Projet de loi Dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
Direction de la Séance
N°80 rect.
15 octobre 2014
(1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 10 , 9 )
AMENDEMENT
C | Favorable |
---|---|
G | Favorable |
Adopté |
présenté par
Le Gouvernement
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER
A. – Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le titre Ier du livre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Interdiction administrative du territoire
« Art. L. 214-1. - Tout ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou tout membre de la famille d’une telle personne peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.
« Art. L. 214-2. - Tout ressortissant étranger non mentionné à l’article L. 214-1 peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire, lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France.
« Art. L. 214-3. - L’interdiction administrative du territoire fait l’objet d’une décision du ministre de l’intérieur écrite et non contradictoire. Elle est motivée, à moins que des considérations relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.
« Si l’étranger est entré en France alors que la décision d’interdiction administrative du territoire prononcée antérieurement ne lui avait pas déjà été notifiée, il est procédé à cette notification sur le territoire national.
« Lorsque la décision a été prise en application de l’article L. 214-1, et que l’intéressé est présent en France à la date de sa notification, il bénéficie à compter de cette date d’un délai pour quitter le territoire qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à un mois.
« Art. L. 214-4. - L’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire et qui s’apprête à accéder au territoire français peut faire l’objet d’un refus d’entrée, dans les conditions prévues au chapitre III du titre premier du présent livre.
« Lorsque l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français, il peut être d’office reconduit à la frontière, le cas échéant à l’expiration du délai prévu à l’article L. 214-3. L’article L. 513-2, le premier alinéa de l’article L. 513-3 et les titres V et VI du livre V sont applicables à la reconduite à la frontière des étrangers faisant l’objet d’une interdiction administrative du territoire.
« Art. L. 214-5. - L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction administrative du territoire. L'étranger peut introduire une demande de levée de la mesure après un délai d’un an à compter de son prononcé. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande vaut décision de rejet.
« Art. L. 214-6. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 214-5, les motifs de l’interdiction administrative du territoire donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date de la décision.
« Art. L. 214-7. - Le deuxième alinéa de l’article L. 214-4 n'est pas applicable à l'étranger mineur. »
2° L’article L. 213-1 est complété par les mots : « , soit d’une interdiction administrative du territoire » ;
3° Le livre V est ainsi modifié :
a) Le 7° de l’article L. 551-1 est complété par les mots : « ou d’une interdiction administrative du territoire » ;
b) À la seconde phrase de l’article L. 552-4, après les mots : « d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire en vigueur, » ;
c) À l’intitulé du chapitre V du titre V, le mot : « mesure » est remplacé par le mot : « peine » ;
d) À l’article L. 561-1, après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction administrative du territoire. » ;
e) L’article L. 571-1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « d’interdiction de retour sur le territoire français, », sont insérés les mots : « d’interdiction administrative du territoire, » ;
- au même premier alinéa, après les mots : « code de procédure pénale », la fin de l'article est supprimée ;
4° Le livre VI est ainsi modifié :
a) L’article L. 624-1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « d’une obligation de quitter le territoire français », sont insérés les mots : « , d’une interdiction administrative du territoire » ;
- au deuxième alinéa, après les mots : « d’une mesure de refus d'entrée en France, » et les mots : « d’une interdiction judiciaire du territoire, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire, » ;
b) Au dernier alinéa de l’article L. 624-4, les mots : « ou L. 541-3 » sont remplacés par les mots : « , L. 541-3 ou du 6° de l’article L. 561-1 ».
II. – Au premier alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale, après les mots : « d’interdiction du territoire français, », sont insérés les mots : « d'interdiction administrative du territoire français, ».
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre I bis
Création d’un dispositif d’interdiction administrative du territoire
Objet
Ces dispositions visent à compléter et renforcer l’arsenal juridique permettant de préserver l’ordre et la sécurité publics contre la menace grave que peuvent représenter certains étrangers.
En effet, certains ressortissants étrangers qui ne résident pas habituellement en France peuvent néanmoins représenter une menace grave pour l’ordre et la sécurité publics, en particulier lorsqu’ils bénéficient du droit de circuler librement au sein de l’espace Schengen. Tel peut-être le cas notamment de ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne liés aux mouvances radicales voire à des organisations terroristes qui se rendent ponctuellement en France pour des séjours de très courte durée afin de rencontrer des ressortissants français ou étrangers résidant en France également impliqués dans ces mouvances.
Or si les textes communautaires instaurant ce droit à la libre circulation (notamment la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres et la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes) prévoient qu’il n’est pas inconditionnel mais peut être restreint pour des motifs d’ordre et de sécurité publics, il apparait qu’on ne dispose pas en droit interne d’un instrument juridique adéquat et efficace permettant de leur interdire l’entrée et la circulation sur le territoire français sans qu’ils aient fait l’objet précédemment d’une mesure d’éloignement prononcée par les autorités françaises, lesquelles ne peuvent concerner que des étrangers résidant sur le territoire français.
Afin de combler cette lacune, il est créé, dans un nouveau chapitre IV qui complète le premier titre du livre II du CESEDA une nouvelle mesure de police administrative, l’interdiction administrative du territoire, qui peut être décidée à l’égard d’étrangers qui ne résident pas habituellement en France et ne s’y trouvent pas. Conformément aux dispositions du chapitre VI de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, elle pourra être prise à l’encontre des ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou des membres de leur famille lorsque leur présence en France constituerait, en raison de leur comportement personnel, du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Les autres ressortissants étrangers pourront en faire l’objet si leur présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France (rédaction conforme aux stipulations de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes et aux dispositions du règlement (CE) No 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
Cette nouvelle mesure, qui fera l’objet d’une décision écrite et motivée, notifiée à l’étranger concerné, permettra, pendant toute sa durée de validité, en premier lieu de lui refuser l’accès au territoire français, et en second lieu, de le reconduire d’office à la frontière s’il pénètre sur le sol français en dépit de l’interdiction, et le cas échéant de prononcer à son encontre une sanction pénale.
L’interdiction administrative du territoire, prise sous le contrôle du juge, devra reposer sur des éléments suffisamment graves et solides, précis et circonstanciés permettant d’établir que la présence en France de l’étranger représenterait une menace grave pour l’ordre et la sécurité publics. Elle devra être proportionnée au but poursuivi. L’atteinte portée aux droits de l’étranger concerné sera en tout état de cause limitée s’agissant d’étrangers qui n’ont pas d’attache particulière avec la France. Il pourra en demander la levée et les motifs de la mesure seront réexaminés tous les cinq ans afin de s’assurer de l’actualité de la menace.
Cet amendement s’inscrit également dans la continuité de la résolution n°2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations Unies, sur les combattants terroristes étrangers. Ce texte prévoit notamment de lutter contre la mobilité internationale des terroristes, en empêchant leur accès ou leur transit sur le territoire des Etats membres de l’ONU. Les États membres doivent donc prendre toutes mesures utiles, visant à prévenir l'entrée ou le transit sur leur territoire de toute personne au sujet de laquelle ils auront des informations crédibles donnant des motifs raisonnables de croire que l’intéressé(e) cherche à accéder à leur territoire dans le but de participer à des actes de terrorisme. Par le présent amendement, la France se positionne donc à l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme international.