Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2019
Direction de la Séance
N°241 rect. ter
12 novembre 2018
(1ère lecture)
(n° 106 , 111 , 108)
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G | Défavorable |
Rejeté |
présenté par
Mme JASMIN, M. LUREL, Mme CONCONNE, M. CABANEL, Mmes Gisèle JOURDA et CONWAY-MOURET, M. DURAN, Mme MONIER, M. KERROUCHE, Mme GHALI et MM. VAUGRENARD et ANTISTE
ARTICLE 9 BIS
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Supprimer cet article.
Objet
Cet article qui vise à aligner sur 5 ans la fiscalité ultra-marine des spiritueux sur celle applicable dans l'hexagone se voulait à l'origine une réponse originale face à l'alcoolisme des jeunes en outre-mer et à la prévalence du syndrome d'alcoolisation fœtale (SAF°)principalement à la Réunion.
S'il est évidement louable en matière de santé publique de lutter contre les ravages de l'addiction à l'alcool et de l'addiction à toutes les substances licites ou illicites psychoactives, et l'on ne peut que se féliciter des intentions d'une telle démarche, force est de constater que malheureusement rendre effective une telle taxation de plus de du rhum ne changera rien à la lutte contre l'alcoolisme sur ces territoires, mais au final risque de complètement déstabiliser une filière économique locale, traditionnelle et d'excellence en Outre-mer, sans aucune concertation avec les acteurs concernés.
Car vous pouvez aller dans n'importe quelle épicerie de quartier en Outre-mer, il s'avère que l'alcool le moins onéreux, et donc le plus consommé par les jeunes est la bière, et par ailleurs, si l'on en croit les chiffres du Baromètre santé DOM 2014 les Français des départements d’outre-mer boivent et fument moins que les habitants de l'hexagone. En effet, la consommation d’alcool, de tabac ou de drogue est inférieure à celle de la métropole dans les 4 départements interrogés.
De même, concernant le syndrome d'alcoolisation fœtale, les experts scientifiques s'accordent sur la complexité et la multiplicité des facteurs en cause dans ce taux record de SAF diagnostiqué à la Réunion, qui ne peut être imputable directement et exclusivement à la consommation de rhum et donc qui ne saurait se résoudre par le simple renchérissement du rhum, mais par une politique plus globale de santé publique en Outre-mer, axée sur plus de prévention des comportements à risque chez les jeunes et une meilleure prise en charge des femmes lors de la grossesse. A ce titre, l'on peut s'interroger sur la pénurie de l'offre médicale tant de généralistes, que de spécialistes en médecine de ville ou hospitalière sur plusieurs départements d'outre-mer. En outre, les plans régionaux de santé 2eme génération prévoient déjà des mesures concrètes contre les addictions.
Par ailleurs, il existe d'autres voies et moyens de renchérir les prix des alcools importés, que je souhaite soumettre à votre réflexion, pour cela il suffit de revoir les dispositions relatives à l'octroi de mer et au maximum de taxation des produits tels que l'alcool et le tabac prévues par l'article 19 de la loi n° 2015-62 du 29 juin 2015, et la manne fiscale ainsi récoltée viendrait directement abonder les caisses des collectivités locales déjà exsangues en Outre-mer, car lourdement impactées par la réduction des contrats aidés et la contractualisation de la réduction des dépenses de fonctionnement imposée par ce Gouvernement.
Enfin, si l'on ne peut méconnaitre les impératifs de santé publique, une telle mesure ne peut s'improviser sans concertation avec les acteurs économiques locaux qui sont principalement des petites distilleries, des acteurs de la production agricole de la canne à sucre. S'il s'agit de reformer ce secteur, cela nécessite de la concertation, sans dogmatisme et sans précipitation, afin de définir des échéances raisonnables tant en terme de santé publique que d'économie et d'emplois.
Car dans des territoires comme les Antilles, les données démographiques démontrent une baisse de la natalité et un vieillissement de nos population, une telle mesure risque d'augmenter le chômage des jeunes, déjà très important, condamnant ces derniers à un exode massif vers l'hexagone et les banlieues parisiennes.
Cette tendance démographique est d'autant plus inquiétante qu'elle se conjugue parfois d'une méconnaissance des disparités existantes entre l'outre-mer et l'hexagone, notamment en matière d'emplois. Ainsi, lors de l'examen du texte " choisir librement son avenir professionnel", j'avais alerté la ministre sur l'absence de branches professionnelles rendant inapplicable en l'état la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage sur ces territoires. Elle s'était alors engagée solennellement, sous réserve de retrait de mon amendement, à organiser une concertation avec tous les parlementaires et les collectivités locales d'outre-mer, opérateurs historiques sur ces problématiques. or à ce jour, toujours rien n'a été fait, laissant nos jeunes et nos professionnels dans l'inquiétude et le désarroi.
En somme, avec cet article, le risque est grand de pénaliser des territoires déjà fragiles, sans pour autant répondre à l'objectif de santé publique souhaité.
NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.