B. LE DÉCLENCHEMENT DE LA PROCÉDURE RELATIVE AUX DÉFICITS EXCESSIFS CONTRE LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE ET LA CRISE DE NOVEMBRE 2003
1. Les recommandations adoptées par le Conseil
La procédure relative aux déficits excessifs a été engagée à l'égard de l'Allemagne au cours du mois de novembre 2002 et à l'égard de la France au cours du mois d'avril 2003.
Le Conseil a, sur recommandation de la Commission européenne, décidé qu'il existait un déficit excessif dans ces Etats membres, conformément à l'article 104, paragraphe 6, du traité CE. Ces décisions ont été prises le 21 janvier 2003 dans le cas de l'Allemagne et le 3 juin 2003 dans celui de la France.
Conformément à l'article 104, paragraphe 7, du traité précité, le Conseil a alors recommandé à ces Etats de mettre fin à leur déficit « dès que possible » dans le cas de l'Allemagne, et « au plus tard pour l'exercice 2004 » dans le cas de la France, en appliquant différentes mesures. Il a fixé la date limite pour prendre les mesures recommandées :
- au 21 mai 2003 dans le cas de l'Allemagne ;
- au 3 octobre 2003 dans le cas de la France.
2. Le Conseil « ECOFIN » du 25 novembre 2003
a) Les recommandations de la Commission européenne
Le 8 octobre 2003, la Commission européenne a recommandé au Conseil de décider que la France n'avait pas pris d'« action suivie d'effet » avant le 3 octobre 2003.
Le 21 octobre 2003, la Commission européenne a en outre recommandé au Conseil de mettre la France en demeure de se conformer aux points suivants 22 ( * ) , au titre de l'article 104, paragraphe 9, du traité :
- accélérer la réduction de son déficit public par rapport à ce que prévoyait le projet de loi de finances pour 2004 (avec une réduction du déficit structurel de 1 point de PIB dès 2004 ) ;
- revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2005 (ce qui revenait à reculer d'une année l'exigence de fin de la situation de déficit excessif).
b) Le Conseil n'avait compétence liée ni pour mettre la France en demeure de prendre certaines mesures, ni pour lui imposer des sanctions
Le Conseil n'avait compétence liée ni pour mettre la France en demeure de prendre certaines mesures, ni , tant qu'elle ne se conformerait pas à cette mise en demeure, pour lui imposer des sanctions.
En ce qui concerne la mise en demeure , le paragraphe 9 de l'article 104 du traité du traité instituant la Communauté européenne prévoit que « si un Etat membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l'Etat membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation ».
De même, dans le cas des sanctions , le paragraphe 11 de l'article 104 précité prévoit qu' « aussi longtemps qu'un Etat membre ne se conforme pas à une décision [de mise en demeure], le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, d'intensifier » une sanction 23 ( * ) .
3. Les « conclusions » du Conseil du 25 novembre 2003
Le Conseil ECOFIN s'est prononcé au sujet des recommandations de la Commission européenne lors de sa réunion du 25 novembre 2003.
a) Le rejet des recommandations de la Commission européenne
Lors de cette réunion, la Commission européenne a présenté quatre recommandations de décision, relatives à la France et à l'Allemagne :
- deux, tendant à rendre publiques les recommandations faites lors de la constatation de leur situation de déficit excessif, le 3 juin 2003 (comme le permet le paragraphe 8 de l'article 104 du traité du traité instituant la Communauté européenne) ;
- deux, tendant à mettre en demeure ces deux Etats de réduire leur déficit public, selon un certain rythme (comme le permet le paragraphe 9 de l'article 104 précité).
Aucune de ces recommandations n'a été adoptée , faute de majorité qualifiée. Les pays ayant voté pour sont :
- dans le premier cas, la Belgique, le Danemark, la Grèce, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Autriche, la Finlande et la Suède ;
- dans le second cas (seuls pouvant alors voter les pays ayant adopté l'euro), la Belgique, la Grèce, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Finlande.
b) L'adoption de « conclusions »
En revanche, selon les mêmes règles de vote que pour l'adoption d'une mise en demeure, c'est-à-dire à la majorité qualifiée des douze Etats membres de la zone euro , le Conseil a adopté des conclusions relatives à la France et à l'Allemagne, suspendant les procédures de déficit excessif à l'encontre de ces deux Etats.
Les Etats ayant voté pour ces conclusions sont la Belgique, l'Allemagne, la Grèce, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg et le Portugal (la France et l'Allemagne n'ayant pas voté dans le cas des conclusions les concernant).
Les Etats ayant voté contre sont l'Espagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Finlande.
(1) Des « conclusions » non prévues par les textes
Selon la Commission européenne , si le Conseil avait la possibilité de rejeter les recommandations de la Commission ou d'en modifier la teneur, selon le traité instituant la Communauté européenne il ne pouvait adopter que des recommandations . Les conclusions , de nature « intergouvernementale », présentent en effet la particularité d'être « non contraignantes », alors que les décisions ont « des effets juridiques précis ».
Le Conseil estimait quant à lui que si le recours à cette procédure était anormal, il n'était pas illicite.
(2) Une « suspension » de la procédure ne répondant pas aux conditions juridiquement prévues
Le Conseil a par ailleurs décidé « de tenir en suspens pour le moment la procédure concernant les déficits excessifs » à l'égard de la France et de l'Allemagne. Il précisait qu'il « se [tenait] prêt à prendre une décision [de mise en demeure], sur la base de la recommandation de la Commission, si la France [ou l'Allemagne] n'agissait pas conformément aux engagements mentionnés dans les présentes conclusions ».
Cette suspension de la procédure n'était pas conforme aux conditions prévues par l'article 9 du règlement précité du 7 juillet 1997, qui prévoit que « la procédure concernant les déficits excessifs est suspendue si l'Etat membre concerné prend des mesures en réponse aux recommandations adressées » lors de la constatation de la situation de déficit excessif ou en réponse à une mise en demeure.
(3) L'obligation de réduire le déficit structurel de 0,8 point de PIB en 2004 (contre 1 point selon la proposition de la Commission européenne)
Les recommandations du Conseil sont légèrement en retrait par rapport à celles proposées par la Commission européenne, comme l'indique le tableau ci-après : le déficit doit être réduit de 0,8 point de PIB en 2004 (contre 1 point dans la recommandation de la Commission), et le renforcement de la surveillance de la situation budgétaire de la France est légèrement moins strict.
Les principales recommandations faites à la
France :
comparaison entre la recommandation de décision
présentée par la Commission européenne
et les
« conclusions » du Conseil du 25 novembre 2003
Recommandation de décision du Conseil, présentée par la Commission européenne au titre de l'article 104, paragraphe 9, du traité CE |
« Conclusions » du Conseil du 25 novembre 2003 |
|
Réduction du déficit structurel en 2004 |
1 point de PIB (1) |
0,8 point de PIB (1) |
Réduction du déficit structurel en 2005 |
Retour du déficit public en dessous de 3 % du PIB |
|
Renforcement de la surveillance de la situation budgétaire de la France |
- remise, en avril et en octobre des années 2004 et 2005, de quatre rapports d'exécution ; - soumission à la Commission européenne, avant le 15 décembre 2003, d'un rapport présentant les décisions prises pour se conformer aux recommandations. |
Obligation de « faire régulièrement rapport sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre des engagements précités, en particulier dans le cadre des notifications semestrielles ». |
(1) contre 0,6 point de PIB, selon les prévisions associées au projet de loi de finances pour 2004, mais 0,7 point de PIB selon les conclusions du Conseil.
Des conclusions quasiment identiques ont été adoptées dans le cas de l'Allemagne. La seule différence est que l'engagement de réduction du déficit structurel figurant dans les conclusions est de 0,6 point de PIB en 2004, contre 0,8 point dans la recommandation de la Commission européenne.
* 22 La recommandation de la Commission européenne précisait par ailleurs :
- que si les recettes doivent être supérieures aux prévisions en 2004, ce surcroît devra être consacré à la réduction du déficit et, dans l'hypothèse où la reprise de l'activité économique dépasserait les prévisions actuelles, à un redressement plus rapide de la position budgétaire sous-jacente ;
- que la France devrait tenir compte des recommandations formulées par le Conseil dans le cadre des grandes orientations des politiques économiques pour 2003-2005, et en particulier enrayer la spirale des dépenses dans le secteur de la santé.
* 23 Les sanctions peuvent être les suivantes :
- exiger de l'Etat membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres;
- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'Etat membre concerné;
- exiger que l'Etat membre concerné fasse, auprès de la Communauté, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé;
- imposer des amendes d'un montant approprié.