BELGIQUE
Il
n'existe pas de règles générales sur la reconnaissance des
repentis par la justice pénale, mais
il existe, notamment dans le
code pénal,
plusieurs dispositions accordant une exemption ou une
réduction de peine à celui qui dénonce une infraction dont
il est le coauteur ou le complice.
Certaines remontent au XIX
e
siècle, d'autres ont été introduites récemment.
|
1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
Elles
sont précisées par le code pénal et par trois lois
comportant des dispositions d'ordre pénal.
• Les articles du
code pénal
qui régissent
les
complots contre la sûreté de l'État
,
l'association de malfaiteurs, ainsi que les infractions relatives à
la fausse monnaie
comportent des mesures en faveur des repentis.
Les dispositions du même code sur la diffusion d'écrits sans
indication d'auteur ou d'imprimeur et sur les loteries non autorisées
prévoient également de telles mesures.
À l'exception de celle qui vise l'association de malfaiteurs, qui a
été introduite en 1999, toutes ces règles remontent au
XIX
e
siècle.
• La loi du 12 mars 1858 relative aux crimes et délits
qui portent atteinte aux relations internationales envisage également le
cas des repentis pour les
complots dirigés contre un gouvernement
étranger.
• Depuis 1975,
la loi sur les stupéfiants
comporte des
dispositions favorables aux repentis. Elles visent toutes les infractions,
qu'elles soient définies par la loi ou par ses arrêtés
d'application. (usage en groupe de telles substances, fourniture à
autrui, prescription abusive par un médecin...).
• Il en va de même depuis 1994 de la
loi de 1985 sur les
hormones animales
pour les infractions consistant à s'opposer aux
contrôles de l'Agence fédérale pour la
sécurité alimentaire (refus d'inspection ou de
prélèvement d'échantillons, fourniture de renseignements
inexacts...).
b) Les personnes concernées
Dans
tous les cas, les règles sur les repentis visent
les auteurs et les
complices des infractions qui viennent d'être définies, sans que
les infractions connexes soient prises en compte.
Les dispositions du code pénal sur la diffusion d'écrits sans
indication d'auteur ou d'imprimeur et sur les loteries non autorisées
prévoient que la collaboration du repenti sert à identifier
l'auteur d'une infraction déjà réalisée. Plus
qu'une incitation à la collaboration, elles constituent plutôt la
traduction de l'obligation de dénoncer, prévue par les textes.
En revanche, les autres mesures sur les repentis précisent que la
collaboration sert des objectifs différents selon le moment où
elle a lieu. Elle peut :
- empêcher la réalisation d'une infraction et fournir aux
autorités l'identité des organisateurs, lorsqu'elle est
antérieure à la réalisation d'une infraction ;
- permettre d'informer les autorités de la réalisation d'une
infraction qu'elles ignorent encore et fournir l'identité des
organisateurs, lorsqu'elle est postérieure à l'infraction mais
antérieure aux poursuites pénales ;
- faciliter l'identification du coupable d'une infraction, lorsqu'elle est
postérieure aux poursuites pénales.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
La loi
sur les hormones animales prévoit des réductions ou des
exemptions de peine, selon que la collaboration est postérieure ou
antérieure aux poursuites pénales. Il en va de même de la
loi sur les stupéfiants, à une exception près : les
auteurs de crimes
(6(
*
))
ne peuvent
bénéficier que d'une réduction de peine, jamais de
l'impunité.
Les autres textes, dont la plupart réservent les avantages offerts aux
repentis aux seuls cas où la collaboration a lieu avant les poursuites
pénales, prévoient l'impunité.
• La réduction de peine
Pour les infractions à la
loi sur les hormones animales
, si la
collaboration
est postérieure aux poursuites pénales, les
peines prévues (un emprisonnement de huit jours à trois ans et/ou
une amende 5 000 à 25 000 €) sont réduites
à une peine d'emprisonnement de huit jours à trois mois et/ou
à une amende de 500 à 2 500 €.
Pour les infractions à la
loi sur les stupéfiants
, la
collaboration avec les autorités entraîne une réduction de
peine :
- lorsqu'elle a lieu après le début des poursuites, mais
seulement pour les repentis auteurs de délits (emprisonnement de huit
jours à trois mois et amende de 130 à 500 €, au lieu
d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et/ou d'une amende de
5 000 à 500 000 €) ;
- lorsqu'elle a lieu avant le début des poursuites pour les
repentis auteurs de crimes. Pour un crime punissable de la réclusion
à perpétuité, la peine applicable est alors
l'emprisonnement d'un à cinq ans et pour un crime punissable de la
réclusion de vingt à trente ans, la peine consiste en une amende
de 500 à 2 500 €. Pour tous les autres crimes, la peine
(emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 250 à
1 000 €) est également beaucoup plus faible que la
sanction normalement applicable.
• L'impunité
Dans tous les autres cas, le repenti bénéficie d'une exemption
de peine
:
- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre
de la loi sur les hormones animales ;
- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre
de la loi sur les stupéfiants, le repenti ayant commis un
délit ;
- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre
des articles du code pénal comportant des dispositions sur les repentis
(essentiellement complots contre la sûreté de l'État,
fausse monnaie et associations de malfaiteurs) ;
- la collaboration a lieu dans le cadre de la loi de 1858, que le coupable
ait fourni des informations sur le complot et ses auteurs avant les poursuites,
ou qu'il ait permis l'arrestation de ceux-ci grâce aux informations
fournies ultérieurement.
b) Les mesures de protection
Il
n'existe
pas de mesures spécifiques visant à protéger
les repentis et leurs
proches.
Le témoignage des repentis peut toutefois être recueilli selon
des modalités particulières
, la Constitution
prévoyant, d'une part, que l'audition de certains témoins peut
avoir lieu à huis clos et le code de procédure pénale
disposant, d'autre part, qu'elle peut se dérouler hors de la
présence de l'accusé. Dans certaines conditions, la jurisprudence
accepte les auditions masquées. Les repentis peuvent également
bénéficier des dispositions contenues dans la loi du 8 avril
2002 relative à l'anonymat des témoins.
En revanche, la loi du 7 juillet 2002 sur la protection des témoins
menacés, qui prévoit différentes mesures de protection
(7(
*
))
, ne s'applique pas aux repentis,
car elle prévoit que «
les mesures de protection
octroyées à un témoin menacé sont retirées
lorsqu'il est formellement inculpé ou
poursuivi par le
ministère public pour les faits sur lesquels il fait
témoignage
». Les mesures de protection peuvent cependant
bénéficier aux témoins auteurs d'infractions liées
à celles qui font l'objet de leur témoignage.
De même, les repentis ne peuvent pas demander l'application de la loi du
2 août 2002 relative au recueil de déclarations au moyen
de médias audiovisuels. En effet, celle-ci ne prévoit la
possibilité de procéder à des auditions à distance
par vidéoconférence, par télévision en circuit
fermé ou par conférence téléphonique qu'en faveur
des témoins menacés bénéficiaires d'une mesure de
protection octroyée selon les termes de la loi du 7 juillet 2002
ainsi que, sur la base d'un principe de réciprocité, en faveur
des témoins ou des personnes soupçonnées résidant
à l'étranger.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
En
l'absence de dispositions spécifiques, la valeur probatoire des
déclarations des repentis est laissée à la
libre
appréciation des juges
.
La loi du 8 avril 2002 relative à l'anonymat des témoins exige
que les témoignages anonymes soient «
corroborés
dans une mesure déterminante par des éléments recueillis
par d'autres
modes de preuve
».
* *
*
Deux
propositions de loi sur les repentis ont été
déposées au Parlement au cours des derniers mois.
La plus récente
, qui vise à instaurer un régime pour
les collaborateurs de justice, a
été déposée par
deux députés de la majorité le 21 février
2002
. Elle reprend l'avant-projet de loi du ministre de la Justice. Faisant
suite aux travaux de la commission d'enquête sur la criminalité
organisée qui avait été instituée en 1996 et au
rapport de recherche réalisé en 1997 par l'Université de
Gand, cette proposition a un
champ d'application limité aux
infractions commises dans le cadre d'une
organisation criminelle et aux
violations les plus graves du droit international
humanitaire
. Le
repenti (une personne inculpée, déclarée coupable ou
purgeant une peine) pourrait passer un
accord écrit avec le
ministère public
, cet accord pouvant contenir une promesse
d'extinction de l'action publique, d'exemption ou de réduction de peine,
ou un engagement relatif à l'exécution de la peine. La
déposition ne pourrait être prise en compte à titre de
preuve que si elle était corroborée par d'autres
éléments et ne pourrait, en aucun cas, être anonyme.
La précédente, déposée par l'opposition en
août 2001, reprend également l'essentiel des dispositions de
l'avant-projet de loi, mais elle n'aborde pas la question du témoignage
sous couvert d'anonymat.