N° 596
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 juin 2010 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative au coût du passeport biométrique ,
Par Mme Michèle ANDRÉ,
Sénatrice.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera. |
Mesdames, Messieurs,
La France s'est engagée au cours des dernières années dans une profonde mutation en ce qui concerne l'approche, la conception et la réalisation de ses titres d'identité. Tirant partie du développement des nouvelles technologies et notamment de la biométrie, elle cherche à élever le degré de sécurisation de ces titres afin de lutter encore plus efficacement contre leur falsification et la contrefaçon .
L'objectif poursuivi renvoie naturellement à un enjeu de souveraineté , dans un contexte où la délinquance s'adapte elle-même de plus en plus rapidement et n'hésite pas à employer des techniques toujours plus sophistiquées pour usurper l'identité des individus. Les conséquences de ce type de délits peuvent être particulièrement lourdes pour les victimes, dont le nombre est d'ailleurs croissant.
Pour l'Etat français, il s'agit en outre de se mettre en conformité avec des standards internationaux de plus en plus exigeants . Ainsi, à la suite notamment des événements du 11 septembre 2001 et de l'aggravation du risque terroriste, l'Union européenne (UE) a-t-elle décidé de faire évoluer ses normes de sécurité dans un sens encore plus contraignant.
En particulier, le règlement européen CE n° 2252 / 2004 du 13 décembre 2004 impose aux Etats membres de l'UE de délivrer désormais des passeports dotés d'un composant électronique (une « puce ») contenant non seulement la photographie faciale du porteur, mais aussi des empreintes digitales numérisées du détenteur du document.
Ainsi que l'avait souligné votre rapporteure spéciale dans son rapport d'information « La nouvelle génération de titres d'identité : bilan et perspectives » 1 ( * ) , la France a parfaitement respecté son engagement européen dans la mesure où elle est passée au passeport biométrique au 28 juin 2009.
Techniquement réussi après quelques ratés inévitables eu égard à l'ampleur du projet, ce passage au passeport biométrique n'est pas sans conséquence d'un point de vue strictement budgétaire et financier. Il implique en effet une véritable refonte du processus de production du passeport avec une modification de la structure de coût de ce document .
Dans le même temps, le droit de timbre pour le passeport a connu une augmentation très forte . L'article 64 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a ainsi, notamment, porté à 89 euros (contre 60 euros auparavant) le droit de timbre perçu pour la délivrance de passeports à des personnes majeures en dehors des cas où cette délivrance est gratuite (renouvellement d'un passeport pendant sa durée de validité dans certains cas limitativement énumérés par l'article 953 du code général des impôts, passeports de service et de mission des agents de l'Etat se rendant à l'étranger) 2 ( * ) .
A l'appui de cette augmentation, le Gouvernement a justifié la hausse du droit de timbre par les coûts supplémentaires dus au passage à la biométrie . Ainsi, lors de l'examen en séance publique du projet de loi de finances pour 2009 devant le Sénat, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi , a déclaré que « le niveau de sécurité des passeports biométriques, la hausse du coût de fabrication des passeports dotés de composants électroniques et l'équipement de 2 000 mairies en stations d'enregistrement ( nécessaires, quelles que soient, d'ailleurs, les exigences en matière de photographie ) expliquent la hausse du prix des passeports. » 3 ( * ) .
Dès lors, il semblait logique de pouvoir retrouver le surcoût imputé à l'usager demandeur d'un passeport biométrique dans le coût complet d'un tel passeport. Or, tel ne fut pas le cas à l'issue de la mission de contrôle budgétaire menée en 2009 par votre rapporteure spéciale. Elle dût en effet constater qu' « en dépit de demandes réitérées auprès de l'agence ( NDLR : l'agence nationale des titres sécurisés - ANTS), il n'a en effet pas été possible d'obtenir une décomposition du coût complet du passeport biométrique par grands postes de dépenses » 4 ( * ) .
Dans ces conditions, votre commission des finances a estimé nécessaire de demander, en application des dispositions de l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le coût du passeport biométrique.
Cette enquête a été adressée à votre commission le 17 juin 2010 . Il en ressort les principales observations suivantes.
I. LE COÛT MOYEN DU PASSEPORT BIOMÉTRIQUE SE MONTE À 55 EUROS
Pour répondre à votre commission, la Cour des comptes s'est livrée à un exercice à la fois relativement inédit pour elle mais également très complet de comptabilité analytique et de contrôle de gestion.
La méthodologie retenue, précisément décrite dans le rapport de la Cour, s'appuie sur une démarche d'analyse de coûts et de définition de clefs de répartition pertinentes. Elle permet de déboucher sur des résultats robustes ayant fait l'objet d'une procédure contradictoire avec les parties concernées : le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales (MIOMCT), l'inspection générale de l'administration, la préfecture de police, l'ANTS, le ministère des affaires étrangères et européennes, ainsi que la direction du budget. La Cour des comptes précise qu'« une réunion de validation tenue le 11 mars 2010 a permis de présenter les premiers résultats obtenus au MIOMCT et à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Aucune réserve particulière n'a été émise à cette occasion sur les travaux préparatoires de la Cour ».
Il ressort des travaux conduit que, en 2009, le coût moyen du passeport biométrique est de 55 euros (arrondi à l'euro) .
Son coût moyen pondéré en fonction de l'âge du demandeur est de 69 euros (arrondi à l'euro) .
Ce coût varie selon le lieu de demande et de délivrance du titre . Lorsque le passeport est délivré en mairie, son coût se monte à 53,95 euros. Il est plus élevé dans le cas de la préfecture de police de Paris (60,04 euros) et des consulats (61,81 euros). Il convient cependant de rappeler que, en 2009, les mairies ont délivré 89,01 % des passeports, contre 5,19 % pour la préfecture de police de Paris et 5,81 % pour les consulats. Cette ventilation, mettant en évidence le rôle essentiel et pivot des mairies dans le processus de délivrance de ce titre d'identité, explique le coût moyen finalement obtenu.
Le coût moyen du passeport biométrique doit nécessairement être rapproché du coût du passeport électronique qui le précédait. La Cour des comptes apporte cet éclairage après avoir calculé le coût moyen du passeport électronique sur l'année 2008. Celui-ci se montait à 38 euros (arrondi à l'euro) . Il ressortait à 37,68 euros en mairie, à 40,27 euros dans le cas de la préfecture de police de Paris et à 47,99 euros dans celui des consulats.
On constate donc un renchérissement de 17 euros entre le coût moyen en 2008 du passeport électronique et le coût moyen en 2009 du passeport biométrique .
* 1 Sénat, rapport d'information n° 486 (2008-2009).
* 2 Ce droit n'avait pas été relevé depuis la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 qui l'avait porté de 350 francs à 400 francs.
* 3 Compte rendu intégral des débats de la séance du 26 novembre 2008.
* 4 Cf. rapport d'information précité.