Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Jean Pierre VOGEL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

Disponible au format PDF (723 Koctets)

Synthèse du rapport (213 Koctets)


N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 29b

SÉCURITÉS

(Programme 161 « Sécurité civile »)

Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

I. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS QUI NE TÉMOIGNE TOUTEFOIS PAS D'UNE ÉVOLUTION SUBSTANTIELLE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ CIVILE

A. UNE AUGMENTATION QUI S'EXPLIQUE ESSENTIELLEMENT PAR UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE ET LE RENOUVELLEMENT DU MARCHÉ DE MAINTENANCE DES AÉRONEFS

Pour 2022, la dotation du programme 161 « Sécurité civile » s'élève à 678,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), et à 568,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , contre respectivement 413,4 et 518,7 millions d'euros en LFI 2021.

Évolution des crédits de paiement du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2021 (LFI)

CP 2021 (LFI)

AE 2022 (PLF)

CP 2022 (PLF)

Variation AE 2022/2021

Variation CP 2022/2021

11 - Prévention et gestion de crises

34,599

35,625

35,484

37,727

2,6 %

5,9 %

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

237,468

341,366

490,934

378,425

106,7 %

10,9 %

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

130,552

130,959

140,851

141, 255

7,9 %

7,9 %

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

10,821

10,821

11,223

11,223

3,7 %

3,7 %

Total

413,440

518,771

678,492

568,63

64,1 %

9,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaire)

Les CP augmentent principalement en raison de la réintégration de 39,5 millions d'euros de dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO) de la flotte d'aéronefs de la sécurité civile et des sirènes du système d'alerte et d'information des populations (SAIP) en provenance de la mission « Plan de relance ».

L'augmentation des AE résulte en grande partie du renouvellement pour 5 années du marché de MCO de la flotte d'avions , pour un montant total de 184 millions d'euros .

Évolution des crédits de paiement entre 2016 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

B. UN MANQUE DE LISIBILITÉ DES CRÉDITS RÉSULTANT DE LEUR DISPERSION AU SEIN DE MULTIPLES PROGRAMMES

L'année 2022 est à nouveau marquée par un manque de lisibilité de l'effort financier consacré à la sécurité civile, résultant de la dispersion des crédits de la mission au sein de 10 programmes différents.

En effet, le programme 161 ne concentre en 2022 que 43,8 % des crédits consacrés à la sécurité civile dans le PLF.

Crédits de paiement

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI+LFR 2020

LFI 2021

PLF 2022

Programme 161

433,2

448,6

507,7

515,1

537,1

519,5

546,9

520,4

568,6

Montant consolidé - tous programmes confondus

883,9

894,4

946,5

979,5

1024,3

975,1

1013,2

1196,9

1297

Part du programme 161

49 %

50,2 %

53,6 %

52,6 %

52,4 %

53,3 %

54 %

43,5 %

43,8 %

Évolution des crédits affectés à la sécurité civile

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents de politique transversale relatifs à la sécurité civile)

II. UN NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE L'ENGAGEMENT DE L'ÉTAT FACE AUX BESOINS DES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE ET À LA MULTIPLICATION DES RISQUES DE CRISES

A. UN ACCOMPAGNEMENT DES SERVICES DÉPARTEMENTAUX D'INCENDIE ET DE SECOURS RENFORCÉ PAR LA LOI MAIS QUI DOIT ENCORE ETRE INTENSIFIÉ

Le financement de la sécurité civile repose en grande partie sur les dépenses locales. En effet, le budget consolidé des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), financés par les collectivités territoriales, s'est élevé à 5,16 milliards d'euros pour 2020 .

Le soutien de l'État en faveur des SIS demeure modeste en 2022 et se traduit essentiellement par la dotation de soutien aux investissements des SIS (DSIS²), stabilisée à 7 millions d'euros, et fléchée vers le projet NexSIS 18-112 de mutualisation des systèmes d'information des SIS.

Les moyens humains dont dispose l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) en charge du déploiement de NexSIS ont été stabilisés en 2022 à 12 ETPT sous plafond . Le rapporteur spécial regrette cet état de fait, dans la mesure où les moyens actuels de l'ANSC ne lui permettront pas de répondre la sollicitation croissante dont elle fera l'objet dans le cadre du déploiement à venir de NexSIS.

Par ailleurs, la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels adoptée le 26 octobre dernier par le Sénat prévoit l'expérimentation pour une durée de 2 ans d'un numéro unique d'appel d'urgence , auquel les SDIS seront largement associés, avant une possible généralisation sur l'ensemble du territoire. Ce dispositif ne fait l'objet d'aucune ouverture de crédit au titre de l'année 2022, ce qui peut s'expliquer par l'adoption récente du texte.

Cette stabilité de l'engagement de l'État à l'égard des SDIS en inadéquation avec les ambitions qui caractérisent aujourd'hui la politique de sécurité civile, illustrées par les apports de la loi précitée. À cet égard, le rapporteur spécial souligne la nécessité d'élargir à la fois le montant et le périmètre de la DSIS², afin que les SDIS, et notamment ceux prenant part à l'expérimentation, puissent disposer de leviers de financement en adéquation avec les ambitions de la sécurité civile.

B. UN RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE AÉRIENNE QUI DEVRAIT BÉNÉFICIER D'UN SOUTIEN EUROPÉEN

La flotte aérienne de la sécurité civile est composée de 33 hélicoptères EC145, 12 Canadair CL415, 5 avions Dash, 3 avions Beechcraft. Cette flotte est complétée depuis 2020 par la location de deux hélicoptères EC225 bombardiers d'eau depuis l'arrêt des avions Trackers.

La multiplication des risques de feux de forêt provoquée par le réchauffement climatique, ainsi que la dynamique de vieillissement des appareils entrainant une moindre disponibilité de ces derniers, plaident pour un renouvellement immédiat de la flotte aérienne de la sécurité civile.

Composition de la flotte aérienne de la sécurité civile

Type de véhicule

Quantité

Vieillissement moyen

Hélicoptères « Dragons » EC145

33

16 ans

Avions CL 415

12

24 ans et 6 mois

Avions Dash 8

5

21 ans pour les MR et 2 ans pour les MRBet encore en cours de livraison

Avions Beechcraft King 200

3

37 ans et 9 mois

Source : DGSCGC

Ce renouvellement a déjà été initié par la DGSCGC, comme l'illustre la commande de 6 avions Dash, dont la livraison est étalée entre 2019 et 2023 . L'année 2022 devrait ainsi être marquée par la livraison d'un nouvel avion multi-rôle.

Échéancier actualisé d'acquisition d'avions Dash Q 400 multi-rôles

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

6

Livraison

1

1

2

1

1

6

AE

-

322,06

1,62

2,33

6,72

15,81

14,74

363,28

CP

-

34,35

64,17

66,09

79,29

66,2

53,18

363,28

Source : réponses au questionnaire budgétaire

La DGSCGC a en outre acté en 2020 la commande de 2 hélicoptères H 145-D3 livrables fin 2021, assortie d'une option d'achat de 2 autres appareils. Le président de la République a annoncé, dans le cadre de son intervention au congrès des sapeurs-pompiers le 16 octobre dernier, la levée de cette option . Le second PLFR pour 2021 prévoit à cet égard une ouverture de 28,7 millions d'euros et AE et 24,7 millions d'euros en CP.

Le ministère de l'intérieur est en voie d'exploiter les possibilités de cofinancement de l'Union européenne , dans le cadre du dispositif RescEU, afin de se porter acquéreur de deux avions amphibies de type Canadair . La concrétisation de cette commande est toutefois suspendue au lancement de la production par le fabricant Viking , qui attend de nouvelles commandes pour mettre en place les chaînes de fabrication. La présidence française de l'UE du premier semestre 2022 devra être l'occasion de mener un travail de conviction auprès de nos partenaires européens sur l'opportunité de cette commande mutualisée.

Enfin, l'acquisition d'un hélicoptère lourd de type H225 est toujours envisagée par la France, en lien avec l'Allemagne, toujours dans le cadre du dispositif de RescEU.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 89,9 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial.

ANALYSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ CIVILE »

1. Une augmentation des crédits résultant principalement d'une mesure de périmètre et du renouvellement du marché de maintenance des aéronefs

La dotation inscrite en PLF pour 2022 s'élève à 678,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 568,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , contre respectivement 413,4 et 518,7 millions d'euros ouverts en LFI 2021.

Évolution des crédits de paiement du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2021 (LFI)

CP 2021 (LFI)

AE 2022 (PLF)

CP 2022 (PLF)

Variation AE 2022/2021

Variation CP 2022/2021

11 - Prévention et gestion de crises

34,599

35,625

35,484

37,727

2,6 %

5,9 %

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

237,468

341,366

490,934

378,425

106,7 %

10,9 %

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

130,552

130,959

140,851

141,255

7,9 %

7,9 %

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

10,821

10,821

11,223

11,223

3,7 %

3,7 %

Total

413,440

518,771

678,492

568,63

64,1 %

9,6 %

Source : documents budgétaires

Les mesures de transfert pour le PLF 2022 indiquées dans le projet annuel de performance (PAP) sont marginales . Aucun transfert n'est ainsi prévu en titre 2, tandis que les dépenses hors titre 2 seront affectées par un transfert global de +396 540 euros en AE et en CP, se traduisant notamment par la réintégration au sein des moyens nationaux de sécurité civile des 450 000 euros de dépenses de matériel et de radio, transférées dans le PLF 2020 au programme 216.

Il est toutefois surprenant que la réintégration au programme 161 des dépenses de maintenance des aéronefs et des sirènes d'alerte en provenance de la mission « Plan de relance », pour un montant total de 39,5 millions d'euros, dont l'impact sur le périmètre du programme est significatif, n'ait pas été identifiée dans le PAP comme une mesure de transfert.

a) Une augmentation des crédits de paiement qui s'explique en grande partie par une mesure de périmètre

L'augmentation du montant des CP de 50 millions (+ 9,6 %) entre la LFI 2021 et la programmation budgétaire pour 2022 est principalement portée par la hausse des dépenses de fonctionnement.

Celles-ci s'élèvent en effet à 154,5 millions contre 105,2 millions en 2021 . Cette augmentation des dépenses du titre 3 de 46,7 % est principalement portée par la réintégration au sein du programme 161 de 39,5 millions d'euros de crédits affectés en 2021 à la mission « Plan de relance ». Ces crédits regroupent 37,3 millions de CP de maintien en condition opérationnelle (MCO) de la flotte d'avions, ainsi que 2,2 millions d'euros correspondant au MCO des sirènes du système d'alerte et d'information des populations (SAIP ). Cette hausse des CP doit donc être nuancée dans la mesure où elle résulte majoritairement d'une mesure de périmètre et non d'une réelle augmentation des dépenses.

La hausse des dépenses de fonctionnement est également portée par le paiement d'une avance dans le cadre du renouvellement du marché de MCO d'avions avec le constructeur Sabena Technics , pour un montant estimé à 5,186 millions d'euros de CP . Ces dépenses de maintenance connaissent par ailleurs une tendance naturelle à la hausse , en raison du vieillissement de la flotte aérienne, mais aussi, de l'intégration récente au sein de la flotte de nouveaux avions Dash 8.

La programmation pour 2022 est également marquée par une augmentation substantielle des dépenses d'intervention. Elle s'explique par la hausse de 9,4 millions des crédits accordés à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) , qui atteint un total de 96,2 millions d'euros .

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25% des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

« - Rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- Frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission (...) ;

- Dépenses du service d'instruction et de santé ;

- Entretien, réparation, acquisition et installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission. »

La hausse des crédits accordés à la BSPP au titre de l'année 2022 est donc due à un « rebasage » de cette subvention. Selon la DGSCGC, les modalités spécifiques d'interventions auxquelles la BSPP est confrontée ont en effet nécessité un plan de modernisation susceptible de générer une augmentation pérenne des coûts de fonctionnement de la brigade.

Évolution des crédits de paiement entre 2016 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

La baisse des dépenses d'investissement, qui sont passées de 105 millions d'euros de CP en LFI 2021 à 95,6 millions d'euros de CP en 2022 , s'explique essentiellement par l'avancée de l'exécution de la commande de 6 nouveaux avions Dash 8 Q 400 MR, amorcée en 2018. Cette commande avait nécessité l'utilisation de 80,5 millions d'euros de CP en 2021 pour le paiement du solde des troisième et quatrième Dash, ainsi que l'acompte du cinquième, qui sera livré en 2022. La poursuite de cette commande d'avions nécessite l'engagement de 66,2 millions d'euros de CP dans la programmation budgétaire pour 2022.

Échéancier actualisé d'acquisition d'avions Dash Q 400 multi-rôles

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

6

Livraison

1

1

2 1 ( * )

1

1

6

AE

-

322,06

1,62

2,33

6,72

15,81

14,74

363,28

CP

-

34,35

64,17

66,09

79,29

66,2

53,18

363,28

Source : réponses au questionnaire budgétaire

b) La hausse des autorisations d'engagement est portée par la reconduction des marchés de MCO

La hausse de plus de 297 % des AE s'explique en grande partie par la hausse des dépenses de fonctionnement de l'action 12 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux ».

Cette hausse s'explique par la reconduction pour 5 ans du principal marché de maintien en MCO des hélicoptères, pour un montant de 184,3 millions d'euros d'AE . Ce montant comprend notamment la prise en compte future, par voie d'avenant, de la livraison des 7 ème et 8 ème Dash 8 multi-rôles.

Par ailleurs, les AE associées aux dépenses de MCO des avions ont été réintégrées depuis la mission « Plan de relance » vers le programme 161, pour un montant de 37,3 millions d'euros .

L'augmentation des AE est également portée, dans une moindre mesure, par l'augmentation des dépenses d'investissement résultant de l'affermissement de la deuxième tranche conditionnelle du marché de modernisation de l'avionique des hélicoptères EC145, pour un montant estimé à 8,4 millions d'euros .

Évolution des autorisations d'engagement entre 2016 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

2. Une relative stabilité des dépenses de personnel

Les dépenses de personnel pour l'année 2022 devraient légèrement augmenter, pour être portées à hauteur de 190,4 millions d'euros, contre 189,4 millions d'euros en 2021 (+ 0,52 %).

Évolution des dépenses de personnel entre 2021 et 2022

(en euros)

(en euros) Crédits de titre 2

2021 - LFI

2022 - PLF

dont CAS Pensions

53 769 517

53 729 654

Total hors CAS pensions

135 637 656

136 663 251

Total titre 2

189 407 173

190 392 905

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Hors contribution au CAS « Pensions », la hausse des dépenses de titre 2 s'élève à 1 million de CP, et s'explique d'une part par une évolution des principales données de construction de la budgétisation (coûts moyens, taux de GVT et mesures catégorielles) et d'autre part par les mesures nouvelles de l'année 2021. En effet, certaines mesures non-identifiées lors de la LFI 2021 sont venues impacter à la hausse la budgétisation :

- plusieurs indemnisations des heures supplémentaires des personnels police en 2020 et 2021 ;

- la mise en oeuvre de la nouvelle politique de rémunération des personnels militaires dès 2021 ;

- la révision de la grille indiciaire des personnels navigants contractuels du groupement hélicoptères et du groupement avions de la sécurité civile en 2022 ;

- le financement de la protection sociale complémentaire en 2022.

Il convient par ailleurs de noter que le schéma d'emplois est resté stable en 2022.

3. Un manque de lisibilité de l'effort financier consacré à la sécurité civile, résultant de la dispersion des crédits au sein de multiples programmes
a) Pour la deuxième année consécutive, le programme 161 ne contribue que minoritairement aux dépenses bénéficiant à la sécurité civile

En raison de son caractère interministériel, la politique de sécurité civile fait l'objet d'un document de politique transversale , annexé chaque année au projet de loi de finances, et retrace l'ensemble des crédits nationaux qui y sont dévolus. S'il permet d'en avoir une visibilité globale, il consiste surtout en une agrégation des crédits de chaque action liée à la sécurité civile, qui ne rend donc pas compte d'une mise en oeuvre « réelle » d'une politique publique coordonnée au niveau interministériel.

Ainsi, dix autres programmes contribuent à la politique publique de sécurité civile, pour un montant total de près d'1,3 milliard d'euros en 2022 . Pour la deuxième année consécutive, les crédits du programme 161 représentent moins de la moitié des dépenses consacrées à la politique de sécurité civile, bien que leur part augmente légèrement par rapport à 2021, à hauteur de 43,8 %.

Évolution des crédits affectés à la sécurité civile

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI+LFR 2020

LFI 2021

PLF 2022

Programme 161

433,2

448,6

507,7

515,1

537,1

519,5

546,9

520,4

568,6

Montant consolidé - tous programmes confondus

883,9

894,4

946,5

979,5

1 024,3

975,1

1 013,2

1 196,9

1 297

Part du programme 161

49 %

50,2 %

53,6 %

52,6 %

52,4 %

53,3 %

54 %

43,5 %

43,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents de politique transversale relatifs à la sécurité civile)

b) Un manque de lisibilité des crédits affectés à la sécurité civile, malgré une réintégration bienvenue de certaines dépenses en provenance de la mission « Plan de relance » vers leur programme d'origine

Il convient toutefois de saluer le fait que, conformément à la recommandation formulée par le rapporteur spécial dans le cadre des discussions sur le PLF 2021, le document de politique transversale fait cette année mention des crédits inscrits dans la mission « Plan de relance ».

Cette mission, qui consacrait en LFI 2021 près de 37,5 millions d'euros à la politique de sécurité civile, n'y contribuera plus qu'à hauteur de 9,5 millions d'euros en 2022 selon le document de politique transversale . Cela s'explique en grande partie par la réintégration de plusieurs dépenses au sein de leur programme d'origine, telles que les MCO d'avions et des sirènes du SAIP, réintégrées au programme 161. L'imputation de ces crédits au plan de relance en 2021 avait suscité le scepticisme du rapporteur spécial, dans la mesure où les MCO, considérées comme des dépenses de fonctionnement et non d'investissement, ne s'inscrivent pas dans une démarche de relance de l'économie.

Les réponses au questionnaire budgétaire, ainsi que le projet annuel de performance (PAP) de la mission « Plan de relance », permettent d'identifier ces crédits. Environ 3,96 millions sont imputés au programme 362 « Écologie », pour financer la rénovation énergétique de certains bâtiments de la DGSCS et verdir son parc automobile. Selon le document de politique transversale, le programme 363 « compétitivité » contribue également à hauteur de 5,9 millions d'euros de CP à la politique de sécurité civile pour financer la mise en oeuvre du dispositif FR-Alert (anciennement 112 inversé) et le paiement des restes à payer pour des hélicoptères de type H145-D3 commandés en 2020.

La dispersion des informations entre le PAP du programme 161, le document de politique transversale de la sécurité civile et le PAP de la mission « plan de relance » peut nuire à la lisibilité des crédits alloués à la sécurité civile, voire aboutir à certaines incohérences. À titre d'exemple, si le document de politique transversale indique que le programme 363 contribue à hauteur de 5,9 millions d'euros à la politique de sécurité civile, le PAP de la mission « Plan de relance » indique que ce même programme finance à hauteur de 8 millions d'euros le projet FR-Alert, nouveau système d'alerte mobile de la sécurité civile.

LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »

A. UN SOUTIEN MODESTE DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE

1. Un soutien de l'État à l'égard des SDIS qui demeure marginal, mais des évolutions législatives qui permettront une meilleure couverture de leurs charges

Le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. En effet, le budget consolidé des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) , financés par les collectivités territoriales, s'est élevé à 5,16 milliards d'euros pour l'année 2020 , soit près de dix fois les crédits du programme 161 « Sécurité civile ». Les contributions des départements versées au SDIS demeurent prépondérantes (58 %) dans ce budget.

Le soutien financier de l'État pour les SDIS reste marginal en 2022, après la réduction importante la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours (DSIS²), depuis 2017. Ainsi en 2022, les 7 millions d'euros de la DSIS² iront exclusivement au bénéfice du système « NexSIS 18-112 ». Ce projet, lancé en avril 2017, consiste à déployer un système d'information et de commandement unifié par l'ensemble des SDIS (voir infra ).

Si 2020 a été marquée par une relative stabilité des dépenses des SDIS (+ 30 millions d'euros, soit + 0,6 %), après l`augmentation significative en 2019 (+ 3,2 % par rapport à 2018), cette période, marquée par la crise sanitaire, ne peut constituer une année de référence. Ce ralentissement de l'augmentation des dépenses doit en effet être analysé à la lumière de l'évolution de la pression opérationnelle pesant sur les SDIS. Ainsi, l'année 2020 est marquée par une baisse de mobilisation, le nombre d'interventions des SDIS ayant été réduit de 11 % par rapport à 2019.

Évolution du nombre d'interventions des SDIS de 2010 à 2020

Source : recueil des statistiques des SDIS, édition 2021

Toutefois, malgré cette diminution des interventions par rapport à 2019, la mobilisation des SDIS demeure élevée, notamment en matière de secours d'urgence aux personnes (SUAP) qui représente aujourd'hui 84,2 % des 4,3 millions d'interventions effectuées en 2020 .

Les revendications exprimées ces dernières années par les sapeurs-pompiers en contrepartie de cet engagement opérationnel ont été en partie satisfaites par les évolutions législatives et réglementaires récentes. C'est notamment le cas de la revalorisation de l'indemnité de feu décrétée par le ministre de l'intérieur à l'été 2020 2 ( * ) . Les SDIS avaient obtenu, dans le cadre des discussions sur le PLFSS 2021, une compensation de cette augmentation de charges à travers la suppression de la sur-cotisation employeur versée à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRAL). La suppression de la part salariale de cette sur-cotisation a également été introduite dans le cadre du PLFSS 2022.

En outre, le président de la République, dans le cadre de son intervention au congrès des sapeurs-pompiers à Marseille le 16 octobre dernier, a annoncé une revalorisation de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) à destination des sapeurs-pompiers volontaires , dont le montant fera l'objet prochainement de discussion entre les deux co-financeurs à parité que sont l'État et les départements.

La question du remboursement des frais d'interventions réalisées par les sapeurs-pompiers en cas de carence ambulancière a également été traitée récemment par le législateur dans le cadre de l'adoption de la proposition de loi dite « Matras » 3 ( * ) , dans la perspective d'un meilleur remboursement des charges des SDIS.

Les carences ambulancières recouvrent les cas où, à la demande des SAMU, les SDIS réalisent des transports sanitaires pour pallier l'absence d'autres moyens, dont ceux des ambulanciers privés. Ces carences sont dénoncées par les acteurs de la sécurité civile car, d'une part, la qualification d'une mission en carence relève principalement de l'appréciation du médecin régulateur du SAMU et, d'autre part, le montant de l'indemnisation des SDIS, revalorisé chaque année, s'élève à 124 euros par carence alors que le coût moyen qu'ils supportent est estimé entre 450 et 500 euros, tandis que ces créances sont parfois difficilement recouvrées.

En effet, la Cour des comptes rappelait dans un rapport de 2019 que « selon plusieurs SDIS, le forfait de remboursement ne couvrirait pas les charges réellement supportées » 4 ( * ) . Ainsi 79 SIS ont déclaré fin mai 2020 avoir perçu 26 250 972 euros sur les 35 182 806 euros facturés aux centres hospitaliers au titre des carences faites en 2019.

Il a par ailleurs été constaté une augmentation continue des indisponibilités des transporteurs sanitaires privés ces dernières années.

Nombre d'interventions pour carence du transport sanitaire entre 2012 et 2020

Source : réponses au questionnaire budgétaire, d'après Infosdis

Le développement de ces carences ajouté à leur mauvais remboursement conduit à un transfert de charges, de fait, entre l'État qui finance les SAMU et les collectivités, au premier rang desquelles les départements, qui financent les SDIS .

C'est pourquoi la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, adoptée le 26 octobre dernier au Sénat, prévoit notamment une définition précise de la notion de la carence ambulancière, qui permettre d'obtenir in fine un meilleur remboursement de ces déplacements au bénéfice des SDIS.

La loi précitée prévoit également la possibilité d'une requalification de ces carences a posteriori , à la demande des SDIS . Il acte également la création d'une commission de conciliation paritaire pour gérer les désaccords entre SAMU et SDIS sur ces requalifications.

Le président de la République a par ailleurs annoncé, dans le cadre de son intervention au congrès des sapeurs-pompiers, une revalorisation du montant de l'indemnisation des carences, qui devrait ainsi prochainement être portée à hauteur de 200 euros par voie réglementaire.

2. Un soutien essentiellement orienté vers le programme NexSIS, dont le déploiement nécessitera toutefois de nouveaux moyens

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS. Sa conception, son déploiement et sa maintenance sont assurées par l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC ), créée en 2018, et dont la tutelle est assurée conjointement par la direction du numérique et par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur. L'ANSC est financée par la dotation de soutien aux investissements structurants des SIS (DSIS²) du programme 161.

a) Une année 2021 perturbée, qui ne remet toutefois pas en cause la poursuite du projet à court terme

Le déploiement de NexSIS a été perturbé en 2021 par la persistance de la crise sanitaire , qui a impliqué de nombreuses contraintes (ralentissement des développements par des personnels travaillant en télétravail, des retards de livraison des équipements techniques dus à des contraintes d'approvisionnement...) qui ont conduit l'ANSC à réévaluer, en concertation avec les SIS pilotes, le calendrier.

L'ANSC est toutefois en ordre de marche pour assurer dès la fin 2021 la mise à disposition d'une version de NexSIS 18-112 au SDIS préfigurateur, ainsi qu'aux 6 SDIS pilotes. Selon les réponses aux questionnaires budgétaires, l'ANSC devrait également être en capacité, à fin 2022 :

- de finaliser la mise à disposition de NexSIS dans 10 à 12 SIS ;

- de réaliser la migration vers NexSIS au sein de 6 SIS par une version répondant aux exigences fonctionnelles et techniques et leur permettant de disposer d'un outil capable de traiter de manière opérationnelle les demandes d'assistance.

L'introduction d'un indicateur de performance spécifique, conformément à
la recommandation du rapporteur spécial

Le projet annuel de performance annexé au PLF pour 2022 prévoit pour la première fois un indicateur spécialement dédié au suivi du développement du projet NexSIS. Cet indicateur rend compte du taux de déploiement de NexSIS à travers le territoire. Il s'appuie sur une prévision de 6,06 % en 2022 et une cible de 17,17 % pour 2023. Le rapporteur spécial se félicite de l'introduction d'un indicateur spécifique, tel qu'il l'avait recommandé dans son rapport d'information de juin dernier sur NexSIS 18-112 5 ( * ) .

Néanmoins, cet indicateur ne semble aujourd'hui pas le plus approprié pour rendre compte de l'efficacité de l'action de l'ANSC , dans la mesure où le projet, dont la phase de déploiement généralisée n'a pas encore été engagée, ne saurait être jugé uniquement à l'aune du taux de déploiement de NexSIS. D'autres indicateurs prévus dans le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'agence 2019-2022, tel que le pourcentage de SDIS ayant formalisé un engagement avec l'agence, auraient pu s'avérer plus pertinents. Toutefois, si ce taux de déploiement ne sera pas significatif en 2022, il le sera à mesure de l'avancée du projet dans les années à venir.

Sources : projet annuel de performance et COP 2019-2022 de l'ANSC

b) Une stabilité des ressources allouées à l'ANSC, qui apparait incompatible avec la montée en puissance du projet

Le PLF pour 2022 prévoit, comme en 2021, une subvention de 7 millions d'euros pour l'ANSC destinée exclusivement au financement du programme NexSIS 18-112.

Par ailleurs, les SIS disposent de l'opportunité de participer au financement des travaux de mise en oeuvre de la solution NexSIS 18-112, en avance de phase via le versement de subventions d'investissement. Depuis le lancement du projet, plusieurs SIS ont choisi de contribuer au financement de NexSIS 18-112 par ce mécanisme.

Il ressort des auditions du rapporteur que certains coûts définis en amont du projet ait fait l'objet d'une sous-évaluation, certaines fonctionnalités initialement non prévues ayant finalement été jugées nécessaires au développement de l'outil NexSIS. Le coût global du projet a ainsi été réévalué à 239,6 millions d'euros, contre 237 millions d'euros précédemment , en raison notamment d'une hausse de l'enveloppe prévue sur le marché de télécommunications. Ces surcoûts ne se sont en tout cas pas traduits par une augmentation du soutien budgétaire accordé par l'État au projet, la DSIS² restant stable en 2022.

En outre, le plafond d'emplois de l'ANSC a été maintenu à 12 ETPT dans le PLF 2022 , malgré les demandes de moyens humains supplémentaires formulées par l'agence.

Cette stabilisation des moyens de l'ANSC est une source de préoccupation, dans la mesure où le déploiement effectif du programme à partir de 2022 nécessitera une mobilisation de l'agence pour fournir une assistance aux SDIS. L'ANSC sera en effet mobilisée pour assurer la fonction support du dispositif, qu'elle n'avait pas à prendre en charge dans la phase de conception de l'outil. Les moyens dont dispose l'ANSC ne lui permettent pas, à l'heure actuelle, d'assurer ces missions.

Il est envisagé, pour répondre à ces nouveaux besoins, de solliciter la mise à disposition d'ETPT par les SDIS prenant part au projet, afin d'éviter le recours à des externalisations potentiellement couteuses.

En tout état de cause, le rapporteur spécial sera vigilant à ce que les moyens de l'ANSC soient renforcés dans les programmations budgétaires à venir afin de répondre aux exigences qu'implique le déploiement du projet, conformément aux recommandations qu'il avait déjà formulées dans son rapport de juin 2021 sur le sujet 6 ( * ) .

3. L'expérimentation d'un numéro unique d'appel d'urgence : une association des SDIS au dispositif qui devra s'accompagner d'un soutien budgétaire accru

Depuis plusieurs années, les acteurs de la sécurité civile préconisaient de façon unanime un développement de plateformes communes d'appels d'urgence, adossées à un numéro unique pour la réception de ces appels. La loi dite « Matras », adoptée par le Sénat le 26 octobre 2021, prévoit l'expérimentation pour deux ans d'un numéro unique d'appel d'urgence pour 2 ans, et pourrait conduire à la généralisation d'une telle plateforme sur l'ensemble du territoire à l'issue de ce délai . Le président de la République, dans le cadre d'un discours prononcé au Congrès des Sapeurs-Pompiers de France le 16 octobre dernier, a par ailleurs mis en évidence le soutien de l'État envers cette initiative.

Plateformes communes et numéro unique : un objectif réaffirmé par le président de la République à l'occasion du dernier Congrès des sapeurs-pompiers

« Je crois que la loi (Matras) permet une avancée majeure en ce qu'elle permet d'avancer sur le chemin du pragmatisme, c'est-à-dire utiliser cette voie qui a fait l'unanimité, celle de l'expérimentation. Concrètement, seront mises en place dans une zone de défense - en quelque sorte une grande région qui correspond au commandement ainsi défini- dès l'année prochaine trois types de plateformes regroupant selon diverses modalités numéro d'urgence et permanence des soins. Temps de réponse, qualité d'accompagnement des usagers, prises en charge des victimes, prise d'un premier appel au titre du dé-bruitage et bascule vers une plateforme d'envoi des moyens : nous évaluerons méthodiquement au bout de deux ans quelle est la solution la plus efficace. Et donc, ce texte correspond totalement - et c'est le fruit de votre travail, donc je le complimente aisément parce que ça n'est pas le mien - mais il correspond à ce que je porte et ce en quoi je crois. »

Source : discours de clôture du 127ème Congrès national des Sapeurs-Pompiers de France, 16 octobre 2021, présidence de la République

L'article 31 de la loi précise que cette expérimentation doit permettre d'évaluer les bénéfices d'une colocalisation physique de l'ensemble des services d'incendie et de secours, de police et de gendarmeries nationales et d'aide médicale urgente sur un plateau commun. Elle permettra de tester, au niveau départemental , les configurations suivantes :

- un modèle rassemblant les SIS, les services de police et de gendarmerie nationales, les SAMU ;

- un modèle rassemblant les mêmes services hors 17 « police secours » ;

- un modèle testant le regroupement du 15 et de la permanence des soins et leur interconnexion avec les autres services d'urgence .

L'expérimentation sera mise en oeuvre dans une « zone de défense et de sécurité ». Le dispositif de la loi « Matras » prévoit également une gouvernance plurielle , l'expérimentation étant placée sous l'autorité conjointe du préfet de zone et du directeur général de l'ARS. Le dispositif réserve toutefois une place importante aux SDIS , dont les présidents de conseil d'administration définissent les conditions matérielles de mise en oeuvre, conjointement avec les présidents des conseils de surveillances des établissements de santé sièges d'un SAMU.

Il est également souhaitable que la participation des SDIS s'accompagne de moyens budgétaires leur permettant de réaliser les investissements nécessaires à la réussite de cette expérimentation. Il est à cet égard regrettable qu'aucun levier d'investissement autre que celui prévu pour NexSIS ne soit prévu dans les DSIS². Ce constat s'applique par ailleurs pour d'autres dispositifs prévus par la loi « Matras », dont la disposition prévoyant la généralisation du déploiement de caméras mobiles nécessiterait par exemple, selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, un soutien budgétaire à l'acquisition d'équipements de lutte contre les agressions.

Il serait dès lors souhaitable d'une part, d'augmenter le montant de cette dotation, dont le montant a été progressivement ramené de 20 millions en 2017 à 7 millions dès 2018, et d'autre part, d'en élargir le périmètre, la DSIS² étant aujourd'hui uniquement dédiée au financement de NexSIS. Ce renforcement de la DSIS² permettrait de favoriser la mise en adéquation des leviers d'investissements dont disposent les SDIS, avec les ambitions légitimes qui caractérisent aujourd'hui la politique de sécurité civile. L'annonce par le président de la République dans le cadre du congrès des sapeurs-pompiers de l'intégration d'un pilier « sécurité civile » dans une future loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure (LOPSI), constitue à cet égard une perspective intéressante, qui fera l'objet d'une attention particulière du rapporteur spécial .

Il est outre souhaitable que l'expérimentation puisse s'appuyer sur les outils existants permettant de répondre au cahier des charges de l'expérimentation afin de minimiser les coûts de développement du dispositif. L'ANSC a ainsi fait part de son souhait de voir l'outil NexSIS pleinement associé à cette expérimentation.

B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE

1. Le vieillissement de flotte aérienne est une source de préoccupation, dans un contexte d'intensification du risque de feux de forêt

La flotte aérienne de la sécurité civile est composée de 33 hélicoptères EC145 , 12 Canadair CL415, 5 avions Dash , 3 avions Beechcraft . Cette flotte est complétée depuis 2020 par la location de 2 hélicoptères EC225 bombardiers d'eau depuis l'arrêt des avions Trackers (voir infra ).

Composition de la flotte aérienne de la sécurité civile

Type de véhicule

Quantité

Vieillissement moyen

Avions CL 415

12

24 ans et 6 mois

Avions Tracker

0

64 ans, arrêt en 2020

Avions Dash 8

5

21 ans pour les MR et 2 ans pour les MRBet en cours de livraison

Avions Beechcraft King 200

3

37 ans et 9 mois

Hélicoptères EC145

33

16 ans

Source : DGSCGC

Le vieillissement de la flotte, et plus particulièrement des 12 avions amphibies Canadair CL-415, constitue un sérieux motif de préoccupation . Aucune limite de vie n'a été fixée par le constructeur pour ce modèle mais un retrait des plus anciens était envisagé à partir de 2025-2030. Le vieillissement de ces appareils complexifie les opérations de maintenance, et a pour conséquences la diminution de leur disponibilité et des surcoûts de MCO. La DGSCGC explique ainsi que le coût de la seule modernisation de la plus grande partie de l'avionique des Canadair est jugé prohibitif (environ 4 à 5 millions d'euros par avion, avec des indisponibilités longues), et ne changerait en rien le vieillissement de la structure même des appareils. Les problématiques d'obsolescence sont néanmoins traitées au cas par cas, mais les montants cumulés associés seront de très grande ampleur.

Le rapporteur spécial avait ainsi recommandé d'envisager le remplacement des Canadair CL-415 vieillissants, et à cet effet, d' « accélérer les négociations européennes en cours pour le lancement d'un appel d'offres commun de nouveaux bombardiers d'eau amphibies. 7 ( * ) » ( voir infra).

La problématique du vieillissement concerne également la flotte d'hélicoptère « Dragon » EC145 de la sécurité civile. Si ces appareils connaissent aujourd'hui un taux de disponibilité élevé (93 % en 2021), leur vieillissement pourrait, selon la DGSCGC, devenir un motif de préoccupation dans un contexte où la voilure tournante de la sécurité civile est amenée à être de plus en plus sollicitée. Il ressort en effet des auditions menées par le rapporteur spécial que, selon l'âge du véhicule concerné, la durée d'indisponibilité causée par une opération de maintenance peut être de 1 semaine à 2 mois.

Par ailleurs, l'inflation du marché de la maintenance pour ces véhicules doit également inciter la DGSCGC à renouveler sa flotte pour réduire les périodes d'indisponibilité des appareils et limiter les coûts de fonctionnements générés par les MCO.

Les marchés de MCO de la flotte aérienne de la sécurité civile

Le MCO des avions de la sécurité civile fait l'objet d'un marché avec la société Sabena Technics , conclu pour 7 ans avec une clause permettant de le prolonger pour une période complémentaire de 5 ans. La notification de la décision de reconduction du marché a été transmise en juillet 2021 et sera effective à compter du 1er octobre 2022, pour un montant total estimé à 184 ,72 millions d'euros en AE . Le montant de l'avance forfaitaire à verser au titulaire est estimé à 5,186 millions d'euros en CP pour 2022.

Le contrat définit, par période de l'année, le nombre et le type d'avions devant être disponibles pour tenir l'alerte et pour assurer le maintien des compétences des équipages . Il comporte un régime dit standard et un régime renforcé, en fonction des conditions météorologiques. L'objet de la prestation est la « mise à disposition d'heures de vol » en lieu et place de l'achat de prestations de maintenance aéronautique. Parmi les objectifs recherchés figure la maîtrise des risques financiers liés au MCO des avions dans un contexte où le secteur connaît une augmentation régulière des prix en raison de l'augmentation des exigences de sécurité et de sûreté, de situations monopolistiques, de la forte sensibilité au dollar ou encore des investissements de plus en plus importants des avionneurs et des équipementiers.

Au total, le montant des crédits affectés pour l'année 2022 à la MCO des avions s'élève à 199,658 millions d'euros en AE et 56,674 millions d'euros en CP .

Concernant le MCO de la flotte d'hélicoptères , l'année 2022 va être celle du renouvellement du marché de MCO de tous les moteurs d'hélicoptères de l'État français, toujours au profit de la société Safran helicopter engines (SHE) selon la procédure de gré à gré. Le marché sera notifié pour une durée de 10 années et portera le nom de marché « Saturne ».

Le montant total des MCO dédié en 2022 aux hélicoptères EC145 est de 50,71 millions d'euros en AE et 26 millions en CP .

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Le vieillissement de la flotte aérienne de la sécurité civile est d'autant plus préoccupant que les risques de feux de forêt devraient s'intensifier à l'avenir, dans un contexte marqué par le réchauffement climatique.

La saison des feux de 2021 qui ont frappé le sud de la France et qui ont particulièrement mobilisé la flotte aérienne de la sécurité civile, en est l'illustration, bien que celle-ci ait été relativement bien maîtrisée. Au 19 août 2021, l'estimation de la superficie totale brûlée était de 13 000 hectares . Les risques ont été particulièrement élevés, dans la zone sud, avec un épisode de canicule et un fort vent mi-août. Toute la flotte a été engagée sur le feu majeur (7 000 hectares, soit le feu le plus important depuis 1990) de Cogolin dans le Var du 16 au 19 août mais également sur des feux importants dans l'Aude, l'Hérault et le Vaucluse.

À titre de comparaison, pour l'année 2020, considérée également comme une année relativement bien maîtrisée, l'estimation de la superficie totale brûlée sur l'ensemble du territoire national était de 17 000 hectares brûlés. La majeure partie de ces superficies concernait la zone Sud et plus particulièrement les départements méditerranéens (7 000 hectares).

La DGSCGC a souligné le fait que cette moindre surface brûlée en 2021 est davantage due à la réactivité et l'efficacité de la flotte qu'à une saison des feux moins intense .

Par ailleurs, des réserves peuvent être émises quant au mode de comptabilisation de la superficie des surfaces brûlées. En effet, les feux de moins de 1 hectare de surface brûlée ne sont aujourd'hui pas pris en compte dans les estimations , alors que près de 95 % des feux sont maîtrisés à moins de 5 hectares.

2. Un nécessaire renforcement de la flotte, qui peut être favorisé par la perspective d'une commande européenne d'aéronefs
a) L'acquisition d'avions Dash multi-rôles, mobilisables pour différents types de crises, a constitué un avancée indéniable

L'année 2022 devrait être marquée par la poursuite de l'exécution de la commande de Dash. Ainsi un nouveau Dash devrait être livré et s'ajouter à ceux livrés depuis 2019 et aux 2 autres attendus pour 2021 8 ( * ) . Au terme de cette commande en 2023, la flotte d'avions de la Sécurité civile sera composée de 8 Dash, 12 Canadair CL 415 et 3 Beechcraft.

La commande de ces nouveaux avions a pour objectif de compenser l'arrêt des avions Trackers vieillissants, jusqu'alors employés dans la lutte contre les incendies de forêts, tout en élargissant les capacités opérationnelles de la flotte. Dans son rapport sur la lutte contre les feux de forêt, le rapporteur spécial avait en effet salué le choix stratégique d'un tel avion, dont le caractère multi-rôle lui permet d'être « mobilisé pour d'autres opérations, comme le transport de secours (jusqu'à 64 passagers), pour les périodes où le risque de feu est moindre. »

b) La flotte d'hélicoptères de la sécurité civile, aujourd'hui amputée de plusieurs appareils, est en cours de renouvellement

La flotte d'hélicoptères a été amputée de plusieurs appareils en raison d'incidents survenus ces dernières années. Le dernier accident, du 12 septembre 2021, a ramené la flotte à un nombre de 33 appareils opérationnels .

Ainsi, au-delà de l'enjeu du vieillissement nécessitant un renouvellement des appareils, la sécurité civile est aujourd'hui dans l'obligation de compléter sa flotte d'hélicoptères pour pouvoir mener à bien ses missions . La DGSCGC fait en effet état dans ses réponses au questionnaire budgétaire d'un besoin cible de 38 appareils , non seulement pour répondre à la pression opérationnelle, mais également pour garantir la formation des pilotes qui nécessite l'immobilisation de véhicules au sol . Il ressort des auditions du rapporteur spécial que ce besoin cible sera même plus élevé dans les années à venir, eu égard à la sollicitation croissante de la flotte.

Ce constat a motivé le commande en 2020 de deux hélicoptères H145-D3 , dans le cadre du plan de soutien à l'aéronautique, et dont la livraison est par ailleurs programmée à la fin de l'année 2021. Ces appareils, financés aujourd'hui exclusivement par le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance », font l'objet d'une inscription de 1,6 million d'euros de CP en 2022.

Ce marché d'acquisition d'hélicoptères était par ailleurs assorti d'une option de livraison de deux autres appareils , dans un délai de 18 mois. Le président de la République, dans le cadre de son intervention au congrès des sapeurs-pompiers , a annoncé que cette option serait activée . Le second PLFR pour 2021 prévoit à cet égard une ouverture de 28,7 millions d'euros et AE et 24,7 millions d'euros en CP.

En outre, la location d'hélicoptères EC 225 depuis 2020 a permis de compenser la perte des Trackers et de nourrir les réflexions sur le renouvellement de la flotte. Le ministère de l'intérieur pourrait être amené à acquérir en propre ce type d'aéronef, dans la lignée du plan de renouvellement de son parc d'hélicoptères.

L'emploi de ces aéronefs a été jugé très satisfaisant, tant par le ministère de l'intérieur que par les SDIS locaux. Dès lors, le PLF pour 2022 prévoit 6,05 millions d'euros en AE et CP pour ouvrir la passation d'un nouveau marché de location de ces hélicoptères , pour un montant quasiment égal à 2021.

A l'instar du Dash, ce type d'hélicoptères lourds est multi-rôles (bombardier d'eau et transport), et permet donc de participer à la lutte aérienne contre les feux de forêt. Une étude du ministère envisage ainsi l'acquisition de deux appareils valorisés à 36 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 8,5 millions d'euros par appareil pour le soutien initial de deux ans. Ces aéronefs pourraient aussi accomplir d'autres missions comme les secours lors des évènements météorologiques exceptionnels ou maritimes, le transport de blessés ou patients lors d'une crise majeure ou encore le transport des formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC).

Certes, ces hélicoptères ne pourraient pas participer aux missions de guet aérien armé (GAAr), mais permettent des interventions très ciblées et localisées, susceptibles de contrer les phénomènes de « sautes de flammes » par exemple.

Si aucun crédit correspondant à ce projet n'est retracé dans le PLF pour 2022, qu'il s'agisse du programme 161 ou du plan de relance, un plan d'acquisition à partir d'un cofinancement de l'Union européenne est néanmoins étudié par le ministère de l'intérieur (voir infra).

c) Une commande européenne d'aéronefs qui pourrait remédier aux problèmes posés par le vieillissement de la flotte

Un projet d'appel d'offres européen est en effet à l'étude afin de mutualiser la commande d'une vingtaine de Canadair , dans le cadre du Mécanisme de protection civile de l'Union (MPCU). Depuis sa réforme en 2019, ce mécanisme intègre un nouveau dispositif, RescEU, qui prévoit la possibilité d'un cofinancement européen d'une telle commande d'aéronefs.

La France sera préfiguratrice de cette nouvelle réserve et se portera acquéreur de deux avions bombardiers d'eau amphibies de type Canadair . Cette commande sera ainsi cofinancée par l'Union européenne, à hauteur de 90 % des coûts d'investissement et des coûts de fonctionnement, pour un montant total estimé aux alentours de 90 millions d'euros selon la DGSCGC. La livraison pourrait intervenir en 2025.

Si ces deux avions ont vocation à intégrer la réserve européenne, le fait que la France soit initiatrice de la commande lui permettra d'avoir la pleine propriété des aéronefs, qui pourront alors être engagés à des fins nationales. De plus, les spécificités techniques souhaitées pour ces avions sont exprimées par la DGSCGC, et devraient ainsi servir de modèle pour les autres pays européens.

Toutefois, le constructeur Viking attend de nouvelles commandes pour mettre en place les chaînes de fabrication. La nécessité d'une commande coordonnée au niveau européen apparait d'autant plus évidente pour encourager le constructeur à engager la production. La présidence française de l'UE du premier semestre 2022 devra être l'occasion de mener un travail de conviction auprès de nos partenaires européens sur l'opportunité de cette commande mutualisée.

Enfin, l'acquisition d'un hélicoptère lourd de type H225 est aussi envisagée par la France , en lien avec l'Allemagne, toujours dans le cadre du dispositif de RescEU. Cet aéronef pourrait alors être basé dans le nord-est du territoire français.

C. DES PROJETS DE NUMÉRISATION DES OUTILS DE LA SÉCURITÉ CIVILE NON SUPPORTÉS PAR LE PROGRAMME 161 MAIS DONT L'IMPORTANCE EST AVÉRÉE

1. La concrétisation du système d'alerte des populations par téléphone à travers le projet FR-Alert
a) Le SAIP : un projet qui envisageait initialement un vecteur d'alerte par téléphone, avant d'être abandonné en 2018

Initié en 2009 par le ministère de l'intérieur, le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) fait suite à la préconisation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 : « La France doit, tout d'abord, disposer d'un moyen d'information rapide de sa population. À ce titre, un réseau d'alerte performant et résistant sera mis en place, [...] pour utiliser au mieux la diversité des supports aujourd'hui possibles : sirènes, SMS, courriels, panneaux d'affichage public ... »

Dans son rapport d'information consacré au SAIP 9 ( * ) , le rapporteur spécial avait critiqué le choix contestable de faire des sirènes « le principal vecteur » du système d'alerte, au détriment du volet « mobile » , qui aurait davantage contribué à le moderniser. Ce dernier n'avait ainsi bénéficié que d'1,6 million d'euros entre 2016 et 2018 , afin de couvrir le déploiement de l'application SAIP. Cette dernière s'est avérée infructueuse et a été abandonnée.

Le rapporteur spécial préconisait néanmoins de réorienter ce volet mobile vers le déploiement du cell broadcast, une technologie permettant la diffusion d'une alerte claire et immédiate par SMS. Il déplorait à cet égard que les PLF précédents ne prévoient aucun crédit à cet effet, alors que ce moyen d'alerte se faisait de plus en plus nécessaire , comme l'illustrait l'exemple de l'incendie de l'usine Lubrizol à l'automne 2019.

La commission d'enquête sénatoriale chargée d'évaluer la gestion des conséquences de cet incendie avait ainsi relayé cette préoccupation , recommandant notamment de « tester en grandeur réelle, d'ici 2021, le dispositif de cell broadcast et en tirer les enseignements en termes d'alerte des populations et de comportements à adopter. » 10 ( * )

Non seulement nécessaire, un système d'alerte par téléphone sera même bientôt obligatoire en France d'ici juin 2022, date butoir pour la transposition de la directive n°2018/1972 du 11 décembre 2018 établissant un code européen des communications électroniques.

L'article 110 de cette même directive prévoit justement que « lorsque des systèmes d'alerte du public sont en place, les alertes publiques sont transmises à tous les utilisateurs finaux concernés par des fournisseurs de services mobiles de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation . Les utilisateurs finaux concernés devraient être considérés comme étant ceux qui sont situés dans les zones géographiques potentiellement touchées par des urgences ou des catastrophes majeures, imminentes ou en cours, pendant la période d'alerte, selon les prescriptions des autorités compétentes . »

b) Le retour nécessaire d'un dispositif d'alerte par téléphone à travers le dispositif FR-Alert, financé par le plan de relance

Le 24 septembre 2020, le ministre Gérald Darmanin a annoncé à Rouen la mise en place d'une solution d'alerte et d'information des populations par téléphone mobile , un an après l'incendie de Lubrizol.

Le projet, désormais baptisé FR-Alert (anciennement 112 inversé), doit compléter les outils d'alerte existants par un «dispositif d'alerte géolocalisée permettant aux populations se trouvant dans une zone à risque d'être, en cas de crise imminente ou en cours, alertées sur la nature de celle-ci et informées des dispositions à prendre » . 11 ( * )

Cet outil sera développé à partir du recours probable à l'une et/ou à l'autre des deux technologies permettant d'en respecter les termes: le Cell broadcast et la diffusion de SMS géolocalisés (LB SMS) . Selon les réponses apportées par le ministère de l'intérieur au questionnaire budgétaire, il semblerait que, « au regard de la nature des risques auxquels la France est exposée, en métropole comme en outre-mer », la technologie de Cell broadcast soit la plus adaptée et devrait ainsi constituer le socle du système d'alerte à venir. Considérant cependant qu'il n'existe pas de solution unique répondant à l'ensemble des attendus face aux situations d'urgence et aux exigences diverses, il prévoit que ce socle sera complété par l'utilisation du SMS localisé à court ou moyen terme selon les territoires .

FR-Alert : un outil reposant sur deux technologies complémentaires

Il a été décidé de mettre en place les deux solutions dans FR-Alert. :

- la diffusion cellulaire (ou Cell Broadcast ) : elle présente l'avantage d'une diffusion massive et très rapide, non gênée par une éventuelle saturation des réseaux et par ailleurs elle permet d'effectuer une alerte le cas échéant « intrusive » (sonnerie particulière, « réveil » en cas de mode sommeil, présentation des messages distincte des SMS). En revanche, elle présente aussi des inconvénients : tous les téléphones ne sont pas nativement compatibles avec le Cell Broadcast et le coût d'investissement des opérateurs est élevé, ce qui a conduit à limiter sa mise en oeuvre à la 4G puis à la 5G ;

- les SMS géolocalisés : consistent en un envoi de messages SMS « en masse », tous les téléphones sont nativement compatibles avec leur réception, idem pour la compatibilité avec les 4G, 3G, 2G. Par ailleurs, et contrairement au cell Broadcast , il est possible de connaître le volume de SMS d'alerte bien reçus par les abonnés. Enfin, l'infrastructure étant déjà partiellement présente pour les opérateurs, le coût est moins important que pour la diffusion cellulaire.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les crédits correspondants à cette reprise du volet « mobile » du SAIP ne sont cependant plus retracés par le programme 161. Ils sont en effet intégrés depuis 2021 à la mission « Plan de relance », et s'élèvent à 8 millions d'euros en AE et CP pour 2022, contre 37 millions d'euros en 2021 . Le coût total du programme FR-Alert a été évalué à 50 millions d'euros.

Échéancier de mise en oeuvre du projet FR-Alert

(en millions d'euros et en CP)

2021

2022

2023

2024

37

8

3

2

Source : réponses au questionnaire budgétaire

2. Le réseau radio du futur, un nouveau système de communication des services de protection des populations à dimension interministérielle

Le programme Réseau Radio du Futur (RRF) vise à doter l'ensemble des services en charge de la protection de nos concitoyens d'un système de communication mobile haut débit (4G puis 5G), multimédia, interopérable, prioritaire, résilient et sécurisé. Il doit remplacer les réseaux radio bas débit actuels vieillissants n'offrant plus des fonctionnalités alignées avec les outils numériques actuels. Il a vocation à se substituer au réseau ANTARES de la sécurité civile.

Ce programme, conduit par le ministère de l'intérieur, doit bénéficier à plusieurs périmètres ministériels (premier ministre, intérieur, armées, justice, santé, transition écologique, collectivités territoriales et cohésion des territoires, budget), mais aussi à des acteurs non étatiques .

Ce projet, initialement rattaché au programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » géré le DNUM, est aujourd'hui majoritairement financé par le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance ». Il ne fait par ailleurs l'objet d'aucun financement par le programme 161.

Le modèle économique du RRF vise l'équilibre budgétaire du programme avec un fonctionnement entièrement financé par le paiement d'abonnements par les utilisateurs, dès 2026 . Le programme requiert néanmoins un effort d'investissement initial de 345 millions d'euros sur la période 2020-2026, auquel devront s'ajouter, à partir de 2023, 343 millions d'euros financés par les utilisateurs.

La Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS) a fait part au rapporteur spécial de ses préoccupations quant à ces modalités de financement. Le fait de ne solliciter les financeurs qu'en fonctionnement et non en investissement pourrait en effet constituer une source de déstabilisation pour les départements « abonnés », eu égard aux contraintes pesant sur les budgets de fonctionnement des collectivités territoriales.

Modèle économique du programme RRF

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le budget 2022 du programme sera consacré à la création et au fonctionnement de l'Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS) - l'établissement public administratif qui assurera l'exploitation du RRF) - ainsi qu'à la réalisation de la première version du RRF. Les investissements prévisionnels du programme RRF sur 2022 s'élèvent ainsi à 70,73 millions d'euros en AE et à 69,13 millions d'euros en CP, dont 58 millions d'euros sur le programme 363.

Le déploiement du dispositif sera progressif et devrait démarrer dès 2023 au sein des départements hôtes de la coupe du monde rugby organisée en France. Ainsi, la volonté de sécurisation du calendrier de disponibilité du service a justifié que la première version financée en 2022 soit expurgée de toutes les fonctionnalités n'ayant pas été identifiées comme essentielles.

La CNSIS a également attiré l'attention du rapporteur spécial sur la couverture des zones blanches par le réseau , qui serait adaptée pour les situations de crise, mais pas pour le quotidien.

Il convient toutefois de préciser que la prévision budgétaire du RRF devrait être consolidée et finalisée à l'issue du processus de négociation en cours depuis juin avec les différents soumissionnaires au marché, les prix devant être officialisés avec la signature du marché en novembre 2021. Le besoin de financement du RRF pour l'année 2022 ne sera connu qu'à ce moment.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale n'a pas modifié les crédits du programme.

Elle a néanmoins adopté, à l'initiative de Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, un amendement à l'article 41 quater , qui vise à supprimer le document de politique transversale « Sécurité civile » pour les programmations budgétaires futures, au motif que ce thème est déjà abordé dans le cadre de l'examen du programme 161, et fait donc déjà l'objet d'un développement dans le PAP qui y est annexé.

La suppression de ce document budgétaire est regrettable, dans la mesure où elle constitue une dégradation de l'information du Parlement.

Cette annexe budgétaire permet en effet de donner une vision d'ensemble des crédits effectivement affectés à la politique de sécurité civile dans un contexte où la part du programme 161 dans son financement se réduit. Le document de politique transversale permet ainsi d'identifier clairement des projets bénéficiant à la sécurité civile, mais qui ne sont pas évoqués dans le PAP.

L'existence d'un tel document est d'autant plus souhaitable que le PAP annexé à la mission « Sécurités » ne permet pas toujours d'identifier toutes les mesures de périmètre affectant le programme 161 . La budgétisation pour 2022 a par exemple été marquée par une mesure de réintégration de crédits en provenance du plan de relance vers le programme 161, qui n'a toutefois pas été identifiée comme une mesure de transfert dans le PAP.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 2 novembre 2021, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

Mme Christine Lavarde , président . - Nous examinons ce matin les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial (programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ») . - La police et la gendarmerie nationales enregistrent une hausse, significative, de leur budget à hauteur de 4 % en crédits de paiement (CP) et de 5,58 % en autorisations d'engagement (AE) dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

Tout d'abord, l'objectif annoncé par le Président de la République de 10 000 postes créés pendant le quinquennat est atteint. La question des effectifs perturbe les débats sur les forces de sécurité depuis dix ans. Toutefois, on n'observe pas un manque d'effectifs rapportés à la population comparé aux autres pays d'Europe, d'autant que les chiffres ne tiennent compte ni des militaires déployés dans le cadre de l'opération « Sentinelle », ni des polices municipales.

Ensuite, l'augmentation du titre 2, c'est-à-dire les crédits de personnels, est raisonnable par rapport au reste du budget. Je souligne que sa proportion baisse, une première depuis que je rapporte ces crédits : par le passé, on constatait une hausse du budget affecté aux dépenses de personnel au détriment des investissements. Ainsi, en 2021, on atteignait un ratio de 90 % pour le titre 2 sur l'ensemble du budget, contre 82 % dans le cadre du PLF pour 2022, avec la fin de l'effet des plans spéciaux décidés par Bernard Cazeneuve à la fin du quinquennat précédent. Notons une nouvelle mesure catégorielle liée au Beauvau de la sécurité, qui est la gratuité des transports pour les policiers. Au total, cela laisse une certaine marge de manoeuvre pour investir. Toutefois, celle-ci reste moins importante que ce que l'on observe, par exemple, au Royaume-Uni ou en Allemagne.

Gendarmerie et police bénéficieront d'un apport exceptionnel d'environ 5 500 véhicules par force, chiffre jamais atteint jusqu'ici, le record précédent s'élevant à 4 200 véhicules. Cela est essentiellement dû aux moyens permis par le plan de relance, grâce auxquels le Gouvernement a fait beaucoup. Je dénonçais déjà un parc de véhicules vieillissant dans le rapport d'information du 16 juillet 2021 pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur le bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur. Pour la première fois, on observe ainsi une stabilisation du parc - pourrait-on y voir un lien avec la campagne électorale ?...

Je souligne que l'effort est aussi exceptionnel sur le plan de la qualité. Là où, trop souvent, les véhicules étaient soit trop petits et peu puissants, soit trop encombrants, ils semblent ici adaptés aux missions. L'effet psychologique sur la population et le personnel de ces nouveaux véhicules, des Peugeot 5008 gris métallisé avec une nouvelle sérigraphie, est visible.

J'aborde maintenant l'immobilier. Là encore, on observe une forte progression des autorisations d'engagement et des crédits de paiement : on passe de 200 à 220 millions d'euros pour la gendarmerie, pour atteindre 700 millions d'euros pour la police nationale, en partie grâce au plan de relance. Ce sont 170 projets qui sont mis en oeuvre pour la police nationale, avec un effort contre la vétusté des locaux. La gendarmerie, elle, a pris de l'avance sur son projet immobilier, même si le retard initial était important, et ce budget est sans précédent depuis au moins six exercices. La seule question est celle de la continuité de l'effort : on a un budget de rattrapage, mais il doit perdurer au-delà du plan de relance.

Ce budget est complété par la formation du personnel. Nous avions critiqué la baisse de douze à dix, puis huit mois, du temps de formation du personnel de la police nationale : on revient désormais à douze mois. Une mise au point reste à faire toutefois en vue de la session commençant le 1 er mai : le stage d'officier de police judiciaire (OPJ) est-il inclus dans ces douze mois ou bien s'y ajoute-t-il ?

Après avoir entendu les syndicats, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, je vous invite à voter les crédits de ces programmes : mieux vaut tard que jamais !

D'habitude, le début du quinquennat donne la priorité aux questions régaliennes. Cependant, depuis 2017, nous avons connu trois ministres de l'intérieur, voire quatre en comptant l'intérim d'Édouard Philippe, avec une ligne directrice difficile à trouver. Ce n'est qu'à la fin de ce quinquennat qu'elle se dessine avec le Livre blanc et le Beauvau de la sécurité, qui engagent les parlementaires que nous sommes, car une loi de programmation pour la sécurité intérieure doit être examinée avant la fin du quinquennat. Toutefois, elle pourrait n'être adoptée, et de toute façon n'entrera en vigueur, qu'après la fin de la présente législature. Est-ce une manière de gagner du temps ? Ce calendrier est en tout cas assez atypique.

Sur la sécurité routière, nous avons eu autant d'accidents de la route en 2020 qu'en 1925, alors qu'il y avait à l'époque cinquante fois moins de véhicules sur les routes qu'aujourd'hui. Il y a certes un effet du confinement, mais ce nombre est à souligner. En parallèle, les recettes des radars baissent également, alors qu'une légère augmentation du parc est prévue : on passerait ainsi de 4 402 radars au 1 er août 2021 à 4 440 en 2022. De nouveaux modèles, plus efficaces, seront déployés. Ces radars tourelles, qui peuvent prendre jusqu'à vingt véhicules, peuvent être déployés alternativement sur plusieurs mâts, de sorte que les automobilistes ne puissent pas savoir où ils sont.

Je note enfin le déploiement de voitures radars banalisées opérées par des sociétés privées, dispositif peu coûteux pour l'État par rapport à une voiture de gendarmerie. Les marchés sont régionaux, et le conducteur n'a pas de latitude, avec un circuit et un cahier des charges fixés par la gendarmerie et un dispositif embarqué automatisé.

Le problème est celui de l'avenir du CAS « Radars ». Quelle sera la réattribution des recettes entre les collectivités et l'État ?

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial (programme « Sécurité civile ») . - Pour 2022, le programme 161 « Sécurité civile » sera doté de 678,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 568,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation substantielle de 9,6 % des CP et de 64 % des AE. Il convient toutefois de nuancer cette hausse qui n'est pas un revirement majeur dans la budgétisation de la politique de sécurité civile.

En effet, l'augmentation des crédits de paiement résulte en grande partie de la réintégration au sein du programme de dépenses de maintenance transférées l'année dernière vers la mission « Plan de relance ». Concernant les autorisations d'engagement, leur augmentation est principalement due au renouvellement du marché de maintenance des avions de la sécurité civile pour cinq ans.

La sécurité civile repose aussi - et surtout - sur un financement local, à travers le budget des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), dont les dépenses sont en augmentation depuis 2019 et dépassent les cinq milliards d'euros. La proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, adoptée par le Sénat le 26 octobre dernier, devrait permettre de mieux couvrir les charges que les SDIS supportent, en favorisant, par exemple, un meilleur remboursement de leurs interventions réalisées au titre des carences ambulancières.

Cette loi a également acté l'expérimentation sur deux ans d'une plateforme unique de réception des appels d'urgence, à laquelle les SDIS seront largement associés. Si je me félicite de cette avancée, il est toutefois essentiel que les SDIS, notamment ceux qui participent à cette expérimentation, puissent disposer de leviers d'investissement en adéquation avec les ambitions légitimes qui caractérisent aujourd'hui la politique de sécurité civile, et qui sont parfaitement illustrées par cette loi.

Il est à cet égard regrettable que la dotation de soutien aux investissements structurants des services d'incendie et de secours (DSIS²) ait, d'une part, connu une régression progressive des crédits qui lui sont consacrés, de 20 millions d'euros en 2016 à 7 millions d'euros dès 2020, et d'autre part, vu son périmètre se limiter au financement du programme NexSIS 18-112, sans toutefois remettre en cause la pertinence de ce projet, dont je suis convaincu.

Ce projet consiste à unifier les systèmes d'information des SDIS. Il poursuit son développement, malgré des retards imputables notamment à la crise sanitaire. Dès la fin 2021, la mise à disposition de l'outil au sein du SDIS préfigurateur de Seine-et-Marne et des six SDIS pilotes devrait être effective, avant un déploiement plus large en 2022.

Je souhaiterais cependant attirer l'attention de notre commission sur le manque de moyens dont dispose aujourd'hui l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), l'opérateur chargé de la conception et du déploiement du projet. J'avais déjà insisté sur la nécessité de renforcer le nombre d'emplois sous plafond dont elle dispose dans mon rapport sur NexSIS présenté le 2 juin dernier devant notre commission. Le déploiement de NexSIS dans les années à venir nécessitera en effet une mobilisation plus importante de l'ANSC pour apporter une assistance aux SDIS dans leur appropriation de l'outil. Il est à cet égard regrettable que le PLF pour 2022 n'ait pas tenu compte des demandes de moyens supplémentaires formulées par l'agence.

Je terminerai enfin par la question du renouvellement de la flotte d'aéronefs de la sécurité civile, dont le vieillissement est une source de préoccupation. Au-delà des surcoûts de maintenance qu'il est susceptible d'occasionner, il représente un risque d'immobilisation des appareils. À titre d'exemple, une visite de maintenance d'un hélicoptère de la sécurité civile peut durer entre une semaine et deux mois selon l'âge de l'appareil ! Ce risque d'indisponibilité d'une partie de la flotte est d'autant plus alarmant dans un contexte de multiplication des risques de feux de forêt provoquée par le changement climatique.

Je me félicite toutefois des perspectives d'acquisition de nouveaux appareils. Ce renouvellement avait déjà été engagé par le ministère de l'intérieur durant les années précédentes. La loi de finances pour 2021 avait, par exemple, permis de financer la commande de deux nouveaux hélicoptères, assortie d'une option d'achat de deux autres appareils. Le Président de la République, dans le cadre de son intervention au dernier congrès des sapeurs-pompiers, a indiqué que cette option serait levée, ce dont je me réjouis. Cette commande ne fait l'objet d'aucune budgétisation pour l'année 2022, mais une ouverture de crédits dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative pour 2021 pourrait lui être consacrée.

Enfin, la perspective de l'acquisition de deux avions Canadair par la France, dans le cadre d'un cofinancement européen, est toujours d'actualité. Le fabricant de ces appareils est toutefois dans l'attente de commandes supplémentaires pour lancer la production. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de mener un travail de conviction auprès de nos partenaires européens sur l'opportunité de solliciter de nouvelles commandes, eu égard aux enjeux auxquels notre continent est aujourd'hui confronté en matière de lutte contre les feux de forêt.

En conclusion, je propose l'adoption des crédits alloués au programme « Sécurité civile ».

Mme Christine Lavarde , président . - Je rebondis sur les propos de Philippe Dominati relatifs au CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Les recettes baissent, alors que certaines communes franciliennes de plus de 10 000 habitants font face à de lourds prélèvements sur leurs douzièmes de fiscalité, par exemple 1 million d'euros pour Saint-Denis. Le rapport montre que les ressources vont encore diminuer, de 655,8 millions d'euros en 2020 à 600 millions d'euros prévus dans le PLF pour 2022, ce qui laisse craindre des ponctions encore plus fortes, car les prélèvements sont forfaitaires et basés sur les recettes de 2018 pour ces communes. En outre, s'agissant d'un CAS, aucune initiative parlementaire autre que de voter sa suppression n'est possible. Le Gouvernement doit agir.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - J'ai bien entendu les explications de Philippe Dominati sur l'alignement des planètes à quelques mois de l'élection présidentielle. Faut-il y voir un lien de cause à effet ?

Plutôt qu'un budget de relance, j'ai l'impression de voir ici un budget de rattrapage. S'il ne s'agit que de faire un effort l'année prochaine, et pas dans la durée, on risque des effets d'éviction contraires à une bonne politique régalienne.

Sur la politique immobilière, les approches entre police et gendarmerie sont différentes. Pour la police, il importe avant tout de construire de nouveaux commissariats ou bien d'en rénover et de les réorganiser, en fonction du vieillissement du patrimoine et de l'évolution de la démographie. Pour la gendarmerie, en revanche, l'hébergement des gendarmes est une question fondamentale pour leur permettre de rester dans les territoires, alors que l'immobilier est souvent ancien ou de moindre qualité. Qu'en est-il du programme de rénovation et de construction de nouvelles gendarmeries ? Les conditions sont disparates selon les propriétaires des locaux et du foncier. Dans les territoires ruraux, on demande souvent aux collectivités la mise à disposition quasi gratuite de terrains. Cela n'aboutit-il pas à des différences de traitement ?

Je partage aussi les propos de Christine Lavarde sur le CAS. Comment l'implantation des radars évolue-t-elle, entre zones urbaines et non urbaines ? Cette implantation a-t-elle bien pour objectif prioritaire la sécurité routière ?

Enfin, sur la sécurité civile, Jean-Pierre Vogel a évoqué la modernisation de la flotte aérienne. Son renforcement tel qu'il est envisagé, avec notamment deux appareils bénéficiant d'un cofinancement européen, vous semble-t-il suffisant, notamment au regard du changement climatique ?

M. Roger Karoutchi . - Ma première question porte sur le solde des heures supplémentaires non payées, qui avait diminué en 2019, mais qui restait considérable. Le problème est-il désormais réglé, notamment pour les policiers ?

Par ailleurs, la mise en oeuvre par le ministère de l'intérieur du logiciel Scribe, relatif au dépôt de plaintes, a échoué, après 11,7 millions d'euros dépensés. Le ministère annonce un nouveau logiciel, qui ne sera opérationnel qu'en 2024. Faut-il vraiment attendre trois ans pour que ce logiciel soit opérationnel ? Est-ce si compliqué techniquement ? Les travaux de Scribe avaient débuté en 2018, pour un résultat bien médiocre...

M. Antoine Lefèvre . - Notre collègue Marc Laménie vous prie d'excuser son absence et m'a chargé de poser quelques questions.

Tout d'abord, tous les territoires, de l'Hexagone et des outre-mer, seront-ils bien couverts par l'évolution des effectifs des forces de sécurité ? Ensuite, que deviendront les escadrons départementaux de sécurité routière ? A-t-on des estimations financières des conséquences de la crise sanitaire et des manifestations, par exemple celles des « gilets jaunes » et des anti-passe sanitaire sur la mobilisation de l'ensemble des forces de sécurité ? Enfin, à combien estimez-vous les effectifs, et donc le budget rattaché à la réserve opérationnelle de la gendarmerie ?

M. Jérôme Bascher . - Tout d'abord, je tiens à le dire, il est paradoxal que les forces de l'ordre, notamment les gendarmes, que je côtoie le plus, soient en moyenne moins bien logées que les voyous.

Ensuite, il y a certes un renouvellement des flottes automobiles, mais une réforme massive fait que l'on ne dispose pas au final de plus de véhicules. Année après année, l'insuffisance des crédits d'entretien des voitures fait que, à partir de septembre, on n'a plus les moyens de les réparer. Quels éléments avez-vous sur ce sujet ?

Enfin, y a-t-il un projet européen de mutualisation des avions et hélicoptères ?

M. Michel Canévet . - Tout d'abord, où en est-on de l'informatisation des services de police ? Je m'étonne de la durée de mise en place de nouveaux logiciels alors que cela a été bien plus vite dans d'autres administrations, par exemple pour le prélèvement à la source ou la distribution des aides au titre du fonds de solidarité.

Ensuite, le plan de relance permet de mobiliser des crédits pour l'immobilier de la police et de la gendarmerie, mais leur déploiement sur le terrain est plus lent que ce qui était prévu. Les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (Sgami) sont-ils en mesure de suivre l'ensemble des chantiers ? Je constate des difficultés à cet égard en Bretagne.

Par ailleurs, j'espère que le marché des voitures radars sera plus performant que celui sur la distribution des plis électoraux...

Enfin, avec la prolifération des feux de forêt, peut-on prévoir des compensations financières pour nos services qui sont intervenus en Europe ? Quels types d'appareil, avions ou hélicoptères, conviendraient le mieux pour faire face aux incendies ? De tels produits sont-ils aujourd'hui disponibles sur le marché ?

M. Thierry Cozic . - En matière d'équipement des forces de police, 17 000 caméras-piétons supplémentaires sont prévues pour 2022, ce qui porte le total que la direction générale de la police nationale (DGPN) prévoit de déployer à 35 000 entre 2021 et 2022. Compte tenu des enjeux de libertés publiques, quelles formations aux modalités d'usage de ces caméras sont envisagées ?

Ensuite, quelle est la réalité de l'effort sur l'entretien du mobilier, dont le ministre de l'intérieur dit qu'il fait l'objet d'une enveloppe sanctuarisée ? D'une année à l'autre, les montants et leur répartition entre police et gendarmerie évoluent beaucoup. Par exemple, le plan dit « poignée de porte », consacré aux petits travaux : 10 millions d'euros en 2020, 5 millions d'euros en 2021, et 25 millions d'euros en 2022. Peut-on vraiment parler de sanctuarisation ?

Enfin, les deux tiers du budget du programme « Sécurité civile » concernent l'acquisition et l'entretien d'hélicoptères et de véhicules terrestres spécialisés. Cette partie du budget concentre l'essentiel des augmentations de crédits. Quel est l'état réel de la flotte par rapport à ses coûts élevés d'entretien, et quelles en sont les conséquences opérationnelles ?

M. Rémi Féraud . - Tout est dans le « mieux vaut tard que jamais » : cette loi de programmation en fin de quinquennat semble relever davantage de la campagne électorale que du travail parlementaire.

Sur la sécurité civile, qu'en est-il de l'évolution du budget consacré au plan de modernisation de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ?

Il est vrai que le CAS « Radars » est une usine à gaz - le Gouvernement actuel n'en est pas responsable. Comment faire évoluer les choses ? C'est la quadrature du cercle. Soit on sacrifie les ressources de la région d'Île-de-France et des transports publics, alors que la situation est grave. De nouveaux abondements de crédits sont d'ailleurs prévus au PLF parce que la solution des avances remboursables ne pouvait être qu'insuffisante et provisoire, ainsi que nous l'avions dit à l'époque. Soit on sacrifie, comme on le fait aujourd'hui, les collectivités franciliennes dites « riches », dont Paris, pour plusieurs dizaines de millions d'euros, ou plusieurs communes des Hauts-de-Seine. Soit on protège un peu ces collectivités, qui perdent beaucoup d'argent avec le système actuel, mais on le fait au détriment notamment des communes les plus en difficultés financières de la Seine-Saint-Denis, ce qui ne me semble pas non plus souhaitable - le PLF prévoit la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) dans ce département, ce qui atteste de ses difficultés financières toutes particulières.

L'État doit mettre la main à la poche pour partager la baisse des ressources issues des amendes. Travaillez-vous avec le Gouvernement sur ce point ou estimez-vous que celui-ci cherche à gagner du temps et que ce sujet reste totalement tabou ?

M. Gérard Longuet . - Quelle est la volonté du Gouvernement dans l'équilibre entre les forces de police et les forces de gendarmerie ? On observe une diminution constante de la dépense en personnel et une moindre augmentation des effectifs de la gendarmerie. Cela procède-t-il de la constatation que la ligne de partage entre les territoires de gendarmerie et les territoires de police, fixée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, est immuable ? Les effectifs de la gendarmerie ont-ils vocation à être contractés, puisque les territoires dont elle a la charge perdent assez naturellement des habitants, alors même que l'intervention de la gendarmerie en milieu urbain n'est pas nécessairement un échec - bien au contraire -, compte tenu de son mode de présence ?

La comparaison entre le coût de fonctionnement d'un gendarme et celui d'un policier est d'une extraordinaire complexité. Avez-vous une idée claire de ce coût comparatif ?

M. Vincent Segouin . - Les effectifs augmentent et les budgets ont crû de manière sensible, mais a-t-il été procédé à un audit des parts respectives du temps administratif et du temps de terrain ? Toutes les procédures administratives sont-elles nécessaires ? Je pense qu'il serait nécessaire de conduire un tel audit.

M. Jean-Michel Arnaud . - Dispose-t-on à ce jour d'éléments d'évaluation sur l'impact différencié sur la sécurité routière du passage de 90 à 80 kilomètres/heure de la limitation de vitesse dans dix départements ?

Des responsables de police de mon département m'ont indiqué qu'il était difficile d'orienter un certain nombre de policiers vers des fonctions de PJ, en termes de gestion des effectifs au quotidien et de présence sur le terrain. Quelle est l'appréciation de la direction de la police nationale sur ce point ?

M. Sébastien Meurant . - Une étude a-t-elle été réalisée sur les difficultés rencontrées par les citoyens pour déposer plainte ? Dans certains commissariats, on décourage très clairement le dépôt de plainte en arguant du nombre d'heures d'attente...

Que pensez-vous du fait de confier une partie de la sécurité routière à des sociétés privées, notamment s'agissant des radars embarqués ? Cette possibilité s'étend-elle sur tout le territoire ? Quelles sont les lignes directrices de l'État en la matière ?

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - S'agissant du CAS, le débat est largement engagé. À Paris, depuis des années et même des décennies, le CAS contribue au financement des transports en commun. Le budget est obéré. On le constate dans le département des Hauts-de-Seine. Le CAS est effectivement une « usine à gaz » : personne n'y comprend grand-chose.

La déléguée à la sécurité routière tient évidemment à ces ressources, mais elle est aussi inquiète que nous quant à l'avenir du CAS. L'examen de la future loi d'orientation de la sécurité intérieure sera sans doute l'occasion d'évoquer ce sujet et d'y réfléchir. Il est malsain et potentiellement totalement contre-productif que ce soient les amendes qui financent les transports collectifs et que, à défaut, ce soient les collectivités territoriales qui paient la facture. Malheureusement, ce système pervers ne date pas d'aujourd'hui. Il faudrait trouver une solution beaucoup plus simple pour en sortir.

En tout état de cause, je n'ai pas de réponses à vos interrogations. Il s'agit d'un vrai sujet, qui préoccupe tout le monde. On voit bien que le système est largement perfectible.

Monsieur le rapporteur général, bien évidemment, il s'agit un peu d'un budget d'exception ! Il faut qu'il perdure. La mission « Sécurités » doit véritablement devenir une mission prioritaire de l'État. Cela n'avait pas été le cas dans les budgets précédents. Le ministre qui, aujourd'hui, réclame des moyens budgétaires est celui qui, voilà peu de temps encore, quand il était en poste à Bercy, essayait d'empêcher l'augmentation des crédits ... Quoi qu'il en soit, tant mieux pour nos forces de l'ordre si les gendarmes et les policiers retrouvent une certaine normalité cette année.

On peut craindre un effet stop and go , comme je l'ai évoqué dans mon rapport. On sait que, lorsque l'État fait un effort sur les matériels, les budgets dévolus à ces derniers sont très souvent rognés les années suivantes. En réalité, le budget qui nous est présenté est un budget de rattrapage. Si cet effort n'est pas maintenu dans le projet de budget pour 2023, ce sera effectivement un coup d'épée dans l'eau et les mêmes problèmes resurgiront.

C'est le Beauvau de la sécurité, lequel a fait suite à une révolte de nos policiers liée principalement à une insatisfaction née du Livre blanc, qui a conduit à un certain nombre de mesures que l'on retrouve dans le présent budget. Il faudra, dans la Loppsi, sacraliser un certain nombre d'intentions de l'État à l'égard des forces de police et de gendarmerie. Je ne peux donc pas répondre à la question sur le caractère exceptionnel de cette manne financière, qui, globalement, représente tout de même 1,5 milliard d'euros.

Monsieur Karoutchi, les heures supplémentaires sont en diminution. Nous sommes passés d'un stock de 23 millions à 19 millions. Comme l'an dernier, un effort budgétaire a été réalisé. D'après les syndicats, cela va dans le bon sens.

Lorsque la gendarmerie a été intégrée au ministère de l'intérieur, avec des statuts particuliers, certains ont considéré que les heures supplémentaires étaient aux policiers ce que le logement était aux gendarmes. Je ne pourrai pas répondre à la question du coût horaire comparé, car la méthodologie n'est pas la même dans la gendarmerie et la police : d'un côté, on a une institution militaire ; de l'autre, on a un service civil, qui se caractérise par une certaine souplesse. Initialement, on considérait que les gendarmes, ayant leur logement dans des brigades ou des casernes, pouvaient, en contrepartie, être réveillés à deux heures du matin pour un accident d'autocar ou une inondation. A contrario , un policier qui travaillait au-delà de son temps percevait, en guise de compensation, des heures supplémentaires très bien rémunérées... Tout cela a volé en éclats en une ou deux décennies. En effet, la législation européenne a fait entrer la mission des gendarmes dans des normes horaires. On ne peut plus les mobiliser en pleine nuit. Pour les policiers, l'avantage que constituaient les heures supplémentaires a disparu. Les services de l'État essaient désormais de trouver un équilibre en termes de logement.

Les casernes et les brigades ont parfois été payées par les collectivités territoriales. Cette politique ancienne mettait un fil à la patte de la gendarmerie : le directeur général de la gendarmerie nationale qui voulait fusionner deux brigades était bloqué par l'investissement des collectivités. C'est l'effet pervers d'une situation où les collectivités territoriales contribuent à la place de l'État - que l'on peut retrouver dans le domaine des transports.

Le logiciel Scribe, qui permet de traiter des opérations de police judiciaire, est un échec. C'est un échec partagé : comme souvent, on a voulu faire des économies dans le cahier des charges. La société n'a pas reçu l'aide attendue de la part des personnels concernés. Le budget ayant été fait à l'économie, le projet a pris du retard et a disjoncté, et le logiciel ne verra pas le jour.

J'ai pu constater que le directeur général de la police nationale avait largement conscience de l'échec du logiciel Scribe. Il y aura probablement un effort pour essayer de rattraper le retard et dépasser cet échec, mais ce ne sera pas facile, parce que cela demande des heures de travail. Au reste, il y a un vrai problème de formation et d'orientation des policiers vers la fonction d'OPJ.

La réserve opérationnelle fonctionne bien dans la gendarmerie, qui l'utilise désormais fréquemment en cas de coup de feu et d'affluence. On essaie de la mettre en place dans la police nationale. Dans la gendarmerie, ce sera un appoint essentiel pour les jeux Olympiques. Dans la police nationale, on ne sera pas prêt pour les JO, qui auront essentiellement lieu en milieu urbain.

Cette année, un effort a été fait sur le logement. J'ai eu pour la première fois le sentiment que le ministère de l'intérieur menait une politique de long terme en matière de logement des policiers, sans doute parce qu'il y avait enfin quelques crédits. On note une volonté d'aller véritablement de l'avant.

Au sujet des crédits d'entretien, qui sont insuffisants dans certaines régions et sur lesquels on a rogné, je rappelle que nous avions procédé à une comparaison par les mètres carrés.

Cela m'amène au budget « poignées de porte », qui est une caisse de plus en plus décentralisée, plutôt appréciée, non en raison de son montant, mais par le fait qu'elle permet d'engager localement quelques menus travaux d'entretien dans les locaux. Malheureusement, dans de nombreux commissariats, on faisait jusqu'à présent du bricolage, en demandant aux entreprises locales de fournir des fauteuils, des bureaux, parfois du vieux matériel informatique... Ce budget est destiné à réagir à ce quémandage de petit matériel de bureau, avec une sorte de caisse locale pour gérer le quotidien et remplacer du matériel défaillant sans trop tendre la main. Il est apprécié par les syndicats, qui ont le sentiment que l'on va dans le bon sens : les montants sont augmentés et il y aura une certaine autonomie sur place.

Les caméras-piétons ont été un échec, parce qu'on a rogné sur les coûts. Les caméras n'étaient pas de bonne qualité. Elles s'arrêtaient au bout de 45 minutes... Il faut donc recommencer à zéro, un peu comme pour le logiciel Scribe. Cependant, le fait de disposer d'un peu plus de moyens cette année suscite un enthousiasme nouveau, en espérant qu'il ne soit pas éphémère.

Pour ce qui concerne les Sgami, qui sont chargés de mutualiser les achats, les gendarmes avaient craint, voilà quelques années, de perdre une certaine autonomie. Finalement, il n'y a pas eu de perte d'autonomie. Les Sgami vont généralement plutôt dans le bon sens. Au reste, tout dépend du budget qui leur est alloué : si c'est pour passer des budgets à l'économie, comme on l'a fait pour les caméras-piétons ou pour un certain nombre de matériels, il ne peut y avoir de miracle.

La privatisation des radars ne peut pas être pire que les plis électoraux ! En réalité, c'est une très bonne chose pour l'État en termes de coût de personnel. Il s'agit de voitures banalisées, sur des marchés privés régionaux. Cette possibilité va être étendue à l'ensemble de la France. Elle coûte beaucoup moins cher que de passer par les gendarmes, qui peuvent être déployés sur d'autres opérations. Les conducteurs n'ont aucune liberté : le circuit est imposé et la machine est automatique.

Monsieur Longuet, la ligne de partage entre la police et la gendarmerie est une vraie question, et un vrai sujet pour la Loppsi. Elle n'a pratiquement pas bougé depuis qu'elle a été définie. Effectivement, la gendarmerie s'implique de plus en plus en milieu urbain. Les cartes sont floues. Aucun ministre n'ose vraiment y toucher. En réalité, les ministres - il y en a eu trois en quatre ans - n'ont pas eu le temps de s'imprégner de ce problème...

Les gendarmes avaient de l'avance en termes d'effectifs. Compte tenu de l'étendue du territoire qu'ils couvrent, les questions des moyens de déplacement et du maillage des brigades sont évidemment très importantes. Le patron de la gendarmerie considère que les effectifs sont suffisants, mais est inquiet quant au déploiement de ces effectifs sur le terrain. La gendarmerie a pris de l'avance sur le plan du numérique.

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial . - Monsieur le rapporteur général, le réchauffement climatique est effectivement un vrai risque pour la flotte d'aéronefs. Ce n'est pas le seul, du reste. Je pense notamment au vieillissement de la flotte des aéronefs.

Pour information, le nombre d'hélicoptères est de 33, avec un vieillissement moyen de seize ans. On compte 12 avions CL-415, avec un vieillissement moyen de 24 ans, 5 Dash 8, avec un vieillissement moyen de 21 ans, et 3 Beechcrafts, avec un vieillissement moyen de 37 ans. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) indique que le besoin s'élèverait aujourd'hui aux alentours de 38 hélicoptères et atteindrait vraisemblablement très rapidement 40 appareils, compte tenu de la sollicitation croissante de la flotte. Le renouvellement et le renforcement de celle-ci sont donc à saluer, mais ils sont encore complètement insuffisants par rapport aux risques à venir.

Monsieur Bascher, il y a effectivement un projet d'appels d'offres européen, notamment au niveau des Canadair. Le fabricant Viking ne veut relancer la chaîne de fabrication qu'à partir du moment où il aura une vingtaine d'appareils en commande. La France serait préfiguratrice d'une commande qui pourrait être lancée au niveau européen, avec l'achat et la maintenance de deux avions, qui seraient financés à hauteur de 90 %. On attend que la présidence française puisse inciter à une commande européenne rapide. Au-delà, on note que la France est une véritable référence en matière de risques, notamment de feux de forêt, et que les pays européens font souvent appel à elle pour renforcer les moyens dont ils ont besoin.

S'agissant de la compensation financière des interventions en Europe, il existe effectivement, monsieur Canévet, des fonds de concours, qui, l'année dernière, ont dû percevoir environ 1,5 million d'euros. Ce montant permettra-t-il de couvrir l'ensemble des frais engagés, dont on ne connaît pas le montant ? La question se pose.

Les types d'appareils sont-ils adaptés ? Il existe plusieurs sortes d'appareils : les Canadair, qui peuvent écoper de façon dynamique sur des plans d'eau, à condition que ces derniers soient assez longs - plus de 1 kilomètre - ; des avions qui se ravitaillent sur des pélicandromes, dont on a vu qu'ils avaient été renforcés sur l'ensemble des zones de défense ; des avions multirôle ; des hélicoptères qui peuvent se ravitailler de façon statique et des avions spécifiques qui assurent le guet aérien armé, survolent les zones à risques et sont chargés de « retardants », qu'ils peuvent larguer en cas de départ naissant.

Les caméras de vidéodétection de départs de feux de forêt, comme on a pu en voir en Sarthe notamment, peuvent être un moyen complémentaire à la flotte d'aéronefs. La sécurité civile réfléchit à d'autres moyens plus particuliers qui peuvent être développés.

Monsieur Cozic, la maintenance en conditions opérationnelles est extrêmement coûteuse, comme le montre le vieillissement de la flotte des aéronefs. C'est un vrai sujet. Le taux de disponibilité des hélicoptères est de 93 %. Cette disponibilité est exceptionnelle, mais on sait que l'état de maintenance annuel peut osciller entre une semaine et deux mois. Plus la flotte vieillit, plus elle est immobilisée, plus les risques de feux de forêt se développent, en toute saison et sur l'ensemble de la France. Les risques sont importants, avec une maintenance en conditions opérationnelles de plus en plus coûteuse.

Monsieur Féraud, l'État intervient à hauteur de 25 % sur le budget de fonctionnement de la BSPP. Cette année, les crédits qu'il lui a accordés sont en augmentation importante, avec une hausse de 9,4 millions d'euros, pour un budget total de 96 millions d'euros. La DGSCGC nous indique que les modalités spécifiques d'intervention auxquelles la BSPP est confrontée ont nécessité un plan de modernisation susceptible de provoquer une augmentation pérenne des coûts de fonctionnement de la brigade. Cela dit, je ne dispose pas de ce plan.

Mme Christine Lavarde , président . - À titre personnel, je suis opposée à l'adoption des crédits du CAS : je veux montrer que ce dernier doit évoluer.

M. Jérôme Bascher . - J'allais voter pour ; vous m'avez convaincu.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La commission a adopté sans modification les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale. Les rapporteurs spéciaux ont proposé de confirmer ces décisions.

La commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC)

- M. Michel MONNERET, directeur ;

- M. Jean-Yves LAMBROUIN, directeur adjoint ;

Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS)

- M. Olivier RICHEFOU, président ;

- Mme Miléna MUNOZ, conseillère au cabinet du président du conseil départemental de la Mayenne ;

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

- M. Alain THIRION, directeur général de la DGSCGC ;

- M. Frédéric PAPET, directeur des sapeurs-pompiers ;

- M. Stéphane THEBAULT, sous-directeur de la stratégie, des affaires internationales et des ressources.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 Un avion a été livré en mars 2021, tandis qu'un deuxième est attendu pour novembre.

* 2 Décret n° 2020-903 du 24 juillet 2020 portant revalorisation de l'indemnité de feu allouée aux sapeurs-pompiers professionnels.

* 3 Proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels .

* 4 Cour des comptes, rapport public thématique, « Les personnels des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) et de la sécurité civile », mars 2019 .

* 5 Rapport d'information n° 658 (2020-2021), NexSIS 18-112 : un projet de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, dont l'intérêt sur le plan économique et opérationnel doit être garanti - 2 juin 2021.

* 6 Ibid.

* 7 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 8 L'année 2021 prévoyait la livraison de deux Dash. Un seul appareil a été livré à ce stade, le second étant attendu en novembre 2021.

* 9 Rapport d'information n° 595 (2016-2017), Le système d'alerte et d'information des populations : un dispositif indispensable fragilisé par un manque d'ambition, de Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances - 28 juin 2017.

* 10 Rapport d'information n° 480 (2019-2020) de la commission d'enquête chargée d'évaluer la gestion des conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol.

* 11 Projet annuel de performance de la mission « Plan de relance » pour 2022.

Page mise à jour le

Partager cette page