EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 14 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé , président, puis de M. Thierry Carcenac, secrétaire, la commission a examiné le rapport de M. Emmanuel Capus et de Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Travail et emploi » (et les articles 84 et 84 bis ) et le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial (mission « Travail et emploi » et CAS « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ») . - Nous ferons une présentation à deux voix avec ma co-rapporteure, Sophie Taillé-Polian, car nous avons des avis parfois convergents, parfois distincts, sur cette mission.
En 2019, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèveront à 13,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 12,4 milliards d'euros en crédits de paiement.
Par rapport à 2018, la baisse prévue dans ce budget est assez importante, de l'ordre de 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et de près de 3 milliards d'euros en crédits de paiement. Cette évolution était annoncée et elle s'inscrit dans un double contexte.
D'une part, la situation de l'emploi s'améliore notablement. Dans une note d'août 2018, l'Insee rappelle que le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s'élevait à 9,1 % au deuxième trimestre 2018, contre 10,5 % en 2015. Le chômage de longue durée diminue en outre de 0,4 point sur un an et le taux d'emploi approche les 66 %. D'autre part, il est nécessaire de maîtriser la dépense publique. À cet égard, la contribution de la mission « Travail et emploi » et de ses opérateurs à cet effort est significative. Les effectifs de la mission diminueront ainsi de 233 équivalents temps plein (ETP), permettant une économie, hors pensions, de plus de 5 millions d'euros. Le montant des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs sera également en baisse, de plus de 86 millions d'euros et leurs plafonds d'emplois connaîtront une diminution sensible, de 458 équivalents temps plein travaillé (ETPT).
L'essentiel de l'effort demandé aux opérateurs sera porté par Pôle emploi. S'agissant des crédits, cette diminution sera plus que compensée par une hausse de la contribution de l'assurance chômage. Au total, les ressources de Pôle emploi augmenteront de 18 millions d'euros par rapport à 2018. La baisse des effectifs sera quant à elle compensée par des gains de productivité. Lors de son audition, la direction générale de Pôle emploi ne s'est pas montrée inquiète sur la capacité de l'opérateur à absorber cette baisse et à faire face à ses nouvelles missions, telles que l'indemnisation des salariés démissionnaires ou des travailleurs indépendants. Néanmoins, si le nombre de demandeurs d'emploi devait progresser, il conviendrait alors de réexaminer la pertinence de la poursuite de la baisse des effectifs envisagée par le Gouvernement.
La diminution des crédits de la mission « Travail et emploi » poursuit une logique de recentrage des moyens sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Moins nombreux, les contrats aidés ont vocation à devenir de véritables outils d'insertion des demandeurs d'emploi. La transformation des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) en parcours emploi compétences (PEC) intervenue en début d'année participe de cette logique. Les conditions pour y avoir recours sont plus restrictives, elles sont la contrepartie d'exigences plus grandes en termes d'accompagnement et de formation du bénéficiaire - ce qui est louable. Depuis longtemps, le Sénat prônait la diminution du nombre de contrats aidés en tant qu'instruments à la main des Gouvernements pour diminuer artificiellement les chiffres du chômage. La baisse des contrats aidés sera en outre en partie compensée par un effort en faveur du secteur de l'insertion par l'activité économique, qui bénéficiera de moyens en hausse de 51 millions d'euros par rapport en 2018, permettant le financement de 5 000 ETP supplémentaires.
Le présent projet de loi de finances vise à favoriser une « société de compétences ». Sur la durée du quinquennat, un effort inédit sera consenti dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC) en faveur de la formation et de l'accompagnement des jeunes et des demandeurs d'emploi les plus éloignés du marché du travail. Au total, le PIC sera ainsi doté de 15 milliards d'euros, dont 13,8 milliards d'euros portés par la mission « Travail et emploi ». En 2019, les crédits du PIC s'élèveront à 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 979 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettront le financement de la généralisation effective de la Garantie jeunes ainsi que la montée en puissance du volet « formation » du PIC, 2019 constituant la première année de mise en oeuvre des pactes pluriannuels d'investissement dans les compétences, qui seront conclus pour une durée de quatre ans (2019-2022) avec les conseils régionaux. Ces crédits budgétaires seront complétés par un fonds de concours de 1,5 milliard d'euros versé par France compétences.
Ce budget qui nous est présenté m'apparaît responsable, ses orientations sont claires : mieux accompagner les personnes les plus en difficulté et investir dans l'avenir, tout en réduisant la dépense publique.
Aussi, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve d'un amendement, cosigné avec ma collègue co-rapporteure Sophie Taillé-Polian, visant à renforcer les crédits consacrés aux maisons de l'emploi. Dans le cadre du contrôle budgétaire que nous avons réalisé cette année sur ces structures, il nous est apparu que leur action était utile localement, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou de mise en oeuvre des clauses sociales. L'année dernière, le budget était de 12 millions d'euros, l'Assemblée nationale a adopté un amendement les fixant à 5 millions d'euros - contre zéro initialement. Nous vous proposons de ne pas descendre en dessous de 10 millions d'euros, et de maintenir un soutien de l'État suffisant.
Je vous propose en outre l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » sans modification.
Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale (mission « Travail et emploi » et CAS « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ») . - Je n'ai pas la même appréciation budgétaire que mon collègue. Pour la deuxième année consécutive, les crédits consacrés à la politique de l'emploi sont en très forte baisse. Les chiffres ont été rappelés par mon collègue Emmanuel Capus, 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3 milliards d'euros en crédits de paiement.
Certes, le taux de chômage diminue, mais la situation de l'emploi ne s'est globalement pas améliorée au cours des derniers mois.
Le nombre de demandeurs d'emploi (DEFM) en fin de mois en catégorie A a bien diminué entre le premier trimestre 2015 et le troisième trimestre 2018, mais cette baisse a été plus que compensée par une progression du nombre de DEFM en catégories B et C. Par exemple, le chômage des plus de 50 ans a progressé de 3 % sur un an toutes catégories confondues, et de près de 9 % pour les seules catégories B et C.
Dès lors, la logique baissière poursuivie par le Gouvernement se fera au détriment des personnes les plus éloignées de l'emploi, comme en témoigne la diminution drastique de l'enveloppe de contrats aidés. Je ne nie pas qu'il eût fallu avoir davantage d'exigences pour les contrats aidés en matière d'accompagnement et de formation des bénéficiaires, mais le taux d'insertion de ces derniers sera toujours insatisfaisant puisque précisément les contrats aidés s'adressent aux personnes les plus éloignées de l'emploi.
Certes, nous dit-on, les moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique (IAE) augmentent pour contrebalancer la réduction du nombre de contrats aidés, mais c'est tout à fait insuffisant. En outre, il ne faut pas opposer l'IAE aux contrats aidés car il ne s'agit pas nécessairement des mêmes secteurs d'activité. À mon sens, ils sont plutôt complémentaires.
S'agissant du plan d'investissement dans les compétences (PIC), présenté comme l'innovation majeure du Gouvernement, une part importante des crédits qui lui seront dévolus en 2019 était déjà inscrite dans le budget de la mission « Travail et emploi ». Cela était notamment le cas des moyens consacrés à la Garantie jeunes ou au plan « 500 000 formations », auquel a succédé le volet « formation » du PIC.
Le dispositif « Garantie jeunes » gagnerait à être assoupli afin de toucher un public plus nombreux et d'en simplifier la gestion pour les missions locales, qui sont parfois fragilisées par les décisions de certaines collectivités locales, qui ne peuvent plus assurer leur financement.
Outre une diminution drastique des dépenses d'intervention de la mission, le Gouvernement a également choisi d'affaiblir les acteurs de la politique du travail et de l'emploi. À cet égard, la baisse des effectifs du ministère du travail, et notamment de ceux de l'inspection du travail, est un très mauvais signal alors que le travail illégal et la fraude au détachement constituent des enjeux de plus en plus prégnants et que le droit du travail a fait l'objet de modifications importantes au cours des années passées.
Face à ce paradoxe, le ministère répond que le ratio salariés par agent de contrôle de la France est conforme au standard fixé par l'Organisation internationale du travail (OIT). Mais les missions confiées à l'inspection du travail sont différentes de celles dévolues à d'autres inspections à l'étranger. Selon les organisations syndicales de la direction générale du travail, pour assumer l'ensemble des missions dévolues à l'inspection du travail, il conviendrait plutôt d'atteindre un ratio d'un agent pour 6 500 salariés au lieu des 9 000 actuels. La vérité se trouve peut-être entre ces deux chiffres...
Plus généralement, l'affaiblissement des opérateurs du travail et de l'emploi est symptomatique de la politique de l'offre mise en oeuvre par le Gouvernement actuel et rentre en contradiction avec la nécessité d'accompagner davantage les publics les plus éloignés de l'emploi.
S'agissant de Pôle emploi, je ne suis pas sûre que les gains de productivité, qui reposent sur le tout numérique, et dont on nous parle depuis des années, soient réels. En outre, si la dématérialisation simplifie certaines procédures, elle peut aussi s'avérer dissuasive pour divers publics. Pôle emploi avait recours à des contrats aidés pour accompagner les demandeurs d'emploi lors de leur inscription : aujourd'hui, tel n'est plus le cas.
S'agissant de l'Afpa, le projet de transformation avec, à la clé, des réductions d'emplois, conduira à affaiblir l'opérateur, d'où une baisse du nombre et de la qualité des services rendus et du nombre de bénéficiaires. Or, l'Afpa accompagne la reconversion de personnes très éloignées du marché du travail. En outre, ses capacités d'hébergement et le nombre de ses sites vont se réduire. Il n'y aura plus aucun centre de formation dans onze départements. L'alignement sur le moins disant contraindra l'opérateur à revoir à la baisse ses exigences en matière de qualité des formations dispensées et d'accompagnement des publics visés.
Enfin, l'affaiblissement de l'Afpa sera définitif, dans la mesure où il ne semble pas envisageable que des investissements massifs soient réalisés sur les plateaux techniques dans les années à venir. De plus, ces plateaux techniques étaient utilisés par des organismes privés ou publics lors des examens de qualification. Ne va-t-on pas aller vers une réduction du nombre de formations qualifiantes ?
Ce budget me semble donc mauvais : il nie la situation de millions de Français, pour qui trouver un emploi ne se résume pas au fait de traverser la rue. Aussi, je vous invite à adopter l'amendement que j'ai co-signé avec Emmanuel Capus sur les moyens consacrés aux maisons de l'emploi mais, contrairement à lui, je vous propose de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi ». Je vous suggère en revanche d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je suivrai les conclusions d'Emmanuel Capus sur les crédits de la mission et je voterai l'amendement.
M. Antoine Lefèvre . - J'ai apprécié le rapport sur les maisons de l'emploi et je voterai l'amendement que vous nous présentez. En revanche, je partage l'analyse de Sophie Taillé-Polian sur la baisse des moyens de cette mission qui envoie de mauvais signaux du fait de la suppression des contrats aidés, de l'asphyxie des maisons de l'emploi et de la suppression de postes à Pôle Emploi. Toutes ces décisions ont des impacts négatifs sur les territoires, alors même que les dotations pour ces derniers diminuent. Je suis perplexe devant les décisions qui sont prises à Paris, notamment en ce qui concerne les maisons de l'emploi qui sont de bons outils.
Selon la ministre, 60 % des jeunes passés dans les écoles de la seconde chance sortent avec une qualification ou un emploi. Mais pourquoi alors ne pas accélérer leurs implantations ? Neuf écoles de plus d'ici 2022, c'est vraiment trop peu ! Dans mon département de l'Aisne, nous sommes candidats, mais on nous met des bâtons dans les roues. Si le Gouvernement ne débloque pas les crédits nécessaires, nous n'en resterons qu'à de l'affichage.
M. Éric Jeansannetas . - Il y a deux ans, dans leur rapport, nos collègues Jean-Claude Requier et François Patriat avaient insisté sur la nécessaire sécurisation financière des missions locales. Les crédits affectés aux conventions pluriannuelles d'objectifs diminuent alors même que le Gouvernement demande à ces structures d'augmenter les moyens accordés à la « Garantie jeunes ». Les magistrats de la Cour des comptes ont d'ailleurs salué ce dispositif d'insertion sociale pour les jeunes en grande difficulté tant sociale que scolaire et professionnelle. Les missions locales doivent être assurées d'un financement stable et pérenne.
Le Premier ministre a évoqué une éventuelle fusion entre Pôle emploi et les missions locales. J'y suis opposé, car les missions locales ne sont pas un Pôle emploi pour les jeunes : comme le préconisait le rapport Schwartz de 1981, les missions locales traduisent l'engagement des acteurs locaux, des élus, des chefs d'entreprise qui se préoccupent des jeunes en situation très précaire. Cette ambition doit perdurer. Que pouvez-vous nous dire de cette éventuelle fusion ?
M. Marc Laménie . - Comme mes collègues, je m'étonne de cette baisse des moyens. Disposez-vous de la répartition des agents entre l'administration centrale et déconcentrée ? Sur le terrain, les demandeurs d'emploi sont parfois perdus, ne sachant pas à qui s'adresser. Il est souvent difficile de s'y retrouver dans les subtilités du monde économique. Enfin, quid de la santé au travail ?
M. Arnaud Bazin . - Si nous ne disposions pas de missions locales sur nos territoires, nos services sociaux seraient submergés. La cause me semble entendue.
Je voterai l'amendement sur les maisons de l'emploi : l'action de l'État mérite d'être constante.
Nos rapporteurs peuvent-ils établir une corrélation entre les moyens dévolus à Pôle emploi et le retour à l'emploi des chômeurs ? En tant que président d'un département, j'ai dû, faisant face à une situation budgétaire dramatique, réduire les crédits destinés au revenu de solidarité active (RSA). Il est apparu que l'insertion des bénéficiaires du RSA dépendait beaucoup plus de la conjoncture économique que des moyens affectés. Par symétrie, je m'interroge sur la performance des crédits versés à Pôle emploi.
M. Jérôme Bascher . - Je ne suis pas d'accord avec l'affirmation de notre rapporteur spécial qui estime que l'amélioration globale de la situation de l'emploi justifierait de moindres dépenses. Les chiffres qui viennent d'être publiés montrent un ralentissement des créations d'emploi. Après une année 2017 particulièrement favorable, nous n'avons pu cette année résorber le chômage.
Ce budget étant au milieu du gué, nous avons les pieds mouillés. Le Gouvernement nous propose un début de réforme libérale, mais il ne va pas jusqu'au bout. S'il veut absorber les missions locales et les maisons de l'emploi, qu'il le dise et qu'il le fasse. Mais nous sommes ici dans un entre-deux.
Je suis favorable à la suppression des contrats aidés, mais pas si brutalement. Le projet de loi de finances rectificative a montré que les crédits avaient finalement été sous-consommés : chat échaudé craint l'eau froide. Cette politique de stop and go n'est pas sérieuse.
Pourquoi ne pas simplifier le financement de Pôle Emploi ? Celui-ci dispose encore de crédits budgétaires, et prélève aussi des moyens sur l'assurance chômage. Pourquoi celle-ci ne le financerait-elle pas entièrement ? Le candidat Jacques Chirac, en 1995, disait qu'au lieu d'affecter 100 000 francs à la lutte contre le chômage, on ferait mieux d'employer quelqu'un... Le pognon de dingue qu'on met dans ce budget, comme disent certains, ne donne pas des résultats suffisants.
M. Jean-Claude Requier . - Merci d'avoir évoqué les missions locales, qui soutiennent bien l'emploi des jeunes. Les écoles de la deuxième chance ont été créées par Édith Cresson, qui les dirige toujours. Elles font un excellent travail de réinsertion.
Je vois que l'Anact perd deux emplois. De quoi s'agit-il ?
Il me semble que, lors des élections professionnelles, les syndicats recevaient un soutien. Où est la ligne budgétaire correspondante ? A-t-elle disparu ?
M. Michel Canévet . - Le PIC, entre 2018 et 2022, doit totaliser 13,8 milliards d'euros. En 2019, seuls 848 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement (AE), et 387 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cette trajectoire n'est-elle pas inquiétante ?
Le rôle de l'inspection du travail doit être d'informer les entreprises, face à des normes toujours plus complexes. Ses moyens ne diminuent-ils pas au point d'affecter sa capacité à le faire ? Elle doit aussi, naturellement, continuer à diligenter des contrôles... Comment le déficit de 723 millions d'euros de l'Afpa sera-t-il résorbé ? Sait-on si l'Afpa devra entrer dans le nouveau cadre de prise en charge de l'information ? Saura-t-elle le faire ? Enfin, la réduction de 25 millions d'euros des moyens de l'Agefiph pourra-t-elle être absorbée par le recours à ses réserves ?
M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Ma position est délicate, sous le feu croisé des tenants de la position de Sophie Taillé-Polian et des libéraux, qui ne veulent toutefois pas donner l'impression qu'ils se départissent de leur esprit critique sur ce budget.
Nous avons tous deux déposé un amendement sur les maisons de l'emploi. Ce sont des outils qui ont fait leurs preuves. Celles qui fonctionnent méritent d'être aidées - les autres ont déjà disparu. Sinon, ce sont les collectivités territoriales qui devront s'y substituer, ce qui posera un problème d'égalité, car leur niveau de richesse est très variable.
Les écoles de la deuxième chance sont en effet très utiles, et j'en ai une dans mon département. Le projet d'en ouvrir neuf nouvelles n'est pas malvenu - en tous cas, les crédits sont stables. Peut-être les 13,8 milliards d'euros du PIC y contribueront ?
Les conventions pluriannuelles d'objectif baissent de 8 millions d'euros, en effet, mais l'enveloppe globale renforce la Garantie jeunes de façon drastique - et donc, les missions locales.
Oui, Marc Laménie, c'est la mission qui contribue le plus à la réduction des dépenses publiques. Notre commission, qui réclame un recentrement sur le régalien, ne saurait s'en offusquer. Je suis libéral, et je préfère un traitement du chômage par l'investissement dans les compétences que par l'accompagnement social. En tout, hors Pôle Emploi, le plafond d'emploi de la mission diminuera de 239 ETPT, dont 28 ETPT dans l'administration centrale.
La subvention à Pôle Emploi baisse de 85 millions d'euros, ce qui n'empêche pas son budget d'augmenter de 18 millions d'euros, car la contribution de l'assurance chômage, qui atteint déjà les 3,5 milliards d'euros, s'accroît de 103 millions d'euros.
L'Anact est l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Je pense qu'elle pourrait être fusionnée avec l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
M. Jérôme Bascher . - Ce serait logique, avec la fusion des CHSCT en Comités sociaux et économiques.
M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Le PIC rassemble 13,8 milliards d'euros, et c'est vrai qu'il aurait été préférable que l'effort soit fait en début de mandat, même si, avec les 1,5 milliard d'euros du fonds de concours de France Compétences, on ne peut pas dire qu'aucun effort n'est fait. Oui, le rôle de l'inspection du travail est aussi d'accompagner, mais je connais peu de chefs d'entreprises qui considèrent l'inspecteur du travail comme leur conseil ! J'ignore quel sera l'impact de la diminution des crédits. Les réformes actuelles ont plutôt pour but de simplifier le code du travail. Le passage de la sanction à la lettre d'avertissement réduira sans doute la charge de travail, tout comme la réduction de la durée des contrôles dans les PME.
- Présidence de M. Thierry Carcenac , secrétaire de la commission -
M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Le Gouvernement s'efforce d'accroître la qualification des agents, en faisant passer les contrôleurs dans le camp des inspecteurs du travail - ce qui fut le cas pour plus de 250 d'entre eux l'an dernier.
Soyons clairs, la subvention de l'Afpa ne baisse pas d'un euro - contrairement aux autres établissements du même ordre - et reste à 110 millions d'euros. Mais le Gouvernement lui demande un effort considérable de restructuration. Elle a cumulé plus de 700 millions d'euros de déficit au cours des dernières années ; elle est au bord du dépôt de bilan : dans le secteur privé, elle serait en liquidation judiciaire. La masse salariale a déjà baissé de 11 % dans les dernières années et continuera à le faire. Les syndicats sont très inquiets ; de nombreux territoires perdront leur établissement - le Maine-et-Loire sera concerné. Mais cela devrait assurer sa survie.
Un financement de 25 millions d'euros est demandé à l'Agefiph pour financer les entreprises adaptées. Avec ses 145 millions d'euros de fonds de roulement, elle devrait pouvoir l'absorber.
Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Emmanuel Capus et moi sommes d'accord sur les maisons de l'emploi et les écoles de la deuxième chance.
La Garantie jeunes a déjà été assouplie, mais le compte n'y est pas. Elle constitue une prise de risque pour les missions locales qui la gèrent, car une partie des crédits ne sont débloqués qu'en cas de sortie positive du jeune concerné. Or, en fonction des indicateurs retenus, certaines sorties ne sont pas considérées comme telles, alors qu'elles servent à l'insertion du jeune. Le dispositif est financé pour 100 000 jeunes, alors que 120 000 jeunes seraient éligibles. Cela semble difficilement atteignable ; cela constituerait-il une poire pour la soif ? Il serait préférable d'élargir les publics cibles, en rendant le dossier plus facile à compléter. Chacun s'accorde à trouver ce dispositif efficace, car il permet de récupérer des jeunes en désocialisation complète.
Les missions locales sont fragilisées par la diminution de 8 millions d'euros des crédits consacrés aux conventions d'objectifs, alors que certaines ont déjà été mises en difficulté par la baisse des subventions des collectivités territoriales. Il faudrait offrir de la visibilité à ces équipes, qui sont agiles et impliquées dans leur travail. Il me semble qu'il y a dans cette baisse de leur financement une contradiction avec les objectifs affichés du Gouvernement.
Nous avons demandé au cabinet de la ministre, au directeur de Pôle emploi - j'ai également écrit à la ministre du travail - où auraient lieu les expérimentations concernant la fusion entre missions locales et Pôle Emploi. Il semblerait qu'elles seraient organisées sur la base du volontariat des territoires. Le Gouvernement n'ira donc pas à marche forcée. Il faudra prendre garde aux spécificités des missions locales, qui prennent en charge de manière globale des jeunes en situation très difficile.
Dans le Val-de-Marne, l'inspection du travail a perdu une unité de contrôle. L'ensemble des missions en subit les conséquences, y compris celles de conseil, qu'il s'agisse des employeurs ou des salariés. On peut se plaindre qu'elle se concentre surtout sur le contrôle ; mais lorsqu'on lit dans les témoignages des inspecteurs du travail la description de ce qu'ils rencontrent au jour le jour, on se rend bien compte qu'elle ne peut faire autrement.
Deux rapports, dont un rapport parlementaire de Charlotte Lecocq, traitent de la santé au travail, ce dernier préconisant une réforme de la gouvernance. Les crédits de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) ont été sanctuarisés, ce qui est positif. L'Anact perd en revanche 2 emplois sur 80 ; cela semble peu, mais cela vient après d'autres réductions. C'est une petite structure qui apporte beaucoup à son réseau, celui des associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (Aract). Contrairement à l'INRS, elle prend en compte les risques psychosociaux. Ces deux organismes, qui ont des cultures différentes, pourraient travailler davantage ensemble. C'est une préconisation intéressante du rapport Lecocq. Mais l'investissement de notre pays sur ce sujet est insuffisant, au regard de la dégradation en cours des conditions de travail en France, au contraire des autres pays européens. Leur amélioration bénéficierait, j'en suis sûre, à la sécurité sociale, mais aussi à la compétitivité de nos entreprises.
À quoi sert le service public de l'emploi, sachant que c'est d'abord l'activité qui fait l'emploi ? Même si une formation permet à un demandeur d'emploi d'être plus employable, cela ne lui garantit pas un emploi s'il n'y a pas d'activité. Le Gouvernement dit vouloir renforcer l'individualisation de l'accompagnement, mais ne va pas au bout de la logique, puisque les moyens baissent pour les personnes les plus en difficulté. La plateforme ne remplacera pas les conseillers, qui peuvent orienter les demandeurs, compte tenu des évolutions de long terme. Le Gouvernement prétend appliquer la flexisécurité ; il rend certes le marché du marché plus flexible, mais la sécurité ne progresse pas.
Une large part du financement de Pôle Emploi - 3,5 milliards d'euros sur plus de 5 milliards - est assurée par l'Unedic, qui y consacre 10 % de ses cotisations. Le Gouvernement parle de l'incroyable déficit de Pôle Emploi ; mais son montant est presque le même que celui de ses transferts à Pôle Emploi, dont l'État s'est désengagé. Ne fragilisons pas le financement de ce dernier en modifiant les règles de financement de l'Unedic. Ce manque de visibilité inquiète beaucoup, à Pôle Emploi.
Comment résorber le déficit de l'Afpa ? La situation de cette dernière a été organisée par son entrée dans le champ concurrentiel. Si nous voulons conserver un service public de qualité, cela a un coût. L'Afpa ne peut être mise brutalement en concurrence avec des organismes privés alors qu'elle est plus chère ; pourquoi ? Parce que ses formateurs sont en CDI et ne sont pas des vacataires - dont les intermissions sont prises en charge par d'autres, comme l'Unedic. Attention à ne pas perdre des savoir-faire acquis par l'accompagnement de personnes en reconversion, par exemple.
Je suis en accord avec Emmanuel Capus sur l'article 84 bis . L'Agefiph devrait pouvoir absorber la ponction, mais nous n'avons pas pu le vérifier en si peu de temps. Je constate en outre qu'une partie de l'effort en faveur des entreprises adaptées mis en avant par le Gouvernement sera prise en charge par l'Agefiph...
M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - L'article 84 réduit de trois ans le délai pendant lequel une entreprise ayant recours au chômage partiel peut solliciter auprès de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) l'allocation qui y est consacrée. Aujourd'hui, elle peut le faire pendant plus de quatre ans - possibilité que seuls les grands groupes utilisent. Les petites entreprises, n'ayant pas les moyens d'attendre, font la demande tout de suite. L'article 84 bis transfère 25 millions d'euros de l'Agefiph vers les entreprises adaptées.
L'amendement n° 1 est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » sous réserve de l'adoption de son amendement.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 84, de l'article 84 bis , et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé , président, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi » sous réserve de l'adoption de son amendement et d'adopter sans modification les articles 84 et 84 bis , et le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».