Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic

Direction de la Séance

N°78 rect. bis

28 janvier 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 254 , 253 )


AMENDEMENT

C Favorable
G Favorable
Adopté

présenté par

MM. NOUGEIN, DUPLOMB, RAPIN et BRUYEN, Mme LAVARDE, MM. MILON, KAROUTCHI, BOUCHET et CHASSEING, Mme JOSENDE, M. KHALIFÉ, Mmes BELRHITI et DUMONT et M. Cédric VIAL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 21

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 28-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le 5° du I est complété par les mots : « et, lorsqu’elles font suite à des constations effectuées en application du code des douanes, par l’article 222-38 du code pénal » ;

2° À la première phrase du premier alinéa du II, après la référence : « 222-40 », sont insérés les mots : « , sans préjudice du 5° du I du présent article, ».

II. – La section 7 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par deux articles 67 bis-6 et 67 bis-7 ainsi rédigés :

« Art. 67 bis-6. – Si les nécessités de l’enquête douanière relative aux délits mentionnés au dernier alinéa de l’article 414, lorsqu’ils sont commis en bande organisée, au troisième alinéa de l’article 414-2 et à l’article 415 l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions définies par décret peuvent être autorisés par le juge des libertés et de la détention à utiliser les techniques mentionnées aux articles 706-99, 706-99-1 et 706-102-1 du code de procédure pénale. Cette utilisation se fait dans les conditions et selon les modalités prévues à la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du même code.

« Est compétent juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la mise en place de la technique est envisagée. En cas d’autorisation, l’emploi de la technique s’effectue sous son contrôle ; il est informé sans délai des actes accomplis en application de son autorisation et peut à tout moment interrompre l’utilisation de la technique.

« Art. 67 bis-7. – Pour la mise en œuvre des procédures mentionnées au II de l’article 67 bis et aux articles 67 bis-2, 67 bis-5 et 67 bis-6, les agents des douanes peuvent recourir au procès-verbal distinct prévu à l’article 706-104 du code de procédure pénale. Ce recours s’effectue selon les mêmes conditions, formes et procédures. »

Objet

L’ONAF est légalement compétent pour diligenter des enquêtes sur toutes les infractions au code des douanes et en matière de blanchiment de toutes infractions (article 28-1 – I – 5° du code de procédure pénale).

Pourtant l’ONAF n’est que très marginalement mobilisée par l’autorité judiciaire pour lutter contre le blanchiment du produit des infractions à la législation sur les stupéfiants.

La présente proposition a pour objet de permettre aux parquets et aux juges d’instruction de confier plus aisément à l’ONAF, les enquêtes portant sur ces infractions et de mobiliser son expertise des enquêtes sur le blanchiment dans la lutte contre le narco-banditisme lorsque ces enquêtes sont diligentées en suite d’une constatation réalisée par des agents des douanes.

En matière de blanchiment du produit des infractions à la législation sur les stupéfiants (article 222-38 du code pénal), l’autorité judiciaire ne peut saisir l’ONAF qu’à la condition de « constituer des unités temporaires composées d’officiers de police judiciaire » de la police ou de la gendarmerie nationales. La loi impose également aux procureurs et juges d’instruction de désigner le service chef de file de cette unité temporaire. (Article 28-1 – II du code de procédure pénale).

Concrètement, cette disposition n’est que très rarement mise en œuvre par les parquets à la suite d’une retenue temporaire, d’une consignation ou d’une saisie d’argent dont l’origine suspectée lors du contrôle réalisé par des agents des douanes est une infraction à la législation sur les stupéfiants (blanchiment douanier).

Cette pratique tient au fait que la co-saisine entre services d’enquête n’est envisagée par les parquets qu’à la condition de correspondre à une utilité réelle pour l’enquête au regard de la compétence et de la disponibilité de chacun des services et si elle est portée par eux au travers d’objectifs et d’une stratégie partagée.

Ces circonstances ne sont que très rarement réunies en tout début d’enquête de flagrance.

Les enquêtes judiciaires, ainsi que les rapports parlementaires, révèlent que les circuits de blanchiment sont des prestations proposées par les organisations criminelles qui traitent ensemble et sans distinction d’origine des fonds provenant de toutes sortes d'infractions (infractions à la législation sur les stupéfiants, mais aussi travail dissimulé, abus de biens sociaux, contrebande de tabac, contrefaçons, fraude fiscale, proxénétisme, traite des êtres humains...).

Faciliter la saisine de l’ONAF en matière de blanchiment de trafic de stupéfiants après une constatation réalisée par des agents des douanes permet de supprimer une distinction de la loi qui n’est plus adaptée à l’origine diverse des fonds blanchis par les organisations criminelles. Il est rappelé que l’ONAF ne dispose pas du pouvoir d'initier d'office des enquêtes et que la modification n’a pour objet que de permettre aux officiers de douane judiciaire de poursuivre les enquêtes initiées par les agents des douanes.

Par ailleurs, la modification permettra de mettre en cohérence les dispositions de l’article 28-1 du code de procédure pénale.

La rédaction originelle de l’article 28-1 du code de procédure pénale définissant les compétences de l’ONAF (alors SEJF – loi n°99-515 du 23 juin 1999 – art. 28 (V)) prévoyait que la douane judiciaire était par principe incompétente pour diligenter des enquêtes en matière de trafic d’armes, de vols de biens culturels, de trafic de stupéfiants et de blanchiment de ces trois types d’infractions.

Il était prévu de déroger à ce principe d’incompétence mais uniquement dans le cadre « d’unités temporaires » et seulement en matière de trafic d’armes et pour « pour la recherche la constatation des infractions prévues par les articles 222-34 et 222-40 du code pénal », à savoir le trafic de stupéfiants et le blanchiment de ces infractions (prévu à l’article 222-38 du code pénal)

La loi n°2004-204 du 9 mars 2004 – art. 33 modifiait l’article 28-1 du code de procédure pénale en supprimant l’incompétence des officiers de douane judiciaire en matière de trafic d’armes, de vols de biens culturels et de blanchiment de ces infractions et en limitant celle-ci au seul « trafic de stupéfiants », à l’exclusion du blanchiment de trafic de stupéfiants.

Cependant l’alinéa prévoyant la constitution nécessaire « d’unités temporaires » pour enquêter sur les trafics de stupéfiants ne tirait pas toutes les conséquences de cette modification et continuait à prévoir celle-ci en matière de blanchiment de trafic de stupéfiants.

Il est donc proposé de modifier le texte, en excluant de l’obligation de constitution « d’unités temporaires » l’article 222-38 du code pénal qui prévoit et réprime le blanchiment des biens et des revenus provenant du trafic de stupéfiants, les dispositions l’imposant en matière de trafic de stupéfiants restant inchangées.