Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic

Direction de la Séance

N°179

27 janvier 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 254 , 253 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

Mme de LA GONTRIE, M. BOURGI, Mmes HARRIBEY, NARASSIGUIN et LINKENHELD, MM. CHAILLOU, KERROUCHE et ROIRON, Mmes CARLOTTI, CONCONNE et DANIEL, MM. KANNER et MÉRILLOU, Mme MONIER, M. MONTAUGÉ, Mme Sylvie ROBERT, MM. ROS, Michaël WEBER

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL AVANT ARTICLE 1ER

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente proposition de loi, un rapport sur les moyens alloués à la justice en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et contre la criminalité organisée au regard des missions et objectifs qui lui sont assignés.

Objet

Afin de lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants, il est nécessaire de mettre à disposition de la justice et de la police judiciaire des outils et un cadre adaptés, efficients et respectueux de l’État de droit. Toutefois, sans moyens conséquents et à la mesure de nos ambitions, ce qui est actuellement loin d’être le cas, toute politique de lutte contre la criminalité organisée sera vaine.

Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le Narcotrafic est formel : nos services sont mobilisés et pleinement investis, mais négligés et sous-dotés. L’investissement de l’État n’est pas à la hauteur du défi. Le rapport souligne en effet un déficit structurel en moyens humains et matériels des services enquêteurs et des juridictions spécialisées.

La Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO), bien que créée pour traiter les dossiers les plus complexes, ne fonctionne par exemple qu'avec 22 magistrats (pour 137 dossiers en cours de traitement au moment de son audition par la commission d’enquête, dont 71 relevant de la criminalité organisée et 31 liés au trafic de stupéfiants), un effectif bien insuffisant au regard de la menace. Laure Beccuau, procureure de Paris, l’a clairement affirmé lors de son audition par la commission d’enquête : “Jai choisi de renforcer cette division au détriment dautres sections du parquet de Paris, parce que l’état de la menace ne me laissait pas dautre choix, mais les 22 effectifs me paraissent encore bien réduits.”

Malgré les augmentations budgétaires des dernières années, la justice française reste en effet dans un état critique. C’est le sens des mots prononcés par le procureur général près la Cour de cassation, Rémi Heitz, lors des vœux de la Cour de cassation, décrivant une “embolie inadmissible pour nos concitoyens, qui paralyse lefficacité de notre système et fait peser un risque grave et insidieux : celui de remises en liberté daccusés dangereux et, partant, de récidives”.

Les juridictions sont d’ores et déjà saturées et cette dynamique s’accentue, comme l’illustre l’afflux de demandes de remise en liberté, avec une augmentation de plus de 30 % en un an pour la détention provisoire et les mesures de sûreté à Paris, et de 25 % à Versailles. Cette situation empêche un traitement rapide et efficace des affaires, compromettant l’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée.

Le rapport de la commission d’enquête le souligne : même les juridictions qui ont bénéficié de renforts, comme celle de Marseille, ont été rattrapées par la réalité du trafic et de sa violence. Elles se retrouvent d’ores et déjà avec des schémas d’emplois obsolètes.

Le procureur de la République de Marseille affirmait ainsi lors de son audition par la commission d’enquête que “les renforts des effectifs de magistrats et de greffiers dont a bénéficié la juridiction en 2022 savèrent dores et déjà insuffisants”, le président du tribunal judiciaire de Marseille, Olivier Leurent, appelant même à “la mise en œuvre dun plan Marshall contre le narcotrafic”. 

Les services enquêteurs, et en particulier l’Office anti-stupéfiants (OFAST), manquent eux aussi de moyens humains et d’effectifs spécialisés, en matière financière notamment, ainsi que de moyens techniques pour lutter contre des trafiquants utilisant des technologies de communication et des méthodes de blanchiment toujours plus sophistiquées.

Dans les territoires les plus exposés, comme les Antilles et la Guyane, les moyens sont particulièrement déficients : les services d’enquête y sont en sous-effectif chronique, avec des effectifs insuffisants pour faire face à l’ampleur des trafics transitant par ces zones.

Si la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic apporte des évolutions législatives bienvenues et utiles, celles-ci ne produiront leurs effets que si elles sont accompagnées d’une augmentation significative des moyens humains et matériels alloués à la justice et aux services d’enquête. Sans renforts en personnel et sans équipements modernisés, les nouvelles dispositions resteront lettre morte et n’amélioreront pas réellement l’efficacité de la lutte contre ces réseaux criminels.

Cet amendement vise donc à obtenir un état des lieux précis des moyens alloués à la justice pour lutter contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée, afin de garantir une adaptation des ressources aux défis identifiés. Il entend rappeler qu’en matière judiciaire et spécifiquement dans la lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée, la question des moyens doit être posée indépendamment et peut-être prioritairement à la question de l’adaptation de notre arsenal juridique.