CHAPITRE II
DES ENTREPRISES PLUS INNOVANTES

Section 1
Améliorer et diversifier les financements
Sous-section 1
Mesures en faveur du financement des entreprises par les acteurs privés
Article 20
(art. L. 224-1 à L. 224-8 du code monétaire et financier)
Réforme de l'épargne retraite

Le présent article réforme l'épargne retraite supplémentaire afin d'en améliorer le rendement offert aux épargnants, de rendre les produits d'épargne retraite plus attractifs, et d'orienter davantage l'épargne vers le financement de l'économie dite « productive ».

I. Le droit existant

L'épargne retraite est une composante du patrimoine des ménages regroupant l'ensemble des dispositifs d'épargne dont l'horizon de sortie est la retraite et permettant de se constituer un revenu en complément des pensions versées par les régimes de retraites obligatoires 177 ( * ) . Les produits d'épargne retraite sont ainsi distincts de la retraite de base et de la retraite complémentaire (AGIRC, ARRCO). Aux côtés de ces régimes obligatoires, l'épargne retraite supplémentaire constitue donc un troisième pilier du financement de la retraite.

Les produits d'épargne retraite sont gérés en capitalisation par des sociétés d'assurances, des mutuelles, des institutions de prévoyance ou des sociétés de gestion. Ils s'apparentent à des contrats d'investissements financiers dans le sens où les fonds collectés sont placés jusqu'au versement des prestations, qui s'effectue en principe lors du départ à la retraite du souscripteur.

1. Les produits d'épargne retraite, une offre éparpillée et complexe

Outre le régime fiscal applicable, on distingue les produits d'épargne retraite principalement selon quatre critères.

Premièrement, les produits d'épargne retraite peuvent être souscrits dans un cadre collectif ou individuel :

- dans un cadre collectif, il s'agit de celui de l'entreprise . L'offre existante couvre un large spectre de caractéristiques en termes d'adhésion (obligatoire ou non), de cotisations et de prestations (définies ou non à l'avance), de taux de cotisations (uniformes ou non), de possibilités d'abondement par l'employeur, et de dénouement (sortie en rente viagère, ou en capital). Sont affiliés à cette catégorie les contrats dits « article 39 », « article 82 » et « article 83 » 178 ( * ) , les plans d'épargne retraite d'entreprise (PERE), ainsi que le plan d'épargne pour la retraite collective (PERCO).

- dans un cadre individuel, ils sont souscrits par un particulier , tels que le plan d'épargne retraite populaire (PERP), les contrats dits « Madelin », ou des produits destinés à des régimes spécifiques comme les fonctionnaires (Préfon, COREM, CHR), ou encore les élus locaux (FONPEL et CAREL).

Deuxièmement, on distingue les produits d'épargne retraite selon leur régime juridique :

- les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle . Ils relèvent du code des assurances et sont commercialisés par les entreprises d'assurances, des mutuelles, ou des institutions de prévoyance ;

- les plans d'épargne retraite collectifs (PERCO) , mentionnés aux articles L. 3334-1 et suivants du code du travail, proposés par des sociétés de gestion d'actifs.

Troisièmement, les produits d'épargne retraite varient selon les modalités prévues en matière de cotisations et de prestations :

- pour les contrats à cotisations définies , le souscripteur s'engage sur un niveau de financement, le montant de la pension reversée n'est pas garanti car il dépend des cotisations versées, augmentées des revenus de placement ;

- pour les contrats à prestations définies , le montant de la prestation reversée est défini à l'avance.

Enfin, les produits d'épargne retraite varient selon les modalités de dénouement , c'est-à-dire selon la possibilité de sortie en rente viagère ou en capital. En principe, les produits d'épargne retraite prévoient une sortie en rentes viagères. Toutefois, la sortie en capital est autorisée pour certains contrats : pour la totalité des droits pour le PERCO, pour la majorité des droits pour le contrat « article 82 », et exceptionnellement pour le PERP.

Les élargissements récents des possibilités de sortie en capital

Le PERP, créé en 2003 par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dite « loi Fillon », prévoit la possibilité de sortie en capital. Aux termes des articles L. 132-23 et L. 144-2 du code des assurances, la sortie en capital est possible au moment au départ à la retraite, plafonnée à 20 % du montant total, en cas d'acquisition d'une résidence principale après le départ à la retraite, ou en cas d'évènements graves (décès du conjoint, invalidité, expiration des droits aux allocations chômage, liquidation judiciaire, surendettement). En outre, l'article L. 160-2 du code des assurances permet aux assureurs de racheter ces contrats, à leur initiative, si la rente servie est inférieure à 40 euros.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite « loi Macron » a introduit la possibilité de sortie en capital pour les « mini-PERP », c'est-à-dire pour les PERP dont la valeur de transfert du contrat est inférieure à 2000 euros, sous certaines conditions.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture prévoyait d'étendre les possibilités de sortie en capital aux contrats « article 83 » et « Madelin ». Il s'agissait de les aligner sur les dispositions applicables aux PERP en prévoyant une sortie en capital possible lors du départ à la retraite, dans la limite de 20 % des droits. Toutefois, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel car elle ne relevait pas du domaine des lois de finances 179 ( * ) .

Source : commission spéciale

Paysage des principaux produits d'épargne en vue de la retraite

Commercialisation

Compagnies d'assurance, mutuelles, institutions
de prévoyance

Sociétés de gestion d'actifs

Nom du dispositif

Article 83 du code général des impôts

Loi Madelin et Madelin agricole

Produit d'épargne retraite populaire (PERP)

Produit d'épargne retraite collectif (PERCO)

Date de création

Années 1950

1994

Loi Fillon (2003)

Loi Fillon (2003)

Principales caractéristiques

Cadre collectif, souscription obligatoire, cotisations définies à droits certains

Cadre individuel, facultatif, cotisations définies

Cadre individuel, facultatif, cotisation libre

Cadre collectif, facultatif, cotisation libre

Nombre de titulaires (2016)

5,3 millions

1,6 million

2,3 millions

2,3 millions

Cotisations annuelles moyennes (2016)

553 euros

1922 euros

953 euros

954 euros

Déblocage

Blocage jusqu'à la retraite sauf en cas de chômage longue durée, cessation d'activité non salariée à la suite d'une liquidation judiciaire, invalidité ne permettant plus d'exercer une activité professionnelle, décès du conjoint ou PACS, surendettement

Blocage jusqu'à la retraite sauf invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou PACS, décès du titulaire, de son conjoint ou du PACS, surendettement, chômage de longue durée.

Dénouement

Sortie en rentes

Sortie en rentes en principe mais possible en capital à 100 % si primo-accession à la propriété au moment du départ à la retraite, ou à 20 % dans les autres cas.

Sortie en rentes ou en capital

Montant annuel moyen de la rente ou montant moyen du capital versé

2195 euros (rente)

1751 euros (rente)

1243 euros (rente)

9000 euros (capital)

Transférabilité

Oui vers un autre contrat de type « article 83 » ou PERP

Oui vers un autre contrat de type Madelin ou « article 83 » ou PERP

Oui vers un autre PERP

Oui vers un autre PERCO

Abondement de l'employeur

Obligatoire

Possible

Source : commission spéciale, à partir de l'étude d'impact

2. La multiplicité de régimes fiscaux applicables contribue à rendre l'offre illisible pour l'épargnant

Les règles fiscales applicables divergent selon les produits d'épargne retraite. Toutefois, il est possible d'établir cette grille de lecture 180 ( * ) :

- si les cotisations sont déductibles ou exonérées à l'entrée, les prestations sont fiscalisées à la sortie ;

- si les cotisations ne sont ni déductibles ni exonérées à l'entrée, les prestations versées ne sont pas fiscalisées à la sortie. Les rentes sont imposées selon le régime des rentes viagères à titre onéreux.

Le régime d'imposition des rentes viagères à titre onéreux

Les rentes viagères constituées à titre onéreux résultent d'un contrat par lequel le titulaire a volontairement accepté de se dessaisir d'un élément de son patrimoine, tel que le capital constituant son épargne retraite supplémentaire, en contrepartie de versements en espèce échelonnés dans le temps 181 ( * ) .

Aux termes de l'article 158 du code général des impôts, les rentes viagères constituées à titre onéreux ne sont considérées comme un revenu, pour l'application de l'impôt sur le revenu, que pour une fraction de leur montant. Cette fraction est déterminée d'après l'âge du titulaire lors de l'entrée en jouissance de la rente versée : 70 % avant 50 ans, 50 % s'il est âgé de 50 à 59 ans inclus, 40 % s'il est âgé de 60 à 69 ans inclus, 30 % s'il est âgé de plus de 69 ans.

Lorsque la rente est réversible, c'est-à-dire qu'elle est constituée au profit de deux intéressés avec réversibilité possible au profit du survivant, l'âge à retenir pour le calcul de la fraction imposable est celui du plus jeune crédirentier 182 ( * ) .

Régime d'imposition des bénéficiaires de produits d'épargne retraite

Article 83 du code général des impôts

Loi Madelin et Madelin agricole

Produit d'épargne retraite populaire (PERP)

Produit d'épargne retraite collectif (PERCO)

Fiscalité à l'entrée

Pour le salarié : exonération d'impôt sur le revenu plafonnée.

Pour l'employeur : versement non imposables à l'impôt sur les sociétés.

Cotisations déductibles du bénéfice imposable sous plafond.

Cotisations déductibles de l'impôt sur le revenu sous plafond.

Cotisations employeurs déductibles de l'impôt sur les sociétés.

Cotisations du salarié non déductibles, sauf si issues de l'intéressement ou participation.

Prélèvements sociaux à l'entrée

CSG et CRDS pour les versements du salarié.

Forfait social au taux de 20 % pour l'employeur.

-

CSG et CRDS pour les versements du salarié.

Forfait social au taux de 20 % pour l'employeur, ou 8 % pendant 6 ans pour les entreprises de moins de 50 salariés qui concluent un accord de participation ou d'intéressement pour la première fois, ou 16 % pour les PERCO investis en titres éligibles au PEA-PME.

Fiscalité à la sortie

Impôt sur le revenu après abattement de 10 %

Impôt sur le revenu après abattement de 10 %

Si sortie en rente : impôt sur le revenu après abattement de 10 %.

Si sortie en capital : prélèvement forfaitaire libératoire au taux de 7,5 % avec abattement de 10 %

Si sortie en rente : régime des rentes viagères à titre onéreux.

Si sortie en capital : exonération d'impôt sur le revenu.

Prélèvements sociaux à la sortie

CSG, CRDS, cotisation maladie et contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA)

Régime du patrimoine et de placement

Source : commission spéciale, à partir de l'étude d'impact et du document de travail n° 4 de la séance plénière du Conseil d'orientation des retraites du 24 janvier 2018.

II. Le dispositif proposé par le projet de loi

L'exposé des motifs évoque les objectifs suivants pour le présent article :

- offrir un meilleur rendement aux épargnants en encourageant la détention d'actifs dans des investissements de long terme et en modifiant les modalités de gestion ;

- accroître l'attractivité de l'épargne retraite supplémentaire , notamment en simplifiant son fonctionnement. Pour y parvenir, les canaux mobilisés sont la portabilité des droits, l'harmonisation des régimes de droit et fiscaux appliqués aux produits existants, l'assouplissement des conditions de sortie des produits existants ;

- garantir la protection de l'épargne retraite constituée ;

- stimuler la concurrence sur le segment de la retraite supplémentaire .

1. La création d'un régime de droit commun à l'ensemble des produits d'épargne retraite

Le I du présent article complète le titre II du livre Ier du code monétaire et financier, relatif aux produits d'épargne, afin d'insérer un nouveau chapitre dédié aux plans d'épargne retraite . Ces dispositions constituent ainsi le nouveau socle de droit commun de l'ensemble des produits d'épargne retraite. Leurs modalités d'application seront définies par décret en Conseil d'État (alinéa 44 183 ( * ) ).

a) La définition du plan d'épargne retraite

Les alinéas 8 à 10 définissent la nature et l'objet d'un plan d'épargne retraite. Bénéficiant aux personnes physiques, il vise à acquérir une rente viagère ou le versement d'un capital à compter de la date de départ à la retraite, ou de l'âge légal . Il peut être ouvert par un assureur, une mutuelle ou une institution de prévoyance d'une part, ou par des gestionnaires d'actifs, d'autre part . Dans le premier cas, il se traduit par l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe, et dans le second, par l'ouverture d'un compte-titres.

Le PER doit nécessairement prévoir la possibilité pour le titulaire d'acquérir une rente viagère lors de son départ à la retraite, ainsi qu'une option de réversion en cas de décès. Ainsi, si le présent article prévoit le choix entre la sortie en rente viagère ou en capital au moment de la retraite (cf. infra ), un PER ne doit pas nécessairement proposer une sortie en capital pour se conformer à la définition proposée par le présent article d'un plan d'épargne retraite.

b) Ses modalités de composition et de gestion

Les alinéas 13 à 16 précisent l'origine des sommes versées au PER. Il peut s'agir de :

- versements volontaires du titulaire ;

- pour les PER d'entreprise, versements de l'employeur du titulaire correspondant à la participation aux résultats de l'entreprise, à l'intéressement, aux versements au titre de l'épargne salariale, aux droits inscrits au compte épargne-temps ou aux jours de repos non pris (les « abondements employeur ») ;

- versements obligatoires du salarié ou de l'employeur , si cette modalité est prévue par le PER 184 ( * ) .

Les alinéas 17 à 20 encadrent le placement des sommes versées au PER.

Pour les versements à destination d'un PER dont la gestion est confiée à un gestionnaire d'actifs, les sommes sont investies dans des titres financiers qui doivent offrir « une protection suffisante de l'épargne investie » . Cette disposition vise à encadrer la prise de risque dans l'allocation de l'épargne. La liste exhaustive des titres financiers pouvant être acquis sera fixée par voie réglementaire.

Pour les PER de type assurantiel, les versements sont affectés l'acquisition de fonds euros, de fonds dits « eurocroissance », ou les titres financiers de même nature que ceux éligibles aux PER ouverts par des gestionnaires d'actifs .

La gestion dite « pilotée » devient la modalité de gestion par défaut du PER (alinéa 19). La gestion pilotée constitue une stratégie d'investissement qui vise à réduire progressivement la part des actifs risqués, tels que ceux investis en actions, au profit de fonds garantis comme les fonds euros. Ainsi, la gestion pilotée tient compte de l'horizon de placement de l'épargnant et vise à augmenter le rendement de l'épargne au début de son placement, et dans un second temps, à sécuriser le capital investi.

En principe, les sommes versées sur le PER sont bloquées jusqu'à la retraite. Toutefois, l'épargnant peut en bénéficier dans un nombre limité de cas (alinéas 23 à 30) :

- le décès du conjoint du titulaire ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ;

- l'invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint, ou de son partenaire lié par un PACS . L'invalidité doit être suffisamment grave pour que la personne ne puisse plus exercer une activité professionnelle ;

- la situation de surendettement du titulaire , telle que définie à l'article l. 711-1 du code de la consommation ;

- l'expiration des droits à l'assurance chômage du titulaire ;

- la cessation d'une activité non salariée en raison d'une liquidation judiciaire . Le rachat ou retrait du PER peut également être justifié par une procédure de conciliation si le président du tribunal de commerce l'autorise ;

- l'acquisition de la résidence principale du titulaire , sauf pour les sommes correspondant aux versements obligatoires du titulaire ou de son employeur.

Le décès du titulaire du PER entraîne sa clôture (alinéa 30).

c) La liberté de sortie en capital ou en rente lors du départ à la retraite, sauf pour les versements obligatoires dans le cadre d'un plan d'épargne retraite collectif

Les alinéas 31 à 33 définissent les modalités de sortie du PER au moment de la retraite du titulaire. Celles-ci varient selon la nature des sommes versées , reprenant ainsi la typologie établie au début de l'article :

- les droits correspondant aux versements obligatoires réalisés dans le cadre des plans d'épargne retraite d'entreprise sont délivrés sous forme de rente viagère ;

- les droits correspondant aux versements volontaires du titulaire ou de l'employeur sont délivrés sous forme de capital ou de rente viagère, selon le choix du titulaire . Le capital peut être versé en une fois, ou de façon fractionnée. Cette disposition vise également à permettre les sorties dites « mixtes », associant sortie partielle en capital et versement d'une rente viagère.

Ainsi, la liberté de sortie en capital ou en rente viagère ne s'applique pas à l'intégralité des droits constitués.

La liberté de choix de sortie en rente ou en capital n'est toutefois plus offerte au titulaire du PER, si celui-ci a opté dès l'ouverture du plan pour l'acquisition d'une rente viagère.

d) La portabilité des droits entre les produits d'épargne retraite

Les droits sont transférables d'un plan d'épargne retraite à l'autre, collectif ou individuel, avant le départ à la retraite (alinéa 34), et leur transfert ne modifie pas les conditions de leur rachat ou leur liquidation. Les alinéas 35 à 37 encadrent les modalités de portabilité des droits :

- les frais de transfert sont plafonnés à 3 % des droits acquis , puis ils deviennent nuls au bout de cinq ans après le premier versement, ou si le transfert intervient à compter du départ à la retraite ;

- pour les plans d'épargne retraite d'entreprise auxquels le titulaire est obligatoirement affilié, il ne peut transférer ses droits que s'il n'est plus tenu d'y adhérer ;

- lorsque le PER est un produit assurantiel, l'assureur peut réduire la valeur des droits transférés de l'éventuelle moins-value que le transfert occasionne sur les placements visant à garantir le capital à terme - les provisions mathématiques 185 ( * ) -, principalement constitués de fonds euros.

e) Le droit à l'information des titulaires

Le présent article prévoit que les titulaires bénéficient d'une information régulière sur les droits, et en particulier sur la valeur des sommes investies et sur les modalités de transfert vers un autre produit . Les conditions d'information des titulaires seront définies par voie réglementaire (alinéa 41).

2. L'application du forfait social à un taux réduit pour les fonds investis dans le financement des petites et moyennes entreprises (PME) et dans les entreprises de taille intermediaire (ETI)

Le II du présent article modifie l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale afin de généraliser le taux de forfait social réduit à 16 % au lieu de 20 %, tel que le droit en vigueur le prévoit pour l'épargne salariale versée sur un PERCO .

Le taux réduit du forfait social s'applique pour les versements effectués par l'employeur et lorsque les conditions suivantes sont respectées :

- l'épargne est gérée de façon pilotée ;

- l'épargne est employée à l'acquisition de parts de fonds dont au moins 10 % des titres sont éligibles au plan d'épargne en actions (PEA) destinés au financement des PME et ETI.

Cette dernière condition est plus restrictive que celle actuellement en vigueur pour les PERCO, dont 7 % des titres au moins doivent être susceptibles d'être employés dans un PEA.

Les dispositions relatives au régime de droit commun des plans d'épargne retraite ainsi que l'application du taux réduit de forfait social entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1 er janvier 2020 (alinéa 50).

3. Une habilitation à légiférer par ordonnance dans un délai de 12 mois

Le IV du présent article constitue une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, dans un délai de 12 mois à compter de la publication de la loi, afin de poursuivre plusieurs objectifs.

a) Instituer un régime juridique harmonisé de l'épargne retraite

Il s'agit de procéder aux coordinations nécessaires au sein des dispositions législatives portant sur les produits d'épargne retraite existants, afin d'en harmoniser les règles. L'habilitation à légiférer par ordonnance distingue deux types de produits d'épargne retraite : le produit collectif et le produit individuel. Ainsi, les produits existants devraient être refondus dans un paysage simplifié.

Les alinéas 53 à 58 traitent des règles applicables aux produits d'épargne retraite collectifs. Les ordonnances devront définir leurs règles de gouvernance et notamment les modalités d'association des salariés de l'entreprise à la gestion de l'épargne, de mise en place de ces produits au sein de l'entreprise, y compris en matière d'information et de conseil, et les modalités de gestion des droits des salariés en cas de modification du statut juridique de l'entreprise. Les PER collectifs pourront bénéficier à l'ensemble des salariés (alinéa 57) ou à seulement une partie d'entre eux (alinéa 58), et leur régime juridique respectif sera défini par ordonnance, en particulier la nature des versements qui pourront être affectés au PER.

Pour le produit d'épargne retraite individuel, l'alinéa 54 prévoit que la gouvernance, notamment par une association, ainsi que les obligations d'information et de conseil, soient définies par ordonnance.

b) Traiter les particularités des produits d'épargne retraite assurantiels

Contrairement aux PER proposés par des gestionnaires d'actifs, les contrats d'assurance peuvent être assortis de garanties en capital, ce qui les soumet à des sujétions particulières.

Dans ce cadre, l'ordonnance devra fixer les conditions relatives au cantonnement des actifs concernés, à la nature des garanties complémentaires pouvant figurer dans ces contrats, et les conditions de fixation des tarifs associés à ces contrats (alinéas 60 à 63).

c) Procéder à des mesures d'harmonisation législative

L'ordonnance devra procéder aux coordinations et adaptations des codes et lois en vigueur (alinéa 76).

d) Définir les modalités d'application de la réforme aux contrats existants

L'ordonnance devra définir les conditions dans lesquelles le nouveau régime de droit commun des produits d'épargne retraite, ainsi que les dispositions prises par ordonnance, s'appliqueront aux contrats existants (alinéa 77).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale a adopté vingt-deux amendements , dont dix amendements rédactionnels à l'initiative du rapporteur.

Plusieurs amendements substantiels adoptés modifient le I du présent article, relatif au socle de droit commun à l'ensemble des PER.

Ainsi, un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Dominique Potier, avec un avis de sagesse du rapporteur et du Gouvernement, précise que la liste des titres pouvant être acquis via l'épargne retraite, fixée par voie réglementaire, devra intégrer les titres intermédiés en investissement participatif , proposés par des conseillers en investissements participatifs (CIP) 186 ( * ) (alinéa 17).

Un amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Charles de Courson, avec un avis favorable du Gouvernement, puis sous-amendé par le rapporteur, intègre les produits d'épargne retraite individuels dits « en points » au champ de la réforme , tels que le Préfon ou le Corem (alinéa 18).

Un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, permet que les titulaires d'un PER se voient systématiquement proposer la possibilité d'allouer une partie de l'épargne à l'acquisition de parts dans des fonds solidaires (alinéa 19).

Un amendement adopté à l'initiative du rapporteur, après un avis de sagesse du Gouvernement, affecte aux PER les rétrocessions de commissions perçues par les organismes gestionnaires (alinéa 20). Les règles d'affectation aux PER seront définies par voie réglementaire. Il s'agit ici de reprendre une pratique déjà en vigueur pour les plans d'épargne retraite populaire 187 ( * ) . L'objet de l'amendement indique que l'objectif est de ne pas inciter les gestionnaires du PER à recourir à des fonds pratiquant des frais de gestion élevés .

Un amendement adopté à l'initiative du rapporteur, après un avis favorable du Gouvernement, limite la possibilité de rachat ou de retrait anticipé aux primo-acquisitions de résidence principale , et non à l'acquisition de la résidence principale. Le rapporteur souhaitait ainsi limiter un effet d'aubaine qui élargirait les conditions de déblocage de l'épargne retraite (alinéa 29).

Un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, précise que le titulaire peut opter pour la rente viagère expressément et irrévocablement lors de l'ouverture du plan, mais aussi à n'importe quel moment jusqu'à sa liquidation (alinéa 33).

Deux amendements identiques adoptés à l'initiative de nos collègues Éric Girardin et Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, plafonnent à 1 % des droits acquis le montant des frais de transfert, au lieu de 3 % (alinéa 35).

Un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, prévoit que les PER collectifs puissent changer de prestataire à l'issue d'un délai préavis d'une durée maximale de 18 mois (alinéa 38).

La commission spéciale a ajouté le II bis au présent article, en adoptant un amendement du rapporteur et après avis favorable du Gouvernement. Il complète les dispositions relatives au taux réduit du forfait social en prévoyant des dispositions transitoires pour les PERCO . En effet, le quota d'investissement en titres éligibles aux PEA exigé est de 7 % pour les PERCO, contre 10 % proposé par le présent article, afin que les versements employeur se voient appliquer le taux réduit de 16 %. Le quota de 7 % est maintenu pendant trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du texte (alinéas 47 à 49).

Enfin, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements relatifs à l'habilitation à légiférer par ordonnances (IV du présent article).

Un amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Charles de Courson, après avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, précise que l'association assurant la gouvernance des produits d'épargne retraite individuels doit représenter les intérêts des épargnants (alinéa 59).

Deux amendements adoptés à l'initiative du Gouvernement élargissent le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances.

Le premier amendement vise principalement à tirer les conséquences des amendements adoptés antérieurement par la commission spéciale . Ainsi, le Gouvernement est habilité à déterminer par ordonnances les modalités de calcul de la valeur de transferts des droits correspondants aux régimes dits « à points », ainsi que les modalités de transfert individuel ou collectif, notamment en cas de changement de prestataire (alinéas 52, 56, 63 et 64).

Le second amendement vise à définir par ordonnance le régime fiscal et les prélèvements sociaux applicables à l'ensemble des PER tels que réformés par le présent article (alinéas 66 à 75). Le tableau ci-dessous synthétise le champ de l'habilitation. Les conditions précises d'imposition seront définies par voie d'ordonnance.

Champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance
pour déterminer le régime fiscal

Fiscalité à l'entrée

Fiscalité en cas de déblocage anticipé

Fiscalité à l'échéance

Sortie en rente

Sortie en capital

Versements volontaires du titulaire

Déductibilité de l'impôt sur le revenu

Impôt sur le revenu si déblocage pour l'achat de la résidence principale.
Exonération d'impôt sur le revenu pour les autres cas de déblocage (accidents de la vie)

Impôt sur le revenu, selon des modalités à définir par ordonnance

Impôt sur le revenu, selon des modalités à définir par ordonnance

Versements de l'employeur (participation, intéressement, autres abondements)

Exonération d'impôt sur le revenu

Exonération d'impôt sur le revenu, y compris pour l'achat de la résidence principale

Imposition selon le régime des rentes viagères à titre onéreux

Exonération d'impôt sur le revenu

Versements obligatoires

Déductibilité de l'impôt sur le revenu, dans la limite des plafonds existants

Exonération d'impôt sur le revenu.

Pas de déblocage possible pour l'achat de la résidence principale

Impôt sur le revenu, selon des modalités à définir par ordonnance

Non prévu 188 ( * )

Source : commission spéciale

L'ordonnance devra aussi définir les prélèvements sociaux applicables et les adaptations transitoires utiles.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cinq amendements , dont deux rédactionnels à l'initiative du rapporteur.

Un amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Aurélien Taché, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, prévoit la possibilité de déblocage anticipée de l'épargne pour l'achat de la résidence principale, qu'il s'agisse d'une primo-acquisition ou non. Le texte initial du Gouvernement est ainsi rétabli.

Deux amendements, adoptés à l'initiative de notre collègue Vincent Descoeur, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, précisent que les obligations d'information et de conseil doivent se poursuivent pendant l'intégralité de la vie du produit , que ce soit durant la phase d'épargne et celle de restitution de l'épargne. Ces obligations d'information et de conseil relatives aux produits collectif et individuel seront définies par ordonnance.

Lors des débats en séance publique, notre collègue Daniel Fasquelle a précisé que le renforcement du devoir de conseil visait à éviter des situations dans lesquelles l'épargnant liquiderait l'intégralité de ses droits en capital au moment du départ à la retraite, et ne pourrait plus faire face aux risques liés au grand âge par la suite. Le renforcement du devoir de conseil est apparu comme la contrepartie nécessaire à la liberté de choix entre la sortie en capital ou en rente viagère.

IV. La position de votre commission

1. Un dispositif qui répond au manque d'attractivité des produits d'épargne retraite...

Depuis près de trente ans, les produits d'épargne retraite supplémentaire ont connu une dynamisation sensible. L'encours de la retraite supplémentaire s'élève aujourd'hui à 219 milliards d'euros 189 ( * ) , soit près de 10 % du produit intérieur brut (PIB), contre l'équivalent de 1,5 % du PIB à la fin des années 1980.

Toutefois, la retraite supplémentaire reste marginale au regard de l'attractivité des autres produits d'épargne . À titre de comparaison, l'encours de l'assurance vie s'élève à 1 628 milliards d'euros en 2017 190 ( * ) . En 2016, les prestations servies ne représentaient que 2 % de l'ensemble des prestations versées 191 ( * ) . De plus, le montant des rentes d'épargne retraite versées reste relativement faible par rapport aux prestations versées par les régimes de retraite obligatoires. Par exemple, la rente annuelle moyenne versée par les contrats d'entreprise s'élevait en 2013 à 2 822 euros, et à 1 601 euros pour les contrats individuels, soit respectivement 18 % et 10 % du montant moyen des prestations annuelles versées par les régimes obligatoires 192 ( * ) .

Au regard de la chute du taux de remplacement, des besoins de financement des régimes obligatoires et de l'allongement de l'espérance de vie, votre commission souscrit à l'objectif du Gouvernement de dynamiser l'épargne retraite supplémentaire . Elle estime que la portabilité des droits, l'harmonisation des règles de fonctionnement des produits d'épargne retraite et le choix entre la sortie en rente ou en capital contribuent à renforcer l'attractivité de l'épargne retraite supplémentaire.

Votre commission estime que la baisse du taux de forfait social appliqué aux versements volontaires de l'employeur de 20 % à 16 % n'est pas suffisamment incitative . Par conséquent, votre commission a adopté un amendement, à l'initiative de votre rapporteur, fixant à 10 % le taux de forfait social sur ces versements ( amendement COM-547 ).

Toutefois, votre commission estime que l'épargne retraite constitue également un outil de dialogue social au sein des entreprises, via les plans d'épargne retraite collectifs. À ce titre, la portabilité des droits ne doit pas constituer un facteur de déstabilisation de cet outil. Par conséquent, votre commission a adopté un amendement visant à encadrer le transfert des droits individuels en cours de constitution hors d'un plan d'épargne retraite collectif ( amendement COM-296 ).

2. ... sans épuiser la question du financement de la dépendance et du niveau de vie des retraités

Votre commission regrette que ce débat relatif au « troisième pilier » de la retraite soit dissocié de celui à venir sur la réforme du régime des retraites . Votre commission estime ainsi que la dissociation de ces deux débats tend à considérer l'épargne retraite supplémentaire comme un produit d'épargne comme les autres.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement permettant que l'épargne retraite soit davantage mobilisée pour prendre en compte le financement de la perte d'autonomie ( amendement COM-542 ). En phase d'accumulation de l'épargne, cet amendement vise à créer un nouveau cas de déblocage anticipé de l'épargne afin de financer les travaux d'adaptation du domicile en cas de perte d'autonomie du titulaire du plan d'épargne retraite, de son conjoint ou de ses enfants. En phase de désaccumulation de l'épargne, le choix de sortie en rente viagère est révocable si l'épargne est affectée au financement des travaux d'adaptation du domicile à la perte d'autonomie.

3. Un champ d'habilitation à légiférer par ordonnance particulièrement large

Votre commission regrette également que le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances ait été élargi par l'adoption d'un amendement à l'initiative du Gouvernement , afin de prévoir ultérieurement les régimes fiscal et social applicables aux plans d'épargne retraite.

Elle note également que le champ de l'habilitation est particulièrement large concernant le traitement fiscal des droits versés à compter du dénouement du contrat, en particulier pour la sortie en rente viagère. Pour les droits correspondant aux versements volontaires de l'employeur, l'habilitation prévoit que l'ordonnance définira l'imposition selon le régime de rentes viagères à titre onéreux. Pour les autres types de versements, l'ordonnance devra définir les modalités d'imposition à l'impôt sur le revenu des droits. Cette dernière formule à caractère général révèle que le Gouvernement n'a pas souhaité, à ce stade de l'examen du projet de loi, trancher la question d'une éventuelle incitation fiscale à la sortie en rente ou en capital, ou d'un traitement privilégié pour certains types de versements.

Par conséquent, votre commission estime que l'ordonnance devra prévoir l'imposition selon le régime de rentes viagères à titre onéreux des droits correspondant à l'ensemble des versements, car la sortie en rente constitue un « filet de sécurité » permettant à l'épargnant de se prémunir contre les risques liés au grand âge, sur le long terme . De plus, ce régime d'imposition permet une réduction de l'assiette fiscale en fonction de l'âge de l'épargnant.

Votre commission a adopté l' amendement COM-548 en ce sens.

Outre deux amendements rédactionnels de votre rapporteur, votre commission a également adopté les amendements suivants :

- un amendement précisant la nature juridique des plans d'épargne retraite ouverts auprès d'un organisme de retraite professionnelle supplémentaire ( amendement COM-276 ) ;

- un amendement précisant que le complémentaire retraite mutualiste (COREM) est bien intégré au champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances ( amendement COM-272 ) ;

- un amendement visant à permettre à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) de poursuivre ses travaux d'analyse sur les plans d'épargne retraite ( amendement COM-273 ) ;

- un amendement visant à remédier aux difficultés d'application de la loi de 2014 dite « loi Eckert », en qui concerne en partie la restitution des droits constitués dans le cadre de produits de l'épargne retraite ( amendement COM-275 ).

Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .

Article 21
(art. L. 113-3, L. 131-1, L. 131-1-1 [nouveau], L. 132-21-1, L. 134-1 et
L. 134-3 du code des assurances, art. 125-0 A du code général des impôts, art. L. 223-2, L. 223-2-1 [nouveau] et L. 223-25-4 du code de la mutualité)
Développement du fonds eurocroissance et
autres mesures relatives aux produits d'assurance-vie

I. Le droit existant

L'assurance-vie désigne un contrat d'assurance dont le risque dépend de la durée de la vie humaine. En contrepartie de primes payées par le souscripteur, l'assureur s'engage à verser un capital ou une rente aux bénéficiaires, lorsque le risque se matérialise.

Quelques chiffres sur l'encours de l'assurance-vie

En 2017, l'encours de l'assurance-vie s'élève à 1 700 milliards d'euros environ, dont :

- 1 400 milliards d'euros environ sur les contrats « euros » , qui offrent à tout moment une protection du capital et des intérêts versés et sont de ce fait principalement investis sur des placements peu risqués (essentiellement des obligations) ;

- 300 milliards d'euros environ sur les supports en unités de compte , dont le capital n'est pas garanti mais qui permettent un investissement diversifié sur les marchés financiers et immobiliers ;

- 2 milliards d'euros environ sur les fonds dits « eurocroissance » , qui offrent une garantie du capital (primes versées, moins les frais) au terme d'une durée d'au moins huit ans, ce qui permet à l'assureur d'investir dans des actifs diversifiés offrant en moyenne un rendement supérieur à ceux des contrats « euros ».

Source : commission spéciale, à partir de l'étude d'impact

Représentant près de 40 % de l'épargne financière des ménages, l'assurance-vie constitue le placement financier préféré des français 193 ( * ) .

Son attractivité tient autant à son régime fiscal avantageux, qu'à sa souplesse d'utilisation.

En effet, à condition d'opter pour un contrat à versements et retraits libres, le souscripteur peut à tout moment effectuer un retrait partiel ou total de son épargne 194 ( * ) . De plus, contrairement au plan d'épargne en actions (PEA), ou au livret A, les versements ne sont pas plafonnées.

Le régime fiscal applicable est défini aux articles 125-0 A, 200 A et 990 I du code général des impôts. Au-delà de huit ans d'ancienneté du contrat, l'assurance-vie bénéficie d'un traitement fiscal avantageux, grâce à l'abattement de 4 600 euros par personne et par an, ainsi qu'un taux réduit d'imposition sur le revenu fixé 7,5 %. En matière successorale, sont imposables aux droits de succession les primes versées après 70 ans et supérieures à 30 500 euros. Les primes qui ne sont pas soumises aux droits de succession sont imposées à hauteur de 20 %, après l'application d'un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire.

En théorie, l'assurance-vie pourrait constituer un vecteur de financement de l'économie au regard de l'importance du montant de son encours . Toutefois, étant donné que l'assurance-vie repose sur le principe de la garantie du capital, cette caractéristique encourage plutôt la détention de fonds euros, au détriment des unités de compte.

L'article L. 131-1 du code des assurances prévoit que les supports en unités de compte doivent offrir « une protection suffisante de l'épargne investie ». La liste de ces supports est fixée par décret en Conseil d'État 195 ( * ) .

1. La création des fonds eurocroissance : un produit intermédiaire encourageant la détention longue

À la suite de la publication du rapport de Karine Berger et de Dominique Lefebvre 196 ( * ) , l'ordonnance du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance-vie au financement de l'économie 197 ( * ) a créé les contrats eurocroissance prévoyant une garantie du capital à terme, et non plus à tout moment. Les deux principaux objectifs du dispositif sont :

- réduire la contrainte de liquidités qui pesait sur les assureurs et qui limitait les investissements considérés comme plus risqués ;

- offrir à l'épargnant un profil de risque intermédiaire entre les fonds euros et les unités de compte.

Aux termes de l'article L. 134-1 du code des assurances, les engagements en eurocroissance donnent lieu à la constitution d'une provision de diversification qui est chargée d'absorber la fluctuation de la valeur des actifs. La provision de diversification constitue la « poche » d'actifs visant à assurer le rendement du contrat. Elle coexiste avec une provision mathématique qui vise à assurer la garantie à terme. La superposition de ces deux provisions a complexifié la compréhension du fonctionnement du produit.

Afin d'encourager la commercialisation de ces contrats, la loi de finances rectificative pour 2013 198 ( * ) a prévu le maintien de l'antériorité fiscale en cas de transformation d'un contrat existant vers un contrat eurocroissance. Ainsi, le régime fiscal applicable en cas de rachat est établi en fonction de la date de souscription du contrat initial.

2. L'élargissement des possibilités de règlement d'un contrat par la remise de titres non négociables : un dispositif récent présentant plusieurs carences

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 199 ( * ) a modifié l'article L. 131-1 du code des assurances pour prévoir qu'un souscripteur puisse opter irrévocablement, à tout moment, et avec l'accord de l'assureur, pour la remise de titres ou de parts non négociés sur un marché réglementé, y compris de parts de fonds communs de placement à risques (FCPR) ou non négociables, lors du rachat de son contrat .

Si l'objectif principal de ce dispositif est d'encourager l'investissement dans les titres non cotés, il contribue surtout à transférer le risque de liquidité de l'assureur vers l'assuré . Dominique Estrosi Sassone, rapporteur au Sénat du projet de loi précité, avait d'ailleurs souligné dans son rapport que « conformément aux règles prudentielles en vigueur, l'assureur dispose à tout instant de suffisamment de liquidités pour faire face aux engagements sans devoir compter sur la vente, toujours délicate, de titres non cotés. (...) Dès lors, la conséquence principale du dispositif proposé est de transférer le risque de liquidité vers l'assuré » 200 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 131-1 du code des assurances, cette possibilité de règlement en titres non cotés n'est pas ouverte lorsque le souscripteur ou des membres de sa famille ont détenu, directement ou indirectement, au cours des cinq dernières années des titres ou parts dans la même entité que ceux remis par l'assureur. Cette clause anti-abus vise à éviter les schémas d'optimisation fiscale permettant de régler le contrat en titres afin de ne pas s'acquitter de l'impôt sur les plus-values réalisées. Toutefois, la rédaction actuelle de l'article L. 131-1 ne prévoit pas de seuil minimal de détention de parts de l'entité visée, ce qui permet de ne pas opter pour le règlement en titres dès lors que le souscripteur ou ses proches ont détenu un seul titre de cette entité.

3. Les modalités de paiement de la prime : une clarification nécessaire

Aux termes de l'article L. 113-2 du code des assurances, l'assuré est tenu de payer « la prime ou cotisation aux époques convenues », sans pour autant définir les modalités de paiement (en numéraire ou en titres). Toutefois, sans nécessiter de définition explicite, le droit français n'envisage le versement des primes d'assurance qu'en numéraire 201 ( * ) .

Les pratiques des assureurs étrangers, et en particulier luxembourgeois, peuvent varier et privilégier le paiement de la prime sous forme de remise de titres. Or, depuis l'entrée en vigueur de la « troisième directive sur l'assurance-vie » 202 ( * ) en 1992, les assureurs établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne peuvent commercialiser leurs produits en France, en libre prestation de services. Ainsi, « une minorité de contribuables français parmi les plus fortunés utilisent les marges de manoeuvre offertes à l'étranger dans le paiement de la prime de leur contrat d'assurance pour y placer leurs propres titres de sociétés et bénéficier du régime fiscal français de l'assurance-vie » 203 ( * ) .

Or, la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt en date du 19 mai 2016, qu'aucune « disposition légale d'intérêt général ne prohibe la distribution en France par un assureur luxembourgeois de contrats d'assurance sur la vie qui sont régis par la loi française mais dont les caractéristiques techniques et financières relèvent du droit luxembourgeois » 204 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

1. Dispositions communes à l'ensemble des contrats d'assurance-vie introduites dans l'objectif d'améliorer la contribution de l'assurance-vie au financement du capital-investissement en France

La possibilité de régler un contrat d'assurance-vie par la remise de titres non négociables (article L. 131-1 du code des assurances) fait l'objet de plusieurs aménagements.

Premièrement, le choix du souscripteur du règlement en titres est réputé s'appliquer au bénéficiaire du contrat, sauf mention expresse . Cette disposition vise à faciliter le recours à ce mode de règlement (alinéa 4) 205 ( * ) .

Deuxièmement, la rédaction de la clause anti-abus est précisée (alinéas 6 à 8) :

- le règlement en titres n'est pas possible si le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) a détenu directement ou indirectement des parts ou titres de la même entité au cours des cinq années précédant le règlement ;

- les frères et soeurs mentionnés dans l'article L. 131-1 du code des assureurs sont ceux du contractant ;

- les parts ou titres des proches ne doivent pas avoir été détenus ensemble, ou séparément.

Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux demandes de rachats présentées à compter de l'entrée en vigueur de la loi (alinéa 59).

Troisièmement, les ascendants ou proches énumérés par l'article ne doivent pas avoir détenu plus de 10 % des parts ou titres du fonds (alinéa 9). L'introduction de ce seuil vise à sécuriser juridiquement ce dispositif.

Par ailleurs, la gamme des supports éligibles à l'assurance-vie est élargie (alinéa 11). En effet, le présent article créé un nouvel article L. 131-1-1 dans le code des assurances permettant aux particuliers d'investir dans des fonds professionnels, dans le respect de conditions liées à leur patrimoine, à leurs connaissances, ou à leur expérience en matière financière . Cette précision vise à contrebalancer l'ouverture de l'assurance-vie à des fonds jugés plus risqués. Ainsi, la liste des supports d'investissement devrait dépendre de la capacité patrimoniale du contractant. Un décret en Conseil d'État précisera la mise en oeuvre de ces conditions, ainsi que les fonds concernés.

Par ailleurs, l'article L. 113-3 du code des assurances est modifié pour préciser que le paiement de la prime s'effectue en numéraire (alinéa 2). Cette disposition vise à clarifier le droit national existant.

2. Création d'un nouveau régime pour les fonds eurocroissance

Le présent article vise à créer un nouveau régime des fonds eurocroissance , en complément du régime actuellement prévu (alinéas 17 à 42).

Contrairement à l'actuel régime des fonds eurocroissance, les nouveaux produits ne présenteront pas deux provisions différentes , mathématiques et de diversification. Pour les nouveaux fonds eurocroissance, la rente ou le capital garantis sont exprimés uniquement en parts de provisions de diversification avant l'échéance (alinéa 33). Outre un gain de clarté pour l'épargnant, cette disposition vise à apporter une souplesse de gestion pour l'assureur. À l'échéance, la garantie est exprimée en euros.

L'assureur est néanmoins tenu de constituer une provision pour assurer la garantie à terme , si la valeur des actifs ne semble pas suffisante pour assurer le capital ou la rente à l'échéance (alinéa 41).

L'article L. 132-21-1 est complété pour préciser la valeur de rachat ou de transferts des engagements correspondant au nouveau régime des eurocroissance (alinéas 17 à 20). Avant l'échéance, la valeur de rachat ou de transfert correspond à la valeur liquidative, c'est-à-dire la valeur de marché, des parts détenues. Ainsi, si le rachat ou le transfert a lieu avant l'échéance, les sommes versées à l'assuré sont égales à la valeur de marché des parts qu'il détient. Après l'échéance, la valeur de rachat ou de transfert ne peut être inférieure au montant de la garantie. Les modalités de détermination de la valeur de rachat ou de transfert seront précisées par décret en Conseil d'État.

Il est possible de convertir ses engagements en fonds eurocroissance du régime actuel en fonds eurocroissance du nouveau régime, dès lors que les cocontractants sont d'accord (alinéa 34). Cette disposition vise à faciliter la migration des anciens eurocroissance vers les nouveaux.

Par ailleurs, les assureurs pourront réunir les anciens et les nouveaux eurocroissance au sein du même canton (alinéa 36), c'est-à-dire que les deux types de contrats peuvent réunis dans une même comptabilité auxiliaire d'affectation, séparée du reste du bilan de l'assureur.

Le II du présent article (alinéas 43 à 46) modifie l'article 125-0-A du code général des impôts afin de prévoir que la transformation, totale ou partiel, d'un contrat eurocroissance correspondant à l'ancien régime en un contrat eurocroissance correspond au nouveau régime n'entraîne pas les conséquences fiscales du dénouement. Cette disposition vise également à faciliter la transition de l'ancien vers le nouveau régime.

3. Coordinations et adaptations nécessaires au sein du code général des impôts et du code de la mutualité

Le III du présent article modifie le code de la mutualité pour y transposer les dispositions précédentes. Il s'agit d'aligner les contrats proposés par les institutions de prévoyance et les mutuelles sur les modifications proposées dans le code des assurances.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre huit amendements rédactionnels ou de coordination, la commission spéciale a adopté deux amendements substantiels .

Le premier, adopté à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, vise à encourager à investir les contrats d'assurance-vie dans des fonds solidaires, responsables et les fonds verts en rendant obligatoire leur présentation dans les contrats .

En séance publique, un amendement du rapporteur retouche ces dispositions. Il précise la nature des fonds devant faire l'objet d'une obligation de proposition d'investissement :

- les fonds solidaires , également appelés fonds « 90-10 » car leur actif est composé de 5 % à 10 % de titres émis par des entreprises solidaires, ou de fonds de placement à risques dont au moins 40 % de l'actif est composé de titres émis par des entreprises solidaires 206 ( * ) ;

- les fonds ayant obtenu un label de l'État satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique (les fonds dits « TEEC ») ;

- les fonds ayant obtenu un label créé par l'État et satisfaisant aux critères d'investissement socialement responsable (les fonds dits « ISR »).

En outre, l'amendement du rapporteur précise que l'obligation de proposition s'applique au sens de l'obligation de proposer au moins une unité de compte correspondant à l'un des trois fonds précités. Cette obligation ne s'applique qu'aux contrats ouverts à compter du 1 er janvier 2020. À partir de 2022, les contrats devront proposer au moins deux unités de compte, l'une correspondant à un fonds dit « ISR », et l'autre pouvant correspondre, au choix, à un fonds dit « TEEC » ou solidaire .

Le second amendement, également adopté à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, vise à améliorer l'information de l'épargnant . L'assureur est tenu de communiquer à l'épargnant, de manière au moins trimestrielle, la valeur de rachat ou de transfert de son contrat, et la valeur des unités de compte ou des parts de fonds eurocroissance. Un sous-amendement du rapporteur prévoit que cette communication puisse être faite sous forme dématérialisée.

En séance publique, un amendement, adopté à l'initiative du rapporteur et après avis favorable du Gouvernement, introduit une obligation d'information annuelle sur les rétrocessions de commission perçues au titre de la gestion financière des actifs , et d'une manière générale sur les frais prélevés par l'assureur.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

IV. La position de votre commission

La réforme des fonds eurocroissance cherche à tirer les conséquences du succès limité de ce support d'investissement lancé en 2014 .

En effet, alors que ces contrats devaient présenter une troisième voie de l'assurance-vie, offrant un profil d'investissement intermédiaire, fin 2017, l'encours ne s'élevait qu'à 2,3 milliards d'euros environ, soit à peine 1 % de l'encours total de l'assurance-vie. Deux principaux facteurs expliquent cet échec. D'une part, le contexte de taux bas a limité la rentabilité des fonds eurocroissance par rapport aux fonds euros. D'autre part, les fonds eurocroissance ont été pénalisés par leur structure complexe , consistant en la superposition de deux provisions comptables permettant d'avoir une garantie à l'échéance du contrat.

Les auditions conduites par votre rapporteur spécial ont permis de mettre en évidence le manque de lisibilité de ce support et leur mauvaise appropriation par les réseaux de distribution assurantiels.

Le rapport relatif au financement des entreprises en France 207 ( * ) , réalisé par Jean-Noël Barrot et Alice Zagury dans la perspective de la préparation du présent projet de loi, proposait de moduler la garantie en capital offerte sur les fonds euros en fonction de la durée de détention . Sans se prononcer sur le contenu de cette proposition initiale, votre commission souligne que la réforme introduite au présent article affiche des ambitions plus réservées en matière d'assurance-vie.

Néanmoins, votre commission estime que la nouvelle version des fonds eurocroissance devrait vraisemblablement être plus lisible pour l'épargnant et moins « corsetée » que les actuels fonds eurocroissance qui n'ont pas su trouver leur public. Il reviendra néanmoins aux assureurs, institutions de prévoyances et mutuelles de convaincre, via la mobilisation de leurs réseaux de distribution, de la pertinence de ce nouveau support d'investissement. Votre commission prend acte du choix du Gouvernement de proposer de s'orienter vers une réforme consensuelle de l'assurance-vie. Elle a adopté un amendement COM-277 , avec l'avis favorable du rapporteur, visant à faciliter la migration des anciens contrats eurocroissance vers les nouveaux.

Concernant les dispositions visant à encourager le règlement du contrat par la remise de titres non négociables , votre commission estime qu'elles sont de nature à répondre aux carences de la loi de 2015 qui a introduit cette modalité de règlement.

Par ailleurs, votre commission estime que l'assurance-vie constitue un outil d'épargne privilégié pour financer la transition énergétique, écologique et soutenir les investissements dits « solidaires ». Dans cette perspective, votre commission relève avec intérêt les apports de l'Assemblée nationale visant à instaurer une obligation de proposition d'investissement dans les fonds dits « verts », solidaires et satisfaisant aux critères d'investissement socialement responsable . Toutefois, votre commission relève deux carences de l'article en la matière. D'une part, elle note qu'à compter de 2022, les contrats pourront choisir de ne proposer qu'une unité de compte investie soit dans les fonds dits « verts », soit dans les fonds solidaires. Or, compte tenu de la rentabilité supérieure des fonds satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique, cette alternative pourrait avoir pour effet de décourager l'investissement dans les fonds solidaires. D'autre part, votre commission rappelle que l'actif des fonds solidaires n'est composé qu'au maximum de 10 % par des titres émis par des entreprises solidaires, ce qui constitue un support d'investissement relativement sécurisé.

Ainsi, votre commission a adopté un amendement visant à renforcer cette obligation de proposition d'investissement à compter de 2022 ( COM-87 rectifié ), avec l'avis favorable du rapporteur.

En outre, votre commission a adopté un amendement rédactionnel à l'initiative de votre rapporteur ( COM-549 ), et un autre visant à préciser le champ d'application des obligations de proposition en matière de fonds solidaires, verts et responsables ( COM-278 ), avec l'avis favorable du rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié.

Article 21 bis
(art. L. 214-28 du code monétaire et financier)
Assouplissement du régime
des fonds communs de placement à risques

I. Le droit en vigueur

Les fonds communs de capital risque (FCPR) sont des fonds de capital investissement permettant aux épargnants non professionnels d' investir dans des sociétés non cotées .

Ils sont soumis à des contraintes d'investissement particulières au titre de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier.

Ainsi, l'actif d'un FCPR doit être constitué à hauteur de 50 % au moins de parts de sociétés à responsabilité limitée, titres associatifs, titres participatifs ou titres de capital (ou donnant accès au capital) de sociétés non cotées.

Par exception, sont également admis pour apprécier le respect de ce quota d'investissement :

- les titres éligibles émis par des sociétés cotées de petite capitalisation boursière 208 ( * ) , dans la limite de 20 % de l'actif du fonds ;

- les avances en compte courant consenties à des sociétés dans lesquelles le fonds détient 5 % du capital, dans la limite de 15 % de son actif.

Ces contraintes d'investissement justifient le traitement fiscal privilégié dont peuvent bénéficier les souscripteurs. Sous réserve de respecter des conditions de détention et de réinvestissement prévues à l'article 163 quinquies B du code général des impôts, le redevable peut ainsi bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des distributions reçues.

Les FCPR peuvent également être logés au sein d'un plan d'épargne en actions (PEA) 209 ( * ) , d'un plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) 210 ( * ) ou d'un contrat d'assurance vie en unités de comptes 211 ( * ) .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue député Adrien Taquet, adopté avec avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, vise à assouplir le quota d'investissement des FCPR .

Seraient désormais éligibles au quota d'investissement (alinéa 5) :

- les titres de créance émis par des sociétés non cotées ;

- les titres de créance émis par des sociétés à responsabilité limitée ;

- des créances sur ces entités.

L'éligibilité de ces titres serait toutefois limitée : les titres émis par des sociétés cotées de petite capitalisation boursière déjà éligibles et les titres de créance nouvellement éligibles ne seraient retenus pour apprécier le respect du quota d'investissement que dans la limite de 20 % de l'actif du fonds (alinéa 3).

Enfin, les FCPR qui prévoient dans leur actif au moins 5 % d'instruments financiers liquides tels que définis par décret en Conseil d'État seraient expressément autorisés à le mentionner dans tous les actes et documents destinés aux tiers (alinéas 6 et 7).

III. La position de votre commission

En dépit des assouplissements apportés en 2015 par la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ( voir le commentaire de l'article 21 du présent projet de loi ) 212 ( * ) , les montants investis par les assureurs dans le capital investissement restent insuffisants .

Montants investis en France par les assureurs dans le capital investissement

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

1,1

1,1

1,3

2,1

2,3

Source : commission spéciale
(d'après les données transmises par le Gouvernement)

Cette contre-performance tient notamment au faible développement des unités de compte composées de parts de FCPR , qui constituent le véhicule le plus utilisé par les gestionnaires d'actifs spécialisés dans le non coté. En effet, seulement quatre assureurs ont lancé de telles unités de compte, pour des montants collectés relativement faibles 213 ( * ) .

Pour attirer une clientèle plus large, il serait nécessaire que les assureurs portent eux-mêmes le risque de liquidité , le règlement par remise de titres aux souscripteurs ne pouvant concerner que des épargnants particulièrement avertis.

Dans cet objectif, le présent article propose d'assouplir les règles d'investissement des FCPR , sur le modèle des organismes de placement collectif immobilier (OPCI), qui ont permis de flécher une partie significative des montants collectés via l'assurance vie vers des actifs immobiliers illiquides.

L'éligibilité des titres de créance, dans la limite de 20 % de l'actif du fonds déjà applicable aux titres de sociétés de petite capitalisation boursière, apporte ainsi une souplesse bienvenue, sans dénaturer les FCPR .

La possibilité pour les FCPR de signaler qu'ils prévoient dans leur actif au moins 5 % d'instruments financiers liquides permet par ailleurs d' éviter la création d'un nouveau véhicule , en mettant en place une forme souple de labellisation.

Dès lors, votre rapporteur propose uniquement un amendement rédactionnel COM-523 , adopté par la commission.

Votre commission a adopté l'article 21 bis ainsi modifié.

Article 21 ter
(art. L. 548-6 du code monétaire et financier)
Indicateur de risque des plateformes de financement participatif

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

Cet article vise à ce que les plateformes de financement participatif mettent à disposition des prêteurs des informations concernant la viabilité des projets en cours et des projets financés depuis plus de douze mois.

I. Le droit en vigueur

Les plateformes de financement participatif sont soumises, pour l'exercice de leur activité, à un cadre réglementaire adapté à la nature des financements qu'elles proposent.

Pour les opérations de prêt à titre onéreux ou sans intérêt, elles doivent s' immatriculer sur le registre unique des intermédiaires 214 ( * ) (article L. 548-3 du code monétaire et financier) et respecter des règles de bonne conduite et d'organisation (article L. 548-6 du même code).

Afin de protéger les épargnants, il est notamment prévu que les intermédiaires en financement participatif doivent « mettre en garde les prêteurs sur les risques liés au financement participatif de projet , notamment les risques de défaillance de l'emprunteur » (5° de l'article L. 548-6).

Sur ce fondement, un décret impose aux plateformes la publication, chaque trimestre, sur leur site internet, de manière facilement accessible depuis la première page, des taux de défaillance enregistrés sur les projets mis en ligne au cours des trente-six derniers mois ou, si la plateforme a moins de trois ans, depuis le démarrage de l'activité ( b du 3° de l'article R. 548-5 du code monétaire et financier).

Trois taux de défaillance , prévus par décret 215 ( * ) et dont les modalités de calcul ont été précisées par une position de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) 216 ( * ) , doivent ainsi être publiés :

- le premier taux rapporte le nombre de crédits ou prêts sans intérêt présentant une échéance impayée depuis plus de deux mois au nombre total de projets ;

- le deuxième taux rapporte le montant de ces mêmes prêts au capital restant dû pour l'ensemble des crédits ou prêts ;

- le troisième correspond à la moyenne trimestrielle du taux rapportant, chaque mois, le nombre des projets présentant des échéances qui restent impayées au nombre total de projets en cours.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de cinq amendements identiques adoptés au stade de la commission à l'initiative de nos collègues députés Pierre Cordier, Véronique Louwagie, Daniel Fasquelle, Vincent Rolland et Dominique Potier, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Il propose de compléter le 6° de l'article L. 548-6 du code monétaire et financier, qui impose aux plateformes de « mettre à disposition des prêteurs les outils permettant d'évaluer le montant du prêt envisageable compte tenu de leurs revenus et charges ainsi que les éléments pertinents leur permettant d'apprécier la viabilité économique du projet, en particulier le plan d'affaires », afin de préciser que « les indicateurs retenus prennent en compte, d'une part, l'ensemble des projets en cours et, d'autre part, les projets financés depuis plus de douze mois ».

III. La position de votre commission

Les modalités de calcul des taux de défaillance actuellement retenues peuvent conduire à donner des résultats biaisés aux épargnants .

En effet, le secteur du financement participatif étant en très forte croissance , rapporter les défaillances au nombre total de projets ou au capital restant dû pour l'ensemble des prêts  peut conduire à sous-estimer les risques, en « gonflant » artificiellement le dénominateur de prêts qui viennent d'être contractés.

Ce biais optimiste apparaît d'autant plus problématique que le financement participatif reste un secteur peu mature et paraît marqué par une hausse significative des défauts de remboursement au cours de la période récente . Une récente étude de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir étaye cette préoccupation 217 ( * ) .

Afin de remédier à cette difficulté, le présent article propose de créer un indicateur complémentaire prenant uniquement en compte les projets financés depuis plus de douze mois, ce qui permettrait de refléter plus objectivement la probabilité de défaut de ces investissements.

Si votre rapporteur partage naturellement l'objectif recherché, le texte adopté ne s'insère pas correctement au sein de l'article L. 548-6 du code monétaire et financier. Sans modifier le fond du dispositif proposé, il est dès lors proposé d' en revoir entièrement la rédaction.

Un amendement COM-524 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 21 ter ainsi modifié.

Article 22
(art. L. 411-2, L. 412-1, L. 433-4, L. 621-7, L. 621-8 à L. 621-8-2,
L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Simplification de l'accès des entreprises aux marchés financiers

I. Le droit en vigueur

1. L'offre au public de titres financiers

Aux termes de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier, une « offre au public de titres financiers » est largement définie ; elle est constituée :

- soit d'un placement de titres financiers par un intermédiaire financier ;

- soit d'une communication « présentant une information suffisante sur les conditions de l'offre et les titres à offrir, de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d'acheter ou de souscrire ces titres financiers ».

La qualification d'offre au public entraînant de nombreuses obligations et contraintes pour l'émetteur, l'article L. 411-2 du même code prévoit explicitement les cas qui ne constituent pas une offre au public au sens de l'article L. 411-1 précité . C'est le cas notamment des offres portant sur des titres de capital ou de créance :

- dont le montant est inférieur à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;

- ou qui sont, de manière cumulative, inférieures à un montant ainsi qu'à une quotité de capital de l'émetteur fixés par ce même règlement général.

Jusque dans sa rédaction antérieure à juillet 2018, le règlement général de l'AMF, dans son article 211-2, excluait ainsi de la qualification d'offres au public :

- les offres dont le montant total dans l'Union européenne était inférieur à 100 000 euros ;

- les offres dont le montant total dans l'Union était compris entre 100 000 euros et cinq millions d'euros et qui donnaient lieu à l'émission d'une quotité de titres inférieure à 50 % du capital de l'émetteur.

2. L'obligation de publicité : le « prospectus »

L'une des obligations qu'entraîne la qualification d'offre au public 218 ( * ) est celle de « publier et tenir à la disposition de toute personne intéressée un document destiné à l'information du public , portant sur le contenu et les modalités de l'opération qui en fait l'objet, ainsi que sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur et des garants éventuels des titres financiers qui font l'objet de l'opération, dans des conditions prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers . »

Ce document d'information générale de l'investisseur, normé à l'échelle européenne, est communément appelé « prospectus ». En l'état actuel du droit, sont donc exonérées de l'obligation de publier un prospectus les offres inférieures à 100 000 euros ainsi que les offres minoritaires 219 ( * ) d'un montant compris entre 100 000 euros et 5 millions d'euros.

L'article L. 621-8 du code monétaire et financier prévoit que le prospectus est soumis au visa préalable de l'AMF pour toute opération réalisée sur le territoire de l'espace économique européen, lorsque l'émetteur a son siège statutaire en France 220 ( * ) . Pour délivrer ce visa, l'AMF « vérifie si le document est complet et compréhensible et si les informations qu'il contient sont cohérentes » ( I de l'article L. 621-8-1 du même code). Elle a tout pouvoir pour demander des modifications au projet de prospectus.

En vertu du II de l'article L. 621-8-1 , l'AMF a le pouvoir de suspendre l'opération lorsqu'elle a des « motifs raisonnables de soupçonner qu'elle est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables ». Sous certaines conditions, elle peut même interdire l'opération.

Sont également exonérées de prospectus les offres de titres non cotés réalisées par l'intermédiaire d'un site internet de financement participatif d'un montant inférieur à 2,5 millions d'euros 221 ( * ) . Le règlement général de l'AMF prévoit cependant que l'intermédiaire doit fournir, dans un document d'information réglementaire synthétique (DIRS), certaines informations relatives notamment à son activité, à son projet et aux risques induits. Ce document doit être disponible sur le site internet de l'intermédiaire, en revanche celui-ci n'est pas revu en amont par l'AMF et n'est pas non plus déposé devant l'autorité.

Les obligations d'information actuelles

Source : étude d'impact annexée au présent projet de loi

3. Cas d'obligations de déposer une offre publique d'achat ou de retrait

Dans certains cas, le code monétaire et financier prévoit le dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique . Ce cas est notamment prévu à l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, lorsqu'une personne physique ou morale, actionnaire d'une société dont le siège social est établi en France 222 ( * ) :

- soit vient à détenir 223 ( * ) plus de 30 % du capital ou des droits de vote de la société ;

- soit, alors qu'elle détient 224 ( * ) entre 30 et 50 % du capital ou des droits de vote, augmente en moins de douze mois consécutifs sa détention en capital ou en droits de vote d'au moins 1 % du capital ou des droits de vote de la société.

Le code monétaire et financier prévoit également le cas où, sur demande d'un ou plusieurs actionnaires minoritaires, l'AMF impose le dépôt d'une offre publique de retrait 225 ( * ) afin de protéger les actionnaires minoritaires. Cette procédure peut être mise en oeuvre en cas d'illiquidité du titre et au regard notamment des conditions prévalant sur le marché des titres concernés et des éléments d'information apportés par le demandeur, selon une procédure communément appelée sell out . Ce cas est prévu au I de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier, lorsque le ou les actionnaires majoritaires d'une société 226 ( * ) détiennent seul ou de concert « une fraction déterminée des droits de vote » ; celle-ci est actuellement fixée, dans le règlement général de l'AMF, à 95 %.

Les II et III de l'article L. 433-4 précité prévoient également que le règlement général de l'AMF fixe les règles du retrait obligatoire, le squeeze out , c'est à dire les conditions dans lesquelles, à l'issue d'une offre publique de retrait, ou dans les trois mois à l'issue de toute offre publique, « les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote , sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés » : concrètement, cela signifie que lorsque les conditions susvisées sont réunies, le ou les actionnaires majoritaires peuvent, moyennant indemnisation, exiger le transfert à leur profit des titres détenus par les actionnaires minoritaires 227 ( * ) . Ce dispositif permet notamment, par le rachat de l'ensemble du capital, des sorties de cote afin d'assurer un bon fonctionnement du marché boursier.

La « directive OPA » de 2004 228 ( * ) , dont est issue cette disposition, permettait aux États de fixer un seuil compris entre 90 % et 95 % du capital, pour le déclenchement d'une procédure de retrait obligatoire. La France avait choisi de conserver le seuil le plus élevé, 95 % , qui était celui qui existait déjà pour le retrait obligatoire à l'issue d'une offre publique de retrait 229 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Les évolutions proposées dans le présent article visent à limiter certaines contraintes pesant sur les sociétés cotées afin de relancer les introductions en bourse qui accusent un net recul depuis dix ans dans notre pays : alors qu'elles représentaient environ 300 opérations par an entre 2005 et 2007, seulement 172 introductions ont eu lieu en 2016 230 ( * ) .

Le plus souvent, il s'agit de transposer des dispositions européennes dans un sens plus favorable aux émetteurs afin de redonner de la compétitivité à la place financière de Paris dans la compétition qui l'oppose aux autres places financières de l'Union européenne.

1. Les modifications apportées au code monétaire et financier

a) Le rehaussement du seuil d'établissement du prospectus

D'après le règlement européen dit « Prospectus 3 » 231 ( * ) , entré en vigueur directe le 21 juillet 2018 :

- en-dessous d'un million d'euros , aucun prospectus ne peut être imposé 232 ( * ) , compte tenu notamment du coût d'élaboration d'un prospectus qui risquerait d'être disproportionné par rapport aux fonds que l'offre devrait permettre de lever 233 ( * ) ;

- entre un et huit millions d'euros , chaque État-membre est libre de fixer le seuil de soumission à l'obligation de publication d'un prospectus ; toutefois, à défaut de choix national, le seuil d'un million d'euros est d'application directe à compter du 21 juillet 2018 ;

- au-delà de huit millions d'euros , un prospectus est obligatoire 234 ( * ) .

La France a choisi de retenir le seuil le plus élevé, de huit millions d'euros, le plus favorable aux émetteurs. Elle est le premier pays de l'Union européenne à faire le choix de retenir ce seuil maximal.

Les modifications correspondantes du règlement général de l'AMF sont entrées en vigueur le 21 juillet 2018, à l'issue de deux consultations publiques 235 ( * ) menées auprès des acteurs de place.

Les seuils existants dans le règlement général de l'AMF, de 100 000 euros et cinq millions d'euros ont donc été supprimés et remplacés par le seuil unique de huit millions d'euros 236 ( * ) .

Par cohérence, le 1° du I du présent article supprime donc, dans l'article L. 411-2, la référence à une « quotité de capital » pour définir le champ de l'offre au public, qui n'a désormais plus lieu d'être.

b) La création d'un document synthétique d'information pour les offres non soumises à l'obligation de publication du prospectus

En contrepartie de la suppression de l'obligation de prospectus pour un certain nombre d'offres et afin de maintenir la bonne information des investisseurs, le 2° du I du présent article propose que soit rendue obligatoire, « dans les cas et les modalités précisés par le règlement général » de l'AMF pour les offres d'un montant inférieur à huit millions d'euros, la publication d'un « document synthétique destiné à l'information du public et présentant les caractéristiques de l'opération et de l'émetteur ». Contrairement au prospectus, ce document n'est pas visé par l'AMF. Cette insertion législative permettra d'imposer la publication d'un document pour les offres au public d'un montant inférieur à huit millions d'euros (le document d'information synthétique, le DIS) mais aussi de donner une base législative plus précise à l'obligation de publication d'un DIRS dans le cas du financement participatif.

Le règlement précité autorise en effet les États-membres, en-deçà du seuil retenu, à définir un régime d'information national ad hoc 237 ( * ) .

Pour tenir compte de la création d'un III consacré à ce document synthétique au sein de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier (dont les I et II sont consacrés au prospectus), le a) du 5° du I du présent article propose une mesure de coordination légistique.

Par ailleurs, le b) du 5° du I du présent article prévoit, sur le modèle de ce qui existe actuellement s'agissant du prospectus 238 ( * ) , que tout fait nouveau ou toute erreur ou inexactitude contenue dans le document synthétique sera mentionné dans une note complémentaire audit document.

Enfin, le 6° du I du présent article modifie le II de l'article L. 621-8-1 du code monétaire et financier relatif aux pouvoirs de l'AMF de suspension voire d'interdiction d'une opération lorsque l'autorité a « des motifs raisonnables de soupçonner [que cette opération] est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables ». Il précise désormais que les pouvoirs de suspension et d'interdiction de l'AMF s'appliquent aux opérations mentionnées à l'article L. 412-1 du code monétaire et financier :

• les offres au public de titres financiers ;

• les admissions de titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;

• les offres de titres financiers dont le montant total est inférieur à huit millions d'euros ;

• et les offres de financement participatif.

Les nouvelles obligations d'information des investisseurs
pour les offres d'un montant total inférieur à 8 millions d'euros

Nouveau DIS 239 ( * )

DIRS 240 ( * )

Titres non cotés

Offre « en direct »
inférieures à huit millions d'euros

X

Offre réalisée par l'intermédiaire d'un site internet de financement participatif d'un CIP ou d'un PSI

X

Introduction en bourse

inférieure à huit millions d'euros

Offre secondaire

Inférieure à huit millions d'euros

Titres cotés

Euronext

-

Marché réglementé

Prospectus dû au titre de l'admission (dans le respect des exemptions du règlement Prospectus et des seuils d'éligibilité prévus par les règles de marché)

? application de la réglementation
sur les abus de marché

Pas de prospectus

Application de la réglementation
sur les abus de marché

et de la position AMF 2013-03, lesquelles requièrent la publication d'un communiqué de presse normé

? disparition du prospectus requis pour les offres secondaires inférieures à 8 M€

? non application du DIS, dont relèvent uniquement les offres de titres non cotés

Euronext Growth
-

SMNO

Pas de prospectus

mais document d'information requis par les règles de marché et revu ex ante par l'entreprise de marché

? disparition du prospectus requis pour les introductions en bourse comprises entre 2,5 et 8 M€

? application de la réglementation
sur les abus de marché

Euronext Access
(ex -Marché Libre)

-

SMN

Pas de prospectus

mais document d'information si prévu par les règles de marché

? non application du DIS

? application de la réglementation sur les abus de marché

Source : Annexe de l'instruction AMF n° 2018-07

c) Les autres modifications induites par le rehaussement du seuil de prospectus

En complément, afin que le rehaussement de ce seuil ne conduise pas, par ricochet, à amoindrir le degré de contrôle de l'AMF :

- le 4° du I du présent article propose que le règlement général de l'AMF détermine les règles de pratique professionnelle qui s'imposent aux émetteurs, non seulement lorsqu'ils procèdent à une offre au public (état actuel du droit tel que prévu au I de l'article L. 612-7 du code monétaire et financier) mais aussi lorsqu'ils procèdent à une offre inférieure au seuil des huit millions d'euros ;

- le 7° du I du présent article étend le champ de la réglementation de l'AMF relative aux communications à caractère promotionnel aux cas des offres d'un montant de moins de huit millions d'euros ; en particulier, l'AMF « peut interdire ou suspendre pendant dix jours de bourse les communications à caractère promotionnel lorsqu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles sont contraires aux dispositions du présent article » 241 ( * ) ;

- le 8° du I du présent article propose une nouvelle rédaction du I de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier du champ des enquêtes et contrôles de l'AMF pour y intégrer les offres d'un montant inférieur à huit millions d'euros mais aussi les offres de jetons mentionnées à l'article L. 552-3 242 ( * ) du même code ;

- le 9° du I du présent article étend le champ des personnes qui ont diffusé une fausse information 243 ( * ) dans le cadre d'une offre d'un montant inférieur au seuil des huit millions d'euros, à l'égard desquelles la commission des sanctions de l'AMF peut prononcer une sanction.

d) L'abaissement du seuil de retrait obligatoire

Le 3° du I du présent article abaisse le seuil de retrait obligatoire de 95 % à 90 %.

Seuls cinq États-membres sur 28 ont aujourd'hui 95 % comme seuil de déclenchement d'une procédure de retrait obligatoire : l'Italie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France. Les 23 autres États-membres ont choisi le seuil inférieur de 90 %, comme le permet la directive OPA de 2004.

En France, ce choix du seuil le plus élevé a correspondu à la volonté d'assurer une continuité dans les pratiques de marché qui étaient régies par la loi de 1993 établissant ce seuil à 95 %.

Mais aujourd'hui le seuil élevé retenu par la France pourrait constituer un risque de transfert (ou d'installation) hors de France du lieu de cotation d'émetteurs soucieux de bénéficier d'un retrait obligatoire facilité. Le Gouvernement souhaite donc, en abaissant le seuil du retrait obligatoire, envoyer « un signal rassurant pour les émetteurs » 244 ( * ) .

Le Haut comité juridique de la place financière de Paris s'est d'ailleurs penché sur cette question dans son rapport du 26 mars 2018 consacré à la réforme du retrait obligatoire de la cote. Il y soulignait notamment que « le droit positif français peut être considéré comme offrant des possibilités de sortie trop restreintes aux émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou organisé ». Il considérait également « qu'en fixant le seuil du retrait obligatoire à 95 %, le droit français peut favoriser les comportements de blocage d'actionnaires minoritaires qui prennent des participations propres à leur permettre de faire obstacle à l'exercice du retrait obligatoire et à monnayer le seuil de 95 % », comme ce fut le cas, notamment, pour Camaïeu, Buffalo Grill, APRR ou Radiall.

Par ailleurs, les éventuelles difficultés à sortir de la cote peuvent constituer un frein à l'introduction en bourse 245 ( * ) : en rendant la sortie de cote plus facile (dès 90 % de détention du capital et des droits de vote), le Gouvernement entend donc inciter les entreprises françaises à s'introduire en bourse, en particulier les PME à fort potentiel de croissance.

Les a) et b) du 3° du I du présent article proposent une toute nouvelle rédaction des actuels paragraphes II à V de l'article L. 433-4 précité. Elle rehausse le seuil de minorité de 5 % à 10 % qui permet la mise en oeuvre d'un retrait obligatoire à l'issue d'une offre. Elle ajoute par ailleurs que les modalités de consignation en cas de détenteurs de titres non identifiés sont fixées par le Règlement général.

Le Haut comité juridique de la place financière de Paris reconnaît « qu'une amélioration des conditions de sortie de la cote doit être promue au bénéfice d'une meilleure attractivité du marché réglementé et du marché organisé ». Toutefois, dans son rapport précité, il avait préconisé, non pas un abaissement généralisé du seuil de retrait obligatoire comme y procède le présent article, mais, dans un souci de protection des actionnaires minoritaires, un abaissement sélectif du seuil « au profit des seuls retraits exercés à l'issue d'une offre publique initiée par une ou plusieurs personnes agissant de concert ne détenant pas le contrôle de la société émettrice ».

2. L'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances

Le II du présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de rendre plus lisible le droit des sociétés cotées et de moderniser le régime des offres de titres financiers.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

a) Pour améliorer la lisibilité du droit français des sociétés

Le droit français des sociétés est devenu particulièrement peu lisible du fait de la présence, au sein des articles de droit commun relatifs aux sociétés anonymes, de dispositions spécifiques et souvent dérogatoires concernant les seules sociétés cotées, principalement issues de directives européennes. Or, sur les 3,2 millions d'entreprises existant en France, seules 658 étaient cotées en 2016 246 ( * ) .

Par ailleurs, le droit des sociétés cotées est lui-même réparti sur plusieurs codes : code de commerce, code monétaire et financier, voire règlement général de l'AMF, « sans qu'une ligne de partage claire entre ces différents corpus permette à l'utilisateur d'anticiper celui dont relève la disposition » 247 ( * ) .

Les 1° et 2° du II du présent article prévoit ainsi d'habiliter le Gouvernement à prendre toutes les mesures législatives nécessaires afin de « dédier un chapitre du code de commerce aux sociétés cotées, après avoir rapatrié dans le code monétaire et financier les dispositions issues des grandes directives européennes relatives aux marchés financiers » 248 ( * ) . Pour ce faire, le Gouvernement s'appuiera sur les travaux menés par le Haut comité juridique de la place financière de Paris qui a rendu un rapport le 26 mars 2018.

b) Pour réformer le droit français des offres au public de titres financiers

Le règlement européen « Prospectus 3 », qui entrera pleinement en application (avec effet direct) le 21 juillet 2019 249 ( * ) , nous impose des mesures de « transposition négative », c'est-à-dire le retrait de dispositions de notre droit qui relèveront du droit européen au 21 juillet prochain. Parallèlement, les dispositions de notre droit relatives aux sociétés spécialement autorisées par la loi (article 1841 du code civil) à procéder à des offres au public (L. 411-1 du code monétaire et financier) ou autorisées à procéder à des offres qui ne sont pas considérées comme constituant des offres au public (L. 411-2 du code monétaire et financer) devront être adaptées du fait de l'effet direct de la définition d' « offre au public » prévue par le règlement Prospectus 3 qui est plus large que l'actuelle définition d'offre au public figurant aux articles L. 411-1et L. 411-2 du code monétaire et financier.

Le 3° du II du présent article prévoit ainsi d'habiliter le Gouvernement à prendre toutes les mesures législatives nécessaires afin de moderniser le régime des offres au public de titres financiers.

c) Pour « dé-sur-transposer » en matière de démarchage bancaire et financier

Dans sa circulaire du 26 juillet 2017 250 ( * ) , le Premier ministre a choisi de procéder à une revue systématique des cas de « sur-transposition » du droit de l'Union européenne.

Extrait de la circulaire du 26 juillet 2017 relative
à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact

« Toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive est en principe proscrite. Les dérogations à ce principe, qui peuvent résulter de choix politiques, supposent la présentation d'un dossier explicitant et justifiant la mesure qui sera soumise à l'arbitrage de mon cabinet. Ce travail ne doit pas porter sur le seul flux de transpositions mais également sur le stock. Une mission d'inspection aura prochainement en charge un travail inédit d'inventaire. Toutes les sur-transpositions identifiées dans vos champs ministériels et qui n'auront pu être justifiées feront l'objet d'un réalignement sur le niveau de contrainte exigé par l'Union européenne . »

Le 4° du II du présent article prévoit ainsi d'habiliter le Gouvernement à prendre toutes les mesures législatives nécessaires afin de réformer le régime du démarchage dans plusieurs objectifs :

- le mettre en cohérence avec le régime des offres de titres financiers exemptés de prospectus résultant du présent article ;

- compléter ce régime par l'encadrement des sollicitations à l'initiative du client 251 ( * ) ;

- prendre toutes les mesures de coordination et de simplification nécessaires.

Observation de la commission des affaires européennes
sur la mise en cohérence annoncée du régime du démarchage
avec la directive 2014/65/UE « MiFID 2 » et le règlement « MIFIR »

« La directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE dite « MiFID 2 » a déjà fait l'objet de plusieurs mesures législatives de transposition en droit français entre 2014 et 2016 :

- dans la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ;

- dans l'ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers24 ( * ) ;

- dans la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

- dans l'ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement25 ( * ).

Cet exercice n'est toutefois pas totalement achevé, motif pour lequel l'article 22-II, 4° du projet de loi habilite le Gouvernement à modifier le code monétaire et financier par voie d'ordonnance pour réformer le régime du démarchage en matière bancaire et financière , notamment pour encadrer les sollicitations à l'initiative du client, conformément à la directive MiFID 2 et au règlement 2014/600/UE « MIR »26 ( * ), et prendre les mesures de coordination et de simplification nécessaires.

Il s'agira notamment de modifier la liste des personnes habilitées au démarchage pour inclure les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers ou encore, selon l'étude d'impact, de traiter « les situations dans lesquelles les clients sont eux-mêmes à l'initiative d'un service ». »

Source : « Observations sur le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises », rapport d'information de M. Jean-François Rapin,
fait au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, n° 207 (2018-2019)

d) Pour prévoir l'application outre-mer

Le 5° du II du présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires afin de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, les dispositions prévues dans les ordonnances précitées. En effet, ces collectivités sont soumises au principe de spécialité législative, en vertu duquel les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse d'un texte législatif.

Il prévoit aussi que le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance les adaptations législatives nécessaires dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces collectivités relèvent du régime législatif et réglementaire de l'identité législative : les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais, le cas échéant, des mesures d'adaptation peuvent être prises pour tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre plusieurs amendements rédactionnels de son rapporteur, la commission spéciale a adopté deux amendements présentés par notre collègue Valérie Faure-Muntian qui précisent que le retrait obligatoire peut être engagé vis-à-vis d'actionnaires minoritaires qui détiennent jusqu'à 10 % du capital, plutôt que moins de 10 % (ce qui permet d'englober ceux qui détiennent tout juste 10 %).

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements :

- le premier, présenté par notre collègue Eric Woerth, et adopté avec les avis favorables de la commission spéciale et du Gouvernement, prévoit de porter le seuil d'offre publique de retrait (ou sell out ) de 95 % à 90 % « du capital ou des droits de vote », par cohérence avec l'abaissement du seuil de la procédure de retrait obligatoire (ou squeeze out ) de 95 à 90 % du capital et des droits de vote ;

- le deuxième, présenté par notre collègue Jean-Noël Barrot, au nom de la commission spéciale, et adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, est rédactionnel ;

- le troisième, présenté par notre collègue Laure de la Raudière, et adopté avec les avis favorables de la commission spéciale et du Gouvernement, propose une définition juridique des sociétés cotées : « sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation » 252 ( * ) .

IV. La position de votre commission

Votre commission est favorable au rehaussement du seuil d'établissement d'un prospectus  à huit millions d'euros , seuil le plus élevé autorisé par la directive. Ce rehaussement sera en effet favorable aux entreprises françaises qui émettent des titres financiers, leurs formalités et donc leurs coûts en seront allégés 253 ( * ) . Ce seuil peut également constituer un facteur de compétitivité pour la place financière de Paris. La protection des investisseurs sera par ailleurs garantie grâce à l'obligation faite en droit français de publier un document synthétique pour les offres inférieures à huit millions d'euros, alors que le Règlement européen prévoit une simple option ouverte aux États-membres.

Votre commission est également favorable à l'abaissement du seuil de squeeze out à l'initiative des majoritaires à 90 %. Avec une sortie de cote désormais facilitée, les entreprises françaises seront peut-être probablement plus enclines à s'introduire et à se développer en bourse. La France aligne sa réglementation sur celle de la grande majorité des places financières européennes. Cette modification devrait en outre permettre de limiter la pression actuellement exercée par certains fonds activistes sur des sociétés dont ils sont actionnaires minoritaires pour exiger une prime de sortie supérieure au prix de l'offre. Sur ce dispositif, votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-558 de son rapporteur.

Votre commission est favorable à l`abaissement du seuil de sell out à l'initiative des minoritaires à 90 % par souci de cohérence avec le dispositif du squeeze out . Elle a adopté un amendement COM-557 qui prévoit que le seuil doit être dépassé en capital « et » en droits de vote . En effet, conformément au texte de la directive 254 ( * ) , à la pratique de l'AMF et suivant les recommandations du Haut comité juridique de la place financière de Paris 255 ( * ) , il convient d'exprimer les seuils retenus en capital et en droits de vote. Si la rédaction actuelle (dépassement du seuil en capital « ou » en droits de vote) devait être maintenue, le seuil en droits de vote, compte tenu de l'existence de droits de vote doubles, pourrait être franchi dès 82 % de capital, ce qui semble un seuil excessivement bas.

Votre commission est favorable à l'habilitation donnée au Gouvernement pour améliorer la lisibilité de notre droit des sociétés. Elle partage l'objectif du Gouvernement de mettre à disposition, notamment des non-experts, un droit plus clair et plus accessible. Cela renforcera la sécurité juridique de nos entreprises (en particulier des sociétés non cotées dont le droit devrait être désormais visiblement plus stable) et pourrait constituer un facteur d'attractivité de notre territoire pour attirer l'implantation de sociétés.

Votre commission est enfin favorable aux habilitations données au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures de nettoyage du régime juridique de l'offre au public ainsi que des mesures relatives au démarchage bancaire et financier afin de mettre notre droit en conformité avec la réglementation européenne. Elle soutient la position de la commission des affaires européennes du Sénat qui a toutefois souhaité que la mise en cohérence du régime français de démarchage avec la directive « MiFID 256 ( * ) 2 » et le règlement « MiFIR 257 ( * ) » soit « assortie de mesures de protection des épargnants afin qu'ils ne puissent pas être sollicités par des prestataires de pays tiers lorsqu'ils n'ont pas la qualité d'investisseurs professionnels ».

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 22 bis
(art. L. 312-2 du code monétaire et financier)
Suppression de l'exigence de détention d'une quote-part minimale de 5 %
du capital social pour consentir un apport en compte-courant d'associé

I. Le droit en vigueur

L'apport en compte courant d'associé s'analyse en un prêt, à durée indéterminée, d'un associé à la société 258 ( * ) . Il consiste pour l'associé à consentir à la société des avances ou des prêts en versant directement des fonds ou en laissant à sa disposition des sommes qu'il renonce provisoirement à percevoir 259 ( * ) . Contrairement aux apports de capital social, l'apport en compte-courant peut être remboursé dans des conditions qui sont librement fixées. Il s'agit donc d'une forme de crédit qui n'entraîne pas de formalités et n'affecte pas l'équilibre du contrôle de la société.

Cette forme de créance, très prisée au sein des entreprises, doit être analysée en prenant en considération la question du monopole bancaire. En effet, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne (article L. 313-1 du code monétaire et financier). En outre, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement (article L. 511-5). L'article L. 312-2 du code monétaire et financier définit les fonds remboursables du public et donc le champ du monopole bancaire . Il précise que ne sont pas considérés comme tels les fonds reçus ou laissés en compte par les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social (dans les SA ou SARL) .

L'Association nationale des sociétés par actions (Ansa) a précisé que, n'étant pas visés par l'article L. 312-2 du code monétaire et financier, les dirigeants de SAS (présidents, directeurs généraux et directeurs généraux délégués) ne peuvent pas effectuer d'avances en compte courant s'ils ne sont pas associés ou si leur participation au capital est inférieure à 5 % ( Communication Ansa, comité juridique n° 05-058 du 5-10-2005 ). Le comité juridique, dans l'avis de 2005, a par ailleurs appelé de ses voeux une réforme de l'article L. 312-2 du code monétaire et financier afin que ces dirigeants, tout comme les directeurs généraux et directeurs généraux délégués des SA, soient directement visés, ces derniers ayant été écartés « très vraisemblablement par inadvertance » à la suite des diverses lois relatives aux SAS.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant l'amendement présenté par notre collègue député Jean-Paul Mattei, du groupe Mouvement démocrate, l'Assemblée nationale a introduit un article additionnel 22 bis visant à « simplifier les apports en compte-courant d'associe' en levant la condition de détention d'au moins 5 % du capital qui constitue un frein supplémentaire alors que le statut d'associe' devrait suffire ».

En effet, cet article supprime, au sein du I de l'article L. 312-2 du code monétaire et financier, les mots « détenant au moins 5 % du capital ». Ainsi l'avance pourrait être consentie par tout associé ou actionnaire, quel que soit son niveau de détention du capital de la société.

III. La position de votre commission

Les auditions menées par vos rapporteurs ont permis de mesurer l'intérêt d'une telle mesure, qui ne remet pas en cause le principe du monopole bancaire mais permet simplement d'ajuster un paramétrage en tenant compte des besoins de financement des entreprises.

Votre commission n'a pas souhaité revenir sur cette modification. En revanche, afin d'accroître la lisibilité de la loi, elle a adopté un amendement (COM-489) afin de consacrer légalement la validité de l'apport en compte courant pour les présidents de SAS ainsi que pour les directeurs généraux et directeurs généraux délégués de SA et de SAS, qui jusqu'à maintenant reposait sur une interprétation de l'Ansa .

Votre commission a adopté l'article 22 bis ainsi modifié .

Article 23
(art. L. 211-36, L. 211-40, L. 213-1, L. 214-7-4, L. 214-8-7, L. 214-24,
L. 214-24-33, L. 214-24-41, L. 214-164, L. 214-172, L. 214-175-1, L. 214-190-2,
L. 411-3, L. 420-11, L. 421-7-3, L. 421-16, L. 511-84, L. 511-84-1 [nouveau],
L. 532-9, L. 532-16, L. 532-28, L. 532-48, L. 532-50, L. 532-52, L. 533-22-2,
L. 533-22-2-3 [nouveau], L. 611-3, L. 612-2, L. 613-34, L. 621-1, L. 621-3,
L. 621-9, L. 621-13-4 et L. 621-20-7, L. 621-20-8, L. 621-20-9 [nouveaux],
L. 621-15 et L. 621-21-1 du code monétaire et financier
et L. 3334-12 du code du travail)
Attractivité de la place financière de Paris

I. Le droit en vigueur

1. L'anatocisme

L'anatocisme, qui signifie étymologiquement la « répétition de l'intérêt », désigne une situation dans laquelle les intérêts s'ajoutent au capital et produisent à leur tour des intérêts .

L'anatocisme étant par nature susceptible d'engendrer une croissance exponentielle de la dette du débiteur, il est encadré par l'article 1343-2 du code civil : seuls les intérêts dus « au moins pour une année entière » sont susceptibles de produire intérêt , si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La loi interdit ainsi que les intérêts soient capitalisés pour une durée inférieure - par exemple tous les mois.

2. La résiliation-compensation

La « résiliation-compensation » est un mécanisme figurant à l'article L. 211-36-1 du code monétaire et financier qui permet de prévoir contractuellement la résiliation de certaines obligations financières résultant d'opérations sur instruments financiers et la compensation des dettes et des créances afférentes à ces obligations.

En cas de survenance d'un événement prédéterminé - en particulier la défaillance ou l'insolvabilité d'une contrepartie -, le déclenchement de ce mécanisme permet de résilier et compenser toutes les transactions couvertes afin d'aboutir à une obligation nette unique de paiement , ce qui constitue une dérogation au droit commun de la faillite.

La résiliation-compensation a ainsi pour objectif de limiter le risque que le défaut d'une contrepartie provoque des défaillances en chaîne . En effet, « si, en cas de défaillance de la contrepartie, les participants du marché étaient obligés de calculer leurs créances soumises aux procédures d'insolvabilité sur une base brute au lieu d'être des créanciers pour le solde net seulement, la partie non défaillante pourrait être exposée à des niveaux de risque de crédit et risque de marché qui sont difficiles à calculer et à gérer » 260 ( * ) .

Le champ des opérations éligibles à la compensation-résiliation est toutefois limitativement défini à l'article L. 211-36 du code monétaire et financier . Il s'agit pour l'essentiel des obligations financières résultant d'opérations sur instruments financiers, de tout contrat donnant lieu à un règlement en espèces ou à une livraison d'instruments financiers ou de tout contrat conclu dans le cadre de systèmes de paiement et de règlement livraison ou avec une chambre de compensation.

3. La négociabilité des titres de créance

L'article L. 213-1 du code monétaire et financier dispose que les titres de créances négociables sont des titres financiers « émis au gré de l'émetteur, négociables sur un marché réglementé ou de gré à gré , qui représentent chacun un droit de créance ».

La négociabilité des titres de créances n'est donc pas prévue pour les autres plates-formes de négociation mentionnées à l'article L. 420-1 du code monétaire et financier, à savoir les systèmes multilatéraux de négociation (SMN) et les systèmes organisés de négociation (SON) 261 ( * ) .

4. Le dispositif de cantonnement des actifs illiquides pour les fonds d'investissement

Un dispositif de cantonnement des actifs illiquides est prévu par le code monétaire financier pour différentes catégories de fonds d'investissement 262 ( * ) afin de permettre à ces derniers de faire face à certains évènements exceptionnels.

Il consiste à transférer les actifs illiquides dont la cession ne serait pas conforme aux intérêts des porteurs de parts au sein d'un nouveau fonds . Ce fonds dit de « cantonnement » est fermé aux souscriptions et aux rachats et fait l'objet d'une gestion extinctive. Il prend la forme d'un fonds professionnel spécialisé 263 ( * ) .

Ainsi que le relève l'Association française de la gestion financière (AFG), ce mécanisme est prévu pour faire face à « une crise exceptionnelle mais limitée affectant certains actifs du fonds représentant une faible proportion de l'actif », en permettant de « préserver le caractère ouvert du fonds initial , sans pour autant avoir recours à des ventes forcées contraires à l'intérêt des porteurs » 264 ( * ) .

5. Les organismes de financement

Les organismes de financement (OF) comprennent les organismes de titrisation (OT) et les organismes de financement spécialisé (OFS) 265 ( * ) .

Ces organismes ont vocation à constituer un mode de financement complémentaire pour les entreprises.

En effet, il s'agit d'organismes autorisés à acquérir, à octroyer et à gérer des prêts , en se finançant le plus souvent par l'émission d'obligations 266 ( * ) .

Le mode de fonctionnement de ces nouveaux véhicules repose généralement sur la délégation du recouvrement à la société de gestion ou à un tiers. À cet égard, l'article L. 214-172 du code monétaire et financier impose, lorsque des créances sont transférées, que leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert - à moins qu'une autre entité ait été désignée à cet effet et que chaque débiteur en ait été informé .

6. Le contrôle des limites des positions prises par les acteurs financiers sur les dérivés de matières premières

En application de la directive dite « MIF2 » 267 ( * ) , les articles L. 420-11 et L. 420-12 du code monétaire et financier prévoient un régime de limitation des positions prises par les acteurs financiers sur les dérivés de matières premières .

Ainsi que le relève l'Autorité des marchés financiers (AMF), ce nouveau régime « vise à prévenir les abus de marché ainsi qu'à favoriser une cotation ordonnée et un règlement efficace sur les marchés à terme » 268 ( * ) . Il s'agit ainsi de faire obstacle à la spéculation excessive et de mieux contrôler les variations de prix, les matières premières ne constituant pas un sous-jacent comme les autres.

Il revient à l'AMF de fixer par instruction les limites applicables aux positions sur les contrats dérivés de matières premières (I de l'article L. 420-11 précité).

En cas de modification significative sur le marché (deuxième alinéa du IV du même article) ou de circonstances exceptionnelles (article L. 420-12 du code monétaire et financier), l'AMF peut toutefois adapter les limites fixées par instruction .

Pour ce faire, la rédaction retenue impose une décision formelle du collège de l'AMF .

7. L'obligation pour certaines entreprises de marché de créer un comité des nominations

L'article L. 421-7-3 du code monétaire et financier oblige les entreprises de marché ayant une « importance significative » en raison « de leur taille et de leur organisation interne ainsi que de la nature, de l'échelle et de la complexité de leurs activités » à mettre en place un comité des nominations .

Ce dernier est notamment chargé de formuler des propositions ou recommandations de candidats en vue de la sélection de nouveaux membres du conseil d'administration, du conseil de surveillance et du directoire.

8. Les règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque travaillant dans un établissement financier et au calcul de leurs indemnités en cas de licenciement irrégulier

Les directives dites « CRD IV » 269 ( * ) , « OPCVM » 270 ( * ) et « AIFM » 271 ( * ) prévoient un étalement dans le temps de la rémunération variable (« bonus ») ainsi que des dispositifs de malus ou de récupération pour les « preneurs de risque » des banques de financement et d'investissement ainsi que des gestionnaires d'actifs.

Les « preneurs de risque » au sein des établissements de crédit et des entreprises d'investissement au sens du droit de l'Union européenne

Le règlement délégué (UE) n° 604/2014 de la Commission du 4 mars 2014 a complété la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation concernant les critères qualitatifs et quantitatifs permettant de recenser les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement.

L'article 3 du règlement distingue quinze catégories de « preneurs de risque » .

Sont concernées les personnes qui engagent des transactions dépassant 5 millions d'euros et représentant au moins 0,5 % des fonds propres de l'entreprise.

Sont également considérés comme preneurs de risque, à titre d'illustration, tous les membres de la direction de l'établissement (direction générale, conseil d'administration, conseil de surveillance), les responsables des audits internes , les responsables des affaires juridiques , des finances , des ressources humaines ou encore du service informatique .

Quant à l'article 4 du règlement, il assimile à un preneur de risque les personnes bénéficiant des plus fortes rémunérations dans l'entreprise - en particulier celles faisant partie des 0,3 % des membres du personnel les mieux rémunérés ou dont la rémunération dépasse 500 000 euros.

Source : commission spéciale du Sénat (à partir de : rapport n° 194 (2017-2018) d'Alain Milon
sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340
du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement
du dialogue social, fait au nom de la commission des affaires sociales et déposé le 20 décembre 2017, p. 166)

En application du premier alinéa de l'article L. 511-84 du code monétaire et financier, qui concerne les établissements de crédit et les entreprises d'investissement, le montant total de la rémunération variable peut ainsi, en tout ou partie, être réduit ou donner lieu à restitution en fonction notamment des agissements ou du comportement de la personne concernée.

En l'état, la possibilité d'une telle récupération demeure toutefois incertaine au regard du droit du travail.

En effet, l'article L. 1331-2 du code du travail interdit à l'employeur les amendes ou autres sanctions pécuniaires .

9. Les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers

Le dernier alinéa du 4 de l'article 46 du règlement dit « MIFIR » 272 ( * ) ouvre la possibilité pour les États membres de permettre aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers ne bénéficiant pas d'une décision d'équivalence de la Commission européenne de servir des clients professionnels .

La France n'a pas fait usage de cette faculté prévue par le droit de l'Union européenne . En effet, le I de l'article L. 532-48 du code monétaire et financier n'autorise les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers à fournir des services d'investissement et autres services connexes qu'aux clients non professionnels et aux clients non professionnels qui ont demandé à être traités comme des clients professionnels.

10. L'échange d'informations entre l'Autorité des marchés financiers et FranceAgriMer

Le 7 de l'article 79 de la directive « MIF2 » précitée pose le principe d'une coopération entre les autorités nationales et les instances compétentes pour la surveillance, la gestion et la régulation des marchés agricoles physiques. Il s'agit respectivement, en France, de l' AMF et de FranceAgriMer .

Dans ce cadre, l'article L. 621-21-1 du code monétaire et financier prévoit que l'AMF et FranceAgriMer « se communiquent les renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions respectives » dans des conditions analogues à celles prévues à l'article L. 621-21 du même code.

Le deuxième alinéa dudit article L. 621-21 prévoit notamment la possibilité pour l'AMF, sous certaines conditions, de communiquer des informations couvertes par le secret professionnel aux instances telles que FranceAgriMer.

11. L'affiliation des impatriés à l'assurance vieillesse

Depuis l'entrée en vigueur de l'article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, il n'existe plus de dispense d'affiliation temporaire à l'assurance vieillesse pour les salariés étrangers en position de détachement en France ou impatriés 273 ( * ) .

Désormais, sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés et des règlements européens, l'exercice sur le territoire français d'une activité salariée emporte nécessairement l'affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale - et donc à l'assurance vieillesse (article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale).

2. Le dispositif proposé

1. Dérogation à l'interdiction de l'anatocisme

Les alinéas 1 à 3 du présent article complètent l'article L. 211-40 du code monétaire et financier afin de permettre la capitalisation des intérêts pour une durée inférieure à un an lorsque ceux-ci sont dus en application d'une convention portant sur des instruments financiers à terme (« produits dérivés ») .

Plus précisément, la dérogation serait applicable à toute convention ou convention-cadre mentionnée à l'article L. 211-36-1 du code monétaire et financier, qui définit le périmètre des opérations susceptibles de faire l'objet d'une résiliation-compensation ( voir le 2 du I du présent article ).

2. Extension du champ du mécanisme de résiliation-compensation

L'alinéa 4 étend le champ des opérations susceptibles de faire l'objet du mécanisme de résiliation-compensation , en ajoutant au 1° du I de l'article L. 211-36 du code monétaire et financier :

- les opérations de change au comptant ;

- les opérations de vente, d'achat ou de livraison d'or, d'argent, de platine, de palladium ou d'autres métaux précieux ;

- les opérations sur les quotas d'émission de gaz à effet de serre .

3. Extension de la négociabilité des titres de créance

L'alinéa 5 vise à étendre la négociabilité des titres de créances à l'ensemble des plates-formes de négociation mentionnées à l'article L. 420-1 du code monétaire et financier, ce qui permettrait d'inclure les systèmes multilatéraux de négociation (SMN) et les systèmes organisés de négociation (SON), en complément des marchés réglementés.

4. Inversion du dispositif de cantonnement des actifs illiquides

Les alinéas 6 à 11 proposent de modifier le dispositif de cantonnement des actifs illiquides prévu aux articles L. 214-7-4 (OPCVM prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-24-33 (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-8-7 (OPCVM prenant la forme de fonds communs de placement) et L. 214-24-41 du code monétaire et financier (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de fonds communs de placement).

Le fonctionnement du mécanisme de scission serait inversé : plutôt que de transférer les actifs illiquides dont la cession ne serait pas conforme aux intérêts des porteurs de parts au sein d'un nouveau fonds, ce dernier recevrait les actifs « sains ».

Cette modification permettrait de mettre en conformité le dispositif de cantonnement avec la directive « OPCVM » précitée, qui interdit la transformation d'un OPCVM conforme à ses dispositions en un organisme non conforme 274 ( * ) - en l'espèce, un fonds professionnel spécialisé.

En complément, les règles de diversification des fonds commun de placement (FCPE) pouvant être souscrits dans le cadre d'un plan d'épargne pour la retraite collectif sont mises en cohérence avec les dispositions de l'article L. 3332-17 du code du travail, qui autorisent depuis 2015 275 ( * ) les FCPE à investir dans certains véhicules de capital-investissement et dans des organismes de placement collectif immobilier (alinéa 12 et alinéas 75 à 77).

5. Modernisation du régime des organismes de financement

Les alinéas 13 à 19 visent à moderniser les règles relatives au recouvrement des créances transférées aux organismes de financement , prévues à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier.

Lorsque des créances sont transférées à l'organisme de financement, l'alinéa 14 précise que la possibilité de transférer la charge du recouvrement à la société de gestion ou à un tiers peut être exercée « à tout moment ». Il est en outre précisé que c'est « en tant que représentant légal de l'organisme » que la société de gestion peut assurer le recouvrement.

L'alinéa 15 prévoit une disposition analogue pour les créances résultant de prêts consentis par l'organisme.

En cas de changement de l'entité chargée du recouvrement, l'alinéa 16 précise que le débiteur, qui doit être informé, peut l'être « par tout moyen, y compris un acte judiciaire ou extrajudiciaire ».

L'alinéa 17 vise à permettre à la société de gestion de confier à un tiers le recouvrement de tout élément d'actif autre que les créances et les prêts précités, alors que le droit en vigueur autorise uniquement le transfert de la gestion.

L'alinéa 19 précise les règles applicables dans les cas où la gestion ou le recouvrement de tout élément d'actif n'est pas effectué directement par la société de gestion mais par une entité tierce. Cette dernière pourrait représenter directement l'organisme dans toutes les actions en justice liées à la gestion et au recouvrement de l'actif, y compris toute déclaration de créance et toute mesure d'exécution, sans qu'il soit besoin qu'elle obtienne un mandat spécial à cet effet ni qu'elle mentionne la société de gestion dans les actes. La société de gestion, en sa qualité de représentant légal de l'organisme, conserve néanmoins la faculté d'agir au nom et pour le compte de l'organisme, en demande ou en défense, au titre de ces actions ou d'accomplir tout acte ou de signer tout document avec tout tiers, y compris les débiteurs ou les emprunteurs, en relation avec la gestion ou le recouvrement - et ce sans qu'il soit nécessaire de résilier ou de dénoncer au préalable le mandat de gestion ou de recouvrement ou d'en informer des tiers.

En complément, les alinéas 20 à 23 proposent d'aménager le régime des organismes de financement .

La première modification concerne la réglementation prudentielle des organismes de titrisation .

Le VI de l'article L. 214-175-1 dispose que la perte ou l'engagement net maximal pris par un organisme de titrisation ne peut excéder la valeur de son actif - et, le cas échéant, du montant non appelé des souscriptions. Pour l'application de cette règle, l'alinéa 20 vise à tenir compte non plus seulement des sous-participations en risque (cas où les prêteurs ont transféré leurs créances) mais également des sous-participations en trésorerie (cas où les prêteurs ont transféré un engagement de fournir des fonds).

La deuxième modification concerne la réglementation comptable des sociétés de financement spécialisé (SFS) 276 ( * ) .

Pour l'établissement de leurs comptes annuels, les alinéas 21 et 22 proposent d' exempter les SFS d'une partie des obligations comptables applicables aux commerçants. Leurs comptes annuels seraient désormais établis selon un règlement de l'Autorité des normes comptables.

Enfin, la dernière modification, proposée à l'alinéa 23, tend à inclure les organismes de financement parmi les placements collectifs dont les titres ne sont pas soumis au régime des offres au public - ce qui implique notamment d'établir un prospectus.

6. Assouplissement de la procédure de révision des limites de position prises par les acteurs financiers sur les dérivés de matières premières

Ainsi que cela été précédemment rappelé, l'AMF peut, dans certaines circonstances, adapter les limites de position sur les dérivés de matières premières qu'elle a fixées par instruction, sur décision formelle de son collège.

Les alinéas 24 et 25 assouplissent cette procédure , en permettant désormais au président de l'AMF ou au représentant qu'il aura désigné de réviser les limites de position.

L'alinéa 28 étend par ailleurs le pouvoir confié au président de l'AMF de suspendre les négociations en cas d'évènement exceptionnel à toute plate-forme de négociation , et non plus aux seuls marchés réglementés.

7. Possibilité de déroger à l'obligation pour les entreprises de marché de créer un comité des nominations au sein de groupes de sociétés

Ainsi que cela été précédemment rappelé, l'article L. 421-7-3 du code monétaire et financier oblige certaines entreprises de marché à mettre en place un comité des nominations .

Les alinéas 26 et 27 permettent à l'AMF d' accorder une dérogation à cette règle lorsqu'une entreprise de marché est contrôlée par une autre entreprise de marché, afin d'éviter la mise en place de multiples comités des nominations au sein des groupes de sociétés.

8. Exclusion de la partie des bonus des preneurs de risque susceptible d'être réduite ou remboursée du calcul des indemnités de licenciement

Les alinéas 29 à 32 (qui concernent les établissements de crédit et les entreprises d'investissement) et les alinéas 46 à 49 (qui concernent les sociétés de gestion) proposent d' aménager les règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque .

D'une part, les alinéas 29, 30, 46 et 47 introduisent une dérogation expresse à l'article L. 1331-2 du code du travail , qui interdit à l'employeur les amendes ou autres sanctions pécuniaires, afin de rendre « récupérables » les bonus versés aux preneurs de risque.

D'autre part, les alinéas 31, 32, 48 et 49 excluent la partie des bonus susceptible d'être réduite ou remboursée (bonus dits « récupérables ») du calcul des indemnités de licenciement , à savoir :

- l'indemnité due en cas de non réintégration dans l'entreprise d'un salarié victime d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, ou en cas de licenciement d'un salarié en méconnaissance des obligations liées à l'inaptitude (article L. 1226-15 du code du travail) ;

- l'indemnité légale de licenciement (article L. 1234-9 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-3 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas de licenciement nul (article L. 1235-3-1 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas de nullité d'un plan de sauvegarde de l'emploi (article L. 1235-11 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas d'annulation par le juge d'une autorisation administrative de mettre en oeuvre ce plan (article L. 1235-16 du code du travail).

9. Possibilité pour les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers de servir les clients professionnels

Les alinéas 33 à 37 ont pour effet de permettre aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers ne bénéficiant pas d'une décision d'équivalence de la Commission européenne de servir des clients professionnels , en réécrivant le I de l'article L. 532-48 du code monétaire et financier.

Les alinéas 38 à 43 visent à apporter les garanties procédurales nécessaires à cette évolution , en distinguant les articles du code monétaire directement applicables aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers et ceux qui ne leur sont appliqués que de manière proportionnée, sur le modèle de ce qui est déjà prévu pour les succursales d'établissements de crédit de pays tiers.

L'alinéa 50 étend le pouvoir réglementaire du ministre de l'économie , prévu à l'article L. 611-3 du code monétaire et financier, à la définition de la réglementation applicable aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers.

L'alinéa 51 place les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers dans le champ de la compétence générale de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) prévue à l'article L. 612-2 du code monétaire et financier.

Les alinéas 44 et 45 permettent à l'ACPR de prononcer la radiation d'une succursale d'entreprise d'investissement de pays tiers à titre de sanction disciplinaire - et non plus seulement le retrait de l'agrément 277 ( * ) .

Enfin, l'alinéa 52 rend expressément applicable aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers l e s mesures de prévention et de gestion des crises bancaires (mesures d'intervention précoce, procédure de résolution, etc .).

10. Possibilité pour FranceAgriMer de transmettre à l'AMF des informations couvertes par le secret professionnel

Les alinéas 60 à 63 visent à modifier l'article L. 621-21-1 du code monétaire et financier afin de permettre à FranceAgriMer de transmettre à l'AMF des informations couvertes par le secret professionnel , par parallélisme avec la possibilité déjà reconnue à l'AMF de transmettre de telles informations à FranceAgriMer.

11. Dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés

Les alinéas 64 à 74 proposent d'introduire une dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés au sein d'un nouvel article L. 767-2 du code de la sécurité sociale.

Par dérogation à l'article L. 111-2-2 du même code, les salariés appelés de l'étranger à occuper un emploi en France pourraient demander, sur démarche conjointe avec leur employeur , à ne pas être affiliés auprès des régimes obligatoires de sécurité sociale français en matière d'assurance vieillesse, de base et complémentaire , à condition :

- de justifier d'une contribution minimale versée par ailleurs au titre de leur assurance vieillesse (alinéa 67) - cette condition étant précisée par décret (alinéa 74) ;

- de ne pas avoir été affiliés, au cours des cinq années civiles précédant celle de leur prise de fonctions, à un régime français obligatoire d'assurance vieillesse , sauf pour des « activités accessoires, de caractère saisonnier ou liées à leur présence en France pour y suivre des études » (alinéa 68).

L'exemption serait accordée par le directeur de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales compétente (alinéa 69).

Elle ne pourrait être accordée qu'une seule fois pour le même salarié et pour une durée de trois ans, renouvelable une fois (alinéa 70).

La période couverte par cette exemption n' ouvrirait droit à aucune prestation d'un régime français d'assurance vieillesse (alinéa 71).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a été modifié par seize amendements et un sous-amendement adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture.

1. Nouvelle mission confiée à l'AMF

Un amendement de notre collègue Bénédicte Peyrol, adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement, confie une nouvelle mission à l'AMF .

L'alinéa 53 du présent article complète ainsi l'article L. 621-1 du code monétaire et financier afin de prévoir que l'AMF « veille à la qualité de l'information fournie par les sociétés de gestion pour la gestion de placements collectifs sur leur stratégie en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone et de gestion des risques liés aux effets du changement climatique ».

2. Précisions concernant le champ des compétences de l'AMF

Un amendement du rapporteur de la commission spéciale, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, désigne expressément l'AMF en tant qu'autorité nationale compétente pour la mise en oeuvre de différents règlements européens , à savoir :

- le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers (alinéa 55) ;

- le règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédit (alinéa 56) ;

- le règlement (UE) n° 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu'un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées (alinéa 57).

3. Modalités d'entrée en vigueur de la dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés

Un amendement du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable du rapporteur, vise, s'agissant de la dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés :

- d'une part, à permettre à l'ensemble des salariés éligibles ayant pris leurs fonctions à compter du 11 juillet 2018 de bénéficier du dispositif , ce qui correspond à la date de l'annonce de la mise en place de cette dispense temporaire par le Gouvernement (alinéa 73) ;

- d'autre part, à clarifier le fait que les cinq années au cours desquelles le salarié ne doit pas avoir cotisé à un régime français s'entendent à l'exclusion de l'année de prise de fonction de l'employé , par parallélisme avec ce qui est prévu dans le régime des impatriés et afin de ne pas exclure les salariés ayant cotisé de façon transitoire à un régime français avant de formuler leur demande (alinéa 68).

4. Commercialisation des fonds d'investissement alternatifs (FIA)

Un amendement du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable du rapporteur, propose d' étendre les passeports de commercialisation des fonds français aux pays de l'Espace économique européen , et non plus aux seuls États membres de l'Union européenne (alinéas 78 à 85 et 92 à 97).

5. Fin de la participation de la direction générale du Trésor à la commission des sanctions de l'AMF

Un amendement du rapporteur de la commission spéciale, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, supprime la participation de la direction générale du Trésor à la commission des sanctions de l'AMF , actuellement prévue à l'article L. 621-3 du code monétaire et financier (alinéas 86 et 87).

6. Soumission des administrateurs d'indice de référence au contrôle de l'AMF

Un amendement du rapporteur de la commission spéciale, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoit expressément à l'article L. 621-9 du code monétaire et financier la soumission au contrôle de l'AMF des administrateurs d'indice de référence (alinéas 90 et 91 et alinéa 98).

7. Améliorations rédactionnelles

Enfin, dix amendements , introduits à l'initiative du rapporteur et acceptés par le Gouvernement, sont de nature rédactionnelle et n'appellent pas de commentaire particulier.

IV. La position de votre commission

Dans un contexte marqué par le Brexit , votre rapporteur soutient les évolutions proposées au présent article , qui rassemble un ensemble de mesures d'importance inégale visant à renforcer l'attractivité de la place financière de Paris, à moderniser les règles applicables à la gestion d'actifs et à renforcer les compétences et les pouvoirs de contrôle de l'AMF , en conformité notamment avec les évolutions du droit de l'Union européenne.

La grande majorité des évolutions proposées, qui relèvent d'une simple mise en cohérence ou sont de nature paramétrique, n'appellent pas de développements spécifiques.

Quatre séries de mesures méritent néanmoins une attention particulière .

1. La dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite répond de manière ciblée au principal handicap concurrentiel de la place de Paris

Il s'agit tout d'abord de l'introduction d'une dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés .

Cette mesure constitue une réponse bienvenue au principal handicap concurrentiel de la place de Paris mis en évidence par la commission des finances du Sénat dans son rapport sur la compétitivité des places financières 278 ( * ) , à savoir le niveau des prélèvements sur le travail payés par les employeurs du secteur financier pour les salariés qualifiés.

Ainsi que l'a souligné le rapport précité, le montant des prélèvements payés par un employeur pour un salarié rémunéré à hauteur de 250 000 euros - soit environ 18 000 euros net par mois - est neuf fois supérieur en France qu'en Allemagne 279 ( * ) . Pour un salaire annuel brut de 250 000 euros, le coût total pour l'employeur, c'est-à-dire la somme du salaire brut et des prélèvements sur le travail, s'élève ainsi à 265 000 euros en Allemagne, contre 387 000 euros en France, soit un écart de 46 %.

Ce différentiel s'explique principalement par trois facteurs :

- la taxe sur les salaires, qui n'a pas d'équivalent en Allemagne ;

- l'absence de contribution obligatoire aux régimes de retraite complémentaires en Allemagne ;

- l'absence de plafonnement des cotisations sociales versées par les employeurs français.

Dans son rapport, la commission des finances avait ainsi recommandé la mise en oeuvre d'une mesure de portée générale - la suppression du taux supérieur du barème de la taxe sur les salaires, qui est intervenue par l'article 90 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 - et d'une mesure ciblée sur les impatriés , afin d'encourager les relocalisations des acteurs britanniques en France, sans coût excessif pour les finances publiques.

Aussi, votre rapporteur se félicite de la dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite proposée au présent article.

Il peut être souligné que ce dispositif apparaît mieux calibré que son prédécesseur , en vigueur entre 2008 280 ( * ) et 2016 281 ( * ) . En effet, si les conditions à réunir pour en bénéficier sont très proches, la mesure proposé par le Gouvernement concerne à la fois les régimes obligatoires de base et complémentaire . À l'inverse, s'agissant du précédent dispositif, les régimes Agirc-Arrco, soucieux de préserver le principe de territorialité, avaient décidé que l'exemption d'affiliation serait sans incidence en matière de retraite complémentaire 282 ( * ) , réduisant ainsi fortement sa portée.

D'après les évaluations du Gouvernement, pour un salaire brut d'environ 250 000 euros, le dispositif proposé au présent article permettrait ainsi de diminuer le « coin fiscalo-social », soit la différence entre le salaire super brut versé par l'employeur et le salaire net après impôts perçu par le salarié, de 222 000 euros à 170 000 euros, soit une baisse de 23 % 283 ( * ) .

Il peut être noté que le Conseil d'État estime dans son avis que la différence de traitement qui résulte de ce nouveau régime est « en rapport direct avec l'objectif poursuivi [favoriser l'implantation en France de salariés étrangers, notamment de cadres de haut niveau] et poursuit un objectif d'intérêt général de développement de l'attractivité économique du territoire national, de sorte qu'elle ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi » 284 ( * ) .

La nécessité pour les salariés qui opteront pour ce régime de justifier être couverts par une assurance vieillesse et de ne pas avoir été affiliés au cours des cinq années précédentes à un régime français devrait par ailleurs permettre de limiter les risques d'abus et de détournement .

2. L'alignement des règles relatives aux produits dérivés sur les standards anglo-saxons pourrait permettre à Paris de se positionner comme une place centrale du traitement du contentieux du droit financier

Votre rapporteur soutient par ailleurs la logique sous-jacente aux dispositions tendant à permettre l'anatocisme pour une durée infra-annuelle en matière de produits dérivés et à étendre le champ des obligations financières éligibles à la résiliation-compensation.

En effet, en alignant sur ces deux points le droit français sur les standards anglo-saxons, ainsi que le recommande le Haut comité juridique de la place financière de Paris, le Gouvernement entend permettre à un contrat de droit français de se voir adopté par les acteurs européens comme nouveau support de leurs transactions sur produits dérivés , à la suite de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

3. Les modifications des règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque reprennent les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel pour des motifs de procédure

S'agissant des modifications des règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque dans le secteur financier, il doit être souligné que celles-ci ont déjà été adoptées par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Elles avaient toutefois été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel, compte tenu de leur absence de lien, même indirect, avec le texte déposé 285 ( * ) .

Sur le fond, la reconnaissance de la possibilité pour les entreprises de récupérer une partie des bonus des salariés du secteur financier répond à la nécessité de décourager la prise de risque excessive dans une pure logique de court-terme et de rendre opérationnelles les dispositions prévues par le droit de l'Union européenne en la matière.

L'exclusion des bonus récupérables du calcul de l'indemnité de licenciement permet en outre de réduire le différentiel de coût avec nos principaux concurrents , ainsi que l'avait souligné la commission des finances dans le rapport précité, et de tenir compte du fait que ces éléments de rémunération présentent un caractère très cyclique et ne sont pas définitivement acquis .

4. La nouvelle mission confiée à l'AMF pourrait être reformulée

S'agissant enfin de la nouvelle mission confiée à l'AMF - à savoir veiller « à la qualité de l'information fournie par les sociétés de gestion pour la gestion de placements collectifs sur leur stratégie en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone et de gestion des risques liés aux effets du changement climatique » -, si votre rapporteur partage pleinement l'objectif de nos collègues députés, la définition retenue apparaît excessivement détaillée et une rédaction plus resserrée pourrait avantageusement la remplacer .

Un amendement COM-529 est adopté en ce sens, ainsi que :

- un amendement COM-280 de notre collègue Richard Yung visant à moderniser le plan comptable des OPCVM, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement de coordination COM-530 de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Article 23 bis A (nouveau)
(art. 11 de la loi n° 47 1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et art. L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Possibilité pour les sociétés coopératives d'intérêt collectif
constituées sous la forme d'une société anonyme
de procéder à une offre au public de leurs parts sociales

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article 19 quinquies de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, les sociétés coopératives d'intérêt collectif « ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d'intérêt collectif, qui présentent un caractère d'utilité sociale ».

Elles peuvent être constituées sous la forme de société anonyme , de société par actions simplifiées ou de société à responsabilité limitée à capital variable .

Leur capital est composé de parts sociales . Ainsi, lorsqu'une société modifie ses statuts pour les adapter aux dispositions régissant les sociétés coopératives d'intérêt collectif, « ses parts ou actions sont converties en parts sociales » (article 19 quaterdecies de la loi précitée).

L'article 1841 du code civil interdit aux sociétés n'y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public de parts sociales , « à peine de nullité des contrats conclus ou des titres ou parts sociales émis ».

Seule une disposition législative spéciale permet donc de déroger à cette interdiction générale.

Pour les banques mutualistes et coopératives, une telle dérogation a été introduite à l'article L. 512-1 du code monétaire et financier. Ces dernières sont ainsi autorisées à « procéder à une offre au public, telle que définie pour les titres financiers par les articles L. 411-1 et suivants, de leurs parts sociales dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

Aucune dérogation analogue n'est prévue pour les sociétés coopératives d'intérêt collectif.

II. Le dispositif introduit par votre commission

Le présent article, issu d'un amendement introduit avec l'avis favorable de votre rapporteur à l'initiative de notre collègue Marc Daunis et des membres du groupe socialiste et républicain, vise à autoriser les sociétés coopératives d'intérêt collectif constituées sous la forme d'une société anonyme à procéder à une offre au public de leurs parts sociales dans les conditions fixées par le règlement général de l'AMF (alinéa 2).

Les obligations d'information des épargnants prévues pour les banques mutualistes ou coopératives à l'article L. 512-1 précité sont transposées aux alinéas 3 et 4.

Enfin, les alinéas 5 à 7 permettent à l'AMF d'effectuer des contrôles et des enquêtes pour veiller à la régularité de ces offres et à sa commission des sanctions de sanctionner , le cas échéant, les sociétés coopératives d'intérêt collectif.

Votre commission a adopté l'article 23 bis A (nouveau) ainsi rédigé.

Article 23 bis
(art. L. 211-36 et art. L.211-38 du code monétaire et financier ;
art. L. 522-1, L.522-6, L.522-15, L.522-16, L.522-37-1 [nouveau],
L.522-37-2 [nouveau], L.522-37-3 [nouveau], L.522-37-4 [nouveau],
L.522-38 du code de commerce)
Création des reçus d'entreposage

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

1. Le régime des « récépissés-warrants »

Le régime juridique des contrats à terme négociés sur le blé ou le maïs aboutissant à la livraison physique du sous-jacent dans un silo repose sur le mécanisme dit des « récépissés-warrants 286 ( * ) ».

Les conditions de délivrance et de garantie de ces récépissés-warrants font l'objet d'une section du code de commerce.

Les récépissés-warrants subsistent exclusivement sous forme papier 287 ( * ) et leur transmission s'avère contraignante. 288 ( * ) Ils ne peuvent qu'être édités par les magasins généraux, établissements agréés par le préfet et dont le fonctionnement relève de l'ordonnance n° 45-1744 du 6 août 1945 modifiée par le décret n° 2011-1772 du 5 décembre 2011 relatif aux magasins généraux. Ces derniers ne peuvent également se livrer « à aucun commerce ou spéculation ayant pour objet les marchandises pour lesquelles ils sont habilités à délivrer des récépissés-warrants. 289 ( * ) »

Les maisons de négoce ou les coopératives, qui ne peuvent être habilitées comme magasins généraux, ont recours à ces récépissés-warrants lors de la procédure de l'aval qui leur permet d'assumer l'obligation de payer au comptant les céréales livrées par les agriculteurs, avec la caution de l'établissement public FranceAgriMer.

De fait, il n'existe pas actuellement de centralisation de l'information sur le marché physique pour la plupart des matières premières agricoles. Il n'est donc pas possible d'obtenir une vision exhaustive des détenteurs de matières premières agricoles ainsi que des quantités détenues en temps réel : à l'issue de leur première commercialisation, seuls les courtiers assurent l'achat et la vente sur des bassins géographiques restreints et cloisonnés.

Or, les exportations de matière agricoles s'effectuent principalement en France au moyen de contrats de vente à terme échangés sur la Bourse de Paris, via la plateforme Euronext 290 ( * ) .

Les marchés à terme : des dispositifs au service de la filière

Le principe d'un marché dérivé est de créer un second marché qui négocie des contrats reflétant l'évolution d'un premier marché physique.

Deux types de produits sont ainsi concernés : d'un côté, les produits physiques - en l'occurrence le blé et le maïs -, de l'autre, des produits financiers standardisés. Les contrats dits futures font le lien entre ces deux types de produits.

Les « contrats futures » se négocient exclusivement sur des marchés officiels et régulés (comme le MATIF en France). Seuls les membres du marché, reconnus par une plateforme de négociation, ont accès à la négociation et les dérivés échangés sur ce marché doivent obligatoirement faire l'objet d'une compensation centrale chez une chambre de compensation qualifiée. 291 ( * )

Le prix des futures suit de près le prix des actifs sous-jacents. Plus on se rapproche de l'échéance, plus les deux marchés tendent à converger.

L'existence des futures constitue une protection contre les aléas des cours du marché car : « pour réaliser une couverture, l'opérateur prend sur le marché à terme une position inverse à celle qu'il détient sur le marché des produits physiques. Dans la mesure où l'évolution des prix est quasiment identique sur les deux marchés, l'opérateur est protégé contre toute variation des cours. 292 ( * ) »

Les marchés à terme permettent, en retour, aux acteurs de la filière d'obtenir une référence de prix pour leurs produits et de fixer plusieurs mois à l'avance le prix d'achat ou de vente, afin de mieux couvrir les risques opérationnels liés aux fluctuations de prix.

Les contrats à terme prévoient la possibilité d'une livraison physique à échéance du contrat où l'acheteur peut prendre possession des grains auprès d'un ensemble de silos d'entreposage.

Le développement de marchés à termes sur les produits agricoles, et notamment les oléagineux (blé tendre, maïs et soja) est porté, au niveau européen, par la plateforme Euronext.

Source : commission spéciale

2. Les inconvénients de ce dispositif

Le dispositif actuel présente des inconvénients et incite à sa modernisation :

- le processus de livraison physique des contrats à terme repose sur la procédure manuelle de délivrance de récépissés-warrants, qui présente un risque opérationnel. Il induit, de ce fait, un surcoût pour les contrats financiers ;

- l'impossibilité juridique, pour les magasins d'entreposage, de délivrer un document dématérialisé, représentatif de la propriété d'une marchandise, ne permet pas, en temps réel, de connaître l'état des stocks de matières premières à l'échelle nationale ;

- l'absence d'opposabilité aux tiers - en l'occurrence des intermédiaires financiers - du récépissé-warrant accroît la difficulté de gager des stocks de matière première et restreint leur financement, notamment dans des silos qui ne stockent pas des grains destinés à l'exportation et situés en zones portuaires ;

- l'impossibilité, pour les négociants et les coopératives, de délivrer des récépissés-warrants, alors que la filière des céréales tend à intégrer négoce et stockage.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Suite à un amendement déposé en séance publique déposé par notre collègue député Adrien Taquet (LREM), le nouvel article 23 bis vise à instaurer un système d'inventaire électronique reposant sur des titres d'entreposage dématérialisés négociables.

Le dispositif reprend les préconisations portées à la fois par la Direction générale du Trésor et l'opérateur Euronext.

À cette fin, cet article modifie à la fois le code monétaire et financier et le code du commerce.

D'une part, il crée les « titres d'entreposage », qui ne figurent pas parmi les instruments financiers, mais auxquels s'appliquent les règles communes applicables aux opérations sur ces instruments. Ces titres n'ont pas vocation à se substituer aux actuels récépissés-warrants.

D'autre part, il définit les conditions de délivrance de ces titres d'entreposage par les magasins généraux et précise les relations de ces entrepôts avec le gestionnaire de la plateforme de négociation auquel incombe l'unique matérialisation de ces titres, grâce à leur inscription sur un registre tenu sous sa responsabilité.

Enfin, il précise les modalités de contrôle du nouveau dispositif, notamment par l'établissement public FranceAgriMer, ainsi que les procédures collectives visant les magasins généraux.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur s'est d'abord étonné des conditions de l'insertion de ce dispositif dans le présent projet de loi.

En effet, cette réforme d'ampleur - qui vise à instaurer une nouvelle forme de titre de propriété et contribuer au dynamisme à la fois des filières de production et de la Place - a fait l'objet d'un amendement déposé en séance publique, sans que son dispositif n'ait bénéficié d'une étude d'impact . Cette démarche est manifestement précipitée.

Qui plus est, il est apparu, au gré des auditions de votre rapporteur, que ce dispositif n'avait pas fait l'objet de concertations suivies avec l'ensemble des acteurs concernés, parmi lesquelles les représentants du secteur coopératif 293 ( * ) .

Le dispositif, adopté par l'Assemblée nationale, présente, en outre, quelques incohérences juridiques. En effet, bien que le titre d'entreposage ne soit pas défini comme un instrument financier, une partie des dispositions du droit commun des instruments financiers lui est appliqué. En outre, les dispositions relatives à la tenue du registre centralisé par la plateforme de négociation ne permettent pas de clarifier les modalités du contrôle effectué par les pouvoirs publics.

Lors de la réunion de commission, le Gouvernement a présenté un amendement répondant aux interrogations de votre rapporteur et modifiant substantiellement les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale :

- la notion de « reçu d'entreposage » - celui-ci représentant exclusivement les matières physiques échangées - est substituée à celle de « titre d'entreposage », écartant l'éventualité d'une financiarisation ;

- l'éligibilité des marchandises représentées par ces reçus d'entreposage au titre de collatéral pour les titres de compensation, au même titre que les biens corporels est expressément prévue.

En outre, comme l'indique l'objet de l'amendement, sont apportées « des modifications de coordination et de précision des nouvelles dispositions du code du commerce relatives au reçu d'entreposage, dans un souci de lisibilité de son régime juridique ».

Enfin, le régime juridique du reçu d'entreposage et le gage des marchandises représentées par celui-ci relèveront également du droit commun et non plus des dispositions spécifiques aux procédures collectives auparavant prévues pour le titre d'entreposage.

Sur l'avis favorable de votre rapporteur, votre commission a adopté cet amendement COM-312 .

Votre commission a adopté l'article 23 bis ainsi modifié.

Article 24
(art. L. 621-10-2 [nouveau]
et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Procédure d'autorisation d'accès aux données de connexion
par l'Autorité des marchés financiers

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

Les agents de l'Autorité des marchés financiers (AMF) disposent de pouvoirs d'enquête et de contrôle , corollaires des pouvoirs de sanction de la commission des sanctions.

La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, prévoit ainsi que les enquêteurs et contrôleurs de l'AMF peuvent se faire communiquer les données de connexion des opérateurs téléphoniques , qui permettent d'établir le relevé des appels émis et reçus par une personne (« fadettes »).

Si seuls les agents habilités et soumis au respect du secret professionnel peuvent obtenir ces données, la procédure prévue n'est assortie d'aucune autre garantie .

Aussi, dans sa décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution , considérant que « le législateur n'a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions » 294 ( * ) .

Compte tenu des conséquences manifestement excessives en cas d'abrogation immédiate des dispositions en cause, les effets de la décision d'inconstitutionnalité ont été reportés au 31 décembre 2018 .

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à refondre la procédure d'autorisation d'accès aux données de connexion , afin de remédier à l'inconstitutionnalité constatée.

La nouvelle procédure reposerait sur la mise en place d'une entité administrative unipersonnelle indépendante - le « contrôleur des demandes de données de connexion » -, auprès de laquelle les enquêteurs de l'AMF devraient désormais solliciter l'autorisation d'accéder aux données (alinéa 3).

La procédure comporterait différentes garanties . Ainsi, l'autorisation serait versée au dossier d'enquête (alinéa 8). En outre, les données ne pourraient être utilisées que pour les finalités de l'enquête au titre de laquelle l'autorisation a été accordée (alinéa 9) et devraient être détruites six mois après la décision définitive (alinéa 10).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur, accepté par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement et avec l' avis favorable du rapporteur, un amendement visant à modifier le délai de prescription des manquements administratifs sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF (alinéas 14 à 16).

Le délai de prescription des faits dont peut être saisie la commission des sanctions serait porté de trois ans à six ans (alinéa 15).

En outre, le point de départ de ce délai de prescription serait fixé, si le manquement est occulte ou dissimulé , « au jour où le manquement est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice par l'Autorité des marchés financiers de ses missions d'enquête ou de contrôle ». Dans ce cas, le délai de prescription ne pourrait toutefois excéder douze ans (alinéa 16).

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur propose de supprimer la refonte de la procédure d'accès aux données de connexion , dans la mesure où les dispositions concernées ont finalement été adoptées dans une version quasi-identique à l'article 13 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, afin de respecter les délais fixés par le Conseil constitutionnel pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée.

Seules pourraient être conservées les dispositions visant à modifier les délais de prescription des faits dont peut être saisie la commission des sanctions de l'AMF, non reprises dans la loi précitée, qui viennent utilement harmoniser les régimes de prescription applicables aux infractions financières.

En effet, la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme relative aux délais de prescription en matière pénale a porté de trois à six ans le délai de prescription de l'action publique pour les délits et a consacré au niveau législatif le report du point de départ pour les infractions dissimulées ou occultes, tout en introduisant un délai-butoir empêchant la poursuite des délits au-delà de douze ans à compter de la commission des faits.

Dès lors, les délits financiers poursuivis par le parquet national financier et les manquements financiers poursuivis par l'AMF sont aujourd'hui soumis à deux régimes de prescription différents .

Les raisons qui ont conduit à modifier le régime de prescription applicable aux infractions délictuelles - à savoir la nécessité de faciliter la répression des infractions, de répondre aux attentes de la société et de tenir compte des avancées jurisprudentielles de la Cour de cassation - étant également valables pour les faits poursuivis par l'AMF, votre rapporteur soutient l'harmonisation proposée .

Deux amendements identiques COM-110 et COM-525 sont adoptés en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 24 bis
(art. L. 621-13-5 du code monétaire et financier)
Blocage simplifié des sites internet des opérateurs proposant des offres irrégulières de financement participatif ou de biens divers

1. Le droit en vigueur

Depuis 2016 295 ( * ) , l'Autorité des marchés financiers (AMF) peut faire usage dans certains cas d'une procédure simplifiée de blocage des sites internet , prévue à l'article L. 621-13-5 du code monétaire et financier.

Cette procédure s'inspire d'un dispositif existant 296 ( * ) dans le secteur des jeux en ligne , introduit à l'initiative de la commission des finances du Sénat au bénéfice de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) 297 ( * ) .

Son champ d'application est actuellement limité aux sites des « opérateurs offrant des services d'investissement en ligne non agréés en application de l'article L. 532-1 ne figurant pas au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 531-2 ou n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 532-16 à L. 532-22 » (premier alinéa de l'article L. 621-13-5 précité). Il s'agit concrètement des prestataires de services d'investissement (PSI) illégaux .

Qu'est-ce qu'un service d'investissement ?

Les services d'investissement sont définis à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier. Cette catégorie comprend les services et activités suivants :

- la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;

- l'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;

- la négociation pour compte propre ;

- la gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;

- le conseil en investissement ;

- la prise ferme ;

- le placement garanti ;

- le placement non garanti ;

- l'exploitation d'un système multilatéral de négociation.

Source : commission spéciale

La procédure comporte quatre principales étapes :

- le président de l'AMF adresse tout d'abord aux opérateurs une mise en demeure les enjoignant de respecter l'interdiction de fourniture illégale de services d'investissement et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours (premier alinéa du même article ) ;

- en parallèle, le président de l'AMF doit également adresser aux hébergeurs une copie de la mise en demeure, ces derniers étant également invités à présenter leurs observations sous huit jours (deuxième alinéa du même article) ;

- à l'issue du délai de huit jours, en cas d'inexécution des injonctions, le président de l'AMF peut saisir le président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris aux fins d'ordonner, en la forme des référés, l'arrêt de l'accès à ce service aux fournisseurs d'accès à internet (troisième alinéa du même article) ;

- il peut également saisir le TGI de Paris aux mêmes fins si l'offre demeure accessible depuis un nouvel hébergeur, sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature (quatrième alinéa du même article).

Pour les cas n'entrant pas dans le champ d'application de la procédure simplifiée, l'AMF peut agir sur le fondement du dispositif général prévu à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. En effet, le 8 du I dudit article prévoit la possibilité pour l'autorité judiciaire de prescrire en référé ou sur requête, à un hébergeur ou, à défaut, à un fournisseur d'accès à internet , toutes mesures « propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ». Dans ce cadre, l'AMF peut donc saisir en référé le président du TGI de Paris, après avoir fait usage de son pouvoir d'injonction.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, qui a été introduit au stade de la commission spéciale à l'initiative du Gouvernement, avec l' avis favorable du rapporteur, et a fait l'objet de quatre amendements rédactionnels et de coordination au stade de la séance, vise à étendre le champ d'application de la procédure simplifiée de blocage des sites internet .

Deux nouvelles catégories d'acteurs pourraient faire l'objet de la procédure simplifiée.

Il s'agit tout d'abord des opérateurs proposant des offres irrégulières de financement participatif .

Seraient ainsi visés les opérateurs proposant en ligne des offres de titres financiers ou de bons de caisse et qui ne bénéficient pas, pour ce faire, du statut de conseiller en investissements participatifs (CIF) ou de PSI (alinéa 5).

Pourraient également faire l'objet de la procédure simplifiée les opérateurs proposant des offres irrégulières de biens divers .

Seraient ainsi visés les opérateurs proposant au public de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens divers sans avoir, préalablement à toute communication à caractère promotionnel ou à tout démarchage, soumis à l'examen de l'AMF les projets de documents d'information et les projets de contrat type (alinéa 6).

Les autres alinéas procèdent aux coordinations nécessaires à l'article L. 621-13-5 du code monétaire et financier.

III. La position de votre commission

Deux ans après l'entrée en vigueur de la loi « Sapin 2 » précitée, la procédure simplifiée de blocage des sites internet a fait la preuve de son efficacité . En 2017, l'AMF a ainsi obtenu 25 ordonnances de blocage, imposant la fermeture de 52 adresses internet. La seule assignation ou mise en demeure de l'AMF a, en outre, permis la fermeture effective de 22 adresses supplémentaires. Une audience se tient désormais au TGI environ tous les deux mois 298 ( * ) .

À titre de rappel, la principale différence avec la procédure de droit commun tient à l'absence d'obligation pour l'AMF d'assigner les hébergeurs devant le tribunal , qui constitue une obligation vaine et coûteuse.

L'assignation des hébergeurs, une procédure vaine et coûteuse :
l'exemple de l'Arjel

Lorsqu'un hébergeur est assigné par l'Arjel, deux solutions sont envisageables :

- soit l'hébergeur réagit positivement à l'assignation : l'opérateur, qui en est informé, souscrit alors un nouveau contrat d'hébergement avec un autre prestataire, et le site reste accessible ;

- soit l'hébergeur, souvent localisé à l'étranger, ignore l'assignation de l'Arjel : c'est le cas le plus fréquent puisque, depuis la loi de 2010, sur une centaine d'hébergeurs qui ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Paris, seuls quatre se sont présentés à l'audience.

Dans l'un et l'autre cas, la procédure est donc vaine.

En outre, la procédure est coûteuse, en particulier lorsque l'hébergeur est situé à l'étranger : l'assignation doit être traduite dans la langue de l'hébergeur, acheminée parfois par voie diplomatique ; il en va de même de l'éventuelle ordonnance prononçant le blocage du site, qui doit non seulement être traduite et transmise par huissier, mais peut se révéler difficile à exécuter auprès de certaines juridictions.

Source : avis n° 524 (2015-2016) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances
et déposé le 5 avril 2016 sur le projet de loi pour une République numérique

Aussi, il faut se féliciter de l'élargissement du champ de la procédure simplifiée proposé au présent article, qui devrait permettre de lutter plus efficacement contre les offres irrégulières de financement participatif ou de biens divers (ex : vins, diamants, livres anciens, etc .), qui tendent à se développer 299 ( * ) .

Votre rapporteur propose toutefois un amendement rédactionnel visant :

- d'une part, à lever toute ambiguïté sur le fait que seuls les prestataires qui ne possèdent ni le statut de PSI, ni le statut de CIF sont considérés comme illégaux et entrent ainsi dans le champ du dispositif (conditions cumulatives, et non alternatives) ;

- d'autre part, à clarifier que l'ensemble de l'activité d'intermédiation en biens divers est dans le champ du dispositif (l'alinéa 6 ne mentionnant pas les intermédiaires proposant d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers).

Un amendement COM-526 est adopté en ce sens.

En complément, votre rapporteur propose un amendement de fond visant à inclure dans le champ de la procédure simplifiée les émetteurs et prestataires sur actifs numériques qui exercent illégalement ou qui laissent croire qu'ils exercent leur activité en bénéficiant du visa ou de l'agrément optionnels créés par le présent texte ( voir le commentaire des articles 26 et 26 bis A du présent projet de loi ).

Seraient ainsi visés :

- les opérateurs fournissant un ou plusieurs services mentionnés à l'article L. 54-10-2 du code monétaire et financier sans être enregistrés auprès de l'AMF dans les conditions prévues à l'article L. 54-10-3 du même code ;

- les opérateurs qui diffusent des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses laissant croire qu'ils sont agréés dans les conditions prévues à l'article L. 54-10-5 du même code ;

- les opérateurs qui diffusent des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses laissant croire qu'ils ont obtenu le visa prévu à l'article L. 552-4 du même code.

Un amendement COM-527 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 24 bis ainsi modifié .

Article 24 ter
(art.L. 621-19 du code monétaire et financier)
Clarification rédactionnelle
sur la saisine du médiateur de l'AMF

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article L.621-19 du code monétaire et financier, modifié par l'article 2 de l'ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, précise les conditions de saisine du médiateur de l'Autorité des marchés financiers.

La rédaction actuelle du quatrième alinéa du I de l'article L. 621-19 du code monétaire et financier, par l'effet d'une virgule au lieu d'un point, pose néanmoins problème.

Elle conduit à penser que la suspension de la prescription commence dès la saisine du médiateur de l'AMF, en application de l'article 2238 du code civil. Or, celui-ci prévoit, au contraire, que la suspension de la prescription débute seulement au jour où les parties décident d'entrer en médiation 300 ( * ) .

L'article 24 ter, introduit par un amendement de notre collègue députée Catherine Osson du groupe La République en marche, propose de modifier la ponctuation du quatrième alinéa du I de l'article L.621-19 du code monétaire et financier, afin de le mettre en cohérence avec les dispositions de l'article 2238 du code civil. La nouvelle ponctuation proposée indique bel et bien que la suspension de la prescription intervient au moins six mois après la clôture de la médiation.

II La position de votre commission

Votre rapporteur estime nécessaire la modification de la ponctuation proposée par l'article 24 ter qui clarifie le recours à la médiation et conforte la sécurité juridique de ceux et celles qui y ont recours.

Votre commission a adopté l'article 24 ter sans modification .

Article 25
(art. L. 330-1, L. 330-2, L. 440-1, L. 440-2, L. 612-2 et L. 632-17
du code monétaire et financier)
Infrastructures des marchés financiers

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

Cet article vise à modifier le droit des infrastructures des marchés financiers en reconnaissant le caractère définitif du règlement effectué au moyen de certains systèmes de pays tiers, en supprimant l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit et en élargissant la liste des participants aux infrastructures de marché.

I. Le droit en vigueur

Les infrastructures des marchés financiers constituent les supports permettant d' assurer le traitement des transactions financières.

Ainsi que le relève la Banque de France, il existe quatre grands types d'infrastructures 301 ( * ) :

- les systèmes de paiement , qui « assurent le règlement interbancaire des paiements de détail de la clientèle des banques (CORE(FR) pour la France), ou des paiements de montant élevé entre institutions financières, traitant notamment des flux liés à la politique monétaire (TARGET2 dans la zone Euro) » ;

- les systèmes de règlement-livraison (ESES France pour la France), qui « assurent le dénouement effectif des transactions sur instruments financiers via la plateforme commune de règlement-livraison européenne (T2S) » ;

- les chambres de compensation (LCH.Clearnet SA pour la France), qui « permettent de centraliser et de mieux maîtriser le risque de contrepartie » ;

- les registres centraux de données , qui « enregistrent des transactions effectuées sur les produits dérivés afin d'assurer la transparence des marchés financiers ».

Elles sont souvent qualifiées d'infrastructures « post-marché », dans la mesure où elles interviennent en aval de la phase de négociation , une fois qu'un accord est intervenu entre le vendeur et l'acheteur.

Leur rôle est crucial pour le bon fonctionnement des marchés, dans la mesure où elles permettent de réduire le risque de contrepartie , de favoriser les économies d'échelle par un usage efficace du collatéral et de garantir la sécurité et l'absence de remise en cause des opérations.

Illustration : l'exécution d'un ordre de bourse

Schématiquement, l'exécution d'un ordre de bourse transmis par un investisseur comporte quatre étapes .

Lors de la phase de négociation , l'ordre de l'investisseur est transmis par un collecteur à un négociateur, chargé de trouver une contrepartie.

Lorsqu'une contrepartie est trouvée, commence alors la deuxième étape, dite de compensation . La chambre de compensation assume le risque de contrepartie en s'interposant entre l'acheteur et le vendeur.

Elle calcule également en fin de séance la position nette des acteurs afin de réduire les opérations de règlement-livraison au strict minimum. Les ordres nets sont alors transmis au dépositaire central.

La troisième étape, dite de règlement-livraison , est ainsi assurée par le dépositaire central. Concrètement, ce dernier s'assure que le versement a bien été effectué par l'acheteur et permute dans ses livres de compte l'inscription des titres au profit du vendeur.

Enfin, la quatrième étape, dite de conservation , implique les teneurs de compte-conservateur, qui tiennent à jour le portefeuille de titres de leurs clients. Ces titres sont répertoriés dans le compte ouvert par le teneur auprès du dépositaire central. Ce dernier peut ainsi vérifier à tout moment que le nombre de titres comptabilisés au sein du compte dit « d'émission » des sociétés enregistrées auprès de lui correspond à la somme des titres comptabilisés au sein des comptes des teneurs.

Source : Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier,
fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 175.

1. L'absence de reconnaissance du caractère définitif du règlement effectué au moyen de systèmes de pays tiers

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, les infrastructures des marchés financiers ont vocation à garantir l'absence de remise en cause des opérations en cours ou réalisées , afin de limiter le risque systémique en cas de défaut d'une contrepartie.

Pour ce faire, la directive dite « finalités » 302 ( * ) prévoit la poursuite de l'exécution des paiements initiés avant une faillite et interdit leur annulation rétroactive . Ses dispositions, transposées principalement aux articles L. 330-1 et L. 330-2 du code monétaire et financier, viennent ainsi déroger au droit commun de la faillite.

Cette dérogation est toutefois limitée aux instructions et opérations de compensation introduites dans les systèmes de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers éligibles d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen 303 ( * ) .

Définition des systèmes de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers

Le I de l'article L. 330-1-I du code monétaire et financier définit un système de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers comme :

- une procédure nationale ou internationale organisant les relations entre trois participants au moins , sans compter le gestionnaire du système ;

- permettant conformément à des règles communes et des procédures normalisées l'exécution à titre habituel, par compensation ou non, de paiements ainsi que, le cas échéant, la livraison d'instruments financiers entre lesdits participants ;

- et qui a été institué par une autorité publique ou est régi par une convention-cadre respectant certains principes.

L'article L. 330-3 du même code étend cette définition aux systèmes de paiement , qui sont des systèmes de règlement interbancaire ou tout autre système permettant le transfert de fonds ou le traitement d'ordres de paiement selon des procédures normalisées et des règles communes.

Le ministre chargé de l'économie doit notifier à l'Autorité européenne des marchés financiers la liste des systèmes bénéficiant des articles L. 330-1 et L. 330-2 et leurs gestionnaires respectifs.

Source : commission spéciale

La France n'a donc pas fait usage de la possibilité, ouverte aux États membres par le considérant 7 de la directive « finalités », de conférer un caractère définitif aux opérations effectuées au moyen de systèmes de pays tiers.

2. Les conditions d'accès aux systèmes de paiement et de règlement-livraison et aux chambres de compensation

Les listes limitatives des participants aux systèmes de paiement et de règlement-livraison et aux chambres de compensation sont fixées respectivement au II de l'article L. 330-1 et à l'article L. 440-2 du code monétaire et financier.

Il s'agit principalement des établissements de crédit , des entreprises d'investissement , des dépositaires centraux et des organismes financiers nationaux et internationaux .

Ainsi que le relève l'étude d'impact, la liste des participants pouvant adhérer à une chambre de compensation doit nécessairement être compatible avec celle des participants aux systèmes de paiement et de règlement livraison.

En effet, « conformément au règlement EMIR, les chambres de compensation sont notifiées à l'Autorité européenne des marchés financiers en tant que système », si bien que « les participants à une chambre de compensation sont automatiquement considérés comme participants à un système de paiement et à un système de règlement-livraison » 304 ( * ) .

3. L'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit

Les règles pour l'agrément et la surveillance des chambres de compensation sont déterminées par le règlement dit « EMIR » 305 ( * ) .

Le paragraphe 5 de l'article 14 dudit règlement laisse toutefois la possibilité aux États membres « d'adopter des exigences supplémentaires » à l'agrément des chambres de compensation qu'il prévoit - et « notamment certaines exigences en matière d'agrément prévues par la directive 2006/48/CE » concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice.

Sur ce fondement, l'article L. 440-1 du code monétaire et financier dispose que les chambres de compensation doivent être « agréées en tant qu'établissement de crédit par la Banque centrale européenne , sur proposition de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution après consultation de l'Autorité des marchés financiers et de la Banque de France ».

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose d'apporter trois principales modifications au droit des infrastructures des marchés financiers :

- la reconnaissance du caractère définitif du règlement effectué au moyen de certains systèmes de pays tiers ;

- la suppression de l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit ;

- l'élargissement de la liste des participants aux infrastructures de marché.

1. La reconnaissance du caractère définitif du règlement effectué au moyen de certains systèmes de pays tiers

Le présent article vise tout d'abord à permettre à certains systèmes de pays tiers de bénéficier des dispositions protectrices de la directive « finalités » , en conformité avec son considérant 7.

Les alinéas 1 à 7 procèdent à cette fin à une modification de la définition des systèmes prévue à l'article L. 330-1 du code monétaire et financier, afin d'y inclure « tout système destiné à régler des opérations de change en mode paiement contre paiement et en monnaie de banque centrale, auquel une personne régie par le droit français (...) est participant direct , homologué par arrêté du ministre chargé de l'économie ».

Comme le relève l'étude d'impact, ce nouveau critère de définition vise, dans la perspective du Brexit , à cibler le système britannique Continuous Linked Settlement , qui « effectue 51 % des règlements des opérations de change (en moyenne, 4 800 milliards de dollars de transactions entrées dans le système sont réglées quotidiennement) dans des conditions particulières permettant de réduire drastiquement le risque de règlement et de garantir un niveau élevé de sécurisation (règlement en monnaie de banque centrale et en mode paiement contre paiement) » 306 ( * ) .

Les alinéas 11 à 13 permettent d' étendre les dérogations au droit des faillites aux instructions et opérations de compensation introduites dans ce système , en supprimant l'obligation que la loi régissant le système soit celle d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

2. La suppression de l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit

En complément, les alinéas 14 à 17 visent à mettre fin à l'obligation pour les chambres de compensation d'être agréées en tant qu'établissement de crédit par la Banque centrale européenne, en procédant à une réécriture de l'article L. 440-1 du code monétaire et financier.

L'alinéa 16 ouvre néanmoins à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la possibilité d'exiger un tel agrément « lorsque la nature, le volume ou la complexité » des activités d'une chambre de compensation le justifie.

Dans la mesure où les pouvoirs de l'ACPR sur les chambres de compensation procèdent jusqu'à présent de leur agrément en tant qu'établissement de crédit, les alinéas 22 et 23 réaffirment à l'article L. 612-2 du code monétaire et financier la compétence de l'ACPR sur l'ensemble des chambres de compensation.

3. L'élargissement de la liste des participants aux infrastructures de marché

Enfin, le présent article a pour objet d' élargir la liste des participants aux infrastructures des marchés financiers , conformément aux possibilités ouvertes par la directive « finalités » aux États membres.

S'agissant des systèmes de paiement et de règlement-livraison, les alinéas 9 et 10 introduisent une nouvelle catégorie de participants au sein de la liste figurant au II de l'article L. 330-1 du code monétaire et financier.

Seraient désormais éligibles les organismes et entreprises qui respectent les deux conditions suivantes :

- leur participation est justifiée au regard du risque systémique ;

- ils participent à un système dont au moins trois participants entrent dans les catégories des établissements de crédit, des entreprises d'investissement, des organismes publics ou des entreprises contrôlées opérant sous garantie de l'État.

En pratique, il s'agit notamment de permettre à des entreprises d'assurance et de réassurance , des organismes de placements collectifs ou encore des fonds d'investissement alternatifs d'accéder directement à ces infrastructures 307 ( * ) .

S'agissant des chambres de compensation, les alinéas 18 à 20 élargissent sous les mêmes conditions la liste des participants prévue à l'article L. 440-2 du code monétaire et financier.

La seule différence tient à l'introduction d'une réserve précisant que les organismes ou entreprises qui bénéficient de la qualité de participant à une chambre de compensation sur le fondement de ces nouveaux critères ne bénéficient pas automatiquement de la qualité de participant pour d'autres systèmes que celui géré par la chambre de compensation à laquelle ils adhèrent (alinéa 20).

D'après les informations transmises par la Banque de France, « cette absence d'automaticité entre l'adhésion à une chambre de compensation et l'adhésion à un autre système, notamment de dépositaire central, a pour objectif de ne pas fragiliser la position compétitive des teneurs de comptes conservateurs français , qui ne pourront ainsi pas être automatiquement contournés pour l'accès au dépositaire central de titres » 308 ( * ) .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. L'élargissement du périmètre des systèmes de pays tiers pouvant bénéficier des dispositions protectrices de la directive « finalités »

Au stade de la commission, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement, sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement de coordination, un amendement visant à élargir le périmètre des systèmes de pays tiers pouvant bénéficier des dispositions protectrices de la directive « finalités » en droit français.

L'alinéa 8 du présent article, issu dudit amendement, étend ainsi le périmètre à tout système « régi par la loi d'un pays tiers, autre qu'une chambre de compensation , agissant principalement en monnaie de banque centrale et destiné à exécuter des paiements ou à effectuer le règlement et la livraison d'instruments financiers, auquel une personne régie par le droit français (...) est participant direct , lorsque ce système est d' importance systémique et présente un niveau de sécurité réglementaire et opérationnel équivalent à celui des systèmes régis par la loi française, homologué par arrêté du ministre chargé de l'économie ».

Ainsi que l'indique le rapporteur de l'Assemblée nationale, il s'agit en pratique de viser deux systèmes britanniques complémentaires « pour lesquels les banques françaises n'ont pas non plus d'alternative après le Brexit » 309 ( * ) , à savoir :

- le système de paiements interbancaires britannique pour la livre sterling, dit« CHAPS » ;

- le système de règlement livraison des titres de créance et actions cotées au Royaume-Uni, dit « CREST ».

2. L'assouplissement des règles gouvernant l'échange d'informations couvertes par le secret professionnel

Au stade de la séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un autre amendement, à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable du rapporteur, visant à assouplir certaines règles gouvernant l'échange d'informations couvertes par le secret professionnel .

Les alinéas 24 à 27 du présent article, issus dudit amendement, introduisent ainsi une nouvelle disposition à l'article L. 632-17 du code monétaire et financier afin de permettre aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement français de transmettre aux autorités de pays tiers des informations couvertes par le secret professionnel .

La levée du secret professionnel serait toutefois conditionnée :

- à l'existence d'un accord de coopération avec l'ACPR ou l'Autorité des marchés financiers ;

- au respect du principe de réciprocité ;

- au fait que les autorités homologues soient elles-mêmes soumises au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient les évolutions proposées , qui viennent opportunément moderniser le droit des infrastructures des marchés financiers .

1. Deux mesures de « dé-surtransposition » bienvenues, dans un contexte de mise en concurrence des places financières européennes

Alors que le Brexit se traduit par une mise en concurrence accrue des différentes places financières européennes , qui cherchent à peser sur les choix de relocalisation des acteurs financiers exerçant leurs activités depuis Londres, deux des trois aménagements proposés relèvent d'une logique de « dé-surtransposition » bienvenue.

Il s'agit tout d'abord de la suppression de l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit , qui constitue une exception française. Avec l'Allemagne, la France est en effet le seul État membre qui continue d'imposer systématiquement le statut d'établissement de crédit aux chambres de compensation 310 ( * ) .

Dès lors, les charges administratives liées à la constitution des dossiers d'agrément, le délai important laissé à la BCE pour délivrer l'agrément d'établissement de crédit (jusqu'à douze mois) ainsi que les coûts supplémentaires récurrents induits (frais de contrôle, etc .) pourraient décourager l'implantation de nouvelles chambres de compensation sur le territoire français.

La possibilité laissée à l'ACPR d'exiger un tel agrément pour les chambres de compensation d'importance systémique constitue un point d'équilibre acceptable , dès lors que le statut d'établissement de crédit permet par exemple d'accéder sans restriction aux facilités de prêt marginal et de dépôt offertes par la BCE, qui jouent un rôle essentiel en cas de fortes tensions sur les marchés financiers.

L' élargissement de la liste des participants aux infrastructures constitue également une mesure de « dé-surtransposition » bienvenue.

Ainsi que le relève l'étude d'impact, de nombreux États membres tels que le Luxembourg ou la Belgique ont déjà fait usage de la faculté d'élargissement de la qualité de participant ouverte par le droit européen 311 ( * ) .

En l'absence d'une telle évolution en droit français, les entreprises d'assurance et de réassurance, les organismes de placements collectifs et les fonds d'investissement pourraient se détourner des systèmes français , compte tenu de la possibilité d'accéder aux autres systèmes européens directement, sans passer par un adhérent compensateur, ce qui implique des coûts de transaction.

2. La reconnaissance indispensable de certains systèmes de pays tiers, dans la perspective du Brexit

Enfin, la reconnaissance de l'applicabilité des dispositions de la directive « finalités » aux systèmes britanniques pour lesquels les acteurs françaises ne disposent pas à ce jour d'alternative apparaît indispensable, dans la perspective du Brexit .

En effet, l'absence de reconnaissance, en droit français, du caractère définitif du règlement effectué au moyen de ces systèmes pourrait conduire ces derniers à refuser l'accès aux participants français , qui seraient dès lors contraints de délocaliser leurs activités dans un des nombreux États membres ayant déjà fait évoluer sa législation sur ce point.

Compte tenu des délais d'examen du présent projet de loi, il peut être souligné que le Gouvernement a jugé utile d'inclure dans le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne une disposition faisant en partie double emploi avec cette mesure , afin de pallier l'impact qu'aurait un Brexit sans période transitoire.

Ainsi, le 4° de l'article 2 dudit projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures pour tirer les conséquences d'un retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord en ce qui concerne « l'accès des entités françaises aux systèmes de règlement interbancaire et de règlement livraison des pays tiers, dont le Royaume-Uni, en assurant le caractère définitif des règlements effectués au moyen de ces systèmes ».

Il peut être souligné que l'habilitation n'exclut pas les chambres de compensation des systèmes de pays tiers pour lesquels le caractère définitif des règlements pourrait être reconnu , contrairement à l'alinéa 8 du présent projet de loi.

3. L'adoption d'aménagements complémentaires

En commission, quatre amendements ont été adoptés :

- un amendement du Gouvernement COM-307 visant à assurer le caractère définitif des règlements effectués par les participants français dans certaines chambres de compensation de pays tiers, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement du Gouvernement COM-308 visant à ouvrir l'accès aux chambres de compensation à certains organismes et entreprises établis dans des pays tiers, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement du Gouvernement COM-308 visant à permettre de rédiger certaines règles relatives aux infrastructures de marché dans une autre langue que le français, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement de coordination COM-528 de votre rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article 26
(art. L. 312-23, L. 341-1, L. 500-1, L. 541-1, L. 551-1 [nouveau], L. 551-2 [nouveau], L. 551-3 [nouveau], L. 551-4 [nouveau], L. 551-5 [nouveau], L. 552-1 [nouveau], L. 552-2 [nouveau], L. 552-3 [nouveau], L. 552-4 [nouveau], L. 552-5 [nouveau], L. 552-6 [nouveau], L. 552-7 [nouveau], L. 561-2, L. 561-36, L. 573-8, L. 621-5-3, L. 621-7, L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Création d'un régime français des offres de jetons

Cet article vise à mettre en place un système de visa optionnel pour les levées de fonds en actifs numériques.

I. Le droit en vigueur

1. Les actifs numériques et leur technologie sous-jacente ont progressivement fait leur apparition dans le droit français

Les actifs numériques , communément désignés sous les termes de « crypto-actifs » ou de « monnaies virtuelles », connaissent depuis plusieurs années un développement soutenu.

Il existe aujourd'hui environ 2 000 types d'actifs numériques , pour une capitalisation totale d'environ 130 milliards de dollars 312 ( * ) .

À l'instar du plus connu des actifs numériques, le bitcoin, la plupart reposent sur une technologie appelée « blockchain » , juridiquement qualifiée en 2016 de « dispositif d'enregistrement électronique partagé » au sein du code monétaire et financier 313 ( * ) .

Schématiquement, la blockchain correspond à une chaîne de livres de compte virtuels retraçant l'ensemble des transactions effectuées. Il s'agit ainsi d'une nouvelle manière d'échanger (des « monnaies virtuelles » mais aussi des titres ou des contrats) dont la principale originalité réside dans le mode de validation des transactions, entièrement décentralisé 314 ( * ) et de ce fait réputé infalsifiable . En effet, dans la mesure où il n'est plus nécessaire de recourir à un tiers de confiance pour valider les opérations, le réseau n'offre pas de point individuel de défaillance.

En 2016 315 ( * ) , les actifs numériques ont pour la première fois été indirectement définis en droit français pour les besoins de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme comme « tout instrument contenant sous forme numérique des unités de valeur non monétaire pouvant être conservées ou être transférées dans le but d'acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de créance sur l'émetteur » (7° bis de l'article L.  561-2 du code monétaire et financier).

Plus récemment, dans le cadre de la mise en place d'un régime d'imposition sui generis des gains issus de la cession d'actifs numériques par les particuliers, ces derniers ont été définis au sein du code général des impôts par la loi de finances pour 2019 316 ( * ) .

L'article 150 VH bis du code général des impôts distingue ainsi deux catégories de biens répondant à la définition des actifs numériques :

- d'une part, « les jetons, à l'exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers (...) et des bons de caisse », étant précisé que « constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » ;

- d'autre part, « toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

Cette définition duale répond directement au développement des levées de fonds en crypto-actifs , qui a conduit à distinguer les jetons émis des « crypto-monnaies » classiques.

2. Les levées de fonds en actifs numériques se sont développées hors de tout cadre réglementaire et ne peuvent généralement pas être appréhendées à l'aide des catégories usuelles du droit financier

Le développement des actifs numériques a entraîné l'apparition d'un nouveau mode de financement communément appelé initial coin offering (ICO), par analogie avec le terme anglais utilisé pour les introductions en bourse (initial public offering).

Selon l'Autorité des marchés financiers (AMF), les levées de fonds en actifs numériques peuvent être définies comme « des opérations de levées de fonds effectuées à travers une technologie de registre distribué qui donnent lieu à une émission de jetons (« tokens »), ceux-ci pouvant être ensuite, selon les cas, utilisés pour obtenir des produits ou services, échangés sur une plateforme (marché secondaire) et/ou rapporter un profit » 317 ( * ) .

Concrètement, ce mode de financement original « consiste, pour des porteurs de projet, à émettre un nouveau jeton de valeur (...) puis à le distribuer de façon prévisible et automatique (...) à tous les contributeurs au projet, au prorata des fonds envoyés (en bitcoins, ethers ou toute cryptomonnaie acceptée par l'équipe) », ce qui pourrait se résumer par « envoie-moi des bitcoins, je te distribuerai en échange ma nouvelle crypto-monnaie (...) au prorata de ta contribution » 318 ( * ) .

Le fonctionnement des levées de fonds en actifs numériques

Un entrepreneur développe une blockchain dédiée à un nouveau projet (jeu vidéo en temps réel, services de clouding , vente aux enchères de noms de domaine...) par laquelle il émet des jetons.

Il met ces jetons en vente auprès des investisseurs, qui paient en crypto-actifs ( bitcoins ou ethers ). Certains projets peuvent cependant être financés en monnaie légale. La transaction est opérée le plus souvent sur la blockchain Ethereum , qui, par la gestion de smart contracts , sécurise les échanges entre, d'une part, les jetons de la blockchain objet du projet et, d'autre part, le montant de bitcoins ou d' ether s correspondant.

Les jetons achetés confèrent aux investisseurs, sur le projet émetteur, un ou plusieurs droits qui peuvent être de différente nature : droit à dividendes futurs sur les revenus qui seront générés par le projet ; droit de vote ou de gouvernance ; droit d'usage du projet ou droit sur un service offert par l'émetteur, etc .

Le porteur de projet, une fois qu'il a collecté des bitcoins ou des ethers auprès de ses investisseurs, peut utiliser des plateformes de change pour convertir ses crypto-actifs en monnaie légale et financer son activité d'exploitation : location de locaux, achat de matériel informatique, recrutement, etc .

Source : Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin), « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme :
tendances et analyse en 2017-2018 », p. 60.

Bien que ce mode de financement demeure marginal à l'échelle du système financier traditionnel, il connaît un développement soutenu , avec un total de 22,2 milliards de dollars levés, principalement en 2017 (6,8 milliards de dollars) et au cours des trois premiers trimestres 2018 (15,2 milliards de dollars) 319 ( * ) .

En France, « si les montants levés demeurent faibles à ce stade (89 millions d'euros pour 15 émetteurs), les ICO ont représenté 4 % du financement en actions durant les trois premiers trimestres 2018 », ainsi que le relève l'AMF 320 ( * ) .

Sur le plan juridique, la plupart des opérations de levées de fonds en actifs numériques ne peuvent pas être appréhendées à l'aide des catégories usuelles du droit financier et se situent ainsi hors de tout cadre réglementaire .

Théoriquement, il existe deux principales situations dans lesquelles elles peuvent être assimilées à des placements financiers régulés , ce qui permet alors aux investisseurs de bénéficier du cadre protecteur prévu par le droit en vigueur 321 ( * ) .

Il s'agit tout d'abord du cas où les caractéristiques des jetons émis permettent de les qualifier d'instrument financier .

Par exemple, un jeton qui confère à son propriétaire des droits politiques et financiers analogues à ceux classiquement attribués aux actions peut être qualifié de titre de capital.

De même, un jeton qui donnerait droit aux souscripteurs à un remboursement monétaire à la charge de l'émetteur pourrait être assimilé à un titre de créance.

Il s'agit ensuite du cas où l'émetteur met en avant la possibilité d'un rendement financier .

En effet, le régime de l'intermédiation en biens divers permet de réguler les offres d'investissement « atypiques », qui ne sont pas fondées sur la souscription d'instruments financiers mais sur l'achat d'autres biens (ex : diamants, terres rares, livres anciens, etc.) censés se valoriser dans le temps et vendus comme tels.

Est ainsi soumise à ce régime toute personne qui « propose à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d'acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d'un rendement financier direct ou indirect », ce qui emporte notamment l'obligation de déposer un dossier justifiant de différentes garanties auprès de l'AMF et d'établir un document destiné à informer le public sur l'opération proposée (articles L. 550-1 et L. 550-3 du code monétaire et financier).

Si certaines opérations de levées de fonds en actifs numériques pourraient relever de ce régime, il suffit toutefois aux émetteurs de ne pas mettre en avant la possibilité d'un rendement financier pour y échapper.

En pratique, la plupart des levées de fonds en crypto-actifs ne peuvent être rattachées à ces catégories juridiques.

Ainsi, sur les 83 projets de levées de fonds examinés par l'AMF, 78 se situent hors de tout cadre réglementaire 322 ( * ) . Parmi les cinq autres, quatre donnent aux souscripteurs des droits financiers qui les rendraient assimilables à des instruments financiers (titre de capital, titre de créance ou instrument à terme selon les projets), tandis qu'un seul pourrait relever du régime de l'intermédiation en biens divers.

Comme le résume Tracfin, les opérations de levées de fonds en crypto-actifs « se sont donc développées en-dehors de toute réglementation » mais « ne sont cependant pas illégales » 323 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à mettre en place un système de visa optionnel auprès de l'AMF pour les levées de fonds en actifs numériques.

À cette fin, il insère un nouveau chapitre consacré aux émetteurs de jetons au sein du livre V du titre V du code monétaire et financier (alinéas 10 à 12). Les alinéas 2 à 9, 29 à 33 et 36 procèdent aux coordinations nécessaires, en renumérotant les articles relatifs au régime de l'intermédiation en biens divers (articles L. 550-1 à L. 550-5, qui deviendraient les articles L. 551-1 à 551-5 du code monétaire et financier).

Aux termes de l'article L. 552-1 (créé par les alinéas 13 et 14), seuls seraient soumis aux obligations prévues par ce nouveau chapitre les émetteurs qui :

- procèdent à une offre au public de jetons qui n'est pas déjà régie par d'autres dispositions du code monétaire et financier ;

- sollicitent un visa de l'AMF pour ce faire.

La définition des jetons figurant déjà à l'article 150 VH bis du code général des impôts (voir le 1 du I du présent commentaire) est reprise au sein d'un nouvel article L. 552-2 du code monétaire et financier (alinéa 15).

La définition d'une offre au public de jetons est inscrite au sein d'un nouvel article L. 552-3.

Une offre au public de jetons consiste à « proposer au public, sous quelque forme que ce soit, de souscrire à ces jetons » (alinéa 16). En revanche, ne constitue pas une offre au public de jetons toute offre « ouverte à la souscription par un nombre limité de personnes », fixé par le règlement général de l'AMF, « agissant pour compte propre » (alinéa 17).

L'article L. 552-4 (créé par les alinéas 18 à 21) impose l'établissement d'un document « destiné à donner toute information utile au public sur l'offre proposée et sur l'émetteur » aux émetteurs sollicitant le visa optionnel (alinéa 19).

Ce document d'information et les communications à caractère promotionnel relatives à l'offre au public doivent présenter « un contenu exact, clair et non trompeur » et permettre de comprendre « les risques afférents à l'offre » (alinéa 20).

Les modalités de la demande de visa préalable, les pièces nécessaires à l'instruction du dossier et le contenu du document d'information sont précisés par le règlement général de l'AMF (alinéa 21).

Les conditions à remplir pour obtenir le visa de l'AMF sont fixées au sein de l'article L. 552-5 (créé par les alinéas 22 à 25).

L'AMF doit vérifier si l'offre envisagée présente les garanties exigées d'une offre destinée au public, et notamment que l'émetteur :

- est constitué sous la forme d'une personne morale établie ou immatriculée en France ;

- met en place tout moyen permettant le suivi et la sauvegarde des actifs recueillis dans le cadre de l'offre.

Elle est chargée d'examiner non seulement le document d'information mais aussi les projets de communications à caractère promotionnel destinées au public postérieurement à la délivrance du visa ainsi que les pièces justificatives des garanties apportées.

Elle « appose son visa sur le document d'information selon les modalités et dans le délai fixés par son règlement général » (alinéa 25).

Les conditions dans lesquelles le visa peut être retiré par l'AMF sont précisées au sein d'un nouvel article L. 552-6.

Si l'AMF « constate que l'offre proposée au public n'est plus conforme au contenu du document d'information ou ne présente plus les garanties prévues à l'article L. 552-5, elle peut ordonner qu'il soit mis fin à toute communication concernant l'offre faisant état de son visa et retirer son visa dans les conditions précisées par son règlement général » (alinéa 26).

L'article L. 552-7, créé à l'alinéa 28, prévoit une information des souscripteurs concernant les « résultats de l'offre et, le cas échéant, de l'organisation d'un marché secondaire des jetons », selon des modalités fixées par le règlement général de l'AMF.

Pour les offres de jetons soumises au visa de l'AMF, la possibilité pour la commission des sanctions de l'AMF de prononcer une sanction en cas de diffusion d'une fausse information ou de tout autre manquement est consacrée à l'article L.  621-15 (alinéas 37 et 38).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a été modifié par sept amendements et deux sous-amendements adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture.

1. « Droit au compte » des émetteurs ayant obtenu le visa

En commission spéciale, un amendement de notre collègue Valéria Faure-Muntian a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et du rapporteur afin de lever les obstacles que peuvent rencontrer les entrepreneurs opérant dans le secteur des crypto - actifs pour accéder aux services bancaires .

À cette fin, il inscrit à l'article L. 312-23 du code monétaire et financier le principe selon lequel les établissements de crédit mettent en place des règles « objectives, non discriminatoires et proportionnées » pour régir l'accès des émetteurs de jetons ayant obtenu le visa aux services de comptes de dépôt et de paiement qu'ils tiennent - cet accès devant être « suffisamment étendu pour permettre à ces personnes de recourir à ces services de manière efficace et sans entraves » (alinéa 40).

En contrepartie, un sous-amendement du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable du rapporteur, soumet les émetteurs de jetons ayant obtenu le visa aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, en modifiant l'article L. 561-2 (alinéa 45).

En séance, un amendement de notre collègue Adrien Taquet, adopté avec l'avis favorable du rapporteur du Gouvernement, est venu imposer que les raisons d'un éventuel refus soient communiquées à l'autorité de contrôle (alinéa 43).

Un autre amendement, sous-amendé par le rapporteur et adopté à l'initiative de notre collègue Laure de La Raudière avec un avis favorable du Gouvernement, renvoie à un décret la détermination des conditions d'application du droit au compte, et notamment « les voies et délais de recours en cas de refus d'un établissement de crédit ».

Enfin, un amendement de notre collègue Laure de La Raudière, adopté contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur, introduit la possibilité pour les émetteurs ayant obtenu un visa d' accéder à un service de dépôt et de paiement auprès de la Caisse des dépôts et consignations en cas de « difficulté persistante d'accès à des services de dépôts et de paiement dans les établissements de crédit » (alinéa 41).

2. Modalités de retrait du visa

Un amendement de notre collègue Adrien Taquet, adopté avec l'avis favorable de la commission, précise les modalités de retrait du visa par l'AMF , en prévoyant que le retrait ne saurait faire obstacle à la réalisation d'une nouvelle émission, compte tenu de son caractère optionnel. En revanche, l'AMF pourrait bloquer les communications faisant état du visa et communiquer publiquement sur son retrait (alinéa 27).

3. Améliorations rédactionnelles

Enfin, deux amendements , introduits à l'initiative du rapporteur et acceptés par le Gouvernement, sont de nature rédactionnelle et n'appellent pas de commentaire particulier.

IV La position de votre commission

1. Le caractère optionnel de l'encadrement proposé constitue une solution acceptable, à condition de protéger le grand public des offres non soumises au visa

S'il faut se féliciter du développement des levées de fonds en actifs numériques , dans la mesure où elles constituent une nouvelle forme de financement innovante pouvant permettre aux entrepreneurs de collecter des sommes d'argent importantes pour mener à bien des projets qui n'auraient pas nécessairement pu être financés par les circuits traditionnels, celles-ci sont également porteuses de risques importants tant pour les épargnants que pour les autorités publiques .

Pour les investisseurs, la participation à ces levées de fonds présente deux principaux risques 324 ( * ) :

- d'une part, le risque de réaliser un investissement infructueux , compte tenu du fait que les projets financés sont « majoritairement au stade d'idée » et qu'il n'existe pas de norme « sur les informations à présenter à l'investisseur » ;

- d'autre part, le risque de fraude , certaines levées de fonds s'étant « révélées être des fraudes pour des raisons diverses (mauvaise gestion budgétaire, disparition des dirigeants et/ou des employés, pyramide de Ponzi, etc. ) ».

Ainsi, sur les dix premiers mois, la plateforme « Épargne Info Service » de l'AMF a recensé « 2 261 demandes liées aux crypto-actifs, correspondant à un montant cumulé déclaré perdu par les épargnants d'environ 45 millions d'euros » 325 ( * ) .

S'agissant des autorités publiques, le principal risque concerne la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme .

En effet, « les mécanismes anonymes et décentralisés d'émission et de transfert de la plupart des crypto-monnaies peuvent favoriser l'utilisation de ces instruments à des fins criminelles (vente sur Internet de biens ou services illicites) ou à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme », ainsi que le relève le rapport de Jean-Pierre Landau remis au ministre de l'économie et des finances en juillet dernier 326 ( * ) .

Dans ce contexte, les autorités nationales ont adopté des approches très disparates , qui peuvent être classées en trois catégories 327 ( * ) :

- « certaines autorités ont prononcé une interdiction des ICOs , tels que les régulateurs de Chine et de Corée du Sud, constatant notamment que de nombreuses fraudes ou arnaques avaient eu lieu » ;

- « plusieurs autorités ont adopté une approche au cas par cas et à droit constant , avec des nuances » (ex : États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne) ;

- « d'autres autorités ont indiqué qu'à ce stade, elles ne régulent pas les ICOs , à tout le moins pas avant d'en avoir une connaissance approfondie » (ex : Australie, Gibraltar).

Votre rapporteur considère que c'est à juste titre que le Gouvernement n'a retenu aucune de ces trois solutions, compte tenu de leurs inconvénients respectifs.

L'interdiction pure et simple irait à l'encontre de la volonté de faire de Paris une place européenne de première importance pour l'écosystème des crypto-actifs et priverait les porteurs de projet d'un mode de financement appelé à se développer.

L'approche à droit constant aboutirait, ainsi que cela a été rappelé (voir le 2 du I), à laisser la quasi-totalité des levées de fonds en crypto-actifs hors de tout cadre réglementaire et, lorsque les jetons sont assimilables à des instruments financiers, à imposer des contraintes trop lourdes et coûteuses pour des petits porteurs de projet.

Enfin, l'absence de régulation ne serait pas acceptable, compte tenu des risques déjà décrits pour les épargnants et les pouvoirs publics.

Avec la mise en place d'un système de visa optionnel et d'un cadre réglementaire dédié, le Gouvernement propose une voie alternative , dont l'objectif est triple :

- susciter des comportements vertueux , en incitant les émetteurs à adapter leur organisation et leur projet pour obtenir le visa et apparaître sur une « liste blanche » ;

- « signaler » aux épargnants les projets pour lesquels il existe des garanties minimales permettant d'envisager un investissement ;

- attirer en France les émetteurs à la recherche d'un cadre réglementaire adapté à l'écosystème des crypto-actifs.

Si votre rapporteur s'est longuement interrogé sur l'opportunité de rendre ce visa obligatoire, il apparaît préférable de préserver le caractère optionnel du dispositif, par souci de réalisme .

En effet, ainsi que le relève l'AMF, les levées de fonds en crypto-actifs « constituent une forme d'appel à l'épargne publique sur l'ensemble du réseau internet , lequel est par essence transfrontalier » 328 ( * ).

Dès lors, le caractère obligatoire du visa serait très difficile à faire respecter , alors même qu'il risquerait d' envoyer un signal contreproductif aux acteurs désireux de s'établir en France. Un système obligatoire ne pourrait véritablement avoir de portée pratique qu'au niveau européen .

Si votre rapporteur s'est résolu à accepter le principe d'un visa optionnel, il apparaît indispensable de donner un avantage comparatif très important aux acteurs régulés et de protéger le grand public des offres non soumises au visa .

À cette fin, il serait opportun de s' inspirer du régime mis en place par la loi dite « Sapin 2 » 329 ( * ) pour protéger les investisseurs particuliers de certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués , qui a aujourd'hui fait la preuve de son efficacité et comporte deux volets :

- une interdiction de la publicité en ligne , selon des modalités permettant d'engager la responsabilité non seulement de l'annonceur mais également de l'ensemble des acteurs du marché de la publicité (article L.  533-12-7 du code monétaire et financier et article L. 222-16-1 du code de la consommation) ;

- une interdiction du parrainage et du mécénat (article L. 222-16-2 du code de la consommation).

Aussi, votre rapporteur propose un amendement COM-538 portant article additionnel et visant à transposer ces deux interdictions aux offres au public de jetons non visées par l'AMF , tout en y ajoutant une interdiction du démarchage . Un aménagement analogue est proposé pour les prestataires sur actifs numériques non régulés ( voir le commentaire de l'article 26 bis B du présent projet de loi ).

Il peut être noté que certains acteurs clés du marché de la publicité en ligne tels que Google et Facebook ont pris des mesures plus strictes encore , consistant à interdire toute publicité pour les levées de fonds en crypto-actifs 330 ( * ) .

À l'inverse, la mesure proposée par votre rapporteur concerne les seules offres non régulées . Elle se rapproche ainsi de la position récemment prise par Facebook concernant les plateformes, qui autorise désormais les publicités en faveur de certains prestataires pré-approuvés, en se fondant notamment sur l'existence d'un agrément au niveau national 331 ( * ) .

Encore faut-il préciser que l'objectif du dispositif proposé par votre rapporteur n'est pas d'interdire ces offres non régulées , qui pourront toujours se dérouler en toute légalité, mais de faire en sorte qu'elles ne puissent pas être portées à la connaissance des épargnants non avertis.

En outre, un amendement COM-523 , adopté à l'article 21 bis du présent projet de loi et précédemment commenté, vise à étendre le champ d'application de la procédure simplifiée de blocage des sites internet dont l'AMF peut faire usage aux opérateurs diffusant des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses concernant la délivrance du visa . Ainsi, les sites internet d'émetteurs illégaux faisant croire aux épargnants qu'ils ont obtenu le visa de l'AMF pourraient rapidement être bloqués.

2. La nécessité de supprimer l'obligation pour la Caisse des dépôts de fournir des services bancaires aux émetteurs titulaires d'un visa

En complément, il apparaît nécessaire de supprimer le « droit au compte » introduit par l'Assemblée nationale en première lecture au bénéfice des émetteurs titulaires d'un visa.

Les problèmes d'accès des acteurs de l'écosystème des crypto-actifs aux services de compte de paiement sont réels et peuvent être à l'origine d'importantes difficultés pour les porteurs de projet332 ( * ).

Ces derniers peuvent certes solliciter l'intervention de la Banque de France pour que celle-ci contraigne une banque à procéder à l'ouverture d'un compte dans le cadre du droit au compte de droit commun prévu à l'article L. 312-1 du code monétaire et financier.

Il ressort toutefois des auditions que cette solution est doublement insuffisante, dans la mesure où :

- d'une part, elle n'offre qu'un accès aux services bancaires de base (définis à l'article D.  312-5-1 du même code) ;

- d'autre part, il est arrivé que la banque désignée décide de procéder à la fermeture du compte peu de temps après son ouverture.

Si la frilosité de certaines banques tient certainement, en partie, à des raisons culturelles, elle s'explique également par la difficulté de vérifier l'origine des fonds et d'identifier les bénéficiaires effectifs dans le cadre des opérations de levées de fonds en crypto-actifs, qui constituent une forme d'appel public à l'épargne à l'échelle mondiale.

Dès lors, les dispositions prévues au présent article devraient naturellement faciliter, pour les émetteurs régulés, l'ouverture et le maintien d'une relation d'affaires avec les banques.

En effet, la mise en place d'un visa optionnel et l'assujettissement aux obligations prévues en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme permettent d'apporter une réponse aux arguments opposés par les banques pour refuser les ouvertures de comptes aux émetteurs régulés.

En complément, l'Assemblée nationale a transposé aux émetteurs régulés le dispositif introduit lorsque les nouveaux acteurs qu'étaient les établissements de paiement ne parvenaient pas à ouvrir des comptes auprès des banques , prévu à l'article L. 312-23 du code monétaire et financier. Ainsi que cela a été précédemment rappelé, ce dispositif pose le principe d'un accès non-discriminatoire et suffisamment étendu aux services de compte de paiement et impose aux banques de communiquer à l'ACPR les raisons de tout refus d'ouverture de compte.

Il s'agit d'un aménagement bienvenu, qui facilitera le travail de contrôle des pratiques des banques .

Votre rapporteur propose toutefois d' en revoir la rédaction , dans le but de rationaliser le dispositif retenu, en le « fondant » au sein du dispositif existant applicable aux établissements de paiement.

En revanche, votre rapporteur s'oppose au deuxième aménagement introduit par l'Assemblée nationale - à savoir la mise en place d'un droit au compte spécifique aux acteurs de l'écosystème des crypto-actifs, assuré en dernier ressort par la Caisse des dépôts .

D'après les auteurs de l'amendement, le choix de la Caisse des dépôts se justifierait par son absence d'exposition aux sanctions américaines - les banques étant soupçonnées de ne vouloir prendre aucun risque au regard de ces dernières.

Contrairement aux affirmations des auteurs de l'amendement , il ressort des informations transmises à votre rapporteur que la Caisse des dépôts non seulement n'est pas dispensée du respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (article L.  621-15 du code monétaire et financier) mais est également exposée aux sanctions américaines .

En outre, le dispositif proposé risquerait de décharger les banques de toute obligation - et ce d'autant plus que son activation s'appuie non sur un refus des banques mais sur une simple « difficulté persistante d'accès » -, en reportant sur la Caisse des dépôts la charge d'ouvrir des comptes pour des acteurs qui n'interviennent pas dans un secteur d'activité lié à l'intérêt général et dont les fonds ne nécessitent aucune sécurisation spécifique, contrairement par exemple aux huissiers de justice ou aux organismes sociaux.

Enfin, la nature des services bancaires devant être offerts n'est nullement définie.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur propose de supprimer le droit au compte sui generis introduit par l'Assemblée nationale , tout en conservant, sous réserve des modifications rédactionnelles déjà évoquées, l'extension aux émetteurs et prestataires régulés du dispositif déjà prévu pour les établissements de paiement en matière d'accès aux comptes de paiement.

Un amendement COM-532 est adopté en ce sens, ainsi qu'un amendement rédactionnel COM-531 .

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Article 26 bis A
(art. L. 54-10-1 [nouveau], L. 54-10-2 [nouveau], L. 54-10-3 [nouveau], L. 54-10-4 [nouveau], L. 54-10-5 [nouveau], L. 500-1, L. 561-2, L. 561-36, L. 561-36-1, L. 572-23 [nouveau], L. 572-24 [nouveau], L. 572-25 [nouveau],
L. 621-7, L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Prestataires de services sur actifs numériques

Cet article vise à introduire un agrément optionnel pour les prestataires de services sur actifs numériques, ainsi qu'un enregistrement obligatoire pour certaines catégories de prestataires.

I. Le droit en vigueur

Pour une description de la définition et du cadre réglementaire applicable aux actifs numériques, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 26 du présent projet de loi.

Le développement des actifs numériques s'accompagne de la constitution d'un écosystème dynamique sur l'ensemble de la chaîne de valeur.

Chaîne de valeur des acteurs de l'écosystème des actifs numériques

Source : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies »,
rapport au ministre de l'économie et des finances, 4
juillet 2018, p. 33.

Les plateformes d'échange constituent certainement le maillon le plus important de cet écosystème, dans la mesure où elles peuvent assurer une large gamme de services sur actifs numériques, tels que :

- « la cotation et l'échange de crypto-monnaies contre des monnaies officielles »;

- « le dépôt et la conservation des avoirs en crypto-monnaies de leurs clients » ;

- « le dépôt et la conservation des mêmes avoirs en monnaies officielles » ;

- « l'exécution de paiements et de transactions en crypto-monnaies (activité de paiement, d'intermédiaire et d'infrastructure de marché) » 333 ( * ) .

Pour les acteurs de cet écosystème établis en France, il n'existe aujourd'hui aucun encadrement réglementaire, sous deux réserves .

1. Certains prestataires sur actifs numériques sont assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

La première concerne la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme .

Au niveau national, le 7° bis de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier assujettit aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme « toute personne qui, à titre de profession habituelle, soit se porte elle-même contrepartie, soit agit en tant qu'intermédiaire, en vue de l'acquisition ou de la vente » d'actifs numériques.

Au niveau européen, la « 5 ème directive anti-blanchiment » 334 ( * ) , non transposée à ce jour, fait entrer dans le champ des assujettis à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme deux catégories de prestataires :

- les prestataires de services d'échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales ;

- les prestataires de services de portefeuilles de conservation (définis comme ceux fournissant « des services de conservation de clés cryptographiques privées pour le compte de leurs clients à des fins de détention, de stockage et de transfert de monnaies virtuelles »).

Ces deux catégories de prestataires doivent également faire l'objet d'une immatriculation 335 ( * ) , procédure « qui comprend a minima un examen de la compétence et de l'honorabilité des personnes qui exercent une fonction de direction au sein de ces entités » 336 ( * ) .

2. Certains prestataires sur actifs numériques peuvent être soumis à la réglementation financière traditionnelle

La seconde réserve concerne la réglementation traditionnelle applicable aux acteurs financiers qui peut, dans certains cas particuliers, s'appliquer aux prestataires sur actifs numériques.

Pour les plateformes, il s'agit notamment des règles relatives aux services de paiement.

En effet, dans une position publiée le 29 janvier 2014, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) considère que « dans le cadre d'une opération d'achat/vente de bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l'activité d'intermédiation consistant à recevoir des fonds de l'acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de paiement » 337 ( * ) .

Dès lors, « exercer cette activité à titre habituel en France implique de disposer d'un agrément de prestataire de services de paiement (établissement de crédit, établissement de monnaie électronique ou établissement de paiement) délivré par l'ACPR » 338 ( * ) .

Une décision jurisprudentielle conforte cette interprétation 339 ( * ) .

La position publiée fait référence aux opérations sur bitcoins mais est transposable à l'ensemble des actifs numériques qui s'échangent dans les mêmes conditions , ainsi que l'a confirmé l'ACPR à votre rapporteur.

En effet, ce n'est pas le sous-jacent ( bitcoin ou tout autre actif numérique) qui justifie l'application de la réglementation des services de paiement, mais bien l'intermédiation du paiement en euros . L'analyse juridique de cette activité d'intermédiation vaut ainsi quel que soit l'objet de la vente et conduit à assujettir à cette réglementation « les places de marché sur internet qui mettent en relation des acheteurs et des vendeurs de biens et services divers et qui encaissent les paiements pour le compte des vendeurs dans le but de leur reverser » 340 ( * ) .

En pratique, il existe toutefois très peu de plateformes proposant des opérations d'achat/vente d'actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal impliquant la tenue de comptes espèces pour compte de tiers . En effet, « dans la majorité des cas, les plateformes s'interposent en compte propre entre les acheteurs et les vendeurs, ne nécessitant pas ainsi un agrément en tant que prestataire de services de paiement » 341 ( * ) . Selon les informations recueillies auprès de l'ACPR, une seule une plateforme, Paymium, est enregistrée comme agent de services de paiement.

Ainsi, la quasi-totalité des acteurs se trouvent actuellement dans une situation ne nécessitant aucun agrément et ne sont pas soumis à la réglementation relative aux services de paiement .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue député Adrien Taquet, adopté avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, et sous-amendé par le Gouvernement, vise :

- d'une part, à introduire un enregistrement obligatoire pour certaines catégories de prestataires sur actifs numériques, transposant ainsi les dispositions précédemment décrites de la « 5ème directive anti-blanchiment » ;

- d'autre part, à introduire un agrément optionnel pour l'ensemble des prestataires de services sur actifs numériques.

Pour ce faire, les alinéas 1 à 3 créent un nouveau chapitre intitulé « Prestataires de services sur actifs numériques » au sein du titre IV du livre V du code monétaire et financier.

1. Définition des actifs numériques et des services numériques

La définition des actifs numériques figurant déjà à l 'article 150 VH bis du code général des impôts ( voir le 1 du I du commentaire de l'article 26 du présent projet de loi ) est reprise au sein d'un nouvel article L. 54 - 10-1 du code monétaire et financier (alinéas 4 à 6).

La liste des services numériques, introduite au sein d'un nouvel l'article L. 54-10-2 et directement inspirée de la liste des services d'investissement figurant à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier, comprend cinq catégories :

1° le service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;

2° le service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal ;

3° le service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ;

4° l'exploitation d'une plateforme de négociation d'actifs numériques ;

5° une cinquième catégorie regroupant les services suivants :

- la réception et la transmission d'ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers ;

- la gestion de portefeuille d'actifs numériques pour le compte de tiers ;

- le conseil aux souscripteurs d'actifs numériques ;

- la prise ferme d'actifs numériques ;

- le placement garanti d'actifs numériques ;

- le placement non garanti d'actifs numériques.

2. L'enregistrement obligatoire pour la fourniture des services de conservation d'actifs numériques pour le compte de tiers et d'achat/vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal

Les alinéas 20 à 25 imposent aux prestataires une obligation préalable d'enregistrement auprès de l'AMF pour la fourniture des deux premiers services sur actifs numériques prévus à l'article L. 54-10-2, à savoir :

- le service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;

- le service d' achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal .

Avant de procéder à l'enregistrement, l'AMF doit vérifier l'honorabilité et la compétence des dirigeants . Si l'enregistrement est effectué par l'AMF, il repose toutefois sur un avis conforme de l'ACPR (alinéa 20).

De même, l'AMF ne peut radier le prestataire que sur avis conforme de l'ACPR (alinéa 22).

La liste des prestataires enregistrés est publiée par l'AMF (alinéa 23).

L'exercice de cette profession est désormais interdite à toute personne n'ayant pas été enregistrée par l'AMF (alinéa 24). Il est également interdit d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire que l'on est autorisé à fournir les services précités ou de créer une confusion à cet égard (alinéa 25).

3. La mise en place d'un agrément optionnel pour la fourniture de l'ensemble des services sur actifs numériques

Pour la fourniture des cinq catégories de services sur actifs numériques définies à l'article L. 54-10-2, il serait par ailleurs possible aux prestataires établis en France de solliciter un agrément auprès de l'AMF sur une base volontaire , dans des conditions précisées aux alinéas 26 à 59 et reprises au sein d'un nouvel article L. 54-10-5 du code monétaire et financier.

Les conditions d'agrément communes aux cinq catégories de services sont précisées aux alinéas 27 à 33 et codifiées au I de l'article L. 54 - 10-5.

Quel que soit le service fourni, les prestataires doivent ainsi, pour être agréés par l'AMF :

- disposer d'une assurance responsabilité civile professionnelle ou de fonds propres suffisants , afin de couvrir les risques de fraude, les risques de sécurité et les risques opérationnels ;

- avoir un dispositif de sécurité et de contrôle interne adéquat ;

- disposer d'un système informatique résilient ;

- disposer d'un système de gestion des conflits d'intérêts ;

- communiquer à leurs clients des informations claires, exactes et non trompeuses ;

- avertir les clients des risques associés aux actifs numériques ;

- rendre publiques leurs politiques tarifaires ;

- établir et mettre en oeuvre une politique de gestion des réclamations de leurs clients et en assurer un traitement rapide.

Si l'AMF est la seule autorité décisionnaire pour l'agrément, elle peut solliciter, pour vérifier la sécurité des systèmes d'information des prestataires, l' avis de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Elle est par ailleurs tenue de solliciter l'avis de la Banque de France pour la fourniture du service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal (alinéa 35). Enfin, elle peut solliciter l'avis de l'ACPR pour vérifier le respect de l'ensemble des obligations (alinéa 58).

Les alinéas 36 à 59 fixent les conditions spécifiques à chacune des catégories de services , qui sont codifiées au II à V de l'article L. 54 - 10-5.

Le II de l'article précité (alinéas 36 à 41) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre de la fourniture du service de conservation pour le compte de tiers , à savoir :

- conclure avec leurs clients une convention définissant leurs missions et responsabilités ;

- établir une politique de conservation ;

- s'assurer qu'à tout moment ils sont en mesure de restituer les actifs numériques ou les clés cryptographiques conservés pour le compte de leurs clients ;

- ségréguer les détentions pour le compte de leurs clients de leurs propres détentions ;

- s'abstenir de faire usage des actifs numériques ou des clés cryptographiques conservés pour le compte de leurs clients, sauf consentement exprès et préalable des clients.

Le III de l'article précité (alinéas 42 à 47) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre de la fourniture du service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal ou du service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques , à savoir :

- publier un prix ferme des jetons ou une méthode de détermination du prix des jetons ;

- publier les volumes et les prix des transactions effectuées ;

- exécuter les ordres de leurs clients aux prix affichés au moment de leur réception ;

- justifier de l'honorabilité et de la compétence des dirigeants , pour les prestataires non soumis à l'enregistrement obligatoire.

Le IV de l'article précité (alinéas 48 à 53) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre de l' exploitation d'une plateforme de négociation d'actifs numériques, à savoir :

- justifier de l'honorabilité et de la compétence des dirigeants ;

- fixer des règles de fonctionnement , sans que celles-ci ne soient nécessairement « transparentes et non discrétionnaires », ainsi que le prévoit l'article L. 421-10 du code monétaire et financier pour les prestataires de services d'investissement ;

- assurer une négociation équitable et ordonnée ;

- n'engager leurs propres capitaux sur les plateformes qu'ils gèrent que dans les conditions et limites fixées par l'AMF ;

- publier les détails des ordres et des transactions conclues sur leurs plateformes.

Le V de l'article précité (alinéas 54 à 58) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre des services relevant de la cinquième catégorie , à savoir :

- justifier de l'honorabilité et de la compétence des dirigeants ;

- disposer d'un programme d'activité pour chacun des services qu'ils entendent exercer ;

- disposer des moyens appropriés à la mise en oeuvre dudit programme.

4. Contrôle et sanctions

Les alinéas 59 à 90 procèdent aux coordinations nécessaires au sein des articles du code monétaire et financier fixant les modalités de contrôle et de sanction des acteurs financiers.

Les prestataires enregistrés et agréés sont soumis au régime des interdictions professionnelles existant , prévu à l'article L. 500-1 (alinéa 59).

Ils sont également soumis au respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme , par modification de l'article L. 561-2 (alinéas 60 à 64).

Pour les prestataires soumis à l'enregistrement obligatoire, l'ACPR est chargé du contrôle continu du respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (alinéas 66 à 68) et peut ouvrir une procédure disciplinaire à leur encontre (alinéa 71). Les sanctions disciplinaires sont définies aux alinéas 72 à 75.

Pour les autres prestataires, c'est l'AMF qui est chargée du contrôle continu (alinéa 65).

Son règlement général fixe les règles qui s'imposent aux prestataires agréés (alinéas 86 et 87).

Ces derniers sont placés dans le champ des acteurs pouvant faire l'objet de contrôles (alinéas 88 et 89) et être sanctionnés (alinéa 90) par l'AMF.

Les alinéas 76 à 84 visent à créer trois nouvelles infractions pour les prestataires soumis à l'enregistrement obligatoire.

La première sanctionne l'absence de déclaration concernant le changement de situation.

La deuxième sanctionne l'exercice illégal de la profession.

La troisième sanctionne le fait de ne pas répondre aux demandes d'informations de l'AMF, de lui communiquer des informations inexactes ou de faire obstacle à l'exercice de sa mission de contrôle.

5. Modalités d'entrée en vigueur

Pour les prestataires exerçant déjà les services qui seraient désormais soumis à l'enregistrement obligatoire, l'alinéa 91 prévoit de leur accorder un délai de douze mois à compter de la publication des textes d'application pour obtenir l'autorisation délivrée par l'AMF.

6. Remise d'un rapport

Enfin, l'alinéa 92 prévoit, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, la remise au Parlement d'un rapport visant à évaluer la mise en oeuvre du dispositif proposé et à étudier l'opportunité d'en adapter les dispositions - et notamment de rendre obligatoire l'agrément optionnel.

III. La position de votre commission

À l'instar des levées de fonds en actifs numériques, la fourniture de services sur actifs numériques hors de tout cadre réglementaire est porteuse de risques importants sur le plan de la protection des épargnants et de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme .

S'agissant des plateformes , peuvent notamment être mentionnés 342 ( * ) :

- les risques de cyberattaques , de nombreux incidents ayant conduit à des pertes importantes pour les investisseurs, dont les actifs numériques ont été dérobés ;

- les risques liés à l'intégrité des marchés , en l'absence des garanties traditionnelles qui permettent de prévenir les manipulations de cours et impose des cotations et un traitement des transactions transparents ;

- les risques liés à l'anonymat , qui peuvent encourager le commerce de produits illicites, le blanchiment ou encore le contournement des contrôles de capitaux et des changes 343 ( * ) .

1. Il est nécessaire d'élargir la liste des services assujettis à l'enregistrement obligatoire et au contrôle au titre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, en conformité avec les nouvelles recommandations du Groupe d'action financière (Gafi)

S'agissant de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, le présent article soumet deux catégories de prestataires à un enregistrement obligatoire , transposant ainsi les nouvelles dispositions de la « 5 ème directive anti-blanchiment » .

Il s'agit des prestataires fournissant :

- le service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou de clés cryptographiques privées ;

- le service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal.

Les évolutions intervenues depuis la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale nécessitent toutefois de soumettre l'ensemble des prestataires sur actifs numériques à un enregistrement obligatoire.

En effet, le Groupe d'action financière (Gafi), organisme intergouvernemental en charge de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LCB-FT), a modifié en octobre 2018 sa recommandation n° 15 , qui prévoit désormais que la fourniture de différents services sur crypto-actifs doit être subordonnée, a minima , à un enregistrement obligatoire au titre des obligations LCB-FT.

Or, la liste des services visés par la recommandation n° 15 ne se limite pas aux deux services précités mais comprend également :

- le service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ;

- le transfert d'actifs numériques ;

- la fourniture de services relatifs à une émission d'actifs numériques ou à une vente d'actifs numériques 344 ( * ) .

En l'état, les dispositions prévues au présent article ne seraient donc pas conformes à la nouvelle recommandation du Gafi - et ce alors même que la France fera l'objet d'une évaluation par ce dernier l'an prochain.

Sur le fond, l'élargissement du périmètre des prestataires soumis à l'enregistrement obligatoire se justifie par les nouveaux risques mis en évidence par les cellules de renseignement financier.

Il est notamment très problématique que les plateformes d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ne soient pas soumises à l'enregistrement obligatoire. En effet, ainsi que le relève Tracfin dans son dernier rapport annuel paru en novembre 2018, « les plateformes proposant des services d'échange de crypto-actifs contre d'autres crypto-actifs (services de change dits "crypto to crypto") jouent actuellement un rôle prépondérant dans les circuits de blanchiment , en permettant de convertir des crypto-actifs reposant sur des blockchains traçables (bitcoin, ethereum) en crypto-actifs reposant sur des blockchains intraçables qui garantissent l'anonymat des transactions » 345 ( * ) .

Il doit être souligné que l'enregistrement obligatoire constitue une procédure peu contraignante , qui implique uniquement un examen de la compétence et de l'honorabilité des personnes qui exercent une fonction de direction au sein de ces entités et un contrôle continu au titre de la LCB-FT.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur propose d' étendre à l'ensemble des services sur actifs numériques l'enregistrement obligatoire.

Un amendement COM-537 est adopté en ce sens.

2. Le caractère optionnel de l'agrément proposé constitue une solution acceptable, à condition de protéger le grand public des services non régulés

Ainsi que cela a été précédemment souligné, les risques liés à la fourniture de services sur actifs numériques ne se limitent pas au blanchiment et au financement du terrorisme.

Dans ce contexte, la mise en place d'un agrément optionnel comprenant un socle d'exigences plus complet (mise en place d'un dispositif de sécurité et de contrôle interne, gestion d'un système informatique résilient, respect d'une obligation d'assurance ou de fonds propres, etc .) devrait permettre d'inciter les prestataires à adapter leur fonctionnement et de signaler aux investisseurs les acteurs vertueux.

Il doit être noté qu'il s'agit bien souvent d'exigences minimales . À titre d'exemple, pour les plateformes de négociation, les règles dites de « meilleure exécution » prévues pour les prestataires de services d'investissement à l'article L. 533-18 du code monétaire et financier ne sont pas reprises.

Si votre rapporteur s'est longuement interrogé sur l'opportunité de rendre cet agrément obligatoire , il apparaît préférable, à ce stade, de préserver le caractère optionnel du dispositif , pour les mêmes raisons que celles invoquées dans le commentaire de l'article 26 du présent projet de loi concernant le visa optionnel applicable aux levées de fonds.

En effet, le caractère obligatoire de l'agrément serait largement dépourvu de portée pratique, dès lors que la plupart des acteurs sont aujourd'hui établis à l'étranger, et risquerait d' envoyer un signal contreproductif aux entrepreneurs désireux de s'installer en France.

À titre d'illustration, sur les 228 plateformes en activité, la seule plateforme française, Paymium , se situe à la 117 ème position en termes d'activité, avec un volume quotidien d'environ 25 000 dollars, contre 800 millions de dollars pour la première plateforme, Binance 346 ( * ) .

Comme pour les émetteurs, l' amendement COM-538 portant article additionnel proposé par votre rapporteur devrait toutefois permettre de protéger le grand public des prestataires non régulés , en interdisant pour ces derniers la publicité en ligne, le démarchage, le parrainage et le mécénat, à l'instar de ce qui est déjà prévu pour les instruments financiers hautement spéculatifs ( voir commentaire de l'article 26 bis B du présent projet de loi ).

Dans le même objectif de protection des épargnants non avertis, votre rapporteur propose un amendement COM-534 au présent article visant à supprimer le « conseil aux souscripteurs d'actifs numériques » de la cinquième catégorie de services pour lesquels il est possible de solliciter un agrément .

En effet, la mise en place d'un statut régulé de conseiller en actifs numériques risquerait de créer un « appel d'air » pour les 5 000 conseillers en investissements financiers (CIF).

Or, il ne paraît pas souhaitable, à ce stade, d'inciter les CIF à proposer aux épargnants d'investir sur les actifs numériques au même titre que sur des instruments financiers classiques.

Une telle évolution serait d'autant plus problématique que les exigences prévues pour obtenir l'agrément optionnel sont très insuffisantes. En particulier, la fourniture de conseils n'est pas subordonnée à l'obligation préalable de s'enquérir auprès des clients de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, comme cela est prévu pour les conseillers en investissements financiers à l'article L. 533-13 du code monétaire et financier.

En complément, l' amendement COM-527 proposé à l'article 21 bis du présent projet de loi permet à l'AMF de faire fermer rapidement les sites des prestataires non enregistrés qui exercent leur activité illégalement ou qui laissent croire de façon mensongère qu'ils ont obtenu l'agrément optionnel , ce qui nécessite en parallèle de définir au présent article de nouvelles infractions pénales. Un amendement COM-533 de votre rapporteur est adopté en ce sens.

Votre commission a également adopté un amendement COM-535 de votre rapporteur, directement inspiré des dispositions prévues à l'article 26 pour le visa optionnel et au présent article pour l'enregistrement obligatoire, visant à :

- préciser les modalités de retrait de l'agrément et ses conséquences ;

- permettre à l'AMF d'ordonner qu'il soit mis fin à toute communication faisant état de son agrément ;

- interdire aux prestataires non agréés d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu'ils sont agréés en cette qualité ou de créer une confusion à cet égard.

Ce dernier point est particulièrement important, dans la mesure où certains prestataires peu scrupuleux pourraient tenter de créer la confusion entre l'enregistrement obligatoire et l'agrément , en jouant sur le premier- qui implique un simple contrôle de l'honorabilité des dirigeants - pour masquer l'absence du second - qui implique de respecter un ensemble beaucoup plus complet d'exigences.

Enfin, s'agissant de la répartition des compétences, votre rapporteur prend acte du rôle de point d'entrée unique confié à l'AMF pour l'ensemble des prestataires, tant pour l'enregistrement que pour l'agrément.

Il doit néanmoins être observé que l'ACPR aurait pu constituer le point d'entrée pour les prestataires fournissant les services 1 à 3 (échangeurs et conservateurs) , par parallélisme avec la réglementation des acteurs financiers traditionnels et compte tenu de la nécessité, pour certains prestataires, de solliciter un agrément en tant qu'établissement de paiement.

3. Améliorations rédactionnelles

En complément, un amendement rédactionnel COM-281 de notre collègue Richard Yung et un amendement de coordination COM-536 de votre rapporteur ont été adoptés par la commission spéciale et n'appellent pas de commentaire particulier.

Votre commission a adopté l'article 26 bis A ainsi modifié.

Article 26 bis B (nouveau)
(art. L. 341-1, L. 341-3, L. 341-8, L. 341-10, L. 341-14, L. 341-15, L. 341-16, L. 341-17, L. 353-1 et L. 353-2 du code monétaire et financier
et art. L. 222-16-1 et 222-16-2 du code de la consommation)
Interdiction du démarchage, de la publicité en ligne, du parrainage
et du mécénat pour les offres sur actifs numériques non régulées

I. Le droit en vigueur

Les conditions dans lesquelles les instruments financiers peuvent faire l'objet d'une activité de démarchage sont strictement encadrées par le code monétaire et financier.

Aux termes de l'article L. 341-1 dudit code, constitue un acte de démarchage « toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit » en vue de la réalisation d'une opération sur un instrument financier ou de la fourniture d'un service d'investissement.

Les personnes habilitées à recourir ou à se livrer à l'activité de démarchage bancaire et financier sont limitativement définies à l'article L. 341-3.

En outre, les instruments financiers ne pouvant pas faire l'objet de démarchage sont mentionnés à l'article L. 341-10. Il s'agit par exemple des produits dont le risque maximum n'est pas connu au moment de la souscription, pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial ou qui ne sont pas admis aux négociations sur les plates-formes réglementées 347 ( * ) .

Pour protéger les épargnants non avertis de certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués, la loi dite « Sapin 2 » 348 ( * ) a introduit deux interdictions complémentaires :

- une interdiction de la publicité en ligne , selon des modalités permettant d'engager la responsabilité non seulement de l'annonceur mais également de l'ensemble des acteurs du marché de la publicité (article L.  533-12-7 du code monétaire et financier et article L. 222-16-1 du code de la consommation ). Les sites internet des prestataires ne sont pas concernés par l'interdiction ;

- une interdiction du parrainage et du mécénat (article L. 222-16-2 du code de la consommation).

En effet, l'existence d'une pression publicitaire forte sur internet, accompagnée de messages déséquilibrés n'offrant pas aux investisseurs particuliers une compréhension suffisante du risque associé à ces produits, avait conduit à des pertes très importantes pour les épargnants 349 ( * ) . En outre, des partenariats avaient été signés entre certaines plateformes d'options binaires ou de Forex peu recommandables et différents clubs de football de Ligue 1 350 ( * ) .

Les actifs numériques n'étant pas des instruments financiers, ils ne sont par définition concernés ni par le régime du démarchage, ni par le régime protecteur complémentaire mis en place par la loi « Sapin 2 » précitée.

II. Le dispositif introduit par votre commission

Le présent article, issu d'un amendement introduit à l'initiative de votre rapporteur, vise à interdire le démarchage, la publicité en ligne, le parrainage et le mécénat pour les prestataires sur actifs numériques et les levées de fonds en actifs numériques n'ayant pas obtenu l'agrément optionnel ou le visa facultatif de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

À cette fin, le 1° du I propose d' inclure les offres sur actifs numériques dans le champ du régime d'encadrement de l'activité de démarchage bancaire et financier , à savoir :

- la réalisation d'une opération sur un actif numérique, notamment dans le cadre d'une offre au public de jetons ;

- la fourniture d'un service sur actifs numériques.

Seuls les acteurs régulés seraient autorisés à se livrer à l'activité de démarchage (2° du I) . Il s'agit :

- des émetteurs de jetons ayant obtenu le visa optionnel ;

- des prestataires sur actifs numériques agréés.

De même, seules les offres régulées pourraient faire l'objet d'une activité de démarchage (4° du I). La liste des produits ne pouvant faire l'objet de démarchage serait ainsi complétée par la mention des actifs numériques, « sauf lorsque l'activité de démarchage porte sur la fourniture d'un service sur actifs numériques au sens de l'article L. 54-10-2 par un prestataire agréé dans les conditions prévues à l'article L. 54-10-5 ou sur des jetons proposés dans le cadre d'une offre au public ayant obtenu le visa prévu à l'article L. 552-4 ».

Les 5° à 11° du I effectuent les coordinations nécessaires à cette évolution.

De la même manière, le II du présent article modifie les articles L. 222-16-1 et L. 222-16-2 du code de la consommation pour étendre le régime d'interdiction de la publicité en ligne, du parrainage et du mécénat aux offres sur actifs numériques non régulées .

III. La position de votre commission

Le présent article vise à transposer le régime protecteur introduit par la loi dite « Sapin 2 » pour protéger les épargnants non avertis de certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués, qui a aujourd'hui fait la preuve de son efficacité.

L'objectif consiste à tenir le grand public à l'écart des offres sur actifs numériques non régulées, compte tenu de leur caractère hautement spéculatif et de la multiplication des cas de fraude . Ainsi, sur les dix premiers mois de l'année 2018, la plateforme « Épargne Info Service » de l'AMF a recensé 2 261 demandes liées aux crypto-actifs, correspondant à un montant cumulé déclaré perdu par les épargnants d'environ 45 millions d'euros 351 ( * ) . Une forme de report est observée du Forex et des options binaires vers les crypto-actifs.

Pour cette raison, ainsi que cela a été précédemment rappelé ( voir le commentaire de l'article 26 du présent projet de loi ), certains acteurs clés du marché de la publicité en ligne, tels que Google et Facebook ont d'ores et déjà pris des mesures plus strictes encore, consistant à interdire toute publicité pour les levées de fonds en crypto actifs 352 ( * ) .

À l'inverse, la mesure proposée au présent amendement concerne les seules offres non régulées . Elle se rapproche ainsi de la position récemment prise par Facebook concernant les plateformes, qui autorise désormais les publicités en faveur de certains prestataires pré-approuvés, en se fondant notamment sur l'existence d'un agrément au niveau national 353 ( * ) .

Elle répond également à une recommandation du rapport remis par Jean-Pierre Landau au Gouvernement , qui suggérait d'interdire le démarchage en ligne pour « les seuls acteurs de la crypto-finance ne s'étant pas conformés aux règles édictées par les régulateurs » 354 ( * ) .

Encore faut-il préciser que l'objectif du présent article n'est pas d'interdire les offres non régulées , qui pourront toujours se dérouler en toute légalité, mais uniquement de veiller à ce qu'elles ne puissent pas être portées à la connaissance du grand public et restent confinées à un cercle d'investisseurs informés et dotés d'un appétit élevé pour le risque.

Votre commission a adopté l'article 26 bis B (nouveau) ainsi rédigé.

Article 26 bis
(art. L. 214-154 du code monétaire et financier)
Investissement des fonds professionnels spécialisés
dans les crypto-actifs

I. Le droit en vigueur

Les fonds professionnels spécialisés (FPS) constituent une forme de fonds d'investissement alternatifs (FIA) et ont été mis en place « afin de mettre à disposition des investisseurs professionnels un véhicule de droit français régulé, disposant d'une très grande flexibilité » 355 ( * ) .

Ainsi, les FPS ne font pas l'objet d'un agrément mais d'une simple déclaration auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Les FPS ne sont par ailleurs soumis à aucun ratio d'investissement réglementaire : les règles d'investissement ne résultent pas de la loi mais d'une négociation entre les investisseurs et les gérants.

En outre, ils bénéficient d'une grande flexibilité concernant la nature des actifs éligibles.

Aux termes de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier, la faculté pour un FPS d'investir dans un bien est ainsi subordonnée au respect de quatre conditions :

- la propriété du bien est fondée « soit sur une inscription, soit sur un acte authentique, soit sur un acte sous seing privé dont la valeur probante est reconnue par la loi française » ;

- le bien « ne fait l'objet d'aucune sûreté autre que celles éventuellement constituées pour la réalisation de l'objectif de gestion du fonds professionnel spécialisé » ;

- le bien « fait l'objet d'une valorisation fiable sous forme d'un prix calculé de façon précise et établi régulièrement, qui est soit un prix de marché, soit un prix fourni par un système de valorisation permettant de déterminer la valeur à laquelle l'actif pourrait être échangé entre des parties avisées et contractant en connaissance de cause dans le cadre d'une transaction effectuée dans des conditions normales de concurrence » ;

- la liquidité du bien permet au fonds de « respecter ses obligations en matière d'exécution des rachats vis-à-vis de ses porteurs et actionnaires définies par ses statuts ou son règlement ».

En contrepartie de cette très grande liberté, l'article L. 214-155 réserve la possibilité de souscrire et d'acquérir des parts de FPS aux clients professionnels et assimilés.

Sont notamment assimilés à des investisseurs professionnels ceux dont la souscription initiale est supérieure ou égale à 100 000 euros 356 ( * ) .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit au stade de la commission spéciale, à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet et de plusieurs membres du groupe La République en Marche, avec l' avis favorable du rapporteur et du Gouvernement . Il a fait l'objet d'un sous-amendement de précision du Gouvernement.

Il vise à compléter le 1° de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier afin de préciser que la condition tenant à la propriété du bien soit « réputée satisfaite » pour ceux « qui font l'objet d'une inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé ».

Cette précision permettrait ainsi aux fonds professionnels spécialisés d' investir dans des actifs numériques , communément appelés « crypto-actifs » ou « monnaies virtuelles » ( voir le commentaire de l'article 26 du présent projet de loi pour une présentation détaillée ).

III. La position de votre commission

Les actifs numériques « n'ont pas vocation à s'insérer dans les portefeuilles, à l'exception de ceux des investisseurs informés et dotés d'un appétit élevé pour le risque », ainsi que le souligne à juste titre Jean-Pierre Landau dans son rapport sur les « crypto-monnaies » remis au ministre de l'économie et des finances en juillet dernier 357 ( * ) .

Pour les investisseurs professionnels, les actifs numériques peuvent en effet constituer une opportunité pour « la diversification et la recherche d'un meilleur couple rendement-risque » , compte tenu de leur corrélation proche de zéro en moyenne avec les autres classes d'actifs 358 ( * ) .

Les FPS pourraient de ce point de vue constituer un véhicule adapté pour investir en actifs numériques , dans la mesure où ils sont réservés aux professionnels et bénéficient déjà d'une très grande souplesse sur la nature des actifs éligibles.

Pourtant, ces derniers ne peuvent actuellement investir dans des actifs numériques.

En effet, l'AMF estime que les actifs numériques ne satisfont pas à la condition tenant à la propriété du bien , compte tenu du manque de valeur probante en droit français de l'inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé, communément appelé blockchain 359 ( * ) .

En droit français , seuls certains fonds qui relèvent de la catégorie résiduelle des « autres FIA » peuvent actuellement investir en crypto-actifs 360 ( * ) . Il s'agit toutefois de véhicules ayant la nature de FIA sans être appréhendés comme tels par la réglementation. Ils demeurent ainsi méconnus des investisseurs, faute d'un régime juridique et d'un cadre fiscal suffisamment précis et attractifs.

Aussi, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé au présent article, qui permettra aux FPS, véhicule bien connu des professionnels, d'investir dans les actifs numériques.

En complément, il paraît opportun d'ouvrir cette possibilité à une autre catégorie de fonds dont la souscription directe est réservée aux professionnels, à savoir les fonds professionnels de capital investissement (FPCI).

Qu'est-ce qu'un fonds professionnel de capital investissement ?

L'actif d'un FPCI doit en principe être composé à 50 % de titres non cotés ou assimilés.

Peuvent également être retenus pour apprécier le respect du ratio d'investissement :

- les titres cotés de petite capitalisation (dans la limite de 20 % de l'actif du fonds) ;

- les avances en compte courant dans des sociétés dans lesquelles le FPCI détient au moins une participation (dans la limite de 15 % de l'actif du fonds) ;

Comme pour les FPS, les parts de FPCI ne peuvent être souscrites que par des investisseurs professionnels et assimilés , en application du I de l'article L. 214-160 du code monétaire et financier.

Source : commission spéciale

En effet, permettre à un véhicule de capital investissement d'investir dans cette nouvelle classe d'actifs contribuerait à encourager le développement des levées de fonds des jeunes sociétés en actifs numériques , en complément de la mise en place du système de visa optionnel prévue à l'article 26 du présent projet de loi.

Dans un souci de diversification des risques et afin de limiter toute exposition indirecte éventuelle des épargnants non professionnels, les investissements en actifs numériques ne seraient toutefois possibles que dans la limite de 20 % de l'actif du fonds.

Un amendement COM-561 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 26 bis ainsi modifié.

Article 27
(art. L. 221-32-1 et L. 221-32-2 du code monétaire et financier)
Élargissement des instruments éligibles
au plan d'épargne en actions - PME

Cet article vise à inclure les instruments de dette commercialisés par les plateformes de financement participatif dans le champ des instruments éligibles au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.

I. Le droit en vigueur

Le plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, communément appelé « PEA-PME », a été mis en place par la loi de finances pour 2014 361 ( * ) .

1. Conditions d'ouverture et de fonctionnement

Aux termes de l'article L. 221-32-1 du code monétaire et financier, tout contribuable dont le domicile fiscal est situé en France peut ouvrir un tel plan , qui se traduit par la mise en place d'un compte de titres et d'un compte en espèces associés 362 ( * ) .

Chaque contribuable (ou chacun des conjoints soumis à une imposition commune) ne peut être titulaire que d'un seul plan.

Les versements sont plafonnés à 75 000 euros par contribuable.

Ces limitations se justifient par le traitement fiscal favorable dont bénéficie le PEA-PME , identique à celui prévu pour le plan d'épargne en actions (PEA).

2. Régime fiscal

L'imposition des produits de placement (dividendes et plus-values) ne s'opère pas à l'occasion de la cession de titres logés dans le PEA-PME mais lors du retrait ou du rachat.

Le PEA-PME fonctionne ainsi comme une « enveloppe capitalisante » : tant qu'il n'y a pas de retrait ou de rachat, les opérations de cession et de réinvestissement sont considérées comme internes au plan et ne donnent pas lieu à taxation.

En cas de retrait ou de rachat après cinq ans, le gain net réalisé bénéficie d'une exonération totale d'impôt sur le revenu 363 ( * ) . Les prélèvements sociaux restent dus au taux de droit commun de 17,2 %.

Avant l'expiration de la huitième année, tout retrait de sommes ou de valeurs figurant sur le plan entraîne la clôture du plan.

Au-delà de la huitième année, les retraits partiels de sommes ou de valeurs n'entraînent pas la clôture du plan mais aucun nouveau versement n'est possible .

En contrepartie de ce traitement fiscal favorable, les sommes versées sur le compte en espèces ne peuvent être employées que pour la souscription de titres éligibles mentionnés à l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier.

3. Éligibilité des titres

L'éligibilité des titres dépend à la fois du type d'instrument financier et de la nature de la société émettrice.

a) Conditions tenant à la société émettrice

Ainsi, l'éligibilité des entreprises au PEA-PME est subordonnée à la réunion de trois conditions : avoir un siège social dans l'Union européenne 364 ( * ) , être redevable de l'impôt sur les sociétés et respecter une condition de taille.

S'agissant de la condition tenant à la taille, seules sont éligibles les entreprises qui répondent à la définition européenne des entreprises de taille intermédiaire (ETI), ce qui suppose, d'une part, d'avoir moins de 5 000 salariés et, d'autre part, moins de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel ou un bilan de moins de 2 milliards d'euros.

Pour les sociétés cotées, la capitalisation boursière doit par ailleurs être inférieure à un milliard d'euros et aucune personne morale ne doit détenir plus de 25 % du capital.

b) Conditions tenant à la nature de l'instrument financier

En cas d'investissement direct, l'éventail des instruments financiers admissibles se limite aux fonds propres et quasi-fonds propres , à savoir :

- les actions , parts , certificats d'investissement, certificats coopératifs d'investissement et titres en capital de sociétés coopératives ;

- les obligations convertibles ou remboursables en actions , sous réserve qu'elles soient cotées.

Les titres de dette tels que les obligations ne sont donc pas éligibles.

Il est également possible de réaliser des investissements indirects en acquérant :

- des parts de fonds communs de placement dont l'actif est constitué pour plus de 75 % de titres d'entreprises éligibles ;

- des actions de sociétés d'investissement à capital variable (SICAV), sous la même réserve ;

- des parts de fonds commun de placement à risques ( FCPR ), de fonds communs de placement dans l'innovation ( FCPI ) et de fonds d'investissement de proximité ( FIP ), dont l'actif comporte par nature une part prépondérante de titres d'entreprises éligibles ;

- des parts ou actions de fonds européens d'investissement à long terme , sous réserve que l'actif soit investi en permanence pour plus de 50 % en titres d'entreprises éligibles.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose de compléter la liste des emplois éligibles au PEA-PME prévue au 1 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier en y ajoutant :

- d'une part, les titres participatifs et obligations à taux fixe , lorsqu'ils « font ou ont fait l'objet d'une offre proposée par l'intermédiaire d'un prestataire de services d'investissement ou d'un conseiller en investissements participatifs, au moyen d'un site internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers » ;

- d'autre part, les minibons mentionnés à l'article L. 223-6 du code monétaire et financier 365 ( * ) .

Il s'agit donc d'ouvrir le PEA-PME aux instruments de dette commercialisés par les plateformes de financement participatif.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Au stade de la commission, deux amendements introduits à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet et du groupe La République en Marche ont été adoptés avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le premier amendement propose une fusion asymétrique des plafonds de versement des PEA et des PEA-PME, au profit du PEA-PME .

Ainsi, le plafond de versement du PEA-PME prévu au dernier alinéa de l'article L. 221-32-1 du code monétaire et financier serait porté à 225 000 euros, ce qui correspond à la somme des plafonds actuels du PEA-PME (75 000 euros) et du PEA (150 000 euros), sous réserve que « l'ensemble des versements en numéraire effectués sur ces deux plans depuis leur ouverture » n'excède pas la limite de 225 000 euros.

Le second amendement vise à assouplir le périmètre des émetteurs de petite capitalisation boursière dont les titres sont éligibles au PEA-PME en modifiant le b du 2 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier.

Seraient désormais éligibles :

- d'une part, les sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à un milliard d'euros « ou l'a été à la clôture de deux au moins des quatre exercices comptables précédant l'exercice pris en compte pour apprécier l'éligibilité des titres de la société émettrice sous réserve qu'à la clôture de cet exercice et des quatre exercices précédents, sa capitalisation n'excède pas cinq milliards d'euros » ;

- d'autre part, les sociétés dont une autre personne morale détient entre 25 % et 50 % du capital 366 ( * ) .

IV. La position de votre commission

1. L'éligibilité des instruments de dette commercialisés par les plateformes de financement participatif pourrait s'accompagner d'une mesure anti-abus excluant la dette immobilière

Votre rapporteur partage la volonté du Gouvernement de renforcer l'attractivité du PEA-PME , qui rencontre jusqu'à présent un succès limité, avec un encours de seulement 1,7 milliard d'euros 367 ( * ) . À titre de comparaison, l'encours du PEA s'élève à 93 milliards d'euros 368 ( * ) .

Il est toutefois permis de s'interroger sur l'opportunité d'ouvrir le PEA-PME à des instruments de dette , même commercialisés par des plateformes de financement participatif.

En effet, un équilibre doit être trouvé entre la volonté de renforcer l'attractivité du PEA-PME et le risque qu'un traitement fiscal égal entre instruments de dette et actions entraîne l'éviction des secondes au profit des premiers, à rebours de l'objectif de renforcement des fonds propres des entreprises.

En l'état, le risque de dénaturer un produit visant au départ à remédier au déficit de financement en fonds propres auquel sont confrontées les PME et ETI opérationnelles apparaît d'autant plus grand qu' une part significative de la collecte des plateformes de financement participatif concerne des projets immobiliers 369 ( * ) .

Aussi, dans un souci d'équilibre, votre rapporteur propose d'introduire une mesure anti-abus visant à exclure la dette immobilière du champ des nouveaux instruments éligibles au PEA-PME.

Il peut être noté qu'une mesure analogue avait été introduite lors de l'ouverture du PEA-PME aux parts de fonds européens d'investissement à long terme éligibles (ELTIF). Pour ces fonds, l'éligibilité au PEA-PME est ainsi subordonnée au fait de ne pas détenir d'actifs immobiliers, définis par référence à ceux susceptibles de figurer à l'actif d'un organisme de placement collectif immobilier ( e du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

Un amendement COM-518 est adopté en ce sens.

2. La fusion asymétrique des plafonds de versement du PEA et du PEA-PME doit s'accompagner d'un transfert de la responsabilité du respect du plafond des banques vers les épargnants

S'agissant de la fusion asymétrique des plafonds de versement du PEA et du PEA-PME, votre rapporteur soutient l'aménagement introduit par l'Assemblée nationale , qui permet de renforcer l'attractivité du PEA-PME, sans augmenter l'avantage fiscal global pour les foyers.

Encore faut-il préciser que la mesure ne devrait concerner qu'un petit nombre d'épargnants , dès lors que seulement 3 % des PEA-PME ouverts sont à moins de 5 % du plafond légal de versement 370 ( * ) .

En l'état, l'aménagement proposé suscite toutefois une difficulté pratique pour les établissements de crédit .

En effet, il serait impossible pour les banques de vérifier le respect du plafond asymétrique lorsque le PEA et le PEA-PME ne sont pas ouverts au sein du même établissement - et ce alors même que l'article L. 221-35 du code monétaire et financier leur interdit, sous peine d'amende, de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des produits d'épargne bénéficiant d'une aide publique.

Aussi, votre rapporteur propose un amendement transférant la responsabilité du respect du plafond asymétrique vers l'épargnant .

Un amendement COM-519 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié.

Article 27 bis A
Création d'un plan d'épargne en actions jeunes

I. Le droit en vigueur

Le plan d'épargne en actions (PEA), mis en place en 1992 371 ( * ) , se distingue du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME) sur trois principaux aspects :

- la limite de versement , fixé à 150 000 euros (contre 75 000 euros pour le PEA-PME) ;

- le périmètre des entreprises éligibles , qui n'est pas limité par une condition de taille ;

- le champ des instruments financiers éligibles , qui ne comprend pas les quasi-fonds propres (obligations convertibles et remboursables en actions cotées).

Pour le reste, son régime fiscal et ses conditions de fonctionnement sont identiques à ceux du PEA-PME 372 ( * ) .

En particulier, chaque contribuable ou chacun des conjoints soumis à une imposition commune peut ouvrir un unique PEA , aux termes de l'article L. 221-30 du code monétaire et financier.

Dès lors, les personnes qui sont à la charge d'un contribuable ne peuvent ouvrir ni PEA, ni PEA-PME, ainsi que le confirme expressément la doctrine administrative 373 ( * ) .

Cette exclusion concerne principalement les mineurs ou majeurs rattachés au foyer de leurs parents mais aussi d'autres personnes telles que les titulaires de la carte d'invalidité vivant sous le toit d'un contribuable.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu de deux amendements introduits par notre collègue députée Nadia Hai, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, vise à créer un « plan d'épargne en actions jeunes » , ci-après dénommé « PEA jeunes ».

Ce dernier pourrait être ouvert par les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans résidant en France et à charge de leurs parents, ainsi que les mineurs émancipés , dans les mêmes conditions que pour un PEA classique (alinéa 1).

Le titulaire d'un plan d'épargne en actions jeunes ne pourrait toutefois effectuer des versements en numéraires que dans une limite de 25 000 euros . En outre, la somme totale des versements en numéraires autorisés sur les plans d'épargne en actions jeunes des enfants et les plans d'épargne en actions des parents ne pourrait excéder la limite autorisée par le plan d'épargne en actions pour un foyer fiscal (alinéa 2).

Enfin, le PEA jeunes serait transformé automatiquement en PEA classique actions lorsque le jeune majeur sort du foyer fiscal de ses parents à la suite de son vingt-cinquième anniversaire (alinéa 3).

III. La position de votre commission

Votre rapporteur partage l'objectif des auteurs de l'amendement , qui souhaitent familiariser les jeunes adultes avec l'investissement en actions, afin de leur permettre d'acquérir dès leur majorité une culture financière.

Historiquement, le choix de réserver la possibilité d'ouvrir un PEA aux seuls contribuables s'explique par la volonté de ne pas permettre aux parents de contourner la règle de plafonnement des versements en ouvrant des plans au nom de leurs enfants.

Cet objectif a notamment conduit à écarter une proposition initialement soumise à la consultation par le Gouvernement dans le cadre de la préparation du présent projet de loi, qui consistait à « autoriser l'ouverture d'un PEA par le représentant légal pour chaque enfant ».

En limitant la possibilité d'ouvrir un PEA jeunes aux seuls adultes compris entre 18 et 25 ans, le dispositif proposé permet d' éviter cet écueil .

Il ne paraît toutefois pas pouvoir être soutenu en l'état.

En effet, la mise en place d'un produit d'épargne spécifique aux jeunes adultes, avec ses règles propres, qui se transformerait ensuite « automatiquement » en PEA classique, apparaît inutilement complexe .

En outre, le suivi du plafond commun fixé au niveau du foyer fiscal ne pourrait être assuré par les banques , qui n'ont pas accès aux informations nécessaires lorsque les plans sont ouverts au sein de différents établissements.

La rédaction retenue est par ailleurs problématique . Par exemple, il est prévu que les mineurs émancipés puissent ouvrir un PEA jeunes, alors même qu'ils peuvent déjà ouvrir un PEA classique, dès lors qu'ils constituent des contribuables au sens de l'article 6 du code général des impôts.

Aussi, par souci de simplicité et d'efficacité, votre rapporteur propose une alternative à la mise en place d'un PEA jeunes, consistant à permettre à tout majeur d'ouvrir un PEA .

Il resterait en revanche impossible pour les parents d'ouvrir un PEA au nom de leurs enfants, afin d' éviter tout risque d'abus .

Un amendement COM-520 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 bis A ainsi modifié.

Article 27 bis
(art. L. 221-32 du code monétaire et financier)
Retrait avant huit ans sans clôture du PEA ou PEA-PME
et plafonnement des frais

Cet article vise à plafonner les frais facturés au titre d'un PEA ou d'un PEA-PME et à permettre au redevable d'effectuer des retraits sans clôture du plan en cas d'évènement exceptionnel (licenciement, mise à la retraite anticipée et invalidité).

I. Le droit en vigueur

Le régime fiscal et les conditions de fonctionnement du plan d'épargne en actions ( PEA ) et du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) font l'objet d'une description détaillée dans le cadre des commentaires des articles 27 et 27 bis A du présent projet de loi, auxquels le lecteur est invité à se reporter.

À titre de rappel, avant l'expiration de la huitième année , tout retrait de sommes ou de valeurs figurant sur le plan ou tout rachat entraîne la clôture du plan (II de l'article L. 221-32 du code monétaire et financier).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu de deux amendements introduits en commission à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, propose deux aménagements .

D'une part, il prévoit une dérogation à la règle selon laquelle tout retrait sur un PEA ou un PEA-PME de moins de huit ans entraîne la clôture du plan, lorsque le retrait résulte d'un licenciement , d'une mise à la retraite anticipée ou de l'invalidité du titulaire ou de celle de son conjoint.

D'autre part, il vise à plafonner les frais appliqués au titulaire du plan à raison de son ouverture, de sa tenue, des transactions qui y sont opérées ou d'un éventuel transfert. Les plafonds seraient fixés par décret .

En séance, outre un amendement rédactionnel adopté à l'initiative du rapporteur Jean-Noël Barrot, deux amendements identiques déposés par nos collègues Adrien Taquet et Philippe Bolo ont été adoptés avec l'avis favorable du Gouvernement afin de proposer un assouplissement complémentaire au fonctionnement des PEA et PEA-PME.

Lorsque les titres figurant sur le plan font l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire , il serait désormais possible pour le redevable de les sortir du plan sans que cela n'entraîne la clôture du plan ou l'impossibilité de réaliser de nouveaux versements. Aucun frais ne pourrait par ailleurs être facturé au titre de ce retrait.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient les aménagements proposés au présent article.

Compte tenu du niveau des frais facturés par certains établissements , notamment sur les titres non cotés 374 ( * ) , la mise en place d'un mécanisme de plafonnement permettra d' éviter tout phénomène de captation de l'avantage fiscal .

De même, la possibilité pour le redevable d'effectuer des retraits sans clôture du plan en cas d'évènement exceptionnel (licenciement, mise à la retraite anticipée et invalidité), par parallélisme avec ce qui est déjà prévu pour d'autres produits d'épargne, constitue une mesure de souplesse bienvenue , sous réserve de modifications de nature rédactionnelle qui pourraient intervenir en séance publique.

Votre commission a adopté l'article 27 bis sans modification.

Article 27 ter A
(art. L. 221-32 du code monétaire et financier)
Maintien du PEA ou du PEA-PME en cas de retrait après cinq ans
et suppression du blocage des nouveaux versements
en cas de retrait après huit ans

Cet article vise à permettre au titulaire d'un PEA ou d'un PEA-PME d'effectuer des retraits entre cinq et huit ans après l'ouverture du plan sans que cela n'entraîne la clôture du plan et à supprimer le blocage des nouveaux versements lorsque le premier retrait est intervenu après huit ans.

I. Le droit en vigueur

Le régime fiscal et les conditions de fonctionnement du plan d'épargne en actions ( PEA ) et du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) font l'objet d'une description détaillée dans le cadre des commentaires des articles 27 et 27 bis A du présent projet de loi, auxquels le lecteur est invité à se reporter.

À titre de rappel, avant l'expiration de la huitième année, tout retrait de sommes ou de valeurs figurant sur le plan ou tout rachat entraîne la clôture du plan (II de l'article L. 221-32 du code monétaire et financier). Au-delà de la huitième année, les retraits partiels n'entraînent pas la clôture du plan mais aucun nouveau versement n'est possible (I du même article).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu d'un amendement introduit par notre collègue députée Nadia Hai, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, vise :

- d'une part, à permettre au titulaire d'un PEA ou d'un PEA-PME d'effectuer des retraits entre cinq et huit ans après l'ouverture du plan sans que cela n'entraîne la clôture du plan ;

- d'autre part, à supprimer le blocage des nouveaux versements lorsque le premier retrait est intervenu après huit ans.

III. La position de votre commission

Ainsi que cela a été rappelé, tout retrait partiel entraîne la clôture du plan, s'il a lieu entre cinq et huit ans, et le blocage des nouveaux versements, s'il a lieu après huit ans.

Par comparaison avec d'autres produits d'épargne bénéficiant d'un régime fiscal privilégié, les règles de fonctionnement du PEA et du PEA-PME apparaissent excessivement restrictives , alors même que le risque pris par l'épargnant en investissant en actions est supérieur. En principe, un rachat partiel sur un contrat d'assurance vie est ainsi possible à tout moment pour le souscripteur, sans que cela n'entraîne ni la résiliation du contrat, ni l'impossibilité d'effectuer de nouveaux versements 375 ( * ) .

Dès lors, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé au présent article, qui constitue une mesure de souplesse bienvenue .

Par souci de simplicité, il suggère même d'aller plus loin, en ne conservant qu'un seul seuil , à savoir le seuil de cinq ans, à compter duquel il serait désormais possible d'effectuer librement des retraits partiels mais aussi de nouveaux versements, dans la limite du plafond légal.

Un amendement COM-521 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 ter A ainsi modifié.

Article 27 ter
(art. L. 221-32-2 du code monétaire et financier)
Ouverture du PEA-PME aux obligations convertibles ou remboursables en actions non cotées et aux parts de fonds professionnels
de capital investissement

I. Le droit en vigueur

Le régime fiscal et les conditions de fonctionnement du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) font l'objet d'une description détaillée dans le cadre du commentaire de l'article 27 du présent projet de loi, auquel le lecteur est invité à se reporter.

À titre de rappel, seules les obligations convertibles ou remboursables en actions admises aux négociations sur un marché réglementé sont éligibles au PEA-PME ( c du 1 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

En outre, les parts de fonds communs de placement ( FCP ) et les actions de sociétés d'investissement à capital variable ( Sicav ) ne sont éligibles que sous réserve de respecter un quota d'investissement de 75 % en titres de PME-ETI, parmi lesquels au moins les deux tiers doivent correspondre à des fonds propres ou quasi-fonds propres ( a et b du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

Enfin, les fonds communs de placement à risques (FCPR), les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et les fonds d'investissement de proximité (FIP) sont éligibles de droit au PEA-PME , compte tenu des contraintes d'investissement auxquelles ils sont soumis par nature ( d du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de deux amendements adoptés au stade de la commission à l'initiative de notre collègue députée Amélie de Montchalin.

Le premier, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement et un avis favorable du rapporteur, propose d' ouvrir le PEA-PME aux obligations convertibles ou remboursables en actions non cotées (alinéa 2).

Le second, qui a reçu un avis de sagesse du Gouvernement et a fait l'objet d'une demande de retrait du rapporteur, propose d' ouvrir le PEA-PME aux parts de fonds professionnels de capital investissement (FPCI). Comme les FCPI, les FIP et les FCPR, les FPCI seraient éligibles de droit, sans avoir besoin de respecter un quota d'investissement propre au PEA-PME (alinéas 3 et 4).

III. La position de votre commission

L'éligibilité des FPCI au PEA-PME pour leur quota d'investissement propre, à l'instar de ce qui est déjà prévu pour les FCPI, les FIP et les FPCR, ne pose pas de difficulté , dès lors qu'il s'agit d'un véhicule ayant vocation à investir à titre principal dans des titres non cotés .

Les règles d'investissement applicables aux
fonds professionnels de capital investissement

L'actif d'un FPCI doit en principe être composé à 50 % de titres non cotés ou assimilés.

Peuvent également être retenus pour apprécier le respect du ratio d'investissement :

- les titres cotés de petite capitalisation (dans la limite de 20 % de l'actif du fonds) ;

- les avances en compte courant dans des sociétés dans lesquelles le FPCI détient au moins une participation (dans la limite de 15 % de l'actif du fonds).

Source : commission spéciale

Encore faut-il souligner que cette souplesse bienvenue ne concernera vraisemblablement qu'un petit nombre d'épargnants .

En effet, les parts de FPCI ne peuvent être souscrites que par des investisseurs professionnels et assimilés , en application du I de l'article L. 214-160 du code monétaire et financier.

À titre de rappel, sont notamment assimilés à des investisseurs professionnels ceux dont la souscription initiale est :

- supérieure ou égale à 100 000 euros 376 ( * ) ;

- supérieure ou égale à 30 000 euros , sous réserve que l'investisseur apporte par ailleurs une assistance aux sociétés non cotées ou à la société de gestion ou possède une connaissance du capital investissement acquise en qualité d'apporteur direct de fonds propres à des sociétés non cotées ou en qualité de souscripteur 377 ( * ) .

La référence aux FPCI pourrait toutefois être simplifiée au sein du dispositif proposé. L' amendement COM-560 est adopté à cette fin.

En revanche, votre rapporteur ne peut souscrire, en l'état, à l'ouverture du PEA-PME aux obligations convertibles ou remboursables en actions non cotées.

Les différences entres les obligations convertibles
et les obligations remboursables en actions

Une obligation convertible est une obligation classique assortie d'une option de conversion. Cette option donne le droit au souscripteur de convertir le capital de l'obligation en actions nouvelles de l'émetteur, à un prix et dans un délai prédéterminés.

Lorsque, dans le délai de conversion, la valeur des actions devient supérieure au prix de conversion, la levée de l'option de conversion procure un gain au porteur de l'obligation. Dans le cas contraire, il n'y a pas d'intérêt financier pour le porteur à lever l'option. Le gain et l'effet dilutif de la conversion sont souvent limités par une option de rachat consentie à l'émetteur, dont le prix d'exercice, supérieur au prix de conversion, est prédéterminé. Cette possibilité de gain liée à l'option de conversion justifie un taux d'intérêt servi par l'obligation inférieur aux conditions du marché.

Du point de vue de l'investisseur, l'obligation convertible permet de bénéficier de revenus fixes, considérés comme « non risqués », tout en spéculant sur une hausse du cours de l'action sous-jacente. Du point de vue de l'entreprise concernée, l'émission d'obligations convertibles permet d'obtenir un financement moins onéreux qu'un emprunt bancaire ou obligataire tout en différant une éventuelle augmentation de capital.

Contrairement aux obligations convertibles en actions, qui ne débouchent pas nécessairement sur une entrée du souscripteur au capital de l'émetteur, les obligations remboursables en actions viennent en principe obligatoirement abonder à l'échéance les capitaux propres de la société émettrice. En effet, leur remboursement s'effectue normalement par remise d'actions de la société émettrice selon une parité définie dans le contrat d'émission.

Même si, à terme, les porteurs d'ORA seront actionnaires, ils se trouvent, avant l'échéance, dans une situation moins risquée que s'ils avaient directement souscrit à une augmentation de capital : ils bénéficient en effet du versement des coupons, revenu fixe et certain, plutôt que de dividendes aléatoires.

Le risque supporté par le souscripteur est toutefois beaucoup plus important que pour une obligation convertible, qui garantit à la fois le versement du capital, si l'option de conversion n'est pas levée, et de coupons, dans tous les cas. Le porteur d'une obligation remboursable en actions est en effet susceptible de subir une perte en capital si, à l'échéance, la valeur de marché des actions est inférieure à celle fondant la parité définie dans le contrat d'émission.

Source : commission spéciale (à partir de : rapport n° 229 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier,
fait au nom de la commission des finances et déposé le 9 décembre 2015)

L'objectif des auteurs est louable, dans la mesure où il s'agit d'instruments très utilisés dans l'univers du capital investissement , par exemple pour surmonter les conflits de valorisation entre les dirigeants historiques et les investisseurs souhaitant entrer au capital 378 ( * ) .

En l'état, cette ouverture pourrait toutefois engendrer de nombreux abus , s'agissant de titres non cotés pour lesquels il n'existe pas de réelle transparence et dont la définition des caractéristiques est largement contractuelle.

De ce point de vue, l'éligibilité des obligations convertibles non cotées, dont la conversion est laissée au libre choix du souscripteur, est particulièrement problématique.

Par exemple, il suffirait de fixer un prix de conversion irréaliste pour que la valeur et le taux de l'obligation convertible soient ceux d'une obligation classique. Dès lors, une telle évolution reviendrait à ouvrir le PEA-PME à des titres de dette, au risque qu'un traitement fiscal égal entre obligations et actions entraîne l'éviction des secondes, à rebours de l'objectif de renforcement des fonds propres des entreprises.

À l'inverse, l'ouverture aux obligations remboursables en actions non cotées ne présente pas les mêmes risques , car leur conversion n'est pas laissée au libre choix du souscripteur, même si les contrats d'émission peuvent prévoir des possibilités, au choix du porteur ou de l'émetteur, d'un remboursement en numéraire, anticipé ou à échéance.

Une solution de compromis pourrait donc consister à limiter l'ouverture aux obligations remboursables en actions (ORA) non cotées.

Cela suppose néanmoins, en parallèle, de régler une autre difficulté.

En effet, il a été objecté par le Gouvernement que tant les obligations convertibles que remboursables en actions non cotées pourraient être souscrites pour une valeur sciemment sous-évaluée, afin de contourner la règle de plafonnement des versements.

Il faut toutefois rappeler que ce risque existe également s'agissant des actions non cotées, qui sont pourtant éligibles au PEA-PME.

Pour les actions non cotées, la difficulté a été réglée en qualifiant la sous-évaluation d'abus de droit et en limitant l'exonération des produits d'actions non cotées à 10 % de la valeur d'inscription de ces titres. Une mesure anti-abus analogue pourrait être prévue pour les ORA non cotées.

Un amendement COM- 522 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 ter ainsi modifié.

Article 27 quater
(art. L. 312-19 du code monétaire et financier)
Élargissement des dispositions légales applicables aux comptes inactifs
aux produits d'épargne salariale et aux produits de participations
affectés à des comptes courants bloqués

I. Le droit en vigueur

La loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence a introduit une définition des comptes inactifs dans le code monétaire et financier, ainsi que des dispositions permettant d'organiser le dépôt des avoirs non réclamés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), avant un éventuel transfert à l'État au terme d'une prescription trentenaire.

Aux termes de l'article L. 312-19 du code monétaire et financer, un compte peut être considéré comme inactif dans deux cas :

- lorsqu'à l'issue d'une période de douze mois, aucune opération n'a été réalisée et que le titulaire ne s'est pas manifesté . Ces deux conditions sont cumulatives ;

- lorsque le titulaire est décédé et qu'aucun n'ayant droit ne s'est manifesté à l'issue d'une période de douze mois .

L'article L. 312-19 s'applique aussi bien aux comptes courants qu'aux comptes d'épargne ouverts auprès des établissements de crédit . Ces derniers recouvrent les comptes sur livret, les comptes à terme et les comptes sur lesquels sont inscrits des avoirs et dépôts au titre des produits de l'épargne salariale.

Les comptes d'épargne pouvant faire l'objet d'opérations moins régulièrement que les comptes courants, l'article prévoit de porter à cinq ans, au lieu de douze mois, le délai au terme duquel l'absence d'opération et de manifestation de la part du client traduit une inactivité.

Une fois le compte qualifié d'inactif, l'établissement de crédit doit informer le titulaire du compte, son représentant légal ou la personne habilitée par lui que ses avoirs vont être transférés à la CDC. Contrairement aux obligations des assureurs, les établissements de crédit ne sont pas tenus d'effectuer des recherches de titulaires ou des ayant-droits du compte.

Aux termes de l'article L. 312-20 du même code, les dépôts et avoirs sur les comptes inactifs sont transmis à la CDC :

- à l'issue d'un délai de dix ans à compter de la dernière opération, ou de la dernière manifestation du titulaire si l'inactivité ne résulte pas de son décès ;

- à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la date du décès du titulaire .

Aux termes du III de l'article L. 312-20 du même code, les avoirs transmis à la CDC sont acquis à l'État :

- à l'issue d'un délai de vingt ans à compter de la date de leur dépôt à la CDC , lorsque le titulaire est encore en vie, soit à l'issue d'un délai de trente ans après la dernière opération réalisée sur le compte ;

- à l'issue d'un délai de vingt-sept ans à compter de la date de leur dépôt à la CDC lorsque le titulaire est décédé ;

- à l'issue d'un délai de dix ans pour les plans d'épargne logement (PEL) dont le titulaire ne détient aucun autre compte au sein du même établissement de crédit .

Jusqu'à l'expiration de ces délais, les titulaires et ayant-droits peuvent retirer leurs avoirs auprès de la CDC.

Le dispositif général de la loi dite « Eckert » n'intégrait pas initialement les produits d'épargne salariale . Cet élargissement de périmètre a été réalisé par l'adoption d'un amendement à l'initiative du rapporteur Christian Eckert par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Par conséquent, l'article L. 312-19 du code monétaire et financier s'applique aux produits d'épargne mentionnés au titre II du livre II du même code.

Ce champ exclut toutefois, entre autres, les plans d'épargne interentreprises destinés aux petites et moyennes entreprises (PME) 379 ( * ) , les plans d'épargne retraite collectifs (PERCO) 380 ( * ) , les produits de la participation affectés à un compte courant bloqué 381 ( * ) . Ces produits sont régis par le code du travail, et non le code monétaire et financier.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, après un double avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Le présent article modifie le I de l'article L. 312-19 du code monétaire et financier afin d'inscrire dans son champ d'application :

- les plans d'épargne interentreprises ;

- les plans d'épargne retraite collectifs ;

- les produits de la participation affectés à un compte courant bloqué tel que défini au 2° de l'article L. 3323-2 du code du travail.

Par conséquent, les comptes sur lesquels sont inscrits des avoirs et dépôts au titre des dispositifs d'épargne salariale et d'épargne retraite précités sont considérés comme inactifs si, à l'issue d'une période de cinq ans, le compte n'a fait l'objet d'aucune opération et que le titulaire ne s'est pas manifesté .

III. La position de votre commission

Votre commission souscrit à cet élargissement du champ d'application de la loi dite « Eckert ». Si ces dispositions paraissent relativement éloignées du texte initial, elles sont néanmoins complémentaires de celles des articles 20 et 57 qui visent à redynamiser l'épargne retraite et l'épargne salariale.

Votre commission a adopté l'article 27 quater sans modification.

Article 27 quinquies (supprimé)
(art. L. 511-6 du code monétaire et financier)
Assouplissement des conditions d'octroi de prêt inter-entreprises

Le présent article a pour objet d'assouplir les conditions d'octroi de prêts entre entreprises, autorisé lorsqu'il existe entre elles un lien économique. La durée maximale du prêt serait élargie de deux à trois ans ; toutes les sociétés commerciales seraient rendues éligibles à consentir des prêts ; et les sociétés non soumises à l'obligation de contrôle des comptes mais ayant volontairement recours à un commissaire aux comptes dans le cadre de la procédure allégée d'audit prévue par le présent projet de loi seraient également rendues éligibles.

I. Le droit en vigueur

Le titre I er du code monétaire et financier encadre les prestations de service bancaire. En particulier, l'article L. 511-5 énonce une interdiction générale d'offre de crédit ou de services bancaires de paiement par les personnes autres que les établissements de crédit ou société de financement, interdiction souvent décrite comme « monopole bancaire » .

Toutefois, l'article L. 511-6 exclut du champ de cette interdiction certaines entités :

- les principales institutions publiques intervenant dans le secteur bancaire et financier : le Trésor public, la Banque de France, la Poste, ou la Caisse des dépôts par exemple, dans les conditions déterminées par la loi (article L. 518-1 du code monétaire et financier) ;

- les entreprises d'assurance , sociétés de réassurance, institutions de prévoyance , mutuelles agréées ou organismes de retraite supplémentaire ;

- les entreprises d'investissement , établissements de monnaie électronique, établissements de paiement, et certains autres établissements particuliers ;

Par ailleurs, certaines entités non incluses dans la liste de l'article L. 511-6 précité sont néanmoins autorisées à réaliser des opérations de crédit uniquement. Au titre du 3° bis du même article, c'est notamment le cas des « sociétés par action (SPA) et sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont les comptes sont certifiés et qui consentent des prêts à des microentreprises, petites et moyennes entreprises (PME) ou entreprises de taille intermédiaire (ETI) avec lesquelles elles ont des liens économiques ». Cette disposition autorise donc les prêts interentreprises.

Entités autorisées à réaliser des opérations de crédit
dérogeant au monopole bancaire

L'article L. 511-6 autorise la réalisation d'opérations de crédit par :

(1) les organismes sans but lucratif lorsqu'ils accordent des prêts à conditions préférentielles à leurs ressortissants pour des motifs d'ordre social et sur leurs ressources propres ;

(2) les organismes d'habitation à loyer modéré lorsqu'ils consentent au paiement différé des logements acquis lors d'une accession à la propriété ;

(3) les entreprises consentant des avances sur salaires ou prêts exceptionnels à leurs salariés pour des motifs d'ordre social ;

(3bis) les sociétés par action (SPA) et sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont les comptes sont certifiés et qui consentent des prêts à des microentreprises, petites et moyennes entreprises (PME) ou entreprises de taille intermédiaire (ETI) avec lesquelles elles ont des liens économiques ;

(4) les entités et institutions étrangères acquérant des créances non échues provenant d'organismes listés au premier alinéa de l'article L. 511-6 (hors prêts personnels) ;

(5) les associations sans but lucratif et les fondations d'utilité publique consentant des prêts pour la création, le développement et la reprise d'entreprises de petite taille ou pour la réalisation de projets d'insertion (sans pouvoir offrir au public des instruments financiers) ;

(6) les personnes morales consentant des prêts participatifs (régis par les articles L. 313-14 à 313-20) aux entreprises agricoles, artisanales, industrielles ou commerciales ;

(6bis) les groupes d'organismes de logement social pour des opérations de crédits entre groupes ;

(7) les personnes physiques consentant (à des fins non professionnelles ou commerciales) des prêts dans le cadre de financement participatif de certains projets, encadrés par la loi et par décret ; ou achetant ou souscrivant des minibons (article L. 223-6) ;

(8) les sociétés de tiers-financement dont les collectivités territoriales sont actionnaires majoritaires ou autorité de tutelle (article L. 381-2 du code de la construction et de l'habitation), sans pouvoir offrir au public des instruments financiers et sous la régulation de l'Autorité de contrôle prudentiel.

Les prêts interentreprises, prévus au 3 bis de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier précité, ont été autorisés par l'article 167 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

Ce dispositif, issu d'un article adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, avait fait l'objet d'un encadrement spécifique, prévu par le Sénat, dans l'objectif de limiter la dépendance financière des entreprises emprunteuses, et de s'assurer que cette activité de prêt ne soit pas un moyen de contourner les législations relatives aux délais de paiement et les obligations s'appliquant aux établissements de crédit. La rédaction issue du Sénat prévoit notamment que :

- le champ des entreprises autorisées à emprunter est limité aux seules microentreprises, PME et ETI, s'il existe un lien économique avec l'entreprise prêteuse ;

- le champ des entreprises prêteuses est limité aux seules SPA et SARL dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes , et sous la condition que l'activité de prêt reste accessoire ;

- les conditions du prêt sont encadrées : ils sont d'une durée de moins de deux ans, ne peuvent avoir pour effet d'imposer à l'emprunteur des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux, et les modalités de prêt sont définies dans une convention de prêt, dont le cadre juridique et les modalités sont fixés par décret et qui auront caractère de convention règlementée ;

- enfin, les créances ainsi constituées ne peuvent être transformées en instruments financiers, être cédées à un organisme de titrisation ou à un fonds professionnel spécialisé.

Le décret n°2016-501 du 22 avril 2016 relatif aux prêts entre entreprises a précisé règlementairement le régime des prêts interentreprises (dans la sous-section 2 de la section 2 du chapitre I er du titre I er du livre V de la partie règlementaire du code monétaire et financier).

Il a ainsi prévu à l'article R. 511-2-1-1 les modalités d'appréciation du lien économique entre deux entreprises (subvention publique pour un projet partagé, groupement attributaire d'un même marché, sous-traitance directe ou indirecte, franchisé, concessionnaire de licence), et a interdit qu'un prêt consenti puisse placer l'entreprise emprunteuse en situation de dépendance économique. L'article R. 511-2-1-2 encadre par ailleurs le montant maximal des prêts. Enfin, l'article R. 511-2-1-3 prévoit la certification des prêts par un commissaire aux comptes.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de deux amendements adoptés lors de l'examen en commission du texte à l'Assemblée nationale.

Ces amendements ont prévu un double assouplissement de l'encadrement des prêts interentreprises :

- tandis que seules les sociétés par action (SPA) ou sociétés à responsabilité limitée (SARL) sont aujourd'hui autorisées à prêter, le présent article propose de modifier le 3 bis de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier pour permettre à tout type de sociétés commerciales de consentir des prêts ;

- il propose également d'allonger la durée maximale des prêts interentreprises, en l'augmentant de deux à trois ans au 3 bis précité.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à étendre la possibilité de consentir un prêt interentreprises aux sociétés commerciales non soumises à l'obligation de certification des comptes, mais qui auraient volontairement désigné un commissaire aux comptes, dans les conditions définies à l'article L. 823-3 du code du commerce.

Dans sa rédaction proposée par le présent projet de loi, l'article L. 823-3 du code de commerce prévoit en effet qu'un commissaire aux comptes puisse être nommé volontairement par les entreprises n'y étant pas tenues, dans le cadre d'une procédure d'audit allégée des comptes (le commissaire étant alors dispensé de la réalisation de certaines diligences et de certains rapports).

III. La position de votre commission

Votre rapporteur s'inquiète du triple élargissement du dispositif de prêt interentreprises, opéré dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il appelle au contraire à la prudence.

Les dispositions législatives qui avaient autorisé les prêts interentreprises sont encore très récentes, puisqu'elles avaient été adoptées en 2015 dans le cadre de la loi dite « Macron ».

Sollicitée par votre rapporteur à ce sujet, l'administration a indiqué qu'il n'a été conduit à ce jour aucune évaluation de ce dispositif , et qu'on ne dispose pas de données agrégées exploitables permettant d'en tirer un premier bilan. En particulier, il n'est pas possible d'estimer les taux pratiqués par les entreprises prêteuses ou de les comparer avec les taux de marché. De même, aucune forme de suivi ou de contrôle des prêts contractés et de leur remboursement n'est prévue, mis à part leur mention dans le rapport de gestion.

En l'absence d'une telle évaluation , il apparaît pour le moins prématuré d'assouplir les garde-fous introduits à l'initiative même du Sénat en 2015, lors de l'adoption des dispositions relatives aux prêts interentreprises. En outre, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur n'avoir reçu aucune sollicitation de la part d'entreprises défendant un assouplissement du dispositif.

De surcroît, votre rapporteur s'inquiète du risque économique qui pourrait résulter d'un élargissement non maîtrisé du prêt interentreprises. D'une part, les personnes auditionnées en préparation de l'examen du projet de loi par le Sénat ont exprimé des doutes sur la pertinence du critère de lien économique. En effet, s'il correspond à une logique d'encouragement de projets communs aux filières économiques, ce critère est cependant plus susceptible de placer des petites entreprises et des sous-traitants au fort besoin de financement et à faible accès au crédit en situation de fragilité financière, voire de dépendance économique vis-à-vis d'un grand donneur d'ordre détenteur de ses créances. D'autre part, l'allongement proposé de la durée maximale des prêts, qui la ferait passer de deux à trois ans, semble de même davantage susceptible de créer des situations de dépendance. La simple mention à l'article R. 511-2-1-1 du code monétaire et financier que le prêt « ne peut placer l'entreprise emprunteuse en état de dépendance économique » ne semble pas offrir les garanties suffisantes.

Enfin, la possibilité ouverte aux entreprises se soumettant à l'audit allégé des comptes introduit à l'article 9 du présent projet de loi ne saurait avoir pour conséquence d'autoriser des entreprises dont les finances ne sont pas consolidées ou non saines à devenir prêteuses. Un défaut de certification des comptes ou la non-détection de certaines fragilités financières ou comptables pourrait conduire à la contagion entre entreprises liées par un prêt. L'audit allégé, que le présent projet de loi propose de créer, n'a encore fait l'objet d'aucun retour d'expérience.

En conséquence, à défaut de visibilité et d'évaluation objective du dispositif de prêt interentreprises existant, et au vu des risques de fragilité financière et de dépendance économique, la commission a adopté deux amendement identiques COM-336 du rapporteur et COM-68 de Mme Espagnac et plusieurs de ses collègues, qui suppriment le présent article .

Votre commission a supprimé l'article 27 quinquies .

Article 27 sexies
(art. L. 548-1 du code monétaire et financier)
Élargissement du champ des opérations
pouvant être financées par des prêts participatifs

Le présent article a pour objet d'élargir les possibilités de financement d'entreprises par des prêts participatifs. Il propose d'autoriser non seulement le financement de projets d'achat de biens ou de services, comme le prévoit le droit actuel, mais également des opérations ou ensembles d'opérations déterminées, liées à la raison d'être de l'entreprise.

I. Le droit en vigueur

L'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif a fixé pour la première fois un cadre législatif encadrant les activités de financement participatif.

L'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014
relative au financement participatif

Prise sur le fondement de l'habilitation prévue au 3° de l'article 1er de la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, l'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif avait pour objet d'inscrire dans la loi un premier cadre d'exercice des activités de financement participatif.

Créant deux nouveaux chapitres VII et VIII au titre IV du livre V du code monétaire, et modifiant de nombreux autres articles du code monétaire et financier, elle a notamment :

• introduit une dérogation au monopole bancaire en faveur du financement participatif ;

• créé deux statuts spécifiques, le conseiller en investissement participatif qui propose des titres financiers aux investisseurs, et l'intermédiaire en financement participatif, qui met en relation des porteurs de projets et des financeurs (voir le commentaire de l'article 27 septies de ce rapport) ;

• soumis les plateformes de financement participatif à des obligations en matière de conseil aux clients, d'information, de présentation des risques, de transparence, de perception de frais et rémunérations, de conflit d'intérêts, ou encore de lutte contre le blanchiment et le financement des activités terroristes ;

• créé un régime prudentiel allégé en matière de capitaux minimaux, de fonds propres et de contrôle interne ;

• donné compétence aux associations professionnelles agréées, à l'Autorité des marchés financiers, à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à la Banque de France pour le contrôle des activités de financement participatif.

En particulier, l'article L. 548-1 du code monétaire et financier détermine le régime de l'intermédiation en financement participatif, qui consiste à « mettre en relation, au moyen d'un site internet, les porteurs d'un projet déterminé et les personnes finançant ce projet » . Afin d'être autorisé à solliciter un financement participatif, deux critères doivent être remplis :

- tout d'abord, ledit article L. 548-1 liste les personnes physiques et morales pouvant bénéficier de prêts participatifs, de prêts sans intérêts ou de dons ;

- ensuite, le financement doit être sollicité au titre d'un projet, défini comme « un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d'une opération prédéfinie en termes d'objet, de montant et de calendrier ». Le financement participatif repose ainsi sur une logique objective de projet d'achat en vue de réaliser une opération.

L'offre de prêts participatifs représentant une dérogation au « monopole bancaire » (se référer au commentaire de l'article 27 quinquies du présent projet de loi), l'ordonnance n°2014-559 a inséré un 7° permettant à toute personne physique de consentir des prêts à fins non professionnelles ou commerciales, dans le cadre du financement participatif de projets.

Afin d'améliorer la lisibilité des offres de financement participatif et de mieux réguler les pratiques, l'ordonnance n°2014-559 a aussi créé un statut spécifique d'intermédiaire en financement participatif (IFP), défini aux articles L. 548-2 à L. 548-6 du code monétaire et financier (voir commentaire de l'article 27 septies ).

A la date de rédaction de ce rapport, le registre ORIAS dénombre plus de 151 intermédiaires de financement participatif en activité. Selon les chiffres fournis par Financement Participatif France, 195,4 millions d'euros de prêts en financement participatif ont été consentis en 2017, ce qui représente un doublement des montants collectés en 2016. 24 126 projets ont ainsi été financés.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté lors de l'examen du texte en commission à l'Assemblée nationale. Dans sa version initiale, l'amendement visait à modifier le code monétaire et financier pour permettre le financement participatif non seulement de projets déterminés, mais aussi de la « raison d'être » d'une société :

À l'article L. 548-1, il était proposé de modifier la définition de l'intermédiation en financement participatif, afin d'autoriser le financement « d'un projet et d'une raison d'être de société déterminés » . Les personnes morales et physiques listées par l'article dans sa rédaction actuelle auraient ainsi pu bénéficier de prêts au titre de leur raison d'être elle-même. Celle-ci aurait été définie comme « l'expression de ce qui est indispensable pour remplir l'objet social au sens entendu par l'article 1835 nouveau du code civil ». La rédaction de l'article L. 548-1 était modifiée en divers endroits pour effectuer des coordinations nécessaires à l'introduction du financement de la raison d'être aux côtés du financement de projets ;

À l'article L. 548-6 , il était effectué d'autres coordinations afin de tenir compte de l'autorisation du financement de raisons d'être de sociétés ;

Enfin, à l'article L. 511-6, la dérogation au « monopole bancaire » relative au prêts de financement participatif était élargie afin d'y inclure le financement de raisons d'être de sociétés.

Le présent article, dans sa rédaction issue de la séance publique à l'Assemblée nationale, ne prévoit désormais plus qu'une simple modification de la définition des projets pouvant être financés, au cinquième alinéa de l'article L. 548-1 du code monétaire et financier.

La rédaction actuelle dudit article dispose que : « Au sens du présent chapitre, un projet consiste en un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d'une opération prédéfinie en termes d'objet, de montant et de calendrier ». Le présent article du projet de loi propose de la remplacer par la rédaction suivante : « Au sens du présent chapitre, un projet consiste en une opération ou un ensemble d'opérations prédéfinies en termes d'objet, de montant, de calendrier, de projection financière et de résultat attendu, conforme, le cas échéant, à la raison d'être de l'entreprise. »

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en séance publique remplace donc une définition du projet basée sur l'achat de biens ou de services, par deux modalités distinctes permettant alternativement le financement d'une opération ou celui d'une série d'opérations cohérentes avec la raison d'être de l'entreprise.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur note que le financement participatif est un mode de financement en plein essor, qui répond tout autant à un besoin économique de la part des porteurs de projet qu'à des attentes sociétales des financeurs. En 2017, 24 126 projets ont été financés, contre 17 775 en 2015. Selon les chiffres transmis par l'administration, 14 % des entreprises financées relèvent de l'économie sociale et solidaire.

L'administration a indiqué à votre rapporteur avoir été sollicitée au sujet du financement d'une « raison d'être » par les plateformes de financement participatif, qui estiment que la logique de projet qui prévaut dans le droit actuel ne remplit qu'une partie des attentes des financeurs et des porteurs de projet.

Votre rapporteur est d'avis qu'il peut être particulièrement intéressant pour les sociétés dont l'action est guidée par certains principes forts de solliciter des financements au titre d'un ensemble cohérent d'opérations , plutôt qu'un prêt fléché sur un projet d'achat uniquement. La présente mesure contribue à rendre opérationnelle et tangible la notion de raison d'être, intégrée dans le code monétaire et financier par l'article 61 du présent projet de loi. Au-delà d'une simple déclaration d'intentions, les sociétés pourront ainsi mettre en valeur les projets liés à leur raison d'être.

Votre rapporteur souligne par ailleurs que la mesure initialement adoptée à l'Assemblée nationale semblait imprécise et de nature à emporter des risques en matière de traçabilité des flux financiers et d'information des financeurs. La rédaction résultant de l'examen du texte en séance publique a cependant apporté des améliorations notables.

Toutefois, il ne semble pas judicieux d'imposer que les opérations ouvertes à financement participatif soient nécessairement conformes à la raison d'être de la société. Cette exigence paraît source de fragilité juridique et peut être de nature à limiter l'accès au financement participatif. Il semble contraire au principe d'égalité qu'une société ayant volontairement déclaré une raison d'être soit privée de certaines modalités de financement, vis-à-vis d'autres sociétés n'ayant pas de raison d'être. Pis, cela pourrait décourager les petites entreprises, qui préféreraient ne pas déclarer de raison d'être pour ne pas être soumises à un régime moins favorable que le droit commun.

Votre rapporteur recommande par ailleurs de préciser que la « raison d'être » mentionnée par le présent article est celle qui figurera à l'article 1835 du code civil, selon la définition introduite par l'article 61 du présent projet de loi. Cela permettra une meilleure articulation juridique, et de conférer sa pleine portée à cette nouvelle notion.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-337, qui modifie la définition de « projet » soumis à financement participatif :

- il clarifie la rédaction de la nouvelle définition de « projet » ouvert à financement participatif, afin de préciser que le financement peut être sollicité soit au titre d'une opération particulière, comme le prévoit le droit actuel, soit pour un ensemble d'opérations ;

- il précise que lorsqu'une société ayant déclaré une raison d'être sollicite un financement au titre d'une opération ou d'un ensemble d'opérations, il n'est pas impératif que ceux-ci soient conformes à la raison d'être. La société peut en revanche se prévaloir de cette conformité dans la présentation du projet ;

- il précise enfin que la « raison d'être » mentionnée par le présent article de code est celle définie à l'article 1835 du code civil, modifié par l'article 61 du présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 27 sexies ainsi modifié .

Article 27 septies A (supprimé)
Expérimentation assouplissant les règles d'octroi
par les associations à but non lucratif de microcrédits professionnels
dans les collectivités d'outre-mer

Le présent article a pour objet de transposer dans la loi une expérimentation qui existe déjà au niveau règlementaire et qui assouplit les règles d'octroi de microcrédit aux entreprises par des associations à Mayotte. Il prévoit d'étendre cette expérimentation à toutes les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

I. Le droit en vigueur

1. Les associations à but non lucratif sont autorisées par la loi à consentir des prêts finançant la création ou le développement d'entreprises

L'article L. 511-5 du code monétaire et financier énonce une interdiction générale d'offre de crédit ou de services bancaires de paiement par les personnes autres que les établissements de crédit ou société de financement, interdiction souvent décrite comme « monopole bancaire » .

Toutefois, l'article L. 511-6 du même code exclut du champ de cette double interdiction certaines entités, telles que les institutions publiques ou les entreprises d'assurance. D'autres organismes sont également autorisés à réaliser des opérations de crédit uniquement . 382 ( * )

Parmi ces entités bénéficiant d'une dérogation leur permettant de consentir des crédits figurent les associations sans but lucratif et fondations reconnues d'utilité publique, lorsqu'elles accordent des prêts pour la création, le développement et la reprise d'entreprises ou pour la réalisation de projets d'insertion. Le 5° de l'article L. 511-6 précité prévoit que les modalités d'octroi de ces crédits sont encadrées par décret (par exemple le seuil d'effectif salarié au-dessus duquel il ne peut être prêté à une entreprise, ou l'habilitation des associations autorisées).

Cette dérogation au bénéfice d'associations finançant le développement d'entreprises avait été introduite par l'article 19 de la loi ° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, puis élargie par l'article 81 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

2. Les modalités précises d'octroi de ces prêts relèvent de mesures règlementaires, qui ont récemment été modifiées pour faciliter l'octroi de microcrédits

Les modalités précises d'octroi de prêts par des associations ou fondations relèvent en grande partie du volet règlementaire du code monétaire et financier. La sous-section 1 de la section 5 du chapitre VIII du titre I er du livre V fixe notamment la procédure d'habilitation par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, article R. 518-58), les conditions devant être remplies par les associations et fondations souhaitant offrir des prêts (article R. 518-59), les obligations auxquelles elles sont soumises (article R. 518-10), et les caractéristiques précises des prêts ainsi consentis (article R. 518-11).

En particulier, au titre de l'article R. 518-61 du code monétaire et financier, les prêts octroyés dans le cadre de financement de création ou de développement d'entreprise doivent répondre aux critères suivants :

- ils sont effectués à titre onéreux, c'est-à-dire que les associations et fondations perçoivent une rémunération sur ces prêts ;

- ils ne peuvent être alloués à des entreprises employant plus de trois salariés ;

- les prêts doivent être remboursés sous cinq ans sauf exception motivée ;

- un nouveau prêt ne peut être consenti que si le bénéficiaire a remboursé le premier prêt qu'il a contracté ;

- le montant total des prêts de création ou de développement d'entreprise alloués par l'association ou fondation ne peut dépasser 12 000 euros par participant et par entreprise ;

- les prêts font l'objet d'un suivi particulier, dont les modalités sont déterminées par l'ACPR, et doivent être garantis.

Cet encadrement règlementaire a été progressivement assoupli depuis le premier décret n°2002-652 du 30 avril 2002 portant application du 5° de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier relatif aux associations habilitées à faire certaines opérations de prêts, qui n'autorisait que des prêts jusqu'à 6 000 euros par participant, et n'autorisait des prêts que dans les cinq ans suivant la création ou la reprise de l'entreprise. Ce plafond a été relevé à 10 000 euros par l'article 6 du décret n° 2009-682 du 12 juin 2009 portant extension de l'habilitation des associations et des fondations à pratiquer certaines opérations de crédit. Le décret n° 2016-22 du 14 janvier 2016 modifiant l'article R. 518-61 du code monétaire et financier a ensuite relevé le plafond à 12 000 euros , et permis l'octroi de nouveaux prêts dans les 7 ans suivant la création ou la reprise, pour les personnes déjà bénéficiaires.

Très récemment, l'article 1 er du décret n° 2018-950 du 31 octobre 2018 modifiant les conditions d'octroi de microcrédits professionnels par les associations et fondations habilitées a supprimé la condition d'octroi dans un délai limité suivant la création ou la reprise de l'entreprise. Des microcrédits peuvent donc être accordés pour le développement d'entreprises existant déjà depuis de nombreuses années.

3. L'octroi de microcrédits par des associations à Mayotte fait l'objet d'une expérimentation de nature règlementaire aux conditions plus favorables

Dans l'objectif d'encourager le développement de petites entreprises à Mayotte, où l'accès au crédit est particulièrement difficile, le décret n° 2017-563 du 18 avril 2017 autorisant à titre expérimental une dérogation aux règles d'octroi de microcrédits professionnels dans le Département de Mayotte a assoupli les conditions dans lesquelles un microcrédit peut être octroyé par les associations habilitées.

Au titre de l'article 1 er , et par dérogation à l'article R518-61, le plafond a été relevé à 15 000 euros par participant et par entreprise pour le Département de Mayotte, contre 12 000 dans le droit commun. La condition de création ou de reprise de l'entreprise dans les cinq années passées, instaurée par le décret n°2002-652 précité, a aussi été assouplie pour permettre l'octroi d'un prêt dans les dix ans suivant la création ou la reprise.

Ces mesures sont prévues à titre expérimental, et s'appliquent pour une durée de quatre ans à compter du 18 avril 2017 (c'est-à-dire jusqu'au 18 avril 2021). Au plus tard quatre mois avant le terme de l'expérimentation, une évaluation sous la forme d'un rapport du ministre de l'économie devra être publiée. La présentation du décret précise que : « Les impacts du présent décret seront évalués en vue de mesurer l'opportunité de mettre en place des dispositions similaires sur d'autres territoires ». Le conseil départemental de Mayotte a été consulté sur les dispositions de ce décret.

L'instauration de cette expérimentation de niveau réglementaire est le résultat du dispositif « France Expérimentation », lancé par le Gouvernement en 2016 dans l'objectif de permettre aux acteurs économiques de solliciter des dérogations expérimentales à des dispositions règlementaires ou législatives jugées trop restrictives. En 2017, l'association ADIE Mayotte a été retenue dans le cadre de l'appel à projets du Gouvernement (seul projet lauréat en outre-mer) et a obtenu l'instauration à titre expérimental de modalités plus favorables d'octroi de microcrédits. C'est l'une des cinq expérimentations règlementaires retenues en 2017.

L'ADIE Mayotte, association ayant qualité de réseau d'accompagnement reconnu d'utilité publique, indique : « En septembre 2017, nous lançons l'expérimentation qui durera 4 ans. 2018 sera donc la première année pleine de l'expérimentation, pendant laquelle nous comptons octroyer entre 2 et 3 millions d'euros par an supplémentaires, dédié à ces nouveaux prêts. » 383 ( * )

Selon les conclusions de l'appel à projets du Gouvernement, « présente à Mayotte depuis 1996, l'ADIE a constaté que le montant moyen des microcrédits qu'elle y accorde est supérieur à la moyenne nationale, et que l'octroi de microcrédits d'un montant supérieur au plafond prévu par la réglementation actuelle permettrait un meilleur accompagnement des projets. » 384 ( * ) Dès 2012, dans son Livre blanc pour améliorer l'environnement juridique et financier de la création d'entreprise et du microcrédit, l'ADIE proposait également d'élargir le délai prévu par décret afin de permettre à l'association de financer des entreprises de plus de cinq ans d'existence 385 ( * ) .

L'activité de microcrédit de L'ADIE à Mayotte

L'ADIE (Association pour le droit à l'initiative économique) est une association reconnue d'utilité publique créée en 1989. Son objectif est d'accompagner les personnes éloignées du marché du travail et du crédit bancaire, en finançant par des microcrédits les projets de création ou de développement d'entreprise. Elle dispose de plus de 120 antennes sur le territoire métropolitain et en outre-mer. Depuis 1989, plus de 160 000 microcrédits ont ainsi été accordés aux petites entreprises. 386 ( * )

Le microcrédit professionnel est l'une des composantes de la « microfinance » : il vise à octroyer des crédits de montant limité (inférieur à 25 000 euros selon la norme européenne), en vue de financer le rachat, la création ou la consolidation d'une très petite entreprise.

L'ADIE est présente à Mayotte depuis 1997. La situation du marché du travail y est particulière, la population mahoraise étant très jeune (70 % de personnes de moins de 25 ans) et le taux de chômage élevé (26 %, et 46 % chez les jeunes). 90 % du tissu économique local est constitué de micro-entrepreneurs. Afin d'encourager l'initiative en matière de création d'entreprise, et de faciliter l'accès au crédit pour des publics souvent jugés « à risque » par le système bancaire, l'ADIE se refinance auprès de banques puis, comme l'y autorise le 5° de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, consent des prêts de faible montant aux entrepreneurs sélectionnés. Elle mène en parallèle des actions de formation, conseil et suivi.

En 2017, l'association a ainsi octroyé 1 066 microcrédits à Mayotte, nombre en hausse de 6,5 % par rapport à 2016, pour un montant total de 11,69 millions d'euros. La création d'entreprise est dynamique, à + 16 % par rapport à 2016. Le taux de pérennité des entreprises financées est de 75 % à trois ans, au-dessus de la moyenne nationale, et le taux de remboursement est de 98 %. L'action de l'ADIE est particulièrement orientée vers les cheffes d'entreprise et les personnes sans qualification.

L'ADIE bénéficie de fonds de l'Agence française de développement (AFD) pour son action à Mayotte. L'association est également soutenue par le Fonds Social Européen (FSE), le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations. Elle travaille en partenariat avec Pôle emploi.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale en séance publique, avec un avis de sagesse du Gouvernement.

Il propose de mettre en place une expérimentation pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi, non codifiée au titre de la rédaction actuelle. Celle-ci consiste en un régime dérogatoire d'octroi de prêts pour la création ou le développement d'entreprise par des associations sans but lucratif, au bénéfice d'entreprises dont le siège social est situé dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Le caractère dérogatoire de ce régime d'octroi de prêts tiendrait à :

- la possibilité de consentir des prêts à des entreprises sans condition de délai après la création ou le rachat de l'entreprise (1°) ;

- un plafonnement des prêts à 15 000 euros par participant et par entreprise (2°).

III. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que cette mesure est d'ordre règlementaire, et de surcroît déjà partiellement satisfaite par les dispositions règlementaires en vigueur.

D'une part, l'expérimentation proposée n'instaure pas une dérogation à l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, qui permet à certaines associations à but non lucratif de consentir certains prêts, mais des dérogations aux dispositions règlementaires de l'article R. 518-61, qui fixe les conditions devant être remplies pour octroyer les prêts, ainsi que leurs plafonds. L'expérimentation proposée relève donc du niveau règlementaire, et non du domaine de la loi.

Par ailleurs, les mesures proposées par le présent article ne sont en réalité pas des dérogations, puisque le droit existant les satisfait déjà partiellement.

La condition d'octroi du prêt dans un délai limité suivant la création ou la reprise de l'entreprise de l'article R. 518-61 a été supprimée par l'article 1 du décret n° 2018-950 du 31 octobre 2018 modifiant les conditions d'octroi de microcrédits professionnels par les associations et fondations habilitées. Des microcrédits peuvent ainsi être accordés pour le développement d'entreprises existant déjà depuis de nombreuses années. Le 1° de l'article proposé est donc satisfait. 387 ( * )

D'autre part, à la suite de la sélection de l'ADIE Mayotte parmi les lauréats de France Expérimentation en 2017, le plafond a été relevé à 15 000 euros par participant et par entreprise (contre 12 000 dans le droit commun) par l'article 1 er du décret n°2017-563 du 18 avril 2017 autorisant à titre expérimental une dérogation aux règles d'octroi de microcrédits professionnels dans le Département de Mayotte. Le 2° de l'article proposé est donc satisfait.

Les seules mesures supplémentaires proposées par le présent article sont :

- la prolongation de la durée de l'expérimentation, qui serait désormais de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, contre quatre ans à compter du 18 avril 2017 au titre de l'article 2 du décret n° 2017-563 du 18 avril 2017 ;

- l'extension de ce dispositif à toutes les entreprises basées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

Ces deux extensions relèvent du niveau règlementaire. Rien ne justifie d'élever ce dispositif au niveau de la loi, son évolution pourra se faire par décret dans des délais plus réduits. Par ailleurs, votre rapporteur souligne que l'expérimentation devra, au titre du décret n° 2017-563 précité, faire l'objet d'une évaluation quatre mois avant son terme en 2021, comme l'a rappelé le Gouvernement dans sa présentation du dispositif France Expérimentation, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il paraît peu opportun de prévoir une prolongation du dispositif avant qu'une évaluation finale en ait été réalisée.

D'ailleurs, votre rapporteur relève que le Gouvernement n'a pas retenu cette mesure parmi les projets d'expérimentation devant être intégrés par voie d'amendement au projet de loi PACTE à la suite de l'appel à projets France Expérimentation (contrairement à deux expérimentations relatives au recensement et au bail à habilitation), mais a en revanche pris le décret n° 2018-950 précité. 388 ( * ) Cela confirme le caractère règlementaire de cette mesure.

En conséquence, et sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-338 de suppression du présent article .

Votre commission a supprimé l'article 27 septies A.

Article 27 septies
(art. L. 519-1, L. 519-2, L. 519-3-2, L. 519-3-4, L. 548-2
et L. 548-6 du code monétaire et financier)
Cumul et articulation entre les activités
des intermédiaires en financement participatif (IFP)
et les activités des intermédiaires en opérations de banque
et en services de paiement (IOBSP)

Le présent article a pour objet de modifier les régimes d'incompatibilité et les contraintes s'appliquant aux statuts d'intermédiaire en financement participatif (IFP) et d'intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP). Il propose notamment d'autoriser le cumul entre les activités d'IFP et d'IOBSP ; d'autoriser les IOBSP à orienter leurs clients vers des IFP, des entreprises d'assurances ou des sociétés de gestion et de renforcer les obligations déontologiques s'appliquant aux IFP.

I. Le droit en vigueur

1. Deux statuts distincts d'intermédiaires : les IOBSP et les IFP

Les activités des professionnels de l'intermédiation en opérations de banque et services de paiement, ainsi que de l'intermédiation en financement participatif, sont encadrées par le livre V du code monétaire et financier. Celui-ci distingue deux statuts :

Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP)

Les IOBSP fournissent des services en matière de crédits à la consommation, crédits immobiliers, dépôts ou services de paiement. Il s'agit essentiellement de courtiers en crédit et de mandataires.

Leur régime, défini aux articles L. 519-1 à L. 519-10 du code monétaire et financier, a été établi par l'article 36 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et modifié par les articles 7 à 9 de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation ;

Les intermédiaires en financement participatif (IFP)

Les IFP mettent en relation des porteurs de projets nécessitant un financement et des financeurs, via des plateformes de prêts ou de dons (à la différence des conseillers en investissement participatif, qui gèrent des investissements).

Le régime des IFP a été établi pour la première fois par l'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif 389 ( * ) , aux articles L. 548-1 à L. 548-6 du code monétaire et financier.

Selon l'ORIAS, registre unique auprès duquel doivent être immatriculés les IOBSP et les IFP, il existait en 2017 en France 28 609 IOBSP (dont les deux tiers sont des personnes morales) et 127 IFP (leur nombre ayant été multiplié par deux depuis 2016 en raison, notamment, de l'inscription des plateformes de dons) 390 ( * ) .

Les principales caractéristiques de ces deux statuts sont résumées ci-dessous :

IOBSP

IFP

Définitions
et obligation
d'immatriculation

(articles L. 519-1, L. 519-1-1,
L. 519-2, L. 519-3, L. 519-3-1
et L. 519-3-2)

(articles L. 548-1, L. 548-2
et L. 548-3)

ACTIVITES

Définition des activités d'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement : « activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation. »

Encadrement règlementaire des professionnels habilités : « Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent chapitre et détermine les catégories de personnes habilitées à exercer une activité d'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement. »

Les IOBSP peuvent aussi fournir à leurs clients des services de conseil en matière d'opérations de contrats de crédit.

ACTIVITES

Définition des activités d'intermédiation en financement participatif : activité qui « consiste à mettre en relation, au moyen d'un site internet, les porteurs d'un projet déterminé et les personnes finançant ce projet ». Seules les personnes morales peuvent être IFP.

Les catégories de personnes autorisées à offrir et recevoir de tels financements sont précisées ; ainsi que la notion de projet.

Les caractéristiques précises des prêts sont encadrées par décret. L'IFP est tenu de vérifier les informations transmises par le porteur de projet.

INCOMPATIBILITES

L'activité d'IOBSP ne peut s'exercer qu'entre « deux personnes dont l'une au moins est un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, ou un établissement de paiement », sur mandat de l'entreprise, ou par dérogation, sur mandat d'un autre IOBSP.

INCOMPATIBILITES

L'activité d'IFP ne peut pas être cumulée avec d'autres activités (hormis en leur qualité éventuelle « d'établissement de crédit, de société de financement, d'établissement de paiement, de prestataire de services d'information sur les comptes, d'établissement de monnaie électronique, d'entreprise d'investissement, de société de gestion de portefeuille, d'agent de prestataire de services de paiement ou de conseiller en investissement participatif »).

Si l'activité d'IFP est exercée à titre accessoire par un établissement de crédit, de paiement ou de monnaie électronique ou par une société de financement, elle peut être cumulée avec l'activité d'intermédiaire en assurance.

IMMATRICULATION

Les IOBSP sont soumis à une obligation d'immatriculation sur le registre ORIAS devant être vérifiée par les établissements mandants.

IMMATRICULATION

Les IFP sont soumis à une obligation d'immatriculation sur le registre ORIAS.

Autres conditions
d'accès et d'exercice

(articles L. 519-3-3, L. 519-3-4
et L. 519-4)

Les IOBSP « doivent remplir des conditions d'honorabilité et de compétence professionnelle fixées par décret en Conseil d'État » .

Ils doivent être couverts par une assurance si le mandant ne couvre pas les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle.

Ils doivent également justifier d'une garantie financière sur les fonds qui leur sont confiés.

(articles L. 548-4
et L. 548-5)

Les IFP « doivent remplir des conditions d'honorabilité et de compétence professionnelle fixées par décret en Conseil d'État ».

Ils doivent être couverts par une assurance couvrant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle, selon des conditions définies par décret.

Règles de bonne
conduite
et d'organisation

(articles L. 519-4-1, L. 519-4-2, L. 519-5, L. 519-6
et L. 519-6-1)

Les IOBSP sont soumis à une obligation de conduite « honnête, équitable, transparente et professionnelle » , et au respect de règles de bonne conduite et d'information des clients fixées par décret en Conseil d'État.

Ils sont aussi soumis à une obligation d'information des clients sur les activités des IOBSP et sur leurs liens avec des établissements.

Ils sont autorisés à percevoir une rémunération pour leurs services de conseil.

(article L. 548-6)

Les IFP sont soumis au respect de règles de bonne conduite et d'organisation définies par la loi, notamment en matière de publicité, d'information des clients sur leur activité d'IFP, sur les projets financés et sur les conditions du financement proposé. Ils doivent aussi fournir des documents spécifiques et gérer le suivi des opérations de financement.

Les conditions d'application de ces obligations et d'accès aux plateformes sont déterminées par un décret en Conseil d'État.

Liberté d'établissement
ou libre prestation
de services

(articles L. 519-7 à 519-10)

Encadrement de l'exercice d'activités d'IOBSP français dans des États membres de l'UE ou de l'EEE ; et de l'exercice en France des IOBSP d'États membres de l'UE ou de l'EEE.

Source : commission spéciale

2. Des régimes spécifiques d'incompatibilité

Les intermédiaires en financement participatif sont soumis à un régime spécifique d'incompatibilités , prévu à l'article L. 548-2 du code monétaire et financier.

Le principe est que l'activité d'IFP ne peut être cumulée avec d'autres activités (c'est-à-dire que seules les activités explicitement prévues à l'article L. 548-1 peuvent être exercées par les IFP immatriculés). Deux exceptions sont toutefois prévues, afin de permettre le cumul de l'activité d'IFP avec une autre activité exercée à titre principal :

- lorsque des établissements de crédit, sociétés de financement, établissements de paiement, prestataires de services d'information sur les comptes, établissements de monnaie électronique, entreprises d'investissement, sociétés de gestion de portefeuille, agents de prestataire de services de paiement ou conseillers en investissement participatif sont également immatriculés en tant qu'IFP, leur activité d'intermédiation en financement participatif peut alors être cumulée avec leurs activités habituelles ;

- les établissements de crédit, de paiement ou de monnaie électronique et les sociétés de financement exerçant à titre accessoire des activités d'IFP peuvent également exercer des activités d'intermédiaire en assurance.

L'activité des IOBSP est limitée par la condition, fixée à l'article L. 519-2, que l'une des deux personnes mises en relation ait qualité d'établissement de crédit, de société de financement, d'établissement de monnaie électronique fournissant des services de paiement ou d'établissement de paiement.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté en commission spéciale à l'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur. Il a fait l'objet d'une modification rédactionnelle en séance publique.

Il propose de modifier les régimes d'incompatibilités et de contraintes à l'exercice des activités d'intermédiaire en opérations de banque et services de paiement (IOBSP) et d'intermédiaire en financement participatif (IFP). Il vise à permettre aux IOBSP d'orienter leur client vers les nouveaux acteurs du crédit que sont les plateformes de financement participatif, les entreprises d'assurance ou les sociétés de gestion lorsque celles-ci représentent une offre adaptée pour leurs clients ; et à autoriser le cumul des activités d'IFP et d'IOBSP .

Les IOBSP pourraient servir d'intermédiaire vers une plateforme IFP

Le premier alinéa de l'article L. 519-2 est ainsi modifié pour donner la possibilité aux IOBSP de servir d'intermédiaire entre un client mandant et une plateforme à statut d'IFP ou une entreprise d'assurance (dans le cadre de ses activités de prêts) ou une société de gestion (dans le cadre de ses activités de gestion de FIA mentionnées à l'article L. 511-6). Dans le droit actuel, les IOBSP ne peuvent orienter leurs clients qu'en direction d'établissements de crédit, de société de financement, d'établissement de monnaie électronique fournissant des services de paiement ou d'établissement de paiement.

Il est par ailleurs proposé de compléter cet article de deux alinéas afin de préciser que « l'intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement peut, de manière complémentaire, mettre en relation les porteurs d'un projet déterminé avec un intermédiaire en financement participatif mentionné à l'article L. 548-2 » .

Enfin, il est prévu au même article de limiter à deux le nombre d'intermédiaires pouvant intervenir consécutivement dans le cadre de la même opération. Lorsqu'un IFP intervient simultanément à un IOBSP dans cette entremise, il ne pourrait alors être recouru à un autre IOBSP.

Le statut d'IFP pourrait être cumulé avec celui d'IOBSP

Le III de l'article L. 548-2 est modifié pour donner la possibilité aux IFP de cumuler leur activité d'intermédiation en financement participatif avec des activités d'IOBSP.

Dans le droit actuel, aucun cumul n'est autorisé en dehors du cumul avec les activités exercées à titre habituel par les établissements bancaires, sociétés de financements, et certains autres établissements ayant qualité d'IFP.

Par ailleurs, le droit actuel permet à certains établissements exerçant des activités d'intermédiaire en assurance d'exercer une activité d'IFP. Cette possibilité est étendue aux IOBSP exerçant à titre accessoire l'activité d'intermédiaire en assurance.

Les obligations déontologiques s'appliquant aux IFP seraient renforcées

Deux alinéas sont ajoutés à l'article L. 548-6 relatif aux obligations déontologiques et règles de bonne conduite des IFP. Par parallélisme avec les dispositions de l'article L. 519-4-1 relatif aux règles de bonne conduite s'appliquant aux IOBSP, il est prévu que : « Les intermédiaires en financement participatif doivent se comporter de manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts de leurs clients, y compris de leurs clients potentiels » .

Une disposition additionnelle relative à la prévention des conflits d'intérêts a été insérée au même article, imposant aux IFP de prendre et de documenter « toutes les mesures raisonnables visant à détecter et empêcher les risques de conflits d'intérêts pouvant se poser dans le cadre de leur activité » .

Des mesures de coordination sont prévues

Par coordination avec la modification de l'article L. 519-2, qui permet aux IOBSP de servir d'intermédiaire entre un client mandant et une plateforme à statut d'IFP, une entreprise d'assurance (dans le cadre de ses activités de prêts), ou une société de gestion (dans le cadre de ses activités de gestion de FIA mentionnés à l'article L. 511-6), il est porté mention de ces trois types d'entités :

- au III de l'article L. 519-1 , relatif à la détermination par décret des catégories des IOBSP habilités à exercer afin de prévoir les cas d'obligations contractuelles d'exclusivité ;

- à l'article L. 519-3-2, relatif à l'obligation de vérification de l'immatriculation par les entités ayant recours aux services d'IOBSP ;

- à la première phrase de l'article L. 519-3-4, afin d'étendre l'obligation de couverture par le mandant ou par une assurance.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que la mesure proposée, qui améliore l'articulation entre les activités d'intermédiation entre porteurs de projets, financeurs individuels et institutions financières, permettra de faciliter l'accès au financement des entreprises françaises. Elle est de nature a fluidifier le parcours d'accès au crédit des entreprises clientes, les intermédiaires, qu'ils soient IOBSP ou IFP, pouvant désormais les orienter vers l'offre la plus pertinente.

D'ailleurs, votre rapporteur salue les précautions prises afin d'éviter de rallonger inutilement la chaîne d'intermédiation , ce qui serait source de coûts et de délais inutiles pour les entreprises : le présent article prévoit qu'un IOBSP puisse orienter son client vers un autre IOBSP ou vers un IFP, mais que celui-ci ne pourra pas à son tour le diriger vers un autre intermédiaire.

Par ailleurs , votre rapporteur s'est assuré que les dispositions proposées s'inscrivent dans le cadre juridique européen et sont conformes aux préconisations de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ainsi que de l'Autorité des marchés financiers (AMF). D'autre part, il souligne que le cumul des deux statuts d'IOBSP et d'IFP ne dispense en rien les établissements et sociétés des obligations prévues par le droit actuel. En cas de cumul d'activité, ils seront soumis aux deux régimes, sous le contrôle de l'ACPR.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-339 rédactionnel visant à clarifier la limitation du recours consécutif à plus de deux intermédiaires.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 27 octies (supprimé)
(art. L. 313-12 du code monétaire et financier)
Extension du délai de préavis minimal pour l'interruption
ou la réduction d'un concours à durée indéterminée à une entreprise
dans le cadre d'un crédit d'exploitation

Le présent article a pour objet d'augmenter de 60 à 90 jours le délai de préavis minimal fixé par la loi, lorsqu'un établissement bancaire décide d'interrompre ou de réduire le concours à durée indéterminée consenti à une entreprise dans le cadre d'un crédit d'exploitation.

I. Le droit en vigueur

Les conditions dans lesquelles les crédits d'exploitation aux entreprises sont accordés et mis en oeuvre sont fixées à la sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du code monétaire et financier.

L'article L. 313-12 du code encadre les conditions dans lesquelles les établissements de crédit ou sociétés financières peuvent interrompre les concours accordés aux entreprises dans le cadre d'un crédit d'exploitation . Tout concours, c'est-à-dire autorisation de découvert, à durée indéterminée et autre qu'occasionnel, ne peut être réduit ou interrompu que dans les conditions suivantes :

- la réduction ou interruption doit être notifiée par écrit ;

- cette décision doit être motivée si l'entreprise en fait la demande (mais les raisons de cette décision ne peuvent être communiquées à des tiers) ;

- un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours doit être respecté (hors comportement gravement répréhensible du débiteur ou en cas de situation irrémédiablement compromise). Un délai de préavis minimum de soixante jours est fixé par la loi .

En cas de non-respect de ces conditions, l'établissement de crédit ou société de financement s'expose à des sanctions pécuniaires.

L'encadrement de la durée de préavis a été progressivement renforcé :

• Un premier niveau de contrôle avait été instauré par l'article 60 de la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ne prévoyant tout d'abord que la fixation d'un délai de préavis contractuel , dans l'objectif de protection des déposants et des emprunteurs.

• L'article 24 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique avait ensuite renvoyé à un décret le soin de fixer, selon les catégories de crédit et les usages bancaires (mais en réalité fixé règlementairement de manière uniforme), le délai minimal devant être respecté par les établissements de crédit. Cette contrainte s'appliquait à peine de nullité de l'interruption du concours.

• Enfin, l'article 1er de la loi n° 2009-1255 du 19 octobre 2009 tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers a fixé dans la loi un préavis minimal de soixante jours .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale.

Il vise à augmenter le délai minimal légal de préavis de 60 à 90 jours . Les établissements bancaires et sociétés de financement devraient désormais notifier par écrit aux entreprises clientes bénéficiant d'un concours bancaire leur intention d'y mettre fin ou de le réduire, au plus tard 90 jours avant d'y procéder.

La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier est modifiée en ce sens.

III. La position de votre commission

L'existence d'un préavis minimal avant le retrait de l'autorisation de découvert ou la réduction de son plafond emporte des enjeux importants pour la trésorerie des entreprises . En effet, en raison de retards d'exécution ou de délais de paiement par exemple, les entreprises, en particulier les PME, ont souvent besoin de la flexibilité et de la liquidité offerte par les concours bancaires. Lorsque les banques choisissent d'interrompre le concours, un délai suffisamment long est nécessaire pour permettre à l'entreprise de trouver d'autres solutions de financement .

À l'inverse, pour les banques, un solde courant bancaire durablement négatif peut alerter sur des problèmes de trésorerie, voire sur des difficultés plus profondes du client. Dans le cas où l'entreprise concernée est effectivement en grande difficulté, un préavis trop long fait peser un risque important sur le recouvrement des montants dus, et peut plonger l'entreprise dans une situation plus difficile encore .

En conséquence, votre rapporteur appelle à la plus grande prudence . L'administration a indiqué n'avoir reçu aucune sollicitation allant dans le sens de cet amendement. A l'inverse, les personnes auditionnées par votre rapporteur en amont de l'examen du texte au Sénat ont mis en évidence le risque d'effets adverses qu'emporterait l'augmentation du délai de préavis minimum. Si les établissements de crédit craignent que ce délai prolongé ne leur permette pas de limiter leurs pertes en cas d'insolvabilité du client, il est probable qu'ils réduisent leur financement et leurs concours aux entreprises les plus fragiles . Or, ce sont justement ces petites entreprises, parfois en difficulté, dont les besoins de trésorerie et de crédit sont les plus conséquents. Les montants en jeu sont très significatifs, puisque l'encours de crédit de trésorerie des entreprises françaises représente plus de 232 milliards d'euros en 2018.

D'ailleurs, si les auteurs de cet amendement indiquent qu'une prolongation du préavis permettrait aux entreprises en difficulté de retrouver une trésorerie positive, votre rapporteur souligne que la décision de réduire ou d'interrompre un concours bancaire résulte souvent de difficultés de long-terme de l'entreprise cliente. Le seul retour à un solde créditeur ne témoigne pas nécessairement d'une amélioration de la situation de l'entreprise.

Votre rapporteur note également que la durée de préavis minimale de soixante jours est restée inchangée depuis le décret n °2005-1743 du 30 décembre 2005 portant application de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, qui l'avait fixé règlementairement à soixante jours, avant que cette durée ne soit inscrite dans la loi en 2009.

Il ne convient pas de modifier cette durée sans aucune consultation préalable des acteurs, ni estimation de ses impacts sur l'offre de crédit et de concours aux entreprises, en particulier les plus vulnérables . Sollicité à ce sujet par votre rapporteur, le Gouvernement a indiqué que l'administration ne dispose pas à ce jour de données agrégées sur les concours bancaires, la fréquence des interruptions et la durée effective de préavis, qui permettraient de réaliser une telle évaluation.

En conséquence, sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-340 de suppression du présent article.

Votre commission a supprimé l'article 27 octies .

Article 27 nonies (supprimé)
Expérimentation de financement participatif sous forme de prêts portant intérêt au sein d'une communauté professionnelle

I. Le droit existant

Pour une présentation complète du cadre juridique du financement participatif, il est renvoyé au commentaire de l'article 27 sexies .

Les intermédiaires en financement participatif sont régis par les articles L. 548-1 à L. 548-6 du code monétaire et financier.

L'article L. 548-1 dudit code précise le périmètre des opérations pouvant faire l'objet d'un financement participatif , en distinguant selon que le prêt peut être avec ou sans intérêt :

- d'une part, le financement, par des particuliers, de projets de personnes morales ou physiques agissant à des fins professionnelles, sous réserve que le prêt soit contracté à taux fixe et non usuraire au sens de l'article L. 314-6 du code de la consommation ;

- d'autre part, le financement de formations initiales ou continues ainsi que de projets personnels, sous réserve que le prêt soit consenti sans intérêt.

Le droit en vigueur ne permet donc pas les prêts rémunérés entre personnes physiques agissant à des fins non professionnelles.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue député Jean-Noël Barrot, rapporteur, et avec un avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement introduisant le présent article, prévoyant une expérimentation de financement participatif entre particuliers d'une même communauté professionnelle pour certains types de crédits à la consommation afin de concrétiser un projet personnel.

1.  Les caractéristiques du crédit pouvant faire l'objet de l'expérimentation de financement participatif

Le I du présent article propose d'autoriser, à titre expérimental, pendant une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, un intermédiaire en financement participatif à mettre en relation des prêteurs et des emprunteurs ayant des liens établis au sein d'une même entreprise ou d'un même groupe d'entreprises pour des opérations de crédit à la consommation 391 ( * ) , à l'exception des crédits renouvelables et du regroupement de crédit. L'appréciation des liens de communauté professionnelle s'étend aux salariés, dirigeants, associés, clients et fournisseurs.

L'intermédiaire en financement participatif, qui doit être immatriculé sur le registre unique tenu par l'ORIAS prévu à l'article L. 512-1 du code des assurances, ne pourrait proposer cette offre qu'à titre complémentaire à leur activité d'intermédiation en financement participatif de droit commun. Le premier alinéa du V du présent article indique que l'intermédiaire devrait inscrire sa mise en oeuvre de cette expérimentation au registre unique .

Le III du présent article fixe les modalités du crédit pouvant être contracté dans le cadre de cette expérimentation , à titre dérogatoire des dispositions applicables du code monétaire et financier en matière de financement participatif et du code de la consommation en matière de crédit à la consommation. Les conditions suivantes sont proposées :

- le crédit doit être conclu à taux fixe ;

- un montant maximal pouvant être emprunté par l'emprunteur de 30 000 euros ;

- un montant maximal pouvant être prêté par le prêteur pour une même opération de 2 000 euros ;

- une durée maximale de remboursement du prêt de 60 mois .

Il en résulte que l'échéance mensuelle de remboursement maximale pour l'emprunteur pourrait s'établir à 500 euros .

Le 2 du II du présent article précise les définitions applicables dans le cadre de l'expérimentation proposée pour l'emprunteur et le prêteur, qui, par opposition aux règles en vigueur pour le crédit à la consommation, sont des personnes physiques agissant à des fins non professionnelles ou commerciales. Le projet au financement duquel le crédit est contracté correspond à la définition en vigueur inscrite à l'article L. 548-1 du code monétaire et financier, à savoir « un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d'une opération prédéfinie en termes d'objet, de montant et de calendrier ». L'emprunteur doit fournir à l'intermédiaire en financement participatif des éléments précis permettant d'identifier ce projet.

Pour permettre à l'intermédiaire en financement participatif d'apprécier la solvabilité de l'emprunteur , et par cohérence avec les obligations qui lui incombent (voir infra ), le deuxième alinéa du IV du présent article l'autorise à consulter le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiements caractérisés (FICP). Parallèlement, il serait également tenu de le renseigner en cas d'incident de paiement constaté pour un crédit contracté dans le cadre de l'expérimentation.

Dans ce cadre, il est précisé que l'intermédiaire ne peut divulguer à une quelconque personne autre que l'emprunteur les informations contenues dans ce fichier. De même, l'utilisation des renseignements ainsi obtenus est circonscrite au seul financement du projet personnel visé par la présente expérimentation.

2. Les obligations incombant à l'intermédiaire en financement participatif dans le cadre du contrat de crédit à la consommation

Le dernier alinéa du III du présent article précise que les opérations de prêt devront répondre au formalisme prévu par le livre III du code de la consommation pour sa partie relative au crédit à la consommation, à savoir : les prescriptions prévues en matière de publicité, d'information précontractuelle, d'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur , ainsi que les obligations relatives à la formation du contrat et à son exécution. En particulier, l'intermédiaire en financement participatif devra fournir au prêteur et à l'emprunteur le contrat de crédit répondant aux exigences prévues par le code de la consommation 392 ( * ) .

Dès lors que le prêteur est une personne physique n'agissant pas pour des fins professionnelles ou commerciales, le premier alinéa du IV du présent article détaille les conditions dans lesquelles l'intermédiaire en financement participatif devra effectuer certaines obligations pour le compte du prêteur, en particulier s'agissant du formalisme des opérations de crédit à la consommation mentionné au paragraphe précédent.

Le dernier alinéa du IV du présent article précise, par cohérence avec le fait qu'il ne pourrait proposer cette offre expérimentale qu'à titre complémentaire de son activité classique, que l'intermédiaire en financement participatif doit remplir les obligations prévues par le code monétaire et financier pour ce type d'opérateur , ainsi que celles relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme 393 ( * ) .

Trois exceptions sont toutefois prévues pour :

- le rapport annuel d'activité devant être publié par les intermédiaires en financement participatif, dans la mesure où une obligation analogue est prévue par ailleurs (cf. infra ) dans le cadre de l'évaluation de l'expérimentation ;

- la fourniture aux prêteurs d'informations concernant les caractéristiques du projet et du prêt, ce qui n'est pas cohérent avec les dispositions prévues par ailleurs et devrait donc être supprimé ;

- la fourniture aux porteurs de projet d'un document synthétique récapitulant les principales caractéristiques du prêt, obligation redondante avec celles par ailleurs prévues par le code de la consommation.

3. Le suivi de l'expérimentation

Au terme du deuxième alinéa du V du présent article , l'intermédiaire en financement participatif devrait transmettre chaque trimestre à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) les caractéristiques des prêts consentis dans le cadre de l'expérimentation.

À l'issue de la période d'expérimentation , il devrait également remettre un rapport d'évaluation au ministre chargé de l'économie et à l'ACPR.

Il est renvoyé à un décret le détail des modalités d'application de ces deux obligations, en particulier s'agissant du contenu du rapport d'évaluation

III. La position de la commission

L'expérimentation envisagée par le présent article vise à étendre le champ du financement participatif entre particuliers au-delà de la sphère du don ou du prêt gratuit, pour aborder les prêts rémunérés apparentés aux crédits à la consommation.

Des garde-fous sont prévus, avec l'exclusion du crédit renouvelable et des opérations de regroupement de crédit . Toutefois, compte tenu des effets de ces types de crédits sur l'endettement des particuliers 394 ( * ) , il s'agit avant tout d'une précaution indispensable et logique .

En outre, un périmètre restreint est proposé pour définir les prêts qui pourraient ainsi être expérimentés. L'intermédiaire en financement participatif pourrait uniquement mettre en relation des prêteurs et emprunteurs faisant partie d'une même communauté professionnelle , entendue au sens large puisque les clients et fournisseurs y seraient inclus.

L'objet de cette restriction s'inscrit dans un double objectif :

- elle s'inscrit d'abord dans le cadre du modèle économique du financement participatif , reposant sur une logique de liens faibles entre individus ;

- elle vise surtout à définir une forme de garantie implicite de remboursement , dès lors que des liens existent entre l'emprunteur et ses prêteurs.

Pour autant, votre rapporteur considère que le calibrage du périmètre n'est guère satisfaisant en pratique .

En effet, peu d'entreprises disposent en France d'un nombre d'employés ou d'une clientèle suffisamment large pour réunir en leur sein une offre et une demande susceptibles de concrétiser cette expérimentation. Son bénéfice serait donc réservé à certaines catégories de salariés , au premier rang desquels les employés de grandes entreprises. Or près de 40 % de l'emploi salarié tient à des petites et moyennes entreprises et à des microentreprises 395 ( * ) . De même, l'ensemble des fonctionnaires serait exclu du champ de l'expérimentation.

Certes, le principe d'une expérimentation est de porter sur un panel restreint, avant une éventuelle généralisation à l'ensemble de la population. Toutefois, le panel envisagé s'accompagne d'un fort biais de sélection, susceptible de remettre en cause les conclusions qui pourraient en être tirées .

Dans ces conditions, en l'état du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, votre rapporteur considère que l'expérimentation envisagée n'est pas satisfaisante.

Face à ce constat, il a d'abord étudié la possibilité d'élargir le périmètre de l'expérimentation , par exemple en limitant le critère d'appartenance à une communauté professionnelle aux emprunteurs uniquement. Cette évolution aurait considérablement accru le champ potentiel des crédits pouvant faire l'objet d'un financement participatif.

De ce point de vue, votre rapporteur rappelle que le crédit à la consommation ne constitue pas une opération anodine.

Un encadrement strict est prévu par le code de la consommation ; il a été renforcé successivement en 2010 396 ( * ) et 2014 397 ( * ) , ce qui s'est traduit par une diminution progressive de leur part dans les dossiers de surendettement. Les crédits contractés progressent toutefois : pour les seuls prêts personnels, une croissance moyenne annuelle supérieure à 4 % est enregistrée depuis 2013, pour atteindre un encours total de 13,5 milliards d'euros fin 2017 398 ( * ) .

Dans un contexte de taux faibles, cette expérimentation pourrait alimenter un phénomène de sélection adverse , où ce seraient en priorité les personnes ne pouvant accéder au crédit à la consommation classique qui recourraient à ce type de mécanisme.

Au-delà des exigences prévues, il importe de s'assurer que les établissements distribuant le crédit à la consommation soient en capacité de les mettre effectivement en oeuvre.

À cet égard, votre rapporteur souligne le caractère encore peu mature du secteur du financement participatif , dont le premier encadrement législatif date de 2014 399 ( * ) . Les contraintes réglementaires enserrant l'activité d'intermédiaire en financement participatif se caractérisent par une certaine souplesse : une simple immatriculation à l'ORIAS (organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance), sous réserve d'enregistrements ou d'agréments complémentaires en fonction des prestations fournies.

En l'état actuel, les conditions d'une protection effective du consommateur ne semblent donc pas réunies pour envisager une ouverture du crédit à la consommation aux plateformes de financement participatif . La récente étude de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir étaye cette préoccupation 400 ( * ) .

C'est pourquoi votre commission a adopté l' amendement COM-541 visant à supprimer le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 27 nonies .

Article 28
(art. L. 227-2-1, L. 228-11, L. 228-12, L. 228-15
et L. 228-98 du code de commerce)
Assouplissement du régime des actions de référence

L'article 28 du projet de loi comporte plusieurs mesures destinées à assouplir le régime des actions dites de préférence, en vue de le rendre plus attractif pour les sociétés susceptibles de trouver avantage à la création de telles actions, en particulier pour leur développement.

I. Le droit en vigueur

Les actions de préférence ont été créées par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale 401 ( * ) , puis réformées une première fois par l'ordonnance n° 2008-1145 du 6 novembre 2008 relative aux actions de préférence. Votre rapporteur se félicite que la seconde réforme des actions de préférence n'ait pas lieu par ordonnance. Cette seconde réforme est justifiée par le fait que les actions de préférence n'ont toujours pas rencontré le succès escompté et demeurent peu utilisées par les sociétés potentiellement visées.

Le code de commerce prévoit que des actions de préférence peuvent être créées lors de la constitution de la société ou au cours de son existence. Ces actions peuvent être créées avec ou sans droit de vote et être assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent . Le droit de vote peut aussi être aménagé ou suspendu pour une durée donnée. Ces droits particuliers doivent être définis par les statuts de la société, dans le respect de certaines règles ou limites prévues par le code. Ils concernent principalement, en pratique, le droit de vote et le droit de participation aux dividendes.

En principe, les actions de préférence peuvent être très utiles pour les sociétés en croissance , car elles permettent, en particulier, de donner des droits spécifiques à un investisseur qui s'engage pour accompagner la croissance d'une entreprise, ou bien de moduler ses droits. Il peut s'agit de droits de vote minorés voire d'une absence de droit de vote, pour conserver aux fondateurs la maîtrise de leur société en limitant ou supprimant le risque de dilution du capital, ou de droits à dividende majorés ou garantis, pour convaincre un investisseur de venir au tour de table. Il s'agit donc en théorie d'un outil de nature à favoriser le capital-risque et l'investissement dans les entreprises innovantes et en croissance, de façon maîtrisée pour les dirigeants et les fondateurs . Les actions de préférence peuvent également permettre de favoriser la transmission progressive d'une entreprise.

Toutefois, les rigidités du régime des actions de préférence sont régulièrement mises en avant pour expliquer leur relatif insuccès , de sorte que les milieux professionnels demandent des assouplissements de longue date afin de le rendre plus attractif.

Déposée par notre collègue Thani Mohamed Soilihi et adoptée par le Sénat le 8 mars 2018 sur le rapport de notre collègue André Reichardt, au nom de la commission des lois, la proposition de loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés 402 ( * ) comporte des mesures de réforme des actions de préférence à son article 41. L'auteur du texte avait en outre proposé de les compléter, par amendement, mais le Gouvernement, représenté par M. Bruno Le Maire, avait préféré renvoyer le débat au présent projet de loi. Les mesures figurant dans le projet de loi recoupent largement celles discutées lors de la proposition de loi, sans toutefois aller aussi loin sur certains éléments d'assouplissement.

II. Le dispositif proposé

Ainsi, le projet de loi prévoit, en premier lieu, l'assouplissement de la possibilité, pour les sociétés non cotées , quel que soit leur statut (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées...), de créer des actions à droit de vote multiple , et pas simplement des actions à droit de vote double comme aujourd'hui, dérogeant ainsi complètement au principe égalitaire selon lequel une action donne droit à une voix.

Votre rapporteur approuve le maintien des règles actuelles pour les sociétés cotées, pour lesquelles la détention du capital au sein du public ne se prête guère à des droits de vote multiple. Seule la possibilité de droits de vote double continuera à s'y appliquer, le cas échéant de façon automatique en vertu des dispositions adoptées dans la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange ».

La commission spéciale de l'Assemblée nationale, à l'initiative de nos collègues députés Patricia Mirallès et Adrien Taquet, a procédé au même assouplissement pour les sociétés par actions simplifiées faisant appel au financement participatif, par cohérence. Ces sociétés sont en effet soumises, au sein du code, à un régime spécifique issu de l'ordonnance n°  2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif.

Le projet de loi prévoit, en second lieu, la suppression du droit préférentiel de souscription en cas d'augmentation de capital pour toutes les actions de préférence , sauf stipulation contraire des statuts, alors que ce droit demeure aujourd'hui dans certains cas, notamment lorsque les actions ne donnent qu'un droit limité de participation aux dividendes, ce qui crée une complexité dans les opérations d'augmentation de capital en présence de détenteurs d'actions de préférence. Ce faisant, le texte supprime une sur-transposition par rapport à la directive 2012/30/UE du 25 octobre 2012 sur le droit des sociétés.

Le projet de loi, en troisième lieu, procède à la correction d'une incohérence rédactionnelle concernant la procédure dite des avantages particuliers. Cette procédure prévoit l'établissement d'un rapport par un commissaire aux comptes, appelé commissaire aux avantages particuliers, sur la création des actions de préférence, afin que les actionnaires existants soient pleinement informés des effets d'une telle création sur leurs droits futurs. Ainsi, cette procédure doit logiquement s'appliquer en cas d'émission d'actions de préférence au profit de toute personne et pas seulement au profit des actionnaires existants, comme le droit actuel en dispose.

Le projet de loi tend aussi à supprimer une disposition redondante concernant des restrictions en matière de création d'actions de préférence.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a également prévu la faculté de rachat des actions de préférence, par la société, à l'initiative conjointe de la société et du détenteur de l'action , et pas seulement à l'initiative exclusive de la société, comme c'est le cas en l'état du droit, en vue de faciliter la sortie du capital des investisseurs détenteurs des actions de préférence.

Enfin, le projet de loi précise que ces modifications du régime des actions de préférence ne sont applicables qu'aux actions émises à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans application rétroactive aux actions déjà émises. Votre rapporteur approuve pleinement cette précaution, gage de sécurité juridique et de stabilité pour les sociétés ayant déjà procédé à de telles émissions jusqu'à présent.

III. La position de votre commission

Il est ressorti des auditions de votre rapporteur que, si le régime actuel des actions de préférence n'est pas adapté aux réalités de la vie des sociétés, les mesures de simplification et d'assouplissement prévues par le projet de loi n'allaient sans doute pas assez loin pour le rendre réellement attractif et donc pour en faire un instrument efficace de nature à favoriser l'investissement dans les petites et moyennes entreprises.

Aussi votre commission a-t-elle adopté, sur la proposition de son rapporteur, un amendement COM-382 complétant en ce sens le projet de loi, dans la continuité des travaux du Sénat sur la proposition de loi précitée de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés.

Premièrement, votre commission a relevé, dans les sociétés non cotées, la proportion maximale du capital social que peuvent représenter les actions de préférence de la moitié aux trois quarts, afin de donner plus de marges de manoeuvre aux sociétés souhaitant recourir à ce type d'actions.

Deuxièmement, elle a prévu que les statuts de la société pouvaient autoriser le conseil d'administration ou le directoire à décider directement le versement de dividendes spécifiques pour les détenteurs d'actions de préférence , ce qui permettrait de donner des garanties à des investisseurs sur la rémunération du capital investi. Ce dispositif comporte des garanties, avec l'approbation des comptes annuels et la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'assemblée générale préalablement à cette décision, l'obligation d'égalité de traitement des actionnaires se trouvant dans la même situation et un compte rendu à l'assemblée générale suivante.

Troisièmement, votre commission a autorisé le rachat des actions de préférence à l'initiative exclusive de leur détenteur , alors qu'aujourd'hui le rachat est à l'initiative exclusive de la société et que le projet de loi ne prévoit que le rachat à l'initiative conjointe de la société et du détenteur, ce qui ne change guère les choses en pratique. Les trois modalités seraient possibles et il appartiendrait aux statuts de choisir, préalablement à l'émission. Il s'agit de simplifier la sortie des investisseurs du capital de la société dont ils ont accompagné le développement, et par conséquent d'encourager l'entrée au capital des investisseurs dès lors qu'ils peuvent plus librement en sortir s'ils le souhaitent. Des garanties sont prévues, avec la fixation des conditions et délais de rachat par les statuts, de façon à ce que la société puisse garder une certaine maîtrise du processus de rachat.

Ces mesures font consensus chez les organisations concernées par la question des actions de préférence.

En outre, par cet amendement, votre commission a procédé à une mise en cohérence dans la codification des dispositions applicables aux actions de préférence et a supprimé une mention inutile.

Votre commission a adopté l'article 28 ainsi modifié .

Article 28 bis
(art. L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce
et 163 bis G du code général des impôts)
Autorisation de rémunération des administrateurs et des membres
de conseil de surveillance en bons de souscription de parts
de créateur d'entreprise

I. Le droit en vigueur

1. L`encadrement des rémunérations des dirigeants

La rémunération des administrateurs et des membres du conseil de surveillance des entreprises est encadrée, dans des conditions définies aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce.

Sous réserve des dispositions relatives aux administrateurs salariés, l'article L. 225-44 prévoit que les administrateurs ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles prévues aux articles L. 225-45 (jetons de présence), L. 225-46 (rémunérations exceptionnelles pour mission ou mandat), L. 225-47 (rémunération du président du conseil d'administration) et L. 225-53 (directeurs généraux délégués). L'article L. 225-85 prévoit le même type de contrainte pour les membres du conseil de surveillance.

2. Les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE)

Les BSPCE prévus à l'article 163 bis G du code général des impôts confèrent à leurs bénéficiaires le droit de souscrire des titres représentatifs du capital de leur entreprise à un prix définitivement fixé au jour de leur attribution. Les BSPCE leur offrent ainsi la perspective de réaliser un gain en cas d'appréciation du titre entre la date d'attribution du bon et la date de cession du titre acquis au moyen de ce bon.

Les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, aux membres de leur personnel salarié et à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés.

Elles peuvent également attribuer ces bons aux membres du personnel salarié et aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés des sociétés dont elles détiennent au moins 75 % du capital ou des droits de vote.

Les BSPCE sont identifiés comme un outil très intéressant pour attirer et fidéliser des salariés. Souvent émis gratuitement et soumis à un régime fiscal et social favorable, ces bons permettent aux sociétés d'associer leurs salariés au développement de l'entreprise et notamment à la création de valeur, à moindre frais. Cela permet donc aux plus jeunes entreprises d'attirer des talents quand elles ne peuvent pas rivaliser en termes de salaires avec des sociétés plus établies.

C'est l'Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) qui décide de l'émission des bons ainsi que de l'émission des titres auxquels donneront droit les BSPCE.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 28 bis , article additionnel adopté en séance publique à l'initiative de notre collègue député et rapporteur, Roland Lescure, élargit les formes autorisées de rétribution des administrateurs en y ajoutant les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) définis par l'article 163 bis G du code général des impôts.

L'objectif affiché par le rapporteur de l'Assemblée nationale est d'« attirer dans des jeunes entreprises des administrateurs suffisamment motivés et qualifiés, sans avoir dans l'immédiat les moyens de leur offrir des rémunérations suffisamment attractives sous forme de jetons de présence ».

Le I de l'article 28 bis modifie le code de commerce. Tout d'abord il complète le premier alinéa de l'article L. 225-44 en indiquant que les administrateurs « peuvent toutefois être rémunérés sous la forme d'attribution de bons mentionnés au II de l'article 163 bis G du code général des impôts ». Il modifie ensuite l'article L. 225-85 pour consacrer la même possibilité en faveur des membres du conseil de surveillance, mais selon une rédaction différente : l'attribution de BSCPE est insérée dans la liste des exceptions aux interdictions de rémunération, au même titre, par exemple, que les jetons de présence.

Le II du présent article modifie également l'article 163 bis G du code général des impôts.

Tout d'abord il précise que les conditions d'imposition des bons attribués s'apprécient lorsque la personne exerce son activité « ou, le cas échéant, son mandat », depuis moins de trois ans. Il est ainsi fait référence au cas des administrateurs ou membres de conseil de surveillance qui n'exercent pas une activité mais seulement un mandat.

Ensuite il consacre la nouvelle catégorie des bénéficiaires des BSPCE puisqu'il indique que « les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, aux membres de leur personnel salarié et aux membres de leur conseil d'administration, de leur conseil de surveillance ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent ». Il n'est dès lors plus fait référence aux « dirigeants soumis au régime fiscal des salariés ».

III. La position de votre commission

Lors des auditions de vos rapporteurs, toutes les personnes interrogées ont salué l'évolution législative amenée par l'article 28 bis . La direction générale du Trésor a quant à elle précisé que cette réforme répondait à une demande de France Digitale et des entreprises « notamment des secteurs des biotechs et des medtechs. En effet, dans un communiqué du 5 juin 2018, l'autorité des marchés financiers (AMF) indiquait avoir identifié le développement d'une pratique de la part d'une catégorie d'émetteurs (« biotechs » et « medtechs ») consistant à émettre des bons de souscription d'actions (BSA) attribués à des administrateurs à titre gratuit ou à des conditions de prix qui ne reflètent pas leur valeur de marché ». Or, compte tenu des limites posées par l'article L. 225-44 du code de commerce, l'AMF recommandait aux sociétés intéressées par l'attribution de BSA de les émettre à des conditions de marché afin de garantir la légalité de ces bons.

Dans son avis du 5 juin l'AMF concluait que « l'étude du régime juridique applicable aux rémunérations des administrateurs dans différents Etats, en Europe et aux Etats-Unis, montre une disparité en la matière. Certains régimes juridiques étrangers prohibent strictement les rémunérations en capital ou quasi-capital versées aux administrateurs quand d'autres accueillent plus favorablement cette pratique. Au regard des expériences étrangères et des incidences possibles de ces différences sur la compétitivité de la Place financière de Paris, une réflexion pourrait être initiée quant à l'opportunité de faire évoluer le cadre juridique existant, notamment pour les sociétés nouvelles ou issues du secteur des biotechnologies. Pour sa part, l'AMF a saisi le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) afin d'engager une réflexion sur ce sujet ».

Le groupe de travail mis en place par le HCJP a préconisé une évolution du régime des BSPCE.

Votre commission a décidé de confirmer cette évolution législative qui semble particulièrement utile aux entreprises. Elle a toutefois adopté un amendement rédactionnel (COM-490) visant à assurer un parallélisme des formes dans les modifications apportées aux deux articles concernés du code de commerce, en optant pour la logique d'évolution de l'article L. 225-85 (c'est-à-dire en complétant l'énumération des exceptions à l'interdiction de rémunérer).

Votre commission a adopté l'article 28 bis ainsi modifié .

Article 28 ter (supprimé)
(art. 522, 523, 524, 524 bis, 530, 533, 534, 535, 536, 545, 548, 549,
550 et 553 du code général des impôts)
Modification des dispositions relatives aux poinçons apposés
sur les métaux précieux

I. Le droit en vigueur

Les dispositions législatives régissant le commerce d'orfèvrerie et de joaillerie et les contrôles s'exerçant dans les ventes publiques, chez les fabricants et les marchands, sont aujourd'hui codifiées aux articles 521 à 553 bis du code général des impôts (CGI).

Le « titre » des ouvrages en métaux précieux (or, argent et platine) désigne le degré de pureté de l'alliage utilisé 403 ( * ) . Le poinçon désigne à la fois le titre et le paiement des droits afférents pour chaque objet de métal précieux.

Exprimé en millièmes (et en carats avant 1995), il est soumis à une législation et à une réglementation particulières ayant pour finalité de protéger le consommateur final et d'éviter la fraude. Ce dispositif s'inscrit également dans notre histoire institutionnelle depuis l'Ancien Régime.

La garantie des métaux précieux :
une continuité dans notre histoire institutionnelle

Le service de la garantie est un service de l'État remplaçant la Ferme générale du roi, devenue régie générale des Aides en 1774, dans un contexte marqué par mutation de la profession d'orfèvre, dont le caractère artisanal et familial avait cédé peu à peu la place à une production industrialisée.

La première loi relative à la surveillance du titre et à la perception des droits de garantie des matières d'or et d'argent a été promulguée le 19 brumaire an VI (9 novembre 1797).

Des bureaux de garantie , créés par l'arrêté du Directoire exécutif du 15 Prairial An VI (4 juin 1798), assurent la vérification des objets réalisés en métal précieux. Ils sont aujourd'hui au nombre de dix, répartis sur l'ensemble du territoire national 404 ( * ) .

La Direction générale des douanes et des droits indirects s'est vue transférer en 1993 les missions de gestion, de recouvrement et de contrôle de toutes les contributions indirectes , dont celles relatives aux métaux précieux, et qui étaient précédemment prises en charge par la Direction générale des impôts.

En outre, les dispositions applicables en France continentale en matière de fiscalité indirecte sur les métaux précieux ne sont pas mises en oeuvre de plein droit en Corse, par le fait d'un décret dit « impérial » du 24 avril 1811 . Ainsi, les fabricants et marchands d'ouvrages de métaux précieux en Corse ne sont pas tenus de faire essayer, titrer et marquer leurs ouvrages du poinçon de garantie.

Afin de s'assurer que la proportion de métal précieux est conforme aux obligations légales, tout objet ou ouvrage en métal précieux doit être testé - on parle en l'occurrence d'« essai au toucheau »-, c'est-à-dire soumis à une opération chimique afin de préciser la nature de l'alliage qui le constitue.

À l'issue de cet essai, deux poinçons métalliques sont apposés sur l'ouvrage :

- le poinçon dit « de garantie », apposé par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) dans l'un de ces dix bureaux de garantie présents sur le territoire, ou par l'un des quatre laboratoires privés accrédités par le COFRAC (Comité français d'accréditation) et agréés par la douane, ou encore par le fabricant lui-même, sous réserve d'une convention passée avec l'État à cet effet ;

- le poinçon « de maître » (en forme de losange pour les fabricants) ou « de responsabilité » (en forme d'ovale pour les importateurs) qui assure la traçabilité de l'origine du bijou et engage le professionnel à respecter les règles de garantie. Ce poinçon permet également à la douane d'identifier le professionnel responsable de la commercialisation de l'ouvrage.

La loi du 4 janvier 1994 405 ( * ) et le décret du 21 février 1995 406 ( * ) ont permis le poinçonnage des ouvrages de métaux précieux par des professionnels agréés par la douane, en dehors de toute contribution fiscale.

Les fabricants doivent donc respecter l'obligation de faire poinçonner leurs ouvrages. Cependant, le choix, pour les fabricants, de faire apposer le poinçon de garantie par l'un des dix bureaux compétents territorialement, implique une contribution aux poinçonnages et essai des métaux précieux , dont les recettes sont affectées au budget général de l'État.

Cette taxe , dont l'estimation du coût était supérieure à son rendement, a été supprimée par l'article 26 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 407 ( * ) .

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 28 ter adopté en séance , suite à un amendement présenté par notre collègue député, Roland Lescure du groupe La République en Marche et rapporteur général de la commission spéciale, propose de modifier les dispositions des chapitres II et III de la première partie du livre I er du code général des impôts relatives aux poinçons. Elles visent à :

- renvoyer à un décret le soin de fixer les autorités et organismes compétents pour assurer la gestion des poinçons de garantie. Il est ainsi proposé de modifier l'article 522 du CGI en précisant désormais que « le titre des ouvrages est garanti par l'apposition, par les entités définies par décret, du poinçon prévu à l'article 523 ». Cette modification remet en cause la garantie du titre des ouvrages relevant jusqu'à présent de la compétence de l'État, des organismes de contrôle agréés par lui ou encore des professionnels habilités par une convention conclue avec l'administration des douanes et des droits indirects. En outre, l'article 530 du CGI est modifié afin de tenir compte de la fin de la compétence du service de la garantie ou de l'organisme de contrôle agréé pour l'examen du titre d'un ouvrage.

En conséquence, l'article 523, qui précise les modalités d'attestation de la garantie du titre, soit par l'apposition d'un poinçon de garantie métallique et commercialisé par la Monnaie de Paris, soit par le marquage au laser d'un poinçon, est modifié : le rôle du poinçon de garantie, qui est d'assurer à l'acheteur le titre du produit mis sur le marché, est rappelé, mais ses modalités d'application sur chaque pièce sont désormais renvoyées au règlement ;

- rendre facultative l'apposition des poinçons de fabricant , à savoir les « poinçons de maître » ou les « poinçons de responsabilité » sur les ouvrages en métaux précieux, comme en dispose la réécriture de l'article 524 du CGI qui prévoit également que « la forme (du poinçon du fabricant) ainsi que les conditions sont fixées par décret .» Cette faculté s'étend donc aux ouvrages importés, pour lesquels seul un poinçon de titre enregistré dans l'État d'origine est exigé, ainsi qu'aux ouvrages exportés, comme en dispose la nouvelle version proposée de l'article 545 du CGI ;

- modifier les obligations déclaratives des fabricants et des marchands ou personnes assimilées : l'obligation impartie aux fabricants d'ouvrages d'or, d'argent ou de platine de transmettre au bureau de garantie compétent leur poinçon de maître - on parle en l'occurrence d'« insculpation » - et les obligations déclaratives de profession des marchands et personnes assimilées auprès du bureau de garantie compétent disparaissent avec l'abrogation proposée des articles 533 et 534 du CGI.

Les opérations d'essayage, de titrage et de marquage ne sont plus du ressort des bureaux de garantie ou des organismes de contrôle agréés auparavant compétents ; les professionnels dérogeant à ce dispositif ne pouvant plus exécuter ces opérations en vertu d'une convention préalablement passée avec l'administration des douanes et des droits indirects ;

- remplacer le livre de police par une comptabilité-matière comme en dispose la nouvelle version de l'article 536 du CGI. La comptabilité-matière permet le suivi régulier des entrées, des sorties et des quantités des articles en stock, alors que le livre de police permettait d'enregistrer les transactions et ainsi de garder une trace de l'origine des objets et de leur prix d'acquisition. Ce livre devait également être présenté à l'autorité publique à toute réquisition ;

- modifier les règles relatives à l'importation d'ouvrages précieux en provenance d'un État non membre de l'Union européenne ou d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, ainsi que de la Turquie : en tenant compte des conséquences de la fin de l'obligation du poinçon de responsabilité, des conventions passées avec la direction générale des douanes et des droits indirects, ainsi que de la compétence des bureaux de garantie ou des organismes de contrôle agréés ;

- supprimer la déclaration spécifique de plaquage et de doublage des ouvrages , par la suppression proposée du premier alinéa de l'article 550 du CGI.

En outre, la référence au fonctionnement des bureaux de garantie et des organismes de contrôle agréés est supprimée, du décret destiné à préciser les modalités d'application des articles relatifs aux ouvrages d'or, d'argent ou de platine, visé à l'article 553 du CGI.

Enfin, l'ensemble de ces dispositions doit entrer en vigueur au 1 er juillet 2019.

III. La position de votre commission

Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

Introduites en première lecture par un amendement en séance publique, les dispositions de cet article ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figurent dans le projet de loi initialement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

À ce titre, votre rapporteur considère que cet article 28 ter est issu d'un amendement dont le contenu permet de l'identifier comme un « cavalier législatif . »

En outre, le dispositif de cet article semble avant tout la conséquence de la suppression de la contribution aux poinçonnages et essai des métaux précieux , réalisée par la loi de finances pour 2019.

Or, comme le souligne notre collègue, Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, « la suppression de cette taxe doit se comprendre comme la première étape d'une évolution importante des règles sectorielles applicables aux fabricants de métaux précieux » 408 ( * ) .

Il relève également qu'une telle évolution « soulève d'importantes questions de sécurité et de protection du consommateur » . Il participe également à l'évolution des compétences de la direction générale des douanes et des droits indirects, déjà évoquée par un rapport de l'Inspection des finances de 2014. 409 ( * )

Compte tenu de l'absence de lien avec le projet de loi et des conséquences de ses dispositions sur l'ensemble du secteur économique de la transformation des métaux précieux ainsi que sur la protection des consommateurs , votre rapporteur vous propose de supprimer cet article 28 ter .

En adoptant l' amendement COM-553 proposé par votre rapporteur, votre commission a supprimé l'article 28 ter.

Article 29
(art. 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative
à l'économie sociale et solidaire, art. L. 3332-17-1 du code du travail)
Modernisation de l'agrément
« Entreprise solidaire d'utilité sociale - ESUS »

I. Le droit en vigueur

1. Le critère de « l'utilité sociale »

L'article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire définit les critères permettant à une entreprise d'être considérée comme « d'utilité sociale ». Cette qualification lui permet d'être incluse dans le champ de l'économie sociale et solidaire (ESS), lorsqu'elle remplit par ailleurs d'autres conditions, énumérées par l'article 1 er de cette loi :

- un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;

- une gouvernance démocratique, prévue par les statuts, où la voix de chacun ne repose pas exclusivement sur l'apport en capital ou le montant de la contribution financière ;

- une gestion où les ressources de l'entreprise sont majoritairement consacrées à l'activité de l'entreprise, ce qui implique un strict encadrement des bénéfices et des réserves.

Aux termes de l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014, l'utilité sociale se déduit de l'objet social de l'entreprise. Pour être reconnue « d'utilité sociale », l'entreprise doit ainsi avoir un objet social portant, à titre principal, sur au moins l'une des trois activités suivantes :

- apporter un soutien à des personnes en fragilité socio-économique ou en raison de leur état de santé, ou à des personnes nécessitant un accompagnement social ou médico-social ;

- lutter contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, ou contribuer à l'éducation à la citoyenneté, à la préservation du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;

- contribuer au développement durable , à la transition énergétique ou la solidarité internationale, dans la mesure où ces actions participent également des missions citées aux deux premiers points.

2. L'agrément « Entreprise solidaire d'utilité sociale »

L'article L. 3332-17-1 du code du travail, modifié par l'article 11 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 précitée, définit l'agrément « Entreprise solidaire d'utilité sociale », les conditions auxquelles les entreprises peuvent prétendre à cet agrément et les entreprises qui en bénéficient de plein droit.

En principe, cet agrément est délivré par le préfet du département où l'entreprise a son siège social lorsque l'entreprise remplit les critères suivants :

- elle poursuit comme objectif principal la recherche d'une utilité sociale, définie à l'article 2 de la loi précitée ;

- cet objectif a un impact significatif sur ses résultats financiers, évalué à partir de son compte de résultat et desa rentabilité financière ;

- sa politique de rémunération prévoit un encadrement des rémunérations maximales, selon deux critères :

- la moyenne des rémunérations annuelles des cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés ne doit pas être supérieure à 7 fois la rémunération annuelle d'un salarié à temps complet sur la base du salaire minimum de croissance, ou du salaire minimum de branche si ce dernier lui est supérieur ;

- les sommes versées, y compris les primes, au salarié ou dirigeant le mieux rémunéré, ne doivent pas excéder un plafond fixé à dix fois la rémunération annuelle selon les critères précédemment retenus ;

- les titres de capital de l'entreprise - s'ils existent - ne peuvent être échangés sur des marchés financiers dont le fonctionnement n'est pas assuré par une société de gestion de portefeuille ou organisme similaire étranger.

Les critères relatifs à l'objet social et à la politique de rémunération doivent être inscrits dans les statuts .

Néanmoins, certaines catégories d'entreprises limitativement définies se voient délivrer de plein droit cet agrément , à condition qu'elles respectent en particulier la condition relative à la nature des titres de capital mentionnée ci-dessus. Il s'agit :

- des entreprises d'insertion ;

- des entreprises de travail temporaire d'insertion ;

- des associations intermédiaires ;

- des ateliers et chantiers d'insertion ;

- des organismes d'insertion sociale ;

- des services de l'aide sociale à l'enfance ;

- des centres d'hébergement et de réinsertion sociale ;

- des régies de quartier ;

- des entreprises adaptées ;

- des établissements et services d'aide par le travail ;

- des organismes agréés mentionnés à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation ;

- des associations et fondations reconnues d'utilité publique et considérées comme recherchant une utilité sociale telle que définie précédemment ;

- des organismes agréés mentionnés à l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- des établissements et services accompagnant et accueillant des enfants et des adultes handicapés.

Enfin, l'article prévoit l'assimilation de certains organismes au statut d'ESUS agréées pour :

- les organismes de financement respectant des conditions sur la composition de leur actif. Leur actif doit être composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises de l'ESS, et parmi ces 35 %, au moins 5/7 e de titres émis par des entreprises bénéficiant de l'agrément ESUS,

- les établissements de crédit dont au moins 80 % des prêts et investissements sont effectués en faveur des ESUS.

II. Le texte du projet de loi

La refonte du dispositif ESUS proposé par le présent article vise à clarifier l'objet social des entreprises , jugé trop flou, ce qui peut bloquer l'obtention de l'agrément, contrairement aux objectifs poursuivis par la loi. D'après l'étude d'impact du projet de loi, les critères relatifs à l'objet social « [sont] présenté[s] de manière assez obscure et peu cohérente, donnant par ailleurs lieu à des interprétations souvent trop restrictives des services instructeurs, habitués aux critères traditionnels (sociaux) » .

Le système d'obtention de l'agrément est également jugé trop restrictif par l'étude d'impact du Gouvernement, d'où la volonté d'harmoniser certaines conditions d'accès, conformément aux demandes effectuées par les principales catégories d'entités dispensées de certaines obligations. De fait, il apparaît que les conditions de délivrance de l'agrément ESUS varient fortement d'une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) à l'autre.

À cet effet, le texte présenté par le Gouvernement prévoyait trois objectifs d'amélioration du dispositif ESUS :

- en faciliter l'accès , notamment dans le champ de la transition écologique, de la promotion culturelle ou de la solidarité internationale, en formulant dans la loi, de manière plus explicite qu'actuellement, l'ouverture de l'agrément ESUS à ces nouveaux secteurs d'activité, tout en maintenant la sélectivité du dispositif ;

- simplifier les modalités d'appréciation de l'impact des activités d'utilité sociale sur le modèle économique des entreprises candidates à l'agrément ;

- supprimer l'obligation d'inscrire, dans les statuts des entreprises candidates à l'agrément, l'encadrement des écarts de rémunération et harmoniser à l'ensemble des entreprises éligibles l'application de cet encadrement.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le I du texte adopté par l'Assemblée nationale élargit la notion d'« utilité sociale » en redéfinissant le champ des objets possibles pour les entreprises désireuses d'obtenir l'agrément ESUS.

L'article 29, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, précise les objets sociaux rentrant dans la notion d'utilité sociale de l'entreprise, définie à l'article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, en distinguant :

- les exigences-clefs de solidarité, qui peuvent être de trois ordres : i) soutenir des publics ciblés en fonction de leur degré de vulnérabilité, ii) maintenir et/ou recréer des cohésions sociales et territoriales ou iii) promouvoir des formes de sensibilisation citoyenne,

- les secteurs d'activités éligibles à l'agrément : i) le champ social, médico-social et sanitaire, ii) le développement durable et la transition écologique, iii) la promotion culturelle ou iv) la solidarité internationale.

L'article précise donc l'interprétation de la notion d'utilité sociale, qui doit correspondre à l'une des quatre catégories suivantes (contre trois auparavant) :

- soutenir des personnes fragiles du fait de leur situation socio-économique, médico-sociale et sanitaire, et lutter contre leur exclusion ;

- participer à la cohésion sociale et territoriale ;

- contribuer à l'éducation à la citoyenneté et la réduction des inégalités sociales et culturelles. L'accent est en particulier mis sur la réduction des inégalités de genre.

L'inscription explicite de la lutte contre les inégalités et la précision relative aux inégalités entre femmes et hommes ont été apportée, avec l'avis favorable du Gouvernement, par l'amendement défendu en commission par notre collègue députée Fadila Khattabi et d'autres membres du groupe LaREM, sous-amendé par le rapporteur Jean-Noël Barrot, ses auteurs estimant indispensable de rétablir une notion présente dans la rédaction initiale de l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014 et objectif majeur auquel contribuent ces entreprises, notamment à travers leurs actions en termes d'éducation citoyenne ;

- concourir au développement durable, à la transition écologique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale, dans la mesure où ce concours participe des trois missions précitées (soutien aux personnes fragiles, cohésion territoriale, participation à l'éducation à la citoyenneté).

Cette dernière rédaction est issue de l'amendement de notre collègue Adrien Taquet et plusieurs autres collègues députés, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur. Elle vise à maintenir la sélectivité des critères d'obtention de l'agrément ESUS, afin d'orienter l'épargne vers des modèles économiques exigeants en termes de solidarité, notamment dans la mesure où l'agrément entraîne un soutien fiscal destiné à compenser les exigences de cette solidarité (perte de rentabilité, contraintes de suivi).

Le II de l'article adopté par l'Assemblée nationale modifie également les conditions d'obtention de l'agrément prévu à l'article L. 3332-17-1 du code du travail, pour les simplifier et les harmoniser .

En premier lieu, il simplifie l'appréciation de la charge induite par l'objectif d'utilité sociale, en la réduisant au seul impact significatif sur le compte de résultat : elle ne tient donc plus compte de l'impact sur la rentabilité financière de l'entreprise. Cette simplification vise à clarifier l'évaluation des conséquences de l'objectif d'utilité sociale sur la santé financière de l'entreprise, afin de faciliter le travail des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) dans leur examen des demandes d'agrément. La restriction des critères retenus pour l'évaluation vise également à limiter la part d'interprétation et donc à unifier davantage le traitement des demandes à l'échelle nationale.

En second lieu, l'article retire l'obligation pour l'entreprise de mettre dans ses statuts les règles relatives aux écarts de rémunération . Si ces règles sont toujours des critères pertinents, retenus pour l'évaluation de la demande d'agrément ESUS, il n'est désormais plus indispensable qu'elles figurent dans les statuts de l'entreprise pour obtenir cet agrément. L'étude d'impact juge en effet qu'il s'agit d'une pure exigence formelle, et « qu'il est très simple de justifier du respect du plafond par d'autres moyens ». Pour contrebalancer le manque de contrôle que pourrait entraîner ce retrait, les conditions que doivent explicitement respecter les entreprises bénéficiant du statut d'ESUS de plein droit sont élargies aux critères relatifs aux écarts de rémunération précités.

Enfin, l'article prévoit que les entreprises qui bénéficient actuellement de l'agrément continuent d'en bénéficier jusqu'à son terme (au maximum 3 ans ou 5 ans selon la situation retenue), ce qui sécurise juridiquement la situation des agréments déjà délivrés.

IV. La position de votre commission

L'élargissement du champ de l'utilité sociale apparaît approprié , car il permet de soutenir un maximum d'initiatives entrant dans le champ de l'économie sociale et solidaire, sans pour autant faire disparaitre une nécessaire sélectivité dans la délivrance de l'agrément .

L'article apparaît ainsi équilibré, apportant des réponses adaptées aux demandes des acteurs de l'ESS et des Direccte, par la clarification et l'harmonisation des critères retenus pour l'obtention de l'agrément ESUS.

Votre commission a adopté l'article 29 sans modification.

Article 29 bis
Affacturage inversé collaboratif

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

L'affacturage est un mode de cession de créances largement répandu dans le monde des affaires. Il fait intervenir trois acteurs :

- une entreprise cliente qui a commandé une prestation et qui est débitrice de son fournisseur ;

- un fournisseur qui a réalisé la prestation et détient en conséquence une créance sur l'entreprise cliente ;

- un intermédiaire financier (appelé factor ou affactureur) qui acquiert la créance auprès du fournisseur et se substitue à ce dernier pour réclamer paiement de la créance auprès de l'entreprise débitrice.

C'est le fournisseur qui est à l'initiative de cette opération financière, qui ne requiert nullement l'accord de l'entreprise débitrice. En recevant immédiatement le paiement de sa facture, le fournisseur limite les démarches administratives de recouvrement et s'assure contre le défaut de paiement de son client. L'affacturage est également souvent utilisé comme mode de financement à court terme de la trésorerie des entreprises.

L'intermédiaire financier qui assure désormais les opérations administratives de recouvrement de la créance (relances, etc.) et endosse le risque de délais de paiement, voire de non-paiement, se rémunère par le biais d'une commission payée par le fournisseur qui a fait appel à ses services.

L'affacturage inversé est un procédé similaire, mais déclenché à l'initiative de l'entreprise débitrice pour permettre à ses fournisseurs d'être payés plus rapidement. Ce faisant, elle s'assure que ses fournisseurs conservent une trésorerie saine, gage de pérennité, et les fidélise. Le fournisseur est libre d'accepter ou non d'avoir recours au service de l'intermédiaire financier. S'il accepte, une convention est alors signée entre les trois acteurs de la transaction.

L'affacturage inversé est plus souvent utilisé par des grands groupes qui peuvent ainsi faire bénéficier à leurs fournisseurs de taux préférentiels auprès de leur intermédiaire financier.

Ce dispositif, qui pourrait être très utile en droit de la commande publique, n'y est à ce jour que peu répandu. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, l'union des groupements d'achats publics a recours à ce dispositif pour seulement 5 % de ses fournisseurs 410 ( * ) . Certains établissements publics hospitaliers 411 ( * ) l'utilisent également.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue député Patrick Mignola, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, avec les avis favorables du rapporteur et du ministre. En séance publique, il a été modifié par deux amendements rédactionnels du rapporteur.

Le présent article prévoit que dans le cadre d'un marché public, le pouvoir adjudicateur peut avoir recours à l'affacturage inverse (1 er alinéa du présent article), dans les conditions prévues par une convention tripartite (2 ème alinéa du présent article).

Il prévoit également (3 ème alinéa du présent article) que lorsqu'il s'agit d'une personne morale de droit public, le contrôle du comptable public s'exerce normalement et que celui-ci vise ladite convention. En effet, le comptable public est tenu d'effectuer certains contrôles préalables au paiement d'une dépense publique 412 ( * ) portant sur la qualité de l'ordonnateur, la disponibilité des crédits, le caractère libératoire du paiement ainsi que sur la validité de la dette qui comprend, notamment, la justification du service fait, l'exactitude de la liquidation et la production des pièces justificatives. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, ces contrôles seront, en cas de recours à l'affacturage inversé, effectués par le comptable public dans les mêmes conditions que lors du paiement effectué au fournisseur de l'acheteur public. La seule différence tiendra au fait que le paiement ne sera pas effectué au fournisseur, qui aura vu sa facture réglée par l'intermédiaire financier, mais à ce dernier.

Par ailleurs, toujours d'après les informations recueillies par votre rapporteur, la possibilité de recourir aux services d'un intermédiaire financier ne sera pas nécessairement précisée dès les documents de consultation mais devra se traduire dans les documents contractuels, le cas échéant, par voie d'avenant. Dans tous les cas, la convention passée entre le pouvoir adjudicateur et l'intermédiaire financier constituera un marché distinct qui sera transmis par le pouvoir adjudicateur, en sa qualité d'ordonnateur, au comptable public lorsqu'il en est doté. Outre cette convention d'affacturage, l'ordonnateur transmettra également au comptable le marché initial entre l'acheteur public et le fournisseur et les pièces y afférentes.

III. La position de votre commission

L'affacturage inversé est un mode de financement à court terme des entreprises très utile, tout particulièrement dans le cadre des commandes publiques. Il est donc souhaitable d'encourager son développement en fonction des besoins des entreprises, notamment afin de soutenir les petites et moyennes entreprises fournisseurs des personnes publiques, parfois fragilisées par les délais de paiement 413 ( * ) .

Votre commission spéciale s'étonne toutefois que l'Assemblée nationale ait jugé utile de recourir à un article de loi pour rappeler une possibilité déjà ouverte aux personnes publiques. Le seul apport du présent article réside dans l'encadrement du dispositif (précisions sur les modalités de contrôle par le comptable public) : votre commission ne proposera donc pas sa suppression.

En revanche, rien ne justifie que le dispositif soit ouvert aux seuls pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices pouvant également très légitimement avoir vocation à y recourir.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a donc adopté l'amendement COM-565 tendant à étendre le champ d'application du présent article à l'ensemble des « acheteurs mentionnés à l'article L. 1210-1 du code de la commande publique 414 ( * ) », tout en tenant compte de l'abrogation de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui prendra effet au 1 er avril 2019 415 ( * ) . Ce même amendement définit par ailleurs des mécanismes juridiques plus simples et opérationnels que le recours à une convention tripartite, prévu par les députés, par lesquels s'effectuera l'opération d'affacturage : la cession de créance ou la subrogation conventionnelle.

Enfin, il autorise explicitement les établissements de crédit, les sociétés de financement et les FIA - fonds d'investissement alternatifs définis par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier - à agir en qualités d'affactureurs dans ce cadre.

Votre commission a adopté l'article 29 bis ainsi modifié.

Sous-section 2
Moderniser la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations
pour améliorer ses actions en faveur des territoires
Article 30 A (supprimé)
(art. L. 518-2 du code monétaire et financier)
Intervention de la Caisse des dépôts et des consignations
en faveur des transitions énergétique et numérique

Le présent article a pour objet d'inscrire dans la loi les missions d'accompagnement aux transitions énergétique et numérique des territoires par la Caisse des dépôts et consignations.

I. Le droit en vigueur

1. Un statut ad hoc

La Caisse des dépôts et des consignations (CDC) a été créée par l'article 110 de la loi du 28 avril 1816, et placée « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». La jurisprudence est venue progressivement éclairer les contours de cet établissement particulier. Dans sa décision Bergerat du 4 janvier 1865, le Conseil d'État a qualifié la CDC « d'établissement spécial, vivant sa propre vie et distinct de l'État ». En 1947, le Conseil d'État a admis que la CDC était un établissement public 416 ( * ) .

Il ne s'agit pas non plus d'un établissement bancaire , même si, à l'image du Trésor public, de la Banque de France et de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, la CDC peut effectuer des opérations de banque sans pour autant être soumise au régime des établissements bancaires. Cette exclusion du champ bancaire a été validée par le Conseil constitutionnel en 1984 417 ( * ) .

L'adoption de la loi de modernisation de l'économie 418 ( * ) a confirmé la nature spéciale de la CDC. Ainsi, aux termes de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, la CDC est définie comme un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays .

2. Un champ d'activité étendu

Aux termes de l'article 518-2 précité , la CDC est chargée d'assurer des activités d'intérêt général, et elle peut exercer des activités concurrentielles . Outre l'administration des dépôts et des consignations, elle est chargée « d'assurer les services relatifs aux caisses et aux fonds dont la gestion lui a été confiée et d'exercer les autres attributions de même nature qui lui sont légalement déléguées », « de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite ». Enfin, elle a vocation à contribuer « au développement économique local et national, particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la politique de la ville, de la lutte contre l'exclusion bancaire et financière, de la création d'entreprise et du développement durable ».

La loi de 2008 de modernisation de l'économie précitée a modifié la rédaction de cet article en clarifiant les dispositions respectives des articles L. 518-1 et L. 518-2 du code monétaire et financier. Le premier est désormais relatif aux dispositions générales des établissements et services autorisés à effectuer des opérations bancaires, tandis que le second est dédié aux missions de la CDC.

En ce qui concerne ses missions d'intérêt général, la CDC assure les missions suivantes :

- centraliser, transformer et gérer les dépôts réglementés (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d'épargne populaire) en faveur de programmes d'intérêt général, via le fonds d'épargne. En 2017, le résultat net courant du fonds d'épargne s'élevait à 1,4 milliard d'euros, pour un encours des dépôts de 244 milliards d'euros. L'encours des prêts aux acteurs institutionnels et économiques s'élevait quant à lui à 185 milliards d'euros, dont 159 milliards d'euros à destination du financement de la politique du logement social 419 ( * ) ;

- agir en tant que dépositaire de confiance pour les dépôts de professions juridiques et les consignations 420 ( * ) . La CDC assure également les prestations bancaires de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et d'autres établissements publics ;

- gérer les régimes de retraite et des fonds de solidarité . Ainsi, la CDC gère une cinquantaine de fonds qui couvrent 7,5 millions d'actifs et 3,5 millions de pensionnés, soit un retraité sur cinq en France 421 ( * ) ;

- contribuer au développement économique local et national . Cette mission se traduit principalement par une expertise et un appui financier aux collectivités territoriales, une participation au capital de sociétés mixtes, universités ou dans des partenariats publics privés. En 2017, la CDC a mobilisé 671 millions d'euros de fonds propres en ce sens.

La CDC a développé ses activités concurrentielles via ses filiales :

- en matière de transport , avec Transdev ;

- en matière d'immobilier et de tourisme , avec Icade, CDC Habitat et la Compagnie des Alpes ;

- en matière de banque-assurance avec la participation au groupe la Poste et la filiale CNP Assurances qui occupe la première place de l'assurance des personnes sur le marché français avec 38 millions d'assurés ;

- en matière de développement d'infrastructures avec ses participations dans Egis et l'aéroport de Lyon ;

- en matière d'énergie avec ses participations au capital de CNR, RTE, GRT gaz ;

- plus largement, dans la gestion d'actifs , telles qu'avec sa filiale CDC international capital.

Par ailleurs, la CDC détient 50 % du capital de la Banque publique d'investissement ( BpiFrance ), créée par le législateur en 2012 422 ( * ) .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, adopté à l'initiative de notre collègue Eric Pauget en séance publique, après un double avis de sagesse de la commission et du Gouvernement , modifie l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, qui définit les missions et le mode de gouvernance de l'établissement.

Il ajoute la mention des transitions énergétique et numérique dans le champ des interventions de la Caisse des dépôts et des consignations .

L'objet de l'amendement précise que même si la CDC intervient déjà en matière de transitions énergétique et numérique, le fait que le législateur inscrive ce domaine parmi ses missions permet d'en faire un des axes majeurs de son action.

III. La position de votre commission

Si votre commission estime qu'il est justifié que la CDC s'engage dans les transitions énergétique et numérique, elle relève néanmoins que cette disposition a une portée limitée .

D'une part, la mention des transitions énergétique et numérique apparaît redondante avec celle du développement économique local et national auquel la CDC doit contribuer en application de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, résultant de sa rédaction actuelle.

D'autre part, l'intervention de la CDC en matière de transition énergétique et numérique ne nécessite pas de base légale dédiée . D'après les informations transmises par la CDC à votre rapporteur, près de 18 milliards d'euros d'investissement ont été dédiés à la transition écologique entre 2014 et 2017. Elle prévoit d'allouer près de 16 milliards d'euros à l'économie verte d'ici 2020, sous forme de prêts et d'investissements, soit près de 20 % de son activité de prêts fléchée vers des projets dits « verts ». L'accompagnement des directions régionales de la CDC envers les collectivités territoriales pour le financement du déploiement du très haut débit constitue également une illustration de l'implication de la CDC en matière de transition numérique.

Par ailleurs, votre commission s'interroge sur l'effet contre-productif de l'inscription d'une telle thématique dans le champ d'action de la CDC . Les termes de « transitions énergétique et numérique » pourraient s'avérer rapidement obsolètes. De plus, la mention de transitions énergétique et numérique pourrait in fine contraindre l'action de la CDC, en contradiction avec l'intention initiale de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale. Un maillage trop fin du champ d'intervention de la CDC pourrait conduire à encadrer de façon inutilement rigide les possibilités d'investissement et de déploiement de l'action de la CDC sur l'ensemble du territoire .

Par conséquent, votre rapporteur propose de supprimer le présent article. Un amendement COM.331 a été adopté en ce sens.

Votre commission a supprimé l'article 30 A.

Article 30
(art. L. 518-4 du code monétaire et financier)
Composition de la commission de surveillance
de la Caisse des dépôts et des consignations (CDC)

I. Le droit en vigueur

1. Un modèle de gouvernance original

En 1815, la monarchie est rétablie après l'échec des Cent-jours et la chute de l'Empire de Napoléon Bonaparte. Afin de s'acquitter de l'indemnité due à la dette de guerre, le Roi Louis XVIII décide de recourir à l'emprunt. Toutefois, la confiance des Français dans l'emprunt public a été malmenée au gré des crises financières répétées et de la dette publique contractée depuis la Révolution. Par conséquent, la loi du 28 avril 1816 créée à son article 110 un établissement spécial, chargé d'assurer la mission de dépositaire de confiance des fonds privés .

L'article 115 de la loi précitée place cet établissement spécial, la CDC, sous la surveillance du Parlement afin de le prémunir contre l'arbitraire du pouvoir exécutif. Cet article disposait ainsi qu'« il ne pourra, dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, être porté atteinte à sa dotation, car cet établissement est placé, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » 423 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a reconnu que cette protection par l'autorité législative contribuait à la nature particulière de la CDC. En effet, dans sa décision du 19 janvier 1984, celui-ci a qualifié la CDC « d'organisme soumis par son statut au contrôle du Parlement » 424 ( * ) .

Actuellement, cette disposition est codifiée à l'article L. 518-2 du code monétaire et financier qui dispose que « la Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Aux termes de l'article L. 518-7 du même code, la fonction de surveillance est exercée par la commission de surveillance .

2. La composition de la commission de surveillance

Aux termes de l'article L. 518-4 du code monétaire et financier, la commission de surveillance est composée de 13 membres 425 ( * ) :

- trois députés membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dont au moins un appartient à un groupe issu de l'opposition ;

- deux sénateurs membres de la commission des finances du Sénat ;

- un membre du Conseil d'État ;

- deux membres de la Cour des comptes ;

- du gouverneur ou de l'un des sous-gouverneurs de la Banque de France ;

- du directeur général du Trésor ou de son représentant ;

- de deux personnalités qualifiées désignées par le Président de l'Assemblée nationale ;

- d'une personnalité qualifiée désignée par le Président du Sénat.

Les sénateurs membres de la commission de surveillance de la CDC sont aujourd'hui nommés par le Sénat, sur proposition de la commission des finances, pour une durée de trois ans et dans la limite de leur mandat parlementaire. Ces sièges sont actuellement occupés par nos collègues Jacques Genest, sénateur de l'Ardèche, et Claude Raynal, sénateur de la Haute-Garonne.

Cette composition de la commission de surveillance résulte de l'article 151 de la loi de modernisation de l'économie de 2008 426 ( * ) . Celle-ci a augmenté le nombre de parlementaires siégeant au sein de la commission de surveillance (cinq au lieu quatre précédemment), et elle a prévu que trois personnalités qualifiées désignées par les deux présidents des assemblées y siègent également, renforçant ainsi le poids du Parlement dans sa composition.

En contrepartie, la loi de modernisation de l'économie a supprimé trois représentants : un membre du Conseil d'État, le président de la chambre de commerce de Paris, et le président du conseil de surveillance de la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance.

Il est intéressant de relever que le projet de loi initial en 2008 prévoyait qu'un des deux membres de la Cour des comptes soit supprimé . Toutefois, à la faveur d'un amendement introduit à l'initiative de notre collègue Michel Bouvard, la commission mixte paritaire avait maintenu à deux le nombre de membres issus de la Cour des comptes.

Par ailleurs, la loi de 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement 427 ( * ) a modifié l'article L. 518-4 du code monétaire et financier, afin de supprimer la mention de l'élection par les assemblées des parlementaires siégeant à la commission de surveillance. Les trois députés et les deux sénateurs sont désormais respectivement nommés par le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, et non élus.

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie l'article L. 518-4 du code monétaire et financier afin de faire évoluer la composition de la commission de surveillance .

Tout d'abord, il modifie la composition de la commission de surveillance en ce qui concerne les parlementaires qui y siègent. Les alinéas 2 à 6 prévoient que le nombre de parlementaires reste inchangé (cinq, dont trois députés et deux sénateurs), mais un député et un sénateur doivent être issus des commissions des affaires économiques. Ainsi, les parlementaires ne sont plus exclusivement issus des commissions des finances. Cette disposition répond à une pratique de l'Assemblée nationale consistant à intégrer un membre de la commission des affaires économiques au sein de la commission des finances, afin de lui permettre de siéger au sein de la commission de surveillance de la CDC.

Les alinéas 8 à 10 précisent que le directeur général du Trésor représente l'État, et simplifie la rédaction actuellement en vigueur.

Les alinéas 11 à 14 introduisent des innovations quant aux qualités des membres de la commission de surveillance :

- les membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes et le représentant de la Banque de France sont supprimés (alinéa 3). L'étude d'impact justifie cette suppression d'une part, par le besoin de renforcer l'indépendance de la commission de surveillance vis-à-vis du juge administratif et de la Cour des comptes, et d'autre part, pour le représentant de la Banque de France, par coordination avec les dispositions de l'article 35 du présent projet de loi. Cet article confie en effet à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la supervision prudentielle de la CDC. Dès lors, cette mission apparaît incompatible avec le fait de siéger dans l'organe de surveillance, dont les prérogatives sont par ailleurs élargies à l'article 31 ;

- quatre membres sont désormais désignés par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie , en raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable, économique ou juridique ou dans celui de la gestion (alinéa 12) ;

- deux membres représentants du personnel de la CDC et de ses filiales , élus pour trois ans, siègent désormais au sein de la commission de surveillance (alinéa 13) ;

- la composition de la commission de surveillance doit tendre vers un objectif de parité, puisque les commissaires surveillants de chaque sexe ne peuvent constituer moins de 40 % des membres (alinéa 14).

Le présent article porte ainsi le nombre de commissaires surveillants à quinze, contre treize actuellement.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, cette modification constitue le pendant du renforcement des prérogatives de la commission de surveillance prévu à l'article 31 du présent projet de loi . Ainsi, « le présent projet de loi vise à mettre en oeuvre une réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations en modernisant la composition de la commission de surveillance, dans un double objectif d'efficacité et d'exemplarité, et en transformant cette instance en véritable organe délibérant » 428 ( * ) .

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale n'a adopté aucun amendement au présent article.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement , à l'initiative de notre collègue Sophie Errante, qui occupe actuellement la présidence de la commission de surveillance, après un double avis favorable de la commission et du Gouvernement.

L'amendement porte à seize le nombre de commissaires surveillants. Le nombre de personnalités désignées par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat est porté à cinq (trois désignées par l'Assemblée nationale et deux par le Sénat), au lieu de trois actuellement. Le nombre de personnalités qualifiées désignées par décret est réduit de quatre à trois.

Évolution de la composition de la commission de surveillance

Composition actuelle

Composition du projet de loi

Composition adoptée à l'Assemblée nationale

Membres désignés par le Parlement

Députés de la commission des finances

3

2

2

Députés de la commission des affaires économiques

1

1

Sénateurs de la commission des finances

2

1

1

Sénateurs de la commission des affaires économiques

1

1

Personnalités désignées par le Président de l'Assemblée nationale

2

2

3

Personnalités désignées par le Président du Sénat

1

1

2

Membres désignées de façon indépendante

Conseil d'État

1

Cour des comptes

2

Représentants du personnel de la CDC

2

2

Membres désignées par l'exécutif

Gouverneur de la Banque de France

1

Directeur général du Trésor

1

1

1

Personnalités qualifiées nommées par décret

4

3

Total

13

15

16

Source : commission spéciale

IV. La position de votre commission

Votre commission estime qu'il est utile de faire évoluer la composition de la commission de surveillance de la CDC , au regard des nouvelles prérogatives qui lui sont confiées par le présent projet de loi 429 ( * ) , et qui tendent à la rapprocher du fonctionnement habituel du conseil d'administration d'un établissement public.

Votre commission salue l'ouverture aux commissions des affaires économiques des deux assemblées de la désignation des parlementaires pouvant siéger au sein de la commission de surveillance . Cette évolution est légitime en ce qu'elle permet une meilleure information du Parlement sur les travaux de la commission de surveillance, et qu'elle se justifie au regard du champ d'action de plus en plus large de la CDC. De plus, son rapprochement à venir avec le groupe La Poste devrait permettre de structurer un pôle banque-assurance public d'envergure qui justifie l'inclusion des commissaires des affaires économiques.

En outre, votre commission est favorable à la désignation de deux représentants du personnel de la CDC, et souscrit à l'objectif d'une composition paritaire de la commission de surveillance.

Néanmoins, les travaux de votre commission ont permis de formuler les mêmes réserves sur le projet de loi initial que celles exprimées à l'Assemblée nationale en première lecture . En particulier, le poids des membres désignés par l'exécutif semble disproportionné . Certes, le Conseil d'État a estimé dans son avis que ces dispositions « si elles accroissent (...) le poids du pouvoir exécutif dans la désignation des membres de la commission de surveillance, ne remettent toutefois pas en cause la spécificité de la gouvernance de cet établissement public » 430 ( * ) . Toutefois, votre commission considère qu'en portant à cinq le nombre de commissaires surveillants désignés par l'exécutif - quatre personnalités qualifiées et le directeur général du Trésor -, l'équilibre des pouvoirs au sein de la commission de surveillance aurait été nécessairement modifié, au détriment du pouvoir législatif .

Dans ce contexte, votre commission relève que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale permet de trouver une rédaction de compromis, préservant le poids du Parlement dans la désignation des membres de la commission de surveillance . Le ratio des membres désignés directement ou indirectement par l'Assemblée nationale et le Sénat est maintenu aux deux tiers des effectifs de la commission de surveillance, tout en permettant à l'exécutif de désigner trois personnalités qualifiées, conformément à la pratique dans d'autres conseils d'administration d'établissements publics 431 ( * ) .

Votre commission regrette toutefois la suppression des membres issus du Conseil d'État et de la Cour des comptes . En effet, les commissaires surveillants ont témoigné à votre rapporteur de l'importance et la qualité de l'apport de ces membres aux travaux de la commission de surveillance. Toutefois, votre commission souscrit à l'argument de la nécessité d'une plus grande indépendance de la commission de surveillance vis-à-vis de ces deux institutions . Elle relève qu'il restera possible pour les présidents de deux assemblées de nommer ponctuellement des fonctionnaires issus de ces deux corps d'État, afin d'intégrer leur expertise aux voix des membres désignés par le Parlement.

Votre commission a adopté l'article 30 sans modification.

Article 31
(art. L. 518-7, L. 518-8 et L. 518-9 du code monétaire et financier)
Prérogatives de la commission de surveillance

Le présent article a pour objet d'accroître les prérogatives de la commission de surveillance pour en faire un véritable organe délibérant de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, « la Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Ainsi, il revient à la commission de surveillance de s'assurer que la CDC accomplisse les missions qui lui sont confiées par la loi , notamment en veillant sur ses intérêts patrimoniaux.

Tout d'abord, le code monétaire et financier prévoit des compétences propres de la commission de surveillance :

- l'élaboration d'un modèle prudentiel 432 ( * ) , selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État (article L. 518-7). En pratique, la commission de surveillance détermine le modèle prudentiel de la CDC pour chacune des sections générale et du fonds d'épargne, sur proposition du directeur général et en tenant compte des préconisations de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) 433 ( * ) . Elle ne s'est dotée d'un modèle prudentiel qu'en 2011 434 ( * ) ;

- la fixation de l'encours annuel maximal des titres de créances de la CDC (article L. 518-7) ;

- le règlement, « de concert avec le ministre chargé de l'économie », de l'indemnité accordée aux comptables publics pour effectuer les recettes et dépenses dans les départements (article L. 518-14) ;

- la désignation des commissaires aux comptes (article L. 518-15-1).

De plus, la commission de surveillance est chargée de contrôler :

- la gestion du fonds d'épargne (article L. 518-7), défini à l'article L. 221-7 du code monétaire et financier ;

- pour les seules activités bancaires et financières, le respect par la CDC des règles prudentielles qui lui sont applicables . Elle confie à l'ACPR l'examen du respect par la CDC des règles prudentielles applicables (article L. 518-15-3). Les règles prudentielles divergent du modèle prudentiel : les premières désignent l'ensemble des dispositifs législatifs et réglementaires mis en oeuvre par les autorités de supervision afin de garantir la stabilité du système bancaire et financier, tandis que le second désigne le modèle interne de gestion des risques ;

- l'état des caisses et la bonne tenue des écritures , au moins une fois par mois (article L. 518-7).

La commission de surveillance peut émettre des avis, même sur des points ne relevant pas de sa compétence propre. Ces observations ne sont alors pas contraignantes pour le directeur général de la CDC (article L. 518-9).

Elle doit donner son accord lorsque la CDC souhaite émettre des titres de créances au bénéfice du fonds d'épargne (article L. 221-7).

Le code monétaire et financier prévoit que la commission de surveillance émet un avis sur les projets de décrets dont la mise en oeuvre nécessite le concours de la CDC (article L. 518-3), ainsi que pour plusieurs projets de décrets en Conseil d'État, tels que ceux relatifs aux conditions de centralisation du livret A (article L. 221-5) par exemple.

La loi de modernisation de l'économie 435 ( * ) a introduit des avis obligatoires devant être rendus par la commission de surveillance (article L. 518-7). Ainsi, elle est nécessairement saisie pour avis, au moins une fois par an sur :

- les orientations stratégiques de la CDC ;

- la mise en oeuvre des missions d'intérêt général de la CDC ;

- la définition de la stratégie d'investissement ;

- la situation financière et la trésorerie de la CDC, ainsi que sur la politique de contrôle interne ;

- les comptes sociaux et consolidés, et leurs annexes.

La commission de surveillance peut décider de rendre ses avis publics (article L. 518-9 du même code).

Enfin, la commission de surveillance établit son règlement intérieur qui définit ses règles de fonctionnement (article L. 518-7 du même code). L'article L. 518-8 du même code, entièrement remanié par la loi de modernisation de l'économie, prévoit que la commission de surveillance constitue en son sein des comités spécialisés consultatifs dont au moins trois relatifs à l'examen des comptes et des risques, aux fonds d'épargne et aux investissements. Le comité aux investissements est saisi au préalable des opérations d'investissement de la CDC qui la conduisent à acquérir ou à céder des titres donnant accès au capital d'une société au-delà de seuils définis par le règlement intérieur 436 ( * ) .

Si la commission de surveillance joue un rôle consultatif, le législateur a néanmoins étendu ses prérogatives depuis 2008 . L'étude d'impact du présent projet de loi résume son rôle à celui de « surveillance de la solvabilité de l'établissement public et de ses filiales » et précise qu'elle « bénéficie à ce titre, de pouvoirs de police comparables à ceux d'une autorité de supervision ».

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à accroître les prérogatives de la commission de surveillance en modifiant les articles L. 518-7, L. 518-8 et L. 518-9 du code monétaire et financier.

Le I du présent article modifie l'article L. 518-7 du code précité. Les alinéas 2 et 3 confient une mission de contrôle permanent de la gestion de la CDC à la commission de surveillance , alors que la rédaction actuelle prévoit une simple surveillance de la CDC et un contrôle de la gestion du fonds d'épargne.

Sur les sujets pour lesquels la commission de surveillance est actuellement saisie pour avis au moins une fois par an, le présent article prévoit qu'elle délibère au moins quatre fois par an (alinéa 4). De plus, la commission de surveillance doit désormais délibérer sur les orientations stratégiques de la CDC à moyen terme , ce qui implique une analyse prospective de la part de la CDC (alinéa 5). Outre la définition de la stratégie d'investissement de la CDC, la commission de surveillance délibère désormais sur les opérations de désinvestissement (alinéa 6).

Le présent article confère de nouvelles prérogatives à la commission de surveillance (alinéas 7 à 10) :

- l'adoption, sur proposition du directeur général, du budget de l'établissement public et de ses modifications successives ;

- l'approbation des comptes sociaux et consolidés et leurs annexes préalablement arrêtés par le directeur général ;

- l'examen des comptes prévisionnels ;

- la délibération sur la stratégie et l'appétence en matière de risques , notamment via la fixation du besoin de fonds propres et de liquidités à partir du modèle prudentiel qu'elle détermine ;

- l'approbation du programme d'émission de titres de créance , alors qu'elle n'en était que saisie auparavant, et la fixation de l'encours maximal annuel.

En outre, la commission de surveillance :

- approuve l'organisation générale et les orientations du contrôle interne , alors qu'elle n'était que saisie pour avis sur ces sujets ;

- délibère sur la politique d'égalité professionnelle et salariale entre tous les salariés et entre les hommes et les femmes. Cette disposition fait écho à l'objectif de parité au sein de la commission de surveillance prévu à l'article 30 du présent projet de loi ;

- se réunit sur demande du tiers de ses membres au moins, et examine toute question inscrite à l'ordre du jour par son président ou par la majorité de ses membres .

L'alinéa 11 précise les modalités de consultation écrite ou à distance en cas de délibération urgente. L'alinéa 13 prévoit que le régime indemnitaire des membres de la commission de surveillance est fixé dans le règlement intérieur de celle-ci .

Le II du présent article modifie l'article L. 518-8 du même code. Il supprime la mention de deux des trois comités spécialisés consultatifs 437 ( * ) au profit d'une rédaction prévoyant que la liste et les attributions des comités sont déterminées par le règlement intérieur de la commission de surveillance (alinéa 16). Ainsi, cette disposition vise à donner plus de liberté à la commission de surveillance dans son organisation interne.

De plus, le comité des investissements peut se voir déléguer le pouvoir d'approuver les opérations d'investissement et de désinvestissement pour lesquelles la commission de surveillance doit délibérer (alinéa 18).

Le III du présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 518-9 du même code . Les possibilités pour la commission de surveillance de publier ses avis et de faire contrôler les documents nécessaires à l'exercice de ses missions sont conservées. Elle peut adresser au directeur général des observations et avis sur toutes les questions intéressant la « bonne marche de l'établissement ».

Le IV du présent article ne modifie pas les prérogatives de la commission de surveillance. Il s'agit d'une mesure de coordination avec l'article 30 du présent projet de loi. Il précise que le rapport annuel au Parlement est envoyé aux commissions des finances et des affaires économiques des deux assemblées. Il supprime en outre les dispositions relatives au contenu de ce rapport.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur, la commission spéciale a adopté trois amendements plus substantiels.

Le premier, à l'initiative du rapporteur thématique Jean-Noël Barrot, vise à garantir que la commission de surveillance « dispose de moyens suffisants pour assurer le bon exercice de ses missions » .

Le deuxième, à l'initiative de notre collègue Dimitri Houbron, prévoit un plafonnement des indemnités des membres de la commission de surveillance défini par décret. Un sous-amendement du rapporteur thématique précise que ce décret sera pris après avis simple de la commission de surveillance. Cette disposition permet de se conformer à la recommandation du Conseil d'État 438 ( * ) . En effet, ce dernier a souligné dans son avis que le fait que la rémunération des membres de la commission de surveillance soit fixée par la commission de surveillance elle-même était « de nature à susciter des interrogations voire des incompréhensions », et constituait une « dérogation à la compétence réglementaire de droit commun du Premier ministre ».

Le troisième amendement, à l'initiative de notre collègue Stéphane Peu, supprime le IV du présent article relatif au rapport annuel au Parlement, estimant qu'il restreignait de façon injustifiée l'information du Parlement .

En séance publique, seuls deux amendements rédactionnels ont été adoptés, à l'initiative du rapporteur thématique Jean-Noël Barrot et du rapporteur général de la commission spéciale, Roland Lescure.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent rapproche le fonctionnement de la commission de surveillance de celui d'un conseil d'administration, tout en préservant sa spécificité.

Votre commission estime également que les dispositions relatives à l'encadrement des indemnités des commissaires surveillants constituent des gages de transparence dans le fonctionnement de la commission de surveillance .

Enfin , elle note que la portée de certaines dispositions ne doit pas être exagérée . En effet, elles constituent pour certaines davantage une reformulation qu'une réelle modification normative.

Toutefois, votre commission relève que ce toilettage rédactionnel pourrait être de nature à restreindre la possibilité pour la commission de surveillance d'adresser au directeur général des observations . En effet, la rédaction proposée prévoit que ces observations ou avis portent « sur toutes les questions intéressant la bonne marche de l'établissement », alors que la rédaction actuelle ne mentionne pas le champ dans lequel doivent s'inscrire les observations ou avis. Votre commission a adopté un amendement COM.332 de clarification en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié.

Article 32
(art. L. 518-11 et L. 518-12 du code monétaire et financier)
Prérogatives du directeur général
de la Caisse des dépôts et consignations (CDC)

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-11 du code monétaire et financier, le directeur général dirige et administre la CDC. Il est nommé pour cinq ans, par décret en conseil des ministres 439 ( * ) et conformément à la procédure de nomination prévue à l'article 13 de la Constitution. Pour rappel, celle-ci nécessite l'avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Il peut être fait obstacle à la nomination par le Président de la République lorsque l'addition des votes négatifs des deux assemblées représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Bien qu'il soit nommé par un décret du Président de la République, le directeur général prête serment devant la commission de surveillance. Cette dernière émet un avis, éventuellement rendu public, lorsqu'il est mis fin à ses fonctions. Elle peut également proposer de mettre un terme à son mandat .

Aux termes de l'article L. 518-12 du même code, le directeur général est responsable de la gestion des fonds et valeurs de la CDC . En matière budgétaire, il présente chaque année à la commission de surveillance le budget pour l'année suivante .

Le pouvoir réglementaire a précisé les prérogatives du directeur général depuis le décret du 31 mai 1862 440 ( * ) . Ses attributions sont larges puisqu'il « ordonne toutes les opérations (...) prescrit les mesures nécessaires pour la tenue régulière de la comptabilité, (...) ordonnance les paiements (...), vise et arrête les divers états de toute nature » (article R. 518-1 du code monétaire et financier).

Il est assisté par sept sous-directeurs (article R. 518-3 du même code), nommés par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie, et après avis du directeur général (article R. 518-4 du même code).

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article modifie l'article L. 518-11 du code monétaire et financier afin de préciser que le directeur général dirige, mais n'administre plus, la CDC . Il peut désormais désigner directement un ou plusieurs directeurs délégués pour l'assister dans ses fonctions . Il est mis fin à leur nomination par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie.

Le II du présent article modifie l'article L. 518-12 du même code en indiquant que le directeur général met en oeuvre les orientations approuvées par la commission de surveillance , notamment en matière de contrôle interne et de gestion des risques.

Une coordination avec l'article 31 du présent projet de loi est réalisée concernant l'adoption du budget de la CDC.

Enfin, le présent article inscrit dans la loi l'obligation pour le directeur général d'être entendu chaque année par les commissions des finances et des affaires économiques des deux assemblées sur la politique d'intervention de la CDC . Cette disposition consacre une pratique régulière des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, et l'élargit aux commissions des affaires économiques, à l'image de la composition de la commission de surveillance prévue à l'article 30 du présent projet de loi.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel, à l'initiative du rapporteur.

Aucun amendement n'a été adopté en séance publique.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime qu'en l'état actuel du droit, le directeur général bénéficie d'une large autonomie pour administrer la CDC. Par cohérence avec l'accroissement des prérogatives de la commission de surveillance prévu à l'article 31 du présent projet de loi, votre commission accueille favorablement la réaffirmation de la prépondérance de la commission de surveillance , dont les orientations doivent être mises en oeuvre par le directeur général.

Votre commission note néanmoins que la portée de ces aménagements, présentés par l'étude d'impact comme encadrant davantage les prérogatives du directeur général, ne saurait être exagérée .

Votre commission a adopté l'article 32 sans modification.

Article 33
(art. L. 518-13, L. 518-15-1, L. 518-15-2
et L. 518-15-3 du code monétaire et financier)
Application des règles de gestion comptable et commerciale
à la Caisse des dépôts et des consignations

Le présent article a pour objet d'appliquer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) les règles de droit commun de la comptabilité privée, et de supprimer par conséquent la fonction de caissier général.

I. Le droit en vigueur

La fonction de caissier général a été instituée en 1816, lors de la création de la CDC. Aux termes de l'article L. 518-13 du code monétaire et financier, le caissier général est « responsable du maniement des fonds. Il est chargé de la recette, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des valeurs » . La rédaction de cette disposition est restée quasiment inchangée depuis le décret du 31 mai 1862 441 ( * ) .

En pratique, le caissier général veille à sécuriser l'ensemble des transactions financières de l'établissement public. Il tient une comptabilité journalière justifiant ces opérations. Il signe et délivre les récépissés des fonds versés à la CDC, et il autorise les paiements sur présentation des pièces justificatives.

Le caissier général n'exerce pas la même fonction qu'un comptable public. Les deux fonctions divergent au regard de leurs attributions et des règles de mise en cause de responsabilité.

D'une part, contrairement à un comptable public, le caissier général n'est pas en charge de la comptabilité de l'établissement public , qui relève de la direction générale des finances publiques. Il ne tient qu'une comptabilité dite de premier niveau, recouvrant les dépenses et décaissements).

D'autre part, sa responsabilité est relativement limitée par rapport aux comptables publics . Si ces derniers sont « personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent » 442 ( * ) , le caissier général n'est responsable envers la Cour des comptes « que de la justification du fait matériel de l'encaissement ou du paiement » 443 ( * ) . De plus, la Cour des comptes relève que le caissier général n'est pas soumis aux contrôles de l'inspection générale des finances 444 ( * ) .

Son positionnement hiérarchique diverge également de celui d'un comptable public . En effet, le caissier général est placé sous l'autorité du directeur général, alors qu'un comptable public ne répond pas en principe à l'ordonnateur.

Historiquement, la nature particulière de la CDC a justifié que l'établissement ne comprenne pas de comptable public. En effet, si la CDC est soumise à des règles de comptabilité publique en application des dispositions de la loi de finances du 28 avril 1816, elle est restée en marge des évolutions du cadre général de la comptabilité publique. Ainsi, le décret du 29 décembre 1962 445 ( * ) , et plus récemment celui du 7 novembre 2012 446 ( * ) , ne lui sont pas directement applicables.

La Cour des comptes a examiné à deux reprises depuis 2005 la fonction comptable de la CDC. Dans son référé de 2005, elle suggère deux pistes d'évolution du rôle du caissier général : soit en faire un comptable public de plein exercice, soit supprimer cette fonction. Elle souligne que les évolutions récentes de la CDC, notamment avec le développement de ses activités concurrentielles, s'accordent mal avec l'instauration d'un comptable public et d'une soumission aux règles de la comptabilité publique . Elle réitère ce constat en 2016, et recommande de revoir le statut du caissier général en supprimant le contrôle de gestion et son jugement par la Cour des comptes 447 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article abroge l'article L. 518-13 du code monétaire et financier tel qu'actuellement rédigé afin de supprimer la fonction de caissier général . Il prévoit à la place que la CDC est soumise, pour sa gestion comptable, aux règles applicables en matière commerciale (alinéas 1 à 4).

Les alinéas suivants procèdent aux coordinations nécessaires.

Ainsi, l'article L. 518-15 du code monétaire et financier relatif au contrôle juridictionnel de la Cour des comptes est abrogé (alinéa 5) 448 ( * ) .

Les articles L. 518-15, L. 518-15-1 et L. 518-15-2 du même code sont renumérotés (alinéa 6).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre commission approuve les dispositions du présent article, qui permettent de se conformer aux recommandations reconduites depuis dix ans par la Cour des comptes . Elle relève néanmoins que le présent article va plus loin que ces recommandations, en prévoyant l'application des règles de comptabilité commerciale à la CDC.

Toutefois, d'après les informations transmises à votre rapporteur, la CDC applique déjà certains standards de la comptabilité privée. En effet, elle réalise et publie déjà chaque année des comptes consolidés respectant les normes IFRS (« international financial reporting standards »), reconnues comme étant les normes comptables de référence internationale depuis 2005.

Votre commission souligne que l'application des règles de la comptabilité commerciale n'est pas incompatible avec la nature particulière de la CDC . En effet, d'autres établissements publics se voient appliquer des règles de comptabilité de droit privé alors qu'ils manient des fonds publics, à l'image de Bpifrance 449 ( * ) ou de l'Agence française de développement 450 ( * ) . Le Conseil d'État a d'ailleurs reconnu la possibilité pour un établissement public de déroger aux règles de la comptabilité publique, dès lors que le régime financier et comptable était précisé dans le décret constitutif 451 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 33 sans modification.

Article 34
(art. L. 518-15 du code monétaire et financier)
Certification des comptes de la Caisse des dépôts et des consignations

Le présent article a pour objet, tout comme l'article 33, de moderniser la gestion comptable de la Caisse des dépôts et des consignations (CDC). Il prévoit que la certification des comptes de la CDC par deux commissaires aux comptes s'effectue selon les modalités de droit commun prévues par le code de commerce.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-15-1 du code monétaire et financier, les comptes annuels et consolidés de la CDC font l'objet d'une certification par deux commissaires aux comptes. La CDC présente ensuite aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat les comptes certifiés.

Cette disposition a été introduite par la loi de 2006 relative aux offres publiques d'acquisition 452 ( * ) , à l'initiative de Philippe Marini, alors rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Elle a été modifiée en 2008 par la loi de modernisation de l'économie 453 ( * ) afin de préciser qu'en cas de refus de certification, le rapport des commissaires aux comptes est joint aux comptes transmis aux deux assemblées.

Le même article prévoit que les deux commissaires aux comptes sont désignés, ainsi que leurs suppléants, par la commission de surveillance, sur proposition du directeur général de la CDC . Cette procédure est dérogatoire de celle existant pour les établissements publics, dont les commissaires aux comptes sont désignés par le ministre chargé de l'économie, en l'absence d'assemblée générale 454 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie l'actuel article L. 518-15-1 du code monétaire et financier, renuméroté L. 518-15 par l'article 33 du présent projet de loi, afin de préciser que la certification des comptes par les commissaires aux comptes s'effectue dans les conditions prévues par le code du commerce (alinéa 4).

Par conséquent, les commissaires aux comptes sont convoqués à toutes les réunions de la commission de surveillance au cours desquelles sont examinés les comptes annuels ou intermédiaires (alinéa 6).

Par ailleurs, le présent article procède à une coordination avec l'article 30 du présent projet de loi, en prévoyant que la CDC présente chaque année aux commissions des finances, mais aussi des affaires économiques, des deux assemblées, ses comptes certifiés (alinéa 3).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent article s'inscrit dans la continuité de l'article 33. Elle a adopté un amendement rédactionnel ( COM-335 )

Votre commission a adopté l'article 34 ainsi modifié.

Article 35
(art. L. 518-15-2 et L. 518-15-3 du code monétaire et financier)
Règles prudentielles applicables à la Caisse des dépôts et consignations
et supervision par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Le présent article a pour objet d'élargir le champ des règles prudentielles qui régissent les établissements de crédits traditionnels applicables à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), ainsi que de confier à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) le rôle d'autorité de supervision de la CDC.

I. Le droit en vigueur

1. Les règles prudentielles applicables à la CDC

La CDC est soumise à un double contrôle prudentiel, dont les règles se distinguent du droit commun.

Premièrement, depuis l'entrée en vigueur en 2008 de la loi de modernisation de l'économie 455 ( * ) , ses activités bancaires sont soumises à un contrôle externe . La question du respect de règles prudentielles bancaires par la CDC est ainsi relativement récente.

Aux termes de l'article L. 518-15-2 du code monétaire et financier, certaines règles prudentielles applicables aux établissements de crédit traditionnels sont applicables à la CDC, « sous réserve des adaptations nécessaires » . Elles sont définies par décret en Conseil d'État 456 ( * ) , pris après avis de la commission de surveillance. Ainsi, le législateur a souhaité prendre en compte la spécificité de la CDC par rapport à un établissement de crédit ou une société de financement classique en lui appliquant un régime ad hoc .

En effet, contrairement aux établissements de crédit classiques, la CDC est chargée de missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'État et les collectivités territoriales 457 ( * ) .

Ce régime dérogatoire se traduit également par l'exclusion de la CDC du champ d'application du cadre réglementaire européen concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédits et aux sociétés de financement 458 ( * ) . Les établissements européens homologues de la CDC tels que la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) en Allemagne et la Cassa depositi e prestiti (CDP) en Italie sont également exclus de ce champ réglementaire 459 ( * ) .

Deuxièmement, la CDC est soumise à une forme de contrôle interne , puisqu'aux termes de l'article L. 518-7 du code monétaire et financier, elle est soumise à un modèle prudentiel élaboré par la commission de surveillance 460 ( * ) . Concrètement, ce modèle est élaboré par la commission de surveillance, sur proposition du directeur général et avis de l'ACPR (article R. 518-30-2 du même code). La détermination d'un modèle prudentiel vise à prendre en compte la spécificité du modèle économique de la CDC dans la détermination et le suivi de ses besoins en fonds propres.

Par conséquent, il faut distinguer le modèle prudentiel, qui constitue un outil de pilotage interne de la solvabilité et de la liquidité de la CDC, des règles prudentielles externes.

2. Le contrôle du respect des règles prudentielles confié à l'ACPR

Aux termes de l'article L. 518-15-3 du code monétaire et financier, créé par la loi de modernisation de l'économie précitée, la commission de surveillance confie à l'ACPR l'examen du respect des règles prudentielles applicables à la CDC . Par la suite, l'ACPR transmet un rapport à la commission de surveillance, qui peut formuler des propositions de recommandations et adresser des mises en mises en garde au directeur général pouvant être rendues publiques.

Ainsi, outre les règles prudentielles applicables, la supervision de celles-ci bénéficie également d'un traitement dérogatoire. Elle relève de la commission de surveillance, qui la délègue à l'ACPR, tout en conservant le pouvoir de recommandation et d'injonction en la matière auprès du directeur général. Lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie en 2008, la commission spéciale avait noté que cette dérogation constituait un « pouvoir important de la commission de surveillance, véritable « mise sous tension » confortée par le recours à l'expertise et aux moyens de la commission bancaire » qui devait permettre de « renforcer le contrôle sur les activités de la Caisse, et in fine leur crédibilité et leur transparence » 461 ( * ) .

Depuis 2008, l'article L. 518-15-3 précité a connu deux modifications substantielles.

D'une part, la loi de finances rectificative pour 2012 462 ( * ) a introduit une contribution annuelle de la CDC au bénéfice de l'ACPR pour la prise en charge des frais de contrôle . Son montant est prévu conventionnellement chaque année par l'ACPR et la CDC, après avis de la commission de surveillance. Cette disposition permet un alignement sur la pratique de droit commun des établissements placés sous le contrôle de l'ACPR et qui s'acquittent annuellement une contribution relative aux frais de contrôle.

D'autre part , la loi de 2014 relative aux comptes bancaires inactifs 463 ( * ) , dite « loi Eckert », prévoit le contrôle de l'ACPR sur la mise en oeuvre par la CDC des dispositions relatives aux comptes inactifs prévues aux articles L. 312-20 du code monétaire et financier, L. 132-27-2 du code des assurances et L. 223-25-4 du code de la mutualité.

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie les articles L. 518-15-2 et L. 518-15-3 du code monétaire et financier afin de soumettre la CDC au contrôle de l'ACPR en matière prudentielle.

Le I du présent article modifie l'article L. 518-15-2 du code monétaire et financier, en élargissant les règles prudentielles de droit commun applicables à la CDC . Désormais, l'ensemble de la section 8 du chapitre Ier du titre Ier du livre V, relative à la gouvernance des établissements de crédit et des sociétés de financement, est applicable à la CDC, à l'exception de l'article L. 511-58 du même code (alinéas 1 et 2). Ce dernier interdit le cumul des fonctions de direction générale et de présidence de l'organe de surveillance, ce qui est inopérant dans le cas de la CDC. Ces dispositions concernent notamment :

- l'honorabilité, la compétence et les connaissances des dirigeants ;

- les procédures de contrôle interne et de gestion des risques ;

- les politiques et pratiques de rémunération au sein de l'établissement ;

- l'organisation des comités spécialisés.

En outre, le présent article maintient que le décret déterminant les règles prudentielles applicables à la CDC est pris après avis de la commission de surveillance . Cette dernière doit prendre en compte le modèle économique de la CDC, et non plus prudentiel, pour rendre son avis . Cette disposition vise à clarifier la distinction entre le modèle prudentiel déterminé par la commission de surveillance, qui est un outil de pilotage interne, et les règles prudentielles applicables qui relèvent du contrôle externe. Le recours au terme de « modèle économique » évite la confusion entre les deux exercices (alinéas 3 et 4).

Le II du présent article modifie l'article L. 518-15-3 du même code afin de désigner l'ACPR comme autorité de supervision prudentielle, c'est-à-dire que l'ACPR se charge de contrôler le respect par la CDC des règles prudentielles qui lui sont applicables . Par conséquent, l'ACPR n'agit plus sur délégation de la commission de surveillance (alinéas 5 à 7).

Le présent article détaille les pouvoirs de police de l'ACPR applicables à la CDC (alinéas 8 à 11) :

- elle peut lui adresser des recommandations ou injonctions , dans le champ des règles prudentielles qui lui sont applicables ;

- elle peut prononcer des mises en demeure et des sanctions . Ces dernières sont toutefois limitées aux sanctions énoncées aux 1° et 2° de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier, c'est-à-dire l'avertissement et le blâme ;

- par dérogation à la disposition précédente, « compte tenu de la gravité des manquements », la sanction peut être d'ordre pécuniaire , dans la limite maximale de 100 millions d'euros ou de 10 % du chiffre d'affaires annuel net. Cette sanction est versée au budget de l'État .

L'ACPR doit informer la commission de surveillance préalablement à la prononciation de toute recommandation, injonction ou mise en demeure. Dans le cas d'une sanction, l'information de la commission de surveillance doit avoir lieu avant la décision du collège de supervision de l'ACPR d'ouvrir une procédure disciplinaire.

Enfin, les alinéas 12 à 14 modifient les modalités de défraiement de l'ACPR pour les frais de contrôle . Les modalités de défraiement sont désormais fixées par un arrêté du ministre chargé de l'économie, pris sur avis de la commission de surveillance.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté par l'Assemblée nationale au présent article.

IV. La position de votre commission

D'après l'étude d'impact, le renforcement des prérogatives de la commission de surveillance est difficilement compatible avec le maintien du rôle de superviseur parmi les missions de la commission de surveillance. En effet, celle-ci ne peut « à la fois se prononcer sur la stratégie et la gestion de l'établissement tout en assurant sa supervision prudentielle » 464 ( * ) .

Votre commission accueille favorablement l'évolution des modalités de supervision prudentielle de la CDC, à plusieurs titres.

Premièrement, en ce qui concerne le champ des règles prudentielles qui lui sont applicables, votre commission relève que la précision apportée au champ des règles prudentielles applicables est afférente à la gouvernance et au contrôle interne. Elle renforce notamment la transparence en matière de rémunération des membres de la commission de surveillance, ce qui constitue un objectif appréciable . D'après les informations transmises par la direction générale du Trésor à votre rapporteur, ces dispositions étaient déjà prévues dans un projet de décret présenté à la commission de surveillance en 2016. Cette dernière avait rendu un avis favorable.

Deuxièmement, en ce qui concerne le transfert de l'autorité de supervision de la commission de surveillance à l'ACPR, votre commission relève que cette disposition ne modifiera pas en profondeur la pratique actuelle, et renforce la crédibilité de la CDC . En effet, la commission de surveillance délègue déjà à l'ACPR l'examen du respect des règles prudentielles qui lui sont applicables. Ainsi, l'entrée en vigueur de cette disposition ne nécessitera pas pour l'ACPR de constituer une nouvelle expertise relative à la CDC . D'après les informations transmises à votre rapporteur, la commission de surveillance s'appuie déjà très largement sur les recommandations formulées par l'ACPR en la matière.

Par ailleurs, votre commission estime que le transfert de l'autorité de supervision à l'ACPR est un gage de cohérence avec les dispositions de l'article 31 du présent projet de loi . Le remodelage de la commission de surveillance pour la rapprocher du fonctionnement d'un véritable organe de direction, notamment en l'impliquant davantage dans les décisions stratégiques d'investissement à moyen terme, ne saurait s'accommoder d'une fonction concomitante de superviseur. Par conséquent, le transfert de l'autorité de supervision renforce la crédibilité de la commission de surveillance dans son rôle de stratège.

D'après les informations transmises par la direction générale du Trésor à votre rapporteur, les établissements européens homologues de la CDC, la KfW en Allemagne et la CDP en Italie, sont soumis à la supervision de plein exercice du superviseur national. Ainsi, le présent article permet d'aligner la CDC sur les standards européens en la matière.

Pour autant, votre commission relève que cet article préserve les spécificités de la CDC par rapport aux établissements de crédit de droit commun. Ainsi, la conservation d'un régime législatif ad hoc en matière prudentielle éloigne la perspective d'un alignement complet de la CDC sur les modalités de fonctionnement de droit commun d'un établissement de crédit . De plus, le rôle de la commission de surveillance est préservé. Elle reste chargée d'élaborer le modèle prudentiel. Elle est également saisie pour avis des décrets en Conseil d'État relatifs aux règles prudentielles applicables à la CDC, et aux modalités de défraiement de l'ACPR.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-544 ).

Votre commission a adopté l'article 35 ainsi modifié.

Article 36
(art. L. 518-16 du code monétaire et financier)
Fixation par décret du versement annuel
de la Caisse des dépôts à l'État

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-16 du code monétaire et financier, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) verse chaque année à l'État une fraction de son résultat net, déterminée après avis de la commission de surveillance saisie par le directeur général . Le même article mentionne également le paiement d'une contribution représentative de l'impôt sur les sociétés.

En réalité, les relations financières entre la CDC et l'État s'articulent autour de trois composantes :

- le prélèvement sur le fonds d'épargne , qui correspond au coût de la garantie de l'épargne réglementée 465 ( * ) . Le montant de cette rémunération est fixée par décret après avis de la commission de surveillance ;

- la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés , créée en 1960 et mentionnée à l'article L. 518-16 du code monétaire et financier. Ses modalités de calcul sont les mêmes que celles de l'impôt sur les sociétés ;

- le versement d'une fraction du résultat net, également appelé le « dividende » . Le principe de ce versement a été introduit par la loi de finances pour 1990 466 ( * ) . Ses modalités de calcul ne font l'objet d'aucune disposition législative ou réglementaire. En pratique, la fixation du montant de cette participation fait l'objet d'un simple échange de lettres entre le ministre de l'économie et le directeur général .

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie l'article L. 518-16 du code monétaire et financier et prévoit que la fraction du résultat net de la CDC reversée chaque année à l'État est fixée par décret après avis de la commission de surveillance .

Par conséquent, le présent article supprime la saisine de la commission de surveillance par le directeur général.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative du rapporteur thématique et après un avis favorable du Gouvernement, visant à compléter l'article 36 en précisant que le montant du versement effectué au bénéfice de l'État ne saurait être de nature à mettre en cause la solvabilité de la CDC, ou le respect des règles prudentielles qui lui sont applicables .

IV. La position de votre commission

Votre commission constate que le caractère informel des modalités de fixation du versement de la CDC à l'État s'explique, d'une part, par la nature singulière de l'établissement, et d'autre part, par la nécessité d'établir des modalités souples , permettant de s'adapter rapidement aux évolutions des activités de la CDC.

Ainsi, les règles de calcul ont été plusieurs fois modifiées depuis 1990 . D'après les informations transmises par la direction générale du Trésor à votre rapporteur, de 1990 à 1997, le versement correspondait à 25 % du résultat net social de la CDC, et il a été porté à 29 % pour l'année 1998. De 1999 à 2009, le versement de la CDC à l'État a augmenté et il correspondait à 33,33 % du résultat net consolidé, avec l'introduction d'un seuil minimal correspondant à la contribution des dépôts obligatoires au résultat (CDOR). Le CDOR avait pour objectif de prendre en considération le monopole de la CDC en matière de gestion des dépôts des professions juridiques réglementées.

Depuis 2010, la règle de calcul du versement est fixée à 50 % du résultat net consolidé dans la limite de 75 % du résultat net social. Toutefois, les exercices 2016 et 2017 ont dérogé à cette règle : pour ces deux exercices, le montant du versement s'est établi à 50 % du résultat net consolidé avec un plafonnement à 50 % du résultat net social. L'objectif était d'augmenter les fonds propres disponibles pour permettre à la CDC de mettre en oeuvre les annonces liées au bicentenaire de l'établissement, telles que la création d'un fonds avec l'Agence française de développement (AFD).

La direction générale du Trésor a indiqué à votre rapporteur que l'évolution des résultats sociaux et consolidés de la CDC constituait une variable du montant du versement plus déterminante que la règle de calcul du versement lui-même .

Évolution du montant du « dividende » de la CDC versé à l'État

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant du versement

937

0

660

1169

103

0

415

637

463

897*

* En 2017, un versement semestriel sur les résultats du 1 er semestre de l'année n a été mis en place, en plus du versement assis sur les résultats de la CDC en n-1.

Source : commission spéciale,
à partir des données transmises par la direction du budget

Votre commission relève que cette modification des modalités de fixation du versement à l'État s'inscrit dans la continuité des dispositions visant à rapprocher la commission de surveillance du rôle d'un conseil d'administration classique . En effet, dans les établissements publics, le ministre chargé du budget détermine par arrêté le montant du dividende versé à l'État 467 ( * ) .

Toutefois, votre commission souligne que l'alignement du fonctionnement de la commission de surveillance sur celui d'un conseil d'administration ne saurait aliéner complètement son rôle historique de vigie . Certes, la commission de surveillance sera saisie pour avis sur le montant du versement effectué à l'État. Néanmoins, cette saisine pour avis ne permettra de peser sur la décision finale que dans la mesure où la commission de surveillance utiliserait la possibilité de rendre publics ses avis, comme le prévoit l'article 31 de la présente loi . Votre commission encourage donc la publication systématique et immédiate de ses avis relatifs au « dividende » versé par la CDC à l'État.

Votre commission a adopté l'article 36 sans modification.

Article 37
(art. L. 518-24-1 [nouveau] du code monétaire et financier)
Encadrement juridique des mandats de gestion de fonds
par la Caisse des dépôts et consignations
pour le compte de personnes publiques

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, la CDC est chargée « d'assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée » 468 ( * ) .

Cette mission de « tiers de confiance » lui a été confiée dès sa création en 1816 , avec la gestion des systèmes de retraite publique. Cette responsabilité est le corollaire de sa mission principale qui est de protéger l'épargne des français. À partir de 1890, sur mandat de l'État, la CDC s'est vue confier les fonds déposés par les particuliers chez les notaires. Le champ de cette mission s'est progressivement élargi et il inclut désormais les fonds des administrateurs et mandataires judiciaires, des greffiers des tribunaux et des huissiers. Divers autres fonds lui ont été confiés, tels que le fonds de cohésion sociale (FCS). Elle assure également la gestion des comptes en déshérence depuis 2014 469 ( * ) .

Elle gère ainsi des fonds pour le compte de personnes publiques, y compris les collectivités territoriales , dans le cadre de conventions. D'après l'étude d'impact, les activités de mandataire public de la CDC correspondent à des flux s'élevant à « plusieurs dizaines de milliards d'euros par an », sans davantage de précision.

La loi de 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises 470 ( * ) a précisé le cadre législatif des mandats de gestion.

Concernant les collectivités territoriales et leurs établissements publics, il est nécessaire de distinguer les mandats relatifs à la gestion des dépenses, et ceux relatifs aux recettes.

Aux termes de l'article L. 1611-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent confier, par convention écrite, à un organisme doté d'un comptable public, l'attribution des dépenses relatives :

- aux bourses d'action sanitaire et sociale ;

- aux aides en matière d'emploi, d'apprentissage et de formation professionnelle continue ;

- aux aides complémentaires des aides nationales ou de l'Union européenne gérées par cet organisme ;

- à d'autres dépenses énumérées par décret.

Aux termes de l'article L. 1611-71-1 du CGCT, elles peuvent confier à un organisme public ou privé, après avis conforme de leur comptable public, l'encaissement :

- du produit des droits d'accès à des prestations culturelles, sportives, et touristiques ;

- du revenu tiré des immeubles leur appartenant et confiés en gérance, ou d'autres produits et redevances fixés par décret ;

- du revenu tiré des prestations assurées dans le cadre d'un contrat portant sur la gestion du service public de l'eau, de l'assainissement ou autre service public fixé par décret.

Ainsi, pour l'encaissement des recettes, l'organisme mandaté ne doit pas nécessairement avoir un comptable public.

L'État, ses établissements publics, leurs groupements d'intérêt public (GIP) et les autorités publiques indépendantes (API) peuvent confier l'encaissement de recettes et le paiement de dépenses à un organisme public ou privé, sous réserve de l'avis conforme du comptable public 471 ( * ) . Les recettes fiscales, et plus largement les prélèvements obligatoires, sont exclus du dispositif.

II. Le dispositif proposé

Le présent article introduit un nouvel article L. 518-24-1 dans le code monétaire et financier visant à harmoniser le cadre législatif des mandats confiés à la CDC.

Il prévoit ainsi que l'État, ses établissements publics, les groupements d'intérêt public (GIP) et les autorités publiques indépendantes, peuvent confier à la CDC un mandat pour encaisser des recettes, payer des dépenses, et agir en justice au nom et pour le compte du mandant (alinéa 4), sous réserve de respecter les conditions suivantes :

- la convention doit être écrite ;

- les ministres chargés de l'économie et du budget doivent autoriser le mandat ;

- le principe d'une reddition au moins annuelle des comptes doit être respecté.

Concernant les mandats confiés par les collectivités territoriales, le présent article tire les conséquences de la suppression de la fonction de caissier général prévu à l'article 33 de la présente loi .

Alors même que la CDC n'aura plus de comptable public, le présent article prévoit que les collectivités territoriales peuvent lui confier les opérations de paiement des dépenses prévues au II de l'article L. 1611-7 précité.

Elles peuvent également confier à la CDC le paiement des dépenses et l'encaissement des recettes pour les fonds qui lui ont déjà été confiés à la date d'entrée en vigueur de la présente loi (alinéa 5).

Enfin, le présent article prévoit une disposition de régularisation des mandats en cours de gestion (alinéa 6).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement à cet article.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent article procède à une clarification bienvenue du cadre législatif en ce qui concerne la fonction de mandataire de gestion de la CDC.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel (COM-545).

Votre commission a adopté l'article 37 ainsi modifié.

Article 38
(art. L. 111-3 et L. 131-2-1 du code des juridictions financières)
Coordination avec l'application de la comptabilité commerciale
à la Caisse des dépôts et consignations

Le présent article a pour objet la suppression du contrôle juridictionnel de la Cour des comptes sur la gestion comptable de la CDC, par coordination avec l'article 33.

I. Le droit en vigueur

Aux termes des articles L. 518-15 du code monétaire et financier et L. 131-3 du code des juridictions financières, les modalités du contrôle juridictionnel exercé par la Cour des comptes sur la CDC sont définies par décret en Conseil d'État , « compte tenu du statut spécial de cet établissement » 472 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article tire les conséquences de l'article 33 et modifie le code des juridictions financières afin de supprimer le contrôle juridictionnel de la Cour des comptes sur la CDC . En effet, l'article 33 du présent projet de loi applique les règles de comptabilité commerciale de droit commun à la CDC. Par conséquent, il supprime la fonction de caissier général, et le contrôle juridictionnel afférent de la Cour des comptes devient sans objet.

Le II du présent article abroge l'article L. 131-3 du code des juridictions financières, qui prévoit la compétence juridictionnelle de la Cour des comptes envers la Caisse des dépôts.

Par conséquent, le I du présent article modifie l'article L. 111-3 du même code, en supprimant la mention de l'article abrogé.

Les alinéas 4 et 5 procèdent aux coordinations nécessaires dans le code des juridictions financières.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent article s'inscrit dans la continuité de l'article 33.

Elle relève que le maintien du contrôle de gestion de la Cour des comptes selon les modalités de droit commun applicables aux personnes morales de droit public constitue une garantie de la préservation de la nature particulière de la CDC , en dépit de l'application des règles de la comptabilité commerciale.

Votre commission a adopté l'article 38 sans modification.

Article 39
Entrée en vigueur des dispositions du projet de loi
relatives à la Caisse des dépôts et consignations

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le dispositif proposé

En principe, sauf dispositions particulières, les dispositions du présent projet de loi entreront en vigueur au lendemain de leur publication au Journal officiel.

Le présent article vise à permettre une entrée en vigueur différée de certaines des dispositions relatives à la CDC.

Le I du présent article prévoit que les articles 33 et 38 entrent en vigueur le 1 er janvier 2020 . Pour rappel, ces articles sont relatifs :

- à l'application des règles de gestion comptable et commerciale à la CDC, ainsi que des mesures de coordination nécessaires (articles 33 et 38) ;

Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur progressive des dispositions relatives à la composition de la commission de surveillance, prévues à l'article 30, à l'exception de l'introduction de deux membres représentant du personnel qui intervient dès l'entrée en vigueur de la présente loi .

Le Gouvernement souhaite associer le remplacement des membres issus des grands corps de l'État - Cour des comptes et Conseil d'État -, ainsi que de la Banque de France, par des personnalités qualifiées, au transfert de l'autorité de supervision à l'ACPR.

De plus, le présent article prévoit que les parlementaires membres de la commission de surveillance restent en fonction jusqu'au terme de leur mandat. L'introduction de parlementaires issus des commissions des affaires économiques des deux assemblées aura lieu lors du prochain renouvellement de ces membres.

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative du rapporteur, afin de clarifier les modalités d'entrée en vigueur. L'amendement prévoit que les articles 34, 35 et 36 entrent en application à compter du 1 er janvier 2020. En effet, l'article présentait une incohérence entre les deux paragraphes, le second prévoyant une entrée en vigueur différée de la composition de la commission de surveillance en raison du transfert de l'autorité de supervision à l'ACPR, alors même que l'article 35 afférent entrait en vigueur immédiat.

Désormais, les articles 33 à 36 et 38 entrent en vigueur au 1 er janvier 2020.

III. La position de votre commission

Votre commission estime qu'il est pertinent de prévoir une entrée en vigueur différée des dispositions visées par le présent article.

Un amendement de coordination avec l'article 30 est toutefois nécessaire.

Votre commission a adopté l'article 39 ainsi modifié.

Article 39 bis
(art. L. 312-1-6 du code monétaire et financier)
Accès à la médiation dans les conventions de compte

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit existant

Les articles L. 312-1-1 à L. 312-1-8 du code monétaire et financier déterminent les conditions des relations entre les établissements de crédit et leurs clients.

Pour les personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels, l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier prévoit que la gestion d'un compte de dépôt est réglée par une convention écrite passée entre le client et son établissement de crédit. Il s'agit ainsi de sécuriser le processus d'ouverture de compte en obligeant la banque à procéder à un certain nombre de diligences (vérifications d'identité, de domicile, etc.) et, surtout, à respecter certaines obligations d'information, en particulier sur le fonctionnement et les conditions tarifaires du compte.

Pour ces personnes, la médiation bancaire s'applique de droit , conformément à l'article L. 316-1 du code monétaire et financier.

Pour les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels , la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires 473 ( * ) a introduit un dispositif analogue, reproduit à l'article L. 312-1-6 du code monétaire et financier. Cet article prévoit que la gestion du compte est réglée par une convention écrite.

Sur le modèle de la convention de compte prévue pour les particuliers, il est renvoyé à un arrêté du ministre chargé de l'économie pour préciser les principales stipulations que cette convention de compte doit comporter , notamment les modalités d'accès à la médiation. Il s'agit, en cas d'échec du traitement direct d'un différend entre un client et sa banque, de recourir à un tiers afin d'assurer le règlement extra-judiciaire des litiges.

L'arrêté du 1 er septembre 2014 474 ( * ) est intervenu pour déterminer les éléments que la convention de compte conclue entre le client agissant pour des besoins professionnels et son établissement de crédit doit comporter. Son article 2 indique ainsi que « lorsqu'un dispositif de médiation est prévu , les modalités de saisine du médiateur compétent dont relève l'établissement de crédit » doivent figurer dans la convention de compte.

Il en résulte donc que l'ouverture de la médiation aux professionnels personnes physiques n'est pas obligatoire . Certains établissements de crédit ne la proposent pas à ces clients.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré par la commission spéciale de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Daniel Labaronne et d'autres membres du groupe La République en Marche, avec un avis favorable du Gouvernement.

Il vise à compléter l'article L. 312-1-6 du code monétaire et financier afin d'obliger les établissements de crédit à proposer un service de médiation à leurs clients personnes physiques agissant pour des besoins professionnels .

Si le renvoi à un arrêté du ministre chargé de l'économie pour préciser les principales stipulations de la convention est maintenu, celle-ci devra comporter les modalités d'accès à la médiation.

III. La position de votre commission spéciale

Le présent article vient utilement compléter le cadre législatif entourant la convention de compte liant un client agissant pour des besoins professionnels et son établissement de crédit.

Lors de l'introduction d'une obligation de convention de compte pour ces clients en 2013, la rédaction de l'article L. 312-1-6 du code monétaire et financier a été calquée sur celle de l'article L. 312-1-1 du même code relatif aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels.

Or, pour ces personnes, la saisine du médiateur est de droit, conformément à l'article L. 316-1 du même code, de sorte qu'il n'est pas utile de prévoir la mention obligatoire d'un service de médiation au sein de la convention de compte.

De fait, compte tenu d'une rédaction en partie imprécise , certains clients agissant pour des besoins professionnels ne bénéficient pas de ce service, sans que telle ait été l'intention du législateur . Aussi votre rapporteur approuve-t-il la précision apportée par le présent article.

Votre commission a adopté l'article 39 bis sans modification.

Section 2
Protéger les inventions et
libérer l'expérimentation de nos entreprises
Sous-section 1
Protéger les inventions de nos entreprises
Article 40
(art. L. 515-2 [nouveau], L. 611-2, L. 612-14, L. 612-15 et
L. 811-1-1 du code de la propriété intellectuelle)
Modernisation du certificat d'utilité

I. Le droit en vigueur

Dans son article L. 611-2, le code de la propriété intellectuelle prévoit trois titres de propriété intellectuelle protégeant les inventions :

les brevets d'invention , délivrés pour une durée de vingt ans à compter du jour de dépôt de la demande ;

les certificats d'utilité , délivrés pour une durée de six ans à compter du jour de dépôt de la demande ;

3° les certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet prenant effet au terme légal du brevet auquel ils se rattachent.

Comme le brevet, le certificat d'utilité confère à son titulaire un monopole d'exploitation de son invention.

Toutes les dispositions applicables aux brevets le sont aussi aux certificats d'utilité qui offre donc la même protection qu'un brevet, à quelques différences près :

- tout d'abord la durée des titres n'est pas la même : vingt ans maximum pour le brevet, six ans maximum pour le certificat d'utilité ;

- les formalités devant l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) diffèrent : aucun rapport de recherche, tel que prévu par l'article L. 612-14 du code de la propriété intellectuelle, n'est exigé dans le cas du certificat d'utilité contrairement au brevet ; l'INPI n'effectue donc aucun examen de fond du certificat d'utilité et délivre automatiquement, après un simple examen de forme, le certificat d'utilité ; la procédure est donc plus simple et plus rapide, en moyenne de l'ordre de six mois ; elle est en outre moins coûteuse 475 ( * ) ;

- autant le demandeur peut transformer une demande de brevet en demande de certificat d'utilité 476 ( * ) , autant l'inverse n'est pas autorisé.

Le régime du certificat d'utilité est a priori bien adapté aux petites et moyennes entreprises qui souhaitent protéger des modifications ou des évolutions mineures à des produits déjà existants ou des inventions à durée de vie courte. C'est un titre plus facile à obtenir et aussi moins coûteux 477 ( * ) .

Toutefois, ce titre de propriété intellectuelle est très peu utilisé dans notre pays : à peine 3 % des demandes de titres concernent des certificats d'utilité (500 demandes par an contre plus de 16 000 demandes concernant les brevets). Or, dans d'autres pays qui disposent d'un outil juridique comparable 478 ( * ) , il est souvent bien plus développé et utilisé par les entreprises.

Brevets d'invention et certificats d'utilité
en France, Allemagne, Autriche et Chine en 2013

Pays

Nombre de demandes de brevets

Nombre de demandes de certificats d'utilité

Poids des certificats d'utilité

France

16 886

503

3 %

Allemagne

63 158

15 472

24 %

Autriche

26 358

1 856

7 %

Chine

2 377 061

892 362

37 %

Source : étude d'impact du présent projet de loi

II. Le dispositif proposé

1. Allongement de la durée du certificat d'utilité à 10 ans

Dans son a) du 1° du I , le présent article vise à allonger la durée du certificat d'utilité de six à dix ans , la rapprochant de ce qui existe dans d'autres pays, notamment en Chine et en Allemagne.

2. Ouverture de la possibilité de transformation d'une demande de certificat d'utilité en demande de brevet

Si le déposant souhaite in fine bénéficier d'une protection plus forte, le présent article, dans le 3° du I , rend possible la transformation d'une demande de certificat d'utilité en demande de brevet d'invention , engageant la réalisation du rapport de recherche. Le délai et la procédure afférents seront précisés par voie réglementaire.

Ces deux mesures devraient permettre de doubler le nombre annuel de demandes certificats d'utilité qui passerait ainsi de 500 à 1000 par an 479 ( * ) .

3. Apposition d'une formule exécutoire par l'INPI

Le 4° du I du présent article désigne l'INPI pour l'apposition de la formule exécutoire prévue à l'article 71 du règlement européen (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires. La formule exécutoire est requise dans le cadre de l'exécution forcée des décisions de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) fixant le montant des frais relatifs aux actions en nullité ou recours formés contre les dessins et modèles communautaires. Cette disposition vient combler une lacune de la partie législative du code de la propriété intellectuelle, l'INPI réalisant déjà cette apposition depuis l'entrée en vigueur du règlement européen en 2002.

4. Diverses mesures de coordination

Les b) du 1°, 2° et 5° du I du présent article sont des mesures de coordination légistique.

5. Entrée en vigueur

Le II du présent article prévoit que les nouvelles rédactions n'entreront en vigueur qu'à la date de publication du texte réglementaire relatif à la transformation d'une demande de certificat d'utilité en demande de brevet ( cf. 3° du I du présent article) et au plus tard douze mois après la publication de la loi.

Seuls les certificats d'utilité délivrés par l'INPI après l'entrée en vigueur de la mesure bénéficieront des nouvelles mesures : la durée de protection des certificats d'utilité en vigueur au moment de l'entrée en vigueur de la mesure (« stock de certificats d'utilité » en cours de validité) ne sera pas modifiée et restera de six ans.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modifications autres que rédactionnelles.

En séance publique, cet article a été adopté sans modification.

III. La position de votre commission

Votre commission spéciale est très attentive aux questions de propriété intellectuelle qui jouent un rôle croissant dans les processus d'innovation et la compétitivité de nos entreprises. L'étude d'impact du présent projet de loi rappelle à cet effet qu'au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de brevets déposés chaque année au niveau mondial a triplé, pour atteindre plus de 3 millions de brevets déposés en 2016.

Votre commission est favorable au dispositif proposé qui permet d'aligner notre régime juridique sur celui des grands pays inventeurs et notamment de nos partenaires européens et d'offrir un brevet facile d'accès aux PME et aux chercheurs que nous devons inciter à protéger leurs inventions.

Votre commission est également favorable à la création d'une procédure dématérialisée de demande provisoire de brevet 480 ( * ) . Cette procédure devrait être mise en place par voie réglementaire dans un délai de six mois, conformément aux engagements pris par le ministre devant l'Assemblée nationale. Une telle procédure devrait permettre de déposer un brevet de manière anticipée, sans risquer de se faire doubler par un concurrent. C'est une disposition cruciale pour défendre l'innovation en France.

Votre commission a adopté l'article 40 sans modification.

Article 41
(art. L. 114-3-3, art. L. 531-1, art. L. 531-3 à L. 531-12,
art. L. 531-12-1 [nouveau], art. L. 531-13,
art. L. 531-14 à L. 531-16 [nouveaux], art. L. 533-1,
art. L. 545-1, L. 546-1 et L. 547-1 du code de la recherche)
Chercheurs entrepreneurs

I. Le droit en vigueur

Depuis vingt ans, les gouvernements successifs s'efforcent de rapprocher la recherche de l'activité économique en favorisant la valorisation des résultats de recherche et une plus grande coopération entre la recherche publique et l'industrie.

La loi n ° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche (dite « loi Allègre ») a instauré trois dispositifs dérogatoires afin de permettre aux personnels de la recherche publique 481 ( * ) d'être plus facilement associés aux opérations industrielles et commerciales de valorisation de leurs innovations : la création d'entreprise ; le concours scientifique ; la participation à la gouvernance d'une société anonyme .

• La création d'entreprise

Les articles L. 531-1 à L. 531-7 du code de la recherche précisent les conditions dans lesquelles un personnel de la recherche peut devenir dirigeant ou associé d'une entreprise créée pour valoriser ses travaux de recherche.

Au préalable, il doit signer avec son établissement de recherche un contrat de valorisation sur lequel la commission de déontologie de la fonction publique émet un avis. Lorsque l'avis a été rendu et que l'établissement de recherche a donné son autorisation, l'agent peut créer son entreprise. L'autorisation est donnée pour une durée de deux ans, renouvelable deux fois. L'agent cesse alors toute activité au titre du service public dont il relève, à l'exception de quelques activités d'enseignement. Il est soit détaché dans l'entreprise, soit mis à disposition de celle-ci.

À l'issue de cette période, le chercheur peut soit se mettre en disponibilité, soit démissionner de la fonction publique, soit être réintégré dans son emploi public, à condition de céder ses parts de l'entreprise dans les 12 mois.

Il peut néanmoins être autorisé à apporter son concours scientifique à l'entreprise ou à conserver une participation dans le capital social de l'entreprise dans la limite de 49 % du capital.

• Le concours scientifique

Les articles L. 531-8 à L. 531-11 du code de la recherche précisent les conditions dans lesquelles un personnel de la recherche peut être autorisé à apporter son concours scientifique à une entreprise qui assure la valorisation des travaux de recherche qu'il a réalisés.

L'agent doit être autorisé par sa hiérarchie à effectuer un concours scientifique, après avis de la commission de déontologie. Par un avis rendu le 15 novembre 2001 (avis n° 01AR0073), cette commission a fixé à 20 % au plus la quotité de temps de travail consacrée par l'agent à l'entreprise , celui-ci restant rémunéré à temps plein.

Pour valider l'autorisation, une convention de concours scientifique doit être signée entre l'employeur de l'agent et l'entreprise, ainsi qu'un contrat de valorisation. L'autorisation de concours scientifique est accordée pour cinq ans renouvelables .

Le fonctionnaire ne peut participer ni à l'élaboration ni à la passation des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. Il ne peut, au sein de l'entreprise, ni exercer des fonctions de dirigeant, ni être placé dans une situation hiérarchique.

La rémunération perçue pour le concours scientifique par l'agent est plafonnée à un montant fixé par décret n° 99-1081 du 20 décembre 1999 modifié. Le montant brut annuel était de 74 226 euros au 1 er février 2017.

Le chercheur peut également être autorisé à détenir 49 % du capital de cette entreprise lors de la création de celle-ci ou ultérieurement.

À l'issue de la période d'autorisation, le fonctionnaire dispose d'un an pour céder ses droits sociaux. Il ne peut plus conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque dans l'entreprise.

• La participation à la gouvernance d'une société anonyme

Les articles L. 531-12 à L. 531-14 du code de la recherche précisent les conditions dans lesquelles un personnel de la recherche peut être autorisé à participer au conseil d'administration ou au conseil de surveillance d'une société anonyme.

L'autorisation est donnée par l'autorité dont relève le fonctionnaire après avis de la commission de déontologie. Elle est valable deux ans renouvelables deux fois . La rémunération liée au capital et à la gouvernance (jetons de présence) est plafonnée. Le fonctionnaire ne peut pas à la fois être membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'entreprise et apporter son concours scientifique à cette dernière. Sa participation dans le capital social de l'entreprise ne peut excéder 20 %. Il ne peut participer ni à l'élaboration ni à la passation des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche.

À l'issue de cette période ou de son mandat d'administrateur, le chercheur peut soit se mettre en disponibilité, soit démissionner de la fonction publique, soit être réintégré dans son emploi public, à condition de céder ses parts de l'entreprise dans les trois mois.

En février 2017, un rapport 482 ( * ) a dressé un bilan assez mitigé de ces dispositifs. En seize ans, de 2000 à 2015 inclus, la commission de déontologie a étudié 1571 dossiers et émis 1426 avis favorables et sous réserve, soit une moyenne annuelle de 98 dossiers et de 89 avis favorables par an, dont :

- 231 avis favorables à une demande de création d'entreprise (16,2 % des avis favorables);

- 1144 avis favorables à une demande de concours scientifique (80,3 % des avis favorables) ;

- 58 avis favorables à une demande de participation à la gouvernance d'une société anonyme (3,5 % des avis favorables).

Selon l'étude d'impact jointe au présent projet de loi, plusieurs freins à l'utilisation de ces dispositifs ont été relevés auprès des utilisateurs :

- l'interdiction de maintenir un lien avec le service public de la recherche en cas de création d'entreprise : elle apparaît comme un obstacle important pour les fonctionnaires qui restent attachés à leur administration et hésitent à franchir le pas en raison des incertitudes autour de leur rémunération à venir et de leur capacité entrepreneuriale ;

- l'interdiction de maintenir tout lien avec l'entreprise à l'issue du concours scientifique ;

- l'impossibilité de conserver le capital à l'issue de l'autorisation : elle dissuade les chercheurs de consacrer des efforts dans cette activité privée aux résultats incertains et met parfois en difficulté ceux qui ont pris le risque et ne parviennent pas à revendre leurs parts, faute de repreneurs.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose d'assouplir et de simplifier le dispositif afin de le rendre plus attractif pour les personnels de recherche.

Les modifications apportées au dispositif de participation à la création d'entreprise

Désormais, le personnel de recherche désireux de créer son entreprise pourra conserver un lien avec le service public de la recherche. Le 3° du présent article réécrit l'article L. 531-4 du code de la recherche afin d'autoriser une mise à disposition ou un détachement à temps partiel dans l'entreprise en création.

Par ailleurs, le 4° du présent article modifie l'article L. 531-5 du même code afin que la mobilité du personnel de la recherche au sein de l'entreprise ne le pénalise pas dans sa carrière professionnelle. Désormais, il pourra bénéficier d'un avancement de grade dans son corps ou cadre d'emploi d'origine, même s'il n'est pas en fonction dans l'administration. Par ailleurs, il pourra bénéficier d'une nomination dans un autre corps à condition que celle-ci ne soit pas conditionnée à l'accomplissement d'une période de formation ou de stage préalable.

Les modifications apportées au dispositif d'apport d'un concours scientifique

Le 6 ° du présent article modifie l'article L. 531-8 du même code afin d'augmenter la quotité de temps de travail que le personnel de recherche peut consacrer à son activité dans l'entreprise . Celle-ci était limitée à 20 %, elle pourra désormais atteindre 50 %. En contrepartie, lorsque la mise à disposition ne sera pas jugée compatible avec l'exercice d'un temps plein dans la fonction publique, elle devra faire l'objet d'un remboursement de la part de l'entreprise (12° du présent article).

Par ailleurs, les fonctions susceptibles d'être occupées par le personnel de recherche dans le cadre du concours scientifique à l'intérieur de l'entreprise sont élargies . Ainsi, le b) du 7° du présent article prévoit que le fonctionnaire peut être placé dans une situation hiérarchique. Seule l'interdiction d'exercer la fonction de dirigeant est maintenue.

Les modifications apportées au dispositif de participation à la gouvernance de l'entreprise

Les 9 ° et 10 ° du présent article modifient l'article L. 531-12 du code de la recherche afin de remplacer les termes de conseil d'administration et le conseil de surveillance par le terme plus générique d'organes de direction et de substituer le terme de société anonyme par celui de société commerciale.

Les dispositions communes aux trois dispositifs

- Simplification des procédures d'autorisation

Le 12 ° du présent article crée un article L. 531-14 du code de la recherche qui simplifie et unifie les procédures d'autorisation de création d'entreprise, de concours scientifique, de participation au capital d'une entreprise et de participation aux organes de direction d'une société commerciale. La décision d'autorisation de l'administration n'est plus subordonnée à l'avis préalable de la commission de déontologie . Elle dépend directement de l'établissement dont relève le fonctionnaire. Cependant, ledit établissement pourra continuer à demander l'avis de la commission de déontologie s'il ne s'estime pas en mesure d'apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d'intérêts.

Par ailleurs, le suivi de l'autorisation est désormais assuré par l'établissement dont relève le fonctionnaire plutôt que par la commission de déontologie.

Les conditions dans lesquelles l'autorisation peut être refusée ou abrogée ou son renouvellement refusé restent les mêmes que dans le dispositif actuel 483 ( * ) , mais elles sont regroupées dans l'article L. 531-14 précité.

Par conséquent, tous les articles du code de la recherche qui faisaient référence à la procédure d'autorisation pour chaque dispositif sont abrogés (article L. 531-3 abrogé par le 2 °, article L. 531-7 abrogé par le 5°, articles L. 531-10 et L. 531-11 abrogés par le 8°).

- Passage d'un dispositif à un autre

Le 12 ° du présent article insère également un article L. 531-14-1 dans le code de la recherche qui autorise le personnel de recherche à passer d'un dispositif à un autre. Il permet également au fonctionnaire de conserver une participation au capital de l'entreprise dans la limite de 49 % de son montant lorsque l'autorisation pour créer une entreprise ou pour apporter un concours scientifique arrive à son terme.

- Participation au capital de l'entreprise

Au terme de l'autorisation pour la création d'une entreprise ou pour la participation aux organes de direction d'une société commerciale, en cas de fin anticipée de celle-ci convenue entre le fonctionnaire et l'autorité de tutelle ou de non renouvellement, le fonctionnaire peut désormais conserver une participation au capital de l'entreprise dans la limite de 49 % du capital, à l'instar de ce qui est déjà actuellement prévu lorsque le fonctionnaire crée une entreprise.

- Prise en compte des dispositifs de valorisation

La valorisation a longtemps été le monopole des organismes de recherche et des entreprises publiques. Toutefois, les outils de valorisation ont été diversifiés ces dernières années, à travers les sociétés commerciales de valorisation développées par les organismes de recherche et la création de nouvelles structures dans le cadre du programme des investissements d'avenir (telles que les sociétés d'accélération du transfert de technologies). Les 1 ° et 5° du présent article en tiennent compte en précisant qu'un fonctionnaire peut être autorisé à créer une entreprise ou à apporter son concours scientifique en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique, une entreprise publique, mais également avec une personne morale mandatée par ces dernières.

La désignation d'un mandataire unique

L'article L. 533-1 du code de la recherche porte sur les inventions réalisées par les fonctionnaires.

Le V. prévoit la désignation par les déposants d'un mandataire unique chargé de la gestion, de l'exploitation et de la négociation du titre de propriété avant sa publication. Le a) du 13 ° du présent article modifie l'article L. 533-1 précité afin d'élargir le champ d'application du décret d'application. Jusqu'à présent, celui-ci fixait le mode de désignation et les missions du mandataire. Désormais, il fixera également les pouvoirs de celui-ci.

Par ailleurs, le b) du 13 ° supprime, dans l'article L. 533-1 précité, la disposition qui obligeait toute entreprise ayant acquis le titre de propriété d'une invention réalisée par une personne publique de le rétrocéder s'il n'a pas été exploité dans un délai de cinq ans.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, cette disposition crée une insécurité juridique pour l'ensemble des acteurs et donc un frein au transfert de technologie. En effet, les établissements publics ne savent pas exactement comment mettre en place cette obligation sans mettre en péril leur négociation avec un exploitant. En outre, elle est parfois interprétée comme un droit d'option exclusif gratuit pour un exploitant du fait de la restitution de contrepartie financière versée notamment aux établissements, ce qui empêche ou retarde la réalisation d'autres opportunités de transfert de technologie.

Enfin, le 14 ° du présent article opère les coordinations nécessaires à l'application des dispositions présentées précédemment à Wallis et Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle Calédonie.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté deux modifications.

D'abord, elle a étendu aux dirigeants des organismes de recherche et d'enseignement supérieur la possibilité de participer aux organes de direction d'une société commerciale afin de favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique . L'autorisation est alors donnée par le ou les ministres de tutelle. La participation du fonctionnaire aux organes de direction ainsi que le nom de la société sont rendus publics. En outre, l'exercice de cette activité ne peut donner lieu à aucune rémunération.

Ensuite, elle a modifié la composition du haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur afin d'imposer qu'un des neuf membres ayant la qualité de chercheur, d'ingénieur ou d'enseignant-chercheur, nommés sur proposition des instances d'évaluation compétentes en matière d'enseignement supérieur et de recherche parmi leurs membres élus, soit un personnel de recherche qui a participé à la création d'une entreprise en application des articles L. 531-1 et suivants du code de la recherche.

IV. La position de votre commission

Votre commission approuve les assouplissements apportés aux dispositifs dérogatoires permettant aux chercheurs d'être plus facilement associés à la valorisation des innovations dont ils sont à l'origine.

Toutefois, elle est consciente qu'ils constituent une condition nécessaire mais non suffisante pour inciter les chercheurs à se tourner davantage vers la valorisation.

Une meilleure prise en compte de la valorisation dans le déroulement de la carrière des chercheurs - qui pourrait par exemple devenir une étape obligée pour l'accession à certains postes de responsabilité - et dans leur évaluation est indispensable pour inciter un nombre plus important de chercheurs à se consacrer à la valorisation de leurs travaux de recherche.

C'est la raison pour laquelle votre commission a adopté l'amendement COM-358 qui ajoute aux critères objectifs de l'évaluation définis à l'article L. 114-1 du code de la recherche, aujourd'hui limités aux « contributions au développement de la culture scientifique et aux actions en faveur de la participation du public à la prospection, à la collecte de données et au progrès de la connaissance scientifique », les contributions au développement de l'innovation.

Votre commission profite de cet amendement pour effectuer un toilettage législatif. L'article L. 114-3-1 du code de la recherche définit les missions du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur et prévoit que ce dernier valorise systématiquement, dans ses critères d'évaluation, l'innovation, les activités entrepreneuriales des chercheurs ainsi que les établissements qui offrent à leurs chercheurs un cadre de travail dynamique favorisant les créations d'entreprises. Dans cet objectif, il est fait référence aux dispositions du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de la recherche. Or, ces dispositions ont été déplacées au chapitre Ier du titre III du livre V du même code après l'adoption de l'ordonnance n ° 2014-135 du 17 février 2014 modifiant la partie législative du code de la recherche. L'amendement tire les conséquences de cette modification et remplace la référence au chapitre III du titre Ier du livre IV par le chapitre Ier du titre III du livre V.

Elle a également adopté deux amendements rédactionnels COM-357 et COM-359 .

Par ailleurs, votre commission insiste sur la nécessité de lever l'ensemble des freins administratifs aux passerelles entre le monde de la recherche et le monde de l'entreprise. Actuellement, les durées d'autorisations pour la création d'une entreprise ou la participation à ses organes de direction s'élèvent à deux ans renouvelables deux fois. Plusieurs interlocuteurs se sont prononcés pour une durée de trois ans renouvelables trois fois. Votre commission est favorable à cet allongement de la durée de mise à disposition qui devra être précisée dans le décret d'application.

En ce qui concerne les dispositions concernant le mandataire unique, votre commission est consciente que la situation actuelle n'est pas optimale, moins en raison de l'absence de mandataire unique - 75 % des conventions en auraient désigné un - qu'en raison de ses pouvoirs limités.

Ainsi, le mandataire unique n'est pas autorisé à négocier les cessions de brevet. Votre commission comprend donc la volonté du gouvernement de renforcer les pouvoirs du mandataire unique. Toutefois, elle met en garde sur le fait que l'efficacité relative des mandataires uniques est également liée à la complexité du paysage de la recherche français : la coexistence d'organismes de recherche, d'universités et d'écoles d'ingénieurs, la multiplication des tutelles dans le cadre des unités mixtes sont autant d'obstacles à une gestion rationnelle de la propriété intellectuelle.

Votre commission s'interroge donc sur l'efficacité des mesures réglementaires que souhaite adopter le gouvernement si elles ne sont pas accompagnées par une simplification concomitante du dispositif français de recherche.

En outre, les illusions sur le montant des ressources que rapporterait un brevet à l'établissement copropriétaire et la persistance d'indicateurs de performance qui incitent les établissements de recherche à revendiquer la copropriété des brevets sont des obstacles plus puissants au développement du mandataire unique que les faiblesses de la réglementation actuelle.

Votre commission souhaite donc que la modification du décret n° 2014-1518 du 16 décembre 2014 relatif au mode de désignation et aux missions du mandataire s'accompagne d'une large consultation de toutes les parties prenantes.

Votre commission a adopté l'article 41 ainsi modifié.

Article 41 bis
(art. L. 431-4 [nouveau] du code de la recherche)
Contrats de chantier pour les établissements publics de recherche
à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique

I. Le droit en vigueur

Les établissements de recherche sont amenés de manière croissante à financer leurs projets de recherche à travers des partenariats avec les entreprises ou en répondant à des appels à projets nationaux et européens. Ils sont alors conduits à recruter des personnels aux compétences particulières sur des durées s'échelonnant entre trois et cinq ans, voire plus.

Pourtant, les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial (EPIC) et les fondations reconnues d'utilité publique (FRUP) ayant pour activité principale la recherche publique disposent de dispositifs de recrutement peu adaptés aux besoins de la recherche sur projet, alors même que ce type de recherche représente une part croissante de leur activité et de leurs ressources financières.

En effet, ils n'ont à leur disposition que deux dispositifs :

- celui des contrats à durée déterminée prévu à l'article L. 1242-8-1 du code du travail : la durée maximale s'élève à 18 mois non renouvelable ;

- celui des contrats à objet défini prévu à l'article L. 1242-8-2 du code du travail : la durée peut atteindre 36 mois. Toutefois, elle reste inférieure aux durées de financement de certains projets de recherche.

En outre, ces contrats concernent uniquement les cadres et les ingénieurs, ce qui exclut les techniciens de recherche qui peuvent également être recrutés dans le cadre d'un projet de recherche.

Leur mise en oeuvre est aussi très contrainte : un accord d'entreprise doit notamment prévoir les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauche et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel.

L'article 30 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 devenu l'article L. 1223-8 du code du travail a autorisé une convention ou un accord collectif de branche à fixer les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d'un chantier ou d'une opération.

Par ailleurs, l'article L. 2233-3 du code du travail indique que les conventions de branche peuvent s'appliquer à des établissements publics industriels et commerciaux.

Toutefois, selon les informations obtenues par votre rapporteur, les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial ne sont rattachés à aucune branche.

De plus, l'article 30 précité ne peut pas s'appliquer aux fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique alors même qu'une part significative des travaux de recherche de ces dernières est menée en coopération avec des entreprises ou financée à travers des appels à projets.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui insère dans le code de la recherche la possibilité de conclure des contrats de chantier en s'inspirant très largement des articles L. 1223-8 et L. 1223-9 du code du travail.

Concrètement, l'article L. 431-4 nouvellement créé permet aux établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et aux fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique de signer un accord d'entreprise qui fixe les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d'un chantier ou d'une opération.

Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée.

L'accord d'entreprise doit préciser :

- les activités concernées ;

- les mesures d'information du salarié sur la nature de son contrat ;

- les contreparties en termes de rémunération et d'indemnité de licenciement accordées aux salariés ;

- les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;

- les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l'hypothèse où le chantier ou l'opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.

Afin de prévenir les abus, il est prévu que la rupture du contrat de chantier ou d'opération qui intervient à la fin du chantier ou une fois l'opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse.

Enfin, l'accord d'entreprise peut prévoir que le salarié licencié à l'issue d'un contrat de chantier ou d'opération bénéficie d'une priorité de réembauche en contrat à durée indéterminée dans le délai et selon les modalités fixées par l'accord.

III. La position de votre commission

Votre commission constate que le contrat à durée indéterminée de chantier ou d'opération permettra des durées de recrutement plus longues et plus protectrices pour les salariés.

En outre, ces contrats ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des salariés recrutés sur un même projet de recherche quelles que soient leurs fonctions.

Dans le même temps, ce type de contrat permet de maîtriser la gestion du risque économique que fait peser une activité et des financements par nature non pérennes dans le temps.

Votre commission a adopté l'article 41 bis sans modification.

Article 42
Habilitation à créer par ordonnance
une procédure d'opposition aux brevets d'invention

I. Le droit en vigueur

L'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle ne donne pas une définition de l'invention, mais énonce les conditions de fond qui permettent de faire breveter une invention . Sont brevetables , dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle .

L'Institut national de la propriété industrielle (INPI) est l'office français de propriété industrielle. Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de l'industrie, il délivre, au nom de l'État, les différents titres de propriété industrielle.

Toutefois, contrairement à d'autres offices nationaux de propriété industrielle ou à l'office européen des brevets, la loi n'a pas donné à l'INPI la faculté de considérer l'absence d'activité inventive ou d'application industrielle comme des motifs de rejet dans le cadre de la demande de brevetabilité d'une invention.

L'INPI élabore un rapport de recherche - sous-traité à l'Office européen des brevets - qui permet d'apprécier la nouveauté de l'invention et donne des éléments d'appréciation sur l'activité inventive. L'INPI délivre également un avis de brevetabilité, mais il n'est pas contraignant pour le déposant sauf en cas d'absence manifeste de nouveauté.

En outre, le code de propriété intellectuelle ne prévoit aucun recours administratif pour les brevets d'invention . La nullité d'un brevet d'invention délivré par l'INPI ne peut être prononcée que dans le cadre d'une procédure judiciaire.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose d'instaurer un recours administratif en vue d'obtenir la révocation ou la limitation d'un brevet d'invention délivré par l'INPI.

Selon l'étude d'impact, la procédure d'opposition envisagée « constituera un dispositif administratif simple, rapide et peu coûteux, permettant d'éviter un recours en justice dans le cadre des litiges simples. Ces caractéristiques répondent à des attentes très fortes des praticiens de la propriété intellectuelle et des entreprises, notamment les PME ».

Trois avantages sont avancés pour défendre l'instauration de la procédure d'opposition :

- mieux réguler l'activité économique : cette procédure donnerait aux entreprises les plus innovantes la possibilité d'attaquer à moindre coût un brevet de faible qualité détenu par un concurrent et donc de libérer rapidement un marché ;

- renforcer la confiance dans le brevet français et faciliter l'exportation des inventions : un brevet plus solide juridiquement sera plus susceptible d'être étendu à l'international et la technologie sera plus aisément exportable, en raison d'un risque de contentieux plus faible ;

- rendre le marché français plus attractif pour les investisseurs : l'augmentation de la valeur économique des brevets maintenus à la suite d'une procédure d'opposition permettra de valoriser le capital immatériel d'une entreprise, notamment des PME, auprès de futurs investisseurs.

L'étude d'impact précise que « compte tenu de la technicité des dispositions législatives à prévoir et eu égard aux échanges nécessaires au niveau interministériel dans le cadre de la préparation des textes associés » , il est proposé d'habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance.

C'est la raison pour laquelle le présent article habilite le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures nécessaires pour créer un droit d'opposition aux brevets d'invention délivrés par l'INPI afin de permettre aux tiers de demander par voie administrative la révocation ou la modification d'un brevet.

Par ailleurs, l'ordonnance devra prévoir les règles de recours applicables aux décisions résultant de l'exercice de ce droit.

Enfin, l'ordonnance devra opérer les mesures de coordination nécessaires afin que les dispositions relatives au droit d'opposition s'appliquent en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à encadrer l'exercice de la procédure d'opposition afin d'éviter les recours abusifs. Il reviendra au gouvernement de décider le type de mesures à privilégier pour atteindre cet objectif.

IV. La position de votre commission

Comme le rappelle l'étude d'impact, initialement, l'instauration d'une procédure d'opposition vise à augmenter la sécurité juridique et la qualité du brevet français à travers l'instauration d'un examen au fond a posteriori non systématique des brevets par l'INPI. À terme, l'élimination des brevets « faibles » devrait renforcer la présomption de validité de l'ensemble des brevets français .

Votre commission approuve l'instauration d'une procédure d'opposition, même si le recours à une ordonnance ne permet pas de connaître les modalités pratiques qui seront choisies pour l'exercice de ce droit.

Au cours des auditions organisées par votre rapporteur, plusieurs intervenants se sont interrogés sur les mesures que favorisera le Gouvernement pour limiter les procédures abusives. Deux solutions sont envisageables : la limitation de la capacité à agir ou l'instauration d'amendes en cas d'abus de droit. C'est cette dernière alternative qui a été retenue à l'Office européen des brevets et que semble privilégier le Gouvernement. Le coût de la procédure peut également être un élément permettant de dissuader les procédures abusives.

De même, il conviendra de limiter dans la durée l'exercice du droit d'opposition afin d'éviter une trop grande insécurité juridique pour les détenteurs de brevets. La procédure d'opposition prévue auprès de l'Office européen des brevets est par exemple fixée à neuf mois à l'issue de la délivrance du brevet.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, le Gouvernement devrait s'inspirer largement de la procédure instaurée auprès de l'Office européen des brevets pour arrêter les règles applicables au droit d'opposition auprès de l'INPI.

Votre commission a adopté l'article 42 sans modification .

Article 42 bis A (nouveau)
(art. L. 411-4, L. 512-4, L. 512-6, L. 512-7 [nouveau]
et L. 521-3-1 du code de la propriété intellectuelle)
Procédure administrative d'annulation des dessins et modèles

I. Le droit en vigueur

Selon l'article L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle, tout dessin ou modèle doit remplir deux conditions afin de bénéficier d'une protection : être nouveau et présenter un caractère propre.

Toutefois, le code de la propriété intellectuelle ne permet pas à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) de procéder au contrôle de ces conditions de validité des dessins et modèles ni de s'assurer qu'un dépôt de dessin ou modèle ne se heurte pas à un droit antérieur.

Actuellement, et conformément à l'article L. 512-4 du code précité, seule une décision de justice peut déclarer la nullité d'un enregistrement d'un modèle ou dessin.

Le caractère limité de l'examen opéré par l'INPI en matière de dessins et modèles place la France dans une position singulière en Europe, la grande majorité des États de l'Union européenne procédant à un contrôle de ces conditions de fond, notamment l'Allemagne, l'Autriche et le Royaume-Uni. L'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dispose également d'une procédure d'annulation.

II. La position de votre commission

L'article 69 du présent projet de loi prévoit la transposition de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques.

Cette dernière impose aux États membres la mise en place d'une procédure administrative permettant de s'opposer, devant leurs offices, à l'enregistrement d'une marque pour les motifs prévus à l'article 5 de la directive (essentiellement liés au fait que la marque est identique à une marque antérieure ou que sa similitude avec la marque antérieure crée un risque de confusion).

Par ailleurs, l'article 42 du présent projet de loi crée un droit d'opposition aux brevets d'invention délivrés par l'INPI.

Votre commission a donc adopté l'amendement COM-369 créant un article additionnel après l'article 42 afin de créer une procédure administrative permettant de demander la nullité d'un dessin ou d'un modèle.

Le I. du présent article additionnel vise à modifier le code de la propriété intellectuelle et à compléter les dispositifs d'annulation administrative des marques et des brevets 484 ( * ) introduits par le présent projet de loi.

Le 1° modifie l'article L. 411-4 afin d'élargir les missions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle et de l'autoriser à statuer sur des demandes en nullité de dessins et modèles.

L'article L. 512-4 énumère les motifs de nullité d'un dessin ou modèle qui peuvent être invoqués par décision de justice. Le 2 ° du présent article additionnel tire les conséquences du nouveau pouvoir attribué à l'INPI en matière d'action en nullité des dessins et modèles et étend lesdits motifs de nullité à l'ensemble des décisions d'annulation, qu'elles proviennent d'une décision de justice ou de l'INPI.

Dans le même objectif, le 3 ° supprime à l'article L. 512-6 - qui pose le principe de l'effet absolu de la décision judiciaire prononçant la nullité totale ou partielle d'un dessin ou modèle - le mot « judiciaire » afin de tenir compte de l'instauration d'une procédure administrative permettant de demander la nullité d'un dessin ou d'un modèle.

Le 4 °précise les caractéristiques des recours contre les décisions rendues à l'occasion des demandes en nullité des dessins et modèles.

D'une part, ces recours sont en réformation, c'est-à-dire que le juge peut remplacer la décision d'annulation prise par l'INPI, comme il le fait pour les décisions judiciaires. A contrario , en matière d'enregistrement, le juge peut casser une décision de l'INPI, mais il revient à ce dernier et non au juge de statuer de nouveau sur la demande d'enregistrement.

D'autre part, ces recours sont assortis d'un effet suspensif.

Par ailleurs, le 5 ° du présent article modifie l'article L. 521-3-1. En effet, celui-ci prévoit que les actions civiles et les demandes relatives aux dessins et modèles, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance.

Cet article est donc complété afin de préciser que les demandes en nullité peuvent également être introduites et instruites devant l'INPI dans les formes et les conditions définies par décret en Conseil d'État.

Afin de laisser le temps à l'INPI d'adapter ses procédures et de former ses équipes à cette procédure administrative permettant de demander la nullité d'un dessin ou modèle, le II. du présent article prévoit l'entrée en vigueur de cette disposition deux ans après la promulgation de la présente loi.

Votre commission a adopté l'article 42 bis A (nouveau) ainsi rédigé .

Article 42 bis
(art. L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle)
Examen a priori de l'activité inventive

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Selon l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, toute invention doit remplir trois conditions afin d'être brevetable : être une invention nouvelle ; impliquer une activité inventive ; être susceptible d'application industrielle.

Pourtant, l'article L. 612-12 du même code qui énumère les motifs de rejet ne fait pas référence aux deux derniers critères . Seule l'absence de nouveauté résultant manifestement du rapport de recherche est expressément mentionnée et conduit l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) à rejeter en tout ou partie une demande de brevet.

La vérification seulement partielle des conditions de brevetabilité constitue une spécificité française qui limite la qualité des brevets français par rapport aux brevets étrangers.

C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui instaure un examen systématique et a priori des conditions de brevetabilité.

L'article L. 612-12 précité fait l'objet de deux modifications .

D'une part, le 5° de cet article est complété. Jusqu'à présent, ce dernier ne faisait référence qu'au deuxième paragraphe de l'article L. 611-10 précité pour rejeter la brevetabilité d'une invention : ne peuvent être considérées comme des inventions les découvertes, les théories scientifiques, les méthodes mathématiques, les créations esthétiques, les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateurs. En outre, l'INPI ne pouvait rejeter la demande que si son objet ne pouvait manifestement pas être considéré comme une invention au sens du deuxième paragraphe de l'article L. 611-10.

Désormais, le contrôle de l'INPI ne sera plus limité à ce contrôle d'erreur manifeste d'appréciation . Il lui reviendra d'examiner attentivement que l'objet de la demande de brevet respecte les conditions établies au deuxième paragraphe de l'article L. 611-10.

En outre, l'INPI devra examiner les conditions de brevetabilité également en tenant compte du premier paragraphe de l'article L. 611-10 : il devra donc statuer sur l'activité inventive qu'implique l'invention que le déposant souhaiterait breveter ainsi que la susceptibilité de l'invention à faire l'objet d'une application industrielle .

D'autre part, le 7° de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle est modifié. Jusqu'à présent, dans le cadre de l'examen de la nouveauté de l'invention, l'INPI se contentait de s'assurer de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation : une demande de brevet pouvait être rejetée uniquement dans le cas où, après mise en demeure, le déposant n'avait pas modifié sa demande de brevet alors que l'absence de nouveauté de son invention résultait manifestement du rapport de recherche .

Désormais, l'INPI devra vérifier à partir du rapport de recherche la nouveauté de l'invention et le fait qu'elle implique une activité inventive. Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, l'INPI sera en droit de mettre en demeure le déposant de modifier sa demande de brevet et, le cas échéant, de rejeter cette dernière.

Cette réforme va impliquer une modification en profondeur des méthodes de travail de l'INPI. Afin de permettre à cet organisme de s'adapter à ces nouvelles missions, il est prévu que le présent article n'entrera en vigueur que deux ans après la promulgation de la présente loi.

II. La position de votre commission

Votre commission approuve cette réforme qui aligne la procédure d'examen des brevets français sur celle des autres pays européens, en réhausse la qualité et en améliore la compétitivité. En outre, il semblerait que le système actuel aboutisse à un détournement du contentieux de la contrefaçon de brevet, qui se trouve consacré en réalité à la vérification a posteriori de la validité du brevet français. Dès lors qu'une action en contrefaçon peut déboucher sur l'annulation rétroactive des brevets compte tenu de leur faible qualité, de nombreux titulaires, souvent des petites et moyennes entreprises, renoncent à demander réparation d'une contrefaçon pourtant manifeste 485 ( * ) .

Au cours des auditions, plusieurs intervenants ont critiqué ce dispositif, craignant une augmentation du coût des brevets, un allongement des délais et l'incapacité de l'INPI à faire face à ces nouvelles missions.

Toutefois, l'audition du directeur général délégué de l'INPI et du ministre de l'économie et des finances ont permis de lever ces craintes.

Certes, le coût du brevet devrait être légèrement renchéri, en raison essentiellement de l'augmentation des frais en conseil juridique dans le cadre du dialogue entre l'INPI et le déposant qui précédera l'acceptation ou le rejet du brevet par l'INPI.

Toutefois, les avantages associés à l'examen au fond des brevets par l'INPI devraient largement compenser le renchérissement relatif de ces derniers. Comme faisait remarquer un intervenant : « L e coût d'un brevet ne se limite pas à son coût de rédaction. Il faut également tenir compte des coûts liés à son examen, à sa délivrance, le cas échéant à son extension. Au final, le coût pour le déposant s'élève à plusieurs dizaines de milliers d'euros. Le fait de payer 2 000 à 3 000 euros de plus à l'issue de la procédure n'est donc pas décisif. »

Plus généralement, la décision de déposer un brevet n'est pas corrélée au montant de la dépense qui y est associée, même s'il est pris en compte. Elle s'inscrit dans une démarche stratégique par rapport au secteur d'activité de l'entreprise, aux caractéristiques du marché sur laquelle elle est active et aux entreprises concurrentes.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'il existe des aides aux PME pour le dépôt de brevet.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, la durée d'examen ne devrait pas être rallongée. Actuellement, elle est comprise entre deux et trois ans.

En outre, votre commission a obtenu des garanties de la part de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances sur l'adaptation des effectifs de l'INPI à ses nouvelles missions. Actuellement, 15 ingénieurs supplémentaires devraient être recrutés pour faire face à l'introduction de la procédure administrative d'opposition et 15 autres ingénieurs pour permettre à l'INPI de réaliser l'examen au fond de la brevetabilité des inventions.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté trois amendements de précision.

D'abord, elle a adopté l'amendement COM-360 qui modifie le 4 °de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle.

Le 4° précité renvoie aux articles L. 611-14 à L. 611-19 du même code qui explicitent l'activité inventive (article L. 611-14) et l'application industrielle (article L. 611-15) et excluent du champ d'application de l'invention brevetable :

- les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal (article L. 611-16) ;

- les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs (article L. 611-17) ;

- le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence totale ou partielle d'un gène (article L. 611-18) ;

- les races animales et les variétés végétales (article L. 611-19).

Dans la rédaction actuelle du 4 °de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle, l'INPI contrôle seulement que l'invention déposée n'est pas manifestement non brevetable en application des articles L. 611-14 à L .611-19 précités. Votre commission vous propose de ne pas limiter le contrôle de l'INPI à la simple vérification d'erreur manifeste d'appréciation, à l'instar de ce qui est proposé dans le présent article pour d'autres motifs de rejet.

Votre commission a également adopté l'amendement COM-361 . Dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, la faculté pour l'INPI de rejeter une demande de brevet pour défaut de nouveauté ou d'activité inventive est prévue de façon redondante par deux alinéas (le 5° et let 7° de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle. Le présent amendement modifie la rédaction du 5° afin de supprimer cette redondance.

Enfin, votre commission a adopté l'amendement COM-362. Le présent article prévoit que l'examen a priori de l'activité inventive par l'INPI entrera en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi. Toutefois, cette rédaction crée une insécurité juridique pour les demandes de brevet qui auront été déposées avant la promulgation de ladite loi mais ne seront traitées par l'INPI qu'après sa promulgation. Le présent amendement introduit un fait générateur qui permet de clarifier la situation : les demandes de brevet qui seront examinées au fond par l'INPI sont celles dont le rapport de recherche aura été notifié au déposant à compter de la promulgation de la loi.

Votre commission a adopté l'article 42 bis ainsi modifié .

Sous-section 2
Libérer les expérimentations de nos entreprises
Article 43
(art. 1er, art. 1-1, 2-1 et 2-2 [nouveaux], art. 3 de l'ordonnance
n° 2016-1057 du 3 août 2016 relative à l'expérimentation
de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques ;
art. 37 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative
à la transition énergétique pour la croissance verte)
Expérimentation des véhicules autonomes

I. Le droit en vigueur

1. Au niveau international

La convention sur la circulation routière conclue à Vienne le 8 novembre 1968 vise à faciliter la circulation routière internationale et à améliorer la sécurité routière en harmonisant la réglementation routière entre les parties contractantes. Elle traite entre autres du rôle du conducteur, de ses tâches et de l'ensemble des règles de circulation. Elle est adaptée périodiquement, en fonction des besoins, comme l'évolution technologique automobile ou la mise en oeuvre de nouvelles règles de formation du conducteur, par exemple, et, plus généralement, en fonction des impératifs liés à la sécurité routière qui restent la priorité de la convention.

Comme le rappelle un rapport récent 486 ( * ) , l'évolution technologique, d'abord des assistants à la conduite, puis de l'automatisation de plus en plus poussée de certaines tâches de conduite, a conduit à faire évoluer la convention.

Le premier paragraphe de l'article 8 dispose que tout véhicule en mouvement doit avoir un conducteur, le cinquième paragraphe précise que ce dernier doit constamment avoir le contrôle de son véhicule et le sixième paragraphe prévoit que le conducteur d'un véhicule doit éviter toute activité autre que la conduite.

Toutefois, cet article a été complété en 2016 afin d'autoriser le conducteur à être aidé par des systèmes d'aide à la conduite dans la réalisation de tâches de conduite et dans le contrôle du véhicule.

Ainsi, l'article 8-5 bis précise que les systèmes embarqués ayant une incidence sur la conduite d'un véhicule qui ne sont pas conformes aux prescriptions en matière de construction, de montage et d'utilisation susmentionnées sont réputés conformes pour autant qu'ils puissent être neutralisés ou désactivés par le conducteur.

Ce paragraphe fait l'objet d'interprétations différentes selon les pays et selon les constructeurs. Toutefois, il laisse raisonnablement penser que la circulation à titre expérimental de véhicules à délégation de conduite non déclarés conformes aux règlements techniques des Nations-Unis sur les véhicules est autorisée à condition que le système de délégation de conduite puisse être neutralisé ou désactivé par le conducteur.

2. Au niveau national

L'article 37 de la loi n° 2015-992 du 7 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures autorisant la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite à des fins expérimentales dans des conditions assurant la sécurité de tous les usagers et en prévoyant, le cas échéant, un régime de responsabilité approprié.

Cet article a limité la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite sur les voies réservées aux transports publics aux véhicules affectés à un transport public de personnes.

L'ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 a arrêté les modalités pratiques de la circulation à des fins expérimentales des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite.

Celle-ci est subordonnée à la délivrance d'une autorisation destinée à assurer la sécurité du déroulement de l'expérimentation. Cette autorisation est délivrée par le ministre chargé des transports après avis du ministre de l'intérieur ainsi que, s'il y a lieu, du gestionnaire de la voirie, de l'autorité compétente en matière de police de la circulation et de l'autorité organisatrice des transports concernés.

Les conditions de délivrance de l'autorisation et les modalités de sa mise en oeuvre sont définies dans le décret n° 2018-211 du 28 mars 2018.

Ce dernier modifie le code de la route et subordonne la circulation des véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques à un certificat provisoire d'immatriculation dit certificat WW DPT. Il prévoit que ces véhicules sont équipés d'un dispositif d'enregistrement permettant de déterminer à tout instant si le véhicule a circulé en mode de délégation partielle ou totale du véhicule. Les données sont automatiquement et régulièrement effacées. En cas d'accident, les données enregistrées au cours des cinq dernières minutes sont conservées par le titulaire de l'autorisation durant un an.

Afin d'assurer la conformité de la règlementation française avec la convention de Vienne, l'article 12 du décret prévoit que lors de l'activation des fonctions de délégation de conduite, une personne assure, en qualité de conducteur, la conduite du véhicule. En outre, elle doit être capable à tout instant de prendre le contrôle du véhicule, notamment en cas d'urgence ou lorsque le véhicule sort des conditions définies pour l'expérimentation. L'article 12 anticipe également l'évolution des technologies en prévoyant que l'autorisation d'expérimentation peut autoriser le conducteur du véhicule à se trouver physiquement à l'extérieur du véhicule. Il doit alors être en mesure de prendre le contrôle du véhicule à tout instant.

Toutefois, lors de la préparation du décret précité, il est apparu nécessaire de clarifier les règles applicables en matière de responsabilité pénale pendant les expérimentations. En effet, le terme « conducteur » est une notion qui structure le droit routier et, notamment, le droit de la responsabilité en matière routière. Il convient donc d'adapter le régime de responsabilité afin de tenir compte de la complexité des situations résultant de la juxtaposition des responsabilités pendant la phase où le système de délégation de conduite exerce effectivement la tâche de conduite.

Par ailleurs, la loi de transition énergétique mentionnée précédemment circonscrit la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite sur les voies réservées aux transports publics aux véhicules affectés à un transport public de personnes. Cette condition n'est pas adaptée aux réalités de l'expérimentation qui nécessite parfois, dans une première étape, l'utilisation d'un véhicule qui n'a pas les caractéristiques d'un véhicule de transport.

II. Le dispositif proposé

Le premier paragraphe du présent article modifie l'ordonnance du 3 août 2016 mentionnée précédemment.

Le 1° complète l'article 1er qui autorise la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite. Est ainsi rappelé le fait que la délivrance de l'autorisation est subordonnée à la condition que le système de délégation de conduite puisse être à tout moment neutralisé ou désactivé par le conducteur. Par ailleurs, un alinéa est inséré pour poser les conditions d'autorisation de circulation en l'absence de conducteur à bord du véhicule. D'une part, il faut qu'un conducteur situé à l'extérieur du véhicule soit prêt à tout moment à prendre le contrôle du véhicule, ce qui suppose donc une supervision permanente du véhicule. D'autre part, il faut que ledit conducteur soit capable de gérer des situations dans lesquelles une immobilisation ou un déplacement en urgence du véhicule s'imposent.

Le 2 ° insère un article 1-1 dans l'ordonnance afin d'assouplir les règles relatives à la circulation de véhicules autonomes sur les voies réservées aux transports collectifs. La notion de véhicules « affectés » à un transport public de personnes qui figure à l'article 37 de la loi du 17 août 2015 est remplacée par la notion de véhicules « utilisés » pour effectuer ou mettre en place un service de transport public de personnes. Par coordination, le II du présent article supprime la phrase de l'article 37 qui dispose que « la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s'il s'agit de véhicules affectés à un transport public de personnes. »

Le 3 ° insère deux articles 2-1 et 2-2 qui arrêtent les règles de responsabilité pénale dans le cadre des expérimentations de véhicules autonomes.

Selon l'article L. 121-1 du code de la route, le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule. L'article 2-1 nouvellement créé dégage le conducteur de sa responsabilité pendant les périodes où le système de délégation de conduite fonctionne. Le premier alinéa de l'article 2-1 subordonne le dégagement de la responsabilité du conducteur à deux conditions :

- celui-ci doit avoir préalablement activé le système de conduite déléguée conformément à ses conditions d'utilisation ;

- le système de délégation de conduite doit être en fonctionnement et informer le conducteur, être en état d'observer les conditions de circulation et d'exécuter sans délai toute manoeuvre en ses lieu et place.

Le second alinéa de l'article 2-1 précise les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale est rétablie pour le conducteur :

- soit dès que le système de délégation de conduite demande à ce dernier de reprendre le contrôle du véhicule ;

- soit lorsque le conducteur ignore le fait que les conditions d'utilisation du système de délégation de conduite n'étaient pas ou ne sont plus remplies.

L'article 2-2 créé par le 3 ° transfère la responsabilité pénale sur le titulaire de l'autorisation dès lors que le système de délégation de conduite est en fonctionnement. Ce dernier est pécuniairement responsable du paiement des amendes liées au non-respect des règles constituant une contravention. Il est également pénalement responsable du délit d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité d'autrui si la conduite du véhicule pendant l'activation du système de délégation a provoqué un accident entraînant un dommage corporel.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements.

D'abord, elle a modifié le 1° afin de :

- poser le principe de l'autorisation des expérimentations de véhicules autonomes sur la voie publique ;

- préciser le rôle du conducteur lorsqu'il est situé à l'extérieur du véhicule : celui-ci est chargé de superviser le véhicule et son environnement de conduite pendant l'expérimentation. L'Assemblée nationale a précisé que la prise de contrôle du véhicule par le conducteur extérieur a pour objectif d'effectuer les manoeuvres nécessaires à la mise en sécurité du véhicule, de ses occupants et des usagers de la route.

L'Assemblée nationale a complété le 2 °afin d'élargir la liste des véhicules autonomes susceptibles d'être autorisés à circuler à des fins expérimentales sur les voies réservées aux transports publics à tous les véhicules , sous réserve de l'avis conforme de l'autorité de police de la circulation concernée.

L'Assemblée nationale a par ailleurs modifié le 3 ° afin que la responsabilité pénale du conducteur ne soit engagée qu'à l'issue d'un délai de reprise de contrôle du véhicule qui devra être précisé par l'autorisation d'expérimentation et dont le conducteur devra être informé.

Enfin, l'Assemblée nationale a inséré un 4° qui élargit le champ d'application du décret en Conseil d'État chargé de préciser les conditions de délivrance de l'autorisation et les modalités de sa mise en oeuvre en prévoyant qu'il devra également fixer les modalités d'information du public sur les expérimentations en cours ainsi que les modalités d'évaluation des expérimentations.

IV. La position de votre commission

Compte tenu des enjeux économiques, sociaux et environnementaux du développement du véhicule autonome, votre commission est favorable à cet article qui clarifie les règles de responsabilité pénale dans le cadre des expérimentations de la circulation des véhicules autonomes et lève ainsi certains obstacles juridiques auxdites expérimentations.

Elle regrette toutefois que les dispositions sur le véhicule autonome soient réparties sur deux projets de loi distincts : celui sur la croissance et la transformation des entreprises pour les règles relatives aux expérimentations et celui d'orientation sur les mobilités qui définit le cadre juridique du dispositif pérenne 487 ( * ) . Alors que les enjeux sont similaires, cette division nuit à la cohérence des dispositifs et à la bonne compréhension de l'ensemble des enjeux.

Votre commission a adopté deux amendements.

Le premier amendement COM-363 précise le cadre des expérimentations des véhicules à délégation de conduite sur les voies réservées au transport collectif.

Le projet de loi initial proposait de limiter l'expérimentation de la circulation dans les voies réservées aux transports collectifs aux véhicules utilisés pour effectuer ou mettre en place un service de transport public de personnes. L'autorisation d'expérimentation pour ce type de véhicule est soumise à l'avis de l'autorité organisatrice des transports.

L'Assemblée nationale a étendu l'expérimentation de la circulation en délégation de conduite dans les voies réservées aux transports collectifs à tous les véhicules. Il apparaît donc cohérent que l'avis conforme de l'autorité organisatrice des transports soit étendu à toute demande d'autorisation de circulation à des fins expérimentales dans les voies réservées au transport collectif.

Celle-ci sera amenée à rendre un avis adapté au contexte local et aux objectifs poursuivis en termes de politique publique de mobilité, tout en s'assurant que les conditions opérationnelles sont réunies pour autoriser les expérimentations de véhicules.

Le second amendement COM-364 est un amendement de précision sur les modalités d'information du public sur les expérimentations et sur le champ d'application des évaluations permises par l'expérimentation. À la suite de l'adoption d'un amendement en ce sens par l'Assemblée nationale, ces deux éléments doivent désormais figurer dans le décret en Conseil d'État précisant les conditions de l'autorisation et les modalités de sa mise en oeuvre.

Il apparaît cependant que l'article 6 de l'arrêté du 17 avril 2018 énumère déjà tous les cas susceptibles d'être évalués dans le cadre des expérimentations. Cette précision n'a donc pas à figurer dans le décret en Conseil d'État qui devra être complété uniquement pour prévoir les modalités d'information du public sur la circulation à des fins expérimentales de véhicules autonomes.

Votre commission a adopté l'article 43 ainsi modifié.

Article 43 bis (supprimé)
(art. L. 315-2 et L. 315-3 du code de l'énergie)
Fixation du périmètre des opérations d'autoconsommation collective par voie réglementaire et suppression du seuil de puissance pour bénéficier d'un tarif d'utilisation des réseaux spécifique

I. Le droit en vigueur

Parce que les bénéfices de l'autoconsommation sur le dimensionnement des réseaux électriques dépendent, entre autres, de la proximité entre les lieux de production et de consommation , le périmètre de l'autoconsommation collective a été limité, sur proposition du Sénat, aux opérations situées en aval d'un poste de transformation de moyenne en basse tension (art. L. 315-2 du code de l'énergie), ce qui permet déjà les échanges entre plusieurs bâtiments , à finalité éventuellement différente (résidentielle ou tertiaire). Ce périmètre était d'ailleurs plus large que celui retenu par le Gouvernement dans l'ordonnance.

Un tarif spécifique d'utilisation du réseau, ouvert aux installations de moins de 100 kW (art. L. 315-3), a par ailleurs été prévu pour tenir compte des coûts de réseaux censément moindres générés par ces utilisateurs. C'est ce tarif que la CRE a limité aux opérations d'autoconsommation collective 488 ( * ) , et construit de façon à inciter les participants à maximiser leur autoproduction aux heures de pointe 489 ( * ) .

Trois séries de considérations ont justifié les limites définies par le cadre juridique actuel :

- bien qu'elle réponde à une demande sociétale forte et qu'elle soit appelée à se développer, l'autoconsommation est une pratique très récente qui reste encore embryonnaire à l'échelle du réseau : fin 2017, on dénombrait environ 20 000 autoconsommateurs (à rapporter aux 35 millions de consommateurs raccordés aux réseaux de distribution) et fin novembre 2018, seules six opérations d'autoconsommation collective regroupant 35 consommateurs étaient en service 490 ( * ) . Les effets d'une autoconsommation massive sur les réseaux sont donc encore largement méconnus , d'où la nécessité d'expérimenter les opérations collectives à une échelle raisonnable, au moins dans un premier temps ;

- un périmètre plus large inclurait par définition des opérations dont les participants sont plus éloignés sur le réseau et qui en font donc un usage proche des autres consommateurs, ce qui ne justifierait plus un traitement différencié par le biais d'un tarif spécifique ;

- enfin, étendre le périmètre des opérations d'autoconsommation collective, a fortiori en l'associant à un tarif spécifique, pourrait remettre en cause, à terme, le modèle de solidarité et d'équité entre les usagers et les territoires incarné par les principes de péréquation tarifaire et de tarification « au timbre-poste », qui aboutissent à une tarification de l'énergie en fonction d'un coût moyen national, et conduire à une forme de « communautarisme énergétique ».

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en commission par un amendement de nos collègues députés Célia de Lavergne, Anthony Cellier et Barbara Pompili (La République en Marche), cet article entend renvoyer à un arrêté le soin de fixer le périmètre d'une opération d'autoconsommation collective sur le réseau basse tension et supprimer le seuil de puissance fixé pour bénéficier d'un tarif d'utilisation des réseaux spécifique, le tout à titre expérimental pendant cinq ans .

L'amendement est justifié par la nécessité de s'adapter à « la réalité des projets urbains » : sont visées « des opérations d'urbanisme importantes qui se raccordent à plusieurs postes » de transformation de moyenne en basse tension et comportant un « mélange de fonction [habitat, bureaux, etc.] et de typologie [neuf, ancien] ».

Il est aussi présenté comme la reprise de l'une des recommandations issues du groupe de travail national sur l'énergie solaire, ainsi formulée dans la démarche baptisée « Place au soleil » : « Ouvrir de nouvelles possibilités pour l'autoconsommation collective en élargissant aux projets dont l'ensemble des consommateurs et producteurs sont situés dans un rayon d'un kilomètre » 491 ( * ) . Outre le fait que le critère géographique retenu est assez flou sur le plan technique, il n'est rien dit du tarif d'utilisation des réseaux qui serait appliqué à de telles opérations.

III. La position de votre commission

De nombreux motifs de fond comme de forme plaident pour la suppression des dispositions proposées .

Sur la forme , vouloir modifier le périmètre physique comme le cadre tarifaire de l'autoconsommation collective d'électricité apparaît manifestement sans lien même indirect avec le présent projet de loi, dont l'objet consiste à favoriser la croissance et la transformation des entreprises : le présent article constitue donc un « cavalier législatif » au sens de l'article 45 de la Constitution .

En outre, bien qu'il soit présenté comme instaurant une expérimentation, l'article propose étonnamment de modifier dès à présent le droit en vigueur et ne circonscrit pas son application à un territoire ou à un champ limités . En d'autres termes , il n'a d'expérimental que le nom et laisse entière la question du droit applicable au terme des cinq ans prévus. En tout état de cause, les opérations autorisées pendant l'expérimentation le resteraient.

Au surplus, sur le fond :

- alors que les effets de l'autoconsommation sur le système électrique et sur le financement des réseaux sont, de l'aveu même des acteurs du secteur et du régulateur, encore difficiles à objectiver , revenir sur une loi adoptée en février 2017 et sur un cadre tarifaire arrêté en juin 2018 apparaît au mieux prématuré ;

- le cadre en vigueur , qui est déjà plus large que ce que le Gouvernement avait prévu en 2016, permet déjà des échanges entre plusieurs bâtiments à vocation différente (résidentiel, tertiaire, etc.) pour maximiser les phases d'autoconsommation, mais à une échelle géographique raisonnable ;

- l'autoconsommation collective bénéficiant d' un certain nombre de dérogations aux règles habituellement associées à la fourniture d'électricité, il importe de limiter l'application de ces dérogations à des opérations de taille modérée 492 ( * ) ;

- alors que le Gouvernement lui-même avait jugé que le périmètre des opérations d'autoconsommation collective relevait de la loi lorsqu'il avait rédigé l'ordonnance de 2016, le droit proposé reviendrait à désaisir le législateur , en renvoyant cette définition au niveau réglementaire ;

- sans limite fixée dans la loi autre que celle du réseau basse tension, il existe un risque de voir émerger des quartiers autonomes sur le plan énergétique et de remettre en cause le modèle français de la distribution publique d'électricité , dans ses valeurs de solidarité voire dans son financement ;

- car à supposer que la flexibilité proposée ici sur le périmètre des opérations soit nécessaire, encore faudrait-il savoir dans quel sens - à la hausse ou à la baisse - un tarif spécifique jouerait pour s'assurer que les autoconsommateurs contribuent à la hauteur des coûts qu'ils génèrent : s'il s'agissait d' augmenter la part fixe du tarif spécifiquement pour ces consommateurs, de façon à refléter la valeur assurantielle de leur usage du réseau, le tarif appliqué serait alors supérieur au tarif actuel, ce qui certes serait vertueux pour le financement du réseau mais défavorable au développement de l'autoconsommation , à rebours de l'objectif affiché ; à l'inverse , si le tarif ne couvrait pas les coûts réels des autoconsommateurs, la mesure s'apparenterait à un effet d'aubaine ;

- s'agissant de la limite de puissance fixée pour l'accès au tarif spécifique , les auteurs de l'amendement considèrent qu'un tel seuil « ne se justifie pas au regard de critères physiques du réseau » et qu'en le supprimant, il s'agit de « dé-corréler la question du Turpe de celle de la maille de l'autoconsommation collective » ; or, s'il est exact que la limite des 100 kW est arbitraire, elle permet , à défaut de données fiables disponibles, de s'assurer qu'à cette échelle au moins, les gains pour le réseau sont probables et justifient une tarification spécifique pensée pour être plus favorable et pour maximiser les phases d'autoconsommation ;

- enfin, ces sujets ne peuvent être traités indépendamment de la question plus générale de la structure des tarifs , pour laquelle la CRE a d'ores et déjà prévu une clause de rendez-vous à l'été 2019 , « pour prendre en compte les éventuels changements importants dans les modes d'utilisation ou les méthodes de dimensionnement des réseaux » 493 ( * ) et adapter la structure tarifaire, si nécessaire.

Votre rapporteur fait du reste observer qu' une disposition de même nature , consistant à renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer le périmètre des opérations d'autoconsommation collective, a été supprimée le 19 septembre 2018 sur proposition conjointe des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique 494 ( * ) .

Pour l'ensemble de ces motifs, votre commission a supprimé cet article par l'adoption d'un amendement COM-343 de votre rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 43 bis .

Article 43 ter (supprimé)
Expérimentation relative aux opérations de recensement

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative des rapporteurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui permet aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'expérimenter le recours à des agents d'un prestataire pour les enquêtes annuelles de recensement de 2020 et 2021, dans le cadre d'un marché public.

Selon l'exposé des motifs de l'amendement, il s'agit de pallier les difficultés rencontrées par certaines communes et EPCI dans le recrutement et la fidélisation des agents recenseurs.

Cette disposition s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de soutenir des projets innovants qui exigent au préalable une évolution du cadre juridique.

L'initiative France Expérimentation, lancée en 2016, vise à offrir aux acteurs économiques, mais également aux territoires, la possibilité d'exprimer leurs besoins d'adaptation des normes et des procédures administratives auprès d'un interlocuteur unique et dans le cadre d'un dispositif clair et transparent.

Lors de son discours sur l'intelligence artificielle du 29 mars 2018, le Président de la République a annoncé le renforcement du programme France Expérimentation, à travers un élargissement de son champ d'application à des dérogations de nature législative .

II. La position de votre commission

Votre commission n'est pas opposée par principe aux expérimentations. Toutefois, elle constate que l'expérimentation proposée n'a aucun lien, même indirect, avec l'objet du présent projet de loi qui porte sur la croissance et la transformation des entreprises.

En conséquence, votre commission a adopté l'amendement COM-365 supprimant le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 43 ter .

Article 43 quater (supprimé)
Expérimentation relative au bail à réhabilitation

Le présent article a pour objet de créer une expérimentation réduisant à 6 ans la durée du bail à réhabilitation au bénéfice des organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage pour les logements vacants depuis plus d'un an de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

I. Le droit en vigueur

Le bail à réhabilitation , défini à l'article L. 252-1 du code de la construction et de l'habitation, est un contrat par lequel un organisme HLM, une société d'économie mixte ayant pour objet la construction ou la location de logements, un organisme bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage, ou une collectivité territoriale s'engage à réaliser des travaux d'amélioration de l'immeuble du bailleur et à l'entretenir pendant la durée du bail, qui ne peut être inférieure à 12 ans.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du texte en séance publique, les députés ont adopté un amendement de notre collègue Adrien Taquet et les membres du groupe La République en Marche, sous-amendé par Marie Lebec et Roland Lescure, tendant à la mise en place d'une expérimentation réduisant la durée du bail à réhabilitation de 12 ans à 6 ans pour les organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage, sous réserve que les logements loués soient vacants depuis plus d'un an. Cette expérimentation d'une durée de trois ans concernerait les logements de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Pour les auteurs de l'amendement, il s'agit de faciliter le recours au bail à réhabilitation lorsque le logement vacant ne nécessite que de « petits » travaux. Le choix d'une expérimentation permettrait de vérifier l'impact de la réduction de la durée de la location sur l'offre de logements.

III. La position de votre commission

Le présent article relatif au bail à réhabilitation n'a pas pour objet de contribuer à la croissance, à la transformation des entreprises ou à leur compétitivité. Ne présentant aucun lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial qui n'abordent pas les questions de logement, cet article constitue « un cavalier législatif » contraire à l'article 45 de la Constitution.

En conséquence, sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-431 de suppression de cet article.

Votre commission a supprimé l'article 43 quater .

Article 43 quinquies
Expérimentation relative à la recherche
et développement sur les micro-organismes

I. Le droit en vigueur

1. Le cadre juridique

• La législation internationale

La Convention sur la biodiversité biologique, ouverte à la signature le 5 juin 1992 lors du sommet de la terre de Rio, est entrée en vigueur le 29 décembre 1993.

Elle a trois objectifs : la conservation in situ (dans le milieu naturel) et ex situ (dans des collections) de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques .

Lors du sommet de Johannesburg en septembre 2002 a été lancée la négociation, dans le cadre de la convention, d'un régime international pour la promotion et la protection du partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques, afin d'assurer la mise en oeuvre du troisième objectif. C'est l'objet du Protocole de Nagoya, adopté le 29 octobre 2010.

Le Protocole de Nagoya repose sur trois volets : l'accès aux ressources génétiques, le partage des avantages issus de ces ressources et le respect des règles par les utilisateurs 495 ( * ) .

L'article 5 du Protocole stipule que chaque partie doit prendre les mesures nécessaires afin de s'assurer que les avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées sont partagés de manière juste et équitable selon des « conditions convenues d'un commun accord » . Le partage des avantages liés à l'utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques doit par ailleurs se faire au profit des « communautés autochtones et locales » détentrices de ces connaissances.

L'article 6 du Protocole prévoit que l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées en vue de leur utilisation en recherche et développement est soumis au « consentement préalable en connaissance de cause » du pays fournisseur.

Enfin, les articles 15 et 16 stipulent que chaque partie a l'obligation de prendre des mesures garantissant la conformité des utilisateurs qui se trouvent sous sa juridiction aux réglementations sur l'APA des parties du Protocole.

La transposition de ce dernier volet est obligatoire dans la législation des États ayant ratifié le Protocole.

• La législation européenne

En Europe, ce volet est mis en oeuvre par le règlement (UE) n° 511-2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l'Union européenne du Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

Le règlement précité s'applique aux ressources génétiques provenant d'un pays ayant ratifié le Protocole de Nagoya et ayant mis en place des mesures d'accès et pour lesquelles l'accès intervient après le 12 octobre 2014, date d'entrée en vigueur du Protocole de Nagoya dans l'Union européenne.

Le règlement impose aux utilisateurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées de faire preuve de diligence raisonnée lorsqu'ils accèdent et utilisent une ressource génétique . Concrètement, les utilisateurs doivent compléter une déclaration de diligence soit au stade de la recherche , dans le cas d'un financement par l'Union européenne des travaux de recherche, soit au stade du développement final d'un produit .

La commission européenne a développé un portail électronique pour déclarer en ligne.

Le règlement européen prévoit la constitution d'un registre européen des collections . Dès lors que l'utilisateur de ressources génétiques accède à une ressource génétique d'une collection figurant dans le registre, il est de fait réputé avoir fait preuve de la diligence nécessaire.

Le règlement européen impose également à chaque utilisateur de pouvoir disposer de documents traçant l'origine des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées, prouvant la conformité aux règles nationales des pays fournisseurs et de les conserver vingt ans . Il participe ainsi à la mise en place d'un système de traçabilité des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées.

Le règlement européen précise que le choix ou non de réglementer l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles relève de la seule compétence des États membres.

• La législation nationale

Contrairement à la quasi-totalité des États européens, la France a choisi de réguler l'accès à ses propres ressources génétiques et le partage des avantages en raison de l'importante biodiversité à la fois in situ 496 ( * ) et ex situ 497 ( * ) qu'elle abrite sur son territoire.

Deux procédures sont prévues dans le cadre du titre V de la loi sur la reconquête de la biodiversité.

Si la recherche n'a pas de visée commerciale, les utilisateurs sont soumis à une procédure de simple déclaration.

Si la recherche a un objectif de développement commercial, l'utilisateur est soumis à une procédure d'autorisation.

En outre, et contrairement à la législation européenne sur ce sujet, le fait générateur de l'application de la réglementation française sur l'APA n'est pas l'accès à la ressource ou à la connaissance en tant que telle, mais son utilisation dans le cadre d'une activité de recherche et développement. Par conséquent, l'utilisation d'une ressource génétique antérieurement à la date de promulgation de la loi n'exonère pas l'utilisateur d'avoir à se soumettre à la réglementation dès lors que cette ressource est destinée « à une nouvelle utilisation », soit un développement commercial différent de celui pour lequel l'accès aux ressources avait été précédemment accordé.

2. Les difficultés d'application de la législation française

Au moment du vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité 498 ( * ) , le dispositif proposé apparaissait comme un compromis acceptable entre la volonté affirmée de respecter les objectifs du Protocole de Nagoya (conservation de la biodiversité, utilisation durable des ressources et juste partage des avantages liés à l'utilisation des ressources génétiques) et le souci de ne pas imposer des règles tellement contraignantes qu'elles nuiraient à la compétitivité de la recherche et de l'industrie françaises.

Ainsi, de nombreux régimes d'exemption et d'exception ont été mis en place. Le mécanisme proposé ne s'applique pas aux ressources couvertes par des dispositifs internationaux spécifiques, tels que le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA).

De même, sortent du champ d'application du dispositif :

- les ressources génétiques humaines ;

- les ressources génétiques des espèces utilisées comme modèles dans la recherche et développement ;

- les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ne pouvant pas être attribuées à une ou plusieurs communautés d'habitants ;

- les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques dont les propriétés sont bien connues et ont été utilisées de longue date et de façon répétée en dehors des communautés d'habitants qui les partagent ;

- les connaissances et les techniques traditionnelles associées à certains modes de valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer ;

- les activités concourant à la sauvegarde des intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

Par ailleurs, la loi pour la reconquête de la biodiversité prévoit une liste de ressources soumises à un dispositif sur l'APA particulier : les ressources génétiques issues d'espèces domestiquées ou cultivées, les ressources génétiques d'espèces sauvages apparentées, ainsi que l'ensemble des ressources collectées par les laboratoires au titre de la prévention et de la maîtrise des risques graves pour la santé humaine.

De même, le formulaire déclaratif proposé par le ministère chargé de l'environnement était délibérément concis afin d'éviter une surcharge administrative pour les utilisateurs de ressources génétiques.

En dépit de ces précautions, la mise en place de la réglementation nationale soulève de nombreuses difficultés.

• Des retards dans la mise en oeuvre de la réglementation

D'abord, sa mise en oeuvre a été compromise par une réorganisation en profondeur du ministère chargé de l'environnement puis par le changement de majorité à la suite des élections présidentielles de 2017.

Par conséquent, le traitement des déclarations et des autorisations a accumulé du retard. Au cours de ses auditions, votre rapporteur a entendu de nombreux représentants d'organismes de recherche se plaindre des délais pour recevoir le récépissé de déclaration alors même que les financements sur projets sont limités dans le temps. Selon le ministère de la transition écologique et solidaire, les stocks sont en train d'être résorbés. À terme, l'objectif est de traiter les déclarations dans un délai de deux mois. Toutefois, ces retards ont suscité un profond mécontentement de la part des chercheurs, qui ont mal vécu ce surcroît de bureaucratie.

En raison de la cohabitation de la réglementation européenne et de la réglementation nationale, les utilisateurs de ressources génétiques peuvent en outre être amenés à devoir réaliser deux déclarations, l'une en anglais sur le portail électronique du ministère chargé de la recherche qui gère au niveau national les déclarations de diligence imposées par la commission européenne, l'autre en français sur le portail électronique du ministère chargé de l'écologie 499 ( * ) .

En ce qui concerne la procédure d'autorisation, les délais prévus par l'administration pour cette procédure s'élèvent à huit mois, ce qui peut constituer un réel handicap face à la concurrence.

Par ailleurs, l'application de la réglementation fait surgir d'innombrables questions liées à l'existence de zones « grises » pour lesquelles il est difficile de distinguer la frontière entre les ressources génétiques entrant dans le champ d'application du dispositif sur l'APA et celles qui en sont exonérées. Ces difficultés d'interprétation sont d'autant plus grandes que les textes réglementaires prévus pour déterminer les exemptions n'ont pas encore été pris. Ainsi, l'arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture, de la recherche, de la santé et de la défense publique qui doit établir la liste des espèces modèles exclus de la règlementation sur l'APA n'est toujours pas publié, faute d'approbation par le ministère en charge de l'environnement. De même, le décret du ministère chargé de la santé chargé de définir un régime particulier pour tous les micro-organismes pathogènes issus de son réseau de laboratoires de référence a été annulé par le Conseil d'État, renforçant l'insécurité juridique de l'accès à ce type de ressources.

• Un alourdissement des procédures difficilement justifiable et contreproductif

Cette situation est d'autant moins justifiable que de très nombreuses ressources génétiques collectées en France et utilisées par les chercheurs ou les industriels ne sont ni menacées ni endémiques et sont largement répandues in situ ou ex situ à l'étranger.

Le cas des micro-organismes est emblématique. Alors que la législation exige la traçabilité des ressources génétiques, il est souvent impossible d'identifier l'origine géographique d'une espèce de micro-organisme présente dans le monde entier.

La législation française conduit ainsi à des situations absurdes, dans lesquelles des collections rassemblées par des chercheurs sur plusieurs décennies sont détruites parce que la traçabilité des ressources n'a pas été consignée dès l'origine.

De même, certains partenariats entre des laboratoires de recherche français et d'autres laboratoires européens ou des industriels sont remis en cause au profit d'autres laboratoires européens qui disposent de collections identiques mais qui ne sont pas soumis à l'obligation de déclaration.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel qui vise, à titre expérimental, à exonérer pour une durée de trois ans l'accès aux ressources génétiques prélevées sur des micro-organismes en France métropolitaine du dispositif d'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et au partage des avantages découlant de leur utilisation prévu par les articles L. 412-3 à L. 412-20 du code de l'environnement.

À l'issue de l'expérimentation, le ministre chargé de la protection de l'environnement devra présenter un rapport au Parlement faisant le bilan de cette expérimentation.

L'adoption de cet amendement a été justifié par le fait que le dispositif de déclaration et d'autorisation instauré par la loi pour la reconquête de la biodiversité visait prioritairement l'enjeu associé aux ressources des territoires d'outremer, caractérisés par la forte richesse de leur biodiversité et concernés par un risque d'appropriation de ces ressources aux dépens des populations locales. L'Assemblée nationale a estimé que ce risque était, a priori , significativement plus faible pour la France métropolitaine.

Parallèlement, de nombreuses initiatives françaises dans le domaine des micro-organismes sont en cours ou en train d'être développées : plan EcoAntibio 2 2017-2021 afin de réduire l'utilisation d'antibiotiques chez les animaux ; développement de la filière du biocontrôle ; plateforme Metagnonopolis de l'INRA afin d'accompagner les industriels dans le développement de nouveaux produits, etc.

Or, le secteur de la recherche sur les micro-organismes est un secteur fortement compétitif au sein duquel la France occupe des positions importantes. Ainsi, les aliments qui nécessitent l'utilisation de ferments représentent un tiers du chiffre d'affaires à l'export du secteur alimentaire français.

Dans le cadre des appels à projet lancés par France expérimentation, deux entreprises ont souhaité bénéficier d'une dérogation à la réglementation sur l'APA, dont les projets ont été jugés pertinents. L'extension de la dérogation pendant trois ans à tous les utilisateurs de micro-organismes proposée par le présent article devrait lever les obstacles administratifs mentionnés précédemment et renforcer la compétitivité des entreprises ainsi que l'attractivité des organismes de recherche installés sur le territoire national.

III. La position de votre commission

Votre commission juge pertinente l'introduction dans le projet de loi de l'expérimentation proposée par le présent article dans la mesure où elle vise à renforcer la compétitivité des entreprises françaises.

Votre commission estime que l'exonération de l'accès aux micro-organismes du champ d'application des dispositions sur l'APA de la loi sur la reconquête de la biodiversité lève des obstacles administratifs pour un pan important de la recherche et développement.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a constaté que les dispositions sur l'APA soulevaient d'importantes difficultés dans leur mise en oeuvre 500 ( * ) et méconnaissaient souvent la réalité du terrain. Tous les intervenants ont insisté sur la distinction à faire entre les ressources génétiques sur le territoire métropolitain et les ressources génétiques présentes en outremer.

Votre commission a donc adopté l'amendement COM-367 qui restreint le champ d'application des dispositions sur l'APA aux ressources génétiques d'outremer. Cet amendement permet de revenir à l'esprit initial de la loi sur la reconquête de la biodiversité, à savoir la protection de la richesse de la biodiversité et des connaissances traditionnelles dans les territoires outremer. Le principe d'une expérimentation sur trois ans est maintenu afin de pouvoir établir un bilan et décider, en toute connaissance de cause, de revenir à la législation initiale ou de transformer cette expérimentation en régime pérenne d'exemption.

Par ailleurs, votre commission a adopté l'amendement COM-366 qui améliore l'effectivité de l'expérimentation d'une part en prévoyant un décret chargé d'arrêter les informations demandées aux utilisateurs de ressources génétiques pour permettre le suivi et l'évaluation de l'expérimentation et, d'autre part, en faisant courir la durée d'expérimentation à partir de l'entrée en vigueur dudit décret.

Votre commission a adopté l'article 43 quinquies ainsi modifié .

Section 3
Faire évoluer le capital et la gouvernance des entreprises publiques
et financer l'innovation de rupture
Sous-section 1
Aéroports de Paris

I. ADP, une société anonyme majoritairement détenue par l'État qui dispose d'un droit exclusif d'exploitation des aéroports parisiens

1) ADP assure la gestion de l'ensemble des aéroports de la région Île-de-France mais a également entrepris ces dernières années de se développer à l'international

Aéroports de Paris a été créée en 1945 par l'État sous la forme d'un établissement public industriel et commercial (EPIC) chargé d'une mission de service public consistant à aménager , exploiter et développer des aéroports civils dans un rayon de 50 kilomètres autour de Paris.

ADP s'est alors vu confier la gestion de l'aéroport de Paris-Le Bourget , qui avait été créé en 1923, puis a conçu les aéroports de Paris-Orly et de Paris-Charles de Gaulle , qui ont été respectivement inaugurés en 1946 et en 1974 et dont ADP assure l'exploitation depuis lors .

La loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui a transformé ADP en société anonyme (SA), est venue confirmer le monopole d'Aéroports de Paris (ADP) sur la gestion des plateformes franciliennes , puisqu'elle prévoit que l'entreprise « détient, aménage, exploite et développe les aéroports Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, ainsi que dix autres aérodromes civils situés en Île-de-France et l'héliport d'Issy-les-Moulineaux ». Plus de 100 millions de passagers et 2,3 millions de tonnes de fret et de courrier ont été accueillis dans ces aéroports en 2017.

Comme le montre le tableau ci-dessous, l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est à lui seul le dixième aéroport mondial en termes de trafic passager et le deuxième aéroport d'Europe . Si on lui ajoute le trafic passager de Paris-Orly, le trafic passager accueilli à Paris par ADP est quasiment aussi élevé que celui de l'aéroport d'Atlanta , premier aéroport au monde.

Les 10 premiers aéroports mondiaux
en termes de trafic de passagers

Rang

Aéroport (code IATA)

Trafic 2017 (en millions de passagers)

2017/2016

1

Atlanta (ATL)

103,9

-0,3 %

2

Beijing (PEK)

95,8

+1,5 %

3

Dubaï (DXB)

88,2

+3,5 %

4

Los Angeles (LAX)

84,6

+4,5 %

5

Tokyo (HND)

83,2

+4,3 %

6

Chicago (ORD)

79,5

+1,8 %

7

Londres (LHR)

78,0

+3,0 %

8

Hong Kong (HKG)

72,8

+3,5 %

9

Shanghai

70,0

+6,1 %

10

Paris (CDG)

69,5

+5,4 %

Source : Airport Council International (ACI)

ADP est avant tout le gestionnaire des infrastructures aéroportuaires d'Île-de-France , ce qui constitue le coeur de la mission de service public qui lui est conférée par la loi. Mais la société développe également sur ses plateformes des activités de commerces (boutiques, restauration, etc.), de services aux compagnies aériennes et aux passagers , de gestion immobilière (bureaux, logements), de parkings ainsi que de sécurité et de sûreté .

ADP ne peut toutefois plus être résumée à ses activités aéroportuaires franciliennes : si la société réalisait seulement 5 % de son chiffre d'affaires hors de France en 2005, 20 % de ses revenus proviennent aujourd'hui de ses activités réalisées à l'international .

ADP a en effet entrepris ces dernières années de se développer activement à l'étranger en créant des filiales d'ingénierie, de gestion et de développement aéroportuaire, en acquérant des participations dans des aéroports ou en en devenant l'exploitant, via des contrats de concession.

La société a en particulier acquis en mai 2012 38 % du capital 501 ( * ) de l'opérateur aéroportuaire turc TAV , qui gère 13 aéroports dans 7 pays, dont l'aéroport d'Istanbul Atatürk. Elle est devenue le gestionnaire de l'aéroport de Santiago du Chili en 2012. Le groupe est désormais également présent en Géorgie, en Macédoine, en Jordanie, à Madagascar, à l'île Maurice ou bien encore à Cuba. Il cherche actuellement à s'implanter en Bulgarie et au Japon.

Conséquence de cette politique d'expansion, la société ADP et ses filiales, qui forment ensemble le groupe ADP et comptent 17 422 salariés , assurent désormais la gestion de 26 aéroports , qui ont accueilli un total de 228 millions de passagers en 2017 .

Ce chiffre considérable fait aujourd'hui d'ADP le deuxième groupe aéroportuaire mondial , derrière le groupe espagnol Aeropuertos Españoles y Navegación Aérea (AENA).

2) Si ADP est devenue depuis 2005 une société anonyme, la loi dispose que son capital doit être majoritairement détenu par l'État

• ADP, une société anonyme publique en vertu de la loi

Conformément aux dispositions de l'article 1 er de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, l'entreprise ADP, qui était jusqu'en 2005 un établissement public industriel et commercial (EPIC) , est devenue depuis cette date une société anonyme (SA) .

Il s'agit toutefois d'une société anonyme publique , dans la mesure où la majorité de son capital doit être détenue par l'État , en vertu des dispositions de l'article L. 6323-1 du code des transports.

Si ADP se conforme au droit commun des sociétés, elle est également régie par un certain nombre de normes spécifiques liées à ses missions de service public .

Ces normes exorbitantes des règles communément applicables aux sociétés anonymes sont prévues par les articles de la loi de 2005 encore en vigueur, par les dispositions générales ou particulières du code des transports et du code de l'aviation civile et par les dispositions du cahier des charges d'ADP , fixées par le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005.

• Le capital d'ADP est aujourd'hui largement ouvert, même si l'État demeure majoritaire

À la suite de l'introduction d'ADP en bourse, intervenue le 16 juin 2006, l'État a vendu une grande partie du capital de la société à des investisseurs privés , tout en veillant à rester majoritaire, comme la loi le lui imposait.

En conséquence, l'État détient actuellement 50,63 % du capital de la société et 58,5 % de ses droits de vote , ce qui lui permet d'exercer un contrôle complet sur les orientations stratégiques de la société .

Les autres principaux actionnaires de la société ADP sont le groupe Vinci ( 8 % du capital), l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol ( 8 % du capital) et le groupe Predica , filiale du groupe Crédit agricole Assurances ( 5,1 % du capital).

Répartition du capital et des droits de vote d'ADP au 31 décembre 2017

Actionnaires

% du capital

% des droits de vote

État français

50,6

58,5

Schiphol Group

8

9,2

Groupe Vinci

8

9,2

Prédica/Crédit agricole assurances

5,1

5,7

Institutionnels français

6,5

3,7

Institutionnel non-résidents

15,8

9,1

Actionnaires individuels français et non identifiés

4,3

2,6

Salariés

1,7

1,9

Auto-détention

0

0

Total

100

100

Source : Aéroports de Paris

La présence au capital d'ADP du groupe Schiphol , qui exploite l'aéroport d'Amsterdam, concurrent des plateformes aéroportuaires parisiennes pour le trafic en correspondance, s'explique par la conclusion en novembre 2008 pour une durée de 12 ans d'accords de partenariat qui prévoyaient des prises de participation croisées de 8 % au capital de chacune des deux sociétés .

La dernière cession importante de capital d'Aéroports de Paris est intervenue en juin 2013 lorsque l'État et le fonds stratégique d'investissement (FSI) ont cédé conjointement au secteur privé 9,5 % du capital de la société , soit 4,96 % cédés à Vinci (portant ainsi sa participation à 8 %) et 4,81 % à Predica.

Cette opération a dégagé un produit de cession de 738 millions d'euros , dont 303 millions d'euros pour l'État, soit un prix par action de 78,50 euros .

II. ADP, une société publique très rentable, dont la valeur boursière a considérablement augmenté ces dernières années

1. Des résultats économiques très favorables, en forte progression sur la période récente

Ces dernières années, le groupe Aéroports de Paris (ADP) a connu une évolution dynamique de ses principaux indicateurs économiques en s'appuyant sur la croissance soutenue du transport aérien au départ et à l'arrivée de Paris, qui s'est établie à +2,1 % en moyenne sur la période 2005-2017 .

Au cours de cette même période, les revenus du groupe ADP ont en effet augmenté de 3,8 % par an 502 ( * ) , ce qui l'a conduit à réaliser un chiffre d'affaires consolidé de 3 617 millions d'euros en 2017, soit une hausse de 670 millions d'euros par rapport à 2016 503 ( * ) .

Sur cette somme, 1,8 milliard d'euros proviennent des activités aéronautiques , dont 1 055 millions d'euros (+5,2 %) des redevances aéronautiques 504 ( * ) , 230 millions d'euros des redevances accessoires (+4,6 %) et 487 millions d'euros (+1,6 %) des revenus liés à la sûreté et à la sécurité aéroportuaire.

Mais le chiffre d'affaires généré par les commerces et les services est également très important, puisqu'il a atteint 953 millions d'euros en 2017, en hausse de +1,2 % par rapport à 2016. Sur cette somme, 459 millions d'euros (+2,2 %) correspondent aux activités commerciales 505 ( * ) , 171 millions d'euros (-2,1 %) aux parkings et 134 millions d'euros (+0,5 %) aux prestations industrielles (fourniture d'électricité et d'eau).

Le chiffre d'affaires du segment immobilier d'ADP a représenté 250 millions d'euros en 2017, en baisse de 4,8 % par rapport à 2016. L'intégration globale de TAV Airports a permis en revanche une hausse de 585 millions d'euros du chiffre d'affaires à l'international d'ADP , passé de 97 millions d'euros en 2016 à 682 millions d'euros en 2017.

La société ADP est très rentable , puisque son résultat net part du groupe s'est élevé à 571 millions d'euros en 2017 (soit 136 millions d'euros de plus qu'en 2016), ce qui représente 12,5 % de ses capitaux propres . Depuis 10 ans, ce taux de rentabilité s'est montré relativement stable et a presque toujours été supérieur aux taux moyens des sociétés du CAC 40 , tout comme à celui des autres participations de l'État .

En ce qui concerne les dividendes versés par ADP à ses actionnaires, le taux de distribution s'élève à 60 % depuis 2012. Sur la période 2011-2017, l'État a perçu 854 millions d'euros à ce titre, dont 173,4 millions d'euros en 2017.

Évolution du résultat net du groupe ADP et
du montant des dividendes versés à l'État de 2011 à 2017
(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Résultats comptes consolidés (en millions d'euros)

348

341

305

402

430

435

571

Taux de distribution des dividendes

50 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

Dividendes au titre de l'exercice (en millions d'euros)

174

205

183

241

258

261

342

Dont versés à l'État (en millions d'euros)

90,8

111,7

92,7

122,3

130,8

132,3

173,4

Dividendes par action (en euros)

1,76

2,07

1,85

2,44

2,61

2,64

3,46

Source : groupe ADP et Agence des participations de l'État (APE)

Au total, et même si ses résultats sont susceptibles de varier en fonction de la qualité de sa gestion, il apparaît clairement que la société ADP bénéficie d'une véritable rente due à sa position de monopole naturel sur les vols origine-destination , ainsi que l'ont souligné devant votre commission spéciale François Ecalle, président du site d'information sur les finances publiques FIPECO et Yves Crozet, économiste des transports.

2. La valeur boursière de la société représente 16,10 milliards d'euros en janvier 2019, ce qui valorise la part de l'État à 8,2 milliards d'euros minimum

Le capital social d'ADP s'élève à environ 296,88 millions d'euros . Il est divisé en 98 960 602 actions d'une valeur nominale de 3 euros chacune .

La valeur de la société a connu une augmentation considérable depuis la première cotation en bourse d'ADP, intervenue le 16 juin 2006, puisque le cours de l'action a augmenté de 271,36 % entre juin 2006 et janvier 2019 . La valeur la plus basse enregistrée sur cette période s'est établie à 35,1 euros et sa valorisation la plus élevée à 202,6 euros .

Le cours de l'action d'ADP représentait 162,7 euros le 18 janvier 2019, ce qui correspond à une capitalisation boursière de 16,10 milliards d'euros et valorise la part de l'État à 8,05 milliards d'euros .

Ces chiffres sont en recul par rapport au point haut atteint en juin 2018, lorsque la valeur de l'action était estimée à 202,6 euros . Cette valorisation représentait une capitalisation boursière de 20 milliards d'euros , ce qui valorisait la part de l'État à 10,1 milliards d'euros environ .

Si cette valeur boursière ne permet pas d'anticiper sur le montant exact que la privatisation d'ADP pourrait rapporter à l'État, du moins permet-elle d'en fournir une première approximation .

III. Les aéroports franciliens, des actifs stratégiques pour la Nation

1. Un rôle économique et touristique considérable, des enjeux majeurs en termes de souveraineté

En 2017, les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et de Paris-Orly ont pour la première fois franchi à eux deux la barre des 100 millions de passagers accueillis , avec un total de 101,5 millions de passagers (+4,5 % par rapport à 2016).

Ce chiffre représente une hausse de 29,0 % par rapport aux 78,7 millions de passagers enregistrés en 2005 et de + 15,2 % par rapport aux 88,1 millions de passagers accueillis en 2011 .

En moyenne, l'augmentation annuelle du trafic passagers sur ces deux plateformes s'est ainsi élevée à 2,1 % par an , témoignant du fort dynamisme du secteur du transport aérien au cours de la période, même si celui-ci a été sévèrement affecté par la crise économique de 2008-2009.

Dans son étude d'impact, le Gouvernement considère que la gestion des aéroports confiés à ADP ne constitue pas un service public national , dans la mesure où ceux-ci sont exclusivement situés en Île-de-France.

Si ce raisonnement visant à rendre compatible avec les principes constitutionnels la privatisation de la société ADP a été validé par le Conseil d'État, il n'en demeure pas moins que les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly présentent des caractéristiques hors normes , ce qui explique pourquoi leur privatisation apparaît beaucoup plus sensible que celles des aéroports de Nice, de Lyon et de Toulouse.

Comme le montre le tableau ci-dessous, ces deux aéroports sont, et de très loin , ceux dont le trafic passager est le plus important en France , avec 69,5 millions et 32,0 millions de passagers respectivement , contre 13,3 millions pour celui de Nice, 10,3 millions pour celui de Lyon et 9,3 millions pour celui de Toulouse

Les principaux aéroports français en termes de trafic passagers

Rang

Aéroport

Trafic 2017
(en millions de passagers)

2017/2016

1

Paris-Charles de Gaulle

69,5

+5,4 %

2

Paris-Orly

32,0

+2,6 %

3

Nice-Côte d'Azur

13,3

+7,1 %

4

Lyon-Saint-Exupéry

10,3

+7,6 %

5

Toulouse-Blagnac

9,3

+14,7 %

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

Les aéroports franciliens constituent de facto la principale frontière de la France , première destination touristique mondiale avec plus de 90 millions de visiteurs accueillis en 2018 , et la voie d'accès privilégiée depuis l'étranger à Paris et à la région Île-de-France , première région économique française.

Le fait qu'ADP dispose d'un droit exclusif d'exploitation des aéroports de l'Île-de-France la place dans une situation de monopole naturel en l'absence d'autres aéroports majeurs dans un rayon de 300 kilomètres 506 ( * ) et lui donne accès à une zone de chalandise estimée à environ 25 millions d'habitants , dans la mesure où l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est directement accessible en train à grande vitesse (TGV).

Autre atout majeur : la position centrale des plateformes franciliennes leur permet de se trouver à deux heures de vol de la plupart des grandes villes d'Europe .

Au total, cet emplacement privilégié permet au groupe d'attirer à la fois un trafic point à point important (77 % du trafic total en 2017) mais également de favoriser le développement d'une plate-forme de correspondance ( hub ) puissante .

Cette situation géographique exceptionnelle confère incontestablement aux plateformes parisiennes un caractère d'actif stratégique unique pour le développement économique et touristique de la Nation et pour sa connectivité avec le reste du monde .

En conséquence, la capacité de la société ADP à fournir un service public de très haut niveau aux compagnies aériennes du monde entier ainsi qu'à leurs passagers est cruciale pour renforcer l'attractivité de notre pays .

Elle est également très importante pour l'avenir du pavillon français , dans la mesure où la compagnie Air France-KLM réalise à elle seule, avec ses partenaires, 50 % de l'activité de Paris-Orly et 62 % de celle de Paris-Charles de Gaulle (qui constitue son hub ) en 2017.

C'est la raison pour laquelle l'État doit impérativement être en mesure d'assurer un contrôle étroit sur cette entreprise et sur les infrastructures critiques dont elle assure la gestion : il s'agit là ni plus ni moins que d'un enjeu de souveraineté .

Les aéroports parisiens ont naturellement un impact majeur sur l'économie de la région Île-de-France : on estime ainsi que 122 040 personnes travaillent sur les plates-formes aéroportuaires franciliennes, dont 90 190 pour l'aéroport Paris-Charles de Gaulle , 28 360 à Paris-Orly et 3 490 à Paris-Le Bourget . Le nombre total d'emplois (emplois directs, indirects, induits et catalytiques) générés par le système aéroportuaire francilien est estimé à plus de 570 800 , soit près de 8 % de l'emploi salarié francilien .

La croissance du transport aérien en Île-de-France soulève également des enjeux importants en matière environnementale , puisque ce mode de transport génère une forte pollution atmosphérique et provoque des nuisances sonores pour leurs riverains.

Il est donc essentiel que l'État, mais également les collectivités territoriales sur le territoire desquelles ces plateformes sont installées, puissent participer activement aux prises de décisions relatives à la construction des infrastructures aéroportuaires , dont l'impact en matière d'aménagement joue un rôle structurant .

2) Un formidable potentiel de développement, des leviers d'amélioration de l'exploitation

• L'aéroport Paris-Charles de Gaulle dispose de réserves foncières qui lui permettront d'absorber la forte hausse annoncée du trafic aérien

Si l'impact économique des aéroports parisiens est déjà considérable à l'échelle de la région Île-de-France et du pays tout entier, ce phénomène devrait encore s'amplifier à l'avenir car le trafic aérien mondial devrait doubler dans les 20 ans à venir selon l'Association internationale du transport aérien (IATA) pour atteindre 7,8 milliards de passagers à l'horizon 2036 , soit une croissance annuelle à l'échelle de la planète comprise entre 4,5 % et 6 % .

Si les perspectives de croissance du trafic de l'aéroport de Paris-Orly sont contraintes par un plafond de 250 000 mouvements quotidien , le potentiel de développement de Paris-Charles de Gaulle est en revanche très important puisque ses quatre pistes pourraient lui permettre d'accueillir à terme entre 140 et 160 millions de passagers par an (le cap des 100 millions de passagers annuels étant franchi dès 2030), ce qui correspondrait à un quasi doublement de sa fréquentation actuelle .

Il s'agit là d'un atout majeur par rapport aux autres grands aéroports européens qui sont en concurrence avec Paris-Charles de Gaulle pour attirer le trafic aérien en correspondance , car plusieurs d'entre eux font aujourd'hui face à un phénomène de saturation . C'est le cas notamment de l'aéroport de Heathrow à Londres ou de l'aéroport de Francfort .

Pour accueillir ses passagers supplémentaires, ADP devra toutefois investir massivement , ses infrastructures actuelles ne lui permettant de recevoir que 80 millions de passagers annuels . La construction du Terminal 4 , qui devrait permettre à terme d'accueillir entre 35 et 40 millions de passagers supplémentaires par an , revêt donc une grande importance pour l'avenir de l'aéroport .

Le projet du nouveau Terminal 4

Le chantier du terminal T4 de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle devrait débuter à l'été 2020, pour une ouverture progressive du T4 en 2024, puis en 2028-2030 pour le bâtiment principal et en 2033-2037 pour l'ouverture totale. Construit entre les pistes et le Terminal 2, il s'étendra sur une superficie de 167 hectares. Il devrait être desservi par la ligne 17 du Grand Paris Express à l'horizon 2030.

Le T4 pourrait permettre de créer 50 000 emplois directs supplémentaires sur la plateforme de Paris-Charles de Gaulle (commerces, sécurité, aiguilleur du ciel, agents d'escales, etc.), et 175 000 emplois indirects.

ADP a saisi la commission nationale du débat public (CNDP), qui conduit une concertation sur ce projet depuis le 7 janvier et jusqu'au 7 avril 2019.

Source : commission spéciale

Les nouveaux passagers qu'accueillera à l'avenir Aéroports de Paris vont naturellement générer une forte activité économique , puisque l'on estime que 1 million de passagers en plus induisent la création de quelque 6 000 emplois .

Si beaucoup d'entre eux seront créés dans les activités aéronautiques, ils devraient également être particulièrement nombreux dans les commerces , qui connaissent actuellement un développement très important dans les aéroports parisiens 507 ( * ) , lesquels tendent de plus en plus à devenir de grands centres commerciaux mall »), à l'instar des autres grands aéroports internationaux.

• Les aéroports franciliens souffrent encore de certaines faiblesses mais celles-ci devraient s'atténuer à l'avenir

Si les aéroports franciliens disposent d'atouts considérables susceptibles d'attirer de nombreux investisseurs , ils présentent à ce stade quelques fragilités , qui paraissent toutefois remédiables à moyen terme .

La première faiblesse des aéroports franciliens tient à leur accessibilité insuffisante , en comparaison des meilleurs standards internationaux.

Si Paris-Charles de Gaulle est directement relié au train à grande vitesse (TGV), les liaisons avec Paris demeurent déficientes , la seule liaison ferroviaire à ce jour étant le RER B , qui est avant tout un train du quotidien destiné aux habitants de la région et n'est pas adapté aux besoins des touristes et de la clientèle d'affaires , désireux de rejoindre la capitale française rapidement.

Quant aux accès routiers, empruntés par 80 % des passagers , les autoroutes A1 et A3 sont aujourd'hui engorgées , ce qui rend la circulation particulièrement difficile aux heures de pointe .

Plusieurs projets actuellement en cours devraient progressivement remédier à cette situation. Le premier d'entre eux est le Charles de Gaulle Express , qui devrait relier directement l'aéroport à la gare de l'Est en 20 minutes à compter de 2024 . La ligne 17 du Grand Paris Express 508 ( * ) , dont la mise en service est prévue en 2030, devrait quant à elle relier Paris-Charles de Gaulle au quartier d'affaires de la Défense .

En ce qui concerne l'aéroport de Paris-Orly , le prolongement sud de la ligne 14 du métro devrait lui permettre d'être relié au centre de la capitale dès 2024 , la construction de la ligne 18 du Grand Paris Express étant censée fournir une liaison rapide avec le cluster de Paris-Saclay , la « Silicon Valley » à la française, à compter de 2027 . Des travaux en cours devraient améliorer les accès routiers de la plateforme à l'horizon 2022, sachant que 89 % des passagers les empruntent .

La seconde faiblesse importante des aéroports franciliens demeure le caractère insuffisant de la qualité de service aux yeux des passagers , puisque ceux-ci classent l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle à la 37 ème place seulement dans le classement des meilleurs aéroports mondiaux ( Skytrax World Airport Awards ), très loin des aéroports leaders en la matière tels que Singapour-Changi (1 er ), Séoul-Incheon (2 ème ) ou Hong Kong (4 ème ).

Plus préoccupant, les performances parisiennes se révèlent également inférieures à celles de plusieurs aéroports européens tels que Munich (6 ème ), Londres-Heathrow (8 ème ), Francfort (10 ème ) ou Amsterdam-Schiphol (12 ème ) avec qui Paris-Charles de Gaulle est en concurrence pour capter le trafic en correspondance entre l'Asie ou le Moyen-Orient et les Amériques .

Si de nombreux efforts ont été consentis ces dernières années pour corriger cette image peu flatteuse , beaucoup reste donc à faire pour améliorer le ressenti et la qualité de l'expérience vécue par les voyageurs qui utilisent les infrastructures aéroportuaires parisiennes.

Du reste, il convient de noter qu'une partie des progrès à réaliser ne tient pas réellement à ADP mais plutôt aux services de l'État, les temps d'attentes excessifs au passage aux frontières provoqués par une insuffisance des effectifs de la police aux frontières étant l'une des principales sources d'insatisfaction exprimées par les passagers .

Article 44
(art. L. 6323-2-1 [nouveau] du code des transports)
Modification du régime juridique d'Aéroports de Paris

I. Le droit existant

1. Aéroports de Paris (ADP) dispose d'un droit exclusif d'exploitation des aéroports franciliens sans limitation de durée

L'article L. 6323-2 du code des transports prévoit que la société Aéroports de Paris est chargée d'aménager , d'exploiter et de développer les aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget , ainsi que 10 aérodromes civils en Île-de-France et l'héliport d'Issy-les-Moulineaux .

En vertu de l'article L. 6323-3 du même code, la société ADP a l'obligation de fournir sur ces aéroports et aérodromes les services aéroportuaires adaptés aux besoins des transporteurs aériens, des autres exploitants d'aéronefs, des passagers et du public. Elle coordonne, sur chaque aérodrome qu'elle exploite, l'action des différents intervenants.

Il s'agit là d'un droit exclusif d'exploitation , sans limitation dans le temps , fondé sur une décision unilatérale d'organisation du service public prise par le législateur .

Ce droit exclusif d'exploitation s'inscrit dans le cadre juridique prévu par le premier paragraphe de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 509 ( * ) , qui reconnaît expressément aux États membres la possibilité de les accorder à des entreprises , qu'elles soient publiques ou privées.

Les spécificités des droits exclusifs d'exploitation sont confirmées par l'article 11 de la directive n° 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession qui prévoit que cette directive « ne s'applique pas aux concessions de services attribuées à un opérateur économique sur la base d'un droit exclusif qui a été octroyé conformément au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ».

Il en résulte que les dispositions de cette directive ne s'appliquent pas à des marchés de services attribués sur la base d'un droit exclusif dont une entité - telle qu'ADP - bénéficie en vertu de dispositions législatives. Ce droit exclusif d'exploitation ne saurait donc s'analyser comme un contrat de concession et relève d'un régime juridique distinct, établi par le législateur.

2. La société anonyme ADP s'est vue attribuer en 2005 la pleine propriété du foncier et des infrastructures des aéroports franciliens

L'article 1 er de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports a transformé l'établissement public industriel et commercial (EPIC) Aéroports de Paris (ADP) en société anonyme (SA ), sans que cette transformation n'emporte de création d'une personne morale nouvelle : la SA ADP a succédé à l'EPIC ADP. L'article L. 6323-1 du code des transports dispose que la majorité de son capital est détenue par l'État , ce qui fait donc d'ADP une SA publique .

L'article 2 de la loi de 2005 précitée a procédé, à la date de la transformation de l'établissement public ADP en SA, au déclassement de ceux de ses biens qui appartenaient au domaine public .

La même loi a également procédé au déclassement des biens qui provenaient du domaine public de l'État et qui avaient été remis en dotation à ADP ou que l'entreprise était autorisée à occuper .

N'ont en revanche pas été déclassés les biens nécessaires à l'exercice par l'État ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire (services de la navigation aérienne, gendarmerie du transport aérien, police aux frontières, douanes, etc.) 510 ( * ) .

Ces biens déclassés, qui sont à la fois des biens immobiliers (les aérodromes, les terrains ainsi que les immeubles de diversification) et des biens mobiliers (les systèmes d'exploitation) ont été attribués , à cette même date, à la société anonyme (SA) Aéroports de Paris en pleine propriété .

C'est donc elle et elle seule qui possède , entre autres, les terrains et les infrastructures des trois grands aéroports de la région Île-de-France que sont Paris-Charles de Gaulle , Paris-Orly et Paris-Le Bourget .

Le régime de propriété exclusive prévu par la loi de 2005 présente toutefois un certain nombre de spécificités exorbitantes du droit commun de la propriété applicable aux sociétés anonymes, compte tenu du caractère public de la SA ADP et des missions de service public qui lui sont confiées .

En premier lieu, les ouvrages appartenant à la société ADP et affectés au service public sont des ouvrages publics 511 ( * ) , aux termes de l'article L. 6323-5 du code des transports, et ce même s'ils n'appartiennent plus au domaine public, puisqu'ils ont été déclassés. Ils sont donc régis par les règles protectrices qui s'appliquent aux ouvrages publics .

Par ailleurs, l'article L. 6323-6 du code des transports prévoit que l'État peut s'opposer à toute cession , apport ou sûreté relatifs à un ouvrage ou un terrain d'ADP situé dans le domaine aéroportuaire et nécessaire à la bonne exécution des missions de service public confiées à la société.

Enfin, l'article 3 de la loi de 2005 dispose que la société ADP a l'obligation de verser à l'État au moins 70 % de la plus-value 512 ( * ) réalisée en cas de fermeture à la circulation aérienne de tout ou partie d'un aérodrome qu'elle exploite. Une convention, conclue pour une durée d'au moins 70 ans, détermine les modalités de calcul et de versement de cette somme.

II. Le dispositif proposé

L'article 44 du projet de loi insère dans le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code des transports, consacré aux dispositions particulières à la société Aéroports de Paris, un nouvel article L. 6323-2-1 relatif à la fin dans 70 ans de la mission d'ADP , au retour de ses biens à l'État à cette échéance, à l'indemnité à verser aux actionnaires pour compenser cette expropriation future et, enfin, aux conditions susceptibles de provoquer la fin de la mission d'ADP avant la durée de 70 ans susmentionnée.

1. La fin du droit exclusif d'exploitation d'ADP et le retour de ses biens à l'Etat dans 70 ans

a) La limitation dans le temps à 70 ans du droit exclusif d'exploitation d'ADP

Le nouvel article L. 6323-2-1 du code des transports prévoit en premier lieu que la mission d'aménagement , d'exploitation et de développement des aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget et de 10 autres aérodromes civils en Île-de-France confiée par l'État à la société anonyme Aéroports de Paris (ADP) aux termes de l'article L. 6323-2 du même code prendra fin 70 ans après l'entrée en vigueur dudit article L. 6323-2-1 , elle-même prévue à la date de la privatisation de la société ADP .

La société ADP conserve donc le droit exclusif d'exploitation des aérodromes franciliens qui lui avait été confié en 2005 mais celui-ci n'est plus illimité dans le temps .

Il expirera de plein droit 70 ans après l'entrée en vigueur du nouvel article L. 6323-2-1 introduit dans le code des transports par le présent article 44 du projet de loi, soit en 2089 si la privatisation d'ADP intervient en 2019 .

Il s'agit, à travers cette disposition, d'éviter de confier pour l'éternité à une société privée l'exploitation d'infrastructures stratégiques pour la Nation et d e ne pas privatiser un droit perpétuel d'exploitation fondé sur une décision unilatérale d'organisation du service public .

Ce dispositif juridique ad hoc , qui s'apparente à une concession, mais n'en est pas une dans la mesure où le droit exclusif d'exploitation est attribué par la loi à une société en l'absence de mise en concurrence, est qualifié par le Gouvernement, de « régime quasi-concessif » .

b) Le transfert à l'État des biens immobiliers et mobiliers d'ADP à l'issue de la période de 70 ans

Le statut des biens immobiliers (les aérodromes, les terrains, les immeubles de diversification, etc.) et mobiliers (les systèmes d'exploitation) d'ADP, qui lui avaient été attribués en pleine propriété par l'article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, est tout aussi fondamental et fait pour cette raison l'objet d'un traitement spécifique .

L'effectivité de la fin du droit d'exploitation d'ADP suppose en effet le transfert à l'État des biens d'ADP , pour que ceux-ci puissent être mis à disposition d'un futur exploitant à l'issue de la période de 70 ans.

En conséquence, le nouvel article L. 6323-2-1 précité prévoit que ces biens , de même que les biens meubles ou immeubles acquis ou réalisés par la société ADP et exploités en Île-de-France entre le 25 juillet 2005 et la date de la fin d'exploitation des aérodromes parisiens par la société ADP , soit en 2089 si la privatisation se produit en 2019, sont transférés en pleine propriété à l'État à la date de fin d'exploitation .

Cela signifie donc que dans 70 ans , la société ADP perdra à la fois son droit d'exploitation des aérodromes franciliens ainsi que la pleine propriété de ses biens , qui entreront à cette date dans le patrimoine de l'État.

En d'autres termes, l'article L. 6323-2-1 procède à une expropriation dans 70 ans des biens de la société Aéroports de Paris , sachant que 4 9,37 % de son capital est détenu par des actionnaires privés .

Le périmètre des biens inclus dans le futur transfert est large afin de tenir compte de la mutabilité des missions de service public aéroportuaire dans le temps , des actifs non affectés à ces missions lors de la privatisation étant susceptibles de le devenir durant la période de 70 ans ou ultérieurement compte tenu des évolutions futures du transport aérien.

Le III de l'article L. 6323-2-1 précise qu'ADP remet à l'État ces biens en bon état d'entretien et renvoie à son cahier des charges la définition des modalités précises de cette remise .

Il dispose que c'est également ce cahier des charges qui prévoit les modalités selon lesquelles l'État peut décider de ne pas reprendre , en fin d'exploitation normale ou anticipée, tout ou partie des biens qui ne seraient pas nécessaires ou utiles au fonctionnement du service public à cette date .

Ces biens seront remis libres de toute sûreté .

2. L'indemnisation des actionnaires pour la perte d'éternité et le retour à l'Etat des biens d'ADP

L'expropriation des biens de la société Aéroports de Paris dans 70 ans rend nécessaire une indemnisation « juste et préalable » de la société , et, à travers elle, de ses actionnaires , conformément aux dispositions de l'article 17 de de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

En conséquence de cette obligation constitutionnelle, l'article L. 6323-2-1 prévoit une indemnité composée de deux éléments , dont le premier serait versé au moment de la privatisation de la société ADP et le second au moment du retour de ses biens à l'État , au terme de la période d'exploitation exclusive de 70 ans.

a) Une première partie d'indemnité visant à compenser la perte d'éternité subie par les actionnaires du groupe ADP

Le premier élément de l'indemnité est un montant forfaitaire et non révisable , qui est versé par l'État à ADP à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société , soit potentiellement dès 2019.

Il s'agit d'appliquer l'obligation d'une indemnité « préalable » d'ADP , puisque la valeur de la société , cotée en bourse, sera immédiatement impactée par le choix opéré par le législateur de limiter ses droits d'exploitation dans le temps et de prévoir le retour de ses biens à l'État . Au travers de la société, ce sont bien les actionnaires actuels qui subissent un préjudice , et non les actionnaires futurs.

Ce montant forfaitaire et non révisable correspond à la somme des flux de trésorerie disponibles , pris après impôts , générés par les biens d'ADP pour la période débutant à la fin de la période d'exploitation , soit à compter de 2089 , actualisés au coût moyen pondéré du capital (CMPC) d'ADP , tel que déterminé à la date de la privatisation d'ADP selon le modèle d'évaluation des actifs financiers.

Comme le confirme l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement prévoit, pour calculer le montant de ce premier élément de l'indemnité versée à ADP, d'utiliser la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie futurs , dite des « discounted cash flows (DCF) » , qui constitue la méthode de valorisation d'une société la plus couramment utilisée.

Il sera toutefois déduit de ce montant une estimation de la valeur nette comptable (VNC) des biens d'ADP à la fin de la période d'exploitation , soit en 2089, là encore actualisée au coût moyen pondéré du capital (CMPC) d'ADP déterminé à la date de sa privatisation selon le modèle d'évaluation des actifs financiers.

Cette première partie de l'indemnité versée à la société Aéroports de Paris (ADP) verra son montant fixé par arrêté , au terme d'une procédure destinée à garantir l'indépendance et l'impartialité avec lesquelles sera déterminé son montant.

Cet arrêté est pris par le ministre chargé de l'économie. Il fait l'objet d'un avis conforme de la Commission des participations et des transferts (CPT) .

Pour éclairer son avis conforme , ladite Commission des participations et des transferts (CPT) reçoit elle-même un avis d'une commission ad hoc composée de trois personnalités désignées conjointement, en raison de leurs compétences en matière financière , par le premier Président de la Cour des comptes , le président de l'Autorité des marchés financiers et le président du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables .

b) Une deuxième partie d'indemnité qui correspond à la valeur nette comptable des biens d'ADP dans 70 ans

L'indemnité versée par l'État à la société ADP pour l'expropriation de ses biens dans 70 ans comprend un deuxième élément . Celui-ci sera versé au moment du transfert à l'État desdits biens , soit potentiellement en 2089. Son montant sera fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie.

Le montant de cet élément correspond à la valeur nette comptable (VNC) des biens d'ADP figurant à la date de la fin d'exploitation dans les comptes sociaux de la société , c'est-à-dire un montant égal à la valeur non amortie figurant à son bilan à cette date des actifs transférés à l'État .

Le paiement au bout de 70 ans de la VNC constatée des actifs lors de leur transfert doit permettre d'indemniser la société au plus près de la réalité de son préjudice (sans cette indemnisation la société constaterait une charge dans ses comptes) et est supposé inciter la société à investir dans les actifs jusqu'au terme des 70 ans .

3. Les conditions dans lesquelles l'Etat peut mettre fin à la mission d'ADP avant la fin de la période exclusive d'exploitation de 70 ans

Confier pendant 70 ans l'exploitation exclusive des aéroports franciliens à une société privée présente des risques importants pour le service public aéroportuaire en cas de défaillance de cet exploitant , que cette défaillance soit due à une mauvaise gestion des plateformes , à une faillite ou bien encore à une évolution de son actionnariat qui n'aurait pas l'agrément de l'État .

C'est pourquoi le II du nouvel article L. 6323-2-1 du code des transports prévoit une liste de cas dans lesquels l'État pourrait , dans la période comprise entre 2019 et 2089, mettre fin de manière anticipée , intégralement ou partiellement, à la mission d'aménagement , d'exploitation et de développement des aéroports franciliens confiée à ADP .

Une telle décision unilatérale de l'État , qui ferait l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'aviation civile, de l'économie et du budget, pourrait intervenir si, en dehors d'un cas de force majeure, et après mise en demeure restée infructueuse, nonobstant l'application éventuelle des sanctions prévues à son cahier des charges :

- ADP interrompt , de manière durable ou répétée, l'exploitation d'un aérodrome , alors que la société a l'obligation d'assurer la continuité du service public aéroportuaire ;

- ADP atteint à deux reprises sur quatre exercices successifs le plafond annuel de pénalités prévu à l'article L. 6323-4 du code des transports, durci par les dispositions de l'article 45 du projet de loi PACTE ;

- ADP commet tout autre manquement d'une particulière gravité à ses obligations légales et réglementaires ;

- ADP n'est plus en mesure d'assurer la bonne exécution du service public du fait que la société ou son actionnaire de contrôle 513 ( * ) fait l'objet d'une procédure collective 514 ( * ) , c'est-à-dire une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

- une modification du contrôle actionnarial de la société intervient sans avoir été agréée par l'État .

Dans ce cas, ADP perçoit pour seule indemnité, au titre du transfert consécutif de la propriété de ses actifs à l'État, un montant forfaitaire et définitif égal à la valeur nette comptable (VNC) des actifs concernés par la mesure de fin d'exploitation anticipée.

Ce montant est déterminé et arrêté au plus tard lors de l'entrée en vigueur de l'arrêté prévoyant la fin partielle ou totale de la mission d'ADP.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. Les modifications apportées par la commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs Marie Lebec (La République en Marche) et Roland Lescure (La République en Marche), un amendement qui prévoit que les montants de la première partie et de la deuxième partie de l'indemnité versés à Aéroports de Paris pour le transfert de ses biens à l'État dans 70 ans seront fixés par décret et non par arrêté . Ce décret sera pris sur rapport du ministre chargé de l'économie.

Un amendement présenté par Éric Woerth (Les Républicains) et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par les rapporteurs, a prévu que l'avis de la commission ad hoc rendu à la Commission des participations et des transferts (CPT) sur le montant de cette indemnité serait rendu public à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris (ADP).

Un amendement des rapporteurs a précisé que les cinq cas pouvant entraîner la fin anticipée du droit d'exploitation exclusif confié à ADP n'étaient pas cumulatifs . La réalisation d'un seul d'entre eux peut justifier qu'il soit mis fin par l'État à la mission confiée à Aéroports de Paris de manière anticipée.

Enfin, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements rédactionnels , là encore à l'initiative de ses rapporteurs.

2. Les modifications apportées en séance publique

L'Assemblée nationale a adopté un premier amendement présenté par le Gouvernement pour prévoir que les biens récupérés par l'État au terme des 70 ans d'exploitation des aérodromes franciliens par ADP comprennent les titres de capital ou donnant accès au capital des entreprises détenues , directement ou indirectement, par Aéroports de Paris , à l'exception de celles dédiées à une activité exercée hors des plateformes aéroportuaires . Ne seront donc pas transférées à l'État les entreprises qui appartiennent au segment « International et développement aéroportuaires » d'ADP .

Elle a également adopté un amendement, présenté par Stéphanie Do (La République en Marche) et sous-amendé à l'initiative des rapporteurs, visant à fixer des délais pour l'élaboration des deux avis sur le montant de l'indemnité versée par l'État à ADP au moment de la privatisation .

Les dispositions qu'elle a adoptées prévoient ainsi que la commission ad hoc devra rendre son avis sur le projet de décret qui lui sera soumis dans un délai de trente jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l'économie.

De même, la Commission des participations et des transferts (CPT) devra rendre son avis sur le même projet de décret dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l'économie.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de ses rapporteurs visant à préciser que les biens restitués à l'État au terme de la période d'exploitation exclusive d'ADP sont remis libres de toute sûreté autre qu'une sûreté existant à la date d'entrée en vigueur de l'article L. 6323-1 du code des transports , c'est-à-dire au moment de la privatisation d'ADP.

IV. La position de votre commission

1. La nécessité de limiter dans le temps le droit d'exploitation d'ADP et de prévoir un retour de ses biens à l'Etat

a) L'impossibilité de transférer immédiatement à l'État les biens d'ADP et de créer un véritable régime de concession

Ainsi qu'il a été rappelée supra , ADP détient, dans l'état actuel du droit, un droit d'exploitation perpétuel des aéroports de la région Île-de-France et possède en pleine propriété tant le foncier que les infrastructures de ces aéroports .

À Nice et à Lyon, dont la privatisation est intervenue en 2016, c'est l'État qui détenait les biens, foncier comme infrastructures, de ces aéroports, dont la concession était confiée à une société publique.

Pour chacun de ces aéroports, la privatisation a donc consisté à vendre les parts que l'État détenait au capital de la société bénéficiant de cette concession au secteur privé, sans pour autant que le statut de biens publics détenus par l'État du foncier et des infrastructures ne soit modifié .

Pour ADP, la situation est différente, puisque le foncier et les infrastructures des aéroports franciliens appartiennent à une société anonyme certes encore majoritairement publique, mais dont 49,37 % du capital est d'ores-et-déjà détenu par des actionnaires privés .

Mettre fin immédiatement à la mission d'exploitation exclusive des aéroports franciliens confiée à ADP par la loi de 2005 pour créer un régime de concession et organiser une mise en concurrence pour confier cette mission n'était pas une option envisageable.

Une solution aussi brutale aurait conduit en effet à exproprier la société de ses biens avant la privatisation , ce qui aurait contraint l'État à verser aux actionnaires minoritaires une indemnité qui aurait correspondu peu ou prou au montant qu'il aurait perçu en vendant ses parts du capital, rendant l'opération de privatisation complètement inutile .

Les mêmes actionnaires minoritaires auraient également été en droit de demander une offre publique de retrait , ce qui aurait exposé l'État à la potentielle différence entre la valeur de rachat et le produit de cession d'ADP .

b) Le retour à terme à l'État des biens d'ADP constitue une nécessité publique

L'expropriation immédiate des biens d'ADP étant exclue, il importe de concilier deux impératifs.

En premier lieu, il ne serait pas concevable de confier pour l'éternité l'exploitation d'aérodromes aussi stratégiques pour la connectivité de la France que ceux de la région Île-de-France, et en particulier Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, à une société privée .

Pour la même raison, les biens qui permettent l'exploitation de ces aérodromes , qu'il s'agisse du foncier comme des infrastructures , ne sauraient être détenus à perpétuité par des acteurs privés , alors même qu'il s'agit d'actifs dont l'importance est déterminante pour le développement économique et touristique , mais également pour l'aménagement du territoire de la région Île-de-France , voire pour le pays dans son ensemble .

Le Conseil d'État note à cet égard dans son avis sur la loi PACTE que « l'exigence de continuité du service public aéroportuaire implique que l'État puisse disposer , à l'expiration du droit d'exploitation accordé à la société ADP, des biens nécessaires à la poursuite effective de la gestion de ce service public ».

En conséquence, il considère, que « l e retour à l'État des actifs mobiliers et immobiliers appartenant à la société ADP répond à une nécessité publique et que ce motif justifie que cette société soit privée, dans 70 ans, de la propriété de ses biens affectés au service public aéroportuaire ».

Votre rapporteur considère lui aussi qu'il est absolument indispensable de limiter dans le temps le droit exclusif d'exploitation confié par l'État à ADP et de prévoir que ses biens , qu'il s'agisse de ceux qui lui ont été confiés en 2005, qu'elle a acquis depuis ou qu'elle acquerra pendant la suite de l'exploitation de ses aérodromes, reviendront à l'État à l'issue de cette période d'exploitation .

c) La durée de 70 ans du droit exclusif d'exploitation d'ADP, si elle paraît longue, correspond à un point d'équilibre difficile à remettre en cause

Ce principe étant posé, il fallait faire en sorte que la durée d'exploitation des aéroports confiés à ADP soit suffisamment longue pour ne pas détruire tout ou partie de la valeur de la société , qui est cotée en bourse, et ne pas contraindre l'État à verser une indemnité pour expropriation trop importante aux actionnaires minoritaires de la société.

De fait, plus la durée de cette exploitation sera longue , plus la valeur de la société sera importante et moins le montant de l'indemnité sera élevé . C'est pourquoi des durées de 30 ans, 40 ans voire 50 ans apparaissaient trop courtes et destructrices de valeur pour ADP et ses actionnaires , et, dans le même temps, trop couteuses pour les finances publiques .

À l'inverse, une durée de 100 ans aurait paru nettement trop longue .

La solution retenue par le Gouvernement s'est donc portée sur une durée de 70 ans .

Celle-ci apparaissait comme suffisamment longue pour préserver la valeur de la société ADP et maintenir à un niveau raisonnable le coût pour les finances publiques de l'indemnité versée aux actionnaires minoritaires.

Cette durée permet également de tenir compte de l'amortissement des investissements que devra consentir le futur propriétaire d'ADP, le coût du Terminal 4 étant compris dans une fourchette de 7 à 9 milliards d'euros d'ici 2037. Or la durée d'amortissement de certains de ses composants devrait être de 50 ans .

À noter enfin que la durée de 70 ans correspond, en droit général des propriétés publiques, à la durée maximale pendant laquelle une personne peut détenir des droits réels sur une dépendance du domaine public de l'État . Si ces dispositions ne sont pas applicables au cas d'ADP, il est possible d'établir une analogie avec le fait qu'elle continuera à disposer de ses biens pendant 70 ans avant que ceux-ci ne soient transférés à l'État.

Dans le même temps, une durée de 70 ans ne renvoie pas la date de fin d'exploitation et de retour des biens à l'État à un avenir si lointain que cette opération s'apparenterait de facto à une attribution à perpétuité du droit exclusif d'exploitation des aéroports franciliens.

Elle n'est en outre pas sans précédent , puisque la durée de la concession , confiée par l'État à la Compagnie Eiffage, du Viaduc de Millau 515 ( * ) , est de 78 ans, correspondant à 3 ans de construction et 75 ans d'exploitation . La durée des concessions du tunnel de Fréjus et du tunnel du Mont Blanc sont pour leur part de 70 ans et de 91 ans respectivement.

Dans son avis, le Conseil d'État note que la durée du droit d'exploitation par la société ADP des aéroports franciliens, soit 70 ans, « paraît particulièrement longue ».

De fait, celle-ci prendrait fin en 2089 si la privatisation intervient au cours de l'année 2019. À titre de comparaison, une durée d'exploitation de 70 ans qui se serait achevée en 2019 aurait commencé en 1949 . Or, le transport aérien a connu ces dernières décennies un essor considérable qu'il était impossible d'anticiper en 1949.

Le Conseil d'État, s'il estime donc que cette durée de 70 ans est « particulièrement longue », paraît considérer qu'elle présente plusieurs avantages déterminants sans lesquels, à dire vrai, l'opération de privatisation d'ADP perdrait tout son sens.

Selon lui, cette durée permet de « concilier plusieurs contraintes tenant à la stabilité de l'entreprise , de son organisation et de son modèle économique à court, moyen et long termes, à la nécessité de permettre l'amortissement et la rentabilisation des investissements à venir dans des infrastructures nécessaires au développement des plateformes aéroportuaires, à la nécessité de neutraliser l'impact du changement de régime de la société sur sa cotation sur un marché réglementé et aussi à l'équilibre des finances publiques ».

Il considère donc que le mécanisme conçu par le Gouvernement ne soulève pas d'objection de sa part .

Pour sa part, votre rapporteur considère lui aussi que la durée de 70 ans paraît fort longue mais qu'il est difficile de la réduire , compte tenu des différentes contraintes mentionnées supra , sans remettre en question l'intérêt financier de l'opération de privatisation pour l'État .

2. Une indemnité dont la fixation du montant, même si elle est réalisée de façon impartiale et avec les meilleures méthodes disponibles, sera nécessairement entachée d'énormes incertitudes

Si la seconde partie de l'indemnité qui sera versée par l'État à Aéroports de Paris (ADP) dans 70 ans pour dédommager la société pour la fin de son droit exclusif d'exploitation et pour le retour de ses biens à l'État ne soulève pas de difficultés particulières , la première partie de l'indemnité, en revanche, est nettement plus compliquée à établir .

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a du reste souligné que ce mécanisme « sui generis » d'indemnisation de la société ADP présentait « une grande complexité ».

Pour la calculer, le Gouvernement a décidé de recourir à la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie disponible ( discounted cash flow -DCF), qui est une méthode d'évaluation fondée sur le principe selon lequel la valeur de l'actif économique est égale au montant des flux de trésorerie disponible futurs générés par l'entreprise , actualisés en fonction de son risque .

Le Conseil d'État valide l'utilisation de cette méthode dont il note qu'il s'agit d'une « méthode classique d'évaluation des entreprises » et qu' « il n'apparaît pas en l'espèce qu'on puisse lui opposer d'autres méthodes plus pertinentes ». Il s'agit en effet de la méthode la plus utilisée pour la valorisation des sociétés exploitant des aéroports partout dans le monde.

Pour déterminer les flux de trésorerie disponible, il est nécessaire de connaître le plan d'affaires de l'entreprise , dont la durée dépendra de la « visibilité », c'est-à-dire de l'horizon raisonnable de prévision.

Or, votre rapporteur partage le point du vue du Conseil d'État qui souligne à raison que « s'il est possible de construire , compte tenu de la prévision des trafics aériens fortement liée aux prévisions de croissance du PIB, de l'importance des plateformes aéroportuaires en région Île-de-France et du caractère relativement mécanique de l'évolution des infrastructures en fonction des trajectoires de trafics et de la régulation, un plan d'affaires sur une durée de 20-30 ans , l'exercice est beaucoup plus complexe lorsqu'il est appliqué à une période s'ouvrant à un horizon sensiblement plus lointain et d'une durée illimitée ».

De fait, il paraît en pratique impossible d'anticiper sérieusement ce que seront la croissance du PIB, les évolutions du trafic aérien ou bien encore les changements technologiques qui se produiront au-delà d'une durée de 20 à 30 ans.

Votre rapporteur se montre pour cette raison dubitatif quant à l'argument utilisé par le Conseil d'État, qui considère que « même si l'horizon de 70 ans peut paraître très lointain , il n'y a pas de raison de considérer comme complètement hors de portée , compte tenu des prévisions pouvant être raisonnablement faites, l'exercice consistant à élaborer les hypothèses servant de base à l'application de cette méthode [la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie disponible] ».

En réalité, le calcul des flux de trésorerie dont bénéficiera ADP entre 2089 et l'infini paraît quasiment impossible à établir , ou sera en tout état de cause entaché d'énormes incertitudes , la méthode des discounted cash flow (DCF) étant habituellement utilisée sur des durées beaucoup plus courtes , comme l'ont rappelé lors de leur audition les représentants de la Commission des participations et des transferts.

À tout le moins, la procédure prévue par l'article 44 pour l'établissement de ce montant, à savoir un décret pris sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts , elle-même destinataire d'un avis d'une commission ad hoc , paraît présenter de fortes garanties d'indépendance et d'impartialité , qui devraient permettre que cette évaluation soit réalisée de façon objective en application des meilleurs méthodes disponibles .

Si l'ensemble des acteurs jouent leur rôle conformément à la loi et veillent à effectuer toute la transparence nécessaire sur leurs méthodes de calcul , le risque d'un contentieux entre l'État et les actionnaires minoritaires d'ADP devrait pouvoir être évité.

Selon les évaluations évoquées par la presse économique, le montant de cette première partie de l'indemnité pourrait représenter entre 500 millions d'euros et 1 milliard d'euros , dont la moitié reviendrait à l'État. Les actionnaires minoritaires d'ADP recevraient ainsi entre 250 millions d'euros et 500 millions d'euros au moment de la privatisation de la société.

En conclusion, votre rapporteur n'a pas souhaité modifier les équilibres du présent article 44 et a uniquement proposé à la commission spéciale, qui les a adoptés, un amendement COM-461 de précision juridique et un amendement COM-462 rédactionnel .

Votre commission a adopté l'article 44 ainsi modifié .

Article 45
(art. L. 6323-2 et L. 6323-4 du code des transports)
Cahier des charges d'Aéroports de Paris

I. Le droit en vigueur

L'article L. 6323-4 du code des transports prévoit que la mission d'exploitation exclusive des aéroports franciliens confiée à la société anonyme Aéroports de Paris (ADP) est encadrée par un cahier des charges fixé par l'État et approuvé par décret en Conseil d'État .

Le même article prévoit que ce cahier des charges fixe les conditions dans lesquelles ADP assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes franciliens et exécute , sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, les missions de police administrative qui lui incombent.

Le cahier des charges d'ADP définit également les modalités :

- selon lesquelles ADP assure la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes et entre les aérogares d'un même aérodrome ;

- du concours d'ADP à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'État, et plus particulièrement par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ;

- du contrôle par l'État du respect des obligations incombant à ADP au titre de ses missions de service public , notamment par l'accès des agents de l'État aux données comptables et financières de la société ;

- de l'accès des personnels de l'État et de ses établissements publics ainsi que des personnels agissant pour leur compte à l'ensemble du domaine aéroportuaire de la société pour l'exercice de leurs missions ;

- du contrôle par l'État d es contrats par lesquels ADP délègue à des tiers l'exécution de certaines de ses missions de service public .

Toujours selon les dispositions de l'article L. 6323-4 du code des transports, le cahier des charges d'ADP détermine les sanctions administratives que l'État est susceptible d'infliger à la société en cas de manquement aux obligations qu'il édicte.

L'État peut ainsi prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement , à l'ampleur du dommage et aux avantages tirés par la société du manquement. Il ne peut excéder 0,1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'ADP.

Il est susceptible d'être porté à 0,2 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'ADP en cas de nouvelle violation de la même obligation.

Le cahier des charges actuel d'ADP, dont les clauses appliquent les dispositions de l'article L. 6323-4 du code des transports et détaillent les obligations de service public de la société, a été approuvé par le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005 .

II. Le dispositif proposé

1. La mention dans la loi des autres aérodromes franciliens gérés par Aéroports de Paris

Le I de l'article 45 procède à une modification de l'article L. 6323-2 qui définit la mission d'Aéroport de Paris, à savoir aménager, exploiter et développer « les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, ainsi que les aérodromes situés dans la région Île-de-France dont la liste est fixée par décrets », en précisant directement dans la loi la liste de ces autres aérodromes franciliens, à savoir Chavenay-Villepreux , Chelles-Le Pin , Coulommiers-Voisins , Etampes-Mondésir , Lognes-Emerainville , Meaux-Esbly , Paris-Issy-les-Moulineaux , Persan-Beaumont , Pontoise-Cormeilles-en-Vexin , Saint-Cyr-l'Ecole et Toussus-le-Noble .

Les aérodromes exploités par Aéroports de Paris en Île-de-France

Source : Aéroports de Paris

2. Un cahier des charges considérablement étoffé pour renforcer les pouvoirs de contrôle de l'État sur la société privée ADP

Le II de l'article 45 du projet de loi vient modifier l'article L. 6323-4 du code des transports pour indiquer que celui-ci précise les modalités d'application des différents articles du code des transports relatifs à ADP insérés ou modifiés par la loi PACTE 516 ( * ) et pour insérer une très longue liste de dispositions que devra désormais prévoir le cahier des charges de la société Aéroports de Paris (ADP) privatisée , les dispositions qui existaient déjà étant intégralement conservées.

Il s'agit là de prévoir un cadre législatif et réglementaire conférant suffisamment de pouvoirs de contrôle à l'État sur la société privée Aéroports de Paris , de sorte qu'il soit en mesure de garantir la continuité et la bonne exécution du service public aéroportuaire en toutes circonstances.

a) Des dispositions nouvelles censées permettre un contrôle étroit par l'État de la société ADP privatisée

Quatre dispositifs insérés à l'article L. 6323-4 du code des transports paraissent particulièrement déterminants pour assurer un contrôle réel et efficace d'ADP par l'État , ledit contrôle étant opéré en pratique par la direction du transport aérien (DTA) de la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Le 6° porte sur le pouvoir de décision et d'orientation dont disposera l'État pour, le cas échéant, contraindre ADP , en cas de désaccord avec ses dirigeants, à s'acquitter de ses obligations de service public liées à l'exploitation des aéroports franciliens

Le nouveau cahier des charges devra en effet prévoir les modalités selon lesquelles l'État , en l'absence d'accord avec ADP, pourra, dans l'intérêt du service public et au regard des meilleurs standards internationaux , fixer les conditions dans lesquelles le service public aéroportuaire doit être assuré , les niveaux de performance à atteindre , les sanctions appliquées lorsque ces niveaux ne sont pas atteints et les orientations sur le développement des aérodromes .

L'État pourra également, en vertu du même 6°, imposer à ADP la réalisation d'investissements nécessaires au respect des obligations de service public de la société , ce qui paraît indispensable compte tenu notamment du projet de construction du nouveau Terminal 4 censé permettre l'accueil de 40 millions de passagers supplémentaires à Paris-Charles de Gaulle à l'horizon 2037.

Le 7° prévoit que l'État restera présent au conseil d'administration d'ADP , et ce, même s'il décide de vendre toutes ses participations au capital de la société.

Le futur cahier des charges devra en effet prévoir les conditions dans lesquelles un commissaire du Gouvernement , ou son suppléant, nommé par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et représentant l'État au conseil d'administration d'Aéroports de Paris, sera associé , sans voix délibérative , à l'ensemble des travaux de ce conseil .

Ce commissaire du Gouvernement se verra remettre par la société ADP toute information utile à sa mission , ce qui devrait lui donner accès à une grande partie des données opérationnelles , financières et comptables de la société. Cette mesure, destinée à permettre à l'État de surveiller de près l'activité du groupe ADP même s'il sortait totalement de son capital , a été appliquée lors de la privatisation des aéroports de Lyon et de Nice et a été recommandée par la Cour des comptes dans son rapport sur le sujet 517 ( * ) .

Troisième disposition majeure, prévue par le nouveau 8° de l'article L. 6323-4 du code des transports : la nomination des principaux responsables de la société ADP devra être agréée par l'État .

Le cahier des charges permettra en effet à l'État de bénéficier d'un pouvoir d'agrément sur les dirigeants d'ADP chargés des principales fonctions opérationnelles relatives à l'exploitation aéroportuaire , à la sûreté , à la sécurité et à la maîtrise d'ouvrage aéroportuaire , soit les différents domaines qui relèvent des missions de service public de la société. Le fait que l'État agrée les dirigeants d'une société privée constituerait une innovation opportune témoignant du caractère particulièrement sensible de la société ADP.

Cet agrément par l'État des principaux dirigeants d'ADP par l'État devra s'effectuer sur la base de critères objectifs relatifs à leur probité et à leur compétence pour éviter tout risque d'arbitraire.

Enfin, dernière disposition majeure introduite dans le nouveau cahier des charges, le nouveau 10° de l'article L. 6323-4 du code des transports dispose que l'accord préalable de l'État sera nécessaire à toute opération conduisant à un changement de contrôle direct ou indirect d'ADP au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

Le contrôle d'une société au sens de l'article L.233-3
du code de commerce

L'article L. 233-3 du code de commerce prévoit que toute personne physique ou morale, est considérée comme en contrôlant une autre :

- lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;

- lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;

- lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;

- lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes de d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

Une personne physique ou morale est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

Source : article 233-3 du code de commerce

Il s'agit là de s'assurer que le groupe ADP , qui gère des infrastructures critiques pour notre pays, ne sera pas contrôlé par des acteurs privés susceptibles de mal le gérer , ou, pire, associés à des puissances étrangères potentiellement porteuses d'intérêts incompatibles avec les intérêts français .

Rappelons par ailleurs que le II du nouvel article L. 6323-2-1 du code des transports introduit par l'article 44 prévoit que l'État pourrait mettre fin de façon anticipée à la mission d'ADP si une modification du contrôle actionnarial de la société se produisait sans qu'il l'ait agréée.

b) L'introduction dans le cahier des charges de nouvelles dispositions relatives aux biens d'ADP, à la bonne information de l'État ou bien encore au règlement des différends susceptibles d'apparaître entre l'État et la société

L'article L. 6323-4 du code des transports prévoit de nombreuses autres dispositions pour le nouveau cahier des charges de la société ADP, dont l'importance est variable.

• De nombreuses dispositions visent à renforcer le contrôle de l'État sur les biens d'ADP et sur les travaux réalisés pour son compte

Le cahier des charges d'ADP devra fixer plusieurs dispositions relatives aux biens d'ADP et aux travaux engagés par la société .

Le 11° impose à ADP le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et leurs décrets d'application pour la conclusion des marchés publics et des concessions portant sur des travaux avec une entreprise liée ou une coentreprise .

Il s'agit là d'éviter que les travaux qui auront lieu pendant les 70 ans à venir sur les plateformes aéroportuaires franciliennes soient attribués par le futur acheteur d'ADP à des entreprises partenaires , dans l'hypothèse où ADP serait acquise par un groupe qui comprendrait dans ses activités une branche consacrée aux travaux publics .

Ce risque de concentration verticale existe bel et bien puisque le groupe Vinci, souvent cité comme un acquéreur potentiel de la société ADP, est l'un des principaux acteurs du secteur des travaux publics en France.

Le 13° prévoit que l'État encadre et autorise, à peine de nullité, les décisions ou contrats conférant des droits réels aux occupants des biens d'ADP , pour tenir compte de la fin de la mission d'ADP, 70 ans après la privatisation.

Le 14° prévoit que l'État autorise les opérations qui, indépendamment d'un lien direct avec le service public aéroportuaire, dépassent un montant ou une superficie substantielle ou sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exécution du service public aéroportuaire ou des missions dont l'État est chargé . Il s'agit par exemple d'éviter la construction d'un bâtiment qui pourrait, 20 ans plus tard, nuire au développement de l'aéroport.

Le 15° dispose que le cahier des charges d'ADP prévoit les modalités selon lesquelles la société met à disposition de certains services et établissements publics de l'État les terrains , locaux , aménagements et places de stationnement et assure les prestations de service connexes en retenant, sur le montant des loyers et des prix, les taux d'abattement par type d'immeubles et de prestation pratiqués à la date de la privatisation.

Le 16° prévoit que l'État encadre et autorise les modifications substantielles , qu'elles soient permanentes ou provisoires, que la société apporte aux capacités des installations aéroportuaires , qui sont essentielles pour accueillir le trafic aérien (pistes, aérogares, etc.).

Le 17° prévoit que l'autorisation de l'État est nécessaire pour qu'ADP puisse engager des travaux lorsque ceux-ci dérogent à des normes ou objectifs mentionnés dans les dispositions du cahier des charges, lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter l'exécution du service public aéroportuaire ou bien encore lorsqu'ils peuvent perturber l'exercice des missions des services de l'État (navigation aérienne, douanes, polices aux frontières, gendarmerie du transport aérien, etc.).

• Des dispositions confèrent à l'État un droit de regard sur les décisions et les contrats d'ADP

Deux dispositifs permettent à l'État de s'opposer à la prise de certaines décisions ou à la conclusion de certains contrats par la société ADP .

Le 12° prévoit ainsi que le cahier des charges encadre la durée des actes d'Aéroports de Paris pour tenir compte de la fin de sa mission dans 70 ans.

Surtout, le 19° dispose que le ministre de l'aviation civile peut exiger qu'il soit mis fin à toute décision ou contrat d'Aéroports de Paris pris en méconnaissance des dispositions du cahier des charges , à ses frais exclusifs.

• Les dispositions relatives à l'information de l'État sur la gestion et la santé financière d'ADP

Plusieurs dispositions nouvelles du cahier des charges contraindront la société ADP à fournir des informations à l'État pour que celui-ci soit averti le plus en amont possible des difficultés éventuelles , notamment financières , qu'ADP pourrait rencontrer à l'avenir.

Dans cette perspective, le 20° prévoit qu'ADP informe annuellement l'État de tout élément de sa gestion financière susceptible d'obérer sa capacité d'assurer ses obligations de service public .

Il s'agit là de faire en sorte que l'État ne soit pas mis au pied du mur par une société dont la défaillance soudaine viendrait mettre en péril la continuité du service public aéroportuaire .

Pour prévenir ce risque, ADP devra disposer en permanence d'une notation de long terme de sa dette chirographaire et non subordonnée établie par au moins une agence de notation de crédits de réputation mondiale 518 ( * ) . Cette notation devra être supérieure à un niveau précisé dans le cahier des charges .

Le 21° prévoit également qu'ADP doit informer l'État en cas de dépôt d'une requête visant à l'ouverture d'une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation 519 ( * ) et le tient informé du déroulement de la procédure.

• Les dispositions relatives aux différends susceptibles de naître entre l'État et ADP

Deux clauses du cahier des charges portent sur l e règlement des différends susceptibles de naître entre l'État et ADP au cours de la période de 70 ans d'exploitation des aéroports franciliens.

Le 9° prévoit tout d'abord qu'ADP pourra, par exception, rechercher la responsabilité sans faute de l'État du fait des décisions normatives ou d'organisation des services dont il a la charge lorsqu'elles affectent spécifiquement , significativement et durablement l'activité de la société ADP en Île-de-France ou du fait des décisions de l'État lorsqu'elles bouleversent , dans la durée , les conditions économiques dans lesquelles l'exploitant opère ses activités de service public en Île-de-France .

Il s'agit là de garantir aux futurs propriétaires d'ADP que les décisions unilatérales que l'État sera susceptible de prendre au cours des 70 ans d'exploitation pourront faire l'objet d'un dédommagement , dans le cas où elles affecteraient très fortement l'activité de la société.

Mais cette disposition permet également d'encadrer le régime de la responsabilité sans faute de l'État dans ses relations avec ADP , de sorte que cette responsabilité ne soit pas uniquement laissée à l'appréciation du juge administratif et qu'elle ne puisse aller au-delà de ce que ladite disposition prévoit.

En second lieu, le 18° prévoit que le cahier des charges de la société précise les modalités de règlement amiable des différends entre l'État et ADP avant saisine des juridictions ou autorités compétentes.

c) Le durcissement des sanctions susceptibles d'être appliquées à la société ADP en cas de manquement à ses obligations de service public

Le 3° du II de l'article 45 réécrit le dernier alinéa de l'article L. 6323-4 du code des transports relatif aux sanctions administratives que l'État est susceptible d'infliger à la société ADP en cas de manquement aux obligations qu'il édicte dans la loi ou dans le cahier des charges de la société.

Il prévoit ainsi, comme dans le droit actuel, que l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement , à l'ampleur du dommage et aux avantages tirés par la société dudit manquement mais précise que cette sanction dépend également « de leur caractère éventuellement répété ».

Pour chaque manquement constaté, le montant de cette sanction pécuniaire sera susceptible de représenter jusqu'à 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos d'Aéroports de Paris (ADP).

Le montant des pénalités encourues sur une année civile sera toutefois plafonné puisqu'il ne pourra excéder 10 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos d'ADP.

Il s'agit là d'un renforcement très significatif du montant des sanctions pécuniaires susceptibles d'être infligées à ADP puisque celles-ci ne pouvaient représenter jusqu'ici plus de 0,1 % du chiffre d'affaires d'ADP , ce taux étant porté à 0,2 % en cas de violation de la même obligation.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. Les modifications apportées par la commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté trois nouveaux alinéas 22°, 23° et 24° qui viennent encore étoffer la liste des dispositions que devra obligatoirement mentionner le futur cahier des charges d'ADP.

a) La prise en compte de l'impact environnemental des activités d'ADP

Le 22° , issu d'un amendement présenté par les rapporteurs Marie Lebec et Roland Lescure, précise que le cahier des charges devra prévoir les modalités selon lesquelles Aéroports de Paris exerce ses missions en tenant compte des effets environnementaux de ses activités .

La question de l'impact environnemental des activités de la société, qu'il s'agisse en particulier de la pollution de l'air ou des nuisances sonores provoquées par le trafic aérien , n'était en effet jusque ici pas prise en compte par les dispositions législatives relatives à ADP , alors qu'elle constitue un sujet de préoccupation important pour les populations riveraines des aéroports et pour les collectivités territoriales sur les territoires desquelles ils sont installés.

b) La mention dans le cahier des charges des activités d'aviation générale sur les aérodromes gérés par ADP

Le 23° introduit par la commission spéciale également à l'initiative de ses rapporteurs dispose que le nouveau cahier des charges d'ADP devra prévoir les modalités selon lesquelles ADP assure les conditions d'exercice d'une activité d'aviation générale .

L'aviation générale regroupe toutes les activités aériennes civiles autres que le transport commercial, qu'il s'agisse de l'aviation sportive, de l'aviation de loisir (aéroclubs) ou bien encore des activités de secours, d'évacuations sanitaires, de lutte contre les incendies, etc.

Les activités d'aviation générale concernent en particulier les dix aérodromes qu'exploite ADP en Île-de-France en plus de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget.

c) La création d'un comité des parties prenantes d'ADP distinct de ses organes de direction

Un alinéa 24° , lui aussi issu d'un amendement des rapporteurs, dispose enfin que le cahier des charges devra prévoir la création d'un comité des parties prenantes d'Aéroports de Paris . Ce comité sera distinct des organes de direction d'ADP. Il comprendra des représentants de la société , de collectivités territoriales , d'associations de riverains et d'associations agréées pour la protection de l'environnement .

Le comité aura pour objet de favoriser l'information et les échanges entre ces différents acteurs.

d) L'évolution du cahier des charges d'ADP au cours du temps

À compter de sa privatisation, la société ADP disposera du droit exclusif d'exploitation des plateformes parisiennes pour 70 ans , dans le cadre des dispositions législatives qui lui seront applicables.

Elle sera également tenue d'appliquer les dispositions réglementaires de son cahier des charges , qui sera déterminé par le Gouvernement par décret en Conseil d'État, en application des dispositions législatives de l'article L. 6323-4 du code des transports.

La période de 70 ans est particulièrement longue et le transport aérien en Île-de-France devrait connaître de profondes mutations dans les décennies à venir .

C'est pourquoi la commission spéciale de l'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de ses rapporteurs, un paragraphe prévoyant que l'État doit veiller au maintien au cours du temps de la bonne adéquation du cahier des charges d'ADP avec les objectifs du service public aéroportuaire ainsi qu'avec la situation économique de l'entreprise et les évolutions du secteur .

Ce paragraphe prévoit également que les dispositions du cahier des charges d'ADP font l'objet d'évaluations , dont au moins une évaluation réalisée par l'État , qui y associe la société Aéroports de Paris, 35 ans après la privatisation de la société , soit à mi-parcours de la période d'exploitation de 70 ans.

e) Les autres modifications apportées par la commission spéciale

La commission spéciale a adopté deux autres amendements significatifs de ses rapporteurs, les autres étant des amendements rédactionnels ou de précision juridique.

Le premier amendement exclut la participation du commissaire du Gouvernement au conseil d'administration d'Aéroports de Paris (ADP) pour les réunions portant sur la négociation du contrat pluriannuel de régulation économique-CRE (voir infra le commentaire de l'article 48), sa présence risquant de le placer en situation de conflit d'intérêt .

Le commissaire du Gouvernement siégeant au sein du conseil d'administration d'ADP sera en effet un représentant de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) , l'administration précisément en charge de négocier le CRE avec ADP pour le compte de l'État.

Le second amendement précise que, pour l'application des sanctions administratives prévues au dernier alinéa de l'article L. 6323-4 du code des transports, le chiffre d'affaires du dernier exercice clos , qui sert de base au calcul de la sanction, s'apprécie à la date à laquelle la sanction est prononcée et non à la date à laquelle le manquement a été réalisé.

2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté à l'article 45 des amendements d'ampleur relativement limitée .

Un premier amendement présenté par les rapporteurs visait à préciser la clause du cahier des charges qui prévoit l'encadrement de la durée des actes d'ADP pour tenir compte de la fin de sa mission dans 70 ans.

Les dispositions introduites par les députés précisent que l'État autorise préalablement tout acte de la société ADP autre qu'un contrat de travail lorsque sa durée excède de plus de 18 mois la date de fin normale de l'exploitation , qui, pour mémoire, pourrait intervenir en 2089. Le cahier des charges doit également indiquer les modalités selon lesquelles les contrats relatifs à l'exploitation des aérodromes confiés à ADP encore en vigueur à la fin de l'exploitation sont transférés à l'État à cette date .

Un sous-amendement du Gouvernement est venu prévoir que cette disposition s'applique non seulement en cas de fin normale de l'exploitation mais aussi en cas de fin anticipée de l'exploitation .

Un amendement, présenté par Marie Guévenoux (La République en Marche) et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par les rapporteurs, précise la rédaction du premier alinéa du 24° introduit par la commission spéciale pour prévoir notamment que les missions du nouveau comité des parties prenantes d'ADP n'empiètent pas sur les compétences des commissions consultatives de l'environnement .

Deux autres amendements des rapporteurs précisent la rédaction du second alinéa du 24° pour prévoir notamment que l'évaluation du cahier des charges réalisée 35 ans après sa publication est rendue publique .

IV. La position de votre commission

1. Les dispositions nouvelles du cahier des charges doteront l'État d'un véritable pouvoir de contrôle sur la société

La présence majoritaire de l'État au conseil d'administration d'Aéroports de Paris lui donnait jusqu'ici un contrôle complet sur la stratégie de la société , sur la nomination de ses principaux dirigeants et sur ses biens , foncier comme infrastructures .

La privatisation d'ADP, si elle ne faisait pas l'objet d'un renforcement très substantiel des pouvoirs de contrôle de l'État , conduirait celui-ci à perdre toute maîtrise sur le devenir d'une société chargée d'une mission de service public de la plus haute importance pour la vie de la Nation, à savoir assurer le bon fonctionnement des principaux aéroports français , première porte d'entrée sur notre territoire.

Revoir en profondeur les dispositions législatives relatives au cahier des charges de la société ADP ainsi que ledit cahier des charges lui-même, approuvé par décret en Conseil d'État, est donc indispensable pour doter l'État de leviers puissants lui garantissant qu'il sera toujours en mesure d'imposer à ADP le respect des obligations de service public qui lui incombent pendant les 70 ans au cours desquels la société continuera à bénéficier d'un droit exclusif d'exploitation.

Plusieurs mesures fortes sont prévues par le présent article 45 du projet de loi PACTE.

Figurent parmi elles la possibilité pour l'État de fixer , en cas de désaccord avec ADP, les conditions dans lesquelles le service public aéroportuaire doit être assuré , les niveaux de performance à atteindre , les sanctions appliquées lorsque ces niveaux ne sont pas atteints et les orientations sur le développement des aérodromes .

La pouvoir conféré à l'État d'imposer à ADP la réalisation d'investissements nécessaires au respect des obligations de service public de la société est également essentiel dans le cadre de la réalisation prochaine du Terminal 4 à Paris-Charles de Gaulle.

L'État conservera également un puissant pouvoir de veto sur le devenir de la société dans la mesure où toute modification dans la détention de son capital conduisant à un changement de contrôle direct ou indirect d'ADP nécessitera son accord préalable .

Il pourra en outre s'opposer à la nomination de dirigeants qui ne lui paraîtraient pas disposer de la probité ou de la compétence nécessaires pour contribuer aux missions de service public d'ADP.

Dans son avis consacré au projet de loi PACTE, le Conseil d'État considère que « le renforcement de l'encadrement de la mission de service public assurée par ADP, dans un contexte de privatisation future, est justifié , suffisant et ne présente par un caractère excessif ».

Si votre rapporteur partage l'avis du Conseil d'État sur l e caractère équilibré et proportionné des dispositions prévues pour le futur cahier des charges d'ADP par le présent article 45, il lui paraît toutefois nécessaire de le compléter sur deux points :

- la question de la révocation éventuelle des dirigeants d'ADP ;

- l'évaluation des dispositions du cahier des charges à l'avenir .

2. Prévoir un pouvoir de révocation des dirigeants d'ADP en cas de manquement d'une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires d'Aéroports de Paris

Si, comme il a été indiqué, le cahier des charges prévoit les modalités selon lesquelles l'État donne son agrément lors de la nomination des dirigeants d'Aéroports de Paris chargés des principales fonctions opérationnelles relatives à l'exploitation aéroportuaire, à la sûreté, à la sécurité et à la maîtrise d'ouvrage aéroportuaire, l'État ne dispose en revanche d'aucun levier pour démettre l'un de ces dirigeants une fois en poste , même si celui-ci devait commettre une faute grave et de nature à perturber le bon fonctionnement du service public aéroportuaire .

C'est pourquoi votre commission spéciale a adopté un amendement COM-463 qui complète le 8° de l'article L. 6323-4 du code des transports pour prévoir que le cahier des charges d'ADP précise les modalités selon lesquelles les dirigeants susmentionnés sont révoqués à la demande de l'État en cas de manquement d'une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires d'Aéroports de Paris .

La mention d' « un manquement d'une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires d'Aéroports de Paris » vise à limiter ce pouvoir de révocation à des cas exceptionnels susceptibles de nuire à la bonne exécution par la société de sa mission.

3. Procéder à une évaluation des dispositions du cahier des charges d'Aéroports de Paris tous les dix ans

L'Assemblée nationale a introduit un 24° dans la nouvelle rédaction de l'article L. 6323-4 du code des transports qui prévoit que les dispositions du cahier des charges d'ADP et leur mise en oeuvre font l'objet d'évaluations , dont au moins une évaluation réalisée par l'État , qui y associe la société Aéroports de Paris , 35 ans après la privatisation de la société , soit à mi-parcours de la période d'exploitation de 70 ans . Elle a également prévu que cette évaluation est rendue publique .

Si le principe de ces évaluations est une excellente chose, encore convient-t-il de préciser leur périodicité , la seule qui est rendue obligatoire à ce stade étant celle qui sera conduite 35 ans après la privatisation.

Or votre rapporteur considère que, compte tenu de la croissance rapide du trafic aérien, il conviendra de réexaminer tous les 10 ans les dispositions du cahier des charges et leur mise en oeuvre , afin de vérifier que celui-ci est toujours adapté. Cette durée de dix ans correspond à la durée de deux contrats pluriannuels de régulation économiques (CRE) prévus à l'article L. 6325-2 du code des transports. La commission spéciale a adopté un amendement COM-465 en ce sens.

La commission spéciale a également adopté un amendement COM-466 de précision visant à indiquer que l'État doit veiller à la cohérence du cahier des charges avec les évolutions « du secteur du transport aérien et avec les effets économiques, sociaux et environnementaux des activités d'Aéroports de Paris ».

Elle a en revanche supprimé la référence à « la situation économique de l'entreprise », qui n'a pas à entrer en ligne de compte pour la détermination de ses obligations de service public .

Enfin, la commission spéciale a adopté, toujours à l'initiative de votre rapporteur :

- un amendement COM-464 visant à empêcher que ne soit rendue obligatoire , comme le prévoyait le texte transmis par l'Assemblée nationale, l'autorisation par l'État tous les contrats conclus par ADP pendant 70 ans , ce qui constituerait un frein excessif à l'activité d'ADP et serait disproportionné au regard de l'objectif recherché ;

- un amendement COM-481 de correction de références ;

- un amendement COM-482 de précision juridique.

Elle a également adopté un amendement COM-53 présenté par notre collègue Arnaud Bazin visant à rappeler qu'Aéroports de Paris doit veiller à la pérennité des aéroclubs dans le cadre de ses activités d'aviation générale .

Votre commission a adopté l'article 45 ainsi modifié .

Article 46
(art. L. 6323-6 du code des transports)
Nouvelles dispositions de maîtrise des emprises foncières

I. Le droit existant

L'article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports a procédé, à la date de la transformation de l'établissement public Aéroports de Paris (ADP) en société anonyme, au déclassement de ceux de ses biens qui appartenaient au domaine public ainsi qu'au déclassement de ceux qui provenaient du domaine public de l'État qui lui avaient été remis en dotation ou qu'ADP était autorisé à occuper , à l'exception des biens nécessaires à l'exercice par l'État ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire (police aux frontières, navigation aérienne, douanes, etc.).

Ces biens ont été attribués , à cette même date, à la société Aéroports de Paris en pleine propriété . C'est donc elle qui détient, entre autres, les terrains et les infrastructures des trois grands aéroports de la région Île-de-France que sont Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget.

Le régime de propriété exclusive prévu par la loi de 2005 présente toutefois un certain nombre de spécificités exorbitantes du droit commun de la propriété applicable aux sociétés anonymes, compte tenu du caractère public de la SA ADP et des missions de service public qui lui sont confiées .

En premier lieu, les ouvrages appartenant à la société ADP et affectés au service public sont des ouvrages publics 520 ( * ) , aux termes de l'article L. 6323-5 du code des transports, et ce même s'ils n'appartiennent plus au domaine public, puisqu'ils ont été déclassés. Ils sont donc régis par les règles qui s'appliquent aux ouvrages publics .

En outre, les ouvrages ou terrains appartenant à Aéroports de Paris, situés dans le domaine aéroportuaire et nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci bénéficient d'un régime de protection spécifique et renforcé prévu par l'article L. 6323-6 du même code.

Celui-ci dispose en effet que l'État s'oppose à la cession , à l'apport , sous quelque forme que ce soit et à la création d'une sûreté sur ces ouvrages ou terrains ou qu'il subordonne leur cession, la réalisation de l'apport ou la création de la sûreté à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement de ses missions . Les catégories de biens concernées sont listées par le cahier des charges d'Aéroports de Paris.

Dans l'état actuel du droit, l'État dispose donc d'un véritable droit de veto sur la cession , l'apport ou la création de sûreté sur les ouvrages et terrains de la société anonyme Aéroports de Paris utilisés dans le cadre de ses missions de service public , puisque, comme le précise l'article L. 6323-6 « est nul de plein droit tout acte de cession , apport ou création de sûreté réalisé sans que l'État ait été mis à même de s'y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l'opération ».

Par ailleurs, ces biens ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie et le régime des baux commerciaux ne leur est pas applicable .

Enfin, l'article 3 de la loi de 2005 dispose que la société ADP a l'obligation de verser à l'État au moins 70 % de la plus-value 521 ( * ) réalisée en cas de fermeture à la circulation aérienne de tout ou partie d'un aérodrome qu'elle exploite . Une convention, conclue pour une durée d'au moins 70 ans, détermine les modalités de calcul et de versement de cette somme.

II. Le dispositif proposé

L'article 46 procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 6323-6 relatif au contrôle qu'exerce l'État sur les cessions , les apports et les créations de sûreté sur les biens de la société Aéroports de Paris nécessaires à la bonne exécution de ses missions de service public aéroportuaire .

1. L'extension du droit de regard et du veto de l'Etat sur les cessions, apports et créations de sûreté sur les biens de la société ADP

L'article 46 impose tout d'abord à la société Aéroports de Paris l'obligation de soumettre à l'État tout projet d'opération conduisant à la cession , à l'apport , sous quelque forme que ce soit, ou à la création d'une sûreté relativement à l'un des biens et titres de participation dont la propriété sera transférée à l'État au terme de la période d'exploitation exclusive de 70 ans des aérodromes franciliens conférée à ADP par l'article 44 du présent projet de loi PACTE.

Le périmètre concerné, qui inclut l'ensemble des propriétés foncières d'ADP en Île-de-France , est donc nettement plus large que celui sur lequel l'État disposait d'un droit de regard jusqu'ici, lequel ne concernait que les ouvrages ou terrains appartenant à Aéroports de Paris « situés dans le domaine aéroportuaire et nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci ».

L'État autorise cette opération de cession, d'apport ou de création de sûreté dès lors qu'elle n'est pas de nature à porter atteinte à la bonne exécution du service public aéroportuaire ou à ses développements possibles à court ou à moyen termes. Elle peut également être conditionnée au respect de conditions que l'État précise.

Les créations de sûreté sur un bien ne sont susceptibles d'être autorisées qu'à la condition que ces dernières soient consenties au titre du financement des missions d'Aéroports de Paris portant sur ses aérodromes en Île-de-France . Elles ne sauraient pas exemple être utilisées pour financer l'acquisition de futures opérations de croissance externe de la société ADP privatisée.

Comme le prévoit déjà l'article L. 6323-6 dans sa version actuellement en vigueur, l'article 46 précise que les ouvrages ou terrains appartenant à Aéroports de Paris, nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci, ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie .

Le régime des baux commerciaux ne leur est pas non plus applicable .

Le droit de veto de l'État sur les opérations relatives aux biens de la société Aéroports de Paris est, à l'instar de son droit d'autorisation, également étendu à l'ensemble des propriétés foncières d'ADP en Île-de-France , puisqu'il est prévu qu'est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté non autorisé par l'État ou réalisé en méconnaissance de son opposition ou des conditions fixées à la réalisation de l'opération .

2. Les relations financières entre l'Etat et ADP consécutives à la cession, à l'apport ou à la réalisation d'une sûreté sur les biens de la société ADP affectés au service public aéroportuaire

La nouvelle rédaction de l'article L. 6323-6 du code des transports prévue par l'article 46 instaure un mécanisme de partage entre l'État et Aéroports de Paris du produit financier de l'aliénation des biens immobiliers et mobiliers de la société dont l'État l'autorise à se séparer.

Pour mémoire, il s'agit là de biens que l'État, en l'absence d'aliénation, aurait récupérés en pleine propriété au terme de la période d'exploitation exclusive de 70 ans.

Deux cas de figures sont envisagés.

Le premier concerne les biens qui ont été apportés à Aéroports de Paris par l'État en application de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports .

Lorsque la société est autorisée à céder ou apporter l'un de ces biens, ou qu'elle en perd la propriété du fait de la réalisation d'une sûreté, elle a l'obligation de verser à l'État 70 % de la plus-value correspondant à la différence nette d'impôts existant entre, d'une part, la valeur vénale des biens à leur date de transfert de propriété et, d'autre part, la valeur nette comptable figurant dans les comptes sociaux de la société à la date du transfert de propriété de l'actif.

Le second cas concerne les biens qui ont été acquis ou réalisés par la société après la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports et dont la durée de vie excédera la période d'exploitation exclusive des aérodromes franciliens de 70 ans prévue par l'article 44.

Dans ce cas, l'indemnité que verse la société ADP à l'État équivaut à une part des 70 % de la plus-value correspondant à la différence nette d'impôts existant entre, d'une part, la valeur vénale des biens à leur date de transfert de propriété et, d'autre part, la valeur nette comptable figurant dans les comptes sociaux de la société à la date du transfert de propriété de l'actif.

Cette part de la plus-value correspond à la quote-part qui serait revenue à l'État à la date de fin d'exploitation , c'est-à-dire en 2089. Elle est définie par l'État et la société lors du transfert de propriété de ces biens.

S'agissant des cessions de titre, le même dispositif s'applique à la différence positive entre le prix de cession des titres, d'une part, et leur valeur comptable, d'autre part, à la date du transfert des titres.

Enfin, la nouvelle rédaction de l'article L. 6323-6 du code des transports prévoit que le terrain d'assiette des aérodromes exploités par Aéroports de Paris , lorsqu'il fait partie du domaine public, peut faire l'objet d'un transfert de gestion au profit de l'État sur décision du préfet territorialement compétent.

Il s'agit, par cette disposition, de garantir l'affectation au service public aéroportuaire de toute parcelle de domaine public servant d'assiette à un aérodrome exploité par Aéroports de Paris.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de Charles de Courson (Libertés et territoire) et de plusieurs de ses collègues prévoyant que le transfert de gestion au profit de l'État sur décision du préfet du terrain d'assiette des aérodromes exploités par Aéroports de Paris (ADP) fait l'objet en contrepartie d'une indemnité fixée dans les conditions de droit commun .

Elle a également adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, plusieurs amendements rédactionnels ou de précision juridique, remplaçant notamment le terme « préfet » par celui de « représentant de l'État dans le département ».

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Charles de Courson et plusieurs de ses collègues visant à clarifier le périmètre des autorisations délivrées par l'État en cas de réorganisation interne du groupe ADP ou de volonté de cession d'activités , pour s'assurer que ces évolutions n'auront pas d'impact sur les biens nécessaires aux missions de service public aéroportuaires d'ADP.

IV. La position de votre commission

Si l'article 44 prévoit que les biens immobiliers et mobiliers d'Aéroports de Paris (ADP) qui lui avaient été attribués en pleine propriété par l'article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports ainsi que les biens acquis ou réalisés par la société ADP et exploités en Île-de-France entre le 25 juillet 2005 et la date de la fin d'exploitation des aérodromes parisiens par la société ADP, sont transférés en pleine propriété à l'État à la date de fin d'exploitation , encore faut-il s'assurer que celui-ci conservera un pouvoir de contrôle étroit sur le devenir de ces biens au cours de la période de 70 ans.

Les dispositions du présent article 46 paraissent fournir les outils nécessaires et garantir que la société privée ADP ne sera pas en mesure de céder des biens utiles au bon fonctionnement du service public aéroportuaire .

L'État disposera en effet d'un pouvoir d'autorisation de toute opération de cession, d'apport ou de création de sûreté sur ces biens , qui constitue un véritable droit de veto , dans la mesure où est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté non autorisé par l'État ou réalisé en méconnaissance de son opposition ou des conditions fixées à la réalisation de l'opération.

Enfin, le mécanisme de partage entre l'État et Aéroports de Paris du produit financier de l'aliénation des biens immobiliers et mobiliers de la société dont l'État l'autorise à se séparer paraît équilibré .

En conséquence, votre rapporteur n'a pas proposé à la commission spéciale d'amendements modifiant de façon substantielle le présent article 46, mais uniquement l'amendement rédactionnel COM-467 et l'amendement COM-483 , qui a pour objet de garantir que les transferts d'activités effectués en méconnaissance de l'autorisation prévue par la loi sont nuls.

Votre commission a adopté l'article 46 ainsi modifié .

Article 47
(art. L. 6323-4-1 [nouveau] du code des transports)
Périmètre régulé d'Aéroports de Paris

I. Le droit existant

1. Les services publics aéroportuaires rendus par les exploitants d'aérodromes sont financés par des redevances pour services rendus

L'activité principale des exploitants aéroportuaires comme Aéroports de Paris consiste à rendre des services publics aux compagnies aériennes et à leurs prestataires de services à l'occasion de l'usage de terrains, d'infrastructures, d'installations, de locaux et d'équipements aéroportuaires 522 ( * ) .

Ainsi que le prévoit l'article L. 6325-1 du code des transports, ces services publics aéroportuaires rendus aux compagnies aériennes donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus , dites « redevances aéroportuaires ».

Les trois principales redevances aéroportuaires perçues par Aéroports de Paris sont prévues par l'article R. 224-2 du code de l'aviation civile. Il s'agit de :

- la redevance par passager , correspondant à l'usage des installations aménagées pour la réception des passagers et du public. L'assiette de cette redevance est le nombre de passagers embarqués. Son produit pour ADP a atteint 653 millions d'euros en 2017 ;

- la redevance d'atterrissage , qui correspond à l'usage, par les aéronefs de plus de six tonnes, des infrastructures et équipements aéroportuaires nécessaires à l'atterrissage, au décollage et à la circulation au sol ; les tarifs de cette redevance sont fonction de la masse maximale certifiée au décollage de l'aéronef. Son produit pour ADP a atteint 243 millions d'euros en 2017 ;

- la redevance de stationnement , correspondant à l'usage, par les aéronefs de plus de six tonnes, des infrastructures et équipements de stationnement ; les tarifs de cette redevance sont fonction de la durée de stationnement, des caractéristiques de l'aéronef et, le cas échéant, de celles de l'aire de stationnement. Son produit pour ADP a atteint 159 millions d'euros en 2017.

Le chiffre d'affaires d'ADP issu de ces trois redevances aéronautiques représentait en 2017 1 055 millions d'euros , en hausse de 5,4 % par rapport à 2016, grâce au dynamisme du trafic de passagers (+4,5 %) et à l'augmentation des tarifs au 1 er avril 2017 (+0,97 %).

D'autres redevances , dites accessoires , peuvent également être instauré au profit de l'exploitant d'aéroport. ADP perçoit à ce titre sept redevances accessoires 523 ( * ) , pour un montant total de 230 millions d'euros en 2017, un montant en hausse de 4,6 % par rapport à 2016.

2. Pour éviter les abus de marché d'aéroports placés en situation de quasi-monopole naturel, les tarifs des redevances aéroportuaires font l'objet d'une régulation qui dépend de l'amplitude du périmètre régulé

Les aéroports étant en situation de monopole naturel , ou de quasi-monopole , sur les vols origine-destination, la tentation peut être grande pour ces opérateurs de fixer des tarifs de redevances aéroportuaires élevés pour maximiser leurs profits , au détriment des compagnies aériennes, qui constituent une clientèle captive .

Ce risque d'abus de marché est clairement identifié partout dans le monde et conduit les États à mettre en place des systèmes de régulation des tarifs des redevances .

En France, cette régulation économique est effectuée par l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) , chargée d'homologuer les tarifs annuels des redevances qui lui sont proposés par les aéroports qui accueillent plus de 5 millions de passagers par an et de rendre un avis conforme sur les contrats de régulation économique (CRE) signés entre l'État et ces aéroports , lesquels fixent sur cinq ans l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires (pour une présentation de l'ASI, voir infra le commentaire de l'article additionnel après l'article 48).

Pour formuler leurs propositions de tarifs soumises à l'ASI , les exploitants d'aéroports doivent appliquer plusieurs dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile, dans le respect des plafonds fixés par leur CRE , s'il existe.

En premier lieu, l'article L. 6325-1 du code des transports dispose que le montant des redevances aéroportuaires tient compte de la rémunération des capitaux investis .

L'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile précise que cette « juste rémunération des capitaux investis » est appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital (CMPC) calculé sur le périmètre des activités et services pris en compte pour le calcul des tarifs des redevances, dit « périmètre régulé » (voir infra ).

Le coût moyen pondéré du capital (CMPC) , indicateur clef de la régulation économique aéroportuaire, représente le taux de rentabilité annuel moyen attendu par les actionnaires et les créanciers de l'entreprise , en retour de leur investissement. Pour ADP, le CMPC, tel qu'il a été déterminé par l'État et la société, s'établit à 5,4 % pour la période 2016-2020 .

L'article L. 6325-1 du code des transports précité prévoit que le montant des redevances aéroportuaires peut également tenir compte des investissements , y compris futurs, liés à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service. Il ne peut en revanche excéder le coût des services rendus sur l'aérodrome .

Ces critères à prendre en compte pour la détermination des tarifs des redevances aéroportuaires sont précisés par l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile qui dispose que ceux-ci sont fixés en tentant compte des prévisions d'évolution du trafic de passagers et de marchandises sur l'aéroport mais également des éléments suivants :

- les objectifs d'évolution des charges , tenant compte notamment de l'évolution de la qualité des services fournis aux usagers et de celle de la productivité de l'exploitant ;

- les prévisions d'évolution des recettes ;

- les programmes d'investissement et leur financement .

Cet article prévoit qu'il peut être aussi tenu compte des profits dégagés par des activités de l'exploitant autres que les services aéronautiques .

a) Selon que le « périmètre régulé » inclut ou non tout ou partie des activités non aéronautiques des aéroports, on parle de « caisse unique », de « caisse double » ou de « caisse aménagée »

Le « périmètre régulé » désigne l'ensemble des activités , aéronautiques et non aéronautiques, à partir duquel est défini le plafond d'évolution des redevances .

Ce périmètre peut varier et conduire à la mise en place de trois systèmes distincts : la « caisse unique » , la « caisse double » ou un système intermédiaire, la « caisse aménagée » .

Les trois systèmes diffèrent par la proportion des activités non aéronautiques qui participent à l'équilibre tarifaire des activités aéronautiques . Chacun d'entre eux possède des avantages et des inconvénients , présentés en détail infra , et ne crée pas les mêmes types d'incitations pour les aéroports et pour les compagnies aériennes.

Si le périmètre régulé inclut l'ensemble des activités de l'aéroport , aéronautiques comme non aéronautiques, le système de régulation est dit en « simple caisse » ou « caisse unique » .

Dans une « caisse unique », les revenus des commerces (boutiques, restaurations, services bancaires, etc.) ou bien encore ceux de l'immobilier de diversification sont mélangés avec les revenus issus des activités aéronautiques et peuvent donc être utilisés pour financer les investissements aéroportuaires et les services rendus aux compagnies .

Si le périmètre régulé inclut uniquement les activités aéronautiques , il s'agit d'un système de « double caisse » , les autres activités (commerce, immobilier de diversification, parkings, etc.) étant traitées séparément et n'entrant nullement en ligne de compte pour le calcul des redevances aéroportuaires .

En d'autres termes, le périmètre régulé et le périmètre non régulé sont considérés comme étanches , ce qui implique la mise en place d'une comptabilité analytique robuste , et les activités non aéronautiques ne participent pas au financement des activités aéronautiques .

Enfin, si le périmètre régulé intègre, en plus des activités aéronautiques, une partie seulement des activités non aéronautiques , le système de régulation est dit en « caisse aménagée » . C'est le cas par exemple si les revenus des parkings entrent dans le périmètre régulé et sont pris en compte pour déterminer les tarifs des redevances .

b) Depuis 2011, la régulation des redevances aéroportuaires d'ADP est effectuée dans le cadre d'un système de « caisse aménagée », qui s'apparente de plus en plus dans les faits à un système de « double caisse »

Jusqu'en 2011, le système de caisse utilisé par Aéroports de Paris (ADP) était celui de la « caisse unique » , qui reste celui de la plupart des aéroports français de province.

Depuis 2011, l'article 1 er de l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes modifié prévoit que le système utilisé par ADP est celui de la « caisse aménagée » .

Les commerces et les services , ainsi que l'immobilier de diversification , ne font plus partie du périmètre régulé , mais quelques activités non aéronautiques (les parkings automobiles, les prestations industrielles et certaines locations en aérogares) continuent à y être incluses.

Toutefois, le poids financier relatif de ses activités non aéronautiques tend à devenir de plus en plus faible , si bien que le système de caisse d'ADP s'apparente de plus en plus à celui d'une « double caisse » .

II. Le dispositif proposé

L'article 47 du projet de loi vise à inscrire le système de « caisse aménagée » d'Aéroports de Paris dans la loi en insérant dans le code des transports un nouvel article L. 6323-4-1, qui reprend largement les dispositions de l'article 1 er de l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes, lequel définit le périmètre régulé d'ADP .

Ce nouvel article L. 6323-4-1 détermine la manière dont sont établis les tarifs des redevances aéroportuaires de la société Aéroports de Paris .

Il prévoit que ceux-ci sont fixés de manière à assurer une juste rémunération d'ADP au regard du coût moyen pondéré du capital (CMPC) sur le périmètre de ses activités aéronautiques .

Ce périmètre d'activités, le « périmètre régulé », est précisé par décret .

L'article L. 6323-4-1 prévoit toutefois qu'il comprend nécessairement les services publics aéroportuaires et les activités foncières et immobilières relatives :

- aux activités d'assistance en escale ;

- au stockage et à la distribution de carburants d'aviation ;

- à la maintenance des aéronefs ;

- aux activités liées au fret aérien, à l'aviation générale et d'affaires ;

- au stationnement automobile public et par abonnements ;

- aux transports publics.

Les activités relatives au stationnement automobile public et par abonnements , ainsi que les transports publics , ne relèvent pas des activités aéronautiques . Le nouvel article L. 6323-4-1 du code des transports prévoit donc pour ADP un modèle de « caisse aménagée », même si celui-ci s'apparente dans les faits à un modèle de « double caisse ».

Le même article L. 6323-4-1 dresse également la liste des activités de la société ADP qui n'entrent pas dans la « caisse régulée » et n'ont donc pas vocation à être pris en compte pour la détermination des tarifs des redevances aéroportuaires .

Il s'agit des activités commerciales et de services , notamment celles relatives aux boutiques , à la restauration , aux services bancaires et de change , à l'hôtellerie , à la location d'automobiles et à la publicité ainsi que les activités foncières et immobilières hors aérogares autres que celles mentionnées comme appartenant au périmètre régulé.

Rappelons pour mémoire que le chiffre d'affaires des commerces d'Aéroports de Paris représentait 953 millions d'euros en 2017 et celui de l'immobilier de diversification 250 millions d'euros .

Les revenus liés à l'ensemble de ces activités n'auraient donc pas vocation à venir financer les activités aéronautiques d'ADP , la société privatisée conservant l'intégralité des profits qu'elles génèreront à l'avenir .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté cet article après lui avoir apporté, à l'initiative de ses rapporteurs, deux modifications rédactionnelles .

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

IV. La position de votre commission

1. L'extension du périmètre régulé et le système de caisse oposent gestionnaires d'aéroports et compagnies aériennes

L'extension du périmètre régulé pour la fixation des tarifs des redevances aéroportuaires, et le système de caisse qu'il détermine , est un sujet très controversé , qui oppose les gestionnaires d'aéroports et les compagnies aériennes , sans que les économistes ne soient en mesure de donner un avantage clair à un modèle plutôt qu'à un autre.

a) Le système de caisse unique favorise une modération de redevances mais n'incite pas au développement des commerces

Dans le modèle de la « caisse unique », les activités non aéronautiques (commerces, immobiliers, parkings, etc.) sont incluses dans le périmètre régulé pour lequel le régulateur calcule le coût moyen pondéré du capital (CMPC) attendu par les actionnaires et les créanciers de l'aéroport.

Cela signifie donc que les profits issus des activités non aéronautiques tendent à favoriser une modération , voire une réduction des montants des redevances aéroportuaires dont s'acquittent les compagnies aériennes, ce qui explique que celles-ci soient systématiquement favorables à ce modèle.

Les compagnies considèrent en outre qu'il est légitime que les activités non aéronautiques participent au financement des activités aéronautiques, dans la mesure où les clients des commerces des aéroports sont leurs passagers et où lesdits commerces bénéficient des externalités positives du transport aérien .

Les compagnies font enfin valoir que le système de caisse unique est simple à mettre en oeuvre , tant pour les aéroports que pour le régulateur.

Le système de caisse unique possède toutefois un inconvénient important : il incite peu l'exploitant aéroportuaire à développer ses activités non aéronautiques, dans la mesure où les profits qu'il génère grâce aux commerces, à l'immobilier, etc . entraînent une pression à la baisse sur les redevances aéroportuaires .

b) Le système de la « double caisse » est susceptible de pénaliser les compagnies aériennes

Dans le modèle de la « double caisse », le périmètre régulé pour lequel le régulateur calcule le coût moyen pondéré du capital (CMPC) n'inclut que les activités aéronautiques . En conséquence, les redevances doivent couvrir le coût de l'ensemble des services aéronautiques rendus par l'aéroport et des investissements aéronautiques qu'il consent , sans que les autres activités de l'aéroport y contribuent.

Ce système entraîne mécaniquement une pression à la hausse sur le montant des redevances , raison pour laquelle les compagnies aériennes y sont très opposées.

Les activités non aéronautiques étant exclues du périmètre régulé, l'aéroport est de son côté fortement incité à les développer , puisqu'il est assuré de capter la totalité de leurs profits , sans que l'augmentation de ces derniers ne provoque une diminution des redevances aéroportuaires.

Les gestionnaires d'aéroports se montrent naturellement très favorables au système de la double caisse qui présente pour eux un intérêt financier évident, mais font également valoir plusieurs arguments selon lesquels la double caisse présenterait des avantages pour le transport aérien dans son ensemble .

Ce système inciterait en premier lieu l'aéroport à être performant en matière d'exploitation aéronautique , les revenus commerciaux n'étant pas susceptibles de venir compenser des performances insuffisantes des activités aéronautiques (charges trop élevées, surinvestissements, etc.).

La mise en place d'une comptabilité analytique précise permettrait en outre aux compagnies aériennes de connaître précisément les coûts des services aéroportuaires qui leur sont fournis.

c) Les observations empiriques ne sont guère concluantes

Les comparaisons d'aéroports européens d'une envergure analogue à celle d'ADP ne permettent malheureusement pas de faire apparaître une corrélation claire entre le niveau des redevances aéroportuaires, leur variation ces dernières années et le système de caisse choisi.

On constate ainsi que les redevances de Londres-Heathrow, qui utilise le système de la caisse unique , étaient déjà de 22 % supérieures à celles d'ADP en 2010 et le sont de 50 % en 2018 (avec un taux de croissance annuel moyen-TCAM sur la période de 4,8 % ).

À contrario, celles d'Amsterdam-Schiphol , également en caisse unique , étaient inférieures de 9 % à celles d'ADP en 2010 le sont de 34 % en 2018 , avec un TCAM de -1,8 % .

Les redevances de Francfort , en caisse double , étaient supérieures de 7 % à celles d'ADP en 2010 et le sont désormais de 10 % , avec un TCAM de +2,6 % .

Enfin, celles de Madrid , en caisse aménagée , étaient inférieures de 45 % à celles d'ADP en 2010 et ne le sont plus que de 15 %, avec un TCAM de + 6,7 % .

Ces différentes données laissent à penser que l'évolution des redevances aéroportuaires ne dépend pas tant du modèle de caisse que d'autres paramètres tels que la saturation de l'aéroport dans le cas de Londres-Heathrow ou la fixation à un niveau délibérément très bas du CMPC destiné à favoriser l'attractivité de l'aéroport (cas d'Amsterdam-Schiphol).

2. Prévoir la possibilité d'une subvention des activités aéronautiques par les activités non-aéronautiques, en particulier en cas d'investissements importants

Jusqu'à présent, le périmètre régulé d'Aéroports de Paris (ADP) et son système de caisse relevaient uniquement du niveau réglementaire , et la loi ne fixait nullement une liste d'activités devant nécessairement être incluses dans le périmètre régulé et une liste d'activités devant nécessairement ne pas être incluses dans ledit périmètre régulé.

Votre rapporteur note du reste que l'extension du périmètre régulé des autres aéroports français continue à relever du niveau réglementaire et non de la loi . Aucun système de caisse n'a été inscrit dans la loi lors des privatisations des aéroports de Toulouse, Nice et Lyon.

Dans la mesure où les dispositions du présent article 47 ne font que reprendre le modèle de quasi-double caisse qui régit actuellement le fonctionnement d'Aéroports de Paris, cette inscription dans la loi a visiblement pour principal objectif d'améliorer la valorisation de la société .

Inscrire le modèle de la double caisse dans la loi, c'est en effet rendre beaucoup plus difficile à l'avenir toute évolution de ce système , plus difficile en tout cas que la simple modification d'un texte réglementaire, ce qui est de nature à rassurer les investisseurs .

Or, si la double caisse est indéniablement le système le plus avantageux financièrement pour les exploitants aéroportuaires , il est également celui qui l'est le moins pour les compagnies aériennes , ce qui pourrait poser problème si un jour Air France ou d'autres compagnies françaises étaient confrontées à de graves difficultés économiques .

Comme votre rapporteur a cherché à le montrer supra , il est difficile de trancher entre les différents modèles de caisses , chacun présentant des points forts et des points faibles.

Il n'est donc pas opposé au modèle de double caisse pour ADP , à la condition que le Gouvernement et l'autorité indépendante de supervision des redevances aéroportuaires (ASI) s'assurent, notamment via les contrats de régulation économique prévus par l'article 48 du présent projet de loi, que le montant des redevances ne favorise pas excessivement ADP au détriment des compagnies aériennes .

Il juge toutefois problématique de figer pour 70 ans ce système dans la loi , sans prévoir de soupape de sécurité , en privant les gouvernements futurs de la possibilité de l'ajuster à l'avenir, par exemple pour prévoir une participation de certaines activités non aéronautiques au financement de grands projets d'investissement , qui pourrait un jour être opportune en permettant de ne pas augmenter les redevances aéronautiques de façon excessive.

Afin de prévoir des marges de souplesse , votre rapporteur a donc proposé à la commission spéciale d'adopter un amendement COM-480 qui prévoit que jusqu'à 20 % des profits des activités non régulées pourront , en tant que de besoin, venir en déduction des charges aéroportuaires prises en compte pour le calcul des redevances .

Il suffira pour cela que le Gouvernement modifie le décret fixant le périmètre régulé d'Aéroports de Paris auquel renvoie le présent article 47.

Ce dispositif s'inspire directement de celui prévu pour les gares, dans lequel 50 % des profits des commerces subventionnent les activités ferroviaires .

Par ailleurs, la commission spéciale a également adopté un amendement COM-267 de notre collègue Vincent Capo-Canellas qui prévoit que le coût moyen pondéré du capital (CMPC) d'Aéroports de Paris est estimé par la société et homologué par l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) .

Eu égard à ses autres missions - homologuer les tarifs annuels des redevances aéroportuaires des principaux aéroports français et rendre un avis conforme sur les CRE - il paraît en effet à la fois logique et souhaitable que l'ASI homologue également le CMPC du périmètre régulé d'Aéroports de Paris , comme le préconisent les conclusions des Assises du transport aérien.

Votre commission a adopté l'article 47 ainsi modifié .

Article 48
(art. L. 6325-2 du code des transports)
Contrat de régulation économique pluriannuel

I. Le droit existant

1. L'évolution des redevances aéronautiques des aéroports relevant de la compétence de l'État est encadrée par des contrats pluriannuels

Les aéroports étant placés dans une situation de monopole naturel , ou de quasi-monopole , le montant des redevances aéroportuaires , présentées en détail supra dans le commentaire de l'article 47, doit faire l'objet d'une étroite régulation , pour éviter que les gestionnaires d'aéroports n'abusent de leur pouvoir de marché et ne fixent des tarifs trop élevés , ce qui pénaliserait les compagnies aériennes et leurs passagers et nuirait au développement du transport aérien.

Dans cette perspective, l'article L. 6325-2 du code des transports prévoit que, pour Aéroports de Paris (ADP) et pour les autres exploitants d'aérodromes civils relevant de la compétence de l'État, des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans conclus avec l'État déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires .

Ces contrats doivent tenir compte, notamment, des prévisions de coûts , de recettes , d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant. Ils s'incorporent aux contrats de concession d'aérodrome conclus par l'État.

L'article R. 224-4 du code de l'aviation civile précise le contenu de ces contrats pluriannuels et les modalités de leur élaboration .

Il prévoit ainsi que l'exploitant aéroportuaire rend public un dossier relatif au périmètre régulé qui comprend un bilan d'exécution du contrat pluriannuel en cours et une présentation de ses hypothèses pour le contrat à venir ainsi qu'une évaluation de l'impact économique et financier de ces hypothèses et, le cas échéant, d'hypothèses alternatives.

Les usagers et les autres personnes intéressées ont alors un mois pour faire valoir leurs observations auprès du ministre chargé de l'aviation civile, lequel les communique à l'exploitant aéroportuaire puis saisit la commission consultative aéroportuaire , qui rend un avis public.

Sur la base de ces différents éléments, le contrat est négocié entre le ministre chargé de l'aviation civile et l'exploitant aéroportuaire . Il ne peut être signé par le ministre que s'il a reçu un avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) mentionnée à l'article R. 224-8 du code de l'aviation civile.

La conclusion de ces contrats pluriannuels qui déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires n'est toutefois pas obligatoire et peut ne pas intervenir en cas de désaccord persistant entre le ministre chargé de l'aviation civile et l'exploitant aéroportuaire ou d'avis négatif de l'ASI.

En l'absence d'un tel contrat, les tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par voie réglementaire.

2. Le contrat de régulation économique (CRE) 2016-2020 fixe les plafonds annuels des tarifs des redevances aéroportuaires d'ADP, mais également le montant de ses investissements ou bien encore ses objectifs de service public

Depuis 2006, l'État et Aéroports de Paris ont signé trois contrats pluriannuels déterminant les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires d'ADP, connus sous le nom de « contrats de régulation économique » (CRE).

Le CRE 3 actuellement en vigueur porte sur la période 2016-2020 .

Il définit le plafond d'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires les plus significatives , en se basant sur des hypothèses de croissance du trafic aérien, des choix d'investissements, des coûts d'exploitation ainsi que le coût moyen pondéré du capital (CMPC). Ce plafond d'évolution des tarifs ne s'applique pas automatiquement, mais représente l'augmentation tarifaire maximale pour la période considérée.

Pour 2016-2020, il représente une progression hors inflation de 1,0 % en moyenne par an , avec une évolution tarifaire correspondant à l'inflation en 2016 et à l'inflation +1,25 % de 2017 à 2020.

Simultanément, et en lien direct avec l'évolution prévue des tarifs des redevances, le CRE 3 fixe le montant des investissements qu'ADP s'est engagé à réaliser sur la période 2016-2020 . Ce montant s'élève à près de 3 milliards d'euros .

Il comprend notamment des programmes de fusion de terminaux 524 ( * ) et de rénovation , à Paris-Orly comme à Paris-Charles de Gaulle, ainsi que l'acquisition de nouveaux équipements destinés à améliorer l'efficacité opérationnelle des compagnies aériennes (nouveaux systèmes de tri des bagages, déploiement de mires de guidage, réaménagement d'aérogares, etc.).

Le CRE 3 fixe à ADP des objectifs en matière d'amélioration de la qualité de service , mesurés par sept indicateurs de « standard de qualité » 525 ( * ) correspondant à des services rendus par tous les aéroports à leurs clients, compagnies aériennes et passagers. Un système de bonus-malus , pouvant représenter jusqu'à +0,24 %/-0,52 % du produit des redevances chaque année, vise à conférer un caractère véritablement incitatif à ces objectifs .

Enfin, le CRE 3 détermine les efforts de maîtrise des charges courantes du périmètre régulé que doit réaliser ADP, l'objectif étant de parvenir à une baisse du coût par passager de 8 % en euros constants entre 2015 et 2020. Pour atteindre cet objectif, la direction d'ADP a limité ces dernières années les augmentations générales des salaires et cherche à ne remplacer qu'un départ de collaborateur sur deux .

II. Le dispositif proposé

L'article 48 propose une nouvelle rédaction globale de l'article L. 6325-2 du code des transports relatif aux contrats pluriannuels qui déterminent l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires.

Comme dans le droit existant, cette nouvelle rédaction prévoit que, pour Aéroports de Paris et pour les autres exploitants d'aérodromes relevant de la compétence de l'État, des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans conclus avec l'État déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires . Ils s'incorporent aux contrats de concession d'aérodrome conclus par l'État.

Ces conditions tiennent comptent notamment des prévisions de coûts et de recettes ainsi que des investissements et objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome.

L'article 48 introduit toutefois une première spécificité pour Aéroports de Paris en prévoyant que dans son cas, les objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome sont fixés par accord entre les parties ou, en l'absence d'accord , par le ministre chargé de l'aviation civile , selon les modalités fixées par le cahier des charges d'ADP.

Cela signifie donc que si l'État et ADP parviennent à se mettre d'accord sur les différents paramètres du contrat de régulation économique (plafond d'évolution des redevances, montant des investissements, réduction des coûts, etc.) sauf sur les objectifs de qualité des services publics , l'État serait en mesure d'imposer lesdits objectifs de qualité des services publics à ADP .

Si l'article 48 reprend les dispositions prévoyant qu'en l'absence d'un contrat pluriannuel déterminant les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, ces tarifs sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par voie réglementaire , il introduit là encore un nouveau cadre juridique spécifique pour la société Aéroports de Paris.

Il précise en effet que dans le cas d'une absence de conclusion entre l'État et ADP d'un contrat pluriannuel, le cahier des charges de la société précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l'aviation civile peut fixer les tarifs , après proposition d'ADP .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté cet article après lui avoir apporté plusieurs modifications .

À l'initiative de ses rapporteurs, elle a tout d'abord prévu que l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires tienne compte « notamment » des prévisions de coûts et de recettes ainsi que des investissements et d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant aéroportuaire, de sorte que ces différents éléments ne présentent pas un caractère exhaustif , à l'instar de ce que prévoient les dispositions actuelles de l'article L. 6325-2 du code des transports.

La commission spéciale a également adopté deux amendements, toujours à l'initiative de ses rapporteurs, pour préciser les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l'aviation civile peut fixer les tarifs des redevances aéroportuaires dans le cas d'une absence de conclusion d'un contrat pluriannuel entre l'État et Aéroports de Paris.

Le premier de ces deux amendements indique que les tarifs des redevances aéroportuaires doivent être fixés de manière à garantir la rémunération des capitaux investis par Aéroports de Paris au regard du coût moyen pondéré du capital (CMPC) , conformément aux dispositions de l'article L. 6323-4-1 du code des transports créé par l'article 47 du projet de loi PACTE.

Le second a pour objet de préciser que la fixation des tarifs par le ministre chargé de l'aviation civile s'opère sans préjudice des missions de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) , c'est-à-dire sans obérer son pouvoir d'homologation annuelle du tarif des redevances proposé par ADP.

Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de ses rapporteurs.

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

IV. La position de votre commission

Les contrats pluriannuels conclus entre l'État et les aéroports, sous le regard attentif de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI), constituent un outil essentiel de la régulation économique des aéroports .

Or, si les dispositions de l'article 48 issues des travaux de l'Assemblée nationale ont quelque peu renforcé les pouvoirs de l'État à l'occasion de la négociation de ces contrats ou en leur absence , ceux-ci demeurent insuffisants pour faire prévaloir l'intérêt général en cas de conflit avec le futur propriétaire privé d'Aéroports de Paris .

1. Inscrire l'avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) dans la loi

Ainsi qu'il a été rappelé supra , l'article R. 244-4 du code de l'aviation civile dispose que le contrat pluriannuel de régulation économique signé par l'État et les exploitants aéroportuaires fait l'objet d'un avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) .

Ce dispositif est très récent et l'ASI n'a à ce jour rendu un avis que sur un seul contrat de régulation économique (CRE) , celui de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur .

Cet avis conforme constitue un élément important de la régulation économique des aéroports , dont le caractère de quasi-monopole naturel sur les vols origine-destination est toujours susceptible d'entraîner des hausses excessives des tarifs des redevances , au regard des services rendus et des investissements consentis.

C'est pourquoi la commission a adopté un amendement COM-468 de votre rapporteur visant à prévoir directement dans la loi , et non plus seulement dans des textes réglementaires, l'existence de cet avis conforme qui est de nature à donner aux compagnies aériennes et aux autres parties prenantes de véritables garanties sur la qualité et l'indépendance de la régulation appliquée aux aéroports .

2. Prévoir que les investissements d'ADP peuvent être imposés par l'État dans le cadre de la négociation du contrat de régulation économique (CRE)

L'article 48, dans sa rédaction actuelle, prévoit que si l'État et ADP parviennent à se mettre d'accord sur les différents paramètres de leur contrat de régulation économique (plafond d'évolution des redevances, montant des investissements, réduction des coûts, etc.) sauf sur les objectifs de qualité des services publics , l'État sera en mesure d'imposer lesdits objectifs de qualité des services publics à ADP.

S'il s'agit là d'un point très positif, votre rapporteur considère que l'État doit également être en mesure, le cas échéant, d'imposer à Aéroports de Paris la réalisation d'investissements nécessaires au respect des obligations de service public de la société , comme le prévoient du reste les dispositions du nouveau 6° de l'article L. 6323-4 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l'article 45 du présent projet de loi PACTE.

Votre commission a adopté un amendement COM-469 de votre rapporteur en ce sens.

3. Donner à l'État la possibilité d'adopter unilatéralement les principales dispositions d'un contrat de régulation économique (CRE) en l'absence de contrat conclu avec ADP

En l'absence de conclusion d'un contrat de régulation économique (CRE), la rédaction du second alinéa de l'article L. 6325-2 du code des transports prévoit seulement que le ministre chargé de l'aviation civile peut déterminer les tarifs des redevances aéroportuaires d'Aéroports de Paris sur une base annuelle .

Cela signifie dont que si l'État et ADP ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le contenu du CRE, toute perspective pluriannuelle disparaît , tant pour l'évolution des tarifs des redevances que pour les investissements et pour les objectifs de qualité des services publics .

Une telle situation serait profondément insatisfaisante et conduirait à limiter drastiquement la régulation économique d'Aéroports de Paris , ce qui pourrait pénaliser les compagnies aériennes , leurs passagers mais également les autres acteurs de l'écosystème aéroportuaire .

C'est pourquoi la commission a adopté un amendement COM-470 , à l'initiative de votre rapporteur, qui dispose qu'en l'absence d'un contrat pluriannuel, le cahier des charges de la société précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l'aviation civile peut , pour une durée de 5 ans au maximum et après avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) , déterminer :

- les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires ;

- les investissements et les objectifs de qualité des services publics rendus par Aéroports de Paris.

En d'autres termes, l'État sera en mesure d'adopter unilatéralement un quasi-CRE en cas de désaccord persistant avec Aéroports de Paris.

Il conviendra naturellement d'utiliser ce pouvoir uniquement en dernier recours , s'il apparaît impossible aux deux parties de parvenir à un accord contractuel.

Votre commission a adopté l'article 48 ainsi modifié .

Article 48 bis (nouveau)
Transformation de l'autorité de supervision indépendante
des redevances aéroportuaires
en autorité administrative indépendante (AAI)

I. Le droit existant

Les aéroports étant des quasi-monopoles naturels , les tarifs des redevances aéroportuaires qu'ils facturent aux compagnies aériennes doivent faire l'objet d'une régulation économique pour s'assurer que la concurrence entre transporteurs n'est pas faussée par des tarifs discriminatoires et, surtout, pour vérifier que ces tarifs ne sont pas excessifs , eu égard aux services rendus par les exploitants aéroportuaires.

1. La première version de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) mise en place par le Gouvernement n'était pas conforme aux règles européennes

a) L'existence de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) est prévue par une directive européenne de 2009

La directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, qui définit des règles communes pour la fixation de ces redevances, prévoit que les États membres de l'Union européenne mettent en place une autorité de supervision indépendante (ASI) chargée au minimum de :

- veiller au respect de la transparence entourant le processus de consultation des usagers préalable à la fixation des tarifs des redevances ;

- garantir leur caractère non-discriminatoire ;

- trancher les différends entre compagnies aériennes et gestionnaires d'aéroports en cas de désaccord sur les tarifs des redevances .

b) La désignation de la direction du transport aérien (DTA) comme ASI a été censurée par le Conseil d'État

En France, c'est dans un premier temps la direction du transport aérien (DTA) de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) qui a été chargée de jouer le rôle de l'autorité de supervision indépendante (ASI) , ainsi que le prévoyaient les dispositions du décret du 23 décembre 2011 526 ( * ) procédant à la transposition de la directive en droit français. En tant qu'ASI, la DTA s'est vue confier la mission d'homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires des aéroports dont le trafic dépasse cinq millions de passagers par an.

Mais ce dispositif a été censuré par le Conseil d'État dans une décision du 29 avril 2015.

Le juge administratif a en effet considéré que la direction du transport aérien (DTA) ne présentait pas des garanties d'indépendance suffisantes vis-à-vis des compagnies aériennes et des gestionnaires d'aéroports , dans la mesure où elle était également l'administration de tutelle ou de contrôle des sociétés exploitantes d'aéroports.

2. La nouvelle ASI, mise en place en 2016, représente un progrès par rapport à la version antérieure mais demeure une structure trop faible

Pour tenir compte de la décision du Conseil d'État susmentionnée, un décret du 23 juin 2016 527 ( * ) a inséré trois articles R. 224-8, R. 224-9 et R. 224-10 au code de l'aviation civile afin de créer une nouvelle autorité de supervision indépendante (ASI) .

L'indépendance et les compétences de l'ASI ont ensuite été étendues par un décret du 30 octobre 2017 528 ( * ) , qui est venu compléter les articles du code de l'aviation civile susmentionnés.

a) La création d'une autorité placée auprès du CGEDD et disposant de garanties d'indépendance, même s'il ne s'agit pas d'une autorité administrative indépendante (AAI)

L'article R. 224-8 du code de l'aviation civile prévoit que l'autorité de supervision indépendante (ASI) est placée auprès du vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 529 ( * ) .

Elle n'est donc pas une autorité administrative indépendante (AAI) , ni , a fortiori , une autorité publique indépendante (API) dotée de la personnalité morale, mais seulement un service de l'État doté d'une indépendance particulière .

Il est en effet prévu qu'elle ne peut recevoir aucune instruction du ministre chargé de l'aviation civile . Elle exerce ses compétences d'une manière impartiale et transparente et arrête librement ses décisions selon le règlement intérieur qu'elle adopte.

L'article R. 224-9 du code de l'aviation civile dispose que l'ASI est composée de cinq membres .

Son président et deux autres de ses membres sont choisis parmi les membres permanents du CGEDD . Les deux autres membres sont des personnalités reconnues pour leur expertise dans le domaine de la régulation économique ou du transport aérien . Le Président et les membres de l'autorité sont désignés pour une durée de cinq ans par le ministre présidant le CGEDD, sur proposition du vice-président.

Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant l'expiration de leur mandat que sur leur demande, en cas d'empêchement permanent, de cessation de leur qualité de membre permanent du CGEDD ou en raison de l'incompatibilité de cette fonction avec d'autres fonctions. Leur mandat peut être renouvelé une fois .

L'ASI est dotée de moyens humains, financiers et matériels censés être suffisants pour le plein exercice de ses missions, même si c'est en réalité loin d'être le cas.

À sa demande, les services du ministère chargé de l'aviation civile lui transmettent tout élément nécessaire à l'instruction des affaires dont elle est saisie , sous réserve des secrets protégés par la loi.

b) L'ASI est chargée de deux missions principales : homologuer les tarifs annuels des redevances aéroportuaires et rendre un avis conforme sur les contrats de régulation économique

L'ASI exerce ses compétences sur les aérodromes dont le trafic annuel de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers 530 ( * ) ainsi que sur les aérodromes faisant partie d'un système d'aérodromes au sens de l'article L. 6325-1 du code des transports comprenant au moins un aérodrome dont le trafic de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers 531 ( * ) .

En 2019, cette définition donne compétence à l'ASI sur les aéroports de Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Lyon-Bron, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d'Azur, Cannes-Mandelieu, Paris-Charles de Gaulle , Paris-Orly , Paris-Le Bourget et Toulouse-Blagnac.

Ainsi que le prévoit l'article R. 224-8 du code de l'aviation civile, l'ASI exerce aujourd'hui deux missions .

En premier lieu, elle est chargée d'homologuer les tarifs annuels des redevances aéroportuaires que les exploitants d'aéroports souhaitent appliquer et qu'ils lui soumettent 532 ( * ) .

L'ASI dispose d'un mois pour se prononcer sur cette proposition tarifaire . En cas de refus d'homologation des tarifs, l'exploitant tarifaire dispose à son tour d'un mois pour formuler une nouvelle proposition tarifaire , sur laquelle l'ASI se prononce dans un délai de 21 jours.

En cas de refus d'homologation de cette nouvelle proposition, les tarifs des redevances précédemment en vigueur continuent à s'appliquer .

En second lieu, elle est saisie par le ministre chargé de l'aviation civile pour rendre un avis conforme sur tout projet de contrat de régulation économique (CRE) que le ministre souhaite signer avec un exploitant d'aéroport, selon une procédure précisée par l'article R. 224-10 du code de l'aviation civile (voir le commentaire de l'article 48 supra ).

Au travers de ses décisions, l'ASI doit veiller au respect de la réglementation applicable aux redevances aéroportuaires , vérifier que celles-ci n'entraînent pas de discrimination entre les usagers d'aéroports, conformément au droit de l'Union européenne et apprécier l'application du principe de rémunération des capitaux investis .

Elle s'assure de la correcte mise en oeuvre de la procédure de consultation des usagers d'aéroports et associations d'usagers et de la transparence de l'information entre les aéroports et leurs usagers .

c) L'ASI est progressivement en train de s'affirmer

À ce jour, l'ASI n'a eu à se prononcer que sur un seul projet de contrat de régulation économique (CRE) , celui conclu entre l'État et Aéroports de la Côte d'Azur pour la période du 1 er novembre 2017 au 31 octobre 2022. Elle a rendu le 6 juillet 2017 sur ce projet de CRE un avis favorable sous réserves , autorisant ainsi son entrée en vigueur.

L'ASI a en revanche rendu de nombreuses décisions d'homologation tarifaire des redevances aéroportuaires depuis trois ans.

En ce qui concerne Aéroports de Paris (ADP), l'ASI a :

- refusé d'homologuer la première proposition de tarifs pour 2016 d'ADP avant d'homologuer la seconde ;

- de nouveau refusé d'homologuer la première proposition de tarifs pour 2017 d'ADP avant d'homologuer la seconde ;

- a homologué les tarifs proposés par ADP pour 2018 , à l'exception de ceux de la redevance d'assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite sur l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, puis a homologué la seconde proposition pour cette redevance.

Enfin, dans une décision n° 1810-D1 du 11 janvier 2019 beaucoup plus étayée que les précédentes, l'ASI a refusé d'homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires d'ADP 533 ( * ) pour 2019 en estimant que « l'augmentation proposée par ADP du niveau des redevances aéroportuaires n'est pas acceptable dans la mesure où le produit global des redevances de service public aéroportuaire sur le système d'aérodromes auquel elle conduit dépasse le coût des prestations servies ».

Le fait que les propositions tarifaires d'Aéroports de Paris se heurtent de façon quasi-systématique à un premier refus de l'ASI tend à montrer l'importance de disposer d'une autorité de régulation véritablement indépendante et dotée d'une forte expertise .

À cet égard, votre rapporteur constate une réelle montée en puissance de l'ASI au fil de ses décisions , dont les fondements juridiques et économiques paraissent de plus en plus robustes .

II. Le dispositif proposé

Si la création en 2016 de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) a constitué un indéniable progrès , le dispositif de régulation économique des redevances prévu en France reste insuffisant et moins efficace que ceux qui ont été mis en place dans d'autres pays européens sur le fondement de la directive 2009/12/CE précitée.

En premier lieu, l'existence de l'ASI est uniquement prévue au niveau réglementaire , et elle n'est, pour l'heure, mentionnée dans aucun texte de niveau législatif , ce qui la rend fragile et susceptible d'être supprimée, le cas échéant, par une simple décision du Gouvernement.

Surtout, son statut demeure indécis et ne présente pas toutes les garanties d'indépendance qu'il serait souhaitable de lui apporter.

En l'état actuel du droit, elle constitue une sorte de démembrement du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) , qui dépend du ministère de la transition écologique et solidaire, ce qui la rend très peu visible et empêche toute séparation nette avec l'administration en charge du secteur aérien , et en particulier la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Si ses deux missions - homologuer tous les ans les tarifs des redevances aéroportuaires et rendre un avis conforme sur les contrats de régulation économique (CRE) - peuvent lui permettre de jouer un véritable rôle d'arbitre entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes , il pourrait être souhaitable de lui confier des missions connexes , comme par exemple rendre un avis sur le calcul du coût moyen pondéré du capital (CMPC) en amont de la négociation des CRE .

Surtout, ses moyens actuels , humains et financiers , apparaissent très insuffisants pour lui permettre de pleinement jouer son rôle et de disposer d'une expertise à même de rivaliser avec celles des services de l'État , des exploitants d'aéroports ou des compagnies aériennes , même si sa montée en puissance récente mérite d'être saluée.

Compte tenu des contraintes liées à la recevabilité financière des amendements parlementaires, votre rapporteur n'est pas en mesure d'agir sur ce point .

Il a en revanche proposé à la commission spéciale, qui l'a adopté, un amendement COM-479 visant à conférer par la loi le statut d'autorité administrative indépendante (AAI) à l'ASI afin de sanctuariser son existence et ses missions actuelles , tout en lui offrant davantage de garanties effectives d'indépendance administrative et financière .

Votre commission a adopté l'article 48 bis (nouveau) ainsi rédigé .

Article 49
(art. 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance,
l'activité et l'égalité des chances économiques)
Autorisation et cadre général de la privatisation d'Aéroports de Paris

I. Le droit existant

1. Les procédures de cession du capital des sociétés publiques s'appliquent pleinement à Aéroports de Paris (ADP)

Les opérations de cession du capital des sociétés publiques sont encadrées par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique 534 ( * ) , et plus particulièrement par son titre III consacré aux opérations sur le capital.

Son article 21-1 pose comme préalable la nécessité que toute opération de cession par l'État au secteur privé conduisant à transférer la majorité du capital d'une société s'accompagne des garanties nécessaires à la préservation des intérêts essentiels de la Nation , le cahier des charges de l'appel d'offres portant cession du capital devant intégrer, le cas échéant, cette exigence.

a) Une disposition législative est indispensable pour autoriser la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP)

Les dispositions de l'article 22 de l'ordonnance précitée précisent que si la décision éventuelle de privatiser la société sera décidée par décret, l'autorisation préalable de la loi est indispensable pour procéder à la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) .

L'adoption d'une autorisation législative est en effet obligatoire lorsque l'État détient directement , depuis plus de cinq ans , plus de la moitié du capital social de la société et si l'une des deux conditions suivantes est remplie :

- ses effectifs , augmentés de ceux de ses filiales dans lesquelles elle détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital social, sont supérieurs à cinq cents personnes au 31 décembre de l'année précédant le transfert ;

- son chiffre d'affaires consolidé avec celui de ses filiales, telles qu'elles viennent d'être définies, est supérieur à 75 millions d'euros à la date de clôture de l'exercice précédant le transfert.

ADP souscrit naturellement à ces deux conditions .

En outre, le recours à la loi est également nécessaire lorsque la société est entrée dans le secteur public en application d'une disposition législative .

Si ADP faisait déjà partie du secteur public en 2005, ce sont bien les dispositions introduites par la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports à L. 6323-10 du code des transports qui prévoient que « la majorité de son capital [le capital de la société Aéroports de Paris] est détenue par l'État ».

Enfin, le VI de l'article 22 précité, introduit par l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, prévoit spécifiquement que « les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d'une concession accordée par l'État sont autorisées par la loi ».

b) La privatisation s'effectue sous le contrôle de la Commission des participations et des transferts (CPT)

Le chapitre II du titre III de l'ordonnance confie un rôle essentiel de contrôle et d'évaluation du processus de cession à la Commission des participations et des transferts (CPT) , dont l'article 26 prévoit qu'elle est saisie par le ministre chargé de l'économie dans les deux types de procédures de cession susceptibles de concerner la société ADP, à savoir :

- les opérations qui emportent le transfert par l'État de la majorité du capital de la société au secteur privé , lorsqu'elles sont réalisées selon les procédures des marchés financiers ;

- toute opération de cession au secteur privé réalisée en dehors des procédures des marchés financiers .

Conformément aux dispositions de l'article 27, la Commission des participations et des transferts (CPT) est chargée de déterminer la valeur de la société , en utilisant les méthodes classiques de valorisation des sociétés telles que celle du discounted cash flow 535 ( * ) .

Lorsque l'opération est réalisée en dehors des marchés financiers , comme cela a été le cas pour les aéroports de Nice et de Lyon, privatisés à l'issue d'un appel d'offre , la Commission des participations et des transferts (CPT) émet un avis sur les modalités de la procédure suivie , qui doit respecter les intérêts du secteur public , puis sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de la cession proposées par le ministre chargé de l'économie.

La CPT doit tenir compte notamment de la valeur de la société , des droits statutaires ou contractuels de toute nature accordés au secteur public, de la nature de l'opération, du prix , des caractéristiques des acquéreurs en cause et du projet industriel et stratégique afférent à l'opération .

Le décret, l'arrêté ou la décision pris par le Gouvernement autorisant ou décidant l'opération de privatisation doit être conforme à cet avis de la CPT .

Les évaluations et avis de la commission sont rendus publics à l'issue de l'opération , donc a posteriori , pour ne pas influencer le processus de cession.

c) Le prix demeure le critère déterminant de sélection des offres de rachat des parts de l'État, même s'il n'est pas le seul

Les privatisations sont encadrées par deux principes constitutionnels , qui tendent à faire du prix de cession le critère de sélection déterminant des offres.

En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision des 25 et 26 juin 1986 (86-207 DC), et le Conseil d'État dans sa décision du 18 décembre 1998 Société générale et autres , indiquent que la protection de la propriété publique interdit toute cession d'un actif public pour un prix inférieur à sa valeur et que le principe d'égalité interdit que l'attribution d'actifs publics puisse relever d'un quelconque privilège

En conséquence, l'article 29 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée rappelle que « la propriété de tout ou partie du capital des sociétés détenu par l'État ne peut être cédée à des personnes du secteur privé pour des prix inférieurs à leur valeur ».

En outre, le prix de cession fixé par le ministre de l'économie ne peut être inférieur à l'évaluation de la Commission des participations et des transferts (CPT), qui fixe donc le prix plancher de l'opération en dessous duquel le ministre ne pourra accepter l'offre.

L'Agence des participations de l'État et la Commission des participations et des transferts (CPT ) déduisent de cette jurisprudence que le critère du prix doit prioritairement être pris en compte pour attribuer des parts de l'État lors d'une cession , dès lors qu'il existe une différence significative entre les offres financières.

Pour éviter que le prix soit le seul et unique critère de choix, les dispositions de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ont prévu des critères supplémentaires à prendre en compte pour la privatisation des exploitants aéroportuaires (voir infra ).

Le prix demeure toutefois un élément essentiel d'appréciation , ce qui est logique s'agissant d'une privatisation dont le but est de maximiser le produit financier pour l'État, mais ne doit pas se faire au détriment des aéroports privatisés , qui doivent être confiés à des acquéreurs porteurs d'un véritable projet industriel.

d) La procédure de contrôle des investissements étrangers (IEF) s'appliquera à ADP en cas de cession du contrôle à des investisseurs étrangers ou de cession de plus de 33 % du capital à des investisseurs extérieurs à l'Union européenne

L'article L. 151-3 du code monétaire et financier prévoit que sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève des activités de nature à porter atteinte à l'ordre public , à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale .

C'est un décret en Conseil d'État qui définit la liste précise des secteurs concernés. Or, la dernière version de ce décret, prévue par le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, a explicitement étendu cette liste au secteur des transports dont relève Aéroports de Paris (ADP) .

L'article 1 er de ce décret a inséré à l'article R. 153-2 du code monétaire financier un 12° dont le c) prévoit en effet que relèvent désormais de cette procédure d'autorisation les investissements étrangers réalisés dans les activités portant sur l'intégrité, la sécurité et la continuité d'exploitation des réseaux et des services de transport par :

- une personne physique qui n'est pas ressortissante d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu une convention d'assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ;

- par une entreprise dont le siège social ne se situe pas dans l'un de ces mêmes États ;

- par une personne physique de nationalité française qui n'y est pas résidente .

Sont considérés comme des investissements étrangers le fait pour un investisseur :

- d'acquérir le contrôle , au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, d'une entreprise dont le siège social est établi en France ;

- d'acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entreprise dont le siège social est établi en France ;

- de franchir le seuil de 33,3 % de détention du capital ou des droits de vote d'une entreprise dont le siège social est établi en France .

L'autorisation du ministre de l'économie peut être assortie de conditions visant à assurer que l'investissement ne portera pas atteinte aux intérêts nationaux . Parmi ces conditions figure « l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation d'un établissement, d'une installation ou d'un ouvrage d'importance vitale ».

Or ADP, plateforme de transports, est précisément considérée comme un opérateur d'importance vitale (OIV) au regard de la défense nationale (opérateur dont le rôle est reconnu comme nécessaire à une fonction majeure dans la défense du pays, au plan national ou zonal) pour les plateformes de Paris-Charles de Gaulle , Paris-Orly et Paris-le Bourget ainsi que pour l'héliport d'Issy-les-Moulineaux .

Le ministre de l'économie peut refuser d'autoriser l'investissement étranger et enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure. Il peut également lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier en cas de non-respect de l'injonction précitée.

Cette procédure, dite IEF, a été appliquée lors des cessions des sociétés aéroportuaires régionales de Toulouse et de Nice .

2. Les dispositions législatives relatives aux cessions du capital des exploitants aéroportuaires adoptées dans le cadre de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon

Ainsi qu'il a été indiqué supra , l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a prévu que les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d'une concession accordée par l'État sont autorisées par la loi .

Cet article, dont les paragraphes III et IV autorisaient le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de la Côte d'Azur et de la majorité du capital de la société Aéroports de Lyon, prévoyait également dans son paragraphe II un certain nombre de dispositions relatives aux opérations de cession de capital des sociétés exploitant un aérodrome destinées à tenir compte des difficultés rencontrées à l'occasion de la privatisation de l'aéroport de Toulouse .

Il précisait tout d'abord que le cahier des charges de l'appel d'offres portant sur la cession de capital est approuvé par le ministre chargé de l'aviation civile et qu'il précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien , ainsi que ceux du territoire concerné en matière d'attractivité et de développement économique et touristique .

Le cahier des charges doit également indiquer les obligations du cessionnaire afin de garantir le développement de l'aérodrome en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé, ainsi qu'avec les collectivités territoriales actionnaires.

Les candidats au rachat des parts de l'État doivent détailler dans leur offre les modalités par lesquelles ils s'engagent à satisfaire à ces obligations .

Ils doivent disposer d'une expérience en tant que gestionnaire d'aéroport ou actionnaire d'une société gestionnaire d'aéroport , ce qui n'était pas le cas lors de la privatisation de l'aéroport de Toulouse, et donnent, dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres, des garanties sur leur capacité à exercer les missions prévues au cahier des charges de la concession des aérodromes concernés . Cette capacité est appréciée par l'autorité signataire du contrat de concession aéroportuaire.

II. Le dispositif proposé

L'article 49 autorise la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) et vient compléter l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques précitée avec un paragraphe V destiné à prévoir des dispositions spécifiques à cette opération .

1. Autorisation par le législateur de la privatisation de la société Aéroports de Paris (ADP)

Le paragraphe I est la disposition législative qui autorise la privatisation d'Aéroports de Paris . Il dispose que « le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est autorisé ».

Cette privatisation apparaît compatible avec les dispositions de nature constitutionnelle , et en particulier avec les principes énoncés par l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité et prévoit que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait , doit devenir la propriété de la collectivité ».

La mission exercée par la société Aéroports de Paris, même si elle possède incontestablement un caractère stratégique pour la Nation dans son ensemble , constitue en effet un service public et un monopole de fait uniquement dans la région Île-de-France , et ne paraît donc pas relever des dispositions de l'alinéa 9 précité .

Cette position avancée par le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi a été confirmée par le Conseil d'État dans son avis rendu sur le projet de loi PACTE, puisqu'il estime qu' « ADP, nonobstant l'importance des aéroports qu'elle exploite, n'exerce pas une activité présentant le caractère d'un service public national ou d'un monopole de fait , au sens et pour l'application du neuvième alinéa du Préambule de 1946 », précisément parce que tous ses aéroports se trouvent en région francilienne .

À noter qu'autoriser la privatisation d'ADP nécessite également de supprimer le second alinéa de l'article L. 6323-10 du code des transports qui prévoit que « la majorité de son capital [le capital de la société Aéroports de Paris] est détenue par l'État ».

Cette suppression est prévue par le troisième paragraphe de l'article 50 du projet de loi PACTE (voir infra le commentaire de cet article).

2. L'encadrement de la procédure de privatisation d'Aéroports de Paris était extrêmement limité dans le projet de loi initial

Le Gouvernement n'avait prévu dans la rédaction initiale de l'article 49 que très peu de dispositions destinées à encadrer et à préciser le déroulement de la privatisation d'Aéroports de Paris , en plus des dispositions générales prévues par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, alors que les difficultés rencontrées lors de la privatisation de l'aéroport de Toulouse avaient montré leur nécessité et qu'un véritable effort avait été consenti pour améliorer l'encadrement législatif des privatisations des aéroports de Nice et de Lyon.

Le nouveau paragraphe V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques se limitait à prévoir que les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie devraient tout d'abord rappeler aux candidats à l'acquisition des actions d'ADP détenues par l'État les obligations de service public qui pèsent sur la société .

Il disposait également qu'ils fixent, en tant que de besoin dans un cahier des charges, les conditions liées à l'acquisition et à la détention des actions , notamment celles relatives à la stabilité de l'actionnariat .

Il précisait enfin que les dispositions qui étaient prévues au paragraphe II du même article 191 pour la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon ne seraient pas applicables à la privatisation d'ADP .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. La commission spéciale a renforcé, à l'initiative du Gouvernement, l'encadrement de la procédure de privatisation d'Aéroports de Paris

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a procédé, à l'initiative du Gouvernement qui avait déposé un amendement dans ce sens, à une réécriture quasi-complète de l'article 49 du projet de loi PACTE afin de prévoir des dispositions d'encadrement de la privatisation d'Aéroports de Paris beaucoup plus complètes et rigoureuses .

L'article 49 vient désormais compléter l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée avec deux paragraphes IV bis et V .

Le paragraphe IV bis reprend la disposition législative qui autorise la privatisation d'Aéroports de Paris. Il dispose que « le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est autorisé ».

Le nouveau paragraphe V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques détaille ensuite de façon beaucoup plus précise les dispositions spécifiques qui vont régir les opérations par lesquelles l'État va transférer au secteur privé la majorité du capital d'ADP , en plus des dispositions générales prévues par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Il précise que celles qui étaient prévues au paragraphe II pour la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon ne seront pas applicables à la privatisation d'ADP.

Les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie devront tout d'abord rappeler aux candidats à l'acquisition des actions d'ADP détenues par l'État les obligations de service public qui pèsent sur la société , énoncées dans la loi et dans son nouveau cahier des charges, dont les dispositions nouvelles sont prévues par l'article 45 du présent projet de loi PACTE.

Les opérations de cession de capital par l'État pourront être réalisées soit sur les marchés financiers soit via un appel d'offres .

Dès lors qu'elles seront réalisées en dehors des procédures des marchés financiers, les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie devront approuver un cahier des charges portant sur cette cession de capital . Un tel document avait également été prévu par la loi lors des privatisations des aéroports de Nice et de Lyon, ainsi qu'il a été rappelé supra .

Ce cahier des charges de cession devra tout d'abord préciser les obligations du ou des cessionnaires relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien , d'attractivité et de développement économique et touristique du pays et de la région Île-de-France , ainsi que de développements des interconnexions de la France avec le reste du monde. Ces dispositions sont proches de celles qui étaient prévues pour Nice et Lyon, même si la mention des « développements des interconnexions de la France avec le reste du monde » atteste du caractère indispensable des aéroports gérés par ADP pour la connectivité de notre pays .

Il devra ensuite définir les obligations du ou des cessionnaires destinées à garantir le développement des aérodromes appartenant à ADP et à optimiser leur impact économique , social et environnemental , en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouvent ces aérodromes.

Il pourra également, si nécessaire, préciser l'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports et la capacité financière suffisante pour garantir la bonne exécution par ADP de l'ensemble de ses obligations dont devront disposer les candidats au rachat des actions de l'État.

Si la condition de capacité financière était déjà prévue lors de la privatisation de l'aéroport de Toulouse, la condition relative à « l'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports » a été ajoutée lors de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon, l'expérience toulousaine ayant révélé les difficultés que pouvait poser l'acquisition d'un exploitant aéroportuaire par un propriétaire dénué d'expérience dans ce domaine .

Les candidats devront donner des garanties sur leur capacité à permettre à la société ADP d'exercer les missions prévues à son cahier des charges , tel qu'il est défini par l'article L. 6323-4 du code des transports dans sa rédaction issue du présent projet de loi PACTE. Cette capacité sera appréciée par les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie.

Les candidats devront détailler dans leurs offres les modalités selon lesquelles ils s'engagent à satisfaire à ces différentes obligations et préciseront les engagements qu'ils souscrivent pour permettre à ADP d'assurer sur le long terme la bonne exécution de ses obligations de service public , définies tant par la loi que par son cahier des charges.

2. En séance publique, les députés ont autorisé les collectivités territoriales d'ïle-de-France à détenir des actions de la société Aéroports de Paris (ADP)

a) La possibilité pour les collectivités territoriales d'Île-de-France de participer au capital d'Aéroports de Paris (ADP)

En séance publique, les députés ont adopté un amendement présenté par Jean-Louis Bourlanges (Mouvement démocrates et apparentés) et plusieurs de ses collègues visant à autoriser les collectivités territoriales d'Île-de-France , leurs groupements et le département de l'Oise à détenir , par délibération de leur organe délibérant, des actions de la société Aéroports de Paris , alors que les dispositions de l'article 49 n'avaient jusque-là prévu que la possibilité d'un transfert du capital d'ADP vers le secteur privé.

L'acquisition de ces actions peut être réalisée au travers de la prise de participations au capital de sociétés commerciales ayant pour seul objet de détenir des actions de la société Aéroports de Paris (ADP).

Les accords conclus par les collectivités territoriales d'Île-de-France, leurs groupements et le département de l'Oise pour participer ensemble ou avec d'autres personnes publiques ou privées à toute procédure de cession du capital de cette société ne constituent pas des marchés publics au sens de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

b) L'absence d'impact sur les salariés de la privatisation

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicains) et plusieurs de ses collègues, sous-amendé à l'initiative des rapporteurs, visant à préciser que les statuts du personnel de la société Aéroports de Paris ne seront pas affectés par l'opération de privatisation .

IV. La position de votre commission

Si l'encadrement du processus de privatisation d'Aéroports de Paris était très déficient dans la version initiale du projet de loi, les amendements qui ont procédé à la réécriture de l'article 49 à l'Assemblée nationale fournissent désormais beaucoup plus de garanties quant à la prise en compte de la nature spécifique d'Aéroports de Paris , opérateur chargé d'une mission de service public essentielle pour la connectivité de la France.

Si la rédaction actuelle de l'article 49 est donc globalement satisfaisante , votre commission spéciale a adopté plusieurs amendements visant à lever les derniers obstacles à la participation des collectivités territoriales au processus concurrentiel de cession des actions d'ADP détenues par l'État, mais également à renforcer encore la conduite de l'opération de privatisation , si celle-ci se déroule en dehors du cadre des marchés financiers.

1. Aménager les dispositions relatives aux collectivités territoriales pour qu'elles puissent participer à armes égales à l'appel d'offres

Votre rapporteur considère que la volonté exprimée par les collectivités territoriales d'Île-de-France d'entrer au capital d'Aéroports de Paris (ADP) constitue une excellente initiative et qu'elle doit être encouragée .

Pour leur permettre de pouvoir participer à armes égales , au côté de partenaires financiers, au probable appel d'offre auquel donnera lieu la privatisation de la société, il convient toutefois de compléter les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale et qui constituent désormais le I bis du présent article 49.

Certaines règles législatives qui régissent le fonctionnement des collectivités territoriales sont en effet peu adaptées aux circonstances dans lesquelles se déroule un appel d'offre .

En particulier, les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales imposent que les décisions relatives à une prise de participation dans une société soient prises par l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale , ce qui est incompatible avec le déroulement des procédures concurrentielles auxquelles donnent lieu les privatisations d'entreprises publiques, qui requièrent rapidité d'exécution et confidentialité des offres .

Pour remédier à cette difficulté, votre commission spéciale a adopté un amendement COM-471 de son rapporteur qui permet aux assemblées délibérantes de déléguer à leur exécutif la compétence relative à l'acquisition des actions de la société Aéroports de Paris .

L'organe exécutif ne peut agir que dans la limite des crédits inscrits au budget 536 ( * ) et informe l'assemblée délibérante des actes pris dans le cadre de cette délégation à la plus proche séance utile à la fin de l'opération de cession. Il peut subdéléguer ses attributions conformément aux règles qui régissent habituellement les délégations de compétence dans le code des collectivités territoriales.

Votre commission spéciale a également adopté un amendement COM-472 de clarification qui donne explicitement la possibilité aux collectivités territoriales d'Île-de-France d'acquérir des actions d'Aéroports de Paris par l'intermédiaire de plusieurs niveaux de société . La mise en place d'une chaîne de société est en effet un mode habituel de financement de ce type d'opération et d'organisation de partenariats entre investisseurs.

Cet amendement COM-472 n'a pas pour effet de permettre aux collectivités concernées de prendre des participations dans d'autres sociétés qu'Aéroports de Paris . Quel que soit le schéma de détention mis en place, les sociétés spécifiquement constituées par les collectivités ne pourront en aucun cas avoir un autre objet.

2. Prévoir que les candidats à la reprise d'ADP doivent obligatoirement disposer d'une expérience aéroportuaire préalable

La rédaction du c) du 2° du V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques issue du présent article 49 prévoit que les candidats au rachat des participations de l'État au capital d'Aéroports de Paris doivent disposer, « si nécessaire », de l'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports et de la capacité financière suffisante pour garantir la bonne exécution par ADP de l'ensemble de ses missions .

Ces deux critères étaient également prévus lors de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon et visaient à s'assurer que le précédent de la privatisation de l'aéroport de Toulouse, qui avait vu un fonds chinois au financement opaque et dénué de toute expérience aéroportuaire racheter la majorité des parts de l'État, ne se reproduirait pas .

Ces deux conditions n'étaient toutefois pas assorties d'un « si nécessaire » susceptible de les rendre inopérantes . La présence de cette disposition s'explique par l'incertitude qui continue de régner quant à la façon dont l'État cédera tout ou partie de sa participation dans le capital ADP. Il s'agit en particulier de ne pas exiger une expérience aéroportuaire préalable d'actionnaires qui se porteraient acquéreurs de 3 % du capital d'ADP .

Cette réserve n'a toutefois pas lieu d'être en cas de cession du contrôle d'ADP à un acquéreur déterminé .

C'est pourquoi votre commission spéciale a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-473 qui prévoit que la double condition d'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports et de capacité financière suffisante pour garantir la bonne exécution par ADP de l'ensemble de ses missions est « impérative en cas de cession du contrôle direct ou indirect d'Aéroports de Paris au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ».

3. Les candidats devront présenter des garanties solides dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres

La rédaction du c) du 2° du V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques issue du présent article 49 prévoit que les candidats au rachat des actions de l'État donnent des garanties sur leur capacité à permettre à la société Aéroports de Paris d'exercer les missions prévues à son cahier des charges .

Votre commission spéciale a prévu via un amendement COM-474 que ces garanties sont données par les candidats « dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres », à l'instar de cet qui avait été prévu à l'occasion des privatisations des aéroports de Nice et de Lyon.

4. Favoriser une stabilité de l'actionnariat

Pour pouvoir bâtir une stratégie industrielle dans la durée, il apparaît souhaitable qu'Aéroports de Paris puisse disposer d'une stabilité de son actionnariat .

Votre commission spéciale a donc adopté un amendement COM-476 de son rapporteur qui prévoit que le cahier des charges de cession d'ADP prévoit les conditions liées à l'acquisition et à la détention des actions, notamment celles relatives à la stabilité de l'actionnariat .

5. La mise en place d'un comité de suivi des engagements

La rédaction du 3° du V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques issue du présent article 49 prévoit que les candidats au rachat des actions de l'État précisent les engagements qu'ils souscrivent pour permettre à Aéroports de Paris (ADP) d'assurer sur le long terme la bonne exécution de ses obligations de service public .

Les cahiers des charges des cessions de Nice et de Lyon avaient prévu la constitution d'un comité de suivi des engagements pris par les repreneurs de ces deux aéroports. Mais ces instances, supposées se réunir une fois par an, n'ont jamais été convoquées .

Pour qu'il n'en aille pas de même dans le cas d'Aéroports de Paris, votre commission spéciale a adopté un amendement COM-475 de son rapporteur qui prévoit que la mise en oeuvre de ces engagements fait l'objet d'un suivi par un comité qui se réunit au moins une fois par an et qui comprend des représentants de l'État , des collectivités territoriales de la région Île-de-France et d'Aéroports de Paris .

Cet amendement va dans le sens de la proposition n° 7 du rapport de la Cour des comptes sur « Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice » 537 ( * ) , qui préconise de « mettre en place les comités de suivi des engagements des acquéreurs , préciser leur composition et modalités de fonctionnement dans les cahiers des charges des cessions futures et confier la responsabilité de leur pilotage au préfet ».

Votre commission a adopté l'article 49 ainsi modifié .

Article 50
(art. L. 6323-1 et L. 6323-7 [nouveau] du code des transports)
Contrôle d'Aéroports de Paris
et dispositions d'entrée en vigueur de la réforme

I. Le droit existant

L'article L. 111-4 du code des juridictions financières prévoit que la Cour des comptes contrôle les entreprises publiques . À ce titre, la Cour dispose actuellement de la faculté de contrôler les comptes d'Aéroports de Paris , société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par l'État en vertu du second alinéa de l'article L. 6323-10 du code des transports.

Par ailleurs, l'article L. 111-11 du même code prévoit également que la Cour des comptes peut contrôler les comptes que les délégataires de service public ont produits aux autorités délégantes .

II. Le dispositif proposé

1. Le maintien d'un contrôle de la Cour des comptes sur Aéroports de Paris

Le premier paragraphe de l'article 50 complète le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code des transports par un nouvel article L. 6323-7 destiné à instaurer un contrôle de la Cour des comptes sur la future société Aéroports de Paris (ADP) privatisée , dans la mesure où l'article L. 111-4 du code des juridictions financières ne lui sera plus applicable puisqu'il concerne uniquement les entreprises publiques.

À cette fin, l'article prévoit qu'ADP est assimilée à un délégataire de service public au sens et pour l'application de l'article L. 111-11 du code des juridictions financières , qui autorise la Cour des comptes à contrôler les comptes que les délégataires de service public ont produit aux autorités délégantes.

Afin de permettre à la Cour des comptes de contrôler ses comptes, la société anonyme ADP, titulaire exclusif pendant 70 ans du droit d'exploiter les plateformes aéroportuaires franciliennes, devra lui fournir tout élément utile à son instruction .

En outre, il est prévu que l'État se voit remettre une copie de tout élément communiqué à ce titre .

2. Dates d'entrée en vigueur des articles relatifs à Aéroports de Paris

Le deuxième paragraphe de l'article 50 fixe les dates d'entrée en vigueur de différentes dispositions relatives à la privatisation d'Aéroports de Paris portées par le projet de loi PACTE.

Il prévoit en particulier que les articles 44 à 48 , ainsi que les dispositions du premier paragraphe du présent article 50 , entrent en vigueur à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris et non au moment de la publication de la loi PACTE.

En outre, il prévoit que le décret en Conseil d'État approuvant le cahier des charges d'Aéroports de Paris, mentionné à l'article 45, ainsi que l e décret déterminant le périmètre régulé pour la fixation des redevances aéroportuaires (système de la « caisse aménagée »), mentionné à l'article 47, entrent également en vigueur à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris .

Enfin, son troisième paragraphe supprime le second alinéa de l'article L. 6323-10 du code des transports qui prévoit que « la majorité de son capital [le capital de la société Aéroports de Paris] est détenue par l'État ».

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de ses rapporteurs pour supprimer la phrase prévoyant que l'État se voit remettre une copie de tous les éléments fournis par Aéroports de Paris à la Cour des comptes à l'occasion de ses contrôles.

Ils rappellent en particulier que l'article L. 6323-4 du code des transports prévoit déjà que le cahier des charges d'ADP définit les modalités du contrôle par l'État du respect des obligations incombant à la société au titre de ses missions de service public, notamment par l'accès des agents de l'État aux données comptables et financières de la société .

Ils soulignent également que l'État sera destinataire de nombreux documents comptables et financiers dans le cadre de la fixation annuelle des tarifs des redevances aéroportuaires et pour la négociation des contrats de régulation économique (CRE), qui intervient au maximum tous les cinq ans.

Enfin, l'État sera destinataire des rapports que la Cour des comptes réalisera sur Aéroports de Paris.

La commission spéciale a également adopté à l'initiative de ses rapporteurs un amendement prévoyant que l'article 49 de la loi PACTE, qui prévoit les modalités de privatisation d'ADP entrera en vigueur dès la publication de la loi , et non à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris, ce qui aurait rendu les dispositions de cet article inopérantes.

La commission spéciale a enfin adopté un amendement rédactionnel .

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification .

IV. La position de votre commission

Votre commission spéciale est très favorable à ce que l a Cour des comptes puisse continuer à contrôler les comptes d'Aéroports de Paris , eu égard aux missions de service public qui sont confiées à cette société.

Elle a toutefois adopté un amendement COM-477 qui prévoit directement ce contrôle sans assimiler ADP à un délégataire de service public, ce qu'il n'est pas. Or, cette assimilation était susceptible d'engendrer de la confusion.

Votre commission spéciale a également adopté un amendement COM-478 visant à préciser que les travaux de fixation de la première partie de l'indemnité prévue à l'article 44 et due à ADP pour le retour de ses biens à l'État dans 70 ans puissent être conduits en amont de son changement de régime .

Votre commission a adopté l'article 50 ainsi modifié .

Sous-section 2
La Française des jeux
Article 51 (supprimé)
Autorisation du transfert au secteur privé
de la majorité du capital de La Française des jeux

I. Le droit existant

1. Les jeux d'argent et de hasard en France

a) Un principe général de prohibition assorti de dérogations

Si les jeux d'argent et de hasard s'insèrent dans un périmètre variable en fonction des évolutions de la société et des innovations technologiques, ils réunissent trois caractéristiques essentielles : « l'existence d'une offre ouverte au public , d'un sacrifice financier et l'espérance d'un gain plus ou moins lié au hasard » 538 ( * ) .

La loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries a posé le principe général de prohibition des jeux d'argent et hasard , aujourd'hui inscrit à l'article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure.

Ce principe général fait toutefois l'objet de trois types de dérogations au profit :

- de segments de jeux : les jeux de loterie 539 ( * ) pratiqués en réseau physique (« en dur ») et en ligne, ainsi que le pari hippique 540 ( * ) et le pari sportif en dur 541 ( * ) ;

- de l'exploitation de casinos autorisée par des dispositions des articles L. 321-1 à L. 321-7 du code de la sécurité intérieure pour certains types de communes, seule l'exploitation de casinos en dur étant autorisée ;

- de l'exploitation concurrentielle des jeux d'argent et de hasard en ligne dans les conditions de la loi du 12 mai 2010 542 ( * ) , à savoir les paris sportifs, les paris hippiques et les jeux de cercle en ligne 543 ( * ) .

L'article 3 de la loi du 12 mai 2010 précitée définit les objectifs de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard pour l'ensemble du secteur , en retenant les quatre objectifs suivants :

- la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs ;

- la garantie de l'intégrité, de la fiabilité et de la transparence des opérations de jeu ;

- la prévention des activités frauduleuses ou criminelles, ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

- l'attention au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.

La vente de jeux d'argent et de hasard aux mineurs est interdite en application de l'article 5 de la loi du 12 mai 2010 précitée.

b) Une ouverture partielle du secteur des jeux d'argent et de hasard à la concurrence

La loi du 12 mai 2010 a consacré la coexistence d'un régime de droits exclusifs et d'un régime d'agrément pour les jeux en ligne.

Des objectifs multiples président à l'exercice de ces catégories de jeux sous droits exclusifs : la protection de la santé et de l'ordre public, mais aussi le financement de filières économiques (hippisme, sport 544 ( * ) ).

Les droits exclusifs bénéficient à deux opérateurs :

- la Française des jeux , pour les jeux de loterie en dur et en ligne, ainsi que pour les paris sportifs en dur ;

- le Pari Mutuel urbain , pour les paris hippiques en dur.

En pratique, la loi du 12 mai 2010 participait d'une approche défensive, visant à mettre en conformité le droit national avec les exigences du droit de l'Union européenne (voir encadré ci-après).

L'Union européenne et les jeux d'argent et de hasard

L'activité du secteur des jeux d'argent et de hasard est reconnue comme un service au sens de l'article 57 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), soumis aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de services 545 ( * ) . Cependant, aucune règle de droit dérivé ne porte spécifiquement sur ce domaine, et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a admis, sous certaines conditions, une application souple des dispositions des traités au titre des particularités du secteur des jeux d'argent et de hasard. Le juge de Luxembourg a ainsi estimé qu' « il revient [aux États membres] d'apprécier, non seulement s'il est nécessaire de restreindre les activités des loteries, mais aussi de les interdire, sous réserve que ces restrictions ne soient pas discriminatoires » 546 ( * ) .

Aussi l'existence d'une gestion sous droits exclusifs n'est-elle pas contraire au droit communautaire , sous réserve que cette exclusivité participe d'un objectif de protection du consommateur et de lutte contre la criminalité 547 ( * ) . De même, il est loisible à un État membre d'interdire certains jeux d'argent et de hasard 548 ( * ) .

Cependant, les mesures nationales restrictives doivent respecter des critères de nécessité et de proportionnalité et s'inscrire dans une politique des jeux cohérente , sous le contrôle du juge communautaire 549 ( * ) .

Le développement des jeux en ligne a renouvelé le contrôle de proportionnalité de la CJUE sur les mesures nationales restrictives. Dans le contentieux « Placanica », le juge de Luxembourg a ainsi rejeté la possibilité de réserver les licences de paris sportifs en Italie à certains types d'opérateurs 550 ( * ) .

De même, l'essor du numérique a conduit la Commission européenne à davantage intervenir dans le secteur des jeux d'argent et de hasard , au nom de l'harmonisation du marché intérieur et de la compétitivité des services numériques.

Après une mise en demeure adressée le 12 octobre 2006, la France a ainsi fait l'objet, avec dix autres États membres, d'un avis motivé de la Commission européenne le 27 juin 2007 considérant que les restrictions imposées par la législation française aux paris sportifs et hippiques n'étaient pas justifiées au regard du principe de libre prestation de services.

L'organisation actuelle du marché des jeux d'argent et de hasard en France ne présente pas de difficultés au regard du droit de l'Union européenne. En 2018, la CJUE a souligné que « l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [...] ne s'oppose pas, en principe, à un système dual d'organisation du marché des jeux de hasard dont certains types de ces jeux relèvent du système du monopole étatique, alors que d'autres relèvent du système des concessions et des autorisations pour l'organisation de jeux de hasard, dès lors que [...] la réglementation restreignant la libre prestation des services poursuit effectivement, de manière cohérente et systématique, les objectifs invoqués par l'État membre concerné » 551 ( * ) .

Source : commission spéciale

c) Une approche segmentée du secteur des jeux d'argent et de hasard

Comme le relève la Cour des comptes dans son enquête sur la régulation des jeux d'argent et de hasard publiée en octobre 2016, « la régulation des jeux d'argent et de hasard s'appuie sur une pluralité d'autorités, chacune intervenant selon un périmètre et des champs d'action et de compétences variables [...]. Cette situation est surtout le résultat de l'histoire, chaque évolution de la politique des jeux se traduisant par une fragmentation un peu plus poussée de la fonction de régulation » 552 ( * ) .

En pratique, la situation actuelle est la suivante :

- les activités de La Française des jeux sous droits exclusifs sont placées sous le contrôle du ministre chargé du budget et exercées par la direction du budget, avec l'appui de la Commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX) ;

- les activités du Pari Mutuel urbain sous droits exclusifs sont placées sous le contrôle conjoint des ministres chargés du budget et de l'agriculture , avec l'appui de la COJEX ;

- les activités des casinos relèvent de la compétence exclusive du ministère de l'Intérieur ;

- les activités des opérateurs de jeux en ligne sont contrôlées par l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) , autorité administrative indépendante créée par la loi du 12 mai 2010 précitée.

Dans ces conditions, la régulation du secteur ne présente pas le même niveau d'approfondissement , dans la mesure où :

- la COJEX est un simple organe consultatif dépourvu de pouvoirs normatif et de sanction et de secrétariat permanent, chargé de donner un avis au ministère de l'action et des comptes publics sur la politique commerciale, de jeu responsable et de prévention du blanchiment de la Française des jeux et du Pari mutuel urbain 553 ( * ) ;

- l'ARJEL est une véritable autorité de régulation, constituée sous forme d'autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs étendus (agrément, contrôle, sanctions allant jusqu'au retrait de l'agrément).

Le tableau ci-après récapitule l'organisation du marché des jeux d'argent et de hasard en vigueur depuis la loi du 12 mai 2010 précitée.

Organisation actuelle du marché des jeux d'argent et de hasard

En dur

En ligne

Jeux de loterie

Monopole de la Française des jeux

Régulation du ministère du budget, avec avis de la COJEX

Paris sportifs

Monopole de la Française des jeux

Régulation du ministère du budget, avec avis de la COJEX

Opérateurs agréés par l'ARJEL

Paris hippiques

Monopole du Pari Mutuel urbain, sous le contrôle des ministères chargés de l'agriculture et du budget, avec avis de la COJEX

Opérateurs agréés par l'ARJEL

Jeux de casino

Autorisation dans certaines communes en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieur, sous le contrôle du ministère de l'intérieur

Opérateurs agréés par l'ARJEL, pour les jeux de cercle uniquement (machines à sous en ligne interdites)

E-sport

Autorisation des compétitions de jeux vidéo donnant lieu à droits d'inscription et à gains, dans les conditions des articles L. 321-9 à L. 321-11 du code de la sécurité intérieure

Prohibition des compétitions en ligne

NB : l'ARJEL désigne l'autorité de régulation des jeux en ligne, la COJEX désigne la commission consultation des jeux et paris sous droits exclusifs.

Source : commission spéciale

Cette situation présente toutefois des lacunes accentuées par l'innovation technologique, qui estompe la distinction entre jeux en dur et en ligne. Une partie des paris sportifs de la Française des jeux est ainsi enregistrée en ligne puis validée en point de vente.

2. La Française des jeux : une société anonyme détenue majoritairement par l'État

a) Héritière de la « Loterie nationale » créée par l'État, la Française des jeux est majoritairement détenue par l'État

En 1933, l'État a créé la « Loterie nationale » afin de formaliser la loterie de l'association des « Gueules cassées » née au lendemain de la Première Guerre mondiale pour venir en aide aux anciens combattants défigurés. Son activité s'est progressivement développée, conduisant l'État à autoriser la création d'un nouveau jeu : le Loto.

C'est dans ce cadre que l'État accompagne la création en 1979 de la Société de la Loterie nationale et du loto national (SLNLN), dont il constitue l'actionnaire majoritaire aux côtés d'associations d'anciens combattants. Cette  société devient ensuite France Loto en 1989, puis la Française des jeux en 1991.

Aujourd'hui, la Française des jeux est constituée sous forme de société anonyme de droit français non cotée, détenue à 72 % par l'État . Le tableau ci-après détaille la composition du capital de l'entreprise.

Le montant du dividende annuel perçu par l'État au titre de sa participation dans l'entreprise et versé au budget général s'établit à 89 millions d'euros en 2017, avec une moyenne de 95,7 millions d'euros pour la période 2014-2017.

Composition du capital de la société anonyme
La Française des jeux au 1 er janvier 2019

Actionnaire

Part du capital détenue

État

72 %

Association « Union des blessés de la face et de la tête »
( Gueules cassées)

9,2 %

Salariés de l'entreprise

5 %

Fédération André-Maginot

4,2 %

Union nationale des diffuseurs de jeux via la Soficoma (société civile)

3 %

Confédération des buralistes de France

2 %

Autres

5,6 %

Source : commission spéciale

La Française des jeux est à la fois un opérateur de jeux et un fournisseur de solutions technologiques à destination d'autres opérateurs de jeux - activité dite de « B to B » pour business to business (ou commerce interentreprise).

En tant qu'opérateur de jeux, La Française des jeux bénéficie du monopole de l'exploitation des jeux de loterie, en dur et en ligne 554 ( * ) , ainsi que des paris sportifs en dur 555 ( * ) , pour une durée illimitée , que l'État peut toutefois dénoncer sous réserve d'un préavis de six mois. Le décret du 9 novembre 1978 556 ( * ) détermine les conditions pratiques de ces droits exclusifs. Elle constitue à ce titre le deuxième opérateur de loterie en Europe , derrière l'opérateur italien Lottomatica .

Par ailleurs, La Française des jeux intervient également sur le secteur concurrentiel des paris sportifs en ligne, activité pour laquelle elle dispose d'un agrément délivré par l'ARJEL.

En 2017, ce sont 15,1 milliards d'euros de mises qui ont été enregistrées par l'entreprise , selon la répartition suivante : 49 % pour les jeux de grattage, 34 % pour les jeux de tirage et 17 % pour les paris sportifs. L'encours des mises a progressé de 17 % par rapport à 2014. Presque l'intégralité des mises (99 %) est issue des activités exercées sous droits exclusifs.

L'entreprise affiche des résultats financiers positifs, avec un résultat net consolidé de 181 millions d'euros en 2017, en hausse de 14 % par rapport à 2015 . Elle emploie 2 200 personnes .

Toutefois, une baisse du nombre de joueurs est observée , selon une tendance structurelle s'établissant à - 20 % entre 1999 et 2017, pour atteindre 26 millions de joueurs en 2017. L'essor des mises correspond donc à une augmentation des sommes jouées par chaque individu.

L'État est doublement représenté au sein du conseil d'administration de l'entreprise, en tant qu'actionnaire et en tant que régulateur. Le conseil d'administration comprend quinze membres, dont :

- un représentant de l'État actionnaire et six membres nommés sur proposition de l'État ;

- deux représentants de l'« Union des blessés de la face et de la tête » ;

- un représentant de la Fédération Maginot ;

- cinq représentants des salariés.

b) La Française des jeux est soumise à un cadre juridique et fiscal spécifique

La réglementation et la régulation

De façon générale, les pouvoirs de police sont assurés par la police spéciale du secteur des jeux, à savoir le Service central des courses et jeux (SCCJ) du ministère de l'Intérieur.

En matière de régulation , les activités de La Française des jeux sur le secteur des paris sportifs en ligne s'inscrivent dans le cadre de la loi du 12 mai 2010 et sont exercées sous le contrôle de l'ARJEL.

Les activités monopolistiques font l'objet d'une régulation spécifique confiée au ministère chargé du budget avec l'appui consultatif de la COJEX.

Ces contrôles sont essentiellement opérés à a priori .

Le premier axe concerne l'offre de jeux de La Française des jeux. Conformément au décret du 9 novembre 1978 précité, son offre doit répondre à trois objectifs :

- assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et veiller à la transparence de leur exploitation ;

- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique, afin de prévenir les risques d'une exploitation des jeux d'argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d'argent ;

- encadrer la consommation des jeux, afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance.

En amont 557 ( * ) , l'exploitation de tout jeu de loterie est soumise à une autorisation préalable du ministre chargé du budget.

La Française des jeux doit transmettre chaque année avant le 30 septembre de l'année n-1 son programme de jeux présentant les conditions de poursuite de l'exploitation des jeux existants et les nouveaux jeux envisagés pour l'année n ; elle doit ensuite rendre compte de l'exécution de ce programme avant le 31 mars de l'année n+1 .

Le ministre chargé du budget peut à tout moment interrompre, à titre temporaire ou définitif, le lancement d'un jeu de loterie ou de pronostic sportif pour des motifs tirés de la sauvegarde de l'ordre public et de l'ordre social.

De même, l'entreprise doit transmettre deux plans d'actions à l'approbation du ministre chargé du budget, relatifs à la prévention du jeu excessif et du jeu des mineurs ainsi qu'à la lutte contre la fraude et le blanchiment.

Le second axe concerne le contrôle des taux de retour aux joueurs 558 ( * ) . L'arrêté du 9 mars 2006 précité détermine pour les jeux de grattage et de tirage le taux de retour joueur ou une fourchette de taux de retour autorisés. Toutefois, en cas de non-respect du taux de retour joueur, aucune sanction explicite n'est prévue.

S'agissant de la distribution , La Française des jeux s'appuie sur un réseau d'environ 30 800 points de vente , essentiellement constitué de buralistes et de distributeurs de presse, répartis sur 11 000 communes . Il s'agit du plus grand réseau de points de vente de proximité en France.

Depuis le 1 er octobre 2017, l'exploitation d'un point de vente est soumise à l'autorisation préalable du ministre de l'intérieur , émise en considération des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé des mineurs. Cette procédure ne s'applique toutefois qu'aux nouveaux détaillants que La Française des jeux envisage d'autoriser à exploiter un poste d'enregistrement : seul le flux des créateurs et repreneurs de points de vente est donc soumis à cette procédure. La durée de l'enquête de moralité conduite par le Service central des courses et jeux, variable selon les régions, peut atteindre plusieurs mois.

S'agissant du contrôle de l'activité de jeux sous droits exclusifs , une part importante est en pratique mise en oeuvre par la Française des jeux elle-même , sous la supervision de la direction du budget, qui y consacre l'équivalent de un à deux équivalents temps plein en moyenne. Dans les faits, le ministère de tutelle ne dispose pas des capacités techniques internes pour contre-expertiser l'information fournie par l'opérateur.

L'article 6 de l'arrêté du 30 avril 2012 précité 559 ( * ) indique à cet effet que l'entreprise « prend les mesures et accomplit les diligences et les contrôles nécessaires à la bonne mise en oeuvre de l'objectif d'assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et de veiller à la transparence de leur exploitation ».

La Française des jeux consacre à cet effet des moyens considérés comme « importants » par la Cour des comptes 560 ( * ) , regroupés au sein de la direction « gestion des risques et sécurité », qui compte 85 personnes en 2018.

La fiscalité

Tous prélèvements confondus, La Française des jeux représente environ 60 % des recettes publiques issues du secteur des jeux d'argent et de hasard, soit environ 3,3 milliards d'euros 561 ( * ) .

Les activités de la Française des jeux exercées sous droits exclusifs font l'objet d'un régime fiscal spécifique.

La loi de finances rectificative pour 2012 du 29 décembre 2012 562 ( * ) détermine les modalités du prélèvement opéré sur les sommes misées par les joueurs dans le cadre des jeux exploités par la Française des jeux sous droits exclusifs. Ce prélèvement, fixé en application d'un arrêté du 9 mars 2006 563 ( * ) , correspond au solde des mises après déduction :

- des impositions de toute nature applicables aux jeux ou à leur organisation (prélèvement fiscal prévu à l'article 302 bis ZH du code général des impôts, prélèvement social prévu à l'article L. 137-21 du code de la sécurité sociale, contribution sociale généralisée en application des articles L. 136-7-1 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale ; contribution pour le remboursement de la dette sociale en vertu de l'article 18 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ; prélèvement au profit du Centre national pour le développement du sport institué par les articles 1609 novovicies et 1609 tricies du code général des impôts et TVA au taux applicable en vertu du 2° de l'article 261 E du code général des impôts) ;

- de la part des mises affectée aux gagnants, fixée par arrêté en fonction des types de jeux proposés (article 2 de l'arrêté précité du 9 mars 2006) ;

- de la part des mises affectée aux fonds de couverture des risques et de commercialisation des jeux et paris, également fixée par arrêté (article 2 de l'arrêté précité du 9 mars 2006) ;

- de la part des mises affectées à la couverture des frais d'organisation et de placement des jeux, elle aussi déterminée par arrêté (article 1 er de l'arrêté précité du 9 mars 2006).

La fraction des mises prélevée par l'État - évaluée sur l'année civile - ne peut être inférieure à 15 %, ni supérieure à 25 %, des sommes misées par les joueurs.

En tout état de cause, comme le concède l'Agence des participations de l'État (APE) 564 ( * ) , le régime fiscal n'est pas adapté à une société privée et doit être profondément revu.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique que « les éventuelles modifications de nature fiscale nécessaires trouveront leur place dans le projet de loi de finances pour 2019 , conformément à la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2017 sur les règles de gouvernance en matière de prélèvements obligatoires qui prévoit que les mesures en matière de prélèvements obligatoires proposées par le Gouvernement doivent par principe figurer dans des lois financières » 565 ( * ) .

En séance publique devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, soulignant la différence entre le montant des dividendes versés par la Française des jeux et les recettes fiscales liées à son activité, affirmait que « les dispositions [fiscales] correspondantes figureront dans le projet de loi de finances pour 2019. Je propose que nous étudiions ensemble, avant et pendant l'examen du projet de loi de finances, les dispositifs qui garantiront que les recettes fiscales de l'État liées à La Française des jeux seront rigoureusement maintenues » 566 ( * ) .

Cependant, aucune disposition relative à la fiscalité des jeux n'a été proposée au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 .

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le projet du Gouvernement n'a pas pu être élaboré dans les temps initialement prévus et « une adaptation sera proposée par amendement dans le cadre de la discussion [du présent projet de loi] au Sénat . Les modifications envisagées font à l'heure actuelle [mi-janvier 2018] l'objet d'un travail de rédaction avec le Conseil d'État, ce qui explique le retard pris par la présentation de ces dispositions » 567 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article prévoit d'autoriser le Gouvernement à transférer au secteur privé la majorité du capital de la société La Française des jeux et organise à cet effet les conditions de ce transfert, en sollicitant une habilitation à légiférer par ordonnance.

Le recours à la loi pour procéder au transfert de la majorité du capital de l'entreprise s'impose en application des dispositions de l'ordonnance du 20 août 2014 568 ( * ) .

1. Autoriser le transfert au secteur privé de La Française des jeux en maintenant ses droits exclusifs

Les I à III du présent article visent à autoriser le Gouvernement à transférer au secteur privé la majorité du capital de La Française des jeux, actuellement détenue par l'État.

a) Attribuer des droits exclusifs à un opérateur et désigner La Française des jeux comme titulaire de ces droits

Les I et II du présent article procèdent à une double opération :

- d'une part, permettre à l'État de confier l'exploitation de certains types de jeux à une personne morale unique ;

- d'autre part, désigner La Française des jeux comme la personne morale unique titulaire de ces droits exclusifs .

Le I du présent article confie à une personne morale unique l'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne, ainsi que les jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution, ce qui correspond aux activités actuellement exercées par La Française des jeux sous droits exclusifs.

Seul le principe général d'un monopole d'exercice de certains jeux est posé par le I ; il est renvoyé à une ordonnance le soin de préciser le périmètre précis de ces droits exclusifs (cf. infra ).

Afin d'assurer la conformité avec le droit de l'Union européenne de cette attribution de droits exclusifs à un opérateur privé, deux précisions sont apportées :

- d'abord, l'exploitation de ces jeux est confiée pour une durée limitée , alors que La Française des jeux dispose actuellement d'un monopole illimité d'exploitation 569 ( * ) dans le temps de ces catégories de jeux ;

- ensuite, la personne morale unique à laquelle l'exploitation est confiée fait l'objet d'un contrôle étroit de l'État , ce qui correspond aux exigences de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour l'attribution de droits exclusifs à un opérateur dans le secteur des jeux d'argent et de hasard 570 ( * ) .

Outre le maintien de l'État au capital de la société, à hauteur d'environ 20 % 571 ( * ) et l'agrément préalable de l'État dès lors que les seuils de détention du capital ou des droits de vote prévus par l'article L. 233-7 du code de commerce seraient franchis (cf. infra ), « les principaux éléments envisageables en vue d'assurer un contrôle étroit de l'État sur la Française des jeux sont la désignation d'un commissaire du Gouvernement, le maintien du principe d'une approbation des statuts de [l'entreprise] par l'État, ainsi que l'agrément de l'État sur la nomination du président-directeur général de [l'entreprise] » 572 ( * ) . Ces éléments ne sont toutefois pas expressément prévus par l'habilitation et demeurent, à ce stade, des possibilités envisagées.

Le II du présent article complète le I en désignant la société La Française des jeux comme la personne morale unique à laquelle l'exploitation des jeux mentionnée au I est confiée.

b) Autoriser le transfert de la majorité du capital de La Française des jeux au secteur privé

Le III du présent article autorise le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux par décret.

Dans la mesure où les modalités entourant ce transfert sont renvoyées à une ordonnance, il est précisé que le décret permettant ce transfert entre en vigueur après l'entrée en vigueur de ladite ordonnance.

Autrement dit, la cession au secteur privé de la majorité du capital de La Française des jeux ne serait effective qu'une fois les dispositions de l'ordonnance entrées en vigueur.

2. Organiser les conditions de ce transfert par voie d'ordonnance

a) Un champ d'habilitation particulièrement large visant à préciser concrètement les modalités de la cession de La Française des jeux

Le IV du présent article propose d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi pour une liste de huit mesures détaillées aux 1 à 8 dudit IV .

Il s'agit de préciser les modalités du transfert au secteur privé de la majorité du capital de La Française des jeux et de procéder aux adaptations qu'il rend nécessaires en permettant au Gouvernement de :

- préciser le champ du monopole et les conditions de son exercice (1 et 2) ;

- définir les relations entre l'État et la personne morale unique détentrice des droits exclusifs , ainsi que ses actionnaires ( 3 et 4 ) ;

- redéfinir, pour l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard , et non uniquement les seuls droits exclusifs mentionnés au I du présent article, les pouvoirs de contrôle et de police administrative de l'État ainsi que les modalités de régulation , d'une part, et de modifier les sanctions administratives et pénales applicables, d'autre part ( 5 et 6 ) ;

- procéder aux adaptations requises pour l'application des dispositions précédentes en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et s'agissant des collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ( 7 ) ;

- procéder aux coordinations rendues nécessaires pour la mise en oeuvre des dispositions résultant des 1 à 7 ( 8 ).

b) Des dispositions essentielles pour la valorisation de La Française des jeux et la sécurité juridique de l'opération

Dans le détail, les éléments essentiels de l'habilitation figurent aux 1 à 6 du IV du présent article et portent sur les dispositions suivantes :

- le 1 vise à préciser le périmètre précis des droits exclusifs dont le principe est prévu au I du présent article ainsi que les contreparties qui en découlent pour la personne morale unique à laquelle l'exploitation de ces droits est confiée ;

- le 2 a pour objet de définir les conditions d'exercice des droits exclusifs, c'est-à-dire le cadre général entourant cet exercice, en particulier la durée limitée d'exercice, sous réserve d'un maximum de 25 ans ;

- le 3 porte sur les conditions d'organisation et d'exploitation des droits exclusifs , à savoir les modalités concrètes de cet exercice, ainsi que sur les modalités du contrôle étroit assuré par l'État sur l'opérateur détenteur de ces droits. Pour matérialiser ce contrôle étroit, deux possibilités sont prévues : soit la conclusion d'une convention liant l'État et l'opérateur, soit la définition par l'État d'un cahier des charges auquel l'opérateur serait soumis ;

- le 4 traite du contrôle exercé par l'État sur la détention par des personnes privées du capital ou des droits de vote de La Française des jeux , afin de définir les modalités de l'agrément requis en cas de franchissement des seuils de détention, conformément aux dispositions de l'article L. 233-7 du code de commerce ;

- le 5 concerne la redéfinition des modalités d'exercice du pouvoir de contrôle et de police administrative de l'État et de régulation de l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard , en particulier les dispositions applicables à l'Autorité de régulation des jeux en line (ARJEL), pour tenir compte du fait que La Française des jeux serait désormais contrôlée par des acteurs privés ;

- le 6 permet de modifier et, éventuellement, de renforcer les sanctions administratives et pénales et de définir de nouvelles sanctions en cas de méconnaissance des règles applicables au secteur des jeux d'argent et de hasard.

Ces dispositions sont essentielles pour la valorisation de la participation de l'État dans La Française des jeux et pour la sécurité juridique de l'opération de transfert.

En effet, la valorisation de la société La Française des jeux dépend essentiellement des droits exclusifs qui lui sont confiés ainsi que des conditions dans lesquelles ces droits sont exercés, tandis que la Cour de justice de l'Union européenne apprécie les conditions dans lesquelles l'État assure un « contrôle étroit » de l'opérateur de jeux d'argent et de hasard détenteur de droits exclusifs.

Il peut d'ailleurs être relevé que, à l'exception des ajouts au texte initial, les modifications adoptées par l'Assemblée nationale (cf. infra ) portent exclusivement sur le périmètre de l'habilitation du IV et non sur les dispositions des I à III du présent article.

Enfin, le dernier alinéa du IV du présent article précise qu'un projet de loi de ratification est déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance qu'il sollicite.

III. Les modifications de l'Assemblée nationale

1. Les modifications adoptées en commission

La commission spéciale a adopté huit amendements , dont quatre amendements de précision rédactionnelle.

a) Préciser l'habilitation pour la redéfinition de la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard

À l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement précisant le champ de l'habilitation du Gouvernement à redéfinir la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard.

Il s'agit d'assurer un contrôle des engagements pris par les opérateurs de jeux et des mesures qu'ils mettent en oeuvre afin d'appliquer les objectifs de la politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard, inscrits à l'article 3 de la loi du 12 mai 2010 573 ( * ) , à savoir :

- la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs ;

- la garantie de l'intégrité, de la fiabilité et de la transparence des opérations de jeu ;

- la prévention des activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

La portée réelle de cette modification est toutefois limitée , dans la mesure où la régulation du secteur doit s'attacher à contrôler le respect des objectifs de la politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard, sans qu'il soit utile de le mentionner expressément.

b) Conditionner le transfert au secteur privé de La Française des jeux au dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance

À l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement visant à subordonner le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux au dépôt préalable du projet de loi de ratification de l'ordonnance faisant l'objet du IV du présent article.

c) Renforcer la protection du consommateur

En premier lieu , à l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement ajoutant un V au présent article afin de plafonner à un montant forfaitaire défini par voie réglementaire les frais de gestion appliqués par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne ainsi que par La Française des jeux en cas de clôture d'un compte joueur .

Selon les indications de la rapporteure en commission, ce montant pourrait être établi à 5 euros par compte.

En pratique, il existe deux cas de clôture de compte joueur :

- la clôture d'un compte provisoire, lorsque le processus de validation du compte - justificatifs et formalités exigés, en particulier pour l'identification du titulaire - n'a pas été conclu ou lorsque le joueur en fait la demande ;

- la clôture d'un compte à la demande de son titulaire, le solde créditeur éventuel étant alors reversé au joueur ou, si ce reversement n'est pas possible - par exemple parce que l'opérateur n'est pas en mesure de vérifier les références du compte de paiement, mis en réserve par l'opérateur pour une durée de six ans au terme de laquelle le solde est reversé à l'État.

Il est précisé qu'aucun autre type de prélèvement ne pourra être effectué par l'opérateur sur les comptes clôturés et dont les avoirs sont mis en réserve.

En second lieu , à l'initiative de notre collègue députée Olga Givernet, et avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, la commission a adopté un amendement visant à introduire une obligation de consultation du fichier des interdits de jeux 574 ( * ) par les exploitants de points de vente de la Française des jeux et du Pari Mutuel urbain pour les opérations de jeux réalisées en point de vente au moyen d'un compte client.

Il est précisé qu'en cas de réponse positive, le compte serait clôturé.

Cet ajout a été entièrement réécrit en séance publique (cf. infra ).

2. Les modifications adoptées en séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté sept amendements , dont trois amendements de précision rédactionnelle.

a) Préciser le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance

Trois amendements portent sur le périmètre de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement .

Le premier amendement , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Olga Givernet, avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, complète le 1 du IV du présent article afin d'indiquer que l'ordonnance, en précisant le périmètre des droits exclusifs confiés à la personne morale unique, doit proposer une définition juridique des catégories de jeux autorisés dans le cadre des droits exclusifs attribués par l'État.

Cet amendement procède d'un compromis à la suite des débats en commission sur la définition des types de jeux proposés par La Française des jeux : le terme retenu dans le texte initial et maintenu par la commission spéciale vise les « jeux de loterie », catégorie potentiellement plus vaste que l'offre actuelle de La Française des jeux, et non les jeux de tirage et de grattage, catégorie plus restrictive que l'offre actuelle de La Française des jeux 575 ( * ) . La difficulté résulte de l'absence de définition juridique étayée de ces différentes catégories de jeux.

C'est pourquoi, en introduisant une définition juridique des catégories de jeux autorisés dans le cadre des droits exclusifs confiés à La Française des jeux, cet ajout correspond à un double objectif :

- d'une part, assurer une protection pour l'État , afin d'éviter l'apparition future d'une offre de jeux non souhaitée lors de la définition des droits exclusifs ;

- d'autre part, offrir une garantie pour La Française des jeux et ses actionnaires , en protégeant le périmètre des droits exclusifs qui lui seraient ainsi confiés.

Le deuxième amendement , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Max Mathiasin avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, prévoit que les modalités du contrôle étroit faisant l'objet de l'habilitation au 3 du IV du présent article doivent être formalisées dans une convention conclue entre l'État et La Française des jeux ou un cahier des charges élaboré par l'État . Ces deux possibilités n'étaient prévues qu'à titre éventuel dans le texte initial.

Le troisième amendement , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Olga Givernet avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, concerne la redéfinition de la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard prévue au 5 du IV du présent article.

L'amendement initial visait à préciser que l'habilitation à légiférer par ordonnance pour redéfinir la régulation avait pour objectif de mettre en place une autorité unique de surveillance et de régulation présentant des garanties d'indépendance. Il a fait l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement , adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable de la commission, supprimant la mention du caractère unique de l'autorité et précisant que les garanties d'indépendance de l'autorité doivent être adaptées à ses missions.

Il s'ensuit que l'habilitation ne contraint le Gouvernement :

- ni à unifier complètement la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard . En particulier, selon les indications transmises à votre rapporteur, le ministère de l'Intérieur devrait demeurer responsable de la surveillance et de la régulation des casinos 576 ( * ) ;

- ni à accorder le statut d'autorité administrative indépendante à l'éventuelle future autorité de régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard.

b) Ajuster l'obligation de consultation du fichier des interdits de jeux en transférant l'obligation de consultation des distributeurs aux opérateurs de jeux

À l'initiative de notre collègue Martin Leguille-Balloy, avec un double avis favorable du Gouvernement et de la commission, qui a repris l'amendement en séance publique en procédant à trois sous-amendements de précision rédactionnelle acceptés par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement réécrivant intégralement le VI du présent article introduit par la commission.

Il s'agit d'ajuster l'obligation de consultation du fichier des interdits de jeux pour les opérations de jeux réalisées en points de vente au moyen d'un compte client. Cette obligation incombe désormais à La Française des jeux et au Pari Mutuel urbain, et non plus aux exploitants de points de vente , qui devraient s'assurer « périodiquement » que les personnes ne sont pas inscrites au fichier des interdits de jeux.

Il est renvoyé à un arrêté le soin de préciser les modalités d'application de ces dispositions, en particulier la périodicité de la vérification par les opérateurs de l'inscription éventuelle des personnes utilisant leur compte client sur ledit fichier.

IV. La position de votre commission

1. Un projet possible d'un point de vue juridique, mais dont les modalités proposées ne garantissent pas au législateur sa sécurité

De façon préalable, votre rapporteur considère que la cession au secteur privé de la Française des jeux n'est pas contraire aux exigences constitutionnelles 577 ( * ) .

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d'État rappelle qu'il a jugé, dans une décision du 27 octobre 1999, que l'entreprise n'est pas investie d'une mission de service public et ne peut donc pas être regardée comme ayant le caractère d'un service public national. Par ailleurs, il estime que « la Française des jeux, qui ne dispose pas d'une position prépondérante sur le marché des jeux de hasard en France, sur lequel interviennent de nombreux opérateurs (PMU, casinos, opérateurs de jeux en ligne), et exerce une partie de ses activités sur des marchés concurrentiels, ne peut être regardée comme se trouvant en situation effective de monopole de fait » 578 ( * ) . Selon les informations transmises à votre rapporteur, une expertise juridique commandée par l'Agence des participations de l'État avait conclu dans le même sens en novembre 2017.

Par ailleurs, ainsi que cela a été exposé ci-avant ( voir encadré en première partie ), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) autorise l'attribution de droits exclusifs à un opérateur en matière de jeux d'argent et de hasard 579 ( * ) .

Au regard du droit de l'Union européenne, la difficulté essentielle correspond davantage à l'attribution de droits exclusifs sans mise en concurrence préalable.

Pour ce faire, la CJUE exige que l'opérateur soit placé sous « le contrôle étroit de l'État » et que la réglementation nationale l'oblige à limiter les risques de jeu excessif.

Répondant à une question préjudicielle du Conseil d'État, le juge de Luxembourg a ainsi considéré en 2011 qu'« un État membre cherchant à assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs dans le secteur des jeux de hasard peut être fondé à considérer que seul l'octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics est de nature à permettre de maîtriser les risques liés audit secteur et de poursuivre l'objectif de prévention de l'incitation à des dépenses excessives liées aux jeux et de lutte contre l'assuétude au jeu d'une façon suffisamment efficace » 580 ( * ) .

Le Conseil d'État a récemment fait usage de cette réponse préjudicielle pour le cas du PMU, jugeant à partir d'un faisceau d'éléments que le monopole qui lui était confié était conforme au droit de l'Union européenne 581 ( * ) .

Cependant, à ce stade, le présent article ne permet pas au législateur d'apprécier la réalité du « contrôle étroit » qui sera exercé sur La Française des jeux en tant qu'éventuel opérateur privé détenteur de droits exclusifs confiés par l'État sans mise en concurrence préalable.

Certes, le principe est posé par le présent article ; les modalités ne sont toutefois pas précisées dans le coeur du dispositif et il est renvoyé à l'ordonnance le soin de définir les conditions de ce contrôle étroit. Plusieurs éléments, pour certains encore en réflexion, ont été indiqués par le Gouvernement à votre rapporteur.

Dans ces conditions, rien ne permet à votre rapporteur de garantir que le projet du Gouvernement répondra in fine aux exigences du droit de l'Union européenne pour l'attribution de droits exclusifs sans mise en concurrence.

Il doit d'ailleurs être relevé que, si le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, indiquait devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale « [être] en contact avec la Commission européenne et lui avoir demandé, sur la base de la jurisprudence de la Cour [de justice de l'Union européenne], un avis formel » 582 ( * ) , le Gouvernement n'a pour l'instant transmis qu'une lettre d'intention présentant ce projet, qui n'a pas fait l'objet d'une réponse officielle des services de la Commission européenne. Comme l'indique la réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur, « les échanges ont vocation à se poursuivre lorsque les différents projets de texte auront été élaborés » 583 ( * ) .

Contrairement à la représentation nationale, ce n'est donc qu'une fois le projet d'ordonnance effectivement finalisé que la Commission européenne sera susceptible de se prononcer . Votre rapporteur ne peut que souligner le caractère incongru d'une telle situation.

Il en résulte une incertitude quant à la sécurité juridique globale du présent article.

À défaut de contrôle étroit tangible prévu par le présent projet de loi, l'attribution à un opérateur privé de droits exclusifs sans mise en concurrence préalable pourrait être remise en cause ultérieurement par le juge de l'Union européenne. L'incertitude juridique fait peser un risque sur les finances publiques : dans le cas où l'attribution serait remise en cause, les conditions financières de la cession pourraient s'en trouver modifiées.

2. Un chèque en blanc demandé au législateur, un chèque en bois pour les finances publiques ?

Votre rapporteur en conclut que le Gouvernement sollicite du législateur un chèque en blanc .

Alors même que le présent projet de loi a fait l'objet d'un travail préalable de consultation, que sa présentation a été plusieurs fois retardée, et que le travail parlementaire s'est engagé depuis plus de six mois, les conditions de la privation de La Française des jeux ne sont toujours pas arrêtées.

En pratique, seul l'objectif de la cession est clairement arrêté ; la route à suivre demeure en grande partie à tracer.

Confronté à des difficultés à obtenir des réponses précises à ses interrogations sur les projets du Gouvernement, le rapporteur a constaté que ce dernier n'était tout bonnement pas prêt.

Trois considérations, pourtant essentielles, restent encore en suspens :

- le périmètre exact des droits exclusifs confiés à La Française des jeux ;

- la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard ;

- la fiscalité des jeux .

Il en résulte un risque de conflit d'intérêt pour l'État , qui serait alors autorisé à privatiser La Française des jeux et aurait les mains libres pour définir précisément le périmètre des droits exclusifs et la régulation applicable.

Rien ne prémunit le législateur d'un risque d'arbitrage réglementaire favorisant la valorisation de l'entreprise au détriment des impératifs de santé publique.

a) La définition des droits exclusifs confiés à La Française des jeux n'est pas précisée

Comme cela a été souligné ci-avant ( voir la deuxième partie ), le présent article renvoie à une ordonnance le soin de « préciser le périmètre des droits exclusifs [confiés à La Française des jeux], avec une définition juridique des catégories de jeux autorisés ». Seul le principe de l'exercice de droits exclusifs au titre de « l'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution » est posé par le présent article.

Or, d'un point de vue juridique, le terme de loterie est entendu dans une acception large . L'article L. 322-2 du code de la sécurité intérieure précise ainsi que les loteries sont des opérations dotées de quatre caractéristiques cumulatives : une offre publique, une opération faisant naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, dont le résultat dépend du hasard et pour laquelle un sacrifice financier est exigé de la part des participants.

D'ailleurs, devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a confirmé la volonté du Gouvernement de retenir un champ le plus large possible et faiblement contraignant , indiquant que « l'avantage de ce terme très générique, c'est qu'il permet à La Française des jeux de développer toutes sortes de jeux de hasard nouveaux, y compris en ligne » 584 ( * ) .

Il s'ensuit toutefois un risque car une telle acception pourrait permettre, selon les termes qui seraient in fine retenus dans l'ordonnance, à l'opérateur privé de proposer un périmètre de jeux plus large que ceux actuellement offerts.

Tel est le cas des jeux de casino en ligne, et en particulier des machines à sous virtuelles , offre qui présente un risque élevé d'addiction . De ce point de vue, les propos du ministre de l'économie et des finances en séance publique à l'Assemblée nationale, sont restés incertains. Interrogé sur la possibilité, au terme du dispositif proposé, pour La Française des jeux de développer des machines à sous virtuelles, le ministre s'est contenté de répondre qu'il « [s'engageait] à ce que les machines à sous physiques soient exclues du périmètre du monopole de La Française des jeux » 585 ( * ) .

b) Une régulation à revoir en profondeur

S'agissant de la régulation du secteur, un double constat fait consensus : la régulation actuelle est à la fois obsolète à cadre constant, car établie en silo au gré des dérogations accordées au principe général de prohibition, et inadaptée à une situation dans laquelle la Française des jeux serait majoritairement détenue par des investisseurs privés .

En effet, selon l'expression du président de l'ARJEL Charles Coppolani lors de l'entretien avec votre rapporteur, « il est dans l'ADN de La Française des jeux de pratiquer l'autorégulation ». Dans son enquête précitée sur les jeux d'argent et de hasard, la Cour des comptes considérait ainsi que la direction du budget procédait davantage à la supervision d'une entreprise qui se régulait elle-même.

Cette situation ne pourrait être prolongée une fois l'entreprise cédée au secteur privé pour garantir la conformité du processus avec les exigences du droit de l'Union européenne, mais également au regard des impératifs de santé publique.

Dans ce cadre, le Gouvernement envisage la création d'une autorité unique de régulation du secteur, à l'exception des casinos qui devraient demeurer sous la compétence du ministère de l'intérieur. Une mission conjointe du Conseil d'État et de l'Inspection générale des finances a rendu ses conclusions en septembre 2018 sur l'évolution de la régulation nécessaire dans le cadre de la cession de la Française des jeux.

Toutefois, il n'en est résulté, pour l'instant, aucune traduction concrète et les travaux sur la rédaction de l'ordonnance sont prévus pour le début de l'année 2019, en vue de finaliser un texte avant le printemps 2019. En réponse aux questions de votre rapporteur, l'Agence des participations de l'État se borne à indiquer que « les modalités précises de régulation seront élaborées dans le projet d'ordonnance. Elles seront ainsi discutées avec les parlementaires dans le cadre de la consultation qui sera organisée lors de l'élaboration de l'ordonnance » 586 ( * ) .

Dans ces conditions, le Gouvernement demande au Parlement d'autoriser la cession au secteur privé de La Française des jeux et de lui laisser carte blanche pour revoir la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard.

À cet égard, les indications données par le Gouvernement semblent en partie contradictoires : tout en garantissant que la future autorité sera investie de larges pouvoirs, susceptibles de correspondre à un « contrôle étroit », il évalue à cinq équivalents temps plein (ETP) les moyens supplémentaires par rapport à la structure actuelle de l'ARJEL. Dotée de 55 agents, l'ARJEL exerce aujourd'hui ses compétences sur les seuls jeux en ligne, qui représentent un produit brut des jeux de 8,4 milliards d'euros en 2016, contre 22,2 milliards d'euros pour la Française des jeux et le PMU réunis. De surcroît, le régulateur britannique pris en exemple par le Gouvernement emploie , à titre de comparaison, près de 300 agents 587 ( * ) .

Outre l'autorégulation pratiquée par La Française des jeux, la stratégie de l'entreprise transférée au secteur privé pourrait évoluer .

Une régulation adaptée doit conduire à prendre en compte ce risque, dans la mesure où La Française des jeux a jusqu'ici fait le choix de privilégier un modèle de jeu extensif , basé sur un élargissement du bassin de joueurs récréatifs engageant de petites mises. C'est d'ailleurs ce que souligne le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, dans un courrier adressé à la présidente-directrice générale de la Française des jeux, Stéphane Pallez, le 18 janvier 2018 : cette orientation « s'inscrit dans une perspective de promotion des jeux les moins problématiques et d'élargissement du bassin de joueurs [...] au détriment d'une pratique intensive du jeu ».

Cette stratégie s'appuie sur une distribution en points de vente caractérisée par un fort maillage territorial et la prédominance d'acteurs référents : les buralistes et les distributeurs de presse.

Compte tenu de l'incertitude sur le contenu de la future ordonnance, rien ne garantit le législateur qu'un opérateur privé sera contraint à opérer le même choix . Dans un contexte où le nombre de joueurs de La Française des jeux a diminué de près de 15 % en dix ans , une stratégie intensive pourrait être privilégiée .

Il en résulterait un double écueil :

- des risques accrus de comportements addictifs , au détriment de la santé et de l'ordre publics ;

- une fragilisation des distributeurs et de leur rôle essentiel dans les territoires , puisque dans 60 % des cas, les points de vente de La Française des jeux constituent le dernier commerce implanté dans la commune 588 ( * ) .

c) Une fiscalité obsolète et non ajustée en loi de finances pour 2019 : le spectre d'un chèque en bois pour les finances publiques

L'ensemble des personnes rencontrées par votre rapporteur a souligné l'inadéquation du régime fiscal actuel de La Française des jeux avec son transfert au secteur privé.

Une refonte du régime fiscal applicable constitue donc un préalable indispensable à l'opération de cession, sans laquelle aucun investisseur potentiel ne serait susceptible de s'engager.

Pour autant, aucune disposition de ce type n'est prévue dans la loi de finances pour 2019.

De fait, rappelant que « la cession ne pourra pas intervenir à régime fiscal constant », l'Agence des participations de l'État indique à votre rapporteur que « les modifications envisagées font à l'heure actuelle l'objet d'un travail de rédaction avec le Conseil d'État, ce qui explique le retard pris par la présentation de ces dispositions » 589 ( * ) .

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le Gouvernement envisagerait une refonte globale de la fiscalité des jeux d'argent et de hasard, avec un changement d'assiette des mises au produit brut des jeux - à savoir les mises retranchées des gains des joueurs.

Ces éléments confirment le constat de votre rapporteur de l'impréparation du projet du Gouvernement.

Les incertitudes entourant le régime fiscal futur des jeux sont d'autant plus préjudiciables qu'il s'agit d'une re cette importante pour les finances publiques , évaluée à 5,5 milliards d'euros en 2018 590 ( * ) , dont 60 % pour La Française des jeux. Ce montant représente près du quart des recettes nettes d'impôt sur les sociétés en 2018.

En parallèle, le Gouvernement répond aux critiques de céder une entreprise rentable au secteur privé en soulignant que seules les recettes fiscales importent. Devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, affirmait promptement que « on nous accuse de vendre les bijoux de famille, et de faire perdre de l'argent à l'État. Pardon, mais c'est grotesque ! Ce qui rapporte de l'argent, c'est la fiscalité. Or la fiscalité et donc les recettes resteront strictement les mêmes : l'État continuera à toucher 3 à 3,5 milliards d'euros par an sur les recettes de La Française des jeux. Il perdra certes les dividendes, soit 90 millions d'euros. Mais ce n'est pas ce qui compte, car ce qui compte, ce sont ces milliards d'euros de recettes fiscales. Là-dessus, je ne pense donc pas qu'il y ait de difficultés » 591 ( * ) .

Si le principe d'une refonte de la fiscalité est acquis, rien ne garantit le Législateur que ses modalités préserveront, en dynamique et pour chaque segment de jeux, les recettes fiscales actuelles.

Une difficulté majeure demeure donc, dans la mesure où le régime fiscal n'a guère été précisé entretemps et aucune information n'a été communiquée à votre rapporteur.

3. Assurer l'information étayée du Parlement sur le projet du Gouvernement pour permettre un débat éclairé

Compte tenu de ces lacunes, votre rapporteur considère que les conditions d'un débat éclairé sur la cession de cette entreprise historique ne sont pas réunies à ce stade.

À cet égard, les propos du ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, le 14 janvier dernier selon lequel le temps presse pour opérer ces privatisations afin de financer l'innovation « de rupture » 592 ( * ) doivent être nuancés. En effet, le fonds pour l'innovation et l'industrie, créé par voie réglementaire en janvier 2018, est déjà opérationnel et a déjà reçu près de 210 millions d'euros au titre de 2018 pour soutenir l'innovation 593 ( * ) .

Votre rapporteur tient à délier le récit gouvernemental : les privatisations envisagées ne conditionnent pas la capacité de la France à financer l'innovation.

Il n'y a donc pas d'urgence à procéder à la privatisation de la Française des jeux. Comme le précisait le ministre de l'économie et des finances lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2017 visant à créer une majoration exceptionnelle d'impôt sur les sociétés pour apurer le contentieux de la « taxe à 3 % » sur les revenus distribués, « nous devons prendre le temps de garantir la robustesse juridique des dispositifs votés » 594 ( * ) .

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement COM-539 supprimant l'article.

Les trois préalables développés précédemment - périmètre des droits, modalités de régulation et de « contrôle étroit » et régime fiscal des jeux - doivent être précisés à la représentation nationale avant que celle-ci puisse se prononcer sur l'opportunité de transférer l'entreprise au secteur privé.

Alors que l'exigence de compréhension et de transparence des décisions collectives s'impose, il importe que le Gouvernement assure l'information étayée du Parlement.

Votre commission a supprimé l'article 51.

Article 51 bis (supprimé)
(art. 5 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture
à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard)
Renforcement de la prévention du jeu des mineurs

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel qui permet aux détaillants de jeux d'argent et de hasard de disposer d'une base légale pour refuser de vendre à des mineurs des jeux d'argent et de hasard.

Le présent article insère deux alinéas dans l'article 5 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Le premier alinéa réaffirme l'interdiction de vendre ou d'offrir gratuitement à des mineurs des jeux d'argent et de hasard sur les hippodromes et dans les points de vente autorisés à commercialiser des jeux de loterie, des jeux de pronostics sportifs ou des paris sur les courses hippiques proposés au public.

Le second alinéa permet aux personnes physiques qui commercialisent directement les jeux de hasard mentionnés précédemment d'exiger du client qu'il établisse la preuve de sa majorité . Concrètement, elles pourront exiger une pièce d'identité pour contrôler son âge.

II. La position de votre commission

Votre commission partage le souci de l'Assemblée nationale de protéger les mineurs face aux jeux d'argent et de hasard.

Toutefois, la disposition proposée n'a aucun lien, même indirect, avec l'objet du présent projet de loi qui porte sur la croissance et la transformation des entreprises.

En conséquence, votre commission a adopté l' amendement COM-356 supprimant le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 51 bis .

Sous-section 3
ENGIE
Article 52
(art. L. 111-49 et L. 111-68 [abrogé] du code de l'énergie)
Suppression du seuil minimal de détention par l'État du capital d'Engie
et allègement de la contrainte de détention du capital de GRTgaz

I. Le droit en vigueur

Depuis la transformation de Gaz de France en société anonyme en 2004 595 ( * ) , l' obligation de détention par l'État d'une part minimale du capital de l'entreprise 596 ( * ) est passée de « plus de 70 % » en 2004 à « plus du tiers » en 2006 - ce qui permettait sa privatisation 597 ( * ) - et à « plus de 30 % » en 2013 598 ( * ) (art. L. 111-68 du code de l'énergie).

Depuis la loi du 29 mars 2014 599 ( * ) , ce seuil doit être respecté en capital ou en droits de vote et peut être temporairement franchi à la baisse à la condition qu'il soit de nouveau respecté dans un délai de deux ans.

De fait, entre septembre 2017 et avril 2018, l'État ne détenait plus que 24,1 % du capital et 28,1 % des droits de vote d'Engie ; grâce aux droits de vote double, la part de l'État dans les droits de vote est remontée, à part du capital inchangée, à 34,8 % à compter du 4 avril 2018. Après la cession de 0,45 % du capital opérée en juillet dernier, l'État contrôle désormais 23,6 % du capital et 34,5 % des droits de vote .

Depuis décembre 2007 600 ( * ) , l'État détient aussi, en application de l'article L. 111-69 du code de l'énergie, une action spécifique qui lui permet de s'opposer à toute décision d'Engie ou de ses filiales de droit français qu'il jugerait contraire aux « intérêts essentiels de la France dans le secteur de l'énergie relatifs à la continuité et à la sécurité d'approvisionnement en énergie » et qui aurait « pour objet, directement ou indirectement, de céder sous quelque forme que ce soit, de transférer l'exploitation, d'affecter à titre de sûreté ou garantie, ou de changer la destination [de certains actifs 601 ( * ) ] ».

Le droit en vigueur (art. L. 111-49 du code de l'énergie) prévoit par ailleurs que le capital de GRTgaz , filiale d'Engie et principal gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel en France 602 ( * ) , ne peut être détenu que par « GDF-Suez, l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public » .

GRTgaz est aujourd'hui détenu à 75 % par Engie et à 25 % par un consortium public composé de CNP assurances, CDC Infrastructure et la Caisse des Dépôts.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose de supprimer ou d'alléger les contraintes de détention du capital d'Engie et de sa filiale GRTgaz.

Selon le Gouvernement, le droit actuel « présente des inconvénients importants et mérite d'être réformé » 603 ( * ) :

- ces contraintes sont jugées disproportionnées dans la mesure où d'autres dispositifs suffisent déjà à garantir la continuité et la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel : action spécifique détenue par l'État et, plus généralement, régulation du secteur qui s'est encore renforcée, récemment, à l'occasion de la réforme de l'accès aux infrastructures de stockage 604 ( * ) ;

- elles mobilisent inutilement des capitaux que l'État actionnaire pourrait réinvestir ailleurs, en particulier pour financer l'innovation de rupture au travers du fonds pour l'innovation et l'industrie créé début 2018 ; bien qu'aucun calendrier de cession des parts de l'État dans Engie n'ait été annoncé, il est prévu que le produit de cette vente vienne à terme capitaliser ce fonds ; au 30 juin 2018, la participation de l'État dans Engie représentait une valeur de 7,7 milliards d'euros , soit 10 % du portefeuille coté de l'État ;

- enfin, ces contraintes empêchent de fait toute augmentation de capital d'Engie ou de GRTgaz pour financer des projets de développement ou, dans le cas de GRTgaz, nouer des partenariats industriels avec d'autres acteurs européens, dès lors que l'État ne peut ou ne souhaite pas souscrire à ces augmentations de capital.

Concrètement, il est proposé d'abroger l'article L. 111-68 pour supprimer toute obligation de présence minimale de l'État au capital d'Engie (2°) et d' alléger la contrainte de détention du capital de GRTgaz à l'article L. 111-49 (1°), en prévoyant qu'Engie, l'État ou des entreprises et organismes du secteur public devront détenir la majorité, et non plus la totalité, du capital .

Alors que la détention d'une action spécifique permet déjà à l'État de s'opposer à une cession par Engie de sa participation dans GRTgaz, le Gouvernement indique avoir écarté l'option d'une suppression de tout seuil de détention dans GRTgaz en raison des « vives oppositions syndicales et politiques » 605 ( * ) qu'elle pourrait susciter.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En première lecture, les députés ont adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur ne voit pas d'objection à la suppression ou à l'allègement des contraintes de détention du capital d'Engie et de GRTgaz proposées par le présent article, dès lors qu'elles faciliteront le développement de ces entreprises et dans la mesure où la puissance publique dispose d'autres instruments pour assurer la continuité et la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel.

Il fait toutefois observer que pour que l'État continue à disposer d'une action spécifique au capital d'Engie et puisse, le cas échéant, exercer les droits qui y sont attachés, encore faut-il s'assurer que l'État détiendra au moins une action au capital .

En conséquence, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-344 formalisant dans la loi la condition minimale à remplir pour la détention d'une action spécifique , soit la détention d'au moins une action qui puisse lui servir de support. Comme dans le droit actuel, le principe comme les droits attachés à cette action spécifique, dont la nécessité et la proportionnalité doivent pouvoir être réévalués régulièrement, continueront à relever du pouvoir réglementaire.

Votre commission a adopté l'article 52 ainsi modifié .

Article 52 bis A
Déploiement expérimental de réseaux
et d'infrastructures électriques intelligents

I. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en séance publique par un amendement de notre collègue députée Célia de Lavergne (La République en Marche) sous-amendé par les rapporteurs, cet article entend appliquer la logique du « bac à sable réglementaire » 606 ( * ) au déploiement de réseaux et d'infrastructures électriques intelligents (souvent résumés sous le terme de smart grids ).

Concrètement, il s'agit de permettre à des acteurs de l'énergie de tester des produits ou des modèles économiques innovants dans un environnement réel mais en s'exonérant d'un certain nombre de contraintes juridiques , pour lesquelles des dérogations temporaires leur seraient accordées, le tout sous la supervision du régulateur.

Dans son I, l'article fixe le cadre général du dispositif :

- les dérogations seraient accordées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ou par l'autorité administrative 607 ( * ) , chacune dans son domaine de compétence et par décision motivée ;

- elles porteraient sur les conditions d'accès aux réseaux et sur leur utilisation telles qu'elles résultent, comme précisé au II, des titres II (transport et distribution) et IV (accès et raccordement aux réseaux) du livre III (dispositions relatives à l'électricité) du code de l'énergie, et sauf dispositions contraires au plan européen ou d'ordre public au plan national ;

- elles auraient pour objet de « mener à bien un déploiement expérimental de réseaux et d'infrastructures électriques intelligents » ; avant qu'un sous-amendement ne supprime cette précision, il était proposé de viser des « technologies émergentes » définies comme pouvant être commercialisées et dont le niveau d'énergie produit, consommé ou transitant par elles représenterait moins de 0,1 % de la consommation nationale ;

- ces dérogations seraient accordées pour quatre ans maximum et dans les cinq ans suivant l'adoption de la loi, avec une obligation de mise en conformité , à l'issue de l'expérimentation, avec les obligations auxquelles il aurait été dérogé ;

- enfin, le déploiement visé devrait contribuer à l'atteinte des objectifs de la politique énergétique 608 ( * ) et ne pourrait déroger aux principes relatifs au droit d'accès aux réseaux publics .

Le III prévoit une obligation d'information des participants sur le caractère expérimental de l'opération et sur les modalités de mise en conformité à l'issue de l'expérimentation, ainsi que la nécessité de prévoir les « conditions techniques et opérationnelles nécessaires au développement et à la sécurité des réseaux ».

Le IV prévoit qu'à la réception d'une demande de dérogation, la CRE en informe sans délai le ministre chargé de l'énergie et, le cas échéant, le ministre chargé de la consommation qui peuvent s'opposer dans un délai de deux mois à l'octroi de tout ou partie de ces dérogations.

Enfin, le V dispose que la CRE est chargée de rendre compte annuellement de l'avancement des expérimentations et d'en fournir une évaluation à leur issue.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à la mise en place d'un « bac à sable réglementaire » telle que proposée au présent article. Pour répondre aux défis de la transition énergétique, il importe en effet de pouvoir tester des technologies, des services ou des modèles d'affaires innovants dans un cadre réglementaire aux contraintes allégées, à titre expérimental et sous la supervision des pouvoirs publics .

Votre rapporteur observe qu' un tel modèle existe depuis 2017 en Angleterre dans le secteur de l'énergie, sous l'égide du régulateur anglais, l'Ofgem ( Office of Gas and Electricity Markets ), et qu'il a permis à des industriels ou à des start-ups de mener des projets expérimentaux. En France, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) peut aussi, sous certaines conditions, alléger temporairement, et pour une durée maximale de deux ans, les obligations d'un opérateur afin de l'accompagner dans le développement d'une technologie ou d'un service innovants.

De nombreuses expérimentations peuvent d'ores et déjà être envisagées dans le domaine de l'énergie, qu'il s'agisse par exemple d'accélérer le déploiement de réseaux intelligents, de tester des dispositifs de gestion optimisée du stockage de l'électricité, d'accompagner le développement de la mobilité électrique, etc., l'allègement temporaire des contraintes réglementaires devant permettre à la fois de gagner du temps et de réduire le coût des projets .

En outre, l'approbation préalable des projets par la CRE, la possibilité pour les ministres chargés de l'énergie ou de la consommation de s'y opposer, les conditions d'information des participants, la supervision de l'avancement des projets par le régulateur ou la nécessité de prévoir les modalités de mise en conformité à l'issue de l'expérimentation encadrent la mise en oeuvre de ces dispositions de façon satisfaisante .

Votre rapporteur juge enfin que le principe du « bac à sable réglementaire » pourrait utilement être étendu au gaz , par exemple pour mener à bien des expérimentations dans le cadre du développement du biométhane.

Sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté :

- un amendement COM-345 permettant aux acteurs du gaz de demander à bénéficier de ce nouveau cadre ;

- un amendement COM-346 permettant de renouveler une fois les dérogations accordées, pour quatre ans maximum ;

- un amendement COM-349 prévoyant que lorsque les dérogations portent sur les missions des gestionnaires de réseaux, ceux-ci sont associés à l'expérimentation ainsi qu'à son suivi et à son évaluation ;

- enfin, un amendement COM-347 disposant que le suivi et l'évaluation des expérimentations par la Commission de régulation de l'énergie doivent être rendus publics .

Votre commission a adopté l'article 52 bis A ainsi modifié .

Article 52 bis
(Intitulé de la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier,
art. L. 111-48, L. 111-49, L. 111-69, L. 111-70, L. 111-71, L. 121-46
et L. 133-4 du code de l'énergie)
Dénomination d'Engie dans le code de l'énergie

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article introduit en commission par le groupe La République en Marche procède à un toilettage du code de l'énergie pour tenir compte du changement de dénomination sociale de l'entreprise GDF-Suez, devenue Engie depuis le 29 juillet 2015. Il remplace donc, là où c'est nécessaire, les termes « GDF-Suez » ou « Gaz de France » par le terme « Engie ».

II. La position de votre commission

Compte tenu de la modestie de son objet, cet article n'appelle pas d'opposition de principe.

Votre rapporteur ne peut toutefois s'empêcher d'observer son absence de portée juridique - les dispositions en question restaient applicables malgré le changement de nom de l'entreprise - et son effet plus que mesuré sur la croissance et la transformation des entreprises .

Votre commission a adopté l'article 52 bis sans modification .

Article 52 ter
(art. L. 221-7 du code de l'énergie)
Éligibilité aux certificats d'économies d'énergie
des installations classées soumises au marché européen
d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre

I. Le droit en vigueur

Les actions d'économies d'énergie réalisées dans les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises au système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (système dit « ETS » 609 ( * ) ) sont aujourd'hui exclues du bénéfice des certificats d'économies d'énergie (CEE), dans la mesure où le marché de quotas incite déjà leurs exploitants à faire des économies d'énergie .

Le dispositif des CEE impose aux vendeurs d'énergie (les « obligés ») des obligations d'économies d'énergie dont ils peuvent s'acquitter soit en réalisant directement ou indirectement des opérations d'économies d'énergie auprès de leurs clients et des autres consommateurs d'énergie (ménages 610 ( * ) , collectivités territoriales ou professionnels), soit en acquérant des CEE auprès d'acteurs dits « éligibles » qui réalisent eux-mêmes des opérations d'économies d'énergie.

La liste des personnes éligibles à la délivrance de CEE est fixée à l'article L. 221-7 du code de l'énergie : sont visés, outre les obligés eux-mêmes, les collectivités publiques, l'Agence nationale de l'habitat, les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux. Le même article prévoit par ailleurs explicitement que les économies d'énergie réalisées dans les ICPE sous ETS « ne donnent pas lieu à délivrance de certificats d'économies d'énergie ».

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en commission par un amendement du groupe La République en Marche, cet article entend revenir sur cette exclusion en permettant la délivrance de CEE pour les actions d'économies d'énergie réalisées dans les ICPE soumises au marché ETS . Il est ainsi proposé de modifier l'article L. 221-7 pour ajouter ces actions à la liste des opérations éligibles et supprimer leur exclusion explicite.

Selon les auteurs de l'amendement, qui rappellent que les ICPE sous ETS représentent environ 10 % de la consommation énergétique nationale, la mesure est justifiée par la nécessité de mener « des actions renforcées [pour atteindre] les objectifs ambitieux de réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre ». Il est aussi précisé que d'autres États membres appliqueraient déjà cette règle pour des dispositifs équivalents.

Enfin, il est prévu qu' un décret fixe les catégories d'installations concernées et les conditions et modalités de délivrance de ces CEE 611 ( * ) afin de « ne déséquilibrer ni le dispositif des CEE ni le système des quotas d'émission de gaz à effet de serre, et en évitant les effets d'aubaine ».

III. La position de votre commission

Sur le fond, votre rapporteur observe que l'objectif de la mesure est louable : en ouvrant le bénéfice des CEE aux actions d'économies d'énergie réalisées dans les ICPE sous ETS, cet article permettra de disposer d'un nouveau gisement très significatif d'actions d'économies d'énergies éligibles aux CEE. Elle sera bénéfique à la fois pour les exploitants , qui pourront financer une partie de leurs actions d'efficacité énergétique par ce biais, et pour les obligés eux-mêmes , dans un contexte de croissance continue des volumes d'obligations à réaliser d'une période des CEE à l'autre qui nécessite d'aller chercher de nouveaux gisements. Ce cumul est autorisé par le droit européen et déjà mis en oeuvre dans d'autres pays européens, les exemples de l'Italie et du Luxembourg étant cités.

Il importera toutefois que le décret d'application soit bien calibré pour éviter de déstabiliser l'un ou l'autre des deux systèmes - qui globalement fonctionnent bien, malgré parfois quelques insuffisances 612 ( * ) - et se prémunir de tout effet d'aubaine qui reviendrait à payer deux fois la même économie d'énergie, le coût des CEE et des quotas carbone étant d'une façon ou d'une autre répercuté dans le prix final payé par le consommateur, sachant que les entreprises ou sites électro-intensifs qui mettent en oeuvre une politique de performance énergétique bénéficient déjà d'un autre type de soutien, sous la forme d'une réduction du tarif d'utilisation du réseau.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le Gouvernement prévoit bien d'expérimenter une ouverture encadrée et progressive des CEE aux ICPE sous ETS : il est en particulier envisagé, à ce stade, de ne viser que des opérations spécifiques, réalisées dans des entreprises certifiées ISO 50001, en installant des équipements de mesure pour s'assurer de la réalité des économies d'énergie obtenues, et de limiter cette ouverture aux seuls secteurs éligibles à l'affectation de quotas à titre gratuit , ce qui exclurait le secteur de la production d'électricité et éviterait donc de déstabiliser le marché ETS, où ce secteur est très actif.

Sur la forme, votre rapporteur estime que le présent article n'est pas sans lien avec l'objet du présent projet de loi : l'éligibilité des ICPE sous ETS aux CEE comporte une forte dimension industrielle dès lors qu'elle contribue à l'amélioration de leur efficacité énergétique et donc de leur compétitivité. Il ne s'agit pas, ici, de revenir sur l'économie générale des CEE, qui relèverait davantage d'un texte spécifiquement dédié aux problématiques énergétiques, mais seulement d'élargir la liste des actions éligibles à un secteur économique particulier, dans un objectif de croissance et de transformation des entreprises .

Votre commission a adopté l'article 52 ter sans modification .

Article 52 quater
(art. L. 515-48 [nouveau] du code de l'environnement)
Possibilité d'adapter les règles du code de l'environnement
pour simplifier la constitution et le fonctionnement
de plateformes industrielles

I. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en commission par un amendement de notre collègue député Damien Adam (La République en Marche) sous-amendé par les rapporteurs, cet article entend permettre d' adapter les dispositions « réglementaires » - au sens des dispositions non législatives - du code de l'environnement à la situation des installations présentes sur une plateforme industrielle .

Pour ce faire, il est proposé d'ajouter au chapitre du code de l'environnement consacré aux dispositions particulières à certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) une nouvelle section composée d'un article unique L. 515-48 qui :

- pose un principe général d'adaptation possible des dispositions réglementaires du code ; l'exposé des motifs de l'amendement précise que « ces adaptations ne devraient pas conduire à remettre en cause le niveau des exigences en matière de prévention des risques et des pollutions et de protection de l'environnement, ni les principes de responsabilité résultant du code de l'environnement » ;

- propose une définition des plateformes industrielles , soit « le regroupement d'installations, sur un territoire délimité et homogène, conduisant, par la similarité ou la complémentarité des activités de ces installations, à la mutualisation de la gestion de certains des biens et des services qui leur sont nécessaires », la liste des plateformes devant être fixée par arrêté du ministre chargé des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

L'objectif consiste, selon l'auteur de l'amendement, à « simplifier la vie des entreprises » et à « créer un statut incitatif et favorable » à ces plateformes pour tenir compte de la mise en commun de certains moyens (traitement des effluents, production des utilités telles que l'électricité, l'eau, la vapeur ou les gaz industriels, etc .).

En traitant isolément le cas de chaque entreprise, la réglementation actuelle conduirait à « des coûts et des lourdeurs » qui remettent en cause le bénéfice attendu de la mutualisation, y compris sur le plan environnemental : sont ainsi cités la possibilité de valoriser des sous-produits d'une activité au sein d'autres unités industrielles présentes sur la plateforme ou la limitation du transit, souvent routier, de coproduits parfois dangereux, de nature à réduire les risques pour l'environnement.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable, sur le principe , à la possibilité d'adapter les dispositions réglementaires du code de l'environnement aux particularités d'installations regroupées sur des plateformes, qui sont effectivement placées dans une situation spécifique du point de vue de la prévention des pollutions et des risques.

Il a par ailleurs reçu du Gouvernement l'assurance qu'il s'agirait bien d' adapter ces règles à des situations particulières, et non de procéder à proprement parler à des dérogations ou à des assouplissements . Il est en particulier bien exclu que les rejets polluants puissent être globalisés au niveau d'une plateforme, ce qui reviendrait à créer des « droits à polluer indifférenciés » : si certaines responsabilités pourront être mutualisées - plan d'urgence coordonné, station commune de traitement des effluents, etc. -, les rejets de chaque installation seront toujours contrôlés individuellement.

Si l'adaptation de dispositions réglementaires ne relève pas, par définition, de la loi, la présente disposition législative s'avère toutefois nécessaire pour asseoir et unifier le concept de plateforme, et assurer ainsi une application cohérente et homogène des adaptations sur l'ensemble du territoire.

Votre rapporteur a seulement proposé à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-348 de portée uniquement rédactionnelle , qui consiste à définir la notion de plateforme industrielle avant de poser le principe d'une adaptation possible des règles applicables aux installations qui s'y regroupent.

Votre commission a adopté l'article 52 quater ainsi modifié .

Article 52 quinquies
(art. L. 221-5, L. 221-7 et L. 221-27 du code monétaire et financier)
Fléchage du livret A vers le financement de la transition énergétique
et la réduction de l'empreinte climatique

I. Le droit existant

1. L'épargne réglementée

L'épargne réglementée désigne des produits se caractérisant par une disponibilité permanente et une rémunération non soumise à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux 613 ( * ) .

Il existe essentiellement deux produits majeurs :

- le livret A , issu du livret de caisse d'épargne créé en 1818, qui constitue un des premiers produits d'épargne à grande échelle. Réservé à certains réseaux historiques 614 ( * ) , le livret A est distribuable dans l'ensemble des établissements bancaires depuis le 1 er janvier 2009 615 ( * ) (article L. 221-1 du code monétaire et financier) ;

- le livret de développement durable et solidaire (LDDS) , introduit par la loi du 8 juillet 1983 616 ( * ) sous l'appellation de compte pour le développement industriel (Codevi).

Le tableau ci-après détaille les principales caractéristiques de ces deux livrets.

Principales caractéristiques des livrets d'épargne réglementée

Personnes concernées

Plafond

Encours fin 2017

Livret A

Personnes physiques mineures et majeures
(un par personne)
et certaines personnes morales (associations)

22 950 euros (personnes physiques)

76 500 euros (personnes morales)

251,7 milliards d'euros (personnes physiques)

18,8 milliards d'euros (personnes morales)

Livret de développement durable et solidaire

Personnes physiques majeures

12 000 euros

103,9 milliards d'euros

Source : commission spéciale

Les caractéristiques du livret de développement durable et solidaire sont, pour l'essentiel, calquées sur celles du livret A.

Leur taux d'intérêt est fixé par voie réglementaire ; il est de 0,75 % depuis le 1 er août 2015 et devrait être maintenu à ce niveau jusqu'au 31 janvier 2020, conformément à l'arrêté du 27 novembre 2017 617 ( * ) .

L'utilisation des encours collectés sur ces deux produits d'épargne est encadrée par l'article L. 221-5 du code monétaire et financier :

- une partie des sommes collectées est centralisée au fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations afin d'assumer sa mission de financement du logement social et de la politique de la ville. La loi fixe un rapport minimal de 125 % entre le montant des ressources centralisées au fonds d'épargne et le montant des prêts que ce dernier consent au logement social et à la politique de la ville. Défini selon des modalités complexes 618 ( * ) , le taux de centralisation s'élevait à 59,5 % fin 2017 619 ( * ) . Les établissements de crédit perçoivent une rémunération en contrepartie de cette centralisation (article L. 221-6 du code monétaire et financier), fixée à 0,3 % ;

- les sommes non centralisées , conservées au bilan des établissements bancaires, font l'objet de critères d'utilisation, ou « fléchage » , spécifiques introduits lors de l'ouverture à la concurrence du livret A.

2. Les critères d'utilisation des ressources non centralisées

L'article L. 221-5 du code monétaire et financier précise que « les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire et non centralisées [...] sont employées par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, au financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens ainsi qu'au financement des personnes morales relevant de l'article 1 er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. En outre, chaque année, lorsque le montant total des sommes déposées sur les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations augmente, l'établissement de crédit concerné doit consacrer au moins les trois quarts de l'augmentation constatée à l'attribution de nouveaux prêts aux petites et moyennes entreprises . »

Il en résulte un triple fléchage des ressources non centralisées , à destination :

- des petites et moyennes entreprises (PME) ;

- des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens ;

- des personnes morales de l'économie sociale et solidaire .

Les deux premiers fléchages résultent de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 620 ( * ) ; le troisième a été introduit par la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 » 621 ( * ) .

À défaut de mesure d'application, ce nouveau fléchage n'est toutefois pas entré en vigueur.

Le fléchage à destination des PME est encadré par un ratio réglementaire d'emploi, à savoir le montant des prêts de l'établissement de crédit en faveur des PME rapporté à l'encours des ressources collectées au titre de l'épargne réglementée et non centralisées. Ce ratio est fixé à au moins 80 % 622 ( * ) . En pratique, les établissements le satisfont largement, puisque le ratio agrégé pour l'ensemble des établissements s'élève à 218 % en 2017. Il en va de même du ratio d'attribution de nouveaux crédits, fixé à 75 % par l'article L. 221-5 du code monétaire et financier.

S'agissant des travaux d'économie d'énergie, le ratio réglementaire d'emploi des ressources est fixé à 10 %. Cependant, comme le souligne l'observatoire de l'épargne réglementée, « il est impossible de mesurer précisément le financement direct ou indirect des travaux d'économie d'énergie puisque les crédits à l'habitat ancien concernent le plus souvent de façon indifférenciée et fongible plusieurs types de travaux » 623 ( * ) .

Pour apprécier le respect de ces critères, les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire sont soumis à deux obligations complémentaires prévues à l'article L. 221-5 du code monétaire et financier :

- la publication annuelle d'un rapport présentant l'emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées, avant le 31 mars de chaque année ;

- la transmission trimestrielle au ministre chargé de l'économie d'une information écrite sur les concours financiers accordés à l'aide de ces ressources , dont le contenu est précisé par l'arrêté du 4 décembre 2008 précité 624 ( * ) .

Sur la base de ces informations, il revient à l'observatoire de l'épargne réglementée 625 ( * ) , au titre de ses missions de suivi de la généralisation de la distribution du livret A prévue à l'article L. 221-9 du code monétaire et financier, de veiller au respect de ces obligations d'emploi 626 ( * ) .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Bénédicte Peyrol, avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, qui l'a sous-amendé.

Il procède à deux modifications .

Premièrement, il prévoit de modifier le fléchage des ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire (LDDS) actuellement prévu pour les « travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens », en substituant à cette mention celle de « projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique ».

À cet effet, le a du 1° et le 2° du présent article modifient respectivement les articles L. 221-5 et L. 221-27 du code monétaire et financier relatifs au livret A et au LDDS.

Deuxièmement, il complète le contenu du rapport que les établissements distribuant le livret A et le LDSS doivent, en application du quatrième alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, publier chaque année afin de présenter l'emploi des ressources collectés par ces deux livrets et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations.

Le b du 1° du présent article précise ainsi qu'outre l'emploi de ces ressources, ce rapport doit indiquer leur efficacité et leurs performances au regard des objectifs définis dans la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone en application de l'article L. 221-1 B du code de l'environnement. Contrairement aux obligations actuellement prévues, il ne s'agit pas d'une simple publication de données, mais d'une évaluation de la performance des ressources ainsi consacrées à la transition énergétique.

III. La position de votre commission

1. Un fléchage des ressources non centralisées cohérent avec les particularités de l'épargne réglementée

L'épargne réglementée constitue un produit majeur et populaire de placement financier des ménages français. Parmi les produits de taux 627 ( * ) , l'épargne réglementée présente un encours proche de 970 milliards d'euros à la fin 2017, derrière l'assurance-vie en euros, dont l'encours atteint 1 582 milliards d'euros.

Le traitement fiscal et social spécifique appliqué à l'épargne réglementée s'explique historiquement par la centralisation de l'encours collecté auprès de la Caisse des dépôts et consignations afin de soutenir la construction de logements. Ce modèle traditionnel réservait toutefois la distribution du livret A au réseau historique, ce qui a conduit à sa remise en question par la Commission européenne au regard des exigences communautaires relatives à la concurrence 628 ( * ) .

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 629 ( * ) a généralisé la distribution du livret A à l'ensemble des établissements de crédit. En parallèle de cette extension, il a été décidé que seule une partie des ressources ainsi collectées serait centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Sur une initiative parlementaire, des critères d'utilisation des ressources non centralisées ont toutefois été introduits , en cohérence avec les objectifs de soutien à certaines politiques publiques assignés à ces supports d'épargne.

Les deux objectifs retenus , le soutien aux petites et moyennes entreprises ainsi que les travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens, font l'objet d'un consensus.

Pour autant, le second critère se révèle en pratique trop large pour respecter l'intention initiale du législateur. Comme le relève l'observatoire de l'épargne réglementée, il est impossible de distinguer, parmi des travaux de rénovation, ceux qui permettent d'enregistrer des économies d'énergie.

2. Un recentrage cohérent pour répondre à l'impératif d'accompagnement de nos concitoyens sur la voie de la transition énergétique

Dans cette perspective, votre rapporteur approuve la précision proposée pour le second critère , conduisant à flécher une partie des ressources non centralisées vers le financement de projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique. Il en résultera d'une part une orientation plus directe vers les projets ayant un impact positif sur la transition écologique et d'autre part une meilleure capacité d'évaluer l'impact de ce fléchage.

Cette évolution est cohérente avec le choix initial du critère , opéré dans le contexte particulier des ambitions du Grenelle de l'environnement.

Conjuguée à l'annonce par le ministre de l'économie et des finances relative aux ressources des LDDS centralisées 630 ( * ) , elle constitue un élément de réponse aux importants besoins de financement nécessaires pour accompagner l'économie et la société sur le chemin de la transition énergétique.

Votre rapporteur est convaincu que pour réussir cette mutation fondamentale, il est en effet impératif d'investir dans des projets de recherche, mais également dans des mesures concrètes d'accompagnement de nos concitoyens.

Pour autant, en parallèle du recentrage du critère, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale modifie le cadre en vigueur pour apprécier l'utilisation des ressources non centralisées.

Actuellement, la répartition des rôles est clairement définie par le code monétaire et financier. Les établissements de crédit sont tenus de faire part de leur respect des ratios réglementaires d'utilisation des ressources, de présenter l'emploi qu'elles en font ainsi que de transmettre des données trimestrielles. C'est ensuite à l'observatoire de l'épargne réglementée qu'il revient d'exploiter des éléments pour veiller au respect des obligations d'emploi.

Cet équilibre est bouleversé par le dispositif adopté , dans la mesure où il est demandé aux établissements de crédit eux-mêmes d'apprécier l'efficacité et la performance de l'emploi de ces ressources au regard des objectifs de la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone.

Votre rapporteur estime que cette mission échoit à l'observatoire de l'épargne réglementée , dont les rapports annuels s'attachent à mesurer l'efficacité des obligations d'emploi sur la base des données transmises par les établissements de crédit.

En conséquence, votre commission a adopté l' amendement COM-329 .

Votre commission a adopté l'article 52 quinquies ainsi modifié .

Article 52 sexies
(art. L. 111-47 du code de l'énergie)
Possibilité pour les gestionnaires de réseaux de transport de gaz
de vendre des prestations de recherche et développement

I. Le droit en vigueur

Le 1 er janvier 2018, le principal gestionnaire de réseau de transport de gaz naturel en France, GRTgaz, a repris une partie des activités de recherche et développement d'Engie , sa maison-mère, consacrées aux infrastructures gazières, pour créer son propre centre de recherche.

Cette opération d'internalisation partielle a répondu à une demande de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) 631 ( * ) de renforcement de l'indépendance de GRTgaz vis-à-vis d'Engie, consistant à réduire le volume des relations contractuelles avec l'entreprise verticalement intégrée ; les contrats relatifs à l'opération ont ensuite été approuvés par le régulateur 632 ( * ) .

Concrètement, l'opération s'est traduite par le transfert d'une centaine de personnes (docteurs, chercheurs et techniciens) et d'actifs matériels (laboratoires d'analyses de la qualité du gaz notamment) et immatériels (54 innovations et 330 brevets) 633 ( * ) . Baptisé RICE 634 ( * ) , ce nouveau centre travaille principalement sur les questions de sécurité et de performance industrielles ainsi que sur les gaz renouvelables (biométhane ou hydrogène).

Une partie de l'activité transférée est réalisée pour le compte de clients tiers , opérateurs d'infrastructures gazières ou équivalentes, et GRTgaz prévoit de poursuivre cette offre de service.

L'article L. 111-47 du code de l'énergie énumère aujourd'hui limitativement les activités annexes que peuvent exercer les gestionnaires de réseaux de transport de gaz :

- activité directe, en France, de construction et d'exploitation de réseaux de gaz naturel ou d'installations de gaz naturel liquéfié, ou activité de transport de CO 2 et de stockage de gaz ;

- activité indirecte 635 ( * ) , en France, dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen, de construction et d'exploitation des mêmes réseaux ou toute activité de gestion d'un réseau d'électricité et de valorisation des infrastructures ;

- prises de participation dans des bourses d'échange de gaz naturel ;

- enfin, toute activité industrielle, commerciale, financière, civile, mobilière ou immobilière qui se rattache directement à l'une de ces activités, dans ou hors Union européenne.

Même si le champ des activités autorisées est large et inclut bien, de fait, les activités de recherche et développement considérées , y compris lorsqu'elles s'exercent dans le champ concurrentiel, il existerait toutefois un risque d'interprétation divergente susceptible de remettre en cause l'exercice de ces activités par GRTgaz.

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en séance publique par un amendement de notre collègue députée Christine Hennion (La République en Marche), cet article entend sécuriser juridiquement la reprise par GRTgaz d'une partie des activités de recherche d'Engie, y compris lorsqu'elle se traduit par la vente de prestations à des tiers.

Il prévoit ainsi d'ajouter à la liste des activités annexes autorisées aux gestionnaires de réseaux de transport de gaz - donc à GRTgaz mais aussi potentiellement à l'autre transporteur français Teréga, qui opère dans le sud-ouest - « toute activité industrielle, commerciale, financière, civile, mobilière ou immobilière [...] ayant trait aux activités de recherche et développement réalisées directement par les gestionnaires de réseaux qui concourent aux objectifs [de la politique énergétique] ».

III. La position de votre commission

Bien que le droit actuel permette déjà à un gestionnaire de réseau de transport de gaz d'exercer des activités de recherche et développement, votre rapporteur juge que la clarification proposée par le présent article n'est pas inutile .

Il ne doute pas que le régulateur sera vigilant pour éviter toute subvention croisée entre, d'une part, les activités régulées relevant des missions d'un transporteur de gaz, et couvertes en tant que telles par le tarif d'utilisation du réseau, et, d'autre part, celles qui relèvent du domaine concurrentiel.

Sur la forme, le lien même indirect avec le texte initial, dont l'article 52 traite du capital de GRTgaz, peut également être admis.

Votre commission a adopté l'article 52 sexies sans modification .

Sous-section 4
Ressources du fonds pour l'innovation de rupture
Article 53
(art. 1er A, 1er, 2 et 4 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement)
Augmentation du nombre de représentants de l'État
au conseil d'administration de l'établissement public Bpifrance

I. Le droit existant

1. L'établissement public à caractère industriel et commercial Bpifrance

L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Bpifrance a remplacé en 2013 636 ( * ) l'Epic OSEO créé en 2005. C'est à travers cet établissement que l'État détient, à parité avec la Caisse des dépôts et consignations, la société anonyme Bpifrance .

Le schéma ci-après illustre l'organisation et la répartition du capital du groupe Bpifrance.

Structure simplifiée du groupe Bpifrance et de son actionnariat

Source : Cour des comptes, « Bpifrance, une mise en place réussie, un développement à stabiliser,
des perspectives financières à consolider », rapport public thématique, novembre 2016.

L'article 1 er de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement précise que l'EPIC Bpifrance a deux objectifs principaux :

- promouvoir et soutenir l'innovation , ainsi que contribuer au transfert de technologies ;

- favoriser le développement et le financement des petites et moyennes entreprises (PME).

À ce titre, outre son rôle pour porter la participation de l'État dans le capital de Bpifrance SA, l'EPIC Bpifrance exerce deux missions principales :

- il garantit les émissions effectuées par Bpifrance financement ;

- il joue le rôle d'opérateur pour le compte de l'État , dans le cadre de conventions, par exemple au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA).

Pour exercer ces missions, l'article 4 de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée énumère les ressources dont il bénéficie , à savoir :

- le montant des rémunérations qui lui sont versées par ses filiales, les sociétés dont il détient une participation ou toute société dont l'État détient, directement ou indirectement, au moins 50 % du capital, en paiement des prestations et services qu'il assure pour leur compte ;

- les dividendes et autres produits des participations qu'il détient dans ses filiales ou dans les sociétés dans lesquelles il détient une participation ;

- la rémunération des missions qu'il exerce directement en son nom propre ou pour le compte de tiers ;

- des concours financiers de l'État et des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics ;

- tous autres concours financiers .

La gouvernance de l'EPIC Bpifrance est précisée à l'article 2 de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée : il est administré par un conseil d'administration composé d'un président et de cinq représentants de l'État nommés par décret.

Le décret du 18 novembre 2015 637 ( * ) complète ces dispositions en indiquant que les représentants de l'État sont désignés :

- pour deux membres, sur proposition du ministre chargé de l'économie ;

- pour un membre chacun, sur proposition respective des ministres chargés du budget, de l'industrie et de la recherche.

Il en résulte que la composition actuelle du conseil d'administration de l'EPIC Bpifrance comprend un représentant de chacune des entités administratives suivantes : la direction générale du Trésor, l'Agence des participations de l'État, la direction du budget, la direction générale des entreprises et la direction générale de la recherche et de l'innovation.

2. La création du fonds pour l'innovation et l'industrie

Au sein de l'EPIC Bpifrance, il a été créé en janvier 2018 un fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

Ce fonds traduit les annonces du Gouvernement relatives au « fonds pour l'innovation de rupture » abondé par le produit tiré de la cession de participations de l'État dans certaines entreprises 638 ( * ) .

Le fonds pour l'innovation et l'industrie a reçu, au cours du mois de janvier 2018, une dotation hybride :

- une dotation en numéraire d'un montant de 1,6 milliard d'euros 639 ( * ) ;

- un prêt de titres de participation détenus par l'État au sein du capital de la société EDF , représentant 13,3 % du capital, et au sein du capital de la société Thalès 640 ( * ) , soit 25,8 % du capital 641 ( * ) , représentant environ 8,4 milliards d'euros .

L'Agence des participations de l'État (APE) indique toutefois que le prêt de ces titres par l'État est opéré à titre temporaire , dans l'attente du produit de cessions ultérieures de participations, telles qu'envisagées par le présent projet de loi pour Aéroports de Paris et la Française des Jeux.

Les modalités de placement de la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation et l'industrie ont été précisées en août 2018 par arrêté 642 ( * ) . Concrètement, il a été ouvert un compte dans les écritures du Trésor , où seront logées « les dotations non consomptibles que l'État versera à l'établissement public Bpifrance dans le cadre de la constitution du fonds pour l'innovation et l'industrie » (article 2 de l'arrêté du 7 août 2018).

Il est prévu un rendement de 2,5 % par an, avec un mécanisme d'ajustement au 1 er janvier 2023 valable pour le passé et pour l'avenir .

En pratique, le taux d'intérêt annuel du compte sera révisé en fonction du taux de l'OAT à 50 ans. Si ce dernier est inférieur à 2,5 %, la rémunération devra être ajustée pour correspondre aux conditions de marché.

Surtout, la révision s'appliquera également à titre rétroactif puisque l'ajustement tiendra compte « d'un éventuel trop versé durant la période courant des versements intervenus à compter de l'ouverture du compte jusqu'au 31 décembre 2022 » (article 3).

En l'état actuel de ses ressources précisées par l'article 4 de l'ordonnance du 29 juin 2005 643 ( * ) , l'EPIC Bpifrance ne peut toutefois pas percevoir les intérêts tirés du placement de la dotation numéraire auprès du Trésor. Seuls les dividendes tirés des titres de participation prêtés par l'État peuvent être utilisés par le fonds pour l'innovation et l'industrie, pour un montant de 206,5 millions d'euros en 2018.

Les modalités de son soutien sont détaillées dans l'encadré ci-après.

Le soutien du fonds pour l'innovation et l'industrie

Les revenus du Fonds, soit 250 millions d'euros par an, seront employés au financement de l'innovation de rupture. Conformément aux recommandations de la mission sur les aides à l'innovation, deux priorités sont retenues :

- un tiers des crédits, soit 70 millions d'euros par an, sera orienté vers l'écosystème d'innovation des PME et start-up, particulièrement dans le domaine des deep tech (start-up à forte intensité technologique). Ce soutien sera confié à Bpifrance ;

- les deux autres tiers des crédits, soit 160 millions d'euros par an, seront consacrés au financement des grands défis, afin de créer ou d'orienter les filières vers des secteurs à forts enjeux technologiques et sociétaux (intelligence artificielle, mobilité, santé, cyber-sécurité). Le Conseil de l'innovation, instance interministérielle de concertation et de définition des axes stratégiques de la politique en faveur de l'innovation coprésidée par les ministres de l'économie et de la recherche, doit arrêter la liste des grands défis, en s'appuyant sur une consultation des administrations et des acteurs des écosystèmes d'innovation.

Source : commission spéciale

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose au législateur de ratifier le dispositif imaginé par le Gouvernement et déjà partiellement mis en oeuvre consistant à transférer le produit tiré de la cession de participations de l'État vers « un fonds pour l'innovation de rupture ».

1. L'extension des recettes de l'EPIC Bpifrance avec effet rétroactif

Si le fonds pour l'innovation et l'industrie, créé depuis le 15 janvier 2018 et placé auprès de l'EPIC Bpifrance, a reçu une dotation hybride en numéraire et en titres, en l'état du droit, il ne peut percevoir le produit financier de cette dotation.

Le II du présent article propose de compléter l'article 4 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement, afin d' ajouter à la liste des ressources de l'EPIC Bpifrance « le produit financier des résultats du placement de ses fonds » (1 du II du présent article). De façon accessoire, il est proposé de préciser la formule générale actuellement inscrite, constituée de « tous autres concours financiers », au profit de « toutes autres recettes autorisées par les lois et règlements ».

Par ailleurs, le III du présent article précise que les intérêts des placements sont calculés à compter de la date de placement des fonds de l'EPIC Bpifrance sur un compte rémunéré . De fait, le compte rémunéré ayant été ouvert par l'arrêté du 7 août 2018, une fois la loi promulguée, l'EPIC Bpifrance pourrait percevoir le produit financier généré depuis cette date, soit 12,3 millions d'euros 644 ( * ) au titre de l'exercice 2018.

2. L'augmentation du nombre de représentants de l'État au conseil d'administration de l'EPIC Bpifrance

Le I du présent article propose de modifier l'article 2 de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée, afin de porter de 5 à 6 le nombre de représentants de l'État au conseil d'administration de l'EPIC Bpifrance. Il est précisé dans l'étude d'impact annexée au présent projet de loi que ce nouveau représentant sera désigné par décret sur proposition du Secrétaire général pour l'investissement.

En pratique, il s'agit d'une mesure de coordination résultant de la création du fonds pour l'innovation et l'industrie , au sein duquel le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) assurera un rôle de coordination et de suivi de l'utilisation des revenus que le présent article propose de lui attribuer.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement de précision rédactionnelle de notre collègue députée Marie Lebec, rapporteure, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Philippe Bolo et plusieurs de ses collègues du groupe Mouvement démocrate (Modem), avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement complétant les missions de Bpifrance en mentionnant explicitement le soutien à la création d'entreprise .

Concrètement, il est proposé de compléter l'article 1 er A et l'article 1 er de l'ordonnance du 29 juin 2005 645 ( * ) , en inscrivant que Bpifrance accompagne et promeut les entreprises dans leur développement « depuis leur création ».

IV. La position de votre commission

Le présent article concrétise la stratégie du Gouvernement proposée par le présent projet de loi consistant à céder des titres de participation dans différentes entreprises 646 ( * ) afin d'abonder un fonds pour l'innovation .

Ce mécanisme fait l'objet d'une rhétorique volontiers moderniste , puisqu'il doit marquer la fin d'une gestion « en bon père de famille [des] actifs de l'État dans un certain nombre d'entreprises » 647 ( * ) au profit d'un soutien à « l'innovation de rupture ». Ce soutien serait assuré par les intérêts tirés de la dotation initiale en numéraire du fonds, à hauteur de 10 milliards d'euros.

Votre rapporteur tient toutefois à distinguer les éléments du récit gouvernemental .

Cette stratégie n'est pas gravée dans le marbre : nul besoin, en effet, de céder des titres de participation pour garantir un soutien à l'innovation . Conformément au principe d'universalité budgétaire, ce soutien peut être opéré directement par crédit budgétaire ; il peut également l'être par un fléchage des dividendes tirés des participations financières de l'État.

Dès lors, si la nécessité de préparer notre pays aux évolutions futures ne semble guère devoir faire l'objet de débats, les modalités du soutien méritent d'être soigneusement examinées.

1. Le choix d'une débudgétisation en réponse à une carence budgétaire

De façon préalable, votre rapporteur rappelle l'origine ancienne du projet de fonds pour l'innovation. Il trouve sa genèse dans la proposition d'un responsable de programme confronté à l'érosion progressive de sa dotation budgétaire.

En effet, le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur « la Banque publique d'investissement Bpifrance » publié en septembre 2015 indique qu'afin « de soutenir l'effort global de la Bpi en faveur de l'innovation, cette dernière a présenté un projet visant à instaurer une fondation dont la dotation budgétaire reposerait sur les dividendes assis sur un portefeuille d'actions actuellement détenues par l'Agence des participations de l'État. Ce système alternatif aurait pour but de compenser la baisse constatée de la dotation budgétaire du programme 192 et ainsi de permettre à la Bpi de verser davantage d'aides individuelles ».

Toutefois, « si les membres de la mission d'information comprennent la démarche de Bpifrance et partagent son inquiétude relative à la baisse de la dotation budgétaire, ils n'adhèrent cependant pas à la création d'une fondation dont le fonctionnement, tel qu'il est actuellement envisagé, conduirait à institutionnaliser un mécanisme de débudgétisation qui n'apparaît conforme ni aux règles de la loi organique relative aux lois de finances ni aux principes de vote et de contrôle du Parlement sur l'ensemble du budget » 648 ( * ) .

Il peut à cet égard être relevé que le soutien prévu du fonds pour l'innovation et l'industrie, s'élevant à 250 millions d'euros par an, correspond au montant moyen de la dotation à Bpifrance portée par le programme 192 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au cours des dix derniers exercices.

Contrairement à la dotation portée par le programme 192, le soutien apporté par le fonds n'associerait nullement le Parlement.

Ce choix s'effectue donc au détriment des prérogatives de la représentation nationale.

2. Un mécanisme opportuniste, opérant une réduction artificielle de l'endettement de l'État

Comme l'a mis en évidence notre collègue Victorin Lurel 649 ( * ) , rapporteur spécial des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », le mécanisme se traduit par une réduction artificielle de l'endettement de l'État.

Selon les indications de Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, « ce fonds servira, pour 10 milliards d'euros, au désendettement de l'État . On me dira que cela ne représente que 0,5 % de l'intégralité de la dette de l'État, mais tout ce qui va dans le sens du désendettement va dans le bon sens [...]. La dette au sens maastrichtien du terme est une dette nette des actifs investis dans des actifs liquides. Les liquidités du fonds viendront donc en déduction de la dette au sens maastrichtien du terme. De manière très concrète, elles vont donc réduire d'autant les besoins de financement de l'État, donc les émissions de dette de l'État . Certes, 0,5 point en moins, c'est modeste, mais c'est nécessaire alors que notre dette atteint pratiquement 100 % de la richesse nationale » 650 ( * ) .

De fait, la réduction de la dette publique à hauteur de 0,5 point de PIB qui résultera des cessions de participations équivaut quasiment à l'infléchissement de la dette publique inscrit d'ici 2020 dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 651 ( * ) .

Encore ce montant agrégé masque-t-il surtout des dynamiques contraires selon les sous-secteurs d'administrations publiques. Le mécanisme proposé par le présent article aurait pour effet de contenir la progression prévue de l'endettement des administrations publiques centrales (APUC), dont le ratio d'endettement augmente entre 2018 et 2020, passant de 78,3 % du PIB à 81,7 % du PIB, soit une hausse de 3,4 points de PIB en trois ans. À défaut du fonds pour l'innovation et l'industrie, ce seraient près de 4 points de PIB de hausse.

3. Préparer l'avenir en compromettant la prochaine mandature

Au-delà de l'effet opportuniste du fonds sur l'endettement de l'État, les modalités même du fonds soulèvent des difficultés .

Ainsi que cela a été précisé ci-avant, son soutien annuel de 250 millions d'euros proviendrait du rendement de sa dotation en numéraire de 10 milliards d'euros.

Toutefois, ce rendement est parfaitement artificiel.

En effet, du point de vue budgétaire, le rendement du fonds sera retracé au titre de la charge de la dette 652 ( * ) . Si, pour reprendre les termes du ministre, il s'agit de « prévoir l'avenir de nos enfants » 653 ( * ) , ces derniers devront in fine en assumer le prix.

Le tableau ci-après récapitule les principales conséquences du présent article sur le budget et l'endettement de l'État.

Présentation simplifiée des conséquences du fonds pour l'innovation et l'industrie pour le budget et l'endettement de l'État

Situation actuelle

Situation proposée

Budget de l'État

Ressources

Dividendes ADP et FDJ versés en numéraire

250 millions d'euros par an en moyenne 2015-2017

Perte des dividendes ADP et FDJ, soit une baisse des recettes non fiscales du budget général de 250 millions d'euros par an (moyenne 2015-2017)

Dépenses

Dotation à Bpifrance portée par le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »

137 millions d'euros par an en moyenne 2015-2017

Majoration de 250 millions d'euros de la charge de la dette résultant de la rémunération de la dotation en numéraire du FII

Hors budget de l'État

Dépense de 250 millions d'euros par le FII au titre du soutien à l'innovation

Endettement de l'État

Montant X

Montant en diminution, égal à
X - 10 milliards d'euros

Source : commission spéciale

Votre rapporteur conteste en particulier le taux d'intérêt annuel du compte ouvert par l'arrêté du 7 août 2018 précité, fixé à 2,5 % .

Les justifications qui lui ont été transmises par le Gouvernement sont, à ce propos, contradictoires : il est indiqué, d'une part, que ce taux est défini « en observant le taux d'intérêt moyen de ces obligations [à 50 ans] ces dernières années, lequel est proche de 2,5 % » et, d'autre part, que « l'obligation de maturité 50 ans présente actuellement un taux d'intérêt inférieur à 2,5 %, mais les perspectives de remontée des taux laissent envisager une évolution de ce taux vers sa moyenne de long terme » 654 ( * ) .

De fait, deux éléments doivent être relevés :

- la dernière émission d'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 50 ans date du 25 mai 2016, contractée à un taux de 1,75 % ;

- une hausse de 13 % des taux d'OAT à long terme 655 ( * ) peut être observée entre le 25 mai 2016 et la date à laquelle l'arrêté fixant le taux d'intérêt du compte a été publié.

Par construction, ces éléments auraient dû conduire à fixer le taux d'intérêt du compte à 2 % 656 ( * ) . L'Agence France Trésor indique à cet égard que le taux actualisé de l'OAT 50 ans s'établit à 1,9 %.

Un tel taux aurait réduit le soutien à l'innovation apporté par le fonds à 200 millions d'euros par an. Or, lors des premières annonces du Gouvernement, Bruno Le Maire envisageait un montant de cet ordre 657 ( * ) .

En fixant le taux d'intérêt à 2,5 %, le Gouvernement a donc privilégié le court terme, à rebours de ce qu'il déclare poursuivre par ce mécanisme.

En effet, l'article 3 de l'arrêté du 7 août 2018 précité prévoit un mécanisme d'ajustement du rendement du fonds, opportunément activé à partir du 1 er janvier 2023 . Le taux d'intérêt du compte sera alors révisé pour tenir compte des conditions de marché et, à titre rétroactif, la rémunération sera « ajustée pour tenir compte d'un éventuel trop versé durant la période courant des versements intervenus à compter de la signature du présent arrêté jusqu'au 31 décembre 2022 ».

En pratique, si le taux d'intérêt moyen des OAT à 50 ans entre 2018 et 2022 est inférieur à 2,5 %, la rémunération des années suivantes sera amputée en compensation. Le graphique ci-après illustre les conséquences d'un tel mécanisme dans le cas où le taux moyen constaté était équivalent au taux actuel, soit 2 % : en trois ans, le soutien du fonds aurait été indûment majoré de 150 millions d'euros, soit 25 % par an .

Ajustement projeté du soutien effectif
du fonds pour l'innovation et l'industrie en 2023

Note de lecture : l'ajustement est calculé sur la base d'un taux d'intérêt de 2 %, conforme à l'évolution des taux des OAT à 30 ans observée entre la dernière émission d'une OAT à 50 ans le 25 mai 2016 et la publication de l'arrêté du 7 août 2018 précité. Par hypothèse, l'intégralité de l'ajustement est imputé sur le rendement de l'année 2023, les modalités de l'ajustement devant faire l'objet d'une convention conclue entre l'État et Bpifrance (article 3 de l'arrêté précité).

Source : commission spéciale

4. Le nécessaire choix du pragmatisme : concilier intérêts budgétaires et préparation de l'avenir

Compte tenu de ces éléments, votre rapporteur s'est longuement interrogé sur le présent article, en prenant en compte deux considérations :

- d'une part, de façon concrète, le dispositif se limite à l'ajout d'un type de ressources pour l'EPIC Bpifrance et à l'ajustement de la composition de son conseil d'administration. La création du fonds pour l'innovation et l'industrie ainsi que les modalités du placement de sa dotation en numéraire relèvent du domaine réglementaire et sont déjà effectives ;

- d'autre part, si la débudgétisation entourant le mécanisme doit être critiquée, l'innovation doit être soutenue : il y va de la capacité de notre pays à faire face aux évolutions du numérique et à développer de nouveaux relais de croissance.

Dans ces conditions, le fonds pour l'innovation et l'industrie peut constituer un élément de réponse pertinent en ce qu'il aura vocation à soutenir des projets plus risqués que ceux actuellement financés (voir l'encadré ci-avant présentant les deux axes de son action).

Le soutien budgétaire global à l'innovation est estimé à 2,5 milliards d'euros par an selon le rapport sur les aides à l'innovation de mars 2018 établi dans le cadre de la création du fonds 658 ( * ) . En ce sens, le soutien supplémentaire à l'innovation apporté par le fonds, représentant environ 10 % de l'ensemble des soutiens budgétaires préexistants, « ne conduit pas à un changement d'échelle dans les moyens de la politique d'aides directes à l'innovation » 659 ( * ) .

L'objectif essentiel relevé par les auteurs de ce rapport n'est pas tant d'accroître ce soutien que d' « assurer une réelle stabilité dans les soutiens mis en place ».

Telle est d'ailleurs la justification essentielle apportée par le Gouvernement au choix de procéder à la cession de participations financières de l'État dans des entreprises. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, indique ainsi : « on me dit qu'on pourrait prendre les dividendes d'Aéroports de Paris ou d'autres entreprises publiques pour financer le fonds. Je reconnais que la question peut se poser, mais j'affirme que le choix que nous avons fait est sans doute le plus protecteur des intérêts de l'État et des Français parce que nous garantissons la stabilité du rendement à 2,5 %, soit 250 millions d'euros chaque année [...] pour le financement de l'innovation de rupture. Je rappelle que le rendement de ces entreprises publiques n'est pas stable, par définition. [...] Or, en matière de financement des innovations de rupture, nous avons besoin de stabilité » 660 ( * ) .

Néanmoins, cet argument semble bien fragile au regard du pari du Gouvernement s'agissant de la rémunération de la dotation en numéraire du fonds.

Il peut également être répondu au ministre que le montant annuel moyen des dividendes perçus par l'État d'ADP et de la FDJ au cours des dix dernières années s'établit à près de 190 millions d'euros, avec un écart de 25 % maximum à cette moyenne selon les exercices.

Il est tout à fait possible de garantir la stabilité d'un rendement de 250 millions d'euros annuels à partir des dividendes perçus par l'État actionnaire.

Le Gouvernement confirme d'ailleurs cette possibilité par sa décision de doter à titre transitoire le fonds pour l'innovation et l'industrie de participations n'ayant pas vocation à être cédées afin de doter le fonds d'une capacité d'action dès 2018 661 ( * ) .

C'est pourquoi votre rapporteur estime préférable de supprimer, à ce stade, l'extension des recettes de l'EPIC Bpifrance proposée par le présent article et de prolonger la situation actuelle. En conséquence, votre commission a adopté l'amendement COM-540 .

Il pourrait certes être argué que ce mécanisme ne prémunit pas contre l'instabilité éventuelle du dividende tiré des titres prêtés par l'État à l'EPIC Bpifrance.

Une double réponse pourrait toutefois être apportée :

- d'abord, la même difficulté existe s'agissant du mécanisme proposé par le Gouvernement, au risque d'un ajustement brutal à partir de 2023 en fonction des conditions de marché ;

- ensuite, dans le cas où cette solution ne se révèlerait pas satisfaisante à terme, une autre possibilité de capitalisation du fonds, sans procéder à des cessions complémentaires, pourrait être envisagée à l'appui du rapport sur les aides à l'innovation de mars 2018 avec les retours des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Il est ainsi indiqué que « l'État reçoit des différents programmes d'investissements d'avenir engagés des retours des prêts, avances remboursables et investissements en fonds propres consentis. Le rattachement du fonds pour l'innovation et l'industrie au grand plan d'investissement invite à ce que ces retours viennent au fil du temps compléter les 10 milliards d'euros de capital du fonds. [Ils représentent], selon une première estimation, près de 3 milliards d'euros à échéance du quinquennat, et près de 8 milliards d'euros sur les dix prochaines années » 662 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 53 ainsi modifié.

Article 53 bis A (supprimé)
(art. 1er A de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement)
Précision des missions de la Banque publique d'investissement

I. Le droit existant

Le groupe Bpifrance, dont le capital est détenu à parité par l'État, via l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Bpifrance, et la Caisse des dépôts et consignations, est organisé sous forme d'une holding de tête, la société anonyme Bpifrance , qui agit au travers de ses filiales , à savoir :

- un établissement de crédit, Bpifrance financement , en matière de financement en crédit des entreprises ;

- Bpifrance participations et Bpifrance investissement , pour les interventions en fonds propres.

L'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement 663 ( * ) détermine le statut, les missions et l'organisation du groupe.

En particulier, son article 1 er A, reproduit dans l'encadré ci-après, liste les différentes missions et les objectifs du groupe Bpifrance .

Article 1 er A de l'ordonnance du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement

« La Banque publique d'investissement est un groupe public au service du financement et du développement des entreprises , agissant en appui des politiques publiques conduites par l'État et conduites par les régions.

« En vue de soutenir la croissance durable, l'emploi et la compétitivité de l'économie, elle favorise l'innovation, l'amorçage, le développement, l'internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises , en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres.

« Elle oriente en priorité son action vers l'entreprenariat féminin, les très petites entreprises, les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, en particulier celles du secteur industriel et celles du secteur touristique.

« Elle investit de manière avisée pour financer des projets de long terme .

« Elle accompagne la politique industrielle nationale, notamment pour soutenir les stratégies de développement de filières. Elle participe au développement des secteurs d'avenir, de la conversion numérique et de l'économie sociale et solidaire.

« Elle apporte son soutien à la mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique .

« Elle favorise une mobilisation de l'ensemble du système bancaire sur les projets qu'elle soutient.

« Elle mène son action en coopération, en tant que de besoin, avec la Banque européenne d'investissement.

« Elle développe une offre de service et d'accompagnement des entreprises tout au long de leur développement.

« Elle peut stabiliser l'actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l'économie française. »

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue député Pierre-Alain Raphan (LREM) et malgré une double demande de retrait de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit en séance publique un nouvel article visant à préciser les missions de la Banque publique d'investissement .

Le présent article propose de compléter l'article 1 er A de l'ordonnance du 29 juin 2005 afin de préciser que la Banque publique d'investissement « contribue également au développement de l'innovation de rupture , notamment dans les domaines économiques, sociaux et managériaux ».

III. La position de votre commission

Le présent article complète la liste des objectifs du groupe Bpifrance , en ajoutant qu'il contribue au développement de l'innovation de rupture.

Cette mention s'inscrit certes dans le cadre de la création du fonds pour l'innovation et l'industrie, parfois désigné sous le terme de « fonds pour l'innovation de rupture ».

Pour autant, elle n'étend guère le périmètre des objectifs déjà assignés à Bpifrance au sein de l'article 1 er A de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée. En effet, il est indiqué que Bpifrance « favorise l'innovation, l'amorçage, le développement [...] des entreprises » en vue de soutenir la croissance durable et l'emploi, ce qui recouvre donc le rôle que le Gouvernement propose de confier à Bpifrance par la création du fonds pour l'innovation et l'industrie.

Dans ces conditions, la modification envisagée par le présent article est dépourvue de portée et relève davantage d'un bavardage législatif qu'il convient de prévenir. C'est pourquoi votre rapporteur a proposé à la commission spéciale de supprimer cet article ; la commission a adopté l'amendement COM-330 .

Votre commission a supprimé l'article 53 bis A.

Article 53 bis
(art. L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales)
Simplification de l'organisation de Bpifrance

I. Le droit existant

Dans le cadre de leurs compétences en matière économique, les régions peuvent participer au capital de sociétés dans les conditions de l'article L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales.

Cette participation est toutefois strictement encadrée puisqu'elle n'est possible que pour entrer au capital d'un établissement de crédit ou d'une société de financement ayant pour objet exclusif de garantir les concours financiers accordés à des personnes privées, et sous réserve qu'au moins un établissement de crédit ou une société de financement participe également au capital de ladite société.

La participation de la région au capital d'un établissement de crédit ou d'une société de financement vise à lui permettre d'abonder par subvention la constitution d'un fonds de garantie auprès de cette entité, avec laquelle elle passe une convention déterminant l'objet, le montant et le fonctionnement dudit fonds.

En pratique, pour la constitution de fonds régionaux de garantie, les régions ont recours à Bpifrance Régions , dont elles détiennent 0,012 % du capital, le reste étant détenu par Bpifrance financement, établissement de crédit. Bpifrance Régions est administrée par un conseil d'administration, au sein duquel les régions disposent de la moitié des sièges 664 ( * ) .

Chaque région décide de financer un fonds régional de garantie en fonction de ses priorités économiques. Les fonds régionaux de garantie gérés par Bpifrance interviennent systématiquement en complément des fonds nationaux , pour un montant équivalent. Ils permettent ainsi d'augmenter la quotité de prêt garantie jusqu'à 70 %, ce qui facilite l'accès des entreprises au crédit pour les projets à risque élevé.

Bpifrance Régions collecte et gère les ressources que les régions allouent à la garantie de prêts bancaires . Le tableau ci-après détaille les montants d'accord en risque garantis par les régions via ce mécanisme depuis 2013.

Montants de garantie accordés par les régions
via Bpifrance depuis 2013

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

223

246

245

238

301

Source : commission spéciale, à partir des données transmises par Bpifrance.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec, rapporteure, et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a introduit le présent article.

Il vise à permettre aux régions de confier directement à Bpifrance financement la gestion des fonds de garantie qu'elles constituent.

À cet effet, il modifie l'article L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales afin d' élargir les conditions dans lesquelles une région peut participer à la constitution de fonds de garantie .

Il est ainsi proposé de permettre aux régions de verser des subventions à des fonds de garanties auprès de Bpifrance financement ( 1 du présent article ), établissement de crédit, filiale de la société anonyme Bpifrance, mentionné au IV de l'article 6 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

Les 2 et 3 du présent article procèdent aux coordinations rendues nécessaires par cette extension au sein du même article L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales.

III. La position de la commission

Le présent article procède avant tout à une mesure de simplification de l'architecture du groupe Bpifrance en ouvrant la possibilité juridique aux régions de confier la gestion de leurs fonds de garantie directement à Bpifrance financement.

Votre rapporteur n'y voit pas de difficulté, dans la mesure où :

- d'une part, il ne s'agit que d'une possibilité offerte aux régions , qui pourront toujours recourir à Bpifrance Régions ;

- d'autre part, les régions participent à la gouvernance de Bpifrance , en siégeant à son conseil d'administration, où elles disposent de deux sièges sur les quinze 665 ( * ) .

Consultée par votre rapporteur, l'association représentative des régions, Régions de France, n'a transmis aucune observation face à ce dispositif technique qui pourrait toutefois, à terme, conduire à une extinction de Bpifrance Régions.

Votre commission a adopté l'article 53 bis sans modification .

Article 53 ter
(art. 7 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement)
Modification du conseil d'administration de Bpifrance

I. Le droit existant

Le groupe Bpifrance, dont le capital est détenu à parité par l'État, via l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Bpifrance, et la Caisse des dépôts et consignations, est organisé sous forme d'une holding de tête, la société anonyme Bpifrance , qui agit au travers de ses filiales , à savoir :

- un établissement de crédit, Bpifrance financement , en matière de financement en crédit des entreprises ;

- Bpifrance participations et Bpifrance investissement, pour les interventions en fonds propres.

Les articles 6 à 11 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement 666 ( * ) déterminent les missions, statuts et moyens d'action de la société anonyme Bpifrance.

L'article 7 de l'ordonnance du 29 juin 2005 porte ainsi sur la gouvernance de la société, administrée par un conseil d'administration comprenant quinze membres . La répartition est ainsi fixée :

- huit représentants des actionnaires , dont quatre représentants de l'État nommés par décret et quatre représentants de la Caisse des dépôts et consignations ;

- deux représentants des régions , nommés par décret sur proposition d'une association représentative de l'ensemble des régions ;

- deux personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière économique et financière ainsi que de développement durable, nommées par décret ;

- une personnalité qualifiée choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière, nommée par décret pour exercer les fonctions de directeur général de la société ;

- une femme et un homme représentants des salariés de la société et de ses filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital.

Il est précisé que la nomination des douze personnes , autres que celle assurant les fonctions de directeur général, doit respecter une stricte parité entre femmes et hommes.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet et de plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche et avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté le présent article.

Il propose de modifier l'article 7 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement 667 ( * ) portant sur la composition du conseil d'administration de la société anonyme Bpifrance afin de procéder à deux évolutions :

- d'une part , préciser que les représentants des actionnaires sont choisis en raison de leur compétence en matière économique et financière , afin de tenir compte des recommandations des superviseurs 668 ( * ) en ce qui concerne l'évaluation des compétences des membres du conseil d'administration de la société ;

- d'autre part, porter de quinze à seize le nombre d'administrateurs, en ajoutant une personnalité qualifiée supplémentaire choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière ainsi que de développement durable, qui serait également nommée par décret.

Par coordination, la règle de parité est modifiée , afin de préciser qu'elle s'apprécie d'une part pour les représentants de l'État, de la Caisse des dépôts et consignations et des régions (10 membres), et d'autre part pour les administrateurs indépendants (4 membres, dont la personne assurant les fonctions de directeur général).

III. La position de votre commission

Le présent article procède à un ajustement de la composition du conseil d'administratio n de la société anonyme Bpifrance, dans un double souci de mieux prendre en compte les exigences des superviseurs et les recommandations en matière de gouvernance des entreprises.

La précision selon laquelle les représentants des actionnaires doivent être choisis en raison de leurs compétences en matière économique et financière est cohérente avec le statut de l'entreprise, constituée sous forme de compagnie financière. En pratique, cette précision ne modifiera guère les désignations effectuées respectivement par l'État et la Caisse des dépôts et consignations, mais elle s'impose pour répondre aux exigences posées par le cadre réglementaire en matière d'évaluation des compétences des membres du conseil d'administration d'établissements financiers 669 ( * ) . Ces exigences n'existaient pas lors de la mise en place de Bpifrance début 2013.

Parallèlement, l'ajout d'un membre au conseil d'administration vise à prendre en compte les recommandations des codes de gouvernance d'entreprises afin de faciliter la constitution des comités spécialisés du conseil d'administration et la représentativité des différents administrateurs en leur sein.

Votre rapporteur prend acte des ajustements proposés.

Votre commission a adopté l'article 53 ter sans modification .

Sous-section 5
Évolution de la gouvernance de La Poste
Article 54
(art. 1er-2, 10, 10-1 [nouveau], 11, 44, 45 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, art. L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail, art. 34 de la loi n° 26-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire)
Suppression de la contrainte de détention par l'État de la majorité
du capital de La Poste et modification de la composition
de son conseil d'administration

Le présent article a pour objet de supprimer la contrainte de détention par l'État de la majorité du capital de la société anonyme La Poste, tout en prévoyant que l'intégralité de ce capital reste de détention publique ou salariée. La législation relative à la composition du conseil d'administration de la société et de ses filiales, aux personnels, au contrôle économique et financier de l'État, aux dispositions transitoires et à la compétence de la Caisse des dépôts en matière de conventions collectives est adaptée en conséquence.

I. Le droit en vigueur

1. Un cadre juridique spécifique

Le groupe La Poste est une société anonyme , au capital social de 3,8 milliards d'euros, Ses 950 millions d'actions sont détenues par l'État et la Caisse des dépôts et consignations. Né de la réforme de l'administration des Postes et Télécommunications (PTT), le groupe La Poste fait l'objet depuis 1991 d'un encadrement juridique particulier :

la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom avait acté la séparation de La Poste et de France Télécom, créant deux personnes morales de droit public à caractère spécifique. Elle fixe les grandes lignes du statut et de la gouvernance de La Poste ;

• la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales a modifié la loi de 1990 précitée pour transformer La Poste (alors considérée comme un établissement public industriel et commercial) en société anonyme, détenue majoritairement par l'État ;

• l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique fixe des règles communes aux sociétés dont l'État détient une partie du capital et s'applique subsidiairement au groupe La Poste ;

• à titre subsidiaire, les règles de droit commun du code de commerce s'appliquent à La Poste en tant que société anonyme ;

• les statuts du groupe La Poste déclinent les dispositions législatives et précisent les règles de gouvernance.

L'évolution du cadre juridique de la poste

Avant 1991 : une administration publique

Jusqu'à 1991, les services postaux font partie de l'administration publique des Postes et Télécommunications (PTT), rattachée au Ministère des Postes et Télécommunications. Le personnel des PTT a statut de fonctionnaire.

1991 : la transformation en personne morale de droit public, requalifiée en EPIC

Par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, les PTT sont transformés en deux personnes morales de droit public spécifiques, La Poste et France Télécom. Le personnel conserve son statut de fonctionnaire (à l'exception des nouveaux embauchés). En 1998, le Conseil d'État a qualifié La Poste d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).

2010 : la transformation en société anonyme dont l'État est actionnaire majoritaire

La loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales a modifié la loi de 1990 précitée pour transformer La Poste en société anonyme, celle-ci restant toutefois une entreprise publique. À l'initiative du Sénat, il a été prévu que l'État conserve la majorité des actions de la société.

Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché du courrier, la société est faite prestataire du service universel postal pour quinze ans. Les missions de service public de La Poste son réaffirmées, et la loi prévoit des contraintes de présence territoriale et la contractualisation avec l'État.

PJL PACTE : une société anonyme à l'actionnariat public

Le présent projet de loi PACTE prévoit la suppression de la contrainte de détention majoritaire du capital par l'État. Celui-ci devra néanmoins rester intégralement public (détenu par l'État ou la Caisse des dépôts) et salarié.

Source : commission spéciale

2. Des contraintes de détention du capital

L'article 1 er de la loi n°2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (créant un nouvel article 1 er -2 de la loi du 2 juillet 1990 précitée) a soumis le capital du groupe La Poste a des contraintes de détention spécifiques :

- l'État doit être actionnaire majoritaire ;

- les actionnaires salariés de La Poste ne peuvent détenir qu'une part minoritaire (aux termes de l'article 32 de la même loi) ;

- le reste du capital ne peut être détenu que par d'autres personnes morales de droit public.

Depuis 2010, le capital de la Poste est détenu à 73,68 % par l'État, et à 26,32 % par la Caisse des Dépôts et consignations. 670 ( * )

3. Une gouvernance encadrée par la loi

La société La Poste est dirigée par un conseil d'administration (CA) dont la composition et les missions sont encadrés par la loi.

Au titre de l'article 10 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom précitée, dans sa rédaction issue de l'article 39 de l'ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique , le CA de la société anonyme La Poste comprend entre 3 et 21 membres pour un mandat de cinq ans.

Dès lors que le capital n'est pas entièrement détenu par l'État 671 ( * ) , mais également par une autre personne morale de droit public (actuellement la Caisse des Dépôts), le CA doit être composé de :

- un tiers de représentants des salariés élus ;

- deux tiers de représentants nommés par l'assemblée générale des actionnaires . Leur composition doit être représentative de la répartition du capital ;

- un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers peuvent être nommés par décret, réduisant alors le nombre de représentants des actionnaires.

Les représentants des actionnaires doivent détenir ensemble la majorité des droits de vote au CA.

La composition du CA de la société anonyme La Poste est donc dérogatoire au régime général prescrit par l'ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, dans le cas des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation.

Le conseil d'administration de la société anonyme la poste

Dans sa composition actuelle, le CA de La Poste est constitué de 21 membres :

- le président du CA, également Président-directeur général du groupe La Poste, nommé par décret sur proposition du CA ;

- 8 représentants de l'État, actionnaire majoritaire à hauteur de 73,68 % (notamment du ministère de la culture, du Conseil d'État, de la direction du Budget, de l'Agence des Participations de l'État, et du Ministère de l'Économie) ;

- 3 représentants de la Caisse des dépôts et consignations, actionnaire minoritaire à hauteur de 26,32 % (dont son Directeur général) ;

- 2 administrateurs nommés par décret : la présidente de la Fédération des familles rurales de Basse Normandie, et la maire de Morlaix ;

- 7 représentants des salariés, issus de différents cadres et syndicats.

Le conseil d'administration est chargé de définir les orientations stratégiques du groupe. Il arrête également les comptes annuels et semestriels, autorise les opérations de croissance externe et de cession, les programmes d'investissement majeurs, et les conditions de l'intéressement du personnel. Il fonctionne par comités spécialisés. Un commissaire du Gouvernement (actuellement le Directeur général aux entreprises) assiste également à ses réunions.

Source : commission spéciale

4. Un projet de « grand pôle public de bancassurance »

Les activités bancaires, financières et d'assurance du groupe La Poste sont assurées par sa filiale La Banque Postale , créée le 31 décembre 2005. La Banque Postale est désormais l'une des cinq branches du groupe La Poste, aux côtés de la branche Services-Courrier-Colis, de GeoPost, du Réseau La Poste et de la branche Numérique.

La banque postale

À l'impulsion du Sénat, l'article 16 de la loi n°2005-516 du 20 mai 2005, relative à la régulation des activités postales a autorisé la création d'une filiale de la société anonyme La Poste, agréée en tant qu'établissement de crédit, qui se voit transférer toutes ses activités bancaires, financières et d'assurances. La loi a prévu que la majorité de son capital est détenue par La Poste.

Le 31 décembre 2005, La Banque Postale a ainsi été créée par transformation de l'entreprise d'investissement Efiposte, et a reçu la totalité des droits et obligations des services financiers de La Poste. Le capital de la Banque Postale est détenu à 100 % par le groupe La Poste.

La Banque Postale compte plus de 10,8 millions de clients particuliers et 408 000 professionnels, pour près de 182,7 milliards d'encours sous gestion. Elle s'appuie sur les 17 000 points de contact de La Poste implantés dans toute la France. Son résultat net est de 764 millions d'euros en 2017, et La Banque Postale contribue au chiffre d'affaires du groupe à hauteur de 23,4 %. Son capital social est de 4,05 milliards d'euros.

Source : commission spéciale.

Depuis sa création, les activités de La Banque Postale se sont largement diversifiées, puisque la filiale offre désormais trois types de prestations :

- en tant que banque de détail , elle fournit des produits à destination des particulier et es professionnels, ainsi que du secteur public local (livret A, crédits immobiliers, crédits à la consommation, crédits aux entreprises, microcrédits personnels) ;

- dans le secteur de la gestion d'actifs , elle fournit des produits d'épargne et d'investissement ;

- dans le secteur de l'assurance , elle fournit des produits en matière de prévoyance, d'assurance de santé, de dommages, ou encore des produits d'assurance collective.

La Banque Postale a elle-même pris des participations dans d'autres sociétés, certaines détenues à 100% (par exemple La Banque Postale Conseil en Assurances), d'autres partiellement mais également dans des partenaires commerciaux tels que CNP Assurances .

CNP assurances

CNP Assurances est une société anonyme, régie par le code des assurances, issue de la fusion de plusieurs anciennes caisses de prévoyance, d'assurance-vie et de retraite de la Caisse des dépôts et consignations. Elle se spécialise sur la conception et la gestion de contrats d'assurance-vie, d'assurance emprunteur et de prévoyance. CNP Assurance n'ayant pas de réseau de distribution en propre, ses produits sont distribués par ses deux principaux réseaux partenaires, la Caisse d'épargne et La Banque Postale.

Son capital de 686,62 millions d'euros est détenu à 40,8 % par la Caisse des dépôts et consignations, à 36,3 % par une holding de La Banque Postale et du groupe BCPE (Sopassure), à 1,1 % par l'État, et à 21,8 % par d'autres investisseurs institutionnels et individuels. Les performances de CNP Assurances alimentent à hauteur d'un tiers les résultats de la Caisse des dépôts, son principal actionnaire. À l'inverse, CNP Assurances détient également des parts dans des filiales du groupe La Banque Postale (c'est le cas de La Banque Postale Prévoyance).

Source : commission spéciale.

Le 30 août 2018, le Ministre de l'Économie Bruno Le Maire, a annoncé un projet de création d'un « grand pôle financier public au service des territoires » . Selon les communications du Gouvernement, l'opération permettant la constitution de ce pôle public de bancassurance se décomposerait en trois étapes (voir ci-dessous) :

• tout d'abord, l'apport par la Caisse des dépôts et par l'État au groupe La Poste de leurs participations au capital de CNP Assurances (à hauteur de 41,9%). Les fonds propres de La Poste seraient donc augmentés, ce qui modifierait la structure d'actionnariat du groupe en diluant le poids des participations de l'État (la Caisse des dépôts reprendrait par ailleurs les participations de l'Agence des participations de l'État) ;

• ensuite, l'apport par La Poste à sa filiale La Banque Postale des participations dans CNP Assurances ainsi acquises de la Caisse des dépôts et de l'État ;

• au terme de cette opération, la Caisse des dépôts remplacerait donc l'État comme nouvel actionnaire majoritaire du groupe La Poste, tandis que La Banque Postale deviendrait le nouvel actionnaire majoritaire de CNP Assurances.

L'objectif annoncé de ces opérations est, selon les communiqués du groupe La Poste, de renforcer le partenariat commercial existant entre La Poste et CNP Assurances et de soutenir la diversification du groupe . L'augmentation de ses participations au capital de CNP Assurances permettrait en effet à La Banque Postale d'augmenter son poids décisionnel auprès du fabriquant de contrats d'assurance. Le groupe précise toutefois que cette opération sera réalisée « tout en maintenant le modèle ouvert et multipartenarial de CNP Assurances » 672 ( * ) .

Représentation schématique de l'opération envisagée

Source : commission spéciale

II. Le texte du projet de loi

La rédaction initiale de l'article 54 du présent projet de loi ne visait qu'à modifier la taille et la composition du conseil d'administration (CA) du groupe La Poste.

Afin de préciser le régime dérogatoire applicable au CA de La Poste, l'article proposait une rédaction complète de l'article 10 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

Il était proposé de modifier l'encadrement du nombre de membres du conseil, passant de 3 à 21 membres, à 12 à 24 membres. Les modalités précises de la composition du CA exigeraient en effet, selon l'étude d'impact, la présence d'au moins douze membres afin de respecter la représentativité des actionnaires.

Il était précisé que la composition du CA de la Poste est dérogatoire au régime établi par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, dont les autres dispositions s'appliquent par ailleurs.

La condition « Dès lors qu'une personne morale de droit public, autre que l'État, visée au I de l'article 1 er -2 de la présente loi détient une part du capital de La Poste » était supprimée, puisque la Caisse des dépôts est d'ores et déjà entrée au capital de la société.

Le renvoi à la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 était supprimé, au profit d'un renvoi à l'article 12 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

Enfin, il était prévu que soit nommé parmi les représentants des actionnaires au moins un représentant de l'État, comme il est prévu à l'article 4 de l'ordonnance n° 2014-948 précitée pour toutes les entreprises dans lesquelles l'État détient une participation, aux côtés d'au moins un représentant des communes et de leurs groupements et d'un représentant des usagers, comme cela était déjà prévu par le droit en vigueur.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

1. Une modification d'ampleur en commission : la levée de la contrainte de détention majoritaire par l'État du capital de la société La Poste

L'article 54 du présent projet de loi a été largement modifié lors de l'examen en commission spéciale à l'Assemblée nationale. Par voie d'amendement, le Gouvernement a rédigé de façon globale cet article, afin de modifier les contraintes de détention du capital de la société anonyme La Poste, et de soumettre ses activités de service public au contrôle de l'État. Les compositions des CA de la société et de ses filiales de service public ont également été revues.

La contrainte de détention majoritaire du capital par l'État est levée

Le du présent article modifie les dispositions de l'article 1 er -2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, afin de supprimer l'obligation pour l'État d'être actionnaire majoritaire du groupe La Poste.

Il est toutefois prévu que l'intégralité du capital soit détenue par l'État et la Caisse des dépôts, à l'exception de la part détenue par le personnel de la société. En l'absence d'actionnariat salarié, et si l'État devenait actionnaire minoritaire, cela imposerait donc nécessairement que la Caisse des dépôts détienne plus de 50 % du capital de La Poste.

La rédaction qualifie aussi La Poste de service public national.

Soumission au contrôle économique et financier de l'État

La rédaction de l'article 1 er -2 précité proposée par le prévoit que La Poste et ses filiales chargées de mission de service public soient soumises au contrôle économique et financier de l'État.

Ce contrôle est défini et encadré par le décret n°55-733 du 26 mai 1955 relatif au contrôle économique et financier de l'État : au titre de son article 1, il s'applique de droit aux sociétés dans lesquelles l'État est actionnaire majoritaire. La mention expresse de la soumission de La Poste au décret n° 55-733 précité permettra de maintenir le groupe dans le champ du contrôle de l'État, même si celui-ci devenait actionnaire minoritaire. Les filiales de La Poste chargées de missions de service public (par exemple l'accessibilité bancaire assurée par La Banque Postale) soient aussi soumises à ce contrôle.

Modification de la composition du conseil d'administration de la société anonyme

Le du présent article propose une nouvelle rédaction de l 'article 10 de la loi n°90-568 précitée, distincte de celle proposée dans le texte initial.

Le nombre d'administrateurs serait fixé à 21 membres, alors qu'il doit être compris entre 3 et 21 membres au titre du droit actuel. Comme dans le droit actuel et la rédaction initiale, un tiers du CA doit être composé de représentants élus des salariés. Au moins un représentant de l'État doit également être nommé. La composition du reste du CA dépendrait de la part du capital détenue par l'État :

- t ant que l'État serait actionnaire majoritaire : un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers pourraient être nommés par décret, le nombre de représentants des actionnaires étant alors réduit en conséquence. Au moins deux représentants des actionnaires seraient nommés sur proposition de l'État ;

- s i l'État n'était plus actionnaire majoritaire : deux représentants seraient nommés sur proposition de l'État par l'assemblée générale , et un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers nommés par décret participeraient aux réunions sans voix délibérative .

Évolution de la composition du conseil d'administration de la poste

Source : commission spéciale

Précisions relatives aux modalités de nomination et révocation du président du conseil d'administration

Le du présent article rédige l'article 11 de la loi n°90-568 précitée, relatif au mode de nomination du président du CA. Il est précisé qu'il est nommé sur proposition du CA, pour la durée de son mandat d'administrateur.

Les modalités de sa révocation dépendront également de la part du capital détenue par l'État : s'il est majoritaire, le président du CA est révoqué par décret ; s'il ne l'est pas, il est révoqué sur proposition des membres du CA.

Composition des conseils d'administration des filiales de La Poste chargées de missions de service public

Le du présent article rétablit un article 10-1 de la loi n° 90-568 précitée, afin de donner la possibilité à l'État de nommer un représentant au sein des organes de gouvernance des filiales de La Poste chargées de missions de service public. Celui-ci serait nommé selon les mêmes modalités que le représentant de l'État nommé au sein du CA de La Poste. L'État pourrait aussi désigner un commissaire du Gouvernement à voix consultative. Les CA de ces sociétés devraient comporter un tiers de représentants élus des salariés.

Plusieurs dispositions de l'ordonnance n° 2014-948 précitée, applicable aux sociétés commerciales dans lesquelles l'État a pris des participations, seraient donc rendues applicables aux filiales de La Poste, y compris lorsque l'État n'y aurait pas de participations directes.

Dispositions transitoires

Le du présent article effectue une rédaction globale du chapitre X de la loi n° 90-568 précitée, qui avait prévu en 1990 des dispositions transitoires relatives à la création de l'entreprise publique La Poste. Il fixait par exemple le régime applicable aux personnels actifs, les modalités de la première constitution du conseil d'administration et le cadre juridique des statuts initiaux.

La rédaction proposée supprimerait ces modalités transitoires, désormais caduques, la plupart des dispositions concernant l'année 1991. Il est proposé de ne laisser subsister que deux articles 44 et 45, qui prévoiraient le maintien des membres du CA nommés avant l'entrée en vigueur de la présente loi jusqu'à la fin de leur mandat, y compris celui du président de La Poste.

Régime d'allocation chômage

Le II du présent article conserverait le droit à l'allocation d'assurance des salariés de la SA La Poste, lorsque l'État n'en sera plus l'actionnaire majoritaire. Un nouveau 7° est ajouté en ce sens à l'article L. 5424-1 du code du travail (une coordination juridique est effectuée à l'article L. 5424-2 du même code).

L'objectif de cette disposition est de permettre aux salariés actuels de La Poste de bénéficier des mêmes droits que les fonctionnaires en matière d'assurance-chômage : si le 1° de l'article L. 5424-1 précité ouvre droit à allocation à tous les fonctionnaires d'État, le 3° soumet le droit à l'allocation d'assurances des salariés à la condition d'inscription de l'entreprise au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'État. Si l'État perdait sa qualité d'actionnaire majoritaire, les salariés de La Poste perdraient mécaniquement le droit à l'allocation assurance qui leur est actuellement ouvert.

Au titre de la rédaction proposée, La Poste disposerait de deux options : continuer à être son propre assureur-chômage, comme c'est actuellement le cas, ou s'affilier au régime de droit commun.

2. Des précisions apportées en séance publique sur le rôle de la Caisse des dépôts et consignations en tant qu'actionnaire majoritaire

Outre des amendements rédactionnels, les députés ont adopté en séance publique un amendement visant à exclure la possibilité pour la Caisse des dépôts et consignations, si celle-ci devenait actionnaire majoritaire de La Poste, de conclure des conventions collectives avec les salariés de la société ou de ses filiales.

L'article 34 de la loi n°96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire est précisé en ce sens : il prévoit en effet actuellement, en son cinquième alinéa, que « la Caisse des dépôts et consignations est par ailleurs habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle ». Au titre de l'accord de 2014 actuellement en vigueur, dans le périmètre social défini, des délégués syndicaux communs à la Caisse et à ses filiales de premier et deuxième rang peuvent être mis en place, ainsi qu'un comité mixte d'information et de concertation.

La rédaction adoptée à l'issue de la séance publique exclurait La Poste et ses filiales (qui seraient donc des filiales de troisième rang de la Caisse) de ce périmètre social : la société et ses filiales garderaient leurs propres règles spécifiques de représentativité syndicale et leurs propres institutions représentatives.

IV. La position de votre commission

La présente mesure vise à permettre un transfert de participation à l'issue duquel la Caisse des dépôts et consignations remplacerait l'État en tant qu'actionnaire majoritaire de la société La Poste.

Votre rapporteur estime que la mesure proposée, nécessaire à l'opération envisagée, ne modifie pas fondamentalement les conditions de l'encadrement par la loi de l'activité et de la gouvernance de la société La Poste.

En particulier, la rédaction proposée conforte le caractère de service public de ses activités, maintient une exigence de détention publique et salariée du capital ainsi que le contrôle de l'État, et n'emportera pas d'évolution relative aux statuts des personnels ou à l'organisation syndicale. De même, la nomination du Président directeur général continuera de relever de l'État, et la présence d'un représentant de l'État au conseil de surveillance de La Banque Postale est confortée. Enfin, la mesure proposée n'a pas d'impact sur le contrat d'entreprise pour la période 2018-2022 signé entre l'État et La Poste, ni sur le partenariat commercial entre La Banque Postale et CNP Assurances.

Toutefois, sur la forme, votre rapporteur regrette que la mesure adoptée lors de l'examen du texte en commission à l'Assemblée nationale ait été intégrée si tardivement et par voie d'amendement au texte du présent projet de loi. Si elle avait été prévue dès la présentation du texte initial, les conditions d'examen de cette mesure par le Sénat en auraient été améliorées.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-341 visant à clarifier la rédaction de la contrainte de détention publique du capital de La Poste. La rédaction du texte issu de l'Assemblée nationale, qui prévoit à la fois que le capital soit « intégralement public » et « détenu par l'État et la Caisse des dépôts et consignations » d'une part, et qui prévoit de l'autre l'éventualité d'un actionnariat salarié, apparaît contradictoire. La formulation proposée clarifie que le capital de la société La Poste devra obligatoirement être détenu par l'État ou la Caisse des dépôts, à l'exception de l'actionnariat salarié.

Votre commission a adopté l'article 54 ainsi modifié.

Section 4
Protéger nos entreprises stratégiques
Article 55
(art. L. 151-3, L. 151-3-1, L. 151-3-2 [nouveaux]
et L. 151-4 du code monétaire et financier)
Renforcement des pouvoirs de sanction et de police administrative
du ministre dans le cadre du régime d'autorisation préalable
des investissements étrangers dans des activités stratégiques

Le présent article a pour objet d'élargir les pouvoirs du ministre de l'économie dans le cadre de l'autorisation préalable des investissements étrangers dans des entreprises aux activités stratégiques. Il prévoit notamment d'augmenter le montant maximal des sanctions pécuniaires, d'autoriser la régularisation a posteriori d'investissements irréguliers, d'assortir les injonctions d'une astreinte, de prendre des mesures conservatoires, ou encore de retirer une autorisation. L'article prévoit également la remise d'un rapport au Parlement sur l'évolution envisagée des dispositions de la loi n°68-678 du 26 juillet 1968 dite « de blocage ».

I. Le droit en vigueur

1. Un renforcement progressif du régime d'autorisation préalable des investissements étrangers dans les entreprises aux activités stratégiques

Dans le droit français, le principe est que « les relations financières entre la France et l'étranger sont libres », comme le prévoit l'article L. 151-1 du code monétaire et financier. Ainsi, plus de 1300 projets d'investissements étrangers ont été réalisés en 2017 en France, qui est le second pays le plus attractif pour l'investissement étranger en Europe, en particulier en provenance des États-Unis, d'Allemagne, et du Japon. 673 ( * )

Toutefois, dans l'objectif d'assurer la défense des intérêts nationaux et d'empêcher la prise de contrôle étrangère d'activités stratégiques, l'article 3 de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger a autorisé le ministre de l'économie à soumettre par décret la constitution et la liquidation des investissements étrangers en France à déclaration, autorisation préalable ou contrôle. 674 ( * ) Le non-respect de ce régime d'autorisation était rendu passible d'emprisonnement, de confiscation, ainsi que d'une amende du double des montants en jeu.

Le régime législatif d'autorisation préalable a été doublement renforcé depuis 1966 :

- d'une part, les pouvoirs du ministre ont été étendus : l'article 1 er de la loi n° 96-109 du 14 février 1996 relative aux relations financières avec l'étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France a donné de nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction au ministre de l'économie, prévus au nouvel article 5-1 de la loi n° 66-1008 précitée. Par exemple, en cas d'investissement irrégulier ou non autorisé, le ministre dispose d'un pouvoir d'injonction de retour à l'état initial. L'article 30 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit a également permis au ministre d'assortir l'autorisation de conditions spécifiques, ou d'enjoindre à l'investisseur de modifier une opération d'investissement irrégulière.

- d'autre part, le champ des secteurs et activités dans lesquelles les investissements étrangers doivent solliciter une autorisation préalable a été élargi : la loi n° 96-109 précitée a précisé que les activités concernées sont les « activités participant en France, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique », celles dans lesquelles un investissement étranger « est de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique », et les « activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre ». L'article 78 de la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière y a ajouté les activités de défense nationale.

2. Un encadrement précis qui relève du domaine règlementaire

Codifié depuis 2000 à l'article L. 151-3 du code monétaire et financier, le régime d'autorisation préalable repose sur de nombreuses dispositions règlementaires : l'article 30 de la loi n° 2004-1343 précitée a renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de définir plus spécifiquement la nature des activités relevant d'une autorisation préalable. Le chapitre III du titre V du livre I er de la partie réglementaire du code monétaire et financier décline et précise ainsi les dispositions législatives. 675 ( * )

Un premier décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 réglementant les relations financières avec l'étranger et portant application de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier, dit « décret Loos-Villepin », s'était saisi du renvoi, par la loi n° 2004-1343 précitée à un décret dans la définition des activités relevant d'une autorisation préalable.

En 2014, un second décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit « décret Alstom » ou « décret Montebourg » a largement étendu le champ des activités concernées, y incluant notamment l'approvisionnement en énergie et en eau, la santé publique, ainsi que le transport et les communications électroniques (voir ci-dessous).

Afin de déterminer si une opération d'investissement est soumise à autorisation préalable, le droit actuel pose un triple critère : le régime applicable dépend du type d'investisseur, de la nature de l'investissement, et de l'activité visée . Les entreprises protégées par le régime d'autorisation sont celles dont le siège social est en France.

Le type d'investisseur

En ce qui concerne le type d'investisseur , trois régimes distincts sont prévus, visant respectivement les investisseurs de pays tiers, les investisseurs de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, et les entreprises de droit français. Le champ des opérations et activités soumises à autorisation est plus restreint pour ces deux derniers types d'investisseurs 676 ( * ) . Les investisseurs soumis au régime le plus strict sont, au titre de l'article R. 153-2 du code monétaire et financier :

Les personnes physiques non ressortissantes de l'UE ou d'un État de l'EEE conventionné avec la France ;

- les entreprises dont le siège social n'est pas situé dans ces mêmes États ;

- les personnes physiques de nationalité française ne résidant pas dans ces États.

La nature de l'investissement

Dans ce régime applicable aux investisseurs de pays tiers, les opérations soumises sont, au titre de l'article R. 153-1 du même code, la prise de contrôle d'une entreprise, l'acquisition d'une branche d'activité ou d'une partie d'une branche d'activité ; ou le franchissement du seuil de 33,33 % de détention du capital ou des droits de vote.

Les secteurs d'activité stratégiques

Enfin, pour les investisseurs de pays tiers, l'article R. 153-2 du même code définit les douze secteurs d'activité soumis à autorisation préalable :

- les activités dans les secteurs des jeux d'argent à l'exception des casinos ;

- les activités réglementées de sécurité privée ;

- les activités de recherche, de développement ou de production relatives aux moyens destinés à faire face à l'utilisation illicite d'agents pathogènes ou toxiques et à en prévenir les conséquences sanitaires ;

- les activités portant sur les matériels conçus pour l'interception des correspondances et la détection à distance des conversations ;

- les activités liées à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information ;

- les activités liées à la sécurité des systèmes d'information d'une entreprise contractant avec les opérateurs des installations d'importance vitale ;

- les activités relatives aux biens et technologies à double usage civil et militaire ;

- les activités relatives à la cryptologie ;

- les activités exercées par les entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale ;

- les activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre ;

- les activités exercées par les entreprises contractantes ou sous-traitantes du ministère de la défense ;

- les autres activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d 'ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale (approvisionnement en électricité, gaz, hydrocarbures, énergie, eau ; services de transport , de communications électroniques ; exploitation des ouvrages d'importance vitale ; protection de la santé publique ).

3. La procédure d'autorisation préalable

Demande d'autorisation préalable

Tout investisseur envisageant une opération susceptible de tomber dans le champ du régime d'autorisation préalable de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier peut, au titre de l'article R. 153-7 du même code, saisir le ministre de l'économie d'une demande écrite. Par cette procédure d'avis , le ministre indique dans un délai de deux mois si l'opération doit faire l'objet d'une autorisation.

À la suite du dépôt d'un dossier de demande, dont les pièces sont fixées par arrêté, le ministre de l'économie dispose d'un délai de deux mois pour y répondre . Si la demande reste sans réponse, l'autorisation est réputée acquise au titre de l'article R. 153-8.

Entre 100 et 200 autorisations seraient sollicitées par an en moyenne.

Instruction de la demande

La demande est instruite par les services du ministre de l'économie, qui, au titre de l'article R. 153-9, « examine si la préservation des intérêts nationaux tels que définis par l'article L. 151-3 peut être obtenue ».

Au sein du ministère de l'économie et des finances, c'est la cellule Multicom 2 du bureau des investissements et des règles dans le commerce international, placée auprès de la direction générale du Trésor, qui est chargée de l'instruction des demandes d'autorisation et du suivi des investissements étrangers. Elle associe à ce travail les administrations concernées par le biais d'un comité interministériel , et, dans le cadre du suivi, échange avec les entreprises et investisseurs.

L'instruction doit ainsi déterminer si l'octroi de l'autorisation, le cas échéant sous conditions, ne met pas en cause la préservation des intérêts nationaux. Au titre de l'article R. 153-9, les conditions pouvant être attachées à l'autorisation peuvent porter sur :

- la préservation de la pérennité des activités, des capacités industrielles , des capacités de recherche et de développement ou des savoir-faire associés ;

- la sécurité d' approvisionnement ;

- l'exécution des obligations contractuelles de l'entreprise visée lorsqu'elle est titulaire ou sous-traitante de marchés publics ou de contrats intéressant la sécurité publique, les intérêts de la défense nationale ou la recherche, la production ou le commerce en matière d'armes, de munitions, de poudres ou de substances explosives.

- le ministre peut aussi n'accorder l'autorisation qu'à la condition que l'activité stratégique de l'entreprise soit cédée à une autre entreprise , dans le cas où cette activité n'est exercée qu'à titre accessoire.

L'article R. 153-10 liste les motifs susceptibles de fonder un refus :

- une présomption sérieuse que des infractions sont susceptibles d'être commises par l'investisseur (trafic de stupéfiants, blanchiment d'argent, terrorisme, trafic d'influence, participation à une association de malfaiteurs...)

- l'impossibilité d'assurer la préservation des intérêts nationaux même à travers des conditions particulières.

4. Les pouvoirs de sanction et de police administrative du ministre

Si le suivi des investissements étrangers effectué par la cellule Multicom 2 révèle un manquement aux conditions fixées par l'autorisation, ou lorsque celle-ci identifie une opération réalisée sans autorisation préalable, le ministre peut sanctionner ces irrégularités. Le III de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier prévoit deux volets.

Pouvoir d'injonction : le ministre peut enjoindre à l'investisseur de ne pas réaliser l'opération, de la modifier, ou de revenir à ses frais à l'état initial (l'injonction devant être précédée d'une mise en demeure afin que l'investisseur puisse formuler des observations sous quinze jours) ;

Pouvoir de sanction pécuniaire : en cas de non-respect des injonctions, le ministre peut infliger une sanction pécuniaire, proportionnelle à la gravité des manquements, et ne pouvant dépasser le double du montant de l'investissement irrégulier (en permettant également à l'investisseur de formuler des observations sous quinze jours).

Il est précisé que ces décisions sont susceptibles d'être contestées devant le juge dans le cadre d'un recours de plein contentieux.

Enfin, au titre de l'article L. 151-4 du même code, les contrats relatifs à l'opération non autorisée sont automatiquement annulés .

Il convient également de relever que les manquements au régime d'autorisation préalable sont également sanctionnés par un volet pénal , prévu par le 1 de l'article 459 du code des douanes. Les investisseurs irréguliers peuvent être punis de cinq ans d'emprisonnement, de la confiscation du corps du délit ou des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction, ainsi que d'une sanction pécuniaire comprise entre le montant de l'investissement irrégulier et son double.

5. Une évolution très récente du cadre règlementaire français et du cadre européen

Un nouveau décret d'extension du champ des activités stratégiques, en coordination avec les mesures législatives proposées dans le projet de loi PACTE

Un récent décret n° 2018-1057 du 29 novembre 2018 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable a apporté les modifications suivantes :

- le régime d'autorisation préalable le moins contraignant est désormais réservé aux entreprises dont le siège social est établi en France, et non plus aux entreprises de droit français ;

- il a étendu le champ de la procédure d'avis , l'entreprise faisant l'objet de l'investissement pouvant désormais s'enquérir auprès du ministre de la nécessité de déposer une demande d'autorisation (possibilité jusqu'ici réservée au seul investisseur) ;

- il a élargi les motifs de refus des investissements étrangers , incluant notamment les menaces sur la protection des données ;

- il a également largement étendu le champ des activités relevant de l'autorisation préalable , y incluant désormais :

- les activités liées aux opérations spatiales ;

- les systèmes électroniques et informatiques dédiés aux missions de la police , de la gendarmerie, des douanes et de la sécurité civile ;

- les activités de recherche et de développement des secteurs de la cybersécurité, de l'intelligence artificielle, de la robotique, de la fabrication additive et des semi-conducteurs ;

- certaines activités d'hébergement de données .

Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2019. Près de 750 nouvelles entreprises françaises seraient ainsi rentrées dans le champ du contrôle préalable 677 ( * ) .

Un nouveau règlement européen

D'autre part, le droit de l'Union européenne évolue également afin de prendre en compte l'enjeu du contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques.

L'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'UE permet aux États membres de contrôler les investissements étrangers, mais uniquement pour des motifs ayant trait à la sécurité et à l'ordre public, la Cour de justice de l'UE contrôlant la proportionnalité des mesures de contrôle. Treize États européens disposent à ce jour de dispositifs de contrôle, dont la portée varie, mais qui tendent à se renforcer.

Une proposition de règlement européen a été présentée le 13 septembre 2017 678 ( * ) par la Commission européenne, en réponse à une demande émanant de la France, de l'Allemagne et de l'Italie.

Elle réaffirme la compétence des États en matière de protection de la sécurité nationale, les laissant libres d'instaurer un dispositif d'autorisation des opérations d'investissement.

Elle vise aussi à encourager la coopération internationale en matière de contrôle des investissements, ainsi que la communication entre les États et la Commission. Un groupe de coordination entre États membres a été mis en place.

Elle encadre les procédures d'autorisation par des conditions de délais, de prévisibilité et de protection des informations confidentielles.

Enfin, elle permet à la Commission de rendre un avis consultatif aux États membres sur des projets d'investissement ayant un impact européen ou sur des projets de l'Union.

Le Sénat a adopté le 7 janvier 2018 une proposition de résolution européenne saluant cette avancée 679 ( * ) . Le 20 novembre 2018, la Commission, le Conseil et le Parlement européen ont approuvé cette proposition de règlement. Il devrait entrer en vigueur d'ici avril 2019 .

La Commission européenne s'est par ailleurs engagée à conduire avant la fin 2018, « une analyse approfondie des flux d'investissements directs étrangers dans l'UE, en mettant l'accent sur les secteurs stratégiques (tels que l'énergie, l'espace, les transports) et les actifs (technologies clés, infrastructures critiques, données sensibles) dont le contrôle pourrait susciter des inquiétudes pour des raisons de sécurité ou d'ordre public, notamment lorsque l'investisseur est détenu ou contrôlé par un pays tiers ou bénéficie d'importantes subventions de l'État. » 680 ( * )

II. Le projet de loi initial

Dans sa rédaction initiale, l'article 55 du présent projet de loi propose de renforcer les sanctions visant les investissements non autorisés, et d'élargir les pouvoirs de police administrative du ministre de l'économie en la matière.

Il est ainsi proposé d'abroger le III de l'article L. 151-3, relatif aux pouvoirs de sanction et de police administrative du ministre, pour transférer ces dispositions dans deux nouveaux articles L. 151-3-1 et L. 151-3-2.

Le nouvel article L. 151-3-1 élargirait les pouvoirs du ministre dans les cas où une opération d'investissement non autorisée a été réalisée (I), ou dans les cas où les conditions fixées par l'autorisation ont été méconnues (II).

(I) Si un investissement a été réalisé sans autorisation, le ministre pourrait utiliser ses pouvoirs d'injonction pour e xiger le dépôt d'une demande d'autorisation (cette possibilité n'existe pas dans le droit actuel), faire rétablir par l'investisseur la situation antérieure ou modifier l'opération d'investissement.

La nouvelle rédaction offrirait également la possibilité au ministre d'assortir cette injonction d'une astreinte journalière, dont les modalités seront précisées par décret.

Elle autoriserait également le ministre, dans le cas où les intérêts nationaux (tels que listés à l'article L. 151-3) seraient susceptibles d'être compromis, à prendre une ou plusieurs mesures conservatoires (suspension des droits de vote acquis de manière irrégulière ; restrictions au versement des dividendes et des rémunérations liés aux actions et parts acquises de manière irrégulière, restriction temporaire à la libre disposition des actifs liés aux activités stratégiques concernés et désignation par le ministre d'un mandataire chargé de protéger les intérêts nationaux au sein de l'entreprise visée par l'investissement, qui disposerait d'un droit de veto dans les organes sociaux)

(II) Lorsque les conditions attachées à une autorisation délivrée ont été méconnues, le ministre pourrait retirer l'autorisation (ce qui impose à l'investisseur soit de rétablir l'état antérieur, soit de solliciter une nouvelle autorisation. Cette possibilité n'est pas prévue dans le droit actuel), e njoindre à l'investisseur de remplir les obligations non exécutées ou enjoindre à l'investisseur de remplir des conditions nouvellement définies , qui peuvent aller jusqu'au rétablissement de la situation antérieure ou la cession des activités stratégiques.

Ces injonctions pourraient être assorties d'une astreinte ou de mesures conservatoires identiques à celles prévues au I du même article.

La rédaction globale de ces dispositions maintiendrait l'obligation pour le ministre d'envoyer une mise en demeure à l'investisseur irrégulier, celui-ci pouvant présenter ses observations dans un délai de quinze jours, avant la prise de toute décision ou injonction. Une exception serait toutefois introduite en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles ou d'atteinte imminente à l'ordre public, la sécurité publique ou la défense nationale.

• Le nouvel article L. 151-3-2 préciserait et étendrait le régime de sanctions pécuniaires .

Tandis que le montant des sanctions pécuniaires est limité dans le droit actuel au double du montant de l'investissement irrégulier, la rédaction de ces dispositions modifierait le barème applicable. Le montant maximum serait égal au plus élevé des montants suivants :

- le double du montant de l'investissement irrégulier ;

- 10 % du chiffre d'affaire annuel de l'entreprise cible de l'investissement ;

5 millions d'euros pour les personnes morales et 1 million d'euros pour les personnes physiques.

Le pouvoir de sanction deviendrait plus dissuasif, puisque les investissements irréguliers de petite valeur (voire d'un montant d'un euro symbolique) pourront être punis d'amendes élevées, tenant compte du poids économique de l'investisseur. La rédaction proposée rappelle toutefois que le montant de la sanction infligée doit être proportionnel à la gravité du manquement.

D'autre part, alors que les sanctions ne peuvent aujourd'hui être infligées qu'en cas de non-respect d'une injonction, la rédaction proposée prévoit qu'elles puissent être décidées par le ministre également en cas d'obtention par fraude d'une autorisation préalable , en cas d'absence d'autorisation préalable , de méconnaissance des conditions attachées à l'autorisation ou d'inexécution totale ou partielle des décisions et injonctions prévues à l'article L. 151-3-1.

• Enfin, un renvoi à un décret en Conseil d' État est opéré à l'article L. 151-3 , et une coordination juridique liée à la possibilité de régularisation d'une opération non autorisée ainsi qu'une correction de référence seraient effectuées à l'article L. 151-4.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du présent projet de loi en commission spéciale à l'Assemblée nationale, outre un amendement rédactionnel, les députés ont adopté un amendement prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement avant le 1 er janvier 2020 un rapport sur l'évolution envisagée des dispositions de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.

Cette loi, dite « loi de blocage » , interdit aux ressortissants et résidents français ainsi qu'aux dirigeants d'entreprises présentes en France de communiquer aux autorités publiques étrangères « les documents ou les renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public » (article 1 er ). Elle interdit également la recherche ou communication de ces pièces en vue de constitution de preuves pour des procédures judiciaires ou administratives à l'étranger (article 2), sauf lorsque cela est prévu par des traités ou accords internationaux.

L'article 3 de loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a confié à l'Agence française anticorruption le soin de veiller, à la demande du Premier ministre, au respect de cette loi. Néanmoins, certains demandent la modification des dispositions de la loi elle-même, dénonçant une rédaction trop générale et peu opérationnelle , qui n'identifie pas les informations sensibles, ne prévoit pas d'encadrement strict du contrôle accepté par les entreprises françaises et dont les sanctions semblent peu dissuasives 681 ( * ) . Le Gouvernement a confié en juillet 2018 au député Raphaël Gauvain une mission sur les mesures de protection des entreprises française confrontées à des procédures donnant effet à des législations de portée extraterritoriale, qui devra inclure des propositions de modification de la loi n° 68-678 précitée. Le rapport final n'a pas été publié.

En séance publique à l'Assemblée nationale, les députés ont par ailleurs adopté un amendement visant à fixer règlementairement les modalités de révision des conditions attachées à l'autorisation préalable, afin de leur permettre d'évoluer en fonction des circonstances économiques. L'article L. 151-3 serait modifié en ce sens.

Par ailleurs, un amendement a été adopté afin de rendre obligatoire à l'article L. 151-3 la prise d'une ou plusieurs injonctions de police administrative afin de sanctionner l'absence d'autorisation préalable ou la méconnaissance des conditions attachées à l'autorisation. La rédaction initiale donnait en effet une simple faculté au ministre.

IV. La position de votre commission

La protection des entreprises stratégiques nationales est un enjeu fondamental pour la défense des intérêts essentiels du pays, aussi bien dans le domaine des technologies de défense et de communication, qu'en matière d'approvisionnement en énergie ou en eau par exemple.

La mesure proposée, qui élargit la palette d'instruments à la disposition du ministre de l'économie dans son examen des opérations d'investissements étrangers, vient utilement compléter les dispositions règlementaires récentes qui élargissent le champ de son contrôle.

Votre rapporteur estime que l'équilibre général de cette réforme est satisfaisant.

D'une part, cette réforme donne davantage de flexibilité à l'administration , en permettant par exemple de régulariser a posteriori une opération non autorisée, mais qui n'emporterait pas de risque pour les intérêts essentiels du pays. Cela est de nature à rassurer les investisseurs étrangers, tout en sécurisant juridiquement les opérations réalisées de bonne foi.

D'autre part, les différentes sanctions et injonctions à la disposition du ministre sont étoffées, afin de permettre une dissuasion plus efficace envers les investissements irréguliers, et de faire respecter la loi plus efficacement. Ainsi, les amendes pourront être plus représentatives des montants en jeu, et les actifs sensibles seront mieux protégés.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-432 visant à clarifier et préciser le dispositif du présent article. Il améliore ainsi la rédaction des dispositions relatives aux astreintes pouvant accompagner les injonctions du ministre de l'Économie.

Par ailleurs, sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-433 qui supprime la demande de rapport portant sur l'évolution de la « loi de blocage ». D'une part, des travaux missionnés par le Gouvernement sont d'ores et déjà en cours sur ce sujet. D'autre part, aucune mesure de nature législative n'est nécessaire à la réalisation de cette mission.

Votre commission a adopté l'article 55 ainsi modifié.

Article 55 bis
(art. L. 151-5 du code monétaire et financier)
Publication de statistiques et rapport annuel au Parlement
portant sur le contrôle des investissements étrangers

Le présent article prévoit la publication annuelle de statistiques portant sur le contrôle par le ministère de l'Économie des investissements étrangers dans les entreprises aux activités stratégiques.

I. Le droit en vigueur

Par exception au principe de libre circulation des capitaux, l'article L. 151-3 du code monétaire et financier prévoit un régime d'autorisation préalable des investissements étrangers dans les entreprises françaises aux activités stratégiques , lorsque ceux-ci sont de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique.

Les opérations relevant de ce contrôle doivent être autorisées avant leur réalisation par le ministre de l'Économie, le cas échéant assorties de conditions visant à garantir la capacité industrielle, la sécurité de l'approvisionnement et l'exécution des contrats de défense et de sécurité nationales. À défaut d'autorisation préalable, les investisseurs s'exposent à des sanctions pénales , à diverses mesures de police administrative ainsi qu'à des sanctions pécuniaires. 682 ( * )

Au sein de l'administration, l'instruction de ces demandes d'autorisation préalable relève actuellement de la cellule « Multicom 2 » de la Direction générale du Trésor. Elle traiterait en moyenne entre cent et deux cents dossiers par an, en préparation des décisions du ministre. Elle est également chargée du suivi des investissements réalisés, notamment afin de s'assurer que les conditions attachées à l'autorisation ont été respectées. À ce titre, elle communique à la fois avec les autres administrations, avec l'investisseur et l'entreprise cible.

Dans le droit actuel, aucune obligation législative ou règlementaire ne prévoit de publication ou de communication sur les types d'investissements traités, sur le nombre de dossiers examinés ou sur les décisions rendues par le ministre de l'Économie.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté lors de l'examen du projet de loi en commission à l'Assemblée nationale. Il prévoit la publication annuelle par le ministre de l'Économie de statistiques relatives au contrôle des investissements étrangers.

Devront toutefois être respectées :

- les dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale ;

- une exigence d'anonymat pour les entreprises ayant fait l'objet d'un contrôle.

Il est proposé de codifier cette obligation de publication dans un nouvel article L. 151-5 du code monétaire et financier , au sein du titre relatif aux relations financières avec l'étranger.

Un amendement adopté en séance publique a précisé que les modalités de publication devront garantir « l'anonymat des personnes physiques et morales concernées ».

III. La position de votre commission

Votre rapporteur se félicite de l'introduction de cette mesure de transparence. L'activité de contrôle des investissements étrangers par l'État est méconnue, bien qu'il s'agisse pourtant d'un levier important de protection des entreprises stratégiques françaises et des actifs essentiels de la Nation.

La publication de statistiques agrégées, sans que celles-ci ne remettent en cause aucune obligation de confidentialité ou de secret des affaires , augmentera la lisibilité du dispositif d'autorisation, et pourra également améliorer son acceptabilité auprès des entreprises.

Par ailleurs, votre rapporteur estime qu'au vu de la suppression de l'article 55 ter du présent projet de loi par votre commission, dont les dispositions prévoyaient la création d'une délégation parlementaire à la sécurité économique à laquelle seraient transmises des informations plus détaillées relative au contrôle des investissements étrangers, il est nécessaire de maintenir les obligations relatives à l'information du Parlement.

En conséquence, sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-434 visant à conserver l'obligation de transmission annuelle par le Gouvernement au Parlement d'informations relatives au contrôle des investissements étrangers. Cette mesure est codifiée dans un nouvel article L. 151-6 du code monétaire et financier.

La commission a également adopté sur proposition de son rapporteur un amendement COM-435 de précision juridique, indiquant que le dispositif de contrôle visé est celui prévu à l'article L. 151-3 du code monétaire et financier.

Votre commission a adopté l'article 55 bis ainsi modifié .

Article 55 ter (supprimé)
(art. 6 undecies [nouveau] de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Délégation parlementaire à la sécurité économique

Le présent article vise à créer une délégation parlementaire commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, chargée de suivre l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu'en matière de contrôle des investissements étrangers.

I. Les délégations parlementaires

1. L'état des lieux au Sénat et à l'Assemblée nationale

Les délégations parlementaires sont des organes permanents d'information et de contrôle spécialisés dans des domaines présentant des problématiques transversales. Elles fournissent une capacité d'expertise autonome par rapport au Gouvernement et ne participent pas directement au travail législatif.

Ces délégations sont soit communes à l'Assemblée nationale et au Sénat, soit constituées dans chacune des assemblées, soit propres à l'une des assemblées. Elles tirent leur existence de la loi ou d'actes réglementaires des assemblées.

Office et délégations des assemblées et mode de création

Sénat

Assemblée nationale

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

(loi du 8 juillet 1983 683 ( * ) )

Délégation au renseignement

(loi du 9 octobre 2007 684 ( * ) )

Délégation aux droits des femmes
et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes

(loi du 12 juillet 1999 685 ( * ) )

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

(loi du 12 juillet 1999)

Délégation aux outre-mer

(Arrêté du Bureau du Sénat
du 16 novembre 2011 -
loi du 28 février 2017 686 ( * ) )

Délégation aux outre-mer

(loi du 28 février 2017)

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

(Arrêté du Bureau du 7 avril 2009)

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

(Décision de la conférence des présidents du 28 novembre 2017)

Délégation à la prospective

(Arrêté de bureau du 7 avril 2009)

Délégation aux entreprises

(Arrêté de bureau du 12 novembre 2014)

Source : commission spéciale

2. L'exercice de rationalisation de 2009

La situation actuelle résulte pour une très grande partie d'un effort de rationalisation des structures de contrôle et d'observation intervenu dans le prolongement de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui avait consacré, d'une part, l'existence des structures parlementaires dédiées à l'Union européenne (article 88-4) et, d'autre part, la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement (article 24).

Une proposition de loi 687 ( * ) , issue d'une concertation entre le Sénat et l'Assemblée nationale, avait alors procédé à la suppression de plusieurs délégations et offices :

- l'Office parlementaire d'évaluation de la législation ;

- l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé ;

- la Délégation parlementaire à l'aménagement et au développement durable du territoire ;

- la Délégation parlementaire pour la planification ;

- la Délégation parlementaire pour les problèmes démographiques.

Le rapport de notre excellent collègue Patrice Gélard, rapporteur au nom de la commission des lois, soulignait alors que « le Sénat s'est traditionnellement montré réservé à l'égard de l'institution de structures dont le rôle, du moins pour certaines d'entre elles, ne se démarquait pas clairement des attributions des commissions permanentes » et affirmait son souci de chercher la meilleure articulation entre les commissions permanentes et les autres organes parlementaires.

Il suggérait également de conserver à chaque assemblée la liberté « de redessiner l'architecture des organes d'évaluation et de contrôle selon ses priorités » estimant « qu'à l'exception des organes qui doivent rester communs aux deux assemblées - tel l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques - ou qui sont susceptibles d'exercer un pouvoir de contrainte à l'égard du Gouvernement, les structures destinées à favoriser l'information du Parlement ou à développer une capacité d'évaluation peuvent procéder d'une décision interne de chaque assemblée ».

II.  Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption par la commission spéciale de l'Assemblée nationale d'un amendement de notre collègue député Adrien Taquet et des membres du groupe LaREM, sous amendé par les rapporteurs.

Il modifie l'ordonnance n° 58?1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, en vue de créer une délégation parlementaire à la sécurité économique ayant pour mission de « suivre l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu'en matière de contrôle des investissements étrangers » dans une activité localisée en France. Selon l'objet de l'amendement, il s'agit de donner corps à une proposition du rapport d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle 688 ( * ) soutenue par un engagement du ministre de l'Économie et des Finances.

La Délégation proposée comprendrait un nombre égal (8) de députés et sénateurs dont des membres de droit : les présidents des commissions des affaires économiques et des finances des deux assemblées. Les autres membres seraient désignés par le président de leur assemblée respective.

S'agissant des compétences de la Délégation, elles s'exerceraient « sans préjudice des compétences des commissions permanentes , » selon la formule consacrée, et « sous réserve de celles de la Délégation au renseignement ».

Dans ce cadre, le dispositif proposé prévoit que la Délégation :

- reçoit du Gouvernement, chaque année, un rapport comportant une description de l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation ainsi que des informations anonymisées relatives à la procédure d'autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, telle que définie par l'article L. 151-3 du code monétaire et financier modifié par les articles 55 et 55 bis du présent projet de loi ;

- peut entendre « le Premier ministre, les ministres compétents, le commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques et les directeurs des administrations centrales concernées, accompagnés des collaborateurs de leur choix », l'identification des personnes morales faisant l'objet de la procédure d'autorisation préalable étant possible dans le cadre de ces auditions ;

- peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu'aux ministres compétents, qu'elle transmet également au président de chaque assemblée.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise, enfin, que les travaux de la délégation parlementaire à la sécurité économique ne sont pas rendus publics.

III.  La position de votre commission

Le contexte de l'initiative prise par nos collègues députés et l'objet de la Délégation qu'ils proposent de créer appellent un certain nombre de critiques et d'interrogations.

Il convient de noter en premier lieu qu'une telle initiative aurait à l'évidence justifié une concertation préalable entre les deux Assemblées - du moins entre leurs Présidents - et mérité d'être introduite par un texte spécifique comme cela a été le cas pour toutes les créations d'organes communs aux Assemblées.

Au regard des principes définis par le Sénat en 2009, la création d'une telle Délégation présente deux défauts majeurs :

- celui d'entrer en concurrence avec les compétences de deux Délégations existantes, la Délégation au renseignement et à moindre titre, la Délégation aux entreprises et d'empiéter sur le périmètre des commissions des affaires économiques et des finances, malgré les précautions formelles intégrées dans la rédaction de l'article ;

- celui d'imposer par la loi une structure unique aux deux assemblées, pour des compétences qui ne le justifient pas et que chaque assemblée pourrait organiser à sa convenance.

Votre commission a supprimé l'article 55 ter .

Article 56
(art. 31-1 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014
relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés
à participation publique)
Réforme du régime des actions spécifiques de l'État

Le présent article a pour objet de modifier le cadre législatif permettant à l'État d'instaurer des actions spécifiques dans des entreprises stratégiques dans lesquelles il détient des participations. Il propose notamment de modifier son champ d'application, d'étendre les droits dérogatoires attachés à l'action spécifique, et de permettre à celle-ci d'évoluer dans le temps.

I. Le droit en vigueur

Lorsque l'État réduit sa détention d'actions dans une entreprise dont la protection est justifiée par des motifs d'intérêt général, d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale, il peut transformer l'une de ses actions en une action dite « spécifique ». Cette action spécifique offre de nombreux droits dérogatoires à l'État, qui peut par exemple désigner un représentant au conseil d'administration et se prononcer sur les évolutions les plus importantes de la structure de l'actionnariat.

1. La mise en place du cadre juridique de l'action spécifique

En 1986, la privatisation de plusieurs entreprises publiques françaises dans des secteurs stratégiques a été décidée dans le cadre de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

En anticipation de ce transfert au secteur privé, et afin de garantir la protection des intérêts publics essentiels, une action dite « spécifique » permettant à l'État actionnaire de conserver un droit de regard minimal sur les décisions relatives à ces sociétés, a été instaurée par l'article 10 de la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations décidées par la loi n° 86-793 précitée, dite « loi Privatisations ».

Au titre de cette disposition, toute action ordinaire détenue par l'État dans les entreprises ainsi privatisées 689 ( * ) pouvait être transformée par arrêté du ministre chargé de l'économie en action spécifique, assortie de droits dérogatoires. En particulier, les prises de participations excédant 10 % du capital devaient être agréées par le ministre, sous peine de suspension des droits de vote attachés, voire de vente forcée des titres non agréés.

La loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation a effectué une rédaction globale du dispositif de l'article 10 de la loi n°86-912, prévoyant notamment que la création ou suppression d'une action spécifique relève d'un décret simple plutôt que d'un arrêté ministériel, et précisant les droits attachés à l'action spécifique.

Un second régime législatif d'action spécifique a été introduit au nouvel article 31-1 de l'ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique par l'article 186 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

En effet, au regard de l'évolution du droit européen, il est apparu nécessaire de préciser le dispositif existant, ses conditions de mise en oeuvre, et permettre la création d'actions spécifiques dans d'autres entreprises détenues directement ou indirectement par l'État. Cette rédaction a néanmoins précisé que les actions spécifiques instaurées dans certaines entreprises au titre de l'article 10 de la loi n°86-912 précitée restaient en vigueur.

2. Le régime législatif en vigueur

L'article 31-1 de l'ordonnance n°2014-948 précitée définit les conditions dans lesquelles l'action spécifique peut-être mise en oeuvre, ainsi que les droits qui lui sont attachés.

a) Les conditions de mise en oeuvre

L'action ne peut être créée que dans le cadre d'un transfert au secteur privé de participations de l'État , lorsque celui-ci cède ou transfère la majorité du capital de la société, ou si sa participation franchit à la baisse les seuils de 33 % ou 66 %.

Par ailleurs, l'action spécifique doit être nécessaire à la « protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale. »

Si ces conditions sont remplies, un décret simple peut instaurer l'action spécifique.

b) Les droits attachés

Le décret instaurant l'action spécifique doit préciser les droits attachés à celle-ci. Ainsi, un ou plusieurs des droits suivants peuvent être prévus :

- un agrément obligatoire du ministre pour toute opération modifiant la structure de détention et de contrôle de la société, c'est-à-dire pour les opérations conduisant au franchissement de seuils de participation au capital social ou de droits de vote par toute personne ou tout groupe de personnes ;

- la nomination au conseil d'administration ou de surveillance de la société d'un ou deux représentants de l'État, sans voix délibérative ;

- un droit d'opposition aux cessions d'actifs de la société ou de ses filiales qui seraient de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux.

Les droits spécifiques attachés doivent être définis « de façon à être nécessaires, adéquats et proportionnés aux objectifs ».

c) L'évolution de l'action spécifique

Deux types d'évolutions sont prévus :

- l'action spécifique peut être éteinte et transformée en action ordinaire à tout moment et par décret simple, sauf si « l'indépendance nationale » est en cause ;

- en cas de scission ou de fusion de la société concernée, l'action spécifique doit d'abord être transformée en action ordinaire puis réinstaurée par décret dans la nouvelle société, sans que les droits attachés ne puissent être revus à la hausse.

d) Régime de sanctions

Dans les cas où une action spécifique prévoit un agrément obligatoire du ministre, lorsqu'une opération relevant de cet agrément n'a pas sollicité ou pas obtenu cet accord, les participations ainsi acquises sont considérées irrégulières. Les droits de vote attachés à ces participations ne peuvent alors pas être exercés . Si la société concernée relève de la défense nationale, des intérêts essentiels de la sécurité de l'État ou du commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre, les participations irrégulières doivent être cédées , le ministre pouvant procéder à leur vente forcée.

L'État français possède actuellement quatre actions spécifiques dans des entreprises stratégiques, dont trois relevant du secteur de la défense nationale (Thales, Safran Ceramics et Nexter Systems) et une relative à la sécurité publique et à l'approvisionnement en énergie (Engie). Les caractéristiques de ces actions sont retracées dans le tableau ci-dessous.

Par ailleurs, plusieurs actions spécifiques de l'État ont été transformées en actions ordinaires : c'est notamment le cas de l'action possédée entre 1999 et 2000 au capital d'Aerospatiale Matra 690 ( * ) , et de celle possédée entre 1993 et 2002 au capital d'Elf-Aquitaine. 691 ( * ) Cette dernière avait d'ailleurs fait l'objet d'un recours par la Commission européenne devant la Cour de justice de l'Union européenne, celle-ci jugeant l'action spécifique de l'État dans Elf-Aquitaine incompatible avec le droit d'établissement et le principe de libre circulation des capitaux. 692 ( * )

Actions actuellement détenues par l'État

Source : commission spéciale

II. Le projet de loi initial

L'article 56 du projet de loi propose une refonte du dispositif d'action spécifique , en modifiant notamment le champ des entreprises concernées, les droits pouvant être attachés à la détention d'une telle action, et en prévoyant une réévaluation quinquennale de leur pertinence.

1. Un champ d'application étendu, lié à la nature des activités protégées et à l'existence de participations publiques plutôt qu'au franchissement d'un seuil

Le texte du projet de loi initial propose de rédiger le I de l'article 31-1 de l'ordonnance n°2014-948 précitée, afin de modifier le champ des entreprises dans lesquelles peuvent être instaurées des actions spécifiques. Ce champ serait ainsi défini selon un double critère :

- elles devraient exercer l'une des activités stratégiques relevant du régime d'autorisation des investissements étrangers , telles que définies à l'article L. 151-3 du code monétaire et financier 693 ( * ) ;

- une partie de leur capital devra être détenue par l'État ou par Bpifrance , ses filiales ou leurs fonds d'investissement selon les modalités suivantes : soit l'État y détient des participations (la société étant donc inscrite à l'annexe du décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 694 ( * ) , définissant le portefeuille des participations gérées par l'Agence des participations de l'État) ; soit il s'agit d'une société cotée dont le capital est détenu au moins à 5 % par Bpifrance, ses filiales ou un fonds d'investissement desdites filiales. Le texte proposé prévoit d'ailleurs que ces critères s'appliquent aux filiales basées en France de sociétés qui n'ont pas de siège social en France, si l'État a acquis une action de ces filiales.

2. Modalités de création d'une action spécifique

L'article 56 du présent projet de loi précise également les dispositions relatives à la procédure de création d'une action spécifique, au I de l'article 31-1 précité.

Comme dans le droit actuel, une action spécifique ne pourra être créée que « si la protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique, ou de défense nationale » l'exige. La création sera en revanche prononcée par décret en Conseil d'État, alors qu'elle relève actuellement d'un décret simple.

Dans le cas des sociétés dans lesquelles Bpifrance, ses filiales ou leurs fonds d'investissement détiennent plus de 5 % des participations, il sera nécessaire que l'État acquière une action ordinaire avant de pouvoir la transformer en action spécifique .

3. Le régime des droits attachés est précisé et étendu

L'action spécifique peut aujourd'hui être assortie d'un droit d'opposition de l'État aux cessions d'actifs stratégiques de la société. Cette disposition est modifiée par le présent projet de loi afin de préciser que ce droit d'opposition concerne non seulement les cessions, mais également les apports ou les transmissions, dans l'objectif de mieux s'adapter aux différentes modalités d'évolution du capital de la société. Le droit d'opposition est également étendu aux modifications des conditions d'exploitation des actifs et aux changements de destination. L'affectation des actifs à titre de sûreté ou de garantie peut également être bloquée, comme cela est prévu aujourd'hui.

D'autre part, un nouveau droit attaché est introduit : l'action spécifique peut prévoir une obligation de transmission d'informations au ministre de l'Économie . Sont visées les informations nécessaires à l'exercice des autres droits attachés et « notamment les informations relatives à l'intégrité, à la pérennité et au maintien sur le territoire national des actifs » liés aux intérêts essentiels du pays.

4. L'évolution des caractéristiques de l'action spécifique est facilitée

La rédaction proposée modifie les III 695 ( * ) et IV de l'article 31-1 précité pour les remplacer par des dispositions relatives aux modalités d'évolution des droits attachés à l'action spécifique.

Au moins tous les cinq ans, l'État devrait apprécier si les droits prévus par le décret instituant l'action spécifique sont toujours « nécessaires, adéquats et proportionnés » à la protection des intérêts essentiels du pays. En fonction de l'issue de cette réévaluation :

- les droits attachés peuvent être modifiés par décret en Conseil d'État , soit pour supprimer l'une des quatre modalités dérogatoires, soit pour ajouter une modalité non retenue par le décret initial ;

- s'il n'est pas estimé nécessaire de conserver une action spécifique, celle-ci peut, comme dans le droit actuel, être transformée en action ordinaire , sauf lorsque l'indépendance nationale est en cause.

Enfin, si l'actif protégé par l'action spécifique est cédé, apporté ou transmis, l'État peut instituer une action spécifique dans la société détentrice dudit actif à l'issue de l'opération (cette possibilité n'existe actuellement qu'en cas de scission ou de fusion de la société).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels, les députés ont adopté un amendement visant à insérer une obligation d'information préalable par l'État de la société dans laquelle il entend instaurer une action spécifique .

IV. La position de votre commission

Aux côtés du contrôle de l'investissement étranger, traité à l'article 55 du présent projet de loi, les actions spécifiques sont un autre outil de défense des intérêts essentiels du pays et des entreprises stratégiques.

Le cadre juridique des actions spécifiques s'était constitué de manière ad hoc dans un contexte de transfert au secteur privé d'entreprises publiques. En plusieurs aspects, la situation actuelle est différente : la protection des intérêts stratégiques français dépasse désormais le champ des seules anciennes entreprises publiques ; le rôle dévolu à l'État actionnaire a évolué ; la prise de participations publiques s'appuie également sur d'autres acteurs , tels que Bpifrance ; et les exigences européennes relatives aux actions spécifiques ont été progressivement précisées.

En conséquence, votre rapporteur estime qu'une modernisation du cadre juridique des actions spécifiques est en effet nécessaire , afin de permettre à celles-ci de remplir pleinement leur rôle de protection des actifs et activités stratégiques.

En particulier, l'instauration d'un parallélisme entre les champs respectifs du contrôle de l'investissement étranger 696 ( * ) et des actions spécifiques est bienvenue. Elle améliore la cohérence et la lisibilité de la « boîte à outils » à disposition de l'administration pour les investisseurs et les actionnaires.

De même, la rédaction proposée réalise une « actualisation » des entreprises où il est possible d'instaurer une action spécifique . L'extension de ce champ aux entreprises cotées dont Bpifrance, ses filiales et fonds d'investissement détiennent plus de 5% permet d'inclure une plus grande partie de l'actionnariat public. Selon les estimations de votre rapporteur, une douzaine d'entreprises seraient concernées par cette extension, notamment dans les domaines des télécommunications, de l'énergie, de l'informatique ou encore de l'électronique.

Votre rapporteur s'interroge toutefois sur le besoin de figer ce champ au 1 er janvier 2018 , ce qui permet certes une meilleure prévisibilité pour les entreprises, mais nécessitera une évolution législative pour toute modification ultérieure du champ.

Par ailleurs, l'élévation de l'acte de création et d'extinction d'une action spécifique d'un décret simple à un décret en Conseil d'État est une évolution positive, qui reflète bien le caractère exceptionnel d'une telle mesure.

Enfin, votre rapporteur salue les dispositions relatives à l'évolution dans le temps des caractéristiques de l'action spécifique . Elles permettront de s'assurer tous les cinq ans que les droits dérogatoires accordés à l'État restent justifiés, que la protection des actifs essentiels est bien garantie. Il s'agit d'une démarche plus protectrice des droits des actionnaires des sociétés concernées, et d'une mise en conformité avec le cadre européen .

Votre commission n'a pas apporté de modification majeure à ce dispositif, à l'exception d'un amendement COM-436 de précision juridique et d'un amendement COM-437 précisant par parallélisme que l'extinction d'une action spécifique relève également d'un décret en Conseil d'État.

Votre commission a adopté l'article 56 ainsi modifié .


* 177 Définition du Conseil d'orientation des retraites dans le rapport « Les retraités : un état des lieux et de leur situation en France », décembre 2015.

* 178 Par référence aux articles 39, 82 et 83 du code général des impôts.

* 179 Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017.

* 180 Conseil d'orientation des retraites, document de travail fourni pour la séance plénière du 24 janvier 2018.

* 181 Cf. BOFIP BOI-RSA-PENS-30-20-20170711 §1.

* 182 CE, 15 mai 1974, n° 88924.

* 183 Dans la rédaction de ce commentaire, les alinéas visés correspondent à ceux du texte transmis au Sénat en première lecture, et non du texte initial.

* 184 Le PER peut prévoir des versements obligatoires, à l'image des contrats dits « article 83 ».

* 185 Les provisions mathématiques correspondent à toutes les réserves constituées par les assureurs afin de respecter leurs engagements, tels que le capital décès, rentes ou capitaux garantis en cas de vie. Elles sont distinctes des provisions de diversification qui visent à investir une partie du capital placé pour le faire fructifier. Cf. commentaire de l'article 21.

* 186 Le statut des conseillers en investissements participatifs a été créé par l'article 1 de l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif et est codifié à l'article L. 547-1 du code monétaire et financier.

* 187 Article R. 144-21 du code des assurances.

* 188 Les versements obligatoires correspondent aux produits d'épargne retraite de type « article 83 » pour lesquels l'affiliation est obligatoire pour certaines catégories de salariés au sein de l'entreprise. Ces produits ne proposent actuellement que des sorties en rente viagère, et le projet de loi maintient cette exception.

* 189 Étude d'impact.

* 190 Étude d'impact.

* 191 DREES, Les retraités et les retraites, édition 2018.

* 192 Conseil d'orientation des retraites, Les retraités : un état des lieux de leur situation en France, 2015, p.177.

* 193 Étude d'impact.

* 194 Le droit au rachat de son contrat est une disposition d'ordre public (article L. 132-21 du code des assurances).

* 195 Décret n° 2017-1105 du 23 juin 2017 relatif au fonctionnement des contrats d'assurance sur la vie comportant des garanties exprimées en unités de compte.

* 196 Rapport sur l'épargne financière remis aux ministres de l'économie et des finances, et délégué au budget, Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, avril 2013.

* 197 Ordonnance n° 2014-696 du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance-vie au financement de l'économie, prise en application de l'article 17 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.

* 198 Article 9 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 199 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 200 Rapport n° 370 (2014-2015) fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, par Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone, et François Pillet, p.359.

* 201 Les articles L. 132-5-1 et L. 132-13 du code des assurances mentionnent d'ailleurs « les sommes versées ».

* 202 Directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie.

* 203 Étude d'impact.

* 204 Cass. 2 e civ. 19 mai 2016 n°15-13.606, R. c/ Sté Natixis Life.

* 205 Dans la rédaction de ce commentaire, les alinéas visés correspondent à ceux du texte transmis au Sénat en première lecture, et non du texte initial.

* 206 Les entreprises solidaires sont définies à l'article L. 3332-17-1 du code du travail.

* 207 Rapport relatif au financement des entreprises en France, remis au Ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire et la Secrétaire d'État auprès du Ministre, Delphine Geny-Stephann, décembre 2017.

* 208 Il s'agit des sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros.

* 209 Sous réserve de respecter un quota de 75 % de titres éligibles (cf. b du 2° du I de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier).

* 210 Contrairement au PEA, l'éligibilité est de droit (cf. d du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

* 211 Sous réserve que l'encours ne dépasse pas 10 % de l'ensemble de l'encours du contrat (cf. 1° du II de l'article R. 131-1 du code des assurances).

* 212 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 213 Géraldine Bruguière-Fontenille, « Le lent démarrage des unités de compte en private equity », L'argus de l'assurance, 8 mars 2018.

* 214 Ce registre unique, prévu à l'article L. 546-1 du code monétaire et financier, est tenu par l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias).

* 215 Deuxième et troisième alinéas du b du 3° de l'article R. 548-5 du code monétaire et financier.

* 216 ACPR, « Position de l'ACPR relative aux taux de défaillance que doivent publier les intermédiaires en financement participatif », 2017-P-02, 22 décembre 2017.

* 217 « Financement participatif : face aux dérives persistantes, une régulation s'impose », UFC-Que Choisir, 5 novembre 2018.

* 218 Mais également toute admission de titres financiers aux négociations sur un marché réglementé.

* 219 Qui donnent lieu à l'émission d'une quotité de titres inférieure à 50 % du capital de l'émetteur.

* 220 « et que l'opération porte sur des titres de capital ou des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7 ou sur des titres de créance dont la valeur nominale est inférieure à 1 000 euros et qui ne sont pas des instruments du marché monétaire au sens de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers, dont l'échéance est inférieure à douze mois ».

* 221 Articles L. 411-2 et D.411-2 du code monétaire et financier.

* 222 Dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État-membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

* 223 Directement ou indirectement.

* 224 Directement ou indirectement.

* 225 Ces dispositions sont également applicables, dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'AMF, aux instruments financiers négociés sur tout marché d'instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé d'un État-membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande auprès de l'AMF.

* 226 Dont le siège social est établi en France et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État-membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

* 227 Les actionnaires minoritaires sont indemnisés selon un mode de calcul décrit à l'article L. 433-4 : « l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité. L'indemnisation est égale, par titre, au résultat de l'évaluation précitée ou, s'il est plus élevé, au prix proposé lors de l'offre ou la demande de retrait ».

* 228 Directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

* 229 La commission des finances du Sénat, par la voix de son rapporteur Philippe Marini, avait cependant plaidé pour porter ce taux à 90 % (rapport n° 20, 2005-2006).

* 230 Données de l'étude d'impact annexée au présent projet de loi

* 231 Règlement 2017/1129 du 14 juin 2017 qui entrera en vigueur complète le 21 juillet 2019

* 232 Alinéa 3 de l'article 1 er du règlement

* 233 Considérant 12 du règlement précité

* 234 Article 3 du règlement

* 235 La première du 24 janvier au 21 février 2018 ; la seconde du 6 au 29 juin 2018

* 236 Arrêté du 11 juillet 2018 du ministre de l'économie et des finances

* 237 Le considérant 13 du règlement précité prévoit qu'en-dessous du seuil retenu pour l'obligation de prospectus, « les États-membres devraient pouvoir imposer d'autres obligations d'information au niveau national, dès lors que de telles obligations ne constituent pas une charge disproportionnée ou inutile par rapport à ces offres au public de valeurs mobilières qui sont exemptées » ; des précisions similaires sont également contenues au considérant 12 du règlement précité.

* 238 VIII de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier.

* 239 Document d'information synthétique.

* 240 Document d'information réglementaire synthétique.

* 241 Article L. 621-8-2.

* 242 Voir article 26 du présent projet de loi.

* 243 L'article L. 621-15 vise plus précisément « toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à la diffusion d'une fausse information ou s'est livrée à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 621-14 ».

* 244 Exposé des motifs du projet de loi.

* 245 L'étude d'impact mentionne notamment l'action de certains fonds dits « activistes » qui ont acquis plus de 5 % du capital d'entreprises françaises pour empêcher la procédure de retrait obligatoire et exiger des primes de sortie plus élevées.

* 246 Données de l'étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 247 Étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 248 Étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 249 Article 49 du règlement précité.

* 250 Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact.

* 251 Conformément à la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers.

* 252 Un amendement identique avait été défendu puis retiré en commission spéciale par Mme Valérie Faure-Muntian, la ministre ayant expliqué qu'il était difficile de donner une définition à l'expression d'usage courant « sociétés cotées » mais que le Gouvernement entendait y procéder dans le cadre de l'habilitation demandée au présent article.

* 253 On estime le coût d'établissement du prospectus à environ 2 % du montant levé (voir étude d'impact annexée au présent projet de loi).

* 254 Article 15 de la directive précitée.

* 255 Rapport précité : « les seuils (...) seraient exprimés en capital et en droit de vote ».

* 256 Markets in financial instruments directive.

* 257 Markets in financial instruments regulation.

* 258 Cass. com. 18-11-1986 : Rev. Sociétés 1987 p. 581 note I. Urbain-Parleani.

* 259 Rép. de Cuttoli : Sén. 23-10-1980 p. 4001, http://www.senat.fr/comptes-rendus-seances/5eme/pdf/1980/10/s19801022_3983_4006.pdf.

* 260 Unidroit, « Principes concernant l'applicabilité des clauses de résiliation-compensation », 15 novembre 2013.

* 261 Voir sur ce point le commentaire de l'article 22 du présent projet de loi.

* 262 Voir les articles L. 214-7-4 (OPCVM prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-24-33 (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-8-7 (OPCVM prenant la forme de fonds communs de placement) et L. 214-24-41 du code monétaire et financier (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de fonds communs de placement).

* 263 Voir par exemple les articles D. 214-32-12 et D. 214-5 du code monétaire et financier.

* 264 AFG, « Code AFG de bonnes pratiques concernant la gestion du risque de liquidité dans les organismes de placement collectif », janvier 2016, p. 22.

* 265 Pour une description détaillée, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 71 du présent projet de loi, qui ratifie l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette, qui a créé les OFS.

* 266 Pour une description détaillée des différences entre les OT et les OFS, voir par exemple : Olivier Moriceau, Antoine Reboulot et Leslie Ginape, « L'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 : une nouvelle voie pour le financement de l'économie », August Debouzy, 19 octobre 2017.

* 267 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.

* 268 AMF, « La régulation des marchés de dérivés sur matières premières », 19 octobre 2017.

* 269 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE.

* 270 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

* 271 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

* 272 Règlement (UE) n ° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.

* 273 Ce dispositif avait été mis en place par l'article 123 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 274 Cette exigence est transposée à l'article 411-3 du règlement général de l'AMF.

* 275 Article 159 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 276 À titre de rappel, les organismes de financement spécialisé peuvent prendre soit la forme de fonds de financement spécialisé, soit de sociétés de financement spécialisé.

* 277 À titre de rappel, la radiation emporte non seulement le retrait de l'agrément mais également la liquidation de la personne morale.

* 278 « Places financières : quelle stratégie française face au Brexit ? », rapport d'information n° 574 (2016-2017) d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 7 juin 2017.

* 279 Un écart du même ordre est constaté par rapport aux autres places financières concurrentes (Pays-Bas, Luxembourg, Irlande).

* 280 Ce dispositif avait été mis en place par l'article 123 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 281 Il a été supprimé par l'article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 282 Agirc-Arrco, « Affiliation des salariés en position de détachement en France », circulaire commune 2009-6-DRE, 9 février 2009.

* 283 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 315.

* 284 Conseil d'État, avis sur le présent projet de loi, p. 15.

* 285 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, cons. 112.

* 286 Un « warrant » est un titre représentant un lot de marchandises placées dans un entrepôt public dit « magasin général ». Cette opération est destinée à permettre la mise en gage de marchandises dans le cadre d'un contrat de crédit. Le dépôt dans un magasin général donne lieu à la délivrance d'un récépissé qui est remis au déposant et d'un « warrant ». Les récépissés et les warrants sont des documents commerciaux endossables. À l'échéance du crédit, à défaut de paiement de la créance gagée, le porteur du warrant peut faire réaliser son gage.

* 287 Article L. 522-25 du code de commerce : « À chaque récépissé de marchandise est annexé, sous la dénomination de warrant, un bulletin de gage contenant les mêmes mentions que le récépissé. Les récépissés de marchandises et les warrants y annexés sont extraits d'un registre à souches ».

* 288 Article L. 522-26 du code de commerce : « Les récépissés et les warrants peuvent être transférés par voie d'endossement, ensemble ou séparément » et article L. 522-27 du code de commerce : « Tout cessionnaire du récépissé ou du warrant peut exiger la transcription sur les registres à souches dont ils sont extraits de l'endossement fait à son profit, avec indication de son domicile ».

* 289 Article L. 522-5 du code de commerce : « Il est interdit aux exploitants des magasins généraux de se livrer, soit directement, soit indirectement, que ce soit pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, à titre de commissionnaire ou à tout autre titre, à aucun commerce ou spéculation ayant pour objet les marchandises pour lesquelles ils sont habilités à délivrer des récépissés-warrants ».

* 290 Près de 60000 lots de blé meunier y sont échangés quotidiennement via des contrats à terme.

* 291 Pour la France, il s'agit de la société LCH SA.

* 292 Yves Simon et Didier Marteau, Marchés dérivés de matières premières (2017), p. 391.

* 293 Les 156 coopératives agricoles de collecte-vente de grains et leurs filiales ont collecté, durant ces cinq dernières campagnes, quelque 70 % des céréales et ole'o-prote'agineux produits en France ; les 30 % restant étant collectés par des sociétés de négoce agricole ou marginalement par des industriels. Près de sites, appartenant a` une dizaine de coopératives et situés sur l'ensemble du territoire national, pourraient potentiellement s'inscrire dans le processus de livraison du marché' a` terme.

* 294 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017, cons. 9.

* 295 Article 74 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 296 Article 61 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 297 Article 97 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 298 AMF, « Forex, options binaires : l'AMF a obtenu la fermeture de 138 adresses internet de sites en 3 ans », 3 mai 2018.

* 299 Voir par exemple la liste noire des sites proposant d'investir dans des biens divers publiée sur le site internet de l'AMF.

* 300 Article 2238 du code civil : « La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ou à compter de l'accord du débiteur constaté par l'huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l'article L.125-1 du code des procédures civiles d'exécution. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. En cas d'échec de la procédure prévue au même article, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l'huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. »

* 301 Banque de France, « Présentation des infrastructures des marchés financiers », 7 juin 2018.

* 302 Directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres.

* 303 Voir notamment l`avant-dernier alinéa du II de l'article L. 330-1 du code monétaire et financier : « Lorsqu`une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte à l`encontre d`un participant à un système de règlement interbancaire ou de règlement et de livraison d`instruments financiers de l`Espace économique européen, les droits et obligations découlant de sa participation ou liés à cette participation audit système sont déterminés par la loi qui régit le système, sous réserve que cette loi soit celle d`un État partie à l`accord sur l`Espace économique européen ».

* 304 Étude d`impact annexée au présent projet de loi, p. 332.

* 305 Règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.

* 306 Étude d`impact annexée au présent projet de loi, p. 337.

* 307 Ibid ., p. 338.

* 308 Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (n° 1088, tome I), p. 486.

* 309 Ibid .

* 310 Étude d `impact annexée au présent projet de loi, p. 335.

* 311 Ibid .

* 312 Données Coinmarketcap, 5 janvier 2019.

* 313 Le terme de « dispositif d'enregistrement électronique partagé » (DEEP) correspond à la manière dont la technologie blockchain a déjà désignée en droit français par les dispositions de l'article L. 223-12 du code monétaire et financier relatives aux minibons, introduites par l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse.

* 314 La validation est susceptible d'être effectuée par tous les acteurs du réseau (« consensus décentralisé ») et est fondée sur la résolution d'un problème cryptographique.

* 315 Ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

* 316 Article 41 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 317 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, novembre 2018, p. 2.

* 318 Jacques Favier, Adli Takkal Bataille et Benoît Huguet, « Bitcoin - Métamorphoses - De l'or des fous à l'or numérique ? », Dunod , 24 octobre 2018.

* 319 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, précité, p. 2.

* 320 Ibid .

* 321 Pour une description détaillée, voir : AMF, Document de consultation sur les initial coin offerings (ICOs), 26 octobre 2017, pp. 7-9.

* 322 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, précité, p. 11.

* 323 Tracfin, « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : tendances et analyse en 2017-2018 », 28 novembre 2018, p. 60.

* 324 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, précité, p. 20.

* 325 Ibid .

* 326 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 41.

* 327 AMF, Document de consultation sur les initial coin offerings (ICOs), 26 octobre 2017, pp. 3-4.

* 328 AMF, Document de consultation sur les initial coin offerings (ICOs), 26 octobre 2017, p. 3.

* 329 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

* 330 Google, « Financial Services: New restricted financial products policy », juin 2018 ; Facebook, « Updates to Our Prohibited Financial Products and Services Policy », juin 2018.

* 331 Pour une description détaillée, voir par exemple : Asha McLean, « ?Facebook holds ICO ban but allows 'approved' cryptocurrency ads », ZDNet, 27 juin 2018.

* 332 Voir par exemple, pour une description des difficultés rencontrées : Grégory Raymond, « Bitcoin : la grande méfiance des banques face à leurs cryptoclients », Capital, 13 février 2018.

* 333 Pour une description détaillée de l'ensemble de l'écosystème, voir : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, pp. 33-39 .

* 334 Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

* 335 Voir la nouvelle rédaction du paragraphe 1 de l'article 47 de la directive (UE) 2015/849 précitée.

* 336 Pour une description détaillée, voir : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 53.

* 337 ACPR, « Position de l'ACPR relative aux opérations sur Bitcoins en France », 2014-P-01, 29 janvier 2014.

* 338 Ibid .

* 339 CA Paris, 26 sept. 2013, n° 12/00161.

* 340 Réponses de l'ACPR au questionnaire adressé par votre rapporteur.

* 341 Ibid .

* 342 Pour une description détaillée, voir notamment : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018 ; Tracfin, « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : tendances et analyse en 2017-2018 », novembre 2018.

* 343 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 33 .

* 344 Traduction réalisée par les services de la commission spéciale du Sénat, à partir de la version anglaise de la recommandation n° 15.

* 345 Tracfin, « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : tendances et analyse en 2017-2018 », novembre 2018, p. 57.

* 346 Données Coinmarketcap, 7 janvier 2019.

* 347 Dans ce dernier cas, des exceptions sont prévues, notamment pour les parts de certains fonds ainsi que pour les titres financiers offerts au public après établissement d'un document d'information.

* 348 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 349 AMF, « Forex, options binaires, arnaques financières en ligne : l'AMF, le Parquet de Paris, la DGCCRF et l'ACPR se mobilisent », jeudi 31 mars 2016, p. 5.

* 350 Voir sur ce point : avis n° 710 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 22 juin 2016, p. 211 et s.

* 351 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, novembre 2018.

* 352 Google, « Financial Services: New restricted financial products policy », juin 2018 ; Facebook, « Updates to Our Prohibited Financial Products and Services Policy », juin 2018.

* 353 Pour une description détaillée, voir par exemple : Asha McLean, « Facebook holds ICO ban but allows `approved' cryptocurrency ads », ZDNet, 27 juin 2018.

* 354 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018.

* 355 Autorité des marchés financiers, « Les fonds professionnels spécialisés », 9 octobre 2015.

* 356 Article 423-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 357 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 45.

* 358 Ibid ., p. 14.

* 359 Pwc, «Lettre d'actualité Asset Management », numéro 4, juin 2018, p. 6.

* 360 Pour une analyse détaillée, voir par exemple : Medium, « La création d'un fonds d'investissement en crypto-actifs est-elle possible en droit français ? », mai 2018.

* 361 Article 70 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 362 Par exception, les plans ouverts auprès d'une entreprise d'assurance donnent lieu à signature d'un contrat de capitalisation.

* 363 En cas de retrait ou de rachat avant cinq ans, le gain net réalisé est désormais taxé au prélèvement forfaitaire unique, au taux global de 30 % (12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu, 17,2 % au titre des prélèvements sociaux).

* 364 Sont également admises les entreprises dont le siège social se situe dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 365 Il s'agit de bons de caisse faisant l'objet d'une offre proposée par l'intermédiaire d'un prestataire de services d'investissement ou d'un conseiller en investissements participatifs, au moyen d'un site internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 366 Actuellement, l'éligibilité est réservée aux sociétés de petite capitalisation boursière dont aucune personne morale ne détient plus de 25 % du capital.

* 367 Banque de France, « Les PEA enregistrent des retraits nets de la clientèle », 21 septembre 2018.

* 368 Ibid .

* 369 L'an passé, l'immobilier aurait représenté 40 % des sommes collectées par les plateformes de financement participatif, selon une étude de KPMG. Cf. Johan Deschamps, « Le crowdfunding immobilier explose », Capital, 21 novembre 2018.

* 370 Banque de France, « Les PEA enregistrent des retraits nets de la clientèle », 21 septembre 2018.

* 371 Loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au plan d'épargne en actions.

* 372 Pour une description détaillée, le lecteur est ainsi invité à se reporter au commentaire de l'article 27 du présent projet de loi.

* 373 Pour le PEA, voir : Bofip-Impôts, BOI-RPPM-RCM-40-50-10-20150210, paragraphe 10.

* 374 Voir notamment le comparatif des différentes tarifications appliquées par les banques publié par la plateforme Anaxago.

* 375 Sur le droit au rachat, voir notamment l'article L. 132-23 du code des assurances.

* 376 Article 423-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 377 Article 423-27 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 378 Pour une illustration simplifiée, voir : « Les obligations remboursables en actions, un moyen méconnu de faciliter la recapitalisation des PME », Les Échos, 30 septembre 2014.

* 379 Articles L. 3333-1 à L. 3333-8 du code du travail.

* 380 Articles L. 3334-1 à L. 3334-16 du code du travail.

* 381 Article L. 3323-2 du code du travail.

* 382 Pour davantage de détails sur les dérogations ouvertes au monopole bancaire par l'article L. 511-6, se référer au commentaire de l'article 27 quinquies du présent rapport.

* 383 Site internet de l'ADIE, page dédiée à l'ADIE Mayotte.

* 384 Dossier de presse France Expérimentation « Expérimenter pour innover », 23 mars 2017.

* 385 Livre blanc de l'ADIE pour améliorer l'environnement juridique et financier de la création d'entreprise et du microcrédit, mars 2012.

* 386 Tous les chiffres du présent encadré sont issus du rapport d'activité 2017 d'ADIE Mayotte.

* 387 Votre rapporteur note à ce titre que toutes les coordinations règlementaires nécessaires ont été effectuées suite à la suppression des conditions de délai, l'article 1 er du décret n° 2018-950 du 31 octobre 2018 précité ayant supprimé la dérogation de l'article 1 er du décret n° 2017-563 du 18 avril 2017 qui permettait aux entreprises mahoraises de bénéficier de microcrédits jusqu'à dix ans après leur création ou reprise.

* 388 Communiqué du ministère de l'économie relatif aux « Premiers résultats de l'appel à projets France Expérimentation ».

* 389 Pour davantage de précisions, se référer au commentaire de l'article 27 sexies du présent projet de loi.

* 390 Rapport annuel 2017 de l'ORIAS, disponible sur leur site internet.

* 391 Opérations de crédit relevant du chapitre II du titre I er du livre III du code de la consommation.

* 392 Exigences prévues aux articles L. 312-18 à L. 312-30 du code de la consommation.

* 393 Obligations prévues aux sections 2 à 7 du chapitre I er du titre VI du livre V du code monétaire et financier.

* 394 Voir en particulier les enquêtes typologiques annuelles de la Banque de France sur le surendettement des ménages : en 2017 , près de 68 % des situations de dépôt d'un dossier de surendettement sont concernées par un ou plusieurs crédits renouvelables.

* 395 Selon les données de l'institut national de la statistique et des études économiques publiées dans les « Tableaux de l'économie française » le 27 février 2018 pour l'année 2015.

* 396 Loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

* 397 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 398 Selon les données de l'association des sociétés financières (ASF).

* 399 Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif.

* 400 « Financement participatif : face aux dérives persistantes, une régulation s'impose », UFC-Que Choisir, 5 novembre 2018.

* 401 Les actions de préférence se sont substituées aux anciennes actions de priorité, qui pouvaient jouir d'avantages par rapport aux actions ordinaires.

* 402 Le dossier législatif de cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl13-790.html

* 403 Les métaux précieux (l'or, l'argent et le platine), extrêmement malléables, doivent être associés à des métaux dits communs, comme le cuivre et le fer, dans des proportions variables en fonction de la couleur recherchée de l'alliage. Ainsi, l'or rose 18 carats s'obtient par un alliage de 75 % d'or, 20 % de cuivre et de 5 % d'argent. Rappelons cependant que les ouvrages d'or ou en platine d'un poids inférieur à trois grammes et les ouvrages en argent d'un poids inférieur à 30 grammes sont dispensés du poinçon de titre ou de garantie, mais doivent être aux titres légaux et marqués du poinçon de maître ou de responsabilité.

* 404 Paris, Lyon, Nice, Saumur, Toulouse, Strasbourg, Fort de France, Point-à-Pitre, Saint-Denis de la Réunion et Cayenne.

* 405 Loi n° 94-6 du 4 janvier 1994 portant aménagement de la législation relative à la garantie des métaux précieux et aux pouvoirs de contrôle des agents des douanes sur la situation administrative de certaines personnes.

* 406 Décret n° 95-212 du 21 février 1995 portant application de l'article 535 du code général des impôts relatif aux conventions d'habilitation entre l'administration des douanes et les fabricants d'ouvrages en métaux précieux.

* 407 Définie à l'article 527 du code général des impôts, cette taxe était auparavant fixée à 8 euros par ouvrage en or ou platine (2 euros en Outremer) et 4 euros par ouvrage en argent (1 euro en Outremer). Le rendement de cette taxe était ainsi estimé à 580 000 euros annuels dans l'annexe « Voies et moyens » (tome I) du projet de loi de finances pour 2019.

* 408 Projet de loi de finances pour 2019 : les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances, rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, p.214.

* 409 L'Inspection générale des finances évoquait, déjà en 2014, l'abandon de la délivrance de poinçons de maître ou de responsabilité : « dans l'hypothèse où la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) craindrait une augmentation de la demande de poinçonnage du fait d'un effet report depuis la garantie aujourd'hui effectuée par des prestataires privés, elle pourrait soit poursuivre le mouvement de concentration des bureaux de la garantie déjà engagé , soit abandonner cette mission. La DGDDI garderait, par ailleurs, un contrôle sur les prestataires » d'après l'Annexe III, p.30, du rapport de l'Inspection générale des Finances sur les taxes à faible rendement, tome 1, février 2014.

* 410 Il estime cependant que, lorsqu'il a recours à l'affacturage inversé, les gains de trésorerie pour les fournisseurs sont de l'ordre de 20 à 25 jours.

* 411 Le CHU de Nice ou le centre hospitalier intercommunal de Créteil par exemple.

* 412 Prescrits au 2° de l'article 19 et à l'article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 413 On rappellera toutefois que la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière et le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ont transposé la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales : l'ensemble des contrats de la commande publique est désormais soumis à un régime juridique unique pour le paiement des sommes dues, plus contraignant que les dispositions applicables aux entreprises et les sanctions en cas de retard de paiement ont été renforcées.

* 414 Il s'agit des personnes morales de droit public ; des personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur, soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ; et des organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun.

* 415 Le présent article vise en effet les « pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ». Or cet article est abrogé par le V de l'article 18 de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique et codifié à l'article L. 1211-1 dudit code à compter du 1 er avril 2019. Cette ordonnance n'a pas encore été ratifiée par le Parlement.

* 416 CE, 1947, Société de secours mutuel en cas de décès des fonctionnaires et employés de l'Institut d'assurances sociales d'Alsace et de Lorraine.

* 417 Décision n° 83-167 DC du 19 janvier 1984.

* 418 Article 151 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 419 Résultats 2017 communiqués en avril 2018 au Parlement.

* 420 Cf . commentaire de l'article 37 relatif aux mandats de gestion de la CDC.

* 421 Panorama du groupe Caisse des dépôts, 2017, p.15.

* 422 Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement.

* 423 Source documentaire disponible à l'adresse suivante : https://www.caissedesdepots.fr/les-textes-fondateurs.

* 424 Décision n° 83-167 DC du 19 janvier 1984.

* 425 Cf . commentaire de l'article 31 relatif aux prérogatives de la commission de surveillance

* 426 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 427 Article 72 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.

* 428 Étude d'impact p.383.

* 429 Cf. commentaires des articles 31 et 35 du présent projet de loi

* 430 Conseil d'État, avis n° 394599 et 395021, 14 juin 2018, projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, p.19.

* 431 À titre d'exemple, le conseil d'administration de Bpifrance comprend trois personnalités qualifiées pour quinze administrateurs.

* 432 Cf . commentaire de l'article 35 relatif à la supervision prudentielle.

* 433 Article 3 du règlement intérieur de la commission de surveillance.

* 434 Pour rappel, les règles prudentielles applicables à la CDC ne sont pas les mêmes que celles applicables à un établissement de crédit traditionnel. En effet, ses investissements, majoritairement en actions et en obligations, revêtent un caractère de long terme, et son activité de prêts occupe dans son bilan une part moindre que dans celui d'un établissement de crédit. En 2014, le législateur a modifié les règles prudentielles applicables à la CDC afin de tenir compte des évolutions récentes des normes prudentielles bancaires, en particulier avec l'adoption de « Bâle III » par le Comité de Bâle, et sa traduction en droit européen avec le paquet dit « CRD IV ».

* 435 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 436 L'article 31 du règlement prévoit que le comité des investissements soit saisi des investissements ou cession dont le montant dépasse les 150 millions d'euros. Il est également saisi des opérations de prêts dont l'exposition en fonds propres prudentiels dépasse ce même montant. Toutefois, le directeur général peut saisir le comité des investissements pour toute opération dès lors qu'il le juge nécessaire.

* 437 Le comité d'examen des comptes et des risques et le comité des fonds d'épargne.

* 438 Avis du Conseil d'État n° 394.599 et 395.021 sur le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, p. 20.

* 439 Décret n° 59-587 du 29 avril 1959 relatif aux nominations aux emplois de direction de certains établissements publics, entreprises publiques et sociétés nationales.

* 440 Décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique.

* 441 Article 831 du décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique.

* 442 Article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 443 Article R. 131-7 du code des juridictions financières.

* 444 Référé de la Cour des comptes n° 2005-304-0.

* 445 Décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.

* 446 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 447 Référé de la Cour des comptes n° S2016-4091.

* 448 Les coordinations dans le code des juridictions financières sont réalisées par l'article 38 du présent projet de loi.

* 449 Article 13 du décret n° 2015-1498 du 18 novembre portant statuts de l'établissement public Bpifrance et définissant les modalités particulières du contrôle de l'État

* 450 Article R. 515-23 du code monétaire et financier

* 451 Conseil d'État, rapport public sur les établissements publics, 2009, p.100

* 452 Article 26 de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition.

* 453 Article 151 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 454 Rapport n° 413 (2007-2008) fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de modernisation de l'économie, par Laurent Béteille, Élisabeth Lamure et Philippe Marini, p. 561.

* 455 Article 151 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 456 Décret n° 2016-1983 du 30 décembre 2016 relatifs au contrôle externe de la Caisse des dépôts et consignations.

* 457 Cf . commentaire de l'article 30 A.

* 458 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CRD IV), et le règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.

* 459 Article 2 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CRD IV).

* 460 En application de l'article L. 518-7 du code monétaire et financier. Cf. commentaire de l'article 31 du présent projet de loi.

* 461 Rapport n° 413 (2007-2008) fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de modernisation de l'économie, par Laurent Beteille, Élisabeth Lamure et Philippe Marini, p571.

* 462 Article 37 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012

* 463 Article 9 de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence

* 464 Étude d'impact p. 385

* 465 Article R. 221-11 du code monétaire et financier.

* 466 Article 41 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990.

* 467 Article 79 de la loi n° 2001-1279 de finances rectificative pour 2001.

* 468 Cf . commentaire de l'article 30 A .

* 469 En application de l'article L. 312-20 du code monétaire et financier. Cf . commentaire de l'article 27 quater.

* 470 Article 40 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

* 471 Article 40 de la loi n° 2014-1545 précitée.

* 472 La mise en oeuvre de la responsabilité du caissier général devant la Cour des comptes est précisée au commentaire de l'article 33 du présent projet de loi.

* 473 Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

* 474 Arrêté du 1er septembre 2014 relatif à la convention de compte de dépôt pour les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels.

* 475 Des taxes sont demandées au déposant du certificat d'utilité lors du dépôt (36 € ou 26 € selon le format du dépôt) et de la délivrance (86 €). En outre, des annuités doivent être payées pour maintenir le certificat en vigueur ; elles s'échelonnent de 36 € la deuxième année à 72 € la sixième et dernière année. Dans le cas d'un brevet, l'annuité à verser est de 38 € de la deuxième à la cinquième année puis augmente progressivement jusqu'à atteindre 790 € la vingtième année.

* 476 Article L. 612-15 du code de la propriété intellectuelle.

* 477 Selon les chiffres annoncés par le ministre devant l'Assemblée nationale, le coût moyen d'un certificat d'utilité serait de 200 euros contre 2 000 euros pour un brevet d'invention.

* 478 Allemagne, Brésil, Chine, Espagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Russie.

* 479 Étude d'impact.

* 480 Initialement prévue dans le présent article, cette disposition en a été retirée à la demande du Conseil d'État qui a considéré qu'elle relevait du domaine réglementaire.

* 481 Sont concernés les fonctionnaires civils participant à la recherche publique, notamment dans les établissements publics d'enseignement supérieur, de recherche, de santé et dans les entreprises publiques. Il s'agit des personnels ingénieurs, techniciens et administratifs de la recherche et de l'enseignement supérieur, des chercheurs dépendant des établissements publics scientifiques et technologiques et des enseignants-chercheurs. Sous réserve d'être employés de manière continue depuis au moins un an, les personnels non fonctionnaires chargés de fonction d'enseignement ou de recherche peuvent bénéficier des deux premiers dispositifs instaurés par la loi Allègre (création d'entreprise et concours scientifique).

* 482 Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin : La création d'entreprise par les chercheurs et l'intéressement des inventeurs : propositions de modernisation de la loi Allègre et de simplification de l'intéressement.

* 483 L'autorisation peut être refusée dans les trois cas suivants : si elle est préjudiciable au fonctionnement normal du service public ; si la participation du fonctionnaire porte atteinte à la dignité de ses fonctions ou risque de compromettre l'indépendance ou la neutralité du service ; si la prise d'intérêt dans l'entreprise est de nature à porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche ou à remettre en cause les conditions d'exercice de la mission d'expertise qu'il exerce auprès des pouvoirs publics.

* 484 La différence entre les deux procédures porte sur la dénomination (opposition pour les brevets et annulation pour les marques) mais elles concernent toutes les deux l'annulation de titres délivrés ou enregistrés.

* 485 Bertrand Warusfel : « Pour un véritable examen au fond des demandes de brevet français », Propriétés intellectuelles, avril 2012, n ° 43.

* 486 Anne-Marie Idrac : Développement des véhicules autonomes : orientations stratégiques pour l'action publique, mai 2018.

* 487 L'article 12 autorise le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures permettant de définir le cadre législatif pour la circulation des voitures autonomes et l'article 13 porte sur la mise à disposition des données des véhicules connectés et des assistants de conduite aux forces de police et aux services d'incendie et de secours.

* 488 Considérant que les courbes de charge des autoconsommateurs individuels ne se différencient pas fondamentalement des autres consommateurs et ne justifient donc pas, en l'état actuel des connaissances, un traitement tarifaire spécifique.

* 489 En distinguant les soutirages « autoproduits » et « alloproduits » (correspondant à l'énergie fournie par un fournisseur, et non autoproduite), il s'agit d'« envoyer un signal positif aux autoconsommateurs qui sont capables de maximiser leur autoproduction aux heures critiques pour les réseaux, et [de les inciter] à diminuer leurs soutirages “alloproduits” en général, et plus particulièrement durant ces périodes ».

* 490 Et 94 opérations en projet ; source : Enedis.

* 491 « Place au soleil » : mobilisation pour accélérer le déploiement de l'énergie solaire, dossier de presse du ministère de la transition écologique et solidaire, 28 juin 2018.

* 492 La personne morale organisatrice d'une opération d'autoconsommation collective n'est ainsi pas soumise aux obligations spécifiques d'informations précontractuelles, à l'obligation de proposer un contrat d'une durée d'un an, au respect des dispositions relatives à la facture, à l'obligation de vendre l'électricité à un prix identique à tous les participants (ce qui déroge au principe de péréquation tarifaire) ou aux obligations liées au maintien de l'équilibre entre l'offre et la demande dans le système électrique, tandis que les participants ne disposent pas, notamment, du droit de résilier leur contrat à tout moment et sans frais.

* 493 Délibération de la CRE du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les domaines de tension HTA et BT.

* 494 Rapport n° 720 (2017-2018), article 21 bis AA, proposition commune de rédaction n° 65.

* 495 Les dispositions issues du Protocole de Nagoya sont couramment dénommées dispositions sur l'APA (Accès aux ressources génétiques et Partage des Avantages).

* 496 La métropole compte environ 4 900 plantes supérieures indigènes, ce qui la classe au quatrième rang européen. La zone méditerranéenne fait partie des 34 points chauds mondiaux de la biodiversité caractérisés par une biodiversité riche mais fragilisée et un très fort taux d'endémisme. En outre-mer, la France abrite un patrimoine biologique exceptionnel, sur plusieurs continents et zones bioclimatiques. Enfin, le milieu marin français représente le deuxième domaine maritime du monde.

* 497 Le Muséum national d'histoire naturelle par exemple gère une centaine de collections comprenant plus de 60 millions de spécimens de matériel génétique ou minéral et dont certaines ont été initiées dès la fin du XVIIIème siècle.

* 498 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 499 À cet égard, de nombreux intervenants ont regretté que le portail géré par le ministère chargé de l'écologie soit exclusivement en français alors même qu'il est susceptible d'être utilisé par de nombreux organismes de recherche ou entreprises étrangères.

* 500 Les difficultés rencontrées sont très diverses. Il faut par exemple définir l'organisme responsable de la déclaration. Or, au CNRS, 80 % des unités de recherche sont des unités mixtes, il a donc fallu définir des critères en collaboration avec les autres organismes de recherche puis arrêter une procédure. Ensuite, le questionnaire n'est pas forcément adapté à la réalité du terrain en dépit de son apparente simplicité (nombre d'échantillons, date du prélèvement, définition des ressources prélevées). Plusieurs chercheurs ont fait remarquer qu'il était par exemple souvent difficile de prévoir à l'avance le nombre d'échantillons qu'ils prélèveront réellement.

* 501 Cette part s'élève à 46,12 % depuis juillet 2017.

* 502 Hors effet périmètre de la consolidation de TAV intervenue en 2017.

* 503 L'EBITDA a pour sa part atteint 1 567 millions d'euros en 2017, en hausse de 1 195 millions d'euros par rapport à 2016.

* 504 Il s'agit des redevances passagers (653 millions d'euros), des redevances d'atterrissage (243 millions d'euros) et des redevances de stationnement (159 millions d'euros).

* 505 Les loyers des boutiques côté pistes s'établissent à 303 millions d'euros (+1,6 %), ceux des boutiques côté ville à 19 millions d'euros (+5,4 %) et ceux des bars et restaurants à 42 millions d'euros (+10,2 %).

* 506 À l'exception de l'aéroport de Beauvais-Tillé, qui a accueilli 4 millions de passagers en 2016.

* 507 Le groupe ADP dispose à Paris d'environ 58 100 mètres carrés de surfaces commerciales côté ville et côté piste.

* 508 Deux gares de la ligne 17 devraient être implantées sur le site de Paris-Charles de Gaulle : l'une au niveau du Terminal 2 et l'autre au niveau du futur Terminal 4.

* 509 « Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus ».

* 510 Ces biens du domaine public d'ADP qui n'ont pas été déclassés ont été attribués à l'État. Une convention a déterminé les sommes dues et remboursées par l'État à ADP en conséquence des investissements qu'ADP avait engagés en faveur de ces biens.

* 511 En droit public, les ouvrages publics sont des immeubles aménagés affectés à une mission de service public ou d'intérêt général.

* 512 Cette plus-value correspond à la différence existant entre, d'une part, la valeur vénale à cette date des immeubles situés dans l'enceinte de cet aérodrome qui ne sont plus affectés au service public aéroportuaire et, d'autre part, la valeur de ces immeubles au moment de la transformation d'ADP en SA, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires.

* 513 Au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

* 514 Régie par le livre VI du code de commerce.

* 515 Cette entreprise est détenue à 51 % par le groupe Eiffage et à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations.

* 516 Il s'agit des articles L. 6323-2-1, L. 6323-4, L. 6323-6 et L. 6325-2 du code des transports.

* 517 Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice, Cour des comptes, novembre 2018.

* 518 Ladite agence de notation devra être enregistrée conformément au règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédits.

* 519 Prévues respectivement aux articles L. 611-3 et L. 611-6 du code de commerce.

* 520 En droit public, les ouvrages publics sont des immeubles aménagés affectés à une mission de service public ou d'intérêt général.

* 521 Cette plus-value correspond à la différence existant entre, d'une part, la valeur vénale à cette date des immeubles situés dans l'enceinte de cet aérodrome qui ne sont plus affectés au service public aéroportuaire et, d'autre part, la valeur de ces immeubles au moment de la transformation d'ADP en SA, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires.

* 522 Cette définition des services publics aéroportuaires est précisée par l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile.

* 523 Il s'agit de la redevance pour mise à disposition de banques d'enregistrement et d'embarquement et traitement des bagages locaux ; de la redevance pour mise à disposition des installations de traitement des bagages en correspondance ; des redevances informatiques d'enregistrement et d'embarquement (système CREWS) ; de la redevance pour mise à disposition des installations fixes de fourniture d'énergie électrique pour les aéronefs ; de la redevance pour mise à disposition des installations pour le dégivrage des avions ; de la redevance d'assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite ; de la redevance de titre de circulation aéroportuaire ; de la redevance pour les services d'eau et vidanges des avions (dilacération).

* 524 Entre les terminaux Sud et Ouest de Paris-Orly, entre les terminaux 2B et 2D de Paris-Charles de Gaulle, etc.

* 525 Disponibilité des électromécaniques, des tapis de livraison bagages, des postes avions, des passerelles, du 400 Hz, satisfaction vis-à-vis de la propreté.

* 526 Décret n° 2011-1965 du 23 décembre 2011 modifiant certaines dispositions relatives aux redevances pour services rendus sur les aérodromes.

* 527 Décret n° 2016-825 du 23 juin 2016 relatif aux redevances aéroportuaires et modifiant le code de l'aviation civile.

* 528 Décret n° 2017-1516 du 30 octobre 2017 relatif à l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires.

* 529 Le CGEDD est une instance consultative placée sous l'autorité directe du ministre chargé de l'environnement et du développement durable qui le préside. Il est composé, outre de personnalités qualifiées nommées pour trois ans par le ministre chargé de l'environnement et du développement durable, de membres permanents, notamment les inspecteurs généraux de l'administration du développement durable et les anciens directeurs d'administration centrale. Il informe et conseille les ministres dans les domaines dont les ministres chargés respectivement de l'environnement et du développement durable, de la transition énergétique, du logement, de l'urbanisme, de la politique de la ville, de l'aménagement du territoire, des transports et de la mer ont la responsabilité.

* 530 Il s'agit des aéroports de Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d'Azur, Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Toulouse-Blagnac.

* 531 Trois systèmes d'aérodromes relèvent ainsi des compétences de l'ASI : les aérodromes de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget ; les aérodromes de Nice-Côte d'Azur et Cannes-Mandelieu ; les aérodromes de Lyon-Saint-Exupéry et Lyon-Bron.

* 532 Lorsqu'il existe un contrat de régulation économique (CRE), comme c'est le cas actuellement pour ADP, les nouveaux tarifs de redevance doivent être soumis pour homologation à l'ASI au moins deux mois avant de le début de la période tarifaire concernée.

* 533 À l'exception des redevances d'assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite pour les aéroports de Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle.

* 534 Ce texte a remplacé la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

* 535 Ces méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession d'actifs de société tiennent compte des conditions de marché à la date de l'opération et, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l'existence des filiales et des perspectives d'avenir et, le cas échéant, de la valeur boursière des titres.

* 536 A l'instar de la délégation qui peut lui être consentie en matière de commande publique aux termes de l'article L. 3221-11 du code général des collectivités territoriales.

* 537 Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice, Cour des comptes, novembre 2018.

* 538 Selon la définition proposée par la Cour des comptes dans son rapport « La régulation des jeux d'argent et de hasard », octobre 2016, page 19.

* 539 Article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933.

* 540 Loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

* 541 Article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

* 542 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture, à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 543 Il s'agit des jeux d'argent et de hasard faisant également appel au savoir-faire des joueurs, considérant qu'ils présentent des risques d'addiction moindres, par comparaison avec des jeux de hasard pur tels que les machines à sous par exemple.

* 544 Près de 80 % des recettes du centre national pour le développement du sport (CNDS) sont issus d'affectation de prélèvements sur les mises des jeux de la Française des jeux. Cet établissement public administratif devrait être absorbé par la future agence nationale du sport, dont la création devrait intervenir au cours du premier semestre de l'année 2019, qui sera alors bénéficiaire de cette affectation en application de l'article 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 545 Voir l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes « Her Majesty's Customs and Excise contre Gerhart Schindler et Jörg Schindler » du 24 mars 1994, aff. C-275/92.

* 546 Voir l'arrêt Schindler précité, 24 mars 1994, cons. 61.

* 547 CJCE, « Markku Juhani Läärä, Cotswold Microsystems Ltd et Oy Transatlantic Software Ltd contre Kihlakunnansyyttäjä (Jyväskylä) et Suomen valtio (État finlandais) », 21 octobre 1999, aff. C-124/97.

* 548 Voir l'arrêt Schindler précité, 24 mars 1994.

* 549 CJCE, « Questore di Verona contre Diego Zenatti », 21 octobre 1999, aff. C-67/98.

* 550 CJCE (grande chambre), « Massimiliano Placanica », 6 mars 2007, aff. C-338/04.

* 551 CJUE, sixième chambre, « Sporting Odds Ltd contre Nemzeti Adó- és Vámhivatal Központi Irányítása [administration fiscale hongroise] », 28 février 2018.

* 552 Voir rapport précité, Cour des comptes, octobre 2016, page 109.

* 553 Les attributions de la COJEX sont précisées par le décret n° 2011-952 du 9 mars 2011 ; elle compte cinq représentants des administrations centrales, quatre personnalités qualifiées, un représentant des associations de consommateurs ou des associations familiales ainsi qu'un représentant du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.

* 554 Article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933.

* 555 Article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

* 556 Décret n°78-1067 du 9 novembre 1978 relatif à l'organisation et à l'exploitation des jeux de loterie autorisés par l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 et de l'article 48 de la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994.

* 557 Voir l'arrêté du 30 avril 2012 relatif à la limitation et à l'encadrement de l'offre et de la consommation des jeux de La Française des jeux et au contrôle de leur exploitation.

* 558 Le taux de retour aux joueurs, ou taux de retour aux parieurs, est la proportion des mises que les opérateurs de jeux restituent aux joueurs, sous forme de gains.

* 559 Arrêté du 30 avril 2012 relatif à la limitation et à l'encadrement de l'offre et de la consommation des jeux de La Française des jeux et au contrôle de leur exploitation.

* 560 Voir rapport précité, Cour des comptes, octobre 2016, p. 125.

* 561 Selon les données de la direction du budget.

* 562 Article 88 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 563 Arrêté du 9 mars 2006 fixant la répartition des sommes misées sur les jeux exploités par la Française des jeux.

* 564 Selon la réponse de l'APE au questionnaire de votre rapporteur, « le régime fiscal actuel n'est pas adapté à une Française des jeux privatisée. Dans la mesure où la rémunération de l'entreprise est fixée par un arrêté du ministre chargé du budget, ce système n'offrirait pas suffisamment de stabilité et prévisibilité aux investisseurs. Par ailleurs, il ne permet pas d'assurer un partage de sorts pleinement satisfaisant entre l'entreprise et l'État. C'est pourquoi la cession ne pourra pas intervenir à régime fiscal constant ».

* 565 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 442.

* 566 Assemblée nationale, compte-rendu de la première séance du jeudi 4 octobre 2018.

* 567 Réponse de l'APE au questionnaire de votre rapporteur.

* 568 L'article 22 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique prévoit que les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société ne peuvent être décidées par décret qu'après avoir été autorisées par la loi lorsque l'État détient directement, depuis plus de cinq ans, plus de la moitié du capital social de la société et que son chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 75 millions d'euros à la date de clôture de l'exercice précédant le transfert.

* 569 En l'état actuel du droit, ce monopole peut toutefois, comme il l'a été vu précédemment, être dénoncé par l'État avec un préavis de six mois.

* 570 Voir l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (deuxième chambre) du 3 juin 2010, C-203/08 « Sporting Exchange », cons. 59.

* 571 Selon les indications de Martin Vial, commissaire aux participations de l'État, lors de l'audition avec votre rapporteur.

* 572 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 573 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 574 En août 2018, environ 40 000 personnes sont inscrites sur ce fichier, dont 97 % ont opéré une démarche volontaire d'inscription.

* 575 Voir les débats en commission spéciale, pages 809 à 812 du rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018. Selon les informations transmises à votre rapporteur par l'Agence des participations de l'État (APE), « l'utilisation d'une définition fondée sur les jeux de tirage et jeux de grattage [en remplacement des jeux de loterie] omettrait toutes les mécaniques mixtes, faisant intervenir le hasard concomitamment à la mise à disposition des jeux par exemple, pour un total de 21 jeux actuellement autorisés concernant en particulier l'offre en ligne ». Les exemples suivants sont concernés : « Boom Base », « Coco' trio », « Crosingo », « Golden animals », etc.

* 576 Réponse de l'Agence des participations de l'État (APE) au questionnaire de votre rapporteur.

* 577 En particulier, au regard du neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

* 578 Voir l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi, p. 30.

* 579 Sept États ont accordé des licences d'exploitation de loterie à des opérateurs privés, parmi lesquels cinq États ont octroyé des droits exclusifs (Autriche, Grèce, Irlande, Malte, Royaume-Uni).

* 580 CJUE (8 e chambre), 30 juin 2011, Zeturf Ltd c/ Premier ministre, aff. C-212/08.

* 581 Voir la décision CE n° 385934 du 9 décembre 2016. Parmi le faisceau d'indices, le Conseil d'État a relevé les éléments suivants : « le PMU est constitué sous la forme d'un groupe d'intérêt économique à but non lucratif entre les sociétés de courses, lesquelles sont soumises à un contrôle étroit du ministère de l'agriculture ; [...] le ministre chargé de l'agriculture désigne auprès du groupement un commissaire du gouvernement qui assiste à ses assemblées générales ; que ce ministre, conjointement avec le ministre chargé du budget, agréé les nominations du président-directeur général et du directeur général délégué du PMU ; [...] le PMU est soumis au contrôle économique et financier de l'État et au contrôle de l'inspection générale des finances ; [...] son budget et son règlement sont approuvés par les ministres chargés de l'agriculture et du budget ».

* 582 Voir le rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018, p. 808.

* 583 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 584 Voir le rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018, p. 812.

* 585 Assemblée nationale, compte-rendu de la première séance du jeudi 4 octobre 2018.

* 586 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 587 Selon le rapport annuel 2017-2018 de la Gambling commission , p. 5.

* 588 Selon les données transmises par la Française des jeux.

* 589 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 590 Hors impôt sur les sociétés et TVA.

* 591 Voir le rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018, p. 805.

* 592 À l'occasion de ses voeux à la presse, le 14 janvier 2019, le ministre de l'économie et des finances a indiqué que « Le calendrier des cessions d'actifs ne changera pas, nous avons besoin de céder des actifs pour financer l'innovation de rupture et permettre à notre pays de rester dans la course aux nouvelles technologies », voir « Les privatisations prévues en 2019 auront bien lieu, confirme Bruno Le Maire », Le Figaro, 14 janvier 2019 .

* 593 Voir le commentaire de l'article 53 du présent projet de loi.

* 594 Sénat, compte-rendu de la séance du 14 novembre 2017.

* 595 Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, art. 24.

* 596 Devenue par la suite GDF-Suez puis Engie.

* 597 Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, art. 39.

* 598 Loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, art. 38. Cette dernière modification est intervenue à l'occasion de la ratification de l'ordonnance portant codification de la partie législative du code de l'énergie sans autre motivation, dans l'étude d'impact, que celle d'une « rectification de codification », alors que cette dernière avait été faite, comme c'est l'usage, à droit constant.

* 599 Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, art. 7, VI.

* 600 Décret n° 2007-1790 du 20 décembre 2007 instituant une action spécifique de l'État au capital de Gaz de France SA.

* 601 Canalisations de transport de gaz naturel situées sur le territoire national, actifs liés à la distribution de gaz naturel situés sur le territoire national, stockages souterrains de gaz naturel situés sur le territoire national et installations de gaz naturel liquéfié situés sur le territoire national.

* 602 Un second gestionnaire, Teréga (ex-TIGF), couvre le quart sud-ouest de la France. Le capital de Teréga est aujourd'hui réparti entre le transporteur de gaz italien Snam (40,5 %), le fonds souverain singapourien GIC (31,5 %), EDF (18 %) et la compagnie d'assurance Predica (10 %).

* 603 Étude d'impact, p. 445.

* 604 Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, art. 12.

* 605 Étude d'impact, p. 448.

* 606 La réglementation est ici entendue au sens large, qu'elle soit d'ordre législatif ou réglementaire.

* 607 Il est renvoyé aux missions de la CRE fixées à l'article L. 134-1 du code de l'énergie ainsi qu'à la répartition des attributions de l'autorité administrative et de la CRE dans la mise en oeuvre des codes de réseau visée à l'article L. 342-5.

* 608 Il est renvoyé à l'article L. 100-1 qui fixe des objectifs très généraux en termes de compétitivité, création d'emplois, sécurité d'approvisionnement, préservation de la santé humaine et de l'environnement, cohésion sociale, lutte contre la précarité énergétique et mise en place d'une Union européenne de l'énergie.

* 609 Pour une présentation du système ETS, se reporter au commentaire de l'article 71 quater A.

* 610 Dont une obligation spécifique à destination des ménages en situation de précarité énergétique.

* 611 Sont cités, dans l'exposé des motifs de l'amendement, les « catégories d'installations ETS éligibles, [le] pré-requis relatif à un système de management de l'énergie, [la] nature des opérations, [le] mesurage ex post des économies d'énergie, etc. ».

* 612 Les CEE ont parfois fait l'objet de pratiques frauduleuses mais les contrôles ont depuis été renforcés, même si la question d'une réforme plus vaste, consistant par exemple à les transformer en véritable taxe (ce qu'ils sont déjà de fait) contrôlée par le Parlement, devra se poser à terme ; le marché ETS a quant à lui été critiqué pour l'insuffisance du signal prix donné au carbone en raison de la surabondance de quotas d'émission disponibles mais a été réformé par une directive de mars 2018 que l'article 71 ter du présent projet de loi prévoit de transposer en droit interne.

* 613 En 2018, selon les documents budgétaires, la dépense fiscale associée à l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts est estimée à 277 millions d'euros pour le livret A, à 127 millions d'euros pour le livret de développement durable et solidaire, 31 millions d'euros pour le livret d'épargne populaire et 11 millions d'euros pour le livret jeune.

* 614 La Caisse d'Épargne, La Poste et le Crédit mutuel.

* 615 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 616 Loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle.

* 617 Arrêté du 27 juillet 2017 relatif aux taux mentionnés dans le règlement du Comité de la réglementation bancaire n° 86-13 du 14 mai 1986 relatif à la rémunération des fonds reçus par les établissements de crédit.

* 618 Voir l'article L. 221-35 du code monétaire et financier.

* 619 Selon le rapport de l'observatoire de l'épargne réglementée, 26 juin 2018.

* 620 Article 145 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 621 Article 80 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 622 Article 2 de l'arrêté du 4 décembre 2008 relatif aux règles d'emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu'aux informations permettant le suivi de ces emplois.

* 623 Rapport de l'observatoire de l'épargne réglementée, 26 juin 2018, page 51.

* 624 L'article 4 de l'arrêté du 4 décembre 2008 précité détaille cette exigence, en fixant une liste minimale de données devant être transmises par l'établissement de crédit, comme l'encours total des financements accordés à des micro, petites et moyennes entreprises ou l'encours total des prêts destinés à financer des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens.

* 625 L'observatoire de l'épargne réglementée, dont la composition est précisée à l'article R. 221-12 du code monétaire et financier, dépend du ministre chargé de l'économie. Présidé par le gouverneur de la Banque de France, l'observatoire comprend onze membres.

* 626 Selon les informations transmises à votre rapporteur par la direction générale du Trésor.

* 627 Les produits de taux désignent tous les produits dont les revenus et la valorisation dépendent d'un taux et qui fluctuent donc en fonction de la courbe des taux de marché, par opposition aux produits de fonds propres, qui représentent une part du capital d'une entreprise.

* 628 Voir la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007 au titre de l'article 86, paragraphe 3, du traité CE relative aux droits spéciaux octroyés à la Banque Postale, aux Caisses d'épargne et au Crédit mutuel pour la distribution des livrets A et bleu, C (2007) 2110 final. Par cette décision, la Commission européenne a jugé que le monopole de la distribution du livret A et du livret bleu constituait une restriction à la liberté d'établissement et de prestation de services et a enjoint aux autorités françaises d'y mettre fin dans un délai de neuf mois.

* 629 Article 145 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 630 À l'occasion du premier « Climate finance day », ou journée de la finance climatique, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a annoncé que dorénavant « chaque euro placé dans un LDDS centralisé à la Caisse des dépôts [et consignations] sera associé à un projet contribuant effectivement à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique de notre modèle économique ».

* 631 Dans sa délibération du 25 mars 2015, la Commission de régulation de l'énergie avait demandé « à GRTgaz d'étudier des solutions lui permettant de renforcer son indépendance vis-à-vis de la maison-mère sur le long terme, comme par exemple la création d'une structure qui permettrait à GRTgaz de renforcer son rôle dans la gouvernance de ses activités de recherche et développement ou le recours à des solutions alternatives aux prestations fournies par GDF SUEZ ».

* 632 CRE, délibération n° 2017-268 du 30 novembre 2017.

* 633 GRTgaz, communiqué de presse du 3 janvier 2018.

* 634 Pour « Research & Innovation center for Energy ».

* 635 Par des participations ou des filiales.

* 636 Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 modifiant l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création de l'établissement public OSEO et de la SA OSEO.

* 637 Décret n° 2015-1498 du 18 novembre 2015 portant statuts de l'établissement public Bpifrance et définissant les modalités particulières du contrôle de l'État.

* 638 La première description de ce projet par le ministre de l'économie et des finances a été faite devant le Sénat lors de la séance du 6 juillet 2017.

* 639 Voir l'arrêté du 15 janvier 2018 approuvant une dotation de l'établissement public Bpifrance.

* 640 Via la holding de portage TSA entièrement détenue par l'État.

* 641 Selon les informations transmises par l'Agence des participations de l'État.

* 642 Voir l'arrêté du 7 août 2018 relatif à l'ouverture d'un compte rémunéré au nom de l'établissement public Bpifrance, dans le cadre de la constitution du Fonds pour l'innovation et l'industrie.

* 643 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 644 La dotation en numéraire s'élevant à 1,6 milliard d'euros, rémunérée à 2,5 % de l'an, au prorata de son placement à compter du 7 août 2018 pour l'exercice 2018.

* 645 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 646 Le transfert au secteur privé des sociétés Aéroports de Paris (ADP) et La Française des jeux font respectivement l'objet des articles 49 et 51 du présent projet de loi, tandis que le fonds est déjà doté à hauteur de 1,6 milliard d'euros issu de cessions de titres déjà opérées.

* 647 Propos tenus par le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire à l'occasion de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 19 juillet 2017.

* 648 Rapport d'information de la mission d'information commune sur la Banque publique d'investissement Bpifrance, Assemblée nationale, 30 septembre 2015, pages 127 et 128.

* 649 Voir rapport général n° 147 (2018-2019) de Victorin Lurel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, pages 19-20.

* 650 Rapport n° 1088 de la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi « PACTE », pages 729 et 736.

* 651 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 652 Voir l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, page 453.

* 653 Assemblée nationale, compte rendu de la deuxième séance du 3 octobre 2018.

* 654 Réponse de l'Agence France Trésor (AFT) au questionnaire de votre rapporteur.

* 655 Selon les données de la Banque de France pour les OAT à 30 ans - les données pour les OAT à 50 ans n'étant pas disponibles.

* 656 En majorant de 13 % le taux de 1,75 % de l'OAT 25 mai 2066.

* 657 Voir « Le fonds pour l'innovation générera 200 millions d'euros par an, dit Bruno Le Maire », Reuters, 21 septembre 2017.

* 658 « Les aides à l'innovation », rapport de Jacques Lewiner, Ronan Stephan, Stéphane Distinguin et Julien Dubertret, mars 2018.

* 659 Selon le rapport précité, page 20.

* 660 Rapport n° 1088 de la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi « PACTE », page 737.

* 661 Les titres prêtés, représentant environ 8,4 milliards d'euros, devraient produire un dividende supérieur à 200 millions d'euros en 2018.

* 662 « Les aides à l'innovation », rapport de Jacques Lewiner, Ronan Stephan, Stéphane Distinguin et Julien Dubertret, mars 2018.

* 663 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 664 Six administrateurs représentant le réseau de Bpifrance, cinq administrateurs représentant les régions, deux censeurs issus des régions et un commissaire du gouvernement.

* 665 L'article 53 ter du présent projet de loi propose de porter ce nombre à seize membres.

* 666 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 667 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 668 Mécanisme de supervision unique (MSU) au niveau européen et Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) au niveau national.

* 669 Voir en particulier l'article 88 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, dite « CRD IV », transposé à l'article L. 511-51 du code monétaire et financier.

* 670 La Caisse est entrée en 2010 au capital de la société, à la faveur d'un apport de capital de 1,5 milliard d'euros.

* 671 Avant l'entrée de la Caisse des dépôts au capital de La Poste en 2010, l'État était seul actionnaire de la société anonyme : la composition du CA était alors différente, prévue par la loi, et comprenait des représentants de l'État, des personnalités qualifiées dont un représentant des communes et un représentant des usagers, et des représentants du personnel.

* 672 Communiqué commun du groupe La Poste, de la Caisse des Dépôts et consignations et de La Banque Postale du 31 août 2018.

* 673 Données tirées du « Rapport sur l'internationalisation de l'économie française », Business France, 2018.

* 674 Disposition prévue au c du 1° de l'article 3 de la loi n°66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger, désormais codifiée à l'article L. 151-2 du code monétaire et financier.

* 675 Il a été codifié par le décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 réglementant les relations financières avec l'étranger et portant application de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier.

* 676 Articles R. 153-4 à R. 153-5-2 du code monétaire et financier.

* 677 À l'exception des modifications relatives à l'avis, qui sont entrées en vigueur au lendemain de la publication du décret.

* 678 Procédure 2017/0224/COD, COM (2017) 487: Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne.

* 679 Résolution européenne du Sénat n°42 du 7 janvier 2018 sur le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne.

* 680 Communiqué de presse de la Commission européenne du 14 septembre 2017 : « État de l'Union en 2017 - Paquet « commerce » : la Commission européenne propose un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers ».

* 681 Rapport d'information n°4082 du 5 octobre 2016 de la commission des Affaires étrangères et de la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur l'extraterritorialité de la législation américaine, présenté par Mme Karine Berger.

* 682 Pour une présentation détaillée du régime d'autorisation préalable des investissements étrangers dans les activités stratégiques, se référer au commentaire de l'article 55 du présent projet de loi.

* 683 Loi n°83-609 du 8 juillet 1983 portant création d'une délégation parlementaire dénommée office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

* 684 Loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement.

* 685 Loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

* 686 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 687 Proposition de loi tendant à modifier l'ordonnance n° 58 1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative devenue loi n° 2009-689 du 15 juin 2009.

* 688 Rapport d'enquête de M. Guillaume Kasbarian chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'Alstom, d'Alcatel et de STX, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé. Assemblée nationale n° 897 rect. Avril 2018. Ce rapport préconise la création d'un « comité parlementaire chargé du suivi du contrôle des investissements stratégiques commun à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans lequel chaque groupe serait représenté, et chaque membre serait habilité à recevoir des informations du gouvernement, une fois l'autorisation délivrée à l'investisseur étranger. Ce comité pourrait avoir accès aux lettres d'engagements signées par l'investisseur étranger. Ses travaux seraient couverts par le secret de la défense nationale. Chaque année, il établirait un rapport public dressant le bilan de ses activités. Il pourrait également adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ».

* 689 La liste des entreprises concernées étant annexée à la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

* 690 Voir le décret n°99-97 du 15 février 1999 instituant une action spécifique de l'État au capital de la société Aerospatiale, société nationale industrielle et le décret n°2000-630 du 7 juillet 2000 transformant l'action spécifique de l'État au capital d'Aerospatiale Matra en action ordinaire.

* 691 Voir le décret n°93-1298 du 13 décembre 1993 instituant une action spécifique de l'État dans la Société nationale Elf-Aquitaine et le décret n°2002-1231 du 3 octobre 2002 abrogeant le décret n°93-1298 du 13 décembre 1993 instituant une action spécifique de l'État dans la Société nationale Elf-Aquitaine.

* 692 Arrêt de la Cour du 4 juin 2002, Commission des Communautés européennes contre République française.

* 693 Il s'agit des activités participant à l'exercice de l'autorité publique, celles dans lesquelles un investissement étranger est de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique, la sécurité publique ou la défense nationale, et les activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre. Le présent projet de loi propose, à l'article 55, de renforcer ce régime d'autorisation, et le décret n°2018-1057 du 29 novembre 2018 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable a récemment étendu le champ des secteurs concernés.

* 694 Décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l'État, dans sa version en vigueur au 1 er janvier 2018.

* 695 Les dispositions en vigueur au III concernent l'applicabilité de l'action spécifique en cas de transfert de plus de 50 % du capital d'une entreprise du secteur public au secteur privé. Cette condition étant plus restrictive que la rédaction globale proposée, il est prévu de les supprimer.

* 696 Voir le commentaire de l'article 55 du présent projet de loi.

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