C. L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE : UNE POLITIQUE TOUJOURS EN ÉCHEC
Si un effort important est consenti cette année sur la rétention (pour accompagner la création de 450 nouvelles places en centres de rétention administrative, cf. supra), l'effort est quasi nul depuis quatre ans sur les crédits dédiés à l'éloignement .
Il n'est guère étonnant dès lors que les politiques d'éloignement des étrangers en situation irrégulière constituent aujourd'hui un échec total .
D'après les informations recueillies par votre rapporteur, plus d'un étranger sur deux placé en CRA n'est pas éloigné durant sa rétention administrative , soit parce que son obligation de quitter le territoire français (OQTF) est annulée par le juge administratif, soit parce que l'administration n'a pas été en mesure d'organiser son éloignement dans les délais impartis.
Résultats des politiques d'éloignement (2010-2017)
Source : ministère de l'intérieur (hors outre-mer)
Alors que 103 940 mesures d'éloignement ont été prononcées en 2017, seules 17,5 % d'entre-elles ont été réellement exécutées, soit par un éloignement spontané, soit par un éloignement aidé, soit par un éloignement forcé.
En particulier, le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français reste à un niveau dérisoire en 2017 et, pire, il continue encore à baisser cette année : Sur les six premiers mois de 2018, 12,6 % de ces décisions d'éloignement seulement ont été exécutées (50 838 prononcées, mais seulement 6 406 exécutées).
L'éloignement d'un étranger en situation irrégulière échoue encore très souvent faute d'obtenir un laissez-passer consulaire délivré par le pays d'origine. Or si le taux moyen d'obtention dans le délai utile augmente cette année légèrement (51 % en 2017), il faut tenir compte non seulement d'importantes disparités entre les pays mais aussi du fait que les services de l'État tendent à s'autocensurer au stade de leurs demandes de laissez-passer, renonçant souvent à solliciter les pays connus comme les moins coopératifs.
Votre rapporteur réitère donc l'appel qu'il avait lancé lors de la discussion de la loi « asile immigration intégration » à un renforcement des négociations bilatérales avec les pays d'origine, et rappelle que le Sénat avait proposé, au besoin, que le ministre de l'intérieur puisse lier au caractère plus ou moins coopératif des États la délivrance de visas à leurs ressortissants.
De même, lors des premiers mois de l'année 2018, moins de 12 % des étrangers sous statut « Dublin » ont été effectivement transférés vers un autre État de l'Union européenne. Les accords de Dublin, qui prévoient le renvoi des demandeurs d'asile vers l'État de l'Union européenne dans lequel ils sont arrivés, sont à bout de souffle, sans qu'une perspective de réforme se dessine à ce jour. Leur difficulté d'application en France mine la crédibilité de nos politiques d'éloignement. Avec un taux aussi dérisoire, la France devient ainsi un pôle d'attractivité pour tous les migrants déboutés dans d'autres pays d'Europe qui souhaitent donner ici une seconde chance à leur demande d'asile.
À cet égard, au vu des difficultés posées par les transferts des demandeurs d'asile sous statut « Dublin », votre rapporteur ne comprend pas pourquoi l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont abrogé en septembre plusieurs mesures de bon sens qui venaient d'être adoptées en mars - à l'initiative du Sénat, ceci expliquant peut-être cela - et qui visaient à renforcer les obligations de recueil d'empreintes et de l'efficacité des visites domiciliaires.
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Sur la proposition de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.