EXAMEN DES ARTICLES
TITRE
PREMIER
MARCHÉS PUBLICS, INGÉNIERIE PUBLIQUE
ET COMMANDE
PUBLIQUE
Article premier
(art. 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier
1983,
art. 7 et 7-1 de la loi n° 92-125 du 6 février
1992)
Ingénierie publique
Cet article vise à rénover le régime juridique de l'ingénierie publique afin de le mettre en conformité avec le droit communautaire de la concurrence.
Qu'il s'agisse d'études, de maîtrise d'oeuvre, de maîtrise d'ouvrage ou de conduite d'opérations d'investissement, les collectivités locales, en particulier les communes, peuvent s'en remettre à leurs propres services, aux services de l'Etat ou aux professionnels du secteur privé. Dans ce dernier cas, la mise en concurrence est obligatoire en application du code des marchés publics. En revanche, le recours aux services de l'Etat ne nécessite pas, actuellement, la mise en oeuvre d'une telle procédure.
Cependant, l'exercice rémunéré des missions d'ingénierie sans mise en concurrence et à des prix qui ne sont pas ceux du marché a été remis en cause par la jurisprudence, au regard des dispositions du traité de Rome et du droit communautaire de la concurrence, ce qui a rendu nécessaire une révision des modalités d'intervention de l'ingénierie publique.
1) Un régime ancien
a) Les origines de l'ingénierie publique
Les services de l'Etat, en particulier les services déconcentrés du ministère de l'équipement et du ministère de l'agriculture , remplissent de longue date 9 ( * ) des missions d'ingénierie au profit d'autres collectivités publiques, principalement les collectivités territoriales.
A la veille de la Révolution, les municipalités versaient une rémunération aux ingénieurs des ponts et chaussées, en général de 1/20 e du prix des ouvrages d'urbanisme, pour tous les travaux réalisés sur leur sol. Les cahiers de doléance critiquaient ces prélèvements qui renchérissaient le coût des travaux.
Le système s'est maintenu sous tous les régimes politiques mais, à partir d'un décret du 10 mai 1854, il a été restreint aux interventions des ingénieurs et techniciens dans les affaires d'intérêt communal ou privé où leur rôle n'était pas obligatoire, sous réserve de l'autorisation du préfet.
Jusqu'au début du XX e siècle, les travaux ruraux étaient également confiés aux services des ponts et chaussées. En 1902, la direction de l'hydraulique et des améliorations agricoles a été créée. Un arrêté du 28 janvier 1903 a autorisé ce service à prêter son concours en dehors des missions de l'Etat et à percevoir, en contrepartie, des honoraires. En 1937, le ministère de l'agriculture décidait de confier au corps du génie rural l'exécution de tous les travaux communaux qu'il subventionnait.
En dépit d'efforts de coordination, une certaine concurrence s'est établie entre directions départementales de l'équipement et services déconcentrés du ministère de l'agriculture.
Au total, le montant annuel moyen des rémunérations versées aux services de l'Etat par les collectivités territoriales s'est élevé à 1.560 millions de francs hors taxes sur les trois dernières années, les deux-tiers environ provenant de prestations réalisées par les services du ministère de l'équipement et le tiers restant de ceux du ministère de l'agriculture.
Jusqu'en 2000 , les sommes ainsi perçues alimentaient non pas les recettes budgétaires de l'Etat, mais un compte de tiers tenu dans les écritures de chaque trésorier-payeur général, qui permettait de financer un régime indemnitaire spécifique en dehors du budget de l'Etat.
Depuis 1979, il n'y avait plus de lien entre le volume des recettes engendrées dans un département et le montant des primes distribuées aux personnels de ce département, mais le maintien de ce régime spécifique différent des autres systèmes de primes des fonctionnaires faisait l'objet de nombreuses critiques.
b) Le régime actuel de l'ingénierie publique
La loi de finances pour 2000 10 ( * ) a intégré au budget général de l'Etat les recettes engendrées par ces missions . Les rémunérations sont désormais perçues sous forme de fonds de concours et les indemnités spécifiques de service des agents sont des primes banalisées .
Les lois 11 ( * ) qui régissaient ces interventions ont ainsi été abrogées. De sorte qu'aujourd'hui, l'ingénierie publique est régie par deux dispositions législatives :
- l'article 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat dispose que « les services de l'Etat, des régions et des départements peuvent apporter leur concours aux communes qui le demandent pour l'exercice de leurs compétences dans les conditions définies par convention passée, selon le cas, avec les représentants de l'Etat, le président du conseil régional, le président du conseil général et le maire de la commune concernée » ;
- l'article 7 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République dispose dans le même sens que « les services déconcentrés de l'Etat peuvent concourir par leur appui technique aux projets de développement économique, social et culturel des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération qui en font la demande [... ] ».
Les champs de ces deux articles diffèrent même s'ils comportent de nombreux recoupements.
Selon les indications fournies à votre rapporteur, qu'il s'agisse de concours ou d'appui technique, les prestations d'ingénierie publique visées seraient les mêmes . Par ailleurs, la notion « d'exercice de leurs compétences » engloberait celle de « projet de développement économique, social et culturel ».
Cette dernière concernerait en particulier les projets d'infrastructures et de constructions publiques qui relèvent de la compétence des collectivités et établissements publics visés dans la loi de 1992. La construction de lycées, de salles polyvalentes intercommunales, l'aménagement de nouveaux pôles de développement économique ou de transports en commun en site propre en sont quelques illustrations.
La notion d'« exercice de leurs compétences » serait plus large et intègrerait en outre l'élaboration de politiques et de stratégies d'interventions, la gestion de patrimoine, la délivrance d'autorisations individuelles, qui ne relèvent pas toutes de la notion de projet.
En revanche, les bénéficiaires comme les prestataires de l'ingénierie publique ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit de la loi de 1983 ou de la loi de 1992. La première prévoit une aide des services de l'Etat, des régions et des départements aux seules communes, alors que la seconde permet à l'ensemble des collectivités locales et à leurs établissements publics de coopération de demander une aide des seuls services de l'Etat.
c) La nature des prestations
Les demandes d'aide des collectivités locales font l'objet d'une délibération du conseil municipal , transmise ensuite pour autorisation au préfet .
Les concours apportés par les services de l'équipement se répartissent en concours occasionnels (maîtrise d'oeuvre, conduite d'opération, conseil et assistance) et concours permanents (aide technique à la gestion communale, gestion de services autres que la voirie communale, contrôles, affermage ou régie, conseil et assistance).
La mission de conception-maîtrise d'oeuvre représentait 68 % des recettes des directions départementales de l'équipement en 1995. Elle concerne pour l'essentiel des travaux de voirie et réseaux divers.
La conduite d'opérations (10 % des recettes) concerne l'assistance à maîtrise d'ouvrage de caractère administratif, technique et financier, c'est-à-dire ce qui n'est pas « réservé » aux architectes. Il s'agit de la phase préalable du projet : consultation, rédaction du programme proposé aux architectes.
La gestion des services autres que la voirie (5 % des recettes) consiste en la gestion des réseaux de distribution d'eau, d'assainissement, de collecte et de traitement des ordures ménagères, l'entretien des bâtiments publics.
Les contrôles (3 % des recettes) portent sur le respect du cahier des charges en matière de distribution d'eau potable, de réseaux d'assainissement, de collecte et de traitement des déchets.
Enfin, l' aide technique à la gestion communale (13 % des recettes) est une mission de caractère permanent au profit des communes qui en font la demande. Les moyens sont fournis par la commune (agents et engins), mais la direction départementale de l'équipement assure la prestation d'encadrement sous forme de préparation de la programmation, de suivi financier et de contrôle. La rémunération des services de l'Etat consiste en une sorte d'abonnement, fonction du nombre d'habitants de la commune, dont le montant est fixé chaque année par arrêté ministériel.
Les missions de conception-maîtrise d'oeuvre représentent l'essentiel des activités d'ingénierie des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, soit les deux tiers environ des recettes. Leurs principes sont identiques à ceux prévalant au ministère de l'équipement.
Les interventions de conseil et d'assistance concernent la maintenance du patrimoine immobilier, le contrôle des services d'eau et d'assainissement, les missions de conseil et d'assistance aux collectivités locales.
L'aide technique à la gestion communale est réservée aux services de l'équipement.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le nombre total moyen de ces concours sur les trois dernières années était supérieur à 30.000 par an (hors assistance technique à la voirie communale). On estime à environ 22.000 le nombre moyen de communes et groupements bénéficiaires chaque année. Le montant moyen des rémunérations de ces concours est d'environ 35.000 F hors taxes.
2) Un régime remis en cause par l'évolution du droit de la concurrence
Ainsi, jusqu'à présent, les collectivités locales pouvaient faire appel aux services de l'Etat sans obligation préalable de mise en concurrence, sur la base de simples conventions et d'une tarification définie par arrêté ministériel.
L'évolution du droit communautaire et de la concurrence a progressivement fragilisé ce cadre et nécessité une révision des modalités d'intervention de l'ingénierie publique.
a) Le droit de la concurrence
Le paragraphe 2 de l'article 86 du traité instituant la Communauté européenne dispose que « les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté ».
Les directives européennes relatives aux marchés publics de services (directive « services » 92-50 du 18 juin 1992, et partie services de la directive « réseaux » 93-38 du 23 juin 1993) transposées, en ce qui concerne les entités soumises au code des marchés publics, par le décret n° 98-111 du 27 février 1998 12 ( * ) , imposent aux « pouvoirs adjudicateurs » de mettre en concurrence leurs prestataires de services dès lors que le montant de l'opération dépasse un certain seuil 13 ( * ) , sauf dans le cas où le prestataire est lui-même un « pouvoir adjudicateur » disposant d'un droit exclusif octroyé par un texte législatif ou réglementaire.
De la même façon, le nouveau code de commerce impose le respect des règles de la libre concurrence, en particulier dans ses articles L. 420-1 et L. 420-2. Les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, sont soumises aux règles de la libre concurrence.
b) La jurisprudence du Conseil d'Etat
Dans un arrêt du 20 mai 1998, rendu à propos d'un contrat de services d'assainissement confié par une communauté de communes à un syndicat mixte dont elle était membre, le Conseil d'Etat 14 ( * ) a estimé que le traitement des eaux usées ne faisant pas partie des compétences obligatoires du syndicat, celui-ci ne disposait pas d'un droit exclusif et que le contrat de prestations de services aurait dû être passé conformément aux obligations de publicité et de mise en concurrence de la directive 92/50.
Il résulte de cet arrêt que tous les contrats de services des entités soumises aux directives doivent, quand leur montant est supérieur aux seuils européens, être attribués conformément aux procédures de publicité et de mise en concurrence européennes . Seuls échappent à cette obligation ceux qui sont confiés à un prestataire de services qui est lui-même une entité adjudicatrice et qui dispose d'un droit exclusif octroyé par un texte législatif ou réglementaire.
Cette règle vaut pour l'ensemble des contrats entre personnes publiques, dès lors qu'ils portent sur des prestations d'un montant supérieur aux seuils communautaires. Elle a vocation à s'appliquer, en particulier, tant aux relations contractuelles entre collectivités territoriales ou établissements publics locaux qu'à celles entre ces dernières et les services de l'Etat.
Dans un avis du 8 novembre 2000, société Jean-Louis Bernard, le Conseil d'Etat a précisé qu'aucun principe n'interdisait à une personne publique de se porter candidate à l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public.
Pour pouvoir être retenue, son offre suppose, « d'une part, que le prix proposé soit déterminé en prenant en compte l'ensemble des coûts directs et indirects, d'autre part, l'absence d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public et qu'enfin elle puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d'information approprié ».
Ainsi, dans un arrêt du 22 juillet 1999 15 ( * ) , le tribunal administratif de Besançon n'avait pas hésité à sanctionner une concurrence jugée déloyale de la part des services de l'Etat.
c) La révision des modalités d'intervention de l'ingénierie publique
Lors de sa réunion du 13 juillet 1999, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat a décidé de moderniser les activités d'ingénierie publique en prévoyant la réforme du cadre juridique d'intervention des services de l'Etat pour leur permettre de participer à des appels à la concurrence, la budgétisation des rémunérations accessoires au 1 er janvier 2000, la fixation d'objectifs de qualité, la production de recommandations déontologiques, la création d'un dispositif de pilotage conjoint de l'offre d'ingénierie entre services de l'équipement et de l'agriculture et la mise en place d'une instance nationale interministérielle pour le suivi de l'ensemble de ces actions.
3) Les dispositions du projet de loi
Le présent article constitue la traduction législative de cette réforme et vise à permettre d' adapter le régime de l'ingénierie aux exigences du droit de la concurrence , en soumettant les prestations des services de l'Etat au code des marchés publics, à l'exception des missions d'aide à la gestion des communes et de leurs groupements disposant de faibles moyens.
a) La soumission des prestations d'ingénierie publique au code des marchés publics
Les deux premiers paragraphes du présent article ouvrent la possibilité aux services de l'Etat, des régions et des départements d'exercer des missions d'ingénierie dans le cadre des règles de la commande publique et de la concurrence (maîtrise d'oeuvre, études, conduite d'opérations).
Le paragraphe I modifie ainsi l'article 12 de la loi du 7 janvier 1983 afin de soumettre le concours apporté par l'Etat, les régions et les départements au nouveau code des marchés publics.
Il étend expressément le bénéfice de ces concours aux établissements publics des communes et aux établissements publics de coopération intercommunale.
De même, le paragraphe II propose une nouvelle rédaction de l'article 7 de la loi d'orientation du 6 février 1992 afin de soumettre les prestations des services de l'Etat non plus à une convention, mais au nouveau code des marchés publics.
Par ailleurs, il étend le champ des prestataires de l'appui technique aux services de l'Etat à compétence nationale, qui ont pu développer des expertises sur les grands ouvrages de l'Etat, à l'exemple du centre d'études techniques maritimes et fluviales, du service technique des bases aériennes, du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés ou encore du service d'études techniques des routes et autoroutes.
Le champ des bénéficiaires serait, quant à lui, élargi à l'ensemble des établissements publics et ne concernerait plus seulement les collectivités locales et leurs établissements publics de coopération. Les chambres de commerce et d'industrie, les établissements publics d'aménagement de villes nouvelles, par exemple, pourraient ainsi faire appel aux concours des services de l'Etat.
b) L'aide à la gestion des communes et de leurs groupements disposant de faibles moyens
Le paragraphe III du présent article consacre l'existence d'une mission d'assistance technique aux collectivités de taille et de ressources modestes qui, ne disposant pas de moyens techniques, doivent pouvoir faire appel aux services de l'Etat pour l'exercice de leurs compétences.
Cette mission de service public se verrait attribuer le caractère de service d'intérêt général et s'exercerait en dehors des règles de la concurrence . Elle serait mise en oeuvre sur la base de la mission d'assistance technique à la gestion communale actuelle élargie à l'aménagement et l'habitat.
Une convention serait passée avec chaque collectivité bénéficiaire. Un décret fixerait notamment les critères à satisfaire pour bénéficier de cette « mission de solidarité et d'aménagement du territoire » désormais compatible avec le droit communautaire.
4) Les observations de votre commission des Lois
a) La soumission des prestations d'ingénierie publique au code des marchés publics
Votre commission des Lois constate que la liste des bénéficiaires de l'ingénierie publique proposée par le présent article ne comprend pas l'ensemble des établissements de coopération des collectivités locales, en particulier les syndicats mixtes.
Inversement, le texte proposé pour l'article 12 de la loi du 7 janvier 1983 ne prévoit pas que les services d'une commune ou d'un établissement public de coopération locale puissent apporter leur appui technique à une autre commune.
Votre commission des Lois observe également que les prestations d'ingénierie publique seront soumises au code des marchés publics et devront faire l'objet d'une mise en concurrence. Encore faut-il que les tarifs mis en oeuvre par les services des collectivités publiques ne constituent pas une concurrence déloyale pour leurs concurrents , professionnels privés (bureaux d'études, ingénieurs conseils, géomètres, architectes) et sociétés d'économie mixte.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, s'agissant des missions de mandat et de conduite d'opérations, la concurrence ne concernerait que les personnes physiques et les sociétés d'économie mixte, ainsi qu'un nombre très limité d'entreprises privées agréées en conduite d'opérations.
Dans le domaine du bâtiment, conformément à la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, les services de l'Etat ne devraient pas ou plus faire de maîtrise d'oeuvre.
Pour les aménagements d'espaces publics, le ministère de l'équipement aurait l'intention de développer les interventions associant les directions départementales de l'équipement et les architectes ou paysagistes privés . Votre rapporteur se félicite d'un tel partenariat public-privé.
En matière d'eau et d'assainissement, la concurrence est réduite du fait de la concentration opérée au sein d'un nombre limité de grands groupes.
b) L'aide à la gestion des communes et de leurs groupements disposant de faibles moyens
S'agissant du texte proposé par le paragraphe III, votre commission des Lois observe que l'érection de l'assistance technique aux petites communes et à leurs groupements en service d'intérêt économique général au sens du traité instituant la Communauté européenne permettrait de déroger aux règles de la concurrence conformément à l'article 86-2 du traité.
Selon les informations fournies à votre rapporteur, un barème de rémunération analogue à celui existant pour « l'assistance technique à la gestion communale » actuelle serait maintenu 16 ( * ) . Le mode de rémunération n'aurait pas pour objet de permettre d'équilibrer le coût de la mission, mais de la rendre accessible à toutes les collectivités grâce à un prix abordable, conformément aux exigences des services d'intérêt général.
Les missions d'assistance à l'exercice des compétences propres à la collectivité pourraient de toutes façons difficilement être assurées par l'initiative privée, dans la mesure où elles relèvent pour une large part des prérogatives de la puissance publique.
Les pouvoirs de police de la conservation du domaine public ne peuvent en effet être délégués qu'à une autorité publique dûment investie (agents assermentés) pour établir des constats à la suite d'infractions portant atteinte à la voirie publique. Les pouvoirs de police de la circulation ne peuvent être délégués au représentant d'un groupement de communes. Le maire conserve donc l'exercice de cette mission même sur la voirie d'intérêt communautaire. Il a d'autant plus besoin d'une assistance relevant de l'exercice de l'autorité publique que sa commune est petite, donc non pourvue de personnel qualifié en la matière.
Les missions d'étude et de direction des travaux confiées dans le cadre de l'aide technique à la gestion communale sont composées de petites interventions dont la programmation est souvent aléatoire (dégradations de voirie suite à des accidents ou des événements climatiques, coordination des travaux avec les concessionnaires...) et dont l'exécution nécessite parfois des délais d'intervention très courts pour des raisons de sécurité.
Le contenu de la « mission communale », inspiré de l'aide technique à la gestion communale existante, serait modernisé par rapport aux pratiques des services et aux attentes des communes. Il devrait comprendre l' assistance à la gestion de la voirie communale (assistance à l'exercice des pouvoirs de police de la circulation, assistance à la gestion du domaine public, assistance à la programmation des travaux, définition des travaux, aide à la passation des marchés et surveillance de travaux d'entretien...), avis techniques sur l'opportunité et la faisabilité de projets, conseil sur les procédures et modalités à mettre en oeuvre.
Les groupements pourraient obtenir une assistance à la prise en charge et à l'exercice de leurs compétences dans les domaines de la gestion de la voirie d'intérêt communautaire, de l'aménagement et de l'habitat (avis sur l'opportunité et la faisabilité de projets, conduite des études préalables, conseil sur les procédures et modalités à mettre en oeuvre...), ainsi qu'une aide à la mise en place d'un service technique dans le cas où la taille et les ressources du groupement le permettent.
Il a également été indiqué à votre rapporteur que cette assistance technique ne devrait pas comprendre de missions de maîtrise d'oeuvre , à l'exception de petits travaux de modernisation de la voirie, et qu'il était envisagé de renforcer l'assistance en amont au maître de l'ouvrage et de confier au secteur privé certaines missions comme l'établissement des plans d'alignement.
Si les deux types de missions distinguées par le projet de loi sont parfaitement identifiées, votre rapporteur considère cependant que la mission d'assistance technique mériterait d'être mieux précisée pour s'assurer qu'elle ne rentre pas dans le champ du domaine concurrentiel de la maîtrise d'oeuvre qui relève, dans ce cas, de l'article 12 de la loi du 7 janvier 1983 et de l'article 7 de la loi du 6 février 1992.
Votre commission des Lois observe par ailleurs que ce régime dérogatoire concernerait les seuls services de l'Etat et non ceux des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération . Il lui paraît souhaitable, au contraire, de permettre à ces collectivités de venir en aide aux communes et à leurs groupements qui se trouvent sur leur territoire et de contribuer elles aussi à ce service d'intérêt général.
Sous réserve de ces observations et des amendements proposés par la commission des Finances, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption de l'article premier.
Article 2
Unification du contentieux
relatif aux marchés publics
Cet article vise à attribuer l'ensemble du contentieux des marchés publics à la juridiction administrative en qualifiant ces derniers de contrats administratifs.
1) La qualification incertaine des marchés publics
Les incertitudes liés à la qualification des marchés publics ont en effet conduit la jurisprudence à dissocier des marchés soumis au code des marchés publics de la sphère des contrats administratifs.
La première, la Cour de cassation a jugé que la soumission d'un contrat aux dispositions du code des marchés publics ne lui conférait pas par elle-même le caractère d'un contrat administratif, dès lors que le cocontractant ne participait pas directement à l'exécution du service public et que le contrat ne contenait pas de clause exorbitante de droit commun. 17 ( * )
Le Tribunal des conflits a récemment confirmé cette jurisprudence en considérant que « la seule circonstance que la passation des contrats de fournitures (...) ait été soumise (...) au code des marchés publics ne saurait leur conférer à elle seule le caractère de contrats administratifs 18 ( * ) . »
Le critère principal utilisé pour définir le « marché public de droit privé » est l'absence de clause exorbitante du droit commun , définie comme une clause générant « des droits et des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales ». 19 ( * )
Selon la présence ou non de telles clauses, le marché sera qualifié de contrat administratif ou de contrat de droit privé et son contentieux soumis au juge administratif ou au juge judiciaire. Or cette notion demeure incertaine et les deux juridictions n'adoptent pas toujours des positions convergentes.
Cette incertitude sur la qualification du contrat complique et ralentit le recours au juge, les entreprises ne sachant pas quelle est la juridiction compétente. Dans l'affaire commune de Sauve précitée, le tribunal des conflits n'a désigné le juge compétent qu'après plus de deux ans de contentieux. Le constat d'une multiplication de ses interventions en la matière témoigne des difficultés des justiciables.
La dualité des contrats risque de surcroît de faire naître des divergences d'interprétation dans l'application du code des marchés publics dès lors que l'un ou l'autre des ordres juridictionnels est saisi.
Ces incertitudes sont d'autant plus dommageables que la qualification de contrat administratif emporte des conséquences importantes.
Ainsi, les marchés publics des collectivités locales ne sont pas soumis à l'obligation de transmission au préfet s'ils sont de droit privé. Or, une erreur sur la nature du contrat peut lui ôter toute valeur juridique s'il n'a pas été transmis alors qu'il devait l'être.
2) Les dispositions du projet de loi
Dans un souci de sécurité juridique, le projet de loi tend donc à unifier le contentieux des marchés publics en les qualifiant dans la loi de contrats administratifs . Il prévoit, dans son second alinéa, que les dossiers pendants devant les juridictions judiciaires avant la date d'entrée en vigueur de la loi continueront d'être traités par elles jusqu'à l'épuisement des instances.
Cette intervention de la loi pour préciser la répartition des compétences juridictionnelles en matière contractuelle n'est pas nouvelle 20 ( * ) .
Le Conseil constitutionnel , dans sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 relative à la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, a précisé que « lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ».
Il avait en l'espèce relevé que « la loi présentement examinée tend à unifier, sous l'autorité de la Cour de cassation, l'ensemble de ce contentieux, et ainsi à éviter ou à supprimer des divergences qui pourraient apparaître dans l'application et dans l'interprétation du droit de la concurrence ; dès lors cet aménagement précis et limité des règles de compétence juridictionnelle, justifié par les nécessités d'une bonne administration de la justice, ne méconnaît pas le principe fondamental ci-dessus analysé tel qu'il est reconnu par les lois de la République » [c'est-à-dire le principe fondamental reconnaissant la compétence du juge administratif pour l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales ou les organismes placés sous leur autorité ou sous leur contrôle].
3) Les observations de votre commission des Lois
Votre commission des Lois approuve cette unification du contentieux au profit du juge administratif, juge naturel des actes des administrations.
Un même juge sera chargé de l'application et de l'interprétation des règles du code des marchés publics. Les justiciables ne seront plus soumis au risque d'une requalification des contrats et aux aléas de jurisprudences divergentes quant à la définition des clauses exorbitantes du droit commun.
Devant le juge administratif, ils disposeront de garanties procédurales analogues à celles que leur offre la juridiction judiciaire.
Les contrats passés en application du code des marchés publics pourront en effet bénéficier des garanties apportées par les procédures précontentieuses ou contentieuses administratives, en particulier celles du référé précontractuel visé aux articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative.
L'article L. 551-1 permet aux justiciables de saisir, avant la conclusion d'un contrat, le président du tribunal administratif ou son délégué d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics. Par voie de référé, celui-ci peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat.
Dans le cadre de l'article L. 551-2, le président ou son délégué dispose des mêmes pouvoirs à l'égard des procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications. Il peut, en outre, prononcer une astreinte et accorder des dommages et intérêts.
Par ailleurs, le juge administratif n'hésite pas à apprécier la légalité d'actes administratifs au regard du droit de la concurrence communautaire et interne 21 ( * ) .
Votre commission observe toutefois que la conciliation du code des marchés publics avec d'autres textes ne va pas toujours sans difficultés, en particulier dans le domaine des assurances .
La directive 92/50/CEE « marchés publics de services » prévoit explicitement que les « services d'assurance » doivent donner lieu à mise en concurrence. Aussi les collectivités publiques ont-elles été conduites à appliquer le code des marchés publics pour la passation de leurs contrats.
Les antagonismes directs avec le code des assurances sont rares, dans la mesure où le code des marchés publics comprend essentiellement des règles de procédure et renvoie les dispositions de fond aux cahiers des charges.
On peut toutefois relever, à titre d'exemple, qu'un marché public prend effet à la date de sa ratification alors qu'un contrat d'assurances entre en vigueur à la date de sa signature.
En matière de délais de règlement, en cas de retard de paiement de la prime d'assurance par l'assuré, le code des assurances ouvre au bénéfice de l'assureur un mécanisme de suspension d'office, puis de résiliation unilatérale du contrat. Or ce dispositif s'avère incompatible avec les articles du code des marchés relatifs au délai de règlement, qui prévoient seulement des intérêts moratoires au bénéfice du cocontractant.
Enfin, les marchés publics prévoient généralement des prix fermes alors qu'en matière d'assurances les prix peuvent être révisables.
Constatant ces contradictions, le juge administratif a décidé que le code des assurances devait primer 22 ( * ) .
Le changement de compétence juridictionnelle ne devrait donc pas avoir de conséquence de fond . Le fait qu'un contrat soit qualifié d'administratif par la loi n'implique pas qu'il comporte des clauses exorbitantes du droit commun. Aussi bien le juge administratif que le juge judiciaire doivent actuellement, s'ils sont saisis d'un contrat d'assurance, appliquer à la fois le code des assurances et le code des marchés publics, étant entendu que le premier comporte des dispositions de valeur législative et prime sur le second, qui revêt un caractère réglementaire. L'unification du contentieux présentera l'intérêt d'une interprétation des règles par un même juge.
Au bénéfice de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 2.
Article 3
(art. 38 et 43 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
relative
à la prévention de la corruption et à la
transparence
de la vie économique et des procédures
publiques
art. L. 1411-1 du code général des
collectivités territoriales
art. 92 de la loi organique n°
99-209 du 19 mars 1999
relative à la
Nouvelle-Calédonie)
Définition de la délégation
de service public
Cet article tend à définir la notion de délégation de service public et à prévoir la collégialité de l'établissement de la liste des établissements admis à présenter une offre.
L'incertitude actuelle de la distinction entre délégation de service public et marché public a donné lieu à des contentieux , ces deux types de contrats n'étant soumis ni aux mêmes procédures de passation, ni au même régime juridique. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, il convient d'y remédier en :
- donnant une définition législative de la délégation de service public, fondée sur les critères utilisés par la jurisprudence, tirés de l'objet du contrat et des conditions de rémunération du cocontractant de l'administration ;
- définissant par voie réglementaire les marchés publics comme « les contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public (Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, collectivités locales et leurs établissements publics), pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services » 23 ( * ) .
I - Le paragraphe I du présent article tend à définir dans la loi la notion de délégation de service public
1) Le régime actuel des délégations de service public 24 ( * )
a) Une notion jurisprudentielle ancienne
Les délégations de service public recouvrent plusieurs types traditionnels de contrats par lesquels la collectivité publique, pendant une durée déterminée, confie à un organisme distinct, qu'elle a librement choisi, la gestion d'une activité de service public. Ce faisant, la collectivité évite des relations directes avec les salariés et les usagers, ainsi que la responsabilité de questions techniques complexes. Toutefois, elle conserve la maîtrise de ce service, notamment son contrôle. Il s'agit des formules suivantes : affermage 25 ( * ) , concession 26 ( * ) , gérance, régie intéressée 27 ( * ) .
Le principe de l' intuitu personae est donc déterminant pour définir la délégation de service public.
La délégation de service public permet de répondre aux spécificités du service public sur le long terme, notamment son adaptabilité (principe de mutation). Contrairement au marché public, le contrat de délégation de service public correspond précisément à la volonté de la collectivité publique, grâce au principe de la libre négociation. Le choix du délégataire est un choix libre : l'autorité administrative ne saurait déléguer l'exploitation d'un service public, sur une durée parfois longue, à une personne en laquelle elle n'aurait pas la plus grande confiance possible.
Il convient de rappeler que toutes les activités de service public ne sont pas susceptibles d'être déléguées. En particulier, les missions de police 28 ( * ) doivent être exercées en propre par la collectivité. Il n'y a pas de contre-indication de principe à la délégation des services publics administratifs 29 ( * ) , même si la délégation des services publics industriels et commerciaux est plus fréquente. Tel est le cas notamment des services de l'eau, de l'assainissement, des transports urbains et interurbains, des cantines scolaires, de la gestion des parkings et des fourrières, etc.
b) Les apports de la loi
Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales implique le libre choix du mode de gestion des services publics par les autorités élues (régie ou gestion déléguée).
La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, en supprimant la tutelle administrative, a substitué aux cahiers des charges-types (obligatoirement applicables aux services exploités sous le régime de la concession) un système de modèles de contrats purement facultatifs 30 ( * ) .
Le principe de la liberté contractuelle des collectivités locales est donc pleinement affirmé, avec pour corollaire le contrôle a posteriori des contrats de délégation de service public : contrôle de légalité et contrôle par les chambres régionales des comptes. En pratique, la croissance sans précédent de la délégation contractuelle s'est accompagnée d'une floraison de nouvelles formules contractuelles , bousculant les schémas traditionnels.
La loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », a précisé les procédures de publicité et de mise en concurrence applicables aux dévolutions contractuelles de service public 31 ( * ) , sans pour autant définir la notion de délégation de service public.
La loi Sapin définit les règles de transparence applicables à l'octroi des délégations de service public. La procédure comporte deux étapes : la personne publique délégante assure la publicité de son projet, de façon à provoquer sa mise en concurrence ; elle établit ensuite la liste des candidats admis à présenter des offres (en fonction des garanties dont ils justifient pour la bonne exécution du service) et adresse à chacun un document leur donnant toutes précisions sur le service à assurer. Mais, au terme de cette procédure, la collectivité négocie librement les offres avec leurs auteurs et est libre de son choix.
La procédure de la « loi Sapin » ne s'applique pas aux contrats de délégation de service public passés avec des établissements publics (article 41b de la loi). De plus, certains textes spécifiques régissent l'attribution de certaines délégations 32 ( * ) .
c) La contrainte communautaire
Les directives communautaires relatives aux marchés publics, s'appliquant à des contrats qualifiés de délégation de service public en droit français, sont venues encadrer cette liberté contractuelle. Afin de les transposer, trois lois ont été adoptées successivement à quelques mois d'intervalle :
- la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence ; cette loi s'applique à certaines concessions de service public et de travaux publics ;
- la loi n° 92-125 d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République ;
- la loi du 29 janvier 1993 précitée.
Les années 1991-1993 sont donc marquées par la superposition d'un droit constitué pour l'essentiel de solutions jurisprudentielles propres à la concession de service public et éventuellement adaptées à des contrats voisins, et de nouvelles règles législatives ayant vocation à régir l'ensemble des contrats de délégation de service public.
Cette articulation n'est pas aisée ; la multiplicité des contrats susceptibles d'emporter délégation du service public pose des problèmes de qualification et d'identification des régimes applicables, lesquels doivent être clarifiés 33 ( * ) .
d) Depuis 1996 : les réponses de la jurisprudence administrative
Cet effort de clarification de la notion de délégation de service public a d'abord été le fait de la juridiction administrative, qui a tenté d'en affirmer la spécificité par rapport aux marchés publics :
- une délégation de service public a pour objet de confier au cocontractant l'exploitation ou la gestion d'un service public, l'administration conservant la responsabilité de ce service 34 ( * ) ;
- le cocontractant de l'administration peut aussi bien être une personne privée qu'un établissement public 35 ( * ) ;
- le service en cause doit être un service public ;
- la rémunération du délégataire doit être substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Cette jurisprudence constante, récemment explicitée par le Conseil d'Etat, a donné lieu à de nombreux développements dans la doctrine.
La qualification donnée par les parties à leur accord est toujours susceptible de correction par le juge, au regard de ces critères.
La distinction entre marchés et délégations fondée sur le mode de rémunération peut être présentée de manière simplifiée de la façon suivante :
- le fait que la rémunération du cocontractant constitue un prix versé par la commune entraîne la soumission du contrat au code des marchés publics 36 ( * ) ;
- la perception de redevances versées par les usagers à l'exploitant caractérise la concession 37 ( * ) (et par extension l'affermage et tous les contrats dans lesquels l'exploitant agit à ses risques et périls).
Cette solution binaire laisse entier le problème des contrats faisant appel à d'autres sources de financement.
Pour y répondre, deux arrêts du Conseil d'Etat de 1999 apportent des précisions sur la notion de « rémunération substantiellement liée aux résultats de l'exploitation », qui tend à définir la délégation de service public :
- tout d'abord, des rémunérations proportionnelles au service rendu constituent un prix versé par la commune 38 ( * ) . En conséquence, la conclusion d'un tel contrat est soumise, quelle que soit la qualification choisie par les parties, au respect des règles fixées par le code des marchés publics ;
- ensuite, le Conseil d'Etat a jugé que, dans une affaire où la part des recettes autres que celles correspondant au prix payé par l'administration était d'environ 30 % de l'ensemble des recettes perçues par le cocontractant de l'administration, cette rémunération était substantiellement assurée par le résultat de l'exploitation du service 39 ( * ) . Dès lors, le contrat envisagé devait être analysé non comme un marché mais comme une délégation de service public .
2) Le projet de loi initial
Le projet de loi tend à compléter tant l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 précitée que l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales qui en reproduit les dispositions. Il définit la délégation de service public au moyen de deux critères : l'objet du contrat et le mode de rémunération du cocontractant de l'administration.
Ainsi, une délégation de service public serait « un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service ». Il précise que le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir les biens nécessaires au service.
Il reprend donc exactement les termes de la jurisprudence du Conseil d'Etat.
3) Les ajouts de l'Assemblée nationale
Sans modifier la rédaction du paragraphe I du présent article, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs éclaircissements dans le rapport de Mme Nicole Bricq au nom de la commission des Finances :
- la rémunération doit s'entendre comme la perception des ressources nécessaires à la couverture des dépenses du service concédé, ressources assurées à titre principal par les redevances des usagers mais auxquelles s'ajoutent tous les autres produits d'exploitation ;
- la notion de « résultats de l'exploitation » doit être interprétée de la manière la plus extensive possible et peut être rapprochée des recettes d'exploitation entendues largement, c'est-à-dire du chiffre d'affaires ;
- la notion de rémunération « substantiellement » liée aux résultats de l'exploitation du service suppose que soit établi un lien entre les risques liés à l'exploitation et la part de la rémunération du cocontractant qui provient de cette exploitation ;
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a écarté la fixation d'un seuil de 50 % ; à titre d'exemple, elle a considéré que la plupart des services de transports urbains étaient déficitaires. Reprenant les termes employés par le commissaire du Gouvernement dans l'arrêt SMITOM, elle a estimé que « ce qui (était) déterminant pour s'assurer de l'existence d'une responsabilité réelle du délégataire dans la gestion du service public, (c'était) en fin de compte, que l'équilibre financier du contrat (dépendait) des recettes engendrées par l'exploitation du service ».
4) La position de votre commission des Lois
Votre commission des Lois approuve l'inscription dans la loi de la définition de la délégation de service public, qui la distingue nettement des marchés publics. Elle formule les remarques suivantes :
• Tout d'abord, elle remarque que le projet de loi définirait les délégations de service public par l'instrument juridique réalisant la délégation. En effet, la définition proposée mentionne expressément le terme de « contrat ». Dès lors, le projet de loi ne vise que les délégations de service public contractuelles , à l'exclusion des délégations « statutaires », c'est-à-dire par détermination de la loi ou du règlement 40 ( * ) .
Cette conception se justifie par le fait que l'instrument juridique détermine les relations entre la collectivité qui a la maîtrise du service et la personne qui en reçoit la gestion.
• Ensuite, votre commission des Lois souligne que l'interprétation donnée par l'Assemblée nationale rejoint les préoccupations de l'Institut de la décentralisation, lequel, dans le rapport de décembre 1998 consacré à « La gestion déléguée des services publics locaux à l'heure européenne », estimait que « le critère matériel (l'exécution même du service public) [devait] retrouver toute sa place et son importance, le critère du mode de rémunération étant largement obsolète. A tout le moins, [il faut] souhaiter un réel assouplissement du critère financier pour permettre d'intégrer dans les ressources des délégataires, non seulement les redevances perçues auprès des usagers mais aussi des recettes complémentaires. Au fond, si l'exploitant est rémunéré par l'administration et qu'il est possible de démontrer que cette rémunération est corrélée aux résultats d'exploitation, quand bien même la rémunération proviendrait directement de l'administration, il y aurait quand même, selon cette approche, délégation de service public. En revanche, si cette rémunération était forfaitaire, sans lien avec la production, il y aurait marché public ».
• Selon les principes généraux du droit administratif, la collectivité confie, sous son autorité et son contrôle, la gestion du service public dont elle a la responsabilité. Seule une collectivité publique peut détenir la maîtrise d'un service public : elle seule est porteuse d'intérêts publics justifiant qu'une autorité soit érigée en service public ; elle seule détient les compétences nécessaires pour créer un service public, en fixer l'organisation, déterminer l'adéquation de son fonctionnement à sa mission et en assumer la responsabilité politique devant ses membres représentés par son corps électoral. La maîtrise du service public , ainsi conçue, se distingue de la gestion proprement dite , qui a trait à l'exécution du service conformément au cadre juridique préalablement établi.
• Il convient d'expliciter le critère de la « rémunération assurée par les résultats de l'exploitation ».
La nouvelle définition législative de la délégation de service public devrait conduire le juge à apprécier l'économie générale du contrat . Il sera en présence d'une délégation s'il apparaît que les recettes d'exploitation, quel que soit leur pourcentage , jouent un rôle central dans la réalisation de l'équilibre financier du contrat.
Si l'appréciation par le juge du caractère substantiel des résultats de l'exploitation peut générer des incertitudes pour les parties au contrat, il n'en demeure pas moins qu'elle semble être la seule solution aujourd'hui praticable, dans un contexte où la liberté contractuelle a rendu obsolètes les catégories traditionnelles (notamment la gérance et la régie intéressée).
Pour éviter toute requalification par le juge du contrat, il importe que les parties répondent aux questions suivantes : qui supporte la charge des investissements à réaliser ? Qui assume la responsabilité de l'équilibre financier du service ? Qui engage sa responsabilité civile vis-à-vis des tiers ?
En tout état de cause, l'application de deux seuls critères (objet du contrat et rémunération du cocontractant) pourrait ne pas suffire à établir sûrement la frontière entre marché public et délégation de service public.
• De plus, il convient d'encadrer dans la loi la subdélégation de service public.
En principe, le contrat initial entre la collectivité locale et la personne privée délégataire est nécessairement un contrat administratif 41 ( * ) . En conséquence, l' obligation d'exécution personnelle devrait conduire à exclure toute possibilité de subdélégation à une tierce personne.
Si la jurisprudence classique en matière de concession de service public met fortement l'accent sur l'obligation d'exécution personnelle qui s'impose au concessionnaire, le jeu de la liberté contractuelle tend à admettre la cession avec l'autorisation préalable de l'administration 42 ( * ) . Toutefois, la liberté de cession complète du contrat paraît difficilement compatible avec la procédure de choix du délégataire que la loi impose aux parties et avec le principe de l'intuitu personae.
Votre commission des Lois vous propose, par un amendement , de subordonner la subdélégation d'un service public à l'accord exprès de la collectivité publique, et d'interdire la subdélégation de la totalité de la gestion du service. Cette solution s'inscrit dans le même objectif que l'article 4 du présent projet de loi interdisant la sous-traitance totale d'un marché public.
II - Etablissement de la liste des candidats admis à présenter une offre par la commission d'examen des offres
Le paragraphe II du présent article tend à assurer la collégialité de la décision de retenir les candidats admis à présenter une offre dans le cadre d'une délégation de service public, en la confiant à une commission émanant de l'assemblée délibérante.
En l'état actuel du droit, l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales indique que les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes. Il ajoute que « la collectivité publique » dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public.
A l'initiative de M. Yves Deniaud, l'Assemblée nationale a précisé que ce rôle revenait à la commission mentionnée à l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, c'est-à-dire la commission chargée de l'ouverture des plis, parfois surnommée « commission de gestion déléguée » ou « commission d'examen des offres ». Cette commission est composée d'élus locaux ; y siègent avec voix consultative le comptable de la collectivité et un représentant du ministre chargé de la concurrence.
L'auteur de l'amendement avait suggéré que ce rôle revienne à l'exécutif de la collectivité territoriale. Le Gouvernement a obtenu la rectification de cet amendement, afin de réserver à la commission d'examen des offres, émanation de l'assemblée délibérante, le pouvoir de décision en la matière 43 ( * ) . Cette rédaction a obtenu l'avis favorable de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.
Votre commission des Lois approuve cette clarification du droit et vous soumet un amendement de coordination tendant à insérer la même disposition à l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée.
III et IV - Coordination
Sur proposition de sa commission des Finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit deux amendements de coordination portant décompte d'alinéas aux articles 43 de la « loi Sapin », L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales et 92 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 3 ainsi modifié .
Article 3 bis (nouveau)
(art. 16 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations)
Certification de la date de dépôt des
offres
Cet article vise à étendre aux délégations de service public des dispositions existantes concernant les marchés publics, relatives à la certification de la date de dépôt des offres.
Il a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Yves Deniaud, avec l'avis favorable de la commission des Finances et du Gouvernement.
En l'état actuel, la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations pose le principe selon lequel toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi , ou d'un procédé télématique ou informatique homologué permettant de certifier la date d'envoi. Des exceptions sont toutefois prévues par la loi, concernant les procédures régies par le code des marchés publics et celles pour lesquelles la présence personnelle du demandeur est exigée en application d'une disposition particulière. Le présent article propose d'étendre cette exception aux délégations de service public.
L'exclusion des marchés publics résulte d'une initiative de la commission des Lois du Sénat 44 ( * ) , qui a considéré que le maintien de la règle en vigueur permettant d' écarter les offres réceptionnées tardivement (quelle que soit la date d'envoi par le candidat) garantissait à la fois le bon fonctionnement du service public (il s'agit de ne pas retarder l'attribution du marché au prétexte d'appliquer un « délai de précaution » tenant compte de l'incertitude du délai d'acheminement postal) et la sécurité juridique pour la personne responsable du marché.
Votre commission des Lois approuve donc l'alignement, sur ce point précis, de la procédure applicable à l'examen des offres des candidats à une délégation de service public sur celle des marchés publics 45 ( * ) .
Elle a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 3 bis .
Article 4
(art. 1er, 6 et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31
décembre 1975)
Aménagements du régime de la
sous-traitance
Cet article vise à interdire clairement la sous-traitance totale des marchés publics, à limiter le mécanisme du paiement direct aux sous-traitants de premier rang et à garantir le paiement des sous-traitants d'un rang supérieur par le mécanisme de la caution.
L'Assemblée nationale a renforcé les obligations de protection des sous-traitants pesant sur le maître d'ouvrage et les a étendues aux maîtres d'ouvrage publics.
1° L'interdiction de la sous-traitance totale des marchés publics
Selon l'article premier de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, « la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l'exécution du contrat d'entreprise ou du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».
Cette formule semblait permettre de sous-traiter intégralement l'exécution d'un marché public comme d'un marché privé.
Toutefois, l'article 2 de l'actuel code des marchés publics, repris à l'article 112 du nouveau code des marchés publics issu du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, précise que « le titulaire d'un marché public ayant le caractère de contrat d'entreprise peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu de la collectivité ou de l'établissement public contractant, l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance ».
La jurisprudence a interprété ces dispositions comme interdisant la sous-traitance totale en matière de marchés publics. La cour administrative d'appel de Bordeaux 46 ( * ) a ainsi estimé que « dans le cas où une telle sous-traitance intervient, la collectivité est en droit de résilier le contrat aux torts de l'entreprise ».
Pour autant, la loi du 31 décembre 1975 n'a pas édicté un régime particulier pour la sous-traitance des marchés publics et l'interdiction prise par le pouvoir réglementaire va au-delà de ses dispositions, au demeurant d'ordre public. On était donc en droit de s'interroger sur la validité de l'interdiction posée par l'article 2 du code des marchés publics.
Le présent article vise à modifier l'article premier de la loi de 1975 afin d' interdire expressément la sous-traitance totale des seuls marchés publics et de lever toute ambiguïté en la matière .
Cette interdiction paraît de nature à apporter davantage de transparence, en garantissant que le titulaire retenu au terme d'une procédure de publicité et de mise en concurrence sera bien celui qui exécutera le marché et qu'il ne pourra en confier totalement l'exécution à une autre entreprise qui n'avait pas été choisie.
A l'instar de Mme Nicole Bricq, rapporteure au nom de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, votre commission des Lois s'interroge sur la signification de la notion de sous-traitance totale et la possibilité de tourner cette interdiction en sous-traitant la quasi-totalité des marchés.
Toutefois, il ne lui semble pas opportun de fixer dans la loi un seuil minimum de prestations à accomplir, comme le rapport de M. Alfred Trassy-Paillogues avait proposé de le faire, en raison des grandes différences dans les conditions d'exécution des marchés selon les secteurs.
Il est préférable de laisser au juge le soin d'apprécier, au cas par cas, l'importance des missions sous-traitées, au regard de leur montant et de leur volume.
Par ailleurs, il ne semble pas nécessaire d'étendre cette interdiction de sous-traitance totale aux marchés privés qui ne sont pas soumis à des procédures aussi formelles que les marchés publics et reposent davantage sur l'intuitu personae.
Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter cette disposition sous réserve d'un amendement rédactionnel.
2° La limitation du mécanisme du paiement direct aux sous-traitants de premier rang
Actuellement, s'il n'existe pas de lien contractuel entre le sous-traitant et le maître de l'ouvrage, la loi n'en crée pas moins un lien financier, dans un souci de protection du premier en cas de défaillance de l'entrepreneur principal.
L'article 6 de la loi du 31 décembre 1975, relatif aux marchés publics, prévoit ainsi que « le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître d'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution » .
Ce régime, qui est d'ordre public, s'applique aux marchés passés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements et entreprises publics. Il ne recouvre donc pas exactement le champ du code des marchés publics 47 ( * ) .
Pendant longtemps l'administration a considéré que seuls les sous-traitants de premier rang pouvaient prétendre au paiement direct de leurs prestations par la collectivité contractante. Selon la Commission centrale des marchés, le seul moyen pour un sous-traitant de deuxième rang ou plus d'acquérir un droit au paiement direct consistait à être accepté par le maître de l'ouvrage comme sous-traitant de premier rang sur proposition de l'entrepreneur principal.
S'agissant des marchés privés, la Cour de cassation 48 ( * ) estime au contraire que « l'action directe doit être accordée aux sous-traitants du sous-traitant, de la même manière et sans distinction selon leur rang, à l'encontre du maître de l'ouvrage qui reste toujours le même quel que soit la succession des sous-traitants » tout en réservant le principe selon lequel « les sous-traitants n'ont une action directe contre le maître de l'ouvrage que si celui-ci a accepté chaque sous-traitant et agréé les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance ».
La jurisprudence administrative a également interprété les dispositions de l'article 6 comme ouvrant le droit à paiement direct à tous les sous-traitants, quel que soit leur rang, à la condition d'avoir été acceptés et que leurs conditions de paiement aient été agréées 49 ( * ) .
La demande de paiement direct doit être adressée à l'entrepreneur principal qui dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de ses acceptations ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation 50 ( * ) .
Saisi d'une demande de paiement direct, le maître d'ouvrage doit encore contrôler la créance du sous-traitant, compte tenu des travaux qu'il a exécutés et des prix stipulés par le marché 51 ( * ) .
Si la sous-traitance a été réalisée en « cascade », il devra ainsi remonter toute la chaîne des sous-traitants avant de pouvoir établir la somme due et la payer.
Cette complexité et la lenteur due aux délais légaux de vérification pénalisent les sous-traitants dont le rang est élevé. La multiplicité des intervenants est en outre source d'erreurs.
En conséquence, le projet de loi tend à réserver le bénéfice du paiement direct aux sous-traitants de premier rang acceptés par le maître de l'ouvrage, qui aura également agréé leurs conditions de paiement.
Votre commission des Lois approuve cette disposition qui permettra de simplifier les tâches des maîtres de l'ouvrage et de réduire les délais de paiement des sous-traitants .
3° L'extension du mécanisme de la caution pour garantir le paiement des sous-traitants de deuxième rang ou plus
Le paiement des sous-traitants de deuxième rang ou plus, privés du droit au paiement direct par le maître de l'ouvrage, serait garanti par un mécanisme de caution, selon les modalités déjà définies à l'article 14 de la loi de 1975.
Cet article dispose que : « A peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié ». Cependant, « la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1275 52 ( * ) du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant ».
La délégation est l'engagement de payer souscrit par le délégué à la demande du délégant au profit du délégataire. Aucune formalité particulière n'est requise par le code civil mais le consentement des trois parties intéressées doit être certain.
Le mécanisme se prête bien au schéma de la sous-traitance : le paiement du sous-traitant par le maître d'ouvrage permet d'éteindre en même temps la dette de l'entrepreneur principal envers le sous-traitant et celle du maître de l'ouvrage envers l'entrepreneur principal.
Votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision, tendant à indiquer clairement que les sous-traitants de rang deux ou plus, privés du droit au paiement direct, bénéficieront des mécanismes de la caution ou de la délégation de paiement.
4° Le renforcement des obligations qui incombent aux maîtres d'ouvrage en matière de protection des sous-traitants
L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à modifier l'actuel article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 afin de renforcer les obligations qui pèsent sur les maîtres d'ouvrage en matière de protection des sous-traitants.
Inséré par la loi n° 86-13 du 6 janvier 1986 relative à diverses simplifications administratives en matière d'urbanisme et à diverses dispositions concernant le bâtiment, cet article concerne les seuls marchés des entreprises privées et dispose que, pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics, le maître d'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant non agréé, mettre en demeure l'entrepreneur principal de s'acquitter de son obligation de faire agréer le sous-traitant et de faire accepter ses conditions de paiement.
Divers arguments sont généralement avancés pour démontrer qu'un maître d'ouvrage a eu connaissance de l'intervention du sous-traitant sur un chantier : importance des travaux, utilisation de moyens propres du sous-traitant portant la marque de la société (véhicules, tenue des ouvriers), participation aux réunions de chantier. Le sous-traitant peut aussi se dévoiler volontairement au maître de l'ouvrage, même s'il n'en a pas l'obligation.
Le juge examine s'il résulte des faits avancés que le maître de l'ouvrage était suffisamment informé de l'intervention du sous-traitant et de ses liens avec l'entrepreneur titulaire pour le déclarer fautif d'avoir laissé le sous-traitant intervenir sans qu'il ait été accepté et ses conditions de paiement agréées. Si l'ignorance du maître d'ouvrage est établie, il n'y a pas matière à obligations et responsabilité.
Avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a cherché à renforcer ce dispositif.
D'une part, elle a imposé au maître de l'ouvrage, dès qu'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant non accepté et ne bénéficiant pas de la caution ou de la délégation de paiement due par son donneur d'ordre, de mettre en demeure l'entrepreneur principal ou le sous-traitant de se conformer à ces obligations. D'autre part, elle a étendu cette disposition aux marchés publics.
Votre commission vous propose d'adopter deux amendements tendant à étendre le champ de l'article 14-1 à l'ensemble des marchés du secteur privé et, pour des raisons de clarté, à transposer ses dispositions dans le titre II de la loi du 31 décembre 1975 qui est spécifiquement consacré aux marchés publics.
La charge imposée au maître d'ouvrage de vérifier que les sous-traitants employés dans un marché se sont eux aussi acquittés de leurs obligations en matière de caution serait supprimée afin de ne pas alourdir à l'excès ses responsabilités. En revanche, votre commission des Lois vous soumettra un amendement tendant à garantir la délivrance de l'ensemble des cautions (voir infra article additionnel après l'article 4 bis).
Enfin, dans la mesure où l'article 5 de la loi de 1975 ne crée aucune obligation, la référence à ses dispositions serait supprimée.
Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 4 ainsi modifié .
Article additionnel avant l'article 4
bis
(art. 3-1 nouveau de la loi n° 75-1334 du
31 décembre 1975)
Obligation faite aux entreprises
employées dans un marché de joindre à leur première
facture les cautions données à leurs sous-traitants
Cet article additionnel vise à renforcer la protection des sous-traitants en obligeant chaque entreprise employée dans un marché à joindre à sa première facture les cautions qu'elle a accordées à ses sous-traitants .
Votre commission des Lois observe en effet que la loi n'impose pas d'autre obligation au maître de l'ouvrage que d'adresser une mise en demeure, généralement sous la forme d'une simple lettre avec avis de réception, sommant l'entrepreneur de présenter le sous-traitant occulte ou ses conditions de paiement.
Après la mise en demeure, le maître de l'ouvrage peut continuer comme si de rien n'était et laisser le chantier s'exécuter. Il peut également appliquer des sanctions, notamment résilier le contrat mais le remède risque de se révéler plus dangereux que le mal. En matière de marchés publics, le maître d'ouvrage a la faculté de mettre en oeuvre diverses mesures coercitives telles que la mise en régie ou la résiliation.
En revanche, le maître de l'ouvrage qui, ayant connaissance de la présence de sous-traitants ne répondant pas aux obligations définies par la loi, ne s'acquitterait pas de son obligation de mettre en demeure l'entrepreneur principal s'exposerait à une condamnation du juge.
Ainsi qu'il vous l'a été indiqué, votre commission des Lois n'estime pas souhaitable de faire peser la charge de la lutte contre la sous-traitance occulte sur le seul maître de l'ouvrage.
Avec cet article additionnel, que votre commission vous propose d'insérer par amendement , chaque donneur d'ordre sera chargé de vérifier les cautions accordées par ses sous-traitants. Ces derniers auront d'autant plus intérêt à fournir des documents en règle que le paiement de leur facture en dépendra.
Article 4 bis
(art. 5 de la loi n° 75-1334 du
31 décembre 1975)
Déclaration des sous-traitants
auxquels le soumissionnaire
à un marché public envisage de
recourir
Cet article adopté par l'Assemblée nationale sur un amendement du Gouvernement tend à prévoir que les candidats à un marché public doivent indiquer au maître de l'ouvrage, lors de la soumission, les sous-traitants auxquels ils envisagent de faire appel. D'autre part, le recrutement de nouveaux sous-traitants en cours de marché devrait également être précédé d'une déclaration.
Dans sa rédaction actuelle, la loi du 31 décembre 1975 ne fait obligation aux candidats à un marché public que de déclarer la nature et le montant de chacune des prestations qu'ils envisagent de sous-traiter.
L'article 2 du code des marchés publics, repris à l'article 114 du nouveau code des marchés, précise quant à lui que dans le cas où la demande de sous-traitance intervient au moment de l'offre ou de la soumission, le candidat doit fournir à la personne publique contractante une déclaration mentionnant la nature des prestations dont la sous-traitance est prévue ; le nom, la raison ou la dénomination sociale et l'adresse du sous-traitant proposé ; le montant prévisionnel des sommes à payer directement au sous-traitant et, le cas échéant, les modalités de variation des prix ; si la personne publique le demande, les capacités professionnelles et financières du sous-traitant.
La notification du marché emporte acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement.
Le titulaire du marché a le libre choix entre l'exécution personnelle de celui-ci et le recours à la sous-traitance. La collectivité publique contractante ne saurait interdire le recours à la sous-traitance, ni même limiter le droit du titulaire du marché par la fixation d'un quantum impératif du montant du marché susceptible d'être sous-traité 53 ( * ) .
Postérieurement à la conclusion du marché, le titulaire reste libre de faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les faire accepter par le maître de l'ouvrage et de faire agréer leurs conditions de paiement.
Le présent article vise donc à assurer une plus grande transparence dans la réalisation des marchés publics en permettant l'identification des sous-traitants dès la soumission du marché, sans toutefois remettre en cause la liberté dont jouit l'entrepreneur principal de faire appel à de nouveaux sous-traitants en cours d'exécution.
Votre commission vous soumet un amendement de précision tendant à bien spécifier que la liste des sous-traitants établie par le candidat à un marché public ne lui interdit pas de faire appel ultérieurement à de nouveaux sous-traitants à la condition d'obtenir l'agrément du maître de l'ouvrage. De plus, l'obligation faite au titulaire du marché de déclarer au maître de l'ouvrage les nouveaux sous-traitants employés en cours d'exécution du marché serait supprimée, dans la mesure où ces derniers doivent en tout état de cause être soumis à agrément.
Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 4 bis ainsi modifié .
Article 5
(art. 9 et 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative
à la transparence et à la régularité des
procédures de marchés et soumettant la passation
de certains
contrats à des règles de publicité et de mise en
concurrence)
Extension du régime de publicité et de mise en
concurrence aux organismes ne relevant pas du code des marchés
publics
Cet article tend à étendre le régime de publicité et de mise en concurrence aux contrats passés par les organismes ne relevant pas du code des marchés publics mais qualifiés de « pouvoirs adjudicateurs » par le droit communautaire.
La loi du 3 janvier 1991, soumettant la passation de certains contrats à des obligations de publicité et de mise en concurrence, a transposé les directives européennes « marchés publics » pour les organismes privés.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, il convient aujourd'hui de transposer ces directives pour les organismes de droit public ne relevant pas du code des marchés publics. En pratique, il s'agit de certains groupements d'intérêt public et de certains établissements publics industriels et commerciaux de l'Etat.
1) La contrainte communautaire
Les directives « marchés publics » ont un champ d'application plus large que celui du code des marchés publics. Ouvrant la commande publique à l'échelle européenne, elles adoptent une logique « fonctionnelle » 54 ( * ) , tandis que le droit français utilise plutôt le critère organique (le code des marchés publics s'applique aux structures purement administratives, à l'exclusion des structures privées et des structures industrielles et commerciales). En particulier, relèvent des directives tous les organismes qui dépendent des pouvoirs publics et ne sont pas purement industriels et commerciaux.
Selon le droit communautaire 55 ( * ) , sont considérés comme « pouvoirs adjudicateurs », l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.
Par « organisme de droit public », on entend tout organisme :
- créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et
- ayant la personnalité juridique et
- dont, soit l'activité est financée majoritairement par l'Etat, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l'Etat, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public.
2) L'état de transposition actuel
L'article 9 de la loi de transposition du 3 janvier 1991 56 ( * ) soumet ainsi à des mesures de publicité et à des procédures de mise en concurrence la passation des contrats excédant un montant fixé par voie réglementaire, dont l'objet est de réaliser, de concevoir et réaliser, ou de faire réaliser tous travaux ou ouvrages de bâtiment ou de génie civil, que se propose de conclure avec un entrepreneur :
a) soit un groupement de droit privé formé entre des collectivités publiques ;
b) soit un organisme de droit privé, créé en vue de satisfaire spécifiquement un besoin d'intérêt général, ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et répondant à l'une des conditions suivantes :
1° financement majoritaire de son activité par une personne publique ou un organisme mentionné ci-dessus ;
2° gestion contrôlée par une de ces collectivités publiques un de ces organismes ;
3° organe d'administration, de direction ou de contrôle majoritairement composé de membres désignés par ces collectivités publiques ou ces organismes.
Ainsi, à l'heure actuelle, certaines personnes publiques, en particulier certains établissements publics nationaux industriels et commerciaux, ou certains groupements d'intérêt public, relèvent des directives « marchés publics » sans pour autant relever du code des marchés publics.
Jugeant qu'il aurait été trop contraignant pour eux de les soumettre purement et simplement au code des marchés publics, alors que les contraintes européennes sont moins fortes, le Gouvernement propose de les soumettre aux règles européennes de publicité et de transparence figurant dans la loi du 3 janvier 1991.
3) Le projet de loi initial
Le présent article tend à insérer les « organismes de droit public ne relevant pas du code des marchés publics » dans le champ d'application de la loi du 3 janvier 1991, à condition qu'ils aient été créés en vue de satisfaire un besoin d'intérêt général autre qu'industriel et commercial et qu'ils remplissent une des trois conditions tenant à l'influence déterminante des pouvoirs publics ou autres pouvoirs adjudicateurs 57 ( * ) .
Il tend aussi à préciser que ces dispositions s'appliquent lorsque la personne exerce la maîtrise d'ouvrage. Enfin, il affirme la possibilité pour l'ensemble de ces organismes d'appliquer volontairement les règles prévues par le code des marchés publics.
4) Les ajouts de l'Assemblée nationale
Sur proposition de sa commission des Finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à substituer à la notion d'organisme de droit public ne relevant pas du code des marchés publics, une énumération incluant les établissements publics à caractère industriel et commercial de l'Etat et les groupements d'intérêt public.
5) Les observations de votre commission des Lois
Votre commission des Lois souligne tout d'abord que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale semble exclure la Banque de France du champ d'application de la loi du 3 janvier 1991, alors que celle-ci a bel et bien la qualité de pouvoir adjudicateur au sens des directives européennes.
En effet, dans un avis du 9 décembre 1999, le Conseil d'Etat a considéré que la Banque de France était une personne publique sui generis non soumise aux dispositions du code des marchés publics. Votre commission des Lois vous soumet un amendement apportant cette précision.
De façon plus générale, il est regrettable que l'ensemble des mesures de publicité et des procédures de mise en concurrence soient purement et simplement renvoyées au décret, sans que les traits généraux n'en soient fixés dans la loi (décret du 31 mars 1992). La publication par voie réglementaire du nouveau code des marchés publics ne fait qu'aggraver cette tendance.
Votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 5 ainsi modifié .
Article 5 bis (nouveau)
(art. L. 2122-22 du code général
des collectivités territoriales)
Délégation du conseil
municipal au maire concernant
les marchés passés sans
formalités préalables
Cet article tend à opérer une coordination entre le code général des collectivités territoriales et le nouveau code des marchés publics.
Il a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des Finances et avec l'avis favorable du Gouvernement.
En l'état actuel du droit, le 4° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales régit la délégation du conseil municipal au maire, lequel peut être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat, de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés de travaux, de fournitures et de services qui peuvent être passés en la forme négociée en raison de leur montant, lorsque ces crédits sont prévus au budget. Il convient de souligner que les délégations du conseil municipal au maire sont impossibles en dehors des matières où elles sont expressément prévues par la loi.
Actuellement, l'article 308 du code des marchés publics régit les marchés négociés des collectivités locales et de leurs établissements publics, lesquels sont passés dans les mêmes conditions que ceux de l'Etat (art. 104 du même code). Le maire peut, par délégation du conseil municipal, passer des marchés négociés d'un montant inférieur au seuil de 700.000 F .
Considérant que le nouveau code des marchés publics supprime la forme négociée des marchés, l'Assemblée nationale a modifié le champ de cette délégation du conseil municipal au maire afin qu'elle s'applique aux marchés passés sans formalités préalables.
Les articles 28 à 31 du nouveau code des marchés publics annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, constituent la section 1 (absence de formalités ou modalités particulières de passation) du chapitre II (définition des procédures) du titre III (passation des marchés) de ce code. Ils disposent que les marchés publics peuvent être passés sans formalités préalables lorsque le seuil de 90.000 euros HT n'est pas dépassé. De plus, en deçà du seuil de 130.000 euros hors taxes pour l'Etat et de 200.000 euros hors taxes pour les collectivités territoriales, les marchés publics peuvent être passés sans formalités préalables pour les achats, dans les conditions les plus avantageuses, de denrées alimentaires périssables sur foires et marchés ou sur les lieux de production.
Considérant que cet article reprend une disposition du projet de loi portant réforme du code des marchés publics déposé en mars 1997 par le précédent Gouvernement, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 5 bis.
Article 5 ter (nouveau)
Quart
réservataire au bénéfice
des sociétés
coopératives et des associations
Cet article tend à réintroduire le « quart réservataire » au bénéfice des sociétés coopératives, et à l'étendre aux associations.
Il a été introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement et sous-amendé par la commission des Finances.
1) Etat du droit en vigueur
Actuellement, les articles 61 à 73 et 260 à 270 du code des marchés publics, s'inscrivant dans le cadre d'une politique des pouvoirs publics en faveur de l'économie sociale, accordent un traitement privilégié à certaines catégories de candidats sous la double forme d'un droit de préférence à égalité d'offres et de la réservation à leur profit d'une partie des prestations mises en concurrence .
Ces candidats sont les sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP), les groupements de producteurs agricoles, les artisans, les sociétés coopératives d'artisans et les sociétés coopératives d'artistes.
Ils constituent donc une exception au principe d'égalité de la liberté d'accès aux marchés publics 58 ( * ) .
La Commission centrale des marchés a estimé que ces dispositions n'autorisaient à accorder des droits particuliers lors de la passation des marchés ni aux centres d'aide par le travail ni aux entreprises d'insertion.
Les sociétés coopératives bénéficiaires doivent être inscrites sur une liste établie par le ministre chargé du travail.
• Lors de la passation d'un marché, un droit de préférence est attribué, à égalité de prix en équivalence d'offres, à la soumission ou à l'offre présentée par une société coopérative ouvrière de production (SCOP). Toutefois, les préférences accordées aux artisans et sociétés coopératives d'artisans, d'une part, aux artisans d'art, sociétés coopératives d'artisans d'art et sociétés coopératives d'artistes, d'autre part, priment sur la préférence accordée aux SCOP.
• Lorsque les travaux, fournitures ou services sont répartis en lots de même nature et de même consistance ressortissant à une même profession et pouvant donner lieu chacun à un marché distinct, l'administration est tenue de réserver préalablement à la mise en concurrence, et dans la proportion d' un lot sur quatre , un ou plusieurs lots qui seront attribués, au prix moyen retenu pour les autres lots, aux sociétés coopératives qui, dans le délai fixé par le cahier des charges, ont sollicité le bénéfice de cette mesure et se sont engagées par écrit à accepter ledit prix moyen.
2) Le nouveau code des marchés publics reprend la préférence à offre équivalente
Le I de l'article 54 du nouveau code des marchés publics, annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, reprend les dispositions des articles de l'actuel code des marchés publics relatifs à la préférence 59 ( * ) , à égalité de prix ou à équivalence d'offres, au profit des SCOP, des groupements de producteurs agricoles, des artisans, sociétés coopératives d'artisans ou sociétés coopératives d'artistes.
Le II de l'article 54 du nouveau code maintient quant à lui le quart réservataire au bénéfice des artisans, sociétés d'artisans ou sociétés coopératives d'artisans.
3) Le projet de loi propose de confirmer le quart réservataire au bénéfice des sociétés coopératives et de l'étendre aux associations.
Lorsque les marchés feront l'objet d'un allotissement et porteront en tout ou partie sur des prestations susceptibles d'être exécutées par des sociétés coopératives et des associations visant à promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou l'esprit d'entreprise indépendante et collective, à lutter contre le chômage ou à protéger l'environnement, un quart des lots devra faire l'objet d'une mise en concurrence de ces structures coopératives et associatives.
4) La position de votre commission des Lois
Sur la forme, votre commission des Lois constate que cet article ne s'insère dans aucune loi ou code existant, ce qui ne lui paraît pas satisfaisant.
Sur le fond, la disposition proposée souffre de l'imprécision des termes employés et génère une incertitude sur le champ d'application exact du dispositif. Quelles sont ces associations « visant à promouvoir l'esprit d'entreprise indépendante et collective » ?
La préférence accordée au moyen du quart réservataire doit être examinée au regard tant du droit communautaire, notamment du principe de la libre concurrence, que du point de vue du droit constitutionnel français, selon lequel le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence de traitement soit en rapport avec la loi qui l'établit .
Le quart réservataire ne constitue pas une simple faculté pour la personne responsable du marché, mais une obligation .
Enfin, votre commission des Lois souligne que le quart réservataire doit être bien distingué de l'introduction de critères sociaux pour l'exécution d'un marché 60 ( * ) , prévue à l'article 14 du nouveau code des marchés publics, annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001.
L'ensemble de ces observations conduit la commission des Lois à vous proposer un amendement de suppression de l'article 5 ter .
* 9 L'origine de ces prestations remonterait au décret du 5 fructidor an XII sur l'organisation du corps des ingénieurs des ponts et chaussées.
* 10 Article 49 de la loi n° 29-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.
* 11 Lois n° 48-1530 du 29 septembre 1948 réglementant l'intervention des fonctionnaires des ponts et chaussées dans les affaires intéressant les collectivités locales et divers organismes et n° 55-985 du 26 juillet 1955 réglementant l'intervention des fonctionnaires du génie rural dans ces mêmes affaires.
* 12 En ce qui concerne les entités non soumises au code des marchés publics, les deux directives ont été transposées par la loi n° 97-50 du 22 janvier 1997 et, d'une part, le décret n° 98-112 du 27 février 1998 modifiant le décret du 31 mars 1992, s'appliquant aux entités de droit privé d'intérêt général sous forte dépendance publique définies par la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, d'autre part, le décret n° 98-113 du 27 février 1998 modifiant le décret du 3 août 1993, s'appliquant aux contrats des entités publiques ou privées ayant une activité d'opérateur de réseaux dans les secteurs de l'énergie, de l'eau potable, des transports et des télécommunications.
* 13 0,9 M.F. H.T. pour les opérations de services de l'Etat et de ses établissements publics sans EPIC ; 1,3 M.F. pour celles des collectivités locales et des établissements publics locaux ; 2,6 M.F. pour celles des opérateurs de réseaux d'eau potable, d'énergie et de transport.
* 14 Conseil d'Etat, 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr.
* 15 Tribunal administratif de Besançon, 22 juillet 1999, M. Monnot contre commune de Boussières.
* 16 Le barème actuel est déterminé par l'arrêté du 20 avril 2000 fixant les taux et les modalités de rémunération des prestations d'ingénierie réalisées au profit de tiers par certains services des ministères de l'équipement et de l'agriculture et précisant les modalités de leur intervention.
* 17 Cour de cassation, première chambre civile, 17 décembre 1997 - Société Locunivers.
* 18 Tribunal des conflits, 5 juillet 1999 - commune de Sauve - et 14 février 2000 - commune Baie de Mahaut.
* 19 Tribunal des conflits, 15 novembre 1999 - commune de Bourisp.
* 20 L'article 4 de la loi du 28 pluviose an VIII relative à la division du territoire de la République et à l'administration dispose ainsi que « le tribunal administratif prononcera (...) sur les difficultés qui pourraient s'élever entre les entrepreneurs de travaux publics et l'administration concernant le sens ou l'exécution des clauses de leurs marchés ».
De même, l'article L. 84 du code du domaine de l'Etat prévoit que « les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou dénomination, passés par l'Etat, les établissements publics ou leurs concessionnaires, sont portés en premier ressort devant le tribunal administratif ».
* 21 Conseil d'Etat, section, 3 novembre 1997, Société Million et Marais.
* 22 Conseil d'Etat 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents d'assurances des Hautes-Pyrénées.
* 23 Article 1 er du code des marchés publics annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001.
* 24 Pour une analyse des délégations de service public, voir le rapport du Conseil économique et social intitulé : « La maîtrise des services publics urbains organisés en réseaux » présenté par M. Claude Martinand, avril 2001.
* 25 Le fermier, librement choisi, assure le service public qui lui est délégué par contrat moyennant le versement à la collectivité publique d'une redevance déterminée. La différence entre cette redevance et les recettes qu'il réalisera représente sa rémunération.
* 26 Le concessionnaire doit assurer le service conformément aux prescriptions d'un cahier des charges. Sa rémunération dépend, en tout ou partie, des redevances qui lui sont directement versées par les usagers du service public ou de l'ouvrage public dont le contrat lui confie l'exploitation. Les réseaux d'autoroutes sont le plus souvent concédés.
* 27 La rémunération du régisseur dépend, non pas des bénéfices qu'il a réalisés (comme c'est le cas pour le concessionnaire), mais d'autres résultats de sa gestion : économies réalisées, gains de productivité, extension du service, amélioration de sa qualité. La Régie Autonome des Transports Parisiens en fournit une illustration.
* 28 Conseil d'Etat, 1 er avril 1994, ville de Menton.
* 29 Avis du Conseil d'Etat du 7 avril 1986 : « Le caractère administratif d'un service public n'interdit pas à la collectivité territoriale compétente d'en confier l'exécution à des personnes privées, sous réserve toutefois que le service ne soit pas au nombre de ceux qui, par leur nature ou par la volonté du législateur, ne peuvent être assurés que par la collectivité territoriale elle-même ».
* 30 Article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, les associations d'élus proposent des modèles qui s'inscrivent pleinement dans le respect de la liberté contractuelle des collectivités locales. A titre d'exemple, l'Association des Maires de France travaille actuellement à un projet de contrat-type de gestion déléguée des services d'eau.
* 31 La « loi Sapin » du 29 janvier 1993 ne s'applique pas aux délégations de service public effectuées par des actes unilatéraux des collectivités publiques. Le législateur n'a entendu encadrer que la passation des contrats de délégation de service public.
* 32 Concessions de transport et de distribution d'énergie électrique, concessions d'exploitation des chutes d'énergie hydraulique, concessions d'autoroutes, concessions de voies d'eau navigables naturelles ou artificielles.
* 33 Pour une tentative de clarification de la notion de concession, voir la communication interprétative de la Commission européenne sur les concessions en droit communautaire du 12 avril 2000.
* 34 Conseil d'Etat, 8 février 1999, Préfet des Bouches-du-Rhône contre commune de La Ciotat. En l'espèce, l'exécution de travaux de modernisation et d'exploitation du réseau d'éclairage et de signalisation tricolore de la commune constitue par son objet un marché soumis au code des marchés publics (quelle que soit la qualification juridique retenue par les parties).
* 35 Conseil d'Etat, 16 octobre 2000, Compagnie méditerranéenne d'exploitation des services d'eau. Avis du Conseil d'Etat du 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, précité.
* 36 Conseil d'Etat, 15 avril 1996, Préfet des Bouches-du-Rhône : « La loi du 29 janvier 1993, et notamment sons article 38 relatif aux délégations de service public des personnes morales de droit public, n'ont pas eu pour objet et ne sauraient être interprétées comme ayant pour effet de faire échapper au respect des règles régissant les marchés publics, tout ou partie des contrats dans lesquels la rémunération du cocontractant de l'administration n'est pas substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation. Le contrat litigieux prévoyant que la rémunération du cocontractant serait assurée au moyen d'un prix payé par la commune (doit être regardé) comme un marché soumis aux règles régissant les marchés publics ».
* 37 Conseil d'Etat, 15 juin 1994, Syndicat intercommunal des transports publics de la région de Douai : « Le syndicat a confié la responsabilité de la gestion du service de transport public de voyageurs de la région de Douai à une entreprise privée qui perçoit des redevances sur les usagers et supporte, dans certaines limites, le risque financier de l'exploitation. Ces modalités d'exploitation caractérisent l'existence d'une délégation de gestion d'un service public ».
* 38 Conseil d'Etat, 7 avril 1999, Commune de Guilherand-Granges. En l'espèce, la rémunération de la société comportait, d'une part, en ce qui concerne la gestion du service de distribution d'eau potable, une partie fixe représentée par la location des compteurs, et une partie proportionnelle au volume d'eau distribué, d'autre part, en ce qui concerne la gestion du service d'assainissement, une partie proportionnelle au volume d'eau.
* 39 Conseil d'Etat, 30 juin 1999, syndicat mixte du traitement des ordures ménagères centre ouest seine-et-marnais (SMITOM). En l'espèce, le syndicat mixte avait passé une convention de délégation sous forme d'une régie intéressée pour l'exploitation des éléments d'une filière de traitement des déchets ménagers et assimilés sur le territoire d'une commune. La rémunération prévue pour le cocontractant du SMITOM était composée d'une part d'un prix payé par le SMITOM pour le traitement des déchets collectés auprès des adhérents de celui-ci et, d'autre part, d'une partie variable provenant à la fois des recettes d'exploitation liées au traitement des déchets collectés auprès d'autres usagers que les adhérents du SMITOM, de la vente de l'énergie produite et des éventuelles recettes supplémentaires liées aux performances réalisées dans le traitement des déchets collectés auprès des adhérents du syndicat.
* 40 A titre d'exemple, voir la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
* 41 Conseil d'Etat, 20 avril 1956, Epoux Bertin.
* 42 Conseil d'Etat, 20 janvier 1905, Compagnie départementale des eaux et services municipaux contre ville de Langres.
* 43 Le Gouvernement a donc changé d'avis sur cette question puisque le 26 avril 2001, il estimait « préférable de considérer la notion de collectivité publique dans un sens restreint, c'est-à-dire ne visant que l'autorité exécutive, et non l'assemblée délibérante, comme autorité compétente pour dresser la liste des candidats » (Journal Officiel, Questions des sénateurs, page 1437, réponse à la question n° 28950 de M. Gérard Larcher).
* 44 Voir le rapport n°1 (Sénat, 1999-2000) de M. Jean-Paul Amoudry.
* 45 Voir en particulier les articles 59 et 62 du code des marchés publics annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 : « Seuls peuvent être ouverts les plis qui ont été reçus au plus tard à la date et à l'heure limites qui ont été annoncées dans l'avis d'appel public à la concurrence » (appels d'offres ouverts et restreints).
* 46 CAA Bordeaux, 15 décembre 1997, SA Thématique.
* 47 L'article 2 du nouveau code des marchés publics prévoit que :
« I. - Les dispositions du présent code s'appliquent :
1° Aux marchés conclu par l'Etat, ses établissements autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ;
2° Aux marchés conclu en vertu d'un mandat donné par une des personnes publiques mentionnées au 1° du présent article, sous réserve des adaptations éventuellement nécessaires auxquelles il est procédé par décret.
II. - Sauf dispositions contraires, les règles applicables à l'Etat le sont également à ceux de ses établissements publics auxquels s'appliquent les dispositions du présent code ; les règles applicables aux collectivités territoriales le sont également à leurs établissements publics. »
* 48 Cour de cassation, troisième chambre civile, 29 mai 1980 - Société Albra.
* 49 Conseil d'Etat, 10 février 1997, société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement de l'Aude.
* 50 Article 8 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.
* 51 Conseil d'Etat, 28 avril 2000, Société Peinture Normandie.
* 52 Article 1275 du code civil : « La délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger le débiteur qui a fait la délégation ».
* 53 Réponse ministérielle n° 66151 - Journal officiel - Questions - Assemblée nationale - du 27 mai 1985, p. 2425.
* 54 CJCE, 10 novembre 1998, Gemeerte Arnhem : « La notion de pouvoir adjudicateur doit recevoir une interprétation fonctionnelle. Cette nécessité s'oppose à ce qu'une distinction soit faite selon la forme juridique des dispositions créant l'organisme et spécifiant les besoins qu'il doit satisfaire ».
* 55 Voir le b) de l'article premier de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services.
b) de l'article premier de la directive 93/37/CEE du conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux.
b) de l'article premier de la directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures.
* 56 Le décret n° 92-311 du 31 mars 1992 précise à quelles règles de publicité et de mise en concurrence est soumise la passation de certains contrats de fournitures, de travaux ou de prestation de services.
* 57 Selon l'annexe I de la directive 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, sont des organismes de droit public, à titre d'exemple, le CNRS, l'INRA, l'INSERM, l'ANPE, la CNAF, la CNAM, la CNAV, etc.
* 58 Article 47 du code des marchés publics actuel : « Sous réserve des dispositions des articles 48 à 60 du présent code, les entrepreneurs ou fournisseurs peuvent librement se porter candidats aux marchés publics. Sous réserve des dispositions des articles 61 à 73, ils bénéficient d'une égalité de traitement dans l'examen de leurs candidatures ou de leurs offres. »
* 59 Articles 62, 66, 71, 261, 265 et 268 de l'actuel code des marchés publics.
* 60 Article 14 : « La définition des conditions d'exécution d'un marché dans les cahiers des charges peut viser à promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, à lutter contre le chômage ou à protéger l'environ,nement. Ces conditions d'exécution ne doivent pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats potentiels ».
Article 53 : « Pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, la personne publique se fonde sur des critères variables selon l'objet du marché, notamment le coût d'utilisation, la valeur technique, le délai d'exécution, les qualités esthétiques et fonctionnelles, la rentabilité, le service après vente et l'assistance technique, la date et le délai de livraison, le prix des prestations. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. »