ITALIE
Même si le code pénal de 1930 comprend depuis
l'origine
plusieurs articles qui prévoient des réductions de peine
notamment pour les personnes qui «
empêchent de
manière volontaire
» la réalisation d'une
infraction et pour celles qui s'emploient «
spontanément et
efficacement à éliminer ou atténuer les
conséquences dommageables
» de leurs actes, c'est
à partir de la fin des années 70 que, pour faire face au
terrorisme, le législateur a multiplié les mesures favorables aux
repentis. Il les a en même temps transformées, pour les appliquer
à des infractions commises non par des individus isolés, mais par
des groupes organisés.
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1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
Les
premières mesures en faveur des repentis résultent d'un
décret-loi de mars 1978, qui a modifié le code pénal et
qui a été converti en loi quelques semaines plus tard. Elles
concernaient les auteurs d'
enlèvements
, que ceux-ci fussent
réalisés pour l'obtention d'une rançon ou dans un but
terroriste. Ces dispositions sont toujours en vigueur, celles qui
régissent la première catégorie d'enlèvements ayant
été modifiées en 1980.
Le
décret-loi Cossiga du 15 décembre 1979
,
intitulé
«
Mesures urgentes pour la défense
de l'ordre
démocratique et de la sécurité
publique
»
et
converti en loi du
6 février 1980, offrait d'importantes réductions de peine
aux terroristes qui acceptaient de fournir à la justice ou à la
police des informations sur leur organisation.
La loi du 29 mai 1982 portant mesures pour la défense de l'ordre
constitutionnel, qui lui a succédé
(8(
*
))
, visait également les infractions
contre l'État. Le champ d'application des dispositions sur les
récompenses octroyées aux repentis se limitait aux
infractions
commises à des fins de terrorisme ou de déstabilisation de
l'ordre démocratique.
Il a progressivement été étendu :
- au trafic de stupéfiants, en 1990 ;
- à toutes les infractions relevant de « l'association
mafieuse » en 1991
(9(
*
))
;
- plus récemment à des infractions très diverses,
telles les atteintes au droit d'auteur en 2000, la contrebande de cigarettes en
2001 et le vol, également en 2001.
Ces élargissements successifs visent les différentes formes
de
criminalité organisée, ainsi que certains de ses
domaines de prédilection
(trafic de stupéfiants,
d'enregistrements audio-visuels et de cigarettes). Toutefois, le dernier ajout,
réalisé par la loi du 26 mars 2001 qui comporte
différentes mesures destinées à la
«
protection de la sécurité des
citoyens
» apparaît sans lien avec l'évolution
précédente.
b) Les personnes concernées
Les
différentes règles en vigueur visent les auteurs d'infractions
qui communiquent à la justice ou à la police des informations de
nature à faciliter le déroulement d'une procédure, qu'elle
soit ou non liée à l'affaire dans laquelle ils sont
impliqués, ou à éviter la réalisation de nouvelles
infractions.
Elles visent également ceux qui reconnaissent les infractions qui leur
sont reprochées et qui renoncent à utiliser la violence dans la
lutte politique.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
Il
n'existe aucune norme générale sur les repentis, de sorte que les
avantages qui leur sont accordés diffèrent à la fois selon
l'infraction commise et selon la nature de la collaboration.
En règle générale, la collaboration des accusés
avec la justice ou la police entraîne une réduction de peine
comprise entre le tiers et la moitié.
Dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme, elle pouvait permettre à l'accusé de
bénéficier de
l'impunité
.
Par ailleurs, la collaboration peut entraîner une
exemption des
peines
complémentaires
et un
aménagement du
régime pénitentiaire.
• La réduction de peine
Elle est
comprise entre le tiers et la moitié
:
- pour les personnes accusées d'appartenance à une
association mafieuse qui «
s'emploient à éviter que
l'activité coupable n'ait des conséquences ultérieures,
notamment en aidant concrètement la police ou la justice à
recueillir des éléments décisifs pour la reconstitution
des faits et pour l'identification ou l'arrestation des auteurs des
infractions
» ;
- pour les personnes accusées de trafic de cigarettes qui
collaborent de la même façon que les précédentes ou
qui contribuent à «
l'identification des moyens importants
pour la réalisation des délits
» ;
- pour les personnes coupables d'un vol qui permettent,
«
avant le jugement, l'identification des complices et de ceux qui
ont acquis, obtenu ou caché l'objet volé ou se sont entremis pour
permettre son achat, sa transmission ou sa dissimulation
» ;
- pour celui qui, avant d'avoir reçu une notification de
l'autorité judiciaire relative à une violation de la loi sur les
droits d'auteur, la «
dénonce spontanément ou,
fournissant toutes les informations dont il dispose, permet l'identification du
promoteur ou l'organisateur de l'activité illicite
».
Elle est comprise
entre la moitié et les deux tiers
en
matière de trafic de stupéfiants pour qui «
s'est
efficacement employé à garantir les preuves du délit ou
à soustraire à l'association des ressources importantes pour la
réalisation des infractions
».
Les participants à des enlèvements de personnes qui s'emploient
à ce que la personne enlevée recouvre la liberté sont
passibles, selon que l'enlèvement est d'ordre terroriste ou purement
crapuleux, d'une peine de prison de six mois à huit ans ou de deux
à huit ans, alors que la peine normalement encourue est de vingt-cinq
à trente ans.
Lorsque la peine applicable est la réclusion à
perpétuité, elle est remplacée par une peine de
durée limitée. Ainsi, dans le cas de la criminalité de
type mafieux, la réclusion à perpétuité est
remplacée par la réclusion de douze à vingt ans.
La réduction de peine peut être encore plus importante, car
la
collaboration permet, dans certains cas, d'empêcher le juge de tenir
compte de la
circonstance aggravante liée au caractère
même de l'infraction commise
. Ainsi, le décret-loi de mai 1991
portant mesures urgentes en faveur de la lutte contre la criminalité
organisée, qui a été converti en loi quelques semaines
plus tard, dispose que les peines applicables aux infractions de type mafieux
sont augmentées d'un tiers. Toutefois, comme les réductions
offertes aux repentis sont calculées à partir de la peine de
base, et non à partir de la peine aggravée, l'incitation à
la collaboration est plus importante.
• L'impunité
Elle était prévue par le décret-loi Cossiga au
bénéfice de ceux qui
empêchaient la survenance d'un
attentat à la sécurité publique
planifié par
une organisation terroriste (incendie, naufrage d'un bateau, catastrophe
aérienne, attentat contre un réseau de communication,
empoisonnement de l'eau potable ou d'aliments...). Elle était
également prévue par la loi de 1982 pour les auteurs de crimes et
délits contre l'État qui dissolvaient l'organisation, agissaient
de façon à permettre sa dissolution, fournissaient des
informations sur sa structure ou son organisation ou empêchaient la
réalisation d'infractions constituant l'un de ses objectifs.
• L'exemption des peines complémentaires
Elle est prévue par la loi d'août 2000 qui a modifié les
dispositions sur le droit d'auteur. Compte tenu de l'importance des peines
complémentaires dans ce domaine (interdictions professionnelles par
exemple), l'incitation à la collaboration est également
renforcée.
• L'aménagement du régime pénitentiaire
Le décret-loi du 15 janvier 1991, récemment
modifié par la loi du 13 février 2001
, qui
définit les mesures spéciales accordées à ceux qui
collaborent avec la justice, prévoit notamment un aménagement du
régime pénitentiaire de certains repentis.
Ces dispositions sont réservées aux personnes condamnées
pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou
enlèvement crapuleux, dans la mesure où elles ont pleinement
collaboré avec la justice, y compris après leur condamnation.
Après avoir purgé au moins le quart de leur peine (ou
dix ans si elles ont été condamnées à
perpétuité), elles peuvent prétendre à des
permissions, voire à un régime d'assignation à
résidence, de liberté conditionnelle ou de semi-liberté.
La collaboration avec la justice peut également mettre fin à la
détention préventive lorsque le juge a l'assurance que
l'intéressé a rompu tout lien avec son organisation et respecte
tous les engagements qui conditionnent sa protection.
b) Les mesures de protection
Même si le droit de la procédure pénale
comporte
des dispositions utilisables dans le cas des repentis (auditions à huis
clos par exemple) ou qui les visent explicitement, comme l'obligation de
recourir à la vidéoconférence dans tous les procès
pour association mafieuse et pour terrorisme,
la protection des repentis est
essentiellement assurée par des mesures extra-judiciaires
.
Les mesures de protection des repentis sont définies par le
décret-loi du 15 janvier 1991.
Le bénéfice de ces mesures est désormais
réservé aux seuls repentis qui remplissent les conditions
suivantes :
- ils ont été accusés ou condamnés pour
terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou
enlèvement crapuleux ;
- leur collaboration les menace de façon grave et réelle, de
sorte que les règles générales de protection applicables
à tout accusé sont insuffisantes ;
- leurs déclarations, parfaitement fiables, ont un caractère
de «
nouveauté
»,
d'«
exhaustivité
» ou revêtent une
«
importance exceptionnelle
», dans le cadre de la
procédure pénale les concernant ou d'enquêtes sur des
organisations mafieuses ou terroristes.
Ainsi défini, le champ d'application des nouvelles dispositions est
limité : il exclut par exemple les membres d'un réseau
criminel, mais non juridiquement qualifié de mafieux.
L'octroi des mesures de protection est décidé par une
commission
ad hoc
constituée de professionnels
spécialistes de la criminalité organisée (policiers et
magistrats, à l'exclusion des membres du parquet) sur proposition du
procureur de la République ou du responsable local de la police.
Pour bénéficier de ces mesures, le repenti doit prendre des
engagements
, et notamment :
- indiquer la composition du patrimoine qu'il détient ou qu'il
contrôle, directement ou non ;
- remettre au procureur de la République, dans le délai de
six mois après qu'il a fait part de son souhait de collaboration,
un document écrit comportant toutes les informations qu'il
détient et qui peuvent permettre à la justice de progresser, non
seulement sur l'affaire dans laquelle il est impliqué, mais
également sur d'autres dossiers majeurs.
L'obligation de respecter un délai de six mois pour fournir ce
« procès-verbal de collaboration » vise à
empêcher les repentis de différer la fourniture des renseignements
et d'en tirer parti au fur et à mesure. Pour inciter au respect de ce
délai, les nouvelles dispositions précisent d'ailleurs que les
informations fournies ensuite ne peuvent en principe pas être
utilisées comme preuves contre des tiers.
Les
mesures de protection
consistent par exemple en la fourniture de
dispositifs techniques de sécurité, en un transfert dans une
commune autre que la commune de résidence ou en la détention
selon des modalités particulières.
Un
programme spécial de protection
peut être
élaboré dans certains cas particuliers, lorsque
l'appréciation concrète de la situation révèle
l'insuffisance des mesures de protection habituellement accordées aux
repentis. Ce programme peut inclure le transfert des intéressés
dans un endroit particulièrement protégé, des mesures
d'assistance économique (comprenant par exemple la prise en charge du
loyer et le versement d'une allocation plafonnée à cinq fois le
montant du minimum vieillesse), la fourniture de papiers d'identité
« de couverture », voire un changement d'état civil,
mesure exceptionnelle régie par un texte
ad hoc
et
nécessitant un décret du ministre de l'Intérieur.
Après que les mesures de protection ont été
accordées, le repenti doit verser au Trésor public les fonds
provenant d'activités illicites, l'autorité judiciaire
procédant par ailleurs à la mise sous séquestre de tous
ses biens.
Les mesures de protection, qu'il s'agisse des mesures habituelles ou qu'elles
fassent partie d'un programme spécial de protection, peuvent être
accordées aux
membres de la famille
du repenti, à
condition qu'ils soient eux-mêmes exposés à un danger grave
et réel, et qu'ils vivent sous le même toit que le repenti.
Les mesures sont prises pour une
durée
indéterminée
. Elles sont rapportées lorsqu'elles ne
sont plus justifiées. Elles peuvent également être
rapportées en fonction de la conduite de l'intéressé.
Le ministre de l'Intérieur doit fournir tous les six mois au
Parlement un
rapport sur l'application et l'efficacité des
mesures de protection
. Ce rapport précise notamment le coût de
ces mesures. D'après le dernier rapport disponible, relatif au second
semestre de l'année 2001, l'ensemble des dépenses de protection a
représenté 33,5 millions d'euros pour cette période.
Cette somme inclut les dépenses engagées pour la protection des
simples témoins, au nombre d'environ 75.
Depuis 1997, le nombre des repentis bénéficiant de mesures de
protection est stable : il oscille entre 1 000 et 1 100. Le
nombre des membres de la famille placés sous protection est
également stable, variant entre 3 950 et 4 200.
Les mesures de protection prises en faveur des repentis
incarcérés consistent principalement en leur détention
dans des unités spécialisées.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
Le code
de procédure pénale de 1988 consacre l'orientation qu'avait prise
la jurisprudence au milieu des années 1980 : l'article
consacré à l'évaluation des preuves précise que les
informations fournies par les repentis, qu'il s'agisse de coaccusés ou
de personnes poursuivies séparément dans le cadre de
procédures connexes, «
sont évaluées avec les
autres éléments de
preuve qui en confirment la
crédibilité
».
Les déclarations des repentis doivent donc être
corroborées sans pouvoir fonder à elles seules une
condamnation
. La Cour de cassation a précisé la nature de
l'évaluation à laquelle doit se livrer le juge. Il doit
vérifier la crédibilité personnelle du repenti, notamment
à la lumière de sa personnalité et de son passé,
ainsi que la valeur de ses déclarations, compte tenu de leur
précision, de leur cohérence, de leur constance et de leur
spontanéité. Il doit également s'assurer que d'autres
éléments les corroborent. Parmi les éléments
susceptibles de corroborer les déclarations des repentis, la
jurisprudence n'exclut pas les déclarations d'autres repentis.
Aux mesures visant explicitement à récompenser les repentis, il
faut ajouter la procédure spéciale du « jugement
abrégé »
(10(
*
))
. Prévue par le code de
procédure pénale et applicable à n'importe quelle
infraction, elle permet à l'accusé qui renonce à
l'exercice complet des droits de la défense d'obtenir une
réduction de peine d'un tiers. Cette procédure est en effet
utilisable pour « récompenser » la collaboration
lorsque l'infraction d'origine n'entre pas dans le champ d'application des
mesures sur les repentis. Ce peut être le cas par exemple d'un
délinquant opérant dans le cadre d'un réseau en cours de
constitution.