Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025
Direction de la Séance
N°71
14 février 2025
(Nouvelle lecture)
(n° 341 , 344 )
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G | Défavorable |
Rejeté |
présenté par
Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE 16 BIS B
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Supprimer cet article.
Objet
L'article 16 bis B propose de renforcer la sécurisation de la carte Vitale, tant sous sa forme matérielle qu'immatérielle, en conditionnant sa délivrance à la présentation d'une preuve d'identité via le dispositif "France Identité Numérique" du ministère de l'Intérieur. Bien que l'objectif affiché soit de lutter contre la fraude aux prestations sociales, cette mesure soulève plusieurs objections majeures.
Les données disponibles indiquent que la fraude sociale est majoritairement le fait des professionnels de santé, et non des assurés. Selon le rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS), la fraude à l'Assurance Maladie est estimée à 1,71 milliard d'euros par an, dont la grande majorité (1,12 milliard) est imputable aux professionnel.le.s de santé. Les pratiques frauduleuses incluent des facturations d'actes fictifs, des prescriptions médicales abusives et des fausses déclarations. Ainsi, cibler les assuré.e.s en renforçant la sécurisation de la carte Vitale ne s'attaque pas à la principale source de fraude, et risque de détourner l'attention des véritables enjeux.
L'intégration de la carte Vitale avec le dispositif "France Identité Numérique" soulève des préoccupations significatives en matière de protection de la vie privée. Bien que le gouvernement affirme que les données d'identité ne sont pas stockées de manière pérenne sur des serveurs, des experts mettent en garde contre les risques potentiels associés à la centralisation des données personnelles. Marie-Laure Denis, présidente de la CNIL, a souligné que "le développement des applications mobiles sur les smartphones s'est parfois accompagné d'atteintes graves à la vie privée". La collecte et le traitement accru de données sensibles pourraient ouvrir la voie à des abus, des fuites de données ou des usages détournés, compromettant ainsi la confidentialité des informations médicales des patients.
La généralisation de l'application mobile "Carte Vitale" pourrait accentuer la fracture numérique. Une partie significative de la population, notamment les personnes âgées ou en situation de précarité, ne dispose pas de smartphones ou n'est pas à l'aise avec les technologies numériques. Imposer une telle application comme moyen principal d'accès aux soins risque d'exclure ces individus du système de santé, aggravant ainsi les inégalités existantes.
La mise en place de ces mesures de sécurisation, incluant le déploiement de l'application et l'intégration avec "France Identité Numérique", entraînera des coûts substantiels. Une précédente proposition de carte Vitale biométrique avait été estimée à 1 milliard d'euros et jugée "onéreuse et inadaptée". Investir de telles sommes sans garantie d'une réduction significative de la fraude constitue une utilisation discutable des ressources publiques.
Plutôt que de focaliser les efforts sur la sécurisation de la carte Vitale, il serait plus pertinent de renforcer les contrôles et les audits auprès des professionnel.e.s de santé, principales.aux responsables de la fraude sociale. De plus, toute initiative visant à intégrer des dispositifs numériques dans le domaine de la santé doit impérativement garantir la protection des données personnelles des patients et éviter d'accentuer les inégalités d'accès aux soins.