CHAPITRE III -
QUELS ÉQUIPEMENTS POUR L'ARMÉE DE L'AIR ?
A. L'AVIATION DE COMBAT
1. Un parc d'avions de combat vieillissant qui suppose le maintien de l'effort de renouvellement de la flotte
La modification du contexte stratégique a fait passer
du risque d'un affrontement Est-Ouest à des probabilités de
gestion de crise et d'opérations extérieures dans lesquelles
l'armée de l'Air est fréquemment impliquée. Celle-ci a
donc engagé, dès 1992, une action résolue et volontariste
de mise à niveau de sa flotte fondée sur une réduction
quantitative de son parc au profit d'une amélioration des
systèmes d'armes et de navigation, de systèmes d'autoprotection
élevée et de capacités de ravitaillement en vol.
L'armée de l'Air s'est donc séparée de ses appareils les
plus anciens, tandis qu'elle en rénovait d'autres. Ainsi, depuis 1992,
l'armée de l'Air a retiré à ce jour 75 Mirage III E, 30
Mirage VF, 30 Jaguar et 30 Mirage F1C de première
génération. Leur remplacement est progressivement assuré
par le Mirage 2000-D capable du tir de nuit d'armement guidé laser, ou
par le Mirage F1CT, dérivé du Mirage F1C, mais transformé
pour le rendre apte à la mission d'assaut. De même, le Mirage
2000-5 de défense aérienne, particulièrement adapté
aux théâtres extérieurs par sa grande capacité
d'emploi en armement et en carburant, viendra améliorer ce dispositif,
en attendant le Rafale.
Voici, à ce jour, les appareils en dotation dans l'armée de l'Air
ainsi que l'évolution de cette dotation à l'horizon 2015 :
Evolution de la flotte de combat en dotation dans
l'armée de l'Air
Dotation
|
1998 |
2000 |
2002 |
2005 |
2010 |
2015 |
|
Avions de combat |
|||||||
Rafale |
0 |
0 |
0 |
0 |
20 |
80 |
140 |
Mirage 2000 C/B |
115 |
95 |
80 |
80 |
80 |
60 |
40 |
Mirage 2000-5 F |
0 |
15 |
30 |
30 |
30 |
30 |
20 |
Mirage 2000 N |
65 |
65 |
60 |
60 |
60 |
40 |
40 |
Mirage 2000 D |
45 |
50 |
60 |
60 |
60 |
60 |
60 |
Mirage F1 CR |
40 |
40 |
40 |
40 |
30 |
20 |
0 |
Mirage F1 CT |
40 |
40 |
40 |
40 |
40 |
20 |
0 |
Mirage F1 C/B |
20 |
20 |
20 |
20 |
20 |
10 |
0 |
Jaguar A |
50 |
50 |
45 |
25 |
0 |
0 |
0 |
Mirage IV AP |
5 |
5 |
5 |
5 |
0 |
0 |
0 |
TOTAL |
380 |
380 |
380 |
360 |
340 |
320 |
300 |
2. Les programmes d'avions de combat Mirage 2000
En attendant la totale polyvalence du programme Rafale, les
programmes d'avions de combat en cours sont toujours spécialisés
soit vers la défense aérienne, soit vers l'attaque au sol. C'est
le cas de la famille des Mirage 2000 qui constitue avec plus de 70 % des
appareils en ligne, l'ossature de notre flotte de combat d'aujourd'hui.
- La rénovation du Mirage 2000 défense aérienne - Le
programme Mirage 2000-5.
La version Mirage 2000 DA destinée à la défense
aérienne (115 appareils en ligne) comprend d'une part des avions
équipés d'un radar moderne, le RDI capable de détecter les
menaces quelle que soit leur altitude de pénétration, et d'autre
part des appareils équipés du radar RDM aux capacités de
détection limitées, insuffisantes à terme face à
une menace en constante amélioration qualitative.
Afin de répondre aux nouveaux besoins opérationnels, la
modernisation de la flotte 2000 DA a été entreprise grâce
au lancement en 1993 du programme Mirage 2000-5 FRANCE à partir du
Mirage 2000-5 dont le développement était en cours pour
l'exportation.
Ce programme consiste à rénover 37 Mirage 2000 RDI en leur
apportant la capacité multicibles grâce au radar RDY, à une
avionique nouvelle et à l'emport du missile air-air MICA de nouvelle
génération. Les radars RDI rendus ainsi disponibles sont
utilisés pour moderniser l'ensemble des Mirage 2000 RDM qui sont
transformés en 2000 RDI. La flotte Mirage 2000 DA est ainsi
modernisée durablement, avec le maximum de potentiel de vieillissement
donné au Mirage 2000-5, appareil ayant les meilleures capacités.
Le projet de budget pour 1998 n'apporte pas de modification à ce
programme de modernisation. Onze Mirage 2000-5 seront livrés à
l'armée de l'air en 1998, après un premier exemplaire
livré en décembre 1997. En 2000, l'armée de l'air aura
reçu livraison des 37 appareils.
Le coût total du programme s'élèvera à 4,75
milliards de francs 97 dont 2,15 milliards ont déjà
été dépensés. Le projet de loi de finances pour
1998 prévoit, en crédits de paiement, 1,08 milliards pour ce
programme.
La réussite du Mirage 2000-5 au sein de l'armée de l'air
française ne peut qu'amplifier le succès à l'exportation
que connaît déjà cet appareil. Taiwan en possède 30
à ce jour sur une commande de 60, le Qatar 3 sur une commande de 12. Par
ailleurs, cinq autres pays manifestent leur intérêt pour
l'appareil. Intimement associée à la transformation des forces
aériennes de ces pays, l'armée de l'air saura d'autant mieux,
avec les livraisons prévues en 98, leur apporter aide et
expérience.
-Le Mirage 2000 D, fer de lance de l'aviation tactique.
La modernisation des capacités de l'armée de l'air en
matière de pénétration et d'attaque au sol s'appuie sur le
programme Mirage 2000 D, dérivé du Mirage 2000 N vecteur de la
dissuasion nucléaire.
Par rapport au Jaguar, qui a longtemps constitué l'élément
essentiel de notre aviation tactique, le Mirage 2000 D améliore
considérablement la capacité de tir de précision en toute
condition, de jour comme de nuit.
Le Mirage 2000 D est en effet un avion de pénétration et
d'attaque au sol tout temps, capable de tirer en aveugle les armements air-sol
conventionnels, les armements guidés laser de jour comme de nuit, le
missile nucléaire ASMP et, à terme, d'emporter des
systèmes de reconnaissance montés en nacelle. Il sera capable
également d'emporter, dès leur mise en service, les missiles
tirés à distance de sécurité de types Apache et
SCALP.
En 1998, l'armée de l'air prendra livraison comme prévu de 6
nouveaux Mirage 2000 D et consacrera à ce programme 1185 millions de
francs de crédits de paiement. Cela portera à 57 le nombre
d'appareils livrés sur une cible de 86 et permettra de compléter
la dotation du troisième des escadrons de Mirage 2000 D
constitués à ce jour et tous basés à Nancy.
L'armée de l'air recevra également en 98 cinq PDLCT ou pod de
désignation laser caméra thermique. La dotation
réalisée sera alors de 20 pour une cible de 22. Cet
équipement est associé au Mirage 2000 D pour le tir des missiles
ou des bombes à guidage laser. Ainsi équipés, les
escadrons de Nancy participent aux missions de maintien de la paix en Bosnie
où des frappes aériennes de précision se sont
avérées nécessaires en 1996. L'armée de l'air
consacrera, en 1998, 217 millions de francs de crédits de paiement aux
PDLCT.
3. Le programme Rafale : un calendrier confirmé
-
un programme essentiel
Les avions de combat modernes ont en moyenne un potentiel de vie estimé
à vingt années ; ils doivent être
régulièrement renouvelés. Confrontée à
l'échéance du renouvellement de sa flotte de combat à
l'aube du deuxième millénaire, l'armée de l'air a fait le
choix depuis déjà une dizaine d'années d'un avion
totalement polyvalent qui lui permettra de faire face à l'ensemble de
ses missions avec un nombre moindre d'appareils. C'est le programme Rafale
auquel s'est associé la marine nationale. Ce choix a été
confirmé par la dernière loi de programmation militaire
1997-2002. Le premier escadron de Rafale air sera opérationnel à
la fin de 2005. Si cette même loi de programmation a réduit la
cible finale des Rafale marine de 86 à 60, elle maintient à 234
appareils celle de l'armée de l'air, soit 139 biplaces et 95 monoplaces,
les livraisons s'étalant jusqu'en 2019.
La totale polyvalence qu'offrira le Rafale mérite d'être
rappelée. Il pourra effectuer l'ensemble des missions de l'aviation de
combat : pénétration et attaque au sol par tous les temps, de
jour comme de nuit, frappe nucléaire, défense et
supériorité aérienne, intervention à long rayon
d'action avec ravitaillement en vol, reconnaissance tactique et
stratégique.
Grâce à son système d'armes, il pourra mener des attaques
tous temps sur des objectifs au sol ou en mer, avec tir à distance de
sécurité de divers missiles classiques ou nucléaires ou
tir de précision d'armements classiques ; il lui sera possible d'assurer
un niveau de survie élevé en dépit d'un environnement
hostile, dense en menaces, grâce notamment à un système
interne de contre-mesures adaptées.
Le Rafale pourra enfin engager un combat à grande distance contre
plusieurs avions hostiles grâce à des capteurs
spécialisés et à des missiles "tire et oublie". Tous les
armements existants ou futurs pourront être emportés en les
adaptant au type de mission : défense aérienne, attaque au sol ou
reconnaissance. Plus lourd que le Mirage 2000, le Rafale emporte davantage
d'armement, ce qui accroît son efficacité opérationnelle
à l'unité.
Le choix de la polyvalence associée à un avion moderne et
efficace est cohérent avec la réduction de format
envisagée pour l'aviation de combat. La cible de 300 appareils de type
Rafale à l'horizon 2015 apparaît suffisante pour maintenir
l'efficacité opérationnelle de l'armée de l'air dans ses
missions de combat. Un changement de choix au stade actuel du programme, alors
que l'armée de l'air a déjà dépensé 29
milliards de francs sur ce programme, ne pourrait qu'entraîner un
surcoût inacceptable ou la perte de cohérence à coût
égal.
L'effort financier qu'il reste à accomplir sur le programme Rafale
représente en fait le coût de possession par la nation d'une
aviation de combat à la hauteur des missions assignées.
- Des économies qui ne sauraient affecter les standards
souhaités
Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit une réduction du
coût de développement du Rafale. Il s'agit là d'une
conséquence directe du niveau de maturité atteint par le
programme dans son développement et de son passage au stade de
l'industrialisation. Le développement des standards prévus pour
le premier escadron de l'armée de l'air en 2005 ne nécessite pas
un flux de financement constant sur une période rallongée de deux
ans et demi par la loi de programmation alors que le contenu même des
standards demeure inchangé. La réduction signifiée dans le
projet de budget 98 ne saurait donc avoir de conséquence sur le
calendrier des livraisons.
La recherche d'économies à contenu physique constant doit
également motiver le recours aux commandes pluriannuelles pour le
programme Rafale.
Votre rapporteur souhaite qu'une commande groupée
de 48 appareils dont 33 pour l'armée de l'air puisse intervenir
dès 1998. Outre les économies qu'elle permettrait de
dégager, elle signifierait clairement l'engagement de l'Etat
français pour un programme qui dispose encore de fortes
potentialités à l'export.
- Le Rafale et la revue des programmes
La confirmation du programme Rafale met un point final à un débat
qui avait repris, au cours des derniers mois, une certaine ampleur. Il reste
toutefois au Rafale à passer l'épreuve de la revue des programmes
engagée par le ministère de la Défense depuis quelques
semaines et qui devrait aboutir en mars prochain. Dans ce cadre, de quelle
marge de manoeuvre disposera-t-on encore à l'égard d'un programme
opportunément confirmé si l'on souhaite réaliser des
économies supplémentaires : la réduction de cible finale ?
La cadence de production et le calendrier de constitution des escadrons ?
L'échéancier de mise en place de certaines fonctions essentielles
? Quelle que soit la variable sur laquelle on décidera de jouer, on voit
bien que le résultat aura une incidence sur le modèle
d'armée de l'Air tel que défini dans la dernière loi de
programmation.
Par ailleurs, au lieu d'être perdues pour l'armée de l'Air, votre
rapporteur estime que les économies réalisées sur le
programme Rafale auraient pu conduire, ne serait-ce qu'en partie, à
ouvrir dès 1998 une ligne budgétaire au bénéfice du
programme d'Avion de transport futur, qui représente l'autre programme
majeur de l'armée de l'Air
3(
*
)
.
Au delà de l'effet politique
clair qu'elle aurait eu le mérite de provoquer à l'égard
de nos partenaires, tant militaires qu'industriels, une telle attitude se
serait inscrite dans une démarche cohérente : répartir
plus équitablement une ressource financière chichement
mesurée au bénéfice d'un besoin opérationnel qui
n'est plus contesté et dont la satisfaction repose pour l'armée
de l'Air, pour de longues années encore, sur ces deux programmes majeurs.
4. Les munitions destinées à la flotte de combat.
- Le missile Apache antipiste.
Ce missile modulaire, qui constituera l'un des armements tactiques principaux
du Mirage 2000 D et du Rafale, a pour mission la neutralisation à
distance de sécurité (140 km) des bases aériennes ennemies
par la destruction des pistes d'atterrissage et l'interdiction des aires
bétonnées au moyen de charges classiques. Il est
équipé d'un système de navigation par inertie avec
recalages autonomes qui lui permet de réaliser des approches à
très basse altitude en suivi de terrain programmé. Son radar
assure également la détection et l'identification de
l'objectif. Il emporte 500 kg de sous-munitions.
Les 100 exemplaires prévus ont fait l'objet d'une commande pluriannuelle
en 97. Les livraisons s'étaleront de 2000 à 2003.
Le coût total de ce programme, réalisé en
coopération principale Matra Bae Dynamics France et Aérospatiale,
est de 4,1 milliards de francs. Les crédits de paiement prévus en
1998 s'élèvent à 332 millions de francs.
- Le missile SCALP/Emploi général.
Dérivé de l'Apache, le SCALP/EG et un missile air-sol
largué à distance de sécurité (400 km maximum) et
destiné à la destruction d'objectifs d'infrastructure militaires,
logistiques ou économiques.
Destiné au Mirage 2000 D et au Rafale, ce missile devrait entrer en
service en 2003. La commande portant sur 450 exemplaires pour l'armée de
l'air et 50 pour la marine devrait intervenir avant la fin de l'année 97
sous la forme d'une commande pluriannuelle.
Le coût total du programme devrait s'élever à 4 738
millions de francs pour 500 exemplaires. Le coût modique à
l'unité du SCALP/EG en comparaison de celui de l'Apache s'explique en
partie par la convergence des besoins entre français et britanniques qui
a amené le maître d'oeuvre Matra Bae Dynamics à
réaliser au profit de la Royal Air Force un missile, le Storm Shadow,
tout à fait comparable au SCALP/EG. La commande britannique porte sur
900 exemplaires du Storm Shadow.
Les crédits de paiement prévus en 1998 s'élèvent
à 330 millions de francs. Ils ne concernent que le développement
et l'industrialisation du programme.
-
Le missile MICA
.
Il s'agit du missile d'interception, de combat et d'autodéfense
destiné à succéder à la fois aux missiles Super 530
D et Magic 2. A capacité multicibles et d'une portée pouvant
atteindre 60 km, il constituera l'armement principal du Rafale et du Mirage
2000-5 dans leurs missions de défense aérienne ainsi que
l'armement d'autodéfense dans les missions d'interdiction et d'attaque
au sol du Rafale.
Pour le Mirage 2000-5, les capacités multicibles ne valent
qu'associées au MICA. C'est pourquoi, il importe que le lancement de la
production du MICA ne prenne pas de retard, de telle sorte que la livraison des
premiers missiles prévue pour 1999 soit concomitante avec la mise en
service opérationnel du premier escadron de Mirage 2000-5. C'est
pourquoi également ce missile a été commandé par
Taiwan et le Qatar - clients du Mirage 2000-5 - pour un total de 1056
exemplaires. De belles perspectives d'exportation s'ouvrent pour ce missile,
vers les futurs clients de Mirage 2000-5 et de Rafale, mais également
vers les possesseurs de F 16, appareil sur lequel l'intégration du MICA
est tout à fait possible.
En ce qui concerne l'armée de l'air, si la cible retenue est de 1000
exemplaires, les commandes seront limitées à 225 et les
livraisons à 125 sur la durée de la loi de programmation 1997 -
2002. Un peu plus de 2,26 milliards de francs ont été
consacrés au développement de ce programme dont le coût
total pour 1000 missiles devrait s'élever à 9 milliards. Le
projet de budget 1998 lui consacre 343 millions de francs.