RAPPORT D'INFORMATION N°169 - IMAGES DE SYNTHESE ET MONDE VIRTUEL TECHNIQUES ET ENJEUX DE SOCIETE
M. Claude HURIET, Sénateur
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques - Rapport d'information n° 169 - 1997-1998
Table des matières
- AVANT PROPOS
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE I
PRÉSENTATION TECHNIQUE :
DE L'IMAGE DE SYNTHÈSE À LA RÉALITÉ VIRTUELLE -
CHAPITRE II
LES APPLICATIONS DES IMAGES DE SYNTHÈSE- A. LES APPLICATIONS DANS L'INDUSTRIE ET LES SERVICES
- B. LES UTILISATIONS COMMERCIALES ET LES LOISIRS
- C. LES UTILISATIONS SCIENTIFIQUES ET MILITAIRES DES IMAGES VIRTUELLES
- D. LA FORMATION ET L'ENTRAÎNEMENT
- E. LES UTILISATIONS PÉDAGOGIQUES OU À VOCATION DE SERVICE PUBLIC
-
CHAPITRE III
CONSÉQUENCES- A. LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
- B. CONSÉQUENCES SOCIALES
- C. LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES
-
D. LES CONSÉQUENCES POLITIQUES ET CULTURELLES
- 1. La manipulation d'images
-
2. La société au temps du virtuel
- a) Les conséquences psychologiques éventuelles9696 Voir notamment Chantal Lebrun, Réel - Virtuel : la confusion des sens, Futuribles, novembre 1996 et Serge Tisseron, Psychanalyse de l'image, Dunod, 1995.
- b) Les conséquences politiques éventuelles
- c) Les conséquences sociales éventuelles
- d) Discussion critique
-
CHAPITRE IV
PERSPECTIVES- A. PERSPECTIVES TECHNIQUES
- B. PERSPECTIVES JURIDIQUES
- C. L'APPRENTISSAGE DES IMAGES
- D. VERS UNE ÉTHIQUE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION ?
- CONCLUSIONS
- RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS
- ANNEXES
N° 526
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N°
169
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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale |
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 décembre 1997. |
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le 11 décembre 1997. |
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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
RAPPORT
sur les
images de synthèse
et le
monde
virtuel
: techniques et enjeux de société,
par M. Claude HURIET,
Sénateur.
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Déposé
sur le Bureau de l'Assemblée
nationale
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Déposé
sur le Bureau du Sénat
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"
(...)
Si je ne vois dans ses mains la
marque
des clous,
et si je ne mets le doigt à cette place des clous
(...)
,
je ne croirais pas "
Évangile selon Saint Jean, chapitre 20, verset 29
AVANT PROPOS
L'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques a bien voulu me confier une étude sur
les images de synthèse. Comment un médecin néphrologue, un
sénateur membre de la commission des Affaires sociales, a-t-il
été conduit à s'intéresser à un domaine
apparemment aussi étranger à son champ de compétences ?
Depuis la loi sur la recherche biomédicale, que j'ai
préparée et contribué à faire adopter par le
Parlement en 1993, j'ai souhaité poursuivre une réflexion sur les
conséquences sociales, la portée éthique des nouvelles
techniques. Les manipulations génétiques étaient, de toute
évidence, un enjeu universel qui, me semble-t-il, imposait un
débat et, au delà du débat, la détermination de
règles de comportement.
Trois ans plus tard, et au hasard des rencontres et des démonstrations
qui m'avaient été faites au Pôle de l'Image de Nancy, j'ai
pensé que les images de synthèse, par les possibilités
infinies de manipulation qui leur sont liées, pouvaient, elles aussi,
susciter une réflexion de nature comparable.
M. le président Jacques Larché, président de la commission
des Lois du Sénat, a bien voulu favoriser la saisine de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
d'une demande d'étude sur
" Les images de synthèse,
enjeux techniques et éthiques "
.
Il n'était nullement question de porter un regard critique sur cette
technique, à bien des égards prometteuse, exceptionnelle,
envoûtante même, mais de tenter d'appréhender, dans toutes
ses composantes, ce que M. Philippe Quéau appelle les
" Vertus et les vertiges du virtuel "
.
Ce sujet déborde le seul champ technique, aborde le terrain social,
culturel, politique, et c'est une chance pour l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et un honneur
pour moi d'avoir eu à le traiter.
INTRODUCTION
La présente étude sur
" Les enjeux
techniques et éthiques des images de synthèse "
confirme
l'implication croissante de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques dans le secteur de la communication qui
tend à devenir, à juste titre, un axe majeur de réflexion
du Parlement.
Plusieurs rapports majeurs ont été publiés au cours de ces
dernières années :
les rapports de M. Franck Sérusclat, sénateur, sur
" Les conséquences des nouvelles techniques d'information et de
communication pour la vie des hommes : l'homme cybernétique"
et sur
" Les techniques des apprentissages essentiels pour une bonne
insertion
dans la société de l'information " ;
le rapport de M. Pierre Laffitte, sénateur, sur
" La
France et la société de l'information : un cri d'alarme et une
croisade nécessaire " ;
le rapport de MM. Alain Joyandet, Alex Türk et Pierre
Hérisson, sénateurs, rapporteurs de la mission commune
d'information du Sénat sur
" L'entrée de la France dans
la société de l'information "
, étude en cours,
actualisation d'un rapport de MM. Raymond Forni et Michel Pelchat,
députés, de 1989 et 1991 ;
l'étude de M. René Trégouët, sénateur,
sur
" Les nouvelles technologies de l'information et de la
communication et l'évolution de la société
française dans les prochaines années "
.
L'office a, en outre, organisé, le 9 octobre dernier, une journée
d'étude sur
" La société de l'information : quel
avenir ? "
,
Une telle orientation présente de nombreux avantages. L'Office s'ancre
délibérément dans une démarche prospective et
pédagogique, tout en partant de sujets techniques et d'actualité.
Il s'adresse ainsi à des publics très divers, sénateurs et
députés, professionnels et grand public, car ces questions sont
toutes des questions de société.
C'est le cas du présent rapport.
L'image de synthèse est une image réalisée par ordinateur.
Mais elle constitue bien plus qu'une technique, une véritable
"révolution" dans l'histoire des images et, par là, dans
l'histoire des sociétés.
L'image de synthèse donne tout d'abord de nouveaux sens aux mots. En
quelques années, "virtuel", "clonage",
"manipulation" ont changé
de signification, ou plutôt aux sens anciens se sont ajoutés des
interprétations nouvelles, directement issues des images de
synthèse et des techniques numériques. "Virtuel", le mot
était jusque là employé comme adjectif pour signifier
"ce qui est en puissance"
ou en devenir. Aujourd'hui
popularisé,
tantôt utilisé en adjectif, tantôt en substantif, (le)
virtuel désigne tout à la fois une technique, un mode
d'élaboration de l'image et un résultat, une
représentation d'un objet, d'un site, d'un monde, une image (une
illusion ?) que l'on ne se contente plus de regarder, mais dans laquelle on
entre. De même, le clonage a quitté le champ de la biologie pour
aborder celui de l'audiovisuel. Le clone n'est plus seulement un être
génétiquement semblable provenant d'une reproduction sans
fécondation, mais un double parfait en image, provenant d'une
reproduction par ordinateur. Le concept même de manipulation des images
perd lui aussi son sens puisque l'image de synthèse traduit (en images)
sur un écran, une suite de chiffres (un encodage), frappée sur un
clavier d'ordinateur. L'
"original"
n'est rien d'autre qu'une
suite de
chiffres. Changer un chiffre modifie l'image, mais celle-ci est tout aussi
"originale" que la première.
L'éducation, et plus encore l'expérience de la vie, ont appris
à chacun à garder une distance -une méfiance même-
par rapport au verbe, aux discours, aux promesses et aux écrits, mais au
moins donnait-on
a priori
une certaine crédibilité
à l'image, qui représentait jusque là, sinon la
vérité, du moins une représentation, fut-elle partielle,
de la réalité. Le précepte selon lequel
"on ne croit
que ce que l'on voit"
est à son tour battu en brèche. L'image
traduit une suite numérique, et ne garantit par conséquent en
rien qu'elle correspond à une représentation de la
réalité. Il n'est plus possible de
"croire ce que l'on
voit"
, tant les possibilités de manipulation de l'image, ou
plutôt de traitement des données numériques, sont infinies.
Le réalisme n'est plus qu'une appréciation sur la qualité
de l'image, mais ne donne aucune garantie sur son contenu.
Le présent rapport est divisé en quatre parties :
les techniques,
les utilisations,
les conséquences,
les perspectives.
CHAPITRE I
PRÉSENTATION TECHNIQUE :
DE
L'IMAGE DE SYNTHÈSE À LA RÉALITÉ VIRTUELLE
Tout travail d'analyse nécessite une présentation et, plus encore, une ou des définitions. L'une des difficultés de ce rapport a été de rendre compréhensibles des notions qui paraissent si familières aux professionnels que le "néophyte" a parfois peine à les interroger, tant ses questions révèlent ses carences ! Car toute profession a ses codes et son langage, et les métiers de l'image n'échappent pas à cette règle. Il faut donc, tout d'abord, une phase d'apprentissage pour comprendre quelques données élémentaires, pour ne pas confondre image 3 D et image en relief, synthèse d'image et image de synthèse, image de synthèse et réalité virtuelle ... Mais cette gêne s'estompe vite quand il apparaît que les professionnels eux-mêmes ne donnent pas toujours le même contenu aux concepts, selon qu'ils sont fabricants, concepteurs, utilisateurs industriels ou infographistes. La percée phénoménale du "virtuel", désormais utilisé par les médias comme adjectif ou substantif à tout propos, accroît cette impression de confusion. En d'autres termes, les mots de l'image sont flous, et il paraît utile de préparer l'analyse par un "toilettage sémantique" auquel le présent rapport ne constitue qu'une contribution.
A. L'IMAGE NUMÉRIQUE
1. Aperçu historique sur les différentes images
Les hommes ont toujours fabriqué des images pour représenter ce qu'ils voyaient ou ce qu'ils imaginaient. L'image peut être caractérisée à partir de quatre critères : son contenu, son processus de fabrication, son support et la part de l'homme dans sa création. Sur la base de ces critères, quatre générations d'images peuvent être distinguées. Les trois premières forment les images que l'on peut qualifier de traditionnelles, par opposition à l'image numérique ou "image informatique".
a) Les images traditionnelles
Pendant des milliers d'années, la
peinture
a permis de
représenter
un sujet (aurochs sur les parois des
grottes), de reconstituer visuellement une situation passée que seul
l'écrit avait décrit (peintures religieuses...), de montrer un
motif abstrait ou un monde imaginaire. L'image est alors un apport de
matière (pigments végétaux ou minéraux, huiles),
à l'aide d'un outil (pinceau, couteau...), sur un support (bois,
toile...), auquel le talent des hommes donnait un sens et une
crédibilité.
L'image est la création de l'homme
.
Les connaissances scientifiques ont radicalement changé le contenu
de l'image comme son mode de fabrication. Avec la
photographie
et la
télévision, l'image n'est plus une représentation, mais
une
restitution
du visible. La photographie, qualifiée en son
temps d'
"invention incroyable"
restitue ce qui est vu, le
"réel",
par un procédé physico-chimique de reproduction. Ce
procédé combine un système optique qui filtre ou concentre
la lumière sur une surface sensible (verre, puis film cellulosique),
préparée par traitement chimique (avec apport de chlorure
d'argent). Cette surface est "sensible" à l'exposition à la
lumière, et se noircit quand elle reçoit une quantité de
radiations lumineuses (le négatif). L'opération est
répétée pour le tirage sur un support physique (passage du
négatif au positif) qui permet de restituer l'objet photographié.
Tous les efforts sont ensuite concentrés pour que cette
restitution/reproduction soit la plus fidèle possible par la
qualité de l'image, des couleurs -ce qu'on appellera plus tard
l'augmentation de la résolution- et la reproduction du mouvement
(cinéma).
Avec la photographie, l'image change de sens puisqu'elle restitue le
réel, et seulement le réel, tandis que le
rôle de
l'homme s'atténue, puisqu'il n'est plus que le preneur de vue
. Sa
créativité se déplace, se concentre sur la mise en
scène des personnages et de l'éclairage, la maîtrise de la
lumière.
La
télévision
apporte trois changements
fondamentaux. En premier lieu, le processus de fabrication de l'image est
radicalement différent. Il ne dépend plus d'une réaction
chimique (action de la lumière sur une surface
prétraitée), mais d'une réaction électrique.
L'image de télévision suit un processus en quatre temps. Tout
d'abord, une image réelle, animée, reçue par une
caméra de télévision, est transformée dans des
tubes analyseurs en un signal électrique. C'est l'opération
principale : un courant "traduit" une intensité de lumière et
peut être représenté par une simple courbe sur un
graphique. Cette opération prend le nom de "codage analogique".
Ensuite,
les autres étapes consistent dans le transport du signal (transmission
par ondes électromagnétiques, puis réception du signal
électrique dans les récepteurs individuels), puis la reconversion
au stade final (poste de télévision) du courant en image, par un
processus inverse au codage analogique. Cette dernière phase de
transformation d'un signal électrique en image s'opère par
"balayage" de lignes et exploite les propriétés des luminophores
de l'écran qui, bombardés par des électrons, transforment
leur énergie en lumière. La courbe évoquée plus
haut peut aisément être "travaillée", modulée : on
peut réduire ou accroître l'amplitude, additionner ou remplacer
les courbes
1(
*
)
... Toutes ces transformations se
traduisent en termes d'images par un changement de contraste, de
luminosité, de couleurs...
En second lieu, les autres changements portent sur le temps et l'espace, la
transmission et la portée de l'image. La transmission est
modifiée. Une caméra peut toucher une infinité de foyers
et peut avoir lieu en direct -on dirait aujourd'hui en "temps réel".
L'image apparaît sous forme de lumière qui éclaire un
écran et non plus sur un support physique.
Enfin, l'image change à nouveau de sens : elle cesse d'être un
objet que l'on conserve (toile, photo) pour devenir un produit que l'on
consomme et qui, à peine apparue s'efface aussitôt. La
société de l'image est née. Comme pour la photographie, le
rôle de l'homme est de fabriquer les instruments qui transmettent et
produisent les images. Même si son rôle dans la création
artistique demeure, il n'est plus le créateur d'images, mais seulement
le preneur de vue.
Là encore l'effort porte sur l'amélioration de l'image afin
qu'elle soit le plus possible fidèle au réel. L'une des
difficultés porte sur la restitution des couleurs dont le traitement
passe par l'"analyse trichrome". L'image du réel est, en quelque
sorte,
lue à travers trois filtres optiques de couleurs primitives (rouge,
vert, bleu). A l'arrivée, les trois signaux sont retraduits
simultanément dans les "tubes images trichromes" et la couleur se
forme
par la superposition, par projection sur l'écran, des trois faisceaux de
lumière rouge, verte et bleue. Cette opération porte le nom de
"synthèse de l'image".
b) L'image informatique
L'image informatique constitue une nouvelle
génération d'images, née du couplage entre l'ordinateur et
le tube cathodique : le premier va "calculer" l'image et le second va
permettre
de la visualiser sur un écran.
Ces opérations seront expliquées dans la partie suivante. Mais,
d'ores et déjà, certaines observations peuvent être
formulées. Le calcul de l'image ou plutôt l'encodage des
données est une suite logique de l'"encodage analogique".
L'intensité de lumière, jusque là
représentée par un courant électrique va être
traduite sous forme de nombres. Cette opération prend le nom
d'
encodage
. La restitution de l'image suit le processus inverse :
décodage puis affichage de l'image.
La numérisation a des conséquences déterminantes dans la
confection des images, tant sur la qualité que sur la nature même
de l'image réalisée. En effet, le gros avantage des nombres est
d'une part, qu'on ne peut pas les confondre entre eux, alors que deux points
voisins d'une courbe ne sont pas aisément identifiables, et d'autre part
qu'on peut les transmettre parfaitement, sans risque de "déperdition",
de perte de qualité, comme c'est le cas pour le signal
électrique. L'image peut désormais être traitée par
ordinateur. Ainsi, l'image d'un objet -réel- peut-elle être
numérisée et restituée par un écran, mais une image
peut aussi parfaitement être construite
ex nihilo
, sans support
réel. Dans ce cas, tout lien avec le réel disparaît.
Même si l'image numérique est parfaitement "réaliste", il
s'agit du seul choix de l'opérateur qui s'est attaché à
constituer une image attractive, mais l'
image informatique offre un champ de
représentation infini, puisque tout ce qui est numérisable,
modélisable, peut donner lieu à une représentation
graphique
.
Ainsi, sur la base des critères proposés, quels sont les
changements apportés par l'image numérique ? La technique
multiplie les possibilités de création d'image, prend les
avantages de chacune des techniques précédentes sans en
connaître les limites. L'image peut restituer, reproduire ou
représenter un objet réel ou imaginaire (comme un tableau),
l'image est conservée en mémoire (comme un film), l'image
apparaît -et s'efface- sur un écran (comme la
télévision). L'acte créateur demeure, l'homme crée
le concept de l'image, mais c'est la machine qui la réalise.
Au risque d'être abusivement simplificateur, les différentes
caractéristiques des images peuvent être résumées
sous la forme suivante :
Typologie des modes de fabrication des images |
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Peinture |
Photo |
Télévision |
Image de synthèse |
Contenu |
L'image représente (réel ou imaginaire) |
L'image restitue (réel) |
L'image restitue (réel) |
L'image restitue/représente (réel ou imaginaire) |
Outil de création |
Objet (peinture + pinceau) |
Optique |
Optique/tube cathodique |
Ordinateur |
Processus |
Physique (apport de matière) |
Chimique |
Électrique |
Informatique |
Support |
Matière (toile) |
Matière (film) |
Écran |
Tous supports |
Part de l'homme |
L'homme crée l'image |
L'homme prend l'image, la machine restitue l'image |
L'homme prend l'image, la machine restitue l'image |
L'homme crée le programme, s'en sert pour construire une maquette qui va permettre à la machine de réaliser l'image |
2. Description technique
L'élaboration d'une image informatique suit plusieurs étapes : l'encodage, l'affichage, le rendu.
a) L'encodage : le principe de la numérisation
La première étape
,
l'innovation majeure, porte sur l'encodage des images, sur le traitement
numérique des données.
Il est tout d'abord nécessaire de comprendre qu'une image peut
être traduite en chiffres. Cette opération porte le nom
d'"encodage". Chaque intensité de lumière est affectée
d'un chiffre -encodage-. Lorsque le chiffre est lu -décodage- l'image
réapparaît. Ce processus peut être illustré par un
exemple simple.
Encadré n° 1
LA NUMÉRISATION
|
||||||||
À chaque point de
l'image est affecté un chiffre
: 0 pour le blanc, 1 pour le noir.
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00000000000000000000
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dessin manuel
traduction numérique suite de points
|
Il y a, en réalité, deux aspects à la
numérisation. D'une part l'échantillonnage, ou la
"discrétisation"
2(
*
)
: on considère
la valeur d'un signal à chaque "intervalle" de temps, à chaque
"top" d'une horloge électronique (t, t + 1,
t + 2...) et, d'autre part, la digitalisation des valeurs, qui
consiste à coder l'intensité électrique par un nombre.
Cette numérisation n'est qu'une suite de l'"encodage analogique"
réalisé avec les images de télévision. On a vu, en
effet, que l'image peut être transposée en signal
électrique dont les variations et les impulsions reproduisent celle de
la luminosité de l'image. Ce signal est habituellement
représenté par une courbe sinusoïdale. Il suffit de donner
à chaque point de la courbe une valeur chiffrée pour
retranscrire, sous forme numérique, un signal électrique. Ce
codage se fait sur une base binaire
3(
*
)
, à
l'aide d'une numérisation de 0 et 1. Comme l'explique notre
collègue M. Pierre Laffitte,
" la numérisation est
basée sur le codage binaire, utilise des chaînes de codes
élémentaires qu'on peut schématiser sous forme de
succession de 0 et 1 (par exemple (01001110). Il y a ainsi 256
possibilités de combinaison pour huit 0 et 1 successifs (2
8
=
256) ou huit bits (
Binary digital unit
), c'est-à-dire huit
unités élémentaires d'information "
4(
*
)
. En décodant le signal, on recrée
l'image.
b) L'utilisation de la numérisation
Les images numériques reproduisent un objet
réel, une situation, observable à l'œil ou par
l'instrument. Les différentes images peuvent se caractériser par
le mode de saisie de l'image d'origine. Deux cas peuvent être
distingués : la saisie classique ou "analogique" de l'image,
convertie en image numérique, et la saisie numérique directe.
La numérisation d'une image analogique
(voir
encadré n° 1)
Il y a tout d'abord l'image "classique", visible à l'œil nu
(photo, TV ...) qui est retraduite par signaux (données
analogiques), puis en données numériques (passage de l'analogique
au numérique). L'image numérique suit donc trois étapes
distinctes :
image (photo, TV ...) traduction numérique image numérique sur un écran
Mais toutes les images numériques ne sont pas des
conversions d'images réelles visibles, car il existe une gamme de
techniques permettant de visualiser sur un écran une image d'une chose
invisible à l'œil nu.
La prise de vue numérique
.
Encadré n° 2
LA PRISE DE VUE NUMÉRIQUE
" Dans une caméra vidéo, l'image est
projetée par l'objectif sur un capteur tapissé de microcellules
photoélectriques qui convertissent chaque intensité lumineuse en
intensité électrique proportionnelle : il y a une stricte
correspondance entre les deux intensités, c'est pourquoi le signal est
dit analogique.
Dans une caméra numérique, l'intensité lumineuse est, elle
aussi, traduite en intensité électrique, mais de façon non
continue : l'intensité est mesurée à intervalles de temps
réguliers (par exemple 100.000 fois par seconde) et chacune de ces
mesures, exprimée en microvolts, est affectée d'un chiffre. Les
chiffres se succèdent, avec une discontinuité entre chacun ; la
numérisation traduit en variables dites "discrètes" un
phénomène continu. Chacune de ces mesures est convertie
-codée- en binaire, seul langage que connaisse l'ordinateur. "
Roger Bellone,
Sciences et Vie
, février 1993
L'un des intérêts de la prise de vue numérique est de
permettre de représenter des images d'objets invisibles à
l'œil nu. Ces techniques sont couramment utilisées dans les
domaines militaire et médical. Les principes techniques d'images
numériques scientifiques (on parle aussi d'imagerie) sont les suivants :
l'
image
radar
est une image numérique,
reconstituée à partir de la mesure d'un écho. Le temps de
réflexion de l'écho permet de connaître la distance de
l'objet et, par conséquent, de constituer une image.
L'échographie utilisée pour le corps humain part d'une technique
comparable : une sonde émet des ultrasons qui traversent les
organes et sont réfléchis selon la densité des tissus
rencontrés. La puissance de l'écho est analysée et permet
de produire une image de l'organe étudié.
le
scanner
, utilise la propagation des rayons X, composés
de lumière propagée sous forme d'ondes courtes. Chaque organe
laisse plus ou moins passer les rayons X, ce qui permet de distinguer les
organes. Le principal intérêt du scanner est de permettre de
reconstruire une image en volume (voir ci-après).
l'
imagerie
par résonance magnétique
(IRM).
Les noyaux d'hydrogène, stimulés dans les tissus du patient par
immersion dans un champ magnétique puissant, émettent un signal
capté et analysé par ordinateur, ce qui permet de fournir un
cliché de la zone étudiée.
c) La numérisation des couleurs
La reproduction des couleurs suit exactement le même
processus que la double opération encodage/décodage
décrite pour le noir et blanc. Pour du noir et blanc, on peut choisir
arbitrairement que 1 représente le noir et 0 représente le blanc
(encadré n° 1). Mais, pour tout intermédiaire entre
noir et blanc et pour toute autre couleur, les nombres vont représenter
les intensités.
Toute couleur peut être décomposée en trois couleurs
primaires : rouge, vert, bleu. La synthèse des trois couleurs
(synthèse de l'image) donne la couleur finale. Dans les machines
actuelles, chaque couleur est répartie en 256 niveaux (codés de 0
à 255) : il y a 256 niveaux ("tons") de rouge, 256 niveaux de
vert,
256 niveaux de bleu, soit au total 256
3
possibilités,
16,7 millions de couleurs.
Le blanc est réalisé par une fusion des trois couleurs.
C'est-à-dire un maximum de rouge, de vert et de bleu, soit 255 pour
chaque composante, en binaire 24 bits à 1. Par commodité, on ne
raisonne plus en termes de bits (succession de 0 et 1), mais on raisonne en
termes de nombres. Chaque intensité de couleur est codée par un
octet, c'est-à-dire par un nombre compris entre 0 et 255. Lorsqu'on
groupe les trois, cela donne la couleur finale.
Dans tous les cas, la sortie de l'encodage est une image numérique,
c'est-à-dire un tableau de nombres qui, après, peut être
décodé et affiché en couleurs.
Au risque d'être simplificateur à l'extrême, une image
numérique suit pratiquement le processus qui consiste à colorier,
dans les jeux d'enfants, une forme peu reconnaissable, divisée en cases
(polygones). Dans chaque case figure un chiffre qui correspond à une
couleur. L'enfant colorie chaque case avec la couleur indiquée et, peu
à peu, l'image apparaît dans sa complexité.
Le drapeau français numérisé
. Les
couleurs sont numérisées. Chaque couleur est définie par
une intensité de rouge, vert, bleu, représentée par un
octet compris entre 0 et 255.
Le bleu se lit 0 (0 rouge) / 0 (0 vert) / 255 (maximum de bleu).
Le rouge se traduit par 255 (maximum de rouge) / 0 (0 vert) / 0 (0 bleu).
Le blanc est constitué par le maximum des trois couleurs :
255 (maximum de rouge) / 255 (maximum de vert) / 255 (maximum de bleu).
Le fond gris se traduit par un mélange de valeurs moyennes 170/170/170.
Chaque octet (nombre compris entre 0 et 255) se traduit en réalité par une succession de huit bits (succession de 0 et 1).
Affichage numérique |
d) La visualisation
L'image numérique n'est finalement qu'un tableau de
nombres
. Ce résultat est naturellement inutilisable en
l'état. Le tableau doit être décodé par un processus
inverse de l'encodage puis affiché pour traduire les nombres en
intensité de lumière. L'image numérique peut être
appliquée à tout support : tirage papier, film, écran
de télévision. Même si ce dernier n'est pas le
débouché naturel de l'image -et encore moins exclusif-,
l'affichage passe généralement à un moment ou à un
autre de l'élaboration de l'image par un écran d'ordinateur..
La traduction des données numériques en images passe en
général par le relais de microcircuits électroniques qui
activent (éclairent) chaque point de l'écran -les
pixels
-
(contraction de
picture element
). La qualité de l'image
dépend du nombre de points sur l'écran.
Encadré n° 3
L'AFFICHAGE D'UNE IMAGE NUMÉRIQUE
L'image numérique se caractérise par
l'apparition de points de couleurs sur un écran. Le calcul d'une image
informatique dépend du nombre de points sur l'écran -les
pixels
-, de la justesse et de la précision de la couleur de
chaque point.
Un écran standard de PC grand public possède une
définition de 640 x 480
pixels
, soit 307.200 points. Ainsi, sur
un écran de PC, une image calculée est la combinaison de 307.200
points, chaque point pouvant avoir 16,7 millions de couleurs différentes.
Encore ne s'agit-il que des calculs standards sur un PC, car l'écran
comme la définition des couleurs, peuvent être affinés. Les
écrans haute définition comportent 1280 x 1024
pixels
,
soit 1,31 millions de points. Les images de haute qualité, qui
impliquent que chaque point de l'image soit calculé en fonction de la
lumière que reçoivent tous les autres points (rayons
secondaires), demandent plusieurs millions d'opérations. Seule
l'informatique, avec ses capacités de calcul et de stockage, permet de
manipuler ces millions d'informations en des temps réduits.
B. L'IMAGE DE SYNTHÈSE ET LA RÉALITÉ VIRTUELLE
1. L'image de synthèse
Il y a souvent une confusion entre l'image numérique, qui est une image sous forme de tableau de chiffres qui peuvent être traduits par la suite sous forme d'image classique, et l'image de synthèse qui est une image générée par ordinateur à partir d'une maquette numérique en trois dimensions. La principale utilisation de l'image numérique est l'infographie qui est une forme de création d'images assistée par ordinateur. L'image de synthèse a des applications très variées (voir chapitre II) et surtout débouche sur quelque chose de beaucoup plus ambitieux : la réalité virtuelle.
a) Comment fabrique-t-on une image de synthèse ?
L'élaboration d'une image de synthèse passe par
deux étapes : la modélisation, le rendu.
La modélisation
. La modélisation
5(
*
)
consiste à décrire une forme.
L'élaboration d'une image commence par la constitution d'un
modèle de l'objet, appelé maquette numérique, qui est la
représentation informatique de cet objet à partir d'informations
géométriques. La méthode la plus classique consiste
à raisonner en termes de surfaces. Chaque objet peut être
décomposé en "facettes", en polygones, triangles, rectangles...
qui, mis bout à bout, permettent de rendre compte de l'enveloppe
extérieure d'un solide. A la manière de l'artisan qui martelait
le cuivre pour fabriquer un objet, on peut représenter une courbe avec
des segments de droites d'inclinaison variable ou représenter une
surface avec des facettes. Plus celles-ci sont petites, et mieux l'image de
l'objet est rendue. La modélisation conforte le rôle des
mathématiques et, plus particulièrement, de la
géométrie dans la création des images.
Au moment de l'affichage, l'objet ainsi reproduit se présente sous la
forme d'une juxtaposition de facettes, dite "structure en fil de
fer". Il
s'agit d'une représentation purement géométrique qui ne
prend pas en compte les caractéristiques optiques de l'objet. Pour
prendre un exemple, un dé comporte six faces, dont trois seulement au
maximum sont visibles en même temps, puisque chaque face masque plusieurs
autres. Dans la maquette numérique, en fil de fer, les six faces sont
représentées, comme si l'objet était parfaitement
transparent.
Le "3 D"
Le principal avantage de la modélisation est de donner une
représentation d'un objet en trois dimensions "3 D".
Cette notion est difficile à saisir pour un néophyte qui tend
appeler "image" ce qui n'est en réalité que le monde 3 D qu'elle
représente (d'où l'appellation abusive de "image 3 D"), qui tend
à confondre "image 3 D" et "image en relief", ou qui
ne comprend
pas comment une image peut être en 3 D alors qu'elle est toujours
vue en 2 D, c'est-à-dire sur un plan défini par une longueur
et une largeur, sur quelque support que ce soit (photo, film, écran de
télévision). L'image en relief permet d'améliorer la
visualisation d'une image par des procédés de filtres optiques
qui donnent une illusion de profondeur de champ et de relief.
Le "3 D" de l'image de synthèse est très différent.
Même si l'image finale est nécessairement une image 2 D,
l'objet est décrit en volume dans un "monde virtuel" en 3 D.
L'intérêt de cette description est que l'objet peut être vu
sous tous les angles. Au lieu de se déplacer dans l'espace, autour de
l'objet modélisé, l'image de l'objet tourne en fonction des
points de vue sélectionnés : plus à gauche, à
droite, vue de haut, d'en bas... Contrairement à la vision en relief qui
est une amélioration d'une représentation 2 D, le monde
virtuel 3 D n'est pas une extension de l'image 2 D. Au contraire,
l'enchaînement est inversé. L'image 2 D (le plan) est un
sous-produit d'une scène virtuelle 3 D, qu'il peut être
indispensable de conserver pour certains travaux (documents de chantiers
tirés sur papier...). Une maquette numérique 3D
génère autant d'images 2 D que l'on souhaite.
L'image 3 D décrit la surface d'un objet. Lorsque l'on
s'intéresse non seulement à la surface, mais aussi au contenu
d'un objet, ou d'une matière, la représentation "3 D" est
dite alors "volumique", ce qui signifie que tout point de l'espace a
une
valeur, alors que dans une image 3 D "classique", seule la
surface est
encodée.
b) L'animation
L'objet, une fois modelé, peut être animé. Cela n'est pas systématique, car, pour certaines utilisations (photographie, création artistique...), les efforts portent quasi exclusivement sur l'amélioration du rendu de l'image, mais la plupart des applications utilisent des techniques d'animation. Pour chaque objet, on indique comment il va évoluer dans le temps et dans l'espace, avec des algorithmes 6( * ) qui reproduisent des mouvements ou des lois de comportement (dynamique, cinématique, déformation, vieillissement...). Lorsqu'un comportement humain n'obéit à aucune "loi" déterminée (la marche, la danse, par exemple), l'animation peut être réalisée en partant des mouvements analysés sur une personne déterminée (procédé de motion capture : voir ci-après).
c) Le rendu
C'est le calcul du rendu qui fabrique véritablement
l'image de synthèse. Le calcul varie selon l'utilisation de l'image,
selon le degré de réalisme que l'on cherche. Pour les films, la
télévision, la publicité, le rendu a pour but de rendre
l'image la plus parfaite, la plus réaliste possible au regard de
l'observateur.
La représentation d'un objet combine une forme, traduite à
l'image par une surface, et un habillage qui décrit l'aspect visuel. La
matière indique comment cet objet réfléchit la
lumière, plus ou moins mat ou brillant. Ainsi, certains matériaux
renvoient la couleur d'origine (un objet verni par exemple renvoie la couleur
du vernis), et d'autres renvoient des couleurs différentes (un
plastique, même coloré, a des reflets blancs).
Les principales techniques qui entrent en œuvre sont les suivantes :
Le texturage
. Chaque objet a un aspect, une texture, qui
permet de déceler en un instant s'il s'agit de pierre, de bois, de
tissus... Le texturage consiste à appliquer sur une surface un motif qui
respecte les caractéristiques d'une matière, pour suggérer
visuellement la nature de cette surface, exactement comme le revêtement
d'un mur ou une peau sur un squelette (en l'espèce, le modèle
géométrique). Le texturage est l'une des principales composantes
du rendu réaliste de l'image.
Même s'il y a une part importante de création artistique dans un
texturage réussi, cette opération se fonde aussi beaucoup sur les
caractéristiques physiques ou les descriptions mathématiques des
objets représentés.
Le jeu des lumières
. L'illusion de la
réalité passe également par la prise en compte des sources
lumineuses et des effets des éclairages sur un objet (zones d'ombre...).
Les principales techniques mises en jeu sont :
le
traitement des ombres
et des
intensités de
lumière
(lorsque le passage de l'ombre à la lumière se
fait de manière continue : chaque point est affecté d'une
luminosité différente, créant un dégradé de
couleur qui permet de rendre compte des éclairages) ; la
profondeur
de champ
permet de perfectionner l'aspect de l'image. Pour une perspective
lointaine, le fait d'ajouter du flou traduit une impression de réalisme.
la
réflexion
: chaque matériau absorbe ou renvoie la
lumière. Cette propriété va jouer sur l'objet
lui-même (les reflets, le scintillement) mais aussi sur les objets
à proximité, puisque la lumière est envoyée sur les
objets voisins.
Le "lancer de rayons" ou
ray tracing
, permet d'obtenir un
"réalisme rutilant", par une simulation de l'optique
géométrique, les rayons se reflètent ou se
réfractent selon les matériaux. La radiosité permet
d'obtenir un "réalisme feutré" calculé à partir des
propriétés de réflectivité des matériaux. La
lumière est analysée comme échange d'énergie entre
surfaces, ce qui permet d'obtenir des lumières tamisées et des
pénombres.
Chacune de ces opérations passe par la couleur. Chaque
pixel
est
activé par un rayon, qui se traduit par une couleur, synthèse des
trois couleurs primaires.
L'ensemble de ces données toutes traduites en chiffres forme ce qu'on
appelle parfois le "monde virtuel".
Les principales opérations de rendu d'image sont illustrées par
les images suivantes. Les deux premières représentent une
sphère modélisée. L'affichage en fil de fer de la
sphère laisse apparaître les facettes du maillage. L'affichage en
polygones réguliers donne bien l'impression de volume. La
troisième est une sphère après affichage "lisse" avec
éclairement et ombrage, donnant l'illusion d'une surface lisse, sans
facette. Le quatrième est une sphère texturée, avec
éclairement et ombrage, donnant l'illusion d'une surface
détaillée, en relief.
Encadré n° 4
LES MODES D'AFFICHAGE D'UNE IMAGE DE SYNTHÈSE
Voir photo dans le
Quatre pages couleur
d) Les différentes familles d'images de synthèse
Les images de synthèse sont
générées par ordinateur, mais elles se divisent en deux
"familles" bien distinctes : les images de synthèse non interactives,
où la priorité va à la recherche du réalisme et de
la qualité de l'image, et les images de synthèse interactives,
pour lesquelles l'essentiel est la recherche d'une réponse des
données constituant le monde virtuel, réagissant à la
commande de l'opération, aussi rapidement que possible.
Les images de synthèse non interactives
Le but recherché à travers l'image de synthèse non
interactive est principalement visuel. La première application possible
est la
visualisation scientifique
. Il s'agit alors de donner une
représentation, sous forme d'image, d'un objet ou d'un
phénomène réel mais invisible ou difficilement
reproductible à l'aide des techniques d'images traditionnelles (c'est le
cas des images scientifiques, telles que la fission de l'atome, la collision de
galaxies...). Le deuxième type d'application est ce qu'on appelle
communément la
synthèse d'image
. Il s'agit alors de
fabriquer une image d'un objet ou d'une scène réaliste ou
surréaliste, totalement inventée. Cette notion de réalisme
est d'ailleurs ambiguë et, dans ce premier type d'application, accessoire.
Le réalisme, pour un physicien, renvoie à la notion d'exactitude,
tandis qu'il signifie plutôt crédibilité pour le graphiste.
L'image de synthèse peut parfaitement être "réaliste" ou
non réaliste. Il s'agit du seul choix de l'opérateur. A noter
d'ailleurs qu'on peut parfaitement mélanger images réelles
(d'objets numérisés) et images de synthèse, ce qui est
courant.
Les principales applications des images de synthèse non interactives se
trouvent dans le domaine audiovisuel (cinéma, télévision).
La priorité est donnée à la qualité de l'image et,
souvent, au "réalisme" des situations. Les "effets
spéciaux" du
cinéma et de la publicité sont l'une des applications les plus
connues et les plus saisissantes des images de synthèse non
interactives. Les temps de calcul d'images sont alors très longs pour
parvenir à un graphisme parfait, plusieurs heures, voire plusieurs jours
pour une seule image.
Les images de synthèse interactives
L'interactivité consiste à intervenir sur les
éléments du monde 3 D présent dans la machine, ce qui
a pour effet de produire une image différente avec une réaction
suffisamment rapide pour qu'on ait l'impression d'avoir agi sur un objet
réel. Pour reprendre l'exemple du carré (en 2 D)
donné dans le premier encadré, on a vu que chaque 1 se traduit en
image par un
pixel
noirci, la suite des
pixels
forme à
l'œil nu une ligne continue qui constitue,
in fine
, un
carré. Mais il suffit de déplacer de quelques crans une ligne ou
une colonne de 1 pour changer la figure géométrique ... et
transformer le carré en rectangle.
Dans cet exemple, l'opérateur intervient sur l'encodage, sur le tableau
des chiffres et la modification de l'image est immédiate, en temps
réel. Le principe est le même pour une image 3 D. Le temps de
calcul de l'image est simplement plus long. L'essentiel est de savoir que
chaque image est recalculée en fonction des ordres donnés par
l'opérateur à la machine. Dans l'état actuel des
possibilités techniques, l'effet recherché n'est plus la
qualité graphique ou le réalisme, mais est le temps de
réaction de la machine pour faire apparaître une nouvelle image.
Les images de synthèse interactives sont utilisées principalement
pour la simulation ou, plus exactement, la formation sur simulateurs. Il y a,
en permanence, un arbitrage à faire entre qualité graphique de
l'image et vitesse de réaction. C'est en développant notamment
cette réactivité, tout en ménageant une bonne
qualité d'image, que l'on passe à la réalité
virtuelle.
2. La réalité virtuelle
a) Les éléments caractéristiques de la réalité virtuelle
L'image de synthèse est générée
par ordinateur. La puissance de calcul de ces derniers a permis
d'améliorer la qualité des images au point d'être
saisissante de réalisme (ou de surréalisme). Mais l'image de
synthèse reste une image, et celui qui la regarde en est le spectateur.
Tout change lorsque celui-ci peut intervenir dans l'image, peut modifier les
éléments 3 D dans la machine et, par conséquent, peut
"commander" l'image qu'il voit.
L'image cesse d'être une
représentation pour devenir un lieu dans lequel on se déplace.
Avec le virtuel, l'homme cesse d'être le spectateur d'une image pour
devenir acteur dans l'image
. L'image virtuelle repose sur la technique des
images de synthèse, mais ajoute l'interaction.
Le passage au virtuel se caractérise habituellement par trois
données propres à l'image : l'immersion dans l'image, la
navigation dans l'image, l'intervention dans l'image (par l'intervention
d'outils extérieurs).
L'immersion dans l'image
C'est la première caractéristique de la réalité
virtuelle. L'immersion a été notamment recherchée à
travers deux moyens : élargir l'écran ou rapprocher
l'écran des yeux, ce qui permet de définir plusieurs types
d'immersion :
L'
immersion
par la surface de l'écran.
L'immersion
de base, "d'entrée de gamme", est lorsque la personne est devant son
écran. Il y a un écran, une souris, un ordinateur : c'est
encore la solution courante. Mais un écran d'ordinateur ou de
cinéma n'occupe qu'une très faible partie du champ de vision. Cet
espace limité crée une distance avec le spectateur et, dès
1950, différentes techniques ont été mises au point pour
occuper davantage le champ de vision de façon à ce que le
spectateur se sente enveloppé -"pris"- par -et par conséquent
dans- l'image. Les premières techniques ont consisté à
élargir l'écran (l'écran panoramique-cinémascope
occupe 18 à 25 % du champ de vision) jusqu'à 180°,
voire 360° (
the cave
, la caverne). L'utilisateur se trouve alors
dans une bulle, ou plutôt un cube, entouré d'écrans les
plus grand possibles. Cette technique, coûteuse, est
réservée à des applications industrielles ou de
démonstration
7(
*
)
. Pour les applications
courantes, ce type d'immersion est le plus souvent réalisé avec
un compromis de trois ou quatre écrans, disposés face à
l'utilisateur.
L'
immersion par la suppression de la distance.
L'autre
façon d'occuper le champ de vision, à l'opposé du
gigantisme, est de rapprocher l'écran de l'œil. Il y a
différents degrés d'immersion :
la
lunette stéréoscopique
, qui permet de voir en
relief en utilisant un écran ordinaire. La lunette comporte un
obturateur électronique qui cache successivement l'œil droit et
l'œil gauche (jusqu'à 60 images par seconde sur chaque œil).
L'image, envoyée successivement sur chaque œil, donne l'impression
de relief ;
le
casque de réalité virtuelle
. Le casque supprime
la distance par rapport à l'écran. La personne est
immergée dans l'image. Des capteurs, sur le casque, permettent de faire
évoluer l'image en fonction de l'orientation de la tête (voir
ci-après). Dans ce dernier cas, l'image numérique aborde tout le
champ visuel.
L'homme, à ce stade, est encore spectateur, mais entre dans un espace
visuel comme dans une pièce. L'image reste, mais l'écran a
disparu.
La navigation dans l'image
L'immersion ne sera totale que si le spectateur arrive à se mouvoir dans
l'espace, dans l'image. Quand on avance dans une rue, une route, le paysage,
l'environnement visuel change. Naturellement, le paysage et l'environnement
restent identiques, mais c'est l'image qu'on en a qui évolue au fur et
à mesure de la progression : on se déplace dans l'espace et
l'image change. La technique du virtuel est identique et donne le même
effet : l'image change et donne, à l'observateur, l'impression de
se déplacer dans l'espace.
Cette modification s'opère par l'utilisation d'une manette ou d'une
commande permettant d'avancer dans la maquette numérique qui modifie
l'image en conséquence, en fonction du point de vue où l'on est
censé se trouver dans le monde virtuel. Les techniques les plus modernes
permettent également de modifier l'image sans commande expresse, par
simple analyse des rotations de la tête ou des yeux (voir ci-après
les périphériques du virtuel).
A ce stade, l'homme cesse
d'être un spectateur pour devenir acteur dans l'image
.
L'intervention dans l'image
C'est le stade ultime de l'interactivité, lorsque l'homme modifie le
monde 3 D à son gré, en temps réel, lorsque l'image du
résultat est recalculée et que finalement , il crée,
recrée ainsi un monde en images. Pour certaines applications, il peut
être intéressant d'agir sur le monde 3 D, d'intervenir, de
modifier l'image à son gré de faire bouger ou disparaître
tel objet, d'en ajouter d'autres. Cette action peut avoir lieu par commande sur
clavier (le symbole lié à la souris d'ordinateur est amené
sur l'objet souhaité qui, dès lors, est "saisi" et prêt
à être déplacé dans l'image).
L'autre forme d'intervention sur l'image passe par les "gants de
capture" (voir
ci-après) qui reproduisent sur l'écran les gestes de la main. A
ce stade, l'homme a totalement cessé d'être un simple spectateur
d'une image mais intervient directement dans le contenu de l'image, modifiable
à son gré :
l'homme est entré dans l'univers du
virtuel
.
Interactivité en temps réel et immersion suffisante sont les
caractéristiques majeures de la réalité virtuelle
8(
*
)
qui permettent de la distinguer d'autres techniques
voisines, elles aussi dérivées des images de synthèse.
Distinction entre réalité virtuelle et technologies voisines |
||||
|
Animation |
CAO |
Multimédia |
Réalité virtuelle |
Interactivité |
limitée |
limitée |
limitée |
totale |
Immersion |
non |
non |
non |
oui |
Plate-forme |
station |
station |
PC |
PC ou station |
Délai de réaction |
délai |
délai bref |
délai |
temps réel |
Source OVUM,
Virtual Reality
, 1995
Encadré n° 5
LE PASSAGE DE L'IMAGE DE SYNTHÈSE À LA
RÉALITÉ VIRTUELLE
Image de synthèse = Image générée par
ordinateur
La modélisation et le rendu graphique permettent de créer l'image d'un monde qui semble parfaitement réaliste. L'homme est spectateur de l'image sur un écran.
Image de synthèse + interactivité
L'image, aussi réaliste que possible dans le temps de calcul imparti,, répond aux ordres de l'utilisateur, qui manipule l'objet graphique sur un écran. L'homme cesse d'être spectateur, il devient acteur dans -et de- l'image sur un écran.
Réalité virtuelle = image de synthèse + stimulation des canaux sensoriels
En réalité virtuelle, l'utilisateur ne se limite
pas à voir ou manipuler un objet graphique sur un écran, mais il
peut aussi éprouver les sensations du toucher (par des mécanismes
de retour d'effort), entendre les bruits. Les différents organes
sensoriels (ouïe, vue, toucher) sont stimulés. L'écran a
changé de fonction. Il n'est plus le support et un moyen de
visualisation d'une image, mais
devient " une fenêtre à
travers laquelle on pénètre pour accéder à un
nouveau monde "
. L'homme entre dans l'univers du virtuel. Cette
étape ultime où tous les sens sont sollicités est
cependant encore inaccessible avec les techniques d'aujourd'hui.
Les développements futurs : les "univers virtuels"
Avec les univers virtuels, on quitte le seul domaine de l'image,
c'est-à-dire de la simulation/stimulation visuelle, pour aborder la
simulation/stimulation des autres sens. L'interactivité est
développée et le réalisme des situations est total.
L'image virtuelle n'est plus une simple illusion visuelle, mais peut être
explorée, touchée grâce à des procédés
de retour d'effort.
La multiplication des signaux peut faire croire à l'homme qu'il est dans
un monde réel.
" Un système de réalité
virtuelle est la réalisation d'un monde qui n'a aucune
réalité physique, mais donne à l'utilisateur, par
excitation adéquate de tout son système sensoriel, une sensation
avec l'impression parfaite d'être en interaction avec un monde
physique "
9(
*
)
.
b) Les outils de la réalité virtuelle
Cette stimulation des sens, propre à la
réalité virtuelle, suppose l'utilisation d'outils, dits
"périphériques" (périphériques par rapport à
l'ordinateur, "cerveau" du monde virtuel qui "crée"
l'image). Ces outils
servent soit à faciliter l'immersion dans l'image (casques de vision),
soit à intervenir dans le monde virtuel et, par conséquent, dans
l'image (gants de capture).
Le casque de vision
Le casque de vision a deux fonctions : il permet l'immersion et la
navigabilité dans l'image. Le premier objectif est atteint par la
disposition d'écrans situés très près des yeux,
munis d'optiques spéciales afin d'éviter la fatigue visuelle et
d'agrandir l'image pour qu'elle remplisse tout le champ de vision de
l'utilisateur, ce qui donne l'impression d'être "à
l'intérieur" de la scène reconstituée en images de
synthèse. En sus des difficultés techniques communes à
l'ensemble des activités relatives aux images de synthèse, la
fabrication de casques suppose des qualités de poids
10(
*
)
, d'ergonomie (aisance du port du casque), de design,
et surtout de qualité d'optique complexes
11(
*
)
..
La seconde fonction du casque de réalité virtuelle est
d'être un outil de commande de l'image, grâce à un
dispositif de capteurs qui permettent de "traquer" les mouvements de
la
tête qui peuvent donc être analysés. Les capteurs sont
utilisés pour déterminer l'orientation et la vitesse de ces
mouvements
12(
*
)
.
Cette technique garantit "l'immersion" et la "navigation"
dans l'image puisque
l'image est dirigée par le regard, exactement comme dans la
réalité.
Les gants de "capture"
Comme on l'a vu, il y a deux familles d'applications : les images de
synthèse non interactives, par lesquelles la qualité de l'image
est en général primordiale (cinéma...), les images de
synthèse interactives qui réagissent aux commandes d'un
opérateur.
" Il ne sert pas à grand chose de se promener ou de contempler
une scène virtuelle, ce qui est intéressant, c'est d'y agir, donc
de la modifier avec notre outil de base : la main. "
13(
*
)
. Ainsi, une attention particulière a
porté sur le développement de l'interaction entre l'homme et
l'image, notamment par le biais de la main.
" Toute scène
virtuelle comporte donc l'image de la main qui agit, censée être
celle de l'opérateur humain ou, à la limite, l'image d'un outil
porté par la main qui agit. "
Cette main virtuelle doit
reproduire les mouvements de la main réelle et agir sur le monde virtuel
comme si c'était la main réelle qui manipulait un objet du monde
réel. C'est ainsi que sont apparus les "gants de capture",
"gants de
données" ou "traqueurs de mains". Les gants sont aujourd'hui
équipés en fibres optiques
14(
*
)
.
La "capture" ou "acquisition" s'opère lorsque la main
virtuelle
(amenée par la main réelle) "saisit" l'image d'un objet sur
l'écran, et la déplace à sa guise dans l'écran,
comme une main le ferait d'un objet dans l'espace.
Les efforts de simplification
Certaines de ces techniques, sans être abandonnées, ont
été relativement délaissées.
Les outils décrits ci-dessus étonnent et parfois
inquiètent quand il ne font pas sourire. L'homme, casqué,
ganté, "traqué" par des capteurs de position, battant des mains
dans le vide pour faire avancer une image qu'il est seul à voir, donnait
une image peu attractive de la réalité virtuelle, pour un
résultat de surcroît médiocre et un coût prohibitif.
L'enthousiasme, ou plutôt la curiosité, portés à ces
techniques, très en vogue et popularisées au début des
années 1990, sont vite retombés. Les outils de la
réalité virtuelle se sont considérablement
simplifiés.
D'une part, la technique des casques pose encore trop de problèmes et a
considérablement reflué au profit d'une vision sur écran
large qui n'offre pas les mêmes caractéristiques d'immersion
-l'immersion est dite partielle-, mais gagne en confort et en qualité
d'images.
D'autre part, la technique des gants de capture a été
progressivement délaissée au profit d'une saisie par "souris
interposée". La souris et son clic se sont universellement
imposés comme les outils, les gestes, de l'informatique. L'utilisateur
manœuvre la souris, positionne son symbole sur l'objet souhaité,
le "clique", le rend solidaire du symbole et le manœuvre
après
à sa convenance.
Comme on le verra, un grand nombre de recherches visent aujourd'hui à
accélérer les réactions du monde 3 D dont l'image est
une représentation, et à améliorer les sensations (sons,
retours d'efforts...). La réalité virtuelle est l'univers des
possibles. La simulation ne semble avoir, pour seule limite, que le puissance
de calcul des ordinateurs.
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LES FAMILLES D'IMAGES NUMÉRIQUES |
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1. Images du réel |
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2. Images de synthèse fabriquées par ordinateur |
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1.1. Réel visible |
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1.2. Réel invisible |
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2.1. Non interactives |
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2.2. Interactives |
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Images non traitées |
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Images modifiées |
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Images 2 D |
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Images 3 D |
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Caractéristiques |
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Caractéristiques
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Caractéristiques
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Caractéristiques
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Caractéristiques
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Caractéristiques
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Images 2 D |
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Images 2 D ou 3 D |
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type dessin ou film |
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Applications
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Possibilité de
passage 2 D à 3 D
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Applications
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Très haut niveau de
qualité
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Applications
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Immersion
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Immersion
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"La réalité
virtuelle"
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personnages
multipliés
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manipulation de l'information liée à la perfection des images réalisées |
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Industrie
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(apprentissage de conduite...) |
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Militaires (simulation de vols avec combats) |
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Applications
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reconstituées
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amélioration
possible
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amélioration
possible
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COUPLAGE POSSIBLE : RÉEL ET IMAGES DE SYNTHÈSE |
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Couplage des images |
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Couplage des techniques |
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Couplage par montage |
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Couplage en direct |
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Couplage des mouvements |
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Couplage Images/robotique |
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par incrustation
d'objets
de synthèse dans un
décor réel
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par incrustation
d'images
réelles dans un décor
d'images de synthèse
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par juxtaposition
d'images
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par substitution
d'images
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Couplage par montage
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Couplage en direct
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Robotique virtuelle
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Création artistique
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Architecture
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CHAPITRE II
LES APPLICATIONS DES IMAGES DE
SYNTHÈSE
Depuis le milieu des années 1990, la
réalité virtuelle occupe une place croissante dans des domaines
extrêmement variés, offrant des potentialités de
développement très importantes. Faute d'applications susceptibles
d'intéresser les industriels, on n'a souvent quelque idée de
l'image de synthèse et de la réalité virtuelle qu'à
travers les jeux vidéo ou les simulateurs de vols...
La présentation de ces utilisations peut être abordée en
établissant une distinction
par
secteurs
d'utilisation
: industriel, médical, militaire..., et une
distinction
par
fonction
: image de synthèse, technique de
représentation, de promotion, de formation... Aucun classement n'est
véritablement satisfaisant dans la mesure où, quelle que soit la
méthode retenue, les recoupements sont nombreux. Il a finalement
été décidé d'adopter une présentation mixte.
A. LES APPLICATIONS DANS L'INDUSTRIE ET LES SERVICES
L'association avec les jeux vidéo a été
un handicap pour le développement de la réalité virtuelle
dans l'industrie, amenant les cadres dirigeants à considérer la
réalité virtuelle avec beaucoup de réticences, voire
même comme un simple gadget. La situation évolue rapidement, et
l'utilisation des images de synthèse, sans être encore
banalisée, est néanmoins courante dans un certain nombre
d'activités. Signe des temps, un cabinet de consultants britanniques
- le cabinet OVUM - a réalisé une étude
très précise sur la réalité virtuelle dans
l'industrie. Le cabinet a recensé cinq types de besoins, cinq raisons
d'utiliser la réalité virtuelle, cinq types d'utilisations.
TYPOLOGIE DES UTILISATIONS INDUSTRIELLES |
||
Le besoin en
réalité virtuelle existe lorsque :
|
Les raisons
déterminant l'utilisation de la
réalité virtuelle sont :
|
Les utilisations
principales sont :
|
Source :
Virtual Reality - Business applications, market
and opportunities
,
OVUM, London, 1996
Quelques-unes de ces applications - la formation, la promotion
commerciale - seront analysées plus loin. Pour ne retenir que les
aspects purement industriels, la réalité virtuelle et, d'une
façon générale les images de synthèse, sont
utilisées dans deux domaines :
la conception et l'élaboration d'un produit ou d'un processus de
production,
la conception et l'aménagement d'un site.
1. La conception et l'élaboration d'un produit ou d'un processus de production
a) La situation actuelle
Il n'y a pas de fabrication en série sans test
préalable et prototype. Dans l'industrie, l'image de synthèse est
surtout utilisée pour concevoir une pièce, un objet, et constitue
une étape du prototypage. Ce prototype virtuel évite en partie de
réaliser des prototypes physiques dont le coût de
réalisation peut être prohibitif.
L'image de synthèse a ainsi totalement pénétré
l'industrie aéronautique et navale (profil d'ailes ou de coques,
étude des turbulences d'air ou de fumées...) et l'industrie
automobile. Dans ce secteur, l'image n'est plus seulement celle d'une
carrosserie, mais il s'agit d'une voiture entièrement
reconstituée en images de synthèse, dont chaque pièce peut
être tournée, démontée, exactement comme sur un
prototype physique. L'image de synthèse permet ainsi de vérifier
la disposition des instruments de conduite, la visibilité,
l'accès au coffre ou aux pièces mécaniques ainsi que les
facilités de maintenance, tout aussi importantes pour le succès
d'une voiture que ses performances
15(
*
)
.
L'image de synthèse est non seulement utile, mais devient indispensable
lorsque les personnels interviennent dans un univers hostile ou difficilement
accessible (entretien, maintenance des installations nucléaires...).
Ce prototype virtuel peut également servir aux processus de production
ou de maintenance (démontage d'un moteur ou chaîne d'assemblage
virtuelle qui permet de vérifier la parfaite organisation de la
chaîne à différentes vitesses, déceler les endroits
vulnérables, les risques d'embouteillages...). Le prototype virtuel
fonctionne exactement comme un prototype concret.
Dans tous les cas, il s'agit bien de réalité virtuelle car les
pièces sur l'écran peuvent être montées,
déplacées, démontées, exactement comme les vraies
pièces. Certes, le modèle virtuel n'élimine pas, ne
remplace pas le prototype physique, mais la plupart des problèmes ont
été vus dès le prototype virtuel, ce qui évite des
erreurs de conception ou des changements de dernière minute toujours
extrêmement coûteux. Le prototype physique n'intervient qu'au stade
final.
Dans cette première utilisation, la réalité virtuelle
apparaît comme un substitut des techniques traditionnelles de
présentation, mais avec des fonctions nouvelles puisque le prototype
virtuel peut servir indéfiniment, peut être modifié
à l'infini et peut servir à toutes les équipes de tous les
métiers (design, fabrication, performances, maintenance...). L'image de
synthèse assure une fonction de communication interne - et
externe - que n'assure pas le prototype classique. Cet apport est encore
plus net lorsqu'il s'agit de préparer l'aménagement d'un site.
b) Les perspectives
Le développement de l'utilisation des images de
synthèse devrait se poursuivre dans au moins deux directions :
la première consisterait à basculer tout ce qui est
expérimenté, testé, en réel, sur un prototype
virtuel. L'exemple le plus simple est l'étude des effets des accidents
automobiles. Aujourd'hui, les déformations du métal sont
étudiées au moyen de prototypes physiques et de mannequins, mais
les accidents seront bientôt parfaitement analysés en images de
synthèse avec des personnages virtuels ;
la seconde viserait à utiliser l'image de synthèse pour la
visualisation de données immatérielles. Selon le cabinet OVUM, ce
secteur offre des perspectives extraordinaires de développement,
liées notamment au développement de la sphère
financière et des communications en réseau.
L'analyse financière devrait s'affiner par la représentation des
interactions entre taux, entre monnaies, entre places boursières.
Comment réagissent les fonds de pension américains au glissement
du dollar ? Quels sont les effets sur le CAC 40 à Paris ?
Tous ces phénomènes sont d'ores et déjà
étudiés, mais leur visualisation devrait améliorer les
analyses. La visualisation des dépenses internes peut aussi contribuer
à améliorer les décisions financières.
Le phénomène des réseaux ne peut être correctement
appréhendé que par l'image de synthèse, tant les
interactions sont nombreuses. Les difficultés sont grandes lorsqu'il
s'agit de représenter des flux physiques. Les architectes de
l'aménagement des quartiers de la Défense avaient d'ailleurs
dû renoncer à représenter en plans les circuits de
circulation automobile sur plusieurs niveaux différents, souterrains et
aériens. Cette difficulté est démultipliée dans le
cas des relations immatérielles et en réseau, où il n'y a
plus de centre et où les connexions sont mondiales. Seule l'image de
synthèse permettra véritablement de visualiser le fonctionnement
des réseaux en distinguant le fournisseur d'infrastructures
communicantes, l'éditeur, les fournisseurs d'accès, les
utilisateurs, tous reliés par une seule toile d'araignée
mondiale, le
web
.
2. La conception et l'aménagement d'un site : l'image de synthèse au service de l'urbanisme et de l'architecture
De même que le prototype était une étape du processus de production industrielle, le plan et la maquette sont les outils actuels des grands travaux d'aménagement. La réalité virtuelle se situe dans le prolongement de ces techniques en apportant, là encore, des fonctions nouvelles.
a) Présentation
L'image de synthèse permet de montrer ce qui n'existe
pas encore mais qui peut être calculé. Les infrastructures, les
bâtiments, l'urbanisme, se prêtent parfaitement aux images de
synthèse puisque tout projet repose sur les plans, c'est-à-dire
des calculs et de la géométrie. L'image de synthèse permet
de montrer en 2 D ou en 3 D ce qui était
présenté jusque là sous forme de maquette et/ou de plan.
Le principe
Le principe est simple : la modélisation 3 D est la transcription
tridimensionnelle d'un objet dans un système informatique. Le travail de
base consiste à réaliser une "modélisation
numérique de terrain" (MNT). Chaque point dans l'espace est
repéré par ses trois coordonnées x, y, z (situation
géographique et hauteur). En reliant ces points on obtient un
modèle dit "fil de fer" que les techniques de visualisation permettent
d'habiller en dotant les facettes des textures adéquates, donnant ainsi
un rendu fidèle du paysage. Les éléments du projet sont
pris en compte de façon analogue. L'ensemble n'est plus
représenté sous forme de carte, mais constitue une maquette
virtuelle qui n'est plus un objet de carton ou de balsa, mais une
représentation graphique visualisable sur écran. La
modélisation est parfaitement adaptée aux études
d'aménagement puisqu'on peut modéliser un département, une
ville, un quartier, un ouvrage d'art ou un immeuble.
L'image de synthèse est l'aboutissement d'une chaîne de travail
entièrement informatisée où géomètres,
urbanistes, ingénieurs, architectes, designers... utilisent
quotidiennement des logiciels de calculs.
Naturellement, ce qui est possible au niveau général d'un
quartier l'est plus encore au niveau d'un immeuble, d'une usine, d'un magasin,
d'un musée, qui doivent faire face à des contraintes comparables
: construction, aménagement, esthétique, déplacement des
individus...
L'image de synthèse tend par conséquent à être
utilisée pour la réalisation de projets d'aménagement,
extérieurs et intérieurs, d'usines ou de bureaux. Car
l'aménagement intérieur se prête lui aussi parfaitement
à l'utilisation des images de synthèse, que ce soit pour tester
l'aménagement ou l'éclairage d'un musée, d'un sous-marin
ou d'un supermarché... Le cabinet OVUM cite notamment le cas d'une
nouvelle génération de supermarchés avec multifonctions
dans lesquels le client serait à la fois acheteur, gestionnaire (prise
en compte des rabais, tickets de réduction...), caissier... La
disposition des stands et des matériels a été
testée en réalité virtuelle.
Comparaison entre maquette virtuelle et plan papier ou maquette
objet
La maquette virtuelle sur écran présente des avantages majeurs
par rapport aux outils traditionnels de représentation, à la fois
dans la qualité de la représentation et dans la souplesse
d'utilisation. Quelques limites doivent néanmoins être
évoquées.
Une représentation complète et dynamique
Le premier avantage concerne le
contenu
de la
représentation. La maquette objet représente
nécessairement un objet physique. Certains projets se prêtent mal
à une représentation matérielle (aménagements
souterrains, très grandes surfaces...). Au contraire, la
modélisation s'applique à tout élément
matériel, mais aussi à des données abstraites, telles que
flux de circulation, déplacements de personnes...
La maquette virtuelle permet aussi de représenter un
projet
global
dans ses différentes composantes. Les projets d'urbanisme
sont de plus en plus complexes et associent des métiers de plus en plus
nombreux (architectes, urbanistes, paysagers, équipementiers ou mobilier
urbain). L'expérience montre que ces différentes corporations
éprouvent parfois quelques difficultés à travailler
ensemble pour présenter en commun un projet unique. La
modélisation et sa traduction par l'image font précisément
la synthèse des différents projets puisque chacun peut travailler
sur le même document, voir, suivre et comprendre les propositions du
voisin.
Le troisième avantage est de fournir une représentation
dynamique.
L'image de synthèse permet de
représenter l'évolution d'un projet dans le temps. Ainsi, des
logiciels de "vieillissement" des plantations permettent de visualiser
l'évolution d'un aménagement paysager dans les dix, quinze, vingt
ans..., y compris en fonction des saisons...
Une souplesse d'utilisation inégalable
Le premier avantage est
physique
. La maquette virtuelle tient sur
une disquette, alors qu'une maquette traditionnelle exige un espace pour sa
création, sa présentation, son stockage. Plus la maquette
physique est grande, moins elle est transportable.
Le deuxième avantage est que la maquette virtuelle n'a
pas
d'échelle
. Tout peut être représenté
à l'échelle de son choix, avec une vue aérienne globale ou
en circulant dans une rue, fut-elle souterraine.
Le troisième avantage est que la maquette virtuelle permet de
tester immédiatement
et
indéfiniment
des projets alternatifs, des options, des variantes. Le fichier de
base, qui forme la maquette de base, peut être modifié à
l'infini, permet de visualiser les étapes successives d'un projet, le
mélange entre infrastructures existantes et constructions à
venir...
Limites
Le facteur coût ne peut être évacué, mais
dépend des utilisations prévisibles. Quand une maquette est
conçue pour servir à étudier des projets complexes ou
très étalés dans le temps, le coût est relatif. Pour
donner un ordre de grandeur, une maquette (bois, plastique...) de
1 m
2
coûte environ 50.000 F. C'est le coût
d'une heure de navigation dans une maquette virtuelle sur 1 hectare.
Il peut également y avoir quelques déceptions par rapport aux
attentes. La maquette virtuelle reste aujourd'hui une image imposée,
avec une interactivité immédiate faible. Même si cela est
techniquement possible, l'opérateur ne peut pas encore, à sa
guise, modifier l'image comme s'il modifiait la taille d'une construction, la
largeur d'une voie ou d'un trottoir, les emplacements de panneaux... Toutes ces
opérations, réalisables en temps réel avec la
réalité virtuelle, restent encore inaccessibles ou demandent un
temps de calcul encore trop long pour pouvoir être
représentées instantanément. De surcroît, la
simulation reste dépendante des modèles et, par
conséquent, ne simule pas tout. Ainsi, le projet d'utilisation des
images de synthèse dans l'aménagement du Stade de France n'a pas
été mené à terme. Il s'agissait, à
l'origine, d'une étude sur le flux de circulation des spectateurs entre
l'entrée du stade et les sièges. Mais la relative lourdeur
d'élaboration des outils de simulation (entrée des
données), le manque d'informations et de modèles sur les
comportements précis des usagers et le coût de l'étude ont
arrêté le projet.
Enfin, les habitudes doivent être prises en compte. Les décideurs
d'aujourd'hui sont encore habitués aux maquettes classiques qui
permettent d'avoir une appréciation d'un seul coup d'œil. La
"navigation" dans l'image n'est pas aisée pour tout le monde. Les
projets présentés en images restent également un peu
abstraits pour beaucoup de responsables qui reconnaissent la performance
technologique du virtuel, mais sont rassurés par le réel.
b) Applications
Les applications des images de synthèse peuvent porter
sur des projets d'aménagement en zone rurale ou en zone urbaine, sur des
études d'impact ou de tracé, sur la réalisation d'ouvrages
d'art (routes, ponts), ou sur l'aménagement d'un quartier ou d'un
immeuble. Matra Cap Systèmes a développé un outil
spécifique de "géographie virtuelle" pour l'étude d'impact
des pylônes à haute tension, dit
"Evelyne"
(évaluation visuelle de l'esthétique des lignes). Le
système permet de mélanger l'image de terrain et le projet
d'implantation de pylônes. Électricité de France a
déjà acheté dix stations de travail : le coût
unitaire se situe entre 200 et 350.000 francs.
Concernant le coût et le délai, tout dépend de la
disponibilité des images... Lorsque l'image n'existe pas, il faut
d'abord recueillir les données, commander les images SPOT ou un passage
aérien, il faut compter environ un mois. Dès que les
données existent, la production de modèle numérique de
terrain (MNT) de base (représentation en fil de fer + texture) est
réalisée en quelques heures : la finition, avec prise en compte
des maisons, routes, pylônes..., demande une semaine.
Cette technique devrait être plus répandue. D'une part, ce qui
coûte cher, c'est la confection des bases de données. Les enjeux
sont importants et les Américains, pour contrer le satellite
Hélios
, envisagent un satellite civil à haute
résolution qui permettrait de réduire considérablement le
coût des images en vendant des MNT sur Internet.
D'autre part, pour tous les projets touchant l'environnement, la phase
d'études est la plus importante. La technique ancienne de photomontage
permettait de se rendre compte de l'aspect visuel, mais n'avait aucun
caractère scientifique, et était parfois contre-productive car le
mot de "montage" renvoyait à l'idée de manipulation. La
modélisation est un outil d'aide à la conception, à la
concertation et à la décision.
L'image de synthèse peut aussi être utilisée pour des
opérations d'aménagement ou de grandes opérations
d'urbanisme.
Encadré n°6
" L'IMAGINIÉRIE ROUTIÈRE "
OU L'UTILISATION DE L'IMAGE DE SYNTHÈSE DANS UN PROJET ROUTIER
Pour apprécier l'adéquation d'un projet routier
ou autoroutier, on a eu recours depuis fort longtemps à des maquettes
physiques ou des photomontages ; il est possible aujourd'hui de faire appel
à de l'imagerie de synthèse et à des maquettes virtuelles
interactives.
Les maquettes virtuelles
La maquette virtuelle part d'un
modèle numérique de
terrain
(MNT) que les techniques de visualisation permettent
d "'habiller ", donnant ainsi un rendu fidèle de la
topographie du terrain naturel du paysage. Les éléments du projet
sont pris en compte de façon analogue. Il est alors possible de
visualiser ce que sera le projet réalisé : on dispose ainsi de
"photomontages" sur écran, qui peuvent naturellement être
transférés sur papier et de moyens de restitution "3D" qui
peuvent atteindre la même précision géométrique que
les plans traditionnels. C'est l'art de l'infographiste (choix des textures et
de l'habillage) qui donnera le degré plus ou moins affiné de
réalisme visuel : le dosage idéal doit se situer aux alentours de
80 % de géométrie et de 20 % de sens artistique.
La croissance continue des capacités des calculateurs
spécialisés autorise maintenant l'interactivité de
l'imagerie de synthèse ; les images correspondant à des points de
vue variés peuvent être affichées à l'écran
en temps quasi réel et il est ainsi possible de se "déplacer dans
l'image du projet et du paysage. On aboutit ainsi à une véritable
simulation et, de cette façon, on peut "conduire" sur une
infrastructure
virtuelle, au volant d'une voiture virtuelle que l'on transforme
instantanément en hélicoptère pour passer sous un viaduc
ou sur un tunnel.
Les utilisations
La première utilisation est d'ordre technique. La simulation
permet de valider les options, d'optimiser certains aspects du tracé, de
comparer des aménagements paysagers, d'affiner les implantations de
signalisation ou d'équipements de sécurité,
d'étudier la répartition des flux de circulation aux abords des
gares de péage. . Elle constitue de ce fait un outil
supplémentaire à la disposition du projeteur. Elle peut
également être couplée à des postes de conduite
automobile reproduisant les mouvements et les réactions des
véhicules pour l'apprentissage de la conduite
La seconde utilisation concerne la concertation : la simulation permet de
présenter le projet de manière plus directement
compréhensible qu'un dossier de plans et de profils. La situation est
ainsi à la portée de tous et permet l'utilisation d'un langage
commun. Les différentes options peuvent être exposées et
débattues, depuis les variantes importantes jusqu'aux détails
d'aménagement. Des exemples récents montrent que ce type de
simulation est un outil de concertation très efficace.
Limites
La simulation interactive est encore une technique relativement onéreuse
: un ordre de grandeur de 0,5 à 1 million de francs doit être
envisagé par exemple pour monter et habiller la maquette virtuelle
(modèle de terrain et intégration de variantes de projet
où l'on respecte fidèlement la géométrie) d'une
zone de quelques kilomètres dont le coût de réalisation
serait de l'ordre de la centaine de millions de francs. Ces coûts sont
évidemment susceptibles de baisser compte tenu de l'évolution des
matériels informatiques spécialisés et de la
diversification des bibliothèques de logiciels accessibles, mais
resteront néanmoins relativement élevés, compte tenu de
leur faible durée d'amortissement : on assistera d'ailleurs plus
à une augmentation de la puissance qu'à une baisse spectaculaire
des prix.
Par ailleurs, la puissance de conviction de l'image est telle qu'il faut
éviter d'en profiter pour donner un caractère faussement
attractif à tel ou tel aspect d'un projet. Le risque étant de
susciter l'adhésion du public en annihilant l'esprit critique.
Encadré n°7
L'IMAGE DE SYNTHÈSE AU SERVICE DES GRANDES OPÉRATIONS D'URBANISME : L'EXEMPLE DE L'AMÉNAGEMENT DE LA DÉFENSE
L'aménagement de la Défense est une
opération d'urbanisme exceptionnelle par sa taille (plus de 800
hectares), sa situation géographique (aux portes de Paris), son type
d'aménagement (concentration d'immeubles verticaux, de bureaux ou
d'habitations), ses contraintes (perspectives architecturales dans l'alignement
des grands monuments de Paris, circulation...). Malgré ces
spécificités fortes, qui ne se trouvent réunies dans
aucune autre opération de ce type (l'aménagement de l'Ile Seguin
à Boulogne Billancourt qui sera la dernière grande
opération d'urbanisme de l'Ile-de-France de la fin du siècle, ne
concerne que 40/50 hectares), l'aménagement de la Défense permet
d'apprécier le rôle croissant des images de synthèse en
matière d'urbanisme.
La circulation automobile a été l'un des problèmes
techniques majeurs, dans la mesure où la Défense est aussi un
nœud de communication aux abords de Paris nécessitant des voies de
circulation sur plusieurs niveaux et la juxtaposition de voies rapides et de
voies de distribution. La fluidité du trafic a été
recherchée en 1992 au travers de la construction d'un très grand
échangeur souterrain fonctionnant sur le principe du vortex (processus
de tourbillonnement avec un vide au milieu).
Les outils traditionnels ne permettaient pas de rendre compte des projets
présentés. Les plans étaient vite incompréhensibles
en raison de la superposition de niveaux différents, les maquettes
étaient mal adaptées à des projets souterrains couvrant
une surface étendue. Il a donc été décidé de
travailler à partir d'images de synthèse.
La première étape a consisté à réaliser un
fichier informatique du site. Chaque hectare a été
repéré par 300 points, définis par leurs trois
coordonnées dans l'espace : localisation (x, y), hauteur (z), et mis en
mémoire. Le coût de fabrication d'un fichier varie de 720 F (pour
les sites de petite dimension) à 400 F l'hectare (pour les zones
supérieures à 140 hectares). Pour 850 hectares, le
coût a été de 340.000 F.
La deuxième étape a consisté à étudier un
projet précis. Le fichier fonctionne comme une bibliothèque dans
laquelle il est possible de puiser pour étudier tel ou tel secteur.
L'étude peut porter sur n'importe quelle partie, de n'importe quelle
taille. Le fichier représente le site actuel, qu'il peut être
possible de modifier à l'infini pour tester tel ou tel projet
architectural en 3 D. Ce travail peut être rendu en image fixe
2 D (tirage papier comme un plan) ou peut être exploré sur
commande sur écran. La navigation dans un projet architectural a un
coût de 50.000 F l'heure.
Le fichier informatique et sa traduction, l'image de synthèse, ont
été utilisés à deux reprises : une première
fois en 1992 pour l'aménagement d'un échangeur routier
souterrain, puis en 1994 pour l'aménagement d'immeubles (bureaux et
habitations) le long de l'autoroute A14. Jusqu'à présent, le
fichier a été utilisé à des fins purement
techniques, pour comparer des projets architecturaux, et non à des fins
de communication, la définition de l'image adaptée à un
usage professionnel étant insuffisante pour une présentation
grand public.
B. LES UTILISATIONS COMMERCIALES ET LES LOISIRS
Parmi les utilisations commerciales et de loisirs, deux viennent immédiatement à l'esprit : le cinéma, et d'une façon générale les métiers de l'image, et les jeux. Mais il existe aussi des utilisations plus nouvelles et certainement prometteuses : le sport et la publicité.
1. L'image de synthèse et les métiers de l'image
Les images de synthèse sont avant tout des images, et intéressent par conséquent, en premier lieu, les métiers de l'image. Les ressources mathématiques sont devenues de puissants instruments pour générer des images avec un degré de perfection extraordinaire. La qualité de l'image dépend seulement du nombre de pixels et du nombre de calculs sur chacun. De surcroît, l'image numérique est indéfiniment remodelable. Qualité et possibilités d'animation ont conduit au développement inévitable des images de synthèse au cinéma et dans les autres métiers liés aux images. Cette utilisation porte un nom : les effets spéciaux.
a) Les effets spéciaux
"Repoussant les limites de l'illusion ou les
plaisirs du
visible, à volonté hilarants ou terrifiants, indécelables
ou ravageurs"
16(
*
)
, telles sont les
caractéristiques des effets spéciaux, désormais totalement
intégrés dans la réalisation des films. Le marché
est d'ailleurs exponentiel avec des taux de croissance à trois chiffres
depuis quelques années.
On distingue deux types d'effets spéciaux : les effets visibles et les
effets invisibles.
Les effets visibles
. Les effets visibles sont
appelés ainsi non parce qu'ils sont sommaires ou maladroits - bien
au contraire, ils atteignent une perfection technique ahurissante -, mais
parce qu'ils sont revendiqués expressément comme des effets
spéciaux et qu'ils répondent au talent des créateurs.
Depuis
La lune
de Méliès, les réalisateurs ont
toujours souhaité réaliser ce qu'on appelait encore, il y a
quelques années, des trucages ,qui sont, aujourd'hui,
réalisés par les effets spéciaux.
L'effet spécial visible utilise principalement deux
caractéristiques : la possibilité de création, sans
limite, d'images de synthèse parfaitement mêlées aux images
réelles, et la possibilité d'animer, de déformer les
images, notamment les images de visages (procédé dit du
"morphing"
). Les effets sont toujours spectaculaires.
Le potentiel paraît infini, et n'a pour principale limite que
l'imagination du réalisateur et de l'infographiste. Tout est une
question de calculs, donc de coût. Il paraît inutile de
développer longuement ce point ; il suffit de rappeler que, depuis le
succès de la trilogie
La guerre des étoiles
en 1977, qui a
marqué le lancement des effets spéciaux de grande envergure, le
marché a véritablement explosé, tant pour les films qui se
rattachent à la tradition des films dits - jadis - de "science
fiction" (
Independance Day
) ou des "films catastrophe"
(
Twister
17(
*
)
), que pour les films
où apparaissent des "créatures" venues d'ailleurs...
Cette explosion du marché a fait émerger de véritables
vedettes, moins connues du grand public, mais plus recherchées par les
professionnels et (presque) aussi bien payées que les acteurs
18(
*
)
. Les grandes sociétés
américaines ne pouvant satisfaire la demande, une partie des effets
spéciaux est sous-traitée en Europe, notamment en France,
où la qualité des artistes (concepteurs) infographistes est
reconnue
19(
*
)
.
Les effets invisibles
. Les effets dits invisibles
s'apparentent à la retouche d'images, ne se revendiquent pas comme
effets, doivent être discrets et indécelables, et ont pour but
d'apporter une solution technique à moindre coût, pour
améliorer un plan, une séquence.
Les applications sont extrêmement nombreuses. Ce peut être le
gommage de détails (suppression du filin auquel était suspendu le
héros dans la scène de rêve du
8e jour
), la
multiplication de personnages ou d'animaux (face à face des troupes
anglaises et écossaises dans le film
Brave Heart
, foules dans
Beaumarchais
, nuées de corbeaux dans
Le hussard sur le
toit
), la recolorisation (plans tournés au printemps, prenant,
après traitement, les couleurs de l'automne), le changement ou la
reconstitution complète de décors (château du
Roi des
Aulnes
), la modification des mouvements (mouvement des lèvres des
animaux de la ferme dans
Babe
), l'"habillage" d'un objet en
changeant sa
texture (une sphère peut devenir la terre, une bille, une orange...), la
juxtaposition d'images (deux plans sont tournés à deux moments
différents, puis mêlés :
cf.
Alain Chabat dans
Didier
tourné dans un stade vide, puis le stade est filmé
plein lors d'une rencontre sportive, les deux images sont ensuite
juxtaposées). Le procédé le plus commun est
l'incrustation, dans un plan, d'images réelles ou de
synthèse
20(
*
)
... Les effets possibles
sont certainement infinis.
Les quelques exemples donnés ci-dessus permettent de voir que le
numérique est un remarquable outil de création à la
disposition du réalisateur puisqu'il permet de s'affranchir des
contraintes d'espace et de temps (rencontres de personnages qui ont vécu
à deux époques différentes :
cf
.
Forrest Gump
où l'acteur antihéros
rencontre plusieurs présidents américains successifs, dont
Kennedy, décédé 30 ans auparavant...). L'image peut
s'appliquer dans n'importe quel décor, du gigantisme au minuscule : le
détourage de la fumée d'une allumette tournée sur fond
bleu peut parfaitement être utilisé pour l'explosion d'un missile
ou d'une navette spatiale... C'est cette caractéristique qui permet de
faire abstraction de toutes les contraintes physiques, réelles, qui est
pleinement utilisée dans cette catégorie d'effets spéciaux.
b) Les applications
Trois applications peuvent être distinguées : le
cinéma, le cinéma d'animation, la télévision.
Le cinéma
Même si la description ci-dessus de l'utilisation des images de
synthèse au cinéma a été rapide, les quelques
exemples donnés illustrent la diversité des applications et les
potentialités. Cette utilisation qui paraît aujourd'hui tout
à fait courante et inévitable est même, pour certains,
salutaire :
"devant la concurrence des dernières
générations de jeux et l'impact des parcs de jeux, le
numérique est la dernière chance du cinéma
21(
*
)
"
.
Les applications au cinéma appellent trois observations.
En premier lieu, les effets spéciaux visibles ont
généré leur propre marché, ont attiré un
nouveau public et font aujourd'hui (en partie) le succès d'un film.
Force est de constater que les plus grands succès du cinéma
mondial depuis dix ans sont tous des films à effets spéciaux,
chacun faisant mieux que le précédent : de
Jurassic park
,
avec les animaux préhistoriques, à
Men in black
en 1997
avec les êtres venus d'ailleurs, en passant par
Ghost
et autres
Terminator
... Si ce marché est exponentiel aux États-Unis,
le marché français n'est pas pour autant à la
traîne. Même si les fantômes français sont un peu plus
modestes (
Fantôme avec chauffeur
) certains films à grand
succès ont utilisé les images de synthèse :
Le
cinquième élément
,
Les visiteurs
...
En second lieu, il faut se garder de limiter l'utilisation des images de
synthèse aux seuls films fantastiques. Les exemples cités
ci-dessus montrent que les effets spéciaux invisibles sont aussi
parfaitement adaptés à des films à budget relativement
modeste et même à des films d'auteurs. L'image de synthèse
permet de s'affranchir de contraintes de décor ou liées aux
conditions extérieures. Concernant le coût, il est difficile de
comparer un décor en bois et une maquette virtuelle. La qualité
exigée par le cinéma est telle que la confection d'une maquette
virtuelle est, il est vrai, très coûteuse, mais elle peut servir
une infinité de fois, tandis que le décor en bois ne sert qu'une
seule fois - surtout si, pour les besoins du film, il doit être
brûlé - tandis qu'en images de synthèse, une
explosion, un feu, peuvent être recommencés, ajustés,
autant de fois que le souhaite le réalisateur, avec plus ou moins de
brillance, plus ou moins d'éclat, plus ou moins de projections... Le
coût de réalisation d'une maquette numérique est
supérieur, mais son coût d'utilisation est inférieur car
les utilisations sont infinies. Chaque construction enrichit une sorte de
bibliothèque d'effets spéciaux dans laquelle les
réalisateurs puisent à leur gré. Tandis que la maquette
traditionnelle ne sert qu'une fois, la maquette virtuelle, elle, peut servir
à l'infini.
Enfin, la fascination pour l'image de synthèse au cinéma doit
avoir ses limites. Les producteurs, les créateurs, les
réalisateurs croient certainement que tout est possible, car tout est
possible. Mais l'important reste l'accueil par le public. Si les images de
synthèse ne garantissent pas, à elles seules, le succès
d'un film, elles y participent tout de même souvent. C'est même,
parfois, l'une des motivations majeures d'un réalisateur, comme ce fut
le cas de Jan Kounen réalisateur de
Dobermann
.
"Il n'y a pas
si longtemps, dans une lointaine province française, je rêvais de
faire un film où les trucages n'étais
(sic)
pas pourris.
Je vivais dans un pays au passé glorieux devenu le tiers monde du
trucage cinéma. Mais dieu Numérik traversa l'histoire du
cinéma. Grâce à lui j'ai pu, pour mon premier film, faire
les trucages dont je rêvais."
22(
*
)
C'est ainsi que, malgré une critique détestable, le film
Dobermann
réalisa un score tout à fait honorable avec
700.000 entrées. "Dieu Numérik", puisque c'est ainsi que le
réalisateur l'appelle, n'est pas étranger à ce
succès.
Le cinéma d'animation
Alors qu'
a priori
, le cinéma d'animation, qui repose sur la
décomposition du mouvement enregistré image par image, devait
être le terrain d'application privilégié des images de
synthèse, le succès est variable : l'image de
synthèse n'a supplanté ni le dessin animé, ni la maquette
animée. L'expérience de Walt Disney est sur ce point très
intéressante.
Après les succès planétaires de ses dessins animés
depuis plus de cinquante ans
23(
*
)
, Walt Disney
s'est tout naturellement tourné vers la technique des images
informatiques à partir des années 1980, jusqu'à la
réalisation en 1995 de
Toy Story
, premier film long
métrage entièrement composé en images de
synthèse
24(
*
)
, qui a
bénéficié des conditions de lancement d'un autre film de
la compagnie. Or, le succès du film, quoique réel, n'a pas
été à la hauteur des films précédents,
notamment en Europe et, plus particulièrement, en France. Walt Disney
explique ce succès relatif à la fois par une erreur de marketing
et par les limites techniques des images de synthèse. En effet,
contrairement au public américain très friand de
nouveautés et de prouesses technologiques, le public français n'a
pas été sensible à l'argument technique (le premier film
réalisé en images de synthèse), de surcroît
perçu comme une nouvelle tentative de colonisation culturelle
américaine... Par ailleurs, l'image informatique ne peut aisément
être utilisée pour faire passer une émotion, clef de la
réussite d'un dessin animé, car l'émotion se
décrit, se dessine, se dépeint, se photographie même, mais
ne se modélise pas !...
Le film suivant,
Le bossu de Notre-Dame
, est revenu aux sources du
dessin animé. Les images de synthèse ne sont pas absentes mais,
au lieu d'être centrales dans la conception du film, n'ont
constitué qu'un moyen d'assistance pour certaines scènes :
10 % a été réalisé en images de
synthèse (les mouvements de foule, qui auraient nécessité
des dizaines d'heures de dessins ont été réalisés
en images de synthèse). Le film a retrouvé les performances
habituelles : il a fait 6,8 millions d'entrées, soit plus du double de
Toy Story
(2,7 millions d'entrées)
25(
*
)
.
La photographie
La photographie subit, elle aussi, la mutation informatique. La technique de
numérisation transforme une image en données chiffrées,
stockables dans la mémoire d'un ordinateur et communicables d'autant
plus facilement qu'elles ne nécessitent plus de support physique : le
grain de la pellicule est remplacé par le pixel sur l'écran.
Cette transformation entraîne une mutation du métier, mais offre
aussi une possibilité de création exceptionnelle, puisque tout
est permis : les juxtapositions les plus incongrues, les retouches de
formes et de couleurs, les reflets, la brillance. Si la photographie de
reportage reste encore - mais pour combien de temps - traditionnelle,
la photographie de création est bouleversée. L'image atteint une
qualité esthétique et de création inégalée.
Cet art nouveau est naturellement utilisé en publicité (affiches,
pochettes de disques...).
La télévision
Les utilisations des images de synthèse à la
télévision sont multiples. Il n'y a guère de
publicité, il n'y a pas de générique, qui n'y ait recours.
L'image de synthèse permet une créativité incomparable. Le
prochain générique de l'émission
Thalassa
réalisé par l'Institut national de l'Audiovisuel (INA) offre un
superbe exemple d'application. Outre la mutation des objets
- traditionnelle dans le générique de
l'émission - la modélisation des bancs de poissons virtuels
qui apparaissent après plusieurs transformations, a été
construite à la fois en partant de comportements observés et d'un
comportement aléatoire mais mathématique : chaque poisson a une
position, une vitesse, une direction de déplacement telles qu'il doit se
rapprocher le plus possible de son voisin, mais qu'il ne peut le heurter et
doit s'en éloigner aussitôt qu'il le frôle
26(
*
)
...
Le potentiel le plus important réside certainement dans les
possibilités de mélange réel/virtuel et dans la
substitution d'images en direct. Cette caractéristique est
utilisée depuis très longtemps, mais pour des applications
relativement mineures (émissions météo où le
présentateur est filmé sur fond bleu et où la carte
météo est ajoutée sur l'écran). Les applications
pourraient concerner la publicité (voir ci-après les applications
commerciales) et les studios : les studios virtuels, réalisés en
images de synthèse, et dans lesquels évolue le
présentateur filmé sur fond bleu. Les premiers studios virtuels
ont été utilisés lors de la retransmission des Jeux
olympiques d'Atlanta.
2. Les jeux
Le jeu n'est pas seulement une application des images de synthèse. Il y a plutôt, selon l'expression d'aujourd'hui, une interaction entre les deux, de telle sorte qu'on ne sait plus vraiment lequel des deux a entraîné l'autre. Ce phénomène se vérifie aussi bien sur le plan technique qu'économique.
a) Éléments techniques
Le jeu vidéo est d'abord une application directe des
images de synthèse, le résultat d'un mariage entre l'ordinateur
et le jouet, où des images calculées par ordinateur apparaissent
sur un écran et sont, en partie, commandées par le joueur.
L'écran peut être celui d'un P.C., ordinateur grand public, ou
d'une console de jeux, unifonctionnelle. La console de jeux est un ordinateur
qui n'avait, jusqu'en 1996,
27(
*
)
qu'un seul type
d'utilisation (le jeu), mais cette limite est compensée par une grande
capacité et rapidité de calculs qui permet par exemple d'avoir
30, voire 60 images par seconde au lieu de 15 sur un ordinateur grand public.
Ce marché se développe très rapidement depuis le
début des années 1980, avec l'arrivée, tous les deux ou
trois ans, de nouvelles générations de matériels qui
supplantent les précédentes. Il y a donc eu les consoles 8 bits,
16 bits, 32 bits et, depuis 1996, 64 bits qui permettent de
développer des jeux en 3 D. Les grandes étapes sont les
suivantes :
1973 |
Première console de jeux lancée par Amstrad |
1983 |
Première console de jeux Nintendo et son jeu vedette Super Mario |
1989 |
Console de jeu Megadrive de Sega et développement des consoles de jeux portables |
1995 |
Console de jeux Play Station de Sony en 32 bits |
1996 |
Console de jeux Nintendo 64 en 64 bits de Nintendo qui permet des jeux en 3 D |
Le jeu est aussi un moteur de l'amélioration des images
de synthèse. Comme on le verra, le marché des jeux est
énorme, oligopolistique et extrêmement concurrentiel. D'ordinaire,
l'image de synthèse doit arbitrer entre deux contraintes exigeantes : la
qualité de la représentation de l'image et la rapidité de
réponse de l'image à la demande. L'une et l'autre reposent sur
des calculs, mais plus l'image est simple et plus les calculs pour
réagir à une commande sont faciles, et inversement. Il y a en
permanence, un arbitrage entre l'esthétisme et le dynamisme, entre
l'image et les délais. En réalité, tout dépend de
l'utilisation des images de synthèse. Pour un logiciel à vocation
artistique ou culturelle, la qualité de l'image prévaut. Pour un
logiciel de formation de pilotage, la rapidité de repasse prime ;
peu importe que le terrain visualisé soit relativement uniforme, que le
relief ou les habitations soit grossièrement représentés,
car l'important en l'espèce est le travail de l'homme sur la machine.
Or, le public des jeux, même très jeune, est un public exigeant,
qui veut à la fois la qualité de la représentation et la
rapidité d'exécution. Les progrès ont été
considérables dans ces deux domaines.
Ainsi, les différences techniques entre jeux vidéo et
réalité virtuelle s'estompent-elles. Pour des raisons
commerciales, les jeux sont souvent présentés comme des "jeux
virtuels" alors qu'en réalité les jeux ne mettent le plus souvent
en œuvre que des techniques d'animation. En réalité
virtuelle, les images sont redessinées et, par conséquent,
recalculées plusieurs fois par seconde selon la position de
l'acteur-spectateur et la commande. Le jeu ne repose pas sur un calcul car les
graphiques sont prédessinés, précalculés et
stockés dans l'ordinateur ; les images réapparaissent en fonction
de l'ordre du joueur.
En réalité virtuelle
, le
spectateur-acteur actionne une image. L'ordinateur
recalcule
l'image en
fonction de sa commande.
En jeu vidéo
, le joueur actionne une
poignée de commande (
joystick
) sur une manette de jeu et
l'ordinateur fait apparaître une image
précalculée
,
en fonction de la position de son
joystick
. Il n'en demeure pas moins
que les progrès sont tels que les deux techniques tendent à se
rapprocher et qu'un jour viendra certainement où elles fusionneront
totalement.
Deux réalisations méritent d'être notées sur ce
point. Le premier axe de recherche est dans l'amélioration des images,
notamment au travers des images 3 D. Le deuxième axe concerne
l'interactivité
28(
*
)
.
On distingue d'ordinaire trois types de jeux : les jeux d'adresse, les jeux de
combat ou de tir dits
"shoot them up"
, les jeux de stratégie
dans
lesquels il y a une plus grande part de réflexion. Les progrès
concernant les techniques de jeux ont été spectaculaires. Moins
de vingt ans séparent
"Pong"
, un jeu d'Atari où un point
lumineux sensé représenter une balle devait être
arrêté par une ligne sensée représenter une
raquette
29(
*
)
, et
Doom
, un des premiers
jeux 3 D, autant connu pour son interactivité (l'homme commandant
l'image avec une
quasi
liberté de navigation) que pour le
réalisme des images (sang giclant des corps des "tués"). Un
nouveau cap a été franchi en 1997, avec l'introduction de jeux
3 D totalement interactifs et à commandes multiples, qui permettent
des parties à quatre joueurs sur un même écran
30(
*
)
.
Ainsi, il existe une indéniable filiation entre le jeu et la
réalité virtuelle, le succès de la seconde reposant en
partie sur l'efficacité du premier.
Au delà de la fascination qu'elle exerce, la réalité
virtuelle présente incontestablement un côté ludique
extrêmement prenant. On ne peut nier que cet aspect est à
l'origine du succès de la réalité virtuelle, notamment en
matière de formation (voir ci-après). Les différences sont
parfois minces entre un logiciel de jeu et un logiciel d'entraînement au
pilotage ou aux manœuvres militaires (voir
supra
). D'ailleurs,
il
est un fait que les militaires, notamment les pilotes, sont de gros
consommateurs de jeux vidéos et que les fabricants de jeux vidéo
utilisent les compétences de personnels, voire même d'anciens
militaires, qui ont créé auparavant des programmes de formation
au pilotage.
Cette filiation ne va cependant pas sans heurt ni danger. Nous l'avons dit :
elle explique une partie des réticences des industriels à
l'égard de la réalité virtuelle parfois
considérée comme un gadget. Cette "paranoïa du jeu" serait
même l'une des causes profondes de la lenteur du développement de
la réalité virtuelle auprès des industriels.
b) Le marché
Le marché des jeux, et d'une façon
générale des logiciels de loisirs, est considérable,
estimé à 100 milliards de francs (matériels et
logiciels)
31(
*
)
.
Le jeu vidéo est un vecteur très important de
diffusion des
équipements
, notamment du multimédia, dans les foyers. De
même que dans les années 1970 le marché des
magnétoscopes s'est développé, notamment grâce aux
possibilités de visionner des films classés X, la diffusion de
l'ordinateur et du multimédia dans les foyers trouvera l'un de ses
moteurs dans les jeux comme en témoigne cette enquête
réalisée par le Syndicat des éditeurs de logiciels de
loisirs (SELL).
L'ORDINATEUR ET LE JEU |
Pourquoi acheter un
ordinateur
à la maison ?
|
A quoi sert-il
vraiment
?
|
Sources : SELL, 1997
3. Le sport
Sport et images sont, depuis toujours, dans une relation
complexe de complémentarité-substituabilité. Le sport est
un sujet d'images inépuisable et fascinant. L'image a permis de donner
aux téléspectateurs des sensations, des émotions
comparables à celles que pouvaient ressentir les spectateurs sur le
terrain. L'image est aussi un substitut du sport, moins pour le pratiquant ou
l'ancien pratiquant que pour l'amateur qui aurait peut-être aimé
le devenir, mais qui, tout compte fait, se satisfait de passer son
survêtement... pour regarder le match à la télé...
L'image de synthèse révolutionne cette relation, tant dans la
présentation des sports, que dans la pratique sportive.
a) L'utilisation des images de synthèse dans la présentation des sports
Cette première utilisation est liée à la
télévision. Le sport est un spectacle : un spectacle
adapté pour et par la télévision. On sait d'ores et
déjà que la télévision influence directement les
règles sportives pour alléger les épreuves (phases de
match du football américain,
tie break
du tennis) pour donner
plus de suspense aux jeux (paniers à trois points du basket, proposition
pour élargir les buts du football...). Or, la demande du public
évolue. Le public des retransmissions sportives est de plus en plus
féminin et de plus en plus friand d'explications. Les commentaires sont
moins descriptifs, exaltés et plus explicatifs. La rediffusion, le
ralenti, permettent de suivre les phases de jeu, les gestes clef...
L'image de synthèse est parfaitement adaptée à cette
demande. Elle permet de reconstruire un jeu, de présenter le point de
vue de chaque joueur, comprendre la phase tactique du jeu... L'image de
synthèse est un moyen d'assurer parfaitement une pédagogie du
sport. Les premières utilisations ont débuté au milieu des
années 1990. L'image de synthèse est utilisée, notamment
dans le football américain. Les phases de jeu sont extrêmement
rapides. l'image de synthèse permet de reconstruire les tactiques, les
déplacements des joueurs. L'image de synthèse a également
été utilisée en 1996 pour la retransmission de la
Coupe
América
de voiliers. Chaque bateau -réel- était
équipé de capteurs qui permettaient de suivre les
évolutions en temps réel et avait son image -de synthèse-
sur l'écran. Le réalisateur pouvait choisir les plans d'images de
synthèse qu'il voulait, à partir de n'importe quel bateau.
Ces techniques préfigurent la télévision sportive du futur.
b) L'utilisation de l'image de synthèse dans la pratique sportive
L'évolution décrite ci-dessus est une simple
étape dans la forme de présentation des images sportives, mais
n'est rien comparée à celle qui concerne les pratiques sportives.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l'utilisation des images de
synthèse dans le sport sera probablement un complément
indispensable de l'apprentissage, voire même un substitut de la pratique
sportive, au point que certains affirment que les
"leaders du marché
du sport ne seront plus Nike, Reebock et Addidas, mais Sony, Microsoft et
Nintendo"
.
Cette idée part du constat que la pratique sportive a
considérablement évolué en une génération et
s'articule aujourd'hui autour de trois demandes principales :
le "papillonnement" ou
zapping
, plus que la
spécialisation
dans un sport,
les sensations, plus que les performances,
la proximité.
Le
cybersport
, qui repose sur le couplage des gestes sportifs et des
images de synthèse, semble répondre parfaitement à ces
trois objectifs.
L'
image de synthèse, moyen d'apprentissage sportif.
Les sportifs d'aujourd'hui changent volontiers de sport au cours de leur vie
(football tennis ; tennis golf). A chaque changement se produit un
décalage : le sportif abandonne un niveau acquis avec
difficulté et beaucoup de temps, et découvre un nouveau sport
dans lequel il n'est qu'un débutant maladroit. En changeant de sport, le
sportif change de statut.
L'utilisation des images de synthèse dans le sport, alors appelé
"
cybersport
", permet d'accéder à un niveau d'expertise
suffisant en un minimum de temps. Elle permet l'économie de la phase
d'apprentissage sur le terrain.
Le principe, simple, est basé sur les capteurs de mouvements et de
position. Une évolution a d'ores et déjà été
amorcée, avec l'apparition d'outils dits "intelligents" ou interactifs
qui donnent au joueur, en direct, les éléments techniques sur sa
position (capteurs de position dans une combinaison) et sur le jeu du joueur
(position de raquette, inclinaison, lieu et vitesse de frappe de la balle...)
qui permettent à ce dernier de corriger sa position. Le virtuel apporte
une dimension supplémentaire avec l'utilisation de l'image. Les capteurs
permettent de reconstituer avec précision l'évolution d'une balle
: l'image qui apparaît sur l'écran correspond exactement à
celle que verrait un joueur qui se trouverait à l'emplacement de la
balle.
La
sensation
. La "génération glisse" pratique
des sports, où la recherche de sensations prime la quête de
performances. Les sports de glisse (surf, planche à voile, surf des
neige,
snowboard
) ont en commun la vitesse et le saut, le
décollage et le vent qui frappe le visage. Les courses ou
épreuves sont encore rares, mais il est tout à fait significatif
qu'une des courses de planches à voile se déroule ... à
Paris, au Centre omnisports de Paris Bercy avec, selon les participants, des
résultats étonnants. Là encore, la réalité
virtuelle paraît parfaitement adaptée, car elle est
précisément fondée sur des sensations et ne produit que
des sensations. Avec l'image défilant sur un écran, un outillage
adapté, une soufflerie puissante, la "génération glisse"
n'aura aucune difficulté à se projeter dans le
"
cyberglisse
" :
"Pour virtuels qu'ils seront, les
vertiges ou les
mouvements n'en porteront pas moins sur un registre de sensations parfaitement
capable de répondre à certaines aspirations inassouvies des
glisseurs de demain"
(cf. Le survol virtuel de New York en delta
plane).
La
proximité
. Le sportif d'aujourd'hui est un
urbain. La réalité virtuelle qui ne nécessite qu'un espace
limite et clos, permet de rendre accessibles un certain nombre de sports en
milieu urbain, de pratiquer un sport sans même avoir à se
déplacer...
Ces techniques sont encore au stade des prototypes, plus ou moins convaincants
(delta plane, avec survol virtuel de New York, ski virtuel, surf virtuel...)
mais les progrès vont très vite et les expériences ne
sauraient être considérées comme des gadgets. Tout pousse
au développement des
cybersports
. Le corps n'est pas inactif,
mais au lieu de se déplacer dans la distance, il se déplace dans
l'image. Mais, surtout,
"l'activité sportive virtuelle n'est pas une
illusion car les sensations produites sont parfaitement authentiques"
.
Ce mouvement d'innovation sportive s'inscrit dans l'histoire de la
société industrielle. La France, qui est l'un des premiers, sinon
le premier, pays du monde des sports "de glisse" pourrait utiliser
cet atout
pour le rester, même si la "glisse" n'était plus que virtuelle ...
Certains sports se prêtent plus facilement que d'autres à
l'utilisation des images de synthèse. Dans beaucoup de sports, les
simulations demandent le concours d'une machinerie (avec vérins
hydrauliques...) destinée à mieux restituer les sensations
(accélération, descente...). D'autres sports, plus simples, ou
axés sur le seul geste sportif, se prêtent parfaitement à
la simulation. Tel pourrait être le cas du golf, premier sport où
la technique de réalité virtuelle soit allée probablement
à son terme.
Encadré n° 8
LE GOLF VIRTUEL
La société française VISIOTICS a mis au
point un simulateur de golf qui reproduit dan un espace restreint les
conditions d'une véritable partie de golf.
Le simulateur
. Le joueur, totalement libre de ses mouvements, se
trouve dans une situation identique à celle d'un joueur en
extérieur, sur un terrain ou sur un
practice
. La simulation porte
sur le parcours, reconstitué en images de synthèse sur un
écran. Le joueur frappe la balle en direction d'un écran. Avant
qu'elle atteigne celui-ci, la balle passe sous deux portiques munis de capteurs
optiques qui analysent la vitesse, la direction, les rotations de la balle. Ces
données sont analysées en 8 millisecondes par un ordinateur.
Lorsque la balle frappe l'écran, le relais est pris par une balle
virtuelle qui apparaît sur l'écran et qui reproduit la trajectoire
de la vraie balle, avec un parcours aérien, un rebond et un roulement en
fonction du terrain. Le joueur reprend sa balle et continue son jeu jusqu'au
put
final.
Le réalisme est assuré par la qualité de l'image,
désormais comparable à celle d'une diapositive, avec reproduction
des parcours, des différentes essences d'arbres, des conditions
atmosphériques (vent...) et par l'adjonction du son (bruit de la balle
qui tombe dans le trou...). La partie peut être jouée dans une
pièce de 20/25 m
2
.
Le marché
. Il existe 100 millions de golfeurs dans le
monde dont 60 millions sont affiliés à une
fédération. Le marché visé est celui où les
joueurs sont nombreux et où la pratique du golf est rendue difficile par
les coûts d'accès, la rareté des terrains ou les conditions
climatiques. Jusqu'à présent, le fossé a été
en partie comblé par la multiplication de
practices
de golf en
ville, dans lesquels les joueurs frappent les balles arrêtées par
des filets. Le joueur retrouve alors le plaisir du geste, mais sans le plaisir
du jeu. Le
practice indoor
permet les deux, puisque le joueur est
totalement libre de ses gestes et suit les mouvements de sa balle.
Le
practice
sur simulateur est destiné à compléter
l'offre de parcours actuels, ce qui représente un marché
potentiel théorique voisin de 10 milliards de francs (sur la base de 60
millions de joueurs, une heure par an, à 150 F de l'heure). Selon le
président de la société, le marché du golf
indoor
se situe principalement en Asie, notamment au Japon, où il
existe 22 millions de joueurs (à comparer aux 200.000 joueurs en France)
et en Amérique du Nord, et pourrait se développer en deux temps.
Le premier marché est celui des clubs professionnels,
équipés aujourd'hui des
practices
extérieurs. La
société vise, en année pleine, la vente de 800 à
1000 simulateurs au prix unitaire de 450/500.000 F. Dans un
deuxième temps, le golf
indoor
pourrait être proposé
aux particuliers à un prix de l'ordre de 150.000 F et constituerait un
marché comparable à celui des piscines privées.
Le produit est commercialisé depuis 1997. La société
VISIOTICS, qui compte seulement une vingtaine de personnes, est située
en Ille-et-Vilaine, a investi 20 millions de francs dans ce projet. Le
savoir-faire, qui s'est traduit par la réalisation d'un logiciel, est en
France. Les capteurs sont sous-traités en France. L'outil informatique
est américain. L'écran de projection est japonais.
4. La publicité
En sus de l'utilisation courante des images de synthèse dans les films publicitaires (voir ci-dessus, les images de synthèse et les métiers de l'image), deux nouveaux marchés peuvent être évoqués. Le premier, encore peu porteur, utilise les images de synthèse comme support de vente et de marketing. Le second, émergeant, et certainement à gros potentiel, est la publicité virtuelle, avec substitution d'images en direct.
a) La vente et le marketing
L'image de synthèse peut être utilisée
à des fins promotionnelles pour afficher une position de leader
technologique (
cf
. réalisation d'un Airbus virtuel par la
société Virtools), appuyer une campagne de communication
(campagne publicitaire des "
Citadines
",
réalisée par Renault, mêlant véhicules réels
et véhicules du futur réalisés en images de
synthèse), tenter de se démarquer de ses concurrents par une
réalisation technologiquement avancée (test de conduite virtuelle
à l'occasion d'un salon de l'automobile...), ou comme outil de vente.
L'image de synthèse peut alors remplacer les catalogues de vente
traditionnels, et les dessins d'artistes réalisés à partir
des demandes des clients.
En dépit de publicités alléchantes sur l'utilisation du
"virtuel" qui, constituerait, à lui seul un argument publicitaire, il
règne une certaine confusion entre les différents stades de
réalisation technique. Le plus simple est la confection d'une image
statique en image de synthèse. Il est tout à fait possible,
techniquement, à partir d'une photographie de maison individuelle,
d'ajouter une véranda virtuelle à une façade, une piscine
virtuelle au centre d'un jardin... Il s'agit alors d'une utilisation des images
de synthèse en image fixe. Même si la technique est relativement
sommaire, le résultat est cependant remarquable.
Le deuxième stade est l'utilisation des images de synthèse en
image animée, avec navigation dans l'image. Les demandes
particulières concernent par exemple la décoration d'une maison,
l'aménagement intérieur d'un centre d'affaires. Suivant l'exemple
d'Airbus déjà cité, la société Dassault a
ainsi une maquette virtuelle de l'intérieur d'un Falcon 2000,
"habillée" à volonté en fonction des options
sélectionnées par l'éventuel acquéreur. Celui-ci,
muni d'un casque, peut alors se déplacer à l'intérieur de
l'avion et voir les aménagements souhaitables.
Le stade ultime est celui de la réalité virtuelle, qui comporte
l'immersion, la navigation (comme dans le cas précédent) mais
aussi l'interaction. L'acteur spectateur intervient dans l'image, exactement
comme s'il utilisait le meuble qu'il voit sur l'écran. Très
coûteuse, cette technique -qui est la seule à être, à
proprement parler, de réalité virtuelle-, est très
rarement utilisée. L'exemple le plus connu est celui de cuisines
virtuelles. La maquette est réalisée en images de synthèse
avec les éléments et les appareils électroménagers
sélectionnés par le client ; ce dernier peut se servir de chacun,
en ouvrant -sur l'écran- les portes et les tiroirs, et ainsi se rendre
compte de la commodité de l'installation.
Dans ce premier type d'utilisation, l'image de synthèse est donc une
aide à la disposition de l'utilisateur pour visualiser
différentes options, et par conséquent une aide apportée
au vendeur dans la négociation commerciale. Ces applications sont encore
rares et n'ont pas connu la progression escomptée, et ce que quelques
uns appellent en anglais " l
'edu-tainment
"
-contraction de
education
et
entertainment (
jeu)- est parfois
considéré comme un gadget.
b) La publicité virtuelle
Il s'agit là d'une tout autre
application des images de synthèse, souvent absente des études
anglo-saxonnes sur le sujet.
Présentation générale
Le numérique et la diffusion par satellite constituent une
véritable rupture dans le monde des médias avec une
internationalisation du flux des images et une croissance sans
précédent du nombre d'images. Cette disponibilité, cette
offre d'images, va modifier le comportement du téléspectateur qui
sera de moins en moins passif devant son écran, de moins en moins
fidèle à une chaîne ou à une émission
(
zapping
).
Ce comportement du téléspectateur concerne directement la
publicité. On sait aujourd'hui que le téléspectateur
zappe
la publicité sur les chaînes gratuites, ne veut pas
de publicité sur les chaînes payantes. L'"écran
publicitaire", et notamment le spot 30 secondes, forme reine de la
publicité des années 1980, a vécu. Il est donc
indispensable de réfléchir désormais à de nouvelles
formes de publicité.
Le
sponsoring
sportif est l'une de ces évolutions puisque la
publicité sur le joueur ou sur les lieux de la compétition est
incorporée à l'événement, intégrée
à l'image et, par conséquent,
inzappable
. D'autres pistes
sont possibles : telle que la multiplications des coupures publicitaires au
sein des émissions (aux États-Unis, les films sont coupés
jusqu'à 10 fois) ou la publicité dite interactive, imposée
à celui qui cherche un renseignement ou un service sur un réseau
(Minitel, Internet, ...), mais aucune n'a encore l'audience de la
publicité sportive : l'audience d'un match de football de Coupe d'Europe
est de 8 à 15 millions de personnes.
De là est née l'idée d'une publicité ciblée
par public et par pays.
SYMAH Vision, filiale du groupe Lagardère (Matra), a
développé le système
EPSIS
qui est un logiciel de
traitement d'images en direct destiné à la publicité et,
plus particulièrement, au parrainage sportif, qui permet de substituer
en direct une image de synthèse à une image réelle. Trois
pays travaillent actuellement sur des procédés comparables : la
France, les États-Unis et Israël. Aux États-Unis, la
pratique est aujourd'hui courante.
Encadré n° 9
LA PUBLICITÉ OU LE PARRAINAGE VIRTUEL (*)
La technique de substitution d'images en
direct
EPSIS est un logiciel de substitution d'images fixes (type panneau
publicitaire) en direct. Cette substitution suit deux étapes bien
distinctes.
Première étape. Le traitement de l'image
. Il y a
d'abord une phase de "repérage" : il faut filmer en vidéo le
terrain d'"origine", traduire la vidéo en numérique, identifier
de façon très précise les lieux et les objets (panneaux
publicitaires), dont l'image devra être modifiée. Ensuite, il faut
"prendre le contrôle" de ces objets : l'ordinateur doit les
repérer dans un flux d'images continu à partir d'un certain
nombre de points caractéristiques, les suivre (ou "traquer"), analyser
leur mouvement dans le champ de l'image. La difficulté suivante est de
parvenir à "traiter les obstacles" entre le panneau et la caméra,
à faire abstraction des autres images qui peuvent brouiller ou masquer
l'image à changer. Il est relativement facile de modifier une image
isolée dans un plan (exemple : banderoles en hauteur à
l'arrivée d'un tour cycliste), il est beaucoup plus difficile de
modifier cette image masquée en partie par des mouvements d'objets
(voiture passant devant un panneau au bord d'un circuit, ...) ou de
personnes (joueur de tennis mobile devant une publicité de fond de
court, ...). Enfin, il faut remplacer l'image du panneau réel, sur
le site de l'événement, par une image de synthèse, par
hypothèse différente de l'image réelle et adaptée
à différents pays (voir ci-après).
La technique est extrêmement lourde : sur chaque image, il faut
identifier l'objet, le capter et le suivre sur l'image suivante. Chaque image
représente 600 x 400 pixels, soit 240.000 points, il y a 25 images par
seconde, soit 6 millions de pixels à traiter par seconde. Cette
opération est réalisée par 512 processeurs travaillant en
parallèle. La puissance totale est de 40 giga flop, soit une puissance
comparable à celui du
Cray
, l'ordinateur de calcul du C.E.A. La
réalisation du procédé a demandé 3 ans de recherche
(1990/1993), 2 ans d'industrialisation (1993/1995) et 100 millions de francs
d'investissements.
Deuxième étape. La diffusion
. Le
procédé s'intercale entre la prise de vue, sous la
responsabilité unique du réalisateur local, et la diffusion par
satellite. L'organisateur de l'événement reste le maître
d'œuvre de l'organisation et du partage du marché publicitaire. Il
faut prévenir les annonceurs "terrain" qu'il y aura une publicité
virtuelle en plus à l'image. Il n'y a aucun obstacle juridique à
la mise en place de publicités virtuelles. Il suffit d'ajouter des
clauses aux contrats.
Perspectives commerciales
Le procédé offre un potentiel commercial considérable.
Deux utilisations sont possibles : on peut soit substituer une publicité
à une autre, en changeant la marque en fonction du public visé
(
Darty
en France,
Mars
en Grande-Bretagne,
Volkswagen
en
Allemagne, publicité en arabe , en japonais, ...), soit ajouter une
publicité ou un parrainage virtuel qui n'existait pas sur le site. Cette
forme est la plus prometteuse. Il est ainsi parfaitement possible
d'insérer des publicités virtuelles sur les surfaces des terrains
de football (le nom de la marque apparaît sur le terrain comme si le
gazon avait été tondu plus ras ou dans un autre sens.
Le procédé est une application commerciale nouvelle d'images de
synthèse, parfaitement adaptée aux changements de comportements
des téléspectateurs puisque la publicité est
intégrée dans l'image de l'événement, donc
inzappable
et adaptée au public visé.
Après 5 ans de travaux (1990/1995), le procédé
EPSIS
a été utilisé à quatre reprises en
1996. Dans trois cas sur quatre, il s'agissait de substituer des panneaux
publicitaires pendant une course automobile (tour d'Espagne, course
Mercedez/BMW en Allemagne, course du Castelet en France). Pour la
première utilisation en 1994, la publicité pour la bière
espagnole "
Águila
", visible sur le site et sur les écrans
espagnols, a été transformée en publicité pour la
bière "
Amstel
" sur les écrans T.V. des pays d'Europe du
Nord. Une autre utilisation a porté sur un tournoi de tennis.
Contrairement aux cas précédents, la publicité
modifiée en fond de court était en partie masquée par
l'image mobile du joueur. Cette opération, réalisée en
1996, a constitué une première mondiale. Elle a été
reconduite en 1997 avec, également pour la première fois au
monde, deux substitutions simultanées (publicité "Gaz de France"
sur le court en France, EMB -filiale de Gaz de France- sur les écrans en
Allemagne et "Gaz Metropolitan" au Canada).
Le procédé peut modifier la publicité sur les sites
eux-mêmes. En effet, si ces procédés se
développaient, on peut imaginer soit que les publicités sur le
site soient des publicités purement locales (pour un grand magasin, une
chaîne de meubles, ...), soit même que les stades redeviennent
vierges de toute publicité (conformément à l'idéal
olympique et la charte de Coubertin), puisque des publicités
commerciales virtuelles apparaîtraient à l'image sur
l'écran au moment de leur diffusion télé.
(*) La qualification de "publicité" ou de "parrainage"
est
débattue. Voir, sur ce point, le chapitre III C, p. ...
Les annonceurs reconnaissent tout l'intérêt de la technique qui
permet un ciblage plus fin, par pays et par zone, mais il y a encore des
réticences. Le marché du
sponsoring
sportif
représente néanmoins 15 milliards de francs en Europe. La
technique de substitution d'images va même pousser le marché
publicitaire en multipliant les annonceurs sur un même
événement. Le chiffre d'affaires réalisé en 1997
est de l'ordre de 10 millions de francs, dont la
quasi
totalité
à l'exportation. SYMAH Vision pense récupérer ses
investissements en 3 ou 4 ans.
C. LES UTILISATIONS SCIENTIFIQUES ET MILITAIRES DES IMAGES VIRTUELLES
1. Présentation générale : les images de synthèse et la recherche
" L'image calculée et interactive est un champ
de découverte qu'aucun autre moyen de communication ne peut
égaler. Celui qui nierait l'intérêt de cet outil devrait
tout autant refuser à l'astronome l'usage de ses yeux pour contempler
les cieux.
32(
*
)
"
Ainsi, dans le
domaine scientifique, l'image de synthèse joue, en quelque sorte, un
rôle "d'accélérateur de connaissances". De même que
l'accélérateur de particules permet d'effectuer en une fraction
de seconde des millions de mesures, l'image est un instrument fabuleux de
découverte et d'expérimentation.
Tout d'abord, l'image libère des contraintes du temps et de l'espace.
Elle permet de visualiser l'infiniment petit comme l'infiniment grand, quelle
que soit la durée du phénomène, de la nanoseconde
jusqu'aux milliards d'années... La circulation des quarks comme la
collision des galaxies peuvent être vues à l'image. Cette
visualisation est capitale, non seulement pour expliquer, mais aussi pour faire
apparaître les failles des modèles existants et tenter d'y
remédier. Les applications sont infinies. Les images de synthèse,
en permettant de visualiser, ouvrent de nouveaux champs de simulation. Pas un
mois ne passe sans qu'apparaissent de nouvelles applications : la simulation de
tremblements de terre, la simulation des climats il y a 30 millions
d'années et l'influence de mers disparues, l'origine des moussons, la
simulation des effets de réchauffement de la planète.... Analyse,
modélisation et image sont désormais indissociables.
Ensuite, l'image est un outil de découverte. L'image permet de
visualiser le concret comme l'abstrait (un champ magnétique par exemple)
et fait surgir des formes imprécises qui, bien que "présentes"
dans une équation, ne pouvaient être appréhendées.
Enfin, l'image entraîne la science. Par exemple, la
géométrie fractale
33(
*
)
,
conçue par le Français Benoît Mandelbrot,
" n'a pu
prendre son envol que le jour où les outils informatiques furent
suffisamment puissants pour lui permettre de sortir de sa somnolence
stérile. "
34(
*
)
La
géométrie fractale permet de modéliser de nombreux
phénomènes naturels tels que le relief, les nuages, les plantes...
Les champs d'étude sont infinis, tant en recherche fondamentale qu'en
recherche appliquée
. L'image de synthèse est notamment
parfaitement adaptée pour appréhender les fluides. La
maîtrise des écoulements d'air sur la carrosserie de voiture, dans
les moteurs d'avion, la propulsion des engins spatiaux, sont des exemples
d'application concrète, où la recherche a une traduction
industrielle directe. Mais les applications peuvent toucher bien d'autres
secteurs. Les travaux sur l'énergie éolienne, la
prévention des inondations, la protection contre les nuisances sonores
seront améliorés de façon significative par la simulation
en images de synthèse de mécanismes d'écoulement et de
propagation des fluides et des sons, encore mal connus.
L'une des applications les plus complexes concerne la recherche militaire,
où les images de synthèse sont indispensables à la
simulation des essais nucléaires.
2. Les applications militaires
La plupart, sinon la quasi totalité, des utilisations des images de synthèse aujourd'hui ont pour origine, ou sont des applications directes, des travaux et recherches menés dans un cadre militaire qui se sont développés dans au moins trois directions : la formation des hommes sur simulateurs (ce point sera traité dans la partie consacrée à la formation), la recherche fondamentale dans le domaine nucléaire, la recherche opérationnelle.
a) La recherche militaire : la simulation des essais nucléaires
La mise au point des armes nucléaires a toujours mis en
œuvre la modélisation numérique, mais en décidant,
en janvier 1996, de la fin des essais nucléaires, le Président de
la République a ouvert une ère nouvelle : la simulation n'est
plus un moyen de concevoir les armes nucléaires ou de préparer
une explosion, comme c'était le cas jusqu'alors, mais est
désormais le seul moyen de garantir la fiabilité des armes
nouvelles.
Il s'agit d'un saut -et d'un défi- technique et qualitatif
considérable. La technologie nucléaire, civile ou militaire,
s'est toujours appuyée sur la modélisation et la simulation. La
seconde est d'ailleurs le seul moyen de faire progresser la première,
dans un domaine où les connaissances physiques sont imparfaites
(géométrie tourbillonnaire...). Le processus était
construit sur l'articulation simulation / expérience selon un
schéma séquentiel simple : modélisation
simulation / prévision expérience comparaison des
résultats avec les prévisions ajustement de la
modélisation. Ainsi, l'expérience -l'essai nucléaire-
permettait-elle de valider le modèle ; la simulation étant
"recalée" sur la réalité grâce aux comparaisons avec
les résultats des essais.
La simulation traditionnelle présentait en outre deux
caractéristiques : elle donnait une large part aux modèles
dits phénoménologiques, qui mêlaient connaissances
théoriques et connaissances empiriques (simplifiant les
phénomènes complexes, tels la géométrie
tourbillonnaire...), et chaque modèle décrivait uniquement une
petite séquence d'explosion, sur un point particulier, ce qui ne
présentait pas d'inconvénient puisque la synthèse et la
validation étaient faites au moment du tir.
Tous ces "accommodements" disparaissent. Avec la fin des essais,
l'étape
de la validation est supprimée. La simulation doit porter sur l'ensemble
du tir et reposer sur un modèle numérique global. Elle ne doit
pas seulement interpréter, mais aussi prévoir et garantir.
Sur le seul plan technique, l'amélioration des modèles conduit
à mettre en œuvre des maillages deux fois plus fins, ce qui
augmente le nombre d'opérations d'un facteur 10 ou 100. Avec les
techniques actuelles de calcul et de visualisation, un "cas" de
simulation
demande de une à deux minutes de calcul et une dizaine de secondes pour
afficher ce dernier. A technologie constante, une simulation tridimensionnelle
demanderait de l'ordre de dix heures de calcul et cinq heures d'affichage. Le
passage aux "modèles prédictifs" entraîne donc l'achat
d'ordinateurs puissants : les T3E de l'américain Cray, mis en service en
mars 1997, sont capables d'effectuer jusqu'à 190 milliards
d'opérations par seconde.
La simulation proprement dite n'a pas écarté toute forme
d'expérimentation : le "laser mégajoule", clef de voûte du
programme
Palen
-programme d'adaptation à la limitation des
expérimentations nucléaires- constitue désormais
"l'arsenal de la simulation" qui permet de reconstituer "la
bombe virtuelle".
Encadré n° 10
LA BOMBE VIRTUELLE
Une simulation est une représentation d'un
phénomène à l'aide d'un ordinateur et/ou d'un outil qui
permet de recréer les conditions d'une expérience. Le "laser
mégajoule"
Phébus
permettra de créer en laboratoire
les conditions d'une explosion thermonucléaire. Il sera construit au
CESTA (Centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine).
Quelques éléments du faisceau devraient fonctionner dans les
années 2000.
Le fonctionnement du
laser mégajoule
repose sur trois
étapes :
un
lancer de rayons lasers
. 240 faisceaux de 100 mètres de
longueur, convergent sur une cible et délivrent, en 3
milliardièmes de seconde, un flux de 50.000 milliards de watts ;
la
cible
. Au centre d'une chambre d'expérimentation, de 10
mètres de diamètre, se trouve une cible qui transforme la
lumière laser en rayon X (1,8 million de joules d'énergie).
Au cœur du système se trouve un mélange de deutérium
et de tritium qui chauffés par les rayons X, se combine et libère
une énergie de 100 millions de degrés produisant des
réactions de fusion semblables à celles qui sont
provoquées par les explosions thermonucléaires ;
la
modélisation
et l'
analyse
combinent l'outil
mathématique et l'image :
l'outil mathématique
. Jusqu'à présent
la modélisation portait sur des séquences d'explosion. La
simulation totale d'une explosion exige d'appréhender l'ensemble des
réactions, ce qui suppose des capacités de calculs dix fois plus
puissantes et de maîtriser l'utilisation de "calculateurs massivement
parallèles". La Direction des applications militaires du Centre de
l'énergie atomique estime maîtriser les architectures massivement
parallèles à l'horizon 2000 ;
l'image
.
Pour atteindre le degré de
sophistication recherché, cette simulation repose beaucoup sur l'image.
Il n'y aurait pas de simulation nucléaire sans le support de l'image de
synthèse
. L'image sert notamment à percevoir les fameux
"effets tourbillonnants" qu'il faut chercher à éviter. En effet,
tout perte de symétrie déclenche des instabilités qui
empêchent une bonne compression et réduisent le gain
d'énergie potentiel lié à l'implosion de la cible.
La simulation numérique sur quelques nanosecondes et sa visualisation
permettent d'optimiser la position et l'orientation de chacun des 240 faisceaux
laser pour assurer une implosion la plus sphérique possible.
b) La recherche militaire opérationnelle
Dans le domaine militaire, le problème n'est plus
seulement de recueillir des images qui arrivent aujourd'hui en très
grand nombre
35(
*
)
, notamment par satellite, mais
plutôt de traiter l'information visuelle recueillie. Les industries de
défense travaillent par conséquent aujourd'hui dans deux
directions principales : d'une part la compression des données, qui
permet de conserver un très grand stock d'images et, par
conséquent, de procéder à des comparaisons dans le temps ;
d'autre part, le
traitement des images
qui consiste à utiliser et
trier les centaines d'informations que recèle une image
numérique. En effet, on est habitué à raisonner sur une
image 2 D et 3 D, mais les signaux sont beaucoup plus complets et
peuvent comporter 10, 15 données, par exemple sur la chaleur, la
vitesse, le temps... Il faut sélectionner les données utiles.
Vient ensuite le coloriage. Les données sélectionnées sont
coloriées (exemple : l'image numérique prise d'un satellite
est une suite de signaux ; le coloriage conventionnel [bleu pour les mers,
vert pour les forêts...] est réalisé plus tard par
ordinateur). Cette phase est capitale car le coloriage agit comme un
révélateur. Le traitement de l'image proprement dit intervient
ensuite pour faire apparaître ce que l'on cherche. Une opération
importante est celle du "débruitage" qui consiste à enlever tout
ce qui n'intéresse pas directement la recherche.
Le travail d'identification consiste ensuite à repérer sur une
image... "quelque chose", quelque chose que je cherche et que je
connais... Le
travail réalisé par l'ordinateur est exactement le même que
celui de l'homme qui va à la cueillette de champignons et qui cherche un
cèpe : il a une image, une idée de ce qu'il cherche et son regard
cherche à repérer. L'œil sera attiré par cette
idée, guidée par un "
prepattern
" dans le cerveau.
L'ordinateur n'a pas l'idée mais il a les caractéristiques de ce
qu'il cherche. Le travail est réalisé sur des objets (sites,
antennes...), mais peut parfaitement concerner des personnes.
En matière de recherche militaire, l'ordinateur permet de repérer
dans un paysage les formes naturelles et les formes façonnées ou
inhabituelles. Ce premier travail peut être couplé avec un travail
sur les lignes de crête. L'ordinateur va sélectionner les lignes
de crête et repérer les obstacles non naturels (tels un
pylône ou une antenne). Une autre méthode consiste à
comparer deux images à deux intervalles de temps. l'ordinateur peut
repérer ce qui a changé dans l'intervalle.
3. L'utilisation de l'image de synthèse en médecine
C'est certainement dans le domaine médical que les progrès des technologies liées à l'imagerie ont été les plus rapides (endoscopie, images par résonance magnétique-IRM, scanérisation) et que leurs utilisations ont été les plus spectaculaires. L'image couplée avec la robotique a ouvert la voie à la microchirurgie (chirurgie endoscopique). L'image entraîne une amélioration des connaissances et du diagnostic, une plus grande efficacité des soins et des interventions. Selon le président de la société américaine de radiologie, "la médecine de demain sera entre les mains de ceux qui sauront maîtriser les images médicales" 36( * ) . Jusqu'à présent, ces progrès ont été réalisés grâce à des prises de vues (par fibres optiques) ou des représentations sous forme d'images numériques, transmises en direct, d'organes ou de parties d'organes. L'image de synthèse ouvre un nouveau champ d'action.
a) Le principe du couplage réel/virtuel : la " réalité augmentée "
L'utilisation des images de synthèse dans le domaine
médical est à la fois classique
37(
*
)
et
innovante, justifiant même l'apparition
d'un concept ambigu de "réalité augmentée".
Au départ, le principe de l'utilisation des images de synthèse
dans le domaine médical est classique : l'organe sollicité est
traité par IRM puis reconstitué en images de synthèse
3 D. La reconstitution images 3 D porte, en général,
sur un organe ou une zone déterminée, sous surveillance
médicale ou en préparation d'une phase opératoire. La
spécificité de l'image de synthèse apparaît dans un
second temps dans le couplage entre l'image réelle et l'image de
synthèse. Les cas de juxtaposition des deux images sont aujourd'hui
très fréquents dans le domaine industriel ou commercial, sous
forme d'incrustations d'une image réelle dans une image de
synthèse (ex. insertion d'images de bâtiments existants dans un
projet d'urbanisme réalisé en images de synthèse). Cette
juxtaposition se justifie alors principalement par un souci
d'esthétisme, de communication, afin d'améliorer le
réalisme et, par conséquent, la force et la
crédibilité de l'image de synthèse. Il s'agit, en quelque
sorte, d'une "virtualité augmentée".
Dans le domaine médical, le couplage images réelles et images de
synthèse a également lieu, mais la démarche et l'objectif
sont très différents. Le processus est même inverse du
précédent ; il ne s'agit pas d'
améliorer la
qualité d'une image de synthèse
par l'incrustation
d'éléments de la réalité, mais d'
accroître
l'utilité d'une image réelle
, par l'adjonction d'images de
synthèse.
Il ne s'agit plus d'une "virtualité
augmentée" par un élément de réalité, mais
d'une "réalité augmentée" par une image de
synthèse
.
Le concept de réalité augmentée, qui reste encore flou,
même chez la plupart de nos interlocuteurs, peut d'abord être
approché par opposition, par rapport à des techniques voisines.
Avec la réalité augmentée, on s'éloigne du virtuel
: le médecin est dans le réel, il soigne un patient réel
et opère avec des instruments dans le réel. Entre les deux, le
médecin et le malade, s'interpose la technique de l'image de
synthèse. La réalité augmentée s'appuie sur le
réel auquel on superpose une image de synthèse. L'idée est
de doubler la vision du réel -vision réelle d'un organe
opéré ou retransmise par la voie d'une caméra
(endoscopie)- d'une image de l'organe opéré, reconstituée
en images de synthèse.
Il existe plusieurs façons
38(
*
)
de
réaliser cette superposition qui peut se faire, soit directement sur
l'organe (superposition de l'organe opéré et d'une image de
celui-ci), soit indirectement sur écran (l'organe est filmé -en
direct- l'image est retransmise sur un écran, une image de
synthèse se superpose à l'image réelle).
Les différentes fonctions remplies par la réalité
virtuelle dans le milieu médical se présentent comme suit :
Apprentissage |
Aide préopératoire |
Aide peropératoire |
Téléchirurgie |
Thérapie |
|||
Apprentissage de l'anatomie |
Entraînement au geste |
Aide au diagnostic |
Planification préopératoire |
Assistance visuelle |
Assistance outillée |
Opération à distance |
Rééducation |
Source : Françoise Charbit, responsable
Prospective technologique
"Utilisation d'outils de réalité virtuelle dans le milieu
médical",
CEA, 1995
Parmi ces fonctions, l'assistance au chirurgien représente
assurément le plus gros potentiel d'applications médicales.
b) L'utilisation en chirurgie
A quoi sert cette superposition d'une image réelle et
d'une image de synthèse ? Elle permet de voir ce que l'œil
ou l'optique ne peut saisir. En effet, plusieurs situations peuvent entraver
l'observation. Par définition, l'œil ne voit que le visible, ne
voit pas la face cachée d'un organe. La caméra endoscopique,
quant à elle, filme droit devant elle et l'image reste limitée
à l'étroitesse du champ de vision. On ne voit ni à
côté, ni derrière. Il n'y a guère de points de
repère. Si l'optique, pour une raison ou pour une autre, quitte le champ
opératoire, on est très vite perdu car il n'y a pas moyen de se
repérer. Enfin, le cas le plus fréquent est celui où
l'image de l'organe est occultée (saignement, tumeur...). L'image de
synthèse permet de s'affranchir de ces obstacles en donnant une image de
quelque chose qui, sans l'image de synthèse, resterait invisible. Sur un
strict plan médical, la chirurgie assistée par le virtuel a deux
avantages : la précision et la sûreté.
Comme l'explique le professeur Debry lors de son audition,
" le
chirurgien se trouve dans la situation d'un conducteur automobile qui conduit
dans le brouillard, à qui on demande de s'arrêter le plus
près possible d'un mur à 50 mètres. Dans un cas
(endoscopie), comme il connaît bien sa voiture et la distance, il
s'arrête "pile devant", mais il garde une marge de sécurité
d'un mètre. Dans l'autre cas (chirurgie assistée par le virtuel),
il fait abstraction du brouillard et comme il sait exactement où est le
mur, il s'arrête à 5 cm "
.
L'image permet également de choisir la stratégie
opératoire, d'optimiser le cheminement des outils utilisés par le
médecin. Le chirurgien peut, avec l'ingénieur, étudier le
trajet idéal pour atteindre une tumeur qu'il visualise désormais
avec précision. Dans la plupart des cas, l'utilisation des images de
synthèse est couplée avec celle de la robotique. En effet, les
progrès en matière d'image ont été
accompagnés en parallèle par des progrès dans le domaine
de la micro-robotique. La technique est telle qu'une opération
entièrement robotisée est parfaitement possible. Pour des raisons
humaines (réticences des chirurgiens) et juridiques (problèmes de
responsabilité en cas d'incident), la technique est
semi-automatisée, le geste du chirurgien est relayé par des
micro-machines, à six degrés de liberté permettant de
reproduire tous les mouvements. Concrètement, un appareil composé
de bras articulés est disposé au dessus du patient. Le
chirurgien, placé en retrait, procède à l'opération
en utilisant un écran amplifiant sa vision de la zone à
opérer. Le praticien manipule à distance les bras
télécommandés. L'usage d'un tel système permet une
plus grande précision technique.
La chirurgie réalisée par "réalité
augmentée" devient très sûre. L'hôpital devient alors
le support de technologies avancées dont le résultat est de
diminuer le temps d'hospitalisation et la morbidité des patients. Sur le
plan économique, l'hôpital "perdra" en journées
d'hôpital par patient mais gagnera en nombre de patients. De
surcroît, comme l'acte chirurgical devient de plus en plus précis,
on peut envisager des opérations combinées de plus en plus
délicates.
Les possibilités d'utilisation de la
réalité
augmentée en chirurgie varient selon les spécialités
.
La technique peut normalement s'adapter à tout type d'intervention.
Aujourd'hui, on travaille surtout sur la "chirurgie osseuse" (ORL et
maxillo-faciale, orthopédie, rachis...)
39(
*
)
,
mais les progrès de l'imagerie
médicale ont permis également des applications en chirurgie
digestive
40(
*
)
. Dans les deux cas, l'organe
à opérer est reconstitué virtuellement ; le chirurgien est
assisté à la fois par la micro-robotique et l'ordinateur. A noter
que le principe "d'immersion", souvent utiliser pour caractériser
l'image virtuelle, est sans importance en matière chirurgicale. On peut
très bien se passer du casque de visualisation : il suffit que l'image
sur l'écran soit suffisamment précise.
En dépit de quelques expérimentations prototypales, de
l'engagement et de la formation d'une partie de la profession, le
développement de cette technologie reste, en France, embryonnaire (voir
ci-après les obstacles). En revanche, selon le professeur Marescaux, le
département de la Défense américain consacrerait chaque
année, 100 millions de dollars à ce domaine.
c) Les autres utilisations
Si les applications en chirurgie sont les plus
spectaculaires,
l'image de synthèse peut également être utilisée
notamment pour la formation. L'entraînement des praticiens passe par la
simulation d'opérations. Le chirurgien, l'étudiant, peuvent
parfaitement s'exercer sur un patient virtuel avant de réaliser une
véritable intervention.
L'image de synthèse peut également être utilisée en
médecine comme soutien aux soins, notamment pour traiter divers troubles
mentaux.
" La thérapie implosive, évoquée en 1971
par le film
Orange mécanique
, fut jugée peu plausible par
les psychiatres de l'époque, mais, aujourd'hui, à l'ère de
la réalité virtuelle, la solution prônée ne
relève plus de la science fiction. "
41(
*
)
L'idée est de vaincre des angoisses par un
apprentissage, une accoutumance progressive. Le patient peut ainsi s'habituer
à prendre l'avion (grâce à la reconstitution en images de
synthèse d'un décollage), à maîtriser sa peur du
vide. Grâce à une reconstitution virtuelle de la montée
d'un ascenseur extérieur : le patient est debout sur une plate-forme
munie d'une rampe métallique, un mur est recouvert par un écran
représentant la vue de l'extérieur d'une maison, vue du sol. Le
patient "s'élève" à l'aide d'une souris qui commande
l'image, celle-ci se modifie comme si l'ascenseur s'élevait. Ainsi la
réalité virtuelle permet-elle une immersion crédible d'un
sujet dans un environnement préétabli. L'exposition progressive
d'un patient à sa phobie permet un domptage par habitude de certaines
angoisses
42(
*
)
.
D. LA FORMATION ET L'ENTRAÎNEMENT
1. Présentation
L'utilisation des images de synthèse comme outil de
formation et d'entraînement porte un nom : la simulation.
Le marché des simulateurs a connu un grand développement,
popularisé grâce aux simulateurs de vols des pilotes militaires ou
civils. La simulation est en effet particulièrement adaptée
à la formation à un métier, une fonction, en milieu
hostile ou comportant des risques et/ou nécessitant l'utilisation d'un
matériel coûteux, comme c'est le cas pour l'entraînement au
pilotage d'avions de chasse et de transport.
Les simulateurs de vols ont donc été les premiers à
être expérimentés avec succès, et ont permis de
dégager certaines orientations techniques. Le simulateur d'aujourd'hui
combine un matériel aussi proche que possible du matériel
réel (cabine de pilotage représentée à
l'identique), et si possible dynamique (avec vérins hydrauliques,
bruit), et un écran de visualisation sur lequel défilent les
images du programme d'enseignement, commandées par l'élève.
En effet, le débat sur le mode de visualisation par écran ou par
casque a été vite tranché, au profit de l'écran.
Bien que l'écran ne permette pas une "immersion" totale, comme le fait
le casque, il a cependant un avantage pédagogique par rapport à
ce dernier, car l'instructeur peut suivre l'élève, juger ses
réactions, intervenir lui aussi sur l'image... L'écran, surtout
lorsqu'il est combiné avec un poste de vol, de conduite, de tir, est le
meilleur outil pour l'instruction proprement dite.
Les simulateurs de vols, dont l'usage est aujourd'hui systématique dans
la plupart des armées de l'air et des grandes compagnies
aériennes, s'adressent toutefois à un public averti,
familiarisé à l'environnement réel. Le simulateur a pour
objet de travailler les fonctions de pilotage, de provoquer les
réactions du pilote. La priorité est donnée à la
réaction de et à l'image, à l'interactivité
pilote/écran, au détriment de la qualité graphique,
secondaire dans cet exercice.
La chute des coûts des calculateurs et la volonté d'approcher de
nouveaux marchés ont permis et imposé une amélioration
significative du graphisme, sans pour autant enlever quoi que ce soit aux deux
objectifs du simulateur : faible coût d'utilisation et qualité
pédagogique.
L'argument financier est en effet important. La formation sur simulateur
évite l'utilisation de matériels extrêmement coûteux,
immobilisés ou affectés à la seule formation alors qu'ils
peuvent être exploités commercialement (avion de transport). Les
essais en vol ne sont naturellement pas totalement abandonnés mais leur
nombre est limité.
L'économie indirecte peut être aussi importante, car le simulateur
"à domicile" permet notamment d'éviter des stages à
l'extérieur dans des centres de formation, toujours très
coûteux. Motorola a ainsi expérimenté une formation sur
simulateur d'une usine d'assemblage de composants électroniques et a
estimé l'économie ainsi réalisée à 1 million
de dollars.
2. Les utilisations nouvelles
Si le simulateur de vol a été l'application
principale et la plus commune, le marché de la simulation, à des
fins de formation et d'entraînement devrait connaître un
développement très important, mais sur des créneaux
très différents. La pratique des simulateurs s'est étendue
à d'autres entraînements. L'un des simulateurs les plus
développés a été réalisé par MATRA
CAP Systèmes pour le
MISTRAL
, missile de défense
aérienne. Il combine un modèle numérique 3 D et des
images réelles. L'image est projetée sur un écran ; le
poste de tir est la reproduction d'un poste réel. Ce simulateur a
été développé pour les besoins d'un client
étranger, puis utilisé par l'armée française. Le
coût de développement a été de l'ordre de 20
millions de francs. La simulation est particulièrement adaptée
lorsqu'il s'agit d'apprendre à travailler dans un environnement hostile
(sous-marin nucléaire, réparation d'installation
nucléaire...), mais beaucoup d'autres activités se prêtent
à la simulation : la médecine, la conduite de véhicules et
de matériels, et même le sport
43(
*
)
.
Il est proposé de rendre compte de quelques unes de ces applications,
parfois spectaculaires.
a) La formation médicale
En médecine, les risques évoqués pour
justifier l'utilisation de l'image de synthèse de
préférence à l'entraînement
in situ
,
concernent cette fois moins le praticien que le malade, directement
exposé aux gestes du médecin,
a fortiori
du médecin
en formation.
Les utilisations de l'image de synthèse en médecine, et plus
particulièrement en chirurgie sont nombreuses, mais la première
d'entre elles a été la formation médicale avec deux
fonctions différentes :
l'apprentissage de l'anatomie, principalement visuel, qui consiste
à remplacer les atlas anatomiques 2 D par des reconstructions sur
ordinateurs, en 3 D, avec possibilité de naviguer dans les images,
tourner autour... Une modélisation complète d'un corps humain en
images de synthèse a d'ailleurs été réalisée
en 1992
44(
*
)
.
l'entraînement aux techniques opératoires qui, lui, est
à la fois visuel et gestuel. L'image est alors couplée avec un
simulateur chirurgical, constitué d'un système de visualisation
3 D et de moyens d'interagir avec l'image, en simulant une
opération réelle. L'apprentissage est facilité par
certaines aides visuelles (coloration particulière d'un organe sur
l'image quand on le touche) ou sonore (émission d'un
bip
quand on
heurte un organe...). Ces simulateurs de formation sont surtout
développés aux États-Unis, en Allemagne et en
France
45(
*
)
.
Même si cette technique est encore assez peu développée,
cet exemple est particulièrement intéressant car il illustre
parfaitement le cheminement évoqué ci-dessus : la
simulation, en vue de la formation, est le point d'entrée des images de
synthèse dans un secteur qui, par la suite, au vu des résultats
et du potentiel, peuvent être utilisées par d'autres fonctions.
C'est le cas en médecine, puisque les images de synthèses,
d'abord utilisées en formation, sont également
développées comme aide préopératoire, pour
planifier une opération et en chirurgie, par les techniques de
réalité augmentée avec participation d'images
réelles, filmées par endoscopie, et d'images de synthèse.
b) La formation à la conduite
L'expérience acquise en matière de formation au
pilotage peut naturellement être appliquée à d'autres modes
de transport, l'impulsion pouvant même venir des pouvoirs publics
puisqu'au Japon, par exemple, une réglementation oblige les
autos-écoles
à avoir une partie de l'apprentissage et
même des tests de conduite avec un simulateur à base de
réalité virtuelle. En France, les développements sont
venus de la SNCF.
Encadré n°11
LES SIMULATEURS DE CONDUITE DE LA SNCF
La SNCF a développé un simulateur de conduite
qui remplace l'homme dans des situation concrètes de travail, qu'elles
soient courantes ou exceptionnelles.
Le simulateur est équipé d'une visualisation du terrain en images
de synthèse. Le réalisme est amélioré par
l'adjonction d'un environnement sonore et d'un dispositif mécanique qui
permet de recréer des sensations d'accélération.
La première utilisation
a été la ligne
Eurostar
: 400 km sont réalisés en images de
synthèse, de la gare du Nord à la gare de Londres, avec sorties
ou entrées de gare, trajets en banlieue, en rase campagne, dans le
tunnel... La circulation ferroviaire dans un tunnel de 50 km pose notamment de
nombreux problèmes techniques ou psychologiques que le simulateur permet
de limiter. Le simulateur permet de se familiariser avec la ligne. Les
conducteurs britanniques, français et belges (ligne Londres/Bruxelles)
sont formés en simulateurs. Pour la SNCF, cette formation concerne
environ 60 conducteurs.
La deuxième utilisation
est la formation initiale sur
locotracteurs
. Un simulateur de conduite dit
SIMULY
a
été réalisé par la société CORYS,
filiale du CEA, à base d'images de synthèse.
SIMULY
est
constitué d'une cabine de conduite réelle, réalisée
par le constructeur habituel des locotracteurs, un système de projection
vidéo d'images de synthèse, calculées sur une station
Sylicon
Graphics
, un système recréant
l'environnement sonore et un poste de formateur commandant les données
(voies, conditions météorologiques extérieures,
signalisation...). Les voies sont "construites sur commande" comme
dans un jeu
de mécano, avec courbures, passages à niveau...
SIMULY
a
été réalisé en 2 ans et demi ; il est
opérationnel depuis fin 1993.
Il y a environ 1600 conducteurs SNCF, dont près de 400 jeunes
conducteurs en formation. La formation dure 10 à 12 mois et se composait
jusqu'à présent d'une partie théorique et d'une partie
pratique. La simulation ne supprime pas la partie pratique mais permet de
réaliser la synthèse entre l'apprentissage et la conduite
réelle. Il n'y a pas -pas encore- de formation systématique sur
simulateur pour les autres trains.
La même société CORYS a développé un
simulateur comparable pour les nouvelles lignes du métro londonien (16
km de la
Jubilee
Line
, 14 nouvelles stations). 800 conducteurs et
instructeurs seront formées avant la mise en service de l'extension en
1998.
c) La formation à l'utilisation de matériel
L'une des attractions -impressionnante et imposante- du salon
Imagina 1997 fut sans doute " la coupe de bois virtuel ".
Encadré n°12
" LA COUPE DE BOIS VIRTUEL "
Il s'agit d'un simulateur simulant le fonctionnement d'une
abatteuse de bois. Ce simulateur ARVESTER -
A
battage
R
econstitué
V
irtuellement
E
n
S
ynthèse
T
emps
R
éel- a été réalisé en
1996 par l'École Nationale Supérieure d'Arts et Métiers de
Cluny, qui s'était déjà illustrée dans ce domaine
quatre ans auparavant avec la reconstitution de l'abbaye de Cluny.
Selon le principe adopté pour la plupart des simulateurs, ARVESTER se
compose de deux parties distinctes : une partie mécanique, un
écran.
Il y a tout d'abord la reproduction exacte d'une cabine d'abatteuse,
montée sur un vérin, à hauteur réelle ;
l'intérieur de la cabine est lui aussi la reproduction parfaite d'une
véritable machine, avec un tableau de commandes pour le tracteur, la
grue et le bras de coupe. La cabine est d'ailleurs prolongée par un vrai
bras de coupe, identique au bras réel.
Seule différence avec une machine réelle, le bras n'est pas muni
d'un appareil de grutage ou de coupage, mais d'un écran de
2,5 mètres sur 1,9 mètre, solidaire de la cabine.
L'ensemble fait 5,5 mètres de haut et pèse 3,5 tonnes. Un
simulateur graphique reproduit sur l'écran l'image correspondant aux
commandes en cabine, commandes de déplacement et commandes de coupe. La
reconstitution du visuel est en temps réel, avec 10 à 15 images
par seconde.
L'image du terrain et de la forêt se modifie en fonction du
déplacement commandé en cabine. Le bras, prolongé sur
l'écran, saisit l'arbre [virtuel] à la base, le coupe, le
billonne. Le réalisme est accentué grâce à
l'interface entre l'organe hydraulique et l'organe informatique qui permet par
exemple de reproduire les secousses lorsque le tracteur avance sur un terrain
accidenté ou lorsque le bras bute sur un tronc. L'adjonction du bruit du
moteur donne une touche finale.
Ainsi, l'apprenant est installé dans une -vraie- cabine d'abattage,
munie d'un -vrai- bras de coupe, mais il se déplace dans une forêt
de synthèse et coupe un bois virtuel.
Ce simulateur est destiné aux professionnels du bois, notamment dans les
très grandes exploitations du Canada ou de Finlande. L'apprenant en
formation sur simulateur se familiarise avec le système de pilotage de
l'engin, au système de commande des coupes, et acquiert ainsi quelques
automatismes.
Le prototype revient à 2,7 millions de francs, comprenant notamment
500.000 francs de cabine et 1 million de francs de calculateur
graphique.
Source : ENSAM Cluny.
E. LES UTILISATIONS PÉDAGOGIQUES OU À VOCATION DE SERVICE PUBLIC
L'utilisation des images de synthèse, en médecine par exemple, avait déjà montré que l'image de synthèse n'est pas seulement une technique réservée aux professionnels de la communication, à l'industrie et au commerce, mais pouvait trouver des applications moins liées au marché. L'image de synthèse pénètre en effet bien d'autres secteurs d'activité. Trois directions peuvent être données : les utilisations à vocation culturelle, l'image de synthèse et l'administration, l'image de synthèse et les collectivités locales.
1. Les utilisations à vocation culturelle
a) Les reconstitutions de sites
L'utilisation des images de synthèse en
architecture
46(
*
)
a tout naturellement conduit
les opérateurs à envisager de représenter non plus des
projets, mais des bâtiments disparus. Lorsque le bâtiment est connu
par des plans anciens, des documents et, d'une façon
générale, lorsque la connaissance de l'édifice est
sérieuse, la réalisation d'une maquette virtuelle en images de
synthèse ne pose pas de problème particulier.
En 1992, la reconstitution en images de synthèse de l'abbaye de Cluny,
fruit d'une coopération entre le conservateur du musée, les
architectes de l'ENSAM et les ingénieurs d'IBM, a été
l'une des premières opérations d'envergure ayant ouvert la voie
à ce type d'application.
Des quartiers de Paris sous la Révolution, les pyramides
d'Égypte, des cités Incas
47(
*
)
,
ont également été réalisés. La
reconstitution virtuelle du sanctuaire d'Athena à Delphes en
1995
48(
*
)
, marque une évolution dans les
techniques. Cette opération a été réalisée
au profit de l'École française d'Athènes, par les
écoles d'architecture de Nancy et Bordeaux, grâce à une
opération de mécénat d'Électricité de
France. Le projet différait des précédents dans la mesure
où la maquette virtuelle n'était pas réalisée
à partir de plans, mais à partir des ruines existantes, des
éléments de construction subsistant sur le terrain. Ainsi, les
pierres, tuiles, sculptures retrouvées sur place ont-elles
été modélisées, et l'ensemble des matériaux
a-t-il été assemblé comme un jeu de puzzle et de
construction 3 D. La construction a pris forme peu à peu. Les
tâtonnements ont permis de sortir d'impasses architecturales (pente du
toit par exemple) et de recréer le site tel qu'il était à
l'origine, selon toute vraisemblance. L'ensemble est incrusté dans une
image du paysage naturel. Dans cet exemple, l'image de synthèse n'a pas
seulement permis de restituer ou visualiser des monuments disparus, mais aussi
d'utiliser des outils de modélisation pour faire avancer les
connaissances relatives à l'architecture du site.
b) Les reconstitutions d'intérieurs
Le travail sur l'architecture extérieure peut naturellement être complété par un travail sur l'architecture et la décoration intérieures qui permet de naviguer dans les différentes parties d'une église ou d'une pyramide et de découvrir, à chaque fois, la disposition des lieux et les fresques murales. Cela permet de véritables applications pédagogiques, une visite virtuelle, commandée par le spectateur (qui peut "naviguer" dans chacune des pièces, s'approcher de chacune des peintures...) en complément de la visite réelle du lieu. Les deux se complètent d'ailleurs fort bien. La visite réelle, nécessairement moins complète en informations, puisque par définition, on ne peut voir que ce qui reste, demeure plus riche en sensations.
2. L'utilisation des images de synthèse par les services publics
L'utilisation des images de synthèse par les services
publics est liée aux possibilités offertes par le traitement
d'images. Il faut distinguer deux types d'utilisations :
le traitement des images numériques où il s'agit de faire
"parler" une image, faire
émerger
une information
préexistante ;
le traitement des images de synthèse où les ressources de
celles-ci sont utilisées pour
générer
une
information complémentaire utile.
a) Le traitement des images numériques
Dans ce premier type d'utilisation, l'information préexiste, mais est brouillée et masquée par mille autres informations inutiles à l'objectif. Le traitement d'images consiste à considérer l'image numérique comme un simple signal, un matériel de base qu'il faut ensuite "traiter", travailler, pour approcher, sélectionner, trouver ce que l'on cherche. La technique est d'ores et déjà utilisée dans le domaine militaire, pour la recherche de renseignements militaires 49( * ) . Une technique très voisine est appliquée par la Commission européenne pour le contrôle des superficies agricoles : un centre de recherche, l'IRSA ( Institute for remate sensing applications ) travaille sur le traitement des images satellite appliqué à l'agriculture et l'environnement (programme MARS [Monitoring agriculture with remote sensing]). Le programme MARS est normalement destiné à élaborer des statistiques pour les 127 millions d'hectares agricoles dans l'Union européenne, mais il permet aussi (surtout ?) de suivre et contrôler l'application de la politique agricole commune (surveillance des jachères...). Toute cette analyse est faite, automatiquement, par ordinateur.
b) L'image de synthèse, "auxiliaire de police"
Le traitement des images numériques est un moyen
utilisé par les services de police pour aider à la reconnaissance
des visages. L'image initiale peut en effet être inutilisable soit parce
que la prise de vue a été défectueuse (photo de
télésurveillance prise à contre-jour...), soit parce que
l'objet lui-même photographié n'est plus exploitable (visage
tuméfié ou visage de cadavre en état de
décomposition plus ou moins avancée...). Il existe dans ces deux
cas des algorithmes de traitement d'images qui permettent de
révéler l'image brouillée, ôter les traces de
décomposition ou d'ecchymose, afin de faire réapparaître
une image exploitable. Le traitement numérique d'images permet
également de comparer immédiatement des empreintes. La recherche
est automatisée.
Ensuite, les logiciels de traitements d'images peuvent être
utilisés non plus seulement pour révéler une image
préexistante, mais pour
fabriquer
une image utilisable. Deux
exemples peuvent être donnés.
Le premier, n'en est encore qu'au stade d'ébauche et de test L'image de
synthèse peut en effet être directement utilisée par les
services d'intervention pour préparer une action, libérer des
otages. L'image de synthèse permet de reconstituer parfaitement les
bâtiments, de connaître ainsi les angles morts qui permettent
d'approcher et de voir une cible sans être vu, de trouver le meilleur
accès possible... Nul doute qu'un jour viendra où, "comme au
cinéma", une équipe de police antiterroriste mènera une
opération de ce type, après une préparation en images de
synthèse. Plusieurs expériences ont été
menées sur ce point avec succès.
Le second exemple est celui des images de synthèse au service de la
recherche de personnes disparues.
Encadré n° 13
L'IMAGE DE SYNTHÈSE ET LES RAPTS D'ENFANTS
Les techniques de traitement des images appliquées aux
visages qui font le succès des effets spéciaux au cinéma
("
morphing
", déformation des visages...) peuvent aussi être
utilisées par les services de police pour aider à retrouver des
personnes disparues.
La technique utilisée combine la modélisation des visages et
l'élaboration d'un algorithme de vieillissement. La modélisation
des visages ne pose pas de problème particulier. Chaque visage, comme
toute autre image, peut être repéré par un certain nombre
de points et de formes caractéristiques. Il est admis qu'une
sélection de 160 points (forme de l'œil, nez, commissures des
lèvres) permet une bonne représentation modélisée
d'un visage. Les points sélectionnés sont ensuite reliés
entre eux par des droites et des courbes formant un ensemble de figures
géométriques.
Le module de vieillissement est élaboré à partir d'un
prototype de visage à différents âges. La
modélisation de 100, 200 visages d'individus pris de façon
aléatoire dans une population donnée permettent de dresser un
portrait moyen. L'opération est faite par tranche d'âge et pour
chaque sexe, ce qui permet de définir un portrait moyen d'un homme de
20, 30 ou 40 ans, d'une femme de 20, 30 ou 40 ans.
La même méthode est utilisée pour les plus jeunes. Aussi
surprenant que cela puisse paraître, le personnage montré à
40 ans (qui n'existe pas réellement puisqu'il est simplement la
représentation moyenne des 100 ou 200 visages réels) est
perçu comme étant le même individu que celui de 30 ou 20
ans pris 10 ou 20 ans après. Ainsi, si chaque représentation
est "fausse", sans être imaginaire (puisqu'il s'agit de la moyenne des
visages réels), le vieillissement est parfaitement rendu. Chacune des
modifications intervenues dans les points caractéristiques de la texture
de la peau est analysée, modélisée, ce qui permet
d'élaborer un algorithme de vieillissement. Cet algorithme est ensuite
appliqué à un visage déterminé, en l'espèce
le portrait d'une personne ou d'un enfant disparu. Cela permet ainsi de
représenter le visage d'un jeune garçon ou d'une fillette de
13/14 ans disparue à l'âge de 8/9 ans. C'est ce portrait, ainsi
réalisé en image de synthèse, qui sert de base aux
recherches.
Cette technique a été expérimentée avec
succès aux États-Unis.
c) L'image de synthèse au service de la justice
Quel peut être le rôle de la réalité
virtuelle et, d'une façon générale, de l'image
numérique dans la procédure judiciaire ? En d'autres termes,
la réalité virtuelle peut-elle être un moyen de
preuve ? En France, la preuve est libre, ainsi qu'en dispose l'article 427
du code de procédure pénale :
" Hormis les cas où
la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies
par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime
conviction. "
Le juge ne peut fonder sa décision que sur des
preuves qui lui sont apportées. L'image fait partie de ces preuves. Les
photographies prises par les cinémomètres, comme les films
vidéo sont utilisés comme moyens de preuve devant les tribunaux,
et sont même préconisés. "
50(
*
)
Les technologies de réalité virtuelle sont utilisées non
comme moyens de preuve, mais comme aide à l'investigation dans les
domaines techniques. C'est en particulier le cas dans les enquêtes ou les
catastrophes aériennes : les enquêteurs recueillent les
paramètres de vol, tracent des courbes et produisent un film sur
écran. Cette représentation a pour seul objectif de rendre plus
claire aux profanes la situation de l'avion avant l'accident. Elle est
d'ailleurs assortie d'un avertissement sur l'absence de valeur probatoire. Il
est arrivé que la reconstitution en images de synthèse soit
projetée devant le tribunal toujours avec une simple valeur
d'information.
Cette technique intervient en complément des autres moyens de preuve.
Savoir si elle est susceptible de permettre une manipulation intellectuelle
pour convaincre est une question qui n'est pas de nature juridique. Il
n'existe, en France, aucune doctrine ni aucun contentieux sur la valeur de
l'image de synthèse comme preuve.
Si l'image de synthèse se présente différemment du film
vidéo, qui présente une réalité, rien ne semble
interdire son utilisation. Chaque avocat restant libre de contester la
modélisation, les paramètres, et de demander une nouvelle
modélisation, comme il peut demander aujourd'hui une contre-expertise.
Ainsi, de façon paradoxale, l'utilisation des techniques de
réalité virtuelle devrait progresser tant par les
potentialités qu'elles offrent que par les limites qu'elles comportent.
En revanche, la réalité virtuelle peut-elle aller jusqu'à
se substituer à une reconstitution ? Cela ne semble pas être
le cas car les deux techniques ont deux objets distincts. Dans une
reconstitution, on fait refaire à un individu les actes qu'il
prétend avoir commis et on cherche des incohérences avec ce qu'il
a dit. La réalité virtuelle permettrait tout au plus de faire
agir un individu virtuel d'après ses déclarations et de
rechercher des incohérences avec l'environnement.
3. L'image de synthèse au service des collectivités locales
Comme on l'a vu dans le cours du rapport, l'urbanisme, qui est une compétence essentielle des collectivités locales, et les infrastructures, au financement desquelles les collectivités locales participent de plus en plus 51( * ) , se prêtent parfaitement aux images de synthèse. Les avantages qu'apporte cette nouvelle technique aux gestionnaires locaux, maîtres d'ouvrages, peuvent être développés maintenant. Les images de synthèse ont trois fonctions essentielles : elles sont un moyen, elles permettent d'appréhender un projet dans sa globalité, elles sont une aide à la décision et constituent un outil de communication privilégié, voire sans égal.
a) L'image de synthèse, moyen d'observation
Montrer un projet en images de synthèse permet
d'avoir une vision globale d'un projet complexe.
Comme nous l'avons mentionné précédemment, les projets
d'infrastructure et d'urbanisme impliquent par nature un très grand
nombre de corps de métiers, auxquels s'ajoutent des professionnels de
spécialités plus nouvelles (paysagistes, équipementiers en
mobilier urbain, éclairagistes, "fontainistes"...). L'expérience
montre qu'il est souvent difficile de faire travailler ensemble tant de
métiers différents, et que chacun élabore un projet
d'aménagement dans sa spécialité sans toujours se soucier
des contraintes des autres secteurs. Si tous travaillent bien sur le même
projet, chacun le fait en parallèle.
Alors que la synthèse est bien souvent faite par le maître
d'ouvrage lorsque les constructions sont achevées, l'image de
synthèse permet de la faire avant qu'elles ne soient commencées.
Tous travaillent alors sur le même support et chacun peut visualiser le
projet de l'autre. L'image permet ainsi de découvrir, dès
l'élaboration des projets, les difficultés, voire les
incompatibilités entre projets et d'ajuster, en conséquence telle
ou telle proposition. L'image de synthèse est l'outil de communication
interne qui permet d'améliorer le projet initial et de présenter
au décideur un projet
quasi
définitif et complet, sous
toutes ses facettes, techniques ou esthétiques.
b) L'image de synthèse, aide à la décision
L'image de synthèse permet de comparer des projets
différents, de tester en temps réel plusieurs options. Cette
facilité peut être illustrée à travers l'exemple de
la simulation des éclairages.
Encadré n° 14
LES SIMULATIONS D'ÉCLAIRAGE
Les techniques
Il existe deux familles d'images de synthèse appliquées à
l'éclairage : les images colorisées et les images
calculées.
Le premier mode consiste à "colorier" un objet à l'aide d'une
palette graphique, comme le ferait le pinceau d'un peintre pour
représenter l'effet d'un éclairage. La compétence
professionnelle, l'expérience permettent de prendre en compte
l'emplacement précis des projecteurs et, par conséquent, les
ombres liées à la géométrie spécifique de
l'objet illuminé. L'image obtenue, sans être une simple vue
d'artiste, reste néanmoins très proche de l'idée que le
concepteur a de l'illumination qu'il veut réaliser.
L'autre famille est celle des images calculées. La méthode est
radicalement différente, car l'illumination est alors calculée
par ordinateur. Le calcul porte sur l'éclairement (quantité de
lumière reçue par une surface, liée au nombre, la
puissance et la distance des projecteurs) et sur la luminance (degré de
luminosité d'une surface) qui intègre les qualités du
matériau (réflexion, absorption de la lumière),
l'interaction entre les sources lumineuses (source directe par projecteur,
sources indirectes par réflexion des façades et des
matériaux). Le calcul est effectué sur toutes les parties de
l'objet éclairé.
Le calcul est réalisé en trois étapes. Tout d'abord, il
part de la saisie de données (par relevés manuels ou par laser),
pour les bâtiments existants, ou par utilisation de plans pour les
bâtiments à construire. La seconde étape prend en compte
les caractéristiques des matériaux. La troisième
étape décrit le projet du concepteur (répartition spatiale
des projecteurs, puissance...). EDF, en collaboration avec le CRIN (centre de
recherche en informatique de Nancy) et le CRAI (centre de recherche en
architecture et informatique), a développé à cet effet un
"simulateur d'éclairage" (
Phostere
), logiciel de calculs
appliqués aux éclairages extérieurs. La juxtaposition
d'images de synthèse et d'images réelles (décor, immeubles
adjacents, personnages...) permet d'accroître le réalisme à
la représentation.
Le résultat est une image 2 D calculée qui repose sur des
valeurs objectives et traduit le projet du concepteur. Contrairement à
la palette d'images qui permet de montrer un projet -le projet que le
concepteur veut réaliser-, l'image calculée montre un
résultat -avec tel dispositif, l'illumination sera comme cela-.
L'utilisation des simulations d'éclairage
Le simulateur d'éclairage développé par EDF permet de
visualiser la conception d'une illumination adaptée aux
éclairages extérieurs. EDF ne réalise pas les
éclairages, mais réalise en images de synthèse les travaux
proposés par les concepteurs. Ces images, validées par ces
derniers, sont ensuite présentées aux maîtres d'ouvrage.
Plusieurs illuminations ont ainsi été préparées par
des simulations. La première réalisation a porté sur la
Cour Carrée du Louvre, suivie des illuminations des ponts de Paris
(notamment le Pont Neuf), la place Stanislas de Nancy, l'Institut de France.
La simulation présente un double intérêt pour le concepteur
et pour le maître d'ouvrage. Le concepteur peut vérifier la
validité de son projet, tester ses hypothèses. Le travail
réalisé sur la Cour Carrée du Louvre est un bon exemple
d'utilisation de la simulation. En effet, les statues et hauts-reliefs de la
cour présentent à dessein des dissymétries et des
déformations volontaires car elles ont été conçues
pour être vues du sol avec la lumière du soleil. Contrairement
à tout ce qui se faisait en matière d'éclairage
jusqu'alors, où l'on éclairait soit du bas, soit par projection
horizontale, l'architecte des bâtiments de France a souhaité
tester un éclairage vertical, rasant, par le haut. Seule la simulation a
permis de tester et de valider l'hypothèse, et de réaliser ce
type d'éclairage, alors totalement à contre courant des pratiques
habituelles.
EDF se considère comme le
leader
européen, voire mondial,
dans le domaine spécifique de la simulation des éclairages
extérieurs. Les États-Unis ont développé une
technique comparable, mais plus adaptée aux éclairages
intérieurs (logiciel
Light Scape
utilisé pour le projet
architectural d'extension du musée Van Gogh). Cette position de leader
doit cependant être relativisée car, en matière
d'éclairage, il existe des spécificités nationales et
surtout un savoir-faire typiquement français difficilement exportable
(dans beaucoup de pays, l'éclairage est direct, horizontal, massif, les
monuments sont plus "écrasés" que mis en valeur par la
lumière, et la simulation est alors superfétatoire).
Les limites de la simulation
La première limite est économique. Une image 2 D
calculée coûte entre 60.000 et 150.000 F. (L'image 3 D, avec
navigation dans l'image et calcul de l'éclairage en temps réel
selon le point de vue de l'observateur, coûterait 3 ou 4 fois plus.) Pour
EDF, la simulation d'éclairage ne peut être commercialisée
que pour des opérations dont le coût de réalisation est
supérieur à 2 millions de francs. Les travaux d'illumination sur
les monuments anciens nécessitant des techniques particulières
(exemple : pour le Pont Neuf, barges sur la Seine, travaux en suspension...)
représentent souvent des budgets très importants,
supérieurs à 5, voire 10 millions de francs. L'utilisation de la
palette graphique qui représente un coût sans comparaison (de
l'ordre de 3000 F) est plus adaptée aux petits projets.
Sur le plan technique, l'image réalisée reste une
représentation, n'est pas une garantie de réalisation et ne peut
a fortiori être contractualisée. Les conditions naturelles ou
atmosphériques (clarté de la nuit, pluie...) affecteront
l'éclairage réalisé et la perception de ce dernier
changera d'un individu à un autre.
Malgré cette limite, l'image de synthèse réalisée,
construite à partir des spécificités techniques des
matériaux, n'est en rien comparable avec une image
réalisée par palette graphique, où les sens artistique et
commercial comptent au moins autant, sinon davantage, que le réalisme.
Dans le cas de l'image de synthèse, si tout risque de manipulation est
écarté
52(
*
)
, le risque de
déception demeure.
Il convient donc de garder une certaine distance. L'illumination réelle
ne sera jamais exactement celle qui a été montrée.
L'illumination virtuelle ne reste qu'une représentation -la plus
parfaite possible- de la réalité, mais n'est pas la
réalité.
L'avancée française en matière d'illumination du
patrimoine architectural est importante. Mais les sociétés
américaines et japonaises investissent cette technologie. D'autres
secteurs se prêteraient parfaitement aux simulations du même type,
notamment les calculs de radioactivité et surtout le bruit, qui est un
domaine encore mal exploré mais très prometteur.
c) L'image de synthèse, outil de communication
La gestion des affaires publiques exige de plus en plus
d'information, de communication avec les citoyens, volontiers critiques
à l'égard de décisions qu'ils jugent arbitraires ou
mauvaises, faute, souvent, d'avoir des explications préalables. C'est le
cas des grandes opérations d'aménagement urbain qui cumulent des
enjeux techniques, économiques, financiers, sociaux, écologiques
et politiques. Informer n'est plus seulement nécessaire pour entretenir
un dialogue légitime avec la population, mais une condition de la
réussite d'un projet. L'image de synthèse qui permet de
visualiser un projet dans toutes ses dimensions et de tous les points de vue,
peut être, dans cette perspective, un outil de communication sans
égal.
Les utilisations, encore peu nombreuses, peuvent se distinguer par la dimension
du projet présenté (projet ponctuel d'infrastructure ou
aménagement global d'un quartier de ville) et par le degré
d'interactivité (intervention sur l'image ou projection passive). Deux
exemples -l'aménagement d'un carrefour à Montpellier, la
présentation de la future configuration de Saint-Germain-en-Laye-
illustrent ces deux options.
L'image de synthèse pourra également être utilisée
pour simuler non plus seulement un projet d'aménagement particulier,
mais aussi les effets d'un plan d'occupation des sols, les modifications d'un
coefficient d'occupation des sols... Encore convient-il de rappeler que les
premières opérations initiées au cours de ces
dernières années n'exploitent qu'une partie du potentiel des
images de synthèse en montrant un projet. Le passage à la
réalité virtuelle, avec interactivité totale, permettra de
simuler, à la demande, d'autres options.
Les projets d'aménagement de Saint-Germain-en-Laye
La municipalité de Saint-Germain-en-Laye (40.000 habitants) a choisi de
réaliser un film en images de synthèse, pour présenter les
principaux projets d'aménagement. Ce film décrit le parcours d'un
personnage célèbre -Alexandre Dumas, natif et habitant de
Saint-Germain-en-Laye- dans la ville. Le film mélange les images
réelles du Saint-Germain historique (parc, château), du
Saint-Germain d'aujourd'hui (rues, commerces) et les constructions et
infrastructures programmées ou envisagées (rames du futur
métro, nouvelle gare, future école...). Le film est
destiné à être projeté et visualisé à
la demande, mais n'est pas interactif
53(
*
)
.
Encadré n°15
UN EXEMPLE DE COMMUNICATION PAR L'IMAGE DE SYNTHÈSE :
L'AMÉNAGEMENT DU CARREFOUR DE LA LYRE À MONTPELLIER
Le département de l'Hérault a choisi de montrer
en images de synthèse, avant sa réalisation, le projet
d'aménagement d'un carrefour de routes départementales au nord de
Montpellier, le carrefour de la Lyre.
Sur le plan juridique, la procédure suivie à été
celle du "marché des définition". La situation est celle
où le maître d'ouvrage n'est pas en mesure de définir au
préalable le cahier des clauses techniques et recourt à un bureau
d'études qui l'aide à définir le projet final.
Après l'examen des candidatures, la société Oktal a
été retenue.
La maquette, entièrement réalisée en images de
synthèse, reprenait les caractéristiques du projet technique
(avec voies séparées selon les véhicules : VL, PL, 2
roues...) inséré dans un environnement réaliste
(grâce au mixage entre images de synthèse et photos réelles
du site). Cette maquette virtuelle a non seulement permis d'avoir une
conception globale du projet, sous toutes ses facettes (architecture,
urbanisme, aménagement, paysagiste...) et sur plusieurs niveaux
superposés (routes avec échangeur au-dessus) mais a
été un moyen de communication novateur puisque des postes de
démonstration étaient disposés dans différents
sites au moment de l'enquête publique (en mairie, au conseil
général, dans un supermarché et dans un hôpital).
L'utilisateur affichait sur l'écran tactile son point de départ,
son point d'arrivée et choisissait son mode de transport (VL, PL, 2
roues). Les trente options différentes ayant été
calculées au préalable, le parcours était
reconstitué sur écran, exactement comme si l'utilisateur avait
été au volant de son véhicule.
Le coût de réalisation de la maquette virtuelle, avec une
interactivité réduite (l'utilisateur se bornait à
définir son parcours et son mode de transport, mais ne "pilotait" pas
lui-même l'image) a été de l'ordre de 500.000 F. L'ensemble
de l'opération d'aménagement a représenté un
coût de 70 millions de francs.
Il est tout à fait probable que ces pratiques seront amenées
à se développer et à se généraliser : la
réalité virtuelle peut être adaptée à tous
les grands projets d'infrastructure (routiers, ferroviaires, lignes
électriques, ouvrages d'art, ...) ou d'implantations industrielles
ou urbanistiques. La simulation pourra également être
diversifiée : propagation du bruit, simulation
d'inondations ...
Dans un futur plus lointain, lorsque les moyens de
télécommunication à très haut débit se
seront multipliés, il n'est pas impensable techniquement d'envisager des
téléconsultations ou des concertations interactives à
distance sur des projets d'aménagement. On peut même penser que
les associations et les riverains exigeront la modélisation
numérique interactive de tout ou partie des projets au moment des
enquêtes d'utilité publique
Modes d'affichage d'une image de synthèse |
||||||||||
|
|
|
||||||||
|
Affichage en fil de fer
|
|
|
|
Affichage en fil de fer
|
|
||||
|
|
|
||||||||
|
|
|
||||||||
|
Affichage
lisse
|
|
|
|
Affichage avec texturage |
|
CHAPITRE III
CONSÉQUENCES
L'avènement de l'ère
Cyber
se
caractérise par trois révolutions : la révolution du
langage, car le numérique est "
le nouvel alphabet du monde
", la
révolution des modes de communication, car "
Internet est une sorte
d'imprimerie universelle
", la révolution de l'espace, car le
web
-la toile, le réseau des réseaux- "
est devenu une
sorte de ville-monde
" dans laquelle on travaille et se rencontre.
Le numérique et le virtuel ne sont donc ni les seules, ni même les
principales composantes de l'ère
Cyber
, mais ils ont
montré leur puissance et leur universalité. Cette puissance vient
non seulement de la possibilité de représenter tout ce qui est
imaginable, ou de créer à volonté des hybrides de
réel et de virtuel, mais aussi de confronter l'homme à des images
qui, si elles n'ont pas de réalité physique, lui donnent les
mêmes impressions, les mêmes sensations. Le numérique est
une manière d'écrire, de voir, de travailler, de vivre dans un
écran.
Mais, comme l'annonce parfaitement Philippe Quéau,
" maintenant
que le temps des pionniers s'achève, vient aujourd'hui le temps de la
maîtrise politique, culturelle, sociale
(...)
. Il faut se
préparer à une nouvelle sociabilité, il nous appartient de
jeter les bases de la
cyber-
civilisation en gésine
(...).
L'ère
Cyber
inaugure une transformation culturelle majeure dont
les secousses se feront profondément sentir, dont le retentissement va
affecter radicalement nos sociétés. Elle annonce aussi un
bouleversement économique et social auquel nous ne sommes sans doute pas
prêts. "
54(
*
)
.
Le sujet paraît donc infini, mais l'analyse progresse, s'affine. Au cours
du colloque organisé par l'Office le 9 octobre dernier, plusieurs
intervenants ont souhaité distinguer les recherches "sur les tuyaux"
et
sur "ce qui passe dedans", en d'autres termes, le contenant et le
contenu. La
plupart des réflexions portent aujourd'hui sur le développement
des réseaux, l'accès aux réseaux, la préparation de
la société à
"l'ère du Web"
55(
*
)
, c'est-à-dire essentiellement sur le
contenant. Le présent rapport complète cette première
approche en s'intéressant avant tout au contenu et, même, au mode
d'élaboration des images.
Le sujet, même limité à ce volet, par nature infini, ne
peut être épuisé. Nous nous limiterons à l'analyse
de quatre thèmes :
les conséquences économiques,
les conséquences sociales,
les conséquences juridiques,
les conséquences culturelles.
A. LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
A l'exception de quelques créneaux déjà utilisateurs, le marché de la réalité virtuelle et, plus généralement de l'image de synthèse, est un marché émergent. Malgré quelques freins, les potentialités sont telles que le marché devrait connaître un développement rapide et même, dans certains cas, exponentiel.
1. Les facteurs de développement
Plusieurs hypothèses de développement ont
été envisagées par le cabinet d'audit OVUM :
un croissance faible, où la réalité virtuelle
conserve des applications dans des niches spécifiques ;
une croissance moyenne, où les applications dans les niches
spécifiques se multiplient ;
une croissance soutenue, où les applications dans les niches
spécifiques se multiplient et s'étendent progressivement aux
marchés principaux (
mainstream market
) ;
une croissance rapide, grâce à la multiplication des
applications et à la pénétration de la
réalité virtuelle dans tous les marchés.
Pour le cabinet britannique, le troisième scénario paraît
le plus probable, en raison notamment des développements techniques
annoncés. En réalité, plusieurs autres facteurs devraient
concourir à développer ce marché.
a) Les facteurs techniques
Trois évolutions devraient être
déterminantes pour le développement de la réalité
virtuelle à partir des années 2000/2001 :
l'utilisation de la réalité virtuelle sur les P.C.
standards
. Aujourd'hui, l'image de synthèse est très
utilisée, mais il n'est pas possible d'intervenir sur l'image. La
capacité de navigation va être développée, suivie
par celle d'interventions. Le taux de pénétration des
systèmes de réalité virtuelle sur le P.C., qui n'est
encore que de 0,2 %, devrait atteindre 1 % en 2000, 5 % en 2004,
10 % en 2006.
Pénétration des systèmes de réalité virtuelle sur les P.C. |
|||||||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
Total P.C.* |
127 |
145 |
163 |
179 |
193 |
208 |
223 |
240 |
253 |
268 |
284 |
P.C. avec réalité virtuelle* |
0,3 |
0,4 |
0,8 |
1,3 |
1,9 |
3,1 |
4,5 |
7,2 |
12,6 |
18,8 |
28,4 |
% de pénétration de la réalité virtuelle |
0,2 % |
0,3 % |
0,5 % |
0,7 % |
1 % |
1,5 % |
2 % |
3 % |
5 % |
7 % |
10 % |
* en millions d'unités Source : OVUM, 1995 |
l'utilisation de la réalité
virtuelle en réseau
qui permettra des travaux simultanés ;
et, surtout,
l'utilisation de la réalité virtuelle
sur Internet
à l'horizon 2002/2006, qui entraînera un
développement des relations commerciales. L'acheteur pourra en effet
manipuler les objets proposés sur l'écran et même les
mettre en situation : avant d'acheter un canapé par exemple,
l'utilisateur pourra tester ce que cela donne chez lui en mêlant l'image
du canapé à celle de son intérieur.
b) La baisse des coûts
L'évolution des coûts est aussi connue et
spectaculaire que celle des techniques et s'applique aux images de
synthèse et aux systèmes de réalité virtuelle comme
à toute autre composante des nouvelles techniques d'information et de
communication (NTIC). On estime en général que la puissance des
ordinateurs double et que le prix diminue de moitié tous les 18 mois.
Les coûts devraient donc baisser de façon très importante
dans les prochaines années. La baisse des coûts unitaires permet
d'absorber sans trop de difficultés les progrès techniques et
surtout les attentes toujours plus grandes des utilisateurs. Lorsque la
technique évolue peu, la chute des prix est radicale. Lorsque les
demandes sont très sophistiquées, le coût unitaire est
stable ou en légère croissance. Quelques comparaisons peuvent
être données :
Coût unitaire des simulateurs (en millions de dollars) |
|||
|
1997 |
2002 |
Évolution |
Simulateurs militaires |
4,02 |
4,51 |
+ 12 % |
Simulateurs de jeux |
0,012 |
0,010 |
- 16 % |
Simulateurs de vols |
13,5 |
10 |
- 26 % |
Simulateurs de conduite de navires |
0,92 |
0,6 |
- 35 % |
Simulateurs industriels |
0,05 |
0,006 |
- 88 % |
Source : 4th Wave , 1996 |
Naturellement, une baisse importante des coûts a un effet extrêmement favorable sur le développement du marché. Dans le cas de simulateurs industriels, la baisse de 88 % du coût unitaire devrait être accompagnée ou se traduire par une multiplication du nombre de simulateurs installés, par ... 20.
c) Des évolutions spécifiques à certains secteurs
Le secteur des jeux, notamment, va poursuivre son
développement spectaculaire, grâce à deux raisons
particulières : technique et économique.
Tout d'abord, l'amélioration de la qualité visuelle, de la
rapidité de jeu, de vitesse de réaction, a souvent
été évoquée.
" L'industrie du jeu
s'apprête à vivre des années exaltantes. Les jeux vont se
parer de nouvelles formes interactives. Les améliorations
apportées par les nouvelles consoles de jeux Sega et Nintendo permettent
d'atteindre un niveau de résolution d'images et de mouvements proche de
la télévision, avec des impressions cinématiques,
réalistes et d'immersion très forte. "
56(
*
)
. Ces améliorations devraient se traduire
par une certitude et deux interrogations. La réalité virtuelle va
pénétrer les jeux. En 1995, 1 % des jeux pouvaient
être qualifiés de jeux de réalité virtuelle. Cette
proportion devrait atteindre 20 % en 2001. Les interrogations portent sur
le développement de "parcs de jeux virtuels" encore limités au
continent nord-américain et au Japon et sur l'éventuelle
percée des jeux individuels à casques, pour l'instant
délaissés.
Ensuite, des facteurs économiques et financiers devraient pousser le
marché des jeux.
" La fin de la guerre froide a mis les
ressources des géants de la simulation militaire au service des consoles
et logiciels de jeux. Désormais, le marché du jeu dépasse
économiquement le poids d'Hollywood. "
Comme tous les
marchés oligopolistiques, la pression concurrentielle est très
forte, d'autant plus que le public des joueurs, même jeunes, est un
public très avisé, très exigeant et très mobile. La
pression qualitative est donc très puissante.
2. Freins et résistances au développement
Le développement des techniques de pointe en matière de réalité virtuelle se heurte à plusieurs obstacles : l'organisation du marché, la médiatisation excessive, les disparités régionales.
a) La situation actuelle du marché
Le marché est encore peu organisé du fait d'une
offre très créative mais un peu anarchique, et d'une demande rare
et prudente. Concernant l'offre, si l'industrie des matériels est d'ores
et déjà très structurée autour de quelques
sociétés extrêmement puissantes, l'industrie des contenus
et, en particulier, celle des logiciels de réalité virtuelle, est
encore balbutiante et peu organisée.
Les potentialités d'utilisation sont telles, qu'apparemment il y a de la
place pour tout le monde et, qu'en effet, de nombreuses sociétés
se créent autour d'une idée et de quelques ingénieurs
talentueux et motivés sur le modèle des
start up
. Ces
secteurs de haute technologie sont des secteurs à très haute
valeur ajoutée, mais sans gros capital (par rapport aux investissements
de l'ère industrielle) et même sans équipes de
travail
57(
*
)
importantes.
Mais le modèle qui réussit si bien aux États-Unis ne perce
pas toujours en Europe et, en particulier, en France. Au cours de nos
auditions, nous avons rencontré plusieurs sociétés de
toutes tailles, y compris des micro-sociétés de trois ou quatre
personnes, dont un petit nombre prospère. L'évolution est
cependant rapide et le marché s'organise progressivement.
Le marché est aussi conditionné par l'investissement. On retrouve
là une difficulté classique des technologies de pointe. Selon un
responsable du CEA :
" La réalité virtuelle est à
la pointe de la technologie, mais coûte encore très cher. On peut
encore basculer : s'orienter vers la réalité virtuelle applicable
à plusieurs secteurs, ou en faire une technique de pointe mais
limitée aux seuls spécialistes. C'est essentiellement un
problème de budget et de choix, y compris au niveau européen. Le
Programme commun de recherche-développement de l'Union européenne
(PCRD) n'est pas suffisamment impliqué sur le sujet en France. L'argent
du PCRD va là où il y a déjà de l'argent. En
France, on a les compétences, mais on n'a pas la masse
critique. "
.
Du côté de la demande, le marché est encore très
limité. Les clients sont rares. Selon un interlocuteur,
" Il y a
en France, environ cent clients de réalité virtuelle, dont trente
vraiment importants. C'est très peu alors même que les
prestataires se multiplient. L'offre s'accroît avant que la demande ne se
manifeste. En outre, l'aversion du risque fait hésiter la plupart des
industriels qui attendent toujours que le produit soit parfait. "
.
b) La médiatisation
Paradoxalement, la médiatisation, pourtant si
nécessaire au développement des produits et des techniques, et si
intense s'agissant des technologies du virtuel, ne semble pas leur profiter et
pourrait même être, dans certains cas, contre productive. Cet
argument a souvent été évoqué au cours des
entretiens. L'excessive médiatisation aurait ainsi deux
défauts : d'abord, on exagère le côté ludique,
au détriment des applications professionnelles. Dès lors qu'elle
est perçue comme un jeu, la réalité virtuelle est
considérée comme un outil un peu superflu
58(
*
)
.
Ensuite, il y a un décalage permanent entre
ce dont les médias rendent compte, qui est à la pointe de la
technique, et les produits proposés couramment. Les clients demandent la
perfection, la qualité, l'image, la rapidité, le temps
réel, l'interaction... Mais la perfection coûte trop cher, et ce
qui est disponible pour un budget réduit ne comporte pas toutes les
avancées qui, elles, sont médiatisées, d'où une
certaine déception.
Certes, nous sommes entrés dans une révolution technologique et
la réalité virtuelle est à portée de main, mais, en
fait, ne perce pas encore. Le client est trop exigeant par rapport à la
qualité accessible aujourd'hui, et les producteurs ne s'y sont pas
encore vraiment lancés.
Beaucoup de gens confondent les images 3 D de réalité
virtuelle qui réagissent en temps réel, mais qui sont
nécessairement sommaires, et les images 2 D des effets
spéciaux du cinéma, d'une qualité exceptionnelle, mais pas
interactives. On ne peut avoir la qualité d'image et
l'interactivité totale. Ainsi, selon un responsable du CEA :
" Outre le problème de coût, le risque majeur est celui de
l'emballement médiatique : il faut faire attention à ne pas
promettre monts et merveilles, à croire que la réalité
virtuelle va tout permettre, car les déceptions, inévitables,
pourraient arrêter l'élan."
. D'ailleurs, comme le note de
façon quelque peu désabusée l'un de nos interlocuteurs,
" Pour résumer, cela fait dix ans que l'on parle de
réalité virtuelle, mais cela fait dix ans qu'on ne la voit
toujours pas, par exemple, il n'y a pas de stand de réalité
virtuelle à la FNAC...."
.
c) Les disparités géographiques
En dépit de sa généralisation, le
marché de la réalité virtuelle est essentiellement
américain. Au cours de cette mission, alors que nous cherchions des
données documentées et des chiffres sur le marché des
images de synthèse et de la réalité virtuelle
auprès de sociétés américaines, il nous fut un jour
répondu :
" Quels chiffres, quel marché ? Tout le
monde fait et utilise des images de synthèse aujourd'hui aux
États-Unis."
Pour se limiter au seul segment de la réalité virtuelle, le
marché nord-américain représenterait 50 % du
marché mondial. Cette part relative devrait décliner dans un
marché cependant fortement croissant, avec la progression du
marché asiatique et européen, notamment français.
Répartition géographique du marché de la réalité virtuelle |
|||||
|
1995 |
2001 |
Taux de croissance |
||
|
M$* |
% |
M$* |
% |
par année |
États-Unis |
67 |
50 |
370 |
37 |
+ 33 % |
Europe
|
52
|
38
|
351
|
35
|
+ 37 %
|
Asie |
9 |
7 |
202 |
20 |
+ 68 % |
Reste du monde |
7 |
5 |
89 |
9 |
+52 % |
Total |
135 |
100 |
1006 |
100 |
+ 40 % |
* M$ : millions de dollars |
Selon le cabinet OVUM, la France offrirait de belles
perspectives de développement avec un taux de croissance annuel de +
64 % !... La France souffre toutefois de handicaps d'un autre ordre,
liés aux rémunérations offertes.
Encadré n°16
LA SITUATION DU MARCHÉ EN FRANCE
La situation en France est paradoxale : la maîtrise
technique y est internationalement reconnue, mais le marché reste
étroit et les spécialistes sont souvent happés,
attirés par des revenus plus importants offerts outre-Atlantique.
" Dans le domaine des images de synthèse, la France a
été et reste un creuset technologique. La plupart des innovations
viennent de France, mais beaucoup de ceux qui en sont à l'origine sont
partis aux États-Unis.
La transcription mathématique des surfaces des objets sur ordinateurs a
été inventée par un Français
1
. Un
des meilleurs algorithmes de rendu des surfaces a été
inventé par un Français
2
. La
géométrie fractale, utilisée pour le traitement et la
reconnaissance d'images a été inventée par un
mathématicien français
3
. Le Centre de recherche
des effets spéciaux du réalisateur Georges Lucas (
La guerre
des étoiles
) est dirigé par un Français. Pour des
raisons financières (les salaires dans ce secteur sont de deux et demi
à trois fois plus élevés qu'en France) et de chapelle
entre services, beaucoup des innovateurs de génie que recèle
l'INA sont tentés d'émigrer aux États-Unis ou de
travailler pour une société
nord-américaine. "
4
Ce niveau atteint par les individus se traduit par une excellente
réputation des pôles d'excellence (INRIA) et une très bonne
performance des sociétés françaises
5
, souvent
appelées en sous-traitance par les grandes compagnies américaines.
Les performances techniques ne se traduisent pas toujours dans les chiffres.
Comme on l'a vu, le marché est encore très étroit. Il y
avait en France, en 1996, environ une centaine de clients de
réalité virtuelle, dont trente majeurs. C'est encore très
peu alors que les prestataires se multiplient. L'idée que "la technique
est américaine" est si répandue qu'il arrive parfois que des
sociétés industrielles françaises demandent à des
prestataires américains le soin de travailler sur des projets de
réalité virtuelle, sans savoir qu'il existe en France et en
Europe des sociétés parfaitement performantes.
________________________
1
M. Pierre Béziers, alors ingénieur chez Renault.
2
M. Henri Gouraud. Les performances des ordinateurs en
matière de rendu de surface sont même évaluées en
gouraud shaded
, du nom de son inventeur.
3
M. Benoît Mandelbrot.
4
Audition de M. Bruno Simon, responsable du Bureau des images de
synthèse chez Renault.
5
Médialab, Ex-Machina, Buf Compagnie........
3. Évaluation des perspectives du marché
L'une des difficultés de toute évaluation réside dans l'hétérogénéité des sources et du champ considéré, car l'image de synthèse ne constitue pas un secteur autonome, parfaitement identifiable. Il n'y a donc pas d'évaluation globale, mais seulement une succession d'évaluations partielles et néanmoins intéressantes car, en dépit de cette hétérogénéité, toutes les études conduisent à une même conclusion : le marché est encore émergeant, mais quand la technique s'imposera dans deux, cinq ou sept ans selon les secteurs et les applications, la progression sera alors très rapide et même exponentielle.
a) Le marché de la réalité virtuelle
La réalité virtuelle constitue l'application la
plus élaborée et la plus spectaculaire des images de
synthèse.
Selon le cabinet OVUM, le marché de la réalité virtuelle
est estimé, en 1995, à 206 millions de dollars répartis en
un tiers de jeux et deux tiers d'utilisations professionnelles. Concernant le
seul segment d'utilisations professionnelles, le marché, estimé
à 135 millions de dollars, devrait progresser de 40 % par an pour
atteindre plus d'un milliard de dollars en 2001. Les deux tableaux suivants
indiquent la répartition de ce marché par produit et par
utilisation.
Répartition des marchés de la réalité virtuelle par produits (millions de dollars) |
|||||||||||||||||
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Croissance annuelle |
|||||||||
Services |
40,0 |
68,7 |
86,7 |
117,0 |
156,0 |
204,0 |
276,0 |
+ 38 % |
|||||||||
Périphériques |
24,7 |
28,2 |
35,4 |
46,1 |
59,6 |
75,6 |
99,6 |
+ 26 % |
|||||||||
Software |
19,0 |
24,0 |
32,8 |
52,3 |
96,6 |
164,0 |
302,0 |
+ 58 % |
|||||||||
Hardware |
51,2 |
59,3 |
76,2 |
104,0 |
146,0 |
216,0 |
328,0 |
+ 36 % |
|||||||||
Total |
135,0 |
180,0 |
231,0 |
319,0 |
458,0 |
659,0 |
1006,0 |
+ 40 % |
|||||||||
Source : OVUM, 1995, Virtual reality |
|||||||||||||||||
Répartition des marchés de la réalité virtuelle par applications (millions de dollars) |
|||||||||||||||||
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Croissance annuelle |
|||||||||
Design |
54,0 |
68,5 |
69,3 |
95,6 |
137,0 |
165,0 |
252,0 |
+ 33 % |
|||||||||
Formation |
27,0 |
39,7 |
57,8 |
79,7 |
91,6 |
132,0 |
201,0 |
+ 40 % |
|||||||||
Visualisation des bases de données |
6,7 |
9,0 |
23,1 |
31,8 |
68,7 |
132,0 |
201,0 |
+ 76 % |
|||||||||
Ventes et marketing |
20,2 |
27,0 |
34,7 |
47,8 |
68,7 |
132,0 |
201,0 |
+ 40 % |
|||||||||
Maintenance |
27,0 |
36,0 |
46,2 |
63,7 |
91,5 |
98,8 |
151,0 |
+ 33 % |
|||||||||
Total |
135 |
180,2 |
231,0 |
318,6 |
457,8 |
659,0 |
1006,0 |
+ 40 % |
|||||||||
Source OVUM, ibid . |
b) Le marché de la simulation
Les quelques exemples évoqués dans le
rapport
59(
*
)
illustrent le fait que le
marché de la simulation est un marché en développement,
mais qui tend à se structurer de façon sensiblement
différente. Ainsi, le marché des simulateurs de vols serait
d'ores et déjà relativement saturé, le marché
militaire devrait stagner, tandis que les utilisations industrielles ou plus
banales (conduite automobile) devraient progresser fortement. A noter que la
baisse du marché en valeur ne rend pas compte de la progression
réelle, dans la mesure où la baisse de prix unitaire est
très importante dans ce secteur.
Le marché des
simulateurs d'entraînement
|
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1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Simulateurs militaire
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Simulateurs de vols
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Simulateurs de transport
(1)
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Simulateurs de transport
(2)
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Simulateurs industriels
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Simulateurs de jeux
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TOTAL
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*np : non précisé - **ns : non significatif - |
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Source : 4th Wave |
Si la simulation est un marché à lui seul, son développement est aussi, souvent, un point d'entrée pour beaucoup de sociétés qui, constatant à quel point la réalité virtuelle est une technique utile et même un outil exceptionnel de formation, commencent à se familiariser avec les images de synthèse et la réalité virtuelle, et abandonnent leurs réticences et leurs préjugés.
c) Le secteur des jeux
Le marché des jeux est, d'ores et déjà,
considérable et représente toutes applications confondues
(consoles + jeux pour consoles + jeux pour P.C.) de l'ordre de 100 milliards de
francs.
APERÇU SUR LE MARCHÉ DES JEUX |
|
Marché des jeux en France en 1996 |
|
Consoles |
P.C. lecteurs CD-ROM |
Parc : 10 millions de consoles |
Parc : 1 million de lecteurs |
4,1 millions de jeux vendus en 1996 pour un chiffre d'affaires de 1,2 milliard de francs. |
3,5 milliards de logiciels loisirs vendus en 1996 pour un chiffre d'affaires de 900 millions de francs, dont 1,9 million de jeux (55 % des ventes) pour un chiffre d'affaires de 510 millions de francs. |
Total logiciels de jeux (hors matériel) : 6 millions de jeux ; 1,7 milliard de francs. |
|
Marché mondial (estimation du marché annuel) |
|
Consoles de jeux +
jeux
pour consoles + CD-ROM de jeux pour
P.C. :
|
|
Le marché des
consoles devrait être
multiplié par 3,7 en cinq ans : de 4,8 millions d'unités en 1995
à 17,9 millions en 2000.
|
|
Chaque
utilisateur de console utilise en moyenne 5 à 6
logiciels de jeux par an pour un prix unitaire moyen de 350 F.
|
Sources
: France, SELL, 1996 - Monde,
l'Expansion
n° 542, 5 février 1997
Ce secteur devrait prendre une importance croissante dans les prochaines
années. Pour ce qui concerne la réalité virtuelle qui est
l'application la plus élaborée des images de synthèse, la
part des jeux, qui ne représente aujourd'hui qu'un tiers du
marché total de la réalité virtuelle (430 millions de
francs, sur 1,2 milliards) devrait atteindre plus de la moitié en 2001
grâce à des progressions annuelles supérieures à
40 %.
B. CONSÉQUENCES SOCIALES
1. Présentation
Avec l'image de synthèse, de nouveaux métiers
apparaissent, de nouvelles pratiques se mettent en place, bouleversant des
habitudes, des cloisonnements inhérents à toute profession. Peu
sont préparés à cette irruption du virtuel dans leur
métier, et encore moins à cette intrusion d'autres
spécialistes dans leurs corporations. Car, dans la plupart des cas,
l'arrivée de l'infographiste est vécue avec curiosité,
mais aussi méfiance, voire avec irritation, y compris dans les
métiers de l'image.
Il peut être utile de déterminer l'origine et la nature de ces
résistances et les moyens d'y porter remède.
a) Les résistances
Il existe en effet des
résistances
naturelles
à l'introduction des nouvelles techniques de
réalité virtuelle. Il y a tout d'abord des résistances
à l'introduction de toute nouvelle technique. Pour donner l'exemple de
la médecine, l'enthousiasme manifesté par les personnes
auditionnées, ne doit pas faire oublier qu'il s'agit dans tous les cas
de promoteurs convaincus, qui ne reflètent pas l'ensemble du corps
médical.
" Les expériences pilote menées avec des
médecins "avant-gardistes" ne doivent pas faire oublier la
résistance naturelle du corps médical.
(...)
Rien ne
prouve que le système de réalité virtuelle comme assistant
chirurgical s'imposera. "
60(
*
)
.
On ne peut nier non plus l'effet génération. Il a souvent
été dit que pour la première fois dans l'histoire des
Hommes, la nouvelle génération apprendrait moins de l'ancienne
que le contraire. Cela se vérifie pleinement dans les NTIC et, en
particulier, dans les images de synthèse, calculées,
manipulées, animées, vécues par une population jeune,
voire très jeune, qui intervient, par conséquent, dans
différents milieux sans en connaître les rites et, parfois
même en les bouleversant.
La rencontre entre professionnels d'expérience et infographistes prend
parfois des allures de confrontation, chacun parlant un langage
différent. Ce risque de décalage a été plusieurs
fois mentionné au cours du colloque organisé par l'OPECST le 9
octobre dernier.
Ensuite, l'introduction des systèmes de réalité
virtuelle dans un secteur implique un
partage du travail
, une
collaboration à laquelle tous les professionnels ne sont pas
préparés. Lorsque l'image de synthèse
pénètre dans un secteur d'activité (industrie,
architecture, médecine...), le métier change car l'image de
synthèse mêle plusieurs compétences. Le monde technique
rejoint le monde de la communication, le praticien manuel s'appuie sur
l'ingénieur, le technicien collabore avec l'artiste. Une
coopération s'établit entre deux mondes qui, jusque là,
s'ignoraient. L'image de synthèse apprend à composer, à
travailler ensemble. Cela ne va pas toujours sans difficulté. L'image de
synthèse peut même être vécue comme une intrusion
dans une compétence exclusive, une menace de dépossession, voire
un risque de déclassification.
Autre obstacle, et non des moindres, au delà de l'investissement
financier, nécessaire à la maîtrise de ces techniques,
c'est le coût global d'intégration qu'il faut prendre en
considération. Pour prendre l'exemple de l'hôpital, l'utilisation
de la réalité virtuelle suppose une intégration dans un
système qui n'a pas été conçu pour cela, qui impose
des personnels supplémentaires spécifiques pour la maintenance et
le fonctionnement.
Enfin, indépendamment de la question centrale liée au
risque de manipulation des images et des informations, il ne peut être
nié que cette technologie entraîne des changements dans
la
façon d'appréhender son travail
. Deux exemples peuvent
être donnés : le journalisme sportif et la photographie.
L'image de synthèse et le journalisme sportif
Il a déjà été indiqué quel pouvait
être le rôle des images de synthèse à la
télévision. L'image de synthèse permet de reconstruire un
jeu, analyser des déplacements de joueurs, comprendre les tactiques.
Elle permet donc d'expliquer, ce qui répond à une demande de plus
en plus forte du public. Les journalistes doivent s'adapter à cette
nouvelle technique. Jusque là sélectionnés avant tout pour
leurs qualités de communicants, ils doivent aussi démontrer leurs
qualités pédagogiques. Le journaliste ne se contentera plus de
commenter, mais devra aussi travailler à partir de l'écran, en
manipulant les images de synthèse, sélectionner les plans qui lui
permettront d'expliquer le mieux possible. S'il ne peut le faire, il devra
accepter de partager l'antenne avec un spécialiste qui, lui, saura faire
ce travail. Une évolution est d'ores et déjà
entamée avec le commentaire partagé entre un journaliste sportif
et un ancien champion. L'étape suivante sera celle où
l'infographiste sera à son tour à l'écran.
L'image de synthèse et la photographie
" Si elles fascinent par leur efficacité, les voies ouvertes par
le numérique ne manquent pas d'inquiéter les photographes. La
lecture de l'image sur écran est de nature différente de celle
qui s'opère sur un objet physique, notamment le tirage sur papier qui
est bien souvent l'état le plus abouti des volontés
esthétiques d'un créateur.
(...)
D'un point de vue
professionnel, le numérique va obliger les photographes, dès la
prise de vue, à opérer des choix extrêmement clairs. Soit
choisir le numérique pour pouvoir transmettre immédiatement le
résultat d'un travail et se situer alors nettement dans le cadre d'un
témoignage en compétition avec celui de la
télévision, soit s'en tenir à la technologie classique et
s'inscrire davantage dans la perspective de la durée, de la
mémoire, de l'histoire. Ce choix va concerner essentiellement les
reporters photographes et les témoins de l'actualité
"chaude". "
61(
*
)
. En
d'autres termes,
sans même évoquer pour l'instant le point crucial de la pratique
de l'information, la photographie du réel n'est pas obsolète,
mais prend un autre sens.
b) Les remèdes
Les remèdes se résument en trois mots :
expérimentation, formation, confiance.
Expérimentation
. Dans la plupart des cas, ces
appréhensions sont levées avec l'expérience. L'image de
synthèse ne se substitue que très rarement à une
technique, mais vient plutôt en complément pour améliorer
une présentation, préparer un produit ou rendre un geste plus
précis.
Le moment de surprise passé, les professionnels s'engagent dans une
nouvelle façon de travailler et s'aperçoivent vite que
" c'est seulement l'inconnu qui leur faisait peur "
.
Des
initiatives locales comme celles du Futuroscope peuvent également
contribuer à inciter les différents publics à s'engager
résolument dans la technique.
Formation
. Le développement de la
réalité virtuelle suppose en effet un gros effort de formation.
Formation au départ et en continu. Formation des spécialistes et
des hommes qui, sans être des spécialistes, doivent s'habituer
à travailler avec ces nouveaux outils. L'infographie appelle une
didactique nouvelle, une progression pédagogique permanente, pour
s'adapter à l'évolution des matériels.
L'auto-apprentissage, qui a été jusqu'à présent le
mode de formation dominant, peut-il répondre à tous les besoins
d'une technique en plein développement ? Mais la formation doit
aussi s'étendre à tous ceux appelés à "collaborer"
avec ces spécialistes.
" Il faudra vite intégrer les
techniques des images de synthèse dans les écoles, les
facultés, les cycles de formation, sinon nous aurions des techniques
sans techniciens. "
62(
*
)
. Une telle
formation ne va pas sans difficulté, et suppose, bien souvent, des
arbitrages.
Les " chirurgiens par exemple, ne sont pas
réfractaires à cette technologie nouvelle, mais pour des raisons
de temps, ils ne veulent pas de formation
supplémentaire
lourde
pour les utiliser. "
63(
*
)
Encadré n°17
LA FORMATION AUX MÉTIERS DES IMAGES DE SYNTHÈSE
Beaucoup de nos interlocuteurs se sont formés aux
images de synthèse "sur le tas", pour compenser l'absence de formation
spécialisée. Les formations sont aujourd'hui organisées et
semblent rencontrer un vif succès. Plusieurs établissements,
publics et privés, ont développé des formations
spécifiques à l'infographie et, plus particulièrement, aux
images de synthèse : l'École nationale supérieure des Arts
décoratifs (ENSAD), l'université Paris VIII, le Centre national
de la Bande dessinée d'Angoulême, l'École
Supinfocom
à Valenciennes.
Cette dernière initiative est intéressante parce qu'elle
émane de professionnels eux-mêmes, de la chambre de commerce et
d'industrie de Valenciennes au cœur d'une région de reconversion
industrielle. L'école a été créée en 1988.
La formation, axée sur l'image, s'est spécialisée sur
l'image de synthèse depuis 1993. La scolarité est payante (de
24.000 à 32.000 F par an). Le cycle complet comporte quatre ans, deux
ans de formation et deux ans de spécialisation. Les promotions sont
petites (25/30 élèves), mais tous sont assurés d'avoir un
emploi, comme l'explique la directrice, Mme Marie-Anne Fontenier :
" Cela fait sept ans que l'on a misé sur la formation
spécifique sur les images de synthèse. On a senti que le
marché démarrait vraiment il y a cinq ans quand les entreprises
ont commencé à s'intéresser à nos étudiants
et faire des offres de stages sans qu'on ait eu besoin de les chercher. Depuis
trois ans, le marché est lancé. Nous avons plus d'offres
d'emplois que nous n'avons d'étudiants, principalement dans l'industrie
des jeux. Pour nos cinq dernières formations, le taux d'emploi est de
100 %..."
Ainsi, pour Valenciennes, la reconversion industrielle s'est
opérée avec succès. Un pôle "image" se
développe rapidement avec, notamment, l'université qui propose
des formations liées aux métiers audiovisuels (montage, cadrage,
son...), l'École de la chambre de commerce. L'ensemble crée un
niveau de compétences qui attire les entreprises
spécialisées dans ce secteur. Une "usine à images" a
été créée, il y a deux ans,
spécialisée dans la fabrication de séries T.V. en images
3 D.
La demande est forte, notamment chez les fabricants de jeux vidéo. Un
autre créneau est apparu récemment avec le recrutement de
personnels chargés de créer des sites
Web
sur le
réseau Internet.
Confiance
. Il est indéniable qu'il y a, avec l'image
de synthèse et la réalité virtuelle, un saut de
génération. Mais ce qui est frappant, au terme de dizaines de
rencontres avec les professionnels, c'est la jeunesse d'esprit et la motivation
de ces hommes et de ces femmes
64(
*
)
, qui sont
avant tout, des passionnés. Les métiers qui suscitent tant
d'enthousiasme ne sont pas si nombreux pour ne pas les soutenir, et même,
parfois, les envier !
L'image de synthèse ouvre un nouveau champ d'activités, offre des
perspectives pour des milliers de jeunes apparemment "décalés"
par rapport à l'entreprise traditionnelle.
L'image de synthèse modifie assurément une façon de
travailler. Mais va-t-elle jusqu'à changer un métier ? Le
meilleur exemple qui puisse être donné est sans doute celui du
cinéma, puisqu'il s'agit, là aussi, de fabriquer des images.
2. L'image de synthèse et les métiers du cinéma
a) Présentation
C'est assurément dans ce secteur que les
bouleversements sont les plus importants : mise en scène, production,
scénario, montage, son, photo et travail du comédien. Tous les
métiers du Septième Art sont susceptibles d'être atteints
par la vague numérique. Après une période d'observation au
cours de laquelle les techniciens de l'industrie cinématographique
éprouvèrent une certaine méfiance à l'égard
des techniques de l'image de synthèse, le monde de l'image de
synthèse se réclamant de sa spécificité, les deux
univers se sont rapprochés, les cloisonnements ont disparu, les
techniques et les métiers se sont adaptés. Les techniciens, les
comédiens, abordent désormais avec aisance cette nouvelle
façon de travailler
L'image de synthèse fait désormais partie du paysage audiovisuel
et est intégrée aux différentes étapes de la
réalisation cinématographique. Au stade de la conception, tout
d'abord, l'image de synthèse est un formidable moyen de contourner tous
les obstacles physiques, de s'affranchir de contraintes, de montrer
l'impossible. Tous ceux qui font des images n'ont pas attendu l'image de
synthèse pour faire rêver le spectateur, mais aujourd'hui, ce
qu'un auteur imagine, l'image de synthèse le réalise. Au stade de
la "fabrication" ensuite, l'image de synthèse change un certain nombre
de métiers : menuisiers, peintres, plâtriers et, d'une
façon générale, tous ceux chargés de
réaliser un décor, peuvent être remplacés par un
infographiste, seul devant son écran. Les décors changent, se
bâtissent sans ouvriers. Le stuc, le bois et le carton pâte ne sont
plus indispensables. Un logiciel de graphisme, de
mate painting
ou de
texturage peut tout aussi bien -et parfois mieux- faire l'affaire. Le
décor, ainsi réalisé, peut de surcroît être
indéfiniment conservé et indéfiniment modifié. Avec
le perfectionnement du graphisme et la diminution des coûts, il est
probable que la pratique des décors virtuels se développera.
Ces possibilités inquiètent les professionnels concernés
au point de les amener à se demander si le numérique ne risquait
pas de supprimer un certain nombre d'emplois d'intermittents du spectacle. Ces
craintes paraissent cependant excessives. Il y a bien une nouvelle technique de
création de décor qui fait appel à d'autres
compétences et d'autres métiers, et qui, probablement,
connaîtra un développement durable, mais cette évolution
n'a rien de comparable avec la véritable révolution technologique
qu'a connue l'imprimerie au moment du passage du plomb à la
photocomposition. Il y avait eu alors un basculement radical,
irréversible, ce qui n'est pas le cas actuellement. La percée du
numérique dans ces métiers, certes incontestable, et parfois
spectaculaire, reste marginale dans l'ensemble de la production audiovisuelle,
notamment T.V. Le numérique offre une technique complémentaire
aux créateurs de décors, mais ne se substitue pas aux
métiers antérieurs.
Une inquiétude identique, et pareillement infondée, a pu
naître chez les comédiens, inquiets de la "concurrence" des
acteurs virtuels.
b) Les comédiens face à l'image de synthèse
Cinq situations peuvent être distinguées.
Premier cas,
la figuration
. Le numérique permet de
reconstituer une foule en partant d'un noyau de vingt ou trente
comédiens, multipliés à l'infini. La technique est
parfaitement au point et est couramment utilisée (
Braveheart
,
Beaumarchais
...). L'avantage est incontestable, mais l'emploi n'est
nullement menacé car depuis longtemps déjà le
cinéma, même riche, n'a plus les moyens de "s'offrir" les
figurants des films à grand spectacle des années soixante
(
Cléopatre
,
Ben Hur
...). Le numérique permet de
faire revivre une situation révolue.
Deuxième cas,
l'animation de personnages de
synthèse
. L'une des difficulté de "création" des
personnages de synthèse réside dans l'animation réaliste
des personnages, en particulier les déplacements et les expressions du
visage, tous deux extrêmement difficiles à modéliser. La
marche par exemple est un geste faussement simple qui fait intervenir le poids,
la taille, la morphologie du marcheur, la dynamique, la vitesse, les
résistances fluides et du sol... La modélisation implique de
suivre, démonter, analyser un très grand nombre de
paramètres, sans que le résultat soit parfaitement satisfaisant.
Cette difficulté peut être contournée en cherchant à
calquer les mouvements -réels- d'un personnage existant. L'un des
procédés consiste à appliquer sur le corps d'un
comédien des pastilles munies de capteurs. Le mouvement réel de
l'acteur est ensuite analysé, puis appliqué au personnage en
images de synthèse sur écran.
65(
*
)
Il s'agit là, naturellement, d'un changement radical du travail de
comédien, limité en l'espèce à n'être plus
qu'un support de capteurs de mouvements, de surcroît au profit d'une
image !...
Ce changement est même caricatural puisque, tandis que, jusqu'à
présent, l'image de synthèse était un outil au service de
l'homme pour montrer ce que le cinéma ne pouvait faire, l'homme, cette
fois, passe au service de l'image de synthèse pour compenser une
insuffisance technique, une limite de la modélisation, pour donner
à l'image une touche de "vie" ou, au moins, de réalisme qui,
parfois, lui manque encore. La simulation des expressions des visages repose
sur d'autres techniques. L'acteur est muni d'un casque sur lequel est
fixé une caméra qui filme le visage. Le visage est divisé
en trois zones : le front, les yeux, la bouche. Les traits, les
déformations, sont filmés, analysés, puis reproduits sur
le visage de quelqu'un d'autre, personnage de synthèse ou réel.
Dans le film
Babe
, les mouvements des lèvres des personnes ont
été filmés, analysés, puis reproduits sur les faces
des animaux qui ainsi "parlent" comme des humains.
Troisième application,
la numérisation du
comédien
. Le comédien n'est plus seulement au service de
l'image de synthèse, il est happé par elle ; il est "englouti"
par la technique. Le comédien est scannérisé,
numérisé, mis en mémoire. L'acteur vivant peut alors
céder sa place à son clone, un personnage en images de
synthèse, utilisable à la guise du réalisateur comme
n'importe quelle autre base de données.
Tel est du moins le fantasme. Certes, quelques comédiens
66(
*
)
se sont ainsi fait scannérisés et
modélisés, mais les films réalisés avec ces
personnages de synthèse restent des prototypes et n'ont pas
trouvé de distributeurs.
Quatrième application,
les clones
.
Encadré n°18
LES CLONES
Le clone est le personnage réalisé en images de
synthèse sur le modèle et à l'image d'un personnage
réel, vivant ou disparu. Le clone n'est qu'une image sur un
écran, mais cette image est le double presque parfait de quelqu'un.
Parfois, même, plus parfait puisque, contrairement à l'image du
miroir, le clone vit sur l'écran indépendamment de son
modèle et que, de surcroît, il vit indéfiniment.
La première étape consiste à fabrique le double en image
de synthèse, c'est-à-dire à saisir les données qui
permettront de réaliser l'image. Notamment le visage qui est à la
fois l'élément phare du clone et le plus difficile à
modéliser. Toutes les techniques de reconstitution consistent à
repérer un certain nombre de points caractéristiques (nez,
bouche, front...) ; en général 160 points ou 200 polygones, mais
cela peut aller jusqu'à 50 polygones pour la seule bouche.
La saisie peut s'opérer soit sur un personnage vivant, scanné
à 512 intervalles répartis de façon uniforme dans
360° pour faire totalement le tour, soit à partir de photographies.
L'une des méthodes est de partir de deux photos de profil et d'une photo
de face mises bout à bout en continu, sous forme de bande (voir image).
Les points caractéristiques sont relevés, puis
modélisés. La modélisation est également possible
à partir d'une seule photo. Lorsque le portrait est de trois-quarts,
cela facilite les choses car, par un jeu de miroir, on peut reconstituer
l'autre profil, ce qui permet d'utiliser la technique précédente.
Lorsque le personnage est saisi, il devient une banque de données
utilisable comme toute autre banque de données. Les surfaces sont
ensuite "peintes" ou "habillées" par un processus de
texturage. Un
logiciel d'animation de bouche permet de faire parler le personnage.
N'importe qui, vivant ou disparu, peut donc avoir son clone. Le clone de
La
Joconde
a été réalisé en utilisant le jeu de
miroirs (le portrait de trois-quarts gauche a été
répliqué en portrait trois-quarts droite, ce qui a permis de
réaliser le clone. Il est même envisagé de réaliser
une émission historique avec les "vrais" -vrais-faux- personnages de
l'époque, clonés grâce aux portraits réalisés.
Cinquième application,
la "star" virtuelle
. Dans
cette étape ultime, le comédien "de chair et d'os" a disparu. Un
acteur virtuel l'a remplacé, non seulement comme accessoire dans un
décor, mais bel et bien comme le héros central d'un film, d'une
série.
Un acteur virtuel est constitué :
d'un squelette informatique, composé d'un ensemble de segments,
d'une enveloppe, composée de surfaces attachées au
squelette,
d'un logiciel d'animation et du squelette pour le faire bouger,
d'un logiciel d'animation de l'enveloppe pour réaliser les
expressions faciales,
d'un logiciel d'animation des yeux.
Dès le début des années 1990, plusieurs films ont ainsi
été réalisés aux États-Unis où le
comédien -réel- était le partenaire -faire-valoir- d'un
personnage tiré de bandes dessinées. L'étape suivante,
apparue en Asie, est celle où le héros est un personnage en
images de synthèse. Une société française a
même réalisé une série T.V. en chinois
entièrement en images de synthèse.
La première vedette entièrement virtuelle est née au
États-Unis. Il s'agit d'une femme, Lara Croft. Le personnage chante,
danse, est habillé en images de synthèse par les plus grands
couturiers et la société qui l'a créée vend des
C.D. par milliers
67(
*
)
.
Les changements paraissent si radicaux qu'ils ont naturellement pu provoquer
des réactions de la part des comédiens, inquiets d'être un
jour concurrencés par leurs doubles de synthèse... Il y a,
là encore, une grande part de fantasme. Depuis que le cinéma
parlant existe, des comédiens ont prêté leur voix à
d'autres comédiens, voire à de simples dessins, sans jamais
apparaître à l'écran, mais sans non plus
"disparaître", ou sans que leur carrière ait eu à en
souffrir. Les quelques exemples d'animation de personnages de synthèse
resteront aussi limités que les prêts de voix de dessins
animés et n'auront vraisemblablement pas d'autres conséquences.
Quant aux stars virtuelles, il ne s'agit ni plus ni moins que d'un
"
business
", apparemment profitable, mais parallèle, qui n'a
rien
à "voir" avec le métier de comédien. C'est tout simplement
un nouveau marché qui s'ouvre. Ce n'est pas demain que le public
s'émerveillera pour un Gérard Depardieu virtuel. La guerre entre
l'acteur et son clone n'aura pas lieu.
c) Les changements prévisibles
Si les craintes sont manifestement exagérées, en
revanche, il est tout à fait certain que le numérique
entraîne un changement profond des métiers.
Tout d'abord, la pénétration des images de synthèse dans
l'audiovisuel est incontestable et la technique doit être
maîtrisée. Les méthodes de tournage doivent intégrer
les possibilités de traitement d'images et, surtout, la formation doit
être complétée.
" Il paraît indispensable
d'intégrer ces techniques au niveau des écoles de cinéma,
des facultés, des cycles de formation : sinon nous aurons des techniques
sans techniciens. "
68(
*
)
Ensuite, il faut admettre que de nouveaux créateurs apparaissent, de
moins en moins en marge, et de plus en plus impliqués dans
l'audiovisuel. Les vraies vedettes du virtuel ne sont pas les créatures
de synthèse et autres Lara Croft, mais surtout celles et ceux qui les
fabriquent, moins connus du grand public, mais tout aussi nécessaires
à la réussite d'un film que l'acteur vedette
69(
*
)
. Ce n'est d'ailleurs par un hasard si, souvent, il
n'y a pas de "star" internationale dans les films à effets
spéciaux spectaculaires, car beaucoup de producteurs ne peuvent s'offrir
simultanément une grande vedette de cinéma et une grande vedette
d'effets spéciaux.
C. LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES
Dans le domaine juridique, les réflexions sur
l'incidence de la technologie dans le traitement ou la diffusion de
l'information et, plus particulièrement des images, portent en
règle générale sur la propriété
intellectuelle. L'une des premières préoccupations des juristes
qui s'intéressent aux NTIC est de protéger les auteurs. Cette
attention se traduit sur le plan technique. Il est ainsi tout à fait
significatif que beaucoup de recherches techniques dans le domaine du
traitement des images, qu'il s'agisse de marquage, tatouage..., visent à
repérer, dans une image informatique, si des images
protégées ont été utilisées.
Cette approche est cependant très réductrice. Si la
propriété intellectuelle est bien au cœur du débat,
elle ne peut être l'axe exclusif de la réflexion autour de la
réalité virtuelle et des images de synthèse en
général. Trois thèmes doivent être
évoqués : le droit d'auteur et, d'une façon
générale, la propriété intellectuelle, la
responsabilité, le droit à l'image et le respect des personnes.
1. La propriété intellectuelle
a) Présentation des rapports entre droit et image
Une distinction est souvent opérée entre le
"
droit à l'image
", qui concerne le respect de l'image et de la
vie privée d'une personne, et le "
droit de l'image
", qui
renvoie
à la question des droits d'auteur et, d'une façon
générale, à la propriété intellectuelle.
Une œuvre est couverte par le droit de la propriété
intellectuelle, quelle que soit sa technique de fabrication, de
création, dès lors qu'elle est originale, qu'elle traduit la
conception de l'auteur et que ce dernier avait une idée suffisante du
résultat à atteindre. Ainsi, peu importe que l'auteur ait choisi
de se faire aider par un ordinateur pour créer l'œuvre et
d'automatiser une partie du processus.
" Le principe qui fait
(des images de synthèse)
des
œuvres susceptibles de protection, ne semble guère contestable.
Ordinateurs et programmes n'étant considérés que comme des
outils, l'intégration de ces derniers dans le champ d'application du
droit d'auteur fait de l'objet virtuel une œuvre créée
à partir d'une autre œuvre préexistante : le
logiciel "
70(
*
)
.
La difficulté née de la multiplicité des intervenants,
même si elle revêt aujourd'hui une grande acuité, n'est pas
nouvelle et a d'ailleurs été parfaitement abordée par le
droit à travers les notions d'"œuvre collective" et
d'"œuvre
de collaboration", qui permettent d'écarter la tâche fastidieuse
d'identification précise des auteurs. L'œuvre collective fait
intervenir plusieurs auteurs dans le même registre, la part de
création de chacun étant néanmoins facilement
individualisable (type dictionnaire, encyclopédie). L'œuvre de
collaboration s'applique surtout aux œuvres audiovisuelles dans
lesquelles les auteurs interviennent dans des registres différents
(texte, son, image...) et que la part de création de chacun est
indissociable de celle des autres. Cette notion paraît plus
adaptée à l'image de synthèse sans pour autant
correspondre exactement. Il y a, en vérité, un "double
mélange", la part du logiciel -qui est l'outil- et la part du
créateur -qui, à travers l'œuvre, exprime une intention et
une personnalité- ; mais aussi, souvent, la juxtaposition d'images
réelles, empruntées, et d'images de synthèse,
calculées et construites à partir de modèles.
" Tour à tour média et outil de création,
l'informatique fait finalement éclater les concepts classiques de la
propriété intellectuelle pour donner naissance et distribuer des
œuvres hybrides dont le statut juridique subit l'attraction
conjuguée de régimes distincts.
(...)
L'entrelacs de
programmes informatiques et d'images d'origine diverse que la
numérisation rend accessibles sur un même support, interdit
d'envisager ces œuvres nouvelles sous un éclairage
unique. "
71(
*
)
.
b) Droits d'auteur et images de synthèse : le droit moral
Le droit moral des auteurs, régi par les articles 121-1
à 121-9 du code de la propriété intellectuelle, a pour
objet de garantir à chaque auteur que son œuvre ne sera pas
déformée et que sa paternité sera reconnue. Les nouvelles
possibilités de diffusion
via
Internet et, pour en rester aux
technologies d'images de synthèse, de manipulation des images, risquent
de heurter le droit moral à plusieurs titres.
La première atteinte possible est liée à la
numérisation elle-même. Pour se limiter à l'image (mais le
problème est identique pour le son), l'encodage est une première
atteinte à l'intégrité de l'œuvre pouvant
entraîner une modification de sa substance selon la qualité de la
numérisation, tout spécialement en ce qui concerne les
œuvres d'art.
La deuxième atteinte peut être liée à une
modification de l'œuvre, qui n'aurait pas été
autorisée. La jurisprudence est aujourd'hui très stricte sur ce
point, puisque la colorisation d'un film noir et blanc ou l'adjonction d'un
logo lors de la diffusion d'un film ont été
considérées comme des atteintes à
l'intégrité de l'œuvre.
La troisième consiste dans l'utilisation d'une œuvre en dehors du
contexte imaginé par l'auteur, comme par exemple utiliser une
photographie qui n'a rien à voir avec le sujet traité ou utiliser
une œuvre d'art à des fins très éloignées des
intentions de l'auteur (exemple : utilisation d'une sculpture dans une campagne
publicitaire pour des produits d'entretien
O'cédar
)
72(
*
)
.
Le droit français, comme le droit européen
73(
*
)
à travers la Convention de Berne, n'a pas
désarmé et interdit de modifier les œuvres sans l'accord
des auteurs. Il n'y a donc pas, à proprement parler, de vide juridique,
mais les dispositions seront de plus en plus difficiles à faire
respecter tant en raison des procédés de diffusion, que des
législations différentes entre pays et continents et ... des
frais pour faire respecter ce droit.
c) Le droit d'auteur et l'image de synthèse : le droit patrimonial
Le droit patrimonial des auteurs, régi par les articles
L.122-1 à L.122-12 du code de la propriété intellectuelle,
a pour objet de protéger l'exploitation d'une œuvre, en
l'espèce d'une image. Le principe fixé est qu'il n'est pas
toujours possible de disposer d'une image couverte par un droit d'auteur sans
l'accord de ce dernier :
" le droit d'exploitation appartenant à
l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction
(qui est visé en l'espèce). (...)
La reproduction consiste
dans la fixation matérielle de l'œuvre par
tous
procédés qui permettent de la communiquer au
public "
. Il n'est nullement besoin que la
"reproduction" soit
à l'identique pour être couverte par les dispositions. Les droits
d'auteur sont des droits patrimoniaux et, par conséquent, cessibles
à titre gratuit ou onéreux. Ils sont également
transmissibles (le droit patrimonial persiste cinquante ans après le
décès d l'auteur).
Or, l'usage courant des scanners et des techniques de traitement d'images, qui
permet notamment de mêler images de synthèse et images
réelles, rend aisées toute opération de
"représentation", de "reproduction" ou de
"diffusion", ainsi que les
opérations de manipulation, adjonction, déformation... et peuvent
contribuer à la multiplication d'usage d'images sans se
préoccuper de leur disponibilité, c'est-à-dire sans
l'accord du titulaire des droits d'auteur.
Le droit semble néanmoins adapté à cette situation.
" Les reproductions, représentations ou diffusions
par
quelque moyen que ce soit
d'une œuvre de l'esprit en violation des
droits d'auteur "
constituent un délit de contrefaçon,
passible d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'un million de francs
d'amende (art. L.335-2 et L.335-3 du code de la propriété
intellectuelle).
Le problème de la défense des droits d'auteur n'est donc pas un
problème spécifiquement juridique, puisque le texte est
suffisamment général pour s'appliquer quelle que soit la
technologie employée, mais un problème technique et
économique : comment reconnaître, identifier, les images et
quel est le montant qu'un auteur ou un ayant droit est disposé à
dépenser pour faire respecter son droit ?
d) Un problème particulier : la qualification de l'image. L'exemple de la publicité virtuelle
En marge de la question centrale des droits d'auteur, l'image
de synthèse pose également des problèmes de qualification.
Une image de synthèse est une image réalisée par
ordinateur. Cette définition générale est parfois
inadaptée pour qualifier l'image. Le problème se pose tout
particulièrement pour la "publicité virtuelle". Comme on l'a
vu
74(
*
)
, la technique de substitution d'images
en direct est aujourd'hui utilisée, à des fins commerciales, pour
remplacer un panneau d'annonceur dans une manifestation sportive par l'image
d'un autre annonceur, par hypothèse mieux adaptée au public d'un
autre pays. Mais quelle est la nature de l'image ainsi réalisée ?
En d'autres termes, s'agit-il d'une publicité ou d'un parrainage ?
Cette question de terminologie recouvre en réalité des enjeux
commerciaux importants car les deux formes n'obéissent pas aux
mêmes règles : le parrainage est négocié avec
les organisateurs de l'événement, tandis que la publicité
est négociée avec les diffuseurs, les chaînes de
télévision. La publicité est, de surcroît
strictement encadrée par des règles sur les fréquences des
coupures, sur le temps d'antenne, la durée maximale de diffusion...
Aussi la qualification n'est-elle pas sans incidence.
Il n'est nullement question de trancher ce débat, mais quelques
idées doivent être retenues, fussent-elles contradictoires.
Dès lors que l'annonceur qui dispose un panneau sur un terrain exerce
une activité de parrainage, pourquoi le panneau virtuel serait-il
différent de celui qu'il remplace ? Ce qui tendrait à
prouver qu'il s'agit de parrainage. Mais une "publicité" virtuelle
peut
aussi apparaître à l'image là où il n'y avait pas de
panneau de parrainage sur le terrain, le long d'un court ou d'une route, dans
une image de course automobile par exemple. L'appellation de "parrainage
virtuel" paraît, dans ces conditions, contestable puisqu'en
vérité rien n'existe sur le terrain. Il s'agirait alors d'une
nouvelle forme de publicité.
Ce qui revient à donner deux qualifications différentes à
une même image, selon le lieu où elle s'applique !... Une
telle situation ne paraît pas satisfaisante. Sans doute, les
règles de publicité et de parrainage devront-elles être
revues. Alors que le système se développe dans d'autres pays,
notamment aux États-Unis, est-il nécessaire de faire une nouvelle
fois une "exception française" qui n'aurait pour principal effet que
de
bloquer un système dans lequel les Français font preuve d'un
savoir-faire inégalé ?
2. La responsabilité
" L'idée que les images et la réalité virtuelle puissent entraîner des situations porteuses de responsabilité au sens délictuel de l'article 138-2 du code civil peut paraître passablement étrange compte tenu de ce que le droit a vocation à régir des situations actuelles et réelles " 75( * ) . Dans le nouveau contexte technologique, la responsabilité peut être néanmoins débattue tant sur le plan contractuel que délictuel.
a) La responsabilité contractuelle
La situation visée est celle où l'image de
synthèse et la réalité virtuelle sont utilisées
pour promouvoir des produits, naturellement présentés dans leur
aspect le plus flatteur. Dans les premiers temps du développement de
toute technologie, la connaissance et la maîtrise technique sont le fait
d'un petit nombre. Ce savoir non partagé donne à celui qui le
détient la possibilité de bénéficier d'une
situation privilégiée susceptible de rompre l'équilibre
entre les parties. La voie se trouve ouverte pour un contentieux sur les vices
du consentement, l'erreur sur la qualité substantielle du produit
étant une cause de nullité de contrat, conformément
à l'article 1110 du code civil.
Les faits dommageables identifiables peuvent être une publicité
mensongère et un manquement à une obligation d'information ou de
conseil. Le consommateur peut parfaitement être déçu par
l'installation réelle, ou plutôt, abusé par l'image
virtuelle qu'il en avait, mais qui ne reste qu'une représentation. La
qualité de l'information porte sur l'aide à la vente (cuisine
virtuelle dont tous les éléments peuvent être
manœuvrés avant de s'apercevoir qu'en réalité, une
fois installés, les placards ne s'ouvrent pas simultanément...),
sur un chantier (qualité du bâtiment...), ou un projet d'usine de
montage... Le dommage résulte alors de l'inadéquation entre le
service attendu et le service offert. Le dommage vient de l'information
diffusée au travers des systèmes de réalité
virtuelle qui ne restent que des représentations de la
réalité. Or, en matière commerciale, la qualité de
l'information est sévèrement contrôlée
76(
*
)
.
La réalité de dommage étant supposée
établie, la difficulté sera de déterminer la part de
chacun des intervenants, nécessairement nombreux, dans
l'élaboration et la manipulation d'un système de
réalité virtuelle : conception de logiciels, transmission de
données, erreur de l'opérateur...
L'existence de la faute et, plus encore, la détermination des
responsabilités, seront donc très difficiles à
établir. Aucun contentieux directement lié à la
réalité virtuelle n'a cependant été
évoqué à ce jour. Aujourd'hui, les commerçants et
industriels se protègent contre les risques éventuels en
informant l'utilisateur de ce qu'il est en mesure d'attendre et en
précisant expressément que l'image n'est qu'un système
d'aide à la décision et non un élément du contrat.
b) La responsabilité délictuelle en matière civile77( * )
La responsabilité se pose au plan civil et au plan
pénal. En matière civile, un tiers extérieur au contrat
peut être amené à se plaindre d'un dommage lié
à une représentation ou une utilisation des systèmes de
réalité virtuelle. Deux exemples peuvent être
donnés. Les systèmes de réalité augmentée
utilisés en chirurgie ne sont pas plus infaillibles que les autres
techniques et ne peuvent, par conséquent, garantir qu'il n'y aura jamais
de dommage. L'origine peut être humaine, manuelle, mais aussi technique,
dans une erreur de conception logicielle, une défaillance née
d'une mauvaise utilisation de l'outil ou une erreur de transmission des
données. Dans ce cas, le problème principal est celui de
l'identification des responsabilités qui permet d'aboutir à la
désignation des responsables. Cette difficulté n'est pas
insurmontable et n'empêche naturellement pas les recours. D'ailleurs, le
droit de la responsabilité se fonde moins sur la recherche de fautifs
que sur la volonté du législateur de donner à la victime
d'un préjudice la possibilité de se retourner contre un "garant",
un "responsable de première ligne", quitte à ce que ce dernier
décide de poursuivre, à son tour, celui qu'il donnera comme
étant le réel fautif.
L'autre exemple concerne les futurs systèmes de visualisation
économique des données boursières.
" On imagine
sans peine les désastres financiers qui pourraient résulter de
l'introduction de données erronées ou de représentation
équivoque de nature à tromper les courtiers en
bourse. "
.
78(
*
)
Une telle
éventualité serait sanctionnée comme le fait de diffuser
des informations erronées.
c) La responsabilité pénale
Il existe aussi quantité de situations
délictuelles susceptibles d'entraîner la responsabilité de
leur auteur sur le terrain de la faute pénale, dans les conditions de
droit commun.
La faute contractuelle, évoquée lorsque le produit réel
acheté ne correspond pas au produit proposé par une simulation
par la réalité virtuelle, peut être recherchée dans
les cas les plus graves sur le terrain de la publicité
mensongère. Les provocations aux crimes et délits, l'incitation
à la haine raciale, la diffusion de messages violents ou à
caractère pornographique mettant en péril les mineurs, peuvent
également être poursuivis dans les conditions de droit commun.
Les dispositions du nouveau code pénal paraissent adaptées
à la situation nouvelle créée par les nouvelles
technologies. L'article 227-4 du nouveau code pénal punit
d'emprisonnement et de 500.000 francs d'amende
" le fait de
fabriquer
(...)
diffuser
par quelque moyen que ce soit
et
quel
qu'en soit le support
, un message à caractère violent ou
pornographique ou de nature à porter atteinte à la dignité
humaine
(...)
lorsqu'il est susceptible d'être vu par un
mineur."
Là encore, l'existence éventuelle d'une chaîne de
responsabilités n'empêche pas les poursuites... Dans une
espèce comparable, puisqu'il s'agissait de la diffusion d'entretiens
imaginaires, l'éditeur et le directeur de la publication ont
été condamnés, mais ont été fondés
à se retourner contre l'auteur de ces interviews. Il en serait de
même dans le cas de la diffusion d'"images imaginaires".
Il existe toutefois une lacune d'ordre juridique, puisque, si la loi du
16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse
permet au ministre de l'intérieur d'interdire la vente aux mineurs des
publications dont le contenu est susceptible de porter atteinte à la
dignité de la personne humaine, notamment du fait de leur
caractère pornographique, il n'existe aucun dispositif analogue en ce
qui concerne les vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées
sur support magnétique, vidéodisques enregistrés sur
support électronique) et les programmes informatiques (notamment ceux
des jeux vidéo).
Les éditeurs, sensibilisés à ce risque, avaient de leur
propre initiative, instauré un système de marquage sur les
coffrets des jeux destiné à éclairer l'acheteur sur le
degré de violence du jeu. Mais ce dispositif était toutefois, non
seulement fort discret, mais aussi totalement inefficace, puisque rien
n'empêchait le commerçant de vendre à un mineur un jeu
"interdit", et aboutissait même au résultat contraire au but
recherché puisque le sigle marquant le degré de violence devenait
en réalité un argument de vente supplémentaire, notamment
auprès des plus jeunes.
Cette lacune a été comblée très récemment
par l'adoption de la loi relative à la prévention et la
répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des
mineurs
79(
*
)
. La loi crée une
autorité administrative qui pourra interdire de proposer, louer ou
vendre à des mineurs tout document qui
" présente un
danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de
la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou
à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la
détention ou au trafic de stupéfiants "
(formule reprise
de la loi de 1949 qui vise en outre les publications dites licencieuses). Le
dispositif s'applique à
" la mise à disposition du public
de tout document fixé soit sur support semi-conducteur, tel que
notamment vidéocassette, vidéodisque, jeu
électronique. "
80(
*
)
3. Le droit à l'image
a) Le contenu du droit
Les programmes à base d'images de synthèse et de
réalité virtuelle sont soumis, comme tout autre produit des
technologies de l'information, aux dispositions ayant pour objet de
préserver les droits de la personnalité, le respect de la vie
privée. Le "droit à l'image qui n'est pas formellement
établi par la loi -c'est plutôt une construction
prétorienne élaborée par le juge- découle du
principe général du droit au respect de la vie privée. Le
droit à l'image est un droit de la personnalité qui
confère à toute personne le droit de s'opposer à la
diffusion et à l'utilisation de son image sans autorisation. Ainsi, le
"droit à l'image" est-il, en vérité, plutôt mal
nommé, car il correspond plutôt au "droit à la protection
de son image". Sous ces réserves, les principales dispositions
légales qui peuvent fonder le "droit à l'image" sont
rappelées ci-après.
Les principales dispositions du "droit à l'image" |
|
Code civil |
Art. 9 . Chacun a droit au respect de sa vie privée. |
Code civil |
Art. 1382 . Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. |
Code pénal |
Art. 226-1
. Est puni
d'un an
d'emprisonnement et de
300.000 francs d'amende le fait, au moyen d'un procédé
quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la
vie privée d'autrui : (...)
|
Code pénal |
Art. 226-8 . Est puni d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention. (...) |
En sus du droit de l'image, proprement dit, le respect des
droits de la personne est également assuré par les textes
relatifs aux traitement informatique des données
81(
*
)
et les règles sur la diffamation
82(
*
)
: un dessin, purement imaginatif a
été considéré comme diffamatoire. Une image,
fut-elle de synthèse, le serait donc également, tout en
considérant que
" si le genre satirique n'exclut pas la
recherche d'une éventuelle intention malveillante, exclusive de la bonne
foi, on ne peut, par contre, exiger de l'humoriste la prudence dans
l'expression de sa pensée
(...).
L'excès est la loi du
genre... ".
Les droits de la personne évoqués ont deux composantes. Il
s'agit, d'une part du principe de protection de la vie privée, qui
impose de ne pas prendre des images de quelqu'un dans un lieu privé, et
le droit à l'image proprement dit, selon lequel toute personne dispose
d'un droit absolu au respect de son image, quelle que soit la manière
dont elle est représentée (photo, dessin...). Le principe est
celui de l'indisponibilité de l'image d'une personne, qui permet
à celle-ci de pouvoir s'opposer à la publication de son image
sans son consentement. Il n'y a toutefois atteinte à l'image que
lorsqu'une personne est reconnue, identifiée. Dans l'hypothèse
d'une utilisation d'une photographie numérisée puis
transformée à l'aide d'un logiciel de métamorphose
(
Flame
), il ne pourrait y avoir de trouble ou dommage, et aucune action
ne serait possible si la personne est méconnaissable.
Ces droits ne sont pas d'application uniforme.
D'une part, des limites sont apportées au droit à l'image dans
l'intérêt de l'information. Ainsi,
" il est de pratique
constante que les photographes prennent des clichés de tout ce qui est
soumis à la vue du public et qu'ils présentent ensuite ces
clichés à la presse sans demander aux personnes
photographiées une autorisation quelconque. "
.
D'autre part, en application de cette première limite, il a toujours
été admis que le principe de protection de la vie privée
et le droit à l'image ne s'appliquaient pas dans les mêmes
conditions aux personnalités publiques.
Encadré n°19
LES PERSONNES PUBLIQUES ET LE DROIT À L'IMAGE
Les personnes publiques sont celles qui ont acquis une
certaine notoriété, soit du fait de leur profession ou de leur
activité, soit, sous certaines réserves, parce qu'elles sont
mêlées à l'actualité. Entrent dans ce cadre, les
hommes politiques, les personnalités du sport, de l'art, du spectacle,
les chefs d'entreprises...
Selon une jurisprudence constante, le droit à l'image des personnes
publiques doit s'interpréter au regard des nécessités de
l'information. Il existe ainsi une présomption d'autorisation tacite
pour la représentation de l'image de personnes publiques dans le cadre
de leurs activités, les images peuvent être publiées sans
autorisation préalable dès lors qu'elles concernent la vie
publique ou l'activité professionnelle de la personne concernée
ou qu'elles ont été prises dans des lieux publics (rue,
plage...). Pour les personnes publiques, le droit à l'image est
contrebalancé par les nécessités de l'information.
Une "personne anonyme" peut devenir une "personne publique"
sous l'effet de
l'actualité. La reproduction de son image, liée aux
nécessités de l'information, n'est alors admissible que si elle a
été prise dans des circonstances ayant un rapport direct avec les
événements en cause
1
.
Bien que la jurisprudence n'ait pas tranché sur ce point, il semblerait
que le seul fait d'être une personne publique, dans un lieu public, dans
l'exercice de ses fonctions, n'autorise cependant pas à publier
n'importe quelle photo, notamment lorsque, par l'effet des circonstances, la
personne se trouve représentée de façon ridicule.
__________
1
Ainsi, en publiant la photographie d'un fonctionnaire de police
directement concerné par l'affaire des micros dans les locaux du
Canard enchaîné
, prise à la sortie de son domicile,
après plusieurs heures de surveillance, dans des conditions de temps et
de lieu totalement étrangères aux événements
auxquels s'intéressait l'opinion publique, les journalistes ont
excédé leur droit d'information et ont porté atteinte au
droit à l'image de l'intéressé.
Enfin, il existe le cas très particulier des artistes interprètes
pour lesquels, outre ce droit moral de portée générale
appliqué à tous, il existe un "droit à l'image", droit
voisin des droits d'auteurs , qui en a les mêmes caractéristiques.
Il s'agit d'un droit moral et d'un droit patrimonial, par conséquent
transmissible :
" Sont soumises à l'autorisation écrite
de l'artiste, la fixation de sa présentation, sa reproduction et sa
communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du
son et de l'image de sa prestation lorsque celle-ci a été
fixée à la fois par le son et l'image "
(art. L.212-3 du
code de la propriété littéraire et artistique). La
durée de ce droit patrimonial est de cinquante ans (art. L.211-4 dudit
code).
b) Applications
Les différentes formes d'atteinte au droit à
l'image sont la reproduction d'une image, l'exploitation d'une image à
des fins commerciales ou idéologiques, l'altération de la
personnalité (altération matérielle d'une image ou
falsification intellectuelle). Le juge possède un pouvoir souverain pour
apprécier la dénaturation de l'image.
Trois exemples peuvent être donnés : le sosie
83(
*
)
, la caricature
84(
*
)
,
le jeu, soit trois formes d'images : l'image approchante, l'image
déformée, l'image malveillante. Dans les trois cas, les
juridictions ont imposé le respect de l'image de la personne
concernée. Le fait que l'image soit réalisée ou non en
images de synthèse n'intervient pas.
La reproduction du visage d'un personnage public, fut-elle dans une disquette
informatique ou un jeu vidéo, se caractérise par une atteinte
à sa vie privée. En revanche, les conditions de sa
représentation peuvent donner lieu à réparation. Le cas
s'est présenté dans une affaire de disquette de jeux vidéo
réalisée par le Front national et "mettant en scène" le
président de SOS Racisme.
Encadré n°20
LA DISQUETTE DE JEU DU FRONT NATIONAL
En 1992, le Front national a réalisé un jeu
vidéo intitulé
"Jean-Marie, jeu national multimédia, FN
92"
. Le principe du jeu consistait à guider le président de
ce mouvement dans un parcours semé de primes (les flammes tricolores
dont le contact donnait des points) et d'embûches, notamment de
personnages "adversaires". Lorsque l'image de la tête de M. Le Pen
rencontrait celle des adversaires, la tête heurtée disparaissait,
mais le joueur perdait des points. Selon les termes de la cour d'appel,
" L'image est ravalée au rang d'élément
matériel d'une dynamique informatique et devient un repère
commandant une manœuvre avant d'être générateur d'un
score. ".
Parmi ces personnages adverses figuraient
MM. François Mitterrand, Jacques Chirac, Alain Juppé,
Gérard de Villiers et Fode Sylla, président de SOS Racisme, qui
apparaissait en premier.
L'intéressé a engagé une action sur le fondement de
l'article 9 du code civil qui pose le principe du droit de chacun au respect de
la vie privée. En l'espèce, on était en présence
d'un portrait transformé en une image animée. Si l'animation de
l'image n'est pas en elle-même critiquable, l'animation violente qui lui
a été donnée, sans l'autorisation de
l'intéressé, excède l'utilisation normale du portrait d'un
homme public. Pour reprendre les conclusions de l'avocat général,
" Nul n'est en effet obligé d'accepter de voir son image
heurtée puis dévorée par la tête d'un
autre. "
Les juges ont confirmé l'atteinte portée à la vie
privée.
"
(...)
Considérant certes que la
reproduction en tant que telle, pour une diffusion publique du visage d'un
personnage public ne caractérise une atteinte à son image et
à sa vie privée au sens de l'art. 9 du code civil que si elle
excède le cadre d'information, de débat public ou même de
polémique dans lequel ledit personnage inscrit lui-même
(...)
sa notoriété
(...)
, que le simple fait que le
visage de M. Fode Sylla, président d'une association dont
l'existence est fortement médiatisée, apparaisse dans le contenu
d'une disquette informatique ne pourrait donc justifier
(...)
les
mesures d'interdiction litigieuses, lesquelles se heurteraient par ailleurs
(...)
aux exigences d'absence de contestation sérieuse et de
trouble manifestement illicite
(...)
;
Mais considérant que
(...)
les traits de M. Sylla, loin
d'être intégrés dans une présentation correspondant
à un rôle public sont organisés en symbole
(...)
(et)
recouvrent leur caractère d'image privée et intime,
susceptible de protection ; qu'aucun attribut ou artifice ne confère
à cette représentation le caractère de dérision ou
de caricature qui aurait permis de la rattacher
(...)
à une
polémique politique
(...)
; que, de plus, le caractère
négatif du score ou du résultat issu du contact avec cette image
ne peut pas être détaché du bénéfice
symétriquement attaché au contact avec les couleurs nationales,
en sorte que l'image humaine dont il s'agit n'a d'intérêt
(...)
qu'en ce qu'elle symbolise une nuisance au regard de ce
bénéfice ;
(...)
qu'il n'est pas possible, dans ces
conditions, de refuser à cette représentation le caractère
d'une atteinte à l'intimité de la vie privée du
susnommé
(...)
. "
1
__________
1
Arrêt dit
"jeu multimédia Front national 92"
,
Cour d'appel de Versailles, 8 mars 1996,
Gazette du Palais
, 01/04
mai 1996
4. L'image de synthèse et le droit à l'image
a) L'adaptation des règles existantes
L'inquiétude pouvait naître pourtant, tant des
possibilités de traitement d'images que des possibilités de
diffusion sur des réseaux comme Internet, toutes deux sans commune
mesure avec ce qui se passait il y a seulement cinq ou dix ans.
" La capture et la restitution d'images sous forme numérique,
ainsi que la manipulation, la diffusion, l'adjonction d'autres images, de
lieux, de manières ou de personnes par le jeu de l'interactivité,
est de nature à atteindre les droits de la personnalité
(...)
. L'aspect ludique, la facilité d'usage des moyens mis
à la disposition de tous par l'informatique alliés à
l'impression d'anonymat favorisée par l'usage des réseaux tels
qu'Internet, sont de nature à générer de nouvelles
façon de porter atteinte aux droits des tiers. "
85(
*
)
A l'aide de logiciels graphiques, l'image d'une personne peut être
très facilement reproduite, modifiée ou détournée
de sa signification première. Le traitement des images n'est nullement
contestable, cependant la révélation, la diffusion au public
d'images ainsi manipulées peut donner lieu à une action en
responsabilité sur le fondement de l'atteinte à la vie
privée.
Ces dommages ne semblent pas poser de problèmes particuliers au
corpus
des règles existantes : l'outil informatique ne
crée pas de nouveaux dommages, il donne simplement des moyens
supplémentaires et plus puissants pour leur réalisation.
b) La question des clones et la transmissibilité des droits
La technologie permet, grâce à la
numérisation, de créer un double synthétique d'une
personne physique vivante ou décédée. Le clonage pose tout
d'abord un problème sur la nature du personnage créé. Ce
n'est ni une personne physique, ni une personne morale, mais n'est-ce qu'une
image alors qu'elle vit, au moins aux yeux de celui qui la regarde ?
Plusieurs questions doivent être examinées :
la personnalité des clones,
le bien fondé de
l'hétérogénéité des protections
individuelles,
l'utilisation d'images de personnes décédées.
La personnalité des clones.
Le problème de la
personnalité des clones n'est pas purement théorique. Deux
exemples peuvent être donnés où des personnes
privées -réelles- se sont trouvées confrontées
à des personnages virtuels qui ont pénétré
l'intimité de leur vie privée.
L'histoire de
Julie
,
cyber
-personnage, est à cet
égard édifiante.
Julie
se présentait sur le
web
comme une femme d'une cinquantaine d'années, totalement
paralysée et tapant sur un clavier à l'aide d'un bâtonnet
fixé sur le front. Son infirmité suscita un très fort
élan de compassion, et elle se fit ainsi beaucoup d'amies avec qui elle
correspondait et qui se confièrent volontiers.
Julie
était
en réalité un personnage fictif inventé par un psychiatre,
mais le personnage rentrait dans l'intimité des gens comme par
effraction, par viol psychologique. Le psychiatre avait, par l'écrit,
abusé la confiance de ses interlocuteurs. Qu'aurait-ce été
si l'image s'était ajoutée au verbe ! Avec
Julie
, une
personne était née. Ni personne physique, ni personne morale,
mais plutôt "personnage électronique".
" C'est le
problème de la nature réelle des personnalités
électroniques qui est posé
(...)
. Devant la multiplication
des clones électroniques, comment se garantir de leur
authenticité ? "
86(
*
)
Une fois le clone réalisé, comment l'image se
transmet-elle ? Le problème de la transmission se pose d'ailleurs
pour toutes les images numérisées. La transmissibilité des
droits n'est aujourd'hui prévue que dans le cas des images d'artistes,
et résulte de la double nature du droit à l'image qui leur est
appliqué : un droit de la personnalité, c'est-à-dire un
droit purement personnel, et un droit patrimonial, transmissible (art. L.211-4
et L.123-1 du code de la propriété littéraire et
artistique). La durée de ces droits patrimoniaux est de cinquante ans.
Certains juristes ont exprimé le regret que
" ce droit n'ait pas
été étendu à l'ensemble des personnes
(...),
ceci dans un respect de l'égalité des
citoyens "
87(
*
)
.
Le deuxième cas concerne un cas d'adultère.
" Quiconque regarde une femme pour la désirer a
déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec
elle. "
(Matthieu, chap. 5, verset 28). Jusque là,
cette maxime était uniquement d'ordre social, sans conséquence
juridique. Il y avait la pensée, le désir -le virtuel- qui
relevaient de la morale, et le passage à l'acte, qui relevait du droit.
Les deux choses étaient séparées. Mais les
frontières s'estompent :
" Le fantasme n'est pas nouveau. Ce qui
est nouveau, c'est l'interaction par ordinateur interposé qui, d'une
certaine façon, donne corps aux fantasmes. "
La
difficulté est loin d'être théorique. Aux
États-Unis, est apparu le premier cas d'adultère virtuel. Une
épouse entre en communication avec un homme sur le réseau
informatique. Les échanges deviennent de plus en plus intimes. Le mari
découvre la liaison virtuelle de son épouse, porte plainte pour
adultère et demande le divorce. La faute n'a pas été
physiquement commise puisque les deux protagonistes ne se sont jamais
rencontrés. Peut-on commettre l'adultère par écran
d'ordinateur interposé ? A quel moment le virtuel devient-il
réel ? Nous savons comment le dictionnaire définit
l'adultère, mais la technologie a tendance à changer les
définitions. Nous pénétrons en terre complètement
inconnue. L'affaire doit être plaidée prochainement.
L'utilisation d'images de personnes
décédées.
L'utilisation d'images de personnes
décédées, notamment à des fins publicitaires,
inimaginable il y a quelques années, tend à se développer.
Les techniques de clonage rendront ces utilisations plus fréquentes. Si
le nécessaire respect des droits patrimoniaux ne fait aucun doute (les
utilisations d'images sans autorisation sont toujours sanctionnées), le
problème qui se pose est celui du respect du droit moral.
Cette question n'a, semble-t-il, été abordée que pour les
seuls artistes, dont l'image est protégée.
Première situation. La reproduction d'une image d'une personne
décédée.
Cette reproduction n'est pas en
elle-même fautive, dès lors qu'il n'y a pas d'intention
malveillante et que les droits patrimoniaux éventuels, transmissibles
aux ayants droit, sont respectés. Ainsi, le caractère de vie
publique demeure malgré l'écoulement du temps. Quand des faits
ont été connus du public à une époque
donnée, ils ne sauraient relever plus tard de la vie privée. Au
moins lorsque la présentation qui en est faite l'est sans malveillance.
De même, la reproduction de l'image d'un artiste ou de la famille d'un
artiste, dans un livre de souvenirs, est parfaitement possible, sous
réserve naturellement du respect des droits patrimoniaux.
LE DROIT MORAL DES PERSONNES DÉCÉDÉES : ÉTAT DE LA JURISPRUDENCE
La jurisprudence Coluche
1
La question du droit à l'image de personnes
décédées s'est posée lors de la publication d'un
livre de souvenirs sur Coluche reproduisant l'image de l'artiste et de membres
de sa famille, sans autorisation. Le débat portait à la fois sur
le préjudice patrimonial -qui ne faisait aucun doute dans le cas de
l'artiste- et sur l'existence d'un préjudice moral. Le juge opère
une distinction selon la personne considérée et la nature de la
photo incriminée.
Pour Coluche, la reproduction d'une photo de l'artiste sans autorisation
constitue un préjudice patrimonial, mais pas un préjudice moral,
dans la mesure où
" le choix des images et leur
présentation n'était pas de nature à altérer la
perception que le public pouvait avoir de l'artiste disparu. "
Pour sa mère décédée, la reproduction d'une photo
prise lors des obsèques ne constitue ni un préjudice patrimonial
" faute d'établir que Simone Colucci avait de son vivant, par sa
notoriété ou son activité, conféré une
valeur commerciale à son image. "
, ni un préjudice moral
dans la mesure où la photo incriminée
" n'était
pas de nature à altérer la perception que le public pouvait avoir
de sa personne "
.
Pour sa femme et ses enfants, les photos incriminées les
représentent dans leur vie privée et pendant les obsèques.
Le juge a considéré en revanche que
" les circonstances
n'étaient pas de nature à priver les requérants du droit,
qui leur est strictement personnel, de s'opposer à la divulgation de
leur image sans leur autorisation préalable. "
et a admis
l'atteinte au droit à l'image.
La jurisprudence Raimu
2
En 1987, une société de publicité lance une campagne
d'affichage pour promouvoir un salon professionnel à Marseille, en
utilisant la tête de Jules Raimu disant dans une "bulle" :
" Ne
pas visiter l'exposition, c'est couillon "
. Les ayants droit
considéraient qu'il y avait là atteinte au respect de la vie
privée, au prestige et à la mémoire de l'artiste. Si les
juges ont reconnu l'atteinte aux droits patrimoniaux résultant d'une
utilisation de l'image de l'artiste sans autorisation, ils n'ont pas reconnu,
en revanche, le préjudice moral :
" les affiches en cause ne
révèlent aucun aspect offensant à la mémoire de
Raimu, la caricature réalisée ne présente pas de
caractère dénigrant, le propos placé dans la bouche du
comédien est familier, sans être grossier, et est, au surplus,
adapté au personnage tel qu'il est perçu à travers
certains rôles incarnés par l'acteur. Il n'existe donc ni atteinte
à la mémoire du défunt, ni outrage à la
délicatesse de l'héritière ".
La jurisprudence Massenet
3
En 1989, une société de publicité réalise un film
publicitaire utilisant, en fond sonore, l'œuvre de Jules Massenet,
La
méditation de Thaïs
. Ses ayants droit, considèrent que
cette utilisation est attentatoire au droit moral de Jules Massenet, et
demandent réparation à hauteur de 100.000 F. Les juges rappellent
qu'
" en application de l'article 6 de la loi du 11 mars 1957, le
droit
moral est perpétuel et se transmet aux héritiers "
.
Considérant que l'insertion non autorisée d'un extrait d'une
œuvre dans un film publicitaire constitue une atteinte au droit moral
de
l'auteur et de ses ayants droit, ils fixent le préjudice à 1 F...
__________
1
Cour d'appel de Paris, première chambre, 10 septembre 1996
2
Cour d'appel d'Aix en Provence, deuxième chambre civile, 21
mai 1991
SARL Propulsion c/ Mme Brun et S.A. Expobat
3
Tribunal de grande instance de Paris, première chambre, 1re
section, 15 mai 1991
Mme Massenet c/ SARL Foxtrot production,
La semaine juridique
,
éd. 6 n° 42
Deuxième situation. La "mise en scène" de personnages
décédés
.
Dans ce cas, la situation
envisagée n'est plus celle de la reproduction pure et simple d'une image
tirée d'une œuvre déterminée, mais de l'utilisation
de l'image d'une personne, mise en situation, mise en scène, dans des
conditions totalement nouvelles. La pratique tend à se développer
avec l'utilisation des images de personnages de cinéma dans les
publicités, soit en reprenant des images de films connus (campagne pour
la BNP avec l'utilisation d'images de Bernard Blier), soit en tournant de
nouvelles images à partir de clones d'acteurs (campagne pour une voiture
à partir du clone de Steve Mc Queen...). Outre la question des droits
patrimoniaux, qui ne fait aucun doute, se pose la question du droit moral des
ayants droit. La jurisprudence est, sur ce point, mal établie.
Un comédien peut ainsi prêter son visage à une
publicité pour un salon, mais l'œuvre d'un artiste peintre ou d'un
compositeur ne peut servir à une publicité pour des produits de
nettoyage. La limite est, en réalité, bien floue. Encore
convient-il de noter que dans tous les cas le juge a été saisi
d'utilisations de l'image ou d'œuvres d'artistes, c'est-à-dire
protégées par les droits patrimoniaux. La querelle sur le droit
moral s'est alors juxtaposée à celle sur les droits patrimoniaux.
La question qu'on peut se poser est qu'adviendra-t-il lorsque aucun droit
patrimonial ne sera mis en cause et que seul le droit moral le sera ?
D. LES CONSÉQUENCES POLITIQUES ET CULTURELLES
" Le virtuel s'installe dans nos vies. Le mot,
en
très peu de temps, a envahi les médias. Il est devenue magique,
tout puissant, nous promettant l'accès à un monde radicalement
nouveau.
(...)
Le mot ne parle pas seulement à la raison, il
éveille les passions. Il a ses adeptes et ses détracteurs. Il
renvoie à un phénomène culturel et social dans lequel nous
sommes inexorablement emportés.
(...)
Notre nouvel univers est
désormais le
cyberespace
, impalpable, immatériel. Un
univers innervé par l'électronique, avec ses propres exigences et
ses lois. Nouvelle appartenance, nouveau langage. Un autre monde, un autre mode
de vie... "
88(
*
)
Deux sujets peuvent être évoqués :
la manipulation des images,
la société au temps du virtuel
Deux sujets sensibles, sur lesquels les opinions sont
a priori
tranchées, optimistes et confiantes, ou pessimistes et
inquiétantes.
1. La manipulation d'images
L'image transmet un message. La manipulation d'images a pour
objet de diriger ce message en fonction de l'objectif poursuivi. De même
que lorsqu'il y a des armes, il y a presque toujours usage des armes, lorsqu'il
y a image, il y a souvent manipulation d'images. L'image de synthèse ne
fait que faciliter une déviance qui n'a pas attendu le numérique
pour apparaître.
Avant d'analyser les différents procédés de manipulations
d'images, il paraît utile de rappeler brièvement les raisons pour
lesquelles celle-ci ont été et restent "tentantes". Une tentation
qui s'appuie sur le "pouvoir de l'image" qui, même s'il est
évident, doit être évoqué en quelques mots :
l'image a un contenu informationnel infiniment plus riche et plus rapide
que le texte, le commentaire ;
l'image est le processus de communication le plus fort, le plus
chargé d'émotion ;
l'image peut être directement interprétée par tout le
monde, par toutes les couches de la population, alors que le texte passe par
des filtres (presse, revue...) et l'intelligence.
L'image n'est qu'une forme de représentation, une imitation toujours
suspecte de déformation et de trahison. Une suspicion d'ailleurs
parfaitement fondée sur l'abondance et la variété des
illustrations de manipulations en tous genres, que ce soit pour des motifs
esthétiques, techniques, mais aussi économiques, financiers (avec
la perspective de "vendre"
la
bonne image et de faire la
"une" du
journal de 20 heures) et politiques. Le poids de chacun varie selon la
nature des régimes. S'il est vrai que les régimes totalitaires
ont usé et abusé des manipulations d'images, plusieurs exemples
récents montrent que les régimes démocratiques en ont, eux
aussi, leur part...
Il convient de distinguer la manipulation
des
images, des manipulations
par
l'image, avant de s'intéresser aux conséquences
possibles des images de synthèse.
a) Les manipulations d'images traditionnelles
Au tout début de la photographie, les commentateurs se
sont réjouis de l'apparition d'une technique qui "garantissait
l'authenticité". Avant de s'apercevoir que la photographie, pas plus que
tout autre procédé de création d'images, n'était
à l'abri des mensonges par omission (cadrage approprié) ou par
montage.
La "gamme" de manipulations d'images est très large
89(
*
)
.
le cadrage
est la plus simple. Faire un gros plan sur huit
ou dix personnes peut donner l'illusion d'une foule innombrable ou, à
l'inverse, un gros plan sur un groupe peut faire oublier les masses autour de
lui (lors de la première visite du Pape en Pologne, en 1979, la presse
officielle avait cadré le Pape accompagné de quelques religieuses
pour éclipser les foules de plusieurs centaines de milliers de personnes
venues l'écouter) ;
la retouche technique
. La photo peut être
corrigée pour l'adapter aux contraintes de la publication : rapprocher
deux personnages pour gagner en largeur par exemple ;
la "retouche esthétique"
a pour but de gommer les
petites imperfections de la photo, embellir le sujet (allonger les jambes,
agrandir les pupilles, colorier l'iris...). Le procédé est
courant et même systématique en publicité. Il existe une
"variante politique" de ce type de retouche, lorsque celle-ci porte
sur
l'aspect extérieur d'un personnage politique (rides masquées,
taille agrandie
90(
*
)
...)
" La
publication d'une photographie de Ceaucescu avec le président
Valéry Giscard d'Estaing avait provoqué une crise avec les
autorités roumaines car on n'avait pas le droit en Roumanie de publier
une photo où Ceaucescu paraissait plus petit que la personne qu'il
rencontrait... " ;
le détourage ou la retouche de mise en valeur
. Il
s'agit alors de supprimer des détails ou un fond qui peuvent attirer
l'attention sur d'autres choses que le personnage principal (une
épinglette sur un costume, un vase...) ;
l'effaçage
. C'est une application du
détourage qui ne porte plus cette fois sur un détail secondaire,
mais sur un personnage de la photo. Tous les dictateurs du XXe siècle
ont fait exécuter, par image interposée, les dissidents et les
indésirables. Une façon de maîtriser le futur par le
contrôle du passé. L'effaçage peut porter sur un
détail que l'intéressé(e) ne désire pas montrer
(une bague de Raïssa Gorbatchev lors d'un voyage officiel à New
Delhi) ;
le photomontage
. C'est la forme la plus aboutie du montage,
de la manipulation d'images, puisqu'elle combine souvent toutes les autres
techniques : cadrage, effaçage, détourage, mixage de photos.
Toutes ces manipulations ont une constante : l'intention de leurs auteurs.
b) Les manipulations par l'image
C'est l'autre type de manipulation : sans retouche, ni
montage, par simple sélection d'image, par la légende ou le
commentaire. Les exemples sont également nombreux.
La sélection d'images
. Le seul fait de montrer telle
ou telle image n'est évidemment pas neutre. Le contrôle des images
est un enjeu politique déterminant et s'applique notamment en
période de conflit
91(
*
)
.
L'évolution du rôle de l'image est parallèle à celle
de l'utilisation des médias en général et de la
télévision en particulier. Dans les émissions
d'information courantes, la caméra accorde rarement un regard aux
problèmes de fond, mais se contente d'illustrer, en privilégiant
les images susceptibles de provoquer des émotions. La recherche de
l'émotion est une priorité de l'information moderne.
L'abondance des moyens mis en œuvre et la sélection des images
sont, par conséquent, déterminantes et forgent le succès
des chaînes américaines d'information. Lors du colloque sur la
manipulation des images et du son organisé par l'Association des
journalistes de défense (AJD), un intervenant a ainsi parfaitement
décrypté la "méthode CNN
92(
*
)
"
décomposée en trois temps :
1er temps : l'image (guerre, famine...) sert à s'indigner :
" Pourquoi l'homme politique ne fait-il
rien ? ".
2e temps (après l'intervention) : image du premier mort
américain.
Conclusion :
" Quel est l'irresponsable qui a
envoyé des soldats américains ? "
3e temps : suivi de l'audimat. La sélection d'images est
pilotée depuis le siège du CNN à Atlanta. Dès que
le spectateur se lasse, la diffusion s'arrête. Il n'y a plus d'image ou,
plutôt,
" il n'y a plus rien à voir ".
Les légendes et le commentaire.
Une image
accompagnée d'une légende ou d'un commentaire, adroitement
rédigés en fonction du message à faire passer, est une
forme simple mais très efficace de manipulation. Les exemples sont
nombreux d'utilisation d'images sans rapport avec l'événement
relaté conduisant alors à des amalgames fautifs. Les images du
charnier de Timisoara
93(
*
)
, est le plus
récent, le plus connu et le plus intéressant de ces
détournements d'images. Tout d'abord par la manipulation
réalisée et son impact considérable, à
l'échelle planétaire, ensuite par l'origine de cette manipulation
qui n'est d'ailleurs pas formellement établie puisqu'elle est le
résultat d'une rumeur publique sur place -la population locale guidant
les journalistes vers la fosse commune- et d'une "attente" plus ou
moins
inconsciente et morbide de la part des opinions mondiales. Car le plus
étonnant de cette histoire est que le médecin de Timisoara avait
expliqué, très tôt, que les cadavres venaient de
l'hôpital de la ville. Il fut accusé d'être un agent de la
sécurité, dut se résigner, avant que la
vérité, plus tard, ne s'impose.
c) La manipulation d'images au temps du numérique
En matière de manipulation, si l'on veut bien pardonner
cette formule apparemment paradoxale, l'image informatique "n'apporte rien,
mais change tout".
La technique numérique n'apporte rien au fond
. Les
manipulations d'images existaient avant le numérique, elles existeront
après. Elles sont simplement devenues plus faciles. La technique a
changé. L'apparition de matériels de plus en plus performants et
de moins en moins onéreux banalise la manipulation d'images et la rende
très difficile à déceler. La retouche d'images
réelles passe par la numérisation. La qualité du scanner,
qui détermine le nombre de points sur l'image et qui reconnaît les
couleurs (parmi 16 millions de possibilités...), est essentielle
à cette phase, afin de restituer une image la plus fidèle
possible.
La phase d'effaçage, de montage, se fait par une action sur les
pixels
. Les détails que l'on veut enlever sont "gommés",
ce qui revient à leur substituer un
pixel
blanc, comme si l'image
numérique avait été "percée". Dans un second temps,
les
pixels
sont recolorés à l'aide d'un logiciel de
retouches d'images, muni d'effets d'adoucissement, de dégradés,
pour marquer les détourages, les différences d'éclairage.
La numérisation offre des possibilités techniques
immédiates. La qualité du résultat dépend autant de
la puissance du logiciel que du savoir faire de l'opérateur.
Des manipulations plus faciles, mais pas nécessairement plus
fréquentes : la technique est accessoire, car l'essentiel est toujours
l'intention de l'auteur. Le tricheur trichera encore mieux, mais celui qui ne
trichait pas, ne trichera pas davantage. De surcroît, les manipulations
d'images, si elles existent bien, notamment dans des périodes cruciales,
ne sont pas si courantes car elle sont aussi à double tranchant. Une
manipulation démontée, démontrée peut aussi se
retourner contre son auteur et son diffuseur en leur ôtant toute
crédibilité pour l'avenir. De surcroît, les sources
aujourd'hui sont tellement diversifiées qu'une manipulation
grossière est très vite rendue publique et condamnée par
les professionnels eux-mêmes (les fausses interviews, les faux reportages
sur les trafics d'armes en banlieue, les fausses barbes des faux
islamistes...). Les médias majeurs, ne peuvent se permettre de perdre,
pour quelques images, leur crédibilité. La manipulation n'est
possible que si l'auteur contrôle tous les maillons de la chaîne
d'information. En dehors de ce contexte bien précis, et de quelques cas
isolés, la crainte de manipulation est largement surestimée.
Pour résumer,
le numérique est une technique, alors que la
manipulation est toujours une intention
, et relève même,
parfois, de fantasmes.
Pourtant, plusieurs facteurs s'opposent à cette
interprétation optimiste
. Tout d'abord, l'image de
synthèse ne constitue pas seulement une amélioration technique,
mais entraîne un saut qualitatif. L'image de synthèse permet de
créer l'image que l'on veut voir : en partant du réel, en
mélangeant deux images réelles, en partant de l'image de
synthèse, en mélangeant l'image de synthèse et l'image
réelle... L'image de synthèse permet de s'affranchir de toute
contrainte. Avec l'image de synthèse, il est possible de créer ce
que l'on souhaite.
Les guerres, comme les dictatures, "promettent du sang et des
larmes". La
guerre du Golfe et la chute du régime roumain ont montré que,
quelle que soit leur valeur, les médias ont fourni les images attendues.
Ils pourront désormais les fabriquer. Pourquoi se priver d'un tel
instrument ? D'autant plus que le son, la parole peuvent aussi être
traités et adaptés au message que l'on veut faire passer. Si le
film
Forest Gump
est connu pour la rencontre virtuelle du héros
de l'histoire -vivant- et du président John Kennedy
-décédé en 1963-, la performance en matière de son
est également exceptionnelle puisque, grâce au traitement
numérique du son et à un logiciel d'animation faciale, le clone
du président Kennedy parle avec la voix réelle du
président décédé. Mais les mots sont
inventés et les mouvements des lèvres sont adaptés au
discours, de façon à donner une parfaite illusion du réel.
Ensuite, tout contrôle paraît illusoire, tant en raison de la
dissémination des sources et des sites de diffusion d'images qui rend
une observation exhaustive impossible, qu'en raison de la pression
concurrentielle de la course à l'audience, de la recherche de l'image
susceptible d'attirer l'attention ou qui "fera la une" et qui peuvent
empêcher dans certaines circonstances de prendre la précaution de
contrôler la fiabilité des sources. Les possibilités de
montage d'images sur le terrain (montages virtuels à partir de simples
camescopes à disques ), vont aggraver ce risque, car tout arrivera
"prêt à l'emploi".
Enfin, le concept même de manipulation n'a plus de sens. La manipulation
d'images suppose qu'il y a un original, transformé à dessein pour
faire passer un message, c'est-à-dire un original, authentique et une
copie. Mais l'image numérique, supposée "originale", n'est qu'un
tableau de chiffres et recopier un chiffre n'est pas autre chose que le
même
chiffre.
" Une information clonée existe deux
fois à moins quelle soit à deux endroits
différents. "
94(
*
)
Le clonage ne
crée pas un "vrai" double, mais plutôt un second original. Changer
un chiffre modifie bien l'image, mais celle-ci devient tout aussi originale que
la première. Faire une image de synthèse ou une autre constitue
exactement la même opération. Il n'y a pas plus -ni moins- de
manipulations dans la première que dans la seconde.
Le virtuel change le sens des mots. La "manipulation" n'existe plus.
Les
chiffres qui constituent l'image sont seulement "traités" au même
titre que n'importe quelle autre information. Avec le virtuel
tout
est
manipulation.
2. La société au temps du virtuel
Le numérique envahit le quotidien. La révolution
qu'il opère sur notre société est profonde et, pour
certains, plus radicale que n'importe quelle autre technique. Car, s'il est
vrai que l'homme crée l'outil, c'est-à-dire un moyen, l'outil
façonne l'homme. Les nouvelles technologies vont contribuer à
modeler une nouvelle relation de l'homme au monde. Cette révolution, sur
laquelle tout le monde s'accorde sans trop savoir la définir, commence
par des mots. Des mots très communiquants -
cybermonde
,
cyberespace
95(
*
)
, virtuel, intelligence
artificielle- mais qui cachent souvent une certaine ignorance. L'ignorance
laisse parfois place aux fantasmes sans qu'il soit possible d'en
déterminer le bien fondé ou, si l'on préfère, sans
qu'il soit possible de déterminer le vrai du faux. C'est d'ailleurs
là toute la problématique du virtuel.
Nous sommes là dans le domaine de la prospective. Parmi les nombreux
thèmes abordés émergent quelques problématiques
majeures : les conséquences psychologiques, les conséquences
sociales. Il y a sur ces sujets, beaucoup d'incertitudes et même parfois
quelques
a priori
. Les professionnels, psychologues, sociologues
eux-mêmes sont partagés, ce qui, dans ce domaine,
n'étonnera personne. Les arguments de chacun doivent être
présentés, puis débattus.
a) Les conséquences psychologiques éventuelles96( * )
La question de la frontière entre le réel et le
virtuel s'est toujours posée aux psychologues. La problématique
est celle du rôle de l'imaginaire dans la construction d'une
personnalité, qui doit occuper
sa
place, mais pas
toute
la
place
97(
*
)
. Le virtuel est déterminant
dans notre économie psychique. Le virtuel des rêves est une forme
de réalisation de désirs inconscients, le fantasme est une
alternative au passage à l'acte. Avec l'essor du virtuel, nous assistons
à la naissance d'un phénomène social et culturel nouveau.
Le pouvoir attractif du virtuel se fonde sur trois données. D'une part
l'image, qui peut être, ou qui sera, tôt ou tard, une copie
conforme du réel pour celui qui le souhaite. D'autre part, la sensation
du réel.
" Les techniques du virtuel nous plongent dans l'image,
nous permettent de nous déplacer, d'agir, de travailler dans cet
univers
98(
*
)
. "
Enfin, avec
l'abolition
du temps et de l'espace,
" tout devient accessible, les autres, les
machines, les loisirs, les services. "
Tout et tout de suite. Nous
passerons de plus en plus de temps devant nos écrans puisque ce moyen
nous donne accès à tant de possibilités. Or, les
conséquences sur le plan psychologique de ces éléments
sont mal maîtrisées.
" Il faut faire attention à la
puissance que confère le fait d'être au centre de l'image, qui est
un lieu de pouvoir très fort. On n'a pas encore pris la mesure de ce qui
se produit dans notre entrelacement aux images. "
99(
*
)
Si le réel et le virtuel tendent à se mêler et, pour finir,
se confondre, il reste une différence fondamentale entre les deux : le
réel résiste, alors que le virtuel obéit. C'est ce qui
fait la force irrésistible du virtuel et aussi son danger.
" Nous serons d'autant plus tentés de les confondre si la chose
vient à manquer. La tentation sera grande de s'adresser au substitut
pour obtenir une satisfaction équivalente.
(...)
Le virtuel peut
agir comme une drogue qui répondrait artificiellement à un
manque, venant combler une frustration. Il se présentera comme une
tentation de combler le désir là où le réel
résiste. On s'expose ici à des risques de confusion
énormes entre rêve et réalité, source de
déconvenues, de désillusions, de retombées sur terre
fracassantes car le réel finira toujours par nous
rattraper. "
100(
*
)
D'ailleurs, la disparition du manque, la satisfaction totale du désir
sont elles-mêmes dangereuses et l'homme ne fonctionne pas sans
désir.
Confronté au réel qui résiste, la tentation est de rester
dans le virtuel. Le virtuel est alors à la fois une fuite et une prison.
Comme on l'a vu avec le virtuel, le spectateur devient acteur dans l'image. Le
premier peut être hypnotisé par elle et le second peut être
englué dans elle, exactement comme dans une toile, le
Web
.
b) Les conséquences politiques éventuelles
Encadré n° 21
LA DÉMOCRATIE VIRTUELLE
Le virtuel fait vaciller la société, y compris
sur le plan politique. D'une façon générale, le virtuel
entraîne une crise des intermédiaires quels qu'ils soient. Dans le
domaine économique, il n'y a plus besoin de commerces, de vendeurs, ou
de "représentants" qui démarchent le consommateur puisque
celui-ci voit sur l'écran l'image du produit qu'il peut convoiter. Dans
le domaine politique, un phénomène analogue se produit. Le
virtuel, l'organisation en réseau, supprime les relations
hiérarchiques de type vertical et ébranle les
"représentants élus". Non seulement parce que, pour une part
d'entre eux, leur formation et leurs activités les éloignent des
pratiques nouvelles du réseau, mais aussi parce que leur utilité
est remise en cause : comment justifier un intermédiaire alors que le
réseau permet un vote direct sur n'importe quelle question ?
Un fossé se creuse irrémédiablement. Les gouvernants, et
ceux qui les conseillent, s'éloignent des technologies du futur, tandis
que les représentants représentent de moins en moins ceux qui les
maîtrisent. Les deux mondes coexistent en parallèle. Ce clivage a
été plusieurs fois mentionné au cours de la Journée
d'étude organisée par l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et techniques, le 9 octobre dernier
101(
*
)
.
Les institutions perdent leurs assises, ne sont plus en prise avec une partie
de la population qui fonctionne, pense, communique autrement. Les relations
hiérarchiques s'estompent, s'écroulent même, au profit d'un
mode de fonctionnement horizontal entre communautés qui communiquent sur
le réseau.
Aux termes de la Constitution,
" La souveraineté nationale
appartient au peuple qui l'exerce
par ses représentants et par la
voie du référendum
"
(art. 3) et
" Les
partis et groupements politiques concourent à l'expression du
suffrage. "
(art. 4). Ainsi, cette rédaction est-elle à
la fois rendue désuète et confortée par la technique
puisque, d'une part il apparaît à l'évidence que les partis
-ou toute autre forme d'intermédiation- ne sont plus indispensables et
que, d'autre part, on peut parfaitement concevoir qu'à terme les modes
d'organisation des référendums évoluent en liaison avec
les nouvelles possibilités techniques.
Les représentants élus sont, pour la plupart, fragilisés
par cette évolution. Mais, en parallèle, une nouvelle forme de
démocratie directe se met en place. Beaucoup espèrent même
que les citoyens qui délaissent le débat politique vont revenir
à l'action politique grâce à l'intérêt qu'ils
trouveront dans l'accès aux images et les possibilités de vote en
direct.
Naturellement, la représentativité de ces votes peut, elle aussi,
être remise en cause. Au moins dans un avenir proche, cette formule est
exclue, ne serait-ce que parce qu'une immense majorité -qui sont tout
autant citoyens que les
internautes
- ne saurait utiliser l'outil. Il
s'agit plutôt d'une nouvelle forme de pétition. Mais
l'évolution paraît inévitable.
De nouvelles formes de communication jettent les bases d'une nouvelle
démocratie sans représentants mais avec un dialogue
inégalé car chacun s'exprime quand il veut et sur ce qu'il veut.
Nous n'en savons aujourd'hui guère plus, mais la démocratie
virtuelle à l'ère Cyber exigera tôt ou tard que la
démocratie représentative née de la liberté de la
presse fasse, à son tour, sa révolution.
c) Les conséquences sociales éventuelles
Le virtuel génère ses élites. Les
utilisateurs actifs, les créateurs, manipulateurs de symboles, les
gagnants qui utilisent le dernier cri des nouvelles technologies, les clones
qui entrent en relation avec d'autres clones du monde
Cyber
. Mais cette
sélection pourrait entraîner plusieurs ruptures sociales :
la rupture avec les nouveaux exclus,
le risque de désocialisation.
Première fracture : les habitués et les exclus.
Les
on line
et les
off line
.
Le virtuel est un nouveau
langage qui suppose un apprentissage. Pour la première fois dans
l'histoire de l'humanité, la transmission des connaissances ne se fera
pas sur un mode vertical, entre deux générations qui (les plus
anciens enseignant aux plus jeunes à parler, chasser, écrire,
travailler, réfléchir...) mais sur un mode horizontal : une
génération apprend ce que la génération qui
précède n'a pas appris et ne peut, par conséquent,
enseigner. La relation verticale parents enfants est même souvent,
renversée car il n'est pas rare que les enfants enseignent aux parents
la façon de se servir d'un magnétoscope, d'un ordinateur, d'un
P.C., d'Internet... Beaucoup d'adultes côtoient alors un monde nouveau
qui progresse très rapidement, mais auquel ils ne sont pas
préparés. Exactement comme un immigré débarquant
dans un pays d'accueil dont il ne connaîtrait pas la langue. Selon
l'expression de Serge Tisseron,
" Nous sommes tous des immigrés
des nouvelles technologies. "
Or, tous ne seront pas capables ou
ne
voudront pas apprendre. Il existe une frange de la population
réfractaire à ces nouvelles techniques, à ces
prothèses du XXIe siècle qui deviendront aussi courantes et
indispensables à la vie courante que le fut le stylo pendant le XXe
siècle...
Comme toujours, les mots sont les témoins vivants de cette
évolution et ce n'est pas sans intérêt que l'on peut
remarquer que, par un curieux renversement de nos modes de pensée, le
on
line
désigne toute information qui transite par
le réseau, le monde virtuel et le
off
line
, tout ce
qui n'est pas
on line
, c'est-à-dire, en fait, le monde
réel. Le
off
-retrait- se définit par rapport au
on
, le réel par rapport au virtuel, et non pas le contraire !...
La désocialisation.
Une autre fracture importante
concerne le risque de désocialisation, conséquence d'un mouvement
de "déréalisation" où la représentation prend de
plus en plus le pas sur la chose. La fascination qu'exerce l'image, au
caractère
quasi
hypnotique, sont connus.
" Il y a un
danger d'exclusion sociale important pour les générations
à venir qui baigneront dès leur plus jeune âge dans cet
univers au semblant magique. "
102(
*
)
Les dérives d'ordre psychologique décrites ci-dessus (fuite dans
le virtuel, pour combler le manque là où le réel
résiste et donne moins de satisfaction) ont des traductions sociales
évidentes. Le social est constitué par la retombée dans le
réel qui, par définition, génère la frustration,
avec le risque que l'insatisfaction, le mécontentement s'expriment par
la violence, signe ultime d'incommunicabilité.
Or, l'univers virtuel, s'il n'est pas sans émotion -c'est même son
principal atout- est un monde sans affect, ni sensibilité.
" L'écart se creuse entre le mental, l'esprit et les exigences
du corps, de la sensibilité et de
l'affectivité. "
103(
*
)
Quelques artistes qui, une fois encore "sentent" parfaitement les
évolutions en cours, ont d'ores et déjà lancé des
signaux d'appel -de détresse- en ce sens, sans avoir été
entendus
104(
*
)
.
Encadré n° 22 LE VIRTUEL ET LA THÉOLOGIE Certains théologiens, en particulier les théologiens catholiques, se sont intéressés au virtuel. Selon les Évangiles, la venue du Christ s'accompagnera de l'activité de Satan, prince des lumières et des illusions |
|||
|
" La venue du
[Sans-loi]
s'accompagnera, selon
l'activité de Satan, de toute espèce de puissance, de signes et
prodiges mensongers. Dieu
(enverra)
une puissance active
d'égarement qui leur fera croire au mensonge "
(Thessaloniciens, 2, 2, v. 9 à 11)
|
|
|
Une
idée
équivalente avait d'ailleurs
été évoquée par Mac Luhan, il y a quelques
années. Le père Babin, directeur du CREC AVEX
(Centre de
recherche et de communication audiovisuel expression de la foi
de
l'épiscopat), rappelle toutefois que le Christ est, lui aussi,
présenté comme la lumière du monde. En
réalité,
" si le virtuel émerge du désir
immémorial de l'homme de dépasser la réalité
physique
(...)
et constitue le top de la civilisation
électronique
(...)
, il faut se rapprocher de la racine du mot :
le mot virtuel vient du lot latin
virtus
-vertu- ."
C'est
une
forme de dérive de comparer le virtuel au vrai, alors que le virtuel
développe la
virtus
des choses, la face intime.
|
d) Discussion critique
Cette vision alarmiste n'est pas partagée par tous, et
certains considèrent qu'il y a, là encore, comme devant toute
nouvelle technologie, une grande part de fantasmes. Il convient de faire la
part entre les faux débats nourris souvent d'
a priori
et les
vrais risques.
L'image et les jeux vidéo
La prétendue vulnérabilité des plus jeunes serait en
partie discutable. Pour le psychanalyste Serge Tisseron, l'enfant parvient
parfaitement à découpler le monde imaginaire et le monde
réel. De la dînette avec "vente" de cailloux, aux petits soldats,
derrière des cubes de carton, l'enfant joue tout en sachant que c'est de
la fiction et prévient son interlocuteur de sa règle du
jeu :
" On disait que c'était ...
", une
formule magique pour entrer dans le jeu comme un mot de passe pour
accéder à l'ordinateur.
L'analyse du comportement de l'enfant face au magnétoscope confirme
cette distance qu'il a par rapport à l'image puisque l'enfant,
très souvent, arrête la cassette, la reprend, recule, revisionne,
exactement comme il ferait avec un livre. L'enfant se construit dans un monde
d'images en sachant qu'il est faux. Mais il peut en parler avec l'adulte.
D'ailleurs, il parle souvent spontanément du film qu'il a vu. C'est
quand l'échange n'est plus possible que les difficultés peuvent
surgir.
Parmi les exemple de "faux procès" intentés aux jeux,
l'accusation portée, il y a quelques années, selon laquelle
l'abus de jeux vidéo provoquerait des crises d'épilepsie.
L'affaire est aujourd'hui parfaitement élucidée. Il semble qu'il
y ait eu une confusion entre les facteurs de risques et les
révélateurs du fond épileptique lui-même,
liés à la photosensibilité. Mais la " menace "
avait néanmoins entraîné entre temps, une réaction
d'ordre réglementaire.
105(
*
)
La société virtuelle
Selon le sociologue Leo Scheer, la société est d'ores et
déjà entrée dans l'ère virtuelle sans attendre
l'image de synthèse. La technique numérique ne fait
qu'accélérer une dérive antérieure. Dans les
différents médias, les genres autrefois parfaitement
définis et séparés, tendent à se mêler :
fiction qui prend les apparences du reportage, émission de
télévision où l'information se mêle au
divertissement, recherche maximale de réalisme, reconstitution pour
revivre un événement... Jusqu'aux sondages qui expriment, eux
aussi, un certain glissement vers la société virtuelle, puisqu'on
ne se contente pas de demander à l'électeur virtuel le nom du
candidat pour lequel
il va
voter, mais aussi la façon dont,
selon lui
,
les Français
vont voter. Ainsi, chacun
constitue un élément d'une société réelle et
projette l'image d'une société virtuelle aussi importante, sinon
plus, que la société réelle, car le message martelé
sur les
intentions
de vote et surtout sur les chances de succès
supposées
d'un candidat, finit par façonner le
comportement réel de chacun.
Les interrogations qui subsistent
Ces controverses inéluctables et nécessaires
révèlent deux données fondamentales.
La première, qui est tout à fait naturelle est que,
si tout le
monde pressent une révolution numérique, personne ne sait
exactement ce qu'elle sera
. On devine, on craint, on espère, mais au
fond, on tâtonne. Il ne peut en être autrement s'agissant d'un
exercice qui consiste à se projeter dans le futur. Les réflexions
sur ce sujet sont cependant rares. S'il est admis qu'il est dangereux de
laisser la science aux seuls chercheurs, il paraît également
critiquable que ces derniers abandonnent la réflexion de fond aux seuls
institutionnels (politiques, administrations) tant parce que ces questions sont
aussi les leurs, que parce que les intéressés potentiels ne s'en
saisissent pas toujours. Il serait sain que le Commissariat
général du Plan, le Conseil économique et social (CES)
soient saisis de ces dossiers. Conformément à l'article 70 de la
Constitution, le CES peut être consulté par le gouvernement sur
tout problème de caractère économique et social. Un
dossier béant s'ouvre devant nous.
La seconde donnée fondamentale est
le décalage entre le rythme
des techniques et l'évolution de nos mentalités
. Les
premières se développent extrêmement rapidement et,
même toutes les analyses conduisent à des remises en cause de nos
comportements. Mais lorsqu'il s'agit de changer effectivement, nos actes
restent dépendants de notre culture acquise, de mentalités
anciennes. Un exemple suffit à illustrer ce dédoublement :
Le Monde , mercredi 2 avril 1997 |
|
Le Monde , jeudi 3 avril 1997 |
Trucages , par Alain Rollat |
|
Pitié pour les cognes , par Alain Rollat |
" TOUS les professionnels du cinéma vous le diront : le perfectionnement des ordinateurs rend si facile la manipulation des images que la science du trucage devient accessible à n'importe qui. Grâce aux outils numériques, (...) on peut faire dire n'importe quoi à n'importe quel film. " (...) |
|
(...) Il s'en fallut de peu, l'autre jour, qu'un face-à-face entre deux cortèges (...) ne dégénérât en bataille rangée. Nous pouvons en témoigner sur la foi des images (...) " |
Ainsi, après qu'un journaliste eut admis et écrit qu'il ne fallait surtout plus croire aux images, le même journaliste, le lendemain, faisait le contraire. Ce cas de dédoublement entre la pensée lucide et le réflexe humain ne devrait pas être isolé.
CHAPITRE IV
PERSPECTIVES
A. PERSPECTIVES TECHNIQUES
1. Perspectives en matière d'imagerie
a) Les utilisations civiles
Très peu d'informations ont filtré à ce
sujet. La principale préoccupation des industriels rencontrés
réside en effet dans les perspectives économiques -trouver les
moyens de développer le marché, étendre les utilisations
possibles et, surtout, capter les utilisateurs potentiels- plus que dans les
évolutions techniques.
Quelques éléments méritent néanmoins d'être
relevés. Tout d'abord,
l'arbitrage "qualité
d'image / réactivité de l'image
" demeure une
contrainte absolue qui ne sera levée qu'avec le développement de
la puissance des ordinateurs. Une image de bonne qualité
esthétique demande 25 minutes de calcul. Malgré le
développement de la puissance des ordinateurs, cet ordre de grandeur
demeure, car, même si les calculs sont plus rapides, on demande "toujours
plus" (luminosité,
ray tracing
...), de telle sorte que le temps
global reste, en définitive, inchangé.
Les intervenants s'accordent en outre pour considérer que les
potentialités du numérique n'ont pas encore été
perçues. Pour donner un seul exemple, les scientifiques travaillent
aujourd'hui sur
l'interaction image et son
: une phrase,
dictée et enregistrée sur une carte analogique, est
transformée en signal numérique puis reproduite sous forme
d'image. Cette image est transmise à un autre point et retraduite en
mots. Cela fonctionne comme un code, mais il est inutile de mémoriser le
code, car la transcription mot image, image mot est faite
par l'ordinateur.
Parmi les développements annoncés, figure également les
travaux sur
l'analyse des images
. Si le début des années
1980/1990 a vu des progrès fulgurants en matière de
synthèse d'images, beaucoup de travaux portent aujourd'hui sur l'analyse
qui permet d'identifier des images déterminées. Les recherches
ont d'abord été faites dans le domaine militaire (recherche de
renseignements), mais des potentialités s'ouvrent dans le domaine
civil : recherche automatique de visages dans une foule...
Enfin, votre rapporteur s'est intéressé aux techniques de
substitution d'images et de son en direct
. Peut-on, en direct, modifier le
discours ou l'aspect d'un personnage, comme une publicité sur un
écran ? Pour les responsables du procédé
EPSIS
, la substitution d'images en direct n'est aujourd'hui possible que
pour des images fixes (panneaux publicitaires). La substitution d'images
mobiles demanderait une puissance d'ordinateurs mille fois plus importante, ce
qui arrivera, mais pas avant quinze ou vingt ans. Il faut cependant nuancer
l'intérêt du direct. Dans la
quasi
totalité des cas,
le travail de substitution d'images peut être réalisé dans
des délais très courts. Le fait qu'il y ait un délai de
quelques jours ou de quelques heures, voire bientôt de quelques minutes,
est d'ailleurs secondaire lorsqu'on s'interroge sur le problème de fond
de la manipulation d'informations.
b) L'utilisation militaire de l'imagerie informatique
Le combattant du futur.
L'utilisation
militaire des techniques de réalité virtuelle et d'imagerie de
synthèse devrait s'accélérer dans les prochaines
années. En sus des outils de simulation classique (pilotage, tir...),
plusieurs voies ont été explorées pour le "combattant du
futur".
La première vise à accroître l'efficacité
opérationnelle du combattant, alors assisté par des
systèmes d'une grande sophistication technique, inspirés des
techniques utilisées par les pilotes d'avions de chasse, avec
détection des ennemis à neutraliser, écrans de
visée avec fusion d'images réelles (visibles ou invisibles
à l'œil nu - vision par infrarouges...), et d'informations de
terrain, reconstituées en images de synthèse. Les techniques
existent ou existeront bientôt, mais ne peuvent être
appliquées qu'à de très petites unités
opérationnelles très spécialisées, ne serait-ce que
pour des raisons de coût.
La seconde vise à réduire la vulnérabilité du
combattant, notamment par la voie de la télémédecine. La
télémédecine consiste dans l'application des techniques
d'imagerie et de télécommunications à la délivrance
de diagnostics et de soins à distance. Les États-Unis ont
engagé des programmes de recherche très importants dans ce
domaine
106(
*
)
et, après quelques
démonstrations en Yougoslavie et en Somalie, passent à la phase
de développement.
" Le concept de télémédecine opérationnelle
et tactique repose sur deux exigences. Tout d'abord, le soldat peut demander
une qualité de soins d'un très haut niveau car il est utilisateur
d'un matériel de très haut niveau. Il est en droit d'attendre
l'équivalent dès lors qu'il s'agit de sa sécurité
sanitaire. Ensuite, l'idée d'une
guerre "avec zéro mort"
....... "
107(
*
)
Sans aller jusque
là, les objectifs assignés par les autorités
américaines aux programmes de télémédecine sont
ambitieux, puisqu'il s'agit de réduire de 10 % le nombre de
tués sur le champ de bataille, de 25 % le nombre des victimes et de
33 % les besoins en personnels pour l'évacuation.
Deux applications sont étudiées. Il s'agit tout d'abord d'un
système de surveillance continue où les combattants, dotés
d'un système de capteurs (électrodes collées au corps,
casques avec prises d'informations...), transmettent les images aux
unités soignantes qui peuvent ainsi localiser le blessé,
déterminer la nature de la blessure et, même, faire des
radiographies à distance. L'autre solution est un système plus
léger de capteurs incorporés aux tenues de combat et
actionnés de l'extérieur par le personnel médical. Le
système n'a pas pour but de suivre tous les cas individuellement, en
temps réel, mais d'éviter les manipulations de blessés.
Cette dernière solution qui aurait la préférence
française, part du constat que la mobilité est le premier facteur
de protection, et que tout système qui entrave la liberté de
mouvements du combattant est peu adapté. Encore convient-il de noter que
les efforts financiers consacrés à la recherche dans ce domaine
en France sont cent fois inférieurs à ce qu'ils sont aux
États-Unis.
L'utilisation en réseau.
Les techniques de
simulation devraient connaître un saut qualitatif important avec les
possibilités de formation en réseau. Jusqu'à
présent, en effet, le simulateur met face à face une personne et
un écran. La personne commande l'image et réagit à
l'image. La mise en réseau permettrait de former plusieurs personnes en
même temps, l'image reçue par l'une étant modifiée,
non seulement par sa propre commande, mais aussi par celle d'une autre,
supposé allié ou supposé ennemi.
Le simulateur de défense antiaérienne
Mistral
a, d'ores et
déjà, été conçu pour être mis en
réseau, ce qui permettrait de relier plusieurs postes de tir, voire de
combiner un simulateur de tir au sol et un simulateur d'attaque (simulateur
d'avion). Mais l'exemple le plus significatif est certainement celui de
manœuvres militaires virtuelles.
Encadré n° 23
LES MANOEUVRES MILITAIRES VIRTUELLES
Les simulateurs de formation à usage militaire
apprennent surtout à maîtriser la conduite ou le pilotage d'un
appareil, mais leur rôle s'arrête là. Or,
l'efficacité d'une armée ne dépend pas seulement de la
qualité technique individuelle de ses professionnels, mais de sa
capacité à mener des opérations, c'est-à-dire
coordonner les actions.
" Ce sont les armées qui gagnent les
guerres, pas les héros solitaires. Dans la vraie guerre, les Rambos
meurent vite... ".
De là est venue l'idée d'utiliser les
simulateurs comme instrument d'apprentissage au combat en formation. C'est
ainsi que l'armée américaine développe depuis le milieu
des années 80 des simulateurs de combat tactique, appliqués
notamment aux combats aériens et aux combats de chars, à
l'échelon d'un peloton (4 chars).
Le simulateur se compose de deux parties distinctes. Une partie
mécanique qui, à l'extérieur
"ressemble à une
cabine de jacuzzi",
mais qui reconstitue parfaitement l'intérieur
d'un char Abrams M1 de 70 tonnes, avec poste de commandement, poste de
tir, munitions, manettes de contrôle... Les instruments inutiles à
la formation tactique sont seulement peints. L'ouverture vers
l'extérieur se fait au travers de petits blocs de vision. C'est
là qu'est la différence par rapport au char réel car la
fenêtre donne non pas sur l'extérieur, mais sur un écran.
L'autre partie du simulateur est constituée par un calculateur d'images,
commandé
simultanément
par tous les participants des
différentes cabines, et par l'instructeur qui peut lui aussi intervenir
sur l'image, en commandant par exemple la réaction des blindés
ennemis.
Même en l'absence de vérins hydrauliques pour simuler les
mouvements, la reconstitution de "l'ambiance" de la
manœuvre est
parfaite, car, outre le bruit du moteur, les liaisons radio, l'écho
radar sur l'écran de contrôle, les frayeurs sont bien
réelles. L'équipage de chaque cabine voit défiler les
images sur le bloc vision, peut commander les appuis d'artillerie. Lorsque le
char est "touché", l'écran devient noir. C'est la mort virtuelle.
Comme l'explique un participant :
" Les simulateurs ne sont
pas
des jouets. Même si, bien sûr, il y a une part de jeu (
They are
fun in some sense
). Vous pouvez avancer, reculer, armer, tirer. Vous pouvez
aussi paniquer, perdre les pédales devant vos camarades, être
tué "virtuellement parlant". Votre carrière -réelle- peut
parfaitement être affectée par ce que vous faites sur
simulateur. "
D'ailleurs, au
débriefing
qui suit
l'exercice, personne ne parle de réalité virtuelle, mais bien de
combat. Un combat dans un
cyberespace
militaire.
La manœuvre est aujourd'hui possible à l'échelon du peloton
(4 chars) et peut-être de l'escadron (12 chars). L'objectif est de
parvenir à relier 1000 simulateurs, jusqu'à réaliser des
manœuvres interarmées...
Les propos en italique sont issus d'un article de Bruce Sterling, Wired Magazine , 1993.
2. L'amélioration des simulations sensorielles de la réalité virtuelle
On a vu que la réalité virtuelle se distingue de
l'image de synthèse par les capacités d'immersion, de navigation
et d'interaction avec le "monde virtuel". Le développement de
l'interaction passe pas la simulation/stimulation des sens et les sensations
physiques. Ces stimulations portent dans trois domaines :
l'environnement de l'utilisateur,
les retours d'efforts,
le son virtuel.
a) L'environnement de l'utilisateur
Toutes les expériences montrent que l'image seule ne
permet pas une simulation/stimulation convaincante quand elle n'est pas
accompagnée d'un "environnement", d'une "mise en ambiance".
Le son est
notamment déterminant.
Jusqu'à une époque récente, l'impression physique
était recherchée au travers d'une action sur l'environnement
matériel du "spectateur. L'action mécanique sur les
sièges, par l'intermédiaire de vérins hydrauliques, permet
de rendre compte dans des conditions satisfaisantes d'une montée, d'une
descente, de tremblements... Les simulateurs de vols utilisent les mêmes
procédés. Cette technique est très ancienne, puisqu'une
société américaine proposait, dès 1960, un
"sensorama"
équipé de sièges mobiles, de
ventilateurs et même de diffuseurs de parfum actionnés en fonction
de l'image sur l'écran.
Cette voie n'est pas abandonnée
108(
*
)
.
La simulation des conditions de combat est même un complément
indispensable de la formation à la télémédecine
militaire. Ainsi, personne ne sait aujourd'hui parfaitement si
l'entraînement en virtuel est une préparation efficace aux
situations opérationnelles
109(
*
)
, car il
subsiste une inconnue majeure :
" le feeling du sens clinique en
condition de stress ".
Cette question est d'autant plus
importante en
France que la doctrine française applicable dans ce domaine est
" une médicalisation poussée de l'avant, avec la pratique
d'actes médicaux et chirurgicaux sur le lieu même du combat.
(...)
Il s'agit le plus souvent de mettre en place une
réanimation d'urgence avec des gestes parfois accomplis en aveugle, dans
un espace exigu, confiné, chaud et bruyant, parfois en
mouvement. ".
Aujourd'hui, l'apprentissage se fait en milieu
hospitalier ou en environnement peu agressif. Il faut donc mettre au point des
techniques de formation qui permettront les transferts d'apprentissage (de
l'entraînement aux situations opérationnelles...)
110(
*
)
. Ainsi, en sus des outils de réalité
augmentée par l'apprentissage des gestes opératoires, les
recherches complémentaires visent à simuler les conditions
opératoires en combat. La DGA développe notamment un
Générateur d'Environnement Physique Agressif pour le Travail
(GEPAT) qui fournit confinement, bruit, chaleur, mouvement et
hypoxie
111(
*
)
. La tâche est
effectuée en tenue de combat avec casque et gilet pare-balles.
b) Le retour d'efforts
La réalité virtuelle permet aujourd'hui de
développer les sensations physiques en ne jouant plus seulement sur le
matériel, sur l'environnement, mais aussi directement sur l'utilisateur,
au travers notamment des procédés de retour d'effort.
Parmi les relations sensitives que l'on a, outre l'ouïe et la vue, le
toucher est très important lors de la manipulation d'objets : on peut
très bien manipuler un objet en aveugle et, réciproquement, quand
en réalité virtuelle on essaie d'attraper un objet que l'on voit,
mais que l'on ne sent pas, on est très maladroit. Le
procédé de retour d'effort visera à faire éprouver
des sensations tactiles ou de résistance, avec un effet de contact (on
sent que quelque chose est en contact avec la main) et un effet de butée
(on avance la main dans l'espace et on bute sur quelque chose).
L'effet de contact est réalisé :
par l'
énergie
pneumatique
(la
sensation tactile est donnée en gonflant de petites poches d'air
incluses dans un gant lorsque la main virtuelle touche un objet virtuel, la
poche réelle se gonfle sous la main réelle) ;
par l'
énergie
électrique
(la
sensation tactile est donnée par un système vibratoire qui
produit une sorte de chatouillement semblable à un contact) ;
et surtout par l'
énergie
mécanique
pour simuler un retour d'effort. Le gant est
alors équipé de microsupports en aluminium et de
microcâbles qui freinent ou bloquent le mouvement des doigts en fonction
de la manipulation sur l'image.
Des recherches sont également menées pour simuler les
températures, les odeurs par émulsion de constituants chimiques...
c) Le son virtuel
Les sons se présentent sous forme de vibrations qui se
propagent à travers l'environnement et peuvent, au même titre que
la lumière, être modélisés, retranscrits de
façon numérique. Plusieurs expériences ont montré
l'importance du son dans la simulation (bruit du décollage dans un
simulateur de vol...). Tout comme l'image varie lorsqu'on approche de l'objet
regardé, le son se modifie en fonction de la distance, des obstacles qui
interfèrent entre la source sonore et l'oreille. Tout cela peut
être modélisé par un synthétiseur de son,
appliqué à chaque oreille. Le son est virtuel quand il ne vient
pas d'une source sonore enregistrée, mais qu'il est calculé, en
permanence, en fonction de la position de la tête et des
caractéristiques physiques de l'environnement extérieur (murs en
béton, en bois...). Le son tridimensionnel "calcule" le son, non
seulement en fonction de la source sonore, mais aussi en fonction de la
réflexion sur les parois virtuelles qui sont autant de sources sonores.
Les recherches, dans ce domaine, sont encore balbutiantes
112(
*
)
.
3. Les contrôles d'images
La technique de l'imagerie numérique se développe, s'impose au monde. Pratiquement, aucun contrôle technique, aucun dispositif d'agrément, n'est possible ni souhaitable, tant les potentialités d'utilisation sont prometteuses et parce qu'elle est un outil d'expression et de communication sans égal. Néanmoins, le contrôle des images est recherché dans deux directions : l'identification des images et l'incrustation des images.
a) L'identification des manipulations d'images
Le Centre commun d'études des
télédiffusions et télécommunications (CCETT)
travaille sur l'identification d'images mais ceux qui investissent le plus dans
ce domaine sont les militaires. Le travail d'identification consiste à
repérer sur une image "quelque chose", lorsque ce quelque chose est
connu. L'ordinateur a les caractéristiques de ce qu'il cherche et le
trouve en analysant les images
113(
*
)
).
L'identification d'une manipulation paraît beaucoup plus difficile
puisque, par définition, on ne sait pas ce que l'on cherche.
La difficulté n'est pas insurmontable lorsque deux images prises
à des temps différents sont mélangées. Le travail
consiste à diviser l'image en "nids d'abeille" et à calculer au
sein de chaque alvéole "le
gamma
", le niveau de gris,
c'est-à-dire le contraste de l'image. On estime en effet que chaque
prise de vue a, en général le même
gamma
: si deux
gamma
sont différents, il y a une chance pour que l'on se trouve
devant un cas de montage, de manipulation. Selon le CCETT,
" lorsque
les deux prises de vue ont lieu au même moment, la manipulation
paraît impossible à déceler "
114(
*
)
.
b) L'incrustation d'images
La question des contrôles n'a été vraiment
envisagée que sous le seul angle de la protection des droits d'auteurs.
Face à l'explosion de la diffusion, aux facilités d'atteintes et
de dissémination des images, un grand nombre de recherches, tant en
France que dans l'Union européenne, visent à trouver des
méthodes d'identification des contrefaçons et de protection des
droits d'auteurs. La plupart des travaux sont fondés sur
l'"incrustation" d'images
115(
*
)
. Il
s'agit
notamment du projet
Talisman
développé par
l'université libre de Belgique et du projet
Aquarelle
,
développé par l'INRIA, tous deux à l'aide de
crédits communautaires.
Le projet
Talisman
, développé par l'Union
européenne (DG. XIII), a pour objectif d'offrir des outils techniques
permettant de protéger les ayants droit quant à l'utilisation de
leur image ; il peut s'agir soit de vérifier la distribution et la
diffusion des œuvres, soit de détecter si une image
diffusée a subi une quelconque manipulation par rapport à
l'original.
La protection technique développée dans le projet
Talisman
repose sur l'utilisation de mécanismes appelés tatouage
(
watermarking
en anglais). Il s'agit d'insérer dans l'image des
informations totalement invisibles, indélébiles, résistant
aux transformations induites par la chaîne de diffusion et, surtout,
à la compression numérique MPEG-2 de ces images.
Talisman
propose déjà un ensemble complet
d'équipements et de logiciels permettant :
d'effectuer le tatouage d'un film et ce, en temps réel ;
de détecter automatiquement si une œuvre a été
diffusée et par qui ;
de détecter si l'œuvre a été modifiée
ou altérée.
Encadré n° 24
LE PROJET AQUARELLE D'INCRUSTATION D'IMAGES
Le projet
Aquarelle
est un projet européen qui
associe des instituts de recherche en informatique et de partenaires culturels
(musées...) susceptibles de fournir les ressources culturelles soit sous
des formes classiques (livres, CD-Rom...), soit sous forme de base de
données, accessible à partir de serveurs d'archives.
La facilité d'obtention d'images sur lesquelles existent des droits
d'auteurs, de même que les facilités de modification, de
dissémination et transformation des données numériques,
constituent des problèmes pour les intéressés.
La manipulation peut être contrôlée en utilisant un
filigrane. La notion de filigrane est basée sur l'idée de faire
une marque invisible dans l'image avec une clef secrète.
Le marquage est basé sur un procédé d'incrustation qui
consiste à changer une image en produisant une nouvelle image de
même apparence, mais avec de nouvelles propriétés ou des
endroits secrets (la luminosité peut être augmentée sur
certains
pixels
de l'image, baissée à d'autres...). Le
marquage modifie la structure de l'image, mais la marque doit être
invisible à l'œil nu. Une fois que l'image est marquée, ses
copies -légales ou illégales- sont identifiables.
Le schéma habituel est le suivant : le propriétaire marque
l'image. Quand il trouve une image frauduleuse, il relève la marque,
prouvant ainsi qu'il est propriétaire. Naturellement, la marque est
perdue dès que le propriétaire la relève et ne sert qu'une
seule fois. Pour contourner cette limite, l'idée est d'utiliser un tiers
de confiance (TTP
1
) qui vérifie l'existence de la marque sans
la révéler. Ainsi, soit le propriétaire marque l'image et
donne la clef au TTP, soit le TTP, sur requête du propriétaire,
donne à ce dernier une clef de marquage. Dans les deux cas, la clef de
marquage est connue du seul propriétaire de l'image et/ou du TTP. Quand
le propriétaire veut vérifier qu'une image lui appartient, il
envoie l'image au TTP qui vérifie la présence de la marque.
__________
1
Trusted third party
B. PERSPECTIVES JURIDIQUES
Votre rapporteur a constaté, au cours de ses auditions,
que sa démarche suscitait souvent de l'intérêt, parfois
amusé :
" Que viennent faire les politiques dans ce
domaine ?"
,
mais aussi parfois quelques craintes :
" Pourvu qu'ils ne réglementent rien ! "
.
Malgré cette appréhension et le caractère largement
illusoire de toute tentation réglementaire, il convient de relever que
certaines professions ont, d'elles-mêmes, cherché à fixer
des règles d'usage et qu'il y a donc, dans ce domaine, tout à la
fois un évident et légitime désir de liberté et,
parfois, un appel à un certain ordre...
Il convient de distinguer deux approches : le droit positif, la
déontologie. Chacune a présenté ses avantages et ses
limites. A quelques exceptions près, le droit existant règle
finalement la plupart des questions soulevées (effet des manipulations
d'images sur le respect de la vie privée et les libertés
publiques...). C'est en particulier le cas lorsque la déontologie
s'appuie sur un cadre réglementaire, c'est-à-dire lorsque
convergent l'action professionnelle et l'action publique.
1. Le droit positif
La tentation réglementaire doit être évitée dans un domaine où les évolutions techniques sont extrêmement rapides, les potentialités économiques, nombreuses, ne doivent pas être entravées, et les moyens de s'assurer du respect de règles éventuelles sont, en tout état de cause, insuffisants.
a) Les échecs de la tentation réglementaire
La réglementation des jeux vidéo fait partie de
ces tentatives discutables. Au début des années 1990, la vague
déferlante des jeux vidéo a commencé à susciter
quelques appréhensions. Les jeux furent alors accusés de
véhiculer des images violentes, de compromettre l'équilibre
psychique des plus jeunes, voire de provoquer des maladies graves (risques
d'épilepsie). Des arrêtés, puis un décret
116(
*
)
relatifs aux mises en garde concernant les jeux
vidéo furent adoptés, imposant notamment de faire figurer un
avertissement sur l'emballage, et d'insérer des notices dans les boites
de jeux portant sur les précautions d'emploi. Le texte des notices
était annexé au décret. Le premier concernait
" les précautions à prendre pour l'utilisation d'un jeu
vidéo "
et était assorti de conseils
généraux tels que
" Évitez de jouer si vous
êtes fatigué ou si vous manquez de sommeil ; Assurez-vous de jouer
dans une pièce éclairée ; Jouez à bonne distance de
l'écran de télévision aussi loin que le permet le cordon
de raccordement ; Faites des pauses de 10 à 15 mn toutes les
heures... "
. La seconde concernait les risques d'épilepsie.
" Certaines personnes sont susceptibles de faire des crises
d'épilepsie.
(...)
Les personnes s'exposent à des crises
(...)
lorsqu'elles jouent à certains jeux
vidéo... "
En réalité, ce texte mêle des recommandations
générales teintées de maternage et des
considérations médicales sans fondement réel. De
surcroît, il est plus que probable que seule une infime minorité
des joueurs s'attache à lire et respecter ces notices. Les conseils sur
la luminosité, la distance par rapport à l'écran,
pourraient tout aussi bien être formulés pour les achats de
téléviseurs. Si la durée de jeu est bien un
problème réel, ce n'est sans doute pas par un "conseil" sur les
pauses qu'il sera réglé. Seule une solution technique -au stade
de la fabrication- en imposant techniquement des arrêts de jeu à
chaque passage de niveau
117(
*
)
, pourrait, le
cas échéant, être efficace. Mais, là encore, cette
solution paraît très peu probable compte tenu de la
compétition entre éditeurs et des possibilités de jeu sur
réseau
118(
*
)
.
Quant aux risques d'épilepsie, il semble qu'il y ait eu une confusion
entre les facteurs de risques et les révélateurs du fond
épileptique lui-même, liés à la
photosensibilité. Les personnes photosensibles réagissent
à la fréquence de diffusion des lumières, de style
stroboscopique (succession de flashs). Un accident survenu chez un jeune joueur
aurait pu arriver à beaucoup d'autres occasions, devant la
télévision (lors de certains vidéo-clips où des
images se succèdent très vite) ou plus tard, en boite de nuit
(avec les flashs à répétition) ou même au volant
d'une voiture roulant le soir sur une route bordée de peupliers...
La réglementation paraît dans ce domaine, largement
inopérante. Cette expérience devrait servir de leçon
à l'avenir.
b) L'adaptation des règles existantes
En fait, la réglementation n'est pas aussi inefficace
ou déphasée face aux évolutions techniques des moyens de
communication qu'on pourrait le penser.
D'ailleurs, aucune des personnes rencontrées n'a souhaité une
modification des règles existantes
119(
*
)
,
montrant ainsi que le droit actuel, même
ancien, avait fait preuve de sa capacité d'adaptation aux contextes
culturels et technologiques de notre société. La
législation a, dans l'ensemble, parfaitement absorbé les
évolutions, et l'expérience montre qu'une loi ne doit être
une réponse à une technologie déterminée.
Néanmoins, plusieurs sujets méritent une
réflexion
120(
*
)
.
Il existe tout d'abord des problèmes qui ne sont pas propres aux
images de synthèse, mais qui concernent plus généralement
les
diffusions transnationales des images sur les réseaux
.
Internet n'est pas une zone de non droit et le principe de
propriété intellectuelle a vocation à s'appliquer, mais il
n'en demeure pas moins que les diffusions transnationales posent des
problèmes particuliers puisque les législations et les
protections sont différentes d'un pays à l'autre.
" Ne
peut-on imaginer des paradis de l'image comme il existe des paradis
fiscaux ? "
, se demande-t-on parfois. Cette réflexion
déborde le cadre national et doit être menée au niveau
européen et même mondial.
Il existe également un deuxième problème, sans doute
mineur, mais non négligeable, lié à la
rédaction des textes existants
.
L'article 226-8 du code pénal réprime
" la publication
des "
montages
" réalisés avec l'image d'une personne sans
son consentement s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il
s'agit d'un "
montage
" ou s'il n'en est pas expressément fait
mention. "
Cette rédaction, reprise dans le nouveau code pénal,
résulte de l'article 23 de la loi du 17 juillet 1970. Cette disposition
a, semble-t-il, été peu appliquée jusqu'à
présent. Elle pourrait toutefois trouver à s'appliquer davantage
avec le développement des technologies de l'image qui rendent les
manipulations indécelables.
Mais la rédaction de cet article du code, vieille de près de
trente ans, reste-t-elle adaptée à la situation actuelle ?
Le terme "montage" évoque les coupures et les assemblages de
scènes tournées et de photographies prises, ou, selon la
terminologie informatique actuelle, une opération de
"coupé/collé" : on coupe une image et on colle une autre image
sur la précédente. La technique actuelle est différente.
Il n'y a pas de "montage" proprement dit, mais plutôt traitement
d'image,
traitement d'algorithmes. D'ailleurs, le mot "montage" suppose une
modification, une manipulation de l'original. Mais avec la technologie
numérique, l'"original" n'est rien d'autre qu'une suite de chiffres.
Changer un chiffre modifie l'image, mais celle-ci reste tout aussi originale
que la première
.
Le juge, qui possède un pouvoir souverain pour apprécier la
dénaturation possible d'une image, pourrait, il est vrai, parfaitement
prendre acte de cette évolution technique sans qu'il soit besoin de
modifier le texte. Mais si tel n'était pas le cas, le législateur
devra certainement intervenir en ajoutant, par exemple, au mot
"montage" le mot
"déformation".
Troisième problème,
le caractère
hétérogène des protections.
La distinction entre
artistes protégés par le droit moral et le droit patrimonial
transmissible, et les autres personnes, protégées par le seul
droit moral personnel, paraît en effet de moins en moins opportune.
" Il est en effet patent qu'en dehors du spectacle, nombre de
célébrités du sport, des arts, des affaires, tirent parti
de l'évolution des mœurs et de pratiques économiques
générées par une civilisation de plus en plus
tournée vers l'image, se livrent selon des rémunérations
croissant avec leur célébrité, à une exploitation
commerciale de leur propre image. "
Ainsi, ce droit à l'image purement moral et personnel au départ,
tend-il souvent à acquérir une valeur patrimoniale et a-t-il, par
conséquent, vocation à se transmettre, comme tout autre bien de
même nature, aux héritiers.
Par ailleurs, l'idée sous-jacente est qu'il serait regrettable qu'une
société commerciale ne puisse utiliser l'image d'un acteur
célèbre décédé pour vanter tel ou tel
produit sans l'autorisation de ses ayants droit, mais puisse utiliser le clone
d'une personnalité non artistique très connue et populaire pour
appuyer telle ou telle action.
Faut-il aligner le régime des personnes de la vie publique sur celui
d'artistes ? Ou même adopter un seul régime applicable à
tous
" dans un souci de respect de l'égalité des
citoyens "
? Cette position paraît toutefois discutable
dans la mesure où le droit patrimonial existant est fondé sur un
savoir-faire reconnu, qui n'est autre que la base du talent de l'artiste. C'est
ce talent qui est protégé. C'est ce droit patrimonial qui est
transmis. Cette interprétation ne semble donc pas pouvoir s'appliquer
à tous les individus, et il paraît même dangereux de donner
systématiquement un contenu patrimonial à un droit qui n'est,
jusque là, pour toute personne (à l'exception des artistes),
qu'un droit moral.
Ce débat ne peut être aujourd'hui tranché, mais devra
l'être vraisemblablement à plus ou moins brève
échéance. Le problème se pose de façon
précise dans le cas de l'utilisation d'images de personnes
décédées.
Le principal problème est en effet celui
des clones
et de l'
utilisation
de l'image d'une personne
décédée
.
Comme on l'a vu
121(
*
)
, le principe de
l'utilisation de l'image d'une personne décédée n'est
jamais remis en cause. En revanche, le juge examine le contenu concret de
l'utilisation, pour déterminer s'il y a préjudice moral ou non.
Ainsi, en l'état actuel du droit et de la jurisprudence, aucune
disposition ne semble empêcher l'utilisation, la reproduction d'une image
d'une personne publique, dès lors que les droits patrimoniaux sont
respectés (ce qui ne s'applique qu'aux artistes) et que l'image n'est
pas utilisée de façon détournée ou malveillante. Le
fait qu'il s'agisse d'une image de synthèse ne change en rien cette
position.
Il semble qu'il y ait sur ce point un vide juridique. Car, tôt ou tard,
l'utilisation des images ne se bornera pas à celle des artistes
-protégés par les dispositions sur les droits voisins des droits
d'auteurs- mais s'étendra aux autres personnes publiques dont la
notoriété ou le prestige sont incontestables. Ainsi, il semble
parfaitement possible d'utiliser le clone de Mère Teresa ou de la
princesse de Galles pour promouvoir une campagne d'aide aux
déshérités ou de lutte contre les mines antipersonnel.
Techniquement et juridiquement, une telle campagne paraît parfaitement
possible. Mais quelle peut être la limite entre une utilisation licite et
une autre illicite ? Faut-il laisser aux seuls juges la tâche de fixer
les limites ?
Ce n'est pas la première fois que le droit moral se trouve
confronté aux nouvelles technologies. Le temps semble venu où le
législateur doit à nouveau se saisir de la question.
2. Les règles de déontologie
Les règles de déontologie se présentent
sous la forme d'un ensemble de principes, de prescriptions et devoirs
professionnels, établis par les membres d'une même profession et
devant être appliqués par eux.
Outre les réglementations existantes, les nouvelles technologies
d'information et de communication se prêtent bien à
l'édiction de règles professionnelles. Le meilleur exemple est
sans doute le code de déontologie en matière
télématique
122(
*
)
. Quelques
initiatives touchant directement l'utilisation des images de synthèse
sont apparues au cours des derniers mois. Ainsi, les deux principaux secteurs
utilisateurs d'images de synthèse, les jeux et la publicité, se
sont dotés de règles spécifiques.
a) Les recommandations professionnelles en matière de jeux vidéo
En dépit de leurs insuffisances, les
réglementations en matière de jeux vidéo
123(
*
)
révélaient une situation qui pouvait
être préjudiciable au développement d'une technique, mise
en position d'accusée. Les professionnels, regroupés en
syndicat
124(
*
)
, décidèrent alors
de mettre en place une autorégulation sous forme d'une classification
des jeux tendant à informer l'acheteur du contenu des jeux, à
préconiser des limites d'âge
125(
*
)
...
Il s'agit bien d'un autocontrôle dont il faut saluer l'initiative, tout
en en percevant les limites.
Outre les effets pervers de toute signalétique
126(
*
)
, celle-ci n'a qu'un but informatif. L'acheteur reste
libre de son achat, et le vendeur libre de sa vente. La classification n'a
d'intérêt que pour celui qui la respecte. Il s'agit d'une
responsabilité individuelle, ce qui dépasse naturellement le seul
cadre des jeux vidéos...
b) Le "code de conduite" en matière de publicité virtuelle
Aucune disposition spécifique ne régente
aujourd'hui les procédés de publicité virtuelle qui
permettent de modifier l'image de panneaux publicitaires diffusés lors
des retransmissions sportives, afin d'adapter le message aux différents
pays, et de faire apparaître une publicité "dans" l'image de
télévision alors qu'elle n'existe pas sur le terrain où a
lieu l'événement.
Or, la publicité virtuelle pose en fait un certain nombre de
problèmes puisque, comme le rappelle le Conseil supérieur de
l'Audiovisuel (CSA),
" l'utilisation éventuelle de ce
procédé n'est pas
(actuellement)
soumis à
autorisation et il est indécelable. Le professionnel et le
législateur, s'ils souhaitent faire respecter l'esprit des
règlements en vigueur, ont devant eux un vaste champ de
réflexion. "
127(
*
)
Les professionnels ont, d'ailleurs, devancé le législateur en
élaborant des codes de bonne conduite. L'ITC (
Independent TV
Committee
), l'équivalent britannique du CSA, et, au niveau
européen, l'UER (Union européenne de radiodiffusion), ont
proposé d'adopter un "code de conduite" sur la publicité
virtuelle, fixant des règles d'utilisation :
soit des interdictions : pas de publicité virtuelle pour des
produits ou services dont la publicité télévisée
est interdite sur le plan national (tabac, alcool...), pas de publicité
virtuelle sur des personnes (règle adoptée par l'UER), pas
d'adjonction de publicité virtuelle
128(
*
)
;
soit des règles sur l'information : sur l'information des
organisateurs et diffuseurs et, surtout, sur l'information des
téléspectateurs.
" Aucune publicité ne peut
être insérée dans des bulletins d'information
télévisée.
(...)
Chaque chaîne informe de
manière appropriée ses téléspectateurs de
l'utilisation de publicité virtuelle. "
Ces codes sont en cours de discussion dans les instances concernées.
On peut encourager le développement de telles initiatives
professionnelles lorsque les textes sont inadaptés ou lorsque les
règles fixées sont inappliquées. La question se pose
principalement pour l'information
129(
*
)
.
3. De la déontologie à la réglementation
Les règles de déontologie sont d'autant plus efficaces qu'elles s'appuient sur une réglementation. Deux exemples peuvent être donnés : le code de télématique, appliqué par France Télécom et les règles de déontologie en matière de publicité dont le respect est assuré par le Bureau de vérification de la publicité (BVP).
a) Le code de télématique
Au moment où une campagne médiatique soulignait
les dérives du "minitel rose", redoutant une réglementation
qu'elle ne maîtriserait pas et une accusation de complicité
qu'elle jugeait infondée, France Télécom se décida
à fixer, en 1996, des règles professionnelles intitulées
"code de déontologie", jointes en annexe, mais partie intégrante
des contrats signés avec les fournisseurs de services (service
Audiotel
de messagerie vocale et
Télétel
de
messagerie écrite sur minitel).
Si le code de télématique appliqué par France
Télécom à ses contractants formule des recommandations,
l'essentiel du code est, en réalité, constitué de rappels
de dispositions applicables en matière de droit des
télécommunications et de droit des libertés
publiques
130(
*
)
. Ces dispositions s'appliquent
sans qu'il soit besoin de passer par un intermédiaire professionnel,
mais l'implication de ce dernier est une garantie supplémentaire.
Il existe donc bien une totale imbrication entre code professionnel et
règles de droit. D'ailleurs, le nouveau Conseil supérieur de
télématique (CST), placé auprès du ministre,
émet lui aussi des recommandations qui doivent être
insérées dans le code de France Télécom. Le
système a, jusque là, fonctionné dans le domaine des
messages écrits, des messageries électroniques. Sur les
fondements indiqués, plusieurs contrats avec des services de
téléphonie et de télématique ont aussi
été annulés
131(
*
)
. On peut
aisément imaginer qu'ils puissent être ainsi appliqués aux
services des banques d'images.
b) Les règles applicables à la publicité télévisée
Toute publicité télévisée est
soumise au visa du Bureau de vérification de la publicité qui
applique un certain nombre de règles professionnelles ainsi que le
décret n° 92-280 du 27 mars 1992. Comme dans le premier
cas, il y a totale imbrication entre règles professionnelles et
dispositions réglementaires. L'exemple qui suit est
particulièrement intéressant parce qu'il traduit, à notre
connaissance, l'une des premières réactions d'une profession
à l'utilisation -jugée en l'espèce inacceptable- d'images
de synthèse. L'affaire concerne une campagne de publicité
d'Amnesty International à partir des images, reconstituées en
images de synthèse, des incidents de la place Tien An Men à
Pékin.
Encadré n° 25
TIEN AN MEN VIRTUEL
ET LA RÉPONSE DU BVP À AMNESTY INTERNATIONAL
A l'occasion de la venue en France du Premier ministre
chinois, M. Li Peng en avril 1996, Amnesty international fait réaliser
par la société
Buf Compagnie
, un film publicitaire
destiné à la télévision, à partir de l'une
des plus grandes photos symbole des dix dernières années : un
jeune, immobile, face aux chars de l'armée chinoise, place Tien An Men,
en juin 1989. Dans ce film, intégralement réalisé en
images de synthèse, le char s'arrête quelques instants devant le
jeune homme, puis avance, contrairement à ce qui s'est passé
réellement ce jour là. Le
spot
est censé illustrer
les atteintes aux droits de l'homme en Chine.
Comme toutes les publicités télévisées, ce film est
soumis au contrôle du BVP, association de la loi de 1901 qui regroupe des
annonceurs et représentants des différents médias. Le BVP
exerce, en quelque sorte, un contrôle
a priori
des
publicités télévisées. Il a hérité
des attributions de l'ancienne Commission de visionnage qui réunissait
des représentants de la RFP, du CSA... Il est chargé de veiller
au respect des dispositions du décret n° 92-280 du 27 mars 1992
fixant les principes généraux concernant le régime
applicable à la publicité et au parrainage.
Ce décret dispose notamment :
Art. 3 -
" La publicité doit être conforme
aux exigences de véracité, de décence et de respect de la
dignité de la personne humaine. Elle ne peut porter atteinte au
crédit de l'État. ".
Art. 4 - " La publicité doit être exempte de
toute discrimination en raison de la race, du sexe ou de la nationalité,
de toute scène de violence
(...)
".
Art. 5 - " La publicité ne doit contenir aucun
élément de nature à choquer les convictions religieuses,
philosophiques ou politiques des téléspectateurs. ".
Le BVP, saisi pour avis par Amnesty international, donne un avis
négatif. Il déconseille le projet de publicité qui :
" 1. ne paraît pas pouvoir être
considéré comme un message d'intérêt
général tel que ceux diffusés dans le cadre des campagnes
des organisations caritatives,
2. paraît être de nature à jeter le discrédit
sur le gouvernement en exercice d'un État étranger ayant
établi des relations diplomatiques avec d'autres États,
3. paraît de nature à être jugé contraire aux
dispositions de l'article 5 du décret du 27 mars 1992,
(ce)
projet contenant des éléments de nature à choquer les
convictions politiques des téléspectateurs. "
Amnesty international renonce alors à présenter ce projet aux
chaînes de télévision dont certaines appartiennent à
des groupes fortement impliqués sur le marché chinois pour
d'autres activités.
L'association présente alors son film dans d'autres cadres, pour
dénoncer notamment une censure manifeste à l'occasion de la
visite du Premier ministre chinois (au cours de laquelle fut signé un
important contrat de livraison d'Airbus...). Le film, de très grande
qualité technique, sera primé à plusieurs occasions lors
de festivals professionnels.
En appliquant de façon stricte un code de déontologie
appuyé sur un texte réglementaire, le BVP, association
privée, a réglé, inconsciemment, le premier cas de
manipulation d'informations d'envergure réalisée grâce au
traitement d'images.
A noter que si le film en question n'avait pas été une
publicité télévisée, aucun contrôle
préalable n'aurait été réalisé. La diffusion
aurait alors relevé de la seule responsabilité éditoriale
des chaînes.
Ainsi, si, dans la plupart des cas, l'utilisation d'images de synthèse
n'appelle pas d'observations particulières, lorsque l'image touche
à l'information, quelques précautions ont paru utiles aux
professionnels intéressés. D'autres professions, amenées
à utiliser ces technologies, pourraient utilement s'en inspirer.
Dans un tout autre domaine, l'intervention de la puissance publique est
même attendue. C'est notamment le cas lorsque l'image de synthèse
set utilisée pour promouvoir ou présenter un projet (dans le
domaine commercial, architectural...).
" La puissance de
conviction de
l'image est telle qu'il faut éviter d'en profiter pour donner un
caractère faussement attractif à tel ou tel aspect d'un projet :
l'image virtuelle doit rester objective et non publicitaire (le
"beau" -ou le
"laid"- ne doit pas supplanter le "vrai"), le risque étant
de susciter
l'adhésion du public en annihilant l'esprit critique (cela vaut aussi
bien pour les partisans que pour les détracteurs d'un projet). Il serait
souhaitable que la puissance publique définisse des critères de
qualité (ou un système de référence technique) pour
que les fournisseurs de prestations de réalité virtuelle et les
utilisateurs respectent une déontologie suffisamment
encadrée "
132(
*
)
C. L'APPRENTISSAGE DES IMAGES
Comme on peut le constater, il existe un certain
décalage entre la rapidité d'évolution des techniques et
l'évolution des mentalités. Ce constat a été
parfaitement analysé par plusieurs membres de l'Office
133(
*
)
. Tous ont été convaincus de l'absolue
nécessité d'accélérer les formations aux NTIC. Il
ne s'agit donc pas de traiter à nouveau dans ce rapport ce qui a
été excellemment traité précédemment, mais
d'approfondir certaines réflexions spécifiques de l'image. A la
formation, qui peut se résumer en une phrase
" Apprendre
à regarder comme on a appris à lire "
, doit être
préféré le terme d'apprentissage qui comporte deux
démarches : apprendre et faire, comprendre et appliquer. En
matière d'image, apprentissage et formation doivent concerner tous les
consommateurs d'images, sans exclure les émetteurs et fabricants
d'images !
L'apprentissage passe par trois étapes - formation, information,
application- en fonction des quatre "publics" visés : les jeunes,
les parents, les diffuseurs, les chercheurs.
1. Les objectifs de l'apprentissage
a) Les expériences antérieures
Contrairement à une idée répandue, y
compris chez les professionnels de l'image et de la télévision,
l'éducation "par" l'image et l'éducation "à" l'image
existent depuis longtemps en France ; elles se sont développées
au cours de trois périodes successives.
La télévision scolaire a été
créée en 1951 et la France a été l'un des premiers
pays à considérer la télévision comme un outil
d'apprentissage.
En 1985, l'image est intégrée dans les programmes des
collèges et des lycées. L'enseignement est fondé sur une
trilogie écrit/oral/image. Celle-ci est -normalement-
intégrée dans les méthodes d'enseignement et devient une
matière enseignée
134(
*
)
en
littérature et dans les langues et même une épreuve de
concours (certains concours d'agrégation contiennent une épreuve
de "sémiologie de l'image").
La création de la Cinquième en 1994 constitue la
troisième étape. La Cinquième, non seulement utilise la
télévision comme moyen d'enseignement, mais étudie
l'image. L'étude de l'image, jusque là limitée à
l'université et aux écoles, aborde le grand public. Les autres
chaînes ont des émissions du même type (ex. émission
Arrêt sur image
).
En outre, le ministère de l'Éducation nationale a
récemment mis en place des groupes de travail chargés
d'étudier les interfaces éducation/télévision.
Ces efforts et ces méthodes innovantes sont peu et mal connus. D'une
part, la matière, intégrée dans les disciplines
littéraires, n'est pas toujours traitée par les professeurs, en
raison de l'importance des programmes scolaires
135(
*
)
; d'autre part, les professionnels de l'image, trop
pris par leur propre activité, prêtent peu d'attention aux
activités pédagogiques qui, bien que touchant directement
à leur domaine, sont traitées par d'autres. Enfin, les
méthodes innovantes de l'Éducation nationale ne suffisent pas
à contrebalancer un discours
ambiant souvent critique sur ses
carences, ses retards, et son inadaptation -supposés ou réels-.
Ces expériences méritent cependant d'être poursuivies,
même si elles visent des objectifs -et des publics- qui ne correspondent
pas tout à fait aux nouveaux enjeux. Le principal objectif est de
moderniser les méthodes d'enseignement en utilisant les moyens de
communication. Quant aux études de sémiologie, qui consistent
à décrypter les référents culturels d'une
image
136(
*
)
, et aux analyses d'images
permettant de comprendre l'importance et le rôle du cadrage, du
montage..., elles sont souvent plus adaptées à un public
formé à l'analyse critique. Les problèmes posés par
l'adaptation d'un livre à l'écran sont également
intégrés dans ces études de sémiologie.
Entre l'éducation
par
l'image et l'analyse
des
images, il
y a place, semble-t-il, pour une troisième voie : l'éducation
à
l'image.
b) L'éducation à l'image
L'objectif est très simple :
apprendre qu'une image
n'est qu'une image
, mais il est incroyablement ambitieux. Notre culture est
fondée sur l'affirmation :
" Je ne crois que ce que je
vois. ",
et même, avec l'emprise de la télévision,
sur ce précepte ainsi transformé :
" Je ne crois que ce
que je vois ... à la télévision "
, tant il
apparaît qu'
" on se méfie de la réalité non
médiatisée
137(
*
)
"
.
Curieuse aliénation en effet, qui survient avec la maturité,
alors que
" les enfants, d'instinct, maintiennent une distinction
entre
le vrai et le faux que les esprits forts, eux, n'aperçoivent
plus
138(
*
)
"
et qui appelle la
médiation de l'écran pour croire en la réalité des
choses, alors que l'image devient de plus en plus aisément
transformable, manipulable à l'envi, et, par là même,
suspecte !
Le but d'une formation à l'image doit être double :
maîtriser l'image et apprendre à s'en distancier. Maîtriser
l'image, c'est comprendre qu'elle est toujours une mise en scène
guidée par une intention. Les exemples sont nombreux et connus (cadrage,
lumière...). Cette mise en scène est à la fois volontaire,
au moment de sa fabrication, et involontaire chez le spectateur dont la
perception est conditionnée par son passé, par son histoire
personnelle, et qui l'amène à sélectionner certaines
images plutôt que d'autres.
Apprendre à se distancier de l'image, c'est apprendre à ne pas y
voir plus que ce qu'elle est : une image et, de moins en moins sûrement,
une représentation du réel. Les techniques de traitement d'images
permettent, et permettront demain, mieux et plus vite qu'aujourd'hui, des
manipulations de toute sorte, mélanges, fusions, compositions,
créations. Le numérique permet, "de faire" l'image que l'on
souhaite voir.
L'enjeu est alors de parvenir à modifier ses réflexes : au
lieu de croire en ce qu'on voit, et de chercher ce qui est faux dans ce qu'on
regarde, il faudra désormais accepter la possibilité que ce que
l'on voit soit fiction et chercher ce qui est vrai dans ce que l'on
regarde
. Les professionnels de l'image ont fait cette "révolution"
mentale. Reste à élargir progressivement le cercle des
initiés.
La nécessité d'une formation aux images est aujourd'hui
défendue par des personnalités incontestées.
" Il
reste à l'homme de l'an 2000 à apprendre à se servir de
ses immenses pouvoirs. Cela implique un consensus des diffuseurs pour
l'autorégulation.
Mais les responsables politiques doivent être
conscients qu'il leur incombe aussi de favoriser un apprentissage du public,
adapté à la société virtuelle. Former le regard.
Enseigner à vivre dans le monde des images. C'est dès la
maternelle qu'il faudra apprendre à maîtriser les médias et
à différencier le réel des icônes
139(
*
)
. "
2. Les moyens d'assurer cet apprentissage
Les moyens d'assurer l'apprentissage de l'image sont triples : éducation/information/application, soit comprendre, sensibiliser, faire faire.
a) "Comprendre"
L'éducation à l'image
consiste à
apprendre à regarder comme on a appris à
lire, écrire et compter
. L'évolution de la technique rend
cette mission nécessaire. Rien, ou si peu, a été fait dans
ce domaine, et tout, ou presque, reste à inventer, à commencer
par les mots ! Celui que ne sait ni lire ni écrire est un
illettré ou un analphabète, mais comment appeler celui qui ne
sait pas regarder une image ? Un "illettré de l'image" ?
La formation générale
. Quelques-uns
s'interrogent sur la nécessité "d'isoler l'image" dans la
pédagogie alors que l'éducation comme l'information, est un tout.
" Que penser du film
Forest Gump
qui met en scène la
rencontre d'un acteur vivant et le président Kennedy ? Ou bien on
sait qui est Kennedy et on se doute que cette scène est
reconstituée, ou bien on ne sait pas et cela n'a plus d'importance. Le
problème pourrait toutefois se poser si l'acteur rencontrait le
président Clinton. Reconstitution ou non ? Que faire ? La
réponse doit partir d'un postulat : il ne faut ni surestimer le niveau
d'information, ni sous-estimer le niveau d'intelligence -qui n'est d'ailleurs
pas un garde-fou.
Ce concept d'éducation par l'image doit être
catégoriquement rejeté. Il existe des clefs d'accès
à la pensée universelle qui n 'ont pas besoin d'être
spécialisées. Ceux qui savent regarder, sont ceux qui savent
lire. Ceux qui lisent le plus sont ceux qui ont le meilleur usage de la
télévision. Le problème de la télévision ce
n'est pas la télévision, c'est l'école et la famille. Il
est inutile "d'apprendre à regarder", il faut tout simplement
apprendre
à réfléchir, à penser. L'enseignement
orienté sur l'accumulation des connaissances, et organisé autour
de programmes surchargés, ne laisse pas de place au dialogue, à
la discussion. Il faut tout simplement apprendre à penser avec les
outils de notre époque et, par conséquent, avec des
images... "
140(
*
)
b) "Sensibiliser"
La sensibilisation aux images doit faire appel à ceux
dont c'est le métier. Comme on l'a vu, des initiatives ont
été prises en ce sens, mais restent limitées. Pourquoi pas
une émission sur l'image à une heure de grande
écoute ? Le docteur Serge Tisseron, psychanalyste,
spécialiste de l'image, a d'ailleurs construit un intéressant
projet en ce sens :
" Il est indispensable que les classes publiques prennent en charge
l'organisation d'émissions diffusées aux heures de grande
écoute expliquant comment sont construites et fabriquées les
images
(...)
Une émission de ce type pourrait être
articulée autour de plusieurs séquences :
1. présentation de la séquence telle qu'elle est
montrée,
2. étude de la construction formelle,
3. étude des interprétations des spectateurs, pour montrer
que chacun entre dans l'image avec ses préoccupations propres,
4. mise en scène d'autres plans visuels possibles, pour montrer
comment la même scène peut être montrée
différemment,
5. nouvelle présentation de la séquence, avec plan
différent,
6. présentation de la séquence d'origine et étude des
nouvelles réactions du spectateur invité à voir
différemment ce qu'il a vu au début. "
c) "Faire faire"
"Travaux pratiques" chez les
jeunes
La meilleure façon de comprendre les manipulations d'images est
assurément d'en faire soi-même. Il paraît en effet illusoire
d'expliquer au plus jeunes les différences entre vrai/faux,
réel/virtuel, information/manipulation... En revanche, lorsque chaque
élève aura mis une fausse barbe à un portrait ou aura
rapproché deux personnages sur un écran, il aura compris en une
minute ce qu'est une manipulation d'image et combien elle est facile à
réaliser.
La pédagogie de l'expérimentation dans les collèges, si
nécessaire en sciences, et dont le retour doit être salué,
pourrait parfaitement s'appliquer aux technologies de l'image. La nouvelle
impulsion donnée aux "leçons de choses", aux
expérimentations dans l'enseignement des sciences à
l'école offre une occasion exceptionnelle d'appliquer ces
recommandations.
" Manipuler pour comprendre le réel.
Manipuler pour
comprendre le virtuel
"
. La démarche est la même et,
dans les deux cas, nécessaire et prometteuse.
L'usage collectif des images
La vision collective des images est assurément un moyen de
prévenir les risques de "désocialisation" qui ne sont pas
négligeables. L'analyse montre en effet que ces risques sont moins
liés à l'utilisation de l'image en tant que telle, qu'à
l'utilisation
solitaire
de l'image. Spontanément, un enfant qui
voit un film au cinéma cherche à en parler. Les mots maintiennent
l'équilibre entre le virtuel et le réel, entre l'écran et
l'entourage, entre l'image et la famille, dans une relation enfants/parents...
Les parents sont souvent très réservés à
l'égard des jeux vidéos et irrités par l'usage excessif
qu'en font les enfants. Ils ont raison, car, quand l'enfant joue au jeu
vidéo, il se complaît dans son isolement, et l'image, au lieu
d'être un motif d'échanges, devient un refuge. La faute n'en
revient ni à l'image elle-même, ni à l'enfant, mais
plutôt à l'adulte qui laisse s'établir une cloison entre
l'image et le monde réel.
Sans aller jusqu'à inciter les parents à jouer aux jeux
vidéo en famille, il est souhaitable qu'ils s'y intéressent, afin
d'établir une relation nécessaire à la construction de
l'identité de l'enfant, et d'éviter qu'il évolue vers le
déracinement et un isolement progressif.
3. Les diffuseurs d'images
a) Rappel de la problématique
Le numérique permet de créer l'image que l'on
veut. L'important n'est pas l'outil, ni même la qualité de
l'image, mais l'impact qu'elle peut avoir, qui passe toujours par un relais, un
média, mettant en jeu la responsabilité du diffuseur de l'image.
Il faut cependant établir une distinction entre les diffuseurs et en
fonction de la nature des images. Une image sur un site Internet n'a pas,
actuellement, l'impact d'une diffusion sur un média de masse comme la
télévision. Par ailleurs, il est inutile de s'attacher
spécialement aux images de synthèse qui, par elles-mêmes,
ne posent pas de problème particulier : le fait, par exemple, que
100 % des photos de mode soient numérisées,
retouchées, "trafiquées" n'a pas grande importance, si ce n'est
en matière de droit de l'image. Mais lorsque les images de
synthèse sont utilisées à des fins d'information, on doit
impérativement se poser quelques questions. Le vrai problème qui
mérite attention est celui de l'utilisation des images de
synthèse à la télévision et dans le cadre des
émissions d'information.
Il faut éviter tout risque de confusion entre le vrai et le faux, le
réel et le virtuel, l'information qui rend compte d'un fait, et le
trucage ou la manipulation délibérée qui conditionne la
pensée. Le danger, une fois la manipulation
révélée, c'est la perte de confiance et de
crédibilité dans le média considéré et la
perte de l'audience.
C'est aussi là un des aspects de la responsabilité
éditoriale : quelle information sélectionner, comment la
traiter ? avec quels reportages ?
Des contacts que nous avons eus, on peut conclure que l'image de
synthèse n'a pas encore atteint une qualité technique et
esthétique suffisante pour que des scènes virtuelles puissent
être utilisées dans l'information quotidienne, mais qu'il ne
s'agit que d'une question de temps, et que le problème se posera un jour
avec acuité. La réflexion est amorcée dans certaines
rédactions qui n'ont pas hésité à qualifier cette
utilisation du virtuel de
"danger n° 1".
Face à cette évolution, trois types de réaction peuvent
être envisagés. La solution technique, les règles
déontologiques , la solution rédactionnelle.
b) Les solutions techniques : l'information du spectateur
Lorsque l'image prête à confusion, une
réponse très simple existe : l'information. Depuis l'annonce
en préambule, sous la forme du
message d'avertissement
" Toute ressemblance avec un personnage existant ou ayant
existé serait purement fortuite.... "
jusqu'au
logo
" images d'archives "
incrusté dans l'image à
l'écran. On remarquera qu'il s'agit, dans les deux cas, non d'une
obligation légale, mais, dans le premier, d'un usage professionnel, ou,
dans le second, de l'application d'une recommandation du CSA.
Le
bandeau d'annonce
" réalisé avec
trucage "
diffusé dans certaines émissions
141(
*
)
de l'animateur Karl Zéro sur Canal Plus a
longtemps suscité des avis contradictoires. L'émission, de type
satirique, utilise le logiciel de traitement d'images
Flame
très
performant qui permet de déformer les images (en général
les visages), de mélanger plusieurs images (en mettant le visage de
quelqu'un sur le corps de quelqu'un d'autre). Les personnages visés
sont, en général, des personnages publics, souvent des hommes et
femmes politiques, ainsi tournés en dérision par le traitement
d'images. Le bandeau
" réalisé avec trucage "
laisse perplexe plus d'un observateur, considérant qu'il s'agit d'une
précaution minimale derrière laquelle l'animateur se retranche
pour se croire autorisé à ridiculiser les personnages publics,
rendus grotesques par le traitement d'image, y compris les plus hautes
autorités de l'État et à induire le
téléspectateur qui oublie le texte et ne retient que l'image.
Beaucoup y voient un risque de dérive, malsaine pour le fonctionnement
de la démocratie.
Pourtant, il convient de faire la part entre la technique, son utilisation
à des fins de parodie, et les personnages sur laquelle elle s'applique
qui, elles ont pu provoquer quelques interrogations. Dans certaines
circonstances à définir, notamment lorsque l'information est en
jeu, le principe d'une signalétique adaptée ne doit pas
être écarté, bien au contraire, et paraît même
judicieux. Le directeur des programmes de Canal Plus a d'ailleurs
estimé :
" Pour nous comme pour les autres chaînes,
à chaque fois qu'il y a un risque de confusion, il faudrait une
signalétique adaptée. Le CSA pourrait y
réfléchir ".
On pourra noter que ce risque de dérive n'est pas spécifique
à la France et qu'en Bavière, les députés Verts du
Landtag
ont créé un "programme de défoulement" sur
la base des déformations d'images de synthèse, appuyé par
un slogan percutant :
" Gifler
142(
*
)
un
ministre, c'est quand même le top "
.
Encadré n° 26
L'IMAGE DE SYNTHÈSE ET LES HOMMES POLITIQUES
LE PROGRAMME DE DÉFOULEMENT DES VERTS DU LANDTAG DE BAVIÈRE
"Gifler votre ministre, le nouveau jeu du Landtag"
1
" Les Verts du Landtag proposent aux Bavarois
de se
défouler grâce à un "service" très particulier.
Dorénavant, vous pouvez allonger le nez du ministre président,
tirer les oreilles du ministre chargé des affaires religieuses, affubler
le ministre de l'intérieur d'une énorme mâchoire ou encore
faire pleurer le ministre de l'économie. C'est possible, vous y
êtes autorisé. Sur la page Internet du Parlement, le site du
Landtag des Verts livre en effet toutes les semaines un membre du gouvernement
en pâture à ce jeu de massacre (pour se calmer les nerfs ?).
Au Maximilianeum (siège du Parlement de Bavière), on
déclare que : "le jeu a beaucoup de succès". Seule la CSU sort de
ses gonds. Selon le chef du groupe parlementaire, "C'est la décadence de
la culture politique".
Chez les Verts, on ne comprend pas que l'on en fasse une affaire d'État.
"Nous avons une page Internet couplée à des informations, on peut
bien en profiter pour s'y amuser" rétorque le spécialiste en
informatique des Verts, afin de défendre son "programme pour rire".
Plus de trois mille Munichois ont déjà cliqué sur le
"programme de défoulement". Son slogan : "Gifler un ministre,
c'est
quand même le top". ".
__________
1
Extrait de
Abendzeitung
des 15 et 16 février 1997
Le développement de la télévision numérique offrira
bientôt de
nouvelles possibilités
d'information. Il est
ainsi concevable d'associer à chaque émission une
fiche
technique
sur le mode d'élaboration de l'émission, les
conditions dans lesquelles les images ont été tournées,
les sources.... et, éventuellement, les traitements ou manipulations
réalisés. Cette fiche serait associée à
l'émission, consultable sur commande en appuyant sur une touche, comme
une page technique en annexe d'un livre.
c) les règles de déontologie
Comme on l'a vu, les médias ne sont pas à l'abri
d'une dérive qui consiste à donner au lecteur, au
téléspectateur, les images, qu'inconsciemment ou non, il attend.
Les images de la guerre du Golfe et du charnier roumain ne sont pas seulement
des manipulations de l'opinion, mais sont aussi un miroir : l'opinion
"attendait" ces images. Les médias les ont livrées.
La vérification des sources est le fondement même en
matière de presse, mais l'expérience montre qu'elle n'est pas
toujours possible ou, si elle est possible, qu'elle n'est pas toujours
effectuée. Il en sera de même demain, avec cependant un facteur
aggravant dans la mesure où le traitement d'images ouvre des
possibilités nouvelles.
De temps à autre, quelques médias sont montrés du doigt
pour s'être livrés à des manipulations d'information. Mais,
après les révélations, un silence -gêné ou
complice ?- se referme sur leurs auteurs. Comme l'indique M. Francis
Balle, alors directeur de l'Institut de recherche et d'études sur la
communication (IREC), lors de son audition :
" Il y a un certain
nombre
d'expériences malheureuses où la manipulation de l'information a
été flagrante. Ce problème est amplifié par
l'impression d'irresponsabilité relative de leurs auteurs. Les
utilisations frauduleuses ou quasi délictueuses d'informations ou
d'images n'ont pas été suffisamment dénoncées et
sanctionnées. Il faudra bien, un jour, réfléchir à
la responsabilité personnelle du journaliste ; alors qu'un enseignant
perd immédiatement (dans la seconde) son crédit quand il dit
quelque chose d'erroné, un journaliste ne perd jamais aucun
crédit à en dire plus que ce qu'il sait et à montrer
délibérément quelque chose qu'il sait ne pas être
vrai. "
L'image de synthèse peut offrir l'occasion de redéfinir ou
réaffirmer certaines règles professionnelles et de trouver les
moyens de les faire appliquer.
d) Les solutions rédactionnelles
Le problème posé renvoie directement à la
responsabilité éditoriale de la publication. Pour les
professionnels, cette responsabilité passe par la formation des hommes,
notamment dans le cadre des écoles de journalisme, qui pourraient
développer ces thèmes, en faire des axes forts de leur
enseignement
143(
*
)
et, surtout, l'adoption
d'une sorte de "politique de marque". Les chartes de déontologie
évoquées ci-dessus sont bien souvent des leurres, mais les
risques de discrédit sont réels. L'une des réponses
possible est de parvenir à donner au public une sorte de label de
garantie, d'authenticité.
Pour le président de l'Institut national de l'audiovisuel,
" Avec la multiplicité des sources, la véracité de
l'information va prendre une valeur. Certains sites, certaine chaînes
vont être connus et reconnus pour leur fiabilité, comme l'ont
été les marques pour les produits de consommation. "
Cela suppose une ligne éditoriale très stricte qui peut aller
jusqu'à interdire l'usage de l'image virtuelle dans l'information, mais
qui s'avérera "payante".
Les intéressés reconnaissent toutefois qu'en
télévision, aucune ligne rédactionnelle, aucune ligne de
conduite, ne garantira la fiabilité à 100 %. Les
capacités techniques, la course à l'audience, la recherche du
scoop
incitent les journalistes à privilégier le direct
qui, par définition, ne laisse plus de place au contrôle et
à la vérification.. Tous reconnaissent que dans certaines
circonstances, et compte tenu de la pression concurrentielle, le travail
fondamental de vérification ne peut être effectué.
4. La formation des chercheurs aux images
Cet énoncé, "former les chercheurs aux images",
paraît,
a priori
, paradoxal. S'il semble logique, voire
nécessaire, d'envisager une formation des consommateurs d'images, s'il
semble utile d'insister sur la responsabilité des diffuseurs grand
public, il peut paraître surprenant d'évoquer ces mêmes
thèmes pour les scientifiques et les chercheurs, concepteurs des outils.
Pourtant, la formation et la responsabilité s'appliquent naturellement
aux chercheurs comme à toute autre personne, ou peut être
même plus encore qu'aux autres, tant leur rôle dans la construction
de la société de demain est important. C'est dans cette
perspective qu'il faut envisager la formation aux images des chercheurs
eux-mêmes.
Encadré n° 27
LA FORMATION AUX IMAGES DES CHERCHEURS
" L'ordinateur, considéré pendant
longtemps comme une machine à calculer, devient, chaque jour davantage,
le collaborateur de l'homme et le miroir de son
esprit
1
. ".
L'ordinateur s'impose avec
évidence, dès lors que les nombres à traiter se comptent
par millions. Mais l'homme, partant de ces possibilités, a cru pouvoir
passer du calcul à la prévision, du modèle à
l'expérimentation virtuelle, sans toujours prendre toutes les garanties
scientifiques...
Face à cette puissance de l'ordinateur, le chercheur ne devrait jamais
cesser de s'interroger sur son activité, afin de prendre garde à
ne jamais remplacer
" Je pense donc je suis "
par
" Je
calcule -ou je fais calculer- donc je suis "
. Pas plus que tout
autre
outil, le couple ordinateur/écran qui se traduit par l'image de
synthèse n'est neutre. De nombreuses erreurs peuvent s'introduire
à différents niveaux.
Les erreurs de modélisation
. Une expérience
virtuelle signifie d'abord de concevoir le modèle de l'objet
étudié (l'"objet" doit ici être interprété
dans son sens large). Dès cette étape, de nombreuses erreurs
peuvent s'immiscer. Ainsi, peut-on croire en certaines évidences qui,
par la suite, s'avéreront fausses, ou inverser, par inadvertance, le
signe d'une expression...
Les erreurs de calcul
. L'ordinateur exécute avec
précision et sans erreur les opérations de calcul. Mais ces
opérations, elles, ne sont pas toujours précises. Il y a des
erreurs qui, en l'état actuel de nos connaissances, sont
inévitables. Il s'agit tout simplement des erreurs d'arrondis (calcul de
par exemple). Lorsqu'une opération est répétée des
milliers de fois, les erreurs d'arrondis sont naturellement accentuées.
L'image de synthèse traduit cette approximation et peut conduire
à des erreurs d'analyse graves. Lors d'une étude portant sur
l'évolution du climat terrestre, un calcul de mouvement a
été effectué par trois ordinateurs différents,
chacun ayant sa règle d'arrondis particulière. A partir de 5000
rotations, les arrondis ont donné des représentations graphiques
totalement différentes, sans que l'on puisse déterminer laquelle
était juste. Dans tous les cas, l'interprétation du
phénomène était entachée d'un grave risque d'erreur.
Les erreurs de représentation
. Elles viennent, pour
l'essentiel, de l'utilisation des couleurs qui sont très largement
conventionnelles. Lorsque telle ou telle couleur est associée à
une grandeur ou à une caractéristique (exemple rouge pour le
chaud, bleu pour le froid), l'image produite dans ce contexte est, pour une
part, arbitraire et peut, elle aussi, induire en erreur car d'autres couleurs
auraient donné un résultat différent et suscité
d'autres interprétations
2
.
Ces trois exemples montrent les limites évidentes, mais oubliées,
des techniques d'imagerie.
" Le chemin qui mène de l'idée
de l'expérience virtuelle à sa réalisation est semé
d'embûches. Celles-ci ne doivent, en aucun cas, limiter cette nouvelle
approche scientifique, mais elles demandent malgré tout qu'une
information soit faite impérativement au niveau des chercheurs, des
étudiants.
(...)
L'expérimentation virtuelle n'en est
qu'à ses balbutiements. Il est donc essentiel que les bases les plus
solides lui soient données. "
__________
1
Les exemples et les italiques sont tirés d'un article de M.
Jean-François Colona,
Expériences virtuelles et
virtualités expérimentales
, paru dans la revue du CNET
Réseaux
n° 61, octobre 1993.
2
Les représentations par des couleurs sont largement
conventionnelles. Lorsque les couleurs changent, l'homme ne reconnaît
plus rien. L'expérience a été faite sur une
représentation d'une carte géographique, où les fleuves et
la mer sont traditionnellement représentés en bleu, les
forêts en vert... ; en changeant les couleurs, la carte était
devenue incompréhensible.
Autre exemple encore plus simple : il suffit d'inverser les pastilles de
couleur sur les robinets d'eau chaude et d'eau froide. Même s'il est
prévenu, l'utilisateur a toutes les chances de se tromper très
rapidement.
D. VERS UNE ÉTHIQUE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION ?
1. Les fondements de la démarche
a) Les enjeux de société
La diversité des sujets abordés au cours de la
présente étude montre que la technologie numérique a des
retentissements dans tous les domaines de la vie sociale, technique,
industrielle, commerciale, culturelle, psychologique, politique. On l'a dit:
" l'ère
Cyber
inaugure une transformation culturelle dont
les secousses se feront profondément sentir, dont les retentissements
vont affecter radicalement nos sociétés
144(
*
)
"
. Les progrès techniques fulgurants
conduisent à des changements qualitatifs et à un paradoxe :
plus la société glisse vers la communication par l'image,
moins celle-ci est fiable
.
L'important est moins dans les risques de manipulation -qui existaient
déjà auparavant- ou dans les risques de confusion
réel/virtuel, que dans la perte de confiance dans l'image et, dans le
même temps, l'impression qu'en cette matière tout est
désormais possible. L'évolution est irréversible. Nous
vivons un profond changement culturel et, pour la première fois, nous en
sommes conscients. Mais, devant l'avalanche de possibilités nouvelles,
le paysage est troublé, les repères disparaissent.
Les questions posées, et les réponses qu'aujourd'hui on peut
proposer -telles que l'apprentissage de l'image, la formation du regard...-
montrent à l'évidence que la technologie de l'image
numérique dépasse le seul cadre professionnel. Elles sont autant
d'appels pour que la société civile s'en saisisse.
Si l'on veut croire encore que l'homme est libre de son destin, qu'il n'est pas
conditionné par les progrès techniques qui
pénètrent la société moderne, il est
nécessaire de définir des orientations pour engager cette
révolution. Deux pistes peuvent être explorées :
ne pas aborder les NTIC avec une suspicion telle qu'elle briserait
l'élan d'une évolution qui recèle un potentiel
extraordinaire d'innovations, de capacités de communication et
d'échanges entre les hommes, et d'apprentissage ;
en esquisser les limites. Aucune réponse spécialisée
n'est adaptée. Tout contrôle sera inopérant et la
réglementation nationale est vouée à l'échec. Les
chartes déontologiques risquent d'être insuffisantes, n'ayant pas
"force de loi".
C'est dans une démarche éthique que l'on peut chercher une
réponse à ces enjeux de société.
b) La démarche éthique
L'éthique est une démarche de réflexion
évolutive qui ne prétend ni à l'universalité, ni
à la permanence, qui recherche un équilibre aussi harmonieux que
possible entre la morale et la société. D'essence spirituelle, la
morale, universelle et permanente, qui n'a pas sa source exclusivement dans la
raison humaine, n'est pas susceptible d'adaptation en fonction de
l'évolution des sociétés.
La réflexion éthique s'exprime par des avis, des recommandations
qui émanent d'instances consultatives. Ces avis, quelles que soient la
compétence et l'autorité de ceux qui les rendent, ne s'imposent
à quiconque et ne peuvent être assortis de sanctions.
2. Vers une éthique des moyens de communication
Des réflexions de cette nature, comportant de tels
enjeux, doivent être ouvertes à tous ceux qui se sentent
concernés, à commencer par les professionnels de l'image. Pour
que son assise soit la plus large possible, elle doit intégrer les
professionnels de l'image et des médias au même titre que les
"consommateurs d'images".
Tant au cours des auditions que lors d'interventions publiques, diverses
personnalités ont été amenées à
reconnaître la nécessité d'une réflexion
éthique.
" A quand une éthique du
virtuel ? "
, s'interroge aussi Philippe Quéau.
Il ne paraît pas souhaitable, cependant, de traiter à part le
virtuel. Il faut éviter la multiplication d'instances de conseil ou de
régulation spécialisées d'autant que l'image, le virtuel,
l'information forment un ensemble indissociable. Le virtuel fait partie de
l'image, l'image de l'information, l'information des NTIC.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés, le Conseil
supérieur de l'audiovisuel, et l'Autorité de régulation
des télécommunications sont, dans leurs domaines respectifs, des
autorités administratives indépendantes, chargés de
missions de régulation et de contrôle
145(
*
)
Le
Conseil Supérieur de
Télématique est un organisme consultatif chargé de
définir des règles professionnelles. Tous interviennent dans les
NTIC.
Partant du constat que, dans leur diversité, ces institutions sont
toutes impliquées dans les NTIC, mais qu'aucune ne traite des
conséquences de l'apparition des techniques numériques sur les
images -et, à travers l'image, sur l'information, voire même sur
les libertés publiques- on pourrait concevoir de leur confier une
mission commune de réflexion sur l'utilité et les missions d'un
éventuel "comité d'éthique des nouvelles technologies
d'information".
Face à des problèmes de même nature concernant les
conséquences du progrès des sciences et des techniques sur les
droits fondamentaux de la personne et les équilibres de la
société, c'est la démarche qui a été
retenue, avec la création d'un "comité consultatif national
d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé"
146(
*
)
.
Il est temps de réfléchir, comme ce fut le cas il y a quinze ans
pour la bioéthique, à une "infoéthique".
Une nouvelle éthique ne s'impose ni par la force, ni par la loi, mais le
législateur ne peut s'en désintéresser pour autant. Il lui
appartient d'éclairer l'opinion. Telle est bien la mission de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
CONCLUSIONS
La raison d'être de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques est
d'établir un inventaire des connaissances dans des domaines très
divers, caractérisés par un développement rapide du
progrès, d'en éclairer les évolutions possibles,
d'évaluer les conséquences prévisibles pour les individus
et pour la société. A charge, pour le législateur,
d'apprécier la nécessité de faire évoluer la loi.
Les nouvelles techniques d'image et de communication, l'apparition d'un
"nouveau monde", le monde virtuel, constituent, pour l'Office, un
champ de
réflexion dont le présent rapport a défini "le bornage".
Au départ, les questions que se posait votre rapporteur étaient
simples : les nouvelles techniques d'image aggravent-elles le risque de
manipulation et la menace de voir l'un des droits fondamentaux de la personne
-son droit sur sa propre image- battu en brèche ? Si oui, les
dispositions législatives étaient-elles adaptées, ou
devaient-elles être renforcées afin d'être plus
protectrices ?
Très rapidement, il est apparu que les risques que suscite tout
progrès, toute innovation, étaient sans commune mesure avec les
avancées extraordinaires que permettent ces nouvelles techniques, dans
des domaines extrêmement divers : industriel, militaire,
médical, pédagogique, etc.
Parti d'une démarche "défensive", votre rapporteur, de
découverte en découverte, au fil des auditions auxquelles il
procédait, cédait à l'enthousiasme ! Il considère
désormais que les nouvelles techniques d'image peuvent contribuer au
progrès au service de l'homme, que la France doit tout faire pour
conserver son avance dans ce domaine, avec la nécessité d'une
politique européenne cohérente.
Il ne faut pas sous-estimer les risques que ces techniques
génèrent pour les équilibres de la société,
surtout pour les plus vulnérables qui s'adaptent difficilement au
progrès ou qui risquent de se réfugier dans un monde virtuel
moins dur pour eux que le monde réel. Si des réponses juridiques
peuvent être nécessaires, il appartiendra aux commissions
compétentes de nos deux Assemblées de s'en saisir. Mais la
réponse que l'on peut d'ores et déjà apporter
réside dans l'éducation à l'image, dans l'apprentissage de
l'image auxquels l'éducation nationale et les médias doivent
contribuer. Il n'y a pas de temps à perdre.
Restera posé néanmoins le problème de la conciliation
difficile -ou impossible- entre la liberté d'expression, la
liberté de la presse et des médias et les débordements
auxquels un usage abusif de ces principes peut aboutir.
Comme ce fut le cas voici quinze ans dans le domaine des sciences de la vie,
une réflexion doit s'engager dans le domaine de ce que l'on pourrait
appeler une "Infoéthique".
RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS
_____
1.
Encourager, par une politique nationale et
européenne, la diffusion des nouvelles techniques
d'images
auprès des utilisateurs potentiels, notamment les industriels. Faire
connaître les travaux, les résultats et les succès des
organismes de recherche et des entreprises française dans ce domaine.
2.
Procéder à une adaptation juridique
de
l'article 226-8 du code pénal qui sanctionne les
" montages
réalisés avec l'image d'une personne sans son
consentement "
. Avec l'image numérique et plus encore avec
l'image de synthèse, il n'y a plus de "montage", les données
numériques sont seulement traitées pour parvenir à l'image
souhaitée.
3.
Définir un statut juridique des clones
. En
l'état actuel du droit, la reproduction de l'image d'une personne
publique est licite dès lors qu'elle n'est pas utilisée de
façon détournée ou malveillante. Il serait ainsi tout
à fait possible d'utiliser le clone de Mère Teresa ou de la
princesse de Galles, par exemple pour promouvoir une campagne d'aide aux
déshérités ou de lutte contre les mines antipersonnel.
Quelle limite fixer à l'utilisation des clones ? Il n'est pas
souhaitable de laisser aux seuls juges le soin de fixer ces limites. Cette
nécessaire protection par la loi doit concerner toute personne publique
et toute personne décédée.
4.
Inciter à une réflexion
déontologique
les professions qui utilisent les images de
synthèse : architecture, bibliothèques, publicité
(publicité virtuelle) et surtout télévision. Introduire,
dans les enseignements spécialisés, des formations sur la
responsabilité des créateurs d'images et le respect des
règles professionnelles.
5.
Préconiser une éducation à l'image
,
par l'intermédiaire des écoles et des médias grand public
en consacrant, par exemple, des émissions d'initiation à l'image
à des heures de grande écoute.
6.
Favoriser, chez les jeunes, la pratique de manipulations
d'images
. Faire faire, plutôt qu'apprendre. Compléter l'action
entreprise dans le domaine des sciences expérimentales par une action
similaire sur l'image. Manipuler pour comprendre le réel. Manipuler pour
comprendre le virtuel.
7.
Inciter à une vision collective des images
quelles
qu'elles soient. Beaucoup de parents qui se préoccupent du
caractère "hypnotique" des jeux vidéos, ne doivent pas laisser se
creuser un fossé entre eux et leurs enfants. Les risques psychologiques
que peuvent comporter les jeux vidéo et les mondes virtuels tiennent en
effet à la solitude du jeune plongé dans le monde virtuel.
8.
Préconiser une signalétique adaptée
lorsque le traitement d'images peut prêter à confusion, notamment
dans le cadre de reportages ou d'émissions d'information.
9.
Renforcer les coopérations
entre les
autorités de régulation et de conseil intervenant dans les
nouvelles technologies d'information et de communication (NTIC).
10
.
Étudier les attributions d'un éventuel
comité national d'infoéthique
en associant des
représentants de l'ensemble des professionnels de l'image, des
"consommateurs d'images" et des autorités intervenant dans les NTIC,
et
en s'inspirant de ce qui a été fait en matière de
bioéthique (Comité consultatif national d'éthique pour les
sciences de la vie et de la santé).
ANNEXES
___
Annexe 1
Liste des encadrés
Annexe 2
Auditions, entretiens et visites
Annexe 3
Sigles et propositions de définitions
Annexe 4
Tableau comparatif des principales autorités de régulation
et de contrôle, intervenant dans les NTIC ou la bioéthique
Annexe 5
Examen par l'office
Annexe 1
Liste des encadrés
|
|
|
|
|
N° |
|
Titres |
|
Pages |
|
|
|
|
|
1 |
|
La numérisation |
|
16 |
|
|
|
|
|
2 |
|
La prise de vue numérique |
|
18 |
|
|
|
|
|
3 |
|
L'affichage d'une image numérique |
|
21 |
|
|
|
|
|
4 |
|
Les modes d'affichage d'une image de synthèse |
|
25 |
|
|
|
|
|
5 |
|
Le passage de l'image de synthèse à la réalité virtuelle |
|
30 |
|
|
|
|
|
6 |
|
L'imaginiérie routière, ou l'utilisation de l'image de synthèse dans un projet routier |
|
44 |
|
|
|
|
|
7 |
|
L'image de synthèse au service des grandes opérations d'urbanisme |
|
46 |
|
|
|
|
|
8 |
|
Le golf virtuel |
|
59 |
|
|
|
|
|
9 |
|
La publicité virtuelle |
|
62 |
|
|
|
|
|
10 |
|
La bombe virtuelle |
|
67 |
|
|
|
|
|
11 |
|
Les simulateurs de conduite de la SNCF |
|
76 |
|
|
|
|
|
12 |
|
La coupe de bois virtuel |
|
77 |
|
|
|
|
|
13 |
|
L'image de synthèse et les rapts d'enfants |
|
82 |
|
|
|
|
|
14 |
|
Les simulations d'éclairage |
|
85 |
|
|
|
|
|
15 |
|
Un exemple de communication par l'image de synthèse : l'aménagement du carrefour de La Lyre à Montpellier |
|
89 |
|
|
|
|
|
16 |
|
La situation du marché de la réalité virtuelle en France |
|
98 |
|
|
|
|
|
17 |
|
La formation aux métiers des images de synthèse |
|
107 |
|
|
|
|
|
18 |
|
Les clones |
|
111 |
|
|
|
|
|
19 |
|
Les personnes publiques et le droit à l'image |
|
124 |
|
|
|
|
|
20 |
|
La disquette de jeu du Front national |
|
126 |
|
|
|
|
|
21 |
|
La démocratie virtuelle |
|
139 |
|
|
|
|
|
22 |
|
Le virtuel et la théologie |
|
142 |
|
|
|
|
|
23 |
|
Les manœuvres militaires virtuelles |
|
148 |
|
|
|
|
|
24 |
|
Le projet Aquarelle d'incrustation d'images |
|
153 |
|
|
|
|
|
25 |
|
Tien An Men virtuel |
|
162 |
|
|
|
|
|
26 |
|
L'image de synthèse et les hommes politiques : "Gifler votre ministre, le nouveau jeu du Landtag" |
|
172 |
|
|
|
|
|
27 |
|
La formation des chercheurs aux images |
|
175 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Annexe 2
Auditions, entretiens et visites
Auditions et entretiens |
|
|||||
|
|
|
|
|
||
|
|
|
|
|
||
M. |
|
ANICHINI | Directeur technique de La Cinquième | L'utilisation des images de synthèse à la télévision | ||
|
|
|
|
|
||
Mme | Jacqueline | ARGENCE | Responsable commercial Images et Géographie , Matra cap systèmes | Le traitement de l'image | ||
|
|
|
|
|
||
Père | Pierre | BABIN | Épiscopat - Directeur du CREC-AVEX | L'éthique du virtuel | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Francis | BALLE | Directeur de l' Institut de recherche et d'études sur la communication (IREC) | L'éthique du virtuel | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
Patrice
|
BINDER | Médecin en chef, direction des systèmes de forces et de la prospective, ministère de la Défense | La télémédecine et les armées | ||
|
|
|
|
|
||
Mme | Louise | CADOUX | Vice-président délégué de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) | Le numérique et la protection des personnes | ||
|
|
|
|
|
||
Mme | Pascale | CHARPIN | Directeur de recherche, responsable du projet CODES, Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) | Contrôle et marquage des images | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Michel | COLLIER | Chef du Service Éclairage public , Électricité de France | L'image de synthèse à l'appui des investissements des collectivités locales | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Jean-François | COLONA | Professeur, École polytechnique | Questions techniques | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
Daniel
|
CONFLAND | Chef du département de l'information spécialisée, DISTNB, ministère de l'Éducation nationale | L'éducation à l'image | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
Jérôme
|
CONSTANT | Service juridique du Bureau de vérification de la publicité (BVP) | L'image de synthèse et la publicité | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
Pierre
|
COSTA MARINI | Président de Visiotics | Le golf virtuel | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
|
COUCHAT | Responsable d'agence, OKTAL | Utilisation des images de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
Mme | Clara | DANON | Directeur adjoint, DISTNB, ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche | L'éducation à l'image | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Jacques | DAVID | Responsable du département Image virtuelle , Commissariat à l'énergie atomique (CEA) | La réalité virtuelle et la recherche : l'exemple du CEA | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Alain | DE GREFFE | Directeur des programmes de Canal Plus | Trucages et manipulations d'images | ||
|
|
|
|
|
||
Dr. | Christian | DEBRY | Assistant des hôpitaux, Hôpital de Corbeil, service ORL | L'utilisation de l'image de synthèse en médecine et chirurgie | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Christophe | DONIZEAU | Électricité de France, Club 3 D Lumière | L'image de synthèse à l'appui des investissements des collectivités locales | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Armand | FELLOUS | Directeur de Discreet Logic France R & D | La combinaison réel/virtuel | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Paul | FLORENSON | Sous-directeur des affaires juridiques, à la direction de l'administration générale du ministère de la Culture | L'image de synthèse et le droit à l'image | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Thierry | FORSANS | Société CRYO | Les jeux vidéo | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Denis | FRIEDMANN | SONY, direction du Psygnosis | Applications et enjeux industriels de l'image de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
|
GONSALVES | Président associé de SIMULIS | L'industrie du virtuel : les casques de vision | ||
|
|
|
|
|
||
M. | François | GUILBEAU | Secrétaire général de France Télévision | L'image de synthèse à la télévision | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Christian | GUILLON | Directeur des Effets spéciaux, EX-MACHINA | Les effets spéciaux | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Philippe | ISAMBERT | Directeur adjoint à la direction des activités "système temps réel du transport de signal", MATRA CAP Système | Applications militaires de l'image de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
Mme |
Anne
|
KALCK | Directeur juridique, Syndicat des producteurs indépendants (SPI) | L'image de synthèse et le droit à l'image | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
Bertrand de
|
LA CHAPELLE | Société Virtools | Applications industrielles des images de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
Yann
|
LE COANNET | Directeur de l'urbanisme et des paysages, Établissement public d'aménagement de la Défense (EPAD) | L'image de synthèse au service d'une opération d'urbanisme | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Alain | LE MÉHAUTÉ | Directeur adjoint, Institut supérieur des matériaux | Perspectives techniques des images de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Jacques | LEVY-VEHEL | Ingénieur, Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) | Le traitement d'images | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Alain | LORET | Professeur à l' Université de Caen | Le sport et l'image de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
Pr. | Jacques | MARESCAUX | Chirurgien, CHU de Strasbourg, département de chirurgie digestive | Télémédecine et chirurgie virtuelle | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Jean-Pascal | MARRON | Juriste d'entreprise | L'image de synthèse et le droit | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Alain | NEKOUI | Directeur marketing France, Silicon Graphics | Techniques et utilisations des images de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Fabrice | NEYRET | Chercheur au CNRS | Expertise technique | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Hervé | PAGRIMAUD | Délégué général, Syndicat des éditeurs de loisirs | Les jeunes et les jeux vidéo : réalités et fantasmes | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Charles | PAREY | Directeur général adjoint pour les affaires scientifiques et techniques à la direction technique de SCETAUTOUROUTE | L'utilisation des images de synthèse ; exemple "l'imaginiérie" routière | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Pierre | PLEVEN | Directeur général de SYMAH Vision | La substitution d'images en direct | ||
|
|
|
|
|
||
Mme | Josette | POINSAC | Professeur émérite de l' Université de Paris II | L'éducation à l'image | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Dominique | POULIQUEN | Directeur général de MEDIALAB | Applications et perspectives de la réalité virtuelle | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Philippe | QUÉAU | Direction de l'Informatique, UNESCO | La manipulation d'images | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Jean-Pierre | QUENET | Directeur général de WALT DISNEY Feature Animation | L'utilisation de l'image de synthèse dans le cinéma d'animation | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Alain | ROBILLARD | Directeur de la construction des Autoroutes du Sud de la France | L'utilisation des images de synthèse ; exemple "l'imaginiérie" routière | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Philippe-Olivier | ROUSSEAU | Membre du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) | L'image de synthèse à la télévision | ||
|
|
|
|
|
||
M. |
|
SEILLER | Directeur des routes, Conseil général de l'Hérault | L'image de synthèse au service d'une opération d'urbanisme | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Bruno | SIMON | Responsable du bureau Images de synthèse à la direction du Design industriel , RENAULT | Applications commerciales de l'image de synthèse. La campagne des "Citadines" Renault | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Henri | SOULIER | Ingénieur général des télécommunications, chef adjoint du service central de la sécurité des systèmes d'information, Services du Premier ministre | Les systèmes de cryptologie | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Bernard | STIEGLER | Directeur général adjoint de l' Institut national de l'Audiovisuel (INA) | Évolution, utilisations et perspectives de l'image de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Jean-Yves | TAILLÉ | Chef du département des lignes nouvelles et projets (VP), SNCF | L'utilisation de l'image de synthèse par la SNCF | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Jean-Pierre | TEYSSIER | Président de l' Institut national de l'Audiovisuel (INA) | Évolution, utilisations et perspectives de l'image de synthèse | ||
|
|
|
|
|
||
Mme | Françoise | THIBAULT | Mission technologies nouvelles pour l'enseignement supérieur, ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supéieur et de la Recherche | L'éducation à l'image | ||
|
|
|
|
|
||
Dr. | Serge | TISSERON | Psychiatre | L'éducation à l'image | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Gilles | VERCKEN | Directeur du laboratoire Droits d'Auteur , Art 3000, art et technologies nouvelles | Marquage, tatouage d'images, droits d'auteur | ||
|
|
|
|
|
||
M. | Daniel | VERWAERDRE | Responsable du département informatique de la direction des applications militaires, Commissariat à l'énergie atomique (CEA) | La simulation des essais nucléaires | ||
|
|
|
|
|
||
Mme | Dalloul | WEHBI | Ingénieur à la direction centrale de la police judiciaire, Laboratoire d'analyse et de traitement de signal , Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire | Le traitement des images. Données actuelles et perspectives | ||
Visites |
|
|||||
|
|
|
|
|
||
Imagina , salons 1995, 1996, 1997 | ||||||
|
|
|
|
|
||
Centre de recherche en informatique de Nancy | ||||||
|
|
|
|
|
||
Société Virtools | ||||||
|
|
|
|
|
||
Société Infogrames | ||||||
|
|
|
|
|
||
Société Ex-Machina | ||||||
|
|
|
|
|
||
Colloque Les manipulations de l'image et du son, novembre 1995 | ||||||
|
|
|
|
|
||
Institut national de l'audiovisuel |
Annexe 3
Sigles et propositions de définitions
OPECST | Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques |
|
|
NTIC | Nouvelles technologies d'information et de communication |
|
|
MNT | Modélisation numérique de terrain. Base de données dans laquelle chaque point caractéristique du terrain est défini par ses trois coordonnées. |
|
|
Algorithme | Enchaînement de calculs permettant de décrire un phénomène. |
|
|
Image numérique | Tableau de nombres. Chaque série de chiffes représente un point lumineux. L'encodage consiste à traduire une intensité de lumière (une image réelle) en une image numérique. Ce tableau peut être décodé et affiché en couleurs sous forme d'image traditionnelle. |
|
|
Image de synthèse | Image créée par ordinateur à partir d'une maquette numérique. |
|
|
Réalité virtuelle | " Immersion d'un sujet dans un monde imaginé et créé informatiquement qui, grâce à des interfaces, donne l'illusion de percevoir et d'agir comme dans le monde réel ", J. P. Papin |
|
|
Télémédecine | Utilisation de moyens de transmission à distance des informations utiles à la pratique médicale, permettant l'interactivité en temps réel. |
|
|
Logiciel | Outil d'analyse et de programmation nécessaire au fonctionnement d'un ensemble de traitement de l'information. (Petit Robert) |
|
|
Discrétisation | Une quantité est discrète quand elle est composée d'éléments séparés ou discontinus. Les nombres sont des données (ou variables) discrètes. La discrétisation consiste à donner des nombres à un phénomène continu (un courant par exemple). |
|
|
Flame | Logiciel de traitement d'images qui permet de déformer les images, notamment les visages ( morphing ) et de mélanger deux images différentes avec une très bonne définition d'image finale (contours...). Le Flame est couramment utilisé en publicité et dans certaines émissions de Canal Plus. |
|
|
Maquette numérique | Modèle ou représentation informatique d'un objet (objet au sens large) en 3 D. |
|
|
Monde 3 D | Ensemble de maquettes numériques présentes dans l'ordinateur. Les mondes 3 D génèrent autant d'images de synthèse que l'on souhaite, sous tous les angles possibles. |
|
|
Pixel | Point sur l'écran susceptible d'être éclairé. Le nombre de pixels détermine la qualité de l'image. |
|
|
|
|
Annexe 4
Tableau comparatif des principales autorités de régulation et de
contrôle intervenant dans les NTIC ou la bioéthique
Organisme |
CNIL
|
CSA
|
ART
|
CCNE
|
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|
|
|
|
Date de création | Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 | Loi du 89-25 du 17 janvier 1989 | Loi n°96-659 du 26 juillet 1996 | Décret n° 97-555 du 29 mai 1997 |
|
|
|
|
|
Composition |
17
membres nommés pour cinq ans :
- 2 députés et deux sénateurs élus, respectivement par l'A.N. et par le Sénat, - 2 membres du CES, élus par cette assemblée, - 2 membres ou anciens membres du CE élus par l'AGCE, - 2 membres ou anciens membres de la Cour de cassation, élus par l'AGCC, - 2 membres ou anciens membres de la Cour des comptes élus par l'AGCC, - 2 personnes qualifiées pour leur connaissance des applications de l'informatique, sur proposition respectivement de président de l'A.N. et du président du Sénat, - 2 personnalités qualifiées en raison de leur autorité et de leur compétence par décret en conseil des ministres; |
9
membres :
- 3 nommés par le président de la République, - 3 nommés par le président de l'A.N., - 3 nommés par le président du Sénat. Nommés pour six ans, renouvelable par tiers. Un seul mandat. |
5
membres nommés en raison de leur
qualification dans les
domaines juridique, technique et de l'économie des territoires pour un
mandat de six ans. Le mandat n'est pas renouvelable.
3 dont le président sont nommés par décret (du président de la République). Les deux autres sont respectivement nommés par le président de l'A.N. et le président du Sénat. |
Le comité comprend, outre son président:
- 5 personnalités désignées par le président de la République et appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles, - 19 personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d'éthique soit : - 1 membre de l'A.N. et 1 membre du Sénat désignés par les présidents de ces assemblées, - 1 membre du CE, désigné par son vice-président, - 1 magistrat de la Cour de cassation, désigné par son premier président, - 10 personnalités désignées par le Premier ministre, le garde des sceaux, les ministres chargés de la recherche (2 pers.), de l'Industrie, de l'Education nationale, du travail, de la communication, de la famille, et des droits de la femme. 15 personnalités appartenant au secteur de la recherche (Académie des sciences, Académie nationale de médecine, Collège de France, Institut Pasteur, INSERM, CHU, INSERMet l'INRA). 147( * ) Leur mandat est de quatre ans, renouvelable une fois. |
|
|
|
|
|
Présidence | La commission élit en son sein, pour cinq ans, un président et deux vice-présidents. | Le président est nommé par le président de la République. |
|
Le président est nommé par
décret du président de
la République pour une durée de deux ans. Le mandat est
renouvelable.
Le comité désigne en son sein un vice-président. |
|
|
|
|
|
Missions |
La CNIL:
- veille au respect des dispositions de la convention n° 108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 et de la loi du 6 janvier 1978 ; - protège la vie privée et les libertés individuelles ou publiques (elle s'assure que les informations utilisées dans les traitements automatisés sont adéquates pertinentes ou non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées) ; - protège l'identité humaine (elle donne son avis pour toute consultation du répertoire national d'identification des personnes, limité les automatismes dans les prise de décisions) ; - garantit le droit d'accès (aux données contenues dans les traitements) ; - instruit les plaintes (et apprécie la suite à leur réserver : classement, avertissement, saisine du Parquet) ; - informe et conseille ; - recense les fichiers (le non respect de la déclaration est pénalement sanctionné) ; - contrôle (elle dispose de pouvoirs d'investigation qui lui permettent de vérifier que la loi est respectée) ; - réglemente (élaboration de normes types concernant les traitements les plus courants) ; - s'informe (mission générale de réflexion prospective, évolution des technologies, utilisation, protection de la vie privée) ; - propose (au gouvernement toutes mesures législatives ou réglementaires de nature à adapter la protection des libertés et de la vie privée à l'évolution des techniques). |
Le CSA:
- garantit l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle. Il assure l'égalité de traitement; il garantit l'indépendance et l'impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ; - gère et attribue des fréquences (le CSA planifie la bande F.M., tout comme l'attribution des canaux de diffusion aux télévisions) ; - délivre des autorisations d'émettre aux radios F.M. et aux télévisions privées. Les services de radio et de télévision diffusés par satellite et/ou distribués par le câble entrent également dans son champ de compétences ; - contrôle l'effectivité des lois et règlements définissant la liberté de communication,; - établit chaque année le bilan annuel des sociétés nationales de programme, de la chaîne cryptée Canal +, des services privés à diffusion nationale, ainsi que celui de l'INA. Le CSA dispose d'un pouvoir de sanction . Les sanctions administratives sont susceptibles d'être mise en oeuvre à l'occasion de manquements des diffuseurs à leurs obligations et engagements. La gamme des sanctions est la suivante: suspension de l'autorisation (après mise en demeure), réduction de la durée de l'autorisation, retrait de l'autorisation dans les cas les plus graves. Le CSA peut également condamner un diffuseur au paiement d'une amende ou demander la diffusion à l'antenne d'un communiqué. Par ailleurs le CSA peut saisir le Procureur de la République d'infractions pénalement sanctionnées. |
L'ART
- est consultée sur les projets de loi, décrets et règlements relatifs au secteur des télécommunications et participe à leur mise en oeuvre ; - précise les règles concernant les droits et obligations afférents à l'exploitation des différentes catégories de réseaux et de services, les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières d'interconnexion, les prescriptions techniques applicables, aux réseaux et terminaux en vue de garantir leur interopérabilité, le bon usage des fréquences et des numéros de téléphone; - instruit pour le compte du ministre les demandes d'autorisation, délivre les attestations de conformité, contrôle le respect par les opérateurs des obligations résultant des dispositions législatives et réglementaires et sanctionne les manquements constatés ; - émet un avis public sur les tarifs et les objectifs tarifaires des services ; - attribue les ressources en fréquences et en numérotation nécessaires à l'exercice de leur activité ; - peut être saisie d'un différend entre deux parties (en cas de refus d'interconnexion, d'échec de négociations commerciales). Le président de l'ART saisit le conseil de la concurrence des abus de position dominante, il informe le procureur de la république des faits qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale. L'ART peut prononcer des sanctions à l'encontre d'un exploitant de réseau ou d'un fournisseur de services qui ne se conforme pas à une décision prise en application de l'article L36-8 du code des postes et télécommunications. L'ART peut prononcer les sanctions suivantes: - suspension dans la limite d'une année, ou retrait de l'autorisation; - sanction pécuniaire si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale. |
art 23 de la loi 94-654 du 29 juillet 1994 : le CCNE a pour mission de donner son avis sur des problèmes éthiques soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé et de publier des recommandations sur ces sujets. |
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Annexe 5
Examen par l'office
Lors de sa réunion du mercredi 10 décembre 1997,
les députés et sénateurs membres de l'office ont
procédé à l'examen des conclusions de l'étude
présentée par M. Claude Huriet, sénateur, rapporteur,
sur
"Images de synthèse et monde virtuel : techniques et enjeux de
société "
.
M. Yves Cochet, député,
a considéré que les
propos du rapporteur sur "la fuite des cerveaux aux États-Unis"
témoignaient d'une sorte de culpabilisation sur le retard
français qui lui semblait injustifié. Il a fait part de ses
inquiétudes sur la multiplication infinie des copies. Il a
considéré que, contrairement aux risques annoncés de
désocialisation, les technologies virtuelles pouvaient être
très utiles pour resocialiser des individus isolés. Il a
exprimé des doutes sur la démarche éthique,
considérant qu'elle était une forme d'abandon des politiques, et
que les comités d'éthique étaient constitués de
personnes nommées, non élues, qui n'étaient, par
conséquent, responsables devant personne. Il a estimé qu'il ne
fallait pas écarter la réglementation, mais que celle-ci devait
être envisagée au niveau approprié, au niveau
européen ou mondial. Il a jugé utile que l'organisation des
Nations-unies diversifie ses champs d'activité et centres
d'intérêt et indiqué que, participant à la prochaine
assemblée générale des Nations-unies, il évoquerait
cette question des images de synthèse.
M. Robert Galley, député, s'est dit très
impressionné par la présentation du rapporteur. Il a noté
que, dans une récente affaire judiciaire, la technique aurait permis de
discréditer encore davantage les personnes concernées si la
manipulation d'images s'était ajoutée à la manipulation
des idées. Il a considéré qu'il fallait aller plus loin
dans cette réflexion, jusqu'à envisager une proposition de loi.
M. Christian Cuvilliez, député, a regretté que les aspects
sociaux n'aient pas été suffisamment développés
dans le rapport et fait part de ses inquiétudes à propos des
personnels de France Télévision devant l'introduction des
techniques numériques.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, président, a
suggéré que soit proposé par l'office à la
commission des Lois du Sénat, dont le président avait
été à l'origine de la saisine, d'entendre le rapporteur,
et a souhaité que l'office étudiât les conséquences
économiques et sociales des progrès techniques.
En réponse aux différents intervenants, M. Claude Huriet,
sénateur, rapporteur, a rappelé qu'il avait souhaité
trouver un équilibre entre les différents aspects de ce dossier,
et qu'il lui avait paru utile de présenter, de façon neutre, les
utilisations pour discuter davantage les conséquences. Il a
indiqué qu'il avait consacré plus de dix pages aux
conséquences sociales, et qu'en l'espèce, si la technique
numérique allait inévitablement apporter des changements profonds
aux métiers de la télévision, comme c'était le cas
pour le cinéma, les transformations seraient beaucoup moins radicales
que n'avait été l'introduction de la photocomposition dans
l'imprimerie. Il a considéré, à ce propos, que la
technologie numérique modifiait les métiers sans les bouleverser
radicalement.
Le rapporteur s'est défendu d'être coupable d'un quelconque
sentiment de culpabilisation sur le retard français qui lui avait paru,
en l'espèce, d'autant plus injustifié que le savoir-faire
était réel et qu'il s'était seulement
inquiété des possibilités de garder et de valoriser ce
savoir-faire.
Il a relevé que, contrairement à l'affirmation selon laquelle il
n'y aurait que des copies, le numérique opérait un renversement
de la préposition puisqu'il n'y avait plus, en vérité, que
des originaux, dans la mesure où un chiffre était toujours le
même chiffre aussi "original" que le premier.
Il a confirmé que les moyens de la réalité virtuelle
pouvaient être utilisés dans certaines pathologies psychologiques
et mentales et cité, à ce propos, l'exemple de remèdes
contre le vertige par le biais de techniques d'images de synthèse.
Concernant l'éthique, il a reconnu les limites de sa démarche, en
rappelant toutefois que la réglementation purement nationale
n'était plus adaptée aux techniques modernes, et que
l'éthique permettait de concilier la liberté d'expression et le
souci de donner des points de repère. Il lui a paru
préférable de laisser aux commissions permanentes de
l'Assemblé nationale et du Sénat la tâche de formuler des
propositions formelles d'ordre législatif.
La délégation a alors adopté, à l'unanimité
de ses membres présents, le rapport de M. Claude Huriet,
sénateur, et en a décidé la publication
.
Le Sénat sur internet : http://www.senat.fr
minitel : 3615 - code senatel
L'Espace Librairie du Sénat : tél. 01.42.34.21.21
1 C'est notamment le cas avec la technique dite du "fond bleu" : le présentateur est filmé sur fond bleu. Le bleu -la courbe représentant le signal électrique qui correspond au bleu- est remplacé par une autre image (une carte météo par exemple).
2 La discrétisation consiste à traduire un phénomène continu (deux intensités de courant ou de lumière par exemple), par des éléments discontinus, par exemple des nombres
3
La numérisation binaire consiste à
n'utiliser que deux chiffres : 0 et 1. Le chiffre 2 s'écrit par exemple
10 (un et zéro), le chiffre 3 s'écrit par exemple 11 (un et un),
le chiffre 4 s'écrit 100 (un, zéro, zéro), le chiffre 5
s'écrit 101 (un, zéro, un) et ainsi de suite...
4
Pierre Laffitte, rapport sur
La France et la
société de l'information : un cri d'alarme et une croisade
nécessaire
, n° 3335 Assemblée nationale (10e
législature) et n° 213 Sénat (1996-1997)
5
Le mot est d'ailleurs ambigu. Il s'agit plutôt d'un
modèle géométrique, c'est-à-dire plus un
modèle au sens de modélisme, qu'un modèle au sens physique
ou mathématique qui décrit, par des équations, la
réalité d'un phénomène. La "modélisation"
est sans doute, au départ, une mauvaise traduction de l'anglais alors
qu'il s'agit de "modeler" un objet à l'aide d'un "modeleur".
6
Un algorithme est un ensemble de règles et
d'opérations qui permettent de fournir la solution à certains
problèmes mathématiques et de décrire des
enchaînements.
7
Cette technique est utilisée notamment au Futuroscope.
8
M. Jean-Paul Papin, médecin chef des services à la
direction générale de l'armement, définit la
réalité virtuelle par "
la règle des cinq
I : Immersion d'un sujet dans un monde Imaginé et
créé Informatiquement qui, grâce à des Interfaces,
donne l'Illusion de percevoir et d'agir comme dans le monde
réel
"
9 Philippe Coiffet, Mondes imaginaires , Thermes, 1995, p. 14
10
Le premier casque
réalisé en 1989 pesait 2,4 kg. Ce poids a été
ramené à environ 900 g.
11
Afin de supprimer la rémanence, il est
nécessaire d'avoir un rythme de défilement d'images très
rapide : la norme courante, à la télévision par exemple,
est de 25 images par seconde (les dessins animés japonais ont 14/16
images par seconde, ce qui donne des mouvements saccadés), mais il
faudrait doubler la vitesse, soit 50 images par seconde sur chaque
œil,
soit 100 images par seconde. Or, ce rythme est difficile à
réaliser sur les écrans de taille réduite qui font appel
à des techniques d'illumination de
pixels
, souvent par cristaux
liquides, très différentes et, pour l'instant, beaucoup moins
performantes que les techniques classiques des tubes cathodiques
12
Les capteurs utilisent en général un
champ magnétique (mais il existe aussi des "traqueurs" de tête
à ultrasons). Un émetteur est disposé à
différents points de la tête. Le signal est reçu par le
récepteur qui détermine la position du récepteur par
rapport à l'émetteur. Ces données sont transmises au
calculateur qui évalue une nouvelle direction de la tête et peut
afficher sur l'écran une nouvelle scène correspondant à la
nouvelle direction (il est fait l'hypothèse que le regard est fixe et
perpendiculaire à l'axe de l'image et que tout mouvement de la
tête induit par conséquent une modification du regard, donc de
l'image). Des techniques plus sophistiquées encore sont
expérimentées pour suivre, par un système optique, le
regard lui-même.
13
Philippe Coiffet,
Mondes imaginaires
,
Hermès. Cette affirmation n'est d'ailleurs valable que pour un certain
type d'applications parce qu'il peut être très utile de disposer
d'images non interactives pour étudier un dispositif (réacteur
nucléaire par exemple).
14
Le principe en est simple : lorsque la fibre est
droite, il n'y a pas d'atténuation de la lumière transmise, quand
la fibre se plie (au niveau des articulations), la lumière
envoyée dans la fibre concernée est absorbée de
manière proportionnelle à l'angle de pliure, ce qui permet de
connaître cet angle, par mesure du courant délivré par un
phototransistor qui traduit la lumière en courant. L'information est
ainsi transmise au programme informatique qui fera plier l'articulation
correspondante de la main virtuelle de la même valeur.
15
On se souvient de l'échec de la Renault 14 dû
à la fois à une erreur de communication (la "
poire
") et
une mauvaise accessibilité du moteur : les garagistes firent rapidement
une contre-publicité sur cette voiture...
16 Salon Imagina , Monte Carlo, février 1996
17
cf.
L'envol de vaches et de
tracteurs ou l'éclatement d'une grange, aspirés par la tornade.
La grange, entièrement en images de synthèse, est "construite"
par superposition de 1000 rectangles représentant les lattes de
bois. Un modèle de tourbillon d'air est réalisé et
appliqué à la maquette numérique : les lattes explosent
sous le choc. Tout est réalisé en images de synthèse. Le
plan réellement filmé est celui où les acteurs s'abritent
derrière leur voiture, sur un chemin dans un champ. Le ciel est noirci
en
matte painting
et la grange en images de synthèse est
incorporée à l'image finale.
cf.
Démonstration au Salon
Imagina
, Monte Carlo,
février 1997.
18
Richard Edlund, créateur des effets spéciaux de
La guerre des étoiles
,
Batman
,
Ghost...
19
Notamment les sociétés Ex-Machina, Mac Guff Line
ou Buf Compagnie qui réalisent plus de la moitié de leur chiffre
d'affaires à l'étranger.
20
L'incrustation se fait par l'intermédiaire du
procédé du fond bleu : l'acteur est filmé sur fond bleu,
son image est ensuite détourée automatiquement : l'image n'est
plus découpée, mais seuls les pixels non bleus sont
conservés en mémoire. L'image ainsi obtenue peut être
réutilisée dans une autre image (exemple : le vol des insectes
dans les herbes dans
Microcosmos
: l'insecte est filmé sur
fond bleu ou noir et son image est utilisée dans une prise de vue d'un
pré, le mixage des deux donne l'image du vol d'un insecte comme s'il
était suivi par une micro-caméra dans un pré).
21
Salon
Imagina
, Monte Carlo, février
1996, p. 294
22 Jan Kounen, Salon Imagina , Monte Carlo, février 1997, p. 325
23
Mickey
a été
créé en 1928. Les deux dessins animés phare
Blanche
Neige
et
Bambi
, ont été dessinés en 1937 et
1942...
24
Le premier long métrage presque entièrement
composé en images informatiques est
Tron
, en 1992, mais il
n'avait pas bénéficié des conditions de lancement "Walt
Disney".
25
Chiffres fin 1996, source
Film français
26
Le court métrage
Krakken
, avec un animal
sous-marin imaginaire entièrement réalisé en images de
synthèse, est basé sur un logiciel équivalent
développé cette fois par la société Ex-Machina,
Écran total
n° 34, 12 février 1997.
Voir photo dans le "4 pages couleurs".
27 En 1996, Sega a lancé au Japon et aux Etats unis une extension de console permettant un accès Internet
28
La société CRYO a notamment
développé pour son jeu
Versailles 1685
un
procédé mixte dit
OMNI 3 D
qui est un très bon
compromis entre qualité d'images et fluidité du mouvement. En
règle générale, le joueur se déplace dans un
décor à images fixes, entre cases prédéfinies, dont
la vue est précalculée et stockée. La technologie
OMNI
3 D
remplace cette case par un décor en forme de sphère
creuse au centre de laquelle se tient le personnage qui peut voir dans toutes
les directions. L'image sphérique est précalculée, mais la
projection suivant l'angle de vision se déroule en temps réel, en
réponse à la commande du joueur.
29
Pong
est l'un des premiers jeux vidéo, mais le
succès mondial des jeux d'adresse est venu avec
"Archanoïdes"
, jeux où un point lumineux mobile devait
frapper (détruire) des rectangles, et
"Tétrix"
jeu
où des formes géométriques mobiles devaient s'emboiter
entre elles dans des cases.
30
Type
Goldfinger
...
31 voir chap III section A, p. ...
32
Jean-François Colona,
Expériences virtuelles et virtualités
expérimentales
,
Réseaux
n° 61, CNET, 1993
33
La
géométrie fractale
permet de
représenter des formes dont les caractéristiques sont d'avoir la
même structure à toutes les échelles. Ainsi, une montagne,
un rocher, présentent-ils la même structure
géométrique, la même fragmentation.
L'irrégularité de la surface d'une montagne est le
résultat de l'irrégularité de la surface de chaque
élément qui la compose.
34 Jean-François Colona, op. cit.
35 Pendant la guerre du Golfe, les Américains qui sont les plus gros consommateurs d'images de synthèse, ont commandé des images du terrain au satellite d'observation Spot.
36
Les Echos
, 12 mars 1997.
37
Voir également ci-dessous la formation médicale.
38
En 1995, une étude du CEA recensait 46 projets
d'utilisation d'outils de réalité virtuelle dans le milieu
médical.
39
Voir notamment les travaux du professeur Debry, du CHU de
Strasbourg.
40
Voir notamment les travaux du professeur Marescaux, du CHU de
Strasbourg.
41
Courrier international
, n° 2902, 1996.
42
Cf.
l'expérience de
phobia project
de
l'Institut de technologie de Géorgie à Atlanta qui
connaîtrait 90 % de réussite.
43
voir sur ce point la partie
II-B : l'utilisation des images de synthèse dans le sport et
l'encadré n° 8 sur le golf virtuel
.
44
Le corps d'un condamné à mort
américain, Joseph Paul Jernigan, exécuté au Texas, a
été découpé par microsectionnements d'un
millimètre, puis modélisé.
45
Voir notamment sur ce point une étude de
Karine Chartel, réalisée par la direction des technologies
avancées du Commissariat à l'Energie atomique :
Utilisation
des outils de réalité virtuelle dans le milieu
médical
. CEA Grenoble, septembre 1995.
46
Voir A du présent chapitre
47
Cité lacustre de Tenochtitlan, centre de l'empire
aztèque, détruite par Hernan Cortes au XVIe siècle.
48
Les images ont été présentées au
salon
Imagina
1997. Voir photo dans le
Quatre pages couleurs
à la fin du chapitre II.
49
Voir chapitre II. B
50
En vertu de la loi n° 93-1282 du 6 décembre 1993
relative à la sécurité des manifestations sportives, les
clubs et les municipalités sont invités à réaliser
des films vidéo pour préconstitution de preuves. Cette loi est
inspirée de textes existant au Royaume-Uni et aux États-Unis.
51
Les collectivités locales ont la charge de leur
réseau propre (voirie départementale) et participent de plus en
plus au réseau national d'infrastructures. Depuis la loi d'orientation
des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1992, les
régions ont la faculté de devenir les autorités
organisatrices en matière de transport en commun. Dans les deux cas,
routes et fer, la participation des collectivités locales est souvent
contractualisée dans le cadre de contrats de plan
État-Région. Les grandes opérations d'infrastructures
bénéficient de financements mixtes (État, Région,
ville) mais la part des collectivités locales est croissante ; elle
dépasse souvent 50 %, voire 60 % (nouvelles lignes
Météor
et
Éole
à Paris et en
région parisienne) ou même 80 % (pour les rocades de
déviations de routes desservant le réseau national).
52
EDF est d'ailleurs à l'origine d'un
"
Club 3 D lumière
" regroupant les fabricants,
architectes, développeurs d'outils informatiques, syndicats
professionnels et maîtres d'ouvrages, destiné à garantir
des règles de conduite professionnelles.
53
C'est à Saint-Germain-en-Laye, sur la Place Royale, que
fut tourné le film publicitaire de Renault
Les citadines
qui,
pour la première fois, mêlait un décor réel et des
véhicules virtuels : la place, filmée vide, fut
animée par la circulation de voitures actuelles
(numérisées) et futures (en images de synthèse).
54
Philippe Quéau, Introduction aux actes du Salon
Imagina
, 1995 et 1997
55
Voir notamment :
Rapport de M. Pierre Laffitte sur
La France et la société de
l'information : un cri d'alarme et une croisade nécessaire
,
Assemblée nationale n° 3335 (10e législature), Sénat
n° 213 (1996-1997).
Rapport de M. Franck Sérusclat sur
Les nouvelles techniques
d'information et de communication : de l'élève au citoyen
,
Assemblée nationale n° 45 (11e législature), Sénat
n° 383 (1996-1997).
Rapport de MM. Alain Joyandet, Alex Turk et Pierre Hérisson sur
L'entrée de la France dans la société de
l'information.
Rapport de M. René Trégouët sur
Les nouvelles
technologies de l'information et de la communication et l'évolution de
la société française dans les prochaines années.
56 Salon Imagina , Actes, Monte Carlo 1995, p. 186
57
Comme on l'a vu (encadré n° 8, p.
61.), la société Visiotics compte aborder et prendre une part
significative du marché mondial du
practice de golf indoor
évalué à 10 milliards de francs, avec un produit
conçu et fabriqué par une équipe d'une vingtaine de
personnes. Les embauches prévisibles concerneraient quatre ou cinq
commerciaux.
58
"
Dans l'esprit du public, il continue à y avoir
une association entre la réalité virtuelle et le jeu. Les dangers
de cette "paranoïa du jeu"
(entertainment paranoïa)
est que le
monde industriel ne prend pas la réalité virtuelle au
sérieux, et qu'il y a beaucoup de résistances, notamment au
niveau des dirigeants. "
,
Virtual Reality
, OVUM, 1996
59
Voir ci-dessus chapitres II.D "Coupe de bois
virtuelle", et IV.A
manœuvres militaires virtuelles
60
Françoise Charbit, CEA,
op. cit.
61
Christian Caujolle,
Encyclopedia Universalis
62
Salon
Imagina 1995
,
Actes
, p. 304
63
Françoise Charbit, CEA,
op. cit.
64
L'équipe de la société
"Pixar", à l'origine de
Toy Story
, est présentée
comme
"une tribu de surdoués de l'informatique et d'"ados
prolongés", "
un mélange de crânes d'œufs
de l'informatique et de jeunes créatifs post adolescents "
,
Nouvel Observateur
, 28 mars 1996.
65
Cette technique, dite de "motion capture", a été
appliquée aux sauts de personnages dans
La cité des enfants
perdus
et à la danse de Michael Jackson dans un vidéo clip.
Le chanteur était muni de capteurs. Le mouvement était reproduit
sur un squelette en images de synthèse qui, par conséquent,
dansait comme la vedette.
66
Jean Rochefort et Richard Bohringer ont ainsi été
scannérisés. Un film,
Vingt mille lieues sous les mers
, a
été réalisé avec un capitaine Nemo, clone de
Richard Bohringer.
67
Le succès est relatif. Après un an
d'expérience, les ventes ont été très
inférieures aux prévisions
.
68
Salon
Imagina
1995, Monte Carlo, p. 304.
69
Richard Edlund est l'une des figures des effets spéciaux.
Il a été nominé en 1985 à l'Academy Award pour les
effets spéciaux de la trilogie de
La guerre des étoiles
(
La guerre des étoiles, L'empire contre attaque, Le retour du
Jedi
). Depuis dix ans, toutes les
Majors
américaines ont leur
bureau d'effets spéciaux et sous-traitent en Europe notamment en France
chez Médialab, Mac Guff Line, Dubois, Ex-Machina...
70
Jean-Pascal Marron,
La réalité virtuelle
à la lumière du droit
, Technologies internationales n°
11, février 1995.
71 ibid.
72
Dans le cadre d'une campagne publicitaire
presse et télévision pour les produits d'entretien
"spray
meuble O'cédar"
, la société Publicis avait
utilisé une sculpture d'Henri Bouchard représentant une
tête de nègre en marbre. Les juges ont considéré que
" en procédant à la reproduction de la sculpture de
l'artiste
(...)
dans le but commercial de mettre en valeur non pas la
qualité de l'œuvre en elle-même, mais les effets d'un
produit de nettoyage appliqué sur la sculpture au moyen d'un chiffon
à poussière passé autour du cou du buste
représenté, la société a porté atteinte au
droit moral des ayants droit. "
Ainsi, en l'espèce, la Cour a
sanctionné et réparé à la fois l'atteinte
portée aux droits patrimoniaux du fait de la représentation d'une
œuvre sans référence au nom de l'auteur, ni autorisation
des ayants droit, et l'atteinte au droit moral du fait de
" la
reproduction d'une sculpture selon des modalités indissociables avec le
respect dû à un artiste et à son œuvre "
.
73
La Cour de justice des Communautés européennes a
également reconnu que
" la protection des droits moraux permet
aux auteurs et aux artistes de s'opposer à toute déformation,
mutilation ou autre modification de l'œuvre qui serait
préjudiciable à leur honneur ou à leur
réputation. "
, arrêt Phil Collins, aff c.92/92 et c
326/92, CJCE 20.10.1993.
74
voir chapitre II.D
75
Rapport de l'association Jurimatic de Montpellier sur les
travaux de J-P Marron,
Problématique de la responsabilité
née des mondes virtuels
, février 1994.
76
Un éditeur d'un ouvrage -papier- de botanique a vu sa
responsabilité engagée car l'une des planches décrivant la
flore avait pu induire le lecteur en erreur en menant l'un d'eux à
confondre les carottes sauvages et la ciguë, provoquant ainsi son
décès.
Le Monde
, 31 mai 1986.
77
La responsabilité liée aux atteintes au droit de
la personnalité sera étudiée dans le 3. de la
présente partie.
78 Association Jurimatic/J-P Marron , op cit.
79
voir notamment les rapports de Mme
Frédérique Bredin, député, AN n° 228 (11e
législature) et de M. Charles Jolibois, sénateur,
Sénat n° 49 (1997-1998).
80
Toute personne qui contreviendra aux interdictions
prononcées par l'autorité administrative est passible d'une peine
d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 100.000 francs
81
Loi n° 78.17 du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et Directive 95/46/CE du
24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des donées à
caractère personnel et à la libre circulation de ces
données
82
" Toute obligation ou imputation d'un
fait
qui porte atteinte à l'homme ou à la considération d'une
personne est une diffamation "
(ordonnance du 6 mai 1944).
83
L'acteur Gérard Depardieu s'était plaint de
l'utilisation publicitaire d'une personne présentant avec lui une
ressemblance frappante (Tribunal de grande instance de Paris, 17 octobre 1984).
84
Même si l'excès est la loi du genre, la caricature
qui révèle une intention délibérée de nuire
ou de nature diffamatoire est illicite.
85
Jean-Pascal Marron,
Multimédia, réalité
virtuelle et droit
, Agence pour la diffusion de l'information
technologique, 1995.
86
Philippe Quéau,
Le virtuel, vertus et vertiges
,
1993
87
Jean-Pascal Marron,
op. cit.
88
Chantal Lebrun,
Futuribles
, novembre 1996.
89
Exemples et italiques tirés d'un article de la revue
SVM
, juillet/août 1991.
90
Si le processus est propre à la photo,
l'idée, elle, est permanente. Le tableau
Le sacre de Napoléon
I
par David comporte des personnages qui n'étaient pas
présents au cours de la cérémonie.
91
A l'exception de la guerre du Viêt-Nam où les
journalistes et photographes étaient relativement libres de leurs
mouvements et de leurs reportages, au point d'être parfois
intégrés dans des équipes de combattants, les images de
guerre ont toujours été étroitement
contrôlées. Cette liberté a d'ailleurs été
fatale à la conduite de la guerre pour l'Amérique. Les images
d'une fillette, courant nue sur une route après un bombardement au
napalm, et celle de l'exécution d'un viêt-min menotté par
le chef de la police sud-viêtnamienne, ont été
déterminantes dans le retournement de l'opinion américaine
pendant le conflit.
92
CNN disposerait d'un réseau de 2000 journalistes
d'investigation, 29 stations locales, 11 satellites...
93
En décembre 1989, la presse et les
télévisions du monde entier diffusèrent l'image de corps
enterrés en fosse commune. Ce charnier était
présenté comme une preuve des massacres perpétrés
par les autorités roumaines à l'encontre des opposants au
régime.
94
Philippe Ulrich, Actes du Salon
Imagina
, Monte Carlo 1997.
95
Les mots
cybermondes
,
cyberespace
auraient
été inventés par un auteur américain de science
fiction, William Gibson. Le monde et l'espace virtuels sont les
équivalents du
cyberspace
américain.
96
Voir notamment Chantal Lebrun,
Réel - Virtuel : la confusion des sens
, Futuribles,
novembre 1996 et Serge Tisseron,
Psychanalyse de l'image
, Dunod, 1995.
97
Selon Chantal Lebrun, Lacan distingue notamment les trois
niveaux de représentation : le réel, l'imaginaire, le symbolique.
Le réel est ce qui nous résiste, ce que nous appelons la
réalité. L'imaginaire recouvre les images que nous projetons sur
le réel (images, fantasmes) et correspond à la phase où
l'enfant vit dans une relation duelle avec sa mère ou son substitut
maternel. Le symbolique correspond à la phase suivante où le
père s'immisce dans la relation enfant/mère. Ce passage à
la relation triangulaire est fondamental dans la structuration de la
personnalité. L'agressivité est médiatisée par le
symbolique. Quand cet élément manque, l'individu s'enferme dans
le narcissisme, l'isolement, l'incommunicabilité.
98
Philippe Quéau,
Vertus et vertiges du virtuel
, p.
51
99
Pierre Legendre, directeur du Laboratoire européen pour
l'étude de la filiation,
Le Monde
, 22 avril 1997.
100
ibid.
Pour donner un exemple, si l'on peut parfaitement
commander un objet vu et manipulé sur l'écran, l'opération
pratique suppose des délais de livraison, aller à la poste pour
chercher le paquet recommandé, des surprises sur la taille ou la couleur
de l'objet, la facture...
101
OPECST
, "la société de
l'information. Quel avenir?",
Actes de la journée d'étude du
9 octobre 1997
102
Chantal Lebrun,
op. cit.
103
Signe de cette évolution, il n'est pas rare que les
joueurs "absorbés" par le jeu vidéo jouent des heures
entières sans interruption. Le caractère hypnotique de l'image et
la force des émotions prennent le pas sur la faim ou le sommeil.
104
Deux films sont, à cet égard,
intéressants, et méritent qu'on s'y attarde. Dans le film
Denise au téléphone
, de l'Américain Hal Salven,
plusieurs célibataires pianotent sur le clavier d'ordinateur et ne
vivent que pour et par le téléphone. Une rencontre réelle
est finalement programmée. Au fur et à mesure que
l'échéance approche, la peur, l'angoisse montent à tel
point que la rencontre n'aura pas lieu. Cet univers, fait de claviers et de
câbles, les a rendus incapables d'affronter la relation dans le
réel.
Dans le film
Assassins
de Mathieu Kassovitz, le jeune
pré-adolescent formé par un ancien tueur professionnel (Michel
Serrault) exécute une femme à son domicile, puis s'installe chez
elle et joue à un jeu vidéo de combat. Il tire sur la femme
-réelle- et tire sur le personnage de synthèse avec la même
placidité. Tuer une femme et tirer sur un écran sont apparemment
identiques, subsituables. Il y a confusion du réel et du virtuel.
105
voir décret du 23 avril 1996 et
commentaires, chap. IV, A
106
Le secteur biomédical absorbe 6 % de l'effort
militaire de recherche/développement aux États-Unis et les
recherches dans les facteurs humains de l'ordre de 5 %. Alors que l'effort
de recherche dans ce domaine se réduit pour laisser place à la
phase de développement et d'industrialisation, les investissements de
recherche/développement dans les programmes de réalité
virtuelle appliqués à la télémédecine
représenteront 60 millions de dollars (360 millions de francs) au
cours des six prochaines années.
107
Jean-Paul Papin, Médecin chef des armées,
Conférence au
Symposium international de
télémédecine
, 8 octobre 1997.
108 L'immersion peut aussi être obtenue par des écrans de très grande taille, comme c'est le cas au Futuroscope qui exploite les meilleures technologies du moment .
109
Cette limite n'est toutefois pas
spécifique au virtuel et les formations classiques se heurtent aux
mêmes difficultés.
110
Jean-Paul Papin,
ibid.
111
Diminution de la quantité d'oxygène contenue dans
le sang.
112
Un des premiers démonstrateur de son virtuel a toutefois
été présenté au salon
Imagina
en
février 1997.
113
voir chapitre II.D
114
Par exemple, on pourrait détecter le montage d'une
rencontre Clinton/Marylin Monroe, on ne pourrait pas détecter un montage
Arafat/Netanyahou.
115
Il faut distinguer les procédures d'incrustation et de
marquage de procédés de cryptographie. Ces derniers,
naguère réservés aux militaires et aux relations
internationales, permettent de coder et de décoder des messages. Le
message -ou l'image- numérique est illisible sans ledit code.
116
Arrêté du 2 novembre 1994 puis décret
n° 96-360 du 23 avril 1996 relatif aux mises en garde concernant les jeux
vidéo.
117
Les jeux vidéo ne se déroulent pas comme un film,
avec un début et une fin, mais sont construits sur le principe des
niveaux de jeux qui correspondent à des difficultés croissantes.
Quand le premier niveau est atteint, le joueur passe au deuxième niveau,
plus difficile et ainsi de suite jusqu'au dernier niveau.
118
Le premier constructeur ou éditeur qui imposerait des
durées limitées au jeu serait rapidement éliminé du
marché. De surcroît, les joueurs peuvent aujourd'hui
télécharger des jeux proposés sur réseaux. Les jeux
bridés sur disquettes seraient à leur tout
éliminés...
119
Comme on l'a vu, plusieurs ont même éprouvé
quelques craintes à l'idée qu'un parlementaire puisse
s'intéresser à ces questions. Craintes à peine
voilées qui se résumaient en une idée simple :
" pourvu qu'
"ils"
ne nous réglementent
rien... ".
120
On rappellera que l'Office a pour vocation de permettre de
réfléchir et s'intéresser aux problèmes
technologiques,et non de se substituer aux commissions parlementaires
permanentes dans l'élaboration de propositions de loi.
121
chap. III, section C
122
Voir ci-après 3.a
123
Voir ci-dessus 1.a
124
Il s'agit du Syndicat des éditeurs de loisirs (SEL).
90 % des jeux vendus en France sont édités ou
commercialisés par des membres de ce syndicat.
125
La plupart des jeux sont désormais soumis à deux
classifications complémentaires et alternatives : une classification
anglo-saxonne, sous forme de pastilles de couleurs qui donnent des indications
sur le type de jeu (violence...), une classification française,
plutôt par âge ("tous publics", "à partir de 16 ans"...). Le
SEL a même un classement "interdit de classification" pour les
programmes
de nature à porter atteinte à la dignité humaine. La
classification française s'applique aux jeux qui n'ont pas
été marqués par la classification britannique. Cette
règle de conduite ne s'applique qu'aux membres du syndicat.
126
L'interdit exerçe souvent un effet
d'attractivité, notamment sur la jeunesse. La classification est
d'ailleurs moins destinée aux enfants qu'aux parents qui achètent
les jeux pour leurs enfants.
127
CSA,
Sport et télévision
, la
période 1991/1996.
128
Pour l'ITC, le système ne devrait être
utilisé (
may only be used
) que pour remplacer une
publicité existante et non pour ajouter des publicités à
un événement. Cette règle n'a cependant pas
été reprise par l'UER.
129 Voir ci après C.3
130
Par exemple, les dispositions concernant la
diffusion de messages contraires à la décence, le racolage, la
provocation à la haine raciale ne font que reprendre les dispositions du
code pénal (art. 624-2, 625-2, 625-8...).
131
Services pornographiques, services d'annonces d'emplois
utilisant des annonces périmées, jeux du père
Noël.... A noter toutefois que France Télécom ne peut,
d'elle-même, résilier un contrat sans avoir obtenu l'avis du
comité de télématique anonyme placé auprès
du ministre de tutelle.
132
Audition de M. Paray, de SCETAUTOROUTE et de M. Robillard, de la
société ASF.
133
Rapport de M. Pierre Laffitte, sénateur,
op. cit.
Rapport de M. Franck Sérusclat, sénateur,
op. cit
134
Votre rapporteur doit constater à regret que,
malgré les affirmations des responsables de l'Éducation
nationale, ni les jeunes, ni les parents d'élèves
interrogés à ce propos n'ont jamais eu connaissance de cette
nouvelle matière. Il s'agit bien là, en l'espèce, d'un
enseignement tout ce qu'il y a de plus virtuel...
135
cf.
note 2, page précédente.
136
Ainsi, un reportage sur l'Amérique centrale ne sera pas
filmé de la même manière par un journaliste de CNN et par
un journaliste européen.
137
L'expression est de M. Bertrand Poirot-Delpech, dans une de ses
chroniques du
Monde
(2 avril 1997) dans laquelle il traite de
façon ironique, mais ô combien lucide, ce curieux glissement
" du progrès dans l'aliénation "
:
(...)
" Lors d'un match de rugby, un spectateur négligeait
d'applaudir les essais. Assis, il écoutait à la radio le
reportage de ce qu'il avait devant lui. C'est seulement quand son transistor
annonçait l'essai qu'il se levait d'un bond, à contre-temps.
(...)
Cela devait arriver :
la réalité non
médiatisée, on s'en méfie désormais, elle manque de
photogénie,
de relais hertziens, de
présentateur
familier, donc de vraisemblance
.
(...)
Dans un square, entendu une maman préciser à une voisine de
banc qui la complimentait sur son bébé : " Là encore,
ce n'est rien, vous le verriez en photographie ! "
(...)
Que
de progrès dans l'aliénation
(...)
.
138
ibid.
139
Hervé Bourges, président du CSA,
Le
Figaro
, 30 janvier 1997.
140
Audition de M. Francis Balle, alors président de l'IREC.
141
Les " trucages " et autres
traitements
d'images ont commencé à être utilisés en 1992 dans
l'émission "
Nulle part ailleurs
", sans qu'il ait
été jugé utile de prendre une " précaution
particulière". Les techniques, d'abord assez grossières, se
sont considérablement améliorées et ont été
utilisées à partir de 1996 dans le "
vrai faux
journal
" de Karl Zéro. Le mélange de vrais informations
et de faux reportages, et surtout la qualité des
" trucages "
ont amené une réaction de la chaîne. Comme l'explique le
directeur des programmes, M. Alain de Greffe, "
j'étais
troublé moi même
"...L'émission est
désormais visionnée avant son passage sur l'antenne et les
passages prêtant a confusion sont diffusés avec le bandeau
indiqué.
142
"gifles" virtuelles, sur écran...
143
On peut ainsi concevoir une formation
spécifique au sein des écoles de journalisme sur les
différents aspects de la déontologie, à partir d'exemples
passés ou récents.
144
Philippe Quéau, Salon
Imagina
, Monte Carlo,
Actes
, 1995.
145
Voir annexe 4.
146
Voir annexe 4.
147
Voir détail dans le décret