Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025
Direction de la Séance
N°I-1791 rect.
26 novembre 2024
(1ère lecture)
PREMIÈRE PARTIE
(n° 143 , 144 )
AMENDEMENT
C | Demande de retrait |
---|---|
G |
présenté par
M. OUIZILLE
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 13
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I de l’article 164 B est complété par un h ainsi rédigé :
« h. Dans les conditions définies par l’article 209 C, les bénéfices réalisés à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France au sens des articles 258, 259, 259 A, 259 B, 259 C et 259 D. » ;
2° Le premier alinéa du I de l’article 209 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis :
« a) pour les personnes autres que celles mentionnées à l’article 209 C, en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l’article 164 B ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions,
« b) pour les personnes mentionnées à l’article 209 C, en tenant compte uniquement, dans les conditions prévues par cet article, des bénéfices réalisés à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France mentionnés au h du I de l’article 164 B ou, pour les exercices ouverts jusqu’au 31 décembre 2028, des bénéfices mentionnés au a du I du présent article s’ils sont supérieurs. »
3° Après l’article 209 B, il est inséré un article 209 C ainsi rédigé :
« Art. 209 C. – I. – Pour les personnes appartenant à un groupe au sens du II du présent article qui, au cours de l’exercice ou des douze derniers mois, livre des biens ou fournit des prestations en France au sens des articles 258, 259, 259 A, 259 B, 259 C et 259 D dont la valeur excède 150 millions d’euros, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés en retenant, dans les conditions définies au IV du présent article, l’ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu’elles soient situées en France ou à l’étranger, du groupe auquel elles appartiennent.
« Les dispositions du premier alinéa du présent I sont également applicables à toute entité juridique n’appartenant pas à un groupe qui, au cours de l’exercice ou des douze derniers mois, livre des biens ou fournit des prestations en France au sens des articles 258, 259, 259 A, 259 B, 259 C et 259 D dont la valeur excède 150 millions d’euros.
« II. – Le groupe au sens du I du présent article comprend les entités juridiques, personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables, établies ou constituées en France ou hors de France placés sous le contrôle exclusif ou conjoint d’une même personne au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce.
« III. – Une société membre du groupe mentionné au II est constituée, à son initiative ou, à défaut, par désignation de l’administration, seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû par elle-même et les autres entités juridiques membres du même groupe.
« Le résultat d’ensemble est déterminé par cette société en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des entités du groupe dans les conditions prévues aux articles 223 A à 223 K.
« IV. La part du résultat d’ensemble du groupe mentionné au II correspondant aux bénéfices réalisés par ses membres à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France au sens du h du 1 de l’article 164 est réputée égale à la part des ventes et prestations du groupe en France dans le total des ventes et prestations réalisés par le groupe en France et hors de France.
« Pour calculer la part des ventes et prestations réalisés en France dans le total des ventes et prestations réalisés en France et hors de France, il n’est pas tenu compte des ventes et prestations réalisés entre entités appartenant au groupe. Il n’est pas non plus tenu compte des ventes et prestations réalisés à des entités domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et qui y sont soumises à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A.
« Pour les entités mentionnées au dernier alinéa du I du présent article et n’appartenant pas à un groupe, la part des bénéfices réputée réalisée à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France au sens du h du 1 de l’article 164 est égale à la part des ventes et prestations de l’entité en France dans le total des ventes et prestations réalisés par l’entité en France et hors de France. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2025.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Objet
Le présent amendement vise à répondre à l’urgence d’un rééquilibrage fiscal face aux pratiques d’optimisation agressive des multinationales. Il s'inspire des travaux de Boris Vallaud et de Gabriel Zucman.
Actuellement, 40 % des profits des grandes entreprises échappent à l’impôt en étant artificiellement transférés vers des paradis fiscaux, privant les États de ressources essentielles. L’Union européenne perd chaque année 20 % de ses recettes issues de l’impôt sur les sociétés, tandis que la France seule subit une perte annuelle de plus de 5 milliards d’euros. Cette situation fragilise la souveraineté des États, réduit les moyens des services publics, et creuse les inégalités.
Cet amendement propose une réforme innovante, instaurant une taxation basée sur les bénéfices mondiaux des groupes, proportionnelle aux ventes réalisées en France. Ainsi, toute entreprise étrangère dépassant 150 millions d’euros de chiffre d’affaires en France serait assujettie à l’impôt sur les sociétés, qu’elle possède ou non un établissement stable sur le territoire. Une clause anti-abus garantit l’exclusion des ventes déclarées dans des paradis fiscaux, préservant l’efficacité du dispositif.
Pour éviter la double imposition, la réforme prévoit la renégociation des conventions fiscales internationales. Une période transitoire jusqu’en 2028 permet d’ajuster les règles tout en évitant une double non-imposition. Ce mécanisme donne à la France les moyens d’agir dès à présent, tout en maintenant une coopération internationale comme objectif prioritaire.
Dans le secteur numérique, le dispositif s’appuie sur des données objectives, comme les relevés de TVA et le nombre d’utilisateurs, pour localiser les chiffres d’affaires réalisés en France. Il impose également aux groupes étrangers de fournir des ventilations détaillées de leurs ventes par pays, renforçant ainsi la transparence fiscale.
L’amendement incarne une démarche pionnière dans la lutte contre l’évasion fiscale et les pratiques déloyales. Il pose les bases d’un impôt plus juste, préservant la souveraineté fiscale des États et contribuant à rétablir la loyauté entre acteurs économiques. Sa mise en œuvre, prévue au 1er janvier 2025, marque une étape décisive vers une fiscalité adaptée aux enjeux globaux et respectueuse des intérêts nationaux.
NB :La rectification consiste en un changement de place de l'article additionnel après l'article 23 vers l'article additionnel après l'article 13.