Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025
Direction de la Séance
N°I-1798
21 novembre 2024
(1ère lecture)
PREMIÈRE PARTIE
(n° 143 , 144 )
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G |
présenté par
M. OUIZILLE
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 19
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les articles 778, 784 B, 787 A, 790 B, 790 D, 790 E, 790 F, 790 G et 796-0 bis sont abrogés ;
2° L’article 779 est ainsi rédigé :
« Art. 779. – I. – Un abattement de 300 000 € est accordé pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, dans les conditions définies à l’article 784.
« II. – Un abattement supplémentaire de 159 325 € est accordé sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du premier alinéa. » ;
3° L’article 784 est ainsi rédigé :
« Art. 784. – Les donataires, héritiers ou légataires doivent déclarer, dans tout acte attestant d’une transmission à titre gratuit entre vifs ainsi que dans toute déclaration de succession, s’il existe ou non des donations ou successions antérieures à leur profit, consenties sous quelque forme que ce soit. Le cas échéant, ils doivent en indiquer le montant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels ayant reçu les actes de donation, ainsi que la date de leur enregistrement.
« L’évaluation des droits de mutation à titre gratuit est effectuée en ajoutant à la valeur des biens inclus dans la donation ou la déclaration de succession, celle des biens ayant fait l’objet de donations ou successions antérieures au profit du bénéficiaire. Lorsque l’application d’un tarif progressif est nécessaire, les biens encore non soumis aux droits de mutation sont considérés comme faisant partie des tranches les plus élevées de l’actif imposable.
« Pour le calcul de l’abattement prévu à l’article 779, il est tenu compte des abattements déjà effectués sur les donations et successions antérieures mentionnées au deuxième alinéa, consenties par toute personne au profit du bénéficiaire. »
Objet
Quel monde allons-nous laisser à nos enfants et à nos petits-enfants ? Cette question résume l’inquiétude partagée par la génération du baby-boom face aux crises contemporaines : crise écologique, crise démocratique, crise économique et crise des inégalités.
Pour cette génération, le patrimoine accumulé est souvent le fruit d’une vie de labeur et constitue une bouée de sauvetage envoyée à ses enfants. Pourvoyeur de certitude dans un monde incertain, l’héritage forme aux yeux des parents le prolongement du filet de sécurité sociale. Offrant la possibilité de léguer un patrimoine, il est également perçu comme un symbole de la mobilité sociale – à la fois une espérance et un horizon. Cette double fonction, économique et symbolique, participe à l’attachement des Français à l’héritage.
Au cours des quinze prochaines années, la France connaîtra le plus grand transfert de richesse de son histoire contemporaine : plus de 9 000 milliards d’euros de patrimoine détenu par les Français les plus âgés seront transmis à leurs enfants. Ce mouvement, appelé la "Grande Transmission" (Great Wealth Transfer dans les pays anglo-saxons), est lié à la disparition progressive de la génération du baby-boom.
Cependant, la grande transmission présente un caractère extrêmement inégalitaire : 10 % des ménages détiennent 55 % du patrimoine total des Français. Si nous ne faisons rien, elle risque de rétablir une société où la fortune héritée surdétermine la position sociale des individus, et où le poids des dynasties patrimoniales l’emporte sur les résultats de l’effort et du travail, trahissant la promesse républicaine selon laquelle "les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune".
Face à ces défis, une réponse collective est indispensable. La somme d’héritages individuels que représente la grande transmission ne suffira pas à relever des défis globaux comme la crise écologique. Refusant cette fatalité, nous proposons de transformer la grande transmission en une opportunité pour financer l’avenir autour de trois priorités nationales : la transition écologique, la recherche et l’éducation.
Pour y parvenir, nous proposons un impôt sur les grandes successions (IGS) reposant sur trois piliers : (i) une refonte de l’assiette des droits de succession et l’instauration d’un barème plus progressif ;(ii) la taxation des plus-values latentes, pour mettre fin à l’effacement fiscal des gains non réalisés dans les transmissions du top 1 % ; (iii) une modernisation pour faciliter les transmissions au cours de la vie.
Cet amendement porte sur le pilier III de l’IGS, visant une modernisation globale de la fiscalité des successions afin de faciliter les transmissions durant la vie. Il s’inspire des travaux de la députée socialiste Christine Pirès-Beaune et de la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale, le 14 octobre 2020, visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation.
L’amendement propose, tout d'abord, un changement de paradigme dans la taxation des transmissions en instaurant un rappel fiscal à vie.
Contrairement au système actuel, où l’impôt est calculé au coup par coup et où le délai de reprise est limité à 15 ans par binôme donateur/donataire, ce mécanisme prend en compte l’ensemble des donations et successions reçues au cours de la vie d’un bénéficiaire, indépendamment de l’identité des donateurs. Ainsi, dans le système actuel, une donation de 1 million d’euros reçue d’un grand-parent il y a plus de 15 ans n’est pas prise en compte pour calculer l’impôt lors d’une nouvelle transmission des parents ou d’une nouvelle donation du grand-parent. Avec le rappel fiscal à vie, toutes les libéralités précédentes seront intégrées dans le calcul de l’impôt dû à chaque nouvelle transmission.
L’amendement propose ensuite de porter l’abattement à 300 000 euros pour tous, quel que soit le lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire.
Actuellement, les abattements sont inégaux et privilégient les descendants directs (100 000 euros entre parents et enfants, 31 865 euros entre grands-parents et petits-enfants, etc.), limitant ainsi la circulation du patrimoine vers des cercles familiaux élargis ou des tiers.
Avec cette réforme, l’abattement applicable aux conjoints et partenaires de Pacs passera de 80 724 euros à 300 000 euros pour les donations. L’exonération totale sur les droits de succession, en vigueur depuis 2007 pour les conjoints et partenaires, sera supprimée. Cependant, les couples pourront toujours recourir à des aménagements matrimoniaux pour garantir une transmission sans impôt des actifs communs lors du premier décès.