Rapport n° 628 (2017-2018) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 4 juillet 2018

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N° 628

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2017 ,

Tome I : Exposé général et examen des articles

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

980 , 1055 et T.A. 137

Sénat :

595 (2017-2018)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE - L'EXERCICE 2017 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

I. UNE CROISSANCE DE « RATTRAPAGE »

A. UN RYTHME DE CROISSANCE INÉDIT DEPUIS 2007...

1. Une forte accélération de l'économie française dont l'ampleur n'avait pas été anticipée

Après quatre années décevantes, l'activité économique a fortement accéléré en 2017 .

Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume a ainsi atteint 2,2 % .

Taux de croissance de la France
depuis 2011

(taux d'évolution du PIB en volume et en moyenne annuelle)

Source: commission des finances du Sénat

Corrigé des effets calendaires 1 ( * ) , il s'élève même à 2,3 % , soit un niveau inédit depuis 2007 2 ( * ) .

L'examen du profil infra-annuel de la croissance témoigne par ailleurs d'une forte accélération de l'économie française au cours de l'année : limitée à 1,4 % au premier trimestre, l'évolution en glissement annuel du PIB en volume a atteint 2,8 % au dernier trimestre.

Évolution en glissement annuel du PIB
depuis 2013

(taux d'évolution en volume)

Source: commission des finances du Sénat

Une telle accélération de l'activité n'avait pas été anticipée : l'économie française a ainsi déjoué l'ensemble des prévisions gouvernementales formulées au cours de l'exercice.

Comparaison des prévisions de croissance et de l'exécution
pour l'année 2017

(taux d'évolution en volume)

Source: commission des finances du Sénat

Ce constat est d'autant plus remarquable que les hypothèses gouvernementales étaient initialement entachées d'un biais optimiste , en comparaison avec les prévisions des instituts privé de conjoncture et des organisations internationales 3 ( * ) .

Il peut être noté que ce surcroît de croissance s'est accompagné d'un taux d'inflation plus faible qu'escompté. Le déflateur du PIB est ainsi supérieur de 0,25 point à l'estimation sous-jacente au projet de loi de finances (0,9). De ce fait, le taux de croissance en valeur de l'économie française s'élève à 2,8 %, pour une prévision initiale de 2,4 %.

2. Une embellie portée par l'investissement et le commerce extérieur, dans un contexte de « rattrapage »

Il ressort de l'analyse des contributions à la croissance que l'accélération observée l'an passé a été tirée par l'investissement.

Évolution du PIB en volume et contributions
à cette évolution

(en points de PIB)

Note de lecture : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Ce dynamisme de l'investissement s'explique par l'accélération de l'investissement des entreprises non financières (+ 4,4 %) mais aussi par celui des ménages (+ 5,6 %) 4 ( * ) , dans un contexte marqué par un fort rebond de la construction et des transactions immobilières, après la phase baissière observée sur la période 2012-2015 5 ( * ) .

Le commerce extérieur , qui avait fortement pesé sur la croissance française entre 2014 et 2016, contribue positivement à cette dernière en 2017, sous le double effet du regain de la demande mondiale et de l'extinction des facteurs exceptionnels (effet des attentats sur le tourisme, mauvaises récoltes) qui avaient grevé les exportations françaises en 2016.

L'analyse des contributions à la croissance suggère ainsi que l'économie française se situe actuellement dans une phase de « rattrapage » .

À ce titre, il peut être souligné que le rythme de croissance atteint l'an passé (2,2 %) est fortement supérieur aux estimations de croissance potentielle retenues tant par le Gouvernement (1,25 %) que par l'ensemble des instituts privés de conjoncture (entre 0,9 % et 1,5 %).

Consensus de la croissance potentielle de la commission des finances
du Sénat pour l'année 2017

(en %)

2017

Euler Hermes

1,5

Axa

1,3

BNP Paribas (recherche économique groupe)

1,2

Exane

1,1

Coe-Rexecode

1,2

PAIR Conseil

1,2

Oxford Economics

1,5

Citi

1,2

BIPE

1,3

OFCE

1,3

Natixis

0,9

Moyenne

1,2

Source: commission des finances du Sénat

À l'issue de l'exercice 2017, le Gouvernement estime toutefois que l'essentiel du « rattrapage » a été effectué : l'écart de production atteindrait désormais - 0,6 point de PIB potentiel, contre - 1,5 point de PIB potentiel en 2016, en ligne avec les estimations de la Commission européenne et des principales institutions internationales.

L'écart de production et la croissance potentielle

La position de l'économie dans le cycle est traditionnellement appréhendée à l'aide du concept d' écart de production , qui représente la différence entre le PIB effectif et le niveau d'activité « soutenable » sur longue période sans provoquer de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail, appelé PIB potentiel. L'écart de production constitue ainsi une estimation, en bas de cycle, du « potentiel de rebond » de l'économie et, en haut de cycle, de son niveau de « surchauffe ».

Chaque année, l'évolution de l'écart de production dépend de l'écart entre la croissance effective et la croissance potentielle : si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, l'écart de production se creuse ; inversement, si la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, le « potentiel de rebond » de l'économie diminue.

Dans ce cadre, la croissance potentielle, qui correspond au taux d'évolution du PIB potentiel, joue le rôle d'un « limitateur de vitesse » : une fois l'écart de production résorbé, la croissance effective doit se rapprocher de la croissance potentielle. Autrement dit, la croissance effective ne peut durablement s'écarter de la croissance potentielle.

Source : commission des finances du Sénat

B. ...QUI POSE LA QUESTION DE L'EXISTENCE D'UNE « CAPACITÉ DE REBOND » SUPPLÉMENTAIRE À L'ISSUE DE L'EXERCICE 2017

1. Des incertitudes grandissantes sur le niveau de l'écart de production...

Des incertitudes grandissantes apparaissent néanmoins concernant le niveau de l'écart de production.

La difficulté n'est certes pas nouvelle : dans la mesure où l'écart de production ne peut être directement observé, les estimations font fréquemment l'objet de révisions. Entre 2004 et 2014, les estimations initiales de l'écart de production ont ainsi été révisées en moyenne à hauteur de 0,9 point pour la Commission européenne, de 1,3 point pour le Fonds monétaire international et de 2 points pour l'OCDE 6 ( * ) .

La position des économies européennes dans le cycle apparaît toutefois particulièrement difficile à apprécier à l'heure actuelle, dans la mesure où les indicateurs macroéconomiques et les enquêtes de conjoncture donnent des résultats contradictoires.

Par définition, l'écart de production représente la différence entre le PIB effectif et le niveau d'activité « soutenable » sur longue période sans provoquer de tensions inflationnistes. La « courbe de Philips » traduit ainsi l'existence d'une relation empirique entre l'écart de production et l'inflation : lorsque l'écart de production se résorbe, des tensions sur les prix apparaissent. À titre d'illustration, dans une économie fonctionnant « à plein régime », les salariés sont en position de force sur le marché du travail, ce qui doit normalement leur permettre d'obtenir des hausses de salaire, qui se transmettent aux prix.

Alors que l'économie est supposée avoir épuisé son potentiel de rebond dans de nombreux pays européens, les indicateurs macroéconomiques traditionnels de « surchauffe » (inflation, dynamique des salaires) demeurent pourtant atones .

Dans le cas français, un redressement de l'indice des prix à la consommation (+ 1,0 % en 2017, contre + 0,2 % en 2016) a certes été observé l'an passé.

Évolution de l'indice des prix à la consommation
de 1999 à 2017

(taux d'évolution en moyenne annuelle)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Son évolution reste toutefois nettement moins dynamique qu'avant-crise et masque même une stagnation de l'indice d'inflation sous-jacente , qui traduit davantage la « tendance de fond » de l'évolution des prix. En effet, cet indice est corrigé des mesures fiscales (ex : variations de la TVA) et exclut les prix soumis à l'intervention de l'État (ex : tabac, alcool) ou qui présentent un caractère particulièrement volatile et sont avant tout déterminés par des phénomènes exogènes (ex : énergie).

Évolution de l'indice d'inflation sous-jacente
de 1999 à 2017

(taux d'évolution en glissement annuel)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

2. ... aux conséquences potentiellement majeures sur les perspectives de croissance et d'emploi ainsi que sur le niveau du solde structurel

Ces constats ont récemment conduit différents observateurs, de la Banque centrale européenne (BCE) 7 ( * ) à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) 8 ( * ) , à s'interroger sur l'existence d'une « capacité de rebond » supplémentaire .

Pour les tenants de cette approche, l'écart de production serait davantage « creusé » qu'anticipé, ce qui expliquerait l'absence de tensions sur les salaires et les prix . L'erreur de diagnostic tiendrait notamment au biais procyclique des méthodes employées pour mesurer l'écart de production, fondées sur l'utilisation de filtres statistiques : en cas de crise, la chute des taux de croissance conduirait mécaniquement à réviser fortement à la baisse les estimations du PIB potentiel, alors même qu'une part significative des ruptures observées tiendrait à des facteurs conjoncturels 9 ( * ) .

À titre d'illustration, alors que la Commission estimait en 2007 que l'économie française se situait sur son sentier tendanciel, les révisions intervenues depuis le déclenchement de la crise ont conduit à fortement minorer le niveau du PIB potentiel.

Comparaisons des évolutions du PIB avec
différentes estimations du PIB potentiel

(taux d'évolution en glissement annuel)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de la base AMECO ainsi que les prévisions du printemps 2008 de la Commission européenne)

À l'aide d'une méthode alternative permettant de réconcilier les estimations de l'écart de production avec les évolutions de l'inflation sous-jacente observées depuis la crise, l'OFCE suggère ainsi que l'écart de production pourrait être inférieur d'environ 3 points de PIB potentiel à l'estimation gouvernementale 10 ( * ) . Une étude réalisée par les services de la Banque centrale européenne conclut dans le même sens pour la zone euro dans son ensemble 11 ( * ) .

Un tel scénario faciliterait grandement la tâche du Gouvernement , dans la mesure où l'économie française pourrait continuer à progresser à un rythme proche de 2 % tout au long du quinquennat sans épuiser sa « capacité de rebond ».

Au contraire des indicateurs macroéconomiques, qui constituent un motif d'optimisme, les enquêtes de conjoncture suggèrent à l'inverse que l'économie française pourrait avoir déjà épuisé sa « capacité de rebond » à l'issue de l'exercice 2017.

En effet, les enquêtes de conjoncture « renseignent sur le taux d'utilisation des capacités de production et sur les facteurs déclarés par les entreprises comme limitant l'accroissement de leur production » (ex : manque de main d'oeuvre, manque d'équipement ou de matériel) et « fournissent donc une information utile sur la position de l'économie dans le cycle, l'apparition de tensions sur l'appareil productif (...) suggérant que l'activité ne pourrait accélérer durablement pour accompagner la hausse de la demande » 12 ( * ) .

Or, les enquêtes auprès des entreprises suggèrent une hausse significative des tensions sur l'appareil productif en France au cours de la période récente.

À titre d'illustration, dans l'industrie manufacturière, la part des entreprises se déclarant dans l'impossibilité de pouvoir produire davantage avec leurs moyens actuels (32,2 %) a atteint un niveau sans précédent depuis le pic d'activité de 2007.

Entreprises déclarant ne pas pouvoir produire davantage
dans l'industrie

(pourcentage d'entreprises concernées)

Source: commission des finances du Sénat (d'après l'enquête trimestrielle de conjoncture de l'Insee)

Dans ce cadre, la faiblesse de l'inflation ne s'expliquerait pas par une sous-estimation de l'écart de production mais par une « disparition » de la courbe de Phillips .

Les tenants de cette approche mettent ainsi en évidence différents facteurs susceptibles d'expliquer la rupture du lien historique entre l'écart de production et les tensions inflationnistes 13 ( * ) , en particulier :

- une meilleure crédibilité de la politique monétaire , qui réduirait l'importance donnée à l'inflation effective dans le processus de fixation des prix et des salaires ;

- l'intégration croissante des économies , qui conduirait à ce que l'inflation dépende davantage du cycle mondial que de la situation nationale ;

- la diminution du pouvoir de négociation des travailleurs , qui limiterait la capacité de ces derniers à négocier des hausses de salaires.

Si ces analyses sont contestées 14 ( * ) , il doit être noté que l'utilisation de méthodes consistant à estimer l'écart de production à partir des indicateurs de tensions des enquêtes de conjoncture suggère que l'économie française pourrait avoir déjà entièrement épuisé sa « capacité de rebond » , contrairement à ce qu'indiquent les approches « traditionnelles » fondées sur l'utilisation de fonctions de production et de filtres statistiques.

À titre d'illustration, une récente étude de la direction générale du Trésor visant à estimer la position de l'économie française dans le cycle à partir des résultats des enquêtes de conjoncture conduit à réviser fortement à la hausse l'estimation de l'écart de production, qui s'élèverait à environ + 1,0 point de PIB potentiel, contre - 0,6 point de PIB potentiel dans le scénario gouvernemental 15 ( * ) .

Là encore, une telle révision bouleverserait les perspectives pour le Gouvernement : avec un écart de production d'ores et déjà revenu en territoire positif à l'issue de l'exercice 2017, le rythme de croissance de l'économie française devrait en toute logique converger rapidement vers son niveau potentiel (sauf à entrer dans une phase de « surchauffe »), soit environ 1,3 %, limitant ainsi fortement les marges de manoeuvre du Gouvernement, qui table actuellement sur un maintien du taux de croissance à 1,7 % entre 2020 et 2022 .

De la même manière, les estimations de l'écart de production peuvent éclairer les perspectives d'évolution du marché de l'emploi, par l'utilisation de la loi d'Okun . À titre de rappel, cette dernière traduit l'existence d'un lien entre, d'une part, l'écart entre le taux de chômage effectif et le taux de chômage d'équilibre 16 ( * ) et, d'autre part, l'écart de production. Une récente étude du Fonds monétaire international (FMI) a considéré que cette relation était « forte et stable dans la plupart des pays » et estimé le « coefficient d'Okun » à - 0,37 pour la France au cours de la période 1980-2011, soit un niveau proche de la moyenne des vingt principales économies avancées examinées (- 0,4) 17 ( * ) . Un écart de production de + 1,0 point de PIB potentiel impliquerait ainsi un taux de chômage d'équilibre de 9,4 % environ, alors même que le taux de chômage effectif se situe déjà à l'issue de l'exercice 2017 à 9,0 %. À l'inverse, un écart de production négatif d'environ 3,5 points de PIB potentiel, tel que suggéré par l'étude de l'OCDE précitée, placerait le taux de chômage d'équilibre à environ 7,7 % - laissant ainsi espérer une baisse continue du chômage tout au long du quinquennat, sans tensions sur les salaires et les prix.

Il doit enfin être noté que l'incertitude actuelle sur le niveau de l'écart de production fragilise l'appréciation de la situation structurelle des finances publiques . En effet, l'identification du solde conjoncturel et du solde structurel repose sur l'estimation du PIB potentiel.

L'estimation du déficit structurel par la Commission européenne

Pour déterminer le déficit structurel, la Commission européenne commence par calculer pour chaque État membre le déficit corrigé du cycle, en appliquant la formule suivante :

Déficit corrigé du cycle = Déficit effectif + Écart de production * Semi-élasticité budgétaire

La semi-élasticité budgétaire mesure la sensibilité du déficit effectif à l'écart de production. Sa valeur, mise à jour tous les six ans, a été révisée pour la dernière fois en 2014. Elle est calculée pour chaque État membre à partir de l'estimation économétrique de l'élasticité individuelle des recettes et dépenses sensibles à la conjoncture et de leur poids moyen dans le PIB. Pour la France, la semi-élasticité budgétaire est actuellement estimée à 0,603. En d'autres termes, lorsque l'écart de production se creuse de 1,0 point, la part conjoncturelle du déficit effectif augmente de 0,603 point du PIB.

Une fois le déficit corrigé du cycle, le déficit structurel est obtenu en retranchant les mesures ponctuelles et temporaires.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », édition 2017, mars 2017)

Le niveau du déficit structurel à l'issue de l'exercice 2017 varie ainsi de - 0,5 point de PIB potentiel à - 3,2 points de PIB potentiel selon l'estimation retenue.

Bilan : trois approches de l'écart de production

(en points de PIB potentiel, sauf mention contraire)

Étude OFCE

Gouvernement

Étude DG Trésor

Écart de production 2017

- 3,5

- 0,6

+ 1,0

Méthode

Réconciliation avec la dynamique d'inflation sous-jacente

Fonction de production + filtres statistiques

Réconciliation avec les enquêtes de conjoncture

Implication pour la croissance

Forte « capacité de rebond »

Faible « capacité de rebond »

Absence de « capacité de rebond »

Taux de chômage d'équilibre implicite

7,7 %

8,8 %

9,4 %

Déficit structurel recalculé

- 0,5

- 2,2

- 3,2

Source: commission des finances du Sénat (d'après : OFCE, « La fin d'un cycle ? Perspectives 2018-2019 pour l'économie mondiale et la zone euro », 2017, p. 50 ; Trésor-éco, « Que nous disent les enquêtes de conjoncture sur la position de l'économie dans le cycle ? », n° 223, juin 2018, p. 6)

Si le débat sur la « vitesse d'atterrissage » de l'économie française n'est donc pas tranché, l'embellie conjoncturelle observée l'an passé aura en tout état de cause grandement facilité le redressement des comptes publics.

II. UNE DIMINUTION DU DÉFICIT NOMINAL QUI MASQUE UNE ABSENCE DE REDRESSEMENT DE LA SITUATION STRUCTURELLE DES COMPTES PUBLICS

A. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT LIÉE À LA CONJONCTURE ET NON À UNE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE

1. Un retour du déficit nominal sous le seuil de 3 % du PIB qui permet à la France de sortir de la procédure pour déficit excessif

Le déficit public nominal s'est établi à 2,6 % du PIB à l'issue de l'exercice 2017, soit une amélioration de 0,8 point par rapport à 2016.

Après avoir obtenu à trois reprises 18 ( * ) un délai auprès du Conseil de l'Union européenne, la France est ainsi parvenue, pour la première fois depuis 2007, à ramener son déficit en deçà du seuil de 3 % du PIB .

Évolution du déficit public de la France
depuis 2007

(en points de PIB)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Déficit public

- 2,6

- 3,3

- 7,2

- 6,9

- 5,2

- 5,0

- 4,1

- 3,9

- 3,6

- 3,4

- 2,6

Variation

- 0,2

- 0,7

- 3,9

+ 0,3

+ 1,7

+ 0,2

+ 0,9

+ 0,2

+ 0,3

+ 0,2

+ 0,8

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Le niveau atteint par le déficit public est même légèrement inférieur à celui recommandé par le Conseil de l'Union européenne de 2015, qui avait fixé un objectif de solde nominal de - 2,8 % du PIB pour l'année 2017 19 ( * ) .

Sans surprise, la Commission européenne a dès lors recommandé, dans le cadre de l'adoption du paquet de printemps du semestre européen 2018, la clôture de la procédure pour déficit excessif ouverte à l'encontre de la France en 2009 . Le Conseil de l'Union européenne a confirmé le 22 juin dernier la correction du déficit excessif : l'Espagne est désormais le seul État membre à relever du volet correctif du pacte de stabilité.

Si l'on ne peut que se féliciter de cette décision, force est de constater que l'amélioration du solde nominal tient à l'embellie conjoncturelle, et non à un effort de maîtrise de la dépense.

2. Une réduction du déficit en trompe-l'oeil

L'amélioration de 0,8 point de PIB entre 2016 et 2017 tient avant tout à une hausse de la part des recettes publiques dans le PIB de 0,6 point .

Évolution du déficit public
entre 2016 et 2017

(en points de PIB)

2016

2017

Déficit public

- 3,4

- 2,6

Dépenses publiques

56,6

56,4

Recettes publiques

53,2

53,8

dont prélèvements obligatoires

44,6

45,3

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Si la diminution de la part des dépenses publiques dans la richesse nationale de 0,2 point a également contribué au redressement du solde nominal, cette dernière ne traduit aucun effort particulier de maîtrise de la dépense mais est liée à l'accélération de la croissance nominale , ainsi que permettra de le démontrer l'analyse du solde structurel infra .

Quant à l'augmentation du poids des recettes publiques dans la richesse nationale (+ 0,6 point), elle s'explique entièrement par une augmentation de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB (+ 0,7 point).

Évolution de la part des prélèvements obligatoires
dans le PIB

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Ce dynamisme des prélèvements obligatoires ne tient pas à des décisions pérennes d'augmentation des impôts - l'impact des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires sur le solde étant nul en 2017, hors mesures exceptionnelles et temporaires 20 ( * ) - mais à une forte élasticité des prélèvements obligatoires au PIB .

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est le coefficient par lequel il faut multiplier la croissance du PIB en valeur pour obtenir la croissance « spontanée » des prélèvements obligatoires (c'est-à-dire avant les modifications du droit, appelées « mesures nouvelles »), l'année considérée.

Sur longue période, les prélèvements obligatoires « spontanés » tendent à augmenter à la même vitesse que le PIB. On dit alors que leur élasticité au PIB est égale à 1.

En revanche, il arrive fréquemment à court terme que cette élasticité s'éloigne de l'unité . Ainsi, certaines années (en général quand la croissance du PIB est forte), les prélèvements obligatoires augmentent plus rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors supérieure à 1 . D'autres années (en général quand la croissance du PIB est faible), les prélèvements obligatoires au PIB augmentent moins rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors inférieure à 1 .

Source : « Quels prélèvements obligatoires pour la sortie de crise ? », rapport d'information n° 45 (2009-2010) de Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances et déposé le 15 octobre 2009

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB s'est ainsi établie à 1,4 en 2017 , pour une prévision initiale unitaire.

Comparaison des prévisions d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB
et de l'exécution pour l'année 2017

Source: commission des finances du Sénat

L'effet total de l'embellie conjoncturelle sur les prélèvements obligatoires, qui tient non seulement au surcroît de croissance mais également à l'élasticité des prélèvements obligatoires, est ainsi estimé à 13,7 milliards d'euros par la Cour des comptes, soit 0,6 point de PIB , dont 9,9 milliards d'euros pour la seule élasticité.

Décomposition de l'écart entre le niveau des prélèvements obligatoires attendu au titre de l'année 2017 et l'exécution

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les calculs de la Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives de finances publiques pour 2018, p. 43.

Autrement dit, en l'absence de « bonnes nouvelles » en recettes, le déficit nominal n'aurait pas été ramené en-deçà du seuil de 3 % du PIB , ainsi que le soulignait déjà votre rapporteur général à l'occasion du programme de stabilité 2018-2022 21 ( * ) .

Paradoxalement, la réduction du déficit structurel de 0,3 point de PIB potentiel enregistrée l'an dernier, conforme à l'objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, est également liée à l'embellie conjoncturelle.

Décomposition du solde public 2017

(en points de PIB)

2016

2017

Solde effectif

- 3,4

- 2,6

Composante conjoncturelle

- 0,8

- 0,3

Mesures ponctuelles et temporaires

- 0,1

- 0,1

Solde structurel

- 2,5

- 2,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'avis n° HCFP-2018-2 du HCFP)

En effet, le solde structurel est calculé comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle.

De ce fait, le mode de calcul du solde structurel ne permet pas d'exclure l'incidence de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions du cycle économique.

La décomposition de l'ajustement structurel 22 ( * ) permet toutefois d' isoler la « composante non discrétionnaire » de l'évolution du solde structurel, qui correspond aux fluctuations des élasticités et aux évolutions des recettes hors prélèvements obligatoires 23 ( * ) .

Décomposition de l'ajustement structurel 2017

(en points de PIB potentiel)

2017

Ajustement structurel

0,3

Effort structurel

- 0,1

dont mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

0,0

dont effort en dépense

- 0,2

dont clé en crédits d'impôt

0,1

Composante non discrétionnaire

0,4

dont recettes non fiscales

- 0,1

dont effets d'élasticité des prélèvements obligatoires

0,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'avis n° HCFP-2018-2 du Haut Conseil des Finances publiques)

Ainsi, la totalité de la réduction du déficit structurel intervenue l'an dernier s'explique par la « composante non discrétionnaire » , ainsi que le relève le Haut Conseil des finances publiques dans son avis 24 ( * ) .

En l'absence de « bonne nouvelle » en recettes, le déficit structurel se serait donc creusé de 0,1 point de PIB potentiel.

Cette contre-performance tient exclusivement au relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense , les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires n'ayant eu aucun effet sur l'ajustement structurel l'an passé.

Même corrigé des mesures exceptionnelles - en particulier le remboursement de la taxe sur les dividendes de 3 % -, le taux d'évolution de la dépense publique est ainsi supérieur à la croissance potentielle de l'économie française. De ce fait, l' « effort » structurel en dépense 25 ( * ) est pour la première fois depuis 2012 26 ( * ) négatif (- 0,2 point de PIB potentiel).

Concrètement, cela signifie que l'« effort » de maîtrise de la dépense effectué en 2017 est insuffisant pour freiner la progression de la part de la dépense publique dans le PIB à moyen terme : c'est uniquement parce que la croissance effective (2,2 % en volume) s'est établie temporairement à un niveau très supérieur à la croissance potentielle (1,25 % en volume) que le poids de la dépense publique dans la richesse nationale n'a pas augmenté l'an passé.

Les comparaisons avec les précédents exercices confirment le relâchement de l'effort de redressement : la croissance de la dépense publique en volume est ainsi près de deux fois plus rapide en 2017 que sur la période 2010-2016.

Croissance de la dépense publique en volume
depuis 2007

(en %)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee, déflatées par l'indice des prix à la consommation hors tabac)

Ce relâchement manifeste tient non seulement au « budget de campagne » 27 ( * ) construit par la précédente majorité et intenable en exécution mais également aux difficultés du Gouvernement actuel à obtenir des résultats sur le plan de la maîtrise de la dépense .

B. UN REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS INSUFFISANT POUR AMORCER LE REFLUX DE LA DETTE PUBLIQUE

1. La part de la dette publique dans la richesse nationale continue de croître

En dépit de l'embellie conjoncturelle, qui a permis une réduction significative du déficit public, la part de la dette publique dans la richesse nationale (96,8 % du PIB) continue de croître (+ 0,2 point).

Évolution de l'endettement public de la France
depuis 2007

(en points de PIB)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Dette publique

64,5

68,8

83,0

85,3

87,8

90,6

93,4

94,9

95,6

96,6

96,8

Variation

- 0,1

4,3

14,2

2,3

2,5

2,8

2,8

1,5

0,7

1,0

0,2

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

En effet, si le déficit s'est établi à un niveau (2,6 % du PIB) légèrement inférieur au solde stabilisant (2,7 % du PIB) 28 ( * ) , l'ajustement stock-flux 29 ( * ) a pesé sur l'évolution du ratio d'endettement , sous l'effet principalement d'une forte hausse des liquidités (+ 14,6 milliards d'euros en 2017, contre - 5,9 milliards d'euros en 2016) lié au calibrage du programme de financement.

Contribution de l'ajustement stock-flux à l'évolution
du ratio d'endettement

(en points de PIB)

2014

2015

2016

2017

France

- 1,0

- 0,8

- 1,1

+ 0,5

Zone euro

- 0,1

- 0,9

- 0,2

- 0,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee pour 2017 et la publication d'Eurostat, « Stock-flow adjustment (SFA) for the Member States, the euro area and the EU28 for the period 2014-2017 », d'avril 2018, pour la période 2014-2016)

2. La divergence avec le reste de la zone euro se confirme

La France est ainsi le seul grand pays de la zone euro à ne pas encore avoir amorcé le reflux de sa dette publique.

Évolution du ratio d'endettement des principaux pays
de la zone euro entre 2016 et 2017

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

La trajectoire d'endettement de la France continue ainsi de diverger de celle de l'Allemagne (qui a entamé sa décrue dès 2011) mais aussi de celle du reste de la zone euro (en reflux depuis 2014).

Comparaison de l'évolution de l'endettement de la France
et de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

Cette divergence est amenée à se poursuivre , dans la mesure où le déficit public de la France (2,6 % du PIB) reste très supérieur à celui du reste de la zone euro (0,4 %).

Déficit public de la France et de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

Si la soutenabilité de la dette française n'est bien évidemment pas en cause, votre rapporteur général tient à rappeler la nécessité de ramener la dette française sur une trajectoire descendante dans les meilleurs délais .

En effet, s'il n'existe pas de « seuil magique » 30 ( * ) au-delà duquel l'endettement exercerait systématiquement un effet négatif sur la croissance, celle-ci tendrait néanmoins à ralentir lorsque la dette publique est élevée et sur une trajectoire ascendante , pour trois principales raisons :

- les économies concernées sont plus vulnérables aux enchaînements autoréalisateurs liés au sentiment de défiance des marchés ;

- elles disposent d'une moindre marge de manoeuvre pour mener une politique budgétaire contracyclique en cas de crise ;

- le renchérissement de la charge d'intérêt est susceptible de grever la croissance en poussant le Gouvernement à avoir recours à des impôts sources de distorsions pour accroître les recettes et à couper les dépenses publiques productives, en particulier en cas de remontée rapide des taux d'intérêt.

Il peut à cet égard être observé que le poids de la charge d'intérêts dans la richesse nationale de la France et de l'Allemagne a d'ores et déjà commencé à diverger : alors qu'il était identique jusqu'en 2010, le différentiel atteint désormais 0,7 point de PIB, soit environ 16 milliards d'euros .

Comparaison de l'évolution de la charge d'intérêts
de la France et de l'Allemagne

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la base AMECO)

C'est précisément pour éviter des divergences de ce type que des règles budgétaires ont été fixées dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

III. DES TRAJECTOIRES CONTRASTÉES PAR SOUS-SECTEUR D'ADMINISTRATION PUBLIQUE

A. L'EXCÉDENT DE LA SPHÈRE LOCALE SE RÉDUIT, SOUS L'EFFET DE LA REPRISE DE L'INVESTISSEMENT ET DE DÉCISIONS IMPOSÉES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

En 2017, les administrations publiques locales dégagent pour la deuxième année consécutive un excédent (+ 0,8 milliard d'euros).

Solde des différentes catégories
d'administrations publiques en 2017

(en milliards d'euros)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Ce dernier s'est toutefois réduit de 2,2 milliards d'euros par rapport à 2016.

Cette diminution de l'excédent des administrations publiques locales ne traduit aucunement un relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense des collectivités territoriales.

La progression des dépenses (+ 2,5 % en valeur) plus rapide que les recettes (+ 1,6 % en valeur) tient tout d'abord au faible dynamisme de ces dernières .

En effet, les recettes des administrations publiques locales progressent nettement moins rapidement que celles des autres catégories d'administrations publiques, sous l'effet tout particulièrement de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (-2,4 milliards d'euros).

Évolution des recettes des administrations publiques
entre 2016 et 2017

(taux d'évolution en valeur)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

À l'inverse, les dépenses des administrations publiques locales ont évolué au même rythme (+ 1,5 % en volume) que celles de l'ensemble des administrations publiques .

Il ressort en outre de l'analyse des contributions à l'évolution des dépenses de la sphère locale que l'investissement constitue de loin la dépense la plus dynamique en 2017 .

Évolution des dépenses des administrations locales entre 2016 et 2017
et contributions à cette évolution

(taux d'évolution en volume)

Note méthodologique : l'investissement correspond comptablement aux postes « transferts en capital à payer » et « acquisitions moins cessions d'actifs non financiers ».

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Cette reprise de l'investissement (+ 6 % en valeur) doit être analysée comme un début de « rattrapage » faisant suite à la chute d'une ampleur inédite observée au cours des trois derniers exercices, laquelle avait largement excédé l'effet mécanique du cycle électoral communal, dans un contexte marqué par de fortes baisses des dotations de l'État 31 ( * ) .

Évolution de l'investissement des administrations locales
en volume

(base 100, 2000=100)

Note méthodologique : l'investissement est déflaté par l'indice des prix à la consommation hors tabac.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

S'agissant des dépenses de fonctionnement, le dynamisme des rémunérations (+ 2,2 % en valeur, contre + 0,7 % en 2016) , qui contribue à hauteur de 0,4 point à la hausse de la dépense totale, tient essentiellement à des décisions imposées aux collectivités territoriales - à savoir la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et la réforme « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) -, ainsi que le relève à juste titre l'Insee 32 ( * ) .

B. LES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE RETROUVENT UN EXCÉDENT, SOUS L'EFFET DU DYNAMISME DES RECETTES

S'agissant de la sphère sociale, les administrations de sécurité sociale retrouvent en 2017 un solde positif (+ 5,0 milliards d'euros) , en amélioration de 7,2 milliards d'euros par rapport à 2016.

Décomposition de l'évolution du besoin de financement
des administrations de sécurité sociale entre 2016 et 2017

(en milliards d'euros)

2016

2017

Régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

- 9,0

- 6,1

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

0,0

1,0

Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) 33 ( * )

13,6

14,3

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

- 1,7

- 1,9

Autres régimes de sécurité sociale

- 4,4

- 0,9

Assurance chômage

- 3,8

- 3,4

Régimes complémentaires

- 1,0

0,2

Organismes dépendant des assurances sociales (ODASS)

- 0,6

- 1,4

Solde

- 2,2

5,0

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses transmises par le Gouvernement)

Ce redressement est conforme à la loi de programmation pour les finances publiques 2018-2022 , qui fixait pour objectif l'atteinte d'un surplus de 0,2 point de PIB à l'issue de l'exercice 2017.

Comme pour l'État, l'amélioration du solde de la sphère sociale tient avant tout au dynamisme des recettes (+ 3,7 % en valeur, contre + 1,6 % en 2016), plus important que celui des dépenses (+ 2,4 % en valeur, contre 1,3 % en 2016) 34 ( * ) .

Certaines réformes structurelles décidées au cours de précédents exercices ont par ailleurs permis de contenir la hausse des dépenses.

Ainsi, les mesures de redressement prévues par l'accord interprofessionnel de 2015 (moindre revalorisation des allocations et augmentation du prix d'achat du point) ont largement contribué à l'amélioration importante (+ 1,2 milliard d'euros) du solde des régimes complémentaires Agirc-Arrco. De même, les mesures de report d'âge des précédentes réformes des retraites ont une nouvelle fois permis de contenir l'augmentation des prestations versées par la branche retraite du régime général (+ 1,9 % en valeur, après + 2,2 % en 2016) 35 ( * ) .

Le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) s'accompagne en revanche d'une dégradation préoccupante de la situation budgétaire des hôpitaux.

Ainsi, l'Ondam a été respecté : les dépenses entrant dans son champ ont été très légèrement inférieures (- 60 millions d'euros) à l'objectif initialement fixé par la loi de finances de la sécurité sociale pour 2017, qui n'avait pas été modifié l'an passé.

Comme chaque année, l'atteinte de l'objectif global masque néanmoins un dépassement pour les dépenses de soins de ville (écart de 320 millions d'euros), pour lesquelles il n'existe pas réellement d'outils de pilotage.

Cette sur-exécution est compensée par une sous-exécution des dépenses des établissements de santé (écart de 405 millions d'euros), liée à une diminution de l'activité hospitalière 36 ( * ) . Dès lors, « le respect de l'Ondam ne peut être pertinent que si l'on examine, dans le même temps, le résultat consolidé des hôpitaux » 37 ( * ) . Or, le ralentissement de l'activité aurait contribué à un doublement du déficit des hôpitaux 38 ( * ) , expliquant ainsi la dégradation importante du solde des organismes dépendant des assurances sociales (- 0,8 milliard d'euros) 39 ( * ) . Dans ce contexte, la réforme des hôpitaux annoncée par le Gouvernement pour cette année apparaît plus que nécessaire .

Elle devra ainsi s'accompagner de la recherche de nouveaux leviers de maîtrise des dépenses de soins de ville. Il peut à cet égard être rappelé que la branche maladie porte désormais la quasi-totalité du déficit du régime général de la sécurité sociale.

Décomposition de l'évolution du besoin de financement du régime général
et du fonds de solidarité vieillesse entre 2016 et 2017

(en milliards d'euros)

2016

2017

Maladie

- 4,8

- 4,9

Accidents du travail

0,8

1,1

Retraite

0,9

1,8

Famille

- 1,0

- 0,2

Fonds de solidarité vieillesse

- 3,6

- 2,9

Résultat comptable

- 7,8

- 5,1

Contribution au déficit en comptabilité nationale

- 9,0

- 6,1

Note : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme. L'écart entre le résultat comptable et la contribution au déficit maastrichtien s'explique par les retraitements liés au passage en comptabilité nationale.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale)

Plus généralement, alors qu'une part significative des facteurs ayant contribué à contenir la hausse de la dépense en 2017 tient à des réformes passées dont le potentiel d'économies finira mécaniquement par s'amoindrir, il est aujourd'hui urgent de procéder aux réformes de structure susceptibles d'infléchir durablement la trajectoire des dépenses sociales.

C. LE BUDGET DE L'ÉTAT : UN DÉRAPAGE DES DÉPENSES COUVERT PAR LE DYNAMISME DES RECETTES ET DES ÉCONOMIES DE CONSTATATION

L'analyse du budget de l'État exécuté en 2017 par comparaison à l'exercice 2016 40 ( * ) fait ressortir trois constats principaux .

Tout d'abord, le déficit budgétaire est réduit de 1,4 milliard d'euros et le résultat patrimonial de l'État s'améliore, mais sa situation nette continue de se dégrader.

Ensuite, les dépenses des ministères augmentent de 9,1 milliards d'euros hors recapitalisation du secteur énergétique : la quasi-totalité des politiques publiques ont vu leurs moyens augmenter par rapport à l'exercice précédent.

Enfin, les recettes sont dynamiques et leur hausse de 9 milliards d'euros, combinée à la diminution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne ainsi qu'à des mesures de périmètre, explique l'amélioration du déficit budgétaire.

1. Une amélioration apparente des comptes de l'État reposant entièrement sur le dynamisme des recettes, des mesures de périmètre et des économies de constatation
a) Une diminution du déficit par rapport à l'exercice 2016 de 1,4 milliard d'euros en comptabilité budgétaire et de 9,8 milliards d'euros en comptabilité maastrichtienne

Le solde d'exécution des lois de finances ressort à -67,7 milliards d'euros en 2017 contre 69,1 milliards d'euros en 2016, soit une amélioration de 1,4 milliard d'euros.

La totalité de la réduction du déficit par rapport à l'exécution 2016 relève de facteurs exogènes à la gestion budgétaire du Gouvernement .

Ainsi, les recettes de l'État augmentent de 9 milliards d'euros, en lien avec l'évolution spontanée des impôts.

La diminution des prélèvements sur recettes contribue également à améliorer le solde budgétaire de l'ordre de 5,3 milliards d'euros, dont 2,3 milliards d'euros au titre du prélèvement sur recettes au bénéfice de l'Union européenne et 3 milliards d'euros pour le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales.

Enfin, la création du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur » à compter du 1 er janvier 2017, dans le cadre du transfert des opérations de garanties publiques de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) vers l'État, s'est accompagné du reversement par la Coface du solde du compte de gestion des procédures d'aide au commerce extérieur pour un montant total de 3,9 milliards d'euros.

Décomposition des facteurs d'évolution du solde budgétaire de l'État
entre la loi de finances initiale et l'exécution en 2017

(en milliards d'euros)

Note de lecture : PSR = prélèvement sur recettes.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires et des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

L'impact cumulé de tous ces facteurs d'amélioration s'établit à 18,2 milliards d'euros, mais il est partiellement compensé par d'autres mouvements de sens contraire.

Une très forte hausse des dépenses ministérielles (+ 9,1 milliards d'euros) doit également être signalée. Les dépenses liées à la recapitalisation du secteur énergétique dégradent le solde de 3,6 milliards d'euros par rapport à l'exercice 2016 tandis que la hausse des transferts à la Sécurité sociale y contribue à hauteur de 2,7 milliards d'euros. Enfin, d'autres facteurs ont un impact négatif de 1,4 milliard d'euros.

En comptabilité nationale, le déficit s'établit à 64,3 milliards d'euros contre 73,8 milliards d'euros en 2016, soit une amélioration de 9,5 milliards d'euros.

L'écart entre le solde budgétaire et le solde maastrichtien de l'État résulte de trois principaux effets comptables : le traitement de certaines opérations budgétaires en opérations financières, la correction des droits constatés et les opérations non budgétaires qui affectent le besoin de financement.

En 2017, c'est essentiellement la charge d'intérêts enregistrée en comptabilité nationale plus faible qu'en comptabilité budgétaire, à hauteur de 7,0 milliards d'euros , qui explique que le déficit maastrichtien soit inférieur au déficit budgétaire. Les différences de comptabilisation portent sur les intérêts courus non échus, les obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l'inflation et l'étalement des primes et décotes. L'écart entre les livraisons et les paiements de matériels militaires améliore également le déficit en comptabilité nationale de 0,9 milliard d'euros par rapport au solde budgétaire.

À l'inverse, le retraitement en opérations financières de certaines opérations budgétaires dégrade le solde maastrichtien par rapport au solde budgétaire de 4,1 milliards d'euros. Il s'agit principalement du reversement en 2017 du solde du compte État à la Coface sur le nouveau compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur » .

b) Une amélioration du résultat patrimonial de l'État mais une dégradation de sa situation nette

Le compte général de l'État, joint au projet de loi de règlement des comptes et d'approbation du budget, permet de compléter le constat dressé à partir des données budgétaires et de la comptabilité nationale en offrant un point de vue sur le résultat patrimonial de l'État , soit la différence entre les charges et les produits constatés durant l'exercice, ainsi que sur sa situation nette, c'est-à-dire sur la différence entre l'actif et le passif .

Les particularités du bilan de l'État et de sa situation patrimoniale

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le compte général de l'État comporte une présentation de son bilan comptable . Le bilan de l'État décrit son actif, constitué de l'ensemble de son patrimoine, et son passif, qui correspond à l'ensemble des engagements financiers de l'État à l'égard des tiers - pour l'essentiel des dettes financières.

Cependant, le bilan de l'État se différencie du bilan des entreprises privées en raison des spécificités de son action , qui trouvent leur traduction dans ses états financiers. Il ne possède notamment pas, à son passif, de capital social (le capital social étant l'apport des actionnaires à une société). Sa capacité à lever l'impôt ne peut constituer un actif incorporel, certains de ses monuments historiques ne sont valorisés, à l'actif de l'État, qu'à l'euro symbolique. Si, pour une entreprise, un résultat net négatif traduit une destruction de richesse, le déséquilibre entre actif et passif de l'État est quant à lui structurel.

Ainsi, le bilan de l'État n'est pas équilibré , à la différence d'un acteur privé. Il est présenté sous la forme d'un tableau de situation nette, correspondant à la différence entre son actif et son passif.

C'est donc l'évolution du résultat de l'État qui peut être interprétée et non sa valeur.

En 2017, la situation nette continue de se dégrader ce qui traduit un appauvrissement durable de l'État : elle passe de - 1 210 milliards d'euros à - 1 261 milliards d'euros, soit une détérioration de 51 milliards d'euros .

La dégradation de la situation nette est liée à une augmentation du passif plus rapide que celle de l'actif : ce dernier s'établit ainsi à 1 011,2 milliards d'euros en 2017, en hausse de 38,1 milliards d'euros par rapport à 2016, tandis que le passif de l'État augmente quant à lui de 88,2 milliards d'euros et s'élève à 2 271,7 milliards d'euros. Comme à l'accoutumée, cette augmentation résulte principalement de la progression de la dette financière de l'État (+ 63,9 milliards d'euros).

Cependant, le résultat patrimonial de l'État , c'est-à-dire la différence entre les charges et les produits de l'année 2017, connaît une forte amélioration par rapport à l'année 2016 et s'établit à - 61 milliards d'euros , un niveau inférieur à celui du déficit budgétaire.

Solde budgétaire et résultat patrimonial de l'État
de 2015 à 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Cette amélioration apparente s'explique pour une grande partie par l'impact de la recapitalisation du secteur énergétique sur les comptes de l'État et par des mesures de périmètre .

Décomposition du passage du déficit budgétaire
au résultat patrimonial

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

En effet, l'évolution positive de l'actif immobilisé (différence entre l'enrichissement de l'actif d'une part et les amortissements et dépréciations d'autre part) repose pour 5,5 milliards d'euros sur la recapitalisation d'Areva, en augmentant la valeur brute des entités contrôlées par l'État , et relève pour 3,65 milliards d'euros d'un changement de méthode comptable du Commissariat à l'énergie atomique, qui n'établit plus de comptes consolidés depuis 2017 .

À ce titre, bien que l'exposé général du projet de loi de règlement pour 2017 soit beaucoup plus détaillé qu'à l'accoutumée et que les informations fournies soient dans l'ensemble complètes et lisibles, force est de constater que le Gouvernement met en avant une amélioration du résultat patrimonial sans être très explicite sur ses facteurs sous-jacents , lesquels tendent à nuancer fortement le constat d'une amélioration de la situation financière de l'État .

2. Le dérapage des dépenses des ministères : + 9,1 milliards d'euros par rapport à 2016

Les dépenses des ministères ont progressé en 2017 de 9,1 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2016 .

Cette hausse est portée par la quasi-totalité des missions du budget général : seules quatre missions connaissent une baisse de crédits par rapport à 2016, quand toutes les autres ont vu leurs dépenses augmenter.

Répartition des missions selon que la consommation des crédits est inférieure ou supérieure à l'exécution 2016

(en milliards d'euros)

Périmètre : hors recapitalisation d'Areva, charge de la dette, CAS «Pensions », fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires et des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

a) Trois politiques publiques portent près de 45 % de la hausse des crédits ministériels : « Enseignement scolaire », « Solidarité » et « Agriculture »

Bien que le mouvement de progression des dépenses par rapport à 2016 soit commun à la plupart des missions du budget général, trois politiques publiques connaissent une hausse particulièrement marquée, supérieure à un milliard d'euros : « Enseignement scolaire », « Solidarité » et « Agriculture ».

Missions dont les crédits consommés ont le plus fortement augmenté
par rapport à l'exécution 2016

(en millions d'euros, crédits de paiement)

Périmètre : hors recapitalisation Areva, fonds de concours et attributions de produits, dette et CAS « Pensions »

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires et des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur spécial)

Ainsi, les dépenses de la mission « Enseignement scolaire » ont dépassé de 1,8 milliard d'euros l'exécution de l'exercice précédent . Cette augmentation est principalement portée par les dépenses de personnel , avec des mesures salariales totalisant 1,1 milliard d'euros en 2017 . Ainsi, hors contribution au CAS « Pensions », le coût des mesures générales s'est élevé à 386 millions d'euros, principalement en raison de la hausse du point d'indice intervenue au 1 er février 2017, pour un montant de 370,4 millions d'euros. Différentes mesures catégorielles ont par ailleurs été mises en oeuvre, pour un montant hors CAS « Pensions » s'élevant à 758 millions d'euros. Il s'agit notamment de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), pour un coût s'élevant à 507,3 millions d'euros.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » connait une hausse de 1,2 milliard d'euros . Cette hausse s'explique par le dynamisme de la prime d'activité (+ 900 millions d'euros) et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) (+ 340 millions d'euros) , qui représentent près de 80 % des crédits consommés pour l'ensemble de la mission.

La progression des dépenses de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (+ 1,0 milliard d'euros) correspond à des reports de charge de l'exercice 2016 sur 2017, en particulier concernant l'indemnité de compensation de handicap naturel (ICHN) et plusieurs versements au titre des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) (+ 558,2 millions d'euros), et par l'ouverture d'une ligne de crédits destinés à compenser la réduction des cotisations versées à la caisse centrale de mutualité sociale agricole du fait de la baisse de 7 points du taux des cotisations d'assurance maladie des exploitants agricoles, impliquant un ressaut des dotations de l'ordre de 480 millions d'euros.

La hausse des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » repose à la fois sur une budgétisation initiale plus favorable en 2017 qu'en 2016, sur la consommation de la majeure partie des crédits reportés sur l'exercice 2017 et sur l'ouverture de crédits en cours d'année traduisant une sous-budgétisation globale de la mission, en particulier de ses programmes 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires), 190 (Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables) et 192 (Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle).

Concernant la mission « Défense » , la hausse constatée, à hauteur de 698 millions d'euros, est imputable à une augmentation des dépenses de personnel (+ 308,4 millions d'euros hors CAS « Pensions ») et d'investissement (+ 556 millions d'euros) . La progression des dépenses de titre 2 s'explique principalement par le coût des mesures catégorielles, à hauteur de 242 millions d'euros, du fait de la mise en oeuvre du « plan d'amélioration de la condition du personnel » et du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).

b) Une accélération marquée de la hausse des dépenses de personnel et des effectifs de l'État en 2017

À périmètre courant, les dépenses de personnel du budget général hors contributions au CAS « Pensions » sont en augmentation de + 3,7 % (soit 3,0 milliards d'euros) entre 2016 et 2017 tandis que les contributions au CAS « Pensions » progressent de 3,6 % (soit 1,5 milliard d'euros).

Le Gouvernement précise, dans l'exposé général des motifs, que la hausse constatée en 2017 provient d'un effet-base de 1,3 milliard d'euros , lié aux décisions prises lors des exercices précédents, et s'explique à hauteur de 1,6 milliard d'euros par des facteurs d'évolution propres à l'année 2017 , en particulier la hausse des mesures catégorielles, notamment du fait de la mise en oeuvre du protocole PPCR et de mesures générales, qui incluent la revalorisation du point d'indice.

Décomposition des facteurs d'évolution des dépenses de personnel
entre 2016 et 2017

(en millions d'euros, AE=CP, hors CAS « Pensions »)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

Cette augmentation, extrêmement importante au regard des années passées, annule presque l'intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle s'explique par un relâchement manifeste des efforts de maîtrise budgétaire, à la fois en matière d'effectifs et de mesures salariales . Elle entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017.

Au regard des orientations déjà prises par le Gouvernement pour 2018, avec une baisse très modérée des effectifs, la maîtrise de la masse salariale sur la durée du quinquennat imposera des mesures extrêmement résolues à partir de 2019 , tant sur les effectifs que sur les rémunérations des personnels de la fonction publique, y compris le mode de calcul de leurs retraites.

c) Seules quatre missions ont vu leurs dépenses diminuer par rapport à 2016 : « Action extérieure de l'État », « Santé », « Anciens combattants » et « Politique des territoires »

Seule quatre missions du budget général de l'État n'ont pas vu leurs dépenses augmenter entre 2016 et 2017 : il s'agit des missions « Action extérieure de l'État » (- 436 millions d'euros par rapport à l'exercice 2016), « Santé » (- 132 millions d'euros), « Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation » (- 86 millions d'euros) et « Politique des territoires » (- 56 millions d'euros).

Missions ayant connu des baisses de crédits
par rapport à l'exécution 2016

(en millions d'euros, crédits de paiement)

Périmètre : hors recapitalisation Areva, fonds de concours et attributions de produits, dette et CAS « Pensions »

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Ces baisses de crédits - qui demeurent modérées - proviennent principalement d'économies sur les dépenses d'intervention de ces différentes missions , au prix, concernant la mission « Santé », d'un accroissement de la dette de l'État vis-à-vis de la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie. Elles ne découlent pas d'un plan de réduction de la dépense : bien au contraire, leur faible ampleur témoigne du dérapage global des dépenses constaté en 2017 .

3. Des recettes en hausse de 9 milliards d'euros par rapport à 2016

Les recettes de l'État ont crû de 9 milliards d'euros entre 2016 et 2017 , passant de 300,4 milliards d'euros à 309,4 milliards d'euros (soit + 3 % ).

Évolution du total des ressources de l'État
de 2012 à 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

a) Une augmentation des recettes fiscales nettes de 11,5 milliards d'euros

Cette hausse provient des recettes fiscales , qui représentent la majeure part des recettes de l'État et qui ont augmenté de 11,5 milliards d'euros par rapport à l'exercice précédent ( + 4 % ).

La croissance des recettes fiscales est avant tout liée à leur évolution spontanée , à hauteur de 14,2 milliards d'euros. En revanche, les mesures nouvelles de 2017 ont contribué à réduire le produit des impôts d'État de 2,5 milliards d'euros (ce montant incluant 2,3 milliards d'euros de montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ou CICE) et diverses mesures de transfert et de périmètre ont eu un impact négatif supplémentaire de 0,2 milliard d'euros.

Décomposition des facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes
entre 2016 et 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Le montant élevé de l'évolution spontanée des recettes fiscales s'explique essentiellement par deux facteurs : d'une part, la croissance du produit intérieur brut français a été relativement importante par rapport aux exercices précédents et s'est établie à 2,2 % (contre une prévision initiale de 1,7 %) ; d'autre part, l'élasticité des recettes fiscales à la croissance a également été revue fortement à la hausse pour atteindre 1,8, soit un niveau inégalé depuis 2009.

Élasticité prévisionnelle et réalisée des recettes fiscales de l'État à la croissance de 2011 à 2017

Source : commission des finances du Sénat

À l'exception de la TICPE, tous les grands impôts ont connu une hausse de leur produit entre 2016 et 2017.

Évolution des recettes fiscales nettes de l'État
entre 2016 et 2017 par grand impôt

(en milliards d'euros et en %)

Note de lecture : IR = impôt sur le revenu, IS = impôt sur les sociétés, TICPE = taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, TVA = taxe sur la valeur ajoutée, ARFN = autres recettes fiscales nettes.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Si l'augmentation du produit de la TVA résulte essentiellement d'une évolution spontanée dynamique (à hauteur de + 7,1 milliards d'euros), la croissance du rendement de l'impôt sur les sociétés découle en revanche de plusieurs mouvements de sens contraire .

D'une part, l'évolution spontanée de l'impôt a contribué à une hausse de 3,9 milliards d'euros, partiellement compensée par les mesures nouvelles (- 3 milliards d'euros), en particulier la montée en charge du CICE (- 2,3 milliards d'euros) et la diminution du taux d'imposition applicable à certaines sociétés (- 0,3 milliard d'euros).

D'autre part, le reliquat de la hausse, soit 4,9 milliards d'euros, s'explique par la création en cours d'exercice 2017 d'une contribution exceptionnelle et d'une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés - dont le rendement était initialement estimé à 4,8 milliards d'euros.

En effet, afin de compenser la baisse des recettes et la hausse des dépenses de contentieux qu'entraînait la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 relative à la contribution de 3 % sur les montants distribués, le Gouvernement a choisi de créer deux contributions « exceptionnelles et ponctuelles » sur l'impôt sur les sociétés au titre de 2017, au motif que l'absence de telles mesures aurait menacé le respect des engagements européens de la France (en particulier le retour sous la barre des 3 % de déficit public).

L'impôt sur le revenu a également crû, dans des proportions plus modestes (+ 1,2 milliard d'euros, soit 2 %), tandis que le produit de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) perçu par l'État a diminué de 4,8 milliards d'euros. Les « autres recettes fiscales nettes » de l'État, qui agrègent l'ensemble des autres impôts, ont connu une hausse de 1,4 milliard d'euros (+ 6 %).

b) Un écart très significatif entre l'exécution et les prévisions de recettes de la dernière loi de finances rectificative

Les recettes fiscales perçues par l'État en 2017 excèdent de 4,2 milliards d'euros la prévision associée à la dernière loi de finances rectificative 41 ( * ) . La plus-value porte principalement sur l'impôt sur les sociétés (+ 2,5 milliards d'euros) et la TVA (+ 1 milliard d'euros). En outre, le rendement de l'impôt sur le revenu est supérieur de 400 millions d'euros aux dernières prévisions et le produit de la TICPE de 200 millions d'euros.

Évolution des recettes fiscales nettes de l'État entre LFI, LFR et exécution,
par grand impôt

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat

L'écart enregistré au titre de l'impôt sur les sociétés s'explique, selon le Gouvernement, « par un rattrapage constaté sur les acomptes versés au second semestre, par de moindres restitutions de crédit d'impôts et par les encaissements en 2017 des contributions exceptionnelle et additionnelle à l'impôt sur les sociétés votées en première LFR pour 2017 légèrement supérieurs aux prévisions » (exposé général des motifs du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2017).

Montant prévu et exécuté des acomptes d'impôt sur les sociétés
en 2017

(en milliard d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

En effet, l'acompte de septembre a été supérieur de 600 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2017, et celui de décembre de 900 millions d'euros, soit une plus-value totale de 1,5 milliard d'euros, quand les remboursements et dégrèvements sur l'impôt sur les sociétés ont été revus à la baisse d'environ 700 millions d'euros.

Au total, la différence de 4,2 milliards d'euros entre la prévision de la dernière loi de finances rectificative et l'exécution est très significative au regard des années passées : sur la période 2007-2017, l'écart entre la dernière prévision de l'exercice et le montant effectivement recouvré s'est élevé en moyenne à 2,2 milliards d'euros (en valeur absolue, y compris l'année 2017). Un tel écart positif est même inédit .

Écart entre la prévision de recettes fiscales nettes associée à la dernière loi de finances rectificative de l'exercice et l'exécution de 2007 à 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des projets de loi de finances rectificative et des projets de loi de règlement de 2007 à 2017)

Force est donc de constater que le Gouvernement a fait preuve d'une grande prudence dans ses prévisions de recettes .

L'écart entre la prévision et l'exécution est encore plus important après prise en compte d'une erreur de comptabilisation des droits de mutation , qui minore les recettes fiscales de l'État de 1,5 milliard d'euros en 2017 en comptabilité budgétaire par rapport au montant effectivement perçu : il atteindrait alors 5,8 milliards d'euros.

c) Une erreur de comptabilisation des droits de mutation à hauteur de 1,5 milliard d'euros

En effet, les recettes de l'État sont artificiellement minorées de 1,5 milliard d'euros à la suite d' une erreur de comptabilisation des droits de mutation , dont la commission des finances a été avertie par courrier en date du 15 mai 2018.

Une erreur de comptabilisation dont l'impact budgétaire
est de 1,5 milliard d'euros pour l'État

La création fin 2017 de nouvelles structures dédiées aux missions d'enregistrement, accompagnée d'un nouveau dispositif informatique, a conduit à un retard dans la comptabilisation de recettes de droits d'enregistrements (droits de mutation à titre gratuit, principalement les successions, et droits de mutation à titre onéreux) qui n'ont pas pu être imputés comptablement à leur bénéficiaire pour un montant d'environ 2 milliards d'euros dont 1,5 milliard d'euros pour l'État.

Ce retard affecte négativement le déficit de l'État en comptabilité budgétaire : celui-ci aurait dû, en l'absence de ce retard, être amélioré de 1,5 milliard d'euros supplémentaire. Les règles comptables en vigueur ont toutefois permis de procéder à des écritures correctrices tant en comptabilité générale qu'en comptabilité nationale. Le retard d'enregistrement n'a par ailleurs pas pesé sur le besoin de financement de l'État, les sommes étant bien déposées sur des comptes du Trésor.

Source : exposé général des motifs du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2017

D'après les informations transmises par le Gouvernement, outre le montant de 1,5 milliard d'euros de recettes destinées à l'État, 355 millions d'euros n'ont pas été versés aux collectivités territoriales et 50 millions d'euros à d'autres organismes.

Le montant de 355 millions d'euros de recettes « locales » se répartit entre 284 millions d'euros pour les conseils départementaux et 71 millions d'euros pour les communes. Ainsi, la plupart des départements bénéficieront en 2018 de droits d'enregistrement supplémentaires qui n'ont pu leur être versés en 2017.

Le tableau de ventilation des estimations de ces sommes par département, en distinguant la part destinée au conseil départemental et celle dont bénéficiera l'échelon communal, est publié en annexe du présent rapport.

d) Des recettes non fiscales qui retrouvent un produit habituel après le pic de 2016

Les recettes non fiscales de l'État s'élèvent à 13,8 milliards d'euros , un montant très inférieur à celui constaté en 2016 (16,3 milliards d'euros), mais qui correspond en réalité à leur niveau de moyen terme - le pic de 2016 s'expliquant pour partie par l'encaissement des deux premiers quarts du produit de la cession aux opérateurs mobiles de la bande des « 700 MHz », seul un quart du produit de la cession ayant été encaissé en 2017.

Évolution du montant des recettes non fiscales
de 2012 à 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires

Le produit des dividendes et les recettes assimilées ont sensiblement augmenté entre 2016 et 2017 (+1,5 milliard d'euros), ainsi que les produits de la vente de biens et services (+0,3 milliard d'euros).

Évolution des recettes non fiscales de l'État
entre 2016 et 2017, par catégorie de recette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

En revanche, toutes les autres catégories de recettes non fiscales ont connu une diminution relativement marquée par rapport à l'exercice précédent, en particulier les « diverses » recettes non fiscales (- 2,5 milliards d'euros) en raison d'une baisse des reversements au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur, liée à une sinistralité plus forte qu'attendue.

La hausse de 1,5 milliard d'euros des dividendes et recettes assimilées provient d'une augmentation du versement de la Banque de France et de la Caisse des dépôts et consignations . Par ailleurs, comme en 2016, l'État a opté en 2017 pour le versement sous forme de titre du dividende EDF.

La réduction des produits du domaine de l'État provient d'un moindre encaissement au titre des redevances d'usage des fréquences radioélectriques (seul un quart du produit de la cession a été encaissé en 2017, cf. supra ).

Enfin, le montant des amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites diminue également (- 0,4 milliard d'euros), en lien avec la baisse des amendes prononcées par l'Autorité de la concurrence, qui, comme le souligne le Gouvernement, « reviennent ainsi à leur niveau historique après deux années marquées par d'importantes condamnations » (exposé général des motifs du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2017).

e) Des dépenses fiscales qui poursuivent leur hausse, portées par la montée en charge du CICE

Les dépenses fiscales s'élèvent à 93,0 milliards d'euros en 2017, soit une augmentation de 5,4 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2016 principalement due à la montée en charge du CICE.

Encore faut-il souligner que ce chiffre constitue davantage un ordre de grandeur qu'un montant fiable , dans la mesure où, sur 457 dépenses fiscales recensées dans le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2018, 183 font l'objet d'une estimation qui est un ordre de grandeur et 53 ne sont pas chiffrées du tout.

Pas plus que les années passées, le Gouvernement ne s'est astreint à une revue d'ensemble de l'efficience des dépenses fiscales , dont le nombre et le coût n'ont cessé de croître.

DEUXIÈME PARTIE - LE RESPECT DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE EN 2017

L'examen du projet de loi de règlement des comptes et d'approbation du budget n'est pas seulement l'occasion de faire le point sur la situation des finances publiques, en particulier de celle de l'État, mais doit aussi et surtout permettre au Parlement de vérifier que la loi de finances initiale adoptée par la représentation nationale a été respectée par l'exécutif et, le cas échéant, de déterminer l'ampleur et le motif d'éventuels écarts entre les plafonds de dépenses votés et la réalité de l'exécution budgétaire.

En effet, le vote des lois de finances par le Parlement constitue bien une autorisation de dépenser et de recouvrer l'impôt - et non un enregistrement de documents de prévision technique. L'adoption des lois de finances traduit dans la pratique institutionnelle le principe constitutionnel du consentement à l'impôt (inscrit à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789), au fondement même de l'émergence des parlements nationaux, en France et dans le monde.

Dans le cadre des débats relatifs à la révision constitutionnelle et à la rénovation de la procédure budgétaire, d'aucuns ont pu opposer la loi de finances initiale à la loi de règlement , en estimant que l'examen du projet de loi de finances d'automne occuperait trop de temps tandis que le contrôle de l'exécution se verrait réduit à la part congrue et qu'il faudrait donc, par une sorte de jeu de vases communicants , que le Parlement passe moins de temps à légiférer pour l'avenir et plus de temps à analyser la « photographie » de l'exécution que constitue le projet de loi de règlement.

Une telle vision apparaît doublement trompeuse .

D'une part, les travaux du Parlement, et singulièrement du Sénat, en matière de contrôle de l'exécution budgétaire, sont bien loin de se limiter à l'examen du projet de loi de règlement . Le contrôle s'exerce, en réalité, tout au long de l'année, en particulier par les travaux des rapporteurs spéciaux faisant usage des pouvoirs qui leur sont dévolus par la loi organique, donnant lieu à la publication de rapports d'information. Plus de 40 rapports faisant suite à des travaux de contrôle ont été publiés par la commission des finances au cours de la session 2016-2017. Des auditions en commission (ministres, responsables de l'administration, tables rondes incluant l'ensemble des acteurs intéressés par une politique publique...) sont également organisées sur des sujets précis.

D'autre part, l'opposition entre projet de loi de règlement et projet de loi de finances est factice : c'est bien parce que la loi de finances initiale est un texte législatif de premier plan, mobilisant toutes les commissions permanentes sur des sujets éminemment politiques, que le projet de loi de règlement mérite d'être examiné en profondeur par le Parlement - bien qu'il s'agisse d'un texte de constatation, non normatif et difficilement amendable, à la différence des autres textes financiers. Le contrôle de l'exécution n'a de sens et de valeur que dans le cadre de l'autorisation parlementaire initiale de dépenser et de recouvrer l'impôt.

Or garantir la portée du principe d'autorisation parlementaire suppose avant tout que le Parlement dispose du temps nécessaire pour se prononcer de façon éclairée sur les lois de finances et les lois de finances rectificatives, ainsi que de toutes les informations disponibles et utiles à ses travaux . Ainsi, ex-ante , au moment de légiférer, le Parlement doit avoir accès à des chiffrages lui permettant d'apprécier l'impact des réformes proposées et de documents budgétaires complets et lisibles. En outre, le respect de l'autorisation parlementaire de dépenser et de recouvrer l'impôt suppose que l'examen des textes financiers se déroule dans un calendrier compatible avec une analyse rigoureuse et approfondie de dispositifs dont la complexité, notamment en matière fiscale, ne saurait être sous-estimée.

Ce n'est que sur la base d'une analyse fine, en amont, de la budgétisation initiale, des prévisions de recettes et des réformes fiscales proposées que le Parlement pourra être en mesure, en aval, d'apprécier les écarts à l'autorisation parlementaire et d'en analyser les motifs - afin, le cas échéant, d'ajuster les dépenses ou les recettes du prochain projet de loi de finances initiale.

C'est là tout le sens du « chaînage vertueux », et l'objet des développements qui suivent. Celles-ci complètent les observations des rapporteurs spéciaux sur l'exécution du budget pour chaque mission, dans le cadre de leurs contributions sectorielles (cf. tome II du présent rapport), par un regard transversal sur l'ensemble des missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux .

I. UN BUDGET EXÉCUTÉ DIFFÉRANT FORTEMENT DE CELUI SOUMIS AU VOTE DU PARLEMENT EN LOI DE FINANCES INITIALE

Le déficit budgétaire de l'État s'établit à 67,7 milliards d'euros en 2017, contre un solde résultant des équilibres de la loi de finances initiale de 69,3 milliards d'euros - soit une diminution de 1,6 milliard d'euros (- 2%).

Si cet écart peut paraître relativement modéré, il recouvre en réalité des variations de grande ampleur, en recettes comme en dépenses.

L'essentiel de l'amélioration du solde par rapport aux équilibres de la loi de finances initiale est lié à des facteurs exogènes à la gestion budgétaire du Gouvernement : il s'agit tout d'abord de la hausse des recettes fiscales nettes (+ 3,3 milliards d'euros), ainsi que de moindres prélèvements sur recettes tant au profit de l'Union européenne (- 2,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale) qu'au bénéfice des collectivités territoriales (- 0,6 milliard d'euros). Les contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » ont aussi été sous-exécutées d'environ 0,4 milliard d'euros. De façon plus marginale, le solde des comptes spéciaux (+ 0,1 milliard d'euros) et des budgets annexes (+ 0,1 milliard d'euros, les budgets annexes étant intégrés pour la première fois au calcul du déficit budgétaire de l'État) participent également à l'embellie.

Au total, l'ensemble de ces facteurs contribue à une diminution du déficit budgétaire de 7,8 milliards d'euros.

Décomposition des facteurs d'évolution du solde budgétaire de l'État
entre loi de finances initiale et exécution en 2017

(en milliards d'euros)

Note de lecture : BA = budget annexe, CAS = compte d'affectation spéciale, PSR = prélèvement sur recettes.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires et des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

Ils sont cependant partiellement compensés par d'autres mouvements de sens contraires : outre la réévaluation à la baisse des recettes non fiscales (- 0,7 milliard d'euros) et de la charge de la dette (-0,1 milliard d'euros), ce sont surtout les dérapages en dépenses qui dégradent le solde budgétaire de l'État, à hauteur de 2,9 milliards d'euros pour les crédits des ministères et de 1,5 milliard d'euros du fait de la recapitalisation d'Areva.

1. Une loi de finances initiale présentant d'importants biais de construction

La hausse des dépenses par rapport à l'enveloppe autorisée en loi de finances initiale provient en grande partie d'hypothèses de budgétisation très peu réalistes , comme votre rapporteur général l'avait souligné dans son rapport relatif au projet de loi de finances pour 2017, indiquant alors que « de nombreuses sous-budgétisations affectent la crédibilité du solde budgétaire prévisionnel ».

Les risques de dépassement identifiés par la commission des finances à l'automne 2016, pour un montant compris entre 3,1 et 5,2 milliards d'euros, concernaient principalement la recapitalisation du secteur énergétique français, les opérations de défense et les dépenses d'intervention en faveur des demandeurs d'asile et de l'hébergement d'urgence .

Ainsi, la recapitalisation de la holding Areva n'avait pas été correctement budgétée en loi de finances initiale pour 2017.

En effet, même si le compte spécial « Participations financières de l'État », à partir duquel seront effectuées les dépenses de recapitalisation, était pour la première fois présenté en déficit sur l'exercice 2017 (- 1,5 milliard d'euros), la variation du solde prévue en loi de finances initiale supposait la réalisation de 6 milliards d'euros de recettes de cession, une prévision peu réaliste au regard du contexte de marché et des cessions réalisées les années précédentes.

De même, les prévisions de dépenses en matière d'opérations extérieures et intérieures de l'armée française paraissaient nettement insuffisantes pour faire face aux besoins prévisionnels.

Seuls 450 millions d'euros et 41 millions d'euros étaient prévus au titre respectivement des opérations extérieures et des opérations intérieures, contre une dépense s'élevant en 2015 à 1,1 milliard d'euros (Opex) et 170 millions d'euros (Opint) et une prévision d'exécution 2016, connue au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2017, de plus d'un milliard d'euros pour les Opex et de 183 millions d'euros pour les missions intérieures.

S'agissant des dépenses d'intervention en faveur des demandeurs d'asile et de l'hébergement d'urgence, la budgétisation initiale de l'allocation pour les demandeurs d'asile (ADA), portée par le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration », de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (programme 303 de la mission « Immigration ») et de l'hébergement d'urgence de droit commun, porté par le programme 177 de la mission « Égalité des territoires et logement » était inférieure en 2017 à la prévision d'exécution 2016 - alors même que l'évolution prévisible des flux migratoires rendait certaine une augmentation des besoins.

Le caractère irréaliste du budget soumis au Parlement a ensuite été confirmé par la Cour des comptes qui, dans son rapport de juin 2017 sur la situation et les perspectives des finances publiques, a affirmé qu'en 2017, « sans mesures nouvelles de redressement, le déficit public dépasserait de 0,4 point de PIB l'objectif pour atteindre 3,2 points de PIB », identifiant des sous-budgétisations comprises entre 4,6 milliards d'euros et 6,8 milliards d'euros.

Le Gouvernement avait ainsi présenté un « budget de campagne » à l'automne 2016, qu'il était indispensable de remettre à plat en cours d'année pour la nouvelle majorité.

2. Une hausse de 4,2 milliards d'euros des crédits consommés par rapport à l'enveloppe prévue en loi de finances initiale

Les dépenses de l'État ont finalement dépassé de 4,2 milliards d'euros (en crédits de paiement) la dotation autorisée en loi de finances initiale.

Comparaison entre budgétisation initiale, crédits disponibles
et crédits consommés en 2017

(en milliards d'euros, crédits de paiement)

Périmètre : hors charge de la dette, y compris CAS «Pensions », fonds de concours et attributions de produits.

Note : l'écart entre le chiffre de 4,4 milliards d'euros lisible sur le graphique d'introduction (2,9 milliards d'euros de crédits ministériels + 1,5 milliard d'euros de recapitalisation d'Areva) et le montant de 4,2 milliards d'euros présenté ici s'explique par une différence de périmètre : le présent graphique inclut une hausse de 0,2 milliard d'euros des fonds de concours et attributions de produits plus que compensée par une sous-exécution d'environ 0,4 milliard d'euros des contributions au CAS Pensions.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

En effet, les dépenses de 16 missions se sont avérées inférieures à la budgétisation initiale, pour un montant total de 1,6 milliard d'euros, quand 12 missions ont connu des augmentations nettes de 5,8 milliards d'euros.

Répartition des missions selon que la consommation des crédits est inférieure ou supérieure à la dotation autorisée en loi de finances initiale

(en milliards d'euros)

Périmètre : hors charge de la dette, y compris CAS «Pensions », fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires et des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

Les principaux dérapages sont portés par les missions « Économie » (+ 1,6 milliard d'euros), « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (+ 1,3 milliard d'euros), « Solidarité, insertion et égalité des chances » (+ 1,2 milliard d'euros) et « Défense » (+ 0,9 milliard d'euros). Ils sont tous liés à des facteurs de risque déjà identifiés à l'automne 2016 : outre la recapitalisation d'Areva, qui a nécessité l'ouverture de 1,5 milliard d'euros dans le décret d'avance de juillet, il s'agit des refus d'apurement communautaire (+ 721 millions d'euros), des dispositifs sociaux et de gestion de crise sanitaire du ministère de l'agriculture (+250 millions d'euros) ainsi que du dynamisme des dépenses de guichet : la prime d'activité et l'allocation adulte handicapé (AAH) ont été supérieures de respectivement 840 millions d'euros et 370 millions d'euros à la budgétisation initiale. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieurs des armées françaises ont dépassé de 1,1 milliard d'euros l'enveloppe de la loi de finances initiale.

Missions dont la sur-exécution a dépassé 100 millions d'euros
en 2017

(en millions d'euros, crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires et des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

Les crédits ont été sur-exécutés de plus de 100 millions d'euros sur trois autres missions, quoique dans des proportions moindres . Ainsi, concernant la mission « Immigration, asile et intégration », l'allocation aux demandeurs d'asile a dépassé de 130 millions d'euros la budgétisation initiale tandis que les besoins liés à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ont été supérieurs de 95 millions d'euros à l'enveloppe fixée en loi de finances. Le remboursement de la dette de l'État envers Pôle Emploi au titre de l'allocation temporaire d'attente (ATA) a mobilisé 175 millions d'euros non prévus en loi de finances initiale. La mission « Recherche et enseignement supérieur » a bénéficié de reports entrants importants qu'elle a partiellement consommés et de fonds de concours supérieurs aux prévisions, expliquant un dépassement de 136 millions d'euros de la dotation initiale. Enfin, une impasse sur les dépenses de personnel de la mission « Enseignement scolaire », partiellement compensée par des annulations sur les autres titres de dépense de la mission, a conduit à une sur-exécution finale de 131 millions d'euros.

En sens contraire, les sous-exécutions sont de plus faible ampleur et réparties sur un grand nombre de missions. La politique publique présentant l'écart négatif le plus important entre l'enveloppe autorisée en loi de finances initiale et l'exécution est la mission « Travail et emploi », à hauteur de - 287 millions d'euros, ce qui s'explique par la diminution du volume de contrats aidés, l'abandon du projet de marché national sur les métiers rares pour le plan de 500 000 formations et l'arrêt anticipé au 30 juin (au lieu du 31 décembre) de la prime à l'embauche, ainsi que par diverses économies de constatation compensant des augmentations constatées sur d'autres dispositifs de la mission.

Missions dont la sous-exécution a dépassé 100 millions d'euros
en 2017

(en millions d'euros, crédits de paiement)

Note : AGTE = administration générale et territoriale de l'État, DAG = direction de l'action du gouvernement, APD = aide publique au développement.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires et des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

Les autres sous-exécutions constatées ne proviennent pas de la révision en cours d'année des hypothèses ayant fondé la budgétisation initiale mais relèvent davantage d'économies consécutives à un « coup de rabot » pour financer les deux décrets d'avance et portent essentiellement sur les crédits gelés.

3. Des redéploiements de grande ampleur, des annulations nettes de faible ampleur

Pour appréhender les choix de gestion du Gouvernement, il convient de distinguer trois outils : les instruments équilibrés en recettes et en dépenses, comme les décrets d'avance, les transferts et les virements, qui correspondent à des redéploiements (un euro annulé sur un poste pour financer un euro ouvert sur un autre poste), les instruments permettant des ouvertures nettes (loi de finances rectificative : un euro ouvert sans forcément qu'un euro soit annulé sur un autre poste) et les annulations nettes (décret d'annulation : un euro annulé sur un poste sans qu'un euro soit ouvert sur un autre poste).

Les redéploiements permettent de couvrir des sous-budgétisations sans modifier à la hausse ou à la baisse le solde budgétaire tandis que les ouvertures nettes dégradent le solde et que les annulations nettes l'améliorent.

Décomposition des mouvements de crédits intervenus sur le budget général
au cours de l'exercice 2017

(en milliards d'euros, crédits de paiement)

Source : commission des finances (à partir des réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général)

En 2017, les besoins supplémentaires constatés en exécution ont été financés par des redéploiements de crédits (3,9 milliards d'euros par décret d'avance et 1,2 milliard d'euros par transfert et virement) et des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative (pour un montant net de 3,1 milliards d'euros), ainsi que par un montant particulièrement élevé de reports entrants (3,5 milliards d'euros).

Le Gouvernement issu des élections de mai et juin 2017 a donc procédé à une véritable « rebudgétisation » des crédits , comme en témoigne le montant élevé des redéploiements par rapport à la moyenne constatée durant le dernier quinquennat. Les ouvertures (brutes) prévues en loi de finances rectificative ont atteint 7,9 milliards d'euros, contre une moyenne de 4,6 milliards d'euros et le montant des décrets d'avance pris en 2017 est supérieur de près de 3 milliards d'euros à la moyenne sur la même période.

Modifications de crédits intervenues en cours d'année, au cours
de l'exercice 2017 et pendant la période 2012-2017

(en millions d'euros, crédits de paiement)

Source : commission des finances

4. Des mesures d'économies demeurées limitées, pour un montant total de 1,5 milliard d`euros

En revanche, il convient de noter que les mesures d'économies nettes sont restées limitées : le Gouvernement a ainsi fait le choix de ne pas remettre en cause la forte progression des crédits prévue en loi de finances initiale pour 2017 .

Un décret d'annulation a été pris en juillet, de façon concomitante au décret d'avance, pour un montant de 300 millions d'euros en crédits de paiement.

Le Gouvernement indique également avoir procédé à des mesures de ralentissement de la dépense, pour un montant total de 1,2 milliard d'euros - il ne s'agit pas d'économies se traduisant par des annulations nettes, mais de mesures ayant évité un surcroît d'ouvertures sur l'année considérée. En d'autres termes, le Gouvernement renoue avec la notion d'économies « tendancielles » dont il avait indiqué vouloir se distancier, refusant à ce titre de transmettre au Parlement une évolution tendancielle des dépenses de l'État lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques.

Effet des mesures d'économies nettes et « tendancielles » par rapport aux besoins liés aux sous-budgétisations constatées en cours d'exercice

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

D'après les éléments communiqués par le Gouvernement, ces économies « tendancielles » se concentrent essentiellement sur la mission « Travail et Emploi », à hauteur de 1 milliard d'euros , avec une réduction des besoins de 0,5 milliard d'euros sur la prime à l'embauche, de 0,3 milliard d'euros sur les contrats aidés rendue possible par la diminution du volume des contrats, le solde étant réparti sur l'ensemble des autres dispositifs des programmes 102 et 103.

La baisse forfaitaire des aides personnelles au logement (APL) au 1 er octobre a permis une économie complémentaire de 0,1 milliard d'euros sur le programme 109 « Aide à l'accès au logement » de la mission « Égalité des territoires et logement ».

Enfin, des redéploiements sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont permis d'absorber la sous-budgétisation et les reports de charges au titre des contributions aux organismes scientifiques internationaux relevés par la Cour des comptes, à hauteur de 0,1 milliard d'euros.

5. Un apurement partiel de l'héritage des exercices précédents : des reports de charge maîtrisés

Si le Gouvernement n'a pas fortement contraint les dépenses en 2017, il a en revanche posé les bases d'une gestion assainie pour les années à venir.

Ainsi, les reports de crédits ont été fortement réduits , passant de 3,5 milliards d'euros de 2016 sur 2017 à 1,8 milliard d'euros de 2017 sur 2018. La dette de l'État envers Pôle Emploi au titre de l'allocation temporaire d'attente (ATA) a enfin été remboursée dans sa quasi-intégralité : 177,4 millions d'euros ont été versés à l'opérateur grâce au dégel de crédits. Une dette résiduelle, évaluée, selon la Cour des comptes, à 9,7 millions d'euros au 18 janvier 2018 reste à apurer.

Les charges à payer (dépenses pour lesquelles le service fait est constaté mais dont le paiement n'est pas intervenu) ont également diminué de 646 millions d'euros, s'établissant à 14,4 milliards d'euros fin 2017, après plusieurs années de hausse.

Les restes à payer (différence entre les AE engagées et les CP décaissés) ont continué de croître, ce qui était inévitable au regard de la création du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) sous la forme d'une mission de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement sans aucun crédit de paiement correspondant.

La hausse est cependant concentrée sur un petit nombre de missions, au premier rang desquelles la mission « Défense » , en raison du lancement de deux grands programmes d'armement dans le milieu naval et terrestre (+ 1,6 milliard d'euros).

Au total, les reports de charges apparaissent contenus par rapport aux exercices précédents , ce qui est cohérent avec la décision du Gouvernement de réduire significativement le taux de mise en réserve à partir de 2018 (passant de 8 % à 3 % sur les crédits du budget général hors dépenses de titre 2).

II. UNE PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE IRRÉGULIÈRE À PLUS D'UN TITRE

1. Des prévisions de recettes élaborées sur la base d'hypothèses macroéconomiques dépassées

De façon inédite, l'exposé général des motifs de la première loi de finances rectificative pour 2017 42 ( * ) , prévoyant la création des deux contributions exceptionnelles précitées, indiquait que « compte tenu du calendrier anticipé et resserré de préparation et d'adoption du présent projet de loi de finances rectificative », le Gouvernement n'avait pas été en mesure de tenir compte « dans les évaluations de recettes, des dernières informations disponibles » .

Par conséquent, ce projet de loi était élaboré à partir d'hypothèses macroéconomiques en partie dépassées , ne prenant pas en compte la reprise plus forte qu'escomptée.

Ce décalage apparaît d'autant plus surprenant que le Gouvernement s'était déjà montré confiant quant au dynamisme de la croissance et des recettes, dès avant la présentation du premier projet de loi de finances rectificative. Le ministre de l'économie et des finances avait ainsi déclaré devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le 2 novembre dernier : « les derniers chiffres de croissance sont très bons. La croissance cumulée pour 2017 atteint déjà 1,7 % ».

De même, dans la réponse adressée à la Commission européenne aux demandes d'informations supplémentaires sur la réduction du déficit public, Bruno Le Maire avait indiqué qu'une « élasticité des recettes plus élevée, très probable, viendra accroître notre effort structurel ».

Le caractère incomplet de l'équilibre financier soumis au vote du Parlement dans la première loi de finances rectificative a été rendu tout à fait manifeste par les prévisions révisées associées au second projet de loi de finances rectificative , déposé à peine treize jours plus tard, faisant état d'une « bonne nouvelle » de 2 milliards d'euros sur les recettes fiscales de l'État.

La révision des recettes fiscales à la hausse dans le second projet de loi de finances rectificative reposait principalement sur deux impôts : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), respectivement à hauteur de 0,9 milliard d'euros et de 0,8 milliard d'euros. Or dans ces deux cas, la plus-value intégrée aux nouvelles prévisions ne découlait pas d'éléments apparus entre le dépôt de la première et celui de la seconde loi de finances rectificative.

Ainsi, concernant la TVA, le Gouvernement faisait état de « plus-values observées dans les dernières remontées comptables, qui consolident le dynamisme des encaissements constaté depuis plusieurs mois, en particulier s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ».

S'agissant de la TICPE perçue par l'État, sa révision à la hausse provenait essentiellement de la reprise, sur le budget général, de l'excédent prévisionnel du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » en raison de la réévaluation des charges de service public par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dans sa délibération de juillet 2017. Là encore, la décision de la CRE étant connue depuis juillet, aucun élément objectif ne permet d'expliquer pourquoi le Gouvernement n'aurait pas été en mesure d'intégrer la plus-value de TICPE attendue en 2017 dès le dépôt du premier projet de loi de finances rectificative, voire dès celui du projet de loi de finances pour 2018.

Au total, sur le plan juridique, la sincérité des prévisions de recettes présentées au vote du Parlement dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative apparaît incertaine , et l'argument tiré de l'urgence bien peu convaincant - dans la mesure où l'estimation du montant global des recettes fiscales de l'État constitue un exercice récurrent et fondamental face auquel les services du ministère des finances sont très certainement compétents, y compris dans des délais réduits.

Sur le plan pratique, l'absence d'actualisation du cadrage macroéconomique a conduit à maximiser le besoin apparent de recettes supplémentaires pour respecter le critère de 3 % de déficit public. En d'autres termes, le Gouvernement a fait preuve d'opportunisme budgétaire en poursuivant une démarche de rendement excédant l'objectif affiché .

2. La présentation au Parlement d'un tableau d'équilibre tronqué en dépenses

En outre, le premier projet de loi de finances rectificative n'intégrait pas les ajustements liés à l'exécution prévisionnelle des dépenses de l'État .

Un dépassement de 4,1 milliards d'euros des crédits votés en loi de finances initiale était d'ores et déjà anticipé par le Gouvernement, qui en faisait état dans l'exposé général des motifs, mais l'exécutif a fait le choix de ne procéder à aucun ajustement de crédits (hors remboursements et dégrèvements) dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, indiquant que les mouvements en dépenses seront « affiné[s] et décliné[s] plus finement dans le cadre du schéma de fin de gestion, en cours de préparation, et présenté[s] dans [leur] ensemble dans le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion », lequel devrait être présenté quelques semaines plus tard.

Aussi fallait-il distinguer le solde budgétaire de l'État résultant stricto sensu des ajustements en recettes prévus par le premier projet de loi de finances rectificative, qui s'établissait à - 72,7 milliards d'euros, du solde budgétaire résultant de l'exécution prévisionnelle pour 2017 en recettes mais aussi en dépenses, qui atteignait alors - 76,9 milliards d'euros.

Au total, le Parlement a donc été amené à se prononcer sur un tableau d'équilibre tronqué en dépenses , le solde budgétaire ne reflétant pas la réalité des grands équilibres du budget de l'État tels que le Gouvernement les connaissait alors.

À première vue, ce mode opératoire peut paraître inévitable au regard de l'urgence de la situation : il s'agissait de créer un nouvel impôt et de commencer à le recouvrer avant la fin de l'exercice budgétaire, ce qui n'aurait peut-être pas été compatible avec le dépôt d'un unique projet de loi de finances rectificative. En effet, si seulement deux semaines séparaient le dépôt du premier projet de loi de finances rectificative du second, la promulgation des deux textes était en revanche décalée de près de quatre semaines (à savoir le 1 er décembre puis le 28 décembre).

En effet, tant que le Gouvernement continuera de présenter des projets de loi de finances rectificative de fin de gestion qui constituent en réalité des « séances de rattrapage » du projet de loi de finances, leur adoption ne pourra qu'être tardive - malgré le rythme extrêmement contraint auquel se soumettent les assemblées, le Sénat examinant le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion le lendemain de sa transmission nocturne.

Mais ce raisonnement n'est valable qu'à pratique constante. Si les projets de loi de finances rectificatives retrouvaient leur vocation initiale , qui est de procéder à des ajustements en recettes et en dépenses qui ne pouvaient pas être anticipés en loi de finances initiale et qui portent sur l'exercice en cours, la fusion d'un PLFR d'urgence déposé en novembre et créant une nouvelle contribution avec le PLFR portant le schéma de fin de gestion serait tout à fait envisageable .

TROISIÈME PARTIE - MESURE DE LA PERFORMANCE

La démarche de performance devait constituer l'une des innovations majeures de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 43 ( * ) , dont l'article premier prévoit que les lois de finances déterminent « la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État » en tenant compte « d'un équilibre économique définit, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent ».

Toutefois, ses résultats ne se sont pas révélés à la hauteur des attentes . Les principales limites de la démarche de performance ont été rappelées par votre rapporteur général lors de l'examen des précédents projets de loi de règlement.

D'une part, la maquette de performance repose sur la définition d'indicateurs et de sous-indicateurs très nombreux et diversifiés. Ainsi, paradoxalement, les indicateurs de mission ne sont pas nécessairement les indicateurs « les plus représentatifs de la mission », auxquels s'ajoutent des indicateurs transversaux pour évaluer l'efficacité de certaines fonctions supports. Or les efforts de rationalisation entrepris depuis 2015 ne semblent pas suffisants pour simplifier le cadre d'analyse.

D'autre part, le choix des indicateurs pourrait encore être amélioré : certains d'entre eux ne couvrent ainsi qu'une partie trop limitée du champ du programme ou de la mission dont ils sont censés être le reflet, d'autres ne sont tout simplement pas pertinents.

Enfin, un nombre élevé d'indicateurs demeurent inexploitables faute de prévision ou de réalisation renseignée .

I. LA STABILISATION CONFIRMÉE DE LA MAQUETTE DE PERFORMANCE EN 2017

La maquette de performance de 2016 était marquée par une relative stabilisation , après une diminution significative du nombre d'objectifs et d'indicateurs entre 2014 et 2015.

L'année 2017 confirme cet effort de stabilisation et de rationalisation : le nombre d'objectifs diminue de 2 % , pour atteindre le nombre de 278 (hors nouvelle mission « Investissements d'avenir »). Le nombre d'indicateurs diminue quant à lui de 3 % pour atteindre 736 contre 751 en 2016 .

En outre, 92 % des indicateurs n'ont pas fait l'objet de modifications. À titre de comparaison, en 2016, ce taux s'élevait à 85 % .

Cette dynamique de rationalisation s'inscrit dans une tendance longue : depuis 2012, le nombre d'objectifs a ainsi diminué de 23 % et le nombre d'indicateurs de 28 % .

Évolution des objectifs et indicateurs de performance du budget de l'État
depuis 2012

Projets de loi de finances

PLF
2012

PLF
2013

PLF
2014

PLF
2014

PLF
2015

PLF
2016

PLF 2017

PLF 2017

Catégorie d'indicateur

Avec PIA

Hors PIA

Avec PIA

Hors PIA

Efficacité pour le citoyen

46 %

45 %

46 %

45 %

46 %

45 %

46 %

46 %

Qualité pour l'usager

20 %

19 %

20 %

19 %

19 %

19 %

19 %

19 %

Efficience pour le contribuable

34 %

36 %

34 %

36 %

35 %

36 %

35 %

35 %

PLF
2012

PLF
2013

PLF
2014

PLF
2014

PLF
2015

PLF
2016

PLF 2017

PLF 2017

Nombre de missions

50

52

51

51

50

49

51

50

Nombre de programmes

177

181

196

183

176

173

174

171

Nombre d'objectifs

490

484

506

475

392

385

385

378

Nombre d'objectifs par programme

2,8

2,7

2,6

2,6

2,2

2,2

2,2

2,2

Nombre d'indicateurs

1012

999

1025

967

784

755

751

736

Nombre d'indicateurs par objectif

2,1

2,1

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

1,9

dont nombre d'indicateurs modifiés

60

47

53

53

108

87

48

48

Taux d'indicateurs modifiés

6 %

5 %

5 %

6 %

14 %

12 %

6 %

7 %

dont nombre d'indicateurs nouveaux

66

72

109

51

61

22

21

6

Taux d'indicateurs nouveaux

7 %

7 %

11 %

5 %

8 %

3 %

3 %

1 %

Taux d'indicateurs non modifiés

87 %

88 %

84 %

89 %

78 %

85 %

91 %

92 %

Source : direction du budget et rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2017

II. DES INDICATEURS QUI NE PERMETTENT PAS TOUJOURS UNE ANALYSE PERTINENTE DE LA PERFORMANCE DE CHAQUE MISSION OU PROGRAMME

1. Un nombre significatif d'indicateurs qui ne couvrent qu'imparfaitement le champ des missions ou des programmes dont ils sont censés mesurer la performance

L'une des faiblesses de la démarche de performance telle qu'elle est actuellement mise en oeuvre réside notamment dans la pertinence limitée de certains indicateurs retenus.

Certains d'entre eux apparaissent ainsi trop généraux , dans la mesure où ils incluent des éléments qui ne dépendent pas de l'action des gestionnaires de la mission .

Cela est par exemple le cas de l'indicateur « Rang de classement de la France dans l'étude " Doing business " de la banque mondiale » de la mission « Économie », dont les facteurs d'évolution sont dans une large mesure exogènes. En outre, comme le relevaient l'an passé les rapporteurs spéciaux des crédits de cette mission, cet indicateur ne permet pas d'appréhender la qualité, l'efficience, ni l'efficacité des dispositifs de la mission.

À l'inverse, certains indicateurs ne couvrent que partiellement le champ de la mission ou du programme dont ils sont censés mesurer la performance.

À titre d'exemple, les indicateurs d'acquisition de connaissance de la mission « Enseignement scolaire » ne rendent pas compte de l'ensemble des connaissances et compétences attendues, dans la mesure où ils se limitent à deux composantes du domaine 1 du socle « les langages pour penser et communiquer » : « la langue française » et « les langages mathématiques, scientifiques et informatiques ». Or le socle commun est plus large, composé de cinq domaines de connaissances et de compétences .

2. Des indicateurs de mission qui demeurent trop peu renseignés

Votre rapporteur général a indiqué à plusieurs reprises regretter le niveau insuffisant de renseignement des prévisions et des réalisations des indicateurs de mission . Ce constat se confirme, voire se renforce une nouvelle fois cette année.

En 2017, 72 % des sous-indicateurs de mission du budget général étaient ainsi renseignés, contre 81 % en 2016 .

Sept missions affichaient un taux de renseignement de la prévision ou de la réalisation de leurs indicateurs inférieur ou égal à 50 % .

Cela est notamment le cas de la mission « Travail et emploi », dont aucun des sept sous-indicateurs n'était renseigné .

De même, sur les 31 sous-indicateurs de la mission « Enseignement scolaire », 22 étaient inexploitables faute de prévision et de réalisation renseignée , 27 étaient inexploitables faute de prévision et pour 24 d'entre eux la réalisation n'était pas renseignée .

Sous-indicateurs 2017 renseignés et sous-indicateurs dont la prévision 2017 était connue*

Mission

Nombre de sous-indicateurs de la mission

Sous-indicateurs renseignés 2017

Proportion de sous-indicateurs renseignés

Sous-indicateurs renseignés 2017 dont la prévision était connue

Proportion de sous-indicateurs renseignés 2017 dont la prévision était connue

Action extérieure de l'État

10

9

90 %

8

80 %

Administration générale et territoriale de l'État

6

6

100 %

6

100 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

6

6

100 %

6

100 %

Aide publique au développement

1

1

100 %

1

100 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

3

3

100 %

3

100 %

Conseil et contrôle de l'État

8

8

100 %

8

100 %

Culture

10

10

100 %

10

100 %

Défense

12

11

92 %

11

92 %

Direction de l'action du gouvernement

8

8

100 %

4

50 %

Écologie

4

4

100 %

4

100 %

Économie

2

2

100 %

2

100 %

Egalite des territoires et logement

16

11

69 %

11

69 %

Engagements financiers de l'État

5

5

100 %

5

100 %

Enseignement scolaire

31

7

23 %

2

6 %

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

7

7

100 %

7

100 %

Immigration, asile et intégration

4

4

100 %

4

100 %

Justice

14

11

79 %

10

71 %

Médias, livre et industries culturelles

6

6

100 %

6

100 %

Outre-Mer

6

6

100 %

6

100 %

Politique des territoires

2

1

50 %

1

50 %

Recherche et enseignement supérieur

25

6

24 %

6

24 %

Régimes sociaux et de retraite

1

1

100 %

1

100 %

Relations avec les collectivités territoriales

7

7

100 %

7

100 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

7

5

71 %

3

43 %

Santé

1

0

0 %

0

0 %

Sécurités

11

11

100 %

11

100 %

Sport, jeunesse et vie associative

10

10

100 %

8

80 %

Travail et emploi

7

0

0 %

0

0 %

Total

230

166

72 %

151

66 %

Rappel 2016

240

195

81 %

164

68 %

Rappel 2015

251

197

78 %

178

71 %

* Champ : budget général, sous-indicateurs de mission

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur général

En 2017, deux budgets annexes (« Contrôle et exploitation aériens » et « Publications officielles et information administrative »), deux comptes de concours financiers (« Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Avances à l'audiovisuel public »), ainsi qu'un compte d'affectation spéciale (« Gestion du patrimoine immobilier de l'État ») comportaient des indicateurs et sous-indicateurs de mission.

Les taux de renseignements de ces indicateurs sont satisfaisants et globalement supérieurs à ceux des missions du budget général .

Sous-indicateurs 2017 renseignés et sous indicateurs
dont la prévision 2017 était connue*

Mission

Nombre de sous-indicateurs de la mission

Sous-indicateurs renseignés 2017

Proportion de sous-indicateurs renseignés

Sous-indicateurs renseignés 2017 dont la prévision était connue

Proportion de sous-indicateurs renseignés 2017 dont la prévision était connue

Budgets annexes

Contrôle et exploitation aériens

9

9

100 %

9

100 %

Publications officielles et information administrative

4

4

100 %

4

100 %

Comptes de concours financiers

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

5

5

100 %

5

100 %

Avances à l'audiovisuel public

11

9

82 %

9

82 %

Compte d'affectation spéciale

Gestion du patrimoine immobilier de l'État

1

1

100 %

1

100 %

Total

30

28

93 %

28

93 %

* Champ : budgets annexes, comptes de concours financiers et comptes d'affectation spéciale, sous-indicateurs de mission

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur général

III. DES RÉSULTATS STABLES PAR RAPPORT À 2016, MAIS QUI DEMEURENT INSUFFISANTS POUR CERTAINES MISSIONS

Le tableau infra présente les écarts aux prévisions inscrites dans les projets annuels de performance pour 2017 des missions du budget général de l'État.

Résultats pour les missions du budget général des RAP 2017 au regard des PAP 2017*

Mission

Sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue manquant la prévision

Dont sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 50 %

Dont sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 25 %

Sous-indicateurs renseignés atteignant ou dépassant la prévision

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Action extérieure de l'État

6

75 %

2

25 %

3

38 %

2

25 %

Administration générale et territoriale de l'État

5

83 %

0

0 %

0

0 %

1

17 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3

50 %

0

0 %

1

17 %

3

50 %

Aide publique au développement

0

0 %

0

0 %

0

0 %

1

100 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

0

0

0

3

100 %

Conseil et contrôle de l'État

4

50 %

2

25 %

2

25 %

4

50 %

Culture

3

30 %

0

0 %

0

0 %

7

70 %

Défense

7

64 %

0

0 %

1

9 %

4

36 %

Direction de l'action du gouvernement

2

50 %

0

0 %

0

0 %

2

50 %

Écologie

3

75 %

0

0 %

0

0 %

1

25 %

Économie

1

50 %

0

0 %

0

0 %

1

50 %

Egalite des territoires et logement

8

73 %

1

9 %

2

18 %

3

27 %

Engagements financiers de l'État

2

40 %

0

0 %

0

0 %

3

60 %

Enseignement scolaire

1

50 %

0

0 %

0

0 %

1

50 %

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

3

43 %

0

0 %

0

0 %

4

57 %

Immigration, asile et intégration

2

50 %

1

25 %

2

50 %

2

50 %

Justice

9

90 %

0

0 %

0

0 %

1

10 %

Médias, livre et industries culturelles

0

0

0

6

100 %

Outre-Mer

6

100 %

2

33 %

2

33 %

0

0 %

Politique des territoires

0

0 %

0

0 %

0

0 %

1

100 %

Recherche et enseignement supérieur

6

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

Régimes sociaux et de retraite

0

0 %

0

0 %

0

0 %

1

100 %

Relations avec les collectivités territoriales

2

29 %

0

0 %

1

14 %

5

71 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

2

67 %

0

0 %

1

33 %

1

33 %

Santé

0

0

0

0

Sécurités

4

36 %

0

0 %

0

0 %

7

64 %

Sport, jeunesse et vie associative

1

13 %

0

0 %

0

0 %

7

88 %

Travail et emploi

0

0

0

0

TOTAL

80

53 %

8

5 %

15

10 %

71

47 %

Rappel 2016

87

53 %

11

7 %

18

11 %

77

47 %

Rappel 2015

107

60 %

7

4 %

18

10 %

71

40 %

* Champ : sous-indicateurs de mission

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur général

Au niveau agrégé, les résultats sont stables par rapport à 2016 : 47 % des indicateurs atteignent ou dépassent leur prévision .

Si douze missions voient leur taux de sous-indicateurs atteignant ou dépassant la prévision progresser, huit missions connaissent en revanche une dégradation de leurs résultats, parfois importante .

Cela est par exemple le cas de la mission « Égalité des territoires et logement » , dont le taux d'indicateurs conformes ou supérieurs à la prévision est passé de 55 % en 2016 à 27 % en 2017.

Certaines missions présentent en outre des résultats très insuffisants , en particulier la mission « Justice », dont 10 % des indicateurs seulement atteignent ou dépassent la prévision.

Les résultats enregistrés pour les budgets annexes, les comptes de concours financiers et le compte d'affectation spéciale renseignés semblent meilleurs que pour les missions du budget général. Les taux de sous-indicateurs renseignés atteignant ou dépassant la prévision s'élèvent en effet à 71 % au niveau agrégé, contre 47 % pour les missions du budget général.

Résultats des RAP 2017 pour les budgets annexes, les comptes de concours financiers et les comptes d'affectation spéciale au regard des PAP 2017*

Mission

Sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue manquant la prévision

Dont sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 50 %

Dont sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 25 %

Sous-indicateurs renseignés atteignant ou dépassant la prévision

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Contrôle et exploitation aériens

2

22 %

0

0 %

0

0 %

7

78 %

Publications officielles et information administrative

3

75 %

0

0 %

0

0 %

1

25 %

Avances à divers services de l'État ou des organismes gérant des services publics

0

0 %

0

0 %

0

0 %

5

100 %

Avances à l'audiovisuel public

2

22 %

0

0 %

1

11 %

7

78 %

Gestion du patrimoine immobilier de l'État

1

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

TOTAL

8

29 %

0

0 %

1

4 %

20

71 %

Rappel 2016

87

53 %

11

7 %

18

11 %

77

47 %

Rappel 2015

107

60 %

7

4 %

18

10 %

71

40 %

* Champ : sous-indicateurs de mission

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur général

IV. LA MESURE TRANSVERSALE DE LA PERFORMANCE, UN EXERCICE UTILE MAIS ENCORE « BALBUTIANT »

À compter de 2008, des indicateurs transversaux ont été progressivement mis en place afin de permettre une analyse comparative de l'efficience des fonctions supports entre les missions, à partir de critères harmonisés .

Au nombre de six , ces indicateurs visent à évaluer :

- l'efficience de la fonction achat ;

- l'efficience de la gestion des ressources humaines ;

- l'efficience de la gestion immobilière ;

- l'efficience de la gestion informatique et bureautique ;

- la part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n° 87-51 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés ;

- le respect des coûts et des délais des grands projets.

Votre rapporteur général constate qu'en dépit du caractère transversal de ces indicateurs, leurs intitulés et leurs contenus ne sont pas toujours identiques, ce qui en complexifie la lecture et l'interprétation .

À titre d'exemple, seule la mission « Action extérieure de l'État » dispose d'un indicateur « Efficience de la fonction support » rassemblant les sous-indicateurs des indicateurs transversaux « Efficience de la gestion des ressources humaines » et « Efficience de la gestion informatique et bureautique » .

Il conviendrait, par conséquent, soit d'étendre l'indicateur « Efficience de la fonction support », propre à la mission « Action extérieure de l'État », à l'ensemble des missions dotées d'indicateurs transversaux, soit de maintenir les deux indicateurs « Efficience de la gestion des ressources humaines » et « Efficience de la gestion informatique et bureautique » au sein de la seule mission « Action extérieure de l'État ».

De même, seule la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » dispose d'un indicateur « Gains relatifs aux actions achat interministérielles animées par DAE [direction des achats de l'État] plutôt que l'indicateur transversal « Efficience de la fonction achat ».

Votre rapporteur général appelle par conséquent à ce que les responsables de programme se réfèrent systématiquement au guide de la performance produit chaque année par la direction du budget en vue de la préparation du projet de loi de finances de l'année suivante afin que les libellés et les contenus des indicateurs transversaux soient identiques pour l'ensemble des missions concernées .

Un indicateur identifié comme « transversal » mais propre à une seule mission devrait, en outre, logiquement perdre cette qualité.

Au total, treize missions du budget général comportaient des indicateurs transversaux en 2017 .

Missions du budget général disposant
d'indicateurs transversaux

Mission 2017

Programme

Culture

224

Écologie, développement et aménagement durables

217

Solidarités, insertion et égalité des chances

124

Travail et emploi

155

Administration générale et territoriale de l'État

216

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

215

Défense

212

Direction de l'action du Gouvernement

333

308

129

Enseignement scolaire

214

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

218

Justice

310

Action extérieure de l'État

105

Conseil et contrôle de l'État

164

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données de la direction du budget

1. L'efficience de la fonction achat

Le tableau infra présente les résultats de l'indicateur « Efficience de la fonction achat » dans les missions du budget général disposant d'indicateurs transversaux. Le sous-indicateur « Gain relatif aux actions achat » permet de mesurer les gains théoriques réalisés en rendant la fonction achat plus effective à travers diverses mesures (mutualisation des achats, externalisation, standardisation, etc.). Le calcul de cet indicateur est fondé sur une comparaison entre les prix (ou situations) de référence et ceux résultant de l'intervention de l'acheteur ministériel.

Efficience de la fonction achat

(en millions d'euros)

Mission

Gain relatif aux actions achat (M €)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Défense

98

118

125,5

135,2

111

120

123,8

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

76

104,3

102

146

111

100

90

Administration générale et territoriale de l'État

67,2

109

65

49,2

46,1

70

58,9

Justice

43,9

19,5

31

45,4

12,9

54

31,37

Écologie

11,3

32,4

19,9

19

45,2

48,0

56,6 (résultat provisoire)

Solidarité, insertion et égalité des chances

2,074

6,1

14,1

8,3

6,23

6

5,4

Direction de l'action du Gouvernement

5,38

1,18

14

13,6

8,81

10,6

8,6

Enseignement scolaire

11,4

10,1

10,4

27,1

18,4

13,5

20,2

Agriculture

1,6

1,7

3,2

1,8

2,8

2,5

1,4

Action extérieure de l'État

-

2,31

2,39

2,4

1 ,6

3

1,6

Culture

4,2

1,8

1,5

3,25

4,07

4,5

3,68

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

Sur les onze missions disposant de cet indicateur transversal, cinq affichent une amélioration de l'efficience de leur fonction achat en 2017.

Par ailleurs, seules trois missions enregistrent des gains supérieurs aux prévisions fixées dans les PAP 2017 : « Défense », « Écologie » et « Enseignement scolaire ».

À l'inverse, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » connaît des gains inférieurs aux prévisions. Selon le rapport annuel de performances 2017, cette situation résulte principalement du retard de notification du renouvellement du marché d'habillement des forces de sécurité intérieure (dont le montant d'économies était évalué à 6 millions d'euros), finalement intervenue en 2018.

2. L'efficience de la gestion des ressources humaines

Efficience de la gestion des ressources humaines

(en %)

Mission

Ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines (%)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Enseignement scolaire

0,7

0,7

0,7

0,7

0,7

0,6

0,6

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,1

2,04

2,04

2,06

2,12

2,04

2,1

Administration générale et territoriale de l'État

2,15

2,15

2,15

2,13

2,18

2,13

2,34

Justice

2,24

2,14

2,16

2,17

2,4

2.2

2,26

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

2,3

2,3

2,3

2,3

2,3

2,3

2,3

Conseil et contrôle de l'État

2,17

2,3

2,34

2,33

2,35

2,23

2,35

Direction de l'action du Gouvernement

NC

1,86

1,95

1,86

1,54

1,68

2,69

Culture

2,5

2,6

2,6

2,6

2,58

2,4

2,5

Défense

2,82

2,68

2,87

2,81

2,78

2,78

2,59

Écologie, développement et mobilité durables

3,2

3,36

3,3

3,39

3,3

3,10

3,3

Solidarité, insertion et égalité des chances

2,93

2,89

3,42

3,44

3,3

3,1

3,46

Travail et emploi

NC

2,61

3,42

3,44

3,3

3,1

3,46

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

Le ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines correspond au rapport entre les personnels gérants (personnels affectés à la gestion des ressources humaines) et les effectifs gérés.

Cette année encore les résultats enregistrés par les missions concernées par cet indicateur se caractérisent par une grande homogénéité .

Deux éléments méritent cependant d'être relevés :

- d'une part, la mission « Enseignement scolaire » affiche des taux d'encadrement (6 gestionnaires pour 1 000 agents gérés) significativement plus faibles que ceux des autres missions ;

- d'autre part, les ratios des missions « Solidarité » et « Travail et emploi » apparaissent, à l'inverse, plus élevés que ceux des autres missions. Selon les rapports annuels de performances, cette situation est due à une « une complexité de gestion dans de nombreux domaines (volume élevé de concours et d'examens, développement d'une formation continue spécifique) » liée à la mutualisation de la gestion des ressources humaines des ministères sociaux, avec la création d'une direction des ressources humaines commune en 2013. Cette mesure devrait donc se traduire à terme par une diminution des effectifs gérants. Votre rapporteur général constate cependant que les effets de cette réorganisation tardent à se concrétiser .

3. L'efficience de la gestion immobilière

Trois sous-indicateurs sont utilisés pour mesurer l'efficience de la gestion immobilière :

- ratio surface utile nette (SUN) / poste de travail ;

- ratio entretien courant / SUB ;

- ratio entretien lourd / SUB.

Ratio SUN / Poste de travail

(en m 2 par poste ou par agent)

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio SUN/Poste de travail (m²/poste ou m²/agent)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Administration générale et territoriale de l'État

8,6

8,66

8,61

8,65

8,61

8,27

8,55

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

13,47

13,67

12,76

13,8

13,86

13,50

13,53

Enseignement scolaire

13,5

13,2

12,9

12,7

13,3

13,1

13,3

Défense

12,28

11,76

13,19

13,34

13,47

12

12,82

Écologie, développement et mobilité durables

13,48

13,28

13,24

12,55

12,3

11,70

11,7

Solidarité, insertion et égalité des chances

13,5

13,45

13,25

13,2

13,2

12,3

12,3

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

13,6

13,4

13,4

13,4

13,4

13,3

13,2

Action extérieure de l'État

15,65

15,2

15,1

11,6

14,7

14,7

14,8

Direction de l'action du Gouvernement

15,35

15,03

15,6

14,99

14,66

14,30

17,93

Culture

15,5

15,84

15,85

15,61

15,61

15,61

15,61

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

Le ratio SUN / poste de travail mesure la surface utile nette en m 2 rapportée au nombre d'agents ou de postes de travail de la mission budgétaire concernée. Il convient de rappeler que la norme utilisée par l'État est fixée à 12 m² 44 ( * ) .

Les résultats enregistrés par chacune des missions concernées par cet indicateur sont relativement stables dans le temps .

Six missions sur dix n'atteignent cependant pas les prévisions inscrites dans les PAP 2017 .

En particulier, le ratio enregistré par la mission « Direction de l'action du Gouvernement » apparaît significativement supérieur à la prévision . Cette situation résulte de plusieurs facteurs, notamment :

- une libération de certains immeubles domaniaux du fait de la mise en service de l'immeuble « Ségur » qui ne sera prise en compte qu'au moment de leur cession effective par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) ;

- la gestion de l'Hôtel de Rothelin-Charolais sur le périmètre de la mission à compter de la fin de l'année 2016, qui n'était pas prise en compte lors de l'établissement de la prévision pour 2017.

Le tableau ci-dessous présente, pour les missions du budget général disposant de l'information, les résultats du sous-indicateur « Ratio entretien courant / SUB » .

Ratio entretien courant / SUB

(en euros par m 2 )

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio entretien courant/SUB (€/m²)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Administration générale et territoriale de l'État

6,13

6,73

7,03

7,72

7,67

6,79

9,67

Action extérieure de l'État

5,64

5,36

7,24

7,73

9,85

5,90

10,14

Enseignement scolaire

12,7

12

11,9

9,2

8,4

8,6

7,7

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14,57

14,23

15,84

17,08

16,81

15,00

11,5

Solidarité, insertion et égalité des chances

21,56

23,22

30

28,85

24,85

28,98

25,3

Écologie, développement et mobilité durables

39,17

32,28

32,8

36,3

36,81

37,70

36,84

Culture

63

32

37

45

32

0

36

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

33,3

36,3

34,7

39,1

36,8

37,4

37,4

Direction de l'action du Gouvernement

66,07

66

72

56

52

60

56,14

Travail et emploi

30

16,5

30

28,65

24,85

28,98

25,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

Si l'année 2016 avait été marquée par une amélioration sensible de des résultats enregistrés au titre de cet indicateur , huit missions sur dix ayant vu leur performance s'améliorer par rapport à 2015, cette tendance ne s'est pas poursuivie en 2017 , huit missions sur dix enregistrant des résultats en dégradation.

Sept missions font cependant mieux que les prévisions inscrites dans les PAP 2017 .

S'agissant du ratio entretien lourd , les réalisations sont inférieures aux prévisions pour quatre des sept missions concernées par cet indicateur.

Ratio entretien lourd / SUB

(en euros par m 2 )

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio entretien lourd/SUB (€/m²)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Action extérieure de l'État

2,98

1,4

1,61

1,75

7,8

9,29

9,61

Administration générale et territoriale de l'État

9,55

7,76

6,47

6,28

10,25

13,03

14,25

Enseignement scolaire

25,7

18,3

17,3

19,1

24,5

53,4

26,2

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

70,9

24,3

26,1

26,4

21,6

30,2

19,5

Direction de l'action du Gouvernement

85,21

88

61

40

72

110

44,7

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

63,84

17,57

33,42

37,04

64,27

35,00

16,06

Culture

79

59

208

15

9

SO

3

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

De même, quatre missions connaissent une amélioration de leur performance entre 2016 et 2017 au titre de cet indicateur.

S'agissant de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », l'écart aux prévisions s'explique par le décalage en 2018 d'importantes opérations qui devaient être réalisées en 2017, dans un objectif de maîtrise des dépenses ou pour des raisons calendaires et organisationnelles.

Le retard des travaux pris sur certains bâtiments (site de Varenne et Barbet de Jouy) explique également la diminution du ratio de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

S'agissant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », la baisse significative du ratio d'entretien lourd / SUB, se justifie principalement par une mesure de périmètre, avec « la prise en charge de certaines opérations sur le programme budgétaire 723 [Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État, porté par le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État] (ex programme 309 [Entretien des bâtiments] ) ».

Enfin, s'agissant de la mission « Enseignement scolaire », deux phénomènes de sens contraires sont constatés :

- une diminution pour les services déconcentrés, d'avancement des différentes opérations lié à la complexité des procédures, au caractère limité des équipes en charge de l'immobilier et à certains marchés infructueux. Selon le RAP 2017, cette évolution résulte essentiellement « du rythme d'avancement des différentes opérations lié à la complexité des procédures, au caractère limité des équipes en charge de l'immobilier et à certains marchés infructueux » ;

- une hausse de la réalisation par rapport à 2016 du fait de l'avancement des travaux programmés, mais qui demeure inférieure en raison du décalage d'opérations de mises aux normes, de sécurité et de rénovation thermique.

4. L'efficience de la gestion bureautique

Efficience de la gestion bureautique

(en euros par poste)

Mission

Ratio d'efficience bureautique (€/poste)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Administration générale et territoriale de l'État

412

438

384

664

543

544

1537

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

635

654

673

787

ND

0

0

Culture

528

675

677

586

1094

618

785

Direction de l'action du Gouvernement

1494,2

895,4

918,4

1401

1485

1 595

1341

Écologie, développement et mobilité durables

880

876

880

876

843

851

826

Enseignement scolaire

837,5

894

875,5

818

835

845

841

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

598,7

606,6

595,99

701

654

700

662,87

Justice

405

415

494

428

636

550

596

Solidarité, insertion et égalité des chances

1 004

876

1 178

1 247

1 423

<=1 620

1 627

Action extérieure de l'État

1182

1 224

1 274

1 064

1 572

1 498

1514

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

L'indicateur « Ratio d'efficience bureautique » mesure le coût agrégé du matériel informatique rapporté au nombre de postes de travail.

Si cinq missions sur les dix comportant cet indicateur transversal n'atteignent pas les prévisions, les écarts apparaissent, en règle générale, de faible ampleur .

Une baisse significative de cet indicateur peut être constatée pour la mission « Culture », qui résulte d'une mesure de périmètre (transfert des crédits de fonctionnement des directions régionales des affaires culturelles sur le programme 333).

En sens inverse, s'agissant de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », notre collègue Jacques Genest, rapporteur spécial des crédits de cette mission, relève que « l'explosion des dépenses informatiques passées de 543 euros par poste en 2016 à 1 537 euros en 2017 mérite d'être mise en lumière. Elle paraît liée à des renouvellements de matériels et n'avoir pas été anticipée par la programmation initiale [...] ».

5. L'action en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap

Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi
prévue par la loi n°87-517 du 10 juillet 1987

(en pourcentage)

Mission

Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n°87-517 du 10 juillet 1987 (%)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Action extérieure de l'État

NC

4,31

4,21

4,33

4,22

4,42

4,4

Administration générale et territoriale de l'État

NC

6,01

6,13

6,12

6,05

6,10

6,06

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4,09

4,55

4,7

4,7

4,83

4,9

4,83

Culture

4,49

4,74

5,03

4,92

5,22

5

5,69

Défense

6,93

7

6,33

7,52

7,58

7

7,26

Direction de l'action du Gouvernement

4,57

4,62

2,82

3,2

3,35

6

3,82

Écologie, développement et mobilité durables

6,7

7,23

7,86

7,98 (prévision)

8,17 (prévision)

7,00

8,00 (résultat provisoire)

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

5,4

5,6

5,7

5,9

NC

NC

NC

Justice

3,44

3,77 ?

4,66

4,81

5,32

5.33

5,35

Solidarité, insertion et égalité des chances

6,12

6,1

6,33

7,2

6 (prévision)

6

6

Travail et emploi

7,4

7,1

7,41

7,02

6 (prévision)

6

6

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

Une obligation d'emploi de travailleurs handicapés a été fixée à 6 % de l'effectif réel par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés.

Parmi les dix missions du budget général renseignant cet indicateur en 2017, cinq atteignent ou devraient atteindre l'objectif légal de 6 % de travailleurs en situation de handicap . Cette situation est identique à celle de 2016.

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » présente, cette année encore, le taux le plus faible, à 3,82 % de l'effectif réel , même si une légère progression peut être constatée depuis 2015.

Votre rapporteur général s'interroge en outre sur les raisons ayant conduit à supprimer cet indicateur au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » depuis 2015 .

6. Coût et délais des grands projets

Taux d'écart budgétaire et calendaire constatés sur les projets informatiques

(en pourcentage)

Mission

Sous-indicateur

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Action extérieure de l'État

Projets SIC* : Taux d'écart budgétaire agrégé

12,7

12,7

42,5

Projets SIC* : Taux d'écart calendaire agrégé

34,4

34,4

113,7

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Taux d'écart calendaire agrégé des projets informatiques

18,34

0

21,89

Taux d'écart budgétaire agrégé des projets informatiques

29,6

0

29,1

Défense

Taux d'écart calendaire agrégé

17,86

14

32

Taux d'écart budgétaire agrégé

23,77

0

16,1

Direction de l'action du Gouvernement

Taux d'écart calendaire agrégé (projets informatiques)

11

13

0

Taux d'écart budgétaire agrégé (projets informatiques)

12

15

-28,2

Enseignement scolaire

SIC* : Taux d'écart budgétaire agrégé

214

244

226

405

405

SIC* : Taux d'écart calendaire agrégé

38

54

54

59

51

Justice

Taux d'écart budgétaire agrégé

6,84

9,3

7.62

110

Taux d'écart calendaire agrégé

16,33

23,2

22.50

25

*SIC : Systèmes d'information et de communication.

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

Deux sous-indicateurs permettent de mesurer les écarts constatés en matière de projets informatiques :

- le taux d'écart budgétaire agrégé correspond à la part d'évolution du coût révisé rapporté au coût initial ;

- le taux d'écart calendaire agrégé correspond au différentiel de durée entre la prévision initiale et révisée, rapporté à la durée initiale.

À l'exception de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », des écarts significatifs peuvent être constatés, tant au niveau budgétaire que calendaire .

En particulier, la réalisation de l'indicateur « SIC : Taux d'écart budgétaire agrégé » de la mission « Enseignement scolaire » atteint un niveau record de 405 % . Elle est notamment due au retard pris par le développement du projet SIRHEN, dont la durée de développement est passée de 84 mois à 144 mois, et au surcoût lié (coût estimé à 496,4 millions d'euros pour une estimation de départ de 80,1 millions d'euros).

Taux d'écart budgétaire et calendaire constatés
sur les projets immobiliers

(en pourcentage)

Mission

Sous-indicateur

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Réalisation 2016

Prévision 2017

Réalisation 2017

Action extérieure de l'État

Projets immobiliers : Taux d'écart budgétaire agrégé

13,8

13,8

6,4

Projets immobiliers : Taux d'écart calendaire agrégé

5,7

5,7

22

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Taux d'écart calendaire agrégé des projets d'infrastructure

22,1

22

2,4

0

2,37

Taux d'écart budgétaire agrégé des projets d'infrastructure

8,3

6

11

0

2,61

Défense

Taux d'écart calendaire agrégé

85

17

85

31

Taux d'écart budgétaire agrégé

10

28

10

22

Direction de l'action du Gouvernement

Taux d'écart calendaire agrégé (projets immobiliers)

0

0

0

Taux d'écart budgétaire agrégé (projets immobiliers)

0

0

0

Enseignement scolaire

Immobilier : Taux d'écart budgétaire agrégé

20

20

23

23

26

Immobilier : Taux d'écart calendaire agrégé

58

58

75

75

88

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère du budget

Comme l'indicateur relatif à l'écart constaté au titre des projets informatiques, celui concernant les projets immobiliers comprend deux sous-indicateurs permettant de mesurer le taux d'écart budgétaire et le taux d'écart calendaire par rapport aux prévisions.

Les missions « Défense » et « Enseignement scolaire » enregistrent des niveaux d'écart particulièrement élevés.

S'agissant de la mission « Défense », le RAP 2017 relève que « les causes qui expliquent les dépassements tant en durée qu'en budget sont différentes selon les opérations, mais les principales sont les suivantes : défaillances chez les maîtres d'oeuvre (publics ou privés) et chez les entreprises, faible concurrence, travaux complémentaires demandés par les armées en cours d'opération, aléas techniques, et difficultés en matière de ressources humaines (RH) au sein du service d'infrastructure de la défense (SID) ».

S'agissant de la mission « Enseignement scolaire », deux opérations 45 ( * ) affichent des écarts aux prévisions particulièrement élevées :

- la réhabilitation du site de Descartes, dont la durée de réalisation est passée de 5 ans à 13 ans et le coût de 16,5 millions d'euros à 24,4 millions d'euros ;

- le regroupement des services du rectorat de l'académie de Nancy-Metz et du service départemental de Meurthe-et-Moselle, dont la durée de réalisation est passée de 5 ans à 8 ans et le coût de 21 millions d'euros à 29,85 millions d'euros.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE - Solde structurel et solde effectif de l'ensemble
des administrations publiques de l'année 2017

Commentaire : le présent article retrace le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année 2017 ainsi que l'écart aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques.

Conformément à l'article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le présent projet de loi de règlement comprend un article liminaire qui présente « un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année à laquelle elle se rapporte » ainsi que, le cas échéant, « l'écart aux soldes prévus par la loi de finances de l'année et par la loi de programmation des finances publiques ».

Les données présentées font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE PREMIER - Résultats du budget de l'année 2017

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2017.

Conformément à l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, la loi de règlement « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ». Tel est l'objet du présent article.

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État en 2017 à la somme de - 67 667 726 184,59 euros ; et le II détaille, pour cette même année, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

L'analyse détaillée du solde arrêté au présent article figure dans l'exposé général du présent rapport. L'analyse des dépenses exécutées sur les missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux fait l'objet du tome II du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2 - Tableau de financement de l'année 2017

Commentaire : le présent article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2017.

Le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année 2017.

Le tableau de financement qui y figure arrête ainsi à 183,1 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 - Résultat de l'exercice 2017 - Affectation au bilan et approbation du bilan et de l'annexe

Commentaire : le présent article, dans lequel figurent le compte de résultat et le bilan de l'État, a pour objet d'approuver le bilan après affectation du résultat comptable de l'exercice.

Conformément au III de l'article 37 de la LOLF, la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice, tel qu'il procède du compte de résultat établi à partir des ressources et des charges constatées dans les conditions prévues à l'article 30 de la loi organique, et approuve le bilan après affectation ainsi que l'annexe.

Le résultat comptable de l'État en 2017 est arrêté à --60,958 milliards d'euros, soit la différence entre 364,947 milliards d'euros de charges nettes et 303,989 milliards d'euros de produits régaliens nets.

Le bilan, après affectation du résultat comptable, se compose d'un actif net de 1 011,217 milliards d'euros et d'un passif de 2 271,683 milliards d'euros. La situation nette s'établit donc à - 1 260,466 milliards d'euros.

Le compte de résultat et le bilan font l'objet de présentations détaillées dans le compte général de l'État annexé au présent projet de loi de règlement et dans le rapport de présentation qui l'accompagne. Par ailleurs, les principales évolutions du résultat patrimonial et de la situation nette sont analysées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 - Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses au titre de l'année 2017.

Le présent article ajuste et arrête, pour le budget général, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement engagées (448,833 milliards d'euros) et des dépenses (439,348 milliards d'euros).

Les ajustements opérés sont les suivants :

- des ouvertures de crédits à hauteur de 204,274 millions d'euros en AE et de 204,294 millions d'euros en CP ;

- des annulations de crédits restés sans emploi et non reportés en 2018 qui s'élèvent à 5,111 milliards d'euros en AE et à 1,581 milliard d'euros en CP.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 - Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et les résultats desdits budgets au titre de l'année 2017.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées , soit 2 335 millions d'euros : 2 179 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 155 millions d'euros pour le budget annexe « Publications officielles et information administrative » . 41 millions d'euros d'AE non engagées et non reportées sont par ailleurs annulés .

Le II ajuste et arrête les recettes et les dépenses, soit respectivement 2 471 millions d'euros et 2 321 millions d'euros. Il annule 31 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés.

Contrairement aux années précédentes, le présent article ne procède pas à l'ouverture de crédits complémentaires correspondant à l'augmentation du fonds de roulement en fonction des résultats de l'exercice. En effet, pour la première année, la présentation du solde budgétaire de l'État inclut la variation du solde des budgets annexes.

L'analyse du solde des budgets annexes est incluse dans le tome I du présent rapport.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 6 - Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

Commentaire : le présent article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2017, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2017 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2018.

Le I du présent article ajuste et arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur les comptes spéciaux dont les opérations s'élèvent en 2017 à 77,570 milliards d'euros pour les comptes d'affectation spéciale (CAS) et à 122,814 milliards d'euros pour les comptes de concours financiers. 1,391 milliard d'euros d'AE non engagées et non reportées est annulé sur les comptes d'affectation spéciale et 5,495 milliards d'euros le sont sur les comptes de concours financiers.

Le II ajuste et arrête les résultats des comptes spéciaux ; les crédits de paiement (CP) ouverts et les découverts autorisés sont modifiés comme suit :

- 77,441 milliards d'euros de dépenses et 78,691 milliards d'euros de recettes pour les comptes d'affectation spéciale (1,367 milliard d'euros de crédits non consommés et non reportés est annulé) ;

- 120,672 milliards d'euros de dépenses et 120,935 milliards d'euros de recettes pour les comptes de concours financiers (6,066 milliards d'euros de crédits non consommés et non reportés sont annulés) ;

- 48,222 milliards d'euros de dépenses et 52,182 milliards d'euros de recettes pour les comptes de commerce ;

- 2,518 milliards d'euros de dépenses et 1,850 milliard d'euros de recettes pour les comptes d'opérations monétaires. Cette ligne supporte en outre une majoration d'autorisation de découvert de 22,386 milliards d'euros correspondant à la traditionnelle dotation pour mémoire des opérations avec le Fonds monétaire international (voir encadré).

L'imputation en loi de règlement des opérations avec le FMI

Le montant inscrit au projet de loi de règlement correspond au solde débiteur repris au 1 er janvier 2017 augmenté du solde débiteur des opérations menées en 2017 . Il est inscrit pour mémoire , dans la mesure où les opérations de prêt au FMI sont réalisées par la Banque de France , sur ses propres ressources. Cette « médiatisation » par la Banque de France des relations financières de la France avec le FMI assure la neutralité des opérations pour la trésorerie et le budget de l'État .

Concrètement, lorsque le FMI appelle auprès de la France sa participation à un prêt consenti dans le cadre d'accords d'emprunt, la somme requise est prélevée sur le Trésor (en dépenses du compte), mais fait l'objet d'une compensation immédiate, à due concurrence, par la Banque de France (en recettes du compte). L'État, pour cette opération, mobilise auprès de la Banque de France les créances qu'il acquiert sur le Fonds à l'occasion même des prêts qu'il accorde à ce dernier ; parallèlement, la disponibilité par la Banque de France des avoirs du Fonds, dont elle est le dépositaire, lui autorise l'exécution à partir d'une provision permanente. En contrepartie, les remboursements et intérêts versés par le FMI au titre du prêt sont immédiatement et intégralement reversés à la Banque de France par le Trésor .

Les opérations financières du FMI étant déterminées par ses propres besoins et ceux de ses pays membres, et s'avérant donc imprévisibles ex ante pour le Gouvernement, le compte « Opérations avec le Fonds monétaire international » ne fait apparaître aucune prévision au stade de la loi de finances initiale . De même, eu égard à la spécificité de son objet, aucun objectif de performances n'est associé à ce compte. Le résultat des opérations afférentes se trouve enregistré ex post , en loi de règlement . Le compte résulte alors de la juxtaposition de deux sections :

- d'une part, une section « Relations avec le FMI », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec le FMI . Cette partie du compte, dont le solde est par nature débiteur, enregistre ainsi les variations de la créance que le Trésor détient sur le Fonds ;

- d'autre part, une section « Relations avec la Banque de France », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec la Banque de France à raison des opérations avec le FMI. Cette partie du compte, dont le solde est par nature créditeur, enregistre ainsi les variations de la dette du Trésor envers la Banque de France née de la compensation, par cette dernière, des versements au Fonds.

Le solde consolidé de ces deux sections représente la créance de la France sur le FMI, nette de la dette du Trésor à l'égard de la Banque de France. Ce solde n'est pas pris en compte pour le calcul du solde budgétaire de l'État , les opérations du Trésor avec le FMI ne donnant lieu à décaissements et encaissements réels que pour la Banque de France , et n'affectant que son bilan.

Source : annexe « Comptes d'opérations monétaires » au projet de loi de règlement

Le III du présent article arrête les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2018, à la date du 31 décembre 2017, soit :

- un solde débiteur global de 45,826 milliards d'euros ;

- un solde créditeur global de 20,232 milliards d'euros.

Le IV reporte à la gestion 2018 les soldes arrêtés au III, à l'exception :

- d'un solde créditeur de 306 millions d'euros concernant le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres », le dispositif ayant vocation à être équilibré dans les années à venir ;

- d'un solde débiteur de 12 millions d'euros concernant le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », correspondant aux montants des échéances en capital des remises de dettes de l'année 2017 aux pays étrangers ;

- d'un solde créditeur de 200 millions d'euros concernant le compte de commerce « Opérations commerciales des domaines », qui n'est pas reporté pour tenir compte d'une évolution des recettes plus dynamique que celle des dépenses ;

- d'un solde créditeur de 91 millions d'euros sur le compte d'opérations monétaires « Émission des monnaies métalliques » ;

- d'un solde débiteur de 34 millions d'euros relatif au compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change » qui n'est jamais repris en balance d'entrée de l'année suivante.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS (23 MAI 2018)

Réunie le mercredi 23 mai 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.

M. Vincent Éblé , président . - Monsieur le ministre, notre commission vous a déjà entendu le 7 mars dernier sur les premiers résultats de l'exécution du budget de l'État, mais toutes les données n'étaient pas encore disponibles à cette date, notamment l'état précis de l'exécution de chacune des missions budgétaires. En particulier, nous disposons désormais des rapports annuels de performance qui vont nous permettre d'approfondir notre examen.

Comme vous le savez, notre commission des finances porte une grande attention au contrôle de l'exécution des crédits qui fait pleinement partie de ses missions, aux côtés de son rôle législatif. Ce deuxième rendez-vous sur l'exécution des crédits budgétaires en témoigne, même si l'on peut regretter que l'examen par le Parlement de l'exécution des crédits soit limité à la sphère de l'État et ne porte pas sur l'exécution des comptes sociaux et ceux des collectivités territoriales.

Depuis janvier dernier, les rapporteurs spéciaux ont engagé, chacun dans leur domaine, des contrôles budgétaires. Au cours de ce semestre, nous procédons également à des auditions pour suite à donner aux enquêtes que nous avons commandées à la Cour des comptes et qui portent sur de nombreux domaines de l'action publique.

Votre audition sera complétée la semaine prochaine par une audition du Premier président de la Cour des comptes et, si les ministres y répondent favorablement - c'est déjà le cas de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, pour la mission « Travail et emploi » - par quelques auditions ministérielles sur les missions pour lesquelles l'exécution 2017 appelle des questions particulières.

Cette audition est ouverte à la presse.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, je serai bref afin de répondre à un maximum de questions.

J'ai présenté ce matin même le projet de loi de règlement au Conseil des ministres, et c'est devant votre chambre que je le présente en premier - même si on peut regretter collectivement que le Parlement ne s'y attarde pas davantage, malgré les propositions très importantes que vous avez faites, M. le président, ainsi que M. le rapporteur général, et le fait que les comptes sociaux n'y figurent pas, toutes finances publiques confondues.

Je voudrais souligner ici que la révision constitutionnelle pourrait permettre de consacrer plus de temps à la loi de règlement en intégrant lesdits comptes sociaux. On ne peut en effet à la fois souligner que les administrations de sécurité sociale sont responsables de la moitié de la dépense publique et ne pas s'attarder à contrôler son exécution.

Le budget 2017 a déjà donné lieu à beaucoup de débats. Votre chambre a d'abord refusé de l'examiner lorsqu'il a été présenté par mon prédécesseur.

Je suis ensuite venu plusieurs fois devant votre commission pour présenter le décret d'avance, vous dire qu'il n'y aurait pas de collectif budgétaire, présenter deux projets de loi de finances rectificative, notamment celui relatif à la contribution exceptionnelle et additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour compenser les effets de l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes, et évoquer les textes que vous m'avez demandé de présenter devant vous.

Le projet de loi de règlement établi par les services de la direction du budget et plus globalement de mon ministère est un document complet et le plus didactique et efficace possible. J'en remercie les services de Bercy.

Les enseignements que le Gouvernement entend en tirer sont nombreux.

Vous entendrez bientôt le Premier président de la Cour des comptes. Je me permettrai de donner un point de vue évidemment politique, celui du Gouvernement, en constatant que le déficit budgétaire de l'État s'établit à 67,7 milliards d'euros, soit une amélioration de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2016. Il s'agit de son plus bas niveau depuis 2008, soit, par rapport aux chiffres qui vous ont été présentés lors du second projet de loi de finances rectificative, une amélioration de plus de 6 milliards d'euros.

Je rappelle que le texte présenté en novembre dernier prévoyait un déficit à hauteur de 74,1 milliards d'euros. C'est donc pour nous une très bonne nouvelle, consacrée aujourd'hui par la Commission européenne. En effet, pour la première fois depuis dix ans, la France sort de la procédure pour déficit excessif, grâce à un niveau de solde budgétaire qu'elle n'avait pas atteint depuis 2007, à la veille de la crise économique et financière.

Ce déficit public s'est réduit de 0,8 point de PIB pour atteindre 2,6 % du PIB contre 3,4 % en 2016. Les risques identifiés par la Cour des comptes au lendemain des élections législatives ne se sont matérialisés. Ceci a pu se faire grâce notamment à un ajustement du Gouvernement à hauteur de 0,5 point de PIB, soit quasiment 10 milliards d'euros, à des mesures de modération voire d'annulation de dépenses qui ont fait couler beaucoup d'encre, et à la contribution exceptionnelle concernant l'impôt sur les sociétés (IS) destinée à compenser la censure de la taxe de 3 % sur les dividendes.

Sans ces dix milliards d'euros de redressement - cinq milliards d'euros en dépenses, cinq milliards d'euros de fiscalité nouvelle exceptionnelle sur les entreprises - nous ne serions pas sous la barre des 3 % du PIB, mais à 3,1 %. Ceci démontre à quel point nous avons eu raison de recourir à ce projet de loi de finances rectificative et de prendre le décret d'avance, dont je suis témoin qu'il a été parfois l'occasion de discussions politiques intenses.

Les efforts ont payé. Nous sommes dans un processus de baisse important de notre déficit, même si nous sommes très loin du déficit zéro. C'est en effet durant de telles périodes qu'il faut faire le plus d'efforts structurels pour être au rendez-vous de la relance si nous sommes confrontés un jour - et cela risque d'arriver - à une nouvelle crise économique.

Comment en est-on arrivé là ? Les efforts ont été importants. J'entends dire que le Gouvernement n'a pas baissé les dépenses publiques en 2017. C'est un procès étonnant : sans collectif budgétaire, cela paraissait assez difficile, sauf à prendre un décret d'avance plus important que nous n'avons pu le faire.

S'il y a un débat autour de la dépense publique, il aura lieu autour du budget 2018, qui traduit déjà la décélération très importante de celle-ci.

Ce montant, la Cour des comptes l'a évoqué dans son rapport. Je n'y reviendrai pas. Les crédits reportés ont été divisés par deux par rapport à l'année dernière, soit 1,8 milliard d'euros, ce qui témoigne d'une gestion la plus assainie possible par rapport aux huit dernières années. Nous sommes, à la fois pour les reports de crédits et, en même temps, en termes de sincérité du budget 2018, « dans les clous » de ce que votre chambre a longtemps demandé.

La dynamique des recettes est plus importante en matière d'impôts sur les sociétés et de TVA, notamment durant les trois derniers mois de l'année dernière.

Grâce à la prudence du Gouvernement, et en évitant de procéder à de nombreuses hausses d'impôt, les prévisions de recettes ont été plus importantes que prévu. Nous continuons à afficher dans le budget 2018 des prévisions de croissance à la fois prudentes et responsables, ce qui permettra de continuer à abaisser fortement notre déficit et notre dette dès cette année - avant peut-être d'autres évolutions : je sais que votre chambre discute en ce moment de la situation ferroviaire de notre pays...

La situation patrimoniale de l'État suffit à démontrer que le plus dur reste à venir. Il serait difficile de crier victoire au bout d'un an seulement d'action gouvernementale. Il faut améliorer les comptes publics. Je présenterai des réformes importantes de baisse de la dépense publique dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, mais aussi dans le domaine des comptes sociaux.

L'État connaît une situation nette de - 1 260 milliards d'euros. Nous ne pouvons comparer ce bilan à celui d'une entreprise privée, mais nous savons que nous ne pouvons continuer à avoir une telle différence entre actif et passif. Nous devons donc absolument rétablir les comptes publics davantage que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.

Ce résultat patrimonial est déficitaire de 61 milliards d'euros. Les engagements hors bilan de l'État s'élèvent à 2 210 milliards d'euros. Il s'agit là essentiellement des engagements vis-à-vis des fonctionnaires civils et militaires.

Nous pourrons également discuter, si vous le souhaitez, des provisions des contentieux juridiques sur lesquels votre commission s'est très souvent penchée.

Enfin, l'encours de dette de l'État s'élève à 1 710,7 milliards d'euros, en augmentation de 63,9 milliards d'euros par rapport à 2016. C'est l'un des points noirs de cette loi de règlement. Nous allons freiner cette augmentation dès cette année, et anticiper les prévisions de la loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait un ressac de la dette à partir de 2020. Une estimation plus optimiste de l'évolution de la croissance économique pourrait permettre de l'imaginer dès cette année.

Ces éléments sont de nature à convaincre que nous sommes sur le bon chemin, même si nous partageons l'année 2017 avec le Gouvernement précédent, et malgré les mesures de « refroidissement » de la dépense. Sans doute le débat le plus important sera-t-il celui portant sur le budget 2018, que nous aurons exécuté intégralement, sur lequel nous aurons, je crois, une discussion plus politique et plus conforme à l'engagement de la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale, qui a soutenu le budget que je vous ai présenté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je remercie le ministre de venir devant nous dès la présentation en Conseil des ministres de ce projet de loi de règlement. Nous y sommes sensibles.

Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à la contribution exceptionnelle concernant l'impôt sur les sociétés. Je l'avais contestée, non sur le principe, mais à propos du fait qu'on demandait sans doute un peu trop aux entreprises, alors que l'élasticité des recettes aurait permis d'en demander un peu moins.

J'ai l'impression d'avoir eu quelque peu raison, puisque le rendement de 4,9 milliards d'euros a été supérieur à ce qui était prévu. Ceci s'explique-t-il par une accélération des recouvrements ou par le fait que le rendement total de cette taxe s'avère meilleur que prévu ?

Ma deuxième question porte sur un problème de comptabilisation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), notamment concernant les départements. Je vous remercie de nous avoir adressé une lettre d'explications. J'ai l'impression qu'il y a eu un dysfonctionnement. L'erreur est humaine mais pouvez-vous nous en expliquer les raisons et les conséquences sur le budget de l'État ? Ceci fausse en effet le solde budgétaire de l'État de 1,5 milliard d'euros. Cela induit-il aussi des retards de versement aux départements ?

Ma dernière question est plus générale. On peut se réjouir du dynamisme des recettes et de l'amélioration du solde mais vous l'avez dit vous-même : le plus dur reste à venir. Il est vrai que l'amélioration du solde repose largement sur le dynamisme des recettes.

On a du mal à voir quand sortira le chiffrage des économies. Je pense au programme « Action publique 2022 », que nous attendons. J'espère que ce programme comportera des propositions audacieuses. Nous en avons nous-mêmes fait sur le temps de travail des fonctionnaires, la masse salariale publique, les relations entre l'État et les collectivités locales... Le projet de loi de finances 2019 sera-t-il l'occasion d'infléchir significativement la croissance des dépenses de l'État ?

Je suis d'accord avec vous sur le fait que la responsabilité de cet exercice est partagée. Sans collectif budgétaire, le jugement sera forcément assez nuancé. Le grand rendez-vous sera pour l'année prochaine. Avez-vous d'ores et déjà des éclairages à ce sujet ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - La contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés enregistre en effet un léger mieux de 200 millions d'euros de recettes par rapport aux prévisions du Gouvernement. Il a été compliqué de savoir comment ceci allait être comptabilisé. Je rappelle que c'était là une des difficultés d'interprétation comptable, la surtaxe ayant été enregistrée comme un prélèvement obligatoire. Le taux de prélèvements obligatoires s'est donc alourdi, ce qui n'est pas illogique s'agissant d'une imposition supplémentaire.

Dans le même temps, le remboursement aux entreprises ayant gagné le contentieux, qui correspond à une baisse d'impôts, prend la forme d'une augmentation de dépenses. C'est cette difficulté statistique qui explique en partie les mauvais chiffres des taux de dépenses et de prélèvements obligatoires en pourcentage du PIB.

La surtaxe devait permettre de tenir un chiffre de déficit correspondant à celui que nous avions prévu, en évitant une dégradation de l'ordre de 0,2 % du PIB. De même, il existait une question autour du traitement de la recapitalisation d'Areva. Par deux fois, le comptable public européen et national nous a donné raison. Au total, il y a donc eu un léger excédent de 200 millions d'euros : celui-ci dépendait beaucoup de la façon dont les entreprises allaient être remboursées et dont nous allions toucher cet impôt. Le pilotage était donc difficile.

Enfin, si le rendement de cette taxe a été légèrement supérieur à ce que nous attendions, ce n'est pas ce qui explique les bons chiffres du déficit, puisque 2,2 milliards d'euros sont nécessaires pour améliorer les recettes à hauteur de 0,1 % du PIB.

Pour ce qui est des DMTO, il s'agit bien d'une erreur de l'administration. Je l'ai écrit à la Cour des comptes dès que je l'ai su. Elle n'a rien à redire sur la rectification qui a été opérée. Cela concerne notamment des DMTO dont 80 % sont touchés par les collectivités territoriales et qui ont été bloqués sur des comptes. Ils ont bien été récupérés, mais n'ont pas été redistribués jusqu'au bout.

J'ai moi-même écrit au président des départements de France et à tous les présidents de départements. Sur 355 millions d'euros de droits de mutation concernés, 155 millions d'euros allaient aux départements. Ils ont tous pris connaissance de ce courrier.

L'erreur est due à un nouveau logiciel de compatibilité de la DGFiP. Je me suis intéressé à la question, pour constater que les départements ont bien perçu leur part sur ces droits de mutation.

Je suis d'ailleurs fondé, monsieur le président, à vous communiquer, si vous le souhaitez, l'intégralité des montants des droits de mutation pour tous les départements, assorti d'un tableau rectificatif. Il ne s'agit pas de sommes très importantes, mais elles représentent ce que doivent toucher ces collectivités.

Ceci n'a pas modifié grandement le solde. Je vous rappelle que les droits de mutation ont augmenté de 16,6 % en 2017.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je suis scandalisé à l'idée que l'on augmente le taux !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je pense que l'on aura ce débat à un autre moment.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Donc cette erreur améliore le déficit en 2018.

M. Gérald Darmanin, ministre . - En effet. On a essayé de corriger cela mais ça n'a pas été autorisé. On aurait en effet pu modifier le projet de loi de règlement. Cela nous aurait bien aidés de le faire, mais nous avons essayé d'être le plus transparent possible avec vos commissions comme avec la Cour des comptes, ce qu'elle a d'ailleurs relevé, ainsi que vous l'avez noté - et je vous en remercie.

J'entends ce que vous dites à propos de la baisse de la dépense publique en 2018 et les années suivantes. Le programme « Action publique 2022 » ne constitue pas a priori une économie budgétaire caractérisée. C'est avant tout une transformation des services publics.

J'ai eu l'occasion de dire qu'indépendamment d'« Action publique 2022 », le Gouvernement a déjà fait de grandes réformes dans le budget 2018, que le Sénat, dans sa pluralité, a très peu soutenues - fin des contrats aidés pour 1,5 milliard d'euros, réforme du logement pour le même montant.

Nous avons prévu de très importantes baisses de dépenses publiques - notamment en matière de logement, avec la contemporanéité du versement des aides au logement pour environ 1 milliard d'euros.

J'ai annoncé que, profitant de la reprise économique, la question des aides aux entreprises, au moment où nous baissons leur fiscalité, est à repenser. Sur 140 milliards d'euros d'aides aux entreprises, le Gouvernement compte les réduire d'un montant maximal de 5 milliards d'euros, soit 0,3 point de richesse nationale, ce qui n'est pas rien. Nous le ferons dès le projet de loi de finances pour 2019.

Il en va de même de l'audiovisuel public, qui représente 4 milliards d'euros de dépenses publiques - France télévisions, Radio France, etc. -, soit 1 milliard d'euros de plus que le budget de la culture. Sans dévoiler la réforme que présentera la ministre de la culture et de la communication, c'est une piste de transformation importante.

En ce qui concerne « Action publique 2022 », il est, me semble-t-il, à peu près assuré que nous serons tous informés avant de partir en vacances. N'étant pas Premier ministre, je ne me permettrai pas de divulguer le contenu ni la date de cette réforme.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ce sera donc avant l'été !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Ce sera même, je pense, avant l'été administratif.

M. Vincent Éblé , président . - La parole est aux commissaires.

M. Dominique de Legge . - Monsieur le ministre, concernant le budget de la Défense, 850 millions de crédits de paiement ont été annulés à l'été 2017. Cela ne s'est pas traduit par une annulation de programmes, mais la Cour des comptes précise que 300 millions d'euros de commandes ont dû être reportés et que certains besoins prioritaires n'ont pu être satisfaits.

Pouvez-vous nous assurer que cette décision n'aura pas d'impact sur l'exécution de la loi de programmation militaire dont nous débattons actuellement dans l'hémicycle ?

M. Michel Canevet . - Monsieur le ministre, on peut se réjouir que la situation soit finalement bien meilleure que celle qui était prévue, malgré un héritage problématique, avec des dépenses supplémentaires engagées durant le premier semestre et, comme la Cour des comptes l'a rappelé, des sous-budgétisations assez significatives.

On peut également se réjouir de sortir de la procédure de déficit excessif, mais je crois néanmoins que l'amélioration du solde public est due malgré tout pour l'essentiel à la situation des collectivités locales et à l'amélioration de leurs comptes, qui joue sur le déficit et permet de réduire significativement ce taux. Pouvez-vous confirmer que c'est le cas ?

Concernant la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, une partie - améliorée d'ailleurs - a été encaissée en 2017. Reste-t-il encore quelque chose à encaisser en 2018 pour couvrir les montants restant à honorer pour le contentieux sur la taxe sur les dividendes ?

Enfin, la situation de notre commerce extérieur, malgré une embellie, reste relativement préoccupante. C'est un sujet sur lequel il faudra revenir afin de voir comment améliorer notre balance commerciale. Les entreprises françaises ne sont pas toujours compétitives à l'international : il faut donc continuer à travailler sur la baisse des charges sociales si l'on veut permettre au déficit de notre balance commerciale de se réduire et, si possible, comme en Allemagne, de se transformer en excédent.

M. Éric Bocquet . - Monsieur le ministre, ma première question porte sur la dette. Je crois savoir que, depuis quelques années, il est possible d'emprunter à des taux négatifs. Cela a été le cas en 2015, 2016 et 2017. Je crois que c'est encore vrai aujourd'hui. Vous le confirmerez ou l'infirmerez. Bizarrement, on gagne de l'argent en s'endettant ! Faire de la dette génère de la recette !

On parlait de plusieurs milliards d'euros en 2016, récoltés sous forme de primes d'émission, mis de côté pour être gérés dans les années suivantes. Est-ce que cela a été le cas pour l'exercice 2017 ? Si oui, pour quels montants ? Quelle est leur destination ?

En second lieu, le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), sorte de « cellule de dégrisement fiscal », a été fermé le 31 décembre dernier. Or votre document indique, page 21, qu'il reste des dossiers à traiter. Quel est leur montant et leur enjeu financier ? Quelle issue ces dossiers connaîtront-ils ?

M. Vincent Delahaye . - Monsieur le ministre, avez-vous calculé l'impact de la contribution exceptionnelle sur les sociétés et du remboursement de la taxe sur les dividendes ?

En second lieu, le document que vous nous avez remis présente la séparation des exercices et le rattachement des charges de façon transparente. Je vous remercie, car ce n'était pas le cas les années précédentes.

On peut noter qu'on était au plafond fin 2016 : 15 milliards d'euros de charges qui auraient dû être affectées sur 2016, ont été reportées sur l'année suivante, soit une augmentation de 4 milliards d'euros par rapport à 2015. Vous avez réduit cette somme de 600 millions d'euros en fin d'exercice. Cela représente un certain effort. Votre volonté est-elle d'en réaliser davantage à l'avenir, sachant que les charges à payer devraient être à zéro ?

M. Philippe Dallier . - Je reviendrai d'abord sur les aides personnelles au logement et la polémique de l'été 2017 - les fameux 5 euros de moins pour tous. L'enjeu était de 124 millions d'euros pour cette année-là : la mesure a finalement rapporté 79 millions d'euros, et vous avez ajouté, en loi de finances rectificative, 45 millions d'euros. 200 millions d'euros environ n'ayant pas été consommés sur l'ensemble de la mission, on peut se demander si le jeu en valait bien la chandelle !

Le Président de la République a fini par considérer que c'était une mesure imbécile. J'ai entendu Julien Denormandie confirmer que c'était une très mauvaise idée. Cela dit, en année pleine, cette mesure rapporte environ 400 millions d'euros. Que compte faire le Gouvernement ?

Vous nous avez informés que de nouvelles annonces seraient faites au sujet de l'APL en 2018, notamment concernant la contemporanéité des revenus. Cette mesure représenterait 1 milliard d'euros mais, le jour où la situation se dégradera à nouveau, on prendra plus vite en considération la baisse des revenus des allocataires. Il n'est donc pas certain que ce gain soit pérenne. Allez-vous conserver cette mesure ?

Les aides à la pierre constituent un sujet plus inquiétant. À votre arrivée au Gouvernement, vous avez sabré dans ces aides. Dans le budget 2017, période électorale oblige, on avait vu resurgir 200 millions d'euros de crédits, après une période où les aides à la pierre avaient eu tendance à diminuer. Puis vous les avez finalement réduites drastiquement.

Les conséquences sont là : l'objectif de financement du logement social était de 142 000 logements. On en aura financé 113 000, alors qu'on en avait financé 126 000 en 2013.

Établissez-vous un lien direct entre la réduction de ces aides à la pierre et la baisse des logements financés ? Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons voté lors de la loi de finances pour 2018, mais certains risquent de déchanter lorsque nous aurons les chiffres de construction de logements sociaux.

Un mot sur l'hébergement d'urgence. Le rebasage a débuté en 2016, mais on savait que tout cela serait relativement loin des besoins, ce qui s'est confirmé. Vous avez fait un effort supplémentaire pour 2018, que j'ai également salué à l'automne dernier. Pouvez-vous nous dire, à mi-parcours, comment vous envisagez de terminer l'année ? Il ne semble pas que la conjoncture, en matière d'hébergement d'urgence, se soit améliorée. Les problèmes à Paris ne sont pas réglés. Les déclarations du ministre de l'intérieur à propos ce qu'il attendait de Mme le maire de Paris en la matière n'ont d'ailleurs pas manqué de me surprendre.

M. Gérald Darmanin, ministre . - S'agissant de la loi de programmation militaire, on peut s'accorder sur le fait que le Gouvernement a eu raison, l'été dernier, de ne pas dégeler les crédits ni de répondre à des injonctions contradictoires, quitte à connaître une difficulté forte devant votre chambre, ou des débats médiatiques dont on se souvient désormais un peu moins.

Nous avons dégelé l'intégralité des 700 millions d'euros de crédits militaires - ce que les gouvernements ne faisaient pas auparavant - durant la dernière quinzaine de décembre. Ceci a permis au ministère des armées de faire face à ses engagements. Nous avons par ailleurs divisé par deux le report de charges de ce même ministère, ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps.

La discussion de la loi de programmation militaire est désormais fondée sur des chiffres sincères, même si on peut continuer à diminuer le report de charges. Nous avons divisé presque par trois le taux de gel des crédits. Nous sommes aujourd'hui à 3 %, contre 8 % sous le Gouvernement précédent.

J'avais d'ailleurs pris devant votre commission des engagements en matière de baisse du gel des crédits. Je n'en ai pour l'instant dégelé aucun. Sous le Gouvernement précédent, certains dégels ont parfois eu lieu la première semaine de janvier. Indépendamment de ce qu'on pense du budget de la Nation, ce n'est objectivement pas une façon très sincère d'organiser les choses.

Ce mode de gestion rénové garantit également au ministère des armées un éventuel avantage interministériel en cas de difficultés plus fortes. À la fin du quinquennat, nous aurons réglé la question à interventions militaires constantes, et divisé par deux les reports de charges. Il n'y a aucune raison - sauf si les collègues de Mme la ministre des armées dépensent l'argent impunément, mais je veille au grain - que nous ne dégelions pas les crédits, mais nous les conserverons jusqu'à la fin pour pouvoir répondre aux interrogations de la Nation d'un point de vue budgétaire.

S'agissant des collectivités locales, ce sont elles, plus que l'État, qui ont contribué à la maîtrise des dépenses publiques, notamment durant les huit ou neuf dernières années, particulièrement sous le quinquennat précédent - même si les mauvais chiffres économiques résultaient partiellement de la crise.

En 2017, le président Hollande avait expliqué au congrès des maires de France qu'il y aurait moins de baisses de dotations que prévu. On peut bien sûr considérer que ces baisses ont contribué à permettre l'adoption du budget en 2017, mais je vous rappelle que la Cour des comptes a évalué le déficit à 3,4 % du PIB au moment où nous sommes arrivés aux responsabilités.

Ce projet de loi de règlement nous permet de discuter de la vérité des prix. Nous avons réalisé 5 milliards d'euros d'annulation de crédits et modéré les dépenses de 5 milliards d'euros.

Je me suis engagé à ne plus recourir à un décret d'avance. Je tiendrai ma promesse, mais il faut en discuter en amont. Le décret d'avance de 2017 représentait 5 milliards d'euros, soit environ 0,2 % à 0,3 % du PIB, auxquels il faut ajouter entre 0,2 % et 0,3 % de recettes concernant la surtaxe. Nous avons donc amélioré le solde de 0,5 %. Nous serions à 3 % de déficit public si nous n'avions pas pris ces mesures.

Oui, les collectivités locales ont contribué aux économies dans le budget 2017, mais ce n'est pas ce qui nous a fait passer à un déficit public de 2,6 %, sachant qu'il existe des incertitudes comptables concernant Areva et la surtaxe.

S'agissant de l'imputabilité comptable des prélèvements obligatoires - mauvaise nouvelle - la redevance télévisuelle a été considérée par l'INSEE comme un prélèvement obligatoire, soit 0,2 % du PIB de prélèvements obligatoires supplémentaires, de même que la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés pour 0,2 % de PIB, soit 0,4 % du PIB d'augmentation au total, ce qui représente quasiment 9 milliards d'euros. Enfin, le remboursement de ce contentieux lié à la taxe de 3 % sur les dividendes a été comptabilisé en dépenses publiques.

Sans doute les impôts sont-ils trop élevés en France, mais nous avons joué de malchance.

Il reste 5 milliards d'euros à rembourser aux entreprises après le 1 er janvier au titre du contentieux, et 600 millions d'euros à 700 millions d'euros à encaisser sur le montant de la surtaxe du dernier PLFR.

Selon Éric Bocquet, plus on fait de la dette, plus on fait de recettes...

M. Éric Bocquet . - Il s'agit des primes d'émission !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Ceci est très mortifère pour la discussion politique et budgétaire. J'ai coutume de dire que les solutions communistes en matière budgétaire fonctionnent, mais une seule fois ! On constate dans le projet de loi de règlement que le deuxième budget de l'État est constitué par le remboursement de notre dette. Vous devriez donc être les premiers à vous élever contre l'argent qu'on donne à ceux qui nous prêtent, dont les deux tiers ne font pas partie de nos compatriotes.

On emprunte encore parfois à des taux négatifs, vous n'avez pas tort, mais il apparaît que ce ne sera plus le cas à la fin de l'année. Les choses changent peu à peu.

La BCE a pratiqué cette politique pour aider des pays comme le nôtre à se sortir des difficultés financières et économiques. Il est toutefois important de redresser les comptes publics pour éviter d'être asphyxiés en cas de remontée des taux.

Nous avons perçu 10,7 milliards d'euros de primes d'émission. C'est autant de dette en moins, mais il ne faut pas laisser croire qu'emprunter, c'est s'enrichir. Chacun voit que la réalité budgétaire risque de nous rattraper assez vite.

S'agissant de la fermeture du STDR, je ne connais pas le montant exact des sommes correspondant aux dossiers encore à traiter. Je ne sais quelle suite y sera donnée, le ministre des comptes publics n'intervenant pas dans les dossiers fiscaux particuliers.

Je vous écrirai, ainsi qu'à M. le président de la commission et M. le rapporteur général, pour vous communiquer le nombre de dossiers restant. Le rapporteur général et le président de la commission peuvent venir quand ils le souhaitent étudier ces dossiers.

S'agissant des aides personnelles au logement, Philippe Dallier, je ne regrette rien. Il y a certes plus intelligent que des mesures paramétriques. Nous avons pour la plupart d'entre nous géré des collectivités ou des budgets : ce sont des mesures d'urgence que l'on prend quand on n'a pas réalisé les réformes structurelles nécessaires, et je n'ai jamais prétendu que la réduction des aides de 5 euros était intelligente. Cependant, il s'agissait d'appliquer une mesure prévue dans le budget, qui n'avait pas été mise en oeuvre par la majorité précédente.

Par ailleurs, j'ai toujours considéré ce système comme inflationniste et propre à aider les propriétaires à fixer leurs loyers.

Enfin, lorsque nous sommes arrivés, rien ne pouvait laisser croire que nous allions connaître cette croissance, ce niveau de déficit et cette loi de règlement. Tout ce que je souhaite, c'est que nous puissions mener les réformes structurelles nécessaires pour éviter cela.

C'est pourquoi une baisse des prestations sociales ne me semble pas normale. On peut bien sûr réformer le champ social. La prime d'activité, qui était de 4 milliards d'euros en 2016 contre 6 milliards d'euros à présent, pose par exemple une question de dépense publique et de gestion des dépenses de guichet mais il est clair que la réduction paramétrique des prestations ne paraît pas une réforme économique intelligente.

S'agissant de l'hébergement d'urgence, la difficulté que vous évoquez n'est pas totalement vérifiée. Cela va bien dans toutes les régions de France, sauf en Île-de-France. Ceci tient aux prix plus qu'au nombre de nuitées. Nous l'avons rappelé à l'ensemble du corps préfectoral. Vous le savez, il existe parfois une confusion dans les crédits soumis aux préfets pour faire face à des difficultés très fortes que je ne sous-estime pas.

Nous en discuterons dans l'hémicycle, et je pourrai alors préciser des points de façon plus détaillée. C'est aussi à Jacques Mézard de le faire.

J'ai lu vos rapports avec attention, mais il ne me semble pas que l'hébergement d'urgence doive absolument être rattaché à la cohésion des territoires. Cela me paraît lié à la politique d'asile et d'immigration que mène le ministère de l'intérieur. N'y voyez toutefois aucun effet d'annonce.

Cela nécessite surtout un travail de distinction des crédits très important. On ne le fera pas cette année, mais des comptes sincères nécessitent surtout de distinguer les différentes catégories d'hébergement d'urgence.

Il faut qu'on y travaille. Je pense que Jacques Mézard y est très attentif et qu'il est très demandeur de solutions sur ce sujet, tout comme le ministère des comptes publics.

M. Philippe Dallier . - Qu'en est-il des aides à la pierre ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - On m'a expliqué que la réforme que l'on a menée amènera une baisse très forte de la construction des logements sociaux. Pour l'instant, ce n'est pas ce que je constate - mais c'est peut-être encore trop tôt.

Je ne vois pas le lien avec l'aide à la pierre. Il est sûr qu'il faut une politique du logement plus cohérente. On a multiplié la dépense, et parfois la dépense fiscale, sans grande cohérence avec la politique d'offre foncière.

Ce n'est pas ma partie. Je suis sûr que Jacques Mézard et Julien Denormandie sauront répondre à vos questions à ce sujet.

M. Pascal Savoldelli . - Monsieur le ministre, peut-on faire une assimilation entre l'hébergement d'urgence et l'immigration ? Je demande que l'on considère les choses avec sérieux !

M. Philippe Dallier . - Je ne l'ai pas compris ainsi. On parlait des crédits de l'un, qui s'appuient parfois sur l'autre, ce que je dénonce depuis un moment.

M. Gérald Darmanin, ministre . - ... Notamment en Île-de-France. Il me semble plutôt que ces propos vont dans votre sens !

M. Pascal Savoldelli . - Ce dialogue est important : cela évite des incompréhensions.

Un peu d'insolence, qu'elle vienne d'un ministre ou d'un sénateur, n'est pas gênante. Je vais donc faire comme vous, monsieur le ministre : quand Éric Bocquet vous pose une question, il faut y répondre sans idéologie. Je répète donc la question : l'État a-t-il emprunté oui ou non à des taux négatifs ? Ce n'est pas l'affaire du Gouvernement actuel.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je vous ai répondu !

M. Pascal Savoldelli . - Vous prétendez donc qu'il n'y a pas eu d'emprunt à des taux négatifs ? Je ne suis pas comptable, mais l'État encaisse bien des sommes supérieures à celles qui vont être remboursées à l'échéance...

Le chiffre de la Cour des comptes, qui n'est pas particulièrement d'obédience communiste, évalue ce montant à plus de quinze milliards d'euros pour 2016. C'est peut-être une erreur...

Je ne doute pas de la sincérité des uns ou des autres. Y a-t-il un matelas, qui n'est pas le fait du Gouvernement actuel ?

Par ailleurs, je déplore que nous n'ayons eu votre document que cet après-midi. Je suis issu des classes laborieuses : il me faut donc du temps pour l'analyser. Par exemple, concernant les dépenses d'intervention, sont-elles analysées à périmètre constant ? Il s'est en effet passé énormément de choses depuis 2008 - évolution des politiques publiques, effets du CICE, dont le montant semble avoir évolué plus vite que prévu, allégements sociaux, etc.

Comparaison n'est pas raison, mais laissez-nous le temps de prendre connaissance de ces chiffres pour avoir un débat le plus sérieux possible. Nous en débattrons ailleurs qu'en commission.

Vous dites que les impôts sont trop élevés. Cependant, la TVA a progressé de 8 % depuis 2008. Son rendement de 152 milliards d'euros confirme sa position de première recette de l'État. S'agit-il d'un impôt trop élevé ?

Certes, les taux peuvent remonter, mais êtes-vous satisfait des dépenses d'investissement de l'État ? 3 % d'investissement, c'est très faible du point de vue de l'action publique et cela a des conséquences sur la population.

Enfin, vous affirmez que les collectivités territoriales ont été mises à contribution. On n'est pas loin de la vérité, mais la réduction des déficits tient aux prélèvements sur recettes, en baisse de 5,3 milliards d'euros : 2,7 milliards d'euros pour les collectivités territoriales, et 2,6 milliards d'euros pour la contribution au budget européen.

Vous avez employé le terme de contraintes, monsieur le ministre : je me sens plus proche de votre formulation que de celle de mes collègues. On a tous fait des efforts, mais cela a des conséquences sur les politiques publiques dans les territoires.

M. Thierry Carcenac . - Monsieur le ministre, il s'agit d'un projet de loi de règlement qui, comme chaque fois, permet au Gouvernement de dire ce qu'il a fait de mieux et de meilleur.

Cependant, 2017 est une année de cogestion. Lorsqu'on examine la trajectoire au cours des années qui viennent de s'écouler, on se rend compte que les engagements européens ont été respectés sous le dernier mandat. Je ne doute pas que ceci aurait continué.

On nous dit que l'impôt sur les sociétés va encore baisser. C'est une orientation qui avait été prise par le précédent Gouvernement et cet impôt rapporte très peu par rapport aux autres impôts - de l'ordre de 35,7 milliards d'euros.

Le CICE, quant à lui, a permis à nos entreprises de mieux se comporter et d'être plus compétitives.

Par ailleurs, la forte hausse de la masse salariale, dans ce cadre, est liée notamment au nombre d'équivalents temps plein (ETP) qui ont été recrutés dans des secteurs importants qui ont connu de fortes baisses. Je ne doute pas que l'on va connaître, dans les années à venir, une augmentation de fonctionnaires dans ces secteurs, comme la défense, l'éducation, ou l'intérieur.

J'ai ainsi relevé la création de 11 700 ETP supplémentaires. L'augmentation de la masse salariale, devrait encore se poursuivre à l'avenir.

Votre rapport traite des « parcours professionnels, carrières et rémunérations » ( PPCR ) qui ont eu des conséquences en 2017, mais qui sont gelés en 2018. Je ne doute pas non plus que cela entraînera des augmentations de la masse salariale.

Enfin, votre rapport évoque une augmentation du point d'indice que vous faites remonter à dix ans : il me semble que s'il n'y avait pas augmentation du point d'indice les autres années, les rémunérations étaient cependant actualisées par le biais de la garantie de pouvoir d'achat pour certains fonctionnaires. Pourrait-on savoir ce qui se passe en la matière ?

Nous aurons l'occasion de revenir sur ce débat. Cette année partagée comporte quelques éléments positifs, mais tout n'a pas commencé à partir du mois de mai.

M. Rémi Féraud . - Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger dans le cadre du rapport de contrôle sur l'action extérieure de l'État que nous réalisons avec Vincent Delahaye.

On constate, dans projet de la loi de règlement, que le ministère des affaires étrangères a contribué à la réduction des dépenses au-delà de ce qui était prévu par la loi de programmation des finances publiques : 6 % de 2016 à 2017, au lieu d'un peu plus de 3 %.

Par ailleurs, l'enseignement français à l'étranger a été mis à très forte contribution, ce qui a créé une grande émotion. Le Gouvernement s'est engagé à ne pas effectuer de régulation budgétaire supplémentaire en cours d'année. Pouvez-vous notamment nous confirmer que l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ne connaîtra pas de surgel en cours d'année ?

De même, le taux de réserve sur les bourses était d'habitude de 8 % en début d'année. La part de crédits gelés a été augmentée de plusieurs millions d'euros l'an passé. Cette année, le taux n'était que de 3 %. Les frais de scolarité augmentent par ailleurs. Pouvez-vous nous confirmer que vous en resterez à ce taux de mise en réserve et qu'il n'y aura pas de mesures supplémentaires de régulation budgétaire ?

M. Claude Raynal . - Monsieur le ministre, je serai exceptionnellement bref, et ce pour une bonne raison : ce débat, on l'a déjà quasiment esquissé lors du programme de stabilité 2018-2022. Je pense que le document que vous nous avez remis aujourd'hui contient beaucoup d'éléments présentés lors de ce programme de stabilité.

Je voudrais vous donner acte du fait qu'il ne faut pas crier victoire. J'en prends bonne note. Ce n'était pas tout à fait le cas au moment de la présentation du programme de stabilité, qui était plutôt emphatique. Je considère que le document remis aujourd'hui gomme un certain nombre d'excès, que j'ai déjà pu signaler pour une large part, où l'on pouvait parler de l'arrivée, en mai, du « Roi-Soleil » et du passage de l'obscurité à la lumière.

Aujourd'hui, la tonalité générale est moins démonstrative de ce point de vue. Il est logique que le Gouvernement défende sa politique. Il le fait de manière me semble-t-il plus modérée. J'en prends acte.

On a quelques difficultés malgré tout avec un certain nombre de points, comme l'indice de confiance des entreprises. Vous citez des chiffres. Malheureusement, cet indice retombe en avril 2018. Je ne suis pas sûr que les mesures que vous avez prises - qui ne nous conviennent pas par ailleurs - soient de nature à recréer la confiance dont se targue assez facilement le Gouvernement.

Vous dites que les engagements qui ont été pris dès mai 2017 ont été tenus. S'agissant d'une année commune, vous auriez tout aussi bien pu dire que les engagements pris dès janvier 2017 ont été tenus. On a toujours prétendu que les objectifs du gouvernement précédent ne seraient jamais atteints : ils l'ont pourtant toujours été, et même un peu mieux que prévu !

Nul doute que, sans les élections, ce Gouvernement aurait corrigé certaines choses. Ses engagements, avec l'aide de son administration, qui est toujours la même, auraient été respectés, et auraient sorti la France des déficits.

Je crois à l'honnêteté intellectuelle des gouvernements et à celle des ministres ! Je pense sincèrement que, lorsque vous agissez en tant que ministre de la France, vous faites au mieux dans l'exercice de vos fonctions, comme vos prédécesseurs dans une période extrêmement difficile.

En 2009, juste après la crise mondiale, le déficit de la France était à environ 8 % du PIB. En 2012, on était à 5,2 %. On ne peut dire que les gouvernements précédents n'ont pas essayé de combler ce déficit. Le dernier gouvernement de François Hollande a fait sa part du travail en ramenant ce déficit de 5,2 % à 3 %. Aujourd'hui, vous poursuivez sur la même trajectoire, avec une perspective pour 2022 à peu près du même ordre.

J'en suis très satisfait. Heureusement qu'il existe une continuité de l'État sur des questions aussi importantes que celle du budget de l'État et de l'action des ministres ! Nous sommes à 2,6 % de déficit public cette année. Beaucoup de choses sont dues à la croissance, vous l'avez indiqué plusieurs fois, en particulier à la croissance mondiale.

Un point me chagrine cependant. Il porte sur la réduction de 5 euros des aides personnelles au logement qui, dans votre majorité comme au sein du Gouvernement, a créé une difficulté. Ce n'est pas déchoir que de reconnaître après coup qu'on a fait une erreur politique, une erreur d'analyse, une erreur financière.

Beaucoup de vos collègues l'ont reconnu. Beaucoup de députés de votre majorité sont assez gênés - pour ne pas dire plus.

Vous avez précédemment contesté la somme de 100 millions d'euros que j'évoquais, prétendant que cela représentait 400 millions d'euros. Pas du tout ! 400 millions d'euros, c'est pour une année pleine. Philippe Dallier l'a d'ailleurs confirmé tout à l'heure.

Compte tenu de l'amélioration finalement constatée du solde budgétaire, on peut reconnaître sans déchoir que cette réduction du montant des aides au logement constitue une erreur d'appréciation ! L'imputer à vos prédécesseurs n'est pas correct. Il s'agit d'une proposition de l'administration que n'a pas retenue l'ancien Gouvernement. Une note très précise de Philippe Dallier à ce sujet démontrait clairement les choses. Il faut arrêter une fois pour toutes cette polémique, reconnaître qu'il s'agit d'une erreur technique et politique - ce qui m'étonne de vous !

M. Bernard Delcros . - Monsieur le ministre, la situation financière s'améliore globalement. Il y a différentes raisons à cela. Vous les avez rappelées de manière objective.

Vous êtes sur une trajectoire de diminution de la dépense publique. Tout le monde est d'accord. Vous avez indiqué quelques pistes.

Ma question porte sur une éventuelle hausse des taux d'intérêt, toujours possible, qui constitue la deuxième dépense du budget de l'État.

Anticipez-vous d'éventuelles hausses dans la trajectoire des dépenses publiques ?

En second lieu, page 49 de votre document, figure un écart très important entre la prévision et l'exécution des dépenses de la mission « Agriculture, alimentation, forêt, affaires rurales ». Y a-t-il une explication à cela ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Pascal Savoldelli a repris la question posée par Éric Bocquet.

Il me semble que vous n'êtes pas le dernier, monsieur le sénateur, dans l'hémicycle comme dans cette commission, à faire de la politique. Permettez-moi donc de tenir également des propos politiques !

J'ai répondu à Éric Bocquet, mais je vais recommencer avec plus de précisions. Nous empruntons encore à taux négatif, même si ce n'est pas le cas de la moyenne des emprunts contractés par la France. Nous sommes aujourd'hui à 0,65 %. En 2016, nous étions à 0,37 %.

Nous pensons que les taux d'intérêt vont continuer à augmenter. Pour l'instant, ils sont encore inférieurs au taux d'intérêt autour duquel nous avons construit le budget 2018. La question du delta entre le taux d'intérêt prévu et le taux d'intérêt constaté peut se poser, mais nous ne sommes qu'au début de l'année. Ce n'est pas parce qu'on emprunte de temps en temps à des taux négatifs que c'est le cas de tous nos emprunts.

Le besoin de financement de notre pays s'élève à 185 milliards d'euros. C'était le cas l'année dernière. Les primes d'émission, quant à elles, sont d'environ 11 milliards d'euros. Cela présente quand même une différence par rapport à votre démonstration. C'est pourquoi je me suis permis d'ironiser. On ne peut pas dire que, plus on emprunte, plus on est riche. Ce système, quand bien même il fonctionnerait au cours d'une année budgétaire donnée, n'est pas culturellement positif dans la façon de gérer les comptes publics, et s'arrêtera par ailleurs.

On a en effet baissé la charge de la dette de 300 millions d'euros, du fait notamment d'emprunts négatifs, mais tout le monde s'accorde à dire que ces taux d'intérêt vont augmenter et que la politique de la BCE va sans doute changer.

Si on laisse à penser que, plus on emprunte, plus on peut s'enrichir, on peut se poser la question de savoir pourquoi on cherche à réduire la dépense publique ! Je le dis d'autant plus que nous sommes encore à 2,6 % de déficit. C'est bien que nos recettes restent inférieures à nos dépenses.

Depuis 40 ans, la France dépense en moyenne 25 % de plus qu'elle ne reçoit. Relativisons donc ces taux d'intérêt très bas, voire négatifs. En moyenne, emprunter nous coûte de l'argent. Cela a servi la France au moment où elle a emprunté, mais non la culture générale. Ces perspectives s'amenuisent aujourd'hui, chacun peut le constater.

L'intervention de Thierry Carcenac portait sur le coût des dépenses de personnel. Celles-ci ont très fortement augmenté en 2017, avec 14 000 créations d'emplois publics, ce qui relativise le discours selon lequel nous ne diminuons pas assez le nombre d'agents publics.

Le Gouvernement précédent a créé l'année dernière 14 000 postes. Nous en avons supprimé en net 1 600 en 2018. Certains estimeront que ce n'est pas assez. D'autres penseront que c'est trop. L'amplitude est de 15 600, mais il est difficile d'arrêter les créations de postes. C'est un vrai débat politique.

Il n'est donc pas vrai de dire que nous saignons le service public ni que nous ne baissons pas la dépense liée à la création d'emplois publics. Je suis heureux de pouvoir avoir cette discussion. Thierry Carcenac a raison de dire que c'est une partie des réponses à la question de l'augmentation de la masse salariale de l'État.

Il y a d'autres raisons - augmentation du point d'indice, PPCR qui représente 80 % de la dépense prévue dans ce quinquennat au titre des mesures en nature de rémunération des fonctionnaires. Le plus dur est devant nous - 11 milliards d'euros. C'est pourquoi nous avons décalé l'application du PPCR, l'année 2018 étant difficile. Tout ceci représente une augmentation de 3,6 % de la masse salariale de l'État.

Rémi Féraud, il n'y a pas de surgel. Nous avons appliqué le gel de 3 % à tout le monde. Il est important de rappeler que nous ne l'avons pas diminué pour qui que ce soit. Le dégel n'interviendra qu'en fin d'année. Si nous devions récupérer des crédits, nous le ferons sur ceux qui permettent potentiellement de le faire. Si chacun fait attention à son propre budget, alors nous dégèlerons pour tout le monde.

Le ministère des affaires étrangères est également concerné. Le Premier ministre a annoncé, après la réunion interministérielle, la baisse de 10 % des effectifs des fonctionnaires à l'étranger. C'est la plus grande économie que le Quai d'Orsay et les autres services qui concourent à l'action extérieure de la France auront à apporter, indépendamment de l'enseignement, qui devrait faire l'objet d'une réforme sur laquelle travaille le ministre des affaires étrangères. Cette baisse de 10 % n'englobe pas les personnels éducatifs de l'AEFE. Ce sera l'objet d'une autre réforme dont vous discuterez avec le ministre des affaires étrangères.

Claude Raynal, vos propos sont aussi vrais que votre intervention a été courte ! Je ne crois objectivement pas - et j'essaye d'être honnête intellectuellement - que vous auriez eu les mêmes résultats en termes de comptes publics.

Il est difficile de savoir si la confiance a été décrétée du fait de l'élection du Président de la République. On peut imaginer que les mesures de baisse des impôts ont amélioré la croissance. Si la confiance avait été telle que François Hollande se soit représenté et ait été élu, vous n'auriez sans doute pas pris les mesures de restrictions des dépenses adoptées au cours de l'été, que vous avez assez fortement combattues - ou alors le jeu politique faisait que vous vous êtes opposés à des choses que vous auriez acceptées en cas de majorité différente ! Je ne le crois pas, puisque je sais très bien que vous ne faites pas de politique...

Je ne sais par ailleurs pas si vous auriez pris la mesure concernant la taxe à 3 %...

M. Claude Raynal . - Nous l'avons votée !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Vous l'auriez sans doute fait, mais vous n'auriez pas recouru aux 5 milliards d'euros d'économies. Vous seriez donc aujourd'hui entre 2,9 % et 3 % de déficit public selon la conjoncture. Il vaut mieux être à 2,6 % avec nous qu'à 2,9 % avec vous, pour résumer le propos et être tout à fait honnête !

Quant aux crédits du ministère de l'agriculture évoqués par Bernard Delcros, la dérive cumulée s'est élevée à 7 milliards d'euros sous le quinquennat précédent. De manière surprenante, il n'existait pas de provisions pour risques, alors que le ministère doit parfois débloquer des centaines de milliers d'euros en cas de crise.

Nous avons « sincérisé » les crédits de ce ministère dans le budget 2018 en créant une provision pour risques. Nous pourrons donc débloquer des fonds rapidement sans creuser le déficit de l'État.

Nous avons cependant, de manière générale, une difficulté à bien répondre aux questions touchant la politique agricole commune (PAC). Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas se battre pour ne pas diminuer ce budget, mais il s'agit d'un système assez technocratisé où le ministère de l'agriculture alloue parfois des aides à des personnes qui n'en ont pas forcément besoin. Lorsque la Commission européenne réclame ensuite l'argent qu'elle considère comme indûment distribué, c'est la France qui rembourse.

Le ministre de l'agriculture travaille à davantage professionnaliser son ministère afin que les aides relatives à la PAC soient bien utilisées et qu'on n'ait pas à les rembourser deux à trois ans plus tard.

Par ailleurs, la filière bois et la façon dont est gérée l'Office national des forêts constituent des points de vigilance importants. Le ministre de l'agriculture est responsable d'une multiplicité de politiques publiques, difficiles à appréhender, qui ne sont pas toujours sincèrement budgétisées. La complexité des démarches administratives fait qu'on ne les a pas toujours bien suivies. Stéphane Travert et le ministère de l'action et des comptes publics travaillent à cette sincérisation. Nous ne devrions pas avoir les mêmes problèmes dans la loi de règlement pour 2018 par rapport au budget de l'agriculture.

M. Vincent Éblé , président . - M. Travert fait partie de ceux que nous avons sollicités pour venir examiner plus attentivement les crédits de son ministère.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je voulais revenir sur les bugs que l'on rencontre en matière de déclarations fiscales, que je déplore, avec des instructions fiscales sur l'année de transition du prélèvement à la source qui ne sont toujours pas publiées ou encore votre plateforme téléphonique qui ne répond jamais.

Enfin, je voudrais aussi saluer ici l'effort de présentation du budget. Cette année, on comprend bien mieux l'exposé général des motifs du projet de loi de règlement. Il faut en remercier les services.

M. Pascal Savoldelli . - Monsieur le ministre, j'apprécie que vous ayez répondu aux questions que nous avons posées.

Mon collègue Éric Bocquet n'a cependant pas voulu dire qu'on s'enrichit en s'endettant.

La dette publique représente 95 % de notre PIB. Ainsi que je l'ai indiqué dans l'hémicycle en présence de M. Le Maire, je vais travailler sur la question de l'endettement des entreprises, des commerçants, des artisans et des citoyens, dont personne ne parle. Je suis en effet soucieux de la solvabilité de ces catégories.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je remercie le rapporteur général pour ses propos encourageants.

J'ai senti chez Pascal Savoldelli une pointe de reproche à propos du fait qu'il n'a pu disposer du document qu'aujourd'hui. J'insiste sur le fait que vous l'avez eu en même temps que le Conseil des ministres. Vous êtes donc traité comme le Président de la République !

Le débat dans l'hémicycle permettra sans doute de travailler ce texte plus en amont. S'il est important de poser des questions au ministre des comptes publics, il faut aussi le faire pour chacun des autres ministres.

Enfin, la plateforme téléphonique qu'évoque M. le rapporteur général connaît un léger problème technique depuis quelques jours. J'ai pris la décision de faire décaler les déclarations concernant l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), étant donné les difficultés de la direction de la législation fiscale. C'est une erreur de l'administration.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Qu'en est-il des instructions fiscales sur le prélèvement à la source et l'année de transition ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je sais que vous avez posé une nouvelle fois la question à ma directrice adjointe de cabinet. Je convoquerai d'ici la fin de la semaine les deux directeurs en charge de ce sujet pour leur rappeler que des instructions doivent en effet être données.

B. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES (30 MAI 2018)

Réunie le mercredi 30 mai 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Didier Migaud, Premier président de la Cour de comptes, sur le rapport relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice 2017 et sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2017, et, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil relatif au solde structurel des administrations publiques de 2017.

M. Vincent Éblé , président . - Nous avons le plaisir de recevoir M. Didier Migaud, en sa double qualité de Premier président de la Cour des comptes et de président du Haut Conseil des finances publiques, pour nous présenter d'une part les constats de la Cour sur l'exécution du budget de l'État en 2017 et l'acte de certification des comptes de l'État, et d'autre part l'avis du Haut Conseil relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2017.

Cette audition complète celle du Ministre de l'action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, qui s'est tenue mercredi dernier devant notre commission, sur le projet de loi de règlement.

Elle sera suivie d'autres travaux de notre commission, et notamment de nouvelles auditions ministérielles : celle de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, le 19 juin prochain, et celle de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le 21 juin prochain, afin d'approfondir l'examen de l'exécution de leurs crédits ministériels sur l'année écoulée, compte tenu des enjeux particuliers qui s'attachent à l'exécution en 2017 de leurs crédits ministériels.

Je profite de cette audition, Monsieur le Premier président, pour vous indiquer combien notre commission des finances apprécie la qualité des enquêtes que vous nous remettez en application de l'article 58-2 de la LOLF, qui aident nos rapporteurs spéciaux dans leur travail continu de contrôle budgétaire. Ce semestre, nous avons déjà entendu trois restitutions d'enquêtes en présence des administrations et organismes concernés, sur le programme « Habiter mieux », sur le soutien aux énergies renouvelables et ce matin même sur le recours aux personnels contractuels dans l'éducation nationale, en présence de Mme Sophie Moati, présidente de chambre.

Le contrôle budgétaire n'est pas un exercice général et ponctuel, il s'exerce de manière continue et sur des sujets ciblés pour permettre d'en appréhender toute la complexité, avec l'implication de chacun des membres de notre commission dans son domaine de compétence.

Notre réunion est ouverte à la presse et retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques . - Comme chaque année, je suis très heureux de venir devant votre commission, afin de vous présenter les travaux que la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques produisent, à la demande du législateur organique, pour éclairer le Parlement en amont de la discussion du projet de loi de règlement. Ces travaux sont au nombre de trois : l'avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2017, l'acte de certification des comptes de l'État de 2017 et le rapport sur le budget de l'État en 2017.

J'ai à mes côtés Raoul Briet, qui préside la première chambre de la Cour, et Roch-Olivier Maistre, notre nouveau président de chambre et rapporteur général, ainsi que Christian Charpy et Emmanuel Belluteau, présidents de sections en charge respectivement du rapport sur le budget de l'État et de l'acte de certification des comptes de l'État. François Monier représente le Haut Conseil des finances publiques, dont il est le rapporteur général. Paul Bérard et Cécile Fontaine ont également travaillé sur ces rapports.

Les constats du rapport sur le budget de l'État sont illustrés et complétés par un peu plus de 3 000 pages d'analyses approfondies, qui rassemblent 61 notes portant sur chacune des grandes politiques publiques, trois analyses de l'exécution des recettes, fiscales et non fiscales, et des dépenses fiscales, et deux analyses des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Nous mettons également à votre disposition, dans un format aisément réutilisable, des jeux de données quantitatives étayant nos observations. L'ensemble de ces documents a vocation à vous être le plus utiles possible pour la suite de la procédure budgétaire et du contrôle que vous faites sur l'exécution du budget de l'État.

Je souligne la différence de champ entre les trois documents que je vous présente aujourd'hui : l'avis du Haut Conseil porte sur l'ensemble des finances publiques, toutes administrations publiques (APU) confondues - État, collectivités territoriales et sécurité sociale - alors que les deux rapports de la Cour concernent la situation et les comptes uniquement de l'État. Dans un mois environ, je vous présenterai le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques dans leur globalité.

Je m'exprimerai d'abord en tant que président du Haut Conseil des finances publiques. L'avis présenté aujourd'hui est rendu en application de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Conformément à la volonté du législateur organique, le Haut Conseil doit comparer l'exécution constatée en 2017 avec la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ; le solde structurel est, par opposition au solde nominal, le solde des administrations publiques corrigé des effets liés à la conjoncture économique, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

L'avis émet deux constats principaux. Premier constat, après s'être élevé à 3,4 points de PIB en 2016, le déficit public nominal s'est finalement établi à 2,6 points de PIB en 2017, et ce alors même que la loi de programmation avait prévu qu'il serait de 2,9 points de PIB. Le Haut Conseil constate que l'écart de 0,3 point par rapport à la prévision porte intégralement sur la composante conjoncturelle du déficit. Il s'explique par la révision à la hausse de la croissance du PIB en 2017 : la croissance retenue pour les prévisions de la loi de programmation était de 1,7 %, et la croissance effective s'est finalement élevée à 2,2 %.

Le deuxième message porte sur le déficit structurel de l'année 2017. Selon les dernières estimations, le déficit structurel de 2017 est conforme à ce que prévoyait la loi de programmation, en recul de 0,3 point de PIB par rapport à l'année précédente. L'effort structurel, qui mesure la part de cette amélioration résultant de l'action des pouvoirs publics, est légèrement négatif. La réduction du déficit structurel provient donc du niveau particulièrement élevé de l'élasticité des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire du rapport entre la croissance de ces prélèvements et la croissance du PIB, et non d'ajustements structurels comme des mesures de maîtrise des dépenses.

En définitive, le passage du déficit public sous le seuil de 3 points de PIB, qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif, a été obtenu sans effort budgétaire structurel de la part des pouvoirs publics. Le non-respect de la trajectoire de diminution des dépenses ne pourra pas toujours être compensé par de bonnes surprises en matière de recettes, que ces bonnes surprises soient directement liées à la conjoncture ou à une forte élasticité des recettes au PIB. Le respect de la trajectoire des finances publiques adoptée par les pouvoirs publics passera nécessairement par la mise en oeuvre des efforts annoncés dans la loi de programmation, en particulier en matière de dépenses publiques.

La Cour des comptes a produit des conclusions sur l'exécution du budget de l'État. Dans l'audit des finances publiques réalisé à la demande du Premier ministre et rendu public en juin 2017, la Cour avait identifié les risques qui pesaient sur le respect des objectifs de finances publiques définis par le précédent Gouvernement, tant dans la loi de finances pour 2017 que dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne. Ces risques portaient principalement sur le budget de l'État.

Au regard des prévisions macroéconomiques disponibles à l'époque et de l'évolution prévisible des dépenses de l'État, cet exercice a fait apparaître la nécessité d'effectuer un effort de correction de la trajectoire à hauteur de 8 à 9 milliards d'euros, pour respecter l'objectif de déficit public pour 2017, établi à 2,8 points de PIB au moment du programme de stabilité d'avril 2017, après l'avoir été à 2,7 points au moment de la loi de finances initiale (LFI), à un niveau de croissance donné. À la suite de cet audit, le Gouvernement s'est attaché à mettre en oeuvre des mesures de redressement, par une « reprogrammation » très large des crédits budgétaires. En définitive, le déficit de 2017 s'est établi à 2,6 points de PIB. Il s'agit certes d'un chiffre proche de ce qui avait été annoncé, mais qui recouvre une réalité très différente de ce qui avait été présenté à l'époque, notamment lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2017.

Les constats du rapport que nous rendons public aujourd'hui et qui portent sur le seul budget de l'État permettent d'affirmer, dès à présent et sans ambiguïté, que les risques identifiés dans l'audit de juin 2017 sur les dépenses et les recettes non fiscales se sont vérifiés, et donc que la Cour ne s'est pas trompée.

Conformément à sa mission et comme elle l'avait déjà fait à de nombreuses reprises par le passé dans ses rapports sur le budget de l'État, la Cour a signalé en 2017 un risque lourd de dérapage des dépenses par rapport à des prévisions manifestement sous-évaluées dans la loi de finances initiale - ces sous-budgétisations constituant autant d'éléments d'insincérité affectant le texte financier. Ces risques se sont, malheureusement, intégralement matérialisés. Ils ont rendu nécessaires des mesures d'économie et de redéploiement. En dépit de ces mesures, le Gouvernement a dû procéder à des ouvertures nettes de crédits supplémentaires. La Cour a pointé une surévaluation des recettes non fiscales et des recettes de la lutte contre la fraude fiscale. Et celle-ci s'est aussi intégralement vérifiée.

En réalité, et ce que pointe également le Haut Conseil, la baisse du déficit résulte d'une hausse globale des recettes, elle-même due à une forte augmentation des recettes fiscales, supérieure à la forte progression des dépenses.

L'estimation des recettes fiscales sur laquelle s'est fondée la Cour en juin 2017 reposait sur les prévisions de croissance établies à cette date, de façon consensuelle, par les instituts de conjoncture, autour de 1,5 %. Si ces recettes ont fortement augmenté, c'est parce que la croissance effectivement constatée pour 2017 s'est élevée à 2,2 %, alors que le projet de loi de finances pour 2017 était construit sur une hypothèse de croissance de 1,5 %. C'est exclusivement sur ce point que porte l'écart entre les prévisions formulées par la Cour dans son audit et les évolutions effectivement constatées.

La Cour fait cinq constats sur l'exécution du budget de l'État en 2017. Tout d'abord, le déficit du budget de l'État - à ne pas confondre avec le déficit public, qui correspond au solde global des administrations publiques - ne s'est que très faiblement réduit et demeure élevé. Le déficit constaté en comptabilité budgétaire s'est établi à 67,7 milliards d'euros en 2017, à un niveau certes inférieur de 1,7 milliard d'euros à celui qui avait été prévu en loi de finances initiale, mais qui ne représente qu'une baisse limitée de 1,4 milliard d'euros par rapport au solde constaté en 2016. Toutefois, ce déficit ne tient pas compte d'une recette de 1,5 milliard d'euros de droits d'enregistrement qui n'a pas pu être comptabilisée. En l'état, le déficit ne s'est pas significativement réduit, et ce pour la troisième année consécutive. Surtout, il reste à un niveau élevé.

En témoignent deux ordres de grandeur à garder à l'esprit : d'une part, ce déficit représente plus de 20 % des dépenses nettes du budget général ; d'autre part, il est supérieur de près de 22 milliards d'euros au niveau qui permettrait de stabiliser la dette dans le PIB - l'écart serait de 20,3 milliards d'euros en intégrant la recette non comptabilisée. Le déficit budgétaire demeure donc trop élevé de 22 milliards d'euros pour stopper la détérioration de la situation financière de l'État. Le poids de la dette de l'État dans la richesse nationale est ainsi passé de 72,7 % du PIB en 2016 à 73,6 % en 2017. À la fin de l'année 2017, cette dette représentait 80 % de la dette de l'ensemble des administrations publiques.

Cette évolution place la France en décalage par rapport aux grands pays de la zone euro : plusieurs d'entre eux ont commencé à réduire le poids de leur dette publique dans le PIB, comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Espagne. J'insiste : la plus grande vigilance reste de mise, au regard du risque de remontée des taux d'intérêts.

Alors qu'elle baissait continûment depuis 2012, la charge de la dette de l'État français a légèrement augmenté en 2017, s'établissant à 41,7 milliards d'euros, contre 41,4 milliards d'euros en 2016. Cette charge s'est avérée très légèrement supérieure aux prévisions initiales, alors que l'on constatait l'inverse depuis plusieurs années. La poursuite de cette hausse aurait un lourd impact sur le solde budgétaire de l'État : un accroissement d'un point sur la courbe des taux entraînerait, selon le ministère des finances, une augmentation de la charge de la dette de 2,1 milliards d'euros la première année, 4,8 milliards d'euros la deuxième année et 19,1 milliards d'euros au bout de dix ans.

La faible évolution du déficit budgétaire masque de forts écarts tant sur le niveau des recettes, portées par l'accélération de l'activité, que sur celui des dépenses, en très forte hausse aussi bien dans la loi de finances initiale qu'en exécution. C'est l'objet des deux constats suivants du rapport.

La Cour observe que la hausse des recettes est due, d'une part, à l'accélération de l'activité et, d'autre part, au niveau conjoncturellement faible des prélèvements sur recettes destinés à l'Union européenne. En 2017, les recettes de l'État se sont établies à 249,3 milliards d'euros, en hausse de 14,4 milliards d'euros par rapport à 2016 et de 5,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Cette forte augmentation est largement due au dynamisme des recettes fiscales observé essentiellement en fin d'année, lui-même dû à l'accélération de l'activité économique. L'élasticité des impôts d'État s'est ainsi établie à 1,8 en 2017, soit un niveau nettement supérieur à sa valeur de long terme, qui est généralement de 1. L'élasticité des prélèvements obligatoires, toutes administrations publiques confondues, est de 1,4 - j'y reviendrai en juin.

Tous les grands impôts ont vu leur produit augmenter, en particulier la TVA, qui a augmenté de 3,2 milliards d'euros par rapport à la LFI. L'impôt sur les sociétés (IS) a augmenté de 6,6 milliards d'euros, dont 4,9 milliards d'euros résultent de la surtaxe d'IS décidée en fin d'année pour compenser l'invalidation de la taxe de 3 % sur les dividendes.

En revanche, et conformément aux prévisions de la Cour, plusieurs postes de recettes avaient été surestimés dans les prévisions : il s'agit des recettes du service de traitement des déclarations rectificatives - qui s'élèvent à 47,1 milliards d'euros contre 2,1 milliards d'euros en LFI sur le périmètre État - et des recettes non fiscales - de 3,8 milliards d'euros contre 14,5 milliards d'euros en LFI.

Par ailleurs, le prélèvement sur recettes destiné à l'Union européenne a atteint 16,4 milliards d'euros en 2017, soit son plus faible niveau depuis 2005. Il était de 19 milliards d'euros l'année précédente. Cette baisse, qui résulte principalement de retards dans la consommation des crédits européens, est temporaire. Un rattrapage important a d'ailleurs été prévu par la loi de programmation entre 2018 et 2022.

Au-delà de ces évolutions globales, je voudrais attirer votre attention sur trois caractéristiques des recettes de l'État. Celles-ci se trouvent d'abord fragilisées par des contentieux fiscaux de série, liés à la fois au développement du droit communautaire dans le champ fiscal et au contrôle de constitutionnalité a posteriori . Les provisions pour ces contentieux de série, qui traduisent ce risque dans le compte général de l'État, s'établissent ainsi à 10,5 milliards d'euros en 2017. Ces contentieux fragilisent de manière durable les recettes fiscales et rendent nécessaire un effort de sécurisation de la norme fiscale. Dans le cadre des rapports que vous nous avez commandés, nous devrions vous adresser un rapport sur les refus d'apurement communautaires.

Deuxième remarque, les pouvoirs publics semblent avoir renoncé aux efforts de maîtrise des dépenses fiscales. Celles-ci ont atteint 93 milliards d'euros en 2017, en progression globale de 5,4 milliards d'euros par rapport à 2016, et de 1,9 milliard d'euros, hors crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Cette croissance traduit l'inefficacité des dispositifs de plafonnement et d'évaluation, dont l'ambition se réduit d'ailleurs à chaque loi de programmation. Le plafond prévu par celle de 2018-2022 est ainsi placé près de 20 milliards d'euros au-dessus du niveau actuel des dépenses fiscales, ce qui le rend par avance inopérant. La Cour, qui avait souligné dans de nombreux rapports le coût, l'inefficacité et le défaut de pilotage d'un certain nombre de dépenses fiscales, ne peut que regretter ce renoncement.

Enfin, malgré des progrès récents, les méthodes utilisées par le ministère des finances pour prévoir les recettes peuvent encore gagner en transparence. Le rapport formule plusieurs recommandations, préconisant par exemple la publication annuelle, dans les annexes du projet de loi de finances, des modèles de prévision utilisés par l'administration.

Les dépenses de l'État ont également connu une progression rapide. Cela traduit à la fois les choix opérés en loi de finances initiale pour 2017 - mais pas seulement - et la nécessité ultérieure de couvrir les risques relevés par la Cour dans son audit. C'est le troisième message de la Cour.

L'audit de juin 2017 avait mis en évidence des risques de dérapage des dépenses effectives par rapport aux dépenses prévues en soulignant les sous-budgétisations manifestes qui caractérisaient la LFI. Nous l'avons souligné de longue date, ces sous-budgétisations constituaient autant de biais de construction affectant la sincérité du texte - j'ai rappelé devant la commission des finances de l'Assemblée nationale les propos de mes prédécesseurs, Pierre Joxe et Philippe Seguin...

Au-delà des sous-évaluations, la Cour avait constaté l'importance des reports de charges de l'année précédente et divers aléas de gestion identifiables, qui étaient également susceptibles d'augmenter les dépenses réelles. L'impact combiné de ces éléments était évalué à l'intérieur d'une fourchette allant de 4,6 milliards d'euros à 6,6 milliards d'euros. En définitive, le dérapage constaté s'élève à 6,4 milliards d'euros, dont 4,4 milliards d'euros pour les sous-budgétisations : le risque identifié s'est malheureusement matérialisé. Pour couvrir les écarts repérés par la Cour, une vaste opération de reprogrammation des crédits a eu lieu. Le Gouvernement a procédé à des économies, via des annulations et des redéploiements massifs, mais une ouverture nette de crédits de 3,1 milliards d'euros a été nécessaire. Cela explique pour partie l'augmentation sensible des dépenses du budget général. L'autre partie correspond à la situation de départ de 2017, caractérisée par une hausse des crédits ouverts en loi de finances initiale de 5,9 milliards d'euros par rapport aux montants exécutés en 2016.

Globalement, les budgets des ministères, hors charge de la dette et pensions, ont connu une hausse inédite depuis 2007 de 10,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,8 %. En neutralisant les effets de certains contournements de la charte de budgétisation - en annexe du rapport - qui ont sorti certaines dépenses du budget général, la Cour évalue la hausse réelle de ces dépenses à 13,6 milliards d'euros, soit 6,2 %, à périmètre constant.

L'observation des dépenses selon leur nature fait apparaître une augmentation importante des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'intervention. Les dépenses de personnel, hors pensions, augmentent de 4 %, soit plus qu'au cours des six dernières années cumulées, en raison de l'accroissement des recrutements prévu dans la LFI et de l'impact des mesures générales et catégorielles, prises notamment dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ». Les dépenses de fonctionnement augmentent, quant à elles, de 4,7 % à périmètre constant - hors recapitalisation d'Areva.

En revanche, les dépenses d'investissement sont stables par rapport à 2016 mais en baisse de 7,1 % par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2017. Au-delà de ces données synthétiques, les notes d'exécution budgétaires (NEB) annexées au rapport vous permettront de disposer d'une vision très précise de l'évolution des dépenses de chacune des missions du budget de l'État. À titre d'exemple, vous trouverez dans la NEB « Travail et emploi » les implications budgétaires des réformes récentes portant sur des dispositifs comme les contrats aidés, la prime à l'embauche ou le contrat de génération. La NEB « Sécurité » observe les modalités du déploiement des plans de lutte contre le terrorisme (PLAT) et du pacte de sécurité (PDS), qui avaient été initiés en 2015, ainsi que du plan de sécurité publique (PSP) annoncé fin 2016. Les NEB « Égalité des territoires et logement » et « Solidarité, insertion, égalité des chances » vous permettront respectivement de faire le bilan des mesures d'économies décidées en matière d'aides personnalisées au logement et de constater les sous-budgétisations importantes de la prime d'activité ou de l'allocation aux adultes handicapés.

La matière préparée à votre intention est très riche ; la Cour se tient à votre disposition pour vous permettre de l'exploiter le mieux possible.

Nous souhaitons attirer votre attention sur deux points particuliers concernant les dépenses. Un effort a été effectué en 2017 pour apurer des dettes qui avaient été constituées fin 2016. Dès lors, les crédits reportés sur 2018 ont été réduits des deux-tiers, ce qui allège les tensions budgétaires de court terme ; le niveau des reports de charges a aussi dégonflé de 600 millions d'euros, ce qui va dans le bon sens.

Deuxième point d'attention, le budget exécuté diffère très significativement du budget voté sur certaines missions. Au-delà de l'évolution globale des dépenses, la répartition des crédits entre les différentes missions du budget général a été significativement modifiée, traduisant des priorités différentes entre la budgétisation initiale des crédits et leur exécution.

Certaines missions ont ainsi vu leurs crédits consommés largement en hausse par rapport aux crédits prévus en LFI, hors crédits de personnel, et notamment celles pour lesquelles les sous-budgétisations et les aléas ont été les plus importants : la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » a connu une augmentation de 50 %, la mission « Immigration, asile et intégration » une hausse de 29 %.

En revanche, les crédits de certaines missions ont baissé, comme la mission « Écologie, développement et mobilité durables », qui a diminué de 2,9 %, mais aussi les missions « Sécurités », « Aide publique au développement » et « Justice », dont les crédits ont baissé respectivement de 4,7 %, 4,5 % et 4,1 %.

Ce constat d'un écart important entre le budget voté et le budget exécuté ne peut manquer d'interroger sur la portée du vote de la loi de finances initiale par le Parlement. Il souligne aussi l'importance de la loi de règlement, dont l'examen offre l'opportunité pour le Parlement de renforcer ses ambitions en matière de contrôle des résultats des politiques publiques.

Après ces observations générales sur le solde, les recettes et les dépenses de l'État, je voudrais vous faire part rapidement de deux observations spécifiques sur le budget de l'État. L'une porte sur le respect des grands principes budgétaires, l'autre sur la pratique de la mise en réserve de crédits.

L'année 2017 a vu la persistance d'un certain nombre de dispositifs ou de pratiques de gestion qui s'éloignent des grands principes budgétaires. Leur accumulation limite la capacité du Parlement à appréhender l'action de l'État d'une façon globale et claire.

À titre d'exemple, les programmes d'investissement d'avenir obéissent, en dépit de progrès récents, à des modalités de gestion dérogatoires, qui méconnaissent les principes d'universalité, d'annualité, de spécialité et de sincérité.

Autre contournement des principes budgétaires : l'utilisation des fonds sans personnalité juridique, véhicules financiers contrôlés par l'État ou d'autres personnes publiques et dont la gestion est confiée à des tiers. Il s'agit par exemple du fonds d'aide à l'innovation, de l'enveloppe spéciale de transition énergétique ou encore des fonds de garantie gérés par BPI France.

Placés en dehors du budget de l'État, les montants qui leur sont affectés s'affranchissent largement des principes budgétaires et sont soustraits pour tout ou partie à l'examen du Parlement. Une remise en ordre est indispensable et urgente : par-delà l'amélioration de leur pilotage, elle passe par un choix clair entre, selon les cas, une intégration au budget de l'État, ou une véritable délégation à des opérateurs.

De surcroît - et il s'agit d'un constat réitéré - la Cour souligne la faiblesse effective du pilotage par la performance, dont le principe et les modalités avaient été prévus par la LOLF il y a 17 ans.

Cette faiblesse, illustrée dans notre rapport par des exemples précis, résulte à la fois des limites structurelles inhérentes au principe des indicateurs de performance et de leur exploitation insuffisante pour l'information des citoyens et des parlementaires comme pour la programmation et l'exécution budgétaires.

Pour autant, les indicateurs de performance sont nécessaires et utiles pour généraliser la culture de l'évaluation, indispensable à l'amélioration effective de la gestion publique. Les efforts conduits pour expliciter clairement les objectifs des politiques financées par les programmes, améliorer les indicateurs et mieux les intégrer au suivi de la gestion doivent donc être poursuivis sans relâche.

Enfin, il ressort de nos analyses que la pratique de la mise en réserve de crédits a été détournée de son objectif initial. Ce sera mon dernier message sur le budget de l'État. La loi organique de 2001 a encadré la pratique d'une mise en réserve annuelle de crédits pour permettre des redéploiements en cours d'année et couvrir ainsi les inévitables aléas de gestion. Cette mise en réserve a pris la forme de taux de gel sur les dépenses de personnel et sur les autres dépenses, appliqués à l'ensemble des missions budgétaires. Les besoins de redéploiement en cours d'année ayant cru en proportion de l'ampleur des sous-budgétisations et des reports de charges, le taux de gel initial hors crédits de personnel a atteint 8 % depuis 2015.

Toutefois, il est apparu que la réserve initiale constituée était partiellement virtuelle, dans la mesure où elle était appliquée pour une large part à des dépenses inéluctables. La pratique de gels supplémentaires sur des postes plus ciblés, dénommés surgels, s'est donc développée massivement depuis 2015, si bien que la mise en réserve totale a dépassé 15 milliards d'euros en 2016 et 2017 - plus de 14 milliards d'euros hors dépenses de personnel - soit plus de 10 % des crédits totaux. Si les surgels ont permis d'augmenter les annulations infra-annuelles de crédits, ils n'ont pas pour autant évité de fortes ouvertures nettes de crédits en 2017. Ils ont eu par ailleurs pour effet de concentrer la pression sur certains programmes, notamment les plus petits ou d'autres pourtant affichés initialement comme prioritaires.

En définitive, la Cour relève que la pratique de la mise en réserve de crédits a été détournée de son objectif initial de couverture des aléas de gestion et a été utilisée essentiellement pour remédier aux sous-budgétisations croissantes.

Compte tenu de son ampleur, ce mode de régulation diminue la portée de l'autorisation parlementaire en matière budgétaire, en limitant la pertinence de la justification au premier euro et en altérant la qualité de l'information disponible. Elle réduit en outre les marges de manoeuvre et la visibilité des gestionnaires, ce qui ne peut que conduire à les déresponsabiliser.

Nous estimons aujourd'hui nécessaire de revenir durablement à une mise en réserve d'un niveau modéré, visant à couvrir les seuls aléas de gestion. Cela suppose une budgétisation initiale plus sincère. Je relève que le budget 2018 s'est inscrit dans cette perspective, avec une réserve initiale fixée à 3 %, hors dépenses de personnel.

Avant de conclure mon propos, je souhaite dire un mot des principaux constats de l'acte de certification des comptes de l'État pour l'exercice 2017, qui vient utilement compléter, sous l'angle de la comptabilité générale, ceux que nous formulons sur le plan budgétaire.

Je vous rappelle pour commencer les trois chiffres-clés du bilan de l'État au 31 décembre 2017 : le passif total est de 2 178 milliards d'euros ; le total des actifs atteint 979 milliards d'euros ; les engagements hors bilan de l'État s'élèvent à 4 166 milliards d'euros, dont la moitié correspond aux retraites.

La situation nette, fortement négative, s'établit à moins 1 260 milliards d'euros fin 2017. Cela correspond à quatre années de produits fiscaux, contre seulement deux fin 2006 ! La perte de l'exercice s'élève à 61 milliards d'euros, contre 78 milliards d'euros en 2016.

Deuxième point : la Cour certifie que, au regard des règles et principes comptables qui lui sont applicables, le compte général de l'État de l'exercice 2017 est régulier et sincère, et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'État, sous quatre réserves substantielles.

En effet, si les progrès réalisés permettent de lever cette année quinze parties de réserve formulées sur les comptes de l'État de 2016, les quatre réserves substantielles énoncées l'an dernier demeurent. Elles portent d'abord sur les limites générales auxquelles est confrontée la Cour dans l'étendue de ses vérifications, qui concernent le système d'information financière et les insuffisances du dispositif de maîtrise des risques, c'est-à-dire le contrôle interne. Les réserves portent aussi sur les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles, sur les anomalies relatives aux immobilisations financières et sur les anomalies relatives aux charges et aux produits régaliens.

Troisième point : les états financiers que la Cour certifie montrent bien le contexte dans lequel sont gérées les finances publiques et dans lequel, en particulier, est préparé le budget de l'État.

Le passif de l'État représente plus du double de son actif, c'est-à-dire que ce qu'il doit et qui donnera lieu à des décaissements au cours des années qui viennent - ses dettes, ses engagements multiples, les provisions qu'il a constituées - représente deux fois ce qu'il possède - son patrimoine, sa trésorerie. Encore ces chiffres ne comprennent-ils pas les engagements hors bilan. À ce sujet, je saisis cette occasion pour vous confirmer que la Cour vous remettra tout début 2019 le rapport demandé par votre commission sur la dette des entités publiques.

Enfin, quatrième et dernier point mis en valeur par l'acte de certification : la dynamique d'amélioration de la fiabilité des comptes de l'État ralentit. L'acte de certification, de même que le rapport que nous publions également cette année sur la qualité des comptes des entités soumises à la certification par un commissaire aux comptes, en application de l'article L. 132-2-2 du code des juridictions financières, montrent que la fiabilité des comptes s'est améliorée. Cependant, les progrès significatifs réalisés depuis 2006 ont surtout été obtenus dans les premières années qui ont suivi l'entrée en vigueur du volet comptable de la LOLF : je rappelle que, sur les quatorze réserves levées par la Cour en douze ans, une seule l'a été au cours des cinq derniers exercices. Je puis concevoir que le noyau dur soit le plus difficile à réduire, mais de nouvelles avancées significatives concernant la fiabilité des comptes de l'État sont possibles, et la Cour formule à cet égard des recommandations précises.

J'achèverai mon propos en rappelant que l'amélioration constatée du solde budgétaire de l'État s'avère en réalité peu significative, qu'elle ne permet toujours pas de stabiliser la situation financière et qu'elle n'est due qu'à une accélération forte de l'activité économique, dont rien n'assure qu'elle soit durable. La dette de l'État a donc continué à s'accroître, majorant les risques financiers associés à une éventuelle hausse des taux d'intérêt.

Après une année 2017 de très forte croissance des dépenses des ministères, les perspectives de redressement des finances de l'État pour les années à venir dépendront de sa capacité réelle à maîtriser ses dépenses et à respecter ainsi les engagements de la loi de programmation des finances publiques.

L'amélioration mécanique et sans effort qui a caractérisé le budget de l'État en 2017 ne pourra pas, selon nous, se poursuivre indéfiniment.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour ce tableau, qui peut paraître sévère, mais qui est étayé par votre comptabilité. La loi de règlement porte exclusivement sur l'exécution du budget de l'État, alors que nos engagements européens portent sur l'ensemble des administrations publiques. Il serait peut-être opportun, dès lors, que le Parlement soit saisi d'une loi d'exécution des comptes publics, qui permettrait de disposer d'une vision consolidée de l'exécution de nos finances publiques, tenant compte des nombreux transferts de charges entre l'État, les administrations de Sécurité sociale et les collectivités locales. Cela constituerait un élément de modernisation de notre procédure budgétaire.

Dans son rapport sur le budget de l'État en 2017, la Cour des comptes a notablement renforcé par rapport à 2016 sa recommandation relative aux prévisions de recettes fiscales, en demandant en particulier que soit publié le modèle de prévision et en détaillant les données fiscales qui devraient être rendues publiques. J'ai moi-même défendu à l'automne dernier un amendement demandant la publication du code source de l'impôt, et nous avons tenu la semaine dernière une audition conjointe sur l'ouverture des données et des algorithmes en matière fiscale. Nous partageons donc un constat : nous manquons de données et de modèles pour pouvoir pleinement expertiser les prévisions de recettes fiscales. De quels outils dispose aujourd'hui la Cour des comptes pour expertiser les prévisions de recettes fiscales de l'État et les évaluations des réformes proposées ?

La certification des comptes de l'État fait apparaître, une fois de plus, des résultats globalement satisfaisants en 2017 : la Cour des comptes est en mesure de lever des parties de chacune des quatre réserves formulées sur les comptes de 2016. De même, dans votre avis sur la qualité des comptes des administrations publiques, vous notez que des efforts sensibles ont été entrepris pour améliorer la fiabilité des comptes des différentes catégories d'organismes publics. En revanche, vous soulignez que le périmètre de la certification obligatoire est encore incomplet, et que certains organismes à forts enjeux financiers ne font pas l'objet d'une certification. Pensez-vous qu'une extension du périmètre de la certification, par l'adoption d'une disposition législative la rendant en quelque sorte obligatoire, soit nécessaire ?

M. Didier Migaud . - Nous partageons vos observations. Difficile d'imaginer une loi de règlement sur l'ensemble des administrations publiques, faute d'une loi de financement des collectivités territoriales. L'article préliminaire comporte un rappel toutes administrations publiques confondues et l'avis du Haut Conseil concerne ce même périmètre. Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, dont vous disposerez fin juin, avant le débat d'orientation budgétaire prend aussi en compte ce périmètre. Il englobe pour partie l'année 2018 et se projette aussi sur les années qui correspondent au programme de stabilité et souvent, dans ce rapport, nous situons l'année 2018 par rapport aux années précédentes et la France par rapport aux pays comparables, notamment dans l'Union européenne. C'est toujours un exercice un peu frustrant que de vous présenter le rapport sur l'exécution du budget de l'État !

Nous partageons votre préoccupation sur les prévisions de recettes. Nous formulons dans notre rapport certaines recommandations. Il y a eu des progrès incontestables, notamment en matière de sincérité sur les hypothèses macro-économiques - ce qui est peut-être dû à l'existence du Haut Conseil des finances publiques ! Mais il y a encore des marges de progrès, à la fois dans la transparence et dans la compréhension de la construction des hypothèses de recettes faites par Bercy : parfois, certaines évolutions des recettes restent inexpliquées.

Oui, le périmètre de la certification peut être élargi, à condition que ce soit de façon pertinente : il n'est pas forcément utile que toute entité publique, quel que soit le niveau de son budget, entre dans l'exercice de certification des comptes. Notre expérimentation sur la certification des comptes des collectivités territoriales montre qu'il ne semble pas obligatoire de généraliser ce type d'exercice. Mais certaines entités publiques qui n'y sont pas encore pourraient utilement rentrer dans le périmètre de certification des comptes de l'État, pour une meilleure sincérité des comptes.

M. Raoul Briet, président de Chambre . - L'article liminaire de la loi de règlement évoque aussi le solde toutes administrations publiques comprises, sans toutefois le décomposer, malgré des recommandations renouvelées de la Cour des comptes sur ce sujet, auxquelles le ministère des Finances continue résolument à s'opposer.

M. Didier Migaud . - Votre aide serait bienvenue !

M. Raoul Briet . - En ce qui concerne les prévisions de recettes, la France présente une certaine singularité. Dans de nombreux pays, on trouverait normal qu'il y ait davantage de transparence. Nous avons progressé, et nos recommandations identifient les points sur lequel la transparence devrait être améliorée, aussi bien sur les prévisions initiales que sur le retour, c'est-à-dire l'explication des écarts.

Le périmètre de la certification des comptes des administrations publiques résulte d'une sédimentation de textes, qui présente des incohérences. De tout petites entités publiques, avec de faibles enjeux, font l'objet d'une certification obligatoire, quand des organismes comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'agence des services de paiement (ASP) ou les agences de l'habitat ne sont pas soumises à certification. Il faudrait rationaliser ce champ, par des dispositions législatives ou réglementaires, ou simplement dans le règlement intérieur des établissements. Nous pourrions aussi réexaminer le bien-fondé de la certification obligatoire là où les enjeux comptables ne la justifient pas.

M. Vincent Delahaye . - Merci pour la qualité du travail qui nous est remis, qui, chaque année, est une vraie mine. Je partage votre analyse du résultat, mais je suis un peu surpris que vous ne mentionniez pas le prélèvement sur recettes pour les collectivités locales, alors que vous parlez de celui relatif à l'Union européenne, pour un montant de 2,3 milliards d'euros. Avec les 2,7 milliards d'euros repris aux collectivités, cela fait un total de 5 milliards d'euros. Pourtant, le déficit ne s'améliore que d'1,5 milliard d'euros. Il ne faut pas oublier les efforts faits par les collectivités locales !

J'ai étudié cette année la différence entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité générale. Disposez-vous d'un tableau détaillé de rapprochement de la comptabilité nationale et la comptabilité générale ? Une des clefs de passage fait apparaître une différence d'environ 15 milliards d'euros au niveau de l'actif immobilisé et des stocks. Vous expliquez 6,2 milliards d'euros par l'évolution de la valorisation de l'actif de certaines entités contrôlées par l'État - pourquoi pas, si c'est justifié. Pour le reste, on ne comprend pas. Pouvez-vous nous expliquer ? En page 17 de votre rapport, vous parlez des provisions pour litiges liés à l'impôt et des provisions pour charges. Ces provisions diminuent de 3 à 4 milliards d'euros d'une année sur l'autre. Cela signifie qu'on a fait des reprises de provisions, ce qui améliore le résultat. Ces reprises de provisions sont-elles justifiées ? Impactent-elles uniquement la comptabilité générale ou également la comptabilité budgétaire ?

À la page 26, vous attirez notre attention, à juste titre, sur les entorses récurrentes aux grands principes budgétaires qui ont été relevées. C'est très intéressant, mais il n'y a aucun chiffre. Je me suis intéressé aux fonds sans personnalité juridique, sans trop comprendre ce que cet intitulé recouvre. Quels sont les montants concernés ? Ces entorses récurrentes devraient faire l'objet de réserves par rapport à la certification des comptes, à moins que vous ne jugiez les montants non significatifs.

Les restes à payer augmentent cette année de 12 milliards d'euros, à 120 milliards. Quel impact sur le déficit ? Vous signalez que les charges à payer ont baissé de 600 millions d'euros, mais sans dire que l'année dernière elles avaient atteint un sommet historique de 15 milliards d'euros, suite aux reports de charges faits par le précédent gouvernement - ce qui s'appelle de la cavalerie quand on est dans le privé !

M. Claude Raynal . - Le mot est fort...

M. Vincent Delahaye . - Il faut appeler les choses par leur nom. Le niveau de charges à payer reste extrêmement élevé, à plus de 14,4 milliards d'euros. Outre la certification des comptes de l'État, je voulais vous signaler que, dans la certification des comptes du Sénat, vous faites une remarque que je ne comprends pas : vous attirez l'attention sur la page de l'annexe qui concerne les retraites des sénateurs et du personnel du Sénat, sans raison particulière. Quel est le fondement de cette remarque ? Je n'en ai jamais vu de telles.

Mme Christine Lavarde . - La participation des collectivités locales au redressement national prendra demain une forme nouvelle avec le dispositif de contractualisation. Vous avez évoqué la hausse des dépenses de personnel de l'État entre les exercices 2016 et 2017 à hauteur de 3,6 %. Si on ajoute ce qui relève du PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations) et ce qui résulte de mesures générales, comme la revalorisation du point d'indice, la masse salariale augmente considérablement. Pensez-vous que les collectivités locales, soumises à ces deux évolutions qui leur sont imposées, pourront limiter la hausse moyenne de leurs dépenses à 1,2 % comme le prévoit la loi de programmation des finances publiques ? Pour certaines collectivités, la hausse devra même être encore plus faible, puisqu'elle ne pourra être majorée qu'à 0,9 %, voire moins.

Vous nous avez fait part du dynamisme plus fort des recettes de l'État par rapport à celui des dépenses. La contractualisation interdit aux collectivités, quand bien même leurs recettes se révèleraient dynamiques, par exemple parce que leur population augmente, d'accroître leurs dépenses en conséquence, ou même moins.

M. Philippe Dallier . - Merci pour cette présentation très claire, qui clôt la séquence 2012-2017 et met ainsi un terme aux souffrances de notre collègue Claude Raynal, qui, pour la dernière fois, aura entendu des critiques relatives à la sincérité...

Entre 2011 et 2017, le solde budgétaire aura oscillé entre 65 et 85 milliards d'euros. Nous n'avons donc pas réussi, même après la crise, à inverser radicalement la courbe. L'année 2017 a été très particulière, comme nous l'avions dit lors du vote de la loi de finances initiale : sous-estimation, année électorale, cadeaux non financés... il a donc fallu redresser le tir au mois de juin. Votre audit était dans l'épure de ce qui s'est réellement passé.

Heureusement, les rentrées fiscales ont été meilleures que prévu, ce qui nous a permis de régler le problème de la taxe à 3 %... Mais si le dernier trimestre de 2017 a été meilleur que prévu, le premier trimestre de 2018 commence à nous inquiéter : 0,2 % de croissance, c'est moins que ce que nous espérions ; le taux de chômage a légèrement remonté... Cela montre au moins une chose, c'est que la prévision est difficile, tant cela change d'un trimestre sur l'autre. Le Gouvernement s'est-il montré suffisamment prudent ? Faudra-t-il corriger en 2018 - sans parler de 2019 ?

M. Roger Karoutchi . - Sous-estimation des dépenses, surestimation des recettes, dette encore très forte, déficit amoindri par des recettes exceptionnelles... Pour autant, la réalité n'est guère meilleure aujourd'hui : l'OCDE envisage que la croissance française soit en réalité de 1,9 % en 2018 et du même taux en 2019. Or pour ses 35 membres, elle prévoit une croissance de 4 % en 2018 et de 4,1 % en 2019, le double de la France. Notre compétitivité est menacée. N'est-il pas temps de tirer la sonnette d'alarme pour que les estimations soient rapidement revues et ainsi éviter les mauvaises surprises ?

Mme Fabienne Keller . - Il pourrait être envisageable de présenter en parallèle les comptes des collectivités et ceux des autres administrations publiques. La réflexion progresse sur leur certification, qui est souhaitée par beaucoup d'entre elles.

Ce n'est pas la première fois que nous entendons parler des difficultés rencontrées pour maîtriser les dépenses des ministères. Nous avons la chance que les recettes augmentent, mais nous sommes tous frappés par le fait que dès 2017, les dépenses de personnel ont plus augmenté qu'au cours des six précédents exercices ; comme il y a eu des annonces sur des augmentations d'effectifs dans différents ministères, peut-on craindre que cette tendance continue ?

Dernière question « hors sujet » : le Premier ministre a annoncé la reprise de la dette de la SNCF mais selon un mécanisme original, qui fait penser aux investissements d'avenir : le paiement des intérêts serait garanti mais sans transfert comptable de la dette elle-même... Pouvez-vous le commenter ?

M. Éric Bocquet . - La semaine dernière, nous avons entendu le discours optimiste de Gérald Darmanin sur l'exécution 2017 : « accélération de la croissance », « retour de la confiance des acteurs économiques », « l'indice de confiance des ménages a progressé de 5 points depuis l'élection présidentielle », « le climat des affaires atteint un niveau jamais atteint depuis la crise de 2008 avec 12 points de plus que sa moyenne de long terme », « le dynamisme de la demande intérieure s'est appuyé sur la vigueur de l'investissement », « les exportations opèrent en 2017 un très net redressement » « importations dynamiques » « contribution positive à la croissance », « amélioration des finances publiques »... j'étais sorti de la séance plein d'optimisme, mais aujourd'hui, je suis refroidi ! Y aurait-il deux lectures de la situation : une politicienne et une comptable ?

Vous avez évoqué le service de traitement des déclarations rectificatives de Bercy qui a été clôturé fin 2017, qui n'a permis de récupérer qu'1,1 milliard d'euros sur les 2,2 milliards prévus, donc la moitié seulement . Avez-vous une explication ?

Le Gouvernement recherche des nouvelles sources d'économies, peut-être dans les dépenses sociales ? Avez-vous des pistes ?

Disposez-vous d'outils pour évaluer les éventuels effets sur l'économie française de la politique d'assouplissement quantitatif de la BCE ?

M. Claude Raynal . - Je me réjouis toujours de cette rencontre annuelle. Vous avez un caractère joueur, Monsieur le Premier président - ce qui peut surprendre - et même un tout petit peu provocateur. Vous adorez citer ici le mot d'insincérité, tout en sachant que vous soulèverez des interrogations.

Je trouve ce mot mal choisi. Nous avons déjà eu ce débat : je sais ce que vous me répondrez. Ce mot, dans l'acception du Conseil Constitutionnel et celle de la Cour des comptes, ne traduit pas la même chose. Le Conseil Constitutionnel établit une distinction entre l'erreur normale et l'erreur de mauvaise foi. Je n'accepte pas que vous qualifiiez le budget de 2017 d'insincère si vous entendez par là qu'il était de mauvaise foi.

Ce mot est apparu avec la LOLF. Il y a donc une continuité entre l'auteur de la LOLF et le premier Président. On peut partager l'idée que la mise en réserve de crédits est utilisée de façon excessive. Mais attention au mot d'insincérité, qui est mal compris dans la population. Chaque fois que vous l'utiliserez, chaque fois j'y reviendrai ; mais j'ai bien peur que ce soit la dernière...

Nous avons eu une divergence avec vous sur la croissance - c'est peu de le dire, vous aviez estimé qu'une croissance de 1,5 % en 2017 était inatteignable. Elle a été finalement de 2,2 %, soit 0,7 % de plus... une paille !

Vous avez donné une explication qui m'a déplu : vous avez dit que vous vous fiiez au consensus de l'époque. Mais ce que l'on attend du Haut-conseil, ce n'est pas de redire ce qu'on a lu dans les Échos le matin même. On attend une vision différente. Cela rend difficile l'analyse des recettes d'une année sur l'autre, puisque nous sommes passés du simple au double, de 1,1 % à 2,2 %.

Enfin nous constatons l'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB, mais est-il possible de l'estimer ? Que s'est-il passé pour que l'on constate un tel changement ? Comment le prévoir à l'avenir ?

M. Didier Rambaud . - Vous estimez qu'il n'est pas nécessaire de généraliser à l'ensemble des collectivités territoriales la certification des comptes, et effectivement, c'est techniquement impossible. À partir de quel seuil jugeriez-vous utile de certifier les comptes des collectivités ?

M. Didier Migaud . - Concernant les collectivités territoriales, je pourrai répondre à certaines questions à la fin juin puisque notre rapport concernera non seulement le budget de l'État, mais aussi celui des collectivités territoriales et de la sécurité sociale

Sur la certification, je ne suis pas en mesure de répondre à vos questions car nous sommes en cours d'instruction d'un rapport demandé par le Parlement. Lorsque nous avons eu des échanges avec le Parlement et le Gouvernement, un certain seuil nous apparaissait utile. C'est dans la discussion parlementaire que l'expérimentation a été rendue possible pour toutes les collectivités. Dans l'échantillon, il y a une petite collectivité de quelques centaines d'habitants et une autre de quelques milliers. Nous voyons les difficultés que nous rencontrons pour approfondir notre travail d'instruction. La certification est un exercice lourd qui pourrait être réservé à un certain niveau de collectivités.

Pourquoi ne faisons-nous pas, sur le prélèvement sur recettes au profit des collectivités, la même observation que celui que nous faisons sur celui au profit de l'Union européenne ? Parce qu'il n'y a presque pas d'écart par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale, alors que cet écart est important pour l'Union européenne : sur 19 milliards d'euros exécutés en 2016 et 19 milliards environ inscrits en loi de finance initiale, seuls 16,4 milliards ont été exécutés !

Nous aurons l'occasion de faire un point précis sur les concours financiers de l'État sur l'année 2017. Cette année-là, les transferts financiers de l'État en direction des collectivités territoriales ont assez peu reculé : moins 227 millions d'euros en 2017, contre moins 946 millions en 2016. Un certain nombre de facteurs expliquent cela : niveau de la DGF, produit de la fiscalité transférée par l'État qui a augmenté très sensiblement, et croissance assez soutenue de la fiscalité directe des collectivités. Nous constatons au demeurant depuis l'année dernière une contribution positive de celles-ci dans la réduction du déficit public, tout en voyant des marges de progrès en matière de maîtrise des dépenses de fonctionnement et de personnel.

Sur les entorses aux grands principes, je laisserais le président Briet vous répondre.

La disposition à laquelle vous faites référence, Monsieur Delahaye, dans le rapport sur la certification des comptes du Sénat, est classique en ce qui concerne des retraites : il s'agit d'appeler l'attention sur les engagements financiers à moyen et long terme sans dimension critique. C'est une pratique constante des commissaires aux comptes et nous faisons d'ailleurs la même remarque à l'Assemblée nationale.

Nous reviendrons au mois de juin sur les prévisions pour l'année 2018, les éléments confirmés par l'Insee ce matin et les conséquences à en tirer. Au Haut Conseil, nous avions considéré sur la base des données d'avril - qui ont certes changé - que les hypothèses de croissance apparaissaient raisonnables. Pour 2018, le risque ne nous semble pas très lourd. En revanche, pour 2019, il faudra voir. Il y a un débat entre économistes pour savoir si nous sommes au niveau maximal du niveau de croissance potentielle et si nous n'allons pas la voir se tasser. Les hypothèses d'une croissance en fin de programme de stabilité à 1,7 % ont été jugées optimistes par le Haut Conseil au regard des raisonnements des économistes. Certains pays comme l'Allemagne ou les États-Unis peuvent certes se trouver durablement au-dessus de leur croissance potentielle. Mais des aléas peuvent peser sur cette situation. Il faut encore attendre. Ce qui est rassurant, c'est qu'une partie de la croissance 2018 est déjà acquise.

Sur la dette de la SNCF, tant que nous ne connaissons pas précisément le dispositif, je ne peux pas vous répondre. Les différentes hypothèses sont dans la presse. Les conséquences seraient différentes, selon que SNCF soit considérée ou non comme une administration publique. Elle est un peu au-dessus du seuil de 50 % de couverture des dépenses courantes par les recettes d'activité. La situation n'est pas totalement dans la main du Gouvernement. Eurostat a son mot à dire... Pour le moment, le sujet n'est pas tranché. J'y reviendrai plus tard.

Il y a eu effectivement une surestimation des déclarations rectificatives. Nous avons rédigé un rapport sur ce sujet pour la commission des finances de l'Assemblée nationale. Le chiffre apparaissait... Comment le dire pour ne pas faire réagir le sénateur Claude Raynal ? Il ne reposait pas obligatoirement sur des données techniques et ne prenait pas en compte certains éléments qui étaient pourtant dans les dossiers... Bref, la recette était surestimée.

Des pistes de réduction de la dépense publique ? Nous ne fixons pas les objectifs, qui sont dans la main des pouvoirs publics. Nous disons ce qu'il est possible de faire au regard des contrôles que nous faisons. Il y a des marges de progrès en termes d'efficacité et d'efficience. Il y a un décalage très fort entre le niveau de dépenses publiques et les résultats de nos politiques publiques, et cela dans une certaine indifférence depuis quelques années... Nous pourrions faire mieux sans pour autant dépenser davantage ; il y a des effets d'aubaine, qu'il s'agisse de dépense budgétaires ou de dépenses fiscales.

Je ne sais pas si je suis joueur, mais j'exprime la position de la Cour de manière constante. Il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier entre la position du Conseil constitutionnel et celle de la Cour. Celle-ci ne dit pas que la loi de finances initiale pour 2017 était insincère. Ce n'est pas notre travail ; le Conseil constitutionnel, quant à lui, prend en compte l'intention de tromper et estime qu'il faut un certain niveau d'insincérité pour en tirer des conséquences. Mais il a toujours été dans les missions de la Cour, avant même la LOLF, de pointer les éléments d'insincérité.

D'aucuns ont tenté d'opposer la Cour d'aujourd'hui à celle d'hier, le Premier président d'aujourd'hui à celui d'hier. Or, si vous vous avez un tant soit peu de mémoire - et je sais que vous en avez - vous vous remémorerez les propos de Philippe Séguin ou de Pierre Joxe s'agissant de la sincérité budgétaire : ils étaient aussi clairs que ceux que nous avons tenus ! Les biais de construction affectent effectivement la sincérité d'une loi de finances. Lorsque des sous-budgétisations sont réalisées sciemment, c'est à dire en décalage évident avec la dépense de l'année précédente, il s'agit bien de biais de construction. Malgré la richesse du vocabulaire français, peu d'autres termes peuvent correspondre à la réalité que nous constatons. Certaines années, ces biais sont plus nombreux ; ce fut le cas de la loi de finances pour 2017, nous avons eu l'occasion de le déplorer. Vous auriez été en droit de dire que la Cour ne faisait pas son travail, si nous ne l'avions pas fait, mais tel n'est pas le cas.

Nous avons utilisé les termes improbable et incertain - je m'exprime en tant que président du Haut Conseil des finances publiques - et je l'assume. Le Haut Conseil est capable de s'écarter du consensus ; nous l'avons prouvé lors de la présentation, par le Gouvernement, du programme de stabilité : alors que le consensus des économistes portait sur une hypothèse de croissance à 1,3 % voire 1,4 %, nous avons considéré que le scénario à 1,5 % retenu par le précédent gouvernement était plausible. Il nous paraissait acceptable et nous avons en conséquence pris la responsabilité de nous écarter du consensus des économistes. Il se trouve que nous avons finalement atteint 2,2 % de croissance. Mais, alors que le budget pour l'année 2017 a été construit sur une hypothèse de croissance à 1,5 %, nous aurions dû atteindre 2,7 points de réduction du déficit public. Posez-vous la question : comment se fait-il qu'avec 2,2 % de croissance, nous ne soyons qu'à 2,6 points ? S'il n'y avait pas eu de biais de construction, la France se trouverait à 2,3 points de réduction de déficit. Cela confirme ce que nous avons constaté dans le cadre de notre audit et il ne me semble pas raisonnable d'y revenir. J'ai récemment lu quelques déclarations qualifiant les propos de l'audit d'excessifs et de caricaturaux. Ils correspondent pourtant à la stricte réalité, argumentée par les preuves que nous avons recueillies dans le cadre de l'instruction. Je ne m'explique donc pas cette polémique !

Je laisserai le président Briet vous apporter des éléments de réponse relatifs à l'élasticité et aux différences entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité générale : l'une est une comptabilité de caisse, l'autre d'engagement.

M. Raoul Briet . - Je remercie M. Delahaye de s'intéresser aux sujets comptables ô combien ingrats. Dans les premiers temps de la comptabilité générale, nous avons essayé de publier un tableau retraçant le passage de la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale. Nous y avons renoncé car sa visibilité et son intelligibilité sont apparues insuffisantes. La comptabilité budgétaire est, à l'origine, une comptabilité de caisse directement liée à la dette, tandis que la comptabilité générale est construite sur une identité de principe avec la comptabilité d'entreprise, à de très rares exceptions près, basée sur des charges et des produits. Toutefois, de nombreuses charges ne donnent pas lieu à décaissement et de nombreux produits n'entraînent pas d'encaissements. Les résultats obtenus par les deux comptabilités ne sont donc pas nécessairement compatibles. Par ailleurs, la comptabilité nationale, qui ne constitue pas un système comptable à proprement parler, utilise des données comptables pour présenter de manière homogène les comptes des acteurs économiques, dont les administrations publiques, à un niveau compatible avec Eurostat, c'est-à-dire en les rendant comparables. Trois types de comptabilité coexistent donc, ce qui rend complexe les comparaisons. Les experts de la Cour sont néanmoins à votre disposition pour répondre plus précisément à vos questions. Le bilan réalisé au Sénat en juin dernier sur la mise en oeuvre de la comptabilité générale de l'État depuis dix ans avait esquissé la possibilité d'un rapprochement entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité générale. De fait, les données de la loi de financement de la sécurité sociale sont construites dans des termes rigoureusement compatibles avec celles du compte général. La question mérite donc, à mon sens, d'être posée.

S'agissant des fonds sans personnalité juridique, nous avons employé cette expression, faute de mieux, pour qualifier un ensemble de fonds budgétaires sans personnalité morale - le fonds d'expérimentation pour la jeunesse, le fonds de cohésion sociale, le fonds national de gestion des risques agricoles - qui ont la caractéristique commune d'échapper aux règles générales de gestion des fonds publics en terme d'annualité et d'universalité. Cela pose un problème de transparence de la gestion publique et crée une forme de démantèlement budgétaire. Nous estimons nécessaire de choisir soit d'intégrer ces dispositifs au budget général, soit de les transférer à un opérateur. Outre son déficit évident en matière de transparence et de qualité, cet entre-deux porte un risque en termes d'appréciation budgétaire : lorsque des cagnottes sont créées dans des fonds, elles ne sont plus remises en cause dans les arbitrages budgétaires généraux.

Nous avons effectivement travaillé, à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) et avons pu constater que les chiffres techniques sur lesquels les gestionnaires du STDR s'appuyaient au printemps dernier n'avaient qu'un rapport lointain avec ceux inscrits en loi de finances. Notre rapport sur ce sujet, datant de février 2018, est public.

S'agissant de l'élasticité, il est important de préciser, que l'on parle de 1,4 ou de 1,9, qu'elle correspond à la somme agrégée et abstraite de l'élasticité de chaque impôt en fonction de son assiette. Certains, comme l'impôt sur les sociétés ou les droits de mutation à titre onéreux, ont une élasticité forte par rapport à la situation économique. D'autres sont davantage inertes. Affirmer que les choses sont simples serait mentir, dire que nous sommes parfaitement capables de tout prévoir correctement serait également mentir. L'essentiel réside dans la transparence des méthodes de calcul et des explications sur les écarts constatés.

M. Vincent Delahaye . - Je serais ravi de m'entretenir avec un expert de la Cour des comptes sur les différences entre comptabilité budgétaire et comptabilité générale. Vous certifiez la comptabilité générale, mais vous n'indiquez malheureusement pas dans votre rapport l'impossibilité de rapprocher comptabilité générale et comptabilité budgétaire. Je fus auditeur dans une vie antérieure et, dans le cadre d'une mission, j'ai essayé de rapprocher les comptabilités titres et espèces d'agents de change : c'était impossible, ce qui était anormal !

J'aimerais vous poser une dernière question relative aux charges à payer et aux restes à payer, dont je croyais initialement qu'ils concernaient uniquement les opérations d'investissement. En réalité, ils peuvent également porter sur le fonctionnement. J'ai compris que les charges à payer étaient inclues dans les 120 milliards d'euros de restes à payer à hauteur de 15 milliards d'euros. Certaines autorisations d'engagement, qui ne sont pas dépensées en fin d'année, demeurent dans les restes à payer. L'augmentation de 12 milliards d'euros enregistrée cette année aura-t-elle ou non un effet sur le déficit ?

M. Raoul Briet . - Les charges à payer sont un concept de comptabilité générale, alors que les restes à payer sont du ressort de la comptabilité budgétaire et correspondent à la différence entre autorisations d'engagement et crédits de paiement. Les charges à payer permettent d'apprécier à court terme, pour l'État, le niveau des paiements inéluctables dont les prestations correspondantes ont été réalisées. Elles avaient fortement progressé à la fin de l'année 2016, puis ont diminué l'année suivante de 600 à 700 millions d'euros. S'il est normal qu'il reste toujours des charges à payer sur l'exercice suivant, leur augmentation est préoccupante ; leur récente diminution représente donc une bonne chose. Ce recul s'explique notamment par le fait qu'une partie des crédits habituellement reportés ont été consommés. Les autorisations d'engagement correspondent, quant à elles, essentiellement à des investissements, soit davantage à un risque économique que budgétaire. Ce sont des indicateurs plus indirects de soutenabilité budgétaire à moyen terme et long terme, car il faudra un jour, sauf à y renoncer, ouvrir les crédits de paiement correspondants.

M. Vincent Éblé , président . - Je vous remercie pour les éclairages que vous nous avez apportés et pour cet échange d'un grand intérêt.

C. AUDITION DE MME MURIEL PÉNICAUD, MINISTRE DU TRAVAIL (19 JUIN 2018)

Réunie le mercredi 19 juin 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.

M. Vincent Éblé , président . -

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Après avoir entendu Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, et Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, nous poursuivons notre cycle d'auditions sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017 en recevant Muriel Pénicaud, ministre du travail, que je remercie de sa présence parmi nous.

Nous souhaitions vous entendre, madame la ministre, pour que vous nous présentiez l'exécution du budget de votre ministère, qui représente un montant de près de 15,6 milliards d'euros. Celui-ci a en effet été marqué par d'importants événements : généralisation de la Garantie jeunes, prorogation du plan « 500 000 formations », suppression de l'aide à l'embauche dans les PME, etc. Nous souhaiterions en particulier que vous puissiez revenir sur la décision prise par le Gouvernement à l'été 2017 de ne pas augmenter le nombre de contrats aidés, comme cela était attendu, et qui a suscité de nombreux débats, y compris dans notre assemblée.

Après vous avoir entendue, je donnerai la parole aux rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage », Sophie Taillé-Polian et Emmanuel Capus, puis à l'ensemble des collègues qui le souhaiteront.

Je vous rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le site internet du Sénat.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Comme vous le savez, j'ai hérité l'année dernière d'une situation budgétaire difficile avec, notamment, une consommation au premier semestre de 80 % des volumes de contrats aidés inscrits en loi de finances initiale (LFI), ainsi qu'un plan exceptionnel sur les formations partiellement financé. Nous avons donc dû prendre très vite des décisions permettant à l'État d'assumer ses engagements passés en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle, tout en limitant les dépassements budgétaires de la LFI. Une gestion rigoureuse au second semestre a permis de tenir les crédits disponibles sur l'exercice et d'engager de premières inflexions fortes en termes de politiques publiques, pour davantage d'efficacité : des changements de modèle sur le champ de l'inclusion pour l'emploi, des réformes structurelles, avec les ordonnances pour le renforcement du dialogue social et le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que je présenterai demain devant vos collègues de la commission des affaires sociales, sous réserve du vote solennel de l'Assemblée nationale. Cette ambition d'une ampleur sans précédent pour ce qui concerne les compétences se traduit également dans le plan d'investissement dans les compétences (PIC). Doté d'un montant de 15 milliards d'euros sur cinq ans, il permettra de former et d'accompagner un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs.

En 2017, la dépense totale de la mission « Travail et emploi » a été de 15,6 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 99 % des crédits ouverts. L'année 2018 s'est inscrite dans la continuité de l'année 2017 avec un contrat budgétaire porteur de choix forts : sincérité des programmations ; recentrage des dispositifs d'insertion sur leur coeur de cible et réallocation de moyens au bénéfice d'un grand plan d'investissement dans les compétences.

Je concentrerai mon propos liminaire sur deux sujets qui, dès le second semestre 2017, touchent à la stratégie de transformation des dispositifs pour l'emploi vers davantage d'inclusion : les contrats aidés et la transformation des compétences.

Comme nous avons pu en parler lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, la surmobilisation des contrats aidés au premier semestre 2017 a engendré une situation budgétaire extrêmement tendue, qui a nécessité d'engager une transformation dès l'été 2017. J'ai ainsi obtenu, dans l'urgence, l'ouverture d'une enveloppe complémentaire au titre des contrats aidés pour répondre aux besoins d'accompagnement des élèves en situation de handicap identifiés pour la rentrée scolaire de 2017, mais également aux besoins du secteur de l'urgence sanitaire et sociale et des territoires ultra-marins. Ainsi, près de 227 000 contrats aidés ont été prescrits dans le secteur non-marchand en 2017, soit 30 000 contrats de plus que les 200 000 contrats aidés inscrits en LFI, auxquels s'ajoutent 14 400 contrats reportés en 2018 pour couvrir les besoins de l'éducation nationale, notamment l'accompagnement des élèves handicapés, jusqu'à la prochaine rentrée scolaire.

Nous assumons une nouvelle approche : moins de contrats, mais mieux ciblés, avec un meilleur taux de transformation.

Une démarche de transformation des contrats aidés a ainsi été engagée dès 2017 : la part des travailleurs handicapés a atteint 16 % en 2017 et celle des seniors 36 %. La part représentée par chaque type d'employeurs est également restée très stable malgré la diminution des volumes, à savoir 37 % des prescriptions pour les associations et 21 % pour les collectivités territoriales. J'ai ainsi respecté mes engagements et les crédits ouverts en 2017 par une gestion maîtrisée de ces contrats supplémentaires ainsi qu'une mobilisation majeure de mes services. Au total, ce sont 2,7 milliards d'euros qui ont été consacrés à ce dispositif en 2017, contre 2,4 milliards d'euros votés en loi de finances initiale. C'est le triptyque « mise en situation de travail, accompagnement personnalisé et formation » qui donne les meilleurs résultats. Les contrats aidés « ancienne formule », si je puis dire, aboutissaient à un taux de sortie durable de 24 %, avec soit une entrée en qualification, soit un contrat à durée déterminée (CDD) de six mois ou plus ou un contrat à durée indéterminée (CDI), alors que le taux est supérieur à 50 % pour la plupart des autres dispositifs d'insertion. La seule mise en situation de travail ne permet pas d'utiliser ces outils comme un tremplin pour avoir une qualification ou un emploi.

L'année 2018 marque une rupture, avec le choix clair du Gouvernement de budgéter sincèrement la dépense des contrats aidés, à rebours des exercices précédents, et ce dans le prolongement des acquis du second semestre de 2017, qui ont visé à sortir d'une logique purement quantitative pour recentrer ce dispositif sur ses attendus qualitatifs et le public. Ce changement de paradigme a nécessité un temps d'appropriation par l'ensemble des acteurs, mais le système amélioré tourne maintenant à plein régime. Nous avons également supprimé les contrats aidés dans le secteur marchand : il n'y a pas de raison de financer l'emploi marchand dans un contexte de reprise. Nous mobilisons néanmoins d'autres dispositifs en matière de formation, d'aide à l'emploi pour les publics les plus en difficulté.

Les crédits en faveur des contrats aidés et de l'insertion par l'activité économique ont par ailleurs été regroupés dans un fonds d'inclusion dans l'emploi. Cette mesure, qui figurait parmi les recommandations du rapport de M. Jean-Marc Borello sur l'inclusion, la formation et l'accompagnement remis en janvier 2018, a pour objet de décloisonner et de territorialiser la politique d'inclusion dans l'emploi, afin de réfléchir davantage en termes de besoins des territoires et des individus. Certains bassins d'emploi sont aujourd'hui en situation de plein emploi quand d'autres connaissent encore un taux de chômage extrêmement élevé. Il nous a semblé important de placer sous l'autorité des préfets les enveloppes déconcentrées et fongibles entre les contrats aidés, les aides à l'insertion par l'activité économique et les aides à l'inclusion de façon générale, pour que ceux-ci s'adaptent au mieux aux besoins du terrain, en lien avec les collectivités territoriales.

L'accompagnement des publics fragilisés est notamment renforcé par la mise en place de l'entretien tripartite à la signature du contrat, avec Pôle emploi ou la mission locale, la collectivité territoriale ou l'association employeur et le bénéficiaire, qui permet d'identifier les compétences à développer et de structurer le parcours du bénéficiaire pendant le contrat. De plus, la logique qualitative se poursuit avec la mise en place d'un entretien à l'issue du contrat. Aujourd'hui, 78 % des personnes visées ont déjà eu un entretien avec un conseiller de Pôle emploi.

Par ailleurs, j'ai dû accompagner au mois de juin dernier la fin des mesures prévues dans le plan d'urgence pour l'emploi engagé par mon prédécesseur, à savoir l'aide en faveur de l'embauche dans les TPE-PME, avec une fin programmée à la fin du mois de juin, et le plan « 500 000 formations ». En l'absence d'études démontrant l'effet de levier de l'aide à l'embauche pour les PME, malgré la mobilisation importante du dispositif - 1,8 million d'aides validées pour une dépense de 1,6 milliard d'euros -, j'ai pris acte de la décision prise par mon prédécesseur d'arrêter les entrées dans le dispositif au 30 juin 2017. Seul le financement en cours des aides validées en 2017 est inscrit dans le budget de 2018, soit 1,1 milliard d'euros en crédits de paiement.

En revanche, j'ai choisi de prolonger le plan « 500 000 formations » au second semestre 2017 afin de garantir la continuité de l'effort de formation en faveur des personnes en recherche d'emploi, dans l'attente du démarrage, en 2018, du plan d'investissement dans les compétences. Au total, 165 000 formations supplémentaires ont été financées par l'État en 2017. L'enjeu clé du PIC est d'intensifier l'effort de formation et d'en améliorer la qualité et l'efficacité, tout en évitant certains écueils du plan « 500 000 formations ». Lorsque les plans mis en oeuvre sont sitôt arrêtés, l'expérience prouve des effets d'aubaine sur le marché de l'appareil de formation, puis un effet de rupture pour les bénéficiaires. Il importe donc d'avoir une visibilité sur plusieurs années. Voilà pourquoi nous proposons un plan sur cinq ans.

En 2018, des conventions d'amorçage sont engagées dans 16 régions sur 18 entre l'État et les régions - une autre région a annoncé la signature de la convention l'an prochain -, à la condition que celles-ci s'engagent à ne pas diminuer ou à rattraper leur budget dévolu à la formation professionnelle des personnes ayant un faible niveau de qualification. En clair, l'État ne saurait se substituer aux régions qui auraient fait le choix de diminuer leur budget consacré à la formation professionnelle pour les plus éloignés de l'emploi. L'État apportera 6,8 milliards d'euros de plus durant cinq ans. Les régions pourront ainsi maintenir leur effort d'entrées en formation pour les personnes en recherche d'emploi sur la base de 2016 et disposer d'un volume assez considérable - plus de 160 000 places - à l'endroit de personnes peu ou pas qualifiées ou pour la formation de maîtrise des savoirs de base.

À la différence des exercices précédents, les entrées supplémentaires sont ventilées par région en fonction du public ciblé par le PIC, les jeunes décrocheurs et les demandeurs d'emploi de longue durée notamment, et non pas en fonction des entrées de l'année précédente, ce qui constituerait un système quelque peu pervers. Cette collaboration avec les régions permet une personnalisation très forte du plan selon les réalités du territoire. Pour la période 2019-2022, des pactes pluriannuels viendront structurer la démarche autour d'un flux annuel d'environ 200 000 parcours de formation. Conformément à une recommandation de la Cour des comptes, cette contribution financière supplémentaire de l'État sera conditionnée à un engagement pluriannuel réciproque et mesurable entre l'État et les régions, mais n'entrera pas dans le calcul des dotations de fonctionnement.

Le budget de l'emploi et de la formation professionnelle que je porte depuis mon arrivée est un budget de transition pour l'année 2017, avec les prémices de la transformation, et un budget de transformation des politiques de retour dans l'emploi, mais également de responsabilité budgétaire pour l'année 2018. Il n'est pas question de demander en permanence des rallonges, comme ce fut le cas auparavant ; ce n'est pas de bonne gestion et je ne m'inscris pas dans cette démarche.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Quelques interrogations subsistent sur les contrats aidés : la diminution très forte du nombre de contrats aidés à la fin de l'année 2017 et en 2018 a provoqué parmi les employeurs, les associations, les collectivités territoriales et les bénéficiaires de ces contrats un choc brutal, même si l'on peut comprendre la volonté de les transformer pour les rendre plus efficaces, par le biais de l'accompagnement et de la formation. Le ministre Gérald Darmanin nous a dit que la diminution de 5 euros des aides personnalisées au logement n'était peut-être pas la décision la plus intelligente du Gouvernement. Dans le même ordre d'idées, la réduction du nombre de contrats aidés n'est-elle pas une erreur ? D'ailleurs, le rapport Borello a souligné l'importance de ces contrats et le rapport d'information de nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la réduction des contrats aidés a relevé les difficultés qui découlaient de cette mesure.

Je m'interroge en outre sur la façon dont vous envisagez l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi au regard des effectifs de Pôle emploi : des suppressions de postes sont prévues en 2018 ; le plafond d'emplois n'a pas été atteint en 2017, on entend même parler de 4 000 suppressions de postes, étalées sur trois ans. On note certes une diminution du chômage, mais on constate aussi de très fortes attentes des demandeurs d'emploi en matière d'accompagnement.

Je me félicite en revanche de la prolongation du plan « 500 000 formations », qui a été amélioré dans le cadre du PIC.

Par ailleurs, je m'interroge sur la suppression des emplois dans votre ministère, qui a été plus importante que prévu - 263 suppressions d'emploi au lieu de 150. Quels services ont été concernés ? Quid des agents de contrôle de l'inspection du travail ?

Enfin, vous avez indiqué la fin des emplois aidés dans le secteur marchand, alors que ce dernier va bénéficier des emplois francs. Je partage votre philosophie de favoriser l'emploi pour les personnes discriminées par leur lieu d'habitation. Cela dit, le manque de critères précis nous fait redouter l'effet d'aubaine que vous avez évoqué.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Pour ma part, je ne partage pas l'analyse de ma collègue Sophie Taillé-Polian sur les contrats aidés ; je vous adresse plutôt un satisfecit : pour une fois, le Gouvernement a respecté l'enveloppée votée par le Parlement, avec 293 000 contrats aidés, contre 280 000 prévus.

Je poserai cinq questions très précises. Premièrement, disposez-vous d'une première évaluation des emplois francs dans les cinq territoires d'expérimentation ? Quel est le ratio entre les CDD et les CDI ? Deuxièmement, savez-vous pourquoi le nombre d'entrées de la Garantie jeunes est inférieur de 70 000 aux prévisions ? Étaient-elles trop optimistes ? Les missions locales ont-elles rencontré des difficultés spécifiques ? Troisièmement, quel est le coût de la prolongation du plan « 500 000 formations supplémentaires » ? Quel est le bilan de ce plan ? Comment s'est opérée la transition entre ce plan et le PIC ? Quatrièmement, pouvez-vous nous donner les raisons de la sous-exécution du plafond d'emplois de Pôle emploi à hauteur de 638 équivalents temps plein travaillé (ETPT) ? Cinquièmement enfin, pourriez-vous établir un bilan du changement de statut de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui est devenue un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) au 1 er janvier 2017, nous présenter la situation financière de cet opérateur ainsi que les solutions envisagées ?

M. Vincent Éblé , président . - Permettez-moi de compléter ces questions. Comme le disait Victor Hugo, « l'avenir est une porte, le passé en est la clé ». Aussi, je ferai un lien entre la loi de règlement et la loi de programmation des finances publiques.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit une diminution importante des crédits de votre ministère, à hauteur de plus de 2 milliards d'euros en 2019 et de 300 millions d'euros en 2020. Avez-vous pu identifier, au regard de l'exécution 2017 et des premiers mois de l'exécution 2018, les dispositifs susceptibles de subir cette baisse ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Je reviendrai tout d'abord sur la question des contrats aidés. En 2016, on dénombrait 516 000 contrats aidés ; le précédent gouvernement en avait programmé et budgété 281 000 en 2017, dont 80 % avaient été consommés au premier semestre. La première conséquence pour les associations, les collectivités territoriales et les employeurs fut la diminution de plus de la moitié du nombre de contrats. La consommation ayant été excessive au premier semestre, l'effet fut plus durement ressenti encore au cours de l'été dernier. Comme je l'ai souligné, nous avons ajouté 30 000 contrats aidés. Quand on met en place un tel dispositif dans un délai aussi court, on aboutit forcément à des taux d'insertion qui ne sont pas satisfaisants. L'objectif est d'aider non pas les associations, les collectivités territoriales ou les employeurs, mais les demandeurs d'emploi, sinon cette question ne ressortirait pas de la politique d'inclusion dans l'emploi. Certaines associations et collectivités réalisaient un travail d'insertion remarquable selon le triptyque « mise en situation de travail-accompagnement et formation », mais c'était une minorité. Nous avons dû traiter deux difficultés : le second semestre n'était pas budgété, ce qui confine à l'insincérité budgétaire, pour parler franc,...

M. Vincent Delahaye . - Absolument.

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - ... et l'appréciation sur les résultats du dispositif était mitigée : des enquêtes ont montré que le taux d'insertion était décevant. Sans vouloir être polémique, peut-on parler de politique d'inclusion de l'emploi quand des collectivités territoriales, y compris des grandes communes, embauchent la totalité de leur personnel des cantines scolaires sous contrat aidé, alors que le besoin est permanent, avec une rotation tous les huit mois ? En revanche, le soutien à la vie associative est une véritable question. La transformation du CICE en baisse de charges apportera plus de un milliard d'euros aux associations à partir du 1 er janvier 2019.

Sans insincérité budgétaire, nous aurions pris plus de temps pour traiter le sujet. Mais à un moment donné, on ne peut pas continuer d'ajouter des contrats. Je me suis engagée à ne pas dépasser les 200 000 contrats aidés programmés cette année.

Lorsque vous offrez sur tout le territoire à tout employeur privé et public la possibilité d'avoir recours à des contrats aidés, rémunérés à hauteur de 50 % ou 75 % par l'État, des effets d'aubaine existent. À un niveau de qualification et d'expérience égal, un habitant d'un quartier prioritaire de la ville a deux ou trois fois moins de chances d'être recruté pour un même emploi - c'est un fait observé, analysé, documenté. Cette profonde injustice contribue à mettre à mal la promesse républicaine d'égalité des chances. Les emplois francs sont donc extrêmement ciblés sur les personnes discriminées en termes d'embauche. Une expérimentation concerne 25 % des habitants des quartiers prioritaires de la ville. Seront mobilisés le secteur associatif, les missions locales, Pôle emploi et les collectivités territoriales. À la grande différence des emplois francs créés il y a quelques années, l'employeur ne doit pas forcément se situer dans le quartier prioritaire de la ville. Nous avons décidé de mener l'expérimentation durant deux ans, avant de généraliser le dispositif, ce qui permettra, si besoin, de l'encadrer un peu plus. Le dispositif étant opérationnel depuis la fin du mois d'avril, je ne puis vous dresser un bilan précis. Je sais, en revanche, que 78 % des emplois francs conduisent à des CDI, ce qui est plutôt encourageant.

Je mentionnerai plusieurs différences entre le PIC et le plan « 500 000 formations ». La programmation dans la durée permet de faire un travail qualitatif. Des formations ont, par exemple, été mises en place dans les domaines du numérique, des métiers verts, dans les savoir-être professionnels, l'innovation en matière sociale. Le plan est personnalisé en fonction des priorités fixées par les régions en matière de développement économique. Nous avons aussi prévu des formations qualifiantes plus longues, avec, en moyenne 3 500 euros par formation. Il vaut mieux former une fois efficacement que multiplier les stages courts.

Le travail que nous faisons avec les branches professionnelles et les régions est très important. Comme vous le savez, la France recrute, mais Pôle emploi estime qu'il y a 300 000 postes non pourvus. Plusieurs études convergentes le montrent, la moitié d'entre eux ne sont pas pourvus faute de compétences.

La sous-exécution du plafond d'emplois de Pôle emploi est frictionnelle, avec une exécution de 46 742 emplois, contre quelque 50 000 emplois inscrits. La dématérialisation est l'explication principale de cette situation. Aujourd'hui, les demandeurs d'emploi sont invités à remplir toutes leurs formalités de façon dématérialisée ; seuls 10 % d'entre eux ne seraient pas en mesure de le faire de manière autonome. La seconde explication tient au fait que Pôle emploi travaille de manière de plus en plus personnalisée sur les territoires : vingt-sept agences sont aujourd'hui des pilotes d'innovation, une méthode que j'encourage, en vue d'adapter les outils en fonction des réalités économiques et sociales des territoires. Je l'ai dit et je le redis, rien n'est décidé concernant les effectifs à venir. Tout le monde peut le comprendre, une décrue durable du chômage entraîne une diminution des moyens que la collectivité consacre à ce sujet. Pour l'instant, les signaux sont positifs, avec la création l'an dernier de 288 000 emplois nets, dont 48 800 au premier trimestre. On en est au tout début du cycle de la décrue du chômage. Les mesures contenues dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et le PIC contribueront à accélérer et à amplifier ce phénomène. Nous demanderons un effort à Pôle emploi en fonction de la décrue constatée du chômage. À cet égard, j'ai confié une mission à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour que nous définissions une méthodologie robuste ; nous en discuterons dans le cadre de la convention tripartite avec les organisations patronales et syndicales.

Avec son nouveau statut, l'AFPA a clarifié ses missions : ses missions de service public et les activités concurrentielles, et ce, notamment, pour se mettre en conformité avec le droit européen. Mais cela n'est pas suffisant, le budget de l'AFPA s'aggrave année après année : depuis une quinzaine d'années, 600 millions d'euros ont été rajoutés pour combler le déficit structurel. En clair, si l'AFPA était autonome, elle aurait fait faillite depuis longtemps. On lui a trop demandé d'être dans le secteur concurrentiel, sans lui en donner les moyens. Nous en avons précisément besoin pour des publics ou des savoir-faire qui n'existent pas ou peu sur le marché. Une réflexion est engagée sur le plan stratégique, pour trouver une organisation et un équilibre budgétaire durables. Avec la décentralisation, cette agence a perdu des parts de marché. Dans le cadre du projet de budget pour 2019, l'État accompagnera l'agence pour lui permettre de se recentrer et de se redresser.

En ce qui concerne les effectifs, le ministère du travail contribue, comme tous les autres, à la maîtrise des dépenses de l'État. S'agissant de l'inspection du travail, la question tient moins aux effectifs - nous sommes au-dessus des normes de l'Organisation internationale du travail (OIT) - qu'aux priorités qui lui sont dévolues. Aujourd'hui, les effectifs se maintiennent, avec 2 000 agents inspecteurs au sens opérationnel du terme, soit un ratio de 1 agent pour 9 000 salariés, ce qui est là encore dans les normes.

En revanche, la question des priorités est importante. Avec la Direction générale du travail, nous avons précisé quatre priorités : la santé et les conditions de travail, la lutte contre le travail illégal - nous allons passer de 30 % à 50 % de contrôles conjoints avec l'URSSAF, les services fiscaux, la police et la gendarmerie -, la lutte contre la fraude au travail détaché, eu égard à la forte augmentation du nombre de travailleurs détachés - + 40 % de travailleurs détachés l'année dernière en France - et l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. À cet égard, des mesures fortes sont prévues dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, en vue de parvenir enfin à l'égalité salariale à travail égal. Il importe de renforcer les contrôles : aujourd'hui il y a moins d'un contrôle par an et par inspecteur.

En ce qui concerne le schéma d'emplois du ministère, la loi de finances pour 2017 prévoyait une diminution de 150 équivalent temps plein (ETPT). Cette évolution englobe plusieurs mouvements de sens différents : par exemple, la limitation des cabinets ministériels à dix personnes augmente les responsabilités des administrations centrales, tandis que la fin du processus de décentralisation vers les régions du dispositif « Nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d'entreprise » (Nacre) réduit les compétences du ministère.

Vous le savez, des réflexions sont en cours dans le cadre du programme « Action publique 2022 » pour établir la feuille de route des années qui viennent ; les décisions ne sont pas encore prises, mais je peux vous dire que notre objectif est de définir clairement les missions des uns et des autres pour éviter la confusion des rôles. L'efficacité de l'action publique passe notamment par la responsabilisation des agents et la clarté des missions qui leur sont assignées.

Enfin, nous avons entamé des travaux de dématérialisation afin d'affecter les effectifs là où l'humain apporte une réelle valeur ajoutée.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je vous prie d'excuser mon retard, madame la ministre ; je participais à une réunion avec Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, au sujet du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Nous avons notamment évoqué la question de la fraude sociale, car plusieurs dispositions du projet de loi concernent l'échange d'informations entre les administrations concernées. Selon vous, l'arsenal législatif est-il suffisant en la matière ?

En ce qui concerne les emplois aidés, je ne vais pas désapprouver la politique du Gouvernement, d'ailleurs j'ai eu des désaccords à ce sujet avec la partie gauche de notre commission... Mon interrogation porte sur la nature des emplois aidés : en effet, nous avions constaté que, dans le secteur public ou associatif, ces contrats débouchaient moins sur un emploi durable que dans le secteur marchand. La différence des publics constitue peut-être une réponse, partielle, à ce taux de retour à l'emploi plus faible.

Aujourd'hui, dans un contexte de baisse du chômage, certaines personnes restent très éloignées de l'emploi, mais les entreprises hésitent encore à les recruter, que ce soit pour des raisons de formation ou de coût, alors même que certains besoins ne sont pas couverts. Vous avez fait le choix de restreindre les emplois aidés dans le secteur marchand. Ce choix ne nous prive-t-il pas d'une solution adaptée pour les publics les plus éloignés de l'emploi ? Il est vrai que, dans le secteur non-marchand, il a pu y avoir un dévoiement du dispositif avec l'affectation de contrats aidés sur des emplois permanents.

M. Jérôme Bascher . - Il me semble que la loi organique relative aux lois de finances prévoit, contrairement à ce qui se faisait auparavant, que l'examen du projet de loi de règlement est l'occasion d'examiner l'ensemble de la mission budgétaire, pas seulement l'exécution des crédits votés.

Dans cette logique, quel impact ont, selon vous, les contrats aidés sur le chômage, en particulier pour les jeunes ? Quelle est, au fond, votre politique à ce sujet ? Vous nous dites qu'un instrument unique devra viser plusieurs objectifs et publics. Cela me semble peu rationnel.

Au sujet des cofinancements - Pôle emploi, AFPA, contrats aidés... -, on peut craindre que la multiplication des acteurs ne réduise la lisibilité et l'efficacité de la politique qui est menée. Qu'en pensez-vous ?

M. Philippe Dallier . - Une fois n'est pas coutume, j'aurai un point de vue légèrement différent de celui du rapporteur général... Madame la ministre, vous avez eu raison de rappeler la situation que vous avez trouvée à l'été 2017, où 80 % de l'enveloppe d'emplois aidés était consommée. Rappelez-vous, mes chers collègues, la pression que les préfets mettaient sur les élus locaux à la fin de l'année 2016 et au début de l'année 2017 pour signer des contrats aidés ! Cela étant, la décision du Gouvernement a été brutale et a posé de grandes difficultés à nombre de partenaires - collectivités territoriales ou associations. Il est vrai que, dans le secteur marchand, il pouvait exister un certain effet d'aubaine, en particulier pour de grandes entreprises que je ne citerai pas... Mettre un terme à cela était plutôt une sage décision. Madame la ministre, vous avez cependant été sévère en ce qui concerne le rôle des collectivités territoriales : certaines ont sûrement abusé du dispositif, mais pas toutes !

Sur le fond, je crois que nous devrions nous inspirer de certaines mesures qui existaient il y a une vingtaine d'années - je pense aux contrats emploi-solidarité (CES) et aux contrats emplois consolidés (CEC). Ces contrats étaient de longue durée, puisqu'ils allaient jusqu'à cinq ans, et permettaient de donner du temps à la fois à l'employeur et à l'employé pour développer pleinement une démarche de formation et d'insertion. À l'époque, l'État prenait en charge l'assurance chômage pour les personnes qui ne trouvaient pas un emploi à la fin du dispositif, mais cette mesure a cessé il y a une dizaine d'années, ce qui a obligé les collectivités à verser des allocations chômage, puisqu'elles sont souvent leur propre assureur. C'est à ce moment-là que les choses ont changé.

Beaucoup de collectivités ont utilisé les CES et les CEC pour intégrer à terme les personnes concernées, en utilisant la pyramide des âges. Dans ma commune, une quarantaine de personnes sont ainsi devenues fonctionnaires. Dans ce contexte, quel rôle voulez-vous que les collectivités locales jouent dans la démarche d'insertion et de retour à l'emploi ?

M. Roger Karoutchi . - Le Gouvernement précédent a connu quelques errances et nous sommes assez d'accord avec l'analyse que le Gouvernement fait en ce qui concerne les contrats aidés. Toutes les majorités ont mis en place des dispositifs pour trouver des solutions, qu'elles voulaient durables, au problème de l'emploi...

Ce qui doit nous inquiéter, c'est que le Gouvernement a pris un certain nombre de positions en s'appuyant sur des perspectives de croissance bien supérieures à celles que l'Insee ou l'OCDE évaluent aujourd'hui. Ainsi, certains dispositifs que vous pensiez pouvoir éviter grâce à la croissance et à la baisse du chômage pourraient, Madame la ministre, se trouver à nouveau utiles. Dans ce contexte de croissance moindre, la politique du Gouvernement va-t-elle dans le bon sens ?

M. Antoine Lefèvre . - Je reviens sur la question des effectifs de Pôle emploi : il semblerait que 4 000 emplois y seront supprimés d'ici à trois ans sur les 55 000 actuels, soit 7 % des effectifs.

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Antoine Lefèvre . - On peut comprendre les inquiétudes. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?

Par ailleurs, je suis président d'une maison de l'emploi et de la formation et je peux vous dire que les acteurs locaux regrettent vivement le désengagement de l'État, notamment pour l'accompagnement des jeunes. Vous l'avez, dit, le rôle du tissu associatif est essentiel sur ces sujets.

Enfin, je confirme ce qui a été dit : les contrats aidés ont pu constituer un effet d'aubaine pour certains, mais ce dispositif a aussi donné de bons résultats quand il était bien utilisé.

M. Claude Raynal . - Je voudrais vous remercier, Madame la ministre, de vous plier à cet exercice d'examen des politiques que vous menez, et je ferai deux commentaires d'ordre général.

Je crois, en premier lieu, que nous pouvons tous nous rassembler sur l'idée qu'il est très difficile de connaître de manière précise et à l'avance quels seront les résultats des politiques de l'emploi. Trouver la bonne formule en la matière n'est pas évident ! Une certaine humilité est donc nécessaire. Parler constamment de « transformation » ne constitue pas un gage de réussite ou d'amélioration. Certaines politiques ont bien fonctionné, en particulier celles qui ont été destinées à conduire jusqu'à la retraite les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans - c'était notamment l'objectif des CEC qui ont déjà été mentionnés.

En second lieu, Madame la ministre, je vous enjoins de ne pas reprendre l'argument avancé par Gérald Darmanin sur une supposée insincérité budgétaire !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est la Cour des comptes qui le dit.

M. Claude Raynal . -La Cour des comptes n'a absolument pas dit cela. Une telle formulation n'est pas utilisée par la Cour des comptes, puisqu'elle relève de la jurisprudence constitutionnelle. La Cour des comptes a parlé, il est vrai, « d'éléments » d'insincérité budgétaire.

M. Emmanuel Capus . - Et ce n'est pas pareil ?

M. Claude Raynal . - Les nuances sont importantes.

M. Philippe Dallier . - Tout allait bien, alors !

M. Claude Raynal . - Depuis fort longtemps, nous critiquons, tous, la sous-budgétisation de quelques lignes budgétaires, mais je vous rappelle que, selon un rapport que vous avez vous-mêmes commis, Monsieur le rapporteur général, les montants en question s'élèvent à 1,2 milliard d'euros, soit environ 0,3 % des 322 milliards de dépenses de l'État. Je vous souhaite, Madame la ministre, de vous en tenir à une si faible différence ! Vous le voyez, l'année 2017 n'avait rien d'exceptionnel.

Et comment expliquer cette sous-budgétisation ? Tout simplement par le niveau de la croissance. Durant les années au pouvoir du gouvernement que nous soutenions, la croissance a oscillé entre 0,2 % et 1,2 %. Établir un budget dans ces conditions est beaucoup plus compliqué qu'avec une estimation - peut-être exagérée d'ailleurs... - de 1,9 %. Les plans changent du tout au tout entre les deux situations.

Il y avait 517 000 emplois aidés en 2016 et, selon vous, seulement 280 000 prévus pour 2017. Ce n'est qu'optiquement vrai !

Mme Fabienne Keller . - C'est vrai ou c'est faux ?

M. Claude Raynal . - En réalité, c'est faux, parce que tous les ans, le budget était construit de la même façon.

M. Jérôme Bascher . - Cinq ans d'insincérité donc...

M. Claude Raynal . - Le Gouvernement qui précédait celui que je soutenais nous a laissé 0,2 % de croissance et 5,2 % de déficit. Souvenez-vous-en !

On peut toujours regretter que la croissance n'ait pas permis de prévoir, dès la loi de finances initiale, les crédits nécessaires. Évidemment, chacun aurait préféré qu'il n'y ait pas de collectif budgétaire, mais faire ainsi était indispensable pour s'adapter aux évolutions du contexte économique. Laisser penser que nous n'avions prévu que 280 000 emplois aidés n'est pas juste. Certes, nous pensions pouvoir passer de 500 000 à 400 000, mais pas en dessous. Quand la croissance est limitée, il faut pouvoir s'adapter en cours d'année. C'est ce que nous avons fait.

Surtout, je vous rappelle que le décret d'avance de 2017, qui comprenait aussi la réduction de 5 euros des APL, n'a porté que sur un montant de 774 millions d'euros, alors même que l'exécution budgétaire a finalement permis de dégager un excédent de plus de 6 milliards d'euros ! Certains députés du groupe La République En Marche ont même parlé d'une cagnotte...

Sincèrement, nous avons surtout été confrontés à la volonté de faire peser sur l'ancien gouvernement certaines turpitudes, alors qu'il était largement possible de faire différemment, en particulier sur la question des emplois aidés.

Mme Fabienne Keller . - Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui bénéficient peu de la reprise de la croissance économique, les perspectives restent inquiétantes en termes de nombre d'emplois aidés. Comment le Gouvernement entend-il agir pour que les personnes concernées dans ces quartiers gardent espoir ?

Par ailleurs, on constate malheureusement que l'apprentissage régresse, en particulier dans certains secteurs économiques. Dans le bâtiment et les travaux publics, certains chefs d'entreprise parlent d'un effet d'éviction entre les apprentis et les travailleurs détachés, au détriment des premiers. La nouvelle directive sur le travail détaché prévoit d'améliorer les contrôles et de mieux encadrer ce dispositif : quand la France entend-elle la transposer ? J'espère que nous irons aussi vite que dans les pays nordiques : là-bas, la transposition se fait dans la foulée de l'adoption d'un texte...

M. Jean-Marc Gabouty . - L'émoi suscité par la baisse du nombre de contrats aidés a permis de mettre en lumière la manière, déviante, dont ces contrats étaient perçus : il s'agit bien d'aider certaines personnes qui rencontrent des difficultés à retrouver un emploi, pas les entreprises qui les recrutent. Il convenait, je le crois, de rectifier cette dérive dans la perception qu'avaient certains des contrats aidés.

J'ai connu la même expérience que Philippe Dallier dans ma collectivité : des contrats plus longs permettaient davantage de formation, et donc d'intégration. Comment le Gouvernement entend-il cibler ce dispositif, en particulier pour les services à la personne et l'éducation ?

Je relève aussi qu'il était difficile de comparer les secteurs marchand et non-marchand en termes de taux de retour à l'emploi, parce que le secteur privé sélectionnait plus fortement les personnes qu'il recrutait. On comprend que la pérennisation de l'emploi était plus facile dans ces conditions.

En ce qui concerne les charges sociales, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi permet une réduction pour les salaires allant jusqu'à 1,6 SMIC. Or, si l'aide aux emplois les moins qualifiés permet de résister aux importations, elle ne soutient pas les entreprises qui exportent, le niveau des salaires de leurs employés étant souvent plus élevé. Quelle est la stratégie du Gouvernement sur ce sujet ?

Enfin, je suis favorable à ce que des règles strictes s'appliquent sur le détachement des travailleurs. La loi « El Khomri » avait introduit à ce sujet des dispositions sur la sous-traitance. Pour autant, il faut le savoir, ceux qui emploient des travailleurs détachés sont parfois des entrepreneurs français qui ont une filiale à l'étranger et auto-alimentent le système... La meilleure réponse aux abus ne serait-elle pas de développer la formation professionnelle, plutôt que de mettre en place des contrôles excessifs ou de prévoir des clauses ubuesques comme la clause dite « Molière » sur la langue française ? Je rappelle que des chantiers emblématiques comme ceux de Flamanville ou de Saint-Nazaire emploient, sur des contrats longs, des travailleurs détachés parce que les entreprises ne réussissent pas à recruter en France.

M. Éric Bocquet . - Le chiffre, souvent avancé, de 300 000 emplois non pourvus est largement débattu. Pierre Gattaz a parlé un temps de 500 000 ; certes, chacun connaît l'enthousiasme et le tempérament du président du MEDEF... Au-delà du chiffre lui-même, il faudrait tout de même comprendre pourquoi ces emplois ne sont pas pourvus ; 77 % des entrepreneurs reconnaissent qu'il existe des raisons objectives : l'image de certains métiers, les horaires décalés, la faiblesse des rémunérations...

J'insiste sur ce point, parce que ce discours alimente la « petite musique » sur un chômage qui serait volontaire : il y a de l'emploi, mais les gens n'en voudraient pas. Cela n'est évidemment pas si simple ; il suffit de rapprocher ce chiffre de celui du chômage et de l'emploi : 3,2 millions d'offres d'emploi sont faites chaque année ! Il faut donc relativiser les choses.

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - J'ai déjà évoqué les contrats aidés et, sans revenir sur l'insincérité budgétaire, je rappelle que le maintien en 2017 du niveau de contrats aidés consommés en 2016 aurait demandé un milliard d'euros supplémentaires. Certes, cette situation était récurrente, mais en ce qui nous concerne, nous ne ferons pas de même.

Les contrats aidés ne doivent pas servir à la gestion conjoncturelle du chômage ; ils constituent l'un des outils de la politique de l'emploi, sont destinés à certains publics très éloignés de l'emploi et permettent une mise en situation professionnelle, en particulier depuis que nous avons renforcé les aspects liés à la formation. Les dispositifs d'insertion par l'activité économique font aussi partie de la palette des instruments dont nous disposons pour cela, et j'ai décidé d'augmenter de 200 millions d'euros les crédits qui leur sont consacrés.

Certaines collectivités territoriales et associations ont fait un travail remarquable, et nous nous sommes appuyés sur ces expériences pour mettre en place le Parcours emploi compétences, qui repose sur un triptyque : mise en situation, accompagnement personnalisé et formation.

Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le service statistique du ministère, a montré que la sélectivité des publics était plus grande dans le secteur marchand et que 65 % des personnes embauchées dans une entreprise après un contrat aidé l'auraient été dans les mêmes conditions sans ce contrat. L'effet d'aubaine était donc important. Pour autant, nous avons conservé le secteur marchand en outre-mer compte tenu de la faiblesse du tissu économique.

Beaucoup de départements cofinancent les contrats aidés pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), ce qui me paraît très positif et correspondre pleinement à la démarche d'insertion de ces personnes.

Pour le secteur marchand, nous avons renforcé le dispositif de Pôle emploi appelé POEC, préparation opérationnelle à l'emploi collective, qui est plus réactif et correspond mieux aux besoins.

Quant aux emplois francs, la durée de l'aide - trois ans pour les embauches en contrats à durée indéterminée - permettra d'éviter l'effet de rotation afin que les personnes concernées, qui résident dans un quartier prioritaire éligible de la politique de la ville, soient capables de faire leurs preuves et de monter en compétences au sein de l'entreprise.

En ce qui concerne la Garantie jeunes, la loi de finances initiale pour 2017 prévoyait 150 000 entrées et 81 265 se sont effectivement réalisées. C'est un bon dispositif, financé par l'Union européenne, et l'année 2017 était celle de la généralisation. Nous avons prévu 100 000 places en 2018 ; je pense que le dispositif va continuer de monter en puissance.

Les Parcours emploi compétences donnent une certaine priorité aux quartiers de la politique de la ville, puisque 15 % de l'enveloppe leur est réservée, alors qu'ils représentent 8 % de la population. Comme je vous le disais, ce dispositif vise prioritairement, en termes de publics, les demandeurs d'emploi de longue durée, les handicapés et les seniors et, en termes de territoires, les quartiers de la politique de la ville, les zones rurales enclavées et les Outre-mer.

L'an dernier, Pôle emploi a constaté que 300 000 emplois étaient non pourvus. Il est tout de même dommage que les PME ne puissent pas conquérir certains marchés faute de compétences, tandis que 2,7 millions de personnes ne trouvent pas d'emploi. Il est donc très important de réduire le décalage, qui touche de nombreux secteurs économiques. Or les études montrent que, dans la moitié des cas, l'absence de compétences est responsable de cette situation. Je vous donne un exemple : il y a quelques semaines, j'étais en déplacement en Alsace et on m'a expliqué que les employeurs ne réussissaient pas à recruter de soudeurs, même à 6 000 euros par mois !

En ce qui concerne le travail détaché, je vous rappelle que, dès son élection, le Président de la République s'est fortement mobilisé sur cette question, et l'action de la France a permis de faire bouger les lignes de manière très sensible. La directive vient d'être approuvée par l'Union européenne, elle doit être transposée dans les deux ans et la France a l'intention de faire au plus vite.

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel contient deux mesures complémentaires : la possibilité pour le préfet de faire arrêter un chantier et la numérisation de la carte professionnelle du secteur du BTP. Nous avons aussi l'intention d'interdire le travail détaché de Français en France - cela existe et ce n'est pas vraiment l'esprit du travail détaché...

Le sujet le plus important concerne la formation. C'est pourquoi le projet de loi autorisera davantage d'acteurs, notamment les filières industrielles, à créer des centres de formation des apprentis. Le travail détaché, qui continuera évidemment d'exister, constitue un marqueur de certains déficits accumulés par la France en termes de formation.

En ce qui concerne les effectifs de Pôle emploi, aucun chiffre n'est fixé a priori : une méthodologie doit être définie pour que leur décrue accompagne, et non précède, celle du chômage.

Je n'ai pas compétence sur la question générale des aides sociales, qui concerne ma collègue ministre des solidarités et de la santé, mais, dans mon champ ministériel, il est vrai qu'il existe une petite minorité de chômeurs qui ne recherchent pas d'emploi activement - je ne parle pas de ceux qui sont légitimement découragés et qu'il est nécessaire d'accompagner pour les remobiliser. Il faut renforcer les contrôles pour trouver un équilibre entre les droits et les devoirs. Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel va dans ce sens et prévoit de rendre plus logique et progressive l'échelle des sanctions.

La stratégie du Gouvernement pour l'emploi repose, depuis le début, sur trois piliers : le renforcement du dialogue social, dont les ordonnances que nous avons prises l'été dernier sont l'exemple - les PME nous disent clairement que, dorénavant, elles n'ont plus peur d'embaucher - ; l'amélioration des compétences grâce à la formation professionnelle et à l'apprentissage ; l'inclusion, qui passe par des emplois aidés, l'insertion par l'activité économique, etc. Tous les leviers doivent être utilisés pour que la croissance soit riche en emplois, car, si la croissance ne permet pas d'inclure tout le monde, nous nous dirigeons vers de graves fractures sociales.

D. AUDITION DE M. STÉPHANE TRAVERT, MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION (21 JUIN 2018)

Réunie le mercredi 21 juin 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Vincent Éblé , président . - Nous poursuivons notre cycle d'auditions sur le projet de loi de règlement du budget pour 2017 en recevant le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, M. Stéphane Travert.

Nos rapporteurs spéciaux Alain Houpert et Yannick Botrel nous avaient annoncé que la programmation du budget agricole pour 2017 serait certainement dépassée. De fait, les dépenses ont excédé les crédits initiaux de 1,3 milliard d'euros, soit 39 % des dotations de début d'année. Lors de son audition, M. Gérald Darmanin nous a indiqué que vous vous attachiez à « professionnaliser le ministère de l'agriculture ». Vous nous indiquerez ce que recouvre cette action.

Vous avez eu du pain sur la planche au cours de votre première année d'exercice des responsabilités ministérielles. Les États généraux de l'alimentation ont été l'occasion pour le Président de la République de prendre une série d'engagements que le projet de loi sur l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole s'efforce de traduire. Vous nous indiquerez ce que vous en attendez pour le revenu des agriculteurs.

Vous êtes également engagé dans les délicates négociations préalables à la nouvelle politique agricole commune. Elle se déroule sous des auspices peu favorables avec la perspective du Brexit. Vous connaissez l'attachement unanime du Sénat à la PAC. Vous nous indiquerez les positions que vous défendez lors de ces négociations. Lors de son audition, le ministre du budget et des comptes publics, tout en affirmant sa volonté de se battre pour que le budget de la PAC ne soit pas diminué, a estimé qu'elle constituait « un système assez technocratisé où le ministère de l'agriculture alloue parfois des aides à des personnes qui n'en ont pas forcément besoin ». Cette déclaration appelle sans doute des éclaircissements.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. - Cet exercice nouveau est utile pour mettre en lumière notre travail au cours de l'année passée et vous donner des indications sur l'exécution budgétaire 2017 du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et sur le début de l'exécution 2018.

En 2017, le budget de mon ministère a été exécuté à hauteur de 6,4 milliards d'euros, en augmentation de 23 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2017 - 5,2 milliards d'euros. Cette surexécution exceptionnelle s'explique à la fois par les dépenses liées aux crises sanitaires, notamment l'influenza aviaire hautement pathogène - 62 millions d'euros au titre des mesures sanitaires et 170 millions d'euros au titre de l'indemnisation des filières amont et aval -, par le financement des campagnes « indemnités compensatoires de handicaps naturels » 2016 et 2017 - dépense supplémentaire de 256 millions d'euros -, par des besoins supplémentaires liés aux dispositifs sociaux - 81,5 millions d'euros, en particulier le dispositif « travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi » TO/DE, insuffisamment budgétisé dans la loi de finances initiale pour 2017 et qui a nécessité l'ouverture de 65 millions d'euros de crédits supplémentaires -, et enfin par un montant élevé de refus d'apurement communautaire - 721,1 millions d'euros.

Pour couvrir ces besoins en partie non prévus, le ministère a notamment bénéficié en loi de finances rectificative d'une ouverture de crédits de 828 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 1 milliard d'euros en crédits de paiement, et d'un décret d'avance de 100 millions d'euros en juillet 2017 dédié au financement des effets des crises sanitaires.

Le budget présenté et voté pour 2018 a intégré un très substantiel effort de sincérisation à travers la budgétisation des dispositifs sociaux à hauteur des besoins - 50 millions d'euros de plus par rapport à 2017 -, un renforcement de plus de 12 % des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » - 26 millions d'euros de plus par rapport à 2017 -, la mise en place pour la première fois d'une provision pour aléas d'un montant de 300 millions d'euros destinée à financer les refus d'apurement et les besoins exceptionnels liés aux crises sanitaires climatiques ou économiques.

Compte tenu de cet effort et en l'absence, à ce stade, de risque sanitaire identifié, je respecterai la trajectoire budgétaire 2018.

Enfin, le soutien au secteur agricole est complété par 9 milliards d'euros de crédits communautaires, par 1,7 milliard d'euros de dépenses fiscales et par différentes exonérations de cotisations sociales.

Le soutien au développement de l'agriculture biologique se répartit entre les aides à l'hectare pour la conversion et le maintien de l'agriculture biologique, financées par le fonds européen agricole pour le développement rural, le Feader, et les crédits d'État, des agences de l'eau et d'un certain nombre de collectivités locales. Au titre de 2015, le soutien à l'agriculture bio à travers les mesures pour la conversion et le maintien a représenté une enveloppe de 132 millions d'euros pour 21 000 bénéficiaires, dont 84 millions d'euros de Feader et 48 millions d'euros de contreparties nationales. L'État représente 99 % des financements nationaux.

Il existe d'autres mesures de soutien : le Fonds Avenir Bio, qui permet de soutenir des projets de structuration des filières, ou le crédit d'impôt bio.

Les précédents plans Ambition bio ont permis un développement de l'agriculture biologique ces dernières années. La surface agricole utile (SAU) en bio atteint aujourd'hui 1,77 million d'hectares, soit 6,5 % du total, tandis que la part des exploitations françaises certifiées en agriculture biologique s'élève à 8,3 % du total.

Pour renforcer cette dynamique, le Premier ministre a annoncé l'élaboration d'un nouveau plan Ambition bio, qui prévoit le passage à 15 % de la SAU en bio d'ici à 2022. Ce programme mobilisera 1,1 milliard d'euros de crédits sur la période 2018-2022, contre 700 millions d'euros sur la période précédente, soit une augmentation de 62 %.

Trois leviers financiers sont mobilisés à cette fin : un renforcement des moyens consacrés aux aides à la conversion, avec 630 millions d'euros de fonds Feader et 200 millions d'euros de crédits d'État, auxquels s'ajouteront les autres financements publics ; un doublement du fonds Avenir Bio, géré par l'Agence bio, porté de 4 à 8 millions d'euros par an ; une prolongation du crédit d'impôt bio, revalorisé de 2 500 à 3 500 euros. Ces moyens financiers supplémentaires nous permettront de conforter la dynamique pour atteindre les objectifs fixés.

Concernant le financement de l'agriculture biologique par un complément des ressources supplémentaires issues de la redevance pour pollutions diffuses, la RPD, la rénovation de cette imposition a été annoncée par le Gouvernement dans le cadre du plan d'action pour réduire la dépendance de l'agriculture aux produits phytopharmaceutiques. Les recettes de la RPD contribueront à financer l'accompagnement des agriculteurs, dans le cadre du plan Écophyto et de la conversion à l'agriculture biologique - environ 50 millions d'euros.

S'agissant de la mise en oeuvre de la PAC et des refus d'apurement communautaire, voici où nous en sommes par rapport au calendrier de versement des aides.

Le coût financier de ces refus d'apurement est important, et l'année 2017 est même assez exceptionnelle. La maîtrise des risques d'apurement est une de mes priorités. Elle passe en premier lieu par la bonne transcription des règles européennes dans les dispositions nationales. Les apurements d'aujourd'hui portent sur des périodes passées ; a contrario , ce n'est que dans quelques années que l'on pourra évaluer l'efficacité de la politique actuelle.

Dans le même temps, je cherche à diminuer autant que possible le coût financier de ces apurements. Ainsi, concernant l'évolution du montant de la correction sur les soutiens couplés, d'un refus d'apurement initialement annoncé de 1 milliard d'euros par campagne, soit l'intégralité des aides versées au titre des campagnes 2015 et 2016, la Commission européenne a réduit sa proposition de correction à 34,7 millions d'euros pour ces deux campagnes.

Pour 2018, les refus d'apurement seront financés dans le cadre de la dotation pour aléas, que nous avons calibrée le plus justement possible. De même, une provision pour aléas figurera bien de nouveau dans le projet de loi de finances 2019. Il reste à en calibrer le montant.

S'agissant du versement des aides PAC, le calendrier de retour à la normale des paiements sur lequel s'est engagé le Gouvernement est respecté. Pour le premier pilier, le retard est désormais presque complètement résorbé. Pour le second pilier surfacique, les paiements des mesures agroenvironnementales et climatiques et des aides à l'agriculture biologique de la campagne 2015 ont été réalisés dans leur quasi-totalité. Ceux de la campagne 2016 viennent de débuter et vont se poursuivre par vagues successives. Le versement des aides de la campagne 2017 commencera dès cet automne.

Par ailleurs, il faut souligner le très bon déroulement de la campagne de télédéclaration 2018, qui a été ouverte le 1 er avril et a pris fin le 15 mai. Sa clôture dans de bonnes conditions, à la date habituelle, constitue ainsi une autre preuve tangible du retour à la normale dans la gestion de la campagne 2018.

S'agissant des crises sanitaires, l'année budgétaire 2017 a été impactée par l'épizootie d'influenza aviaire hautement pathogène. La détection de la bactérie xylella fastiodosa , en Corse et en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), a aussi été un élément d'importance. La fin de l'année 2017 a été également marquée par la détection de foyers de fièvre catarrhale ovine de sérotype 4 en Auvergne-Rhône-Alpes et par la découverte de nouveaux foyers de xylella fastidiosa en PACA. C'est pourquoi le budget initial du programme 206 pour 2017 a connu une augmentation de 50 %, avec un décret d'avance d'environ 100 millions d'euros.

Les aléas liés aux crises sanitaires rendent difficiles les prévisions budgétaires de ce programme. Mais il est essentiel d'investir dans la prévention et la surveillance pour limiter la survenue et les impacts potentiels des éventuels dangers sanitaires sur nos filières, conformément à l'adage « mieux vaut prévenir que guérir ».

C'est pourquoi j'ai tenu à renforcer les moyens du programme 206, dont l'enveloppe budgétaire au titre du projet de loi de finances pour 2018 a été augmentée de 12 %, hors dépenses de personnel. J'ai également veillé à ce que les effectifs du programme soient maintenus en 2018 au niveau de 2017.

Pour revenir sur la PAC et le cadre financier pluriannuel, comme l'a dit ce matin le Président de la République à Quimper, le budget qui a été proposé par la Commission européenne est inacceptable et risque de porter un coup à la viabilité des exploitations. Certes, il faut rénover la PAC, la rendre plus efficace, de sorte qu'elle demeure un véritable filet de sécurité pour nos agriculteurs. Mais la Commission propose une baisse de plus de 15 %, ce qui serait dramatique pour les agriculteurs non seulement français, mais également européens.

Dès le 2 mai, dès que nous avons eu connaissance de la proposition de la Commission, nous avons créé le groupe dit « de Madrid », qui réunit la France, la Finlande, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et la Grèce, et présenté lundi dernier lors du Conseil Agriculture et pêche un mémorandum qu'ont soutenu plus de vingt États membres. Nous avons donc le poids nécessaire pour défendre un budget ambitieux et réaffirmer que la PAC ne doit pas être la variable d'ajustement à la fois du Brexit, qui inquiète de nombreuses filières professionnelles, en particulier les pêcheurs, et des nouvelles politiques à financer - défense, immigration.

La négociation va être âpre, mais l'ensemble du Gouvernement est mobilisé. Nous allons essayer de faire fléchir la Commission pour en revenir à une proposition de budget qui fasse de l'agriculture une véritable priorité, de manière à garantir la viabilité et la compétitivité de nos exploitations, pour que nos agriculteurs vivent dignement de leur travail, mais aussi pour que nos concitoyens bénéficient d'une alimentation plus saine, projet que nous avons porté à travers les états généraux de l'alimentation.

M. Alain Houpert , rapporteur spécial . - Monsieur le ministre, vous avez du pain sur la planche, mais j'ai bien peur que nous soyons... dans le pétrin !

« Vérité en deçà de 2020, erreur au-delà ». Je m'explique. Vous avez réagi très vivement à la baisse des crédits du projet de nouvelle PAC. Cependant, comment conciliez-vous cette réaction avec le programme financier du Gouvernement ? Dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, votre majorité a voté une réduction en euros constants des crédits de la mission de plus de 10 % à l'échéance de 2020.

C'est un mauvais signal pour l'agriculture, mais c'est également un signal difficilement compréhensible d'un point de vue simplement technique. Les engagements budgétaires restant à couvrir, à la fin de 2017, s'élevaient à près de 2 milliards d'euros. Encore n'intègrent-ils pas un certain nombre d'engagements latents non négligeables : je pense en particulier au risque de refus d'apurement européen, mais il faudra également envisager l'hypothèse que toutes les indemnisations liées aux calamités sanitaires ne soient pas encore traitées. Bref, monsieur le ministre, comment allez- vous résoudre cette quadrature du cercle sous cette contrainte que vous avez décidé d'infliger aux agriculteurs ? Quelles enveloppes restent disponibles au Feader pour financer les priorités de notre stratégie de développement rural ?

Ma deuxième question porte sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Partir des coûts pour construire les prix, c'est sans doute très louable, mais je m'interroge sur ce retour à la régulation des premières années de la PAC. Nos concurrents, européens et extraeuropéens, ne mobilisent pas cet instrument : le risque n'est-il pas que tout cela reste vain dans un contexte international où la concurrence par les prix ne cessera certainement pas ?

S'agissant de la sécurité sanitaire des aliments, avec Yannick Botrel, nous avons présenté un rapport dans lequel nous préconisons de muscler nos infrastructures. L'exécution du budget 2017 traduit des résultats opérationnels peu satisfaisants. L'affaire Lactalis montre qu'on ne peut se contenter des autocontrôles des professionnels. Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer la maîtrise des risques ? Enfin, à combien chiffrez-vous pour les finances publiques la fixation d'un objectif de conversion de 15 % des terres agricoles à l'agriculture biologique ?

M. Vincent Éblé , président . - J'ajoute deux questions à celles du rapporteur spécial.

Pouvez-vous nous donner des éléments sur les difficultés rencontrées dans le transfert aux régions des responsabilités de gestion de la plupart des interventions du Feader, en faisant en particulier ressortir les dispositions prises pour accompagner les régions, et nous faire part de la position de l'État sur la répartition des responsabilités financières dans l'hypothèse où des sanctions seraient prononcées par la Commission européenne ?

Nos commissions, et la commission des finances en particulier, sont attentives à l'application des lois. Or nous avons relevé qu'un certain nombre de textes parfois anciens, relatifs à des redevances à vocation sanitaire, n'ont pas été suivis des mesures nécessaires à leur application. Il s'agit en général de la fixation du tarif de ces redevances. Ces difficultés paraissent venir des négociations avec les professionnels, mais on évoque aussi désormais la perspective d'une refonte plus globale du dispositif des taxes sanitaires. Qu'en est-il ?

M. Marc Laménie . - Ma première question porte sur les moyens humains de votre administration. Les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, ont été rattachées aux directions départementales des territoires, les DDT. Quels moyens humains pour le monde agricole ? Mon département, les Ardennes, compte deux lycées agricoles. Les jeunes qui y étudient sont passionnés. De quels moyens disposeront-ils les années à venir ? Enfin, les aléas climatiques provoquent de nombreux dégâts, notamment sur les exploitations viticoles. Quels moyens pour y faire face ?

M. Claude Raynal . - Je note que les ajustements budgétaires ont été assez limités en 2017. En revanche, les refus d'apurement communautaire sont loin d'être marginaux - 721 millions d'euros. Certes, une provision de 300 millions d'euros est désormais prévue pour l'ensemble des aléas, mais cette situation peut-elle se reproduire ? Nous aimerions en savoir un peu plus. Avons-nous une façon différente de la Commission d'interpréter le Règlement ?

Nous avons récemment auditionné le commissaire Günther Oettinger sur la préparation budgétaire. Pour faire simple, il nous a reproché de ne vouloir toucher ni à la politique de cohésion ni à la PAC, tout en refusant une augmentation du budget global. Alors que le Gouvernement explique vouloir révolutionner les choses, dans le cas d'espèce, on a l'impression d'être dans le vieux monde : pas d'augmentation de la contribution française au budget européen, mais maintien de l'ensemble de budgets, voire demandes de nouveaux budgets - innovation, investissements, etc. Tout cela manque de clarté. On peut toujours mettre l'Europe devant ses responsabilités, mais il faudra bien que le Gouvernement indique quelles dépenses communautaires il accepte de voir baisser, sachant que la PAC, à laquelle aucun d'entre nous ne souhaite toucher, représente la plus grosse part du budget européen - vous remarquerez que je n'ai pas fait dire aux dirigeants communautaires que la PAC coûtait « un pognon de dingue »...

On ne peut pas à la fois reprendre le leadership en Europe, ce qu'a fait très clairement le président Macron, profitant de l'absence du Royaume-Uni, de la position difficile de l'Espagne, de la période agitée que connaît Mme Merkel - je ne parle même pas de l'Italie -, sans être au clair sur les questions budgétaires.

M. Henri Cabanel , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, mission « Agriculture, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » . - Je suis heureux d'apprendre, qu'avec quelques collègues, vous avez produit un mémorandum sur la PAC. J'aimerais néanmoins disposer d'informations quant à son contenu... Nous sommes, en effet, inquiets de l'avenir de cette politique, qui pourrait être affectée d'une diminution de 15 % de ses crédits sur la période. Sans me montrer pessimiste, ce pourrait être un coup fatal pour certains territoires ! Nous pouvons d'ailleurs nous interroger en constatant que les pays asiatiques, les États-Unis ou le Brésil accordent davantage de moyens à la politique agricole dans un souci d'assurer leur souveraineté alimentaire. Pour autant, la PAC mérite d'être améliorée pour une efficience supérieure. A la faveur du Brexit, l'Union européenne souhaite orienter son action en faveur d'autres politiques, certes légitimes, laissant à craindre que la PAC sera, à budget constant, la variable d'ajustement de cette volonté. L'Europe se propose également de confier davantage de responsabilités aux États membres en matière de politique agricole, quitte à abandonner quelque peu le « C » de la PAC. J'imagine que vous ne pouvez guère dévoiler le contenu des négociations en cours mais, vous l'aurez compris, nous aimerions être rassurés.

S'agissant des refus d'apurement, il me semble certes logique que soient remboursées les subventions indument perçues. Mais je m'inquiète pour les agriculteurs concernés, auxquels il est réclamé un remboursement portant sur des sommes versées depuis parfois dix ans, avec des intérêts dont le montant équivaut à celui des subventions initiales. Or, l'agriculteur, qui a transmis une demande de subvention à l'administration française, n'est pas directement fautif. Quelles solutions pourriez-vous envisager, notamment s'agissant du paiement des intérêts ?

M. Philippe Dallier . -Quel diagnostic portez-vous sur le décrochage de compétitivité que matérialise le déficit extérieur sur les produits bruts ? Disposez-vous d'éléments de comparaison sur les prélèvements obligatoires appliqués à l'agriculture française et sur la situation qui prévaut dans l'Union européenne ? Avez-vous, par ailleurs, ouvert des dossiers sur la concurrence éventuellement déloyale de certains de nos partenaires. Ont été, à cet égard, évoquées une suspicion de fraude à la TVA sur les porcs en Allemagne et l'existence de « vaches fantômes » aux Pays-Bas. Pouvez-vous nous indiquer également ce que pourraient être les effets du Brexit et de l'accord avec le Canada sur les revenus agricoles en France ? S'agissant enfin de la fiscalité agricole, que le Gouvernement s'est engagé à modifier, quelles sont les pistes retenues ?

M. Stéphane Travert, ministre . - Pour reprendre l'expression du sénateur Houpert et son allégorie boulangère, à mon sens, le pétrin représente également un appareil destiné à mélanger la farine et l'eau, de manière à rendre une pâte onctueuse et homogène. Nous souhaitons rendre la politique agricole homogène et plus simple pour nos agriculteurs, afin de renforcer la compétitivité des entreprises agricoles et de mieux servir les enjeux économiques, sociaux et environnementaux.

Le commissaire Oettinger peut bien souffler le chaud et le froid sur l'avenir de la PAC, mais je constate que la France a pris, le 19 décembre dernier, une position claire. Nous appelons de nos voeux un dispositif simplifié et plus lisible, l'absence de cofinancement sur le premier pilier et une meilleure adéquation du deuxième pilier aux spécificités des territoires. Notre objectif ne réside donc pas dans un maintien intangible de la PAC dans son fonctionnement actuel : une réforme est évidemment nécessaire, à condition à la fois d'en connaître les moyens financiers et de définir le niveau de priorité de la politique agricole pour l'Union européenne. En ce sens, le neuvième rang qui lui a été attribué par la Commission européenne à l'occasion de la présentation budgétaire ne m'apparaît pas acceptable. Nous allons vous faire parvenir le mémorandum afin que vous puissiez connaître le cadre des propositions que nous portons, notamment en matière de rémunération des services environnementaux, point sur lequel la France se trouve parfois isolée. Nous devons oeuvrer, avec les vingt pays signataires de ce document, à la définition de dispositifs concrets et adaptés aux besoins des différents territoires. Nous devons être au rendez-vous des attentes des agriculteurs !

La réduction de 10 % des crédits de la mission dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 correspond au retrait de la compensation de l'allègement des cotisations sociales des exploitants, lié à l'alignement sur le régime des travailleurs indépendants, objet du travail mené par la ministre Agnès Buzyn. Ce n'est pas une baisse de soutien, mais une mesure de périmètre. Les crédits nationaux PAC ont été confortés voire augmentés.

Les refus d'apurement sont traditionnellement payés en fin de gestion, sur la base de corrections qui interviennent avant le 31 août 2018. Le besoin prévisionnel est estimé à plus de 180 millions d'euros ; il correspond aux corrections prévues par la Commission européenne à travers les décisions déjà publiées ou sur le point de l'être.

À l'été, nous disposerons d'une vision totalement stabilisée des refus d'apurement qui nous seront imputés au titre de l'année 2018. Les éléments actuels sont encourageants : les services ont beaucoup travaillé pour limiter ces refus d'apurement - même si leur montant est important en 2017, du fait des campagnes précédentes. Il reste des efforts à faire.

Compte tenu des incertitudes, il est impossible d'avoir une visibilité sur le besoin financier lié aux apurements communautaires. La correction financière est aussi portée par l'État, qui peut prendre la place de l'agriculteur pour rembourser les aides si celui-ci est parti en retraite ou si l'entreprise n'existe plus. Lorsque la Commission avait retoqué l'ensemble des aides sur le gasoil des bateaux de pêche - qui était en forte hausse - il avait fallu récupérer ces aides indument perçues. Ce fut difficile, car certains pêcheurs étaient dans l'impossibilité totale de payer. L'État s'est donc substitué, et il a fait de même pour le remboursement des plans de campagnes.

M. Claude Raynal . - L'État peut-il intervenir pour payer les intérêts ?

M. Stéphane Travert, ministre . - Les intérêts sont dus. Souvent, l'agriculteur qui ne peut pas rembourser l'aide ne peut pas non plus rembourser les intérêts. Un suivi est réalisé mais l'État ne peut pas prendre en charge les intérêts.

Nous allons mettre en place une redevance pour renforcer les moyens de la direction générale de l'alimentation (DGAL), qui avaient déjà été abondés de 12 millions d'euros lors du dernier budget. La sécurité sanitaire est une priorité que nous devons à tous nos concitoyens. Le contrôle sanitaire est une garantie apportée au consommateur et le dispositif est déjà mis en place dans certains États membres. Cette question sera évoquée lors des prochains conseils « Agriculture et pêche ». Les autocontrôles sont nécessaires mais ils doivent rester sous la responsabilité des professionnels : à eux de démontrer que le produit répond aux règlements sanitaires - voyez l'affaire Lactalis. L'Assemblée nationale a adopté des amendements au projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, afin que soient transmis l'ensemble des autocontrôles défavorables. Nous avons mis en place un plan d'action pour traiter la sécurité sanitaire du produit mais aussi de son environnement. Ainsi, nous renforçons notre capacité de contrôle et de prévention sur les industries agroalimentaires. La commission d'enquête sur Lactalis, qui nous a entendus, rendra prochainement son rapport.

La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) prévoit que les régions sont autorités de gestion du Feader et sont donc responsables pour honorer les factures de refus d'apurement imposées par la Commission européenne sur le deuxième pilier. L'État reste très présent sur la définition des mesures du second pilier à travers le cadre national du développement rural. Des réflexions sont en cours avec les régions pour définir un modus operandi qui reflète les responsabilités des uns et des autres, tout en restant conformes à la loi. Un décret reviendra très précisément sur ces responsabilités. Nous devons avoir ce dialogue avec l'ensemble des régions.

L'enseignement agricole a été une priorité du dernier budget. C'est un élément de maillage territorial, d'emploi, et de formation d'excellence, avec un taux d'inclusion dans l'emploi remarquable : 97 % des lycéens agricoles ont un emploi dès leur sortie. La plupart des lycéens en mécanique agricole que j'ai rencontrés dans les Landes la semaine dernière sont déjà assurés d'avoir un travail. Les moyens financiers de l'enseignement agricole public et privé seront confortés, voire augmentés entre 2018 et 2022. Ils ont été stabilisés en 2018. Les moyens humains représentent 60 % des effectifs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, avec 18 000 agents.

Les effectifs affectés à l'agriculture dans les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) ont été préservés grâce aux gains de productivité réalisés sur d'autres missions. L'organisation départementale sera débattue dans le cadre du plan Action publique 2022, je vous en reparlerai.

De nombreux projets hydrauliques, essentiels au maintien voire au développement de l'agriculture sur nos territoires, dans un contexte de changement climatique, sont bloqués dans certaines régions par des associations. Avec le ministre Nicolas Hulot, nous réalisons un travail de fond pour identifier l'ensemble des projets sur le territoire, et les freins. Nous ferons prochainement des propositions. Le préfet Pierre-Étienne Bisch a été chargé d'une mission et a été entendu par le Sénat.

Je ne peux répondre, à ce stade, sur la fiscalité agricole. Avec Bruno Le Maire, nous avons créé un groupe de travail de onze députés et sénateurs - dont fait partie M. Cabanel - qui fonctionne bien. Ils débattront de l'épargne de précaution et d'autres outils fiscaux, et vous feront part de propositions dans les prochains jours. Nous vous les présenterons à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances. Ces outils sont attendus par la profession pour regagner de la compétitivité.

J'entends votre argument sur les distorsions de concurrence. À l'échelle européenne, on doit avoir des politiques agricole, commerciale et de concurrence communes fortes. On ne peut demander aux agriculteurs de réduire l'utilisation de pesticides, de monter en gamme, sans avoir les mêmes exigences pour les importations. Nous défendons des lignes rouges en matière de politique commerciale internationale : les contingents accordés à des pays tiers ne doivent pas mettre en danger nos propres filières, et respecter les mêmes conditions que nos propres productions. L'axe 3 du plan d'action sur le CETA ( Comprehensive Economic and Trade Agreement , accord économique et commercial global avec le Canada) sur des objectifs de développement durable prévoit des contrôles pour que les produits entrant sur le territoire correspondent bien à nos standards sanitaires réglementaires. Nous devons également travailler avec nos filières, car il y a des débouchés commerciaux à prendre : 70 % de la viande bovine dans la restauration collective vient de l'étranger. Il faut mieux segmenter et travailler. Les plans de filière le prévoient, je suis en train de les examiner. Nous devons avancer concrètement.

Cette semaine, j'ai rappelé à mes homologues du Conseil des ministres européens de l'Agriculture et de la Pêche les positions françaises sur la politique commerciale.

Les producteurs de porc dénoncent une concurrence déloyale liée à la TVA. En Allemagne, la mise en oeuvre de la directive augmente l'avantage compétitif des élevages et des abattoirs. La Commission européenne a ouvert le 8 mars dernier une procédure d'infraction contre l'Allemagne, et l'a mise en demeure de modifier les conditions d'application de la TVA dans le secteur agricole. Une enquête est en cours.

Les « vaches fantômes » aux Pays-Bas ont fait les choux gras de la presse. Les autorités sanitaires des Pays-Bas suspectent une fraude massive sur plusieurs centaines d'exploitations. C'est inacceptable, et cela remet en cause tout notre système de traçabilité.

Mon prédécesseur a fait un bon travail sur l'étiquetage de l'origine du lait et de la viande, pour limiter les distorsions de concurrence. L'expérimentation autorisée par la Commission européenne s'achèvera à la fin de l'année. Nous attendons le retour d'expérience mais je souhaite que le dispositif soit prolongé et même étendu à d'autres produits. Je m'y suis engagé auprès des syndicats agricoles. J'attache une grande importance aux questions sanitaires pour que nos concitoyens gardent confiance dans le système sanitaire européen.

Je répondrai par écrit aux autres questions que vous pourriez avoir.

M. Vincent Éblé , président . - Je vous remercie.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 4 juillet 2018, sous la présidence de M. Yvon Collin, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.

M. Yvon Collin , président . - Nous allons examiner le rapport de notre rapporteur général sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017. À l'issue de sa présentation, nous nous prononcerons sur l'ensemble du projet de loi, aucun amendement n'étant proposé sur ce texte par notre rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Comme en 2012, la tâche qui nous est dévolue est atypique. Il nous faut, en effet, examiner un projet de loi de règlement portant à la fois sur la gestion de la précédente majorité et sur celle du Gouvernement actuel. L'exercice apparaît d'autant plus inhabituel que le contexte macroéconomique a fortement évolué en cours d'année, facilitant la tâche de la nouvelle majorité.

Après quatre années décevantes, l'activité économique a fortement accéléré en 2017. Le taux de croissance du PIB a ainsi atteint 2,2 % et même 2,3 % une fois corrigé des effets calendaires, soit un niveau inédit depuis 2007. Une telle accélération de l'activité n'avait pas été anticipée : cela provient du redémarrage de l'économie en Europe et dans le monde, ainsi que du « rattrapage » des effets de la crise.

Cette croissance est due à l'investissement des entreprises de 4,4 % mais aussi à la consommation des ménages, qui a progressé de 5,6 %, dans un contexte marqué par un fort rebond de la construction et des transactions immobilières.

Le commerce extérieur, qui avait fortement pesé sur la croissance française entre 2014 et 2016, contribue positivement à cette dernière en 2017, sous l'effet de la demande mondiale et de l'extinction de facteurs exceptionnels, comme les attentats qui avaient pesé sur le tourisme ou les mauvaises récoltes, lesquelles avaient grevé les exportations françaises en 2016.

L'économie française se situe ainsi dans une phase de « rattrapage », lui permettant de croître temporairement à un rythme supérieur à sa croissance potentielle, estimée à 1,3 %.

Une loi de règlement, c'est l'équivalent d'un garde-barrière qui regarde passer les trains sans pouvoir intervenir. La question qui nous intéresse est de savoir si ce rattrapage s'achève ou non. La Commission européenne et le Gouvernement estiment que le « potentiel de rebond » de l'économie française est pratiquement épuisé. Le FMI est en revanche plus optimiste. Comme je le dis régulièrement, les économistes ont été inventés pour que les météorologistes se sentent moins seuls.

La difficulté qui se pose actuellement tient aux résultats contradictoires donnés par les indicateurs macroéconomiques et les enquêtes de conjoncture.

Par définition, l'écart de production représente la différence entre le PIB effectif et le niveau d'activité « soutenable » sur longue période sans provoquer de tensions inflationnistes. Alors que l'économie est supposée avoir épuisé son « potentiel de rebond », les indicateurs macroéconomiques traditionnels de « surchauffe » (inflation, dynamique des salaires) demeurent pourtant atones. En France, l'indice d'inflation sous-jacente est ainsi loin de sa moyenne historique et ne s'est pas du tout redressé au cours de l'exercice 2017.

Pour cette raison, différents observateurs, de la Banque centrale européenne (BCE) à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ont récemment suggéré qu'il pourrait exister une « capacité de rebond » supplémentaire. À l'aide d'une méthode alternative permettant de réconcilier les estimations de l'écart de production avec les évolutions de l'inflation sous-jacente observées depuis la crise, l'OFCE suggère même que l'écart de production pourrait être inférieur d'environ 3 points de PIB à l'estimation gouvernementale.

Si les indicateurs macroéconomiques constituent un motif d'optimisme, les enquêtes de conjoncture suggèrent à l'inverse que l'économie française pourrait avoir déjà épuisé sa « capacité de rebond » à l'issue de l'exercice 2017. En effet, les enquêtes auprès des entreprises suggèrent une hausse significative des tensions sur l'appareil productif en France. L'économie française serait ainsi confrontée à des contraintes d'offre. Une récente étude de la direction générale du Trésor visant à estimer la position de l'économie française dans le cycle suggère que l'écart de production s'élèverait à environ un point de PIB potentiel, contre -0,6 point de PIB potentiel dans le scénario gouvernemental. Autrement dit, l'économie française serait déjà pratiquement en surchauffe.

Ces incertitudes sont préjudiciables dans la mesure où elles ont des conséquences potentiellement majeures sur les perspectives de croissance et d'emploi ainsi que sur le niveau du solde structurel.

Dans le scénario de l'OFCE, l'économie française pourrait continuer à croître à un rythme de 2 % tout au long du quinquennat, le chômage descendrait en-dessous du seuil de 8 % et le déficit structurel serait déjà pratiquement nul. À l'inverse, si l'on retient le scénario de la direction générale du Trésor, la croissance française reviendrait rapidement à un rythme proche de son potentiel, soit 1,3 % environ, tandis que le chômage aurait déjà atteint son point bas.

Si le débat sur la « vitesse d'atterrissage » de l'économie française n'est pas tranché, l'embellie conjoncturelle observée l'an passé aura en tout état de cause grandement facilité le redressement des comptes publics. Le déficit public nominal s'est ainsi établi à 2,6 % du PIB à l'issue de l'exercice 2017, soit une amélioration de 0,8 point de PIB par rapport à 2016. De ce fait, la France est enfin parvenue à sortir de la procédure pour déficit excessif. Si l'on ne peut que s'en féliciter, force est de constater que l'amélioration du solde nominal tient à l'embellie conjoncturelle, et non à un effort de maîtrise de la dépense.

L'embellie conjoncturelle sur les prélèvements obligatoires, qui tient non seulement au surcroît de croissance mais également à une élasticité de 1,4, soit 20 %, est ainsi estimée à 13,7 milliards par la Cour des comptes, soit 0,6 point de PIB.

Autrement dit, en l'absence de « bonnes nouvelles » en recettes, le déficit nominal n'aurait pas été ramené en-deçà du seuil de 3 % du PIB par la majorité actuelle. Paradoxalement, la réduction du déficit structurel de 0,3 point de PIB potentiel enregistrée l'an dernier est également liée à l'embellie conjoncturelle. En effet, le mode de calcul du solde structurel ne permet pas d'exclure l'incidence de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires.

La totalité de la réduction du déficit structurel intervenue l'an dernier s'explique par cette « composante non discrétionnaire ». Si les prélèvements obligatoires n'étaient pas si bien rentrés, le déficit structurel se serait ainsi creusé de 0,1 point.

Cette contre-performance tient au relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense. Même corrigé des mesures exceptionnelles - en particulier le remboursement de la taxe sur les dividendes de 3 % -, le taux d'évolution de la dépense publique est supérieur à la croissance potentielle de l'économie française. Concrètement, cela signifie que l'effort de maîtrise de la dépense effectué en 2017 est insuffisant pour freiner la progression de la part de la dépense publique dans le PIB à moyen terme. Une première depuis 2012 !

Les comparaisons avec les précédents exercices confirment ce diagnostic : la croissance de la dépense publique en volume est ainsi près de deux fois plus rapide en 2017 que sur la période 2010-2016. En année électorale, on ouvre les vannes de la dépense publique, notamment en faveur des salaires.

M. Bernard Lalande . - N'oubliez pas ce qui s'est passé en 2012 !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il y avait eu la crise de 2008...

La réduction du déficit n'a donc pas été suffisante pour amorcer le reflux de la dette publique. La France est ainsi le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d'endettement a augmenté l'an dernier (+ 0,2 point), pour atteindre 96,8 % du PIB : c'est pour moi un élément majeur et très inquiétant. Chaque année, nous nous approchons inexorablement des 100 % du PIB. Tous les autres pays ont réduit leur endettement, mais pas la France, d'où un écart croissant avec les autres pays de la zone euro, et notamment l'Allemagne. Cette divergence est malheureusement amenée à se poursuivre, dans la mesure où le déficit public de la France (2,6 % du PIB) reste supérieur à celui du reste de la zone euro (0,4 % du PIB). À part en Espagne, cela fait longtemps que l'on ne parle plus du seuil de 3 % du PIB. Certains pays sont même en excédent primaire.

Alors que les taux d'intérêt restent pour le moment à des niveaux historiquement bas, ce qui est anesthésiant, la divergence des trajectoires d'endettement s'est déjà traduite pour la France par un surcroît de charge d'intérêt de 0,7 point de PIB par rapport à l'Allemagne. Si la France avait suivi la trajectoire de l'Allemagne, elle payerait chaque année à ses créanciers 14 milliards d'euros de moins qu'aujourd'hui : c'est deux fois le budget de la justice !

Venons-en maintenant à l'analyse par sous-secteur, en commençant par la sphère locale, que Matignon accuse de tous les maux.

En 2017, les administrations locales dégagent pour la deuxième année consécutive un excédent, de 0,8 milliard d'euros. Ce dernier s'est toutefois réduit de 2,2 milliards d'euros par rapport à 2016. Cette diminution ne traduit aucunement un relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense des collectivités territoriales mais des recettes moins dynamiques, sous l'effet notamment de la baisse de la dotation globale de fonctionnement de 2,4 milliards d'euros. Ainsi, les recettes des administrations publiques locales progressent nettement moins rapidement, à 1,6 %, que celles des autres catégories d'administrations publiques, qui ont augmenté de 4 %. À l'inverse, les dépenses des administrations publiques locales ont évolué au même rythme que celle de l'ensemble des administrations publiques, soit 1,5 %.

La quasi-totalité de la croissance de la dépense locale s'explique par la reprise de l'investissement et la hausse des rémunérations, sous l'effet du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) et de la revalorisation du point d'indice. La reprise de l'investissement de 6 % en valeur doit à cet égard être analysée comme un rattrapage, après d'importantes chutes ces dernières années.

Venons-en maintenant à la sphère sociale. Les administrations de sécurité sociale retrouvent en 2017 un solde positif de 5 milliards d'euros, en amélioration de 7,2 milliards d'euros par rapport à 2016. Comme pour l'État, cette amélioration tient avant tout au dynamisme des recettes. Certaines réformes structurelles ont par ailleurs permis de contenir la hausse des dépenses comme les mesures de redressement prévues par l'accord interprofessionnel de 2015 et les reports d'âge des précédentes réformes des retraites. Il est néanmoins urgent de procéder à des réformes de structures pour infléchir durablement la trajectoire des dépenses sociales. Nous y reviendrons la semaine prochaine à l'occasion du débat d'orientation sur les finances publiques.

Venons-en maintenant à l'État. Premier constat : le déficit de l'État a connu une amélioration en 2017, en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale - permettant à la France de sortir de la procédure pour déficit excessif. C'est une bonne nouvelle. Mais, l'analyse des chiffres oblige à formuler un deuxième constat nettement moins encourageant : cette amélioration apparente des comptes repose entièrement sur le dynamisme des recettes et sur une diminution des sommes versées par l'État à l'Union européenne et aux collectivités territoriales. Ainsi, le solde d'exécution des lois de finances ressort à -67,7 milliards d'euros en 2017 contre -69,1 milliards d'euros en 2016, soit une amélioration de 1,4 milliard d'euros. Mais la totalité de la réduction du déficit par rapport à l'exécution 2016 relève de facteurs exogènes à la gestion budgétaire du Gouvernement. Les recettes de l'État augmentent de 9 milliards d'euros, ce qui résulte de l'évolution spontanée des impôts, notamment la TVA et l'impôt sur les sociétés. La diminution des prélèvements sur recettes contribue également à améliorer le solde budgétaire de 5,3 milliards d'euros, dont 2,3 milliards au titre du prélèvement au bénéfice de l'Union européenne et 3 milliards pour le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales.

Enfin, la création du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur » à compter du 1 er janvier 2017, dans le cadre du transfert des opérations de garanties publiques de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) vers l'État, s'est accompagnée du reversement par la Coface du solde du compte de gestion des procédures d'aide au commerce extérieur pour un montant total de 3,9 milliards d'euros. Il s'agit d'un mouvement purement comptable qui ne traduit pas des mesures d'économies.

Aucun de ces éléments ne relève donc de mesures d'économies en dépenses. Au contraire, les crédits des ministères augmentent de 9 milliards d'euros, hors recapitalisation du secteur énergétique. C'est donc essentiellement le dynamisme des recettes de l'État qui a permis la réduction du déficit. Cette hausse provient des recettes fiscales, qui représentent la majeure part des recettes de l'État et qui ont augmenté de 11,5 milliards d'euros par rapport à l'exercice précédent. La croissance des recettes fiscales est avant tout liée à leur évolution spontanée, qui représente 14,2 milliards d'euros. En revanche, certaines mesures nouvelles ont contribué à faire baisser les recettes, avec notamment la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et diverses mesures de transfert et de périmètre.

Avant tout, la croissance du PIB a été importante ainsi que l'élasticité des recettes fiscales qui a atteint 1,8. En outre, il y a eu une erreur de comptabilisation de droits de mutation, qui minore les recettes fiscales de 1,5 milliard d'euros en 2017 dont le Gouvernement nous a informés le 15 mai 2018. Les départements bénéficieront par conséquent en 2018 de droits d'enregistrement supplémentaires qui ne leur ont pas été versés en 2017. Le tableau de ventilation des estimations de ces sommes par département sera publié en annexe à mon rapport.

Du côté des dépenses, au contraire, le dérapage est généralisé : la quasi-totalité des missions du budget général ont vu leurs crédits augmenter en 2017. Seules quatre missions connaissent une baisse de crédits par rapport à l'exercice précédent. À périmètre courant, les dépenses de personnel du budget général augmentent de 3,7 % tandis que les contributions au CAS « Pensions » progressent de 3,6 %. Du fait de l'élection, les vannes ont été ouvertes, sans compter l'effet base de 1,3 milliard d'euros, lié aux décisions prises lors des exercices précédents. Des mesures catégorielles ont été décidées, ainsi qu'une revalorisation générale du point d'indice.

Trois politiques publiques connaissent une hausse particulièrement marquée, supérieure à un milliard d'euros : « Enseignement scolaire », « Solidarité » et « Agriculture ». La hausse des crédits de ces missions porte sur des dépenses de personnel, notamment pour l'Éducation nationale, et des crédits d'intervention, en particulier des dépenses de guichet comme la prime d'activité ou l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Au total, le constat est sans appel : les dépenses ne sont pas maîtrisées et l'amélioration du déficit de l'État repose entièrement sur le dynamisme des recettes et des mesures ponctuelles.

L'examen du projet de loi de règlement des comptes et d'approbation du budget n'est pas seulement l'occasion de faire le point sur la situation des finances publiques, en particulier de celle de l'État, mais doit aussi et surtout permettre au Parlement de vérifier que la loi de finances initiale a été respectée par l'exécutif et, le cas échéant, déterminer l'ampleur et le motif d'éventuels écarts entre les plafonds de dépenses votés et la réalité de l'exécution budgétaire.

Le déficit budgétaire de l'État s'établit à 67,7 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 1,6 milliard d'euros. Si cet écart peut paraître relativement modéré, il recouvre en réalité des variations de grande ampleur, en recettes comme en dépenses. Les dépenses de l'État ont largement dérapé : 4,2 milliards d'euros de dépassements en crédits de paiement. Cette hausse résulte de sous budgétisations manifestes, identifiées par notre commission des finances dès l'automne 2016 et confirmées par la Cour des comptes à l'été 2017. Ainsi, la recapitalisation d'Areva a nécessité l'ouverture de 1,5 milliard d'euros dans le décret d'avance de juillet, des apurements communautaires ont été refusés pour 721 millions d'euros, des dispositifs sociaux et de gestion de crise sanitaire ont été mis en place par le ministère de l'agriculture pour 250 millions d'euros. Nous avons aussi assisté à des dérapages sur les dépenses de guichet : prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés pour 840 millions d'euros. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieurs des armées françaises ont dépassé 1,1 milliard d'euros.

Le Gouvernement issu des élections de juin 2017 a été obligé de procéder à une véritable « rebudgétisation » et il a préféré un décret d'avance à un projet de loi de finances rectificative. Des redéploiements importants ont été effectués à hauteur de 7,9 milliards d'euros, contre une moyenne annuelle de 4,6 milliards d'euros. Les décrets d'avance pris en 2017 ont ainsi été d'une ampleur inédite.

En revanche, les mesures d'économies sont restées limitées : le Gouvernement a choisi de ne pas remettre en cause la forte progression des crédits prévue en loi de finances initiale pour 2017. Un décret d'annulation a été pris en juillet mais d'un montant assez faible.

Le Gouvernement indique également avoir procédé à des mesures de ralentissement de la dépense, pour un montant total de 1,2 milliard d'euros. Il avait pourtant refusé de transmettre au Parlement une évolution tendancielle des dépenses de l'État lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques. La loi de règlement 2017 est donc l'occasion d'un discret revirement de jurisprudence du Gouvernement sur ce point, sans quoi il ne pourrait pas afficher plusieurs milliards d'économies mais seulement 300 millions d'euros.

Pour conclure, le budget exécuté en 2017 a différé très significativement de la loi de finances initiale pour 2017, confirmant l'analyse de la commission des finances à l'automne 2016 selon laquelle le texte présentait des éléments d'insincérité et des biais de construction très importants. Le Gouvernement issu des élections de juin 2017 n'a pas voulu remettre en cause l'essentiel des choix budgétaires du précédent Gouvernement et il a profité de la bonne conjoncture pour faire passer le déficit public sous la barre des 3 % du PIB. Les reports de crédits ont été fortement réduits. La dette de l'État envers Pôle emploi a enfin été remboursée. Les charges à payer ont également diminué de 646 millions d'euros.

Si les restes à payer ont continué de croître, la hausse est cependant concentrée sur un petit nombre de missions, au premier rang desquelles la mission « Défense », en raison du lancement de deux grands programmes d'armement dans le milieu naval et terrestre. Au total, les reports de charges apparaissent donc contenus par rapport aux exercices précédents.

La loi de règlement est une photographie, certes sincère, mais d'un exercice budgétaire bancal, résultat de l'action de deux gouvernements successifs. Les craintes d'insincérité formulées à l'encontre du projet de loi de finances initiale et les critiques sur l'absence de maîtrise des dépenses se sont notamment concrétisées au cours de l'année 2017.

Le nouveau Gouvernement a certes pris des mesures à l'été mais il a surtout bénéficié d'un contexte économique favorable, lui permettant d'enregistrer de très bonnes nouvelles en recettes et ainsi d'obtenir des résultats plus satisfaisants que par le passé, sans réaliser de véritables réformes de structure.

Avec la révision constitutionnelle, certains disent que le Parlement devrait passer moins de temps à examiner la loi de finances et plus de temps sur l'évaluation et le contrôle. Un contrôle approfondi permettrait d'examiner plus d'éléments qu'une simple loi de règlement qui est un exercice particulier, puisqu'il n'est pas vraiment possible de l'amender. Nous en discuterons en séance. Je constate la photographie, ce qui ne signifie pas que nous approuvions la politique menée, notamment en matière d'économies attendues. Le plan « Action publique 2022 » est encore une fois reporté. Notre collègue Christine Lavarde a récemment posé une question d'actualité au Gouvernement qui montre sa déception d'avoir participé à un exercice qui ne débouche pas. Les arbitrages, s'ils ont eu lieu, n'ont pas été rendus publics. Alors que l'économie mondiale ralentit, les mesures d'économies ne pourront être une nouvelle fois repoussées. Je ne suis pas certain que 2019 connaisse la même embellie que 2017. Les chiffres décevants de la croissance en ce début d'année démontrent que nous avons peut-être déjà mangé notre pain blanc.

J'approuverai donc cette loi de règlement, même s'il s'agit d'un exercice un peu frustrant dans la mesure où nous ne pouvons pas totalement jouer notre rôle de parlementaires.

M. Vincent Delahaye . - Je suis toujours gêné par les soldes en comptabilité nationale et en comptabilité budgétaire : vous présentez une répartition entre sécurité sociale, administrations locales et administrations centrales en comptabilité nationale, c'est-à-dire en comptabilité d'engagement, tandis qu'ensuite, le solde pour l'État de 67,7 milliards est en comptabilité budgétaire, c'est-à-dire en comptabilité de caisse. J'aurais d'ores et déjà aimé disposer du rapprochement entre ces deux comptabilités qui figurera sans doute dans le rapport à venir.

L'exercice est compliqué, cette année encore, puisque cette loi de règlement est à cheval sur deux gouvernements. Je regrette que le projet de loi constitutionnelle n'avance pas sur les sujets de procédure et de calendrier budgétaires. L'État devrait clore ses comptes plus tôt pour nous permettre de mieux les examiner. Il faudrait gagner deux mois d'ici la fin du quinquennat afin de pouvoir mener un vrai travail de contrôle et d'évaluation. La mission dont les crédits diminuent le plus est la mission « Action extérieure de l'État » dont je suis le rapporteur spécial.

Je ne partage pas les objectifs de maîtrise de la dépense publique du Gouvernement : il faut les réduire si l'on veut sortir des déficits publics sans fin. J'utiliserai mon droit de parole pour dire, en séance, quelles sont mes interrogations et mes attentes.

M. Yvon Collin , président . - Profitez-en : vous devriez encore avoir droit à la parole...

M. Vincent Delahaye . - Cette loi de règlement démontre que la première moitié de l'année a été marquée par des dépenses à caractère électoraliste. Ensuite, le nouveau Gouvernement a fait des efforts de sincérité, si ce n'est d'économies. Mon groupe s'abstiendra sur ce projet de loi.

M. Philippe Dallier . - Merci au photographe Albéric de Montgolfier, qui nous a donné une belle image de cette loi de règlement. Nos craintes de l'automne 2016 étaient fondées : je ne m'en réjouis pas. L'amélioration du solde ne tient qu'à l'embellie des recettes. L'examen de cette loi de règlement devrait mettre un terme aux disputes entre l'ancienne et la nouvelle majorité, qui s'attribuaient les mérites respectifs de la baisse du déficit.

Ce résultat démontre une nouvelle fois qu'une hirondelle ne fait pas le printemps. En fin d'année, tout le monde a cru que la situation s'améliorait durablement ; les promesses se sont multipliées mais, aujourd'hui, le Gouvernement a de grandes difficultés à boucler le projet de loi de finances pour 2019. La politique du logement et les contrats aidés vont une fois de plus contribuer aux futures économies avec la baisse des aides personnelles au logement à hauteur de 1,3 milliard d'euros et la prise en compte des revenus contemporains des allocataires, solution que la Cour des comptes avait déconseillée à cause de sa complexité et du risque de déstabilisation des allocataires. Le Gouvernement ne dit rien du financement des promesses électorales qu'il a faites : suppression complète de la taxe d'habitation, instauration d'un « service militaire », défiscalisation des heures supplémentaires... Enfin, on ne sait toujours pas comment le Gouvernement entend respecter la trajectoire qu'il s'est fixée alors même qu'il va encore la modifier puisque la suppression de la taxe d'habitation ne sera pas compensée par des économies, comme l'avait récemment assuré M. Gérald Darmanin. Le déficit va encore se creuser. Nous sommes dans un brouillard assez incroyable. Conséquence : la dette continue de progresser, la France décroche de l'Allemagne. Espérons que les taux d'intérêt ne vont pas augmenter, sinon je ne sais pas comment nous finirons ce quinquennat.

Je voterai néanmoins cette photographie, une fois les commentaires politiques énoncés.

M. Michel Canévet . - Je comprends les inquiétudes de notre rapporteur général, mais la situation n'est pas si mauvaise que cela : l'audit réalisé en cours d'année a révélé des sous-budgétisations évidentes, mais l'exercice budgétaire s'est finalement révélé meilleur qu'attendu. Il a fallu rembourser la taxe sur les dividendes, heureusement compensée par la surtaxe de l'impôt sur les sociétés. Certes, les dépenses de l'État n'ont pas baissé, mais n'oublions pas les sous-budgétisations initiales.

La balance commerciale s'est dégradée, passant de 53 milliards d'euros en 2016 à 60 milliards d'euros en 2017. Comment expliquer cette détérioration ?

M. Pascal Savoldelli . - Nous nous abstiendrons sur ce projet de loi de règlement, qui est dans le droit fil du projet de loi de finances et des traités européens. Vous estimez qu'il faut réduire les dépenses publiques, mais vous ne parlez jamais du niveau des recettes. N'oublions pas non plus que les décisions prises une année ont des conséquences l'année suivante sur les politiques menées par les collectivités. Un tiers des jeunes qui entrent sur le marché du travail restent en emploi temporaire pendant dix ans ! Nous ne pouvons nous glorifier du quotidien de nos concitoyens.

L'État consacre 3 % de son PIB à l'investissement public : c'est peu. En outre, les grands groupes ont réduit leurs investissements de 15 % tandis que les dividendes ont augmenté de 22,5 %. N'est-ce pas préoccupant ? Notre pays est fragilisé au niveau européen et mondial. En séance, nous interviendrons sur les éléments qui ressortent de l'endogène et de l'exogène. Les exonérations et dégrèvements fiscaux se montent en France à 112,5 milliards d'euros, sans même parler de la suppression de la taxe d'habitation : ne devrait-on pas s'interroger sur le bien-fondé de telles mesures ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Du côté des dépenses, quelles sont les responsabilités respectives de l'ancien et du nouveau gouvernement ? L'année 2017 aurait pu très mal se terminer si l'embellie de la conjoncture n'avait pas été au rendez-vous.

Le plus dur est sans doute devant nous : les dépenses devront être réduites, mais dès que l'on propose une mesure d'économie, ses effets négatifs sont pointés du doigt. Le mur de la dette est là et les taux d'intérêt peuvent augmenter. Je ne parle même pas de la situation internationale, pour le moins compliquée.

L'effort de sincérité sur les dépenses a-t-il eu un effet sur leur montant ?

M. Jean-Claude Requier . - Le déficit budgétaire est considérable, même s'il est inférieur à celui de 2016. J'avais proposé que l'on affiche sur la façade de Bercy le montant du déficit, comme une sorte de Téléthon à rebours.

La réduction des dépenses sera difficile, car si nous sommes d'accord sur le diagnostic, personne ne souhaite être touché par des mesures d'économies.

Mon groupe n'a pas encore arrêté sa position sur ce projet de loi de règlement.

M. Bernard Lalande . - La France alimente sa croissance grâce à la dette. À la fin des « Trente Glorieuses », sa dette s'élevait à 12 % du PIB. En 2000, nous en étions à 60 % du PIB et en 2010 à 80 % du PIB. Aujourd'hui, nous avons atteint 97 % du PIB. La charge de la dette se monte à 41 milliards d'euros, soit plus que le budget de la défense. Les commentaires sont souvent conjoncturels, mais les causes structurelles.

La production industrielle dans notre pays est moitié moindre de ce qu'elle devrait être. L'économiste Claude Sicard a démontré la corrélation entre la production industrielle et le PIB : la France a un revenu lié à l'industrie de 4 500 dollars par habitant tandis qu'il se monte à 7 500 dollars en Allemagne et à 8 100 dollars en Suède. En diminuant la dépense publique, on risque de réduire les investissements et le pouvoir d'achat, d'où des recettes moindres. Nous devons donc régler le problème de la production industrielle dont nous avons favorisé l'externalisation. Notre industrie repose sur une centaine de groupes, alors que nous avons une multitude de PME. Une véritable politique industrielle, reste donc à inventer, qui ne s'adresse plus seulement aux grands groupes.

Nous nous abstiendrons sur ce projet de loi, car si nous avons commencé l'exécution de la loi de finances, nous ne l'avons pas terminée.

M. Marc Laménie . - Les dépenses ne sont pas maîtrisées. Quelle sera l'évolution de la charge de la dette ?

Mme Fabienne Keller . - Malgré une année de transition, les projets en matière de transport ont été gelés. Une nouvelle fois, la ligne consacrée au fret ferroviaire a été touchée par des coupes sombres : 61 millions d'euros alors que 226 millions d'euros étaient initialement prévus. Ne nous étonnons pas que le fret peine à convaincre.

Les dépenses des ministères ont continué à progresser : quelles sont les responsabilités respectives des présidences de François Hollande et Emmanuel Macron ? Alors que l'État impose aux grandes collectivités territoriales de ne pas augmenter leurs budgets de plus de 1,2 %, ses dépenses progressent deux fois plus vite. Je m'inquiète pour 2019 des annonces faites en faveur de l'armée et de l'éducation nationale.

M. Jérôme Bascher . - Puisque les dépenses augmentent en année électorale, revenons au septennat !

La croissance des dépenses publiques s'est élevée à 1,5 % en 2017, contre 0,8 % les années précédentes. Si l'on s'était borné à 0,8 % de dépenses supplémentaires, plus de 0,2 point de PIB aurait été économisé et la dépense structurelle aurait donc réellement diminué. Ces alternances sont un vrai problème puisque tous les cinq ans, les dépenses s'envolent.

Le montant du décret d'avance de l'année dernière était considérable, même s'il avait pour vocation de remettre les crédits « en base », c'est-à-dire de « sincériser » le budget. Le mois de juillet 2017 a été consacré à des lois secondaires alors qu'il aurait fallu discuter des orientations budgétaires, une fois le rapport de la Cour des comptes rendu.

Nous devrions disposer des chiffres budgétaires plus tôt, d'autant que la France les transmet à Bruxelles début avril. Il n'y a donc pas de raisons que nous n'en disposions pas plus rapidement.

Le programme de stabilité, le débat d'orientation budgétaire et le projet de loi de finances présentent des chiffres à chaque fois différents. Pourrions-nous simplifier ces débats ?

M. Darmanin nous a dit hier soir qu'il quittait l'hémicycle pour boucler le budget 2019. Comment présenter les perspectives financières et budgétaires pour les années à venir quand on n'a pas arrêté la première année de l'exercice ?

Enfin, les contrats de plan État-région (CPER) sont mal exécutés : les régions ne seront-elles pas les « dindons de la farce », alors que l'État cherche à faire des économies ?

M. Didier Rambaud . - Je relève beaucoup de contradictions dans les propos. Vincent Delahaye réclame une diminution des dépenses publiques ; Philippe Dallier s'interroge sur la suppression de la taxe d'habitation ; la semaine dernière, M. Migaud a estimé que l'État ne réduisait pas assez son train de vie. Mais quelles dépenses publiques veut-on baisser ? Le Comité olympique, ce matin encore, nous demandait 400 millions d'euros supplémentaires.

M. Vincent Delahaye . - C'est non.

M. Didier Rambaud . - Et puis, il y a le problème des anciens combattants, des retraites agricoles, du fret dont a parlé Fabienne Keller... Alors, dans quelles dépenses publiques doit-on tailler ?

M. Philippe Dominati . - Vous parlez de croissance inattendue et de recettes inespérées, mais comment se situons-nous au sein de l'Europe ? La croissance de dix-neuf pays européens a dépassé 3 %. Avons-nous sous-performé par rapport à nos voisins ?

La dynamique des recettes, c'est une autre façon de parler du montant des prélèvements obligatoires, toujours plus important en France qu'en Europe : c'est un frein à notre économie.

Dans la mission « Sécurité » dont j'ai la charge, le titre 2, c'est-à-dire les frais de personnel, a augmenté en dix ans de 30 %, alors que le fonctionnement et l'investissement ont diminué de 5 %. Une commission d'enquête constituée au Sénat vient de rendre ses conclusions sur l'état des forces de sécurité. J'ai le sentiment que chaque création de poste se fait au détriment de l'investissement, d'où le délabrement progressif de l'appareil de l'État.

Le dérapage des trois missions que vous avez citées ne semble pas lié à la conjoncture : pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?

Mme Christine Lavarde . - L'Assemblée nationale a lancé à grand renfort de communication le « printemps de l'évaluation », comme si le Parlement n'avait jamais rien fait. En outre, nous disposons déjà de multiples études, dont celles de la Cour des comptes. Il manque surtout aux parlementaires le temps de s'approprier ces documents. Partagez-vous ce constat ou bien notre commission va-t-elle créer un nouvel organe pour questionner la dépense publique ?

M. Emmanuel Capus . - La loi de règlement traite d'une année de transition : étant de nature optimiste, je juge le verre à moitié plein, surtout que nous sommes sortis de la procédure pour déficit excessif. Nous devrons néanmoins faire des efforts structurels : qu'en est-il d'« Action publique 2022 » ? Les réformes tardent à être annoncées.

M. Philippe Dallier . - Et quand c'est flou...

M. Emmanuel Capus . - Didier Rambaud a raison : quelles dépenses publiques sommes-nous prêts à sacrifier ? La suppression des 300 000 emplois aidés va dans le bon sens, mais certains de mes collègues ne le pensent pas. Beaucoup d'entre nous estiment que nous sommes à l'os.

M. Jean-Marc Gabouty . - L'appareil administratif français est très loin d'être à l'os. J'affirme ainsi qu'il y a trop de personnels à l'hôpital, pas dans le personnel soignant qui souffre de sous-effectifs. En revanche, le personnel administratif hospitalier est en sureffectif.

Dans toutes les grandes collectivités territoriales, il y a également trop de personnels. On a ainsi créé des technostructures totalement inutiles pour gérer les transports scolaires dans les régions.

Et parallèlement, certains services de l'État continuent à faire de la mécanique, de l'imprimerie dans des conditions de productivité d'un autre temps.

La France disposait de trois agences au début des années 2000 ; aujourd'hui, nous en sommes à 64 ! En a-t-on vraiment besoin ?

Il existe des sources d'économies ! On peut supprimer aussi les conseils économiques sociaux et environnementaux, ils ne servent à rien, ceux qui y siègent le disent une fois leur mandat achevé. Je l'ai dit moi-même devant mon CESE, je suis ressorti vivant ! La France avait cru pouvoir vivre sur le tourisme et le secteur tertiaire, elle a laissé la production industrielle décliner depuis quinze ans...

M. Vincent Capo-Canellas . - Concernant l'expertise et l'évaluation par le Parlement, je vous indique que le Bureau du Sénat, la semaine dernière, a adopté la proposition que nous faisions, avec le président Gérard Larcher : 1 million d'euros de crédits seront consacrés à ce poste l'an prochain, si le budget de l'exercice est adopté. Nous pourrons ainsi solliciter d'autres instances que celles de l'État, France Stratégie ou la Cour des comptes vis-à-vis de laquelle notre droit de tirage est limité, et nous adresser à des structures extérieures, indépendantes. L'usage de ces crédits est à étudier avec les présidents de commission.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Sur la différence entre comptabilité budgétaire et comptabilité nationale, je vous renvoie effectivement à mon rapport, qui l'explique bien...

Je partage les propos de Vincent Delahaye. Il est certain qu'examiner la loi de règlement seulement en juillet n'est pas raisonnable, nous travaillons en flux tendu. Il faudrait que l'État clôture ses comptes beaucoup plus tôt, afin que nous puissions faire un vrai travail d'évaluation. Le printemps de l'évaluation a été une opération de communication assez artificielle : lors de son audition, le ministre n'a pas dit où des économies réelles pouvaient être réalisées.

Philippe Dallier a anticipé sur le débat d'orientation des finances publiques : venez la semaine prochaine pour en savoir plus ! Le ministre fait encore des arbitrages budgétaires alors que le document a déjà été présenté, c'est effectivement un peu curieux...

Michel Canévet a posé des questions sur le commerce extérieur. Parmi les facteurs à citer, il y a le rebond de la demande internationale, les résultats du tourisme, meilleurs en 2017 qu'en 2016, au lendemain des attentats ; il y a aussi l'agriculture.

Je partage les propos de Pascal Savoldelli sur les remboursements et dégrèvements.

Concernant la part de la hausse des crédits ministériels expliquée par les sous-budgétisations de la loi de finances initiale évoquée par Vincent Capo-Canellas, vous trouverez des développements dans le rapport. Jean-Claude Requier, je ne suis pas certain que Bercy ait envie d'afficher sur sa façade les chiffres des déficits, mais nous pouvons le proposer...

Christine Lavarde, sur « Action publique 2022 » et sur l'évaluation, le calendrier a été modifié, et la réunion à Matignon ce matin ne m'a pas rassuré. Le Gouvernement avait pareillement affirmé que la réforme de la taxe d'habitation serait financée par des économies, maintenant il n'en est plus question. Ce sera encore un financement par le déficit...

Le Gouvernement a envisagé une hausse des taux d'intérêt jusqu'à 3,8 % en 2022, qui porterait la charge de la dette de 34 milliards d'euros aujourd'hui à 49 milliards d'euros.

Je partage aussi les propos de Fabienne Keller sur les transports et les efforts demandés aux collectivités locales.

Il est certain que les CPER ne comportent plus guère d'investissements, et que la hausse concerne les dépenses de fonctionnement, la masse salariale, les dépenses de guichet, mais nullement les infrastructures de transport.

Sur quels postes faire porter les économies ? Il est temps d'entrer dans le dur ! Et de nous pencher sur les missions partagées entre l'État et les collectivités locales, comme dans le secteur du tourisme - avec un ministère, des directions régionales, des offices de tourisme, les collectivités territoriales... L'État, de même, a-t-il encore besoin de gérer un réseau routier national ? Et l'on pourrait multiplier les exemples. La prestation de compensation du handicap et l'allocation aux adultes handicapés s'adressent au même public, et impliquent des gestions en doublon.

Finalement, la France est-elle mieux administrée qu'il y a dix ans ? On en doute. La loi n° 2004-809 du 3 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a maintenu des services centraux, avec des agents en surnombre, des corps de contrôle, des agences publiques... Tout récemment encore, nous avons évité de justesse la création d'une commission chargée de la publication des sanctions administratives dans le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale : il aurait fallu désigner un président, former un secrétariat, choisir des bureaux ; tout cela a un coût.

Sur l'évaluation, les députés ont envisagé un organisme indépendant, dans lequel ils semblent vouloir associer le Sénat, sans nous avoir demandé notre avis du reste. Mais attention, tout organisme interne ou externe nouveau ne servira à rien si nous dépendons du ministère pour obtenir les données lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. Nous avons vu évoluer d'heure en heure les chiffres relatifs au réhaussement à 10 % du taux de TVA applicable au logement social. Les montants variaient considérablement... Quant aux études d'impact, quelle valeur ont-elles ? Aucune... Le Parlement doit pouvoir faire par lui-même de vraies études qui éclairent ses votes.

Avant fin juillet, il faudra que nous discutions de la révision constitutionnelle, pour les aspects qui intéressent directement notre commission. La réduction du délai d'examen du projet de budget a de quoi inquiéter, nous ne pourrions plus avoir que quelques jours...

M. Jérôme Bascher . - C'est trop !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'article 40 doit-il être supprimé ? Doit-il être invoqué par le seul Gouvernement ? Ne faut-il pas revoir certains points de la LOLF et le périmètre des missions ? Nous ne sommes pas forcément tous d'accord sur cette réforme constitutionnelle, mais nous le sommes sur ce qui ne fonctionne pas, comme les collectifs budgétaires où nous travaillons sans avoir le texte en temps utile pour l'examiner.

Allez-vous voter, pour certains d'entre vous, le projet de loi de règlement ce matin ? Je vais le faire, par crainte que vous vous absteniez tous, nous aurons le débat en séance publique.

Mme Fabienne Keller . - Le groupe d'études énergie du Sénat a reçu ce matin le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour une présentation des perspectives en matière énergétique. La contribution au service public de l'énergie (CSPE), pour le financement des énergies renouvelables, est un sujet majeur, sur lequel la Cour des comptes a fait un très beau travail. Il serait intéressant pour nos collègues d'entendre cette présentation, surtout quand le poids de l'énergie dans les budgets des ménages augmente continuellement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est un vrai sujet, il faudra en parler avec notre collègue Jean-François Husson.

Mme Fabienne Keller . - Nous pourrons aussi aborder le coût des réseaux, les difficultés financières d'EDF, etc.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2017.

ANNEXE

Comptabilisation des droits d'enregistrement à fin 2017

Source : ministère de l'action et des comptes publics


* 1 Les comptes peuvent être corrigés des jours ouvrables pour neutraliser ce qui relève de simples effets calendaires sans lien avec l'évolution macroéconomique sous-jacente.

* 2 Insee, « Ciel voilé en Europe », note de conjoncture, juin 2018, p. 9.

* 3 L'hypothèse de croissance initialement retenue par le Gouvernement était ainsi supérieure à l'ensemble des prévisions disponibles, qu'il s'agisse de celles de la Commission européenne (+ 1,4 %), du Fonds monétaire international (FMI) (+ 1,3 %), de l'OCDE (+ 1,3 %) ou encore du Consensus Forecasts (+ 1,2 %).

* 4 L'investissement des ménages comprend la construction de logements neufs, les dépenses d'entretien-amélioration et les frais liés à l'acquisition dans le neuf et dans l'ancien.

* 5 Voir sur ce point : « Le redressement de l'investissement immobilier est-il durable ? », Trésor-éco, n° 201, juillet 2017.

* 6 Commission européenne, « An assessment of the relative quality of the EU output gap estimates », décembre 2015.

* 7 Benoît Coeuré, « Scars that never were? Potential output and slack after the crisis », 12 avril 2018.

* 8 OFCE, « La fin d'un cycle ? Perspectives 2018-2019 pour l'économie mondiale et la zone euro », 2018

* 9 Pour une description détaillée, voir : Olivier Coibon, Yuriy Gorodnichenko et Mauricio Ulate, « Real-Time Estimates of Potential GDP : Should the Fed Really Be Hitting the Brakes? », Center on budget and policy priorities , janvier 2018.

* 10 OFCE, « La fin d'un cycle ? Perspectives 2018-2019 pour l'économie mondiale et la zone euro », 2017, p. 50.

* 11 Marek Jarociñski et, Michele Lenz, « An inflation-predicting measure of the output gap in the euro area », Working Paper Series , Banque centrale européenne, n° 1966, septembre 2016.

* 12 Trésor-éco, « Que nous disent les enquêtes de conjoncture sur la position de l'économie dans le cycle ? », n° 223, juin 2018.

* 13 Pour une synthèse sur le sujet, voir par exemple : Banque de France, « La courbe de Phillips existe-t-elle encore ? », Rue de la Banque, n° 56, février 2018.

* 14 Voir par exemple : Insee, « Les relations entre inflation, salaires et chômage n'ont pas disparu : étude comparée dans les économies française et américaine », mars 2018.

* 15 Trésor-éco, « Que nous disent les enquêtes de conjoncture sur la position de l'économie dans le cycle ? », précédemment cité, p. 6.

* 16 Le taux de chômage d'équilibre, également appelé NAIRU - pour Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment , soit le taux de chômage n'accélérant pas l'inflation -, est défini par l'OCDE « comme le taux de chômage [...] vers lequel le chômage converge, en l'absence de chocs d'offre temporaires, une fois que le processus dynamique d'ajustement de l'inflation est achevé. Le taux de chômage d'équilibre de long terme correspond à un état stationnaire, une fois que le NAIRU s'est entièrement ajusté à tous les facteurs qui agissent sur l'offre et sur la politique économique » (cf. OCDE, Études économiques de l'OCDE : France, Paris, Éditions de l'OCDE, 2000, p. 82).

* 17 L. Ball, D. Leigh et P. Loungani, « Okun's Law: Fit at 50? », IMF Working Paper WP/13/10 , janvier 2013, p. 2 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 18 Le 27 avril 2009, le Conseil avait adopté une recommandation demandant à la France de corriger son déficit excessif en 2012 au plus tard. Un délai supplémentaire lui a toutefois été accordé à trois reprises par les recommandations du 27 avril 2009, du 21 juin 2013 et du 10 mars 2015.

* 19 Recommandation du Conseil visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, 10 mars 2015, 6704/15.

* 20 Les mesures exceptionnelles et temporaires ont contribué à augmenter les prélèvements obligatoires de 3,5 milliards d'euros, soit 0,16 point de PIB, sous l'effet de la surtaxe d'impôt sur les sociétés mise en place pour neutraliser le coût du contentieux lié à la taxe à 3 % sur les dividendes (+ 4,9 milliards d'euros), compensé en partie par le coût des contentieux (-1,4 milliard d'euros).

* 21 Rapport d'information n° 438 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 18 avril 2018.

* 22 L'ajustement structurel correspond à l'évolution du solde structurel entre l'année n-1 et l'année n.

* 23 Pour une description détaillée de la méthodologie, voir : Thibault Guyon et Stéphane Sorbe, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques ? », documents de travail de la direction générale du Trésor, numéro 2009/13, 2009.

* 24 Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-2 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2017, p. 4.

* 25 L'effort en dépense se mesure relativement à la croissance potentielle : il y a un effort en dépense positif si les dépenses structurelles augmentent moins vite que la croissance potentielle, ce qui doit permettre de réduire la part des dépenses publiques dans la richesse nationale à moyen terme.

* 26 Cf. Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juin 2017, p. 38.

* 27 Rapport général n° 140 (2016-2017) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 24 novembre 2016.

* 28 Le solde stabilisant la dette de l'année n correspond au produit du taux de croissance du PIB en valeur de l'année n et du ratio d'endettement de l'année n-1. En effet, le ratio d'endettement reste constant si le taux de croissance de la dette est égal à celui du PIB en valeur.

* 29 En effet, quand bien même le solde stabilisant la dette serait atteint, une variation de l'endettement non liée au déficit peut survenir. Cet « ajustement stock-flux » tient notamment à l'accumulation d'actifs financiers (sans effet sur le déficit en comptabilité nationale mais avec un impact sur la dette), aux différences constatées entre comptabilité de caisse et comptabilité d'exercice et à l'étalement des primes et décotes à l'émission en comptabilité nationale.

* 30 Voir sur ce point: A. Pescatori, D. Sandri et John Simon, « Debt and Growth: Is There a Magic Threshold ? », IMF Working Paper WP/14/ 34, 2014.

* 31 Voir sur ce point : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives de finances publiques pour 2017, p. 229 et s.

* 32 « Les comptes des administrations publiques en 2017 », Insee Première, n° 1698, 30 mai 2018, p. 3.

* 33 La capacité de financement de la CADES s'explique par le fait que les remboursements de capital des emprunts ne constituent pas une dépense en comptabilité nationale, contrairement aux remboursements des intérêts.

* 34 « Les comptes des administrations publiques en 2017 », Insee Première, n° 1698, 30 mai 2018, p. 3.

* 35 Commission des comptes de la sécurité sociale, « Les comptes de la sécurité sociale », juin 2018, p. 22.

* 36 Avis du Comité d'alerte n° 2018-1 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie 2017, p. 2.

* 37 Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives de finances publiques pour 2012, p. 150.

* 38 Les Échos, « Le déficit des hôpitaux proche du milliard d'euros en 2017 », juin 2018.

* 39 Les ODASS regroupent essentiellement les hôpitaux du secteur public, les établissements de santé privés participant au service public hospitalier (PSPH), Pôle emploi et les oeuvres sociales intégrées aux organismes de sécurité sociale.

* 40 La confrontation de l'exécution 2017 à la budgétisation autorisée par le Parlement en loi de finances initiale fait l'objet de la deuxième partie du présent rapport, relative au respect de l'autorisation parlementaire.

* 41 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 42 Loi n° 2017-1640 du 1 er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 43 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 44 La norme est inscrite dans la circulaire du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l'État.

* 45 S'agissant de ces deux opérations, le RAP 2017 rappelle que, d'une part, « la réhabilitation du site " Descartes " de l'administration centrale du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) concerne principalement la mise aux normes (sécurité incendie, électrique et ascenseurs), ainsi que la reconstruction de la façade d'un bâtiment (Langevin). Ces travaux s'inscrivent dans le cadre d'un schéma directeur validé par la préfecture de police de Paris qui définit l'ensemble des opérations à conduire. Ce site comprend un bâtiment (Boncourt) classé aux monuments historiques. Le financement de l'opération est essentiellement assuré par le programme 723 » et, d'autre part, « l'opération à conduire sur le site de l'ancienne école des mines de Nancy permettra de rapprocher les services du rectorat de Nancy-Metz, de la direction des services départementaux de l'éducation nationale de Meurthe-et-Moselle, de la structure CANOPE et de la délégation régionale de l'ONISEP (DRONISEP), ainsi que les circonscriptions d'inspection du premier degré (IEN) nancéiennes ».

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