ITALIE



Même si le code pénal de 1930 comprend depuis l'origine plusieurs articles qui prévoient des réductions de peine notamment pour les personnes qui « empêchent de manière volontaire » la réalisation d'une infraction et pour celles qui s'emploient « spontanément et efficacement à éliminer ou atténuer les conséquences dommageables » de leurs actes, c'est à partir de la fin des années 70 que, pour faire face au terrorisme, le législateur a multiplié les mesures favorables aux repentis. Il les a en même temps transformées, pour les appliquer à des infractions commises non par des individus isolés, mais par des groupes organisés.

Depuis 1978, l'évolution des dispositions législatives sur les repentis se caractérise par trois orientations :

- l'extension du champ d'application des remises de peine à d'autres formes de criminalité que le terrorisme politique ;

- l'instauration de mesures de protection destinées à assurer la sécurité des repentis ;

- l'octroi d'un régime pénitentiaire favorable.

Devant certaines dérives liées notamment à ce traitement pénitentiaire, le législateur a adopté au début de l'année 2001 un texte visant à dissocier l'incitation à la collaboration de la protection, et à sélectionner plus rigoureusement les bénéficiaires des programmes de protection.

Les règles sur les remises de peine accordées aux repentis sont dispersées dans plusieurs textes, chacun de ces textes visant une forme particulière de délinquance, et les questions relatives à la protection sont principalement réglées par un décret-loi du 15 janvier 1991, converti en loi quelques semaines plus tard et modifié en dernier lieu par la loi du 13 février 2001, ainsi que par plusieurs règlements d'application.

1) La reconnaissance juridique des repentis

a) Les infractions visées

Les premières mesures en faveur des repentis résultent d'un décret-loi de mars 1978, qui a modifié le code pénal et qui a été converti en loi quelques semaines plus tard. Elles concernaient les auteurs d' enlèvements , que ceux-ci fussent réalisés pour l'obtention d'une rançon ou dans un but terroriste. Ces dispositions sont toujours en vigueur, celles qui régissent la première catégorie d'enlèvements ayant été modifiées en 1980.

Le décret-loi Cossiga du 15 décembre 1979 , intitulé « Mesures urgentes pour la défense de l'ordre démocratique et de la sécurité publique » et converti en loi du 6 février 1980, offrait d'importantes réductions de peine aux terroristes qui acceptaient de fournir à la justice ou à la police des informations sur leur organisation.

La loi du 29 mai 1982 portant mesures pour la défense de l'ordre constitutionnel, qui lui a succédé (8( * )) , visait également les infractions contre l'État. Le champ d'application des dispositions sur les récompenses octroyées aux repentis se limitait aux infractions commises à des fins de terrorisme ou de déstabilisation de l'ordre démocratique.

Il a progressivement été étendu :

- au trafic de stupéfiants, en 1990 ;

- à toutes les infractions relevant de « l'association mafieuse » en 1991 (9( * )) ;

- plus récemment à des infractions très diverses, telles les atteintes au droit d'auteur en 2000, la contrebande de cigarettes en 2001 et le vol, également en 2001.

Ces élargissements successifs visent les différentes formes de criminalité organisée, ainsi que certains de ses domaines de prédilection (trafic de stupéfiants, d'enregistrements audio-visuels et de cigarettes). Toutefois, le dernier ajout, réalisé par la loi du 26 mars 2001 qui comporte différentes mesures destinées à la « protection de la sécurité des citoyens » apparaît sans lien avec l'évolution précédente.

b) Les personnes concernées

Les différentes règles en vigueur visent les auteurs d'infractions qui communiquent à la justice ou à la police des informations de nature à faciliter le déroulement d'une procédure, qu'elle soit ou non liée à l'affaire dans laquelle ils sont impliqués, ou à éviter la réalisation de nouvelles infractions.

Elles visent également ceux qui reconnaissent les infractions qui leur sont reprochées et qui renoncent à utiliser la violence dans la lutte politique.

2) Les avantages accordés aux repentis

a) Le traitement pénal

Il n'existe aucune norme générale sur les repentis, de sorte que les avantages qui leur sont accordés diffèrent à la fois selon l'infraction commise et selon la nature de la collaboration.

En règle générale, la collaboration des accusés avec la justice ou la police entraîne une réduction de peine comprise entre le tiers et la moitié. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, elle pouvait permettre à l'accusé de bénéficier de l'impunité .

Par ailleurs, la collaboration peut entraîner une exemption des peines complémentaires et un aménagement du régime pénitentiaire.

• La réduction de peine

Elle est comprise entre le tiers et la moitié :

- pour les personnes accusées d'appartenance à une association mafieuse qui « s'emploient à éviter que l'activité coupable n'ait des conséquences ultérieures, notamment en aidant concrètement la police ou la justice à recueillir des éléments décisifs pour la reconstitution des faits et pour l'identification ou l'arrestation des auteurs des infractions » ;

- pour les personnes accusées de trafic de cigarettes qui collaborent de la même façon que les précédentes ou qui contribuent à « l'identification des moyens importants pour la réalisation des délits » ;

- pour les personnes coupables d'un vol qui permettent, « avant le jugement, l'identification des complices et de ceux qui ont acquis, obtenu ou caché l'objet volé ou se sont entremis pour permettre son achat, sa transmission ou sa dissimulation » ;

- pour celui qui, avant d'avoir reçu une notification de l'autorité judiciaire relative à une violation de la loi sur les droits d'auteur, la « dénonce spontanément ou, fournissant toutes les informations dont il dispose, permet l'identification du promoteur ou l'organisateur de l'activité illicite ».

Elle est comprise entre la moitié et les deux tiers en matière de trafic de stupéfiants pour qui « s'est efficacement employé à garantir les preuves du délit ou à soustraire à l'association des ressources importantes pour la réalisation des infractions ».

Les participants à des enlèvements de personnes qui s'emploient à ce que la personne enlevée recouvre la liberté sont passibles, selon que l'enlèvement est d'ordre terroriste ou purement crapuleux, d'une peine de prison de six mois à huit ans ou de deux à huit ans, alors que la peine normalement encourue est de vingt-cinq à trente ans.

Lorsque la peine applicable est la réclusion à perpétuité, elle est remplacée par une peine de durée limitée. Ainsi, dans le cas de la criminalité de type mafieux, la réclusion à perpétuité est remplacée par la réclusion de douze à vingt ans.

La réduction de peine peut être encore plus importante, car la collaboration permet, dans certains cas, d'empêcher le juge de tenir compte de la circonstance aggravante liée au caractère même de l'infraction commise . Ainsi, le décret-loi de mai 1991 portant mesures urgentes en faveur de la lutte contre la criminalité organisée, qui a été converti en loi quelques semaines plus tard, dispose que les peines applicables aux infractions de type mafieux sont augmentées d'un tiers. Toutefois, comme les réductions offertes aux repentis sont calculées à partir de la peine de base, et non à partir de la peine aggravée, l'incitation à la collaboration est plus importante.

• L'impunité

Elle était prévue par le décret-loi Cossiga au bénéfice de ceux qui empêchaient la survenance d'un attentat à la sécurité publique planifié par une organisation terroriste (incendie, naufrage d'un bateau, catastrophe aérienne, attentat contre un réseau de communication, empoisonnement de l'eau potable ou d'aliments...). Elle était également prévue par la loi de 1982 pour les auteurs de crimes et délits contre l'État qui dissolvaient l'organisation, agissaient de façon à permettre sa dissolution, fournissaient des informations sur sa structure ou son organisation ou empêchaient la réalisation d'infractions constituant l'un de ses objectifs.

• L'exemption des peines complémentaires

Elle est prévue par la loi d'août 2000 qui a modifié les dispositions sur le droit d'auteur. Compte tenu de l'importance des peines complémentaires dans ce domaine (interdictions professionnelles par exemple), l'incitation à la collaboration est également renforcée.

• L'aménagement du régime pénitentiaire

Le décret-loi du 15 janvier 1991, récemment modifié par la loi du 13 février 2001 , qui définit les mesures spéciales accordées à ceux qui collaborent avec la justice, prévoit notamment un aménagement du régime pénitentiaire de certains repentis.

Ces dispositions sont réservées aux personnes condamnées pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou enlèvement crapuleux, dans la mesure où elles ont pleinement collaboré avec la justice, y compris après leur condamnation. Après avoir purgé au moins le quart de leur peine (ou dix ans si elles ont été condamnées à perpétuité), elles peuvent prétendre à des permissions, voire à un régime d'assignation à résidence, de liberté conditionnelle ou de semi-liberté.

La collaboration avec la justice peut également mettre fin à la détention préventive lorsque le juge a l'assurance que l'intéressé a rompu tout lien avec son organisation et respecte tous les engagements qui conditionnent sa protection.

b) Les mesures de protection

Même si le droit de la procédure pénale comporte des dispositions utilisables dans le cas des repentis (auditions à huis clos par exemple) ou qui les visent explicitement, comme l'obligation de recourir à la vidéoconférence dans tous les procès pour association mafieuse et pour terrorisme, la protection des repentis est essentiellement assurée par des mesures extra-judiciaires .

Les mesures de protection des repentis sont définies par le décret-loi du 15 janvier 1991.

Le bénéfice de ces mesures est désormais réservé aux seuls repentis qui remplissent les conditions suivantes :

- ils ont été accusés ou condamnés pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou enlèvement crapuleux ;

- leur collaboration les menace de façon grave et réelle, de sorte que les règles générales de protection applicables à tout accusé sont insuffisantes ;

- leurs déclarations, parfaitement fiables, ont un caractère de « nouveauté », d'« exhaustivité » ou revêtent une « importance exceptionnelle », dans le cadre de la procédure pénale les concernant ou d'enquêtes sur des organisations mafieuses ou terroristes.

Ainsi défini, le champ d'application des nouvelles dispositions est limité : il exclut par exemple les membres d'un réseau criminel, mais non juridiquement qualifié de mafieux.

L'octroi des mesures de protection est décidé par une commission ad hoc constituée de professionnels spécialistes de la criminalité organisée (policiers et magistrats, à l'exclusion des membres du parquet) sur proposition du procureur de la République ou du responsable local de la police.

Pour bénéficier de ces mesures, le repenti doit prendre des engagements , et notamment :

- indiquer la composition du patrimoine qu'il détient ou qu'il contrôle, directement ou non ;

- remettre au procureur de la République, dans le délai de six mois après qu'il a fait part de son souhait de collaboration, un document écrit comportant toutes les informations qu'il détient et qui peuvent permettre à la justice de progresser, non seulement sur l'affaire dans laquelle il est impliqué, mais également sur d'autres dossiers majeurs.

L'obligation de respecter un délai de six mois pour fournir ce « procès-verbal de collaboration » vise à empêcher les repentis de différer la fourniture des renseignements et d'en tirer parti au fur et à mesure. Pour inciter au respect de ce délai, les nouvelles dispositions précisent d'ailleurs que les informations fournies ensuite ne peuvent en principe pas être utilisées comme preuves contre des tiers.

Les mesures de protection consistent par exemple en la fourniture de dispositifs techniques de sécurité, en un transfert dans une commune autre que la commune de résidence ou en la détention selon des modalités particulières.

Un programme spécial de protection peut être élaboré dans certains cas particuliers, lorsque l'appréciation concrète de la situation révèle l'insuffisance des mesures de protection habituellement accordées aux repentis. Ce programme peut inclure le transfert des intéressés dans un endroit particulièrement protégé, des mesures d'assistance économique (comprenant par exemple la prise en charge du loyer et le versement d'une allocation plafonnée à cinq fois le montant du minimum vieillesse), la fourniture de papiers d'identité « de couverture », voire un changement d'état civil, mesure exceptionnelle régie par un texte ad hoc et nécessitant un décret du ministre de l'Intérieur.

Après que les mesures de protection ont été accordées, le repenti doit verser au Trésor public les fonds provenant d'activités illicites, l'autorité judiciaire procédant par ailleurs à la mise sous séquestre de tous ses biens.

Les mesures de protection, qu'il s'agisse des mesures habituelles ou qu'elles fassent partie d'un programme spécial de protection, peuvent être accordées aux membres de la famille du repenti, à condition qu'ils soient eux-mêmes exposés à un danger grave et réel, et qu'ils vivent sous le même toit que le repenti.

Les mesures sont prises pour une durée indéterminée . Elles sont rapportées lorsqu'elles ne sont plus justifiées. Elles peuvent également être rapportées en fonction de la conduite de l'intéressé.

Le ministre de l'Intérieur doit fournir tous les six mois au Parlement un rapport sur l'application et l'efficacité des mesures de protection . Ce rapport précise notamment le coût de ces mesures. D'après le dernier rapport disponible, relatif au second semestre de l'année 2001, l'ensemble des dépenses de protection a représenté 33,5 millions d'euros pour cette période. Cette somme inclut les dépenses engagées pour la protection des simples témoins, au nombre d'environ 75.

Depuis 1997, le nombre des repentis bénéficiant de mesures de protection est stable : il oscille entre 1 000 et 1 100. Le nombre des membres de la famille placés sous protection est également stable, variant entre 3 950 et 4 200.

Les mesures de protection prises en faveur des repentis incarcérés consistent principalement en leur détention dans des unités spécialisées.

3) La valeur probatoire des déclarations des repentis

Le code de procédure pénale de 1988 consacre l'orientation qu'avait prise la jurisprudence au milieu des années 1980 : l'article consacré à l'évaluation des preuves précise que les informations fournies par les repentis, qu'il s'agisse de coaccusés ou de personnes poursuivies séparément dans le cadre de procédures connexes, « sont évaluées avec les autres éléments de preuve qui en confirment la crédibilité ».

Les déclarations des repentis doivent donc être corroborées sans pouvoir fonder à elles seules une condamnation . La Cour de cassation a précisé la nature de l'évaluation à laquelle doit se livrer le juge. Il doit vérifier la crédibilité personnelle du repenti, notamment à la lumière de sa personnalité et de son passé, ainsi que la valeur de ses déclarations, compte tenu de leur précision, de leur cohérence, de leur constance et de leur spontanéité. Il doit également s'assurer que d'autres éléments les corroborent. Parmi les éléments susceptibles de corroborer les déclarations des repentis, la jurisprudence n'exclut pas les déclarations d'autres repentis.

Aux mesures visant explicitement à récompenser les repentis, il faut ajouter la procédure spéciale du « jugement abrégé » (10( * )) . Prévue par le code de procédure pénale et applicable à n'importe quelle infraction, elle permet à l'accusé qui renonce à l'exercice complet des droits de la défense d'obtenir une réduction de peine d'un tiers. Cette procédure est en effet utilisable pour « récompenser » la collaboration lorsque l'infraction d'origine n'entre pas dans le champ d'application des mesures sur les repentis. Ce peut être le cas par exemple d'un délinquant opérant dans le cadre d'un réseau en cours de constitution.

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