2. Les applications militaires
La plupart, sinon la quasi totalité, des utilisations des images de synthèse aujourd'hui ont pour origine, ou sont des applications directes, des travaux et recherches menés dans un cadre militaire qui se sont développés dans au moins trois directions : la formation des hommes sur simulateurs (ce point sera traité dans la partie consacrée à la formation), la recherche fondamentale dans le domaine nucléaire, la recherche opérationnelle.
a) La recherche militaire : la simulation des essais nucléaires
La mise au point des armes nucléaires a toujours mis en
œuvre la modélisation numérique, mais en décidant,
en janvier 1996, de la fin des essais nucléaires, le Président de
la République a ouvert une ère nouvelle : la simulation n'est
plus un moyen de concevoir les armes nucléaires ou de préparer
une explosion, comme c'était le cas jusqu'alors, mais est
désormais le seul moyen de garantir la fiabilité des armes
nouvelles.
Il s'agit d'un saut -et d'un défi- technique et qualitatif
considérable. La technologie nucléaire, civile ou militaire,
s'est toujours appuyée sur la modélisation et la simulation. La
seconde est d'ailleurs le seul moyen de faire progresser la première,
dans un domaine où les connaissances physiques sont imparfaites
(géométrie tourbillonnaire...). Le processus était
construit sur l'articulation simulation / expérience selon un
schéma séquentiel simple : modélisation
simulation / prévision expérience comparaison des
résultats avec les prévisions ajustement de la
modélisation. Ainsi, l'expérience -l'essai nucléaire-
permettait-elle de valider le modèle ; la simulation étant
"recalée" sur la réalité grâce aux comparaisons avec
les résultats des essais.
La simulation traditionnelle présentait en outre deux
caractéristiques : elle donnait une large part aux modèles
dits phénoménologiques, qui mêlaient connaissances
théoriques et connaissances empiriques (simplifiant les
phénomènes complexes, tels la géométrie
tourbillonnaire...), et chaque modèle décrivait uniquement une
petite séquence d'explosion, sur un point particulier, ce qui ne
présentait pas d'inconvénient puisque la synthèse et la
validation étaient faites au moment du tir.
Tous ces "accommodements" disparaissent. Avec la fin des essais,
l'étape
de la validation est supprimée. La simulation doit porter sur l'ensemble
du tir et reposer sur un modèle numérique global. Elle ne doit
pas seulement interpréter, mais aussi prévoir et garantir.
Sur le seul plan technique, l'amélioration des modèles conduit
à mettre en œuvre des maillages deux fois plus fins, ce qui
augmente le nombre d'opérations d'un facteur 10 ou 100. Avec les
techniques actuelles de calcul et de visualisation, un "cas" de
simulation
demande de une à deux minutes de calcul et une dizaine de secondes pour
afficher ce dernier. A technologie constante, une simulation tridimensionnelle
demanderait de l'ordre de dix heures de calcul et cinq heures d'affichage. Le
passage aux "modèles prédictifs" entraîne donc l'achat
d'ordinateurs puissants : les T3E de l'américain Cray, mis en service en
mars 1997, sont capables d'effectuer jusqu'à 190 milliards
d'opérations par seconde.
La simulation proprement dite n'a pas écarté toute forme
d'expérimentation : le "laser mégajoule", clef de voûte du
programme
Palen
-programme d'adaptation à la limitation des
expérimentations nucléaires- constitue désormais
"l'arsenal de la simulation" qui permet de reconstituer "la
bombe virtuelle".
Encadré n° 10
LA BOMBE VIRTUELLE
Une simulation est une représentation d'un
phénomène à l'aide d'un ordinateur et/ou d'un outil qui
permet de recréer les conditions d'une expérience. Le "laser
mégajoule"
Phébus
permettra de créer en laboratoire
les conditions d'une explosion thermonucléaire. Il sera construit au
CESTA (Centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine).
Quelques éléments du faisceau devraient fonctionner dans les
années 2000.
Le fonctionnement du
laser mégajoule
repose sur trois
étapes :
un
lancer de rayons lasers
. 240 faisceaux de 100 mètres de
longueur, convergent sur une cible et délivrent, en 3
milliardièmes de seconde, un flux de 50.000 milliards de watts ;
la
cible
. Au centre d'une chambre d'expérimentation, de 10
mètres de diamètre, se trouve une cible qui transforme la
lumière laser en rayon X (1,8 million de joules d'énergie).
Au cœur du système se trouve un mélange de deutérium
et de tritium qui chauffés par les rayons X, se combine et libère
une énergie de 100 millions de degrés produisant des
réactions de fusion semblables à celles qui sont
provoquées par les explosions thermonucléaires ;
la
modélisation
et l'
analyse
combinent l'outil
mathématique et l'image :
l'outil mathématique
. Jusqu'à présent
la modélisation portait sur des séquences d'explosion. La
simulation totale d'une explosion exige d'appréhender l'ensemble des
réactions, ce qui suppose des capacités de calculs dix fois plus
puissantes et de maîtriser l'utilisation de "calculateurs massivement
parallèles". La Direction des applications militaires du Centre de
l'énergie atomique estime maîtriser les architectures massivement
parallèles à l'horizon 2000 ;
l'image
.
Pour atteindre le degré de
sophistication recherché, cette simulation repose beaucoup sur l'image.
Il n'y aurait pas de simulation nucléaire sans le support de l'image de
synthèse
. L'image sert notamment à percevoir les fameux
"effets tourbillonnants" qu'il faut chercher à éviter. En effet,
tout perte de symétrie déclenche des instabilités qui
empêchent une bonne compression et réduisent le gain
d'énergie potentiel lié à l'implosion de la cible.
La simulation numérique sur quelques nanosecondes et sa visualisation
permettent d'optimiser la position et l'orientation de chacun des 240 faisceaux
laser pour assurer une implosion la plus sphérique possible.