LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
Les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 9 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Jean-Claude Requier et Michel Canévet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
M. Jean-Claude Requier , rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » . - Avant d'entrer dans le détail de la mission, je souhaite rappeler que les crédits demandés - environ 8 milliards d'euros en AE et 5,9 milliards d'euros en CP - ne représentent qu'une partie de l'aide publique au développement engagée par la France.
En 2022, la France se situe au cinquième rang des pays donateurs après les États-Unis, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni. Cependant, le montant global de l'aide, qui s'élève à 13,1 milliards d'euros, représente 0,51 % du revenu national brut (RNB). Pourtant, selon la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, l'objectif à atteindre est de 0,7 % du RNB en 2025.
Il nous faudra sans doute revoir cet objectif devenu trop ambitieux, au regard des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. En effet, pour atteindre un tel niveau, nous devrions accroître l'aide publique au développement de 10 milliards d'euros en deux ans, ce qui semble trop élevé.
En ce qui concerne les pays bénéficiaires, l'aide publique au développement de la France est principalement tournée vers l'Afrique. J'en profite pour annoncer que désormais, la France n'engage plus de crédits d'aide en Chine, comme c'était encore le cas il y a peu de temps. De plus, si la Turquie perçoit 41,4 millions d'euros, il s'agit de crédits versés pour financer le mécanisme d'accueil des réfugiés syriens.
Par ailleurs, le principal opérateur de l'aide publique au développement en France est l'Agence française de développement (AFD), dont le portefeuille d'activités correspond à un montant d'environ 12 milliards d'euros.
Cet opérateur ne perçoit aucune subvention de fonctionnement de la part de l'État, mais des crédits qui compensent à la fois la part concessionnelle des prêts accordés et les subventions versées sans contrepartie.
L'AFD et ses tutelles négocient en ce moment le prochain contrat d'objectifs et de moyens, dont l'un des buts principaux sera de resserrer le nombre des indicateurs de suivi, afin de rendre le pilotage plus stratégique ; cette idée nous semble intéressante.
Par ailleurs, le rapport présente pour la première fois les développements concernant l'aide engagée par les collectivités territoriales. Si elle reste encore modeste avec un montant d'environ 145 millions d'euros, cette aide est en progression depuis 2018.
M. Michel Canévet , rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » . - D'après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, que nous avons adopté la semaine dernière, les CP de la mission devraient atteindre 7 milliards d'euros en 2025, soit une augmentation d'1 milliard d'euros. Cet objectif devra probablement être questionné.
Toutefois, en 2023, les crédits augmentent fortement. Ainsi, les AE connaissent une hausse de 1,4 milliard d'euros et les CP de plus de 819 millions d'euros.
Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui relève du MAE, concentre les hausses les plus importantes. Ainsi, le montant des crédits demandés augmente de 837 millions d'euros en AE et de 383,1 millions d'euros en CP, notamment pour renforcer les capacités de gestion de crise et soutenir les politiques de santé au niveau mondial, comme cela était déjà le cas en 2022.
En matière de santé, les crédits augmentent de 336,4 millions d'euros en AE, en raison de la mobilisation de 256,7 millions d'euros pour la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et du financement consacré à l'alliance Gavi, à hauteur de 94,7 millions d'euros.
Par ailleurs, la création d'un mécanisme de réserve pour les crises majeures explique une hausse de 270 millions d'euros des crédits demandés sur ce programme. Cette enveloppe viendra compléter les 460 millions d'euros en AE et CP déjà dédiés aux opérations de gestion et de sortie de crise.
La création d'un mécanisme de réserve pour crise majeure paraît bienvenue puisqu'elle permettra de donner aux responsables de programmes des marges de manoeuvre pour financer des dispositifs d'urgence, sans mettre en cause le financement d'opérations déjà engagées.
Toutefois, nous nous interrogeons sur les garanties qui seront apportées par le Gouvernement, afin que ces crédits ne constituent pas une réserve de budgétisation par temps calme et qu'ils donnent bien lieu à des annulations ou à des reports en fin de gestion.
Sur le programme 110, qui relève du ministère de l'économie et des finances, le montant des crédits demandés pour 2023 connait une forte augmentation, de 632 millions d'euros en AE et de 475 millions d'euros en CP.
Cette hausse s'explique principalement par la persistance d'un important besoin de crédits pour participer aux cycles de refinancement des fonds internationaux. Par ailleurs, les effets de la hausse des taux d'intérêts sur le coût des opérations de bonification de prêts jouent aussi un rôle.
En effet, afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l'aide au développement, l'État prend en charge, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête.
Or, dans le contexte de remontée des taux d'intérêts au niveau mondial, les coûts de financement de l'AFD ont augmenté alors même que, pour être considérés comme concessionnels, les taux proposés doivent rester inférieurs à un seuil fixé par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Ainsi, afin de maintenir le niveau d'aide publique au développement généré par les prêts de l'AFD, le ministère de l'économie et des finances a pris la décision d'accroître le montant des crédits dédiés à la bonification des prêts de 390 millions d'euros en 2023.
Par ailleurs, des crédits importants sont demandés au titre du programme 110, afin de participer à la reconstitution des ressources de divers fonds internationaux tel que le Fonds vert pour le climat.
Enfin, le programme 365 est dédié à la recapitalisation de l'AFD. Comme l'année dernière, les 190 millions d'euros demandés correspondent à une opération de conversion de ressources financières de l'AFD en crédits budgétaires, une opération totalement neutre pour le budget de l'État. Il ne s'agit donc ni d'accroître les engagements de l'État envers l'AFD ni de lui permettre d'augmenter son volume d'activité, figé à 12 milliards d'euros.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci à nos deux rapporteurs pour ces explications sur les moyens, les contraintes, les difficultés et la trajectoire retenue il y a peu de temps. Néanmoins, il me semble que pour le budget 2023, à l'exclusion du domaine régalien, nous souhaitons réaliser des économies. Au regard de la situation et des contraintes extrêmes subies en matière de dépenses énergétiques, je souhaiterais interroger les rapporteurs sur notre capacité à tenir la trajectoire retenue. Il s'agit pour moi d'un budget sur lequel nous pourrions temporairement infléchir la trajectoire. C'est la raison pour laquelle j'émets des réserves sur les crédits présentés.
M. Hugues Saury , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la mission « Aide publique au développement » . - Ce budget est compliqué parce qu'il mélange beaucoup de choses : frais d'écolage, frais d'accueil des demandeurs d'asile, prêts et dons, aides bilatérale et multilatérale.
La France se place effectivement à la cinquième position du classement des pays donateurs, mais je précise qu'on ne retient ici que les pays membres de l'OCDE. En effet, la Chine et la Russie se trouvent largement devant nous.
Les crédits connaissent donc une nette augmentation, ce qui semble logique puisque la loi de programmation du 4 août 2021 prévoyait une hausse très nette dans le cadre d'une trajectoire qui est désormais revue par le Gouvernement. En effet, l'objectif à atteindre de 0,7 % du RNB en 2025 est descendu à 0,6 %.
Dans ce budget, deux points me semblent importants. D'abord, la loi du 4 août avait mis en place des conseils de développement pays par pays, à la main de nos diplomates. Ainsi, le budget consacré à l'aide directement géré par les ambassadeurs a augmenté.
De la même façon, l'enveloppe budgétaire gestion et sortie de crise connait une augmentation considérable de 145 %, passant de 297 millions d'euros à 730 millions d'euros. Grâce à cette augmentation, la France rattrape un peu son retard en la matière, mais reste septième par rapport aux autres bailleurs européens. À titre de comparaison, les Allemands consacrent 2 milliards d'euros à ces dépenses importantes. En effet, la dégradation de la situation internationale et la multiplication des conflits nécessitent une intervention grandissante des pays, notamment du nôtre.
Pour conclure, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n'a pas encore discuté de ce budget, la tendance serait plutôt à l'accepter.
M. Vincent Delahaye . - Je n'avais pas voté la loi de programmation du 4 août 2021 pour trois raisons, que je retrouve un peu ici. D'abord, les objectifs sont trop ambitieux et nous n'avons pas les moyens de les atteindre. L'augmentation ici présentée me semble déraisonnable. Certes, nous pouvons continuer ainsi, mais que se passera-t-il le jour où l'on cessera de nous prêter ?
Ensuite, je suis opposé au projet du nouveau siège de l'AFD, qui doit coûter 1 milliard d'euros, ce qui paraît déraisonnable. Par ailleurs, je n'ai pas bien compris le tour de passe-passe comptable qui rend neutre le renforcement des fonds propres de l'AFD. Ces renforcements correspondent-ils à la somme nécessaire pour acquérir le siège ?
Enfin, il me semblait que les crédits et nos efforts n'étaient pas forcément tournés vers les pays qui en avaient le plus besoin. J'ai du mal à m'y retrouver dans les crédits de cette mission, car il est difficile de distinguer entre prêts et subventions. J'aurais aimé retrouver cette distinction dans la synthèse, ainsi que la répartition géographique des subventions afin que l'on s'assure qu'au moins les trois quarts des subventions sont bien versés aux pays les plus pauvres de la planète.
M. Dominique de Legge . - La France est le cinquième pays en matière d'aide au développement, mais quel est l'objectif recherché ?
Il y a quelques semaines, j'ai remis un rapport présentant les conclusions de la mission de contrôle budgétaire que j'ai menée sur les forces de souveraineté. J'avais été frappé par la manière dont mes interlocuteurs indiquaient que lorsqu'ils devaient entretenir des coopérations avec les pays voisins - autour du canal du Mozambique par exemple -, l'AFD était absente, alors qu'il s'agit de pays potentiellement éligibles à son aide, de pays dont nous avons besoin en matière de coopération, notamment pour travailler sur les questions de sécurité et de trafic.
Par ailleurs, quels liens entretenons-nous avec les pays candidats à notre aide, dont les ressortissants sont par ailleurs candidats à un accueil en France ?
Enfin, quel retour attendons-nous des opérations menées ? Qu'exigeons-nous des entreprises françaises qui pourraient vouloir travailler sur ces projets financés par l'État ?
M. Patrice Joly . - Je souhaiterais commencer par une mise en perspective : nous parlons ici d'humanité et l'indice de développement humain a subi une très sévère dégradation au cours de l'année passée, pour la première fois depuis 32 ans. La pandémie en est responsable, mais aussi la situation géopolitique et ses conséquences en matière de sécurité alimentaire.
Pour répondre à ces crises humanitaires, la France joue sa part, en répondant aux besoins vitaux des populations, mais aussi en assurant une politique de développement.
Nous émettons de nombreuses critiques, mais le système fonctionne plutôt bien quand les États sont organisés et suffisamment structurés, que l'on dispose dans les pays bénéficiaires d'un levier pour accompagner leur développement.
Par ailleurs, nous observons une hausse significative des crédits, qui ne sont pas à la hauteur de ce qui figurait dans la loi de programmation, mais respectent néanmoins la trajectoire au regard de ses orientations.
En outre, je remarque que la part des prêts est plus importante que celle des dons. Il nous faut mesurer les conséquences de cette répartition au regard du contexte financier international de hausse prix et des problématiques de taux de change, qui peuvent accroître les difficultés de certains pays. Il nous faut donc anticiper et envisager dès aujourd'hui d'être confrontés, dans les années qui viennent, à des problématiques d'annulation de dettes.
Je souhaiterais enfin poser deux questions. D'abord, la Chine n'apparaît pas comme pays donateur dans le rapport ; comment se situe-t-elle par rapport à la France en matière de volume d'aide ? En effet, on entend beaucoup parler de sa présence, notamment en matière de développement des infrastructures.
Ensuite, quelle proportion représente la coopération décentralisée par rapport à la coopération globale nationale ? Comment s'articulent les deux ? Que pourrait-on améliorer dans ce domaine ?
M. Roger Karoutchi . - L'AFD, c'est un État dans l'État, son budget est considérable et ses décisions souvent non contrôlées. Le président Larcher et moi recevons pratiquement chaque semaine des délégations d'assemblées et de sénats, africains ou asiatiques. Tous nous confient qu'il leur manque un correspondant politique, que nous avons besoin d'un ministre de la coopération qui soit politiquement responsable des crédits de l'aide au développement pour que cela fonctionne. Les ministres et présidents de ces États ne peuvent pas avoir comme correspondants des gens qui sont certes de qualité, mais n'ont aucune responsabilité politique. De manière plus générale, des personnes nommées ne peuvent pas décider de l'affectation de milliards d'euros sans contrôle politique.
Par ailleurs, comme l'a dit Patrice Joly, nous avons accordé beaucoup de prêts que de nombreux États ne sont pas en mesure de rembourser. Ainsi, non seulement nous augmentons les crédits pour 2023, mais il faut aussi s'attendre à ce qu'un certain nombre de remboursements prévus n'aient pas lieu dans les années à venir.
M. Rémi Féraud . - Je voudrais revenir sur la question du siège de l'AFD. Vous ne le mentionnez pas dans votre synthèse, mais il n'existe toujours pas et il est toujours contesté. Dans Le Journal du dimanche de la semaine dernière, j'ai découvert une pétition signée par des gens aussi divers que Stéphane Bern et Sandrine Rousseau, par des élus de droite comme de gauche. Ce siège coûte effectivement très cher. Je suis élu parisien et la ville de Paris a accompagné l'État dans ce projet. Est-il sécurisé aujourd'hui ? Reste-t-il des recours juridiques ? La somme prévue d'1 milliard d'euros a-t-elle déjà été dépensée par l'AFD ? Ce projet arrivera-t-il à terme ? Si ce n'est pas le cas, quel sera l'impact pour l'AFD ?
M. Jérôme Bascher . - Je voudrais évoquer l'AFD en France, comme banque de développement des territoires ultramarins. Cette implantation est-elle encore raisonnable ? Ne faudrait-il pas mettre fin à certaines missions pour retrouver des fonds propres ? Quand une banque de développement est bien gérée, on n'a pas recours à la recapitalisation. Et quand c'est le cas, il faut nous expliquer pourquoi.
M. Marc Laménie . - Je voudrais évoquer les moyens humains. Quels sont les effectifs liés à cette mission, en France et à l'extérieur ? Par ailleurs, comment fonctionne la gouvernance de l'AFD ?
M. Sébastien Meurant . - Quels sont les pays bénéficiaires ? Comment les choisit-on ? Selon une vision géopolitique ? Pour soutenir le développement de la francophonie ? Quels sont les retours pour nos entreprises ?
M. Daniel Breuiller . - D'abord, en ce qui concerne le siège, je fais partie de ceux qui pensent que la dépense d'1 milliard d'euros pour des locaux ne représente pas une priorité raisonnable.
Par ailleurs, l'aide au développement prévoit des crédits pour l'adaptation au changement climatique - 5 milliards au moment de la COP 21, si je ne me trompe pas. Il s'agit là d'un sujet majeur. Vous avez mentionné le financement d'1 milliard d'euros dans le cadre du Fonds vert ; comment cette somme s'articule-t-elle aux sommes destinées à l'adaptation ? Enfin, je partage l'idée selon laquelle le politique devrait guider l'affectation de l'aide, et cela semble important pour répondre à la question des inégalités territoriales face au dérèglement climatique.
M. Christian Bilhac . - Je suis perplexe. En effet, cette mission devrait emporter l'unanimité puisqu'elle touche au régalien pur, qu'elle porte les valeurs de notre pays et devrait nous permettre de répondre au premier des deux grands défis qui nous attendent : l'immigration qui ne va cesser d'augmenter et le déficit du commerce extérieur. Cependant, nous traversons une période de tension financière et l'argent public doit être dépensé de façon utile. Ces milliards sont-ils utilisés judicieusement ? Pourrait-on mieux distribuer ces crédits en accordant plus de place au politique et moins à l'administration ?
Enfin, quand ils arrivent à maturité, les prêts sont-ils tous transformés en subventions ou une partie est-elle remboursée ?
M. Gérard Longuet . - Les chefs d'entreprises français, industriels en particulier, qui réalisent des équipements d'infrastructure dont ont besoin les pays qui sont nos partenaires dans le cadre de l'AFD, aimeraient eux aussi avoir un interlocuteur politique. En effet, l'AFD ne semble pas se préoccuper du soutien à l'industrie française d'exportation. Les industriels s'entendent dire qu'il s'agit de financements mixtes internationaux et qu'il y a des règles d'appels d'offres. Néanmoins, tous les pays européens, dont le Royaume-Uni par exemple, mais aussi la Belgique, soutiennent leurs industries dans le cadre des projets de coopération pour la réalisation d'infrastructures de développement. À ce titre, l'expertise mondialement reconnue de la ville universitaire de Nancy en matière d'eau, n'a jamais été utilisée par l'AFD. J'avais pourtant cru comprendre que l'eau était un préalable au développement...
M. Jean-Claude Requier , rapporteur spécial . - D'abord, en ce qui concerne la trajectoire, la loi de programmation du 4 août prévoyait d'atteindre 0,55 % du RNB en 2022 et nous sommes déjà en retard. Parvenir à l'objectif de 0,7 % supposerait d'augmenter l'aide publique de 10 milliards d'euros supplémentaires, ce qui n'est pas au goût du jour.
Ensuite, pour répondre à Roger Karoutchi, je voudrais dire qu'il y a bien une secrétaire d'État au développement international et que nous avons rencontré son cabinet.
J'en viens aux prêts, qui sont concédés à des taux préférentiels et sont assez largement remboursés, sauf quand les États font faillite.
Quant à la Chine, elle n'est pas comptabilisée parmi les principaux donateurs, car son aide est souvent liée alors que l'aide publique au développement est par principe déliée. En outre, elle ne fait pas partie de la liste des pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE qui comptabilise l'effort réalisé en aide au développement.
Pour répondre à Marc Laménie, la mission comporte 1 462 ETP, qui sont répartis entre le MAE et Bercy. Quant à l'AFD, elle emploie 2 700 agents.
Enfin, l'aide attribuée par les collectivités locales représente 145 millions euros en coopération décentralisée.
M. Michel Canévet , rapporteur spécial . - Certains ont évoqué le coût très élevé du siège de l'AFD. La décision de réaliser l'opération a été prise en février 2020 et les travaux devaient s'achever en 2025. Par ailleurs, le sujet est aujourd'hui purgé de tout recours et l'opération aura donc bien lieu, dans le quartier d'Austerlitz. Sur les 50 000 mètres carrés prévus, 30 000 seront dédiés à l'AFD et nous ignorons à quoi servira la surface restante, ce qui constitue un sujet de préoccupation. Nous suivons ce dossier de près.
En ce qui concerne les prêts et subventions, l'essentiel de l'action internationale de la France prenait jusqu'à présent la forme de prêts, ce qui a conduit au développement considérable du budget de l'AFD et posé des problèmes de capitalisation. La loi de programmation du 4 août 2021 prévoit une réorientation et une hausse de la part des subventions. Par ailleurs, la décision a été prise de contingenter la capacité d'intervention de l'AFD en termes de prêts à 12 milliards d'euros, mettant ainsi un frein pour éviter de possibles dérapages.
Dominique de Legge a évoqué le lien entre les pays aidés et les ressortissants candidats à l'accueil. Beaucoup reste à faire en la matière. Quand la France intervient à l'étranger, elle offre un accompagnement pour faire face aux situations d'urgence, notamment en matière de sécurité alimentaire. Nous devons vérifier que les choses se passent correctement sur ce plan.
Nous avons évoqué la question des entreprises françaises avec l'ensemble de nos interlocuteurs...
M. Jean-Claude Requier , rapporteur spécial . - ... nous avons même reçu des entreprises qui nous ont fait part de leurs récriminations.
M. Michel Canévet , rapporteur spécial . - Pour rappel, l'aide au développement doit être déliée, c'est la philosophie de l'OCDE. Cependant, nous ne pouvons pas être les ennemis de nos propres intérêts et nous devons nous montrer attentifs à ce que l'aide ne serve pas à remplir les poches des dirigeants ou des intermédiaires, mais aussi à ce que les entreprises françaises y trouvent leur intérêt. Au sein de l'AFD, la filiale Proparco a vocation à accompagner les entreprises françaises dans les actions de développement à l'étranger. Cependant, il reste beaucoup à faire pour que les intérêts français soient mieux préservés dans les opérations financées, comme cela se passe dans nombre de pays.
Par ailleurs, en matière de gouvernance, je rappelle que deux sénateurs siègent au conseil d'administration de l'AFD - il manque d'ailleurs deux suppléants, qui n'ont pas encore été nommés par le Sénat. Selon nos interlocuteurs, le conseil d'administration, qui a récemment changé de présidence, travaille sérieusement.
En outre, la recapitalisation prévue en 2023 concerne en réalité la transformation d'une créance en prise de participation. C'est entièrement neutre pour l'État en comptabilité nationale puisque la contrepartie des crédits engagés est la détention d'une participation au capital de l'AFD. À plus long terme, la question du renforcement des fonds propres pourrait être posée puisque que l'AFD intervient dans des pays considérés comme étant à très haut risque. En effet, les normes prudentielles pour intervenir dans ces pays requièrent la présence de fonds propres significatifs. Ces opérations sont donc liées à l'essence même de l'activité de l'Agence.
En ce qui concerne les effectifs, je voudrais préciser qu'une partie des 2 700 employés se trouvent au siège à Paris, mais que l'AFD compte aussi 90 implantations à travers le monde. La loi du 4 août 2021, ayant pour objectif de rationaliser la coordination des différents intervenants à l'étranger, elle a prévu la mise en place des conseils locaux de développement, qui se déroule plutôt bien, afin que l'action de la France soit unifiée.
Quant au retour sur les aides, évoqué par Sébastien Meurant, il faudrait qu'il advienne.
J'en viens au montant d'1 milliard d'euros dédié au fonds vert et confirme, Daniel Breuiller, qu'il est bien amplifié par d'autres actions. La doctrine d'intervention de l'AFD rend nécessaire le respect des accords de Paris. Ainsi, les projets choisis doivent être compatibles à 100 % avec les cibles fixées en matière de santé, d'égalité hommes-femmes et d'environnement. Les membres du conseil d'administration veillent bien à ce respect.
Je voudrais enfin dire à Christian Bilhac que nous ne sommes pas tout à fait dans le régalien pur... En effet, les collectivités territoriales interviennent aussi à hauteur de 145 millions d'euros.
M. Jean-Claude Requier , rapporteur spécial . - Je voudrais préciser que pendant longtemps les rapporteurs spéciaux de la commission des finances siégeaient au conseil d'administration de l'AFD. Cela a été modifié pour que nous ne soyons pas juges et parties.
M. Michel Canévet , rapporteur spécial . - Une dernière précision quant aux pays pour lesquels le remboursement de la dette est problématique. En Argentine, au Sri Lanka, au Pakistan, en Zambie et au Tchad, des questions se posent sur la situation d'enlèvement et des remises de dette seront sans doute à prévoir. Cela se fera dans le cadre des accords de Paris et non pas de façon unilatérale.
Notre avis sur les crédits est favorable.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je m'abstiendrai.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ainsi que ceux du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Réunie le 9 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». Les rapporteurs spéciaux, MM. Michel Canévet et Jean-Claude Requier, proposent d'adopter un amendement de crédits sur la mission.
M. Michel Canévet , rapporteur spécial . - Dans le but de faire des économies, et compte tenu de l'augmentation des moyens dévolus à l'aide publique au développement, l'amendement n ° II-4 prévoit de minorer les crédits de la mission à hauteur de 200 millions d'euros : 100 millions d'euros prélevés sur les crédits de l'aide-projet, ce qui les maintiendraient tout de même à un niveau de 970 millions ; et 100 millions d'euros sur des crédits mis en réserve pour faire face à des crises majeures, sachant qu'il reste encore 170 millions supplémentaires par rapport à ce qui existait antérieurement.
L'amendement n° II-4 a été adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », sous réserve de l'adoption de son amendement, et d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».