EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DE L'ACCÈS AUX DROITS
CHAPITRE II
ACCÈS AU LOGEMENT
SECTION 2
Accroissement de l'offre de logement
Article 31
Création d'un régime de
réquisition avec
attributaire
Acte par lequel l'autorité administrative impose unilatéralement à une personne privée, dans un intérêt général, le transfert de la propriété d'un bien ou le louage d'une chose, moyennant indemnités, la réquisition connaît une diversité de statuts juridiques selon l'objectif poursuivi et l'objet réquisitionné.
I - Les régimes juridiques applicables aux réquisitions de logement
En
matière de réquisitions de logement, deux régimes peuvent
être aujourd'hui distingués, l'un résultant de
l'article L. 2212-2 du code général des
collectivités territoriales, l'autre des articles L. 641-1
à L. 641-14 du code de la construction et de l'habitation.
Il est en effet admis que le pouvoir de réquisition reconnu au
représentant de l'Etat dans le département résultant de
l'ordonnance n° 45-2394 du 11 octobre 1945,
ultérieurement modifiée et transcrite dans le code de la
construction et de l'habitation, n'a pas fait disparaître les pouvoirs
généraux de police dont le maire est titulaire en vertu de
l'
article 2212-2 du code général des
collectivités territoriales
reproduisant l'ancien
article L. 131-2 du code des communes, qui lui permettent de
prononcer la réquisition de locaux vacants nécessaires au
logement de familles sans abri. Ce pouvoir de réquisition du maire ne
saurait cependant être exercé "
qu'en cas d'urgence et
à titre exceptionnel lorsque le défaut de logement de la famille
dont il s'agit est de nature à apporter un trouble grave à
l'ordre public
" (CE, 18 octobre 1989, commune de Pugnac C/
Banque La Hénin).
Outre ces pouvoirs dévolus au maire dont la mise en oeuvre est
appelée à demeurer exceptionnelle, le régime juridique de
la réquisition résulte des
articles L. 641-1
à L. 641-14 du code de la construction et de l'habitation
issus
de l'
ordonnance n° 45-2394 du 11 octobre 1945
prise en
vue de remédier aux difficultés de logement causées par
les destructions de la deuxième guerre mondiale. Ces mesures, qui
avaient initialement vocation à répondre à une situation
temporaire d'une gravité particulière, sont restées en
vigueur du fait de la persistance de la crise du logement.
Ainsi, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la construction et
de l'habitation qui pose le principe de la réquisition de logements, le
droit de réquisition peut être exercé dans toutes les
communes où sévit "
une crise grave du
logement
", cette situation étant caractérisée,
selon la jurisprudence, par "
d'importants déséquilibres
entre l'offre et la demande de logements au détriment de certaines
catégories sociales
" (CE, Ass., 11 juillet 1980 Lucas).
Les locaux susceptibles d'être réquisitionnés sont les
"
locaux à usage d'habitation vacants, inoccupés ou
insuffisamment occupés ",
définis par les
articles R. 641-2 à R. 641-4 du code de la construction
et de l'habitation. Alors que l'ordonnance de 1945 n'avait ainsi visé
que les locaux d'habitation (article L. 641-1 du code de la
construction et de l'habitation), la loi n° 56-588 du 18 juin
1956 a étendu le champ de cette procédure de réquisition
aux locaux à caractère commercial, artisanal ou professionnel et
aux logements accessoires à ces différentes catégories de
locaux (article L. 641-12 du code de la construction et de
l'habitation).
La décision initiale, qui se traduit par une prise de possession
partielle ou totale des locaux concernés, ne vaut que pour une
durée maximale d'un an renouvelable, la durée totale de
l'attribution d'office ne pouvant excéder cinq ans, sauf
dérogation exceptionnelle limitée à deux ans.
Les bénéficiaires de la réquisition sont "
les
personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions
manifestement insuffisantes
" et celles à l'encontre desquelles
une décision judiciaire définitive a ordonné l'expulsion
(article L. 641-2 du code de la construction et de
l'habitation) ; aucune condition de revenu n'est requise. Ils doivent en
outre, préalablement à toute attribution, avoir
déposé au service municipal du logement une déclaration.
L'attribution d'office d'un logement revêt un caractère personnel
et ne crée au profit du bénéficiaire qu'un titre à
"
une occupation précaire et personnelle des lieux
"
(L. 641-6).
Le bénéficiaire est redevable d'une indemnité d'occupation
dont le montant est fixé par accord amiable avec le propriétaire
ou, à défaut, par voie judiciaire. L'évaluation de ce
montant est établie "
dans la limite du prix licite en
matière de loyer
", c'est-à-dire, en
réalité, par référence aux loyers du marché
(article L. 641-7 du code de la construction et de l'habitation). En
cas de non-paiement de cette indemnité par le
bénéficiaire, le représentant de l'Etat dans le
département règle celle-ci au nom de l'Etat à charge pour
lui d'exercer une action récursoire contre le bénéficiaire
(article L. 641-8 du code de la construction et de l'habitation).
En outre, le propriétaire ne peut s'opposer à l'exécution
par le bénéficiaire, aux frais de ce dernier, des
" travaux strictement indispensables pour rendre les lieux propres
à l'habitation
". En revanche, aucune indemnité ne peut
être exigée par le bénéficiaire, à raison des
aménagements réalisés et, à l'expiration de la
réquisition, il peut être mis en demeure de remettre les lieux en
l'état, à ses frais (article L. 641-10 du code de la
construction et de l'habitation).
Aux termes de l'article L. 641-1 du code de la construction et de
l'habitation, la décision de procéder à des
réquisitions appartient au représentant de l'Etat dans le
département, sur proposition du service municipal du logement et
"
sauf dans les communes de l'ancien département de la
Seine
", après avis du maire qui constitue une formalité
substantielle (CE, 25 novembre 1949, Montel).