir à quelques « aberrations », elle l'a aussi dégagé de la contrainte de s'y soumettre en lui accordant de ce fait une très grande liberté.
I. LES POTENTIELS FINANCIERS : DE NOUVEAUX OUTILS DE MESURE POUR UNE NOUVELLE PÉRÉQUATION
A. DU POTENTIEL FISCAL, NOTION OBSOLÈTE, À LA COMPOSANTE FISCALE DU POTENTIEL FINANCIER DE BASE
1. Un outil de comparaison de la richesse fiscale potentielle
Le potentiel fiscal est la mesure la plus traditionnelle de la richesse des collectivités mais aussi la plus restreinte puisque fondée sur les seules quatre taxes directes locales.
a) La règle de calcul
Pour les communes, le potentiel fiscal était défini à l'article L.2334-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), jusqu'à la réforme de la fiscalité locale ayant suivi la suppression de la taxe professionnelle.
Selon cet article, le potentiel fiscal est égal à la somme que produiraient les quatre taxes directes d'une collectivité si l'on appliquait à ses bases le taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxes.
Taux moyens nationaux d'imposition en 2009
Régions |
Départements |
Communes |
|
Taxe d'habitation |
7,39 % |
14,97 % |
|
Taxe foncière sur les propriétés bâties |
2,66 % |
10,84 % |
19,32 % |
Taxe foncière sur les propriétés non bâties |
6,48 % |
25,01 % |
45,50 % |
Taxe professionnelle |
2,82 % |
8,96 % |
16,13 % |
Source : DGCL
A compter de 1999, la compensation versée au titre de la suppression de la part salaires des bases de taxe professionnelle a complété cette définition.
Le potentiel fiscal par habitant est obtenu en divisant ce total par le nombre d'habitants calculé selon la définition retenue pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Cette règle générale a été complétée par quelques dispositions particulières permettant son adaptation aux autres niveaux de collectivités.
En ce qui concerne les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), par exemple, le taux moyen d'imposition de référence est le taux national constaté pour la catégorie d'établissement à laquelle ils appartiennent (communauté urbaine, communauté d'agglomération, communauté de communes).
Pour les départements , est ajoutée la moyenne sur les cinq dernières années des droits de mutation à titre onéreux (article L. 3334-6 du CGCT).
Pour les régions , est ajouté un produit potentiel déterminé en fonction des compensations servies par l'Etat aux régions à raison des exonérations ou réductions de bases de fiscalité directe (article L. 4332-5 du CGCT). Le calcul de ce produit potentiel est complexe. Il consiste à diviser, dans un premier temps, chaque compensation de l'année précédente par le taux de l'année précédant sa mise en place et, dans un deuxième temps, en multipliant l'équivalent bases ainsi obtenues par le taux moyen national de la taxe concernée. Le tout est divisé par la population Insee du dernier recensement général. Le potentiel fiscal régional, dans sa définition antérieure à la réforme de la taxe professionnelle, n'est donc pas un strict potentiel fiscal.
Enfin, pour 2011 , la loi de finances a prévu, afin d'écarter l'effet de la compensation-relais versée en 2010, que le potentiel fiscal est calculé sur les taux moyens nationaux des trois impôts sur les ménages de l'année 2010, et sur les bases et taux moyens nationaux de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2010.
b) Un instrument de mesure en perte de vitesse
Dès avant la réforme de la taxe professionnelle, le potentiel fiscal, remplacé en 2005 par la notion plus large de potentiel financier, n'était plus utilisé qu'à titre résiduel s'agissant des communes et des départements.
Il l'était toutefois encore pour les EPCI et les régions, deux niveaux d'administration territoriale pour lesquels il n'existait pas de définition de potentiel financier jusqu'à la loi de finances initiale pour 2011.
On le retrouve donc pour le calcul de la dotation d'intercommunalité destinée aux EPCI dotés d'une fiscalité propre, l'article L. 5211-30 du CGCT précisant que chacun d'entre eux perçoit « une dotation de péréquation calculée en fonction de la population totale des communes et des communes nouvelles regroupées, du potentiel fiscal de l'EPCI et pondérée, le cas échéant, par le coefficient d'intégration fiscale de l'EPCI . »
Il en est de même pour l' éligibilité des EPCI à la dotation d'équipement des territoires ruraux mentionnée à l'article L. 2334-33 du CGCT 10 ( * ) .
Le potentiel fiscal était encore la mesure de référence de la richesse des régions , utilisée comme critère de l'éligibilité et du calcul de leur dotation de péréquation.
Enfin, la loi de finances pour 2011 a utilisé le potentiel fiscal communal pour le calcul de l' écrêtement du complément de garantie destiné à équilibrer les hausses des autres composantes de la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans le cadre de l'enveloppe fermée des concours de l'Etat aux collectivités.
L'article 177 de la loi de finances pour 2011 a ainsi prévu une minoration de 130 millions d'euros du complément de garantie applicable aux communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national.
La minoration des attributions, plafonnée à 6 % du complément de garantie perçu l'année précédente, est répartie en proportion de la population de ces communes et de l'écart relatif entre le potentiel fiscal par habitant de la commune et le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national.
2. Un simple ajustement consécutif à la suppression de la taxe professionnelle
Avec la disparition de la taxe professionnelle , la notion de potentiel fiscal devait nécessairement évoluer. C'est ce qui est advenu avec l'adoption de l'article 183 de la loi de finances pour 2011 proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 2334-4 du CGCT.
La référence aux bases de TP multipliées par le taux moyen national a été remplacée par la référence à un « panier » de recettes fiscales, ou assimilées, comprenant :
- pour les communes, la cotisation foncière des entreprises (CFE) ;
- et pour les communes, départements et régions, leurs parts respectives de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et d'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) ;
- ainsi que les produits nets perçus au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).
Pour autant, le groupe de travail constate qu'aucune simulation n'avait été fournie sur les effets de cette nouvelle définition quant à l'appréciation de la richesse des collectivités. Compte tenu de cette absence totale d'évaluation, le Sénat avait choisi, dans un premier temps, de ne pas approuver cette définition applicable à compter de 2012. Les premières simulations n'auront finalement été apportées au comité des finances locales qu'en juillet 2011.
3. Compléter la liste des composantes fiscales
Un des apports majeurs du Sénat lors de la discussion de la loi de finances pour 2011 a été de décider du basculement définitif de la notion de potentiel fiscal à celle de potentiel financier, en élargissant ce concept aux régions et aux EPCI.
Pour autant, au sein du potentiel financier « de base » , il existe bien une composante de produits fiscaux , plus ou moins importante selon le niveau de collectivité. Quasiment absente pour les régions, la composante fiscale est réduite pour les départements alors qu'elle reste conséquente et variée pour les communes et EPCI.
Or, si elle a bien acté la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la CET, la loi de finances pour 2011 n'a pas été au bout de la logique qui consiste à comptabiliser au sein de la composante fiscale l'intégralité des ressources de ce type sur lesquelles les collectivités disposent d'un pouvoir de taux ou d'assiette.
En effet, aujourd'hui, nombre de recettes fiscales restent exclues . Certaines l'ont été par oubli, comme la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), que la réforme de la fiscalité locale a transférée de l'Etat au bloc communal.
D'autres, très diverses, n'ont jamais été comptabilisées au motif de leur faible produit rapporté au total de la fiscalité locale, de leur caractère facultatif, des difficultés administratives de leur recensement ou du caractère tardif de la disponibilité des informations les concernant.
Le tableau ci-dessous, diffusé auprès du comité des finances locales au début des réunions de concertation sur la péréquation, donne, pour le bloc communal, une illustration de leur diversité, même s'il porte sur un panier de recettes antérieur à la réforme de la taxe professionnelle.
Il ne mentionne donc pas les taxes de remplacement de la TP ni les nouvelles taxes d'urbanisme (la taxe d'aménagement et le versement pour sous-densité), issues de la réforme votée dans le cadre de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.
Recettes fiscales des communes et EPCI (2009)
Recette |
Bénéficiaires |
Mode de
|
Calendrier de disponibilité de l'information |
% des recettes fiscales totales |
Taxes principales |
||||
TH |
Tous |
DGFIP |
Avril n+1 |
21,13 % |
TFB |
Tous |
DGFIP |
Avril n+1 |
26,24 % |
TFNB |
Tous |
DGFIP |
Avril n+1 |
1,56 % |
TP (y compris FDPTP) |
Tous |
DGFIP |
Avril n+1 |
33,80 % |
Taxes annexes |
||||
TEOM |
Optionnelle |
DGFIP |
Avril n+1 |
9,26 % |
Taxe communale additionnelle aux DMTO |
Optionnelle |
2,02 % |
||
Taxe sur l'électricité |
Tous |
EDF |
Sept n+1 |
1,71 % |
Taxe casinos |
Optionnelle |
DLPOJ |
0,48 % |
|
Taxe sur les pylônes |
Tous |
DGFIP |
Avril n+1 |
0,33 % |
Taxe de séjour |
2000 communes |
DGCL |
Sept n+1 |
0,27 % |
Taxe de balayage |
Optionnelle |
DGFIP |
Avril n+1 |
0,12 % |
Taxe sur la publicité |
2400 communes |
DGCL |
Sept n+1 |
0,09 % |
Taxe de séjour forfaitaire |
285 communes |
DGCL |
Sept n+1 |
0,09 % |
Taxe sur les remontées mécaniques |
150 communes |
DGCL |
Sept n+1 |
0,06 % |
Impôt sur les spectacles |
Tous |
DGDDI |
N+1 |
0,04 % |
Surtaxe sur les eaux minérales |
Optionnelle |
DGDDI |
N+1 |
0,03 % |
Redevance des mines |
Tous |
DGFIP |
Sept n+1 |
0,02 % |
Taxes d'urbanisme |
||||
Taxe locale d'équipement |
Obligatoire dans les communes de plus de 10 000 hab. et celles de la RIF |
DGALN |
N+2 |
1,03 % |
Versement pour dépassement du plafond légal de densité |
Optionnelle |
DGALN |
0,07 % |
|
Versement transport |
Obligatoire en RIF |
DGITM |
Sept n+1 |
10,28 % |
Source : DGCL - CFL
Le groupe de travail a examiné l'ensemble de ces recettes fiscales du bloc communal et débattu de l'opportunité de proposer leur prise en compte dans les composantes fiscales du potentiel financier avec la préoccupation de retenir le spectre le plus large possible .
Il a donc défini un panier de recettes fiscales comprenant : la taxe d'habitation (TH), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), la cotisation foncière des entreprises (CFE), la part communale et intercommunale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER) mais aussi la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), la taxe d'aménagement, la taxe sur les casinos, la taxe sur les remontées mécaniques et le prélèvement sur les paris hippiques 11 ( * ) créé par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
Seules seraient exclues les taxes affectées à l'exercice de certaines compétences, notamment la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM), la taxe de séjour et le produit des amendes de police.
Pour les départements , suivant les mêmes principes que pour les communes et les EPCI, la composante fiscale du potentiel financier de base comprend : la TFPB départementale, la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA), les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la part départementale de la CVAE et les IFER.
Pour les régions , la composante fiscale se limite à la part régionale de CVAE et aux IFER.
B. DU POTENTIEL FINANCIER DE BASE AU POTENTIEL FINANCIER CORRIGÉ
1. Le potentiel financier « de base »
Le potentiel financier est un « indicateur de ressources » plus large que la notion de potentiel fiscal puisqu'il prend en compte, dans sa définition classique, non seulement les ressources fiscales mais aussi certaines dotations versées par l'Etat, c'est-à-dire la part forfaitaire de la DGF.
Il mesure la capacité d'une collectivité à mobiliser des ressources régulières pour faire face à ses charges.
La formule du potentiel financier (potentiel financier = potentiel fiscal + [dotation forfaitaire - compensation part « salaires »]) n'a pas été modifiée par la loi de finances pour 2011 et le Gouvernement a fait preuve à cet égard d'un conservatisme certain.
Toutefois, à l'initiative du Sénat , et dans le cadre du vote des nouveaux dispositifs de péréquation, la référence au potentiel financier a été appliquée également aux EPCI et aux régions .
Le potentiel financier est donc désormais la référence de calcul des dotations de péréquation verticale de l'ensemble des collectivités : dotation de solidarité urbaine (DSU), dotation de solidarité rurale (DSR) et garanties de sortie pour le bloc communal, dotation de péréquation urbaine (DPU), dotation de fonctionnement minimale (DFM) et garanties de sortie pour les départements et dotation de péréquation verticale perçue par les régions.
Pour le groupe de travail, la définition du potentiel financier « de base » doit également être élargie et clarifiée afin de gagner en lisibilité et de refléter plus justement la richesse des collectivités.
C'est ainsi que le groupe de travail a préconisé, pour le bloc communal , que la composante « dotations et compensations » du potentiel financier comprenne l'ensemble des dotations versées par l'Etat, à l'exclusion des dotations de péréquation, c'est-à-dire :
- la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ( DCRTP ), nette des prélèvements ou des reversements au titre des fonds nationaux de garantie individuelle des ressources ( FNGIR ) ;
- la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ;
- la compensation de l'ex-part salaire de la taxe professionnelle ;
- la dotation d'intercommunalité ;
- ainsi que les versements au titre des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) qui ont désormais acquis le caractère de dotation de l'Etat puisqu'ils ne sont plus financés par prélèvement sur la TP des établissements exceptionnels, mais par un montant figé de crédits budgétaires.
Pour les départements , les dotations et compensations à inclure dans le potentiel financier de base sont la DCRTP, le FNGIR et la part forfaitaire de la DGF.
Pour les régions , le potentiel financier de base comprend les mêmes versements étant entendu qu'il conviendra toutefois d'exclure de la DGF les éléments qui y ont été intégrés mais qui visent à compenser des transferts de compétences pour certaines régions. Le Gouvernement devra mener ce travail à bien pour garantir que la notion de potentiel financier traite équitablement l'ensemble des régions.
Potentiel financier de base des communes et EPCI |
|
Composantes dotations/compensations |
Composantes fiscales |
DCRTP FNGIR DGF (part forfaitaire) Compensation part salaires Versements des FDPTP |
Taxe d'habitation Taxes foncières CFE Part communale CVAE IFER TaSCom Taxe d'aménagement Taxe casinos Taxe remontées mécaniques Taxe « hippodromes » |
Source : commission des finances
2. Le potentiel financier corrigé, référence de la péréquation horizontale
Le groupe de travail a considéré que la notion de potentiel financier était insuffisante à mesurer la réalité de la richesse des collectivités dans l'optique de la mise en oeuvre d'une péréquation qui s'effectuerait entre collectivités, qu'il s'agisse des mécanismes anciens à reconstruire, comme le FSRIF, ou des nouveaux dispositifs créés par les lois de finances pour 2010 et 2011.
Une fois versées les dotations de péréquation verticale, celles-ci doivent être prises en compte à l'aide d'un nouveau critère de richesse des collectivités, le potentiel financier corrigé , pour mettre en place la péréquation horizontale, c'est-à-dire le prélèvement de la richesse de certaines collectivités au profit des territoires défavorisés. Cette prise en compte des dotations de péréquation versées par l'Etat pour définir la richesse paraît logique pour deux raisons :
- comme les autres ressources financières, les dotations de péréquation verticale viennent accroître la richesse des collectivités ;
- ce système garantit un traitement équitable des collectivités, dont les ressources peuvent être plus ou moins majorées par des dotations de péréquation verticale.
Au-delà du calcul des contributions et reversements de la péréquation horizontale, le potentiel financier corrigé sera aussi l' instrument de mesure de l'efficacité de la péréquation verticale qui fait aujourd'hui défaut. C'est, en effet, le différentiel entre le potentiel financier de base et le potentiel financier corrigé qui permettra d'apprécier la justesse des choix de l'Etat en faveur des territoires les moins favorisés et ce sont aussi ces deux indicateurs qui permettront d' évaluer les écarts de richesse entre collectivités et leur évolution au regard des dispositifs de péréquation mis en place.
C. LE POTENTIEL AGRÉGÉ : LA JUSTE APPRÉCIATION DU TERRITOIRE
1. La définition du potentiel agrégé
La notion de potentiel agrégé a été créée par la loi de finances pour 2011 et a été utilisée dès 2011 pour la répartition de la part péréquation de la dotation d'intercommunalité. Son objectif est de calculer un potentiel « visant à apprécier de façon plus appropriée la richesse d'un territoire par agrégation des bases communales et intercommunales et des taux moyens appliqués à ces bases ».
La loi de finances pour 2011 (article 183) n'a toutefois défini qu'un potentiel fiscal agrégé dont la formule est la suivante :
Potentiel fiscal agrégé = potentiel fiscal de l'EPCI + potentiel fiscal des communes membres |
2. Un instrument de mesure indépendant des choix d'organisation administrative du territoire
Le groupe de travail est très favorable à la généralisation de la référence au potentiel agrégé.
En effet, la richesse intercommunale doit être mesurée au niveau de chaque territoire, en agrégeant la richesse de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et celle de ses communes membres. Ce mode de calcul présente deux avantages majeurs :
- il permet de comparer les territoires quel que soit leur mode d'organisation : EPCI à fiscalité professionnelle unique, EPCI à fiscalité additionnelle ou commune isolée. Cette caractéristique permet de s'absoudre des choix institutionnels et de résoudre le cas des communes isolées de la petite couronne parisienne, qui échappe à l'obligation d'achèvement de la carte intercommunale en 2014 ;
- il simplifie les outils de péréquation à créer, en les faisant reposer sur un nombre limité de collectivités : 2 600 EPCI plutôt que 36 000 communes.
Conformément à sa logique visant à s'appuyer sur la définition la plus large possible des ressources des collectivités, le groupe de travail propose d'aller plus loin que la loi de finances pour 2011 en retenant la notion de potentiel financier agrégé pour la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation horizontale, ce qui suppose la prise en compte de la dotation d'intercommunalité pour les EPCI et des dotations de péréquation verticale pour le communes membres et dont la formule est :
Potentiel financier agrégé =
|
II. LE FONDS DE PÉRÉQUATION INTERCOMMUNAL ET COMMUNAL (FPIC)
A. LA GENÈSE DU FPIC
1. Un dispositif prévu dès la loi de finances pour 2010
a) L'engagement de la loi de finances pour 2010 : la clause de « revoyure »
(1) La réforme de la taxe professionnelle a rendu impérative la création de nouveaux outils de péréquation
La réforme de la taxe professionnelle a, d'une part, accentué les écarts de richesse entre les collectivités du bloc communal en territorialisant la CVAE et, d'autre part, porté préjudice aux outils de péréquation préexistants qu'étaient les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF).
(a) La territorialisation de la CVAE concentre la fiscalité locale sur certains territoires
Le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale (CET), composée de la CVAE et de la CFE, a suscité un débat sur la territorialisation des nouveaux impôts créés . S'agissant de la CFE, dont l'assiette est foncière et le produit affecté uniquement aux communes et aux intercommunalités, la territorialisation allait de soi.
En revanche, dans sa version initiale, le texte proposé par le Gouvernement prévoyait de mutualiser le produit de la CVAE au niveau national et de le répartir en fonction de critères distincts de sa seule assiette fiscale. Cette proposition, très novatrice, faisait de la CVAE l'outil d'une péréquation territoriale efficace.
L'Assemblée nationale comme le Sénat ont toutefois fait le choix de territorialiser la CVAE s'agissant du bloc communal , c'est-à-dire de réserver le bénéfice de cette recette aux communes et aux intercommunalités sur le territoire desquelles les entreprises assujetties étaient imposées. L'objectif visé était que chaque territoire perçoive strictement le produit acquitté par les entreprises qui y sont implantées, afin de maintenir une incitation au développement de zones économiques.
Toutefois, ce choix a eu pour conséquence d'accentuer très fortement les écarts de richesse au niveau territorial . En effet, la répartition des bases de la taxe professionnelle - constituées principalement par les immobilisations corporelles des établissements - était moins concentrée sur certains territoires que ne l'est celle de l'assiette de la CVAE. Comme le relevait le rapport « Durieux-Subremon » 12 ( * ) , la région Ile-de-France, par exemple, concentre le tiers de la valeur ajoutée créée sur le territoire français alors qu'elle représentait moins du quart de la taxe professionnelle. Or, le produit de la CVAE, qui s'est élevé à 10,3 milliards d'euros en 2010, constitue la principale ressource fiscale de remplacement de la taxe professionnelle pour le bloc communal.
Ainsi, le remplacement de la taxe professionnelle par la CVAE, en accentuant les écarts de richesse fiscale entre les territoires, a rendu plus impérative encore la création d'outils de péréquation au niveau intercommunal et communal.
(b) Les outils de péréquation préexistants sont devenus obsolètes
Par ailleurs, la disparition de la taxe professionnelle a remis en cause le fonctionnement des anciens outils de péréquation communaux qu'étaient les FDPTP et le FSRIF .
En effet, les FDPTP tiraient leurs ressources de la taxe professionnelle acquittée par les établissements dits « exceptionnels » au regard de l'importance de leurs bases de taxe professionnelle par habitant comparées à la moyenne. La disparition de la taxe professionnelle prive donc ces fonds de toute alimentation. Certes, le choix a été fait de garantir, via une dotation de l'Etat, le montant des FDPTP de l'année 2009 mais la création de tout nouvel établissement exceptionnel n'entraînera plus une croissance du produit des FDPTP dans un département. En outre, le gel des montants de l'année 2009 conduira progressivement à déconnecter les montants de la péréquation opérée par les FDPTP de la réalité économique des territoires.
Le même constat s'applique au FSRIF, dont une partie des ressources était calculée en fonction de la taxe professionnelle, et qui est donc remis en cause par la réforme 13 ( * ) .
(2) Les deux engagements pris concernant la péréquation intercommunale et communale
Pour remédier à ces effets préjudiciables à la péréquation et à la réduction des écarts de richesse entre les communes et les intercommunalités, deux engagements ont été pris dans la loi de finances pour 2010 .
D'une part, l'article 78 de la loi de finances précitée a prévu que les FDPTP et le FSRIF seraient maintenus en 2011, le niveau de leurs ressources devant être au moins équivalent à celui existant avant la réforme.
Extrait de l'article 78 de la loi de finances pour 2010
I. A compter de l'année 2011 sont mis en place, dans chaque département, en remplacement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, des systèmes de péréquation des ressources des communes et des établissements publics de coopération intercommunale permettant de corriger les inadéquations de la répartition ou de la croissance des ressources entre ces collectivités et établissements publics au regard de l'importance de leurs charges ou de la croissance de ces charges. II. A compter de l'année 2011, les modalités de fonctionnement du Fonds de solidarité de la région Ile-de-France sont modifiées pour prendre en compte, d'une part, l'impact de la modification de la notion de potentiel financier sur les versements au fonds opérés en application du I de l'article L. 2531-13 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, l'impact de la suppression de la taxe professionnelle sur les versements au fonds opérés en application du II de l'article L. 2531-13 du même code. III. En 2011, les ressources et les versements faisant l'objet de chacun des dispositifs de péréquation visés aux I et II sont d'un montant au moins égal aux montants redistribués en 2010. |
D'autre part, l'article 76 de la loi de finances précitée, inséré à l'initiative du Sénat, a prévu qu'au vu du rapport transmis par le Gouvernement au Parlement pour évaluer les conséquences de la réforme 14 ( * ) , « la loi précise et adapte le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle met en place des mécanismes de péréquation fondés sur les écarts de potentiel financier et de charges entre les collectivités territoriales ».
Cet article pose donc les bases de la nouvelle péréquation financière intercommunale et communale, rendue nécessaire par la réforme de la taxe professionnelle.
b) Les pistes de l'exécutif : le rapport « Durieux-Subremon »
Le rapport « Durieux-Subremon » s'est donc penché sur les modalités de la mise en oeuvre d'un tel dispositif et a formulé des propositions, « à titre d'illustration », au nom de l'exécutif.
Le mécanisme applicable aurait obéi aux principes suivants :
- un dispositif en flux cumulé plutôt que portant sur le stock des ressources des communes et des EPCI. Cette option permet de conserver le principe d'une compensation à l'euro près des effets de la réforme pour l'ensemble des collectivités territoriales. Les fonds prélevés le seraient sur la croissance entre le potentiel fiscal de l'année considérée et le potentiel fiscal de l'année 2010, qui sert de référence ;
- une articulation entre deux mécanismes de péréquation, l'un au niveau régional, l'autre au niveau national . Cette solution permettrait, d'une part, de préserver l'outil du FSRIF et, d'autre part, de majorer le montant global consacré à la péréquation ;
- une prise en compte de la totalité de la richesse fiscale des communes et des intercommunalités et non uniquement de la fiscalité économique. En effet, la conséquence directe de la réforme est, au niveau communal, d'accroître progressivement l'importance relative de la fiscalité acquittée par les ménages par rapport à la fiscalité économique. Or, plus la masse financière utilisée pour calculer les montants affectés à la péréquation est élevée, plus il est aisé de parvenir à des objectifs de réduction de richesses entre les collectivités. C'est pourquoi le rapport préconise d'utiliser le critère du potentiel fiscal et non uniquement le produit de la CFE et de la CVAE ;
- des prélèvements effectués selon un barème progressif sur les blocs communaux dont le potentiel fiscal par habitant est 1,5 fois supérieur à la moyenne nationale pour le fonds national et 1,25 fois supérieur à la moyenne régionale pour les fonds régionaux, afin de concentrer les prélèvements sur les collectivités les plus favorisées ;
- enfin, des reversements à destination des blocs communaux dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,75 fois la moyenne nationale ou régionale, selon le cas.
D'après les éléments, nécessairement incomplets et imprécis, dont disposait la mission « Durieux-Subremon » au moment de la rédaction de son rapport, un tel dispositif de péréquation aurait permis une réduction du niveau global des inégalités de potentiel fiscal par habitant entre les blocs communaux de 16 % à l'horizon 2015.
c) Les précisions apportées par les parlementaires en mission
Parallèlement aux travaux menés par les inspections générales, le Premier ministre a nommé six parlementaires en mission auprès du ministre chargé de l'économie afin d'accompagner l'application de la réforme de la fiscalité locale et de préparer la mise en oeuvre de la clause de revoyure prévue par la loi de finances pour 2010 : François-Noël Buffet, Olivier Carré, Alain Châtillon, Michel Diefenbacher, Charles Guené et Marc Laffineur.
Ces parlementaires ont rendu, au mois de juillet 2010, un rapport contenant leurs propres préconisations s'agissant des suites de la réforme de la taxe professionnelle. Concernant le FPIC, leurs propositions s'articulaient autour des axes suivants :
- le système de péréquation intercommunal et communal doit porter sur l'ensemble territorial que constituent les EPCI et leurs communes membres, aussi bien pour les prélèvements que pour les reversements ;
- le FPIC doit reposer sur un potentiel fiscal « élargi » des collectivités territoriales, comprenant notamment les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP et FNGIR) ;
- le principe d'articuler des fonds régionaux et un fonds national, proposé par le rapport « Durieux-Subremon », était maintenu. Les seuils proposés étaient, pour le prélèvement au fonds national, un potentiel fiscal par habitant supérieur à 1,5 fois la moyenne nationale et, pour les fonds régionaux, un potentiel fiscal par habitant supérieur à 1,25 fois la moyenne régionale , c'est-à-dire les propositions du rapport des inspections ;
- la redistribution des montants prélevés au titre du fonds national serait placée sous le contrôle du comité des finances locales ;
- la répartition d'une partie des sommes prélevées se ferait en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges ;
- enfin, les critères de charges devront être définis par comparaison avec les charges de chaque strate du bloc communal et prendre en compte des indicateurs de « gestion vertueuse » et de charges de centralité.
2. Un mécanisme adopté en loi de finances pour 2011
C'est sur la base de l'ensemble de ces travaux que le FPIC a été élaboré et discuté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.
a) La concrétisation des engagements pris en loi de finances pour 2010
(1) Un dispositif voté sans simulations
Comme la clause de revoyure le prévoyait, le projet de loi de finances pour 2011 15 ( * ) a concrétisé la promesse faite par le Gouvernement de mettre en oeuvre un fonds de péréquation au niveau communal et intercommunal.
En raison notamment des incertitudes résultant de la mise en place des nouvelles impositions votées en loi de finances pour 2010, le texte proposé par le Gouvernement n'était assorti d'aucune simulation ni estimation des effets du mécanisme proposé. Toutefois, l'absence de simulations était relativisée par le fait que le fonds ne devait entrer en vigueur qu'en 2012, ce qui permettait, tout au long de l'année 2011, de procéder aux simulations et aux ajustements nécessaires.
C'est dans ce contexte que la commission des finances a créé le groupe de travail à l'origine du présent rapport, afin de prendre le temps d'expertiser le dispositif proposé avant l'échéance de la loi de finances pour 2012.
En outre, l'article 125 de la loi de finances pour 2011 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement un nouveau rapport , avant le 1 er septembre 2011, précisant les modalités de répartition du fonds de péréquation intercommunal et communal.
Extrait de l'article 125 de la loi de finances pour 2011
Avant le 1 er septembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui précise les modalités de répartition du Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales. Le rapport précise notamment : 1° Les groupes démographiques de communes et les catégories d'établissements publics de coopération intercommunale dont le potentiel fiscal moyen sert de comparaison pour déterminer la contribution des collectivités contributrices ; 2° Le seuil du potentiel fiscal moyen définissant le prélèvement au fonds de péréquation ; 3° Le taux s'appliquant au prélèvement en fonction de l'écart au potentiel fiscal moyen ; 4° Le montant maximal de prélèvement à instaurer afin de préserver les ressources de chacun des établissements publics de coopération intercommunale et communes soumis au prélèvement ; 5° Les critères de ressources et de charges utilisés dans la répartition des attributions au titre du fonds ainsi que leur poids respectif ; 6° Les modalités spécifiques de contribution et de reversement s'appliquant à la région d'Ile-de-France, en précisant l'articulation avec le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France et les conséquences sur ce fonds des nouvelles modalités de péréquation. Le rapport formule toute proposition de nature à renforcer l'efficacité du dispositif de péréquation adopté. L'avis du comité des finances locales est joint à ce rapport. |
Ce rapport, assorti de l'avis du comité des finances locales, doit permettre d'apporter les éclairages chiffrés qui n'étaient pas disponibles lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.
(2) Un texte profondément modifié par les débats au Parlement
Le Parlement a été amené, en l'absence de simulations, à définir dans la loi de finances pour 2011 les contours du nouveau fonds de péréquation.
Comme le détaille le tableau ci-dessous, tous les aspects du mécanisme proposé par le Gouvernement ont été fortement modifiés à l'Assemblée nationale puis au Sénat , le Parlement s'accordant finalement sur la version votée par le Sénat.
Les trois versions successives de l'article 125 de la loi de finances pour 2011
Texte proposé par le Gouvernement |
Texte adopté par l'Assemblée nationale |
Texte adopté par le Sénat
|
|
Niveau des fonds de péréquation |
Un fonds national unique |
Un fonds national assorti, dans chaque région, de fonds régionaux |
Un fonds national assorti d'un fonds régional dans la seule région Ile-de-France pour remplacer le FSRIF |
Les objectifs des fonds en termes de montants péréqués |
2 % des recettes fiscales du bloc communal en 2015 |
1 % des recettes fiscales du bloc communal pour le fonds national en 2015 1 % des recettes fiscales du bloc communal pour l'ensemble des fonds régionaux en 2015 La garantie que le montant du FSRIF en 2012 serait au moins égal à celui de 2009 |
2 % des recettes fiscales du bloc communal pour le fonds national en 2015 La garantie que le montant du FSRIF en 2012 serait au moins égal à celui de 2009 La garantie que le montant du FSRIF en 2015 serait au moins égal à 1,5 fois celui de 2009 |
Les prélèvements |
Un prélèvement en fonction du potentiel fiscal Un seuil de prélèvement non défini |
Un prélèvement à partir de 1,5 fois le potentiel fiscal moyen national pour le fonds national Un prélèvement à partir de 1,5 fois le potentiel fiscal moyen régional pour les fonds régionaux |
Un prélèvement à partir de 1,5 fois le potentiel financier moyen national |
Les reversements |
Aux seuls EPCI et communes isolées En fonction des ressources fiscales et de critères de charges |
Aux seuls EPCI dont le potentiel fiscal est inférieur au potentiel fiscal moyen par habitant national (ou régional, selon le fonds considéré) Exclusion des communes isolées |
Aux seuls EPCI dont le potentiel financier est inférieur au potentiel financier moyen par habitant national Exclusion des communes isolées |
La contribution de l'Etat aux ressources du fonds |
Une dotation annuelle égale aux sommes allouées aux FDPTP en 2011 au titre des communes défavorisées |
Aucune |
Aucune La dotation annuelle est rétablie mais au profit des FDPTP |
Source : commission des finances
b) Sous-entendus et malentendus
Même dans sa version définitive, le texte voté dans la loi de finances pour 2011 pose de nombreuses questions.
Votre groupe de travail s'est notamment interrogé sur la pertinence de fixer un objectif à l'horizon 2015 calculé en référence aux ressources fiscales du bloc communal. En effet, le périmètre des ressources fiscales du bloc communal n'est pas défini. En outre, si ces ressources venaient à diminuer, en raison d'un période de ralentissement économique ou du fait d'une modification de la législation fiscale, faudrait-il en conclure que les montants consacrés à la péréquation doivent diminuer proportionnellement ?
Par ailleurs, l'objectif à atteindre en 2015 n'a, dans sa globalité, pas été modifié durant l'examen du texte au Parlement. Or, parallèlement, la dotation de l'Etat à ce fonds a été supprimée. Initialement, la dotation de l'Etat, égale aux sommes allouées aux FDPTP en 2011 au titre des communes défavorisées devait servir à alimenter en partie le fonds, ce qui aurait permis, dès la première année, de le doter de 419 millions d'euros soit un montant près de deux fois supérieur à celui prévu pour l'année 2012 : 0,5 % des recettes fiscales des collectivités territoriales. On pouvait donc s'interroger sur la nécessité de redéfinir les montants consacrés à la péréquation suite à la suppression de la dotation de l'Etat.
La question de la stratification des prélèvements et des reversements n'a pas été abordée. Or, le niveau du potentiel financier par habitant des communes et des EPCI croît fortement avec la population de la collectivité ou de l'intercommunalité. Ne pas stratifier le prélèvement aurait donc pour conséquence d'opérer les prélèvements essentiellement sur les communes et intercommunalités urbaines pour les redistribuer en direction des collectivités rurales, ce qui mérite un débat.
L'articulation entre le fonds national et le nouveau FSRIF n'est pas clarifiée . Le texte de l'article 125 précité prévoit que le FSRIF « est alimenté au premier chef par les ressources provenant des prélèvements » au titre du fonds national mais qu'il « obéit à des règles de fonctionnement de prélèvement complémentaire et de péréquation interne autonomes en raison de la spécificité de la région d'Ile-de-France », ce qui nécessite des dispositions supplémentaires pour rendre opérationnel le fonctionnement du FSRIF.
Les EPCI sont tenus, dans le texte adopté, de reverser au moins 50 % des montants répartis par le fonds à leurs communes membres. Cette disposition s'applique sans tenir compte de la catégorie de l'EPCI ou de son degré d'intégration fiscale , ce qui n'apparaît pas logique.
Enfin, rien n'est indiqué concernant l'articulation entre l'entrée en vigueur des fonds de péréquation et les autres calendriers relatifs à l'organisation des collectivités territoriales . Certes, la loi de réforme des collectivités territoriales 16 ( * ) prévoit l'achèvement de la carte de l'intercommunalité en 2014 mais, dans l'attente de cette échéance, certaines communes isolées risquent de subir un prélèvement au profit du FPIC sans bénéficier de reversements. Par ailleurs, l'achèvement de la carte intercommunale n'est pas prévu, en l'état actuel des textes, dans les départements de la « petite couronne » parisienne. Par conséquent, les communes isolées qui s'y trouvent pourront le rester après l'année 2014, ce qui n'a pas été pris en compte lors du vote de l'article 125 de la loi de finances pour 2011.
B. METTRE EN PLACE, DÈS 2012, UN DISPOSITIF DE PÉRÉQUATION APPELÉ À MONTER EN PUISSANCE
En préalable, le groupe de travail s'est prononcé en faveur d'un maintien à 2012 de la date d'entrée en vigueur du FPIC .
Certaines voix se sont élevées pour proposer un report à 2013 de la création des nouveaux dispositifs de péréquation. Un tel report serait dommageable. Il convient au contraire de saisir l'occasion qu'a représentée la réforme de la taxe professionnelle pour mettre en place ces nouveaux outils. Par ailleurs, le Gouvernement semble à même de fournir, à compter du mois de septembre 2011, des simulations qui permettront de ne pas voter un dispositif « à l'aveugle ». Enfin, l'ampleur du mécanisme proposé par le groupe de travail est progressive et permet donc de créer un mécanisme dès 2012 sans craindre de porter préjudice à certaines communes ou intercommunalités.
1. Le choix d'un objectif en valeur absolue
a) Un fonds d'un milliard d'euros en 2015
Au terme de sa réflexion, le groupe de travail a opté pour une définition chiffrée en valeur absolue des montants financiers qui feront l'objet d'une péréquation au travers du FPIC . Cette décision est indépendante des choix que sera amené à effectuer le législateur s'agissant du montant effectif de la péréquation.
En effet, un montant défini en millions ou en milliards d'euros est plus lisible qu'une définition en pourcentage des recettes fiscales des collectivités territoriales, d'autant plus qu'aucun consensus n'a pu être trouvé sur la définition du périmètre de ces ressources fiscales.
D'après les estimations fournies par le Gouvernement, l'objectif d'un niveau de péréquation égal, en 2015, à 2 % des ressources fiscales des collectivités aurait correspondu à environ un milliard d'euros en valeur absolue. Le groupe de travail a donc préféré adopter cet objectif, très clair, d'une péréquation au niveau intercommunal et communal égale à milliard d'euros en 2015 .
b) Le traitement des FDPTP
Le groupe de travail s'est par ailleurs penché sur l'éventuelle contribution du dispositif de garantie des FDPTP au fonds de péréquation intercommunal et communal .
Depuis la réforme de la taxe professionnelle, l'ancien dispositif d'alimentation des FDPTP à partir du produit de taxe professionnelle résultant des établissements « exceptionnels » de chaque commune a été remplacé par deux mécanismes de garantie :
- d'une part, les montants des FDPTP versés, en 2009, aux communes dites « concernées », c'est-à-dire essentiellement celles situées à proximité des établissements « exceptionnels », ont été intégrés au dispositif de compensation à l'euro près des effets de la réforme, à travers la DCRTP et le FNGIR. Il n'est pas question de revenir sur cette intégration qui se justifie par le caractère très stable des reversements au profit des communes « concernées » ;
- d'autre part, les reversements des FDPTP au profit des communes dites « défavorisées » ont été maintenus à leur niveau de l'année 2009 grâce à la création d'une dotation de l'Etat. Cette dotation ne garantit pas directement les communes « défavorisées », puisque les montants reversés à ce titre étaient variables d'une année sur l'autre et résultaient des délibérations du conseil général, qui avait la responsabilité de gérer le FDPTP. Ce sont les FDPTP qui perçoivent directement cette dotation, à charge pour le conseil général, comme avant la réforme, de déterminer la répartition de ces fonds entre les communes du département. En pratique, la part des FDPTP consacrée aux communes dites « défavorisées » est donc devenue une dotation de l'Etat que chaque département a la charge de répartir entre les communes et les intercommunalités de son territoire . Le conseil général dispose en outre d'une très grande marge de manoeuvre dans la détermination des critères de répartition de ces fonds versés par l'Etat puisque l'article 46 de la loi de finances pour 2011 se contente d'énoncer que la répartition est opérée par lui « à partir de critères objectifs qu'il définit à cet effet, entre les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les agglomérations nouvelles défavorisés par la faiblesse de leur potentiel fiscal ou l'importance de leurs charges ».
Il ressort de cette analyse que les 419 millions d'euros consacrés par l'Etat chaque année, à compter de 2011, à garantir les ressources des FDPTP à destination des communes et intercommunalités « défavorisés » ont fortement changé la nature des anciens FDPTP. La question se pose donc légitimement de savoir si ces fonds ne pourraient pas plutôt être intégrés dans le dispositif national de péréquation.
Le groupe de travail n'a pas définitivement tranché la question de l'alimentation du FPIC par la garantie de l'Etat versée aux FDPTP . Ce sujet est en effet sensible pour certains départements qui gèrent à ce titre, à partir de 2011, des montants non négligeables. Toutefois, il lui apparaît nécessaire, a minima , que le Gouvernement effectue un travail d'évaluation des effets péréquateurs des fonds redistribués par les départements via les FDPTP , afin d'envisager, le cas échéant, leur transfert vers le dispositif national de péréquation.
2. Une montée en puissance progressive
a) Une croissance linéaire jusqu'à l'objectif d'un milliard d'euros en 2015
Le groupe de travail a conservé la linéarité, entre les années 2012 et 2015, de la montée en puissance des montants péréqués par le FPIC . La traduction en valeur absolue des montants implique que le FPIC s'élèvera à :
- 250 millions d'euros en 2012 ;
- 500 millions d'euros en 2013 ;
- 750 millions d'euros en 2014 ;
- un milliard d'euros en 2015 .
Cette progressivité permet d'enclencher le dispositif dès l'année 2012 et de garantir parallèlement son acceptabilité par l'ensemble des communes et des intercommunalités.
Une option parfois envisagée aurait consisté à prévoir une montée en puissance progressive du FPIC, qui serait demeuré limité les premières années pour effectuer un rattrapage plus rapide vers l'objectif du milliard d'euros en 2015. Cette proposition n'a pas semblé satisfaisante au groupe de travail car elle enverrait un mauvais signal, d'excessive prudence, aux collectivités territoriales.
b) Un montant relativement limité eu égard aux dotations verticales
Par ailleurs, la commission des finances rappelle que le montant prévu pour le FPIC, tant en 2012 qu'en 2015, reste très limité par rapport aux masses financières en jeu s'agissant des dotations versées par l'Etat aux collectivités territoriales , comme l'indique le tableau ci-après. En 2015, le fonds ne représentera toujours que 4,2 % du montant global de la DGF du bloc communal et, même si les montants des dotations de péréquation verticales n'augmentaient pas d'ici à cette échéance, le FPIC serait du même ordre de grandeur que la DSU et la DSR.
Masses financières en jeu au titre du FPIC
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Enfin, le groupe de travail a relevé qu'en 2011 le complément de garantie de la DGF a été écrêté, à hauteur de 130 millions d'euros, afin de permettre aux dotations de péréquation incluses dans le périmètre de la DGF d'augmenter, malgré le gel, en euros courants, de cette dotation. Cette disposition s'est apparentée à une mesure de péréquation horizontale puisque des ressources financières ont été prélevées aux communes qui disposaient du montant de complément de garantie le plus élevé pour l'affecter aux communes éligibles aux dotations de péréquation verticale. Cette mesure n'a pas suscité de vive opposition de la part des communes qui se voyaient prélevées.
Or, le FPIC, en 2012, représentera moins de deux fois l'équivalent de la mesure de péréquation qu'a constitué cet écrêtement du complément de garantie . Cette comparaison a semblé au groupe de travail de nature à rassurer les collectivités les plus aisées sur le montant du prélèvement dont elles pourraient faire l'objet en 2012.
C. UN PRÉLÈVEMENT LARGE, OPÉRÉ SUR DES CRITÈRES DE RICHESSE, AU NIVEAU TERRITORIAL
1. Un seul critère de ressources : le potentiel financier agrégé pour les EPCI et le potentiel financier corrigé pour les communes isolées
Les travaux du groupe de travail, menés par Pierre Jarlier, sur la définition d'un nouveau critère de richesse, ont permis de dégager la notion de potentiel financier agrégé , qui doit servir de base à la mise en oeuvre du nouveau dispositif du FPIC .
Le potentiel financier agrégé est défini au niveau de chaque territoire intercommunal, en agrégeant la richesse de l'EPCI avec celle de ses communes membres, et permet ainsi de comparer les EPCI entre eux quel que soit leur mode d'organisation.
Les prélèvements au profit du FPIC ne porteront dont directement que sur les EPCI et les communes isolées . S'agissant des communes isolées, leur potentiel financier corrigé, défini ci-dessus, pourra être comparé avec le potentiel financier agrégé des EPCI. Il conviendra de rapporter le potentiel financier agrégé de l'EPCI - ou le potentiel financier corrigé de la commune isolée - au nombre d'habitants du territoire afin de pouvoir procéder à une comparaison objective.
Au stade du prélèvement, il n'a pas semblé opportun au groupe de travail de prendre en compte des critères de charge . En effet, il est logique qu'un prélèvement soit défini uniquement en fonction de la richesse d'un territoire.
En outre, le mécanisme du FPIC devra être examiné au regard de ses effets nets , c'est-à-dire des montants reversés moins les montants prélevés, chaque collectivité pouvant être, le cas échéant, à la fois contributrice et bénéficiaire du fonds. Un tel dispositif a été appliqué pour la mise en oeuvre du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements prévu par l'article 123 de la loi de finances pour 2011 précitée. Cette possibilité pour une collectivité de cumuler prélèvements et reversements permet notamment de supprimer les effets de seuil souvent préjudiciables au bon fonctionnement des dispositifs de péréquation.
2. Un prélèvement progressif, qui doit probablement débuter en dessous de la moyenne
a) Un prélèvement progressif, plutôt que proportionnel
Le groupe de travail s'est prononcé en faveur d'un prélèvement à taux progressif , en fonction du niveau du potentiel financier par habitant de la collectivité concernée.
Un tel dispositif était appliqué dans le cadre du premier prélèvement au profit du FSRIF. En effet, trois taux de prélèvement étaient prévus, de respectivement 8 %, 9 % et 10 % selon que le potentiel financier par habitant de la commune était égal ou supérieur à respectivement 1,25 fois, 2 fois et 3 fois le potentiel financier moyen des communes de la région Ile-de-France.
Un prélèvement progressif est à la fois plus efficace en termes de montants prélevés et plus juste au regard des écarts de richesse entre les collectivités territoriales. En outre, le groupe de travail étant favorable, comme il sera indiqué ci-après, à l'élargissement du champ des collectivités contributrices, il paraît plus équitable de ne pas prévoir un même taux de prélèvement pour des communes ou des EPCI qui, par exemple, auraient un potentiel financier inférieur à la moyenne et des communes ou intercommunalités dont le potentiel financier serait plus de trois fois supérieur à la moyenne.
Le groupe de travail n'a estimé ni souhaitable ni nécessaire de prévoir a priori un plafonnement du montant du prélèvement, tel que celui que le législateur a adopté pour le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements ou celui qui existait pour le FSRIF. Ce n'est qu'au regard des éventuelles anomalies révélées par les simulations fournies par le Gouvernement que cette hypothèse devra être abordée.
b) L'extension du champ des collectivités prélevées
Il a été rappelé que le prélèvement prévu dans la loi de finances pour 2011 ne porte que sur les collectivités dont le potentiel financier par habitant est supérieur à 1,5 fois le potentiel financier moyen.
Or, d'après les informations transmises au groupe de travail par la direction générale des collectivités locales, seuls 3,6 % des 2 611 EPCI disposent d'un potentiel financier agrégé supérieur à 1,5 fois la moyenne nationale. Il résulterait donc du texte actuel une extrême concentration du prélèvement sur les collectivités les plus riches et un doute sérieux sur l'acceptabilité de ce dispositif.
En outre, le choix de ne prélever que les EPCI et les communes isolées dont le potentiel financier est supérieur à 1,5 fois la moyenne produirait des effets de seuil importants . Un EPCI qui serait, en année « n », légèrement en-dessous de ce seuil, ne ferait l'objet d'aucun prélèvement mais si son potentiel financier dépasse l'année suivante 1,5 fois le potentiel financier moyen, il subirait un prélèvement sans doute difficilement supportable en raison de son niveau élevé, résultant directement de sa concentration sur un nombre réduit de collectivités.
C'est cette double préoccupation - éviter une excessive concentration des prélèvements et supprimer les effets de seuil préjudiciables aux dispositifs de péréquation - qui a guidé le groupe de travail pour proposer un prélèvement sur un nombre moins restreint de collectivités.
c) Trois hypothèses qui doivent faire l'objet de simulations
Trois scénarios ont été dégagés par le groupe de travail, qui doivent faire l'objet de simulations pour en appréhender pleinement les conséquences :
- dans la première hypothèse, le prélèvement porterait sur l'ensemble des EPCI et des communes isolées , quel que soit le niveau de leur potentiel financier par habitant. Le taux de prélèvement serait toutefois progressif en fonction du niveau du potentiel financier par habitant ce qui garantirait aux collectivités les plus défavorisées un montant très réduit de prélèvement, qui serait en outre compensé par les reversements en provenance du fonds ;
- dans une seconde hypothèse, le prélèvement ne concernerait que les communes isolées et les EPCI dont le potentiel financier par habitant serait supérieur à environ 80 % de la moyenne . D'après les chiffres fournis par la DGCL, 43,3 % des EPCI auraient un potentiel financier agrégé supérieur à 75 % du potentiel financier moyen. Le prélèvement concernerait donc un peu moins de la moitié des EPCI ; il serait donc plus diffus et plus acceptable pour les collectivités contributrices. En outre, la progressivité du prélèvement et la compensation, le cas échéant, des prélèvements par les reversements, permettraient de neutraliser les effets de seuil ;
- enfin, dans une troisième hypothèse, ne contribueraient au FPIC que les EPCI et les communes isolées dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne . Ce dispositif permettrait de ne faire subir un prélèvement qu'aux collectivités territoriales les plus aisées. Toutefois, les simulations opérées sur la base de cette hypothèse risquent de révéler une concentration très forte de ces prélèvements, qui pourrait porter préjudice au fonctionnement du dispositif.
d) Un système de taxe par répartition
A partir des principes posés ci-avant - prélèvement sur les seuls EPCI et communes isolées, selon un barème progressif et portant sur une large part des collectivités territoriales - le groupe de travail préconise la mise en place d'un système de taxe par répartition .
Le principe de ce système est d'élaborer, chaque année, un barème de contribution à partir du produit qui devra résulter de cette contribution. Ce système permet de garantir le montant global qui sera prélevé au profit du FPIC et reversé par lui. Les taux de contribution, progressifs, seront déterminés en fonction de la base de prélèvement c'est-à-dire du nombre d'EPCI et de communes isolées prélevés et de l'écart de leur potentiel financier par rapport au potentiel financier moyen.
3. Dédramatiser l'enjeu de la stratification
a) Les enjeux du débat
Enfin, le prélèvement au profit du FPIC soulève la question de la stratification ou non du potentiel financier moyen par habitant servant de référence pour calculer les montants acquittés par chacun des EPCI et communes isolées.
Dans un dispositif non stratifié, chaque EPCI ou commune isolée du territoire verrait son potentiel financier par habitant comparé au potentiel financier par habitant moyen de l'ensemble des EPCI et communes isolées françaises. Dans un système stratifié, le prélèvement serait opéré en scindant les EPCI et communes isolées en plusieurs catégories, en fonction de leur population. Au sein de chaque strate de population, le potentiel financier par habitant d'une collectivité serait comparé au potentiel financier par habitant moyen des EPCI et communes de la seule strate à laquelle elle appartient.
La mission d'information menée par Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale a opté pour l'absence de stratification des potentiels financiers, considérant qu'il était plus objectif de comparer les collectivités entre elles sans tenir compte de leur population.
Au sein du comité des finances locales, aucun consensus ne s'est pour l'instant dégagé sur la question de la stratification, qui fait l'objet des plus vifs débats s'agissant de la mise en place du FPIC.
Pourquoi cette question est-elle au coeur des préoccupations relatives à la mise en oeuvre de la péréquation communale et intercommunale ? Comme l'indique le tableau ci-dessous, les potentiels financiers par habitant des communes croissent actuellement très fortement avec la population de la commune considérée.
Potentiel financier par habitant par strate démographique communale
(en euros)
Strates démographiques |
Potentiel financier par habitant (2010) |
0 à 499 habitants |
538,00 |
500 à 999 habitants |
601,29 |
1 000 à 1 999 habitants |
662,33 |
2 000 à 3 499 habitants |
770,43 |
3 500 à 4 999 habitants |
842,85 |
5 000 à 7 499 habitants |
937,19 |
7 500 à 9 999 habitants |
988,11 |
10 000 à 14 999 habitants |
957,92 |
15 000 à 19 999 habitants |
1 032,49 |
20 000 à 34 999 habitants |
1 017,43 |
35 000 à 49 999 habitants |
1 128,38 |
50 000 à 74 999 habitants |
1 120,60 |
75 000 à 99 999 habitants |
1 234,79 |
100 000 à 199 999 habitants |
1 091,31 |
200 000 habitants et plus |
1 323,02 |
Potentiel financier moyen national |
907,00 |
Source : direction générale des collectivités locales
Il résulterait donc d'un mécanisme de prélèvement non stratifié une concentration du prélèvement sur les communes les plus peuplées, c'est-à-dire sur les communes urbaines . La majorité, voire l'intégralité des communes les plus importantes seraient contributrices au FPIC, alors que la très grande majorité des communes rurales seraient exonérées de tout prélèvement.
Le groupe de travail a privilégié une approche pragmatique de la question de la stratification . L'objectif poursuivi est en effet de pouvoir mettre en place un FPIC sans que l'opposition suscitée auprès des EPCI et communes contributrices ne constitue un blocage et n'empêche la mise en oeuvre effective de ce dispositif.
La progression constatée du potentiel financier par habitant en fonction de la population des communes s'explique par la corrélation entre la taille d'une collectivité territoriale et les charges qui pèsent sur elles . Cette corrélation est en effet si manifeste qu'elle ne peut s'expliquer par une supposée moins grande rigueur des exécutifs locaux des collectivités urbaines dans la gestion des finances de leurs communes mais bien par des besoins en fonctionnement et en investissement supérieurs.
Partant de ce constat, il convient de reconnaître que stratifier le prélèvement au profit du FPIC équivaut à prendre en compte, partiellement, des critères de charge pour calculer les montants qui seront acquittés par chaque commune.
b) La préconisation du groupe de travail : un nombre de strates limité
A l'issue de ses travaux, le groupe de travail a préconisé, de manière consensuelle, une stratification des EPCI et des communes isolées avec un nombre réduit de strates, limitées à 4 ou 6 . Ce choix résulte de deux constats partagés par l'ensemble du groupe de travail.
D'une part, l'enjeu de la stratification doit être dédramatisé. En effet, contrairement à ce que présente le tableau ci-dessus, les strates ne concerneront pas les communes mais les EPCI et les communes isolées. A partir de 2014, les seules communes isolées concernées seront celles de la petite couronne francilienne, dont la taille équivaut en moyenne à celle d'importants EPCI de province. Par conséquent, la répartition des potentiels financiers par habitant des EPCI et des communes isolées entre les strates sera moins hétérogène que ne l'est actuellement celle des potentiels financiers des communes .
En outre, la nouvelle définition du potentiel financier agrégé proposée par le groupe de travail englobe une part plus large des ressources des communes et des EPCI que celle actuellement prise en compte dans la notion de potentiel financier. L'inclusion, notamment, des dotations de péréquation verticale, permet également de lisser les écarts de potentiels financiers par habitant.
Enfin, la réduction du nombre de strates proposée par la commission des finances aura également un effet de lissage des écarts par rapport aux quinze strates communales actuelles présentées dans le tableau ci-dessus.
L'écart de potentiel financier par habitant constaté entre les strates inférieure et supérieure du tableau ci-avant allait de 1 à 2,5. D'après les premières simulations fournies par la DGCL, l'écart entre les potentiels financiers agrégés des EPCI serait plus réduit, puisqu'il irait de 1 à 1,9, comme l'indique le tableau ci-dessous, si l'hypothèse de six strates était retenue. La réduction des écarts de potentiel financier par habitant, qui résulte de la territorialisation du prélèvement au profit du FPIC, doit donc apaiser les débats relatifs à la stratification ou non du prélèvement.
Potentiel financier agrégé des EPCI ou potentiel financier corrigé des communes isolées par habitant, par strate démographique intercommunale ou communale
(en euros)
Strates démographiques |
Potentiel financier par habitant |
0 à 9 999 habitants |
737,67 |
10 000 à 19 999 habitants |
796,41 |
20 000 à 49 999 habitants |
942,90 |
50 000 à 99 999 habitants |
1 099,46 |
100 000 à 199 999 habitants |
1 175,56 |
200 000 habitants et plus |
1 389,20 |
Potentiel financier moyen national |
1 068,86 |
Source : direction générale des collectivités locales
D'autre part, l'approche pragmatique du groupe de travail l'a conduit à s'attacher à garantir l'acceptabilité du dispositif mis en oeuvre . L'objectif du FPIC n'est pas de redistribuer des richesses en provenance des EPCI et des communes isolées urbaines vers les EPCI ruraux mais, à terme, de garantir à chaque collectivité un niveau de ressources qui lui permette, dans des conditions satisfaisantes, de faire face aux charges qui pèsent sur elle. Ces charges étant corrélées à la taille des collectivités, la stratification du prélèvement est conforme à la logique du FPIC.
Or, en l'absence de toute stratification, la répartition des prélèvements entre les territoires dont la population est faible et les grandes intercommunalités ou communes urbaines ne serait pas acceptable . A titre d'exemple, dans l'hypothèse proposée par le groupe de travail d'un potentiel financier élargi par rapport au potentiel financier actuel, et en l'absence de toute stratification, 78 % des EPCI et communes isolées appartenant à la strate supérieure (200 000 habitants ou plus) subiraient un prélèvement au profit du FPIC, alors que seuls 3 % des EPCI et communes isolées de la strate inférieure (moins de 10 000 habitants) subiraient un prélèvement. Une telle distorsion des prélèvements est de nature à rendre inapplicable le dispositif du FPIC.
Enfin, le groupe de travail rappelle que ses positions ont été élaborées sans disposer de l'ensemble des simulations nécessaires. L'examen approfondi des simulations qui seront effectuées, d'ici à l'automne, par le Gouvernement, permettra d'évaluer, en pratique, les conséquences de ses choix.
D. LES REVERSEMENTS : NEUTRALITÉ ET SIMPLICITÉ DES CRITÈRES
Comme pour les prélèvements, le groupe de travail est favorable à des reversements en provenance du FPIC qui ne concerneront directement que les EPCI et les communes isolées. Les modalités pratiques de répartition des reversements entre l'EPCI et ses communes membres seront détaillées ci-après.
1. Simplicité et lisibilité des critères de reversements
a) Mettre en place un indice synthétique de ressources et de charges
Si le prélèvement doit être calculé en fonction de la richesse de chaque collectivité, c'est-à-dire en fonction du seul critère de son potentiel financier par habitant, les reversements doivent, comme il a été rappelé, être effectués en fonction à la fois de critères de ressources et de critères de charges.
Il convient donc d'élaborer un indice synthétique, pour chaque EPCI et chaque commune isolée, qui réunira critères de ressources et de charges et en fonction duquel les reversements seront opérés.
b) Un seul critère de ressources : le potentiel financier par habitant
S'agissant du critère de ressources, la définition des nouveaux potentiels financiers agrégés des EPCI et des potentiels financiers corrigés des communes isolées permet d'établir un critère fiable et objectif de la richesse des collectivités. C'est le potentiel financier par habitant qui doit donc être retenu comme critère de ressources au sein de l'indice synthétique . Il satisfait aux deux impératifs de simplicité et de lisibilité qui ont guidé le groupe de travail dans ses travaux.
A priori , et par cohérence, le groupe de travail est favorable à une stratification du potentiel financier par habitant pris en compte dans l'indice synthétique, selon les mêmes principes que ce qui sera prévu pour le calcul du prélèvement. Toutefois, les simulations permettront d'éclairer la réflexion sur ce point et de comparer les deux hypothèses d'un reversement sans stratification ou d'un reversement stratifié.
De même, le groupe de travail attendra des simulations qu'elles éclairent le débat sur la pondération, au sein de l'indice synthétique, du critère de ressources et des critères de charges. Il souhaite que puissent être réalisées des simulations sur deux hypothèses : une pondération à 50 % pour chacun des deux critères et une pondération à hauteur de 70 % pour le critère du potentiel financier par habitant et à 30 % pour le critère de charge.
c) Ne pas s'enliser dans le débat sur les charges des collectivités territoriales
Le groupe de travail rappelle la nécessité absolue de définir des critères de reversement simples et lisibles .
A cet égard, il convient d'éviter un écueil : tenter de calculer, collectivité par collectivité, les charges effectives qui pèsent sur elle et qui ne résultent pas des choix politiques opérés par les exécutifs locaux . En effet, cette question, qui nourrit, depuis plusieurs années, les débats sur la péréquation, ne semble pas pouvoir être tranchée en pratique. Il ressort de l'ensemble des études menées sur ce point que le premier déterminant de la dépense locale est la ressource locale. Plus une collectivité est riche, plus elle investit et plus ses charges de fonctionnement sont élevées. Tenter de faire le départ, au sein de chaque budget local, entre les charges imposées à la collectivité et celles qui résultent de choix de gestion est une gageure qui ne peut être relevée. Cette tentative entrainerait, en outre, un débat sur les critères de bonne gestion des collectivités territoriales dont l'issue est incertaine et qui risquerait de remettre en cause le principe constitutionnel d'autonomie des collectivités territoriales.
Le groupe de travail de la commission des finances de l'Assemblée nationale s'est prononcé en faveur de quatre critères de charges à prendre en compte au sein de l'indice synthétique :
- le nombre de logements sociaux. Les rapporteurs indiquent que ce critère étant fortement corrélé avec le critère du nombre d'allocataires d'aides personnalisées au logement, il est inutile de retenir celui-ci ;
- la longueur de voirie communale ;
- le nombre d'enfants de 0 à 18 ans scolarisés ;
- le nombre d'étudiants.
Ce panel de critères suscite de nombreuses interrogations. En effet, il implique tout d'abord de les pondérer en fonction de la part qu'ils représentent dans les dépenses des communes et des EPCI. Or, il apparaît difficile de déterminer une pondération objective, applicable aussi bien à de petits EPCI ruraux qu'à de grands EPCI urbains. Par ailleurs, malgré le choix de quatre critères, on ne peut que constater leur absence d'exhaustivité par rapport aux charges qui pèsent effectivement sur les communes et les intercommunalités. Enfin, choisir une batterie de critères ouvre un débat sans fin sur la corrélation entre ces critères et les charges qui pèsent sur le bloc communal, débat qui pourra difficilement être tranché puisque les communes françaises bénéficient d'une clause de compétence générale qui les habilite à intervenir très largement dans les affaires publiques.
C'est pourquoi le groupe de travail de la commission des finances n'est pas favorable à la détermination d'un panel de critères de charges .
d) Un critère de charge simple et pertinent : le revenu moyen par habitant
Pour garantir la simplicité et la lisibilité du critère de charges pris en compte au sein de l'indice synthétique, le groupe de travail a retenu un unique critère : le revenu moyen par habitant de l'EPCI ou de la commune isolée concernée.
Outre sa simplicité, la DGCL a confirmé la bonne corrélation existante entre les charges effectives supportées par les communes et les intercommunalités et les revenus moyens de leurs habitants .
Ce critère permet de viser à la fois certains territoires ruraux dont les populations sont défavorisées et les territoires urbains en difficulté où réside une population qui dispose de revenus faibles. Il permet en particulier, à l'inverse de celui du logement social, de cibler précisément les populations pauvres, alors que les logements sociaux peuvent aussi bien être occupés par des populations très défavorisées que par des populations moins en difficulté. Le critère du revenu moyen par habitant est donc, à cet égard, plus objectif.
Le calcul du revenu moyen par habitant pourra être effectué sur la base du revenu fiscal de référence, l'administration disposant déjà de cette information.
L'indice synthétique sera donc composé de deux critères principaux : le potentiel financier moyen par habitant pour le critère de ressources et le revenu moyen par habitant pour le critère de charges .
2. Deux ajustements à envisager
Sur la base du critère synthétique ainsi composé, le groupe de travail a souhaité que deux ajustements soient envisagés .
a) La prise en compte de l'effort fiscal
Retenir uniquement le potentiel financier par habitant et le revenu par habitant comme critères de reversement pose le problème de traiter de manière équivalente les collectivités qui mobilisent leurs ressources fiscales et celles qui ne les mobilisent pas.
Certes, au sein du potentiel financier agrégé ou corrigé, les composantes fiscales sont calculées en utilisant non le taux effectivement voté par la collectivité mais un taux moyen d'imposition qui corrige les écarts de taux. Toutefois, cette disposition ne permet que de gommer les écarts entre les collectivités qui imposent fortement et celles qui pratiquent des taux d'imposition plus faibles. Elle ne conduit pas à favoriser particulièrement les collectivités qui mobilisent le plus leurs ressources fiscales.
C'est pour répondre à cette préoccupation que le groupe de travail s'est prononcé en faveur d'une prise en compte de l'effort fiscal pour moduler l'indice synthétique servant de critère aux reversements .
Les modalités de cette prise en compte devront être précisées au regard des simulations effectuées par le Gouvernement. Il conviendra notamment d'éviter de favoriser de manière excessive les collectivités dont les taux d'imposition sont les plus élevés parce qu'elles sont budgétairement les moins vertueuses.
b) S'approcher d'une mesure du coût de la vie
Par ailleurs, le groupe de travail de la commission des finances est attaché à ce que le critère du revenu par habitant soit le plus représentatif possible des charges des collectivités territoriales.
A cet égard, il constate que le coût de la vie peut varier fortement entre les territoires. Par conséquent, le seul revenu moyen par habitant brut n'est pas nécessairement représentatif du pouvoir d'achat des habitants des collectivités.
Pour s'approcher d'une mesure plus précise de ce pouvoir d'achat, le groupe de travail souhaite que soit examinée la possibilité de pondérer le revenu par habitant au regard du coût du logement , premier poste de dépense des ménages français, dans le territoire concerné .
Les outils techniques nécessaires à cette prise en compte existent déjà. Les zonages actuels du territoire pour l'application du dispositif de défiscalisation Scellier (zones A, A bis , B1, B2, C) pourraient être repris. Ils permettent de mesurer, globalement, le coût du logement en fonction de la situation géographique des habitants. Ils pourraient servir de base à une pondération du revenu moyen par habitant qui traduise les écarts de coût de la vie entre les territoires.
L'ajustement du revenu par habitant en fonction du coût du logement dans le territoire concerné devrait être mis en oeuvre en fonction du résultat des simulations fournies sur ce point par le Gouvernement.
E. LA CONFIRMATION DU RÔLE CENTRAL DES EPCI
1. Les prélèvements et reversements ne porteront directement que sur les EPCI et les communes isolées
Comme il a été indiqué ci-avant, les prélèvements et les reversements du FPIC ne concerneront directement que les EPCI et les communes isolées.
a) La nécessité de répercuter prélèvements et reversements sur les communes membres
Toutefois, concernant les EPCI, il ne serait pas justifié que ces opérations financières ne soient pas répercutées sur leurs communes membres .
En effet, le FPIC est un fonds de péréquation intercommunal et communal et ne vise pas uniquement les EPCI. C'est la raison pour laquelle le critère de prélèvement et de reversement utilisé pour les intercommunalités est celui du potentiel financier agrégé, qui additionne les ressources de l'EPCI avec celles de ses communes membres.
Il convient donc de prévoir, comme l'illustre l'organigramme ci-dessous, les modalités de contribution des communes membres d'EPCI aux prélèvements opérés au profit du FPIC et les modalités de redistribution, par les EPCI, à leurs communes membres, des reversements opérés par le fonds .
b) L'organisation des prélèvements et reversements du FPIC
Organisation des prélèvements et reversements du FPIC
Le groupe de travail suggère de traiter différemment la répartition entre les EPCI et leurs communes membres pour, d'une part, les prélèvements au profit du FPIC et, d'autre part, les reversements en provenance du FPIC. En effet, les prélèvements vers le fonds ne sont fonction que de la richesse des collectivités territoriales. Ils ont un caractère d'automaticité en fonction de la richesse des territoires qui garantit l'objectivité et l'acceptabilité du dispositif. A l'inverse, au stade des reversements, le dispositif proposé par le groupe de travail souhaite donner toute sa part au rôle de péréquation joué par les intercommunalités et prévoit donc des règles de répartition plus souples.
2. Définir des règles de répartition au sein des EPCI
a) S'agissant des prélèvements au profit du FPIC
Le montant du prélèvement pesant sur l'EPCI sera déterminé en fonction de sa richesse, mesurée par l'écart entre son potentiel financier agrégé par habitant et le potentiel financier moyen par habitant des EPCI et des communes isolées de la strate à laquelle il appartient.
Or, le potentiel financier agrégé résulte, d'une part, du potentiel financier propre de l'EPCI et, d'autre part, des potentiels financiers corrigés des communes membres de l'EPCI.
Une fois le montant du prélèvement au FPIC déterminé pour un EPCI, la répartition du poids de ce prélèvement entre l'EPCI et ses communes membres doit donc être effectuée au prorata de la contribution de chacun au potentiel financier agrégé . Cette règle est la plus incontestable. Elle garantit que les communes riches membres de l'EPCI subiront un prélèvement plus élevé que les éventuelles communes pauvres qui seraient membres du même EPCI. Elle permet également de faire contribuer l'EPCI lui-même à hauteur de son potentiel financier et donc de distinguer, au niveau du prélèvement, le traitement des EPCI très intégrés fiscalement de ceux qui le sont moins.
Dans le cas, par exemple, d'un EPCI disposant de peu de compétences et de ressources fiscales par conséquent limitées, le prélèvement ne pèsera, in fine , que de manière limitée sur l'EPCI mais essentiellement sur les communes qui le composent.
b) S'agissant des reversements en provenance du FPIC
La position du groupe de travail est différente en ce qui concerne la répartition, entre l'EPCI et chacune de ses communes membres, des reversements en provenance du FPIC. En effet, au stade du reversement, il est concevable de laisser l'EPCI jouer pleinement son rôle de péréquation interne . Cette possibilité est conforme à la conviction du groupe de travail que les intercommunalités ont vocation à mener une politique de réduction des écarts de ressources entre leurs communes membres.
(1) Une règle légale qui s'appliquera par défaut
Par conséquent, le groupe de travail a opté pour la définition de règles législatives strictes de répartition qui ne s'appliqueront qu'à défaut d'une délibération de l'EPCI. La loi prévoira :
- dans un premier temps, une répartition du reversement du FPIC entre l'EPCI et ses communes membres proportionnellement au coefficient d'intégration fiscale . Ainsi, l'EPCI ne conservera qu'une part du reversement proportionnel au rôle qu'il tient dans la structure financière de l'intercommunalité. Un EPCI très peu intégré ne conservera qu'une faible partie des fonds redistribués ;
- dans un second temps, une répartition du reliquat entre les communes membres de manière inversement proportionnelle au potentiel financier par habitant de chaque commune, multiplié par son nombre d'habitants.
(2) Des marges de manoeuvres laissées aux EPCI
Toutefois, deux ajustements peuvent être envisagés s'agissant de cette répartition.
D'une part, le groupe de travail est favorable à ce que la possibilité soit laissée aux EPCI de déterminer, par une décision prise à l'unanimité, une répartition spécifique des reversements du FPIC . Il faut, en cette matière, faire confiance aux intercommunalités et la règle de l'unanimité protègera les communes membres de l'EPCI contre une répartition arbitraire des montants en provenance du fonds.
D'autre part, les intercommunalités pourraient, à la majorité qualifiée habituelle - les deux tiers des communes représentant la moitié de la population ou la moitié des communes représentant les deux tiers de la population - choisir entre deux options de répartition ouvertes par le législateur . La définition de ces deux options devra faire l'objet de débats lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 mais le groupe de travail est ouvert aux propositions que le Gouvernement pourra faire sur ce point.
III. LE NOUVEAU FONDS DE SOLIDARITÉ DES COMMUNES DE LA RÉGION D'ILE-DE-FRANCE ET SA COMBINAISON AVEC LE FPIC
A. UN OUTIL INDISPENSABLE AU REGARD DES SPÉCIFICITÉS DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE
1. Des écarts de richesse majeurs
La région Ile-de-France se singularise par rapport aux autres régions françaises sur deux points :
- c'est incontestablement la plus riche des régions françaises (elle concentre 28,3 % du PIB national) ;
- c'est aussi la région où les écarts de richesse entre collectivités sont les plus élevés, de un à dix selon les calculs de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France (IAURIF), auditionné par le groupe de travail.
Écart de richesse fiscale des communes de plus de 10 000 habitants (2007)
Source : IAURIF
2. Le seul exemple de péréquation intra régionale existant
Le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France est à ce jour le seul instrument de péréquation horizontale répondant à des règles de fonctionnement précises fixées par la loi.
Créé par la loi du 13 mai 1991 17 ( * ) , il repose sur un système original et assez complexe, mettant en oeuvre un double prélèvement .
Un premier prélèvement est effectué sur les communes dont le potentiel financier par habitant est supérieur d'au moins 25 % au potentiel financier moyen régional. Un second prélèvement est opéré sur les communes et les EPCI dont les bases de taxe professionnelle par habitant excèdent respectivement 2,5, 3 et 3,5 fois la moyenne des bases de TP nationales.
Seules les communes sont éligibles au fonds. Elles sont à cet effet classées selon un indice synthétique de ressources et de charges reposant sur des critères multiples : potentiel financier par habitant, bénéficiaires des aides personnelles au logement (APL) et ayants droit, nombre de logements sociaux et revenu par habitant.
Sont éligibles :
- la première moitié des communes de 10 000 habitants et plus
- les premiers 18 % des communes de 5 000 à 9 999 habitants.
En 2009 , le total des ressources du FSRIF s'est élevé à 186 millions d'euros. 72 communes ont contribué au premier prélèvement à hauteur de 156 millions d'euros et 10 communes, un EPCI à taxe professionnelle de zone (TPZ) et trois EPCI à TPU ont alimenté le deuxième prélèvement pour respectivement 25 millions d'euros et 3,7 millions d'euros.
125 communes de 10 000 habitants et plus et 20 communes de 5 000 à 9 999 habitants ont bénéficié des reversements du fonds pour 175 millions et 6 millions d'euros.
3. Une utilité reconnue par les lois de finances successives
La réforme de la taxe professionnelle a mis en péril l'avenir du FSRIF puisque cette taxe constituait l'assiette du second prélèvement. Tenant compte de son rôle reconnu de réducteur des inégalités régionales, les deux lois de finances successives pour 2010 et 2011 ont garanti la permanence de ce dispositif de péréquation régionale, sans toutefois définir les modalités précises de son fonctionnement à l'avenir.
La loi de finances pour 2010 18 ( * ) (article 78) a prévu « qu'à compter de l'année 2011, les modalités de fonctionnement du Fonds de solidarité de la région Ile-de-France sont modifiées pour prendre en compte, d'une part, l'impact de la modification de la notion de potentiel financier [...] et, d'autre part, l'impact de la suppression de la taxe professionnelle [...]. »
Elle a précisé également que pour l'année 2011, « les ressources et les versements du FSRIF sont d'un montant au moins égal aux montants redistribués en 2010 ».
Cet engagement a été confirmé par l'article 76 de la même loi de finances, dans le cadre de la clause de revoyure qu'il instituait. Le rapport demandé au Gouvernement en vue de préciser les conséquences et les conditions de mise en oeuvre de la suppression de la taxe professionnelle devait ainsi :
« - proposer les évolutions nécessaires du fonctionnement du fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle afin de parvenir à un niveau de péréquation au moins équivalent à celui existant avant la présente loi de finances ;
« - envisager différentes solutions pour faire évoluer le dispositif de garantie de ressources prévu par la présente loi et son articulation avec des dispositifs de péréquation verticale et horizontale, abondés par les collectivités et par des dotations de l'Etat . »
Le rapport établi par le Gouvernement en juin 2010 19 ( * ) s'est révélé assez peu précis sur l'avenir du FSRIF, préconisant toutefois l'addition d'un mécanisme de péréquation national et d'un dispositif régional, cette solution permettant tout à la fois de préserver l'outil du FSRIF et de parvenir en 2015 à des montants de péréquation équivalents à ceux des FDPTP et du FSRIF.
La solution préconisée était doublement insatisfaisante : elle généralisait à l'ensemble de la France un mécanisme qui n'avait de sens que dans un nombre limité de régions françaises et elle renvoyait au moyen terme la garantie des montants de ressources péréquées.
La loi de finances pour 2011 précitée (article 125) a donc remis sur le chantier la question de l'avenir du FSRIF qui n'avait pas été traitée.
Le projet initial du Gouvernement ne comportait que la création d'un fonds national, sans référence au dispositif du FSRIF, proposition écartée par l'Assemblée nationale au profit d'une généralisation des fonds régionaux accompagnée de la garantie que le montant du FSRIF en 2012 serait égal au montant 2009.
Le texte définitif - retenu dans sa version adoptée par le Sénat - limite au seul FSRIF la création de fonds régionaux mais prévoit que les montants gérés par le FSRIF sont multipliés par 1,5 d'ici à 2015. Il accorde également au FSRIF une autonomie de gestion par rapport au fonds de péréquation intercommunal et communal en raison de « la spécificité de la région d'Ile-de-France . »
La loi de finances pour 2011 a ainsi définitivement acté l'existence d'un fonds de péréquation propre à la région Ile-de-France, tout en écartant une transformation en dotation d'Etat (comme pour les FDPTP) ainsi qu'une sanctuarisation de ses ressources au montant atteint en 2009.
Mais elle n'a pas réglé les questions de son fonctionnement, ni de son articulation avec le fonds de péréquation national.
B. UN CUMUL DE PÉRÉQUATION SOUTENABLE
1. Définir un objectif ambitieux et réaliste
Selon la loi de finances pour 2011, « l'objectif de ressources » du nouveau FSRIF « est fixé, dès 2012, à un niveau au moins égal à celui atteint en 2009 par le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, pour atteindre en 2015 une fois et demie ce niveau . »
C'est bien volontairement que la loi écarte les résultats obtenus par la péréquation régionale en 2010, année où la contribution de la ville de Paris a connu une baisse exceptionnelle, liée à un transfert de charges entre le département et la commune 20 ( * ) .
Le groupe de travail a, en conséquence, considéré que la base de départ des ressources du FSRIF devait être fixée à 200 millions d'euros en 2012 et qu'elles devraient évoluer linéairement, comme les ressources du FPIC ; soit s'établir à 233 millions d'euros en 2013, 266 millions d'euros en 2014 et 300 millions d'euros en 2015 .
Comme pour le FPIC, il sera souhaitable à cette échéance de mesurer les effets de la péréquation régionale et, éventuellement, de décider ou non d'une poursuite de cette hausse au même rythme ou d'une accélération .
Le groupe de travail a cependant envisagé un autre mécanisme consistant non plus à déterminer a priori un montant de ressources, mais à fixer un objectif à partir duquel serait déduit le niveau de recettes nécessaire pour le fonds. Il préconise ainsi de retenir un scénario selon lequel le FSRIF devrait permettre à chaque commune et EPCI d'Ile-de-France d'atteindre 70 % de l'indice synthétique de ressources et de charges servant de critère aux reversements du FSRIF.
Une demande de simulation des ressources nécessaires a été adressée à la DGCL par le groupe de travail. Elle n'a pas été satisfaite à la date de présentation des propositions du groupe mais ce scénario reste une hypothèse de travail envisageable dans la perspective du projet de loi de finances pour 2012.
2. Rejeter la mauvaise solution du préciput
S'agissant de l' articulation entre le FPCI et le FSRIF , le groupe de travail a examiné trois scénarios :
- un scénario qu'il a rapidement privilégié, celui de la superposition de deux fonds de péréquation, l'Ile-de-France étant contributrice et bénéficiaire des deux fonds ;
- deux scénarios alternatifs, celui d'un unique fonds avec un dispositif de sanctuarisation des prélèvements franciliens au profit de l'Ile-de-France, et celui de deux fonds étanches, l'un ne concernant que l'Ile-de-France, l'autre ne concernant que les autres régions françaises.
Il était inenvisageable, pour des raisons de simple équité, d'exclure a priori et totalement les collectivités d'Ile-de-France de l'effort de solidarité découlant de la mise en place d'un système de péréquation national.
Quant au mécanisme de préciput, réservant la « part du FSRIF » sur le produit collecté par le FPIC, il aurait pu aboutir à réduire à la portion congrue les reversements à destination des collectivités hors Ile-de-France, particulièrement dans les deux premières années de fonctionnement du Fonds.
Le groupe de travail a estimé que la création d'un nouveau FSRIF ne devait pas pour autant conduire à exclure les EPCI et communes de l'Ile-de-France du FPIC et de la participation à la péréquation nationale entre les blocs communaux.
Il a donc fait le choix de rendre les collectivités d'Ile-de-France également contributrices et bénéficiaires au FPIC et de superposer les deux dispositifs .
Cette solution porte l'objectif total de péréquation, sur les deux mécanismes, à 1,3 milliard d'euros en 2015.
Objectifs en millions d'euros
Source : commission des finances
3. Exclure les doubles comptes
Toutefois, le groupe de travail a entendu les observations de ceux qui ont évoqué l'injustice d'un prélèvement au FPIC qui serait effectué sur des ressources déjà mises à contribution pour le FSRIF.
Pour éviter cet effet, il propose que le dispositif du FSRIF s'applique , dans ses deux phases de prélèvement et de reversement, avant la mise en oeuvre du FPIC . Ainsi, dans un premier temps, les écarts de richesse internes à la région seront corrigés puis, dans un second temps, la mise en oeuvre du FPIC au niveau national interviendra. Ce mécanisme protège les communes et EPCI d'Ile-de-France contre un éventuel effet de « double lame » puisque les prélèvements et reversements au FSRIF seront pris en compte dans le calcul de la richesse des territoires, avant l'intervention du FPIC.
Articulation proposée du FPIC et du FSRIF
Etape 1 : Prélèvement au FSRIF sur l'ensemble des EPCI et communes d'IDF (taux progressif en fonction du potentiel agrégé)
Etape 2 : Reversement du FSRIF aux communes d'IDF (critère de potentiel corrigé + revenu moyen par habitant)
Etape 3 : Intégration des prélèvements et reversements FSRIF dans le calcul du potentiel agrégé des EPCI et communes d'IDF
Etape 4 : Prélèvement au FPIC sur l'ensemble des EPCI (et communes isolées) de France (taux progressif en fonction du potentiel agrégé)
Etape 5 : Reversement du FPIC à l'ensemble des EPCI (et communes isolées) de France (critère de potentiel corrigé + revenu moyen par habitant)
Source : commission des finances
C. UNE TRANSITION VERS DAVANTAGE DE SIMPLICITÉ
1. Des modalités de prélèvement simplifiées
De manière générale, le groupe de travail considère que les critères et les modalités de prélèvement au FSRIF doivent être identiques à ceux applicables au FPIC . Ceci signifie un prélèvement opéré sur les EPCI et les communes isolées, avec report sur les communes membres en fonction du coefficient d'intégration fiscale et une modulation du prélèvement en fonction de l'écart au potentiel financier corrigé moyen régional.
Toutefois, les spécificités de la région justifient que le prélèvement au FSRIF ne soit pas stratifié. Les taux de prélèvement, définis pour le FPIC, seront ajustés pour produire le montant à prélever selon le mécanisme des taxes par répartition.
Enfin, le groupe de travail est favorable à la suppression de tout seuil d'éligibilité ainsi que des régimes d'exonérations existants , dont les effets incohérents ont été démontrés.
Le mécanisme du FSRIF actuel était de ce point de vue particulièrement complexe puisqu'il faisait intervenir sur le premier prélèvement :
- un seuil d'application aux communes dont le potentiel financier par habitant est supérieur d'au moins 25 % au potentiel financier moyen régional ;
- un régime d'exonération pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU-CS) ;
- un dispositif de plafonnement (à hauteur de 5 % des dépenses de fonctionnement).
S'agissant du deuxième prélèvement, étaient prévus trois seuils d'assujettissement en fonction des bases de TP par habitant pour les communes et les EPCI ; trois dispositifs distincts de plafonnement (pour revenu des habitants inférieur à 90 % de la moyenne francilienne, pour prélèvement au titre du FDPTP, pour faibles bases d'imposition à la TP) auxquels s'ajoutaient un plafonnement à hauteur de 10 % des dépenses de fonctionnement, et un prélèvement progressif sur les EPCI à TPU.
Ces divers dispositifs avaient pour conséquence, outre une complexité élevée, une importante perte en ligne de produit, estimée à 32 millions d'euros en 2010 pour le premier prélèvement et 99 millions d'euros pour le deuxième prélèvement.
Le nouveau dispositif doit appliquer le principe que chaque territoire (EPCI ou commune isolée) est potentiellement contributeur et bénéficiaire , le solde étant positif pour certains, négatif pour d'autres.
2. Des critères de reversements identiques à ceux du FPIC
En ce qui concerne les reversements, le groupe de travail est également favorable à l'application d'un système comparable à celui du FPIC, utilisant notamment le même indice synthétique , fondé sur le potentiel financier agrégé , le revenu moyen par habitant et une pondération par l' effort fiscal .
Ce choix a une conséquence particulière pour le nouveau FSRIF puisqu'il implique de supprimer les critères actuels liés au logement social , intégrés dans l'indice synthétique qui sert actuellement de calcul au FSRIF.
L'indice fait aujourd'hui intervenir quatre critères : le potentiel financier par habitant de la commune à hauteur de 55 %, la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune pour 15 %, la proportion de bénéficiaires d'APL pour 20 % et le revenu par habitant pour 10 %.
Bien que la pondération des quatre critères soit quelque peu différente de celle utilisée pour la DSU-CS, laquelle minore le potentiel financier (45 %) et majore la proportion de bénéficiaires d'APL (30 %), il n'en reste pas moins que l'intégration du critère lié aux logements sociaux a des effets pervers reconnus. En effet, ce n'est pas la catégorisation de l'immeuble qui crée par elle-même des charges pour la collectivité mais bien le degré de pauvreté de ses habitants. Or, l'on sait que ces deux facteurs ne sont pas liés, compte tenu de la complexité de la notion juridique de logement social et de la diversité de son peuplement. Le critère du revenu par habitant a donc assurément un caractère plus objectif .
Pour ce qui est de la définition des bénéficiaires des reversements , le groupe de travail n'a pas défini de position sur la nécessité de maintenir l'exclusion des communes de moins de 5 000 habitants ou sur la distinction de deux catégories de bénéficiaires, selon le nombre d'habitants des communes.
La principale évolution qu'il propose de simuler est celle de la prise en compte des intercommunalités et du territoire, qui deviendraient pour le FSRIF, comme sur l'ensemble de la France dans le cas du FPIC, le premier niveau de la redistribution de la péréquation horizontale. Le groupe de travail est toutefois conscient des bouleversements que pourrait entraîner la perspective d'une montée en puissance de l'intercommunalité en Ile-de-France sur ces questions de péréquation.
3. Prendre en compte l'historique du FSRIF
Par rapport au FPIC, la rénovation du FSRIF présente une difficulté particulière qui tient au fait qu' il ne s'agit pas d'une création ex nihilo .
De ce fait, même s'il est gommé par l'augmentation globale des ressources du fonds, actée par la loi de finances pour 2011, toutes les modifications proposées auront un impact sur des situations existantes.
Il convient de rappeler, à cet égard, que le groupe de travail a conduit sa réflexion sans aucune simulation , ni sur les potentiels financiers corrigés, ni sur la répartition des prélèvements et des reversements.
Un certain nombre d'effets indésirables pourraient donc apparaître lorsque les données de chaque collectivité seront disponibles. Ainsi, il se pourrait que l'utilisation d'un indice synthétique composé exclusivement des critères de potentiel financier et de revenu par habitant aboutisse à défavoriser à l'excès des communes potentiellement riches du fait de la présence d'entreprises importantes mais dont la population fait partie des plus pauvres.
De même, la mise en oeuvre du nouveau FSRIF et du fonds national pourrait faire peser un poids excessif sur le budget de certaines collectivités ce qui pourrait justifier, au-delà des seules considérations sur le caractère constitutionnel d'un tel mécanisme, l'instauration d'un plafonnement des prélèvements.
C'est pourquoi le groupe de travail est certain que les dispositifs qu'il propose devront faire l'objet d'ajustements sur la base des simulations fournies par le Gouvernement.
Une attention particulière devra également être portée sur les modalités de transition entre les deux dispositifs qui pourra prendre la forme d'un mécanisme de garantie de sortie sur une durée de deux ans par exemple .
IV. LES FONDS DÉPARTEMENTAL ET RÉGIONAL DE PÉRÉQUATION DE LA CVAE
Enfin, le groupe de travail a souhaité aborder la question des fonds départemental et régional de péréquation de la CVAE . La création de ces fonds a été décidée en loi de finances pour 2010, pour répondre à la territorialisation de la CVAE et à ses effets en termes d'inégalités de ressources entre les collectivités territoriales.
Quelques éléments de rappel à cet égard. Le produit de la CVAE s'est élevé à 10,3 milliards d'euros en 2010. Selon une hypothèse de croissance de 2 % de la CVAE en 2011, le produit attendu pour les collectivités territoriales en 2011 s'élèverait à 10,5 milliards d'euros, ainsi répartis :
- 2,78 milliards d'euros pour le bloc communal (26,5 % de la ressource totale) ;
- 5,09 milliards d'euros pour les départements (correspondant à 48,5 % du produit global de la CVAE) ;
- et 2,63 milliards d'euros pour les régions (soit 25 % de la CVAE).
Selon les évaluations proposées par le rapport « Durieux-Subremon », la CVAE représenterait 80 % des ressources fiscales des régions et plus de 30 % des ressources fiscales des départements à compter de l'année 2011 .
La logique des fonds créés pour les départements et les régions s'explique par cette spécificité. En effet, à l'inverse des communes et des intercommunalités, leur richesse fiscale résultera essentiellement de la CVAE et non d'un panier de recettes fiscales étendu comme l'est celui du bloc communal. En outre, les compétences des régions et des départements ont été limitées par la loi précitée de réforme des collectivités territoriales. Il est donc apparu plus adapté au législateur de limiter cette péréquation à la CVAE, plutôt que de mettre en place une péréquation assise sur l'ensemble des recettes des régions et des départements. Enfin, s'agissant des départements, la loi de finances pour 2010 a déjà prévu un fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, qui s'ajoutera au dispositif de péréquation de la CVAE.
Le mécanisme des fonds prévu par la loi de finances pour 2010 a été précisé en loi de finances pour 2011 et ceux-ci doivent entrer en vigueur à compter de l'année 2012 pour une application effective à compter de 2013 .
Toutefois, le groupe de travail estime que la réflexion concernant ces fonds n'a pas été menée jusqu'à son terme et qu'il est nécessaire de revenir sur cette question lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 .
A. LE TEXTE VOTÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2011
1. Une péréquation de la CVAE des régions et des départements prévue dès 2009
a) Des fonds créés sans analyse approfondie, pour pallier la territorialisation de la CVAE
A la différence de sa position concernant le bloc communal, le Sénat avait souhaité, lors de l'examen de la réforme de la taxe professionnelle, conserver une mutualisation du produit de la CVAE pour ses parts départementale et régionale , conformément à ce que proposait le Gouvernement dans la version initiale du projet de loi. Cette mutualisation permettait en effet de transformer la CVAE en un outil de péréquation efficace puisque son produit aurait été intégralement réparti en fonction de critères distincts de l'assiette d'imposition.
Toutefois, l'Assemblée nationale a préconisé pour sa part une territorialisation de la CVAE pour l'ensemble des catégories de collectivités territoriales et, par conséquent, pour les départements et les régions comme pour le bloc communal. Cette vision l'a emporté lors de la réunion de la commission mixte paritaire chargée d'examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2010.
Il en a résulté la nécessité pour le Gouvernement d'élaborer dans l'urgence, avant la lecture devant le Parlement des conclusions de la commission mixte paritaire, un dispositif de péréquation visant à éviter un trop fort creusement des écarts de richesse entre les départements et les régions. Le Gouvernement, comme le Parlement, était par ailleurs soucieux de respecter la disposition inscrite à l'article 72-2 de la Constitution selon laquelle « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».
Deux fonds ont ainsi été inscrits dans la loi de finances pour 2010, sans examen approfondi de leurs effets, à travers l'adoption d'amendements présentés par le Gouvernement en lecture des conclusions de la commission mixte paritaire .
b) Les dispositifs adoptés en loi de finances pour 2010
L'article 78 de la loi de finances pour 2010 a prévu, à compter de 2011, la création de quatre fonds de péréquation de la CVAE : deux fonds pour les régions et deux fonds pour les départements.
Pour chaque échelon de collectivités territoriales, deux fonds étaient donc prévus :
- l'un portant sur le stock du produit fiscal, qui prélève 25 % du produit de CVAE de chaque collectivité, avec une répartition en fonction de critères de charge ;
- l'autre portant sur le flux cumulé de produit fiscal, qui prélève la moitié des ressources de CVAE entre l'année « n » et l'année 2010 excédant la croissance moyenne, avec une répartition en fonction de critères de ressources. Seuls les régions et les départements dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne peuvent être prélevés.
Aucune simulation et aucune évaluation des effets péréquateurs de ces fonds n'avait pu être réalisée avant leur adoption par le législateur.
2. L'évaluation du dispositif voté en 2009
a) Les conclusions du rapport « Durieux-Subremon »
Le rapport précité réalisé par la mission « Durieux-Subremon » en 2010 a permis d'évaluer les effets péréquateurs des fonds créés par la loi de finances pour 2010.
(1) Des mécanismes peu efficaces
Globalement, il a permis de constater la faiblesse des effets de ces fonds en termes de réduction des écarts de richesse entre les départements et les régions . Ainsi, « l'effet péréquateur des mécanismes mis en place pour les régions est faible. Le mécanisme sur stock permet de réduire les inégalités de moins de 5 % et le mécanisme sur flux de moins de 1 % à l'horizon 2015 ».
Cette faiblesse s'explique notamment par le fait que le dispositif de péréquation sur stock s'apparente en réalité à une péréquation sur « flux cumulés » , en raison de la garantie de ressources mise en place via la DCRTP et le FNGIR. En effet, l'évolution du stock de CVAE de chaque collectivité est prise en compte avant compensation à l'euro près des effets de la réforme, ce qui a pour conséquence de neutraliser à court terme son impact. La péréquation ne portera en réalité que sur le différentiel de croissance sur la CVAE constaté entre l'année de référence et les années qui suivent. Cette remarque est valable aussi bien pour les régions que pour les départements.
S'agissant des départements, le rapport conclut également à un effet péréquateur « faible » des mécanismes mis en place : « au total, le mécanisme sur stock permet de réduire les inégalités de 3,4 % et le mécanisme sur flux de 2,5 % à l'horizon 2015 ».
(2) Les pistes d'évolution envisagées
Plusieurs pistes d'évolution sont donc envisagées par la mission afin de rendre les dispositifs de péréquation plus efficaces.
En premier lieu, le rapport préconise une fusion, pour chacune des deux catégories de collectivités concernées, des deux mécanismes de péréquation . Il est en effet inutile de conserver deux dispositifs distincts de péréquation portant sur le flux de CVAE. En outre, la coexistence de deux fonds de péréquation du même produit fiscal pour une même catégorie de collectivités territoriales est de nature à rendre peu lisible l'effet global de la péréquation, d'autant plus que l'un des fonds répartit son produit selon des critères de charges tandis que l'autre utilise des critères de ressources, ce qui manque de cohérence.
Par ailleurs, dans l'hypothèse où le mécanisme de péréquation dit « sur stock » serait préservé, la mission « Durieux-Subremon » souhaite que soit examinée la possibilité d'augmenter au-delà de 25 % le montant de la CVAE prélevé , ce qui permettrait d'accroître l'effet du fonds en termes de réduction des écarts de richesse.
Enfin, le rapport des inspections souligne que l'effet du dispositif de péréquation sur flux est limité par le fait que deux conditions doivent être remplies pour qu'une collectivité subisse un prélèvement : la croissance de ses ressources de CVAE doit être supérieure à la moyenne et son potentiel fiscal doit également être supérieur à la moyenne. Il estime donc que le premier critère pourrait être supprimé et qu'ainsi, « le renforcement de la péréquation sur flux peut être obtenu en prélevant une partie de la croissance de la CVAE de toutes les régions dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne ».
b) Les préconisations des parlementaires en mission
Les travaux des parlementaires en mission ont porté sur les fonds de péréquation départemental et régional de la CVAE comme sur le fonds de péréquation intercommunal et communal ( cf . supra ). Leurs constats et leurs préconisations recoupent, pour une large part, celles du rapport « Durieux-Subremon ». Ils proposent ainsi :
- de supprimer le mécanisme de péréquation sur stock , redondant par rapport au dispositif de péréquation sur flux cumulé en raison de la compensation à l'euro près des effets de la réforme ;
- de majorer à 50 % - au lieu de 25 % - le montant du prélèvement opéré sur les flux cumulés de la CVAE pour les régions comme pour les départements. Cette augmentation vise, d'une part, à compenser la disparition du mécanisme de péréquation sur stock et, d'autre part, à accroître l'effet péréquateur des fonds créés ;
- enfin, de modifier les modalités de redistribution du produit du fonds pour prendre en compte à la fois des critères de ressources et des critères de charges .
3. Le dispositif de l'article 124 de la loi de finances pour 2011
a) La fusion des fonds créés en loi de finances pour 2010
Le dispositif a finalement été fortement modifié par l'article 124 de la loi de finances pour 2011 qui a suivi, dans de nombreux points, les orientations dégagées par le rapport « Durieux-Subremon » et par les parlementaires en mission. Il a toutefois été adopté sans simulations fiables de ses effets.
Certaines des modifications apportées n'ont pas fait l'objet de modifications lors de l'examen du texte par le Parlement :
- pour chacune des deux catégories de collectivités territoriales, les deux fonds de péréquation créés par la loi de finances pour 2010 ont été fusionnés ;
- il en résulte deux fonds de péréquation sur flux cumulé - l'un pour les départements, l'autre pour les régions ;
- un mécanisme « d'effet cliquet » appliqué aux prélèvements permet d'éviter qu'un département ou une région ne fasse pas l'objet d'un prélèvement qui fasse diminuer son potentiel financier par habitant en dessous de la moyenne nationale, ce qui garantit les collectivités contre des prélèvements excessifs.
Un débat s'est en revanche ouvert entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur les critères de prélèvement et l'ampleur des fonds de péréquation .
b) Une ampleur des prélèvements fortement réduite à l'issue du débat parlementaire
(1) La version proposée par le Gouvernement
Dans la version initiale du texte proposée par le Gouvernement, le prélèvement ne portait que sur les seuls départements et régions dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne .
Le montant du prélèvement était égal à la moitié du produit de la CVAE en année « n » qui excède le produit de CVAE de l'année 2011 . C'est le principe de la péréquation sur flux cumulés. En 2012, l'assiette de prélèvement est relativement faible puisqu'elle ne correspond qu'à l'augmentation de CVAE entre les années 2011 et 2012. En revanche, l'ampleur du fonds est appelée à croître avec les années puisque, par exemple, en 2020, ce sera la moitié de la croissance globale de la CVAE entre l'année 2011 et l'année 2020 qui servira à la péréquation.
(2) La version adoptée par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a fortement réduit l'ampleur du dispositif 21 ( * ) de péréquation en prévoyant que le prélèvement ne portera que sur la moitié de la croissance de la CVAE qui excède, pour un département ou une région, la croissance globale de la CVAE entre les années 2011 et « n ».
Il faudra donc non seulement qu'une collectivité connaisse une croissance de sa CVAE pour être prélevée mais, en outre, que cette croissance soit plus rapide que la croissance moyenne de la CVAE sur le territoire national pendant la même période.
(3) La version adoptée par le Sénat
Le Sénat a adopté un amendement de sa commission des finances visant à remplacer le critère du potentiel fiscal par celui du potentiel financier . Le potentiel financier est en effet plus représentatif de la richesse réelle d'un territoire que son seul potentiel fiscal.
Par ailleurs, pour les seuls départements, le Sénat a prévu de revenir à la version initiale du Gouvernement , c'est-à-dire de retenir un prélèvement de la moitié du produit de la CVAE en année « n » qui excède le produit de CVAE de 2011, sans référence à la croissance moyenne de la CVAE.
(4) La version définitive adoptée en CMP
La commission mixte paritaire réunie pour examiner les dispositions du projet de loi de finances pour 2011 restant en discussion a choisi :
- de conserver la notion de potentiel financier plutôt que celle de potentiel fiscal ;
- de revenir à la version adoptée par l'Assemblée nationale pour les départements. Ainsi, pour les régions comme pour les départements, le prélèvement ne sera égal qu'à la moitié de la croissance de la CVAE qui excède la croissance moyenne entre les années 2011 et « n ».
Or, comme l'indique l'exemple ci-dessous, cette version définitive du texte adopté en loi de finances pour 2011 porte préjudice à l'efficacité des fonds de péréquation départemental et régional de la CVAE , par rapport à la version initiale proposée par le Gouvernement.
(5) Exemple concret des conséquences de la modification apportée par le Parlement aux fonds de péréquation de la CVAE
Les tableaux ci-dessous font apparaître la très forte réduction de l'ampleur des fonds entre le dispositif voté en loi de finances pour 2011, actuellement applicable, et celui qui aurait résulté de l'adoption du mécanisme proposé par le Gouvernement .
Les simulations figurant dans les tableaux ci-dessous, applicables aussi bien aux régions qu'aux départements, sont fondées sur les hypothèses suivantes :
- un département A avec un produit de CVAE de 100 en 2011 ;
- une croissance moyenne de CVAE de 2 % par an entre 2011 et 2015 : la base de 100 en 2011 devient donc, en moyenne, une base de 108,2 en 2015.
Effets du texte adopté en loi de finances pour 2011
Hypothèses |
Conséquences sur le prélèvement |
|
Si le département est en dessous de 108,2 de CVAE en 2015 |
Pas de prélèvement |
|
Si le département est au-dessus de 108,2 de CVAE en 2015 |
Potentiel financier par habitant inférieur à la moyenne |
Pas de prélèvement |
Potentiel financier par habitant supérieur à la moyenne |
Prélèvement de la moitié de la croissance de la CVAE excédant la croissance moyenne Par exemple, pour une CVAE à 120, prélèvement de : (120-108,2)/2 = 5,9 |
Source : commission des finances
Ainsi, il faudrait donc que le département A dispose, d'une part, d'un produit de CVAE en 2015 supérieur à 108,2 et, d'autre part, d'un potentiel financier par habitant supérieur à la moyenne pour subir un prélèvement ; et ce prélèvement ne s'élèverait qu'à 5,9 sur un produit de CVAE de 120.
Effets du texte initial proposé par le Gouvernement
Hypothèses |
Conséquences sur le prélèvement |
|
Si le département est en dessous de 100 de CVAE en 2015 |
Pas de prélèvement |
|
Si le département est au-dessus de 100 de CVAE en 2015 |
Potentiel fiscal par habitant inférieur à la moyenne |
Pas de prélèvement |
Potentiel fiscal par habitant supérieur à la moyenne |
Prélèvement de la moitié de la croissance de la CVAE Par exemple, pour une CVAE à 120, prélèvement de : (120-100)/2 = 10 |
Source : commission des finances
Dans la version proposée initialement, il suffirait que la CVAE d'un département soit supérieure à 100 - son montant de l'année 2011 - et que son potentiel financier soit supérieur à la moyenne pour faire l'objet d'un prélèvement. En outre, le prélèvement serait égal à 10 sur une base de CVAE de 120 en 2015.
Cet exemple, qui porte sur un département dont la croissance de la CVAE serait supérieure à la croissance moyenne, montre que dans la version du texte adopté, le prélèvement serait inférieur de 41 % au prélèvement tel que prévu par le texte initial. Les fonds consacrés à la péréquation départementale et régionale seraient donc réduits d'autant.
Les conséquences du texte actuel pourraient être encore plus dommageables si tous les départements, ou toutes les régions, voyaient leur CVAE augmenter dans des proportions identiques. Alors, bien que la CVAE augmente, aucun prélèvement ne serait opéré puisqu'aucune collectivité ne croîtrait plus rapidement que la moyenne. Il en résulterait qu'aucune péréquation ne serait opérée sur le produit de CVAE .
c) Des critères de reversements modifiés à la marge
Concernant les reversements, le texte proposé par le Gouvernement n'a été modifié qu'à la marge au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 par le Parlement.
(1) Les critères de charge ont été conservés
Les critères de charges proposés par le texte initial pour procéder à la répartition, qui reprennent les critères introduits par votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, n'ont notamment pas été modifiés .
Ainsi, pour les départements , ces critères, pondérés par un coefficient d'un sixième chacun, sont les suivants :
- la population ;
- le nombre de bénéficiaires de minima sociaux et la population âgée de plus de 75 ans ;
- la longueur de la voirie rapportée au nombre d'habitants.
Pour les régions , les critères de charge, également pondérés par un coefficient d'un sixième chacun, sont les suivants :
- la population ;
- les effectifs de lycéens dans les lycées publics et privés et les stagiaires de la formation professionnelle ;
- la superficie.
(2) Le critère de ressources
S'ajoute à ces trois critères de charges, pondérés au total par un coefficient d'un demi, un critère de ressources également pondéré par un coefficient d'un demi . La répartition des fonds s'opérera donc en fonction d'un indice synthétique composé pour moitié des ressources et pour moitié des charges de chaque département et de chaque région.
Le critère de ressources proposé dans la version initiale du texte était le potentiel fiscal. Conformément à sa logique consistant à prendre en compte un éventail le plus large possible de ressources pour évaluer la richesse des collectivités, le Sénat a remplacé la notion de potentiel fiscal par celle de potentiel financier, ce qui a été conservé dans la version définitive du texte adopté .
(3) Le critère d'éligibilité
Enfin, le texte prévoit que les reversements sont réservés :
- d'une part, aux régions dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 0,85 fois la moyenne des potentiels financiers par habitant des régions. Ce seuil est conforme à celui utilisé pour la mise en oeuvre de la péréquation verticale et permet de cibler les régions les plus en difficulté ;
- d'autre part, aux départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne des potentiels financiers par habitant des départements.
L'apport du Sénat a également consisté, s'agissant de ces critères d'éligibilité, à remplacer la notion de potentiel fiscal par celle de potentiel financier.
4. Les questions en suspens
Le texte de la loi de finances pour 2011 soulève de nombreuses interrogations :
- il nécessite que soit défini un potentiel financier des régions , notion actuellement inexistante dans le droit positif. Il est renvoyé sur ce point à la première partie du présent rapport ;
- l'exemple détaillé ci-avant soulève la question de la pertinence de prélèvements opérés sur la seule part de la croissance de la CVAE excédant la croissance moyenne, plutôt que sur la croissance totale de la CVAE ;
- le problème a été soulevé par l'Assemblée nationale de prélèvements qui pourraient être opérés sur la CVAE d'une collectivité alors même que cette CVAE augmente moins vite que l'inflation. En effet, la base de la CVAE étant la valeur ajoutée, elle augmentera nécessairement avec la hausse des prix. Or, on peut craindre qu'une collectivité dont la CVAE augmenterait ne subisse un prélèvement alors même que cette hausse est inférieure à l'inflation . Dans ce cas, la collectivité serait prélevée malgré la baisse de son « pouvoir d'achat fiscal » ;
- enfin, concernant les reversements, l'introduction d'un critère d'éligibilité en fonction du potentiel financier par habitant, distinct des critères servant à calculer le montant du reversement, entraîne des effets de seuil importants . Un département qui, une année « n », aurait un potentiel financier par habitant légèrement inférieur à la moyenne bénéficierait de reversements. Or, puisque ces reversements sont calculés notamment en fonction de ses charges, leur montant pourrait être non négligeable, alors même que le département se situe juste en dessous de la moyenne nationale des potentiels financiers par habitant. Si, en année « n + 1 », le département voit son potentiel financier par habitant excéder de peu la moyenne nationale, il ne bénéficiera plus d'aucun reversement, alors même que le poids de ses charges sera identique, voire qu'il aura augmenté depuis l'année « n ».
B. LA NÉCESSITÉ DE REVENIR À UNE VERSION PLUS AMBITIEUSE DU DISPOSITIF DE PÉRÉQUATION DE LA CVAE DÉPARTEMENTALE ET RÉGIONALE
1. Un dispositif opérationnel qui permette une péréquation effective
a) Ne pas faire référence à la croissance moyenne de la CVAE
Le groupe de travail réaffirme son attachement à la position qui a été celle du Sénat lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011 s'agissant des départements, c'est-à-dire à un dispositif qui mettra à contribution l'ensemble des collectivités territoriales dont la CVAE augmente et ne se cantonnera pas à ceux dont la CVAE augmente plus rapidement que la moyenne. Un tel dispositif doit être adopté aussi bien pour le fonds départemental que pour le fonds régional de péréquation de la CVAE.
En effet, l'exemple détaillé ci-dessus a montré les effets dommageables que pourrait avoir sur les fonds de péréquation de la CVAE un prélèvement limité aux collectivités dont la CVAE augmente plus rapidement que la moyenne .
En outre, le dispositif proposé n'est qu'un mécanisme de péréquation sur flux cumulé. Il préserve donc le stock de CVAE de chaque département et de chaque région constaté en 2011 et ne prélève que la moitié de la croissance future de cet impôt. Il ne remet donc pas en cause le principe de la compensation à l'euro près des effets de la réforme de la taxe professionnelle et se contente de profiter de la croissance éventuelle de la CVAE d'une collectivité pour prélever une partie de cette croissance au profit de la péréquation.
b) Un dispositif conforme au principe de territorialisation de la CVAE
Contrairement à certains arguments avancés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, le dispositif proposé ne va pas à l'encontre du principe de territorialisation de la CVAE . Chaque collectivité conservera, à compter de 2011, la moitié de la croissance de la CVAE sur son territoire et pourra, par ailleurs, bénéficier de reversements en provenance des fonds alimentés par la croissance de la CVAE de l'ensemble des collectivités. A cet égard, le groupe de travail relève que l'argument selon lequel ces fonds s'opposent à la territorialisation de l'impôt pourrait être avancé pour l'ensemble des dispositifs de péréquation (le FPIC, le FSRIF, le fonds départemental de péréquation des DMTO).
Le mécanisme proposé se contente de trouver une voie médiane entre la mutualisation de la CVAE, souhaitée par le Sénat s'agissant des régions et des départements mais rejetée par le Parlement, et une territorialisation stricte qui annihilerait toute tentative de péréquation et entraînerait une aggravation très forte des inégalités entre les collectivités territoriales .
2. Éviter de prélever les collectivités dont la CVAE augmente moins vite que l'inflation
Afin, toutefois, de ne pas pénaliser les collectivités dont la CVAE augmenterait moins que l'inflation, ce qui n'apparaîtrait pas légitime, le groupe de travail propose que le prélèvement ne porte que sur l'augmentation de CVAE entre l'année « n » et l'année 2011, prise en compte nette de l'inflation cumulée .
Ainsi, si une collectivité a vu son produit de CVAE augmenter de 15 % en cinq ans, mais que l'inflation cumulée sur ces cinq années s'élève à 20 %, par exemple, aucune richesse ne sera prélevée à cette collectivité. Seul le surplus de produit de CVAE par rapport à l'inflation constituerait l'assiette du prélèvement.
Enfin, comme la loi de finances pour 2011 l'a prévu, le prélèvement serait égal à 50 % de la croissance de la CVAE - nette d'inflation - entre l'année « n » et 2011 , ce qui correspond à un dispositif de péréquation en flux cumulé. Certes, la première année, les fonds brassés par les fonds seront limités mais, plus la CVAE augmentera par rapport à l'année de référence que constituera 2011, plus les fonds prélevés au profit de la péréquation seront importants. Un réajustement du montant prélevé pourra toujours être opéré, dans l'hypothèse d'une clause de « revoyure » en 2015, afin d'adapter le montant du prélèvement à l'intention du législateur.
3. Écarter les effets de seuil
S'agissant des reversements, le groupe de travail s'est attaché à supprimer les effets de seuil détaillés ci-dessus. Ils pourraient en effet être extrêmement préjudiciables au bon fonctionnement des fonds de péréquation, en les rendant inacceptables pour certaines collectivités dont le potentiel financier par habitant oscillerait autour de la moyenne nationale.
Afin d'atteindre cet objectif, le groupe de travail propose de supprimer tout critère d'éligibilité aux reversements . Ceux-ci ne seraient plus réservés aux régions dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 0,85 fois la moyenne ou aux départements dont il est inférieur à la moyenne. Les reversements profiteraient ainsi à l'ensemble des collectivités dont l'indice synthétique de ressources et de charges est inférieur à la moyenne, proportionnellement à cet écart .
Cette suppression des critères d'éligibilité est cohérente avec la création d'un indice synthétique servant de référence pour calculer les reversements . En effet, si l'objectif du fonds est de redistribuer des produits en fonction de critères à la fois de ressources et de charges, pourquoi en exclure a priori certaines collectivités pour le seul motif que leurs ressources sont supérieures à un seuil ? Si leur potentiel financier est effectivement élevé et n'est pas compensé par des charges également élevées, ces collectivités auront un indice synthétique supérieur à la moyenne qui les privera, quoi qu'il en soit, de tout reversement.
Enfin, le groupe de travail rappelle l'intérêt de prévoir des dispositifs de péréquation où les collectivités peuvent être à la fois bénéficiaires et contributrices aux fonds . Cela permet de compenser par des reversements importants les éventuels prélèvements qui pourraient être opérés sur des collectivités pourtant défavorisées. A l'inverse, les collectivités bénéficiaires dont le potentiel financier serait élevé pourraient voir les reversements dont elles bénéficient annulés par les prélèvements dont elles feraient l'objet. L'effet péréquateur du fonds sera ainsi évalué au regard de l'effet net produit à l'issue des prélèvements et des reversements .
4. Conserver les critères de reversements définis dans la loi de finances pour 2011
Le groupe de travail a relevé avec intérêt que les indices synthétiques, prévus dans la loi de finances pour 2011 comme critères de redistribution, étaient issus des travaux de votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, et n'avaient pas été modifiés au cours de la discussion budgétaire.
Il propose donc de conserver les critères de redistribution actuels et recommande que les simulations que produira le Gouvernement sur les effets péréquateurs des fonds de CVAE soient effectuées sur la base de ces critères, rappelés dans le schéma ci-dessous.
Critères de reversements des fonds de péréquation départemental et régional de la CVAE
Fonds départemental |
Fonds régional |
|
|
Source : commission des finances
CONCLUSION
Au terme de ses travaux, le groupe de travail est conscient de n'avoir pas répondu - mais ce n'était pas sa mission - à plusieurs questions importantes : quels rôles respectifs doivent être assignés à la péréquation verticale et à la péréquation horizontale ? Y-a-t-il encore une place pour une péréquation verticale dans un contexte de gel de l'enveloppe fermée des concours de l'Etat ?
Il a cependant réussi à dégager des principes et des mécanismes qui sont de nature à pourvoir faire fonctionner la nouvelle péréquation du bloc communal. La question de l'ampleur et de l'ambition à donner à cette péréquation a été provisoirement tranchée, pour les quatre prochaines années. Une nouvelle étape pourra être franchie au-delà de 2015 mais il convient prioritairement de permettre le démarrage de ce mouvement.
Le groupe de travail est convaincu aussi qu'une seconde phase de réforme doit s'ouvrir menant à une remise à plat des dotations de l'Etat aux collectivités et de leur mode de calcul, y compris et surtout pour la part forfaitaire de la DGF qui est celle qui concentre les inégalités historiques entre collectivités.
Cette réforme à venir devra respecter deux principes : transparence et équité.
La transparence passe par la définition de règles simples et compréhensibles par tous, alors qu'aujourd'hui la multitude des paramètres, des conditions et des particularismes aboutit à ce que l'application de la loi contredit l'objectif fixé par le législateur.
Comment en serait-il autrement quand plus de vingt critères différents entrent en jeu dans le seul calcul de la DGF du bloc communal ?
Critères utilisés pour le calcul de la DGF du bloc communal
Critères de ressources |
Critères de charges |
Potentiel fiscal (dotation d'intercommunalité - Complément de garantie) |
Population DGF (dotation de base, DSU, DSR, DNP) |
Potentiel financier (DSU, DSR, DNP, FSRIF) |
Population cantonale (DSR) |
Potentiel financier superficiaire (DSR) |
Population agglomération (DSU) |
Effort fiscal (DSU, DSR, DNP, FSRIF) |
Population en ZUS et ZFU (DSU) |
Coefficient d'intégration fiscale (dotation d'intercommunalité) |
Superficie de la commune (dotation superficiaire) |
Commune de montagne (dotation superficiaire) |
|
Longueur de voirie communale (DSR) |
|
Nombre de logement sociaux (DSU, FSRIF) |
|
Nombre de logements inscrits sur rôle de TH (DSU, FSRIF) |
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Nombre d'enfants de 3 à 16 ans (DSR) |
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Revenu moyen par habitant (DSU, FSRIF) |
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Dépenses réelles de fonctionnement (DSU, FSRIF) |
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Zone de revitalisation rurale (DSR) |
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Nombre de bénéficiaires APL (DSU, FSRIF) |
|
Chef lieu de canton (DSR) |
|
Chef lieu d'arrondissement (DSR) |
Source : DGCL
Le respect de l' équité doit conduire à remettre en cause les avantages acquis du seul fait de situations antérieures qui n'ont plus aujourd'hui de réalité. Les finances locales se sont construites par sédimentations successives, au cours de réformes ajoutant systèmes de garanties et mécanismes de compensations.
Le système qui en résulte désormais n'est ni équitable ni justifiable, qu'il s'agisse de certaines dotations de péréquation ou de dotations abusivement qualifiées de « forfaitaires ».
Tel est le cas notamment du complément de garantie , composante de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement dont elle représente en moyenne 38 % et qui est calculé de manière à garantir que chaque commune retrouve en 2005, à travers sa dotation de base et sa part « superficie », le montant de sa dotation forfaitaire 2004 indexé de 1 %.
Selon la Cour des comptes 22 ( * ) , ces règles de calcul « traduisent les avantages acquis au titre de l'histoire de l'attribution de la DGF, alors même que la plupart des communes concernées ne sont pas défavorisées ». En effet, alors que la moitié des communes françaises perçoivent moins de 48 euros par habitant de dotation garantie, au sein de la DGF, plusieurs communes, loin d'être défavorisées, disposent d'un montant de dotation garantie par habitant extrêmement élevé.
A titre d'exemple, on peut citer :
- la ville de Cannes, qui perçoit 225 euros par habitant (contre 92 euros pour Marseille), alors que son potentiel financier est de plus de 1 475 euros par habitant, celui de Marseille étant de 827 euros, et son effort fiscal inférieur (1,39 contre 1,8) ;
- Lourdes, qui dispose de 382 euros par habitant et dont le potentiel financier est de 1 400 euros par habitant pour un effort fiscal de 1,24 ;
- Chamonix, 200 euros par habitant avec un potentiel financier par habitant supérieur à 1 500 euros (effort fiscal de 1,03) ;
- Megève, 225 euros par habitant pour un potentiel financier par habitant supérieur à 1 550 euros (taux d'effort fiscal de 1,16) ;
- ou encore Saint-Tropez, qui dispose de 254 euros par habitant et dont le potentiel financier est de plus de 1 778 euros par habitant avec un taux d'effort fiscal de 0,92.
S'agissant des dotations de péréquation « verticale », attribuées par l'Etat, le cas de la dotation de fonctionnement minimale (DFM) versée aux départements est exemplaire. En 2011, la DFM des 24 départements dits « historiques », car ils en bénéficiaient en 2005, est en moyenne de 47,1 euros par habitant, contre 22,1 euros par habitant pour les autres départements éligibles. Les écarts sont même extrêmes, certains départements (Lozère) recevant jusqu'à 179 euros de DFM par habitant, quand d'autres ne perçoivent que 16 euros par habitant.
La suppression de la taxe professionnelle a marqué sans doute le point de départ d'une réforme profonde des finances locales. Dans un contexte de remise en question de la règle du « gagnant-gagnant » qui depuis longtemps régissait les relations financières entre l'Etat et les collectivités, le nouvel équilibre qu'il convient de mettre en place ne peut plus se fonder sur autant d'injustices dans le traitement des collectivités.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 6 juillet 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Pierre Jarlier, rapporteurs du groupe de travail sur la mise en oeuvre de la péréquation financière entre les collectivités territoriales.
M. Jean Arthuis, président . - Mes chers collègues, nous allons entendre la présentation des conclusions du groupe de travail que nous avons constitué en début d'année sur la mise en oeuvre de la péréquation entre les collectivités territoriales, c'est-à-dire la péréquation horizontale.
Ce groupe de travail a achevé ses travaux. Il a tenu six réunions à l'occasion desquelles nous avons procédé à des auditions de personnalités extérieures mais, surtout, nos rapporteurs ont effectué un travail à la fois pédagogique, car la matière est complexe, et prospectif.
Il s'agit en effet d'un domaine où le législateur est peu intervenu - à part l'exemple du fonds de solidarité francilien - et où nous manquons de repères. Il faudra pourtant, dès la loi de finances pour 2012, poser les bases de cette nouvelle péréquation.
La tâche est rendue plus difficile encore du fait de l'absence de simulations disponibles. Cela nous oblige à beaucoup de prudence sans pour autant nous interdire de présenter des propositions.
Le groupe de travail a décidé de découper son périmètre d'investigation en quatre sujets confiés à quatre rapporteurs :
- Pierre Jarlier, sur la définition des potentiels financiers ;
- Philippe Dallier et Charles Guené sur la péréquation au sein du bloc communal, le fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) et le nouveau fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF), sujets qui s'entrecroisent ;
- et, enfin, Albéric de Montgolfier sur les deux fonds, régional et départemental, de péréquation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Je vais leur céder la parole pour présenter les conclusions du groupe de travail. Puis, nous aurons entre nous un débat qui sera suivi par une double audition, celle de Gilles Carrez, en tant que Président du comité des finances locales, et celle d'Eric Jalon, directeur général des collectivités locales.
Si le Sénat et notre commission en particulier doivent faire entendre leur voix sur ce sujet fondamental, nous devons, en effet, être à l'écoute des autres lieux de réflexion qui travaillent à la mise ne place de la péréquation.
M. Pierre Jarlier . - La réforme de la taxe professionnelle a été une excellente occasion d'engager un débat sur les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier. Ce débat est nécessaire puisque ces notions sont au coeur même de la définition de la richesse de chaque collectivité territoriale. Ainsi, c'est l'idée que le potentiel financier est plus représentatif de la richesse d'une collectivité que le seul potentiel fiscal qui nous a guidés pour modifier, en de nombreux points, les dispositions relatives à la péréquation lors de la discussion des projets de lois de finances pour 2010 et pour 2011.
Grâce à notre groupe de travail, nous avons pu mener une réflexion approfondie, hors de l'urgence liée à la discussion des projets de loi de finances, sur les critères qui devront servir de base aux nouveaux dispositifs de péréquation. Au terme de ses nombreuses réunions, je vous présente donc aujourd'hui, sur ce sujet, les orientations qu'il propose à la commission d'adopter.
De manière générale, il se dégage de nos travaux que la péréquation doit se fonder sur deux grandes notions :
- d'une part, la notion de « potentiel financier de base », qui doit servir de fondement à la péréquation verticale. Ce potentiel financier de base a deux composantes : une composante fiscale et une composante de dotations et de compensations, notamment la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans son volet forfaitaire ;
- d'autre part, la création d'un nouvel indicateur de richesse : la notion de « potentiel financier corrigé » qui sera utilisée dans le cadre de la péréquation horizontale. Cette notion de potentiel financier corrigé ajoute au potentiel financier de base les dotations versées par l'Etat dans le cadre de la péréquation verticale. Elle est ainsi plus représentative de la richesse réelle d'une collectivité. Seule cette prise en compte permet d'avoir un indice de richesse fiable et juste. Sinon, deux collectivités ayant un même niveau de richesse pourraient être traitées de manière inéquitable si l'une tient sa richesse de compensations versées par l'Etat tandis que celle de l'autre provient d'une dotation de péréquation. De même, les écarts constatés entre les dotations de péréquation versées à l'une ou l'autre des collectivités ne seraient pas du tout pris en compte, alors qu'ils ont un impact sur leur richesse.
Traitons tout d'abord de la définition des nouveaux potentiels au niveau communal et intercommunal.
La première question à laquelle nous devons répondre est : quelles ressources fiscales doivent être intégrées dans le potentiel financier de base ?
Le groupe de travail s'est prononcé pour une prise en compte la plus large possible des ressources fiscales des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Plus le champ des taxes prises en compte sera large, plus la notion de potentiel financier sera objective et moins elle sera sujette à contestations.
Il faut donc prendre en compte : la taxe d'habitation (TH), les taxes foncières, la cotisation foncière des entreprises (CFE), la part communale et intercommunale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER), mais aussi la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), la taxe d'aménagement, celles sur les casinos, sur les remontées mécaniques et la taxe « hippodromes ».
Ne seraient finalement exclues que les ressources fiscales affectées, telles que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM), la taxe de séjour ou le produit des amendes de police.
En effet, ces ressources ont vocation à financer des dépenses spécifiques et ne constituent donc pas à proprement parler une richesse pour la collectivité territoriale.
La seconde question est : quelles dotations et compensations prendre en compte dans ce même potentiel financier de base ?
La réponse que nous apportons est que les compensations versées au titre de la réforme de la taxe professionnelle - dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) - doivent être intégrées, en valeur nette, dans le potentiel financier de base.
Elles s'ajouteront à la part forfaitaire de la DGF et à la compensation de l'ex-part salaire de la taxe professionnelle (TP).
Concernant les EPCI, la dotation d'intercommunalité doit également être prise en compte dans la mesure de leur richesse.
C'est donc sur la base de ces ressources que sera déterminée la richesse des communes et des intercommunalités pour le versement, par l'Etat, des dotations de péréquation verticale.
Venons-en à la deuxième étape, celle de la construction du potentiel financier corrigé.
Il nous semble, et c'est un avis partagé par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et assez consensuel au comité des finances locales (CFL), qu'il convient d'ajouter au potentiel financier de base toutes les dotations de péréquation verticale, c'est-à-dire la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) ou la garantie de sortie. C'est le seul moyen de traiter équitablement l'ensemble des communes, en prenant en compte dans le calcul de leur richesse la plus ou moins grande part de dotation de péréquation qu'elles ont perçue. Les dotations de péréquation verticale, comme les autres ressources, peuvent accroître significativement la richesse des collectivités.
Il convient par ailleurs, également pour éviter des injustices entre deux communes, de prendre en compte dans le potentiel financier corrigé les versements perçus par chaque collectivité en provenance des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). En effet, ces derniers sont financés, depuis la réforme de la TP, par des dotations de l'Etat et non par des prélèvements sur des établissements exceptionnels. Ils font donc partie de la péréquation verticale et il est juste de traiter différemment une commune qui n'a rien reçu du FDPTP et une commune qui a perçu de ce fonds des montants importants.
Enfin, le groupe de travail s'est exprimé en faveur d'une mesure de la richesse à l'échelon de chaque territoire, en agrégeant la richesse de l'EPCI et celles de ses communes membres. Cela présente deux grands avantages :
- comparer les territoires quel que soit leur mode d'organisation : EPCI à fiscalité professionnelle unique, EPCI à fiscalité additionnelle ou commune isolée (l'achèvement de la carte intercommunale n'étant pas prévu en petite couronne parisienne) ;
- simplifier les outils de péréquation à créer, en les faisant reposer sur un nombre limité de collectivités : 2 600 EPCI plutôt que 36 000 communes.
Ce potentiel financier agrégé des EPCI, qui sera à la base du fonctionnement de la péréquation horizontale, doit être égal à la somme :
- du potentiel financier de l'EPCI ;
- des potentiels financiers corrigés des communes membres de l'EPCI.
Cette définition de la richesse au niveau territorial, via le potentiel financier agrégé, fait également l'objet d'un consensus large.
Concernant maintenant les départements, les mêmes notions de potentiel financier de base et de potentiel financier corrigé s'appliqueront.
Les ressources fiscales à prendre en compte correspondront à celles perçues par les départements :
- la taxe foncière sur les propriétés bâties ;
- la part départementale de CVAE ;
- la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) versée en compensation de la réforme de la TP ;
- les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ;
- et les IFER perçues par le département.
Les compensations et dotations à prendre en compte seront :
- la part forfaitaire de la DGF ;
- la DCRTP ;
- les reversements ou contributions au FNGIR ;
- les autres compensations.
Enfin, s'agissant de la détermination du potentiel financier corrigé, comme pour le bloc communal, il suffit, pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé, d'y intégrer les dotations de péréquation verticale : dotation de péréquation urbaine (DPU), dotation de fonctionnement minimale (DFM) ou garantie de sortie.
Ce potentiel financier corrigé servira pour mettre en oeuvre la péréquation horizontale.
Le même mécanisme s'appliquera s'agissant des régions.
Le potentiel financier de base comprendra leurs ressources fiscales (CVAE, IFER) ainsi que les dotations de l'Etat (DCRTP, FNGIR). Concernant la prise en compte de la DGF, une question spécifique se pose puisqu'il faudra parvenir à exclure de la DGF les éléments qui y ont été intégrés mais qui visent à compenser des transferts de compétences pour certaines régions.
Comme pour les autres collectivités, il convient d'ajouter la dotation de péréquation verticale des régions pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé.
Voilà, mes chers collègues, les orientations retenues par le groupe de travail que nous vous proposons d'adopter sur la question de la nouvelle définition des potentiels, qui nous permettront demain de bénéficier d'indicateurs de richesse précis et d'évaluer surtout les différences de richesse entre les collectivités, ainsi que les effets de la péréquation mise en place.
M. Jean Arthuis, président . - Votre exposé a le mérite de clarifier les concepts et de nous donner des instruments objectifs et clairement identifiés, dont les contenus sont mesurables. Cela permettra d'éviter certaines injustices flagrantes. Je pense par exemple à la répartition des fonds entre les départements à la fin de l'année 2010. La DFM n'est pas entrée dans l'appréciation de la richesse relative des départements. Or, l'écart peut représenter plus de vingt euros par habitant. Cette situation d'inégalité est inacceptable.
M. Philippe Adnot . - Vous avez intégré les versements FDPTP pour effectuer le calcul du potentiel financier. Dans ces fonds, il y a deux parts. D'abord, la part des communes concernées, qui est récurrente et que vous avez raison d'intégrer dans le calcul. En revanche, la part des communes défavorisées n'est pas une somme affectée tous les ans aux mêmes bénéficiaires. Dès lors, comment intégrer cette donnée dans le calcul du potentiel financier, alors qu'elle varie selon les années, dans les départements où cette somme n'est pas attribuée à tout le monde mais où elle sert par exemple à financer des investissements ? Je pense donc qu'il est difficile d'inclure le FDPTP dans le calcul du potentiel financier des communes, dans la mesure où il s'agit d'une recette irrégulière.
M. Philippe Dallier . - Nous avons connu le même problème en Ile-de-France avec le FSRIF et le fonds national. Effectivement, une commune peut percevoir des ressources à ce titre une année, mais pas la suivante. Cependant, nous avons considéré que l'année où elle perçoit ces recettes, cela doit être intégré dans son potentiel financier. Je pense qu'il doit en être de même en ce qui concerne la DSU. On sait que l'on peut entrer ou sortir du dispositif, mais lorsqu'on est dedans, la recette doit être prise en compte. Sinon, on fera des exceptions sur l'ensemble de ces dotations, ce qui aboutirait à une véritable usine à gaz. Au surplus, en termes d'équité, cela me semble normal.
M. François Marc . - Ma question porte sur les différences restantes entre les communes. En effet, en intégrant des éléments nouveaux dans le potentiel financier, on peut logiquement restreindre le différentiel de richesse existant. Disposez-vous d'éléments à cet égard ?
M. Pierre Jarlier . - Nous ne disposons pas pour le moment d'estimations précises sur les effets de la prise en compte de ces critères dans le calcul du potentiel financier.
En ce qui concerne la question de Philippe Adnot, nous avons intégré les FDPTP car ils deviennent une dotation d'Etat, donc de compensation. Certes, les variations sont importantes d'une année sur l'autre. Mais, de la même façon, il peut y avoir des variations de DSR et de DSU. Il faut bien considérer que tout cela rentre dans le calcul de la richesse de la commune l'année où elle est perçue. De toute façon, le potentiel financier de la commune sera revu chaque année au regard des sommes perçues l'année précédente par ladite commune.
M. Charles Guéné . - Sur l'intégration des FDPTP, il est vrai que l'on peut être partagé. Il y a ainsi des communes qui risquent de connaître des écarts importants d'une année sur l'autre, mais nous avons décidé de suivre notre logique jusqu'au bout.
En ce qui concerne les simulations, nous disposons au CFL de simulations prenant en compte l'intégration de l'ensemble des dotations, avec et sans strates. Il est vrai que plus on intègre de dotations, plus le faisceau se restreint. C'est la logique du système. On veut apprécier la véritable richesse des collectivités, donc on intègre toutes les données. Avec les dotations de solidarité verticale, il y a un rétrécissement du faisceau, mais cela me paraît logique.
M. Jean Arthuis, président . - En conclusion, nous parlerons des dotations et de la péréquation verticale. Les injustices les plus criantes relèvent en effet de celle-ci. Il ne faut pas que l'arbre dissimule la forêt.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Il serait bon de disposer de ces simulations.
M. Jean Arthuis, président . - Cependant, lorsque l'on fonde la réflexion à partir de simulations, il me semble que cela nous rend moins impartiaux, car on se demande inévitablement alors si les collectivités que nous représentons y gagnent ou y perdent. Je pense donc qu'il est intéressant d'avoir tout d'abord un exercice de principe.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Certes, mais une fois cet exercice de principe réalisé, les simulations nous seraient utiles pour nous préparer aux évolutions, notamment concernant les fusions éventuelles et les rapprochements de telle ou telle collectivité. Les préfets ne disposent pas aujourd'hui du logiciel financier nécessaire.
De plus, je souhaiterais savoir comment on prend en compte la taxe d'habitation, dans la mesure où une partie de celle-ci allait aux départements et va maintenant aux EPCI. Il me semble à cet égard dangereux de prendre en compte la totalité de cette taxe.
M. Jean Arthuis, président . - Cet exercice semble très complexe, mais il a une réelle vertu de simplification et de clarification. L'objectif est bien de simplifier la législation en la matière et de mettre fin à des situations d'injustice insupportables.
M. Pierre Jarlier . - Sur la taxe d'habitation, on prendra en compte l'aspect territorial, de sorte que tout sera agrégé. La TH sera prise en compte à la fois pour sa part communale et sa part intercommunale, avec les bases et les taux correspondants, sans que cela pose de difficultés.
Nous avons décidé de mettre en place un potentiel financier corrigé prenant en compte la péréquation verticale. Il serait en effet malvenu de commencer à répartir de l'argent entre les différentes collectivités, avant même de savoir de combien elles bénéficient en terme de solidarité nationale. Il faut donc avoir une idée précise de leur richesse corrigée par la solidarité nationale, pour voir à quel moment on commence à demander aux collectivités de faire jouer la solidarité entre elles. Nous aboutirions autrement à des aberrations.
M. Charles Guené . - Nous allons maintenant vous présenter les orientations retenues par le groupe de travail sur la péréquation au sein du bloc communal et sur l'articulation du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) et du nouveau fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC), sujets étroitement imbriqués et sur lesquels il était important que le groupe dégage des orientations consensuelles.
Ces orientations concilient à nos yeux les intérêts nationaux pour une solidarité partagée entre toutes les collectivités du bloc communal, sans exception, et les intérêts propres à l'Ile-de-France, qui peut souhaiter légitimement restreindre prioritairement les déséquilibres internes à la région.
Nous espérons en conséquence que les débats à venir, quelles que soient leurs enceintes, CFL ou Parlement, dépassent les clivages habituels entre la France « urbaine » et la France « rurale ».
Nous tenons à souligner que toutes nos propositions ont été formulées sans que nous disposions de simulations. Nous nous sommes donc appuyés exclusivement sur des principes et des raisonnements. Cela signifie que nos orientations doivent être appréciées « sous toutes réserves » et nous souhaitons faire simuler ces hypothèses par les services de la DGCL.
Nous avons regroupé les propositions du groupe de travail en trois blocs.
M. Philippe Dallier . - Le premier bloc concerne l'articulation générale du nouveau FSRIF et du futur fonds de péréquation intercommunal et communal et la définition des objectifs aux échéances 2012 et 2015.
Nous avons tranché pour une superposition des deux fonds de péréquation, qui doivent fonctionner de manière indépendante, l'Ile-de-France étant contributrice et bénéficiaire des deux fonds, le reste de la France étant contributeur et bénéficiaire du seul FPIC.
Certains plaident encore pour une articulation entre les deux fonds avec un dispositif de préciput pour la région Ile-de-France, mais aucun système opérationnel n'a pu être trouvé et cette solution serait excessivement complexe.
En outre, les écarts de richesse sans commune mesure au sein de la région Ile-de-France plaident pour un FSRIF qui les atténuera, avant la mise en oeuvre du FPIC.
M. Charles Guené . - Sur l'objectif à atteindre pour le FPIC, nous sommes plutôt favorables à un chiffrage en valeur absolue, clair, des montants qui devront faire l'objet d'une redistribution via les fonds de péréquation. Il nous a semblé que c'était plus simple que de prendre un pourcentage de telle ou telle ressource, qui poserait sans doute des problèmes d'interprétation. Nous nous sommes calés sur les chiffres envisagés au départ. L'augmentation de l'objectif du FPIC serait donc linéaire, soit 250 millions d'euros en 2012, 500 millions d'euros en 2013, 750 millions d'euros en 2014 et 1 milliard d'euros en 2015.
En tout état de cause, nous sommes défavorables à un report à 2013 de la mise en oeuvre du FPIC, que certains appellent de leurs voeux. Ces montants ne sont pas excessifs au regard du montant de la DGF et des dotations de péréquation verticale (DSU, DSR). Il y aura certes une montée en puissance, mais le point de départ est raisonnable. On peut donc commencer en 2012.
M. Philippe Dallier . - Pour ce qui est du FSRIF, je rappelle que l'amendement adopté prévoyait une progression de 50 % à horizon 2015. Nous avons choisi un point de départ de 200 millions d'euros, ce qui porterait le montant du FSRIF à 300 millions d'euros à cet horizon. Il est vrai que nous n'étions pas tout à fait à 200 millions pour l'année de référence. Il faudra sans doute s'accorder sur le montant initial. Sur la dernière année, le fonds avait en effet diminué, car la ville de Paris avait joué entre les dépenses portées par les départements et celles portées par la ville, et sa quote-part au FSRIF avait ainsi diminué. Je souhaiterais donc que l'on en revienne à l'avant-dernière année de référence, pour laquelle le montant du FSRIF était plus élevé.
M. Jean Arthuis, président . - Pour la ville de Paris, comment distinguer ce qui relève de la ville et du département ?
M. Philippe Dallier . - C'est là toute la question. Comme ils ont la double casquette, ils peuvent faire passer d'un côté à un autre de la barrière un certain nombre de dépenses. Nous avons inscrit 300 millions d'euros en 2015, car je souhaitais être assez volontariste sur le sujet. Nous avons donc choisi une référence de 200 millions d'euros, mais il est vrai qu'il y a une incertitude sur le point de départ.
Nous aurions également souhaité que la DGCL regarde les choses d'une autre manière. On pourrait par exemple donner comme objectif au FSRIF de faire en sorte que les communes les plus pauvres remontent à au moins 70 % de la moyenne régionale. Je rappelle qu'aujourd'hui, les communes les plus pauvres sont très en-deçà de ce pourcentage. On souhaiterait par là même voir ce qu'il serait nécessaire de mettre sur la table comme moyens financiers pour que les communes les plus pauvres de la région atteignent ce seuil. Ce sont deux simulations à faire.
M. Charles Guené . - A partir du moment où l'on a fixé des montants en valeur absolue pour le FPIC comme pour le FSRIF, nous serions favorables à ce que la loi prévoie une clause expresse de « revoyure » en 2015, de manière à ce que, au vu de l'évaluation des résultats de cette péréquation horizontale, on fixe alors une sorte de nouveau contrat pour les cinq années suivantes.
J'en viens maintenant au sujet important des prélèvements. Il nous faut d'abord répondre à la question de savoir quelles sont les collectivités concernées et les critères de prélèvement. Il nous paraît fondamental, pour y répondre, de faire appel au concept de potentiel financier agrégé précédemment défini par Pierre Jarlier, à savoir la somme de toutes les richesses des collectivités.
Dans notre idée, les prélèvements ne doivent porter directement que sur les EPCI et sur les communes isolées. Les communes membres d'EPCI ne feraient pas l'objet de prélèvements directs au profit du fonds. Le prélèvement serait uniquement fonction du potentiel financier de chaque commune isolée ou EPCI par rapport au potentiel financier moyen. Pour les EPCI, le potentiel financier est le potentiel financier agrégé. Pour la commune isolée, il est le potentiel financier corrigé de celle-ci. On peut ainsi comparer un EPCI de 20 000 habitants en province à une commune isolée de 20 000 habitants en petite couronne parisienne. Il y a ainsi une véritable neutralisation de l'organisation juridique sur le terrain, à travers une territorialisation globale.
S'agissant du prélèvement, il nous semble qu'il ne doit pas y avoir de prise en compte, à ce stade, de critères de charge, qui seront évalués au moment de la redistribution. La mise en oeuvre d'un tel prélèvement est novatrice par rapport au texte de la loi de finances pour 2011, qui mettait en place un système très complexe et à notre sens impossible à faire fonctionner, de trois parts distinctes (EPCI, communes membres et communes isolées). Notre approche fait toutefois l'objet d'un large consensus.
J'en viens maintenant à la question de la prise en compte des strates pour cette appréciation, qui a suscité un débat, car certains estiment que cela revient à introduire un critère de charges. Globalement, nous sommes partisans de la prise en compte d'un nombre réduit de strates (quatre ou six), celles-ci s'appliquant indifféremment aux EPCI ou aux communes isolées. On est bien sur des strates territoriales. Nous avons demandé à la DGCL des simulations sur les différents cas.
Cette proposition ne devrait pas se traduire par un impact majeur. En effet, nous sommes sur des strates territoriales, au niveau de chaque EPCI, ce qui réduit les écarts par rapport aux actuelles strates communales. Il faut observer cependant que la non prise en compte de strates pourrait aboutir à ce que l'on ait un prélèvement uniquement urbain au profit de la ruralité. Au contraire, la prise en compte de strates peut faire envisager l'inverse, à savoir que les petites collectivités seraient pénalisées.
Au total, nous nous sommes rangés à la prise en compte de strates davantage dans un esprit de consensus que dans un esprit de logique. Soyons clair, il s'agit de faire avancer le dossier. Ce système de strates permet en réalité de ne pas effrayer le monde urbain.
M. Philippe Dallier . - J'étais assez favorable à la stratification, et j'estime que quatre à six strates constituent un bon équilibre. On sent bien que les discussions seront difficiles et qu'il faut trouver le bon compromis pour emporter l'adhésion. Le prélèvement FSRIF, quant à lui, n'est pas stratifié actuellement. Nous pensons que cette caractéristique doit être maintenue puisqu'on est dans un cadre régional.
M. Pierre Jarlier . - Les strates ont toujours un effet pervers sur le seuil. Dans ce cas précis, si on ne prévoit pas suffisamment de strates, on voit que la différence la plus importante de richesse se fait dans les strates basses. Si la première est très large, les petites villes seront très pénalisées, étant en haut de celle-ci. Elles ne pourront donc pas bénéficier de la péréquation. Il faut donc être prudent, même s'il peut y avoir des ajustements. C'est un vrai sujet.
M. Charles Guené . - Je rappelle que nous raisonnons ici au niveau territorial et non pas au niveau de la commune simple. L'impact des strates est donc différent.
M. Jean Arthuis . - De toute façon, la péréquation ne se fait pas à l'intérieur d'une strate.
M. Charles Guené . - Non, sinon notre logique aurait été affaiblie... Concernant les seuils de prélèvement, nous sommes favorables à la suppression du seuil d'éligibilité actuel prévu par la loi de finances pour 2011, soit 1,5 fois le potentiel financier moyen, ce qui nous paraît relativement élevé et qui n'aurait fait cotiser qu'un nombre très restreint de territoires, en procurant un fort effet de seuil. Nous souhaitons donc faire réaliser des simulations sur des valeurs inférieures, sans seuil ou avec un seuil de l'ordre de 0,8 fois le potentiel financier moyen, de façon à élargir le nombre de cotisants, quitte à ce que cela soit redistribué ensuite.
M. Philippe Dallier . - Pour le prélèvement FSRIF, nous sommes favorables à la suppression de tout seuil d'éligibilité ainsi que des régimes d'exonération existants (par exemple les communes bénéficiaires de la DSU), dont nous avions montré les effets incohérents. On prend tout en considération.
M. Charles Guené . - En ce qui concerne la définition des taux de prélèvement, nous proposons de concevoir un système de taxe par répartition. Il s'agit de déduire les taux à partir du produit attendu. Ce système permet de garantir le niveau du produit prélevé. Pour assurer une progressivité du taux en fonction de l'écart au potentiel financier moyen de la strate, il serait nécessaire de définir cinq ou six paliers.
Plusieurs hypothèses sont ouvertes :
- soit un prélèvement qui s'applique à l'ensemble des communes et EPCI. Il touche donc des communes en-dessous de la moyenne, mais cette dernière est élevée et il faut raisonner évidemment en net, après imputation des reversements, donc tout le monde participe et bénéficie ;
- soit un prélèvement qui ne s'applique qu'aux communes et EPCI dont le potentiel est supérieur à 80 % de la moyenne ou à la moyenne. Le risque de ce choix est que le prélèvement soit excessivement concentré sur certaines communes. Nous attendons les simulations sur ce point.
M. Philippe Dallier . - Pour le nouveau FSRIF, il y aurait lieu d'appliquer un mécanisme similaire, avec un ajustement des taux de prélèvement au montant à prélever en faveur du FSRIF.
M. Charles Guené . - Dernier point de ce volet : la répartition du prélèvement au sein des EPCI. Nous pensons que la répartition du prélèvement entre l'EPCI et chacune de ses communes membres doit s'effectuer au prorata de la contribution de chacun au potentiel financier agrégé. C'est un système simple et logique, qui ne requiert pas d'intervention au sein des communes.
M. Jean Arthuis, président . - On prend le potentiel financier corrigé, qui détermine l'assiette, et tout le monde participe ?
M. Charles Guené . - Oui, tout le monde participe au prorata de sa contribution au potentiel agrégé. Cela tient d'ailleurs compte de l'intégration ou de la non-intégration de l'EPCI s'il y en a un.
M. Jean Arthuis, président . - L'EPCI devient le lieu de péréquation entre les communes du secteur.
M. Charles Guené . - Cette règle nous paraît la plus incontestable. Certes, une ville riche dans un EPCI pauvre contribuera moins que si elle était une commune isolée, et une ville pauvre dans un EPCI riche contribuera davantage que si elle était isolée. Mais il faut partir du postulat que l'EPCI joue déjà un rôle de péréquation et lui laisser sa part de responsabilité dans la mise en oeuvre de la péréquation. Cela signifie concrètement que deux territoires semblables à l'organisation juridique différente auront le même prélèvement, mais suivant leur organisation et leur degré de péréquation, le prorata sera différent entre les communes et l'EPCI.
Passons maintenant au sujet des reversements. Il convient d'abord de définir les bénéficiaires de ceux-ci. La règle fondamentale que nous proposons est que, comme pour les prélèvements, les reversements ne bénéficient directement qu'aux EPCI et aux communes isolées, si c'est un territoire sans EPCI. La redistribution se fera à l'intérieur. Si le prélèvement a un caractère presque automatique, la redistribution se fera à travers une palette d'outils fixée par la loi, si les communes de l'EPCI ne s'entendent pas sur une autre voie.
M. Philippe Dallier . - Je rappelle qu'il restera des communes isolées, puisque la loi le permet, en ce qui concerne la première couronne parisienne, dans l'attente d'une éventuelle réforme sur le Grand Paris.
M. Charles Guéné . - Pour les principes de reversement, nous préconisons d'utiliser un indice synthétique de ressources et de charges et de prévoir des reversements pour l'ensemble des collectivités en-deçà de la moyenne, afin d'éviter les effets de seuil, proportionnellement à l'écart à la moyenne. En ce qui concerne la composition de l'indice synthétique, nous avons retenu, d'une part, le potentiel financier par habitant de l'EPCI (ou de la commune isolée) comme critère de ressources et, d'autre part, le revenu moyen par habitant de la population de l'EPCI (ou de la commune isolée) comme critère de charge, ce qui fait l'objet d'un large consensus. En effet, la corrélation entre le revenu moyen par habitant et les charges d'une collectivité est plutôt bonne.
Nous serions assez favorables à la prise en compte de l'effort fiscal, à travers une pondération de l'indice synthétique.
Nous souhaiterions par ailleurs que soit examinée la possibilité de tenir compte des écarts de coût de la vie entre les territoires. Ainsi, le critère de revenu par habitant pourrait être pondéré par l'indice des coûts des loyers dans la zone.
M. Philippe Dallier . - Nous avons adopté la même logique au regard du FSRIF. Nous sommes ainsi partisans de retenir le même indice synthétique. Par conséquent, on ne conserverait pas le critère du logement social qui existe aujourd'hui, car il nous a semblé qu'il avait des effets pervers. Il est assez facile de démontrer que le revenu moyen par habitant est plus significatif des difficultés sociales sur le territoire qu'une pondération à partir du nombre de logements sociaux. Cela s'explique assez bien par le fait que, dans certains endroits, les logements sociaux ne sont pas forcément habités par des gens dont les revenus sont en-dessous de la moyenne. Dès lors, on offre un avantage à certaines communes qui ne devraient pas en bénéficier. Ceci étant dit, il faut être réaliste. Ce point fera l'objet de discussions importantes en Ile-de-France, où certaines communes ont un revenu moyen par habitant plutôt faible, mais un potentiel financier relativement fort car elles accueillent sur leur territoire beaucoup d'entreprises. Si l'on faisait sauter le critère du nombre de logements sociaux, de telles communes pourraient y perdre par rapport à la situation actuelle. Je pense à une ville comme Gennevilliers, riche des impôts versés par les entreprises, mais caractérisée par une population pauvre. Son potentiel financier est pourtant très au-dessus de la moyenne. Les élus des communes concernées montent au créneau. Mais, globalement, le système que nous présentons sera plus équitable.
M. Charles Guené . - En ce qui concerne la stratification du potentiel financier, logiquement, nous proposons de prévoir la même prise en compte des strates dans le potentiel financier servant à la redistribution que dans celui servant aux prélèvements. Cela ne veut pas dire qu'il y a strictement correspondance, comme on l'a évoqué tout à l'heure.
M. Philippe Dallier . - En ce qui concerne l'Ile-de-France, il faut rappeler que le FSRIF actuel est stratifié par la distinction de deux régimes. L'un pour les communes de plus de 10 000 habitants, l'autre pour les communes de 5 000 à 9 999 habitants. Il nous semble que ce système pourrait être maintenu dans le nouveau FSRIF, mais il ne s'agit pas là d'un point essentiel.
Nous nous sommes aussi posé la question de la nécessité d'un mécanisme de garantie de sortie. Bien entendu, elle ne se pose que pour le FSRIF, puisque le FPIC est quant à lui totalement nouveau. Compte tenu des évolutions que nous envisageons, il nous semble important de prévoir des modalités de sortie de l'ancien système FSRIF sur une durée par exemple de deux ans.
Mme Nicole Bricq . - Sur le FSRIF, je suis plutôt d'accord avec Philippe Dallier sur le fait d'exclure les logements sociaux et de prendre en compte le revenu moyen par habitant. Cela pose cependant le problème des villes riches à population pauvre. A cet égard, il sera intéressant d'analyser ce que donne la CVAE, car des villes de type industriel, telles que Gennevilliers, devraient bénéficier de moins de revenus, malgré la compensation. Cela risque de créer des difficultés.
M. Philippe Dallier . - En théorie, indépendamment de l'évolution des recettes des communes, à partir du moment où, tous les ans, le potentiel financier est recalculé de même que la contribution ou la part touchée, je pense qu'on est dans un système assez équitable.
M. Charles Guené . - La redistribution au sein des EPCI des reversements du FPIC est une question très importante. Nous avons prévu des dispositions légales. La loi doit ainsi prévoir des règles de répartition qui s'appliqueront à défaut, selon les critères suivants :
- répartition entre l'EPCI et leurs communes membres proportionnellement au coefficient d'intégration fiscale ;
- répartition entre les communes membres de manière inversement proportionnelle au potentiel financier par habitant de chaque commune multiplié par son nombre d'habitants.
Toutefois, il nous semble possible de prévoir que les EPCI seront libres de déterminer, par une décision prise à l'unanimité, d'autres modalités de répartition. Il s'agit en effet d'un domaine sensible. Nous avons recherché le consensus sur cette question.
M. Jean Arthuis, président . - Il faut d'abord faire passer le principe, et on verra pour la suite.
M. Philippe Dallier . - Il convient enfin de définir le calendrier des deux prélèvements. A cet égard, nous proposons que le prélèvement et les reversements du FSRIF soient effectués en premier. Ceci permettrait que, pour le FPIC, les prélèvements du FSRIF soient déduits du potentiel financier et les reversements du FSRIF intégrés au potentiel financier.
En conclusion, nous avons une opportunité à saisir à l'automne 2012, à ne pas laisser passer. Nous devrons traiter à la fois du cas de l'Ile-de-France et du fonds de péréquation au niveau national. Si on ne le fait pas maintenant, nous en resterons au statu quo pour de nombreuses années.
M. Jean Arthuis, président . - Je remercie les rapporteurs pour la clarté des principes et des concepts qu'ils ont exposés. Nous pourrions décider de ne rien faire et de laisser le système actuel dériver mais, en l'occurrence, il convient de passer aux actes.
M. François Marc . - Nos rapporteurs ont procédé à un travail approfondi et étayé, qui doit servir à légiférer. Deux remarques toutefois : d'une part, la péréquation proposée nous paraît trop modeste. Se cantonner à un milliard d'euros comme objectif pour l'année 2015 n'est pas suffisant. D'autre part, pour contourner le problème des strates, nous sommes favorables à un dispositif, déjà appliqué pour une partie du calcul de la DGF, qui pondère le potentiel financier par la population de la commune, majorée en fonction de la taille de cette commune. Je soumets cette proposition au débat.
Par ailleurs, je suis satisfait de voir que le revenu est pris en compte comme critère de charges.
M. Jean Arthuis, président . - Je signale toutefois que le mécanisme qu'on nous propose peut permettre de péréquer 200 millions d'euros comme 2 milliards d'euros. La question du volume se pose indépendamment de celle du mécanisme, sur lequel nous pourrions d'ores et déjà trouver un accord. La vraie péréquation, toutefois, ne peut être que verticale.
M. Nicole Bricq . - Je suis tout à fait d'accord.
M. François Fortassin . - Je félicite nos rapporteurs sur le travail effectué mais il faut repartir des concepts de base. Veut-on créer une réelle solidarité entre les territoires ou seulement calmer l'irritabilité de ceux qui sont les plus défavorisés ? Faut-il mettre en place une péréquation « à l'espagnole », où l'on se fixe pour principe la réduction de un à quatre des écarts de richesses, ou seulement atténuer ces écarts sans se fixer de but spécifique ?
M. Charles Guené . - Sur la question des strates, je suis d'accord pour examiner la proposition de François Marc, en restant attentif au nombre de territoires mis à contribution.
Sur l'articulation entre la péréquation verticale et la péréquation horizontale, il y a deux écoles :
- celle qui présuppose que dans quelques années, les deux seront fondues dans une unique péréquation ;
- celle adoptée par notre groupe de travail, qui propose que la péréquation horizontale soit, en quelque sorte, la « voiture balai », ce qui me semble pouvoir se justifier.
Notre dispositif ne me semble pas trop modeste. Si nous voulons faire accepter les mécanismes de péréquation, il est préférable de prévoir une montée en puissance progressive.
Ce que nous avons fait ne me paraît pas nécessairement imparable mais très satisfaisant. A partir des concepts qualitatifs que nous définirons, nous pourrons ajuster le quantitatif et prévoir l'ampleur effective de la péréquation.
M. Eric Doligé . - Concernant les départements et les régions, je remplace notre collègue Albéric de Montgolfier, qui n'a pu venir aujourd'hui.
Le dispositif de péréquation horizontale prévu par les lois de finances pour 2010 et 2011 est différent de celui prévu pour le bloc communal. En effet, les fonds de péréquation ne concerneront que la CVAE et non l'ensemble des ressources de ces collectivités.
Le groupe de travail a défini les principales modalités des fonds qu'il souhaiterait voir mis en place. Je relève au passage que le comité des finances locales s'est concentré sur le fonds de péréquation communal et intercommunal et qu'il a, jusqu'à maintenant, totalement éludé la question, pourtant tout aussi essentielle, des fonds de péréquation départemental et régional.
Le groupe de travail se prononce pour le maintien de la position qui a été celle du Sénat lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011.
Il faut privilégier un dispositif qui met à contribution l'ensemble des départements et des régions dont la CVAE augmente et non seulement ceux dont la CVAE augmente plus rapidement que la moyenne. Ainsi, le fonds proposé par le Sénat sera plus ambitieux que celui proposé par l'Assemblée nationale, dont il est impossible de connaître les conséquences, puisqu'il faudrait pouvoir comparer, à l'avance, la croissance du produit de CVAE de chaque département à la croissance moyenne de la CVAE.
Pour répondre à l'objection soulevée par l'Assemblée nationale, il faut garantir à chaque collectivité prélevée que l'augmentation de la CVAE entre l'année « n » et 2011 sera prise en compte nette de l'inflation cumulée. Ainsi, on est sûr de ne pas prélever de richesse à une collectivité dont la CVAE aurait augmenté moins vite que l'inflation.
Comme nous l'avons voté dans la dernière loi de finances, le prélèvement serait donc égal à 50 % de la croissance de la CVAE - nette d'inflation - entre l'année « n » et 2011.
Nous pouvons conserver le principe de ne prélever que sur les seules collectivités dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne. En effet, grâce au mécanisme de l'effet « cliquet », le prélèvement ne peut avoir pour effet de faire repasser le potentiel financier par habitant d'une collectivité en dessous de la moyenne nationale.
S'agissant des reversements, il faut supprimer tout critère d'éligibilité et prévoir des reversements au profit de l'ensemble des collectivités dont l'indice synthétique de ressources et de charges est inférieur à la moyenne, proportionnellement à cet écart. Ainsi, les effets pervers souvent constatés des seuils d'éligibilité garantiront l'acceptabilité et l'efficacité du dispositif.
Enfin, se posait la question du choix des critères de redistribution pris en compte dans le calcul de l'indice synthétique de ressources et de charges.
Il me semble que pour les ressources, le potentiel financier corrigé par habitant, tel que défini par Pierre Jarlier, peut faire consensus. Il serait pris en compte pour moitié dans l'indice servant au reversement.
S'agissant des critères de charges, je propose, pour que le Gouvernement réalise nos simulations, de conserver les critères votés en loi de finances pour 2011, et qui n'ont pas été modifiés tout au long de la discussion du projet de loi de finances.
Ainsi, pour les départements, trois critères seront retenus avec une pondération d'un sixième pour chacun :
- la population ;
- les bénéficiaires de minima sociaux et la population de plus de 75 ans ;
- la longueur de la voirie départementale rapportée au nombre d'habitants.
Pour les régions, les trois critères pondérés à hauteur d'un sixième chacun également seront :
- la population ;
- le nombre d'élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et les stagiaires de la formation professionnelle ;
- la superficie.
Voilà, mes chers collègues, les propositions de notre groupe de travail sur la péréquation départementale et régionale de la CVAE que nous souhaitons pouvoir illustrer prochainement par des simulations que nous demanderons au Gouvernement.
M. François Marc . - Sur les fonds de péréquation de la CVAE, nous retrouvons un débat que nous avons eu en loi de finances pour 2011 sur le fonds départemental de péréquation des DMTO. Nous sommes favorables à la réintroduction d'une péréquation sur stock, sinon on exclut du prélèvement les collectivités riches dont la croissance de la CVAE est limitée, ce qui n'est pas satisfaisant. C'est un point de désaccord important.
M. Jean Arthuis, président . - La CVAE aurait été un excellent outil de péréquation. Le paradoxe, c'est que nous l'avons territorialisée et que nous sommes maintenant dans l'obligation de prévoir des dispositifs de péréquation pour compenser les inégalités résultant de cette territorialisation.
M. François Marc . - L'injustice est d'autant plus grande que le mécanisme de péréquation proposé risque de faire contribuer les collectivités pauvres en phase de rattrapage, dont la CVAE augmente fortement.
M. Eric Doligé . - Nous n'y voyons pas très clair encore sur les conséquences de la création de la CVAE. C'est pourquoi il faut procéder de manière progressive pour se laisser le temps d'appréhender le déplacement des masses financières entre les collectivités.
M. Jean Arthuis, président . - Le travail qui a été mené est clarificateur. Il nous servira d'instrument pour légiférer à l'automne et faire passer aux élus le message suivant : la nécessité de tendre vers davantage de justice. Ayant remercié les rapporteurs, puis-je considérer que la commission approuve leur rapport et autorise sa publication ?
M. François Marc . - Le groupe socialiste souhaite s'abstenir en raison notamment des trop faibles montants proposés pour la péréquation.
A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de leur communication à MM. Pierre Jarlier, Charles Guené, Philippe Dallier et Eric Doligé, représentant Albéric de Montgolfier, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
ANNEXE 1 COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL
Président : Jean ARTHUIS
Rapporteurs : Philippe DALLIER
Charles GUENÉ
Pierre JARLIER
Albéric de MONTGOLFIER
Philippe ADNOT
Marie-France BEAUFILS
Nicole BRICQ
Eric DOLIGÉ
François FORTASSIN
Adrien GOUTEYRON
Edmond HERVÉ
François MARC
Philippe MARINI
Gérard MIQUEL
Michel SERGENT
ANNEXE 2 RÉUNIONS ORGANISÉES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PÉRÉQUATION FINANCIÈRE ENTRE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. Mardi 15 février 2011
Présidence de M. Jean Arthuis , président
Constitution du groupe de travail
M. Jean Arthuis , président . - J'ai souhaité que nous tenions cette première réunion de notre groupe de travail sur la péréquation financière entre les collectivités territoriales pour préciser les modalités d'organisation de nos travaux.
En effet, comme vous le savez, notre champ d'investigation est particulièrement vaste puisque - mis à part le fonds de péréquation départemental des DMTO, qui entrera en vigueur dès cette année - l'ensemble des dispositifs de péréquation que nous avons votés ne doivent produire leurs effets, au plus tôt, qu'en 2012.
J'en profite pour vous indiquer, concernant le fonds de péréquation départemental des DMTO, que le ministère de l'intérieur disposera des montants définitifs à répartir au plus tard à la fin du mois de février.
S'agissant de notre groupe de travail, comme je vous l'ai indiqué, le Bureau a identifié quatre thèmes particuliers, qui doivent faire l'objet d'investigations :
1) le nouveau mode de calcul des potentiels fiscal et financier ;
2) le fonctionnement du fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales ;
3) la particularité francilienne avec le remplacement du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) ;
4) et les nouveaux fonds régional et départemental de péréquation de la CVAE.
Je vous propose, sur chacun de ces thèmes - qui sont autant de sujets à traiter - de désigner l'un d'entre nous rapporteur. Chacun des quatre rapporteurs pourra ainsi mener sa réflexion en organisant des auditions que je présiderai et qui seront ouvertes à l'ensemble des membres de notre groupe de travail.
Notre objectif est d'achever nos travaux d'ici la fin du mois de juin. Dans cette perspective, nous pourrions déjà convenir de quatre réunions - deux au mois de mars et deux au mois d'avril. Il serait souhaitable que, lors de chaque réunion de notre groupe, deux de nos quatre thèmes de travail soient traités successivement.
Ainsi, à la fin du mois d'avril, chaque thème aura été étudié lors de deux réunions du groupe de travail. Les quatre rapporteurs pourront alors réfléchir à la façon dont ils souhaitent que nous nous organisions pour achever nos travaux d'ici la fin du mois de juin.
Je vous propose que nous nous réunissions, comme aujourd'hui, le mardi après-midi, hors des périodes de suspension des travaux parlementaires. Nos prochaines réunions pourraient avoir lieu :
- le mardi 8 mars, pour évoquer la péréquation communale et intercommunale ainsi que la question de l'Ile-de-France ;
- le mardi 29 mars, pour traiter des notions de potentiels fiscal et financier et de péréquation départementale et régionale de la CVAE ;
- le mardi 12 avril pour travailler à nouveau sur la péréquation communale et intercommunale et sur la problématique francilienne ;
- et le mardi 26 avril pour une deuxième réunion sur les thèmes des potentiels fiscal et financier et sur la péréquation de la CVAE au niveau départemental et régional.
Ce calendrier vous paraît-il compatible avec vos engagements respectifs ?
Mme Nicole Bricq . - Il y a un déplacement de la commission à Berlin prévu le 12 avril.
M. Jean Arthuis , président . - Nous partirons pour Berlin le dimanche soir pour y passer la journée de lundi et nous rentrerons probablement mardi en fin de matinée ou début d'après-midi. La réunion du groupe de travail pourra donc se tenir l'après-midi. Si ce calendrier est à votre convenance, il est adopté. Faute de souhait exprimé de la part des membres du groupe socialiste et CRC, je vous propose de désigner comme rapporteurs, s'ils en sont d'accord :
1) Pierre Jarlier, sur les nouvelles modalités de calcul des potentiels fiscal et financier ;
2) Charles Guené, sur la question du fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales ;
3) Philippe Dallier, sur la question spécifique du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) ;
4) et Albéric de Montgolfier, s'agissant des nouveaux fonds régional et départemental de péréquation de la CVAE.
Mme Nicole Bricq . - Je souhaiterais savoir si, à l'issue de ces réunions, il y aura une réunion plénière.
M. Jean Arthuis , président . - Oui bien sûr et je me propose de présider chacune d'elle, ce sera un moment de confrontation afin de cadrer les hypothèses les plus praticables.
Mme Marie-France Beaufils . - Les élus des groupes seront-ils présent à chaque réunion ?
M. Jean Arthuis , président . - Les quatre rapporteurs nommés ont été les seuls à soumettre leur candidature. Les autres groupes politiques ne se sont pas manifestés, mais ils pourront désigner un des leurs pour assister aux réunions. En ce qui concerne la composition du groupe de travail, il compte seize membres (Michel Sergent, Albéric de Montgolfier, Gérard Miquel, Philippe Marini, François Marc, Pierre Jarlier, Edmond Hervé, Charles Guené, Adrien Gouteyron, François Fortassin, Eric Doligé, Philippe Dallier, Nicole Bricq, Marie-France Beaufils, Philippe Adnot et moi-même) et un seul président qui est en fait un élément modérateur. Ce fonctionnement vous convient-il ?
Acquiescement de l'ensemble des membres.
M. François Fortassin . - Avant de nous séparer, ma question porte sur la ligne de conduite pour la péréquation. Faut-il s'orienter vers des exemples comme l'Espagne où les régions les plus riches ne le sont guère que de trois à quatre fois plus que les plus pauvres ? Ce qui n'est pas le cas de notre pays.
M. Jean Arthuis , président . - Non, la réflexion doit se porter en effet sur l'amplitude des potentiels fiscal et financier et la façon de rendre compatibles les dispositions constitutionnelles qui prévoient à la fois l'autonomie financière et la péréquation. Je vous précise par ailleurs que les réunions se tenant successivement avec l'ensemble des seize membres, il n'y aura pas de conflit de présence. C'est un principe de bonne gouvernance.
Pour revenir à la péréquation, la difficulté sera de la chiffrer. Les bases sont actuellement incompréhensibles. Il y a trois ou quatre ans, j'ai voulu doter le Sénat de ses propres moyens d'expertise et de simulation et je me suis aperçu qu'il n'existait pas de spécialiste en la matière. Tout est dans les mains de la Direction générale des collectivités locales, personne ne comprend ce qu'ils font. L'objectif est donc d'obtenir des statistiques significatives.
M. Philippe Adnot . - Je recommande la lecture du rapport Dexia. Certaines communes ont des charges très importantes.
M. Jean Arthuis , président . - Le problème sera pris en compte.
M. François Fortassin . - Pour ma part, je constate que dans ce pays il n'y a aucune solidarité territoriale.
M. Jean Arthuis , président . - Ce pays s'endette pour ne pas remettre en cause toutes les inégalités. Je vous fais prendre la mesure de ce qui nous attend pour remettre de l'égalité dans la République. Il s'agira dans les auditions de faire le point sur tout ce qui a été voté, de vérifier ce qui est en parfaite cohérence, ce qui est plutôt contradictoire, d'essayer de tendre vers un concept de péréquation et de se faire expliquer les mécanismes de la péréquation (il existe environ cent paramètres actuellement pour la dotation globale de fonctionnement).
Pour terminer, je vous donne rendez-vous pour la prochaine réunion qui aura lieu le mardi 8 mars à 14 h 30, elle durera trois heures et sera répartie entre deux thèmes.
2. Mardi 8 mars 2011
Présidence de M. Jean Arthuis , président
Fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales, fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France
Audition de M. Eric Jalon, directeur général des collectivités locales, et de Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale
M. Jean Arthuis , président . - Comme nous en sommes convenus lors de notre première réunion, nous aborderons aujourd'hui deux des quatre thèmes qui constituent le périmètre de réflexion de notre groupe de travail sur la péréquation :
- le fonctionnement du fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales ;
- la particularité francilienne avec le remplacement du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF).
Nous disposons de deux heures avant la venue du président Migaud. C'est peu et nous ne ferons pas le tour complet de ces deux sujets aujourd'hui, il ne s'agit que d'une première réunion. Je vous propose d'organiser notre temps de la façon suivante.
Dans un premier temps, nos deux rapporteurs (Charles Guené et Philippe Dallier) vont présenter l'état des lieux de ces deux questions afin de repréciser les dispositions votées et de mettre en évidence les questionnements qui en découlent.
Ensuite, nous entendrons les réponses de l'administration (la direction générale des collectivités locales et la direction de la législation fiscale) sur une liste de questions, élaborée par les rapporteurs, qui leur a été adressée et que vous avez vous-même reçue avec la convocation à cette réunion.
Vous pourrez, si vous le souhaitez, compléter cet entretien en posant vos propres questions.
Enfin, s'il nous reste un peu de temps, nous débattrons entre nous afin d'orienter, toujours sur ces deux sujets, la suite de nos travaux. Je vous rappelle, à cet égard, que la prochaine réunion concernant le fonds intercommunal et communal et le FSRIF aura lieu le mercredi 13 avril et non le 12 avril comme initialement prévu (car les membres du bureau de la commission ne rentreront pas suffisamment tôt de Berlin).
Je vous rappelle également qu'avant cela nous aurons tenu notre première réunion sur les notions de potentiels fiscal et financier et sur la péréquation départementale et régionale de la CVAE, le mardi 29 mars.
Si vous le voulez bien, pour entrer dans le vif du sujet, je voudrais revenir brièvement sur l'historique le plus récent de la péréquation intercommunale, depuis la suppression de la taxe professionnelle.
Vous vous souvenez que la loi de finances pour 2010 a commencé de traiter de la question de la péréquation entre collectivités locales. Certes, il ne s'agissait pas du « grand soir de la péréquation » mais un certain nombre de dispositifs ont été créés à l'échelon des départements et des régions notamment le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et les fonds de péréquation sur le produit de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Pour le bloc communal, la loi de finances pour 2010 s'est limitée à des engagements concernant notamment les dispositifs existants de péréquation horizontale, le FSRIF pour l'Ile-de-France et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Elle a aussi envisagé dans le cadre de la fameuse clause de « revoyure », mais sans en préciser ni le contenu ni l'échéance, « une réforme de la dotation globale de fonctionnement destinée à conforter sa vocation péréquatrice ».
Un point notable doit être relevé toutefois. Contrairement à l'idée défendue par notre commission des finances, qui consistait progressivement à faire basculer ces sommes au profit d'un fonds de péréquation, le texte définitif de la loi de finances a figé, dans leur répartition et dans leur montant, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).
C'est donc postérieurement à la loi de finances pour 2010 que la discussion a commencé réellement à s'engager sur la péréquation interne au bloc communal. Quelques pistes ont ainsi été ouvertes par le rapport élaboré au nom du Gouvernement par les inspections générales des finances et de l'administration, en application de la clause de revoyure, dit rapport Durieux.
Ce rapport proposait en particulier le recours à des critères de ressources et de charges, la prise en compte de la totalité de la richesse fiscale et pas uniquement de la fiscalité économique et une addition de deux dispositifs de péréquation, l'un national et l'autre régional.
Le rapport Durieux a été confirmé et complété, en juillet 2010, sur certains points, par les propositions exprimées par les quatre parlementaires en mission désignés par la ministre de l'économie.
Parmi leurs conclusions, je relève le souhait que le système de péréquation porte sur l'ensemble « groupements et communes membres » aussi bien pour les prélèvements que pour les reversements, et celui de la prise en compte de la DCRTP et du FNGIR dans la définition des seuils de prélèvement et de reversement. Les parlementaires en mission ont également émis d'autres propositions, moins consensuelles sans doute, comme lorsqu'ils préconisaient que la redistribution des montants prélevés au titre du fonds national soit placée sous le contrôle du comité des finances locales ou que les critères de charges prennent en compte des indicateurs de « gestion vertueuse ».
Nombre de ces propositions reprenaient d'ailleurs des orientations que notre commission avait elle-même définies en mars 2010 lorsqu'elle avait tenu ses ateliers sur la péréquation. Nous nous étions prononcés à l'époque pour que la péréquation horizontale s'établisse désormais sur un périmètre régional.
Mais c'était avant la loi de finances pour 2011, qui a marqué une nouvelle étape dans cette élaboration progressive d'un dispositif de péréquation pour le bloc communal.
Je passe maintenant la parole à Charles Guené, rapporteur sur la question du fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales, auquel succèdera Philippe Dallier, sur la question spécifique de l'Ile-de-France et de son fonds de solidarité.
M. Charles Guené , rapporteur . - Concernant la péréquation intercommunale et communale, partons du droit existant, c'est-à-dire de l'article 125 de la loi de finances pour 2011.
Cet article met en place, à compter de l'année 2012, un fonds dit « fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales ».
Pour le Gouvernement, cet article constitue la concrétisation d'une promesse formulée lors de la réforme de la taxe professionnelle. Nous avons toutefois voté ce dispositif sans disposer d'estimations ou de simulations de ses effets. Cela s'explique notamment par les difficultés rencontrées pour rassembler de l'information fiscale sur des impositions nouvelles, qui n'avaient pas encore été recouvrées pour leur première année de création.
Je vous indique d'ailleurs que les simulations dont nous disposerons d'ici fin juin seront nécessairement approximatives puisque les données définitives relatives à la CVAE, à la compensation-relais, à la dotation de compensation de la réforme de la TP (DCRTP) et au FNGIR ne seront disponibles qu'entre juillet et décembre.
Enfin, le comité des finances locales travaille, parallèlement à notre groupe, sur un rapport qui doit être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1 er septembre 2011, afin d'adapter et de préciser les modalités de fonctionnement du fonds.
Je vais d'abord vous présenter l'historique de l'article 125 de la loi de finances pour 2011.
Le texte du Gouvernement ne prévoyait qu'un fonds national, dont l'objectif était de s'élever à 2 % des recettes fiscales du bloc communal en 2015. L'Assemblée y avait substitué un double dispositif : un fonds national et des fonds régionaux, chacun devant brasser l'équivalent de 1 % des recettes fiscales communales. Le texte du Sénat, qui a été adopté sans modification par la commission mixte paritaire, a finalement prévu un unique fonds national, avec un objectif de 2 % des recettes fiscales, qui doit s'articuler avec un dispositif spécifique pour remplacer le FSRIF. Le montant du FSRIF devra, en 2012, égaler son montant de 2009.
Le critère et le seuil des prélèvements au profit du fonds ont été précisés au cours de la discussion pour aboutir à un prélèvement à partir de 1,5 fois le potentiel financier - et non fiscal - par habitant national.
En ce qui concerne les reversements, le critère du potentiel financier a également été substitué à celui du potentiel fiscal. Par ailleurs, les communes isolées ont été exclues du bénéfice des reversements. Ceux-ci ne bénéficieront en effet qu'aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Enfin, si le texte du Gouvernement prévoyait d'abonder le fonds à hauteur des 419 millions d'euros versés au profit des FDPTP en 2011, le texte final a rétabli la dotation annuelle au profit des FDPTP. L'Etat ne contribuerait donc pas au financement du fonds.
Dans ce contexte, quelles sont les points à clarifier et à examiner ?
On peut d'abord s'interroger sur la pertinence d'un objectif calculé en pourcentage des recettes fiscales. D'une part, on ne sait pas définir la notion de « recettes fiscales ». D'autre part, ne serait-il pas plus pertinent de fixer un objectif en termes de réduction des écarts de richesse plutôt qu'en fonction d'une masse financière variable ?
Par ailleurs, la question du maintien des 419 millions d'euros versés au profit des FDPTP se pose. Ils privent d'autant le fonds d'une dotation initiale qui aurait été utile. Je vous rappelle à ce sujet que les reversements des FDPTP au profit des communes dites « concernées », c'est-à-dire celles à proximité des établissements exceptionnels, ont été garantis dans le cadre du FNGIR. Par conséquent, les 419 millions d'euros restant ne correspondent qu'aux versements au profit des communes dites « défavorisées », définies par les conseils généraux selon des critères assez peu contraignants.
Venons-en aux questions soulevées par les critères des prélèvements et des reversements. Il me semble que le potentiel financier doit être défini de manière extensive, afin de représenter au mieux la richesse réelle de chaque collectivité. Mais c'est un sujet en soi, qui sera traité dans le cadre du thème rapporté par Pierre Jarlier. Concernant le seuil de prélèvement, faut-il le fixer à 1,5 fois le potentiel financier par habitant, au risque de créer un fort effet de seuil ? On pourrait envisager de prélever l'ensemble des collectivités dont le potentiel financier par habitant dépasse la moyenne, avec un prélèvement proportionnel à l'écart à la moyenne, qui permettrait d'éviter les effets de seuil.
La question se pose par ailleurs de savoir si l'écart à la moyenne servant de critère aux prélèvements et reversements doit être considéré au niveau national ou par strates de communes et par catégories d'EPCI.
A titre indicatif, ce tableau vous montre le potentiel financier par habitant moyen, pour 2010, des communes, classées par strates démographiques. On voit bien que ne pas prendre en compte les strates démographiques conduirait tout simplement à prélever de l'argent sur les communes de grande taille pour le distribuer aux communes les moins peuplées, ce qui ne me semble pas devoir être l'objectif d'une péréquation juste et efficace.
Le même constat peut être dressé concernant les EPCI.
Comment traiter de manière identique les 10 communautés de communes de moins de 700 habitants et les communautés urbaines de plus de 50 000 habitants ? Si l'on veut mettre en place un dispositif qui fonctionne, il me semble nécessaire de répondre à ces questions et de modifier le dispositif actuel de l'article 125 qui ne prend aucunement en compte les strates démographiques et les catégories et strates d'EPCI.
Enfin, la question de la prise en compte de critères de charge se pose également.
Pour les prélèvements au profit du fonds, il me semble logique de prendre en compte le seul critère du potentiel financier par habitant. Il permet de mettre en place un prélèvement sur la richesse réelle de chaque collectivité.
En revanche, concernant les reversements, le seul critère du potentiel financier par habitant n'est peut-être pas pertinent. Faut-il prévoir des reversements en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges et, si oui, quelles charges faut-il prendre en considération ?
Pour répondre à l'ensemble de ces questions, il faut que nous disposions d'un minimum de visibilité sur les communes et EPCI qui seront prélevées et sur ceux qui bénéficieront des reversements.
Le cas échéant, la question de la mise en place d'un plafonnement du prélèvement au profit du fonds pourra se poser. C'est ce que nous avons fait, me semble-t-il de manière pragmatique, lorsque nous avons créé dans la loi de finances pour 2011 le fonds départemental de péréquation des DMTO. C'est également ce qui existait pour le FSRIF. Plafonner le prélèvement peut permettre l'adoption d'un dispositif en le rendant acceptable par les collectivités qui seront les plus gros contributeurs.
Concernant les bénéficiaires, outre la question des communes isolées, on peut s'interroger sur l'absence de distinction, dans les critères de reversement, entre les EPCI en fonction de leur degré d'intégration fiscale. Ne faudrait-il pas utiliser cette péréquation pour favoriser les EPCI les plus intégrés fiscalement, en utilisant le critère du coefficient d'intégration fiscale (CIF) ?
Enfin, je vous rappelle que seuls les EPCI, à l'exclusion de leurs communes membres, sont aujourd'hui bénéficiaires des reversements du fonds.
Se pose donc également la question des modalités d'encadrement du reversement des ressources du fonds par l'EPCI entre ses communes membres.
L'ensemble de ces questions, qui, vous le voyez, sont nombreuses et complexes, s'articule avec les deux autres calendriers relatifs aux collectivités territoriales : la connaissance définitive des produits de la CET, à la fin de l'année 2011, et le bouclage de la carte de l'intercommunalité, qui n'interviendra qu'en 2014.
Je passe maintenant la parole à Philippe Dallier, rapporteur sur la question spécifique de l'Ile-de-France et de son fonds de solidarité.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Je poursuis cette revue de détail de l'état de la péréquation au sein du bloc communal par le sujet de la particularité francilienne avec le remplacement du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF).
Quelques éléments de rappel sur le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France tel qu'il a fonctionné jusqu'en 2010.
Créé en 1991, le FSRIF assure une redistribution entre les communes (et non pas les intercommunalités) par prélèvement sur les ressources fiscales des communes et EPCI les plus favorisés au profit des communes les plus défavorisées.
Ses ressources proviennent de deux prélèvements qui font appel d'une part, à la notion de potentiel financier, et d'autre part, à la richesse fiscale économique (à travers les bases de la taxe professionnelle).
S'agissant du premier prélèvement, son assiette est constituée par le produit de la population DGF 2010 de la commune par le montant du potentiel financier par habitant de la commune excédant le potentiel financier moyen par habitant des communes de la région d'Ile-de-France.
A cette assiette sont appliqués trois taux de prélèvement, de respectivement 8, 9 et 10 % selon que le potentiel financier par habitant de la commune est égal ou supérieur à respectivement 1,25 ; 2 et 3 fois le potentiel financier moyen des communes de la région.
Pour le deuxième prélèvement, le montant du prélèvement est égal au produit du taux de taxe professionnelle en vigueur dans la commune par 75 % des bases par habitant excédant le seuil précité, multiplié par la population.
Le FSRIF présente deux autres particularités :
- les prélèvements sont plafonnés en pourcentage du montant des dépenses réelles de fonctionnement constatées (5 % pour le premier prélèvement, 10 % pour le second) ;
- ses règles de redistribution reposent sur un indice synthétique de ressources et de charges qui permet de classer les communes de la région Ile-de-France. Cet indice est complexe. Il fait intervenir quatre critères : le potentiel financier par habitant de la commune à hauteur de 55 %, la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune pour 15 %, la proportion de bénéficiaires d'aides personnalisées au logement (APL) pour 20 % et le revenu par habitant pour 10 %.
Les résultats du FSRIF en 2009 doivent constituer la base de référence puisqu'en 2010, le produit du FSRIF a baissé de manière un peu artificielle, Paris ayant « basculé » des produits de la collectivité communale sur la collectivité départementale, ce qui a faussé les chiffres. En 2011, faute de référence à une TP réelle, on est passé à un régime « théorique » et c'est la loi de finances qui a pris comme référence 2009.
On notera la part des EPCI à taxe professionnelle unique dans le second prélèvement. Cette participation est toute récente puisqu'elle a été introduite par la loi de finances pour 2009 qui a élargi le second prélèvement aux communautés de communes et communautés d'agglomération à taxe professionnelle unique.
Ce tableau a pour objectif de montrer que l'impact de la péréquation horizontale n'est pas négligeable même si elle reste modeste dans ses montants.
Bien entendu, il ne s'agit que de moyennes départementales sur des attributions communales, mais elles font tout de même apparaître les écarts de richesse de la région et l'effet péréquateur du FSRIF.
C'est ce qui explique l'attachement des élus franciliens à cet outil qui reste une réalisation unique en France.
Revenons aux textes. La question du FSRIF a été abordée à l'occasion des deux lois de finances successives, pour 2010 et pour 2011.
Par deux fois, le principe même de l'existence d'un instrument propre à l'Ile-de-France a été réaffirmé de même que celui d'un montant au moins équivalent au produit redistribué en 2009.
Dans la loi de finances pour 2011, deux « nouveautés » :
- il ne s'agit plus de garantir en 2012 le montant 2009, mais de prévoir une progression d'ici 2015, ce qui est aussi l'objectif de temps du fonds intercommunal et communal. On observera cependant que l'ambition pour le FSRIF est plus « raisonnable » puisqu'il est dit dans l'article 125 qu'il augmentera de 1,5 fois son montant 2009, alors que les recettes du fonds national doivent être multipliées par 4 ;
- la reconnaissance d'une spécificité du FSRIF dans le cadre du fonds national, dans des termes qui devraient être précisés. C'est le second alinéa du VII de l'article 125 : « Il (le FSRIF) est alimenté au premier chef par les ressources provenant des prélèvements ci-avant décrits. Il obéit à des règles de fonctionnement de prélèvement complémentaire et de péréquation internes autonomes en raison de la spécificité de la région d'Ile-de-France. »
Un point rapide sur les enjeux. Si l'on ne trouve pas très vite de solution satisfaisante pour le FSRIF, qui garantisse son efficacité actuelle et permette une amélioration de celle-ci pour l'avenir, on risque d'aller vers une solution de type FDPTP après le vote du Sénat, c'est-à-dire une transformation en dotation de l'Etat, soit à montant gelé, soit avec une indexation fixée par la loi. Ce serait totalement en opposition avec l'esprit de ce dispositif qui doit pouvoir évoluer pour s'approcher au plus près des réalités économiques et sociales d'un territoire régional.
Quelles sont les questions à régler et les préalables à lever pour permettre la cohabitation du fonds national et du FSRIF, puisque le Sénat a finalement repoussé l'idée du rapport Durieux et des parlementaires en mission, reprise par l'Assemblée nationale, de créer deux niveaux de péréquation horizontale, l'un national, l'autre régional ?
J'ai listé certaines conditions qui rejoignent souvent les observations faites par Charles Guené. Elles concernent :
- la mesure de la richesse effective des collectivités (effort fiscal, prise en compte des charges, sur la base de critères simples et incontestables comme le potentiel financier élargi et le revenu moyen par habitant...) ;
- et l'introduction d'un plus grand réalisme dans les solutions apportées (stratification démographique des potentiels fiscal et financier, plafonnement du prélèvement).
Le principal sujet reste celui qui ne peut être traité sérieusement faute d'informations de base dont nous ne disposons pas et qui est celui de la « soutenabilité » financière (et politique) du mécanisme. L'ensemble du système de péréquation peut-il être financé par les communes et intercommunalités d'une seule région, l'IDF ?
C'était déjà une question soulevée par le rapport des parlementaires en mission (dont faisait partie Charles Guené). Sur la base de la proposition « Durieux » de coexistence d'un fonds national et du FSRIF, il relevait « l'importance du prélèvement qui sera demandé aux blocs communaux contributeurs. Ces derniers devront en effet assurer une contribution tant au fonds national qu'au fonds de leur région. Ainsi pour l'Ile-de-France, ces contributions atteindraient 541 millions d'euros, 54 millions d'euros pour la région Rhône-Alpes et près de 64 millions d'euros pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. A l'inverse, des montants conséquents pourraient être attribués aux blocs communaux défavorisés de plusieurs régions (ainsi, 71 millions d'euros aux blocs communaux de Midi-Pyrénées et 59 millions d'euros à ceux du Nord-Pas-de-Calais). »
Faute de données qui ne nous ont pas été fournies lors du vote de la loi de finances, nous avons dû prendre des hypothèses : celle que le montant des recettes fiscales du bloc communal, qui détermine l'objectif chiffré du fonds national, resterait quasiment identique au produit atteint en 2009. Cela donne globalement des objectifs de recettes pour le fonds national qui vont de 250 millions d'euros en 2012 à 1 milliard d'euros en 2015. L'autre hypothèse est que les communes et EPCI de la région Ile-de-France contribueraient pour 80 % aux recettes du fonds national.
Si l'on intègre le financement du FSRIF - a priori exclusivement à la charge des communes et EPCI de l'Ile-de-France - cela donne en 2015 un prélèvement de 800 millions d'euros à la charge de ces communes et EPCI et un taux de retour qui passe de 93 % en 2012 à 35 % en 2015.
Pour que la péréquation horizontale soit juste - en région Ile-de-France mais aussi ailleurs - il faut qu'elle prenne en compte l'ensemble des facteurs qui font la richesse d'un territoire. Parmi ces facteurs figure le taux d'effort fiscal.
Or, la lecture de l'ensemble des taux moyens d'effort fiscal par départements d'Ile-de-France et de quelques exemples des départements de Province montre la diversité des situations.
La diversité serait encore plus grande si l'on descendait au niveau communal.
Je vous rappelle que selon les chiffres donnés devant notre commission par l'IAURIF (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France) l'année dernière, en Ile-de-France, le potentiel financier par habitant en 2008 variait de 1 à 70, ce qui représente le plus fort écart entre collectivités au sein des régions françaises.
Enfin, un sujet qui n'est peut-être pas central mais qui a toute son importance dans la petite couronne parisienne : celui de sa spécificité s'agissant de l'intercommunalité.
Il faut à ce sujet :
- tenir compte de la réalité des situations (taille des communes de la petite couronne) ;
- et rétablir de la cohérence entre les textes législatifs.
M. Jean Arthuis , président . - Merci à nos deux rapporteurs. On a presque le vertige quand on met sur la table toutes les données et qu'on voit à quel point notre République pratique l'inégalité. L'exercice consiste à rééquilibrer. Quand on parlera de potentiel financier, il faudra se mettre d'accord pour y inclure toutes les ressources, y compris la dotation de fonctionnement minimale (DFM) pour les départements afin de ne pas commettre de grandes injustices. A ce stade, nous allons demander à Eric Jalon et à Marie-Christine Lepetit de réagir à ces présentations. Tout d'abord Eric Jalon.
M. Eric Jalon, directeur général des collectivités locales . - Je suis d'accord avec le président Arthuis sur le fait que notre République tolère des inégalités. Les deux rapporteurs ont marqué les limites de cette réforme et je souhaiterais répondre en reprenant l'ordre des questions.
La première question concerne la notion de recettes fiscales au sens de l'article 125 de la loi de finances.
La direction de la législation fiscale est partie d'un tableau des ressources des communes et des intercommunalités en 2009 auxquelles a été ajoutée la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), ce qui a donné 49 milliards d'euros. L'objectif d'un milliard d'euros nous a paru raisonnable et a donné le calcul de 2 %. Ce n'est évidemment pas représentatif de ce que pourrait être le panier de recettes prises en compte dans le cadre de cette péréquation. C'est simplement un ordre d'idée.
M. Jean Arthuis , président . - Cela ne prend pas en compte les nouvelles impositions et notamment la territorialisation de la CVAE.
M. Eric Jalon . - Tout à fait. Sur le sujet de la cible il reste un certain nombre de questions restées ouvertes : quelles sont les recettes fiscales prises en compte et quel est le périmètre ? Quelle montée en charge progressive : 0,5, 1, 1,5 puis 2 ? Cette progressivité doit-elle être maintenue ? Est-ce adapté ? Le profil doit-il être plus exponentiel ? L'objectif doit-il être figé ou glissant en fonction des recettes fiscales effectives des collectivités ? Faut-il le fixer en proportion des recettes fiscales ? En valeur absolue (1 milliard d'euros) ou en termes d'objectif de réduction des inégalités, étant entendu qu'il nous faudra mesurer à échéance régulière l'ensemble des mécanismes de péréquation. Quant aux recettes prises en compte dans cette péréquation, nous avons présenté au comité des finances locales un tableau récapitulant l'ensemble des recettes fiscales des communes et des intercommunalités qu'il faut « croiser » avec deux autres critères :
- le mode et le calendrier de recensement de ces données ;
- la proportion que représentent ces recettes fiscales : elle doit être la plus large possible. Mais chaque fois que nous voudrons inclure une recette, il faudra faire attention à la disponibilité des données qui doivent être connues assez tôt dans l'année pour établir des calculs en temps utiles et incontestables. En exemple, on peut citer le versement transport ou la TEOM.
En ce qui concerne la DCRTP et le FNGIR, à prendre en compte ou pas dans le panier de recettes - en plus pour les collectivités qui bénéficient des reversements, en moins pour les collectivités qui sont écrêtées au titre du FNGIR - il nous semble, et c'est l'avis du groupe de travail du CFL, qu'il faut les inclure. Je passe rapidement sur le débat relatif à la nature du potentiel financier et du potentiel fiscal. Pour ce dernier c'est originellement l'application d'un taux moyen national à des bases locales. Avec le potentiel financier, on introduit des dotations qui ne sont pas modulables par les collectivités et, avec la réforme de la TP, on se rapproche de plus en plus d'un produit et pas d'un potentiel. L'important est d'avoir une vision réelle et neutre de la réalité des produits qu'une collectivité peut attendre de son territoire, et pour le potentiel financier, des dotations de l'Etat perçues à titre récurrent.
M. Jean Arthuis , président . - Cela signifie donc que lorsqu'on a des assiettes spécifiques à chaque collectivité et des taux dans la main des collectivités, on prend un taux moyen pour calculer un revenu théorique et on intègre les dotations pour le montant réel, ce qui détermine un montant par habitant.
M. Eric Jalon . - Aujourd'hui ne sont ajoutées que les dotations perçues à titre régulier et forfaitaire, hors dotations de péréquation afin de ne pas créer une référence circulaire. Sur l'objectif de 2 %, il y a un certain nombre de questions posées. D'une part, la manière dont les FDPTP s'articulent : est-ce que leur gouvernance doit évoluer ou pas ? Faut-il revoir la répartition entre les départements (au sein desquels les pratiques ne sont pas homogènes) ? Faut-il mieux les encadrer, améliorer leur connaissance ? Certainement, mais c'est un sujet devenu « latéral ». D'autre part, concernant l'inclusion ou non du FSRIF (186 millions en 2009, 173 en 2010) dans l'objectif de 2 %, j'ai retenu des propos de Charles Guené l'idée de le faire plutôt venir en plus de l'objectif de 2 %. C'est le point le plus compliqué du dispositif et je regrette que le Sénat ait commencé ses travaux par ce point précis.
Trois sujets pour terminer : la question des strates, les critères de ressources et de charges et l'articulation entre EPCI et communes dans le dispositif. En ce qui concerne les strates, il y a trois manières de les intégrer dans notre raisonnement :
- le prélèvement : l'instrument de mesure du potentiel financier doit-il être apprécié strate par strate ou sur la base d'une comparaison nationale ? Non stratifié, un nombre limité de collectivités de très grande taille supporteront l'essentiel des prélèvements ;
- les strates ou groupes démographiques pour les critères de répartition : il faudra alors tenir compte de la typologie des collectivités appelées à bénéficier de la péréquation ;
- l'intersection entre les deux : si on fait des groupes démographiques pour la répartition et le prélèvement, alors la péréquation se fera-t-elle uniquement entre les collectivités de ces groupes ? La réponse est négative car cela diminuerait la puissance globale du mécanisme.
Il y a ensuite la question des critères de ressources et de charges. Il conviendrait de distinguer les prélèvements (avec les critères de ressources) des reversements (avec les critères de charges). Ce qui revient à dire qu'une collectivité peut être bénéficiaire et contributrice à la fois.
Sur les critères de charges à mobiliser pour la répartition de la dotation, le système n'est pas parfait, mais les critères sont fiabilisés et la préoccupation majeure est de tendre vers un équilibre entre la pertinence des critères, leur qualité, leur fiabilité et l'absence de contestation.
Enfin, sur la question de l'articulation entre les communes et les intercommunalités et celle des prélèvements et du reversement, il faut prendre en compte la richesse des territoires et des communes. Moins d'interlocuteurs permettrait de comparer des « blocs » locaux quels que soient par ailleurs les choix fiscaux. Je suis favorable à la répartition du prélèvement entre l'EPCI et ses communes membres au prorata de la contribution de chacune de ces entités à la constitution de ce potentiel fiscal.
S'agissant des reversements, le texte exclut les communes isolées. Cela nous pose trois difficultés : celle propre à l'Ile-de-France car l'objectif de couverture du territoire par l'intercommunalité n'a pas été retenu par le législateur pour les départements de la petite couronne, celle des collectivités qui ne seront probablement pas en intercommunalité (îles mono-communales) et celle des communes qui pendant les périodes transitoires se retrouveront isolées.
Comment répartir les attributions du fonds au sein du bloc des communes ? Par défaut, la règle définie par le législateur est de laisser 50 % à l'EPCI et 50 % aux communes membres. Il faudrait l'approfondir sur le quantum et les modalités de fixation (fixé a priori par le législateur ou par accord local à l'unanimité ou la majorité qualifiée). Je serai à titre personnel assez partisan d'un accord local à défaut duquel s'appliquerait des règles prédéterminées par le législateur.
M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie mais il nous faudrait une simulation suffisamment précise pour permettre au groupe de travail de se prononcer. C'est peut-être Marie-Christine Lepetit qui nous permettra d'obtenir les chiffres.
Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale . - Eric Jalon a été très complet et c'est bien volontiers que je cède le pas à la DGCL sur les questions où la compétence de la DLF trouve ses limites. Je souhaite rappeler brièvement l'historique du texte. Sur les questions d'objectif de péréquation, il souffre quelques ambigüités sur la portée du 2 % (à partir de quelle masse est-elle calculée, la façon dont ces 2 % s'articulent avec les FDPTP, avec le FSRIF) ? Le Gouvernement a été probablement un peu timide dans son projet de loi initial car le raisonnement que nous avions fait partait des anciens FDPTP (les communes défavorisées et aussi les communes concernées) qui étaient à l'époque de l'ordre d'un milliard d'euros. Ce montant n'était pas complètement péréquateur mais a servi de point de référence. Le Parlement a accru l'ambition de ce texte puisqu'il en a doublé le montant final, passant ainsi à 2 milliards. Le Gouvernement n'a pas retenu un objectif directement exprimé en souhait de rétrécir les écarts de richesse entre territoires.
M. Jean Arthuis , président . - C'est un choix implicite.
Mme Marie-Christine Lepetit . - Le Gouvernement a choisi d'incarner en chiffre, pour la première fois, un objectif de péréquation à 2 % mais ce pourcentage est soumis à discussion puisqu'il a été renforcé. A l'époque (et encore maintenant), on n'avait pas de vision très claire, en situation de post réforme TP, du besoin de péréquation exprimé en réduction des inégalités puisque les chiffres disponibles, figurant dans le rapport Durieux, et qui mesuraient les écarts de richesse étaient en fonction des impôts connus. C'est par prudence qu'on ne s'engage pas sur quelque chose dont on ne connaît pas précisément le diagnostic.
M. Jean Arthuis , président . - Surtout que les valeurs locatives qui servent d'assiette au calcul du produit du potentiel fiscal ne sont pas homogènes et peuvent varier du simple au double.
Mme Marie-Christine Lepetit . - Monsieur le président, ce n'est pas quelque chose de nouveau du fait de la réforme. Il sera utile de faire un point régulier car les chiffres post-réforme sont à produire et ils seront éclairants.
M. Jean Arthuis , président . - Tout à l'heure, nous allons recevoir Didier Migaud, qui a fait un gros travail sur la convergence entre la France et l'Allemagne. Cette dernière est arrivée à réduire les écarts.
Mme Marie-Christine Lepetit . - Mais là-bas c'est facile puisqu'il n'y a plus de foncier, pas d'impôts locaux, et un partage des impôts nationaux. Deux points complémentaires sur la production des chiffres, ces derniers doivent nécessairement intégrer les questions de dotations de l'Etat et ils sont la propriété exclusive de la DGCL qui les produira dans le détail.
M. Jean Arthuis , président . - Il y a bien un moment où ils devront être communiqués.
Mme Marie-Christine Lepetit . - Un rapport est en préparation à la DLF. Je souhaite revenir sur la façon dont se répartissent le prélèvement et le reversement, surtout le prélèvement entre EPCI et communes. Il y a un hiatus important entre le texte conçu par le Gouvernement et le texte adopté (sans grand débat). Celui-ci organise les prélèvements séparément et d'une manière étanche, en ne tenant pas compte des différents types d'organisation et des flux qui interviennent entre EPCI et les communes membres, dans un exercice de péréquation qui me laisse assez perplexe. Cette question mérite une grande attention car elle n'est techniquement pas bouclée.
M. Jean Arthuis , président . - Si on devait raisonner en termes de faisabilité, on pourrait imaginer que l'intercommunalité soit l'interface de l'Etat en ce qui concerne les dotations et les prélèvements, à charge pour les collectivités membres d'une intercommunalité de trouver les conventions localement.
M. Eric Jalon . - C'est l'esprit dans lequel avait été conçu le texte du Gouvernement s'agissant de cette péréquation des recettes fiscales communale et intercommunale. C'est par défaut de compréhension qu'il a été écarté.
Mme Marie-Christine Lepetit . - L'incompréhension portait sur le caractère automatique ou non automatique du dispositif. L'idée première était d'organiser seulement un quantum de prélèvement sur le territoire. Lors des discussions en juin-juillet, le partage entre ceux qui avaient envie de cette liberté et ceux qui disaient : « attention il y a des situations locales d'espèce », a conduit à globaliser afin d'éviter de prélever deux fois sur le même territoire, d'avoir des distorsions de situation selon que les EPCI seront plus ou moins intégrés, les prélèvements se répartissant d'une manière mécanique. Eric Jalon a raison car c'était vraiment l'esprit du texte avec l'étage EPCI et l'étage communes membres. Mais on n'a pas su faire comprendre qu'il était à la fois pertinent dans l'organisation de la péréquation au niveau du bloc communal et en même temps protecteur et simple dans la mécanique de répartition entre EPCI et communes.
M. Eric Jalon . - Pour répondre à votre question en termes de faisabilité, l'instrument de mesure qui est le potentiel fiscal agrégé entre communes et intercommunalité figure dans la loi puisqu'il a été adopté dans l'article 183 de la loi de finances. Sa définition devra être retravaillée en fonction du nouveau panier des recettes et du souhait, notamment du Sénat, d'évoluer de manière générale vers les potentiels financiers au détriment des potentiels fiscaux, mais le prototype du « thermomètre » existe déjà. C'est un peu différent s'agissant des dotations.
M. François Fortassin . - Je retiens de cette réunion l'extrême prudence et l'hyper-technicité de cette réforme. Pour en revenir à la définition de la péréquation, il s'agit de donner un peu plus aux communes défavorisées. C'est la solidarité territoriale. Dans ce pays, il existe une solidarité sociale qui fait que dans les conseils généraux on y consacre 50 % du budget et parfois plus, mais je me demande si on peut aller aussi loin dans la péréquation. Je suis favorable à la solidarité territoriale mais j'estime que 2 % ce n'est pas suffisant.
M. Jean Arthuis , président . - Ce qui est formidable c'est qu'on est arrivé à mettre dans la Constitution qu'il fallait à la fois l'autonomie financière et la péréquation. C'est une totale contradiction. On y a ajouté un principe de précaution qui permet à Eric Jalon et Marie-Christine Lepetit de ne pas mettre les chiffres sur la table, mais nous on veut voir vos simulations car c'est la seule façon de réguler.
M. Eric Jalon . - Ce que vous dites monsieur le sénateur correspond à ce qu'on essaie de faire à bien des égards, et là on traite un des points incontestablement nouveaux qui est la péréquation horizontale, c'est-à-dire la redistribution, certes que de 2 %, des recettes fiscales entre collectivités.
M. Jean Arthuis , président . - C'est l'ISF pour payer le RMI.
M. Eric Jalon . - En quelque sorte, mais, par ailleurs, il y a eu une réforme de la DGF en 2004-2005 pour avoir un montant forfaitaire par habitant et nous écrasons progressivement ce qui est le substrat d'inégalité historique entre collectivités : le complément de garantie. On ne l'écrête que de 2 % par an, mais en redéploiement progressif entre collectivités, surtout cette année où nous le ferons en prélevant sur le complément de garantie des collectivités les plus favorisées. Pour ce qui est des simulations, nous ne cachons rien. Il y a un calendrier de mise à disposition des recettes fiscales par les services de la DGFIP dont nous sommes tributaires. Le Parlement a modifié les modalités de la CVAE dans la dernière loi de finances avec les critères de territorialisation, cela décale d'autant la disponibilité des données.
M. Jean Arthuis , président . - Concernant la CVAE, à la DLF, les déclarations faites par les entreprises vont faciliter votre travail de répartition, de territorialisation. Comment cela se présente-t-il ?
Mme Marie-Christine Lepetit . - Il y a eu une exploitation des chiffres l'année précédente mais les critères ont changé depuis et maintenant il faut attendre la prochaine livraison des entreprises. Les données de juin dernier vont servir à notifier les sommes ce mois-ci mais ce n'est pas une version définitive.
M. Jean Arthuis , président . - Nous souhaitons néanmoins avoir les chiffres provisoires.
Mme Marie-Christine Lepetit . - Pour la notification des budgets, les sommes de CVAE qui seront précisées aux collectivités locales tiennent comptes des déclarations de CVAE de l'année dernière sur la base des règles adoptées par le Parlement en 2009. Mais comme les règles de répartition ont changé, si la garantie de ressources est organisée de la même façon entre avril et décembre 2011, la répartition de ce qui sera strictement fiscal, c'est-à-dire la CVAE, et de ce qui sera la DCRTP et le FNGIR peut évoluer en fonction des nouvelles règles de répartition.
M. Jean Arthuis , président . - Nicole Bricq souhaitait poser une question.
Mme Nicole Bricq . - Il me semble que la péréquation par rapport à l'objectif quantitatif est celui de la mesure de la diminution des inégalités. Il n'est pas impossible d'y arriver mais compliqué. Je souhaite qu'on ait une appréciation de cette complexité. Concernant le problème des strates, je m'interroge sur la possibilité de parvenir à une sorte de « SMIC des collectivités » , c'est-à-dire fixer un niveau minimal de richesse à atteindre pour permettre aux collectivités de faire face à leurs besoins, à leurs difficultés, car ce sont les collectivités les plus urbaines qui paient pour les plus rurales. Quant au problème du plafonnement du prélèvement, il a une fonction d'assurance de la fiscalité locale. Un prélèvement progressif en fonction des richesses de la collectivité serait plus indiqué qu'un plafonnement.
Mme Marie-France Beaufils . - Mon interrogation porte d'abord sur le panier de recettes pour la mesure de la richesse des collectivités et de leur potentiel financier. J'aimerais avoir une vision plus claire sur ce panier des richesses d'une collectivité territoriale, certaines communes engrangent des recettes indépendamment de la richesse de leur population (recettes des paris sur les jeux en ligne, PMU...). Par ailleurs, il y a un problème fondamental dans le fait de transférer totalement la péréquation aux intercommunalités.
M. Jean Arthuis , président . - L'intercommunalité est un vrai lieu de péréquation entre les communes membres d'un EPCI. Je vous précise qu'il y aura une réunion le 29 mars qui traitera des potentiels fiscal et financier, et nous verrons cela à ce moment-là. Quant aux deux fois 10 millions qui ont été votés dans le cadre de la loi sur l'ouverture à la concurrence et la régulation des jeux en ligne, ces recettes là devront être prises en compte au titre des ressources du potentiel financier des communes. La parole est à François Marc.
M. François Marc . - Je comprends les interrogations de l'administration fiscale française car cette réforme est complexe. On est en train d'inventer des dispositifs spécifiques pour la gestion des collectivités territoriales. Pourquoi ne pas préserver une forme d'autonomie de gestion des collectivités et utiliser des mécanismes déjà existants en DGF en les améliorant et on pourrait s'appuyer sur l'exemple allemand pour un système simplifié et péréquateur ?
M. Jean Arthuis , président . - Il va falloir trancher puisqu'il y a deux péréquations :
- une verticale, l'Etat verse les dotations aux collectivités territoriales, ce système n'est pas égalitaire ;
- une péréquation horizontale, l'Etat prend 2 % des recettes fiscales aux collectivités pour le redistribuer à celles qui sont défavorisées.
M. Philippe Adnot . - Je salue le travail de fond de la DGCL et je ne trouve pas cela complexe. Les engagements de l'Etat ont été tenus grâce aux FDPTP. Je crois important de connaître la richesse nouvelle avec la CVAE qui permettra des comparaisons. Mais je m'oppose à ce que la DLF communique ses simulations car il convient de raisonner sur les principes. Sinon, tous les raisonnements vont être faussés.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Nous souhaiterions disposer d'une répartition Ile-de-France/reste de la France, même si elle va évoluer d'ici l'automne. Cette communication est indispensable pour le FSRIF. Je voudrais attirer votre attention sur les critères de charges dans le calcul de l'indice synthétique : le potentiel financier, le revenu par habitant et le nombre de logements sociaux. Est-il bien nécessaire d'avoir autant de critères différents ?
M. Jean Arthuis , président . - Merci, la parole est maintenant à Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Eric Jalon a évoqué tout à l'heure le problème des seuils, nous pourrions profiter aujourd'hui de ce travail pour éviter les difficultés auxquelles nous avons été confrontées. Si on pouvait inventer un nouveau système avec une péréquation progressive cela permettrait une répartition plus juste. Il faut des initiatives et des accords territoriaux et à défaut de ceux-ci, il devrait exister une règle pour éviter les inégalités. Une parfaite connaissance des disparités actuelles est indispensable pour avoir une photographie des richesses territoriales et combattre les inégalités.
M. Jean Arthuis , président . - Je me félicite que dans le texte de loi sur la péréquation, celle-ci vise à « favoriser l'égalité entre les collectivités ».
M. Eric Jalon . - En conclusion, je reviens sur la question de Nicole Bricq relative à l'articulation entre un objectif général de réduction des inégalités et des objectifs sectoriels de péréquation : il est indispensable à mon sens de mettre de la cohérence dans les dispositifs de péréquation et qu'une mesure globale de la réduction des inégalités soit faite avant et après péréquation. Actuellement, nous avons une approche partielle des résultats car nous ne disposons que des travaux universitaires tous les quatre ou cinq ans. Il est difficile de ce fait de créer des dispositifs juridiques contraignants. Concernant les strates et le plafonnement, la progressivité et la dégressivité de certains dispositifs, c'est exactement ce qui a été fait sur les droits de mutation cette année. Sur le panier de recettes nous y reviendrons puisque celles dont nous disposions datent d'avant la réforme. Sur la péréquation de la DGF évoquée par François Marc, les dotations pour les communes ont doublé d'ores et déjà entre 2004 et maintenant (DSR, DSU). Pour les simulations, dès lors qu'il y a accord provisoire sur le fait d'intégrer dans le potentiel financier les montants de DCRTP et de FNGIR, comme ils sont calculés ex-post pour atteindre les ressources 2010, on devrait pouvoir prendre un peu d'avance pour explorer ce point, de même que pour la TaSCom. Sur les critères, il y en a deux insuffisamment pris en compte et à étudier de plus près : le revenu par habitant...
M. Jean Arthuis , président . - Quand on parle du revenu s'agit-il du revenu de référence ou du revenu fiscal, pour peu que le contribuable bénéficie de niches fiscales. Quel est le revenu pris en compte pour le calcul du revenu moyen par habitant ?
M. Eric Jalon . - Nous allons vérifier ce point. L'autre critère c'est soit l'effort fiscal, soit le coefficient de mobilisation du potentiel fiscal.
M. Jean Arthuis , président . - Merci à Marie-Christine Lepetit et à Eric Jalon d'être venus.
3. Mardi 29 mars 2011
Présidence de M. Jean Arthuis , président
Potentiels fiscal et financier, Fonds régional et départemental de péréquation de la CVAE
Audition de MM. Eric Jalon, directeur général des collectivités locales, et Michel Klopfer, président du cabinet CMK, et de Mme Céline Bacharan, consultante au cabinet CMK
M. Jean Arthuis , président . - Mes chers collègues, pour la troisième réunion de notre groupe de travail sur la mise en oeuvre de la péréquation financière entre les collectivités territoriales, nous aborderons aujourd'hui les deux autres thèmes qui constituent le périmètre de réflexion de notre groupe de travail sur la péréquation :
- les nouveaux fonds régional et départemental de péréquation de la CVAE ;
- et le nouveau mode de calcul des potentiels fiscal et financier.
Dans un premier temps, nos deux rapporteurs (Albéric de Montgolfier et Pierre Jarlier) vont présenter l'état des lieux de ces deux questions.
Ensuite, nous entendrons nos deux intervenants extérieurs :
- Eric Jalon, qui apportera les réponses de l'administration (la DGCL) sur une liste de questions, élaborée par les rapporteurs, qui leur a été adressée et que vous avez vous-mêmes reçue avec la convocation à cette réunion ;
- et Michel Klopfer, que beaucoup d'entre vous connaissent déjà, qui présentera les conclusions que son cabinet a publiées récemment sur les conséquences de la nouvelle définition du potentiel financier.
Enfin, nous débattrons afin d'orienter, toujours sur ces deux sujets, la suite de nos travaux.
Avant de passer la parole à Albéric de Montgolfier, je vous rappelle que la prochaine réunion de notre groupe de travail concernera le fonds intercommunal et communal et le FSRIF et qu'elle aura lieu le mercredi 13 avril à 14 h 30.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Monsieur le Président, cette deuxième réunion de notre groupe de travail traite plus spécifiquement de deux sujets : les fonds de péréquation de la CVAE des régions et des départements, d'une part, et les notions de potentiel fiscal et financier, d'autre part, notions sur lesquelles interviendra Pierre Jarlier, qui en est le rapporteur.
Concernant la péréquation de la CVAE des régions et des départements, revenons rapidement sur l'historique de nos votes.
Dans la loi de finances pour 2010, nous avions dû adopter, un peu en « urgence », des dispositifs de péréquation rendus nécessaires par l'adoption du choix, proposé par l'Assemblée nationale, d'une territorialisation intégrale de la CVAE. C'est donc en lecture des conclusions de la CMP que nous avons voté, sans évaluation préalable, la création d'un dispositif complexe : quatre fonds de péréquation de la CVAE - deux pour les régions, deux pour les départements.
Pour chaque catégorie de collectivités étaient prévus un fonds de péréquation sur le stock de CVAE, redistribué selon des critères de charge, et un fonds de péréquation sur le flux de CVAE, redistribué selon des critères de ressources.
Le rapport Durieux, de mai 2010, a pointé les lacunes de ce dispositif :
- les fonds de péréquation sur stock s'apparentaient en réalité à des fonds de péréquation sur flux cumulé puisque les recettes des collectivités étaient garanties via les fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ;
- l'effet péréquateur de ces fonds restait assez faible, notamment parce que les fonds de péréquation sur flux ne prélevaient de la ressource qu'aux collectivités dont la croissance de CVAE était supérieure à la croissance moyenne. Ainsi, par exemple, en cas de croissance égale de la CVAE pour tous les départements, aucun prélèvement n'aurait été effectué ;
- enfin, rien ne justifiait que l'un des fonds redistribue ses dotations en fonction de critères de charges tandis que l'autre les redistribue selon des critères de ressources.
C'est pourquoi le rapport préconisait notamment la simplification du dispositif par l'adoption, pour chacune des deux catégories de collectivités, d'un unique fonds de péréquation sur le flux cumulé de CVAE, c'est-à-dire, chaque année à partir de 2012, sur le surplus de CVAE constaté par rapport à l'année 2011.
Les préconisations du rapport des parlementaires en mission ont confirmé cette analyse et comprennent :
- la suppression du dispositif de péréquation sur stock ;
- l'augmentation de 25 % à 50 % du prélèvement opéré sur le flux cumulé de CVAE, pour les départements comme pour les régions ;
- une redistribution en fonction d'un indice synthétique prenant en compte des critères à la fois de ressources et de charges.
Je vous présenterai quelques éléments de cadrage avant d'en venir au dispositif adopté dans la dernière loi de finances.
La CVAE devrait rapporter en 2011 environ 15,7 milliards d'euros, dont 7,61 milliards au profit des départements (soit plus de 30 % de leurs ressources fiscales) et 3,93 milliards d'euros au profit des régions (soit 80 % de leurs ressources fiscales).
Avec l'adoption de l'article 124 de la loi de finances pour 2011, les préconisations des rapports de l'IGF et des parlementaires ont été mises en oeuvre : les fonds ont été fusionnés, pour créer deux fonds de péréquation sur flux cumulés, l'un pour les départements, l'autre pour les régions, et la redistribution s'opère sur des critères à la fois de ressources et de charges.
Un débat s'est toutefois tenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur l'ampleur de cette péréquation et sur les critères de prélèvement de ressources au profit des fonds.
Concernant les prélèvements, la version du texte proposée par le Gouvernement prévoyait un prélèvement des seuls départements et régions dont le potentiel fiscal était supérieur à la moyenne. Parmi ces collectivités, la moitié du produit de la CVAE excédant, en année « n », le produit de 2011, serait prélevée au profit de la péréquation.
L'Assemblée nationale a profondément restreint le prélèvement au profit du fonds. Elle a en effet prévu que les collectivités dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne ne seraient prélevées que si la croissance de leur CVAE a excédé, depuis 2011, la croissance moyenne de la CVAE de leur catégorie.
Le Sénat n'avait pas retenu cette option pour les départements et était revenu, les concernant, au dispositif proposé par le Gouvernement en adoptant un amendement de notre collègue Philippe Adnot. Nous avons en outre remplacé la notion de potentiel fiscal par celle de potentiel financier.
Au final, la CMP a débouché sur un texte qui conserve la notion de potentiel financier mais qui revient au texte de l'Assemblée nationale concernant les prélèvements.
Quelques chiffres pour comprendre ce que cela implique.
Prenons l'hypothèse d'un département A avec 100 de CVAE en 2011 et d'une croissance moyenne de la CVAE de 2 % par an entre 2011 et 2015. Si le département A croît comme la moyenne, il disposera donc d'environ 108 de CVAE en 2015.
Plusieurs cas de figure :
- si le département est en dessous de 108 de CVAE en 2015, il ne sera pas prélevé. En effet, bien que son produit de CVAE ait augmenté, il a augmenté moins vite que la moyenne ;
- si le département est au-dessus de 108 de CVAE en 2015 mais que son potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne, il ne sera pas prélevé non plus en raison de la faiblesse de son potentiel financier ;
- le département ne sera donc prélevé que s'il est au-dessus de 108 de CVAE et que son potentiel financier est supérieur à la moyenne. Alors, par exemple, pour un produit de CVAE de 120, supérieur de 12 à la moyenne, il sera prélevé de la moitié de ce surplus, c'est-à-dire de 6.
Comme le montre ce nouveau tableau, le dispositif que nous avions voté au Sénat était différent puisque, avec les mêmes hypothèses, il aurait prélevé de la ressource à l'ensemble des départements dont le potentiel financier serait supérieur à la moyenne et dès le premier euro de surplus de CVAE par rapport à celui de l'année 2011, quelle qu'ait été la croissance de la CVAE par rapport à la croissance moyenne.
Ainsi, pour un produit de 120 de CVAE en 2015, le prélèvement aurait été égal à la moitié du surplus par rapport à 2011, c'est-à-dire à 10.
Venons-en aux modalités de reversements des produits du fonds, qui - à part le remplacement, à l'initiative du Sénat, du potentiel fiscal par le potentiel financier - n'ont pas été modifiées par le Parlement.
Tout d'abord, seuls les départements dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne pourront bénéficier de reversements.
Le reversement s'opèrera pour moitié en fonction du potentiel financier et pour moitié en fonction de critères de charges (population, minima sociaux et population de plus de 75 ans, longueur de voirie).
Pour les régions, le dispositif est identique, sauf que le plafond pour bénéficier de reversements est plus strict : il faut que la région ait un potentiel inférieur à 0,85 fois la moyenne. Cette différence ce justifie par la répartition des potentiels des régions. En outre, les critères de charge diffèrent : population, lycéens et stagiaires en formation professionnelle, superficie.
Voilà où nous en sommes aujourd'hui, ce qui soulève plusieurs questions de fond.
Tout d'abord, deux pré requis : il faut définir un potentiel financier pour les régions, puisque cette notion n'existe pas actuellement dans la loi et, plus largement, il faut que nous décidions de l'ampleur à donner aux notions de potentiel financier des départements et des régions. Cette question sera traitée par Pierre Jarlier, dans le cadre de l'autre thème de travail.
Concernant les prélèvements, il me semble qu'est acquis le principe d'une péréquation sur flux cumulé. Une péréquation sur stock n'est en effet par compatible avec le principe de la compensation à l'euro près des effets de la réforme. De plus, cette péréquation sur flux cumulé sera, à terme, importante. En effet, en 2020 par exemple, ce sera sur l'ensemble de la croissance de la CVAE entre 2011 et 2020 que se fera la péréquation, ce qui n'est pas négligeable.
La principale question à traiter est celle du critère de prélèvement : faut-il prélever uniquement la part de la CVAE qui excède la croissance moyenne, comme nous l'avons voté dans la dernière loi de finances, ou faut-il revenir à un prélèvement dès le premier euro de croissance supplémentaire, comme l'avait souhaité notre assemblée ? Dans sa rédaction actuelle, dans l'hypothèse d'une croissance de CVAE uniforme sur l'ensemble du territoire, aucun euro ne serait prélevé au profit de la péréquation.
Si l'on choisit de revenir au texte du Sénat, il faudra traiter la question, soulevée par Gilles Carrez à l'Assemblée nationale, du cas d'un département dont la CVAE croîtrait mais à un rythme moins élevé que l'inflation. En effet, la CVAE croîtra naturellement avec la hausse des prix. Donc, si un département voit son produit passer de 100 à 108, mais que cette croissance est inférieure à celle de l'inflation, il perd en réalité une partie de son « pouvoir d'achat fiscal ». Dans ce cas, on peut douter qu'il soit pertinent de prélever tout de même une partie de sa croissance de CVAE au profit de la péréquation.
Enfin, concernant les reversements, il faut que nous traitions du problème des effets de seuil induits par le mécanisme actuel. En effet, il suffirait qu'un département passe au-dessus du seuil du potentiel financier moyen pour perdre tout reversement en provenance du fonds. Or, une partie des reversements se fait en fonction des charges du département. Donc un département légèrement en dessous du seuil pourrait bénéficier de versements importants et les perdre intégralement l'année suivante s'il dépasse ce seuil.
Cette remarque pose la question d'une éventuelle unification des critères d'éligibilité et de reversement. On pourrait imaginer la création d'un indice synthétique de ressources et de charges qui serve au calcul du montant de ces reversements (seuls seraient bénéficiaires les collectivités dont l'indice est plus défavorable que la moyenne et le reversement pourrait croître avec l'écart du département par rapport à cet indice moyen).
Enfin, d'après les informations dont nous disposons sur le potentiel financier actuel des collectivités, il faudra probablement prévoir un traitement à part des collectivités territoriales d'outre-mer, dont la situation est spécifique.
Sur l'ensemble de ces questions et notamment sur l'obtention de données chiffrées sur les potentiels financiers des départements et des régions, nous attendons beaucoup des éléments que la direction générale des collectivités locales peut nous fournir.
Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - La présentation d'Albéric de Montgolfier sur les futurs fonds de péréquation de la CVAE (départements et régions) comme les exposés que nous avons eus le 15 mars sur le fonds intercommunal et communal et le FSRIF ont, chacun à leur tour, évoqué la question centrale pour la péréquation des modalités de détermination du degré de richesse d'une collectivité.
Compte tenu de la complexité de ce sujet, j'ai choisi, en tant que rapporteur du quatrième thème, celui du potentiel fiscal et financier, de limiter mon propos d'aujourd'hui à un rappel des définitions applicables jusqu'en 2011 et de leur évolution à compter de 2012 et à soulever un certain nombre d'interrogations pour alimenter notre réflexion.
Je crois aussi important de préciser en introduction que la définition d'un instrument de mesure doit se faire de la manière la plus neutre et objective possible. C'est dans un second temps, et grâce à la combinaison de différents critères, que l'effort de péréquation pourra être orienté dans un sens ou dans un autre. Là encore, une appréciation la plus objective possible des ressources et des charges d'une collectivité est nécessaire. Et pour cette appréciation, les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier sont centrales.
C'est à partir de ces indicateurs qui devront sans doute évoluer que nous pourrons, si nous disposons d'évaluations fiables, mieux connaître l'impact de la péréquation et mieux orienter les critères d'attribution.
Deux notions d'appréciation existent aujourd'hui : le potentiel fiscal, qui concerne plutôt les régions et les EPCI, fondé sur un indicateur de richesse fiscale ; le potentiel financier, qui concerne plutôt le bloc communal et les départements, fondé sur un indicateur plus large de ressources.
Je vous propose de revenir tout d'abord sur la notion de potentiel fiscal.
La définition traditionnelle du potentiel fiscal, vous la connaissez. Indicateur de richesse fiscale, défini pour les communes à l'article L.2334-4 du code général des collectivités territoriales, le potentiel fiscal est égal à la somme que produiraient les quatre taxes directes d'une collectivité si l'on appliquait à ses bases le taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxes.
Pour information, ces taux moyens étaient en 2009 les suivants :
Régions |
Départements |
Communes |
|
TH |
7,39 % |
14,97 % |
|
TFB |
2,66 % |
10,84 % |
19,32 % |
TFNB |
6,48 % |
25,01 % |
45,50 % |
TP |
2,82 % |
8,96 % |
16,13 % |
On ajoutait, depuis 1999, la compensation versée au titre de la suppression de la part salaires des bases de taxe professionnelle.
Le potentiel fiscal par habitant est obtenu en divisant ce total par le nombre d'habitant selon la définition retenue pour le calcul de la DGF.
Cette définition pose cependant le problème de la diversité des territoires à potentiel fiscal par habitant équivalent.
Cette règle générale est complétée par quelques dispositions particulières. En ce qui concerne les EPCI par exemple, le taux moyen de référence est défini par catégorie d'EPCI.
D'autres dispositions particulières existent :
- pour les départements avec la prise en compte des DMTO ;
- pour les régions, avec la prise en compte d'un produit potentiel dont le calcul est complexe. Ce montant est calculé en divisant dans un premier temps chaque compensation de l'année précédente par le taux de l'année précédant sa mise en place et, dans un deuxième temps, en multipliant l'équivalent bases ainsi obtenu par le taux moyen national de la taxe concernée. Le tout est divisé par la population Insee du dernier recensement général. Le potentiel fiscal régional n'est donc pas un strict potentiel fiscal ;
- notons, enfin, que pour 2011, nous avons un calcul spécifique du potentiel fiscal puisqu'il s'agissait d'écarter l'effet de la compensation-relais perçue en 2010. Il a donc été décidé de se référer aux bases de TP utilisées en 2010.
Je citerai quelques chiffres pour 2009.
Le potentiel fiscal moyen régional par habitant était de 111,36 euros (étagé entre 49 euros pour la Guyane et 158 euros pour l'Ile-de-France).
Le potentiel fiscal moyen départemental par habitant était de 505 euros (étagé entre 278 euros pour la Creuse et 1 091 euros pour Paris).
Le potentiel fiscal moyen communal par habitant était de 740 euros en 2010, mais il est évidemment très différent selon les strates démographiques (entre 399 euros et 1 155 euros en moyenne par strate).
A quoi sert le potentiel fiscal ?
Depuis 2005, cette notion a été remplacée de manière assez générale par celle de potentiel financier dans l'ensemble de la législation et plus spécialement le code général des collectivités territoriales.
Toutefois, le potentiel fiscal est encore utilisé dans quelques cas. Ils concernent pour l'essentiel les EPCI et les régions.
Ce sont en effet les deux niveaux d'administration territoriale pour lesquels il n'existait pas encore de définition de potentiel financier jusqu'à la loi de finances initiale pour 2011.
Nous retrouvons donc le potentiel fiscal pour le calcul de la dotation d'intercommunalité et pour définir l'éligibilité des EPCI à la DETR, la nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux.
Le potentiel fiscal est également utilisé comme critère de l'éligibilité et du calcul de la dotation de péréquation des régions, avec l'ajout de critères territoriaux notamment de densité de population, uniquement au stade de la répartition de la péréquation, ce qui nous a valu des débats animés ici au Sénat l'an dernier.
Enfin, tout récemment, la notion de potentiel fiscal a été utilisée pour cibler l'écrêtement du complément de garantie de la part forfaitaire de la DGF. La loi de finances pour 2011 a minoré de 130 millions d'euros le complément de garantie et cette minoration a été répartie entre les communes en fonction de leur potentiel fiscal.
Avec la disparition de la taxe professionnelle, la notion de potentiel fiscal devait nécessairement évoluer. C'est ce qui est advenu avec l'adoption de l'article 183 de la loi de finances pour 2011.
La référence aux bases de TP multipliées par le taux moyen national est remplacée par la référence à un « panier » de recettes fiscales ou assimilées comprenant :
- la CET, c'est-à-dire la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises,
- l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) ;
- ainsi que la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et le produit du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).
Je signale s'agissant du FNGIR qu'il conviendra de préciser clairement ce qui se passe pour les collectivités contributrices. Pour les collectivités qui versent au FNGIR, il convient de déduire ce versement de leur potentiel fiscal.
Mais le point principal reste que - sous réserve de ce qui nous sera peut être indiqué tout à l'heure - nous ne disposons d'aucune indication sur les effets de cette nouvelle définition quant à l'appréciation de la richesse des collectivités.
Compte tenu de cette absence totale d'évaluation, le Sénat avait choisi dans un premier temps de ne pas approuver cette définition applicable à compter de 2012. Le Gouvernement l'avait fait adopter en promettant des simulations très rapides mais nous ne les avons pas reçues.
Autre nouveauté de la loi de finances pour 2011, la création de la notion de potentiel agrégé permettant de mesurer la richesse fiscale d'un territoire en cumulant le potentiel de l'EPCI et celui de ses communes membres.
Il sera utilisé dès 2011 pour le calcul de la part péréquation de la dotation d'intercommunalité.
Une question qui se pose concernant le potentiel fiscal est celle de son exhaustivité très relative.
En effet, aujourd'hui, il exclut nombre de recettes fiscales, notamment la TaSCom, taxe sur les surfaces commerciales, qui a été transférée de l'Etat aux communes par la loi de finances pour 2011.
Un certain nombre de caractéristiques pourraient conduire à intégrer certaines de ces recettes dans le calcul du potentiel fiscal : le caractère obligatoire de telle ou telle taxe pourrait par exemple être retenu. Il aboutirait à ajouter au panier actuel la taxe sur l'électricité, la taxe sur les pylônes ou l'impôt sur les spectacles.
La DGCL a toutefois fait valoir, avec raison, que l'on devait tenir compte aussi de l'époque à laquelle sont disponibles les informations relatives aux recettes fiscales.
Par ailleurs, la question de l'opportunité d'intégrer des taxes affectées à des services particuliers doit se poser.
Passons maintenant à la notion de potentiel financier.
Il s'agit là d'un indicateur de ressources plus large que la notion de potentiel fiscal puisqu'il prend en compte non seulement les ressources fiscales mais aussi certaines dotations versées par l'Etat, c'est-à-dire la part forfaitaire de la DGF.
Cette définition n'a pas été modifiée par la loi de finances pour 2011 et le Gouvernement a fait preuve à cet égard d'une grande prudence.
Toutefois, à l'initiative du Sénat, et dans le cadre du vote des nouveaux dispositifs de péréquation, la référence au potentiel financier a été appliquée également aux EPCI et aux régions. Ceci nous obligera à introduire des définitions spécifiques dans la loi pour établir un nouveau mode de comparaison de leurs richesses.
C'est un point important car, par exemple, ce sont précisément les EPCI qui seront les premiers réceptacles de la nouvelle péréquation horizontale.
A quoi sert la notion de potentiel financier ? A presque tout puisqu'elle est devenue la référence, la mesure de la richesse des collectivités.
Elle est donc utilisée, de manière très générale pour le calcul des dotations de péréquation des communes et des départements.
Elle sert également à définir, en partie ou exclusivement, les collectivités contributrices et bénéficiaires des dispositifs de péréquation horizontale, qu'il s'agisse des mécanismes anciens, comme le FSRIF, ou des nouveaux dispositifs créés par les lois de finances pour 2010 et 2011.
Comme pour le potentiel fiscal, la question qui se pose est celle de l'adaptation de la définition actuelle du potentiel financier à la réalité des moyens dont disposent les collectivités. L'instrument de mesure paraît en effet un peu limité.
La situation est très différente selon le niveau de collectivité. Pour le bloc communal, une très large partie des dotations n'est pas prise en compte par le potentiel financier.
Mais il faut relativiser les chiffres car pour une large partie, cet écart est dû aux dotations d'intercommunalité.
Les informations dont nous disposons, fournies par la DGCL et qui portent sur l'année 2010, permettent d'apprécier les masses financières concernées, sachant que seule la dotation forfaitaire est ajoutée au potentiel fiscal pour constituer le potentiel financier.
Au delà de la DGF, on peut s'interroger aussi sur l'opportunité de prendre en compte d'autres recettes des collectivités qui pourraient être intégrées au potentiel financier.
Il ne s'agit là bien sûr que d'une liste non limitative et purement indicative et au sein de laquelle on voit facilement que certaines recettes doivent être exclues d'office et que d'autres ne représentent, au demeurant, que des produits négligeables.
Elle comprend les dotations hors DGF, pour un montant global important mais dont on pourra légitimement objecter qu'elles correspondent à des compensations de transfert de charges, des circonstances exceptionnelles et qu'elles ne sont pas fixes d'une année sur l'autre. Ce sont souvent en effet des dotations affectées aux investissements.
Il en est de même du FCTVA qui a le statut très particulier de « remboursement ».
Cette particularité ne peut pas être opposée, en revanche, aux subventions inscrites sur les missions budgétaires de l'Etat.
Celles-ci représentent près de trois milliards d'euros et cinq missions sont principalement concernées : « Ville et logement », « Culture », « Outre-mer », « Ecologie, développement et aménagement durables », et, enfin, « Politique des territoires ».
Et puis, c'est un sujet relevé par Philippe Adnot, on pourrait aussi envisager de prendre en compte certaines recettes que tirent les collectivités de l'exploitation de leur domaine et qui sont sans doute mal connues et très inégalement réparties.
Il ne s'agit, à ce stade, que de pistes sur lesquelles, comme Albéric de Montgolfier l'a dit, nous attendons beaucoup des données chiffrées qui nous serons certainement fournies.
En conclusion de cette présentation, je souhaite souligner trois points.
Il faut tout d'abord parvenir à un système plus simple et plus uniforme entre les niveaux de collectivités que celui que je vous ai exposé. La simplicité et la clarté des définitions et des calculs seront le gage de l'absence de contestation mais aussi celui d'une meilleure connaissance des écarts de richesse entre les collectivités et de leur évolution avec l'appui d'une nouvelle péréquation.
Il faut ensuite relativiser l'influence des dotations de péréquation verticale dans les écarts de richesse entre collectivités. L'essentiel reste dans les écarts de la richesse fiscale, surtout dans un contexte de prélèvement de cette péréquation verticale sur une masse de dotation de l'Etat figée.
Je pense, enfin, que la mesure de la richesse des collectivités doit se faire sur le plus grand périmètre possible. C'est le moyen d'assurer la plus juste péréquation.
Je vous remercie de votre attention.
M. Jean Arthuis , président . - Je conclus qu'il faut mesurer le plus complètement la richesse pour assurer une juste péréquation. Je vais donner maintenant la parole à Eric Jalon, pour la DGCL, puis à Michel Klopfer, président du cabinet CMK.
M. Eric Jalon, directeur général des collectivités locales . - Je vous remercie et je souhaite rebondir sur l'intervention d'Albéric de Montgolfier en rappelant l'histoire très complexe de la péréquation sur la CVAE qui a connu des variations importantes. Celles-ci expliquent en partie les difficultés rencontrées et à venir pour fournir les simulations qui nous ont été demandées, car nous ne disposons pas encore des fameux états 1259 avec les premières notifications de recettes de la CVAE, prévues pour avril. De plus, la CVAE sera calculée sur la base des critères de répartition adoptés en LFI 2010, modifiés en LFI 2011, ce qui rend les données imparfaites. Mais nous pensons disposer d'éléments pertinents prédictifs pour comparer les divers dispositifs de péréquation envisagés ; dans les différentes hypothèses, on a une péréquation qui prend en compte les écarts à la moyenne. Pour les simulations nous devons prendre, non seulement, la croissance moyenne de la CVAE, mais l'appliquer à chaque région ou à chaque département.
Une hypothèse autre est la péréquation sur stock de 1 %. Mais on constate, sans simulations, que le prélèvement basé sur une croissance supérieure à 2 % est plus péréquateur que celui sur stock.
Je reviens aux questions concernant les potentiels fiscaux et financiers.
Pour les régions : en 2009, un groupe de travail s'était penché sur la DGF des régions pour trouver la manière de construire un potentiel fiscal des régions, d'abord en introduisant des critères de charges dans la péréquation régionale et ensuite passer du potentiel fiscal au potentiel financier en intégrant la dotation forfaitaire des régions. Nous avons rencontré de très importantes difficultés car les dotations forfaitaires des régions, contrairement à celles des communes et départements, n'ont pas été revues et comprennent encore un certain nombre d'éléments qui rendent la comparaison difficile, tel fut le cas pour l'Ile-de-France et la Corse.
A la mi-avril, un groupe de travail a pour mission de remettre ce sujet à l'ordre du jour.
J'envisage trois niveaux de potentiel fiscal et financier.
Le potentiel fiscal est conservé pour les communes, notamment pour l'écrêtement du complément de garantie, afin d'éviter les références circulaires de calcul.
Une autre option débattue concerne un potentiel financier vertical auquel s'ajouterait un potentiel financier horizontal intégrant le résultat dans le calcul du potentiel financier enrichi de la péréquation via les dotations de l'Etat, qui pourrait être mobilisé pour le calcul de la péréquation horizontale. C'est une hypothèse sur laquelle nous travaillons.
Les difficultés sont de faire de la péréquation horizontale l'ajustement en dernier ressort de l'ensemble des mécanismes de péréquation ; enchaîner des calculs complexes avec le risque qu'ils puissent s'annuler.
Je ne suis pas certain de disposer de temps pour mener à bien ces opérations, d'autant plus que les trois premiers mois de l'année à la DGCL sont consacrés à répartir les concours financiers de l'Etat.
Mes services continuent de travailler sur ce qui pourrait constituer un potentiel financier pour les communes et les intercommunalités. L'un des sujets est l'enrichissement du potentiel fiscal à d'autres ressources avec des critères de fond et techniques :
- écarter les recettes affectées et les recettes correspondant peu ou prou à un service rendu (TEOM par exemple) ;
- la faisabilité technique. Nous sommes en train d'analyser les données pour pouvoir présenter dans les prochaines réunions un avis sur chacune des recettes à intégrer dans le potentiel fiscal. Pour toutes les autres recettes de type domanial ou subventions diverses versées par l'Etat, le travail fastidieux de passer en revue les comptes administratifs des collectivités, en décalé dans le temps, ne permettra pas un gain conséquent.
Le même travail est effectué sur les EPCI qui n'ont pas de potentiel financier parce que dans les dotations d'intercommunalité il y a des dotations de péréquation et des dotations « standards » qui n'ont pas été intégrées dans le potentiel fiscal ou financier.
Il faudra avoir :
- un potentiel financier à deux niveaux utilisé pour les dotations verticales ;
- un potentiel financier enrichi en dernier ressort pour les dotations de péréquation horizontale.
Notre objectif est de clarifier ces notions, les scénarios, le panier de ressources pour avril-mai et lancer une première série de travail de simulations avant l'été.
Je comprends bien la frustration des membres de la commission devant l'absence de données et de simulations, mais comme exposé précédemment, nous ne sommes pas en mesure de les fournir.
M. Michel Klopfer, président du cabinet CMK . - Je remercie l'assemblée de nous recevoir et je reviendrai sur la difficulté de la tâche. Les LFI 2010 et 2011 ont permis de construire le schéma concernant les fonds de péréquation de la CVAE alors que le montant de cette dernière n'est pas connu. Ce montant sera bâti sur la territorialisation de 2010 et sur le rapport « Durieux » dont l'une des erreurs est la projection de la croissance. J'attire également l'attention sur le fait que le poids du potentiel fiscal va être amené à se renforcer d'une manière considérable. Si, jusqu'à présent, le potentiel fiscal servait pour des éléments de péréquation verticale, il était accompagné d'indicateurs de charges. Or, dans le mécanisme actuel, il y a un seuil d'admissibilité. Le potentiel fiscal ou financier devient un indicateur d'admissibilité, pour les départements ou les régions, avec des seuils différents, en-dessous desquels une redistribution pourrait se faire avec des critères de charges qui ne sont pas pris en compte dans les critères d'admissibilité.
En ce qui concerne le passage du potentiel fiscal au potentiel financier, je rappellerai que nous avons travaillé avec le Sénat en 2003-2004, au niveau des départements et des régions, sur la façon de bâtir un modèle en imaginant des critères de charges normatifs qui n'ont pas été retenus. Mon autre interrogation concerne la fiabilité du potentiel fiscal sur lequel doit s'appuyer le travail de la commission des finances. Avant, les collectivités avaient trois impôts sur lesquels on pouvait calculer les bases servant à identifier leur potentiel fiscal. Actuellement, les régions n'ont plus de taux, quant aux départements ils n'en ont plus qu'un ; ce qui crée un hiatus par rapport aux méthodes retenues.
Mme Céline Bacharan, consultante au cabinet CMK . - Je vais maintenant commenter quelques graphiques qui vont montrer qu'une réflexion profonde doit être menée pour établir un dispositif d'ici neuf mois. On constate que les mécanismes actuels et l'application des textes vont conduire à des résultats inattendus.
Les simulations sont fondées sur des données existantes (fichier de dotation globale de la DGF et simulations de la mission Durieux) pour modéliser les effets qui vont se produire puisque le montant de la CVAE est inconnu.
Avant la réforme, on voit comment était calculé le potentiel fiscal.
Après, le potentiel fiscal est calculé en prenant le nouveau panier des impôts de chaque échelon. De ce fait, le bloc communal conserve un vrai potentiel fiscal avec des bases valorisées aux taux moyens nationaux. Pour les départements, il reste du potentiel fiscal pour le foncier bâti, valorisé au taux moyen national, et des produits fiscaux. Les régions n'ont plus que des produits fiscaux.
Les communautés de communes dont le potentiel fiscal est inférieur à la moitié de la moyenne sont les gagnantes de la réforme.
En fait, par potentiel fiscal, on devrait entendre indicateur de ressources.
Concernant le potentiel financier des régions : il y a un problème de périmètre dans la forfaitaire. L'effet taux est très variable et spectaculaire pour certaines régions.
Sur les intercommunalités, nous avons fait également des calculs dont les résultats sont assez peu significatifs avec des exceptions pour quelques perdants (plus de 50 % de leur potentiel fiscal est constitué de produits fiscaux).
La notion de potentiel fiscal ne peut plus rester telle quelle.
M. Jean Arthuis , président . - Je considère qu'il faudrait garder un taux moyen, et dans ce cas l'inverse doit être fait pour le FNGIR.
M. Michel Klopfer . - On peut garder un taux moyen pour le bloc communal. Un prélèvement maximal ne devrait jouer que sur les recettes dynamiques. On ne peut pas écrêter de trop des recettes qui sont figées.
M. Eric Jalon . - Il faut éviter de confondre ce qui relève de la photographie avec la constatation des écarts et des différences de dynamique, et ce qui relève du « cinéma ». Sont pris en compte les prélèvements, les charges et les ressources. Certains départements seront contributeurs et bénéficiaires. On mesure la richesse pour calculer les prélèvements, et on mesure les charges pour la redistribution. Les derniers résultats relevés correspondent à l'objectif poursuivi. Par ailleurs, 60 % de la croissance est laissée à tous les départements.
Mme Céline Bacharan . - Le dernier effet de la LFI sur le calcul du potentiel fiscal se voit notamment sur les intercommunalités. Jusqu'à présent, ce potentiel se calculait par catégorie de communes et sur les produits touchés. L'innovation réside dans le calcul des potentiels fiscaux de territoires. Cette base commune permet une meilleure comparaison et une réduction des écarts.
M. Jean Arthuis , président . - Je me demande si le calcul des dotations par communauté de communes, plutôt que par commune, n'apporterait pas plus de facilités, y compris pour les services d'Eric Jalon.
M. Eric Jalon . - Le potentiel fiscal agrégé est le moyen de comparer les territoires en neutralisant les écarts de structure fiscale. Nous avons constaté l'année dernière un double effet puisque la dotation forfaitaire par habitant évolue plus que proportionnellement au nombre d'habitants, et, par ailleurs, les dotations d'intercommunalité varient en fonction du niveau d'intercommunalité.
M. Jean Arthuis , président . - Je remercie Céline Bacharan et Michel Klopfer pour leurs exposés. Je m'interroge sur l'intégration de toutes les dotations dans le potentiel financier.
M. Eric Jalon . - Je souhaite apporter un début de réponse consistant à envisager, dans la péréquation horizontale, un potentiel financier enrichi des dotations de péréquation pour venir en fin de parcours.
M. Jean Arthuis , président . - Le revenu moyen par habitant est-il un indicateur de dépense ?
M. Eric Jalon . - Il synthétise assez bien les charges des collectivités. L'année dernière, nous avons mis en évidence que plus de 60 % des écarts de dépenses entre collectivités territoriales est directement explicable par des écarts de richesse. La péréquation doit être calée sur des indicateurs objectifs, exogènes et non sur les dépenses.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Des indicateurs de richesse plus clairs et des indicateurs enrichis pour la péréquation horizontale permettront de mesurer assez facilement l'écart de la richesse entre les collectivités. On pourrait imaginer un indicateur sur l'année « n » et les comparaisons sur l'année « n - 1 ».
M. François Marc . - Il existe un lien entre les recettes et les dépenses. Pourquoi ne pas adopter un système à l'allemande où le prélèvement est lié aux revenus, avec une redistribution aux collectivités sur la base d'une négociation, au lieu d'aller vers un ensemble de mécanismes complexes ?
M. Jean Arthuis , président . - Je n'imagine pas la disparition des impôts fortement territorialisés comme les impôts fonciers. Le vrai chantier est la réévaluation des bases puisque la valeur immobilière ainsi celle du foncier non bâti ne sont pas homogènes sur le territoire. De plus, le champ communal est trop étroit, la répartition serait plus équitable entre communautés de communes.
M. Eric Jalon . - Nous avons effectivement souhaité asseoir la péréquation horizontale sur les blocs territoriaux et les EPCI. Il est apparu dans les travaux de l'année dernière l'idée de répartir les reversements entre les EPCI, à charge pour ces derniers de se mettre d'accord entre eux sur la base d'un modèle local ou de critères fixés par la loi.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Il faut privilégier l'intercommunalité et la concertation, et en l'absence de concertation il faut des règles équitables. Il me semble que revoir les critères de définition de potentiel fiscal pour les régions serait nécessaire au vu des résultats peu cohérents.
M. Jean Arthuis , président . - Je pense qu'on trouvera des paramètres pertinents au lieu de rajouter trop de correctifs pénalisants pour la faisabilité. En conclusion, un retour à des principes généraux s'impose, avec des parlementaires lucides et courageux.
4. Mercredi 13 avril 2011
Présidence de M. Jean Arthuis , président
Fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales, fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France
Audition de MM. Michel Piron, président
délégué aux territoires ruraux et périurbains de
l'Assemblée des Communautés de France (AdCF),
et Philippe
Laurent, président de la commission des finances locales de
l'Association des Maires de France (AMF) et de l'Association des Maires
d'Ile-de-France (AMIF)
M. Jean Arthuis , président . - Notre réunion de ce jour a pour thèmes d'une part le fonds de solidarité communal de la région Ile-de-France et d'autre part le fonds intercommunal et communal nouvellement créé par la loi de finances pour 2011.
Après la mise en perspective des deux sujets à laquelle nous avons procédé lors de notre première réunion sur ces deux sujets, nos deux rapporteurs vont nous présenter l'état des réflexions des autres instances qui réfléchissent en vue de la loi de finances pour 2012. Ils nous proposerons également des orientations sur lesquelles nous débattrons.
En effet, je vous rappelle mes chers collègues que ce groupe de travail a pour but de définir - si possible - une position commune qui sera celle de la commission des finances sur la plupart des questions que soulève la mise en place des dispositifs de péréquation qui entreront en vigueur au 1 er janvier 2012.
Lorsque nous en aurons terminé avec les réunions préparatoires, nous tiendrons une réunion de bilan pour définir ces propositions qui feront l'objet d'une publication à la fin de la session ordinaire sous la forme d'un rapport d'information.
Mais avant cela nous aurons sans doute à demander à la DGCL de travailler pour nous fournir des simulations sur les orientations de principe que nous aurons définies. Il nous sera ainsi possible de les affiner et de les corriger si nécessaire.
Revenons à notre réunion d'aujourd'hui.
Je vais dans un premier temps, passer la parole à nos deux rapporteurs, Philippe Dallier et Charles Guené.
Nous pourrons ensuite engager un premier débat sur leurs propositions avant d'entendre ensuite deux intervenants extérieurs :
- Michel Piron, qui nous rejoindra vers 15 h 30, présentera les positions de l'AdCF (association des communautés de France) sur le fonds de péréquation communal et intercommunal ;
- Philippe Laurent nous rejoindra à 16 h 00. Il s'exprimera pour l'Association des maires d'Ile-de-France mais aussi pour l'AMF. Nous lui demanderons notamment comment il imagine la conciliation entre les deux systèmes de péréquation, le national et le régional.
Je vous rappelle, enfin, que la prochaine réunion de notre groupe de travail aura lieu le mardi 26 avril à 14 h 30.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Notre première réunion sur le thème de la spécificité de l'Ile-de-France nous avait permis de faire le point sur le fonctionnement actuel du FSRIF et sur les textes votés.
J'avais également fait part de mes interrogations sur les conséquences financières des nouvelles dispositions, mais nous n'avons toujours pas reçu de réponse de la DGCL et nous sommes toujours dans la plus grande incertitude.
Je renouvelle donc ma demande de disposer d'éléments d'appréciation sur le produit fiscal des collectivités (communes et EPCI) de la région Ile-de-France.
Je souhaite aujourd'hui vous faire part des réflexions en cours dans les instances représentatives des élus d'Ile-de-France et des premières propositions qui ont été présentées.
Je vous ai sélectionné tout d'abord une déclaration un peu « rude » figurant dans le programme du congrès de l'Association des maires d'Ile-de-France qui a eu lieu la semaine dernière. Philippe Laurent a accepté notre invitation à venir exprimer le sentiment des maires de l'AMIF. Il confirmera ou infirmera ces propos.
La seconde instance qui s'est exprimée est Paris Métropole, le syndicat d'études qui regroupe 188 collectivités adhérentes.
Les propositions de sa commission « Développement et Solidarité » ont été présentées à l'assemblée plénière du syndicat le 11 mars dernier. Il n'y a pas encore unanimité mais Paris-Métropole devrait être en mesure de présenter des propositions définitives en avril.
Les réflexions de Paris-Métropole s'organisent autour de quatre axes :
- le principe selon lequel l'ensemble des communes de plus de 5 000 habitants est potentiellement contributeur et bénéficiaire ;
- la progressivité du barème de contribution s'appliquant au potentiel financier de chaque commune ;
- la simplification des attributions calculées en fonction de deux indicateurs : le potentiel financier et le revenu par habitant ;
- un objectif général : assurer à chaque commune de plus de 5 000 habitants, un niveau minimal de potentiel financier par habitant (60 % de la moyenne régionale). Cet objectif, que j'estime a priori insuffisamment ambitieux, aurait à lui seul un coût de 41 millions d'euros.
Je vais revenir sur ces points en abordant successivement la question du ou des prélèvements, celle des modalités des prélèvements (seuils, exonérations, plafonnements, taux), le sujet de l'éligibilité et des critères de redistribution et enfin le point particulier de la coexistence du FSRIF et de la DSU.
Première question : faut-il un ou deux prélèvements ? Le FSRIF actuel comprend deux prélèvements. Le premier qui ne concerne que les communes est fondé sur le potentiel financier. Le second, applicable aux communes et EPCI, s'appuyait sur les bases de TP.
Pour l'avenir, plusieurs choix sont possibles :
- entre un double prélèvement, comme aujourd'hui et un prélèvement unique, plus simple ;
- entre un prélèvement assis sur le potentiel financier qui serait applicable aux communes et aux EPCI, et qui serait une péréquation sur stock, et un prélèvement assis sur la CVAE soit sur le stock soit sur le flux, c'est-à-dire l'accroissement de CVAE. Dans cette hypothèse le système serait du même type que celui qui alimente les fonds départemental et régional de CVAE ;
Pour ma part, et je rejoins le choix qui est d'ailleurs le plus couramment évoqué, celui d'un prélèvement unique assis sur le potentiel financier « élargi » (c'est-à-dire celui qui intègre la DGF dans son intégralité).
Le système actuel est particulièrement complexe notamment du fait de l'application de règles nombreuses d'exonération et de plafonnement.
Il en résulte des pertes de produit conséquentes et un fort décalage entre le nombre affiché de collectivités contributrices et le nombre réel de ces collectivités.
Ainsi, en 2010 nous avions, pour le premier prélèvement, 85 communes contributrices avant exonérations et plafonnements. Mais en définitive, sur ce total, il y a eu 8 exonérations et 44 plafonnements.
Les résultats sont identiques pour le deuxième prélèvement : au départ 22 communes et 4 EPCI, à l'arrivée, 8 communes et 3 EPCI.
Il ne faudrait pas que le nouveau système reproduise ces défauts. C'est pourquoi je suis favorable à la suppression de tous ces régimes dérogatoires (exonérations liées à la DSU ou aux prélèvements FDPTP, plafonnements divers).
Le deuxième principe sur lequel devrait se fonder le nouveau FSRIF est lié à la suppression des seuils d'éligibilité. Il consiste en ce que chaque commune est potentiellement contributrice et bénéficiaire, le solde étant positif pour certaines et négatif pour d'autres. Cette règle de fonctionnement me semble faire l'unanimité.
Son corollaire, c'est l'application d'un système de prélèvement progressif qui supprime les effets de seuil à l'entrée du système de contribution mais aussi entre les paliers des taux successifs.
Aujourd'hui, le système du FSRIF est différent selon le nombre d'habitants des collectivités (il existe un régime pour les collectivités de plus de 10 000 habitants et un autre pour les collectivités de 5 000 à 9 999 habitants).
Cette distinction, de l'avis général, devra être supprimée pour toutes les collectivités, au moins pour les communes de plus de 5 000 habitants. Cette règle aura pour conséquence d'augmenter le nombre de collectivités bénéficiaires et il faudra éviter le risque du saupoudrage mais elle aura l'immense avantage de supprimer les effets de seuil.
Il reste encore deux points sur lesquels on doit s'interroger.
D'abord que faire pour les collectivités de moins de 5 000 habitants en Ile-de-France ? Elles étaient exclues du FSRIF (ni prélevées, ni bénéficiaires). Je pense qu'il n'y a pas de sens à ce qu'elles soient intégrées dans le nouveau mécanisme. Elles peuvent d'ailleurs être éligibles aux FDPTP en tant que communes défavorisées.
Le deuxième point concerne le ciblage du FSRIF. Actuellement, le FSRIF repose sur une logique communale et non intercommunale, s'agissant de la définition des bénéficiaires. Faut-il modifier cette spécificité qui permet un ciblage très fin ? Je ne le pense pas du fait notamment de la taille des communes de l'Ile-de-France.
Se pose également la question des critères de répartition entre les bénéficiaires. Une alternative se présente :
- soit on reconstitue un indice synthétique faisant appel à divers critères comme dans le système actuel du FSRIF (potentiel financier par habitant, logements sociaux, bénéficiaires d'aides au logement, revenu par habitant). Mais plus il y a de critères, plus ils sont contestés. D'autres critères ont d'ailleurs été envisagés, comme la proportion de jeunes ;
- soit on réduit au maximum le nombre de critères en se limitant à un critère de richesse et un critère de charge : potentiel financier par habitant, que je n'envisage que stratifié, et revenu par habitant. Il est à noter que selon les statistiques disponibles, l'indicateur de revenu par habitant se révèle finalement être un assez bon indicateur de charges car il évolue en corrélation avec les charges des collectivités. C'est ce que nous a confirmé Eric Jalon lors de la dernière réunion du groupe de travail.
Cette carte me permet d'aborder le sujet de la combinaison du FSRIF et de la dotation de solidarité urbaine. En effet, la réforme du FSRIF et de la péréquation communale va entrainer nécessairement une réflexion sur les outils de péréquation verticale au profit des communes, et en particulier la DSU.
Comme on le voit, il y a souvent convergence entre les géographies des deux outils. En vert figurent les contributeurs, en orange les bénéficiaires du FSRIF qui perçoivent également la DSU, soit 130 communes
Il y a cependant des exceptions à cette convergence.
13 communes perçoivent les versements du FSRIF mais pas la DSU et 41 communes sont éligibles à la DSU mais ne bénéficient pas du FSRIF.
Deux facteurs expliquent ces divergences : d'abord les différences de seuils entre les deux dispositifs. Il y a plus de communes de plus de 10 000 habitants éligibles à la DSU qu'au FSRIF et c'est l'inverse pour les communes de 5 000 à 10 000 habitants.
Mais aussi les écarts de pondération entre critères qui ne sont pas les mêmes pour la DSU et le FSRIF en ce qui concerne le potentiel financier (plus important pour le FSRIF) et les bénéficiaires d'aides au logement (plus important pour la DSU).
Ce graphique met en parallèle les montants des trois instruments de péréquation (verticale et horizontale) en Ile-de-France. La DSU et la DSR d'un côté (pour leur part destinée à l'Ile-de-France) et le FSRIF de l'autre dont on voit qu'il est encore modeste.
Au total, je pense qu'il est difficile de fusionner dans un « pot commun » le FSRIF et la DSU versée en Ile-de-France. Certes, il y a des éléments de rapprochement, mais la DSU a une vocation d'instrument de politique sectorielle, celle de la ville, alors que le FSRIF vise avant tout à réduire des inégalités de richesse.
Sur tous ces sujets, l'IAURIF, mandatée par Paris-Métropole, a fait tourner plusieurs scénarios avec des modes de prélèvement et des règles d'attribution différents.
L'idée est de tester les différentes combinaisons dans l'optique d'un FSRIF à 270 millions d'euros en 2015, réservé aux communes d'Ile-de-France de plus de 5 000 habitants.
L'efficacité du système étant mesurée par la réduction de l'écart de richesse entre les collectivités après prélèvement et reversements du fonds, il apparait que le meilleur résultat est obtenu par le scénario cumulant un système de prélèvement progressif et un double critère potentiel financier par habitant et revenu par habitant pour les reversements.
Avant de conclure, un point particulier mérite d'être évoqué.
Les départements d'Ile-de-France disposent de FDPTP, à l'exception du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis.
La DGCL m'a transmis un tableau récapitulatif de l'utilisation de ces FDPTP qui représentent un montant total de 144 millions d'euros dont 68 millions d'euros au titre des communes défavorisées. C'est cette part qui, à compter de 2012, sera alimentée par une dotation budgétaire de l'Etat.
Reversements prioritaires |
Communes concernées |
Communes défavorisées |
|
77 Seine-et-Marne |
9 131 280 |
6 190 222 |
12 178 341 |
78 Yvelines |
3 277 748 |
21 424 185 |
22 926 876 |
91 Essonne |
5 889 306 |
7 783 601 |
15 115 425 |
92 Hauts-de-Seine |
7 124 224 |
4 951 552 |
|
93 Seine-Saint-Denis |
|||
94 Val de Marne |
|||
95 Val d'Oise |
8 983 857 |
6 868 480 |
12 687 677 |
Total |
27 282 191 |
49 390 712 |
67 859 871 |
144 532 774 |
Je ne me prononce pas sur l'utilisation qui sera faite, dans les autres départements, de cette dotation budgétaire remplaçant les FDPTP. Mais pour ce qui concerne l'Ile-de-France, on pourrait proposer que l'équivalent de la dotation, puisqu'il constitue un outil supplémentaire de péréquation verticale, fasse l'objet d'une mutualisation au niveau régional. Mais il s'agit bien d'une dotation de l'Etat qui, en aucun cas, ne peut être assimilée au nouveau FSRIF.
En guise de conclusion, on peut revenir sur la compatibilité entre le FSRIF et le nouveau fonds de péréquation intercommunal et communal.
Il me semble que l'adoption de principes de fonctionnement identiques ou similaires est envisageable. Dans la mesure où le FSRIF fonctionne depuis vingt ans, il serait bienvenu de s'inspirer de cette expérience pour définir les règles du FPIC.
Pour autant, la préservation de l'outil de péréquation intra régionale propre à l'Ile-de-France amène aussi à garantir la part FSRIF actuelle et on peut s'interroger sur notre capacité à trouver des critères communs applicables à des situations si différentes.
Je pense donc qu'il nous faudra obtenir des simulations sur trois hypothèses : un système unique commun à l'Ile-de-France et au reste du territoire, un système de séparation étanche entre FPIC et FSRIF, ou un système de double couche. Le tout avec des règles de prélèvement et de répartition qui prennent en compte la diversité des situations et soient politiquement acceptables.
Je vous remercie de votre attention.
M. Jean Arthuis , président . - Je remercie Philippe Dallier pour son intervention. Si le surcroit de ressources de l'Ile-de-France contribue à l'inflation du prix du loyer, est-ce qu'on n'entretient pas alors le mécanisme ? Excusez-moi, je sais que ce n'est pas l'objet du débat maintenant...
Je vais donner la parole à Charles Guené de façon à ce qu'il puisse nous exposer son intervention.
M. Charles Guené , rapporteur . - Nous allons aborder la question du fonds de péréquation intercommunal et communal.
Comme pour le nouveau FSRIF, sur lequel Philippe Dallier vient d'intervenir, la réunion de notre groupe de travail du 8 mars dernier a permis de faire le point sur les textes adoptés en loi de finances pour 2011.
Sur certains éléments qui faisaient débat, cette réunion du 8 mars, ainsi que celle du 29 mars, nous ont permis d'avancer en dégageant parfois un consensus sur le chemin à suivre.
Il me semble aujourd'hui qu'il faut progresser vers des propositions plus concrètes et recueillir sur ces propositions l'avis des principales associations d'élus concernées que sont l'Association des maires de France et l'Assemblée des communautés de France, qui réfléchissent également à ces sujets.
Commençons par les sujets qui, me semble-t-il, peuvent faire l'objet d'un accord.
Je souhaiterais partir d'un constat : le dispositif du FSRIF était, comme nous l'a rappelé Philippe Dallier, un exemple convaincant de péréquation intercommunale efficace et acceptée. Il me semble donc que nous aurions intérêt, pour mettre en place une péréquation qui fonctionne au niveau national, à nous inspirer autant que possible de cette expérience.
Philippe Dallier propose pour l'Ile-de-France un unique prélèvement, à un taux progressif, assis sur l'écart entre le potentiel financier de la commune ou de l'EPCI et le potentiel financier moyen de leur strate ou de leur catégorie.
Il me semble que cette proposition pourrait être également appliquée pour le prélèvement sur l'ensemble des communes et des intercommunalités françaises, hors Ile-de-France.
La question à trancher sera celle des modalités pratiques de progressivité du prélèvement.
En outre, il me semble qu'un consensus s'est dégagé pour supprimer tout critère d'éligibilité aux prélèvements. Je rappelle que la loi prévoit pour le moment que seuls sont prélevées les collectivités dont le potentiel par habitant excède 1,5 fois le potentiel moyen. Cela aboutit à un effet de seuil qui peut être injuste et qui posera problème. En choisissant un unique prélèvement, dès que le potentiel financier par habitant d'une collectivité dépasse la moyenne, on évite cet écueil. Le prélèvement étant progressif, plus le potentiel financier sera éloigné de la moyenne, plus la collectivité territoriale sera prélevée.
Le montant résultant des prélèvements opérés au profit de la péréquation doit, en 2012 :
- d'une part, permettre une péréquation à hauteur de 186 millions d'euros en Ile-de-France, qui correspondra au niveau de l'ancien FSRIF ;
- d'autre part, permettre, au niveau national, une péréquation équivalente à 0,5 % des recettes fiscales du bloc communal, soit environ 250 millions d'euros.
Il faudra donc ajuster les modalités de prélèvement national afin de garantir que chacun de ces objectifs sera atteint.
Aujourd'hui, faute de chiffrages fournis par la DGCL, comme Philippe Dallier l'a rappelé, nous ne savons pas quelles modalités de prélèvement permettront de parvenir à ces objectifs.
Comment calculer les montants redistribués ?
Il me semble qu'un consensus s'est dégagé, depuis le début de nos travaux, sur le fait de prendre en compte à la fois des critères de ressources et de charges.
Le critère de ressources qui s'impose sera celui du potentiel financier par habitant. Evidemment, il nous faut travailler, dans le cadre du thème rapporté par Pierre Jarlier, sur la définition nouvelle de ce potentiel élargi.
Il me semble également que nous pouvons nous accorder sur la stratification de la prise en compte du potentiel financier par habitant. Chaque potentiel financier par habitant sera ainsi comparé, non à la moyenne nationale, mais à la moyenne de la strate de commune ou de la catégorie d'EPCI correspondante. Nous avons en effet constaté, lors de nos précédentes réunions, qu'il était impossible de comparer le potentiel financier par habitant d'une commune de 20 habitants et celui d'une ville de 100 000 habitants.
A ce sujet, je relève deux éléments :
- d'une part, cette stratification s'apparente à un début de prise en compte des charges des communes ;
- d'autre part, si l'on peut s'accorder sur le principe d'une stratification, il sera très important d'étudier ses modalités pratiques de mise en oeuvre. Une stratification extrêmement fine n'aurait pas les mêmes conséquences qu'une stratification plus souple qui, à mon avis, doit être privilégiée.
Concernant le critère de charges, il me semble que l'on peut avancer en prenant en compte ce qui a été dit par Éric Jalon lors de notre dernière réunion : le revenu moyen par habitant fournit une information synthétique et fidèle des charges supportées par les collectivités. Sa prise en compte nous évite de considérer que des équipements très chers, financés par des collectivités riches, constituent pour elle des charges. Elle permet également de viser à la fois les territoires urbains en difficulté et les territoires ruraux où le revenu par habitant est le plus faible.
La question se posera toutefois de savoir quel revenu prendre en compte et s'il faut, ou non, pondérer ce revenu par une prise en compte du coût de la vie. En effet, si l'on part du principe que ce n'est pas pareil de vivre avec 1 000 euros dans une ville de Seine-Saint-Denis et de vivre avec 1 000 euros dans une ville d'une taille comparable dans une zone rurale, on pourra envisager une pondération de ce critère du revenu par habitant. Alors, en fonction de quels indices ? Faudrait-il pondérer en fonction d'un indice du coût de la vie régionalisé ? En fonction du prix des loyers ? La question reste ouverte et devra être traitée sans rendre le dispositif si compliqué qu'il devienne inopérant.
Quoi qu'il en soit, un indice synthétique construit à partir du potentiel financier par habitant stratifié et du revenu moyen par habitant me semble une bonne base de travail. Les communes et EPCI bénéficieraient de reversements proportionnels à leur écart par rapport à cet indice.
En outre, une collectivité ayant été prélevée, parce que son potentiel financier moyen par habitant est supérieur à la moyenne, pourrait toutefois être bénéficiaire, si son indice synthétique de ressources et de charges le justifie. Cette possibilité d'être à la fois contributeur et bénéficiaire doit être vue comme un atout du dispositif. En effet, elle permet de gommer les effets de seuil.
C'est d'ailleurs ce système que nous avons choisi en créant le fonds de péréquation des DMTO départementaux dans la dernière loi de finances et il a permis de rendre le dispositif à la fois efficace et acceptable pour l'ensemble des départements. Il permet aux collectivités qui ont relativement beaucoup de ressources de bénéficier de retours du fonds de péréquation si leurs charges sont parallèlement plus élevées que celles de la moyenne des collectivités.
Venons-en aux modalités de reversements des fonds, au sein des EPCI.
Nous avons vu, lors de la précédente réunion de notre groupe de travail sur cette question, que les dispositions actuelles excluent les communes isolées des reversements en provenance du fonds de péréquation. Cette exclusion me semble en pratique difficilement justifiable.
En revanche, il me semble pertinent de prévoir, lorsqu'existe un EPCI, que les reversements ne bénéficient qu'à cet EPCI. Cette mesure est gage de simplicité pour le fonctionnement du fonds qui, je le rappelle, concerne l'ensemble des EPCI et des 36 000 communes françaises.
Au sein des EPCI, la loi de finances pour 2011 a prévu que l'EPCI reverse au moins 50 % des fonds à ses communes membres, selon des modalités fixées par une délibération prise à la majorité qualifiée.
Cette disposition présente deux lacunes :
- d'une part, le seuil de 50 % ne me paraît pas particulièrement pertinent, l'intégration fiscale des EPCI pouvant très largement varier ;
- d'autre part, je pense qu'il faudrait prévoir une disposition législative en cas d'absence d'accord au sein de l'EPCI.
Je serais donc assez favorable à ce que la loi prévoie que la redistribution au sein de l'EPCI se fasse, sans condition ni seuil particulier, par une délibération de l'EPCI à la majorité qualifiée.
Puis, en cas d'absence de délibération, la loi pourrait prévoir une redistribution automatique : l'EPCI bénéficierait d'une somme proportionnelle au coefficient d'intégration fiscale (CIF) et les communes membres du reste. Entre les communes, le débat reste ouvert : faudra-t-il répartir les sommes en fonction, par exemple, du nombre d'habitant ou du produit fiscal ?
Trois scénarios ont été évoqués par Philippe Dallier à la fin de son intervention.
En effet, nous avons compris de l'audition du directeur général des collectivités locales, le 8 mars dernier, que le Gouvernement ne sera en mesure de faire des simulations que dans le courant de l'été, à partir des scénarios qui seront proposés par le comité des finances locales. Ce que nous souhaitons proposer au groupe de travail, si Monsieur le Président vous en êtes d'accord, c'est de bâtir des scénarios qui seront ceux de la commission des finances du Sénat et sur lesquels le Gouvernement devra également fournir des simulations précises, en même temps que celles qu'il produira sur les hypothèses dégagées par le CFL.
Ainsi, nous serons en mesure, je l'espère, au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, de prendre position en connaissance de cause.
Le premier scénario pourrait correspondre à un prélèvement unifié pour l'ensemble du territoire.
Dans ce cas, il faudrait garantir, dans un premier temps, que les prélèvements opérés sur les communes et les EPCI d'Ile-de-France bénéficient uniquement à l'Ile-de-France. Cette auto-alimentation de la péréquation francilienne permettra de reconstituer un dispositif équivalent d'un montant égal à l'ancien FSRIF : 186 millions d'euros en 2012 puis une montée en puissance progressive jusqu'en 2015.
Il est possible que les prélèvements opérés en Ile-de-France excèdent le niveau garanti pour le FSRIF. Ainsi, par exemple, si le prélèvement opéré sur les communes et EPCI d'Ile-de-France produit 200 millions d'euros, ce sont 14 millions d'euros qui seront excédentaires.
Cet excédent pourra alors servir à alimenter le dispositif de péréquation intercommunal et communal au niveau national.
En ce qui concerne les modalités de redistribution, celle-ci se ferait nécessairement en deux temps.
Dans un premier temps, les fonds prélevés sur l'Ile-de-France et garantis à l'Ile-de-France feraient l'objet d'une redistribution interne à cette région (nous avons reconstitué notre FSRIF).
Dans un second temps, l'éventuel surplus prélevé sur les communes et EPCI d'Ile-de-France viendrait abonder les sommes prélevées sur les communes et EPCI du reste de la France, au sein du Fonds de péréquation intercommunal et communal.
Ces sommes feraient alors l'objet d'une seconde redistribution, bénéficiant à l'ensemble du territoire (y compris l'Ile-de-France). Toutefois, pour cette seconde redistribution, il faudrait prendre en compte le fait que les communes d'Ile-de-France ont déjà perçu des sommes péréquées (par exemple en calculant un deuxième potentiel financier qui intégrerait les sommes déjà perçues par ces communes).
Le second scénario envisagé serait celui d'une étanchéité totale entre les deux dispositifs de péréquation : l'Ile-de-France finance l'Ile-de-France et le reste de la France finance, seul, sa propre péréquation.
L'avantage de ce dispositif est sa simplicité. Il évite de poser la question des modalités de comparaison entre la richesse francilienne et celle des communes du reste de la France.
Il impliquerait toutefois d'acter le fait que l'Ile-de-France ne contribue ni à la réduction des écarts de richesse en dehors de l'Ile-de-France ni à la réduction des écarts de richesse entre l'Ile-de-France et la province.
Enfin, le troisième scénario sur lequel le Gouvernement pourrait produire des simulations serait celui d'une double couche de prélèvements :
- tout d'abord, des prélèvements spécifiques à l'Ile-de-France pour financer la seule péréquation francilienne visant à remplacer le FSRIF ;
- puis, dans un second temps, une péréquation nationale, avec un prélèvement commun à l'ensemble des communes et EPCI, y compris en Ile-de-France, qui bénéficierait à l'ensemble du territoire.
Trois difficultés se poseront alors :
- comment prendre en compte la première « couche » de péréquation avant de mettre en oeuvre la seconde ?
- comment définir des critères communs de reversement pour les communes et les EPCI d'Ile-de-France et ceux du reste de la France ? On revient sur la question d'une éventuelle régionalisation du revenu par habitant, en fonction du coût de la vie dans chaque région ;
- enfin, comment éviter de pénaliser excessivement les communes de la région Ile-de-France qui contribueront aux deux péréquations ?
Voilà les trois scénarios aujourd'hui envisagés et sur lesquels les avis de l'AMF et de l'AdCF pourront nous être très utiles.
M. Jean Arthuis , président . - Je remercie Charles Guené. Cette intervention dissipe quelques brumes et nous permet de commencer à avoir une méthode, des principes et des propositions. Est-ce que le coût de la vie est élevé en Ile-de-France parce que ses communes ont beaucoup d'argent ou ont-elles beaucoup d'argent parce que le coût de la vie est élevé ? Ce qui est certain, c'est qu'on n'est pas gêné par les simulations car on ne les a pas...
Mme Nicole Bricq . - Je remercie Philippe Dallier, car il n'est pas courant de rencontrer un défenseur de l'Ile-de-France. D'abord, on n'est pas parisien mais francilien. On avait prévu des dispositifs de sauvegarde dans la loi de finances pour 2011. Je me suis interrogée sur la croissance de 50 % d'ici à 2015. Pas de problème par rapport au chiffre fixe, on me dit que c'est déjà un premier pas pour y arriver, une articulation entre le fond régional et national. Toutefois, je n'y suis pas favorable.
Si les fonds affectés au fonds francilien sont affectés au fonds national, à ce moment là, c'est une double contribution qu'on va demander à l'Ile-de-France, il ne faut jamais séparer la fiscalité locale de la fiscalité nationale. Cela devrait servir à la redistribution, et ce n'est pas en appauvrissant l'Ile-de-France qu'on permet aux autres d'être plus riches, il faut faire attention ! Mon département est pénalisé par une démographie dynamique. L'hypothèse de travail est la suivante : tout le monde paie et tout le monde reçoit : c'est correct et cela règle les problèmes. Quels sont les critères, quels indices synthétiques ? Les critères de revenus sont bons. Je veux bien participer à la discussion sur le point que vous avez signalé, mais on n'a pas d'éléments...
M. Philippe Dallier, rapporteur . - J'avais initialement souhaité une progression par 2 du FSRIF mais j'ai finalement dû rectifier cette hausse à 1,5.
Il faudrait 219 millions d'euros pour ramener les plus pauvres, et seulement eux, à la moyenne de la région, le FSRIF est un outil « faiblard » même s'il a le mérite d'exister. Je le considère comme un plancher, les disparités sont énormes et les pauvres sont vraiment très pauvres !
M. Charles Guené, rapporteur . - A propos du déshabillage de l'Ile-de-France et de ce qu'a dit Nicole Bricq, l'idée serait d'instaurer un système national en équité. Toutefois, on a déjà fait très attention de préserver le système de l'Ile-de-France avec une autonomie de gestion sur son territoire. On met déjà en place un système de strates qui n'était pas évident et on est prêt à évoquer une sorte de régionalisation des strates.
Mme Nicole Bricq . - Nous travaillons aussi entre part forfaitaire et péréquatrice, attention à ce que l'Etat ne se désengage pas !
M. François Fortassin . - La solidarité n'existe pas, ceux qui ont une certaine exigence considèrent qu'ils ont plus de besoins que les plus défavorisés. Pourrait-on s'inspirer du système « à l'espagnole » où on ne peut pas dépasser une certaine limite : « pas de 4 fois plus que les autres » et se fixer une véritable limite ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur . - Il faut trouver des points convergents, éviter les effets de seuil, le critère d'effort fiscal n'a pas été évoqué.
M. Jean Arthuis, président . - On ne prend pas sur le supplément fiscal ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur . - C'est une péréquation verticale, une redistribution par l'intermédiaire de l'EPCI à laquelle j'adhère. Il faut assurer le FSRIF, je ne suis pas d'accord avec ceux qui souhaitent réduire la solidarité sur l'ensemble du territoire.
M. Jean Arthuis, président . - Autrement dit : « s'il y a du rab, cela va dans le pot commun » ?
M. Michel Piron, président délégué aux territoires ruraux et périurbains de l'Assemblée des Communautés de France . - Doit-on penser que les communes les plus riches sont les plus heureuses ? Pourtant, j'ai fait le présupposé que l'Ile-de-France était en France...
M. Jean Arthuis, président . - Mais c'est sur une île !
M. Michel Piron . - Je ne voudrais pas être redondant mais on veut la mise en place d'un fond unique national sans nier la spécificité de l'Ile-de-France. Je crois que laisser fonctionner le FSRIF en circuit fermé serait un curieux message. Il serait préférable de penser à des critères de reversement en ayant un fonds opérationnel dès 2012. Il est primordial d'intégrer l'idée d'évolutivité. On pourrait aussi tenter quelques principes pour réguler le concret car nous sommes encore dans la « demie brume » faute d'éléments.
Le principe serait un large panier de ressources comprenant les recettes fiscales directes et indirectes. La question la plus difficile est que le prélèvement ne touche pas le stock et se fait uniquement sur le flux. Je ne suis pas certain non plus, au vue de nos finances publiques, qu'on puisse se contenter uniquement de regarder le stock.
M. Jean Arthuis, président . - Le flux risque d'être négatif.
M. Michel Piron . - Concernant la stratification exposée par M. Guené, il est important de trouver un juste milieu. Je suis d'accord avec la redistribution des ressources de péréquation et avec le fait de prendre en compte le niveau d'intégration. Il reste toutefois des questions non tranchées comme la spécificité du fonds francilien et l'articulation avec le FSRIF qui restent à définir. Il est regrettable également d'oublier l'intégration nationale des spécificités franciliennes. En fait, il y a le débat intra Ile-de-France et le débat national. Dans ce débat, si l'Ile-de-France est considérée comme étant en France, c'est intéressant.
M. Jean Arthuis, président . - Aujourd'hui, il existe quinze strates. Comment voyez-vous les strates ?
M. Michel Piron . - Quatre strates pour les communautés de communes ? On ne peut pas rester uniquement sur la vision juridique des choses, en sachant que le constat démographique en est une autre, mais il faudra sûrement plus de quatre strates.
M. Philippe Dallier, rapporteur . - L'Ile-de-France est bien en France, et pourtant, lorsque le FSRIF a été instauré, c'était uniquement pour l'Ile-de-France. Il faudrait sortir de cette opposition un peu caricaturale : a priori riche, a priori pauvre, sans nier la possibilité de garder un mécanisme particulier, en envisageant deux mécanismes. Même si on ramène les plus pauvres d'Ile-de-France à la moyenne de la région, ce ne sera pas suffisant de toute façon.
M. Jean Arthuis, président . - Nous sommes au Parlement de la République française et nous recherchons l'intérêt général.
M. Charles Guené, rapporteur . - La notion de péréquation doit être évolutive, non figée, le contrat est prévu jusqu'en 2015, après, il faudra établir un autre contrat.
M. Jean Arthuis, président . - Le FSRIF était une grande communauté de communes où les plus fortunés venaient en aide aux plus modestes.
Mme Nicole Bricq . - Je suis élue et parlementaire et je prends en vision l'ensemble du territoire dont je suis la représentante. En effet, je suis élue dans le département de la Seine-et-Marne qui comprend nombre de communes rurales, on ne va pas me dire que je ne comprends rien à la ruralité, pas de procès en ce sens !
M. Michel Piron . - Loin de moi l'idée de créer une tension entre l'Ile-de-France et le reste de la nation, je voulais juste ouvrir le débat, je n'ai d'ailleurs pas parlé de ruralité. A propos de la question de l'intercommunalité, s'ajoutent à cela des aides modulées en fonction des territoires, comme la Bretagne par exemple.
M. Jean Arthuis, président . - Chacun reconnaît la spécificité de l'Ile-de-France, la solidarité intercommunale, mais on ne met pas l'Ile-de-France hors du champ de péréquation nationale.
M. Philippe Laurent, président de la commission des finances locales de l'Association des Maires de France (AMF) et de l'Association des Maires d'Ile-de-France (AMIF) . - On revient à l'opposition entre Ile-de-France et province, en référence à la citation de Philippe Dallier en début d'intervention « déshabiller l'Ile-de-France pour habiller la province ». On met les choses sur la table avec des discussions franches. C'est un système spécifique au sein de l'Ile-de-France. Bien que les travaux de Paris Métropole aient été repris, les communes ne devraient pas être amenées à contribuer deux fois. Mais tout le monde n'a pas cette vision-là, la situation est différente en Ile-de-France.
Les écarts de ressources entre les communes sont plus importants en Ile-de-France qu'en province et ne sont pas corrigés par les intercommunalités. Donc, la base pour le FSRIF est la commune. L'idée de créer un SMIC des communes à 60 % du niveau moyen concerne vingt-huit communes, rien n'empêche de remonter le système par la suite, mais, même si elle est convenablement appliquée, cette mesure ne peut pas réparer de « gros dégâts », car cela dépasse une simple redistribution et concerne carrément la politique de la ville.
Pour aboutir à une forme d'égalisation, le système ne doit pas être trop violent ou confiscatoire comme c'est le cas aujourd'hui. Tout le monde doit se sentir concerné, sans effet de seuil. Chacun contribue et chacun peut recevoir, mais cette approche ne permet pas de résoudre tous les problèmes. Le système doit être très simple et très lisible avec un potentiel financier élargi auquel on ajoute des ressources. Je pense qu'il faut aller assez loin : les taxes sur les casinos sont des ressources par exemple pour les collectivités locales, de même qu'on pourrait prendre en compte la taxe d'urbanisme.
M. Jean Arthuis, président . - En ce qui concerne la taxe d'urbanisme, le taux varie d'une commune à l'autre. Le potentiel fiscal nous paraît plus judicieux.
M. Philippe Laurent . - Oui, mais la collectivité n'a pas toujours la possibilité de fixer le taux, il existe un prix au mètre carré déjà établi. On prend donc un potentiel financier le plus large possible et on fait des calculs et des simulations. C'est relativement simple. Puis on arrive au problème des strates où deux positions s'opposent. La position majoritaire est celle qui pense que les strates sont nécessaires car ce n'est pas pareil selon que l'on se trouve dans les grandes communautés ou les petites communautés. L'AMF est favorable à trois ou quatre strates au niveau communal.
M. Jean Arthuis, président . - Il en existe quinze aujourd'hui. Et au plan intercommunal ?
M. Philippe Laurent . - Pas trop de strates car les différences ne sont pas si grandes que ça. En ce qui concerne le prélèvement, faut-il prélever les intercommunalités ou les communes ? Dans les intercommunalités, des communes ont des richesses très différentes, et il ne faudrait pas que les communes riches dans les intercommunalités pauvres échappent à l'effort et, inversement, que les communes pauvres dans les intercommunalités riches soient pénalisées.
Il faut prendre en compte l'effort fiscal pour le reversement. Le revenu par habitant est une bonne indication. La corrélation est prouvée entre le revenu par habitant et le nombre de jeunes ou autre. Le revenu est représentatif des besoins de la société.
Cela mériterait un débat car certains maires veulent maintenir les logements sociaux pour aider les maires bâtisseurs.
M. Jean Arthuis, président . - Le revenu est-il un bon indicateur de la densité de logements sociaux ?
M. Philippe Laurent . - On trouve des concentrations de riches et des concentrations de pauvres, et on rentre trop dans le détail, trop de paramètres seraient à prendre en compte.
M. Philippe Dallier, rapporteur . - Qui habite les logements sociaux dans les villes où on en trouve plus de 20 % ? Ce n'est pas forcément un bon critère, le revenu est un meilleur indicateur.
M. Jean Arthuis, président . - Vous l'avez dit, le revenu est un meilleur indicateur, on a bien compris.
M. Philippe Dallier, rapporteur . - Je suis d'accord avec Philippe Laurent. Je voudrais toutefois préciser que si le revenu est un bon indicateur, ne faut-il pas malgré tout régionaliser le revenu ? Etre smicard en Ile-de-France est différent d'être smicard dans le Limousin par exemple. Comment alors l'intégrer ? J'ai bien noté également que vous êtes favorable à la préservation du FSRIF, mais j'aimerais que vous soyez plus précis.
M. Philippe Laurent . - Sur la question de la prise en compte du revenu moyen, je trouve que l'idée de prendre le revenu moyen pour comparer est excellente. Ensuite, l'idée que la masse du FSRIF soit élevée fait consensus. Certaines communes pensent qu'on ne peut pas être soumis à la double peine avec plusieurs prélèvements. Il faut que cela soit progressif. Les collectivités d'Ile-de-France doivent être dans le fonds national. Je pense que c'est juste.
M. Edmond Hervé . - J'ai apprécié l'intervention de Philippe Laurent, mais on ne peut pas oublier l'héritage historique de l'Ile-de-France qui a profité à la France et qu'il ne faut pas mettre sur le compte de la péréquation. Les provinciaux tiennent le même raisonnement : « le chef-lieu est riche et la ruralité est pauvre ». J'évoque la Bretagne : en 1993, l'écart de TP pour la ville de Rennes par exemple était de 1 à 60 ; en quatre ans, il a été ramené de 1 à 4 ! Cela est dû à la responsabilité des élus locaux. C'est un piège où il ne faut pas tomber. On ne peut pas demander à la péréquation ce que nous ne pouvons pas demander à l'Etat.
Sur la question du logement, il faut tenir compte des efforts concrets par les collectivités territoriales. Deux sujets restent importants : le logement et les transports. Je suis favorable à des principes dirigistes. Si vous arrivez au taux que vous vous êtes fixé, vous aurez déjà fait des efforts tout à fait méritoires.
M. Philippe Laurent . - J'aimerais répondre à Edmond Hervé. Concernant la question du logement : le fait d'avoir un certain nombre de logements conventionnés entraîne une population à revenus moyens et bas. Il existe deux types de péréquation :
- une péréquation verticale, quasiment inexistante à l'heure actuelle ;
- et une péréquation horizontale, car les dotations de l'Etat sont gelées, à mettre en oeuvre avec des budgets en baisse.
M. Jean Arthuis, président . - Ne vous faites pas trop d'illusions... Une autre façon de procéder serait de revoir les critères d'attribution car les injustices deviennent insupportables. Je remercie donc le Gouvernement qui persiste à ne pas nous communiquer de chiffres en nous permettant de travailler sur les principes.
5. Mardi 26 avril 2011
Présidence de M. Jean Arthuis , président
Potentiels fiscal et financier, Fonds régional et départemental de péréquation de la CVAE
Audition de MM. Jean-Christophe Moraud, directeur général de l'Assemblée des départements de France (ADF), Michel Yahiel, délégué général de l'Association des régions de France (ARF), Mme Anne Bosche-Lenoir, directrice générale adjointe de la région Ile-de-France, MM. Jean-Pierre Poncet-Montange, directeur financier de la région Midi-Pyrénées, Ludovic Magnier, directeur financier de la région Bretagne, Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF) et de l'Association des maires d'Ile-de-France (AMIF), et Bernard Granié, président du Syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest-Provence
M. Jean Arthuis , président . - Mes chers collègues, cette cinquième réunion de notre groupe de travail sur la péréquation des ressources des collectivités territoriales a pour objet, d'une part, les nouvelles définitions des potentiels fiscal et financier et, d'autre part, les fonds départemental et régional de la CVAE créés en loi de finances pour 2011.
Lors de notre réunion du 29 mars dernier, les rapporteurs, Pierre Jarlier et Albéric de Montgolfier, nous ont rappelés, sur chacun de ces deux thèmes, les définitions fondamentales ainsi que les dispositions que nous avons votées. La réunion d'aujourd'hui sera l'occasion de poursuivre notre réflexion plus avant, voire de proposer des pistes concrètes d'évolution, sur lesquelles nous pourrons débattre.
Comme je vous l'ai indiqué il y a deux semaines, nous tiendrons une réunion de bilan pour définir les propositions de notre groupe de travail. Je vous propose que cette réunion ait lieu le mardi 24 mai prochain. D'ici là, nos rapporteurs pourront parachever leurs travaux.
Le ou les scénarios que nous établirons devront être suffisamment précis pour que la DGCL puisse nous fournir des simulations sur ces orientations. Ils ne constitueront pas des choix définitifs de notre commission mais des axes de réflexion, étant entendu que le choix définitif s'opèrera dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, une fois les simulations établies.
En ce qui concerne notre réunion d'aujourd'hui, nous allons tout d'abord entendre nos deux rapporteurs, Pierre Jarlier puis Albéric de Montgolfier.
Je donnerai ensuite la parole à plusieurs intervenants extérieurs :
- M. Jean-Christophe Moraud, directeur général de l'Assemblée des départements de France (ADF), qui pourra nous donner les orientations de cette association, tant sur la définition des nouveaux potentiels que sur la péréquation de la CVAE ;
- plusieurs représentants des régions : M. Michel Yahiel, délégué général de l'Association des régions de France (ARF), M. Jean-Pierre Poncet-Montange, directeur financier de la région Midi-Pyrénées, M. Ludovic Magnier, directeur financier de la région Bretagne et Mme Anne Bosche-Lenoir, directrice générale adjointe de la région Ile-de-France. Cela nous permettra de voir si les régions sont en mesure de prendre une position commune sur la définition de leur potentiel financier et sur la péréquation de leur CVAE ;
- par ailleurs, M. Philippe Laurent, que nous avons déjà eu la chance d'auditionner il y a deux semaines, s'exprimera au nom de l'Association des maires de France sur les nouvelles notions de potentiel fiscal et de potentiel financier ;
- enfin, M. Bernard Granié, président du syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence a souhaité nous faire part de ses préoccupations relatives aux collectivités territoriales à forte densité industrielle.
Je vous rappelle, enfin, que la prochaine réunion de notre groupe de travail aura lieu le mardi 24 mai à 14 h 30.
M. Pierre Jarlier, rapporteur sur le thème de la définition des potentiels fiscal et financier . - Monsieur le Président, mes chers collègues, lors de notre dernière réunion, je vous avais présenté les définitions traditionnelles des potentiels fiscal et financier ainsi que celles qui ont été retenues par la loi de finances pour 2011 et nous avions débattu des différentes options possibles pour 2012.
Il me semble que nous sommes en état aujourd'hui d'acter certaines orientations même s'il reste encore des difficultés à résoudre, s'agissant notamment du niveau régional.
J'aborderai successivement trois sujets :
1) Le nouveau potentiel fiscal ;
2) Les deux « indicateurs de produits financiers » remplaçant l'ancien potentiel financier. Je dois dire sur ce point que je n'ai pas encore trouvé les appellations que nous pourrions suggérer ;
3) et, enfin, le cas particulier des régions.
Le nouveau potentiel fiscal tout d'abord.
Le concept de potentiel fiscal est un instrument de mesure de la richesse fiscale des collectivités qui doit permettre de comparer les collectivités les unes par rapport aux autres en annulant les écarts d'effort fiscal.
En conséquence, dans sa définition la plus pure, il doit prendre en compte les ressources sur lesquelles les collectivités disposent d'une marge de manoeuvre (bases et/ou taux) et uniquement ces ressources.
Si le potentiel fiscal n'est plus utilisé qu'exceptionnellement pour les calculs de dotations, il reste un élément important puisqu'il est partie intégrante des autres instruments de mesure de la richesse des collectivités, notamment le potentiel financier.
L'article 183 de la loi de finances pour 2011 a intégré dans le potentiel fiscal, à la place de l'élément bases brutes de TP x taux moyen national, un ensemble constitué de : CFE + CVAE + IFER + DCRTP et FNGIR.
Cette définition appelle plusieurs observations.
1) Elle intègre des ressources fiscales pour lesquelles les collectivités ne disposent d'aucune liberté de taux (IFER, CVAE). Dès lors, faut-il reporter ces éléments dans le potentiel financier ou considérer qu'en tout état de cause, il existe une marge de manoeuvre indirecte pour les collectivités qui seraient à même d'influer sur l'implantation d'activités nouvelles ? Je penche pour cette seconde option et le maintien de la CVAE et des IFER dans le potentiel fiscal.
2) De la même façon, on peut s'interroger sur le bien-fondé d'intégrer des compensations (part salaires, DCRTP, FNGIR) au sein du potentiel fiscal. Certes, le pli a été pris avec la compensation part salaires de la TP, mais il n'est peut-être pas souhaitable de continuer à ajouter des garanties, correspondant à une situation datée, dans le potentiel fiscal. Je n'ai pas, cela dit, de position tranchée sur cette question.
3) Enfin, il me paraît nécessaire d'intégrer dans le potentiel fiscal de nouvelles ressources : la TaSCom, taxe sur les surfaces commerciales, pour laquelle les communes et EPCI disposent d'une capacité de faire évoluer les taux, même si elle est encadrée, et les nouvelles taxes d'urbanisme qui ont été rénovées par la loi de finances pour 2011. Mais je ne retiendrai personnellement que la nouvelle « Taxe d'Aménagement » qui sera d'application générale sur le territoire et non le nouveau versement pour sous-densité car son intégration serait techniquement très délicate, en particulier pour la définition des bases.
Cette diapositive résume, pour les communes, ce que pourraient être les éléments intégrés dans le calcul du potentiel fiscal, avec, d'un côté, ceux qui devraient nécessairement y figurer, et de l'autre, les éléments qui ont moins de raison d'être pris en compte et sur lesquels nous pouvons nous interroger.
La diapositive suivante présente les mêmes éléments appliqués au potentiel fiscal des départements.
Nous en arrivons au second étage qui est celui de l'ancien potentiel financier et pour lequel je vous propose de reprendre à notre compte l'idée de créer un double indicateur.
C'est une idée que nous avions abordée lors de la dernière réunion et sur laquelle, malgré quelques légères réticences tenant au fait qu'elle exigerait des calculs complémentaires en début d'année, le directeur général des collectivités locales avait donné son soutien.
L'existence d'un indicateur de base et d'un indicateur élargi donne du sens à la distinction entre péréquation verticale et péréquation horizontale et va dans le sens d'une plus grande justice.
Le premier serait utilisé pour les calculs de dotations de péréquation verticale (DSU, DSR, DFM, DPU, part péréquation de la DGF régionale sous des réserves que je vous exposerai dans quelques instants). Il intègrerait les ressources des collectivités sur lesquelles elles n'ont pas de marge de manoeuvre ainsi que les dotations forfaitaires versées par l'Etat.
Le second serait utilisé pour les calculs des prélèvements et reversements de péréquation horizontale (Fonds départemental DMTO, fonds de péréquation CVAE, FPIC et FSRIF) et intègrerait les dotations de péréquation verticale.
Pour les communes et les départements, l'indicateur de base serait l'équivalent du potentiel financier actuel, c'est-à-dire qu'il ajouterait au potentiel fiscal la part forfaitaire de la DGF.
La seule question à régler est de savoir si les compensations et certaines ressources fiscales sans liberté de fixation de taux doivent figurer dans le potentiel fiscal ou dans cet indicateur de base.
Pour les régions, la question est plus complexe et plus simple à la fois, du fait de l'absence totale de marge de manoeuvre fiscale sur les impositions directes. Cette caractéristique a pour effet de réduire considérablement l'intérêt de la distinction entre potentiel fiscal et indicateur de base.
L'indicateur élargi, dont je rappelle qu'il devrait servir pour la péréquation horizontale, ajoute à l'indicateur de base les parts péréquation de la DGF : DSU ou DSR ou garantie de sortie pour les communes, DPU ou DFM ou garantie de sortie pour les départements.
Une question spécifique se pose pour les versements des EPCI à leurs communes membres (attributions de compensation, dotations de solidarité communautaire). Doivent-ils être intégrés à cet indicateur ?
J'en viens au cas très particulier des régions.
Ces collectivités ne disposent plus de pouvoir fiscal. On ne peut donc plus parler de « potentiel » fiscal mais seulement d'un produit fiscal comme le montre la nouvelle définition issue de la loi de finances pour 2011.
Le « potentiel fiscal » des régions après la réforme de la taxe professionnelle est désormais calculé exclusivement par la somme des produits de CVAE + IFER + DCRTP et FNGIR net.
Cela a pour conséquence un bouleversement du rang « traditionnel » de richesse des régions qui aboutit à pénaliser des régions à taux élevés et bases faibles. Celles-ci se retrouvent avec une réévaluation relative de leur « potentiel » fiscal.
Or, les mécanismes de péréquation (vertical et horizontal) font toujours appel directement ou indirectement au « potentiel fiscal » même quant il est intégré à l'indicateur financier.
Il y a donc une difficulté particulière à résoudre pour retenir un indicateur de richesse objectif mais en atténuer les effets. Peut-être faudrait-il retenir des critères complémentaires ?
J'attends beaucoup sur ce point précis des pistes qui pourront nous être présentées par les trois spécialistes des affaires régionales qui ont accepté notre invitation.
Je vous remercie de votre attention.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur sur le thème des fonds départemental et régional de péréquation de la CVAE . - Mes chers collègues, mon propos prolonge celui de Pierre Jarlier puisqu'il faudra partir des définitions nouvelles du potentiel financier des départements et des régions pour faire fonctionner les fonds de péréquation de la CVAE des régions et des départements, qui doivent être instaurés en 2012.
Je vous ai déjà présenté, lors de notre réunion du 29 mars dernier, les dispositions relatives à ces deux fonds que nous avons votées dans la dernière loi de finances. Suite au débat que nous avons eu, je souhaiterais, comme l'a fait Charles Guené pour le fonds de péréquation communal et intercommunal, vous proposer d'adopter les grands principes d'un dispositif sur lequel nous pourrons demander au Gouvernement de fournir des simulations, dès qu'il disposera des données nécessaires.
Sur l'architecture générale du dispositif, il me semble que nous pouvons nous accorder sur le fait de soutenir la position qui a été celle du Sénat lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011.
Ainsi, il faut privilégier un dispositif qui met à contribution l'ensemble des départements et des régions dont la CVAE augmente et non seulement ceux dont la CVAE augmente plus rapidement que la moyenne. Ce choix présente de mon point de vue plusieurs avantages : les fonds alloués à la péréquation seront plus importants, ils seront également moins volatils que dans un dispositif conditionné par l'évolution globale de la CVAE et enfin, le mécanisme de péréquation sera plus simple, plus compréhensible et fera plus facilement l'objet de simulations par la DGCL.
Il me semble toutefois qu'il faut répondre à l'objection qui avait été soulevée par Gilles Carrez et que j'avais évoquée lors de notre dernière réunion sur ce sujet. Il indiquait en effet qu'en prélevant dès le premier euro de CVAE supplémentaire, on risquait de prendre de la ressource à des régions et à des départements dont la CVAE augmente, certes, mais moins rapidement que l'inflation et donc qui perdent en « pouvoir d'achat ».
La solution que je préconise est de garantir à chaque collectivité prélevée que le montant du prélèvement n'augmentera pas, entre les années n et n+1, plus rapidement que l'inflation associée au projet de loi de finances pour l'année n+1. Ainsi, on crée une sorte de plafond de prélèvement pour chaque collectivité qui évitera qu'on les pénalise et qui répond à la principale objection formulée par l'Assemblée nationale.
Sous réserve que cette condition relative à l'inflation soit remplie, le prélèvement serait égal, comme nous l'avons voté, à 50 % de la croissance de la CVAE entre l'année n et l'année 2011.
Cette péréquation en flux cumulé permet à la fois de produire au profit de la péréquation des ressources qui augmenteront progressivement et de garantir le principe essentiel de compensation à l'euro près des conséquences de la suppression de la taxe professionnelle.
L'Assemblée nationale avait critiqué le dispositif en estimant qu'il revenait à « déterritorialiser » la CVAE. Nous pouvons faire deux objections sur ce point :
- toute péréquation est une « déterritorialisation ». Ainsi, par exemple, le fonds de péréquation des DMTO départementaux peut être analysé comme une entorse au principe de la territorialisation mais s'arc-bouter sur ce principe ne sert à rien ;
- la « déterritorialisation » ne portera que sur la croissance de la CVAE, non sur le stock, et uniquement sur la moitié de cette croissance.
Enfin, nous pouvons conserver le principe de ne prélever qu'aux collectivités dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne. En effet, grâce au mécanisme de l'effet « cliquet », le prélèvement ne peut avoir pour effet de faire repasser le potentiel financier par habitant d'une collectivité en dessous de la moyenne nationale. On évite ainsi les effets de seuil et on garantit aux collectivités donc le potentiel financier passerait au dessus de la moyenne de ne pas subir, la première année, un prélèvement trop important.
S'agissant des reversements, nous avons vu, lors de la dernière réunion de notre groupe de travail, qu'ils risquaient de produire des effets de seuil importants. Or, en pratique, ces effets de seuil risquent de rendre le dispositif inacceptable pour les collectivités qui auront à les subir.
Dans son état actuel, le mécanisme reverse des fonds en fonction d'un indice synthétique de ressources (le potentiel financier par habitant) et de charges. Il ne se contente toutefois pas de calculer ce qui est dû à chacun par application de cet indice, puisqu'il réserve les reversements aux seules collectivités dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne.
Or, l'ajout de ce critère d'éligibilité risque de produire des effets de seuil importants. Certaines collectivités peuvent percevoir des sommes en provenance du fonds en année n, parce que, par exemple, leurs charges sont élevées. Si, en n+1, leur potentiel financier par habitant passe juste au-dessus de la moyenne, elles ne percevront alors plus rien.
Pour éviter ces effets de seuil, il me semble qu'il faut supprimer le critère d'éligibilité et prévoir des reversements au profit de l'ensemble des collectivités dont l'indice synthétique de ressources et de charges est inférieur à la moyenne.
Ce choix me paraît cohérent. Si l'objectif du dispositif est de soutenir financièrement les collectivités défavorisées au regard à la fois de la faiblesse de leurs ressources et de l'importance de leurs charges, il n'y a pas de raison d'en exclure a priori les collectivités dont les ressources sont supérieures à la moyenne. Quoi qu'il en soit, le critère de ressources étant intégré à l'indice servant à calculer les reversements, les collectivités dont les ressources seraient trop élevées seront de facto exclues du bénéfice de tout reversement.
Ce choix permet aussi d'éviter d'avoir à fixer un seuil d'éligibilité pour les reversements des régions. Ce seuil avait été fixé arbitrairement à 0,85 fois la moyenne du potentiel financier par habitant. Mais comme nous ne savons pas encore quelle définition du potentiel financier sera retenue pour l'application du dispositif, ce seuil d'éligibilité pouvait difficilement être validé.
Enfin, se pose la question du choix des critères de redistribution pris en compte dans le calcul de l'indice synthétique de ressources et de charges.
Il me semble que pour les ressources, le potentiel financier par habitant, tel qu'il sera redéfini, peut faire l'unanimité au sein de notre groupe de travail.
Concernant le critère de charges, nous nous trouvons en revanche dans une situation différente de celle dans laquelle sont les communes et les intercommunalités. En effet, il me semble que le lien entre les charges des régions et des départements et le revenu de ses habitants et beaucoup moins évident que celui entre une commune et le revenu de ses habitant. Par conséquent, choisir le revenu par habitant comme critère de charges pour les reversements de CVAE ne me semble pas pertinent.
Nous avons voté, en loi de finances pour 2011, des critères de charge qui n'ont pas été modifiés tout au long de la discussion du projet de loi de finances. Il me semble donc qu'ils pourraient, dans un premier temps, être maintenus tels quels. Le Gouvernement les utilisera pour effectuer les simulations que nous lui demanderons et cela nous permettra d'évaluer s'il est possible ou non de trouver des critères plus pertinents.
Il sera également possible de pondérer, au sein de l'indice synthétique, la prise en compte du critère de ressources et des critères de charges. Nous avons voté un dispositif qui prend en compte pour moitié les ressources et pour moitié les charges mais il est tout à fait envisageable, s'il s'avère que c'est plus pertinent, de davantage prendre en compte les ressources ou les charges.
Je vous rappelle les critères de charge que nous avons retenus et qui diffèrent selon que l'on traite des régions ou des départements.
Pour les régions, ce sont trois tiers correspondant à : la population (un tiers) ; l'effectif des élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et de celui des stagiaires de la formation professionnelle de la collectivité concerné, inscrits dans les établissements de leur ressort (un tiers) ; et la superficie, plafonnée au double du rapport entre leur population et la densité moyenne des régions (un tiers).
Pour les départements, trois tiers également : la population (un tiers) ; l'effectif du nombre de bénéficiaires de minima sociaux au cours de l'année précédant celle du prélèvement et la population âgée de plus de 75 ans (un tiers) ; la longueur de la voirie départementale rapportée au nombre d'habitants de chaque département (un tiers).
Ces critères ne sont pas nécessairement parfaits mais ils ont été validés par le Gouvernement, ce qui signifie qu'il est concrètement en mesure de les appliquer, et ils résultent largement des propositions qu'avait faites notre commission des finances lorsqu'elle avait proposé une mutualisation des ressources de la CVAE dans le débat sur la suppression de la taxe professionnelle.
Voilà, mes chers collègues, les propositions qui me semblent pouvoir être celles de notre groupe de travail s'agissant de la péréquation départementale et régionale de la CVAE. Comme je l'ai déjà indiqué, je vous rappelle que c'est une base de travail, sur laquelle le Gouvernement devra fournir des simulations, et non un choix définitif auquel il faudra se tenir quels qu'en soient les conséquences effectives.
Je vous remercie de votre attention.
M. Jean Arthuis , président . - Je passe la parole à Eric Doligé qui va maintenant suppléer Albéric de Montgolfier, obligé de s'absenter.
M. Éric Doligé . - Je tiens tout d'abord à rappeler quelques chiffres qui dénotent la difficulté d'établir un budget sur un système actuellement imprécis : en janvier dernier, les 86 millions d'euros de CVAE annoncés pour mon département ont été ramenés à 70 millions, ce qui équivaut à 25 % d'écart. On nous a versé une compensation en TSCA (31 millions) jugée trop importante, d'où le prélèvement au titre du FNGIR de 20 millions, j'ai perdu 4,5 millions en tout. Cet exemple montre qu'il serait intéressant qu'on nous fasse des simulations au préalable suffisamment précises pour éviter de nous retrouver dans des situations assez difficiles.
M. François Fortassin . - Je souhaiterais commenter l'un des critères de charges pour les départements, car si on ne rapporte pas le nombre des bénéficiaires des minima sociaux à la population du département, ce n'est pas parlant, parce qu'un département comme le Var qui est millionnaire et est un département très jeune, va cependant avoir plus de personnes âgées que la Lozère.
M. Jean Arthuis , président . - C'est le cas puisque le potentiel financier se fait en fonction de la population. A priori, cela ne doit pas contrevenir à l'idée que nous nous faisons de l'équité, à charge de le vérifier. Plus personne ne souhaitant intervenir, on va faire appel à un expert qui a bien connu la direction des collectivités locales et qui aujourd'hui a intégré l'équipe de l'ADF, M. Jean-Christophe Moraud, directeur général.
M. Jean-Christophe Moraud, directeur général de l'Assemblée des départements de France . - Je débuterai mon propos par quelques remarques liminaires.
La question est très délicate dans un contexte flou en termes de produits pour la CVAE. Les conseils généraux et les collectivités de premier niveau ainsi que les régions ne connaîtront qu'en juillet le montant global de la CVAE. Le législateur ne pourra pas se prononcer sur des éléments dont on ne connaît pas le comportement.
Ensuite, une distinction entre ce qui relève ou non de la responsabilité locale est nécessaire pour corriger les inégalités de ressources dont la collectivité n'est pas responsable.
Puis, je dirai que la notion d'effort fiscal n'a plus aucun sens pour les régions et est atténuée pour les conseils généraux. Pour les régions, les départements et les communes, des choix politiques fiscaux, via les taux, faits par le passé et toujours pris en compte, rendent le dispositif imparfait et créent un biais dans les futurs systèmes.
Faut-il inclure la DCRTP et le FNGIR dans le potentiel fiscal ? S'il faut les intégrer cela contredit même l'idée de potentiel fiscal, avec pour conséquence un changement de classification entre les collectivités favorisées et défavorisées.
Faut-il inclure la dotation de péréquation ? Non, lorsque le potentiel fiscal est utilisé pour les transferts; oui si ces dotations sont destinées à mesurer le pouvoir péréquateur des dotations dans une optique d'égalisation du ratio avantage/effort.
L'autre difficulté en partie occultée est la formidable concentration de la CVAE sur la région Ile-de-France et les grandes agglomérations. Une ressource inégalement répartie qui complique les dispositifs de péréquation.
M. Jean Arthuis , président . - Je me demande de quelle façon la DGFIP va territorialiser la valeur ajoutée et procéder au contrôle.
M. Jean-Christophe Moraud . - Pour les départements, la notion de potentiel fiscal n'a plus lieu d'être. Si on intègre la FNGIR et la DRCTP dans le potentiel financier net, il faut les prendre et les mettre dans le potentiel financier et le recalculer.
M. Jean Arthuis , président . - Ce qui compte, c'est le potentiel financier pour calculer les éléments de péréquation ; pour le potentiel fiscal il faudrait s'en tenir à un taux moyen pour connaître le potentiel et gommer l'effort fiscal. Je m'interroge sur l'utilité du potentiel fiscal aujourd'hui.
M. Jean-Christophe Moraud . - Je rappelle qu'il servait principalement à déterminer pour les dotations de péréquation les collectivités éligibles (c'est un premier filtrage). La notion de potentiel fiscal reste pertinente pour les intercommunalités et les communes et celle de potentiel financier sert aux régions et aux départements.
M. Jean Arthuis , président . - Il s'agit d'appréhender le niveau de ressources d'une collectivité pour déterminer la fraction de prélèvements qu'elle aurait à consentir ou de dotations dont elle pourrait bénéficier pour faire vivre une idée de péréquation équitable. Le potentiel fiscal s'est beaucoup réduit pour les départements et les régions mais il n'est qu'un élément dans le potentiel financier et c'est celui-ci qui sert de calcul pour la péréquation. Vu des régions alors ? M. Adnot ?
M. Philippe Adnot . - Cela n'a pas plus d'importance qu'on doive jouer sur les stocks et non sur les flux ? En somme, sur la richesse réelle et non sur l'évolution de la richesse ?
M. Jean Arthuis , président . - Les deux.
M. Philippe Adnot . - Non, on peut être pauvre et connaître une grande évolution de sa richesse et être prélevé, on peut être très riche avec une faible évolution de sa richesse et ne pas être prélevé, et c'est insupportable.
M. Jean Arthuis , président . - Oui mais je pense qu'il y a un seuil en-deçà duquel on n'est pas prélevé. Si ce n'est pas prévu il faudra le faire. Est-ce qu'on peut demander à M. Michel Yahiel, délégué général de l'association des régions de France de nous donner son point de vue ?
M. Michel Yahiel, délégué général de l'Association des régions de France . - Jean-Christophe Moraud a présenté un certain nombre de remarques auxquelles nous ne pouvons que souscrire. Le consensus parmi les régions se dégage difficilement. En effet, la perte de tous éléments de taux rend les réflexions fiscales surréalistes car pour l'IFER, par exemple, les régions se payent à elles-mêmes un impôt qu'elles sont censées recevoir. Elles se trouvent dans une situation particulièrement perturbante
M. Jean Arthuis , président . - Il n'y a guère que sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) que la région peut jouer.
M. Michel Yahiel . - Oui, avec la carte grise. En ce qui concerne la CVAE, la situation est incertaine, l'assiette de la CVAE réincorporant les salaires va donner des résultats probablement inattendus. Il y a à la fois perte de main sur les taux et des perspectives peu claires sur le produit attendu de cet impôt. Je rappelle au passage que la dotation de compensation pèse dans le panier de la région plus lourdement que pour les autres niveaux de collectivités, ce qui ajoute encore à la complexité. La question que nous devons nous poser c'est la définition des nouveaux critères de pesage de la « richesse » ou la situation financière des régions, critères qui n'existent pas dans la législation actuelle. La richesse d'un territoire ne signifie pas ipso facto la richesse de la collectivité qui est censée le gérer.
L'effet mécanique de l'application des textes provoque un large bouleversement de la hiérarchie traditionnelle entre régions bénéficiaires et régions pourvoyeuses de péréquation. Les interrogations concernent aussi bien la péréquation horizontale entre régions que la péréquation verticale. Il y a une nécessité de maintenir un parallèle sur ces deux notions.
Actuellement, nous essayons d'éviter une situation caricaturale où l'Ile-de-France se retrouverait contributrice et les autres régions bénéficiaires. Les effets pervers du système nous interpellent beaucoup et nous travaillons énormément pour dégager une vision cohérente des choses.
M. Jean Arthuis , président . - A propos de la territorialisation, nous nous sommes demandé ici au Sénat si la CVAE ne serait pas le prototype de la ressource pour la péréquation.
M. Michel Yahiel . - C'est une bonne question. Ce qui nous met dans une situation difficile c'est l'opacité dans laquelle nous nous trouvons. J'observe que les dispositions fiscales votées par le Parlement ont des effets mécaniques pronostiqués et non effectifs. Seuls les résultats de l'expérience prouveront le bien fondé de la territorialisation.
M. Jean Arthuis , président . - Merci monsieur le délégué général. Pourrions-nous avoir le point de vue des praticiens des régions ? M. Poncet-Montange représente la région Midi-Pyrénées. Comment voyez-vous cette réforme et que vous inspirent les propos de nos rapporteurs ?
M. Jean-Pierre Poncet-Montange, directeur financier de la région Midi-Pyrénées . - Ce qui nous préoccupe c'est la péréquation de la DGF, étant donné que le potentiel financier n'existe pas pour les régions. La prise en compte de la DGF comme ressource produit une inversion totale de l'ordre des ressources entre les collectivités Toutes les régions deviennent contributrices pour la péréquation de la CVAE, au profit notamment de l'Ile-de-France même s'il n'est pas question de priver cette dernière du bénéfice de ses contributions, mais le résultat se révèle curieux.
En ce qui concerne la DGF régionale, à la différence de celle des autres collectivités, elle inclut ou non un certain nombre d'éléments liés au transfert de tout ce qui est ferroviaire. Les régions ne sont pas à égalité en raison des dates de transfert des charges différentes - ceux-ci se sont déroulés entre 4 et 5 ans - puisqu'on avait une dotation, la DGD, dont 95 % a été basculé dans la DGF.
M. Jean Arthuis , président . - La compensation ferroviaire représente quelle fraction de la DGF perçue par la région ?
M. Jean-Pierre Poncet-Montange . - Environ 60 %.
M. Jean Arthuis , président . - Donc, les bases ne sont pas homogènes.
M. Jean-Pierre Poncet-Montange . - Pas plus que les régimes ne sont identiques.
M. Jean Arthuis , président . - Dans les critères de charges il faudrait tenir compte des kilomètres de lignes. Si ce n'est pas prévu, il faudrait peut-être les inclure.
M. Jean-Pierre Poncet-Montange . - La contribution de l'Ile-de-France au STIF n'est pas comparable à ce que paient les autres régions à la SNCF. Je rajouterai simplement qu'au niveau des réseaux ferroviaires, les différences entre régions varient aussi.
Une modeste contribution relative aux chiffres : pour Midi-Pyrénées, sur 1,1 milliard de budget et 300 millions de fiscalité, la région va se retrouver avec 127 millions de CVAE, et 11 millions d'IFER, et tout le reste en DCTRP qui passe de 50 à 110 millions.
M. Jean Arthuis , président . - La CVAE correspond-t-elle à la taxe professionnelle ?
M. Jean-Pierre Poncet-Montange . - Nous avons 80 % de l'ancienne taxe professionnelle.
M. Jean Arthuis , président . - Donc 20 % en moins. Très franchement je me demande comment l'administration peut donner des chiffres aujourd'hui sur la CVAE puisque pour les établissements multi sites ils en sont bien incapables et ce sont ceux qui impactent lourdement la CVAE territorialisée. Je ne vois pas comment ils peuvent faire une répartition.
M. Jean-Pierre Poncet-Montange . - En tout cas, nous avons les chiffres des IFER qui ont été divisés par deux avec pour conséquences : la région Ile-de-France va percevoir moins de produits, donc une baisse de FNGIR, et donc par corrélation une augmentation de la participation.
M. Jean Arthuis , président . - Merci monsieur le directeur pour ce point de vue de la région Midi-Pyrénées, maintenant celui de la Bretagne qui est une région extrêmement riche. C'est M. Ludovic Magnier, qui est directeur financier de Bretagne.
M. Ludovic Magnier, directeur financier de la région Bretagne . - La Bretagne est une région riche qui connaît un rattrapage depuis une dizaine d'années. Elle est historiquement pauvre et bénéficie de la forte croissance de ses bases traditionnelles qui sont la taxe professionnelle et la taxe foncière. Aujourd'hui, notre inquiétude porte sur l'écart entre la croissance passée et celle résultant de la réforme. Les propos des rapporteurs sont intéressants et ont le mérite de distinguer deux enjeux différents : la définition de la richesse potentielle d'une région et la réponse dont une partie se trouve dans le fonctionnement même de la réforme, au moins au niveau départemental et régional, dans la mesure où cette réforme pose des questions et qu'une partie de ses effets est endogène et contre péréquatrice.
Vous avez raison d'intégrer dans vos réflexions sur la péréquation l'amélioration de la partie structurelle de la réforme, c'est-à-dire la manière dont on prélève la CVAE avant de la répartir. Je voulais revenir sur ce que disaient MM. Yahiel et Montange, à savoir que les régions sont difficilement assimilables à un bloc homogène puisqu'elles ont des compétences et des natures de ressources différentes. La définition d'un bon indicateur de richesse et de charges est essentielle et l'un des exemples typiques est la compétence transport. Pour conclure, quelques idées, dans quelle mesure peut-on travailler sur la notion de potentiel fiscal qui était à l'époque le meilleur indicateur de richesse, de pouvoir d'achat des collectivités, en l'améliorant, en tenant compte de la fiscalité résiduelle des régions : les cartes grises, la part très marginale de la TIPP encore modulable, et éventuellement les fiscalités spécifiques des uns et des autres.
M. Jean Arthuis , président . - Merci et maintenant l'Ile-de-France, Mme Anne Bosche-Lenoir.
Mme Anne Bosche-Lenoir, directrice général adjointe de la région Ile-de-France . - La situation de l'Ile-de-France a été beaucoup évoquée et j'interviens à mon tour pour présenter quelques éléments expliquant le classement de la région qui paraît surprenant :
- depuis 2004, les taux de fiscalité ont augmenté (sur le foncier de 46 % de 2005 à 2006, de presque 70 % pour la taxe professionnelle). A l'issue de cette hausse, les taux de fiscalité directe sont restés inférieurs de moitié environ aux taux moyens des autres régions ;
- le choix fait par les élus régionaux d'avoir une fiscalité plus faible avec une assiette plus large et un endettement supérieur aux autres régions.
M. Jean Arthuis , président . - Cela signifie-t-il plus de CVAE que de TP ?
Mme Anne Bosche-Lenoir . - Les recettes réelles de fonctionnement de l'Ile-de-France sont inférieures de 14 % en moyenne par rapport à la moyenne métropolitaine ainsi que le taux d'épargne brute qui est inférieur de 15 %.
Le taux de couverture des dépenses d'investissement est de 50 % en Ile-de-France alors que le taux moyen métropolitain est de 63 %. A compétences similaires, les dépenses de fonctionnement sont inférieures de 15 % à la moyenne des autres régions.
A la suite de la réforme, le territoire francilien se trouve dans une situation où pour les ressources de la collectivité la région n'a plus de marges de manoeuvre. Notre pouvoir fiscal est limité à la carte grise et à la modulation de la TIPP. S'agissant de la DGF, il y a eu un transfert de compétences en ce qui concerne les transports. Le transfert du STIF, très important, s'est élevé à plus de 400 millions d'euros.
Le potentiel fiscal est le reflet de la situation des ressources des régions et il n'est pas question de réintégrer le FNGIR dans l'assiette de calcul des ressources de l'Ile-de-France puisque cette ressource est destinée à financer la péréquation des autres régions. Nous avons une assiette de CVAE très large à laquelle est appliqué un taux national qui sert au calcul d'une assiette théorique sur laquelle est imputée la FNGIR. Après la réforme, nos recettes sont demeurées inchangées. Le problème vient plutôt de l'évolution de cette ressource dans le temps. Elles sont compensées par la CVAE grâce à une assiette très large. L'une des pistes de réflexion consisterait à caler le calcul de la péréquation sur l'analyse de l'évolution du potentiel fiscal. Il conviendrait de regarder les régions dont le potentiel fiscal intègrerait toutes les recettes (CVAE et dotations) afin de noter le taux réel d'évolution de l'ensemble des ressources et faire de la péréquation sur cette assiette globale.
Les curseurs à partir desquels on devient contributeur ou bénéficiaire devraient être fixés sur la base des résultats de simulations de la DGCL.
M. Jean Arthuis , président . - En Ile-de-France, la compétence transport IDF qui ouvre droit à prélèvement sur salaires et son versement, qui est compétent pour voter le taux et qui perçoit cette taxe ?
Mme Anne Bosche-Lenoir . - Le plafond du versement transport est fixé par la loi et c'est le STIF qui perçoit la ressource.
M. Jean Arthuis , président . - Là encore c'est un élément de potentiel fiscal.
Mme Anne Bosche-Lenoir . - La compensation versée à la région et aux différents départements d'Ile-de-France a été calculée sur la base des dépenses engagées précédemment par l'Etat et sur celle du taux de versement transport tel qu'ils étaient à cette époque là.
M. Jean Arthuis , président . - C'est en quelque sorte un élément de potentiel fiscal, il y a des régions où ce n'est pas la région mais l'agglomération qui perçoit. C'est très compliqué car dans tel secteur géographique cette ressource peut être une ressource régionale, ce qui est le cas en Ile-de-France alors qu'à Rennes ce sera une ressource de la communauté urbaine.
Mme Anne Bosche-Lenoir . - Ce n'est pas une ressource de la région, c'est une ressource du syndicat.
M. Jean Arthuis , président . - Mais imaginez que le STIF décide de mettre un taux extrêmement bas, ça supposerait qu'il y ait une compensation sous forme de subventions pour faire face au financement des transports collectifs. Dans mon esprit, cela reste un élément de potentiel fiscal.
Mme Anne Bosche-Lenoir . - En Ile-de-France, l'autorité organisatrice des transports finance les bus, les métros, les tramways et les trains de banlieue. De ce point de vue, le versement transport est une ressource du STIF qui n'a pas bougé son taux depuis plusieurs années. Dans ces conditions, il est difficile d'en faire une assiette de potentiel.
M. François Fortassin . - Des éléments intéressants se sont dégagés des exposés, mais l'objectif de la péréquation n'a pas été défini. Pour apporter un peu à ceux qui ont moins, il faut prendre l'argent quelque part. Ceux qui sont riches objectent aux prélèvements leurs dépenses. Dans ce cas, il y a difficilement péréquation.
M. Jean Arthuis , président . - Il faut effectivement concilier autonomie et péréquation. Maintenant la vue très large de l'association des maires de France.
M. Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'Association des maires de France . - Je voudrais juste dire un mot sur le débat qui vient d'avoir lieu parce que la question qui a été posée concerne la territorialisation de la CVAE. La raison de cette territorialisation réside dans l'absence d'une capacité de discussion entre les régions et l'Etat, avec une répartition basée sur une négociation. Au niveau des communes, il y a encore un potentiel fiscal au niveau du bloc local. Le système qui doit être mis en oeuvre n'est pas destiné à régler les cas particuliers d'inégalité territoriale. L'objectif recherché est un système progressif qui concerne le plus de collectivités et ne soit pas confiscatoire. Il doit rester simple et mettre de côté les origines des différentes ressources des collectivités. Il ne faut pas oublier que les dépenses sont conditionnées par les recettes.
Nous sommes nombreux à penser que cette richesse doit être appréciée en prenant en compte le maximum de données, de ressources. Pour le bloc local nous avons encore un potentiel fiscal puisqu'il y a des bases multipliées par des taux moyens. Je souhaite revenir sur deux ou trois idées reçues. On parle de sommes certes importantes, mais pour les communes et les intercommunalités cela représente moins de 1 milliard d'euros. Si on arrive à bien répartir ces contributions et ces retours sur un nombre important de collectivités territoriales, la première année elles ne représenteront que ¼ de cette somme.
M. Jean Arthuis , président . - Au début, c'est 2 % mais lorsque la mécanique sera bien rodée...
M. Philippe Laurent . - Justement, nous avons la possibilité de mettre en oeuvre de manière réelle un système de péréquation qui ne sera pas trop difficile.
M. Jean Arthuis , président . - C'est un instrument qu'il faut rendre opérant.
M. Philippe Laurent . - C'est pour cela qu'il ne doit pas être trop sophistiqué. On prend la masse globale à l'instant T : le potentiel fiscal et l'ensemble des ressources, et on retient l'écart par rapport à la moyenne. Là se pose le problème des strates car les clivages sur cette notion apparaissent entre les « petits » et les « gros ».
M. Jean Arthuis , président . - C'est à débattre au sein de l'AMF où les « petits » sont majoritaires.
M. Philippe Laurent . - Je voudrais évoquer une autre idée reçue qui consiste à ne pas prendre en compte une ressource lorsque son montant est très faible. C'est une fausse bonne idée car elle représente peu au niveau national mais beaucoup pour tel ou tel type de collectivité.
M. Jean Arthuis , président . - Il faut tout prendre, il y a les taxes sur les casinos, et il y a ce qui est arrivé avec les jeux en ligne pour les villes avec des hippodromes. Cela fait 10 millions.
M. Philippe Laurent . - Il faut aller le plus loin possible, je serais partisan d'englober toutes les ressources, affectées ou pas.
Mme Marie-France Beaufils . - Cela touche le versement transport et la question qui nous est posée est de savoir si oui ou non on l'élargit à toutes les autorités organisatrices de transport. Il faut traiter cette question.
M. Philippe Laurent . - Pour résumer, monsieur le président, on introduit un maximum de ressources avec une modulation du potentiel fiscal pour les ressources fiscales avec une possibilité de taux.
M. Jean Arthuis , président . - Après le point de vue des maires et des communautés de communes, nous entendons le président du Syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, M. Bernard Granié.
M. Bernard Granié, président du Syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence . - Je me fais le porte-parole des 49 intercommunalités dont 40 % du produit de TP est remplacé par les dotations FNGIR et DCRTP. Cela va de 40 % à 76 %.
M. Jean Arthuis , président . - C'était pour éviter que vous perdiez la taxe professionnelle parce que sans cela l'industrie était condamnée à se délocaliser en Europe centrale ou ailleurs.
M. Bernard Granié . - Au-delà d'une perte importante de ressources, le problème en termes financiers sur la dynamique des ressources concerne le taux de croissance prévisionnel de 4 % qui peut passer à 1 % avec des dotations représentant 75 %.
L'autre point sensible est l'aménagement du territoire : dans les Bouches-du-Rhône, sur les cinq intercommunalités fortement industrielles, trois ont déjà mis en révision leur PLU avec des cabinets d'étude spécialisés pour essayer d'avoir des zones plus urbaines qui rapporteraient plus que des implantations industrielles. Nous avons eu l'implantation d'un terminal méthanier début 2010, la TP estimée est de 15 millions d'euros, les différentes taxes 1,280 million, c'est-à-dire moins de 9 %. Avec 12 à 20 % des recettes potentielles que nous avions jusqu'à présent, les principaux maires des communes concernées ne souhaitent pas de nouvelles implantations d'industrie lourde fortement contraignantes type « Seveso ». Dans le groupe de travail de ces intercommunalités, nous sommes favorables à un dispositif de péréquation ambitieux, mais affiné et solidifié.
Nous préférons cibler notre intervention sur le développement industriel : les collectivités concernées sont conscientes de l'enjeu, mais elles doivent pouvoir investir. Les premières simulations montrent que le nouveau dispositif de péréquation va toucher une part importante d'intercommunalités industrielles (Martigues, Dunkerque, Le Havre, Montbéliard, etc.) en raison de leur stock de ressources supérieures à la moyenne mais dont la dynamisme va être fortement affectée par le remplacement de plus de 50 % de leur fiscalité actuelle par des dotations figées. Ces territoires ne profiteront pas des reversements alors qu'ils sont fortement ouvriers avec des ménages disposant de ressources nettement inférieures à la moyenne nationale et cela ne sera pas pris en compte. Je rappelle que notre territoire s'est fortement endetté en vue de sa construction, nous sommes écrêtés alors que nous supportons les charges de cette dette.
J'attire votre attention sur le fait qu'il ne faut pas stigmatiser systématiquement les collectivités industrielles dont les ressources dépassent la moyenne, elles correspondent à d'importants investissements et participent à l'équilibre des territoires industriels qui fournissent une part conséquente de foncier disponible. Aujourd'hui, il existe vingt sites majeurs en France susceptibles d'accueillir des sites « Seveso ». On ne leur permet pas d'assumer le risque et en plus on les pénalise puisque les contraintes ne sont pas partagées.
Un dispositif de péréquation mal calibré risque de réduire le lien entre territoire et industries et menace l'équilibre de ces territoires. Dans l'évaluation qu'on va faire, elle s'effectuera de la même manière pour deux collectivités qui présentent un potentiel financier d'un territoire identique mais dont la part de recettes fiscales dynamique après réforme fiscale serait très différente.
Nous vous soumettons quelques propositions :
- des prélèvements de la péréquation sur ces collectivités industrielles non confiscatoires ;
- ne pas entraîner la déstabilisation financière de ces collectivités afin de ne pas constituer un obstacle à l'accueil de nouvelles unités industrielles complémentaires.
Nous proposons également quelques pistes de réflexion :
- la réduction du prélèvement, en fonction du poids des dotations dans les ressources fiscales ;
- la réduction du prélèvement de + 50 % pour les territoires (au nombre de quatorze) qui regrouperaient plus de dix sites « Seveso »;
- la prise en compte d'un critère « risque industriel » dans ceux de reversement des solidarités financières.
D'après nos estimations, ces propositions seraient suffisamment ciblées pour ne pas remettre en cause l'équilibre général du dispositif de péréquation. Il faut rester dans une dynamique de ré-industrialisation du territoire national.
M. Jean Arthuis , président . - Cette réforme avait pour objet d'alléger une contribution qui pesait sur le coût de la production industrielle, favorisant ainsi la délocalisation. Je reconnais que là où il y avait des activités industrielles très lourdes, les recettes fiscales ont baissé. Les observations et les souhaits de M. Granié ont été bien enregistrés par le groupe de travail. Je laisse la parole à mes collègues.
M. Charles Guené , rapporteur . - Je remarque que beaucoup de départements ont des zones « Seveso » vides et attendent désespérément. La réforme avait sans doute pour but de réduire les délocalisations, mais en même temps de faire en sorte qu'on puisse aussi faire de l'aménagement de territoire puisque les ressources vont toujours au même endroit. Il faudra essayer de composer sur ce type d'argument.
Mme Marie-France Beaufils . - Pour connaître d'autres sites « Seveso » mais moins regroupés, je crois que la plupart des industriels qui ont choisi leur implantation en fonction de leur activité l'ont fait ensuite, souvent en accord avec l'Etat, sur le point stratégique permettant à l'activité de fonctionner. L'un de mes sites «Seveso », je suis prête à vous le donner, mais ni l'un, ni l'autre n'a l'intention de partir et ils continuent à investir.
M. Jean Arthuis , président . - Est-ce qu'ils investissent parce qu'il y a eu la réforme de la taxe professionnelle ?
Mme Marie-France Beaufils . - Absolument pas. Aujourd'hui le problème de maintien de l'activité industrielle n'a rien à voir avec la taxe professionnelle et son coût. Avec la réforme, on a un manque de visibilité et on ne se donne pas les moyens d'avoir un outil de péréquation efficace. Il nous aurait fallu une vraie recette à l'échelon national qui nous aurait permis de faire de la péréquation.
M. Jean Arthuis , président . - A quelle recette pensiez-vous ?
Mme Marie-France Beaufils . - L'impôt sur les placements financiers pourrait être une solution.
M. Jean Arthuis , président . - Nous ne reprendrons pas ce débat.
Mme Marie-France Beaufils . - On est à un point aujourd'hui où la loi ayant été votée, essayons de faire un outil de péréquation le plus simple et le plus lisible que possible. Il faut mesurer ce qu'est la richesse réelle des collectivités.
M. Jean Arthuis , président . - On est d'accord pour mesurer la richesse réelle.
M. Charles Guené, rapporteur . - Je relève que l'exposé des invités met en avant la crainte pour la dynamique. Elle n'est pas aussi menacée qu'on le croit. Même lorsqu'on est écrêté on continue de progresser sur ses bases et lorsqu'on reçoit des compensations tout dépend en fait de la dynamique qui restera. Le point fondamental est l'appréciation de la richesse réelle au regard des charges et les critères à utiliser pour régler ce dossier. On n'est que sur des progressions à la marge et sur un contrat temporaire (2015 pour le bloc communal), on verra comment on pourra avancer et quel nouveau contrat on pourra faire.
M. Jean Arthuis , président . - Bien sûr et pour peu que l'intercommunalité prenne plus de consistance et que chaque intercommunalité devienne un lieu de péréquation entre les communes du secteur.
M. Eric Doligé . - Monsieur le président je ne reviendrai pas sur la péréquation. Quant on parle de potentiel c'est la capacité qu'on a à faire varier sa richesse. Or, aujourd'hui sur mon territoire je n'ai plus de potentiel fiscal, plus de potentiel financier, en réalité j'ai un potentiel national. Je ne vois pas dans ces conditions comment développer ma fiscalité qui ne représente plus rien.
M. Jean Arthuis , président . - Si, si vous faites venir une entreprise nouvelle dans le Loiret dans la territorialisation de la contribution à la valeur ajoutée vous aurez un supplément.
M. Eric Doligé . - Je constate seulement la chute considérable que j'ai eue. Mon potentiel il est pour les autres, en dehors de faire venir plus de personnes âgées de plus 75 ans, de construire plus de routes, et de jouer sur les trois tiers pour essayer de récupérer le maximum de péréquation. Le mot potentiel devient plus national que local même avec l'implantation d'entreprises.
M. Jean Arthuis , président . - Si évidemment dans la mesure où c'est territorialisé, le supplément de valeur ajoutée et qui est développé localement ouvre droit à un supplément de CVAE. Le taux n'est pas entre vos mains mais l'assiette l'est.
M. Eric Doligé . - Mon seul potentiel à mon avis il se trouve à la direction des finances. Il n'y a qu'au mois de juillet que je le saurai. Aujourd'hui je suis totalement dans le flou.
M. Jean Arthuis , président . - Nous sommes à la veille de bonnes nouvelles puisqu'on applique le principe de précaution avec des notifications très décevantes.
M. Edmond Hervé . - Je comprends la définition de potentiel que notre collège Eric Doligé vient de donner et si j'ai bien compris la source du potentiel se trouve à l'administration centrale. Quel conseil donneriez-vous au ministre dans le cadre de l'application de la RGPP pour que l'administration centrale puisse accueillir toutes les personnes en situation de responsabilité qui vont présenter la définition de potentiel fiscal ? Je pense aux élus que nous sommes.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Quand on écoute les différents intervenants on se rend bien compte qu'on ne peut pas avoir de réponse globale. Pour les communes, le potentiel financier a un sens et on doit pouvoir mettre en place les critères d'évaluation des richesses, ensuite on peut y ajouter un critère de potentiel corrigé en tenant compte des dotations de péréquation pour voir comment on corrige les inégalités. Pour les conseils généraux, on va avoir du mal à effacer les éléments historiques de rééquilibrage des ressources. Pour les régions il faut parler de produits ; on a une option de calculer un produit fiscal et un indice synthétique de charges. Je retiens que notre idée d'un double indicateur a un sens parce qu'on peut avoir un indicateur de la richesse réelle objective du territoire et un deuxième indicateur qui tienne compte de la réalité de la péréquation dont bénéficie le territoire. Pour les régions, on attend vos contributions, on n'a pas suffisamment d'éléments pour définir l'indice de charges.
M. Michel Sergent . - Deux mots pour dire que le dynamisme ne sera plus jamais ce qu'il a été. Je suis en faveur de la solidarité, mais l'ensemble du mécanisme est complexe et bâtir des budgets devient difficile. Un langage compris des élus est indispensable. Décomplexifier et simplifier font aussi partie de notre tâche de parlementaires.
M. Jean Arthuis , président . - Et s'interdire de s'amender pendant dix ans ! Parce que vous faites la taxe professionnelle de Jean-Pierre Fourcade version 1975 de trois pages et la réforme en compte cent trente, parce qu'entre-temps on a pris en compte plusieurs cas particuliers. C'est difficile, mais si on régule les recettes, on régule les dépenses. Je conviens de l'esprit de solidarité, mais je m'interroge sur ce qu'on va répartir et où prendre les ressources. Or, s'il n'y a pas de dynamique économique et création de valeur ajoutée, on n'aura pas de CVAE. C'est probablement au niveau de l'intercommunalité que se fera l'appréciation juste de la ressource et à partir de là on pourra commencer à péréquer. Trouver les indicateurs de niveau de dépenses va être moins aisé car certains vivent sobrement et, par exemple, les dépenses sociales sont difficiles à apprécier.
Dans la première phase, la péréquation horizontale jouera dans une infime proportion et il ne faudra pas taxer les pauvres tant qu'ils n'auront pas rattrapé leur retard, tenir compte des progressions quand le stock est supérieur à un certain niveau.
Je remercie nos invités qui ont eu la gentillesse, la disponibilité et le franc-parler pour nous éclairer. Croyez bien mesdames, messieurs que tout ce que vous nous avez rendu compte enrichit notre réflexion et il faudra un important effort de concentration et d'analyse pour être en mesure à la fin mai de faire des propositions mais je n'ai pas d'inquiétude parce que c'est M. Jarlier, M. de Montgolfier, M. Doligé, M. Guené et M. Dallier qui sont à la manoeuvre. Essayons de faire progresser la péréquation car jusqu'à présent le dispositif n'a pas bien fonctionné. Les travaux ont bien avancé au niveau de l'appréciation des ressources, le potentiel fiscal ne peut s'appliquer utilement que là où la collectivité a gardé le pouvoir de fixer les taux et pour le reste, ce qui sera pris en compte c'est le potentiel financier. Merci mesdames et messieurs.
6. Mardi 24 mai 2011
Présidence de M. Jean Arthuis , président
Présentation des conclusions des rapporteurs
M. Jean Arthuis , président . - Mes chers collègues, notre réunion marque une étape importante dans les travaux du groupe de travail que nous avons constitué sur la péréquation entre les collectivités territoriales.
Aujourd'hui, en effet, nos rapporteurs vont présenter les orientations qu'ils ont retenues et qui seront la base du rapport qui fera l'objet d'un débat devant la commission des finances, a priori le 6 juillet prochain.
D'ici là, nous espérons disposer de simulations de la part des services de l'Etat sur les effets des mesures votées en loi de finances 2011 et sur les hypothèses que nous aurons transmises.
Compte tenu de l'importance de notre réunion et de l'obligation impérative de lever notre séance à 16 h 30 pour l'audition de MM. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, et François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, je vous propose d'entrer immédiatement dans le vif du sujet.
Si toutefois, nous ne pouvions épuiser notre ordre du jour, une prochaine réunion pourrait se tenir mardi prochain, soit le 31 mai, à 14 h 30. Nous déciderons de cette éventualité en fin de réunion.
Nous allons successivement entendre, dans un ordre qui est celui de la logique :
- Pierre Jarlier, sur la définition des potentiels ;
- Philippe Dallier et Charles Guené sur la péréquation au sein du bloc communal, le FPIC et le FSRIF ;
- et, enfin, Albéric de Montgolfier sur les deux fonds, régional et départemental, de péréquation de la CVAE.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Monsieur le Président, chers collègues, la réforme de la taxe professionnelle a été une excellente occasion d'engager un débat sur les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier. Ce débat est nécessaire puisque ces notions sont au coeur même de la définition de la richesse de chaque collectivité territoriale. C'est ainsi l'idée que le potentiel financier est plus représentatif de la richesse d'une collectivité que le seul potentiel fiscal qui nous a guidés pour modifier, en de nombreux points, les dispositions relatives à la péréquation lors de la discussion des lois de finances pour 2010 et pour 2011.
Grâce à notre groupe de travail, nous avons pu mener une réflexion approfondie, hors de l'urgence liée à la discussion des projets de loi de finances, sur les critères qui devront servir de base aux nouveaux dispositifs de péréquation. Au terme de nos nombreuses réunions, je vous présente donc aujourd'hui, sur ce sujet, les orientations que je propose à notre groupe d'adopter.
De manière générale, il se dégage de nos travaux que la péréquation doit se fonder sur deux grandes notions :
- d'une part, la notion de « potentiel financier de base », qui doit servir de fondement à la péréquation verticale. Ce potentiel financier de base a deux composantes : une composante fiscale (on retrouve ici la notion de potentiel fiscal, qui n'est plus utilisée en soi mais uniquement comme un des éléments du potentiel financier) et une composante de dotations et de compensations (notamment la DGF) ;
- d'autre part, la création d'un nouvel indicateur de richesse : la notion de « potentiel financier corrigé ». Il sera utilisé dans le cadre de la péréquation horizontale, comme seul critère ou en association au sein d'un indice synthétique, ainsi que le détaillerons nos collègues Charles Guené et Philippe Dallier. Cette notion de potentiel financier corrigé ajoute au potentiel financier de base les dotations versées par l'Etat dans le cadre de la péréquation verticale. Il est ainsi plus représentatif de la richesse réelle d'une collectivité. Seule cette prise en compte permet d'avoir un indice de richesse fiable et juste. Sinon, deux collectivités ayant un même niveau de richesse pourraient être traitées de manière inéquitable si l'une tient sa richesse de compensations versées par l'Etat tandis que celle de l'autre provient d'une dotation de péréquation. De même, les écarts constatés entre les dotations de péréquation versées à l'une ou l'autre des collectivités ne seraient pas du tout pris en compte, alors qu'ils ont parfois un impact majeur sur leur richesse.
C'est dans ce cadre là : un potentiel financier de base, d'une part, et un potentiel financier corrigé, d'autre part, que doivent être examinées les questions suivantes.
Traitons tout d'abord des questions communes à l'ensemble des trois catégories de collectivités territoriales et qui résultent de la réforme de la taxe professionnelle.
- comment traiter la DCRTP et FNGIR ? Si ces dotations représentent en quelque sorte des substituts à une ressource fiscale, elles n'ont plus du tout le caractère de ressources fiscales. Les collectivités n'en maîtrisent d'ailleurs pas du tout le montant, qui est figé. Par conséquent, Il semble logique de les intégrer, en valeur nette, dans le potentiel financier de base. Elles ont davantage leur place dans la composante compensation que dans la composante fiscale de ce potentiel ;
- quel traitement pour l'ex-part salaires de l'ex-TP ? Par cohérence avec le traitement réservé à la DCRTP et au FNGIR, il convient d'intégrer cette compensation dans le potentiel financier de base, mais pas dans sa composante fiscale. Cette compensation sera donc sortie de la notion de potentiel fiscal ;
- la CVAE et les IFER ? Même si le taux de ces impôts est national, on peut considérer que les collectivités ont un impact sur leur produit par l'aménagement de zones industrielles et commerciales ou en acceptant l'implantation d'éoliennes par exemple. Par conséquent, il convient de les intégrer au potentiel financier de base, dans sa composante fiscale.
Venons-en aux questions spécifiques à chacune des trois catégories de collectivités territoriales, en commençant par les trois questions relatives au bloc communal.
Il me semble que de nouvelles taxes doivent être intégrées au calcul de la composante fiscale du potentiel financier de base des communes et des EPCI. Il en est ainsi de : la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) ; la taxe d'aménagement ; la taxe sur les casinos ; la taxe sur les remontées mécaniques ; la taxe sur les paris hippiques (Article 302 bis ZG du CGI). Plus le champ des taxes prises en compte sera large, plus la notion de potentiel financier sera objective et moins elle sera sujette à contestations. En revanche, par cohérence, il me semble qu'il faut exclure les taxes affectées du potentiel financier de base. En effet, ces taxes ont vocation à financer des dépenses spécifiques et ne constituent donc pas à proprement parler une richesse pour la collectivité territoriale. Il faut donc exclure notamment la TEOM et la taxe de séjour. Je me suis également interrogé sur la question du produit des amendes de police. Il me semble que cette recette correspond largement à l'activité des services de police de chaque collectivité et qu'à ce titre elle doit être traitée comme une recette affectée et ne pas être prise en compte dans le potentiel financier.
Deuxième étape : la construction du potentiel financier corrigé. Comme indiqué précédemment, il convient pour le déterminer d'ajouter au potentiel financier de base toutes les dotations de péréquation verticale, c'est-à-dire la DSU, la DSR ou la garantie de sortie. C'est le seul moyen de traiter équitablement l'ensemble des communes, en prenant en compte dans le calcul de leur richesse la plus ou moins grande part de dotation de péréquation qu'elles ont perçu. Il convient par ailleurs, également pour éviter des injustices entre deux communes, de prendre en compte dans le potentiel financier corrigé les versements perçus par chaque collectivité en provenance des FDPTP. C'est une demande formulée par Charles Guené qui me paraît de bon sens. En effet, les FDPTP sont financés, depuis la réforme de la TP, par des dotations de l'Etat et non par des prélèvements sur des établissements exceptionnels. Ils font donc partie de la péréquation verticale est il est juste de traiter différemment une commune qui n'a rien reçu du FDPTP et une commune qui a perçu de ce fonds des montants importants.
Enfin, comment déterminer le potentiel financier corrigé des EPCI, qui sera à la base du fonctionnement de la péréquation horizontale ? Pour mesurer la richesse d'un territoire, et englober les ressources de l'ensemble du bloc communal, le potentiel financier agrégé d'un EPCI doit être égal à la somme : du potentiel financier de base de l'EPCI. Ce potentiel de base intègre les dotations d'intercommunalité, puisque ces dotations correspondent bien à une richesse de l'EPCI ; des potentiels financiers corrigés des communes membres de l'EPCI.
Concernant maintenant les départements, deux questions spécifiques se sont posées.
La première est relative à la TSCA (taxe spéciale sur les conventions d'assurances), qui a été affectée aux départements en compensation des pertes de recettes résultant de la suppression de la TP. Il est logique de l'intégrer au potentiel financier de base, puisque cette recette correspond à une richesse des départements qui en bénéficient. Concernant la composante fiscale de ce potentiel financier, c'est-à-dire l'équivalent du potentiel fiscal, il me semble que cette notion n'a plus de réelle pertinence s'agissant des départements (et encore davantage s'agissant des régions) étant donnée la faiblesse des marges de manoeuvre qui leur restent suite à la réforme de la TP (en pratique, uniquement la taxe foncière sur les propriétés bâties).
Deuxièmement, la détermination du potentiel financier corrigé. Il suffit, pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé, d'y intégrer les dotations de péréquation verticale : DPU, DFM ou garantie de sortie. Ce potentiel financier corrigé servira pour mettre en oeuvre la péréquation horizontale.
Enfin, les deux sujets relatifs aux seules régions :
1. La détermination du potentiel financier de base des régions. La CVAE, les IFER, la DCRTP et le FNGIR doivent intégrer le potentiel financier de base des régions. Il faudra par ailleurs, pour calculer ce potentiel, parvenir à exclure de la DGF les éléments qui y ont été intégrés mais qui visent à compenser des transferts de compétences pour certaines régions. Le Gouvernement devra mener ce travail à bien pour garantir que la notion de potentiel financier traite équitablement l'ensemble des régions.
Quel périmètre pour le potentiel financier corrigé ? Enfin, comme pour les départements, il convient d'ajouter la dotation de péréquation verticale des régions pour passer du potentiel financier de base au potentiel financier corrigé. Je rappelle que notre commission a demandé, dans un rapport de juillet 2009, la réforme de cette dotation, qui ne présente pas les garanties de justice satisfaisantes, notamment en raison des effets de seuil qu'elle induit.
Voilà, mes chers collègues, les orientations que je propose au groupe de travail d'adopter.
De manière générale, la notion de potentiel fiscal ne me semble plus pertinente pour les départements et les régions et, s'agissant du bloc communal, elle doit également laisser la place à une notion de potentiel financier de base, la plus large possible, et plus représentative de la richesse des collectivités. Le potentiel financier corrigé doit pour sa part servir à mettre en place la péréquation horizontale. Lui seul garantit une mesure juste et équitable de la richesse des collectivités. Il ne sera toutefois pas nécessairement retenu comme unique critère, les reversements prévus par les dispositifs actuels prennent d'ailleurs en compte largement les charges (et non seulement la richesse) des collectivités.
Enfin, je vous informe que, selon la DGCL, les premières estimations concernant les nouveaux potentiels devraient être disponibles la deuxième quinzaine du mois de juin.
M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie pour ce rapport qui tire les conclusions des différentes auditions et échanges en groupe de travail. L'appréciation de la richesse relative se fait par le potentiel financier qui intègre ce qui subsiste du potentiel fiscal mais avec un correctif qui permet de l'appliquer à la péréquation horizontale. Cette présentation reflète, à mon sens, l'idée de la recherche d'un indicateur de richesse qui permette une répartition équitable des fonds de péréquation.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Je partage les observations de Pierre Jarlier et je me demande comment concilier la volonté d'inclure les ressources que sont les amendes de police et les DMTO par exemple, ces derniers ne sont pas perçus directement par les communes.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Je propose de ne pas intégrer les amendes de police. Pour ce qui concerne les DMTO, ils ne sont intégrés qu'au niveau des départements.
M. Éric Doligé . - En ce qui concerne les charges, comment sont-elles prises en compte, dans la mesure où elles ne sont pas toutes identiques dans les mêmes collectivités ? Le potentiel financier est comparable mais pas les dépenses d'une collectivité à une autre.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - C'est un autre sujet.
M. Jean Arthuis , président . - Je rappelle qu'il s'agit actuellement de définir un nouvel indicateur de richesse.
M. François Marc . - Je me demande ce qu'on fait de la dotation de solidarité communautaire en ce qui concerne l'évaluation du potentiel des communes. Les simulations du Gouvernement se basent-elles sur ces définitions de potentiel ou sur l'effet de ces définitions ?
M. Jean Arthuis , président . - Il est plus facile d'arrêter des principes quand on n'a pas de simulation...
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Je précise que les simulations seront établies sur la base du potentiel financier tel que défini dans la loi de finances 2011. Cette base est beaucoup moins élargie que celle préconisée par le groupe de travail. Le Sénat avait recommandé de ne pas arrêter le potentiel financier en prévision des débats. Les dotations de solidarité communautaire ne sont pas intéressantes à intégrer car prises en compte d'un côté, elles sont retirées de l'autre. Elles sont neutres dans le calcul du potentiel financier agrégé.
M. François Marc . - C'est neutre pour l'Etat mais pas pour les communes.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Je confirme que c'est neutre puisque agrégé.
Mme Marie-France Beaufils . - Je ne partage pas l'avis sur le potentiel financier agrégé puisque la péréquation se fait automatiquement vers l'intercommunalité. La différence d'une intercommunalité à une autre est trop grande pour une notion de solidarité à l'intérieur.
M. Jean Arthuis , président . - Une péréquation entre 37 000 communes serait impossible.
Mme Marie-France Beaufils . - Sur le fond, les différences territoriales ne seront pas résolues si sur le territoire elles ne sont pas prises en compte en tant que telles.
M. Jean Arthuis , président . - En faisant masse de toutes les ressources au plan de l'EPCI, on arrive à des données qui sont de bons indicateurs de la richesse relative.
M. François Fortassin . - Je me pose la question sur l'association de deux notions aussi antinomiques que celles d'autonomie fiscale et de péréquation.
M. Jean Arthuis , président . - C'est constitutionnel.
M. François Fortassin . - Je prendrai l'exemple de deux communautés de communes ayant les mêmes potentialités, mais dont l'une a fait de gros efforts de fiscalité et l'autre non. La plus pauvre, disposant moins de ressources, bénéficiera-t-elle d'une péréquation plus importante que celle qui a consenti des efforts ?
M. Jean Arthuis , président . - Nous aborderons le sujet et je souhaiterai demander à notre collègue Pierre Jarlier s'il prend en compte d'autres ressources comme celles votées dans la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Un certain nombre de communes sur lesquelles sont situés des champs de courses ou des casinos perçoivent des sommes non négligeables.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Oui puisque nous avons proposé d'intégrer les taxes sur les paris hippiques et les taxes sur les casinos.
La question qui n'a pas été traitée dans le rapport et qui me semble importante concerne le potentiel financier élargi. Si on veut avoir des indicateurs de comparaison de différence de richesse entre les collectivités, ne faut-il pas intégrer les produits de la péréquation horizontale de l'année N-1 ? Si on prend en considération la péréquation verticale, il en va de même pour la péréquation horizontale, sinon on risque d'aider des collectivités qui reçoivent déjà énormément des produits de la péréquation horizontale et qui ne méritent peut-être pas d'en bénéficier.
M. Jean Arthuis , président . - Effectivement, il faudrait prendre en compte l'ensemble des ressources.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Je pense que ça vaudrait la peine de regarder même si techniquement on ne sait pas comment faire.
M. Jean Arthuis , président . - Je note que la communication de Pierre Jarlier a permis de constater un consensus à l'exception du bémol de Marie-France Beaufils, peu convaincue par la répartition au sein des intercommunalités.
Je donne maintenant la parole à Charles Guené et à Philippe Dallier pour l'articulation du FSRIF et du FPIC et la péréquation au sein du bloc communal.
M. Charles Guené , rapporteur . - Monsieur le président, chers collègues, au terme de notre série de réunions sur la péréquation au sein du bloc communal et sur l'articulation du Fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) et du nouveau fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC), nous allons vous présenter les orientations que nous vous proposons de retenir et sur lesquelles nous avons trouvé des points d'accord, après des discussions nourries.
Ces orientations concilient à nos yeux les intérêts nationaux pour une solidarité partagée entre toutes les collectivités du bloc communal, sans exception, et les intérêts propres à l'Ile-de-France, qui peut souhaiter légitimement restreindre prioritairement les déséquilibres internes à la région.
Nous espérons en conséquence que les débats à venir dépassent les clivages qui avaient été évoqués - de manière quelque peu provocatrice - par un texte de l'AMIF qui avait parlé d'un climat de défiance réciproque.
Nous tenons à souligner que toutes nos propositions ont été formulées sans que nous disposions de simulations. Nous nous sommes donc appuyés exclusivement sur des principes et des raisonnements. Cela signifie que nos orientations doivent être appréciées « sous toutes réserves » et, au nom du groupe de travail, nous souhaitons faire simuler ces hypothèses par les services de la DGCL. Nous avons d'ores et déjà averti le directeur général que nous lui adresserions des demandes pour un nombre limité de simulations. Nous les sélectionnerons afin qu'elles soient les plus pertinentes mais aussi les plus éloignées des schémas classiques, dont nous sommes sûrs qu'ils feront l'objet d'évaluations à la demande du Gouvernement ou du CFL. Notre travail prend tout son intérêt, en effet, si nous avons des propositions « originales » à formuler.
Nous avons listé dix-huit orientations, d'importance variable, que nous avons regroupées en trois blocs.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Le premier bloc concerne l'articulation générale du FSRIF et du FPIC et la définition des objectifs aux échéances 2012 et 2015. Il comprend quatre propositions.
Sur la question de l'articulation entre le FPIC et le FSRIF : Nous avons tranché pour une superposition des deux fonds de péréquation, qui doivent fonctionner de manière indépendante, l'Ile-de-France étant contributrice et bénéficiaire des deux fonds, le « reste de la France » étant contributeur et bénéficiaire du seul FPIC. Cela signifie que nous écartons un système de type préciput prélevé pour l'Ile-de-France sur le produit d'un fonds unique.
Sur la question de la définition de l'outil de mesure de l'objectif à atteindre. Nous préférons un chiffrage en valeur absolue au chiffrage actuel défini par la loi en pourcentage des recettes fiscales du bloc communal. Ce sera plus parlant et moins sujet à interprétation, en l'absence d'accord sur la notion de recettes fiscales
Sur la définition de l'objectif à atteindre. Nous penchons pour une augmentation linéaire de l'objectif du FPIC, soit : 2012 : 250 millions d'euros, 2013 : 500 millions d'euros, 2014 : 750 millions d'euros, 2015 : 1 milliard d'euros.
En tout état de cause, nous sommes défavorables à un report à 2013 de la mise en oeuvre du FPIC. Nous sommes également défavorable à une courbe qui commencerait plus bas et progresserait plus rapidement, car elle donnerait des arguments aux opposants à la péréquation. Pour ce qui est du FSRIF nous aurions souhaité soumettre deux hypothèses à la DGCL afin d'en voir les conséquences :
- une première hypothèse d'augmentation linéaire de l'objectif du FSRIF, soit : 2012 : 200 millions d'euros ; 2013 : 233 millions d'euros ; 2014 : 266 millions d'euros ; 2015 : 300 millions d'euros. Ce qui correspond à l'augmentation prévue par la loi de finances pour 2011 ;
- une seconde hypothèse selon laquelle le montant du FSRIF devrait permettre à chaque commune d'Ile-de-France d'atteindre 70 % de l'indice synthétique moyen de ressources et de charges servant de critères aux reversements du FSRIF. Nous saurions ainsi quel est le montant nécessaire. Toutefois la DGCL nous a souligné la difficulté technique à répondre à cette seconde hypothèse. De manière générale nous serions favorables à ce que la loi prévoie une clause expresse de « revoyure » en 2015 au vu des résultats du dispositif sur la réduction effective des écarts de richesse (calculés en référence à l'indice synthétique servant aux reversements c'est-à-dire intégrant les ressources et les charges). Qui sait, il y aura peut être un accord à cette date pour renforcer encore la péréquation ?
S'agissant de l'articulation des deux objectifs chiffrés. Il va donc de soi que les montants péréqués par le FSRIF (par exemple les 200 millions d'euros en 2012 dans la première hypothèse) s'ajoutent chaque année à ceux du FPIC (par exemple aux 250 millions d'euros en 2012). Le montant total de la péréquation horizontale au sein du bloc communal atteindrait donc la première année 450 millions d'euros.
Enfin, nous souhaitons, que pour chacun des deux fonds, il y ait un démarrage de la mise en oeuvre dès l'année prochaine, en 2012. On entend certains dire qu'il faudrait reporter d'une année. N'avoir qu'un FSRIF rénové l'année prochaine, sans fonds de péréquation national serait une mauvaise hypothèse.
M. Charles Guené , rapporteur . - Passons maintenant au sujet important des prélèvements. Nous avons dégagé six orientations :
- il faut d'abord répondre à la question : quelles sont les collectivités concernées et le ou les critères de prélèvement. Il est fondamental pour y répondre de faire appel au concept (que Pierre Jarlier a défini) de potentiel financier agrégé. Ce concept qui établit la mesure de la richesse réelle d'un territoire permet de comparer entre elles des structures différentes (EPCI et communes isolées) et de ne faire appel qu'à un seul potentiel financier moyen qui leur est commun. Dans notre idée, les prélèvements ne doivent porter directement que sur les EPCI et sur les communes isolées. Les communes membres d'EPCI ne feraient pas nécessairement l'objet de prélèvements directs au profit du fonds. Le prélèvement serait fonction du potentiel financier de chaque commune isolée ou EPCI par rapport au potentiel financier moyen. Le potentiel financier moyen serait égal à la moyenne des potentiels financiers des communes isolées et de ceux des EPCI, pris en compte au sein d'une unique catégorie. Pour les EPCI, le potentiel financier est le potentiel financier agrégé c'est-à-dire le potentiel financier de l'EPCI ajouté à celui de ses communes membres. Pour la commune isolée, il est le potentiel financier de celle-ci. On peut ainsi comparer un EPCI de 20 000 habitants en Province à une commune isolée de 20 000 habitants en petite couronne parisienne. Le potentiel financier est bien sûr un potentiel élargi mais c'est une question qui a été traitée dans le cadre du thème rapporté par Pierre Jarlier. S'agissant du prélèvement, il nous semble qu'il ne doit pas y avoir de prise en compte, à ce stade, de critères de charge. Nous attirons votre attention sur la nouveauté de ces propositions par rapport au texte de la loi de finances 2011 qui mettait en place un système très complexe et complètement impossible à faire fonctionner, de trois parts distinctes (EPCI, communes membres et communes isolées) en fonction de la répartition des recettes fiscales nationales du bloc communal entre ces trois catégories ;
- abordons ensuite la question de la prise en compte des strates. Il nous semble logique et raisonnable que le potentiel financier moyen servant de référence au prélèvement soit stratifié. Nous partons sur le principe d'un nombre réduit de strates (les strates s'appliquant indifféremment aux EPCI ou aux communes isolées). Ces strates sur lesquelles nous souhaitons que la DGCL effectue des simulations sont les suivantes : de 0 à 20 000 habitants ; de 20 000 à 100 000 habitants ; de 100 000 à 200 000 habitants ; au-delà de 200 000 habitants ;
Toutefois, la DGCL devrait fournir aussi des simulations sur un potentiel non stratifié. Il n'est pas sûr que cela donne des résultats très différents et la focalisation sur la question des strates est peut-être excessive. Le prélèvement FSRIF n'est pas stratifié actuellement. Nous pensons que cette caractéristique doit être maintenue puisqu'on est dans un cadre régional. Il faut signaler aussi que logiquement, le potentiel financier moyen utilisé pour le FSRIF est le potentiel de l'Ile-de-France.
- sur le seuil de prélèvement : Nous sommes favorables à la suppression du seuil d'éligibilité actuel prévu par la loi de finances 2011 soit 1,5 fois le potentiel financier moyen. Il est préférable en effet d'éviter les inconvénients des seuils et un prélèvement diffus est meilleur qu'un prélèvement trop concentré. Pour le nouveau FSRIF, nous sommes favorables à la suppression de tout seuil d'éligibilité ainsi que des régimes d'exonération existants (ex DSU) dont nous avions montré les effets incohérents ;
- les taux de prélèvement. Pour définir les taux, nous proposons de concevoir un système de taxe par répartition. Il s'agit de déduire les taux à partir du produit attendu. Ce système permet de garantir le niveau du produit prélevé. Pour assurer une progressivité du taux en fonction de l'écart au potentiel financier moyen de la strate, il serait nécessaire de définir cinq ou six paliers. A cet effet, nous souhaitons que la DGCL effectue trois simulations sur trois types de structures de prélèvement :
• dans la première hypothèse, on
prévoit que le prélèvement s'applique à l'ensemble
des communes et EPCI. Il touche donc des communes en dessous de la moyenne mais
1) la moyenne est élevée et 2) il faut raisonner
évidemment en net, après imputation des reversements. C'est
« l'hypothèse Philippe Laurent » : tout le
monde participe et bénéficie ;
• dans la deuxième hypothèse, on
ne prélève qu'aux communes et EPCI dont le potentiel est
supérieur à 80 % de la moyenne. Le risque de ce choix est
que le prélèvement soit excessivement concentré sur
certaines communes ;
• dans la troisième hypothèse, on ne
prélève qu'aux communes et EPCI dont le potentiel est
supérieur à la moyenne. Cette hypothèse présente
les mêmes inconvénients renforcés que la
deuxième.
Pour le nouveau FSRIF il y aurait lieu d'appliquer un mécanisme similaire avec un ajustement des taux de prélèvement au montant à prélever en faveur du FSRIF.
- Nous nous sommes posé la question du plafonnement du prélèvement. A priori nous ne souhaitons pas en prévoir avant de connaître les résultats des simulations. Mais il est vrai que tous les mécanismes de prélèvement actuels (FSRIF, écrêtement du complément de garantie) en prévoient un. Dans tous les cas, la DGCL souhaite éviter le plafonnement rapporté aux dépenses de fonctionnement, qui est très lourd à calculer ;
- dernier point de ce volet : la répartition du prélèvement au sein des EPCI. Nous pensons que la répartition du prélèvement entre l'EPCI et chacune de ses communes membres doit s'effectuer au prorata de la contribution de chacun au potentiel financier agrégé. Cette règle est la plus incontestable. Certes, une ville riche dans un EPCI pauvre contribuera moins que si elle était une commune isolée, et une ville pauvre dans un EPCI riche contribuera davantage que si elle était isolée. Mais il faut partir du « postulat » que l'EPCI joue déjà un rôle de péréquation, leur laisser leur part de responsabilité dans la mise en oeuvre de la péréquation.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Passons maintenant au sujet des reversements. Nous avons dégagé huit orientations :
- il convenait d'abord de définir les bénéficiaires des reversements. Comme pour les prélèvements, les reversements ne bénéficient directement qu'aux EPCI et aux communes isolées (qui ont vocation à disparaître, sauf en petite couronne parisienne).
Les communes membres d'EPCI ne recevront pas directement de reversements du FPIC.
Pour le nouveau FSRIF, nous proposons de conserver les deux règles actuelles : le FSRIF est communal. Les EPCI ne bénéficient donc pas de reversements. En outre, les communes de moins de 5.000 habitants sont exclues du reversement.
- pour les principes de reversement. Nous préconisons d'utiliser un indice synthétique de ressources et de charges et de prévoir des reversements pour l'ensemble des collectivités en deçà de la moyenne, afin d'éviter les effets de seuil, proportionnellement à l'écart à la moyenne ;
- en ce qui concerne la composition de l'indice synthétique. Nous avons retenu, d'une part, le potentiel financier par habitant de l'EPCI (ou de la commune isolée) et, d'autre part, le revenu moyen par habitant de la population de l'EPCI (ou de la commune isolée). Pour l'EPCI, le potentiel financier est le potentiel financier agrégé. Nous serions assez favorables à la prise en compte de l'effort fiscal (à travers une pondération de l'indice synthétique comme pour la DSR). L'effort fiscal est déjà pris en compte dans la notion de potentiel financier (qui inclut le potentiel fiscal). Toutefois, la notion de taux moyen ne fait que neutraliser les écarts de taux, ce qui est sans doute une prise en compte insuffisante de l'effort fiscal.
Nous souhaitons faire effectuer des simulations sur trois hypothèses :
• une prise en compte des deux critères
(potentiel et revenu) à 50 % / 50 % sans
pondération par l'effort fiscal ;
• une prise en compte des deux critères
(potentiel et revenu) à 50 % / 50 % avec
pondération par l'effort fiscal ;
• une prise en compte du potentiel à 70 %
et du revenu à 30 %.
Pour le nouveau FSRIF, nous sommes favorables à prendre le même indice synthétique (avec éventuellement une modulation différente).
Par conséquent, par rapport à l'indice synthétique actuel du FSRIF, nous sommes pour la suppression des critères liés au logement social, qui ont des effets pervers évidents (les logements sociaux ne sont pas toujours occupés par les plus pauvres). Nous ne croyons pas que les communes les plus pauvres en pâtiront, compte tenu du critère du revenu par habitant.
• La pondération du revenu moyen par habitant.
C'est une suggestion que nous avions présentée pour tenir compte
des écarts de « coût de la vie » entre les
territoires, notamment en ce qui concerne le logement, qui représente la
dépense principale qui pèse sur le revenu des ménages.
Il nous semble intéressant de tester une pondération partielle du revenu par habitant en faisant effectuer deux simulations :
• l'une qui pondèrerait 40 % du revenu
moyen de la commune ou de l'EPCI par un indice représentatif du
coût du logement dans la zone considérée dont relève
la commune ou l'EPCI (utiliser l'écart existant dans le zonage
Robien/Scellier A, B, C) ;
• l'autre, sans pondération.
- En ce qui concerne la stratification du potentiel financier. Logiquement, nous proposons de prévoir la même prise en compte des strates dans le potentiel financier servant à la redistribution que dans celui servant aux prélèvements. En ce qui concerne l'Ile-de-France, il faut rappeler que le FSRIF actuel est stratifié par la distinction de deux régimes : un pour les communes de plus de 10 000 habitants, un pour les communes de 5 000 à 9 999 habitants. Il nous semble que ce système pourrait être maintenu dans le nouveau FSRIF, mais il ne s'agit pas là d'un point essentiel ;
- nous nous sommes posé la question de la nécessité d'un mécanisme de garantie de sortie. Bien entendu, cette question ne se pose que pour le FSRIF puisque le FPIC est quant à lui totalement nouveau. Compte tenu des évolutions que nous envisageons, il nous semble important de prévoir des modalités de sortie de l'ancien système FSRIF sur une durée par exemple de 2 ans :
• la redistribution au sein des EPCI des reversements
du FPIC est une question très importante. La loi doit prévoir des
règles de répartition qui s'appliqueront à
défaut :
• la répartition entre l'EPCI et leurs
communes membres proportionnellement au coefficient d'intégration
fiscale ;
• la répartition entre les communes membres de
manière inversement proportionnelle au potentiel financier par habitant
de chaque commune multiplié par son nombre d'habitants.
Toutefois, il nous semble possible de prévoir que les EPCI seront libres de déterminer, par une décision prise à l'unanimité, d'autres modalités de répartition voire qu'ils pourront, à la majorité qualifiée habituelle -2/3 des communes représentant la moitié de la population ou l'inverse- choisir entre deux options de répartition ouvertes par le législateur.
- il convenait enfin de définir le calendrier des deux prélèvements. A cet égard, nous proposons que le prélèvement et les reversements du FSRIF soient effectués en premier. Ceci permettrait que pour le FPIC, les prélèvements du FSRIF soient déduits du potentiel financier et les reversements FSRIF intégrés au potentiel financier.
Dans un premier temps, le FSRIF intervient pour réduire les écarts au sein de la région Ile-de-France, puis le fonds national s'applique de manière uniforme comme dans l'ensemble des autres régions.
M. Charles Guené , rapporteur . - En conclusion, il nous paraît important de mettre l'accent sur le fait que la loi de finances 2012 est une occasion qu'il ne faut pas manquer de mettre en place un système de péréquation très novateur.
Certes compte tenu des délais, de la complexité et du caractère innovant, ce mécanisme ne peut pas viser du premier coup la perfection. Mais qu'il sera possible, comme pour le fonds DMTO ou les fonds CVAE de l'ajuster progressivement.
Restent, enfin deux questions qui ont toute leur importance mais sur lesquelles nous avons un peu « botté en touche ».
La question des FDPTP : Sur ce sujet, nous pensons qu'il faut laisser les conseils généraux libres de mettre en place des modalités de répartition des FDPTP plus péréquatrices que celles prévues actuellement.
Mais il serait bon de prévoir un rapport du Gouvernement, à l'horizon 2015, sur l'effet péréquateur des FDPTP. Par ailleurs, mais ce point a été évoqué par Pierre Jarlier auquel nous l'avons transmis, nous souhaitons que les versements FDPTP soient pris en compte dans le potentiel financier élargi des collectivités qui en ont bénéficié.
Sur l'outre-mer : Nous n'avons pas de suggestion à proposer et nous laissons au Gouvernement le soin de traiter cette question, compte tenu de sa complexité et du fait que nous ne disposons pas des données qui permettraient de faire des propositions construites.
M. Jean Arthuis , président . - Charles Guené a répondu à la question que posait Pierre Jarlier sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
M. Charles Guené , rapporteur . - J'observe que certains départements ne font pas de péréquation.
M. François Marc . - J'apprécie la qualité d'investigation et de travail menés par les deux rapporteurs, d'autant plus que le Gouvernement a laissé de nombreuses pages blanches. Il y a beaucoup d'idées de bon sens et nécessaires à formuler. Je me pose des questions sur les éléments de simulation qui sont laissés en suspens. En ce qui concerne le seuil de prélèvement à supprimer, quel dispositif mettre en oeuvre pour aboutir à quelque chose de satisfaisant ? Pour la pondération par le pouvoir d'achat, qu'est-ce que ça peut donner ? Au niveau de la pondération par l'effort fiscal des communes, quel est son impact ? Les strates constituent un sujet à problème même si je n'ai pas d'opinion tranchée. Un certain nombre de précisions reste à obtenir pour une meilleure visibilité. Et la question fondamentale sur la raison de ce dispositif : au niveau de la péréquation horizontale pourquoi prendre la valeur absolue de 1 milliard d'euros, et ne pas adopter une approche en pourcentage pour avoir un sentier qui se rapproche de plus en plus de la moyenne ?
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Je suis assez d'accord avec François Marc. Je vois bien la difficulté de l'exercice qui se profile. Avec la clause de revoyure pour la réforme raisonner en montant est plus rassurant et plus facile à défendre. C'est une approche prudente et les efforts pour une régularisation pourront être accentués d'ici à 2015.
Mme Marie-France Beaufils . - Je souhaite revenir sur les conditions du reversement. Je partage le point de vue de François Marc sur les sommes concernées par la répartition. Je suis également d'accord sur le reversement, la prise en compte du revenu, l'abandon du nombre des logements sociaux et pour réfléchir sur une pondération. Je voudrais des précisions sur les revenus. Est-ce le revenu fiscal ou le reste à vivre ? Pour ce dernier, l'analyse est différente.
M. Charles Guené , rapporteur . - Je répondrai d'abord à François Marc sur les prélèvements. Pour ce qui concerne les strates c'est politiquement plus astucieux et on intègre déjà une idée de charges. Sur la problématique du seuil d'éligibilité, celui de 1,5 est exclu et à la place sont proposés trois autres seuils :
- à compter du premier euro où tout le monde est prélevé ;
- à partir de 80 % du potentiel financier moyen ;
- à partir de la moyenne.
Les simulations fourniront des éléments. L'effet de seuil est gommé. Cependant, il faudra faire très attention au système de redistribution et avoir des critères habilement trouvés. Ce système bien balisé avec trois hypothèses a été soumis à la DGCL pour les simulations.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Je confirme à Marie-France Beaufils que l'approche se fait au niveau de la notion de reste à vivre pour la famille, le logement étant la dépense principale. Le revenu fiscal de référence constitue le point de départ et est pondéré avec le coût du logement en utilisant le zonage Robien/Scellier. Je considère que compter le nombre de logements sociaux n'est pas une bonne approche, le revenu moyen par habitant devrait suffire. Les communes les plus pauvres n'ont pas à craindre ce système.
Mme Marie-France Beaufils . - Je constate qu'on a du mal à se faire une idée précise sur les strates. Comment éclaircir la situation ?
M. Charles Guené , rapporteur . - Je suis intellectuellement contre le principe des strates mais il ne faut pas oublier qu'on raisonne sur des moyennes. Les strates c'est un peu ennuyeux si on ne prend pas d'éléments graduels de prélèvements à cause des problèmes de seuil. Si ces derniers partent de 0 par exemple, cela gommera l'effet de seuil et les écarts ne seront pas immenses. Une culture des milieux urbains veut que les villes se garantissent par un système de strates et elles craignent en conséquence sa disparition.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - J'observe que l'examen du potentiel financier par habitant sur les différentes strates révèle un gros écart entre 0 et 20 000, ensuite cet écart devient moins important. La faisabilité de la prise en compte d'une strate assez faible va dépendre du système adopté entre l'écart à la moyenne et le premier euro. Dans certains cas, remonter la première strate à 50 000 ou plus présenterait l'intérêt d'éviter un effet pervers dans le système.
M. Philippe Dallier , rapporteur . - Je crains qu'il n'y ait pas de système parfait et que la définition des strates soit difficile. Par conséquent, il faudrait disposer d'un maximum de simulations. Malheureusement la DGCL peine à les fournir, certainement par manque de moyens informatiques.
Mme Nicole Bricq . - Je me demande si les rapporteurs veulent que cela soit inscrit dans le projet de loi de finances pour 2012 en dépit de l'absence de simulations d'ici septembre.
M. Charles Guené , rapporteur . - Nous sommes censés les avoir avant la réunion du 6 juillet. Quant à l'interrogation de Pierre Jarlier sur les strates, je précise qu'il est possible de diminuer leur effet en prenant l'hypothèse « Philippe Laurent ». La simulation montre que les petites communes ne sont pas pénalisées, ce qui n'est pas le cas des deux autres hypothèses, d'où l'utilité d'obtenir les simulations demandées.
M. Jean Arthuis , président . - Je relève que c'est la péréquation verticale qui va jouer et comme il n'y a pas d'enveloppe supplémentaire, il faudra convaincre ceux qui sont surdotés de contribuer à la péréquation. L'excellent rapport de Philippe Dallier et Charles Guené va dans la bonne direction et suscite un consensus assez large au sein de notre commission.
Mme Nicole Bricq . - Le mot consensus est un peu fort. Je préfère reconnaître que les rapporteurs ont bien travaillé « à l'aveugle » mais qu'il reste à voir ce que cela donne.
M. Jean Arthuis , président . - Je prends bien note de votre commentaire sur la qualité du travail des rapporteurs.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, la question des fonds départemental et régional de la CVAE pose moins de problèmes que les deux autres puisque nous avons déjà pu en définir les principales modalités le 26 avril dernier et qu'elles n'ont, depuis, pas été remises en cause.
Ainsi, nous défendrons la position qui a été celle du Sénat lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011.
Il faut privilégier un dispositif qui met à contribution l'ensemble des départements et des régions dont la CVAE augmente et non seulement ceux dont la CVAE augmente plus rapidement que la moyenne.
Pour répondre à l'objection soulevée par l'Assemblée nationale, il faut garantir à chaque collectivité prélevée que l'augmentation de la CVAE entre l'année « n » et 2011 sera prise en compte nette de l'inflation cumulée. Ainsi, on est sûr de ne pas prélever de richesse à une collectivité dont la CVAE aurait augmenté moins vite que l'inflation.
Comme nous l'avons voté dans la dernière loi de finances, le prélèvement serait égal à 50 % de la croissance de la CVAE - nette d'inflation - entre l'année « n » et 2011.
Nous pouvons conserver le principe de ne prélever qu'aux collectivités dont le potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne. En effet, grâce au mécanisme de l'effet « cliquet », le prélèvement ne peut avoir pour effet de faire repasser le potentiel financier par habitant d'une collectivité en dessous de la moyenne nationale.
S'agissant des reversements, il faut supprimer tout critère d'éligibilité et prévoir des reversements au profit de l'ensemble des collectivités dont l'indice synthétique de ressources et de charges est inférieur à la moyenne, proportionnellement à cet écart.
Enfin, se posait la question du choix des critères de redistribution pris en compte dans le calcul de l'indice synthétique de ressources et de charges.
Il me semble que pour les ressources, le potentiel financier corrigé par habitant, tel que défini par Pierre Jarlier, peut faire consensus.
S'agissant des critères de charges, je propose pour que le Gouvernement réalise nos simulations de conserver les critères votés en loi de finances pour 2011, et qui n'ont pas été modifiés tout au long de la discussion du projet de loi de finances.
Voilà, mes chers collègues, les propositions qui me semblent pouvoir être celles de notre groupe de travail s'agissant des simulations que nous demanderons au Gouvernement sur la péréquation départementale et régionale de la CVAE.
M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie et j'invite les membres du groupe de travail à poser leurs questions.
M. Charles Guené , rapporteur . - Je m'interroge sur la correction de certains critères de redistribution, notamment celui de la longueur de la voirie. La simulation demandée porte-t-elle bien sur la longueur de voirie par habitant ?
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - C'est le cas.
M. François Fortassin . - Si on ne prend pas la voirie par habitant, on pénalise les zones rurales.
Mme Marie-France Beaufils . - Je déplore que l'analyse ne paraisse pas sérieuse étant donné que la voirie départementale est la plus utilisée et ce par une grande diversité d'usagers.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - J'insiste sur le fait qu'il faut bien prendre des critères de répartition des charges importantes.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Je répète que si on ne pondère pas au nombre d'habitants, ce critère n'a pas de sens.
M. Jean Arthuis , président . - Je reconnais que le potentiel financier par habitant a un sens mais il me paraît imparfait de prendre la longueur de voirie par habitant.
M. François Fortassin . - Je me demande comment mesurer les charges. En fonction des dépenses ou des kilomètres ?
M. Charles Guené , rapporteur . - Je rappelle que tous les autres critères tiennent compte de données objectives. Les dépenses de voirie viennent pondérer l'ensemble pour tenir compte de la ruralité et des charges qu'elle peut avoir. Si on n'intègre pas la voirie par habitant il serait inutile de mettre ce critère qui figure dans le dernier rapport de M. Jalon. Elle est la seule notion tenant compte de l'espace.
M. Jean Arthuis , président . - Je m'interroge sur la pertinence de ce critère.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Pour les minima sociaux c'est pareil, on peut prendre soit des critères démographiques objectifs (le pourcentage de population de jeunes, de personnes de plus de 75 ans...) ou le nombre de bénéficiaires des minima sociaux avec toutes les variations possibles. Il faut savoir quels critères retenir.
M. Jean Arthuis , président . - Pour conclure, je note que faire de la péréquation verticale efficace implique la prise en compte de potentiel financier corrigé par habitant et de critères de charges s'appréciant par le revenu de référence moyen. Pensez-vous qu'on doive prolonger cette réunion le mardi 31 mai ?
Mme Marie-France Beaufils . - Lorsque nous aurons reçu les éléments des présentations faites, nous pourrons nous décider pour une réunion ultérieure.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - Je reviens sur ce que disait Charles Guené tout à l'heure. Ce critère c'est le seul critère territorial qui existe. Il y a des départements qui ont des longueurs de voirie extrêmement importantes avec des charges fixes liées à ça, qui pour autant ont peu d'habitants. Il faut à un moment introduire cette notion pour corriger cette difficulté. Il me semble important de le conserver. Sinon il faudrait le supprimer totalement car il n'aurait aucun sens.
M. Jean Arthuis , président . - Même divisé par le nombre d'habitants, cela n'a pas un sens extraordinaire.
M. Charles Guené , rapporteur . - Comme il y a la même longueur dans chaque département et étant donné que la voirie, et l'espace en général, est une compétence de département de manière assez forte, au niveau de l'imposition la contribution de l'habitant d'un département donné est plus importante pour l'entretien. Même s'ils sont moins nombreux, ils ne sont pas les seuls usagers
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - La simulation a été demandée par la longueur de voirie par habitant qui n'est pas le critère idéal mais c'est le seul critère territorial parfois proche de la densité.
M. Jean Arthuis , président . - Je propose d'en reparler ultérieurement.
M. François Marc . - S'agissant des départements et des régions, il y a un désaccord profond avec ce qui a été soumis par le Gouvernement puisqu'il y a eu un arbitrage qui a été fait dans un sens où on prend les flux et pas les stocks. Il a été démontré d'une façon significative que c'était anti péréquateur et que la réforme de la taxe professionnelle à travers les mécanismes de correction mis en place a un effet contre péréquateur. En rester au flux et ne pas s'attaquer au stock ne va pas dans le sens d'une correction satisfaisante des inégalités existantes. On ne peut pas être d'accord sur le fond de cette affaire puisque vous nous dites suivre un peu l'esprit de ce qui a été suggéré jusque là.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Il y a une différence entre les départements et les régions par rapport au bloc communal. On péréque la CVAE et la croissance de la CVAE qui est un impôt dont on n'a pas idée du produit réel et on est sur quelque chose de très virtuelle en l'absence de recettes mieux connues. Avant d'envisager une péréquation sur le stock, je partage ce point de vue, par prudence il vaut mieux commencer sur la croissance de la CVAE même si les taux de croissance risquent d'être très différents selon la nature de l'activité et la répartition des activités sur le plan national.
M. Jean Arthuis , président . - Si on voulait être efficace, simple et lisible, et tendre vers une vraie péréquation, on ne la ferait pas sur la CVAE. On renoncerait aux péréquations intermédiaires et c'est au niveau de la DGF que l'on ferait la régulation. Ce serait plus simple.
M. Pierre Jarlier , rapporteur . - On revient au projet de loi de finances initiale monsieur le président.
M. Jean Arthuis , président . - On est en train d'essayer d'imaginer un tas de péréquations, et une fois qu'on aura fait tout ça on se demandera où on en est. On pérèque dans tous les sens et comme on ne touche pas au stock...Et, en effet, François Marc a raison de le souligner, on touche au stock quand on prend le potentiel financier corrigé et qu'on modifie en conséquence les dotations versées par l'Etat en péréquation verticale.
M. François Marc . - Nous devrions faire un système à l'allemande.
M. Jean Arthuis , président . - Mes chers collègues je suis obligé de suspendre. Si vous y tenez je suis prêt à organiser une réunion complémentaire dans une semaine.
Puisque vous n'en manifestez pas le désir, je propose de me faire connaître vos observations et de nous réunir le 6 juillet. Je vous remercie d'être venus aussi nombreux et je remercie les rapporteurs qui ont été excellents ainsi que nos administrateurs qui ont été formidables. Je donne mon bon à diffuser pour le communiqué de presse.
ANNEXE 3 AUDITION DE MM. GILLES CARREZ, PRÉSIDENT DU COMITÉ DES FINANCES LOCALES, ET ÉRIC JALON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS LOCALES
Réunie le mercredi 6 juillet 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu MM. Gilles Carrez, député, président du comité des finances locales, et Eric Jalon, directeur général des collectivités locales, sur les perspectives de la péréquation entre les collectivités territoriales.
M. Jean Arthuis , président . - Je remercie Gilles Carrez, président du comité des finances locales, et Éric Jalon, directeur général des collectivités locales, d'avoir accepté notre invitation.
Si les conclusions du groupe de travail sont devenues celles de la commission des finances du Sénat, elles ne préjugent pas de sa position lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 mais constituent une contribution, élaborée en toute indépendance, au débat auquel participent bien évidemment l'exécutif - la direction générale des collectivités locales remettra un rapport au Parlement et rédigera d'ici septembre un projet d'article législatif - et le comité des finances locales, qui est invité à rendre un avis sur le rapport du Gouvernement. Nous devons également être attentifs aux réflexions d'autres instances : la commission des finances de l'Assemblée nationale qui a confié à Marc Laffineur, devenu depuis ministre, et Jean-Pierre Balligand un rapport d'information dont les premières conclusions ont été rendues publiques le 21 juin dernier ; parmi les associations et syndicats d'élus, je pense notamment à Paris-Métropole et à l'Association des maires ruraux.
A ce jour, nous sommes les seuls à avoir abordé l'intégralité des sujets. Nous avons traité du FPIC (Fonds de péréquation intercommunal et communal) sous tous ses aspects, mais aussi du FSRIF (Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France) et de son articulation avec le FPIC, des potentiels financiers et aussi de la péréquation de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), départementale et régionale. C'est important, car la péréquation horizontale touche tous les niveaux de collectivités territoriales. Il ne faut pas l'oublier lorsqu'on dresse le bilan de ses effets en termes d'aménagement du territoire.
Notre commission a également réussi à traiter les sujets les plus délicats sur un mode non conflictuel et en trouvant des solutions n'opposant pas les différents types de collectivités, ainsi de la question des strates, qui pollue parfois le débat alors qu'elle n'est pas essentielle ou de l'opposition Paris / province. A cet égard, la solution proposée par le groupe de travail, qui intègre et neutralise à la fois les effets du FSRIF par rapport au FPIC, est très originale.
Troisième particularité des propositions de la commission : la simplicité et la transparence. Nous souhaitons aller le plus loin possible dans la définition du potentiel corrigé, pris en compte pour les calculs de la péréquation horizontale - je crois d'ailleurs qu'il y a consensus de tous ceux qui ont réfléchi sur ce sujet. Ces deux objectifs nous ont aussi guidés dans le choix des critères de reversement du FPIC. Le potentiel financier agrégé et le revenu moyen par habitant sont les deux seuls critères qu'il nous semble juste de retenir avec, éventuellement, une pondération par l'effort fiscal. Aller au-delà, intégrer d'autres critères, comme le pourcentage de logements sociaux ou le nombre de places de crèches, nous ramènerait aux disputes interminables sur le bon critère de charges et les notions de bonne ou de mauvaise gestion.
Ce sont enfin les principes de simplicité et de transparence qui nous ont amenés à proposer de donner une place déterminante aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans le fonctionnement du FPIC. D'abord parce que, pour l'État, il est évidemment plus simple et moins coûteux d'avoir 2 700 interlocuteurs que 36 000. Ensuite car nous souhaitons rester neutres à l'égard des choix d'organisation institutionnelle des territoires : les intercommunalités doivent assumer pleinement leur fonction de péréquation interne. Certes, toutes ne l'ont pas encore intégré et certaines ont un mode de fonctionnement perfectible, mais notre groupe de travail a prévu des dispositifs de garantie des droits des communes membres.
La commission des finances s'est volontairement limitée à traiter de la péréquation horizontale, entre collectivités. Cela ne veut pas dire que nous n'aurions pas de propositions à formuler sur la péréquation verticale et, plus généralement encore, sur les dotations de l'État, y compris dans leurs composantes forfaitaires. Et cela concerne tous les niveaux de collectivités : bloc communal, départements et régions. La Cour des comptes avait ainsi montré, dans un référé rendu en 2008, l'importance des dotations de « garantie » versées au sein de la DGF des communes : celle de certaines communes comporte plus de 50 % de part « garantie », ce qui, selon la Cour, traduit les avantages acquis au titre de l'histoire de l'attribution de la DGF, alors même que la plupart des communes concernées ne sont pas défavorisées. La ville de Cannes, avec un potentiel financier par habitant de près de 2 000 euros, soit le double du niveau moyen de sa strate, percevait 335 euros par habitant de DGF « garantie » (48 % de sa DGF en 2008) ; les cas de Chamonix ou de Saint-Tropez sont tout aussi étonnants. S'agissant des départements, on constate en 2011 que la dotation de fonctionnement minimale (DFM) des vingt-quatre départements « historiques » est en moyenne de 47,1 euros par habitant, contre 22,1 euros pour les autres départements éligibles, ce qui constitue également une injustice dans les dotations de péréquation verticale versées par l'État. A terme, c'est donc également la péréquation verticale, et l'ensemble du calcul de la DGF, qui devront être revus et les instruments forgés par nos rapporteurs devraient nous permettre de trouver des modalités de répartition des dotations verticales.
De votre audition, nous attendons des réponses. Et d'abord sur le calendrier : l'échéance de septembre sera-t-elle tenue? Ensuite, sur le périmètre du rapport du Gouvernement et de l'avis du comité des finances locales. La question des reversements du FPIC, qui n'a pas encore été abordée par ce dernier, le sera-t-elle ? Mais cela rejoint le sujet du calendrier.
Pourriez-vous nous dire aussi, sur chacune des grandes questions - définition du potentiel financier, des objectifs de montant des prélèvements et des reversements du FPIC, combinaison du FPIC et du FSRIF, fonds de péréquation de CVAE - ce qui vous rapproche et ce qui vous sépare des propositions de la commission des finances du Sénat ? Enfin, quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur la disponibilité de simulations avant le débat sur le projet de loi de finances pour 2012 ? Sur quelles données ces simulations porteront-elles ? Dans le cas où des informations exhaustives ne seraient pas disponibles, pouvez-vous définir des échantillons représentatifs ? Je note que l'absence de simulations nous a aidés à progresser dans la définition des concepts et des principes, à forger des convictions.
M. Gilles Carrez, député, président du comité des finances locales . - Je suis toujours heureux de venir discuter avec vous, surtout sur un sujet aussi important. Depuis plusieurs années, nous avons l'habitude de travailler ensemble au comité des finances locales dont plusieurs d'entre vous sont membres, ou encore dans des commissions mixtes paritaires, l'an dernier encore, qui ont souvent permis de rapprocher nos vues.
Votre document me semble très proche de ce que je sens se dégager au comité des finances locales. Sur la stratification, votre position diverge de celle de mes deux collègues députés, mais je serais personnellement plus proche de celle du Sénat.
Sur le calendrier, comme vous je suis partisan d'amorcer la pompe dès la loi de finances pour 2012.
M. Jean Arthuis , président . - Très bien !
M. Gilles Carrez . - Le fait de ne pas disposer de simulations a facilité l'émergence de certains concepts ; en revanche cela peut réserver des surprises qu'il faudra gérer. Le comité des finances locales se réunit les 12 et 20 juillet pour traiter des reversements et de leurs modalités. Il y a de grandes convergences sur la nécessité de critères simples et peu nombreux, et il y a un profond consensus pour privilégier celui du revenu. Le calendrier devrait donc pouvoir être tenu : le Gouvernement et la direction générale des collectivités locales rédigent le rapport pour le mois d'août ; le projet de loi de finances pour 2012 doit présenter une proposition, étant entendu que nous mènerons le travail d'ajustement au Sénat et à l'Assemblée. Plus le texte du Gouvernement se rapprochera du consensus existant, plus la discussion sera facile.
Pour la simulation, nous avons les états 1259 ; si les chiffres sont stabilisés à 80 % ou 90 %, il nous manque la répartition de la CVAE, laquelle, il est vrai, ne représente que 26,5 % des ressources du bloc communal. Les éventuelles variations par rapport aux états 1259 ne changeront pas fondamentalement les analyses globales, mais seulement ce qui concerne telle ou telle commune. Nous aurons la répartition de la CVAE fin août ou début septembre ; nous rencontrerons alors une difficulté car, une fois que les simulations seront à disposition de nos collègues, commune par commune, nous devrons gérer de rudes réactions lors du débat parlementaire : nous aurons intérêt à être solides sur nos concepts... Mais il me semble que nous avons dès maintenant des idées assez précises.
Le calendrier est compatible avec une mise en place dès 2012. Reste que pour être efficace, il faut être progressif et cheminer lentement. L'échéancier devrait être de 250 millions la première année, 500 la seconde, 750 la troisième...
M. Jean Arthuis , président . - Et un milliard en 2015...
M. Gilles Carrez . - Tout à fait.
Il serait dommage de rater la première marche, celle de 2012 : si nous n'enclenchons pas le dispositif dès l'année prochaine, nous risquons de perdre de vue l' « ardente obligation » que nous nous sommes fixée en réformant la taxe professionnelle. Nous avons voulu lier la péréquation à cette réforme parce que, si nous ne le faisions pas, nous n'y parviendrions pas. Dès lors qu'il y a un bouleversement fiscal, il est bien plus facile de faire avancer cette idée de péréquation. Il faut donc amorcer le mouvement dès 2012.
Sur la consolidation, je suis tout à fait d'accord avec ce que propose le document : consolidation géographique, avec le potentiel financier agrégé, et prise en compte du maximum de recettes - nous serons moins critiquables si nous prenons tout parce que les effets pervers seront ainsi amortis. Cependant, il importe, dans une approche consolidée, de bien distinguer l'aspect prélèvement de l'aspect redistribution.
Je n'ai pas de divergence sinon sur la dotation d'intercommunalité, qui obéit à 85 % à des critères de péréquation et qui est assez volatile. N'aurait-on pas intérêt, au moins dans un premier temps, à l'exclure des ressources prises en compte ? Pour le reste, je suis d'accord pour prendre en compte la totalité de la DGF et les recettes fiscales non affectées. Cela écarte le versement transport ou la taxe d'ordures ménagères ; on peut s'interroger sur la taxe de séjour, mais l'enjeu n'est pas considérable...
Pour le prélèvement, se pose la question de la répartition EPCI et communes. Le prélèvement, c'est l'EPCI : il est calibré en fonction de l'écart par rapport au potentiel financier des autres territoires. Ce prélèvement donnera une somme qui sera répartie entre l'EPCI et les communes parce que, dans le potentiel financier consolidé, il y a beaucoup de recettes fiscales qui sont communales - la taxe sur les casinos par exemple. Si on ne prend pas en compte la richesse communale, on risque de créer des avantages excessifs et de prendre beaucoup à des communes pauvres dans une intercommunalité où il y en a de plus riches, et inversement. Il faudrait prendre des échantillons. S'il y a unanimité, on fait confiance, on accepte ; après, une majorité qualifiée, sera nécessaire ; enfin, la loi prévoira quelque chose mais, pour y voir clair, nous n'avons pas encore les éléments nécessaires.
M. Jean Arthuis , président . - Le prélèvement s'opère au niveau intercommunal et le reversement au bénéfice de l'intercommunalité : la commune particulièrement riche sera mise à contribution.
M. Gilles Carrez . - Vos collègues proposent un prorata : si la commune la plus riche représente 30 % du total, on lui applique 30 % du prélèvement. Nous amortissons par nos raisonnements moyens l'extrême diversité entre communes. Si notre proposition aboutit ne serait-ce qu'à une centaine de cas aberrants, on ne parlera que de cela, et cela nuira à la crédibilité d'un travail de qualité.
Je suis pour la stratification : pour que le système marche, il doit être accepté et la non-stratification est inacceptable pour les grandes villes. Mieux vaut partir avec la stratification puis moduler ensuite, plutôt que risquer un blocage dès le départ. En revanche, je suis moins convaincu par votre proposition d'une stratification pour le reversement. Je suis tout à fait d'accord sur le fait de ne pas avoir d'effet de seuil, dans un système où on peut contribuer et recevoir. Certains souhaiteront peut-être qu'on réintroduise un peu de logement social. Je suis très hésitant...
M. Jean Arthuis , président . - Le logement social est exclu des critères !
M. Philippe Dallier . - Voilà !
M. Gilles Carrez . - Très bien ! Vous aurez mon soutien à l'Assemblée nationale car ce qui compte, c'est la situation des habitants, pas le statut du béton. Dans une ville, le pourcentage de la population exonérée de taxe d'habitation n'est pas corrélé au nombre de logements sociaux. Quand il y a beaucoup de petits propriétaires, il peut être supérieur à celui d'une ville voisine où les logements sociaux sont nombreux. Le critère du revenu est le meilleur.
Par ailleurs, le pouvoir d'achat, le reste-à-vivre, une fois payés les frais fixes est meilleur à Clermont-Ferrand qu'en région parisienne où les salaires sont peut-être plus hauts mais le logement et les transports beaucoup plus chers.
M. Jean Arthuis , président . - Ce sont peut-être les épargnants de Clermont-Ferrand qui ont investi dans le logement en région parisienne...
Mme Nicole Bricq . - Et le Scellier !
M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales . - Nous convergeons sur de nombreux points. Un premier motif de satisfaction est que vos travaux ont validé l'idée, qui n'existait pas il y a un an, de faire du potentiel financier agrégé l'outil de mesure de la richesse à l'échelle des intercommunalités et de leurs communes membres, et d'en faire le fondement de la péréquation horizontale. Vous proposez de distinguer entre un potentiel financier « de base » qui servirait pour la péréquation verticale, et un potentiel financier « corrigé » à utiliser pour la péréquation horizontale. C'est assez proche de nos réflexions puisque nous avons soumis au comité des finances locales trois scénarios de potentiel financier agrégé pour la péréquation horizontale : l'un avec un potentiel fiscal nouveau et la dotation forfaitaire des communes, le deuxième avec le potentiel fiscal nouveau et la totalité de la DGF des communes ; le troisième avec le potentiel fiscal nouveau, la totalité des DGF des communes et les dotations d'intercommunalité. Notre démarche est donc proche de la vôtre.
Nous avons quelques écarts techniques sur le contenu du panier de ressources susceptibles de constituer ce potentiel fiscal nouveau. Comme vous, nous proposons d'exclure la TEOM, la taxe de séjour, les recettes des amendes de police, parce que ce sont des ressources affectées. Pour la même raison, nous écartons les taxes d'aménagement. Pour le passage du potentiel fiscal au potentiel financier, nous n'avions pas, a priori, proposé d'intégrer les versements des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), pour ceux qui ne sont pas déjà intégrés dans la garantie individuelle de ressources, parce que cela supposerait de recenser précisément les attributions auxquelles procèdent les conseils généraux, et de s'assurer que tous appliquent bien les mêmes règles dans les calculs et versements aux fonds départementaux. Or, c'est impossible si l'on veut respecter le calendrier prévu. De plus, l'enjeu est limité puisqu'on parle de 400 millions sur un panier de recettes de 67 à 73 milliards d'euros.
Il y a encore débat, au sein du groupe de travail, sur la dotation de péréquation verticale - certains élus craignant des effets de neutralisation - comme sur les dotations d'intercommunalité : il sera difficile, au moins jusqu'en 2014, de les intégrer car, pendant cette période où les intercommunalités changeront de périmètre, cela supposerait soit de prendre les dotations de l'année n en effectuant la répartition à la fin du premier semestre au mieux, soit de recalculer celles de l'année n - 1 selon les périmètres de l'année n.
L'articulation entre FPIC et FSRIF est la question la plus compliquée. Le groupe de travail en traitera sans doute lors de ses réunions de juillet. La première des deux principales options consiste en une simple superposition des deux mécanismes, c'est-à-dire qu'on ferait fonctionner leur répartitions de manières indépendantes, sous réserve de s'assurer que cela n'aurait pas pour effet de restreindre les ressources des collectivités concernées au point d'entraver leur libre administration. En 1991, lorsque le FSRIF avait été mis en place, le Conseil constitutionnel avait considéré le mécanisme de plafonnement comme une garantie. Dès lors qu'on aurait deux dispositifs avec un mécanisme de plafonnement, resterait à décider - et ce serait compliqué - lequel serait prioritaire.
L'autre option serait de faire fonctionner successivement chacun des deux dispositifs.
M. Charles Guené . - Voilà !
M. Eric Jalon . - On prendrait en compte dans le potentiel financier agrégé des collectivités d'Ile-de-France, pour calculer leurs prélèvements et leurs reversements au titre du Fonds national, ce qu'elles ont déjà donné ou reçu au titre du FSRIF. C'est plutôt vers cette option que l'on se dirigerait.
Vous posez aussi la question d'un dispositif « parachute » ou « à l'allemande » qui assurerait à chaque collectivité un niveau de ressource égal à 60 % ou 70 % de la moyenne. Cela changerait plus en profondeur la physionomie du FSRIF. Nous ne sommes pas fermés à l'idée d'y travailler, mais je ne suis pas sûr que cela soit accessible dès la loi de finances 2012.
M. Philippe Dallier . - Les propositions de Paris-métropole sont plus compliquées !
M. Eric Jalon . - La troisième question est celle des prélèvements. Nous convergeons sur l'essentiel. Le ministre chargé des collectivités territoriales ne souhaite pas différer à 2013 le démarrage du dispositif. La montée en puissance sera linéaire, par paliers : 250 millions d'euros, 500, 750, puis 1 milliard. Le principe d'un prélèvement par répartition signifie que l'on fixerait la cible en valeur absolue et non en pourcentage, et que l'on répartirait ce prélèvement selon un système de points en fonction d'un écart à la référence, de manière à lisser les effets de seuil. Reste à définir ce seuil.
Sur la question des strates, nous avons présenté trois scénarios : non-stratifié, à quatre strates - scénario qui a été écarté - et à six strates. Comme vous, nous préférons un mécanisme stratifié, plus équilibré en termes de contribution par habitant.
Plusieurs scénarios également s'agissant du nombre des contributeurs : un tiers de contributeurs (assiette que le ministre juge trop limitée), 50 % ou 75 %. La dernière option paraissant insuffisamment discriminante, l'hypothèse privilégiée s'établirait autour de 50 % ou 60 % de contributeurs.
Faute de simulations, je serai prudent sur les reversements. Nous partageons a priori vos propositions sur l'indice synthétique : potentiel financier agrégé, revenu par habitant et une partie d'effort fiscal, pour tenir compte de ce qui a été fait en termes de sollicitation fiscale avant la réforme de la taxe professionnelle.
Nous prenons note avec intérêt de votre proposition de répartition des reversements entre intercommunalités et communes membres : accord unanime, accord majoritaire ou, à défaut, fixation de la répartition par la loi. Je suis plus dubitatif sur la pertinence de mécanismes distincts pour ruraux et urbains, car ce qui est possible pour une centaine de départements devient beaucoup plus compliqué avec 2 600 intercommunalités.
D'ici fin juillet, nous achèverons nos travaux de simulation sur les prélèvements, les reversements et sur le FSRIF. Nous avons fait devant le comité des finances locales une présentation agrégée des scénarios de prélèvements, et tenons à votre disposition les simulations par bloc local, ainsi que de la répartition entre l'EPCI et ses communes membres. Nous avons aujourd'hui les résultats individuels de ces simulations avec, sur la base des états 1259, une répartition de la CVAE résultant de la loi de finances pour 2010. Nous attendons fin août ou début septembre une répartition sur la base de la loi de finances initiale 2011.
Fin juillet ou en août, à défaut de consensus au sein du groupe de travail du comité des finances locales, nous proposerons à l'arbitrage du ministre ce qui sera la proposition du Gouvernement : le projet de loi de finances comprendra bien un projet de fonds de péréquation communale et intercommunale. Nous rédigerons simultanément le rapport du Gouvernement, que nous transmettrons avec ses annexes au comité des finances locales courant septembre, en même temps que le PLF. Enfin, à l'automne, nous poursuivrons avec vous la discussion du budget avec des simulations actualisées.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - D'accord pour dire qu'il faut prendre en compte un maximum de recettes pour la consolidation, et que le critère du revenu est sans doute le meilleur, j'attire cependant votre attention sur le prélèvement sur les jeux. C'est une compensation pour les communes qui accueillent une importante population saisonnière et assument des charges qui n'ont pas à incomber aux résidents. Il serait injuste de prendre en compte la taxe casino dans le calcul du revenu ! François Trucy tiendrait le même raisonnement que moi s'il était présent.
M. Jean Arthuis , président . - Il faut bien distinguer l'ancienne taxe sur les jeux des deux dotations de dix millions d'euros instaurées par la récente loi sur les jeux en ligne, aubaine pour les villes sièges de casinos et d'hippodromes, et qui doivent, elles, être prises en compte dans le calcul de la richesse.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Absolument. Je ne visais que la première, qui tend à compenser les efforts que font les communes concernées pour accueillir la population saisonnière. Je suis directement concernée !
M. Jean Arthuis , président . - Difficile de prendre en compte tous les cas particuliers... Comment traiter la taxe sur les remontées mécaniques ?
Mme Nicole Bricq . - Vous intégrez le FNGIR dans la notion de potentiel financier, et dites prendre en compte l'effort fiscal des intercommunalités ainsi que leur situation avant la réforme de la taxe professionnelle. Or le FNGIR, parce qu'il gèle une situation, pénalise les intercommunalités qui étaient très intégrées avant la réforme. La notion d'effort fiscal permettra-t-elle de gommer cet effet, qui déforme le potentiel financier ?
M. Gilles Carrez . - Le FNGIR est le résultat direct d'une modification de la recette fiscale. Il est donc normal qu'il soit pris en compte, à l'instar de la compensation de la part salaire de la TP. Je ne vois pas de relation entre son montant et l'effort fiscal.
Mme Nicole Bricq . - Si, car on traite toutes les intercommunalités de la même manière, qu'elles aient été très intégrées ou non !
M. Philippe Dallier . - S'agissant de l'articulation entre le FPIC et le FSRIF, la proposition du Sénat a l'avantage de lever la crainte d'un effet « double lame » : d'abord le FSRIF, avec sa moulinette, puis prise en compte de la contribution ou de la recette donnée par le FSRIF avant de tomber dans la moulinette nationale du FPIC.
M. Jean Arthuis , président . - Comme si l'Ile-de-France était une intercommunalité qui réglait d'abord ses problèmes en interne !
M. Gilles Carrez . - Je ne le vois pas comme ça. Prenons le cas d'une commune isolée (elles le sont pour la plupart) qui contribue largement au FSRIF. Elle paye d'abord sa contribution au FSRIF, puis au fonds national. On soustrait alors du calcul de ses ressources le prélèvement consenti pour le FSRIF. Il y a bien deux lames : d'abord le FSRIF, ensuite le fonds national.
M. Philippe Dallier . - Mais on ne comptabilise pas deux fois une recette qui se serait évaporée ! Paris-Métropole a la même logique : on rééquilibre d'abord les choses entre nous ; ensuite, on se soumet à la même règle au niveau national.
M. Gilles Carrez . - Paris-Métropole a formulé des propositions intéressantes. Je me suis néanmoins interrogé sur la péréquation de niveau national, réservée aux seules intercommunalités. La position des trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) me semble ne pouvoir être que temporaire : quand l'intercommunalité sera généralisée sur l'ensemble du territoire, ils ne pourront rester ainsi en suspension !
M. Philippe Dallier . - Je préfère les propositions du Sénat sur le FSRIF à celles de Paris-Métropole, car elles nous font rentrer dans le cadre général, et mettent les communes isolées sur le même pied que les intercommunalités.
M. Gilles Carrez . - Il y a une double lame, mais pas un double compte.
M. Jean Arthuis , président . - Et la lame « nationale » est moins brutale, puisqu'il y a déjà eu un prélèvement !
M. Denis Badré . - On tient compte des efforts consentis avant.
M. Gilles Carrez . - Il est important que le FSRIF intervienne en premier.
M. Charles Guené . - On reste dans une logique globale d'appréciation de la richesse consolidée.
M. Éric Jalon. - Admettons que le seuil de prélèvement au dispositif national est de 100. Une commune isolée d'Ile-de-France dont l'indice est de 140 subit un prélèvement FSRIF qui le fait passer à 120 : c'est sur cette base-là que sera calculée sa contribution au fonds national.
M. Philippe Dallier . - Tout à fait !
M. Jean Arthuis , président . - Nous progressons, je m'en réjouis.
M. François Marc . - Je salue la présence de Gilles Carrez parmi nous et me réjouis que le journal « Les Echos » consacre une pleine page à son dernier rapport, qui souligne bien que les entreprises du CAC 40 paient beaucoup moins d'impôt sur les sociétés que les PME !
M. Gilles Carrez . - Le rapport est plus nuancé que le titre de l'article...
M. Jean Arthuis , président . - Nous aurons ce débat.
Mme Nicole Bricq . - Nous l'avons déjà eu !
M. François Marc . - « Il faut agir sans attendre », dit-il. Vous pourrez vous inspirer de notre proposition de loi, débattue en séance le 28 avril dernier !
M. Jean Arthuis , président . - C'est réducteur...
M. François Marc . - Il faut bien se réjouir des bonnes nouvelles...
La péréquation, cela fait des années qu'on en parle, sans jamais rien faire. Il faut profiter de la réforme de la taxe professionnelle, dites-vous. Mais depuis les lois Raffarin, nous attendons, en vain, une loi d'orientation sur la péréquation ! Le FPIC ne pèse que sur 2 % de la richesse des collectivités. Au lieu de faire de la belle dentelle, va-t-on enfin avancer, et prendre en compte les véritables écarts entre collectivités territoriales ?
Les strates ont des avantages comme des inconvénients. Avez-vous envisagé de vous inspirer du modèle de majoration de la population, utilisé pour le calcul de la dotation de base dans le cadre de la DGF, et qui permet de lisser les allocations ?
M. Éric Doligé . - L'autonomie financière des collectivités n'est pas écornée, contrairement à l'autonomie fiscale. Une commune peut être très riche, mais ne pouvoir prélever d'impôt !
M. Pierre Jarlier . - On raisonne à partir de deux potentiels financiers : de base et corrigé, après péréquation. Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) deviennent une dotation d'État, sans règle d'affectation. Or, ils font partie des recettes des communes. L'instauration de strates pose la question des effets de seuil ; le potentiel financier augmente d'abord rapidement, puis moins vite : pouvez-vous nous donner des éléments de calcul sur le potentiel financier agrégé ?
M. Gilles Carrez . - François Marc est injuste. La réforme constitutionnelle de 2003 a consacré le principe de péréquation. Dès 2004, nous nous sommes attelés à la péréquation verticale. Jean-Claude Frécon, membre du comité des finances locales, peut en témoigner : nous avons doublé la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, et cela n'a pas été pas facile !
La péréquation horizontale, il est vrai, n'existait qu'en Ile-de-France, depuis la loi de 1991. Là, pour la première fois, on bouge : la péréquation des DMTO des départements a permis de redistribuer 440 millions d'euros en 2011 ! Nous amorçons un mouvement fort.
Mme Nicole Bricq . - Notre problème, c'est l'articulation entre péréquation horizontale et péréquation verticale, qui fait partie de la solidarité nationale.
M. Jean Arthuis , président . - La péréquation horizontale ne peut donner l'illusion que l'on a réglé le problème.
M. Gilles Carrez . - Absolument. La péréquation horizontale ne signe pas l'arrêt de la péréquation verticale.
M. Jean Arthuis , président . - Il faudra revoir la question, en prenant appui sur les indicateurs mis au point par nos collègues. Tout le monde ne peut être gagnant : c'est comme ça qu'on met en danger les finances publiques ! Il y aura forcément des perdants : ceux qui ont été trop longtemps gagnants de manière illégitime !
M. Éric Jalon . - Cette année, les dotations de péréquation, DSR et DSU, ont connu une hausse de 6 %, financée par l'écrêtement du complément de garantie. Les communes les plus riches ont été fortement écrêtées, au bénéfice de la péréquation verticale. Les redéploiements sont à l'oeuvre.
Il est vrai que la notion de potentiel fiscal perd un peu de sa pertinence. Pour les communes et intercommunalités, 85 % des ressources de l'ancienne taxe professionnelle ont toutefois été remplacées par des ressources modulables. D'où l'introduction de la notion d'effort fiscal.
S'agissant des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, je souhaiterais, sans faire de provocation, que l'on consulte les présidents de conseil généraux sur leurs pratiques de redistribution, car celles-ci varient d'un département à l'autre. Je ne suis pas certain qu'il faille les harmoniser, dès lors qu'elles font l'objet d'un relatif consensus, et que les sommes en jeu sont relativement limitées.
M. Jean Arthuis , président . - Nous en reparlerons. Les présidents de conseils généraux doivent accepter de bouger, sans quoi tout se bloque. Si l'on n'accepte pas l'esprit de réforme, ce pays va succomber.
Je remercie Gilles Carrez et Eric Jalon. Leurs propos sont encourageants pour la mise en oeuvre des conclusions adoptées par la commission des finances. C'est une première étape, le début de la péréquation horizontale. Il va désormais falloir évaluer la péréquation verticale, au regard de l'idée que nous nous faisons de l'équité.
* 1 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
* 2 Improprement baptisé Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPRIC) puisque le champ de la péréquation englobe l'ensemble des recettes des collectivités.
* 3 La CET est composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
* 4 Association des maires de France.
* 5 Association des maires d'Ile-de-France.
* 6 Assemblée des communautés de France.
* 7 Assemblée des départements de France.
* 8 Association des régions de France.
* 9 Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile-de-France.
* 10 Bien qu'issu de la même loi de finances pour 2011 qui a institué la notion de potentiel financier des EPCI, cet article a été adopté dans une rédaction qui fait référence au potentiel fiscal.
* 11 Codifié à l'article 302 bis ZG du code général des impôts.
* 12 Rapport sur l'évaluation des effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la fiscalité des collectivités territoriales et sur les entreprises, Inspection générale des finances et Inspection générale de l'administration, mai 2010.
* 13 Voir, sur ce point, le III du présent rapport.
* 14 Ce rapport deviendra le rapport « Durieux-Subremon » précité.
* 15 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
* 16 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
* 17 Loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes.
* 18 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
* 19 Rapport « Durieux-Subremon » précité.
* 20 Au total, le montant de la contribution des communes au premier prélèvement du FSRIF s'est élevé en 2010 à 144 689 600 euros contre 156 780 980 euros en 2009, soit une diminution de - 7,71 %. Cette évolution s'explique par la diminution de la contribution à ce prélèvement de la ville de Paris, qui s'élève en 2010 à 86 313 450 euros contre 100 978 848 euros en 2009. Le potentiel financier par habitant de la commune s'établit en 2010 à 1 762,29 euros contre 1 806,13 euros en 2009. Cette diminution est liée à la forte progression en 2008 du montant de la participation obligatoire de la ville aux dépenses d'aide sociale et de santé du département de Paris, montant qui est déduit du potentiel financier de la commune en vertu des dispositions de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales. (source : CFL).
* 21 Voir l'exemple ci-après.
* 22 Référé n° 55 617 délibéré le 28 juillet 2009 relatif aux concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales.