Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025

Direction de la Séance

N°I-621 rect. bis

26 novembre 2024

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 143 , 144 )


AMENDEMENT

C Favorable si rectifié
G  

présenté par

MM. DUROX, HOCHART et SZCZUREK


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 26

Après l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre Ier de la première partie du code général des impôts est ainsi modifié :

A. – Au 2 de l’article 119 bis, les mots : « lorsqu'ils bénéficient à » sont remplacés par les mots : « lorsque leurs bénéficiaires effectifs sont » ;

B. – L’article 119 bis A est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Le 1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b » sont remplacés par les mots : « ou transfert de valeur » ;

b) Les a et b sont ainsi rédigés :

« a) Le versement ou transfert de valeur est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;

« b) Le versement ou transfert de valeur est lié, directement ou indirectement :

« – à une cession temporaire desdites actions ou parts réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;

« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites actions ou parts à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;

« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites actions ou parts ; »

3° Au 3, les mots : « mentionné au 1 apporte la preuve que ce versement correspond » sont remplacés par les mots : « ou transfert de valeur mentionnés au 1 du présent I apporte la preuve que ce versement ou transfert de valeur correspondent » ;

4° Le 4 est ainsi rédigé :

« 4. La personne qui effectue le versement ou le transfert de valeur mentionnés au 1 du présent I transmet à l’administration fiscale, à sa demande et sous format dématérialisé, le montant, la date, l’identité de l’émetteur des actions ou parts objets de l’opération mentionnée au 1 du même I et celle du bénéficiaire effectif desdits versement ou transfert de valeur.

« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa du présent 4 n’est pas en mesure de déterminer l’identité du bénéficiaire effectif mentionné au même alinéa, ladite personne transmet, en lieu et place de l’identité dudit bénéficiaire, les informations nécessaires à l'identification de sa résidence fiscale. » ;

5° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – 1. Lorsque les produits des actions et parts sociales et les produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis et les revenus visés au 1 du I du présent article sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits, la personne qui effectue le versement des produits applique, lors de la mise en paiement, le taux de retenue à la source prévu à l’article 187 du présent code.

« 2. Le bénéficiaire des produits mentionnés au 1 du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que le versement de ces produits dans l’État ou territoire mentionné au 1 a principalement un objet ou un effet autre que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.

« 3. La personne qui effectue le versement des produits et revenus mentionnés au 1 du présent II transmet à l’administration fiscale, à sa demande et sous format dématérialisé, le montant, la date, l’identité de l’émetteur des actions ou parts objets des opérations mentionnées au 1 du I du présent article et celle du bénéficiaire effectif desdits produits et revenus.

« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa du présent 3 n’est pas en mesure de déterminer l’identité du bénéficiaire effectif mentionné au même alinéa, ladite personne transmet, en lieu et place de l’identité dudit bénéficiaire, les informations nécessaires à l'identification de sa résidence fiscale. » ;

C. – Au 2 de l’article 187, après la référence : « 117 bis », sont insérés les mots : « et à l’article 119 bis A ».

Objet

Par la réécriture de l’article 119 bis A, cet amendement vise à faire échec aux opérations qualifiées « d’arbitrage de dividendes », dont l’ampleur a été révélée dans le cadre de l’enquête sur les « CumEx Files », et plus récemment avec l’enquête, en cours, du Parquet National Financier (PNF) auprès de grandes banques françaises : la Société Générale, BNP Paribas, Exane (filiale de BNP Paribas),

Natixis (groupe BPCE) et HSBC, soupçonnés de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée. La pratique mise en cause, dite du « CumCum », consiste à mettre en place des opérations complexes sur les marchés, dans le but de contourner l’impôt sur les dividendes dû par les actionnaires d’entreprises cotées en bourse. En principe, les versements de dividendes aux actionnaires étrangers (non-résidents) d’une société française sont soumis à une retenue à la source prévue au taux « interne » de 30 % (article 187 du code général des impôts). La plupart des conventions fiscales prévoient toutefois un taux réduit, souvent 10 % ou 15 %, auquel peuvent prétendre les résidents des États concernés.

L’arbitrage de dividendes permet d’échapper à cette retenue à la source – c’est-à-dire à l’impôt – grâce à deux types de montages : un montage « interne », substituant temporairement au non- résident un résident français (souvent une banque), et un montage « externe », qui tire avantage des conventions fiscales plus favorables.

Les dispositions ici présentées reprennent un amendement inséré au Sénat à l’issue de l’examen du projet de loi de finances pour 2019 ; puis vidé de sa substance dans sa version finalement adoptée à l’Assemblée nationale.

Afin de faire échec à ces opérations « externes », le II du présent article prévoit un recours obligatoire à la procédure dite « normale » dès lors que le dividende est versé à un résident d’un État lié à la France par une convention fiscale prévoyant une retenue à la source de 0 %. Les sociétés mères établies dans un autre État membre de l’Union européenne, exonérées de retenue à la source en application de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011, ne sont pas concernées par le dispositif proposé – celles-ci ne présentent pas, en tout état de cause, un risque élevé de montage abusif. L’établissement payeur serait donc tenu d’appliquer par défaut le taux « interne » de 30 %, le bénéficiaire pouvant ensuite demander le remboursement de l’éventuel trop- perçu sur présentation des justificatifs nécessaires.