Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic
Direction de la Séance
N°95
27 janvier 2025
(1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 254 , 253 )
AMENDEMENT
C | Favorable |
---|---|
G | Favorable |
Adopté |
présenté par
M. Étienne BLANC
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 15 BIS
Après l'article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le paragraphe 3 de la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« Paragraphe …
« De l’activation à distance des appareils électroniques mobiles
« Art. 706-99. – Dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire relative à l’une des infractions prévues aux 1° à 6° et 11° à 12° de l’article 706-73 ou au blanchiment des mêmes infractions, ainsi qu’à l’association de malfaiteurs lorsqu’elle a pour l’objet la préparation de l’une desdites infractions, lorsque les circonstances de l’enquête ne permettent pas la mise en place de la technique mentionnée à l’article 706-96 au regard soit de l’impossibilité à identifier les lieux où le dispositif technique pourrait être utilement mis en place, soit des risques d’atteinte à la vie et à l’intaégrité physique des agents chargés de la mise en œuvre de ces dispositifs, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut autoriser l’activation à distance d’un appareil électronique mobile, à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, aux seules fins de procéder à la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement des paroles prononcées par des personnes ou de l’image de ces dernières pour une durée strictement proportionnée à l’objectif recherché.
« L’autorisation est délivrée pour une durée de quinze jours, renouvelable une fois, dans le cas visé au 1° de l’article 706-95-12, et pour une durée de deux mois, renouvelable deux fois, dans le cas visé au 2° du même article.
« La décision autorisant le recours au dispositif mentionné au premier alinéa du présent article précise l’infraction qui motive le recours à ces opérations, la durée de celles-ci ainsi que tous les éléments permettant d’identifier l’appareil ; elle est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que cette opération est nécessaire et fait état des motifs attestant de l’impossibilité de recourir au dispositif technique mentionné à l’article 706-96.
« Le procureur de la République ou le juge d’instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157 en vue d’effectuer les opérations techniques permettant la réalisation du dispositif mentionné au présent alinéa ; il peut également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale, selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier.
« Art. 706-99-1. – À peine de nullité, l’activation à distance d’un appareil électronique mobile mentionnée à l’article 706-99 ne peut concerner les appareils utilisés par un député, un sénateur, un magistrat, un avocat, un journaliste ou un médecin.
« À peine de nullité, et hors les cas prévus à l’article 56-1-2, ne peuvent être transcrites les données relatives aux échanges avec un avocat qui relèvent de l’exercice des droits de la défense et qui sont couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les données relatives aux échanges avec un journaliste permettant d’identifier une source en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les données collectées grâce à l’activation à distance d’un appareil électronique mobile s’il apparaît que ce dernier se trouvait dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5.
« Le magistrat ayant autorisé le recours au dispositif ordonne, dans les meilleurs délais et dans les conditions prévues à l’article 706-95-14, la destruction des données qui ne peuvent être transcrites. Il ordonne également la destruction des procès-verbaux et des données collectées lorsque les opérations n’ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou lorsque les formalités prévues par le présent code n’ont pas été respectées. ».
Objet
Les services d’enquête sont aujourd’hui confrontés à des délinquants de plus en plus aguerris, au fait des techniques d’enquête utilisées dans le cadre des procédures judiciaires.
Pour déjouer le travail des services de police et de gendarmerie, les délinquants surveillent souvent étroitement les véhicules et lieux privés dans lesquels ils échangent pour éviter toute captation d’images et de son.
De ce fait, les services enquêteurs sont contraints de renoncer à la mise en place de certaines techniques spéciales d’enquête, en particulier du dispositif technique prévu à l’article 706-96 du code de procédure pénale, par crainte d’attirer l’attention des délinquants faisant l’objet d’enquêtes pour des faits de criminalité organisée, de révéler la stratégie établie ou tout simplement parce qu’elle exposerait la vie des agents chargés de cette mission.
Il est donc nécessaire d’octroyer aux enquêteurs un cadre juridique pour leur permettre de conduire leurs opérations sans risquer de trahir leur présence, via la possibilité d’activer à distance un appareil connecté du mis en cause afin de procéder à l’enregistrement des images et paroles, dans le but de faciliter, d’une part, l’identification des auteurs et d’autre part, la collecte d’indices et de preuves en matière de criminalité organisée.
Ainsi, le présent amendement prévoit, en premier lieu, une extension des modalités de mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête de captation de sons et d’images prévue par l’article 706-96 du code de procédure pénale par activation à distance pour les appareils fixes, sans garanties supplémentaires. Le Conseil constitutionnel n’a en effet censuré l’activation à distance qu’en ce qu’elle pouvait aboutir à la captation de sons et d’images en tout lieu, portant ainsi une atteinte particulière aux libertés individuelles. L’activation à distance d’appareils fixes ne portant pas de surcroît d’atteintes aux libertés, il est proposé de prévoir des garanties identiques à celles déjà prévues pour la mise en œuvre de la sonorisation et de la fixation d’images existantes.
L’amendement prévoit, en second lieu, la création d’une nouvelle technique spéciale d’enquête permettant d’accéder à distance aux appareils connectés mobiles en vue de capter et d’enregistrer des images ou des paroles prononcées facilitant d’une part l’identification des auteurs et d’autre part la collecte souvent délicate d’indices et de preuves en matière de criminalité organisée.
Cette technique d’enquête, particulièrement attentatoire aux libertés individuelles, serait encadrée par des garanties procédurales à la hauteur de l’atteinte portée :
- une mise en œuvre conditionnée à des exigences de nécessité de l’enquête ou de l’instruction tenant à l’impossibilité à préalablement identifier les lieux de mise en œuvre de cette technique ou aux risques d’atteinte à la vie et à l’intégrité physique des enquêteurs ;
- en pleine cohérence avec la jurisprudence constitutionnelle, qui a exclu l’application d’une telle mesure à l’ensemble du champ de la criminalité organisée, une mise en œuvre limitée aux infractions du « haut du spectre » : meurtre commis en bande organisée ; meurtre commis en concours ; crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée ; crime de viol commis en concours ; crimes et délits de trafic de stupéfiants ; crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée ; crimes et délits aggravés de traite des êtres humains ; crimes et délits aggravés de proxénétisme ; actes de terrorisme ; crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ; délits en matière d’armes et de produits explosifs ; blanchiment ; association de malfaiteurs ;
- une autorisation par ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République dans le cadre des enquêtes, ou du juge d’instruction dans le cadre de l’instruction ;
- une durée maximale de 15 jours, renouvelable une fois dans le cadre de l’enquête, et de deux mois, renouvelable jusqu’à six mois dans le cadre de l’instruction ;
- la retranscription et le versement au dossier des seules données enregistrées utiles à la manifestation de la vérité en excluant toutes les séquences relatives à la vie privée étrangère aux infractions visées ;
- l’interdiction de mettre en œuvre le dispositif dans certains lieux protégés, mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 (cabinet ou domicile d’un avocat, locaux d’une entreprise de presse, cabinet d’un notaire, d’un médecin ou d’un huissier, juridiction ou domicile d’un magistrat) ou dans le véhicule, le bureau ou le domicile des députés, sénateurs, magistrats, avocats, journalistes ou médecins.