C. LA PARTICIPATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À L'EFFORT DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES DANS LE CADRE DU PACTE DE CONFIANCE ET DE RESPONSABILITÉ ENTRE L'ETAT ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES
1. L'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales
L'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales est actuellement régie par l'article 13 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, qui définit le périmètre de l'enveloppe et sa norme d'évolution, constitué par :
- les prélèvements sur recettes de l'État au profit des collectivités territoriales, à l'exception du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ;
- les crédits du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT).
- les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, qui sont hors enveloppe (dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et dotation de compensation des produits syndicaux fiscalisés).
Ne sont pas concernés par cette réduction :
- le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), dont le montant serait en progression de 130 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, pour atteindre 5,758 milliards d'euros ;
- les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle dont le montant total s'élèverait à 3,860 milliards d'euros .
Il prévoit la stabilisation des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en 2013 puis leur diminution en 2014 et en 2015 de 750 millions d'euros, soit une baisse de 1,5 milliard d'euros en deux ans, cette minoration représentant une diminution de 1,5 % de l'enveloppe chacune de ces deux années.
Montant de l'enveloppe normée
(en milliards d'euros)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
50,53 |
50,53 |
49,78 |
49,03 |
Source : Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
L'effort demandé aux collectivités territoriales s'est toutefois accompagné, en 2013, d'un renforcement de la péréquation. Il était également prévu que les modalités de répartition des concours de l'État soient déterminées en association avec les collectivités territoriales. C'est l'objet du pacte de confiance et de responsabilité adopté en juillet 2013
Dans son précédent avis budgétaire, votre rapporteur pour avis avait appelé le Gouvernement à préciser quels seraient les dotations ou les fonds qui feraient l'objet d'un écrêtement en 2014 et 2015, afin de permettre aux collectivités territoriales ou leurs groupements aujourd'hui bénéficiaires d'anticiper leurs baisses de ressources. Il se félicite que le Gouvernement ait fait part de ses intentions dès le mois de juillet dernier sur cette question.
2. Le pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités locales du 16 juillet 2013
Pour définir les conditions d'association des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques, un pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités locales a été signé le 16 juillet 2013 entre l'État et les associations nationales d'élus locaux 6 ( * ) . Ce nouveau cadre commun est issu des travaux lancés par le Premier ministre le 12 mars 2013, à la suite de la première conférence nationale des finances publiques locales. Le Premier ministre a confié au Comité des finances locales (CFL) la mission de formuler des propositions sur les six chantiers suivants :
- la répartition de la baisse des dotations ;
- la péréquation ;
- l'accès aux crédits pour les collectivités territoriales ;
- les dépenses contraintes des collectivités territoriales ;
- les ressources fiscales des collectivités territoriales ;
- l'avenir de la contractualisation entre l'État et les régions.
Le CFL a remis ses propositions au Gouvernement le 25 juin 2013. La majorité d'entre elles a été reprises dans le pacte de confiance.
Par ailleurs, a été mis en place un groupe de travail spécifique consacré au financement des allocations individuelles de solidarités (allocation personnalisée d'autonomie, prestation de compensation du handicap, revenu de solidarité active) entre l'État et l'Assemblée des Départements de France (ADF).
Lors du comité des finances locales du 12 février 2013, le Gouvernement a indiqué que le financement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) nécessitait le doublement de l'effort demandé aux collectivités territoriales. Ce renforcement de la participation des collectivités au redressement des finances publiques s'est concrétisé au sein du pacte de confiance et de responsabilité. La réduction des concours financiers que les collectivités territoriales perçoivent de la part de l'État a été ainsi fixée à 1,5 milliard d'euros en 2014 et 1,5 milliard d'euros supplémentaires en 2015 , soit le double de ce que prévoit l'article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 et 2017 précitée.
a) Une répartition équilibrée des efforts d'économie
Le montant total de l'enveloppe normée, qui s'élevait à 48,825 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2013, serait réduit de 1,5 milliard d'euros, portant ainsi, à périmètre constant, l'enveloppe normée à 47,330 milliards d'euros, soit une baisse de 3,1 %. Lors de son audition devant votre commission, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation, a indiqué que cet effort de 1,5 milliard d'euros ne représente que 0,69 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités territoriales.
Au sein de cette enveloppe normée, la diminution confirmée par le pacte de confiance et de responsabilité est supportée quasi-exclusivement par la dotation globale de fonctionnement. L' article 24 du projet de loi de finances pour 2014 fixe la DGF à 40,123 milliards d'euros , soit une diminution de 3,4 % par rapport à 2013. Ainsi que l'a souligné Mme Anne-Marie Escoffier lors de son audition, l'effort demandé aux collectivités territoriales vise à préserver l'investissement local. C'est pourquoi il porte intégralement sur la dotation globale de fonctionnement tandis que les dotations d'investissement inscrites dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » sont totalement préservées.
Ce même article répartit l'effort entre les trois catégories de collectivités locales au prorata de leurs recettes totales , conformément aux préconisations du Comité des finances locales 7 ( * ) :
- 840 millions d'euros pour le bloc communal, qui supporterait ainsi 56 % de la baisse des dotations, dont 588 millions d'euros pour les communes (soit 70 %) et 252 millions d'euros pour les EPCI (soit 30 %) ;
- 476 millions d'euros pour les départements, représentant 32 % de la baisse de la dotation globale de fonctionnement ;
- 184 millions d'euros pour les régions, soit 12 % de la baisse.
Plus concrètement, la baisse de la dotation globale de fonctionnement serait supportée par la dotation forfaitaire de celle-ci (et la dotation d'intercommunalité pour les EPCI à fiscalité propre) ou, à défaut, sur les compensations d'exonération de fiscalité directe locale (correspondant à une baisse de 6,84 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013) au sein de l'enveloppe normée des concours financiers et sur les avances de fiscalité de chaque collectivité.
b) Le financement des allocations individuelles de solidarité : la garantie de ressources pérennes aux départements
En 2009, les dépenses d'aide sociale des départements ont représenté 60 % de leurs dépenses courantes hors investissement , soit un total de 29,4 milliards d'euros sur un budget global de 48,4 milliards d'euros. Le versement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et du revenu de solidarité active (RSA) s'élevait à 28 % de ces dépenses, soit 14 milliards d'euros. Dans un contexte de diminution de la dotation globale de fonctionnement qui affecte les départements, l'État s'est engagé, dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité et d'un groupe de travail commun avec l'Assemblée des Départements de France (ADF), à garantir aux départements des ressources pérennes et suffisantes pour le financement de ces allocations individuelles.
Ainsi, l' article 26 du projet de loi de finances pour 2014 propose de transférer aux départements l'ensemble des recettes, aujourd'hui affectées à l'État, correspondant aux frais de gestion sur la taxe foncière sur les propriétés bâties perçues par les départements, les EPCI et les communes. Le montant de ces prélèvements atteint 3 % du produit de la taxe des communes, des EPCI et des départements, soit un montant estimé à 827 millions d'euros . Ce transfert compenserait intégralement la réduction des dotations budgétaires aux départements. En revanche, ne sont pas précisés les critères de répartition de cette enveloppe entre les départements,
dans l'attente des conclusions du groupe de travail entre l'État et l'ADF. Il est cependant prévu, à titre conservatoire, que ces critères reposeraient sur :
- un indicateur de ressources fiscales et financières ;
- le revenu par habitant ;
- l'effort fiscal (soit le seul taux de taxe foncière sur les propriétés bâties comparé à un taux moyen national) ;
- les charges liées à l'APA, la PCH et au RSA.
Par ailleurs, l' article 58 propose de donner aux départements une marge de manoeuvre pour le tarif des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) via le relèvement de 0,7 point du taux plafond applicable, entre le 1 er mars 2014 et le 29 février 2016. Selon les évaluations disponibles, cette mesure permettrait d'accroître de 930 millions d'euros les ressources fiscales des départements pour l'année 2014.
Ces deux dispositions permettraient de garantir aux départements des ressources stables et suffisantes pour le financement des allocations individuelles de solidarité, conformément aux conclusions du rapport d'un précédent groupe de travail État / Départements sur le financement pérenne des allocations individuelles de solidarité, remises en avril 2013.
c) Le renforcement de l'autonomie fiscale des régions
Le projet de loi de finances pour 2014 propose de renforcer l'autonomie fiscale des régions dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Ainsi, l' article 25 tend à renforcer l'autonomie financière et le dynamisme des ressources des régions, en leur transférant des nouvelles recettes fiscales évaluées à 901 millions d'euros en 2014, afin de compenser la suppression de cinq dotations de décentralisation finançant actuellement la formation professionnelle. Il s'agirait :
- pour les deux tiers (601 millions d'euros), de recettes aujourd'hui affectées à l'État et correspondant aux frais de gestion des trois principales impositions locales (cotisation foncière des entreprises, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxe d'habitation) qui seraient indexées sur l'évolution du produit constaté des impôts ;
- pour un tiers (300 millions d'euros), d'une fraction supplémentaire de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE).
La répartition de ces nouvelles ressources entre régions serait proportionnelle à ce qu'elles perçoivent aujourd'hui au titre de la formation professionnelle.
Votre rapporteur pour avis constate cependant que l'accroissement des ressources fiscales des départements et des régions, prévu pour compenser la réduction de leur DGF, permet à la fois d'élever leur ratio d'autonomie financière tout en rendant ces collectivités fortement dépendantes du panier de recettes ainsi transférées.
d) L'accroissement des moyens en faveur de la péréquation
Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit un effort en faveur de la péréquation verticale en faveur du bloc communal et des départements et une montée en puissance des fonds de péréquation horizontale.
Au sein de la dotation globale de fonctionnement, les dotations de péréquation devraient augmenter en 2014 à un rythme au moins égal à celui de l'année 2012.
Ainsi, pour les communes et les EPCI à fiscalité propre , la hausse de la péréquation s'élève à 109 millions d'euros , répartis entre 60 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine (DSU), 39 millions d'euros pour la dotation de solidarité rurale (DSR) et 10 millions d'euros pour la dotation nationale de péréquation (DNP), ce qui représenterait une augmentation respective de 4 %, 4 % et 1,3 % en comparaison de la loi de finances initiale pour 2013. S'y ajoutent 10 millions d'euros sur les dotations de péréquation départementales (dotation de fonctionnement minimale et dotation de péréquation urbaine). Mme Anne-Marie Escoffier a indiqué à votre commission que la volonté du Gouvernement d'accroître la péréquation horizontale du bloc communale reposait sur un double constat :
- la persistance d'inégalités importantes dans les ressources des collectivités territoriales ;
- la nécessité, pour les plus faibles d'entre elles, d'un soutien renforcé, notamment pour faire face à l'application proportionnelle de la réduction de 1,5 milliard d'euros des concours financiers de l'État.
L' article 73 du projet de loi de finances propose d'augmenter le niveau des fonds de péréquation communaux et intercommunaux : ainsi, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) passerait de 360 millions d'euros à 570 millions d'euros en 2014 et le fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF) progresserait de 230 millions d'euros en 2013 à 250 millions d'euros.
Par ailleurs, les modifications proposées au dispositif en vigueur du FPIC portent sur :
- la modification des modalités de calcul du prélèvement des collectivités contributrices au fonds, avec l'augmentation de 20 % à 25 % de la pondération du revenu par habitant ;
- le relèvement du plafonnement des prélèvements de 11 % à 13 % des ressources prises en compte dans le potentiel financier ;
- le relèvement du seuil minimal d'effort fiscal requis pour être éligible à un reversement au titre du fonds.
S'agissant du FSRIF, quatre modifications sont proposées par l'article 73 :
- l'introduction d'un indice synthétique pour le calcul des prélèvements afin d'introduire la prise en compte du revenu par habitant à hauteur de 20 %. Mme Anne-Marie Escoffier a précisé que l'objectif de cette modification est de limiter les contributions pesant sur les communes ayant des ressources mais également des charges importantes ;
- le relèvement du plafond du prélèvement de 10 % à 11 % des dépenses réelles de fonctionnement ;
- le plafonnement du prélèvement de l'année en cours à 150 % du montant du prélèvement de l'année précédente ;
- la suppression des dispositions spécifiques aux communes ayant fait l'objet à la fois d'un prélèvement et d'un reversement en 2012.
Parmi les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, votre rapporteur pour avis attire l'attention de votre commission sur les conséquences d'un amendement adopté à l'initiative de M. Olivier Dussopt, rapporteur pour avis de la commission des lois, visant à relever le seuil à partir duquel un EPCI et une commune isolée est contributeur au FPIC. Actuellement, seuls les EPCI et communes dont le potentiel financier agrégé par habitant est supérieur à 90 % du potentiel financier sont prélevés. Ce seuil serait fixé à 100 %. Il résulterait de cette modification une concentration du prélèvement sur les collectivités les plus riches et donc, in fine , un prélèvement plus important pour ces dernières. Votre rapporteur pour avis se félicite de l'amendement de suppression de cette disposition, adopté par la commission des finances du Sénat à l'initiative de nos collègues, MM. Jean Germain et Pierre Jarlier, rapporteurs spéciaux, au motif que des variations trop importantes des mécanismes de péréquation affecteraient de manière brutale les recettes des collectivités concernées. En outre, cet amendement a été adopté sans simulation, alors que les effets risquent d'être particulièrement importants.
Pour les départements , le projet de loi de finances pour 2014 poursuit l'effort de l'État en faveur de la péréquation des départements d'environ 10 millions d'euros qui concernerait la dotation de péréquation urbaine et la dotation de fonctionnement minimale.
Mme Anne-Marie Escoffier a précisé que chaque fonds de péréquation ferait l'objet d'un examen annuel et que des ajustements pourraient être envisagés, afin d'en affiner et d'en améliorer les effets.
* 6 Association des Maires de France (AMF), Assemblée des Départements de France (ADF), Association des Régions de France (ARF), Association des Maires Ruraux de France (AMRF), Assemblée des Communautés de France (AdCF), Association des Communautés Urbaines de France (ACUF), Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF), Association des Petites Villes de France (APVF), Fédération des Villes Moyennes (FVM).
* 7 Délibération n° 2013-13 du 25 juin 2013 du Comité des finances locales.