Sommaire

Présidence de M. Roger Karoutchi

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

fonds national de garantie individuelle des ressources des petites communes rurales

Question n° 121 de Mme Nadia Sollogoub. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Nadia Sollogoub.

option végétarienne quotidienne dans la restauration collective

Question n° 542 de M. Daniel Salmon. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Daniel Salmon.

fermeture des zones de pêche dans le golfe de gascogne

Question n° 591 de Mme Frédérique Espagnac. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.

interdiction des chaudières gaz dans le secteur du bâtiment

Question n° 570 de M. Michel Canévet. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Michel Canévet.

architectes des bâtiments de france

Question n° 013 de M. Bruno Belin. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Bruno Belin.

ouverture de la contribution citoyenne aux associations de défense de l’environnement

Question n° 527 de M. Laurent Burgoa. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Laurent Burgoa.

maintien du service d’accès aux soins de haute-savoie

Question n° 577 de Mme Sylviane Noël. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Sylviane Noël.

universitarisation du centre hospitalier sud-francilien

Question n° 520 de Mme Laure Darcos. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Laure Darcos.

dépistage organisé des cancers de la prostate et du sein aux antilles

Question n° 546 de M. Dominique Théophile. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.

dysfonctionnements en matière de contrôle de l’effectivité des droits à prestation de compensation du handicap

Question n° 562 de M. Philippe Mouiller. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.

manque d’enseignants remplaçants en haute-vienne

Question n° 560 de Mme Isabelle Briquet. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Isabelle Briquet.

conséquences du projet de loi france travail sur les missions locales

Question n° 578 de M. Hervé Gillé. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Hervé Gillé.

permanence de moyens aériens de lutte contre les incendies en corse

Question n° 589 de M. Jean-Jacques Panunzi. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

caméra individuelle et agents de surveillance de la voie publique

Question n° 588 de Mme Sylvie Vermeillet. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Sylvie Vermeillet.

répartition des renforts de gendarmerie en guyane

Question n° 587 de M. Georges Patient. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

recrudescence des agressions envers les élus

Question n° 565 de Mme Catherine Belrhiti. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Catherine Belrhiti.

implantation d’un centre de rétention administrative dans le sud du département du haut-rhin

Question n° 571 de Mme Patricia Schillinger. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

difficultés d’accès au droit à la formation des élus et baisse de la demande

Question n° 453 de Mme Elsa Schalck. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Elsa Schalck.

conséquences de la compensation de la baisse des impôts locaux par des fractions de taxe sur la valeur ajoutée

Question n° 584 de M. Pierre Louault. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Pierre Louault.

réfaction de la taxe générale sur les activités polluantes

Question n° 583 de Mme Annick Billon. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Annick Billon.

transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

Question n° 561 de M. Bruno Sido. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Bruno Sido.

nécessité de prévoir une dérogation à l’interdiction des chauffages extérieurs pour les commerçants itinérants

Question n° 350 de M. Cyril Pellevat. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Cyril Pellevat.

action de l’état face au retour des loups dans les bouches-du-rhône

Question n° 463 de M. Stéphane Le Rudulier. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Stéphane Le Rudulier.

mise en œuvre de la loi concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies

Question n° 488 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

application du diagnostic de performance énergétique au patrimoine bâti ancien

Question n° 535 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

gestion des canaux d’irrigation du haut-rhin

Question n° 579 de Mme Sabine Drexler. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Sabine Drexler.

création d’une ligne s

Question n° 566 de Mme Daphné Ract-Madoux. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

3. Fusion des filières REP d’emballages ménagers et de papier. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Marta de Cidrac, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

M. Bernard Fialaire

M. Guillaume Chevrollier

M. Claude Malhuret

M. Jacques Fernique

M. Michel Dagbert

M. Joël Bigot

Mme Éliane Assassi

M. Michel Laugier

Adoption définitive, par scrutin public n° 274, de la proposition loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Suspension et reprise de la séance

4. Justice dans les outre-mer. – Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Mme Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer

Débat interactif

M. Bernard Fialaire ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; M. Bernard Fialaire ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué.

Mme Elsa Schalck ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

M. Franck Menonville ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

M. Jacques Fernique ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; M. Jacques Fernique ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Jean-Pierre Sueur ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

Mme Éliane Assassi ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

Mme Jocelyne Guidez ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; Mme Jocelyne Guidez ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

M. Stéphane Le Rudulier ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

Mme Victoire Jasmin ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

M. Gérard Poadja ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

M. Pierre Frogier ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

M. Bernard Jomier ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; M. Bernard Jomier.

Mme Annick Petrus ; M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.

Conclusion du débat

M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Karoutchi

vice-président

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

fonds national de garantie individuelle des ressources des petites communes rurales

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 121, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation de certaines petites communes rurales, qui sont contributrices au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), dont l’enveloppe est figée depuis 2014, alors que les ressources desdites communes évoluent, en règle générale, à la baisse.

Je voudrais savoir – j’ai défendu des amendements en ce sens lors de l’examen du dernier projet de loi de finances – s’il est envisageable, en toute bonne logique, qu’en deçà d’un certain seuil de population les plus petites communes soient exonérées de contribution au FNGIR.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le dispositif en vigueur a permis de garantir une stricte neutralité financière à chaque collectivité locale.

Le mécanisme pérenne destiné à assurer cette neutralité, prévu par l’article 78 de la loi de finances pour 2010, se compose d’une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), financée par l’État, et du FNGIR, le fonds que vous venez de mentionner.

Un prélèvement ou un reversement au titre du FNGIR est calculé sur le fondement d’une comparaison des ressources avant et après la réforme de la taxe professionnelle pour le seul exercice 2010, au terme d’une opération à caractère national.

Depuis 2012, les montants prélevés ou reversés au titre du FNGIR sont fixes en euros constants, ce qui permet d’éviter une instabilité des compensations.

Ces montants étant désormais figés, les collectivités territoriales bénéficient aujourd’hui d’une vraie stabilité, sans compter que cette fixité n’est pas structurellement pénalisante pour les contributeurs qui ont bénéficié, depuis 2010, du dynamisme de leur fiscalité économique locale. Leur contribution au FNGIR n’a pas augmenté, tandis que leurs ressources fiscales ont progressé.

L’objectif du législateur étant de ménager la transition entre deux régimes fiscaux qui se succèdent dans le temps, la réactualisation année après année des prélèvements alimentant le FNGIR ou leur réfaction dégressive ne paraît guère envisageable.

Toutefois, le Gouvernement est pleinement conscient des difficultés causées par la fixité du FNGIR pour les communes contributrices, notamment rurales, qui sont confrontées au départ d’une ou de plusieurs entreprises de leur territoire.

Ainsi, des mesures ont été prises pour compenser les pertes exceptionnelles de bases de contribution économique territoriale (CET).

Ainsi, l’article 79 de la loi de finances pour 2021 a créé un prélèvement sur recettes de l’État…

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. … prévoyant que ce dernier verse annuellement une dotation égale à un tiers de la contribution au FNGIR aux communes qui acquittent un prélèvement au titre de ce fonds représentant plus de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement.

M. le président. Madame la ministre déléguée, votre temps de parole est largement dépassé ! Je vous prie d’être plus concise dans vos réponses.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. J’en ferai part aux services de Bercy ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Je faisais référence dans ma question au cas concret de la commune de Bazolles dans la Nièvre, ville de 290 habitants, qui contribue à hauteur de 50 000 euros au FNGIR.

Le problème de cette municipalité tient non pas à la fixité de ses contributions au fonds, mais au montant qu’elle doit lui verser, qui semble complètement déraisonnable.

Je l’ai dit, j’ai présenté un certain nombre d’amendements lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 pour résoudre ces difficultés. On m’a répondu alors que certaines toutes petites communes pouvaient malgré tout avoir un fort potentiel fiscal par habitant.

Mais, concrètement, même si quelques habitants relativement aisés peuvent résider dans cette commune, ceux-ci n’apportent absolument aucun argent dans ses caisses. Or celle-ci doit, de son côté, prendre en charge la réfection des routes ou celle du toit de l’église, par exemple. La présence de riches résidents ne change rien du tout au budget communal !

Imaginons, cas très exceptionnel, qu’un millionnaire habite cette commune de Bazolles : le maire ne pourrait pas augmenter la fiscalité pour l’ensemble de ses habitants sous prétexte qu’un seul d’entre eux est beaucoup plus riche que les autres, et ce d’autant plus qu’une telle décision ne rapporterait rien du tout depuis la réforme de la taxe d’habitation, puisque, d’une certaine façon, le levier fiscal n’existe plus.

En parallèle de la réforme de la taxe d’habitation, il aurait fallu exonérer de contribution au FNGIR les toutes petites communes qui ne disposent plus de levier fiscal et qui sont, d’une certaine façon, confrontées à une aberration budgétaire.

Je réitère aujourd’hui la demande que j’ai formulée l’hiver dernier, en sachant que je la reformulerai chaque année. (Sourires.)

option végétarienne quotidienne dans la restauration collective

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, auteur de la question n° 542, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, après deux années d’expérimentation du menu végétarien dans la restauration collective, mesure prévue par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, dans plus de 200 communes, un consensus émergeait sur les bienfaits de ce menu équilibré pour la santé des enfants et vertueux pour l’environnement.

Pourtant, un nouvel arrêté ministériel en cours d’élaboration pourrait imposer une quantité minimale de viande et de poisson dans les cantines, résultat de la contre-offensive de l’industrie agroalimentaire, qui rendrait impossible l’alternative végétarienne pour la restauration scolaire.

Or les bénéfices des repas végétariens sont multiples.

Ils le sont d’abord pour la santé : diminuer notre consommation de viande permet de réduire les risques de maladie chronique d’origine nutritionnelle comme l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires ou encore les cancers.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a aussi confirmé qu’un menu végétarien équilibré apportait la quantité de protéines nécessaire à la santé.

Ensuite, les économies réalisées grâce au menu végétarien contribuent à introduire davantage de viande bio et locale : 20 % des cantines sans menu végétarien en proposent, contre 50 % des cantines avec un menu végétarien quotidien. Il s’agit d’un cercle vertueux profitant à toutes les parties prenantes.

Le menu végétarien est aussi un modèle d’inclusion. En 2019, le Défenseur des droits a ainsi estimé qu’il constituait « une alternative affranchie de freins éthiques, religieux ou sociaux ».

Il est bien sûr également bénéfique pour le climat : l’alimentation représente 24 % de l’empreinte carbone des ménages français. Chaque repas végétarien évite l’émission de 1,5 kilogramme de CO2 en moyenne, soit dix kilomètres en voiture. Il est indispensable d’adapter notre système alimentaire aux enjeux climatiques et aux limites planétaires.

Madame la ministre, plutôt que de mettre un terme à une expérimentation qui a fait ses preuves, pérennisons-la et laissons aux familles le choix de leur alimentation !

Vous engagez-vous, alors qu’un nouvel arrêté sur les cantines est en cours de rédaction, à permettre à toutes les cantines, des premier et second degrés, de proposer une option végétarienne sur une base quotidienne ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le rapport relatif à l’expérimentation de l’option végétarienne quotidienne pour les collectivités volontaires est en cours d’élaboration, sur le fondement des travaux d’une mission inter-inspections associant le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et l’inspection générale de l’environnement et du développement durable.

Seules 49 des 200 collectivités que vous citez ont souhaité s’inscrire dans le cadre de cette expérimentation et partager leur expérience. Plusieurs entretiens qualitatifs complémentaires ont ainsi dû être organisés par la mission.

Depuis 2012, il est obligatoire de servir du poisson et de la viande rouge non hachée au cours de quatre repas sur vingt repas successifs. En cas de choix multiple, il est donc possible de proposer une option végétarienne quotidienne, dès lors que de la viande et du poisson sont servis dans les options non végétariennes.

De même, certaines collectivités ont mis en place une option végétarienne sur réservation quelques jours à l’avance, ce qui s’apparente bien à un choix multiple. En revanche, le cadre existant depuis dix ans n’autorise pas l’inscription à une option végétarienne à l’année ou au trimestre, car, de fait, les élèves inscrits à cette option n’auront pas la possibilité de manière certaine de consommer de la viande ou du poisson pendant toute une année ou un trimestre.

Cette interprétation a d’ailleurs été confirmée par le tribunal administratif de Lyon, qui a jugé, le 23 mars 2023, que la décision de la mairie de Lyon d’instaurer des menus sans viande du 22 février au 2 avril 2021 était contraire au respect de la qualité nutritionnelle des repas.

Je rappelle que le Haut Conseil de la santé publique recommande que les enfants consomment du poisson deux fois par semaine, ainsi que de la viande, de la volaille et des œufs les autres jours, sans qu’il soit nécessaire qu’ils en consomment à chaque repas.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Il est nécessaire de faire évoluer les pratiques et les régimes alimentaires.

Tous les rapports, notamment ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) le montrent : sans évolution de notre alimentation, nous ne parviendrons pas à respecter nos trajectoires de réduction des gaz à effet de serre.

fermeture des zones de pêche dans le golfe de gascogne

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteure de la question n° 591, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.

Mme Frédérique Espagnac. Ma question s’adressait à M. Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la mer.

Le 29 mars dernier, les marins-pêcheurs ont décidé de bloquer le port de Bayonne pour attirer l’attention sur leur situation et leurs inquiétudes quant à leur avenir.

Venant d’Arcachon ou de Capbreton, ils contestaient avec raison la décision du Conseil d’État du 20 mars dernier, qui ordonne au Gouvernement de fermer des zones de pêche dans le golfe de Gascogne pour une durée totale qui pourrait être de quatre mois, et ce dans un délai de six mois.

Si chacun ici – je le pense – partage l’objectif de défendre la biodiversité, et tout particulièrement les dauphins, cela ne doit en aucun cas se faire au détriment de nos pêcheurs.

Cependant, après un plan de sortie de flotte dégradant les capacités de pêche et la décision de la Commission européenne d’interdire le chalutage dans les aires marines protégées d’ici à 2030, voilà le Conseil d’État qui charge encore la barque. Nos marins-pêcheurs, qui étaient déjà dans une situation compliquée, pourraient voir leur chiffre d’affaires baisser jusqu’à 50 % si, durant un tiers de l’année, des zones de pêche sont supprimées.

Ce sont près de 3 000 marins et leurs familles qui risquent d’être affectés par cette décision, qui fait courir un risque majeur pour la filière de la pêche, secteur important de notre économie. Ces pêcheurs, qui exercent leur métier avec passion, un métier aux conditions difficiles, ne peuvent entendre que l’État leur supprime une partie de leur travail.

Il est urgent de trouver des solutions qui protégeront à la fois les dauphins et les pêcheurs, et qui permettront à ces derniers de retourner de nouveau au large et de larguer les amarres, plutôt que de jeter l’éponge !

Ces derniers jours, les propos du secrétaire d’État, Hervé Berville, ont poussé l’association Bloom à déposer plainte devant la Cour de justice de la République.

Tout cela me conduit à vous poser quatre questions qui méritent, madame la ministre, des réponses claires, afin de lever les doutes qui demeurent chez nos pêcheurs.

Dès lors que le Conseil d’État pointe l’inefficacité des dispositifs d’éloignement des dauphins sur les bateaux, par exemple la dissuasion acoustique, le Gouvernement envisage-t-il d’autres solutions ?

Pourriez-vous nous dire précisément quelles sont les zones potentiellement concernées par l’interdiction de pêche dans le golfe de Gascogne, détail important qui a échappé au Conseil d’État ?

Si la pêche est effectivement fermée pour une durée cumulée de quatre mois, quelles sont les indemnités prévues pour les pêcheurs et quand seront-elles versées ?

Enfin, pourriez-vous clarifier les propos et les intentions du secrétaire d’État, Hervé Berville, à propos du plan d’action européen ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, comme vous le soulignez, face au nombre important d’échouages de cétacés sur les plages de l’Atlantique à la suite de captures accidentelles dans les filets de pêche, le Gouvernement a mis en place un plan d’urgence pour la protection des cétacés en septembre dernier.

Ce plan prévoit, d’une part, des équipements obligatoires comme des dispositifs de localisation, d’effarouchement et des caméras vidéo, d’autre part, l’installation de ces dispositifs sur les 213 navires les plus actifs dans le golfe de Gascogne, dont 100 avec caméras.

C’est la première fois qu’un tel plan est mis en place aussi rapidement, sans compter les 17 millions d’euros de financement public et l’engagement des professionnels à agir.

Ce plan a été élaboré avec l’aide des scientifiques, des organisations non gouvernementales (ONG) et des pêcheurs : il doit permettre de tester des dispositifs qui visent à concilier la pêche et le respect des cétacés. Une évaluation de ce plan est prévue d’ici à la fin de l’année 2024.

Vous l’évoquez aussi, le Conseil d’État a rendu un jugement dans lequel il demande à l’État de garantir l’efficacité des mesures dès l’hiver prochain. Le Gouvernement prend acte de cette décision, qui nécessite de réinterroger l’équilibre du plan d’urgence, lequel devra donc être remis à plat.

Vous me posez quatre questions, madame la sénatrice, mais il est encore trop tôt pour préciser les mesures qui seront prises. Elles feront, dans tous les cas, l’objet d’une étude et d’une concertation avec tous les acteurs.

Je sais aussi que mon collègue Hervé Berville associera les élus concernés, afin de préserver l’équilibre du plan d’action et de ne pas opposer l’activité de pêche et la protection de l’environnement marin.

interdiction des chaudières gaz dans le secteur du bâtiment

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 570, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.

M. Michel Canévet. Madame la ministre, je souhaite interpeller le Gouvernement sur la question des chaudières au gaz.

Nous sommes certes tous conscients de la nécessité de la transition écologique et énergétique, y compris les personnes en situation de handicap et les jeunes – je pense notamment aux jeunes du lycée Laennec de Pont-l’Abbé, dans le Finistère, qui nous écoutent depuis les tribunes –, mais il convient de veiller à la manière dont cette transition va être menée.

Il a déjà été décidé d’interdire l’installation de chaudières au fioul neuves dans les habitations à compter du 1er juillet 2022. Il semblerait que la même interdiction se profile pour ce qui concerne les chaudières au gaz.

Cette perspective est préoccupante. Même si nous consommons aujourd’hui du gaz d’origine fossile, nous pensons, en particulier en Bretagne, que nous sommes en capacité de produire du gaz renouvelable, du gaz vert, production qui contribuera en outre à renforcer l’activité agricole et offrira aux agriculteurs des revenus complémentaires.

Quelles sont donc les intentions du Gouvernement en la matière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, retenue en Conseil des ministres.

Comme vous le savez, le Président de la République a fixé des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique : être le premier grand pays industriel à se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Concernant le chauffage des logements, la réglementation environnementale pour 2020 (RE2020) impose, depuis le début de l’année 2022, le recours à une part importante d’énergie décarbonée pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire dans les logements neufs.

Cette première échéance s’est imposée aux maisons individuelles, et s’étendra progressivement aux logements collectifs d’ici à 2025 et dans les bâtiments tertiaires. Il n’y a donc, à ce jour, aucune interdiction d’installer des chaudières au gaz dans les logements existants.

Certaines aides tirent les conséquences de cette évolution, comme MaPrimeRénov’, prime qui a servi à rénover près de 700 000 logements en 2022, mais qui ne subventionne plus l’achat de chaudières au fioul ou au gaz. Plusieurs solutions compétitives existent néanmoins : réseaux de chaleur, énergies renouvelables (EnR), systèmes solaires, etc.

Enfin, s’agissant du biogaz, je rappelle les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 térawattheures de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d’injection dans le réseau de 10 térawattheures de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs, notamment par l’industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n’ont que peu d’alternatives, comme l’aérien ou le maritime.

Réduire notre consommation globale de gaz n’est donc pas incompatible avec un développement énergique du biogaz, au bénéfice de certains secteurs et dans le cas où les alternatives au gaz sont limitées.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.

M. Michel Canévet. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre, mais je dois tout de même attirer votre attention sur deux points.

D’une part, nous avons encore besoin de gaz, car beaucoup d’habitations, notamment en milieu rural, sont encore chauffées ainsi et, pour ces personnes, changer de mode de chauffage nécessiterait des investissements importants, ce que tout le monde n’a pas les moyens de faire.

D’autre part, la situation récente doit nous conduire à être prudents : tout miser sur l’électricité risque de nous rendre particulièrement vulnérables.

Il est souhaitable de multiplier les sources d’approvisionnement énergétique si l’on ne veut pas se trouver en difficulté.

architectes des bâtiments de france

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 013, adressée à Mme la ministre de la culture.

M. Bruno Belin. Madame la ministre, la France est belle, riche d’un patrimoine exceptionnel, qui fait rayonner nos villes et qui habille, de manière le plus souvent magistrale, nos campagnes.

Bien souvent d’ailleurs, en milieu rural notamment, ce patrimoine classé, inscrit, protégé, de même que le patrimoine non protégé, appartient aux communes, qui accomplissent depuis des années de multiples efforts. Chacun a pu observer le développement des petites cités de caractère ou des sites patrimoniaux remarquables.

Dans le contexte actuel, les municipalités ont bien du mal à entretenir ce patrimoine historique exceptionnel, parce que leurs finances sont exsangues – vous le savez, madame la ministre, pour avoir vous aussi exercé cette merveilleuse fonction de maire – et parce que le montage des projets conduit à un dialogue parfois difficile – il faut dire les choses clairement – avec les architectes des bâtiments de France (ABF).

Nous avons naturellement besoin de ces architectes, dans la mesure où il s’agit de « sachants », qui fournissent des conseils et des orientations souvent importantes aux élus.

Toutefois, le risque de surcharger les prescriptions, les exigences, le manque de cohérence parfois, lorsque intervient une rotation des postes – ce qui concerne tout fonctionnaire évidemment –, entraînent aujourd’hui chez les maires une forme d’incompréhension.

En conséquence, ils ne sont pas toujours en mesure d’assumer des travaux importants dans le cadre de projets pourtant essentiels pour leur commune et l’économie locale, puisque ces projets permettent de faire travailler les entreprises du secteur.

Madame la ministre, je souhaite savoir si une concertation ou, en tout cas, un dialogue entre les maires et les ABF est envisageable de sorte que les projets des communes aboutissent.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous abordez un sujet important, celui de la conservation de notre patrimoine, de sa mise en valeur dans toutes les communes de France, des plus grandes aux plus petites, et du soutien de l’ABF, dont les maires ont parfois besoin.

Je rappelle que les ABF donnent un avis spécialisé sur la cohérence des paysages et du bâti et apportent des conseils qui sont très souvent de grande qualité.

Les sites protégés pour leur intérêt patrimonial représentent environ 6 % du territoire national et contribuent au rayonnement culturel et à l’attractivité touristique et économique de la France. La mission de protection de ces espaces remarquables a été confiée par le législateur aux ABF, qui l’exercent grâce à ce que l’on appelle l’avis conforme.

Comme vous l’avez signalé, protéger et préserver notre patrimoine doit se faire en bonne intelligence avec les élus locaux. Je tiens à préciser que l’avis de l’ABF est toujours rendu au cas par cas, en fonction de chaque projet et des enjeux locaux.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette collaboration fonctionne bien puisque, sur plus de 500 000 dossiers de travaux instruits chaque année par les ABF, seuls 7 % en moyenne font l’objet d’un avis défavorable.

Lorsqu’un premier projet est refusé, il est souvent suivi d’un nouveau projet modifié, qui in fine est accepté : les ABF rendent plus de 200 000 conseils chaque année en vue de favoriser des solutions plus adaptées à la conservation du patrimoine et à la mise en valeur du cadre de vie.

En cas de désaccord, une procédure d’appel existe : le porteur de projet et l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation peuvent contester un refus d’autorisation ou les prescriptions de l’ABF devant le préfet de région avant, éventuellement, de saisir les juridictions administratives – même s’il est vrai que l’on n’aime pas beaucoup, quand on tient à un dossier, perdre tout ce temps…

Comme vous le savez, les ABF doivent donc être tenus pour des partenaires fiables.

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.

M. Bruno Belin. Je n’avais évidemment pas l’intention de remettre en question la compétence des ABF, qui est reconnue et indispensable, mais vous l’avez vous-même mis en exergue, madame la ministre, ces architectes sont sous l’autorité des préfets de région.

À mon sens, il serait préférable de les placer sous l’autorité des préfets de département – nous disposons d’un corps préfectoral exceptionnel en France, qui connaît bien les sujets locaux – et de donner le dernier mot aux maires.

ouverture de la contribution citoyenne aux associations de défense de l’environnement

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 527, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, ma question s’adressait à M. le garde des sceaux.

Afin d’éviter un trop long procès pénal, des mesures alternatives peuvent être prises par le procureur de la République, l’objectif étant d’assurer rapidement la réparation du dommage causé, de mettre fin, bien sûr, à l’infraction, mais aussi de sensibiliser l’auteur des faits aux conséquences de ses actes.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, le procureur de la République peut également demander à l’auteur des faits de verser une contribution dite « citoyenne » auprès d’une association d’aide aux victimes avec laquelle le tribunal a signé une convention.

Le montant de cette contribution, qui ne peut dépasser 3 000 euros, est alors fixé par ce même procureur en fonction de la gravité des faits, des ressources et des charges de l’auteur.

Cependant, la principale victime est parfois l’environnement. Le département du Gard étant particulièrement concerné par le réchauffement climatique, particulièrement les sécheresses, les feux et les inondations, je regrette que les associations de défense de l’environnement agréées ne puissent pas bénéficier de cette contribution citoyenne.

Vous l’aurez compris, il me semblerait pertinent qu’à l’occasion d’une incivilité entraînant une pollution, une infraction aux règles de l’urbanisme ou encore un comportement à risque en matière d’incendie, lesdites associations puissent donner davantage de sens à la sanction pénale.

Madame la ministre, seriez-vous d’accord pour que celles-ci puissent percevoir une contribution citoyenne, et si oui, selon quelles modalités ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous posez une question importante, qui a trait à la problématique majeure de l’indemnisation du dommage causé en matière environnementale.

À la suite de la jurisprudence inspirée par la catastrophe de l’Erika, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a consacré la réparation du préjudice écologique, qui est encadrée par les articles 1246 et suivants du code civil.

Bien que de nature civile, la notion de préjudice écologique a légitimement vocation à être convoquée au stade du procès pénal par les parties civiles, dont les associations agréées de protection de l’environnement qui entendent obtenir une indemnisation, ce qui correspond à l’analyse qu’en fait la Cour de cassation.

En outre, les associations de défense de l’environnement bénéficient de la convention judiciaire d’intérêt public environnementale (CJIPE). Créée par la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, celle-ci leur permet d’obtenir réparation du préjudice écologique, quand la procédure de transaction pénale environnementale autorisait seulement le paiement d’une amende transactionnelle.

La CJIPE permet une indemnisation accélérée, sans attendre la condamnation définitive de l’entreprise par un tribunal ou une cour d’appel, processus qui peut prendre plusieurs années. La victime doit être informée par le parquet avant la convention, afin de pouvoir transmettre tout élément de nature à établir son préjudice ; la réparation doit en outre intervenir dans un délai maximal d’un an à compter de la signature de la convention.

La CJIPE est un réel succès : neuf conventions ont été conclues depuis sa création, certaines ayant donné lieu au versement à des associations de dommages et intérêts d’un montant significatif.

Le dispositif législatif actuel offre donc déjà des possibilités effectives pour les associations de défense de l’environnement d’obtenir réparation, tant devant le tribunal correctionnel que dans le cadre des CJIPE.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je vous prierai de bien vouloir sensibiliser votre collègue garde des sceaux sur la nécessité de répondre à ma question, qui n’est pas tout à fait celle à laquelle vous avez répondu.

Les parquetiers gardois, de Nîmes et d’Alès, nous suggèrent que, dans le cadre des alternatives envisageables aux poursuites pénales, les tribunaux puissent prononcer une amende citoyenne d’un montant maximum de 3 000 euros.

Dans votre intervention, vous avez évoqué le procès pénal au cours duquel les associations environnementales peuvent être indemnisées. Je suis tout à fait d’accord avec vous, mais ce dont je vous parle, c’est d’une alternative à ce procès en cas de petites infractions en matière environnementale.

maintien du service d’accès aux soins de haute-savoie

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 577, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, au travers de la création du service d’accès aux soins de Haute-Savoie (SAS 74) il y a maintenant deux ans, la collaboration entre tous les acteurs médicaux du département et l’action de plus de 350 médecins généralistes ont permis d’améliorer la régulation des appels d’urgence.

Le 15 et les services d’urgence constatent déjà une nette amélioration en termes d’afflux de patients.

Actuellement, le financement national prévu pour les SAS contribue à valoriser la participation des médecins à ce dispositif, tout en valorisant les efforts réalisés pour recevoir des patients inconnus des cabinets.

Or la directrice de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Haute-Savoie a unilatéralement décidé, en février dernier, qu’elle refuserait désormais de financer l’application de la majoration pour soins non programmés de 15 euros par consultation chaque fois qu’un patient n’aura pas été au préalable dirigé par le centre 15.

Cette décision injustifiée et incompréhensible va à l’encontre de l’instruction ministérielle du mois de juillet 2022 et aboutira à engorger inutilement le centre 15.

Alors que le département de la Haute-Savoie subit déjà une double peine en raison, d’une part, des nombreux déserts médicaux dans ses zones rurales et de montagne, d’autre part, de la fuite incessante des professionnels de santé en Suisse voisine, où les salaires sont bien plus élevés, cette décision technocratique est irresponsable et réduit à néant les progrès obtenus par les professionnels sur le terrain depuis plusieurs mois.

J’en appelle donc à l’arbitrage du Gouvernement pour qu’il s’oppose à cette nouvelle décision de la CPAM de Haute-Savoie qui constitue, avec la révision du barème kilométrique des infirmiers libéraux, un coup dur insupportable pour notre système de soins déjà en grande souffrance.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, votre question porte sur la situation du SAS 74, pour lequel la CPAM ne verse pas aux médecins de majoration de 15 euros, si le patient n’a pas été orienté par le 15, numéro du Samu-SAS.

Je rappelle que ce service d’accès aux soins bénéficie de différentes sources de financements pérennes. Pour le fonctionnement, il s’agit du fonds d’intervention régional (FIR) des agences régionales de santé (ARS) et des crédits hospitaliers de mission d’intérêt général (MIG). Pour les équipements, il s’agit du fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS). Pour la valorisation de la participation des médecins, il s’agit de l’enveloppe dite des soins de ville.

Madame la sénatrice, contrairement à vous, je comprends que par l’instruction du 10 juillet 2022 une majoration de 15 euros a été instaurée pour tout acte effectué par un médecin à la demande – j’y insiste – de la régulation du Samu ou du SAS, pour un patient hors de la patientèle du médecin traitant, dans la limite de vingt consultations hebdomadaires.

Par conséquent, le choix de la CPAM 74 de ne pas verser systématiquement cette majoration de 15 euros, notamment pour des consultations qui n’ont pas été régulées par le Samu-SAS, est tout à fait justifié. Il ne relève en rien d’une décision arbitraire ou unilatérale. Cette position est partagée par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes.

Aujourd’hui, l’enjeu principal est de permettre la montée en charge de son activité pour améliorer l’accès aux consultations non programmées.

Nous avons conscience que cela devra passer par une plus grande adhésion des médecins effecteurs à la plateforme numérique SAS, car seuls 146 d’entre eux étaient inscrits au début du mois d’avril. L’ARS et la CPAM 74 partagent la même vision d’une nécessaire évolution en ce sens.

D’ailleurs, M. le ministre de la santé et de la prévention avait annoncé dans ses vœux pour l’année 2023 qu’une mission d’accompagnement au déploiement des SAS allait très prochainement être mise en place.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas pleinement.

De grâce, faites confiance aux acteurs de terrain, qui mènent des expérimentations intéressantes et qui prouvent leur efficacité. Il n’y a aucune recherche d’effet d’aubaine financière !

Rappelez-vous notre contexte : notre département est frontalier de la Suisse, qui est très attractive ; la démographie galopante à laquelle nous sommes confrontés nécessite des besoins médicaux extrêmement importants.

universitarisation du centre hospitalier sud-francilien

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 520, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Laure Darcos. Ma question s’adressait à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Madame la ministre, le centre hospitalier sud-francilien (CHSF) de Corbeil-Essonnes est réputé pour l’excellence de son offre de soins.

Ce n’est pas un hasard si le Président de la République a choisi cet établissement pour y présenter ses vœux aux acteurs de la santé, le 6 janvier dernier.

Fortement soutenu par les collectivités territoriales – le département de l’Essonne, l’agglomération Grand Paris Sud et la ville d’Évry-Courcouronnes –, il est engagé dans une triple mission de soins, d’enseignement et de recherche.

Pivot du groupement hospitalier de territoire Île-de-France Sud, avec les centres hospitaliers Sud-Essonne Dourdan-Étampes et Arpajon, il assure une médecine de proximité et de recours dans une quarantaine de spécialités, ainsi qu’une importante activité d’urgences adultes, gynécologiques et pédiatriques.

L’établissement est actuellement doté de deux services hospitalo-universitaires en diabétologie-endocrinologie et en neurologie.

En lien avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les facultés de médecine et de pharmacie Paris-Saclay et le Genopole, premier biocluster français, il met en place, depuis 2018, des actions destinées à renforcer la continuité entre la recherche fondamentale et les soins et à faciliter l’interface investigateurs-patients.

Il veille aussi à favoriser l’innovation hospitalière et l’intégration de médecins et de pharmaciens dans les équipes de recherche du site, et à créer un écosystème favorable aux carrières hospitalo-universitaires.

Au regard de l’excellence caractérisant l’activité et le personnel du centre hospitalier sud-francilien, il serait parfaitement légitime de lui accorder les moyens de poursuivre son universitarisation.

Madame la ministre, entendez-vous accéder à cette demande, qui permettra de maintenir une offre de soins de pointe, accessible et publique, tout en développant les activités de recours et d’excellence sur le territoire de l’Essonne ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. M. le ministre François Braun m’a chargée de vous répondre et de vous dire quelles étaient la place essentielle et l’excellence du centre hospitalier sud-francilien en Île-de-France.

Vous l’avez dit, deux spécialités de l’hôpital sont aujourd’hui universitaires : l’endocrinologie diabétologie et la neurologie. Quelque cinq postes universitaires, rattachés à la faculté de médecine de l’université Paris-Saclay, ont été ouverts.

Ainsi, le CHSF dispose déjà de praticiens universitaires, ayant du temps consacré aux activités d’enseignement et de recherche, en complément de leurs activités cliniques.

Ces postes universitaires favorisent l’attractivité de ce centre hospitalier. Ils contribuent aussi au rayonnement de la recherche et de l’innovation sur le territoire, en lien avec le Genopole, l’université d’Évry-Paris-Saclay, les écoles d’ingénieurs du territoire, l’Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) et l’Inserm. Tout cet écosystème est particulièrement intéressant pour l’activité de recherche, qui est l’un des axes stratégiques du projet médical du CHSF.

La croissance dynamique de la recherche clinique a permis au CHSF, en 2021, de mener près de 210 études et d’inclure 907 patients.

À partir de ce constat, l’ARS soutient, bien sûr, avec le doyen de la faculté de médecine, les initiatives de développement de cette universitarisation.

Dans les jours à venir, elle organisera, à ce titre, une réunion avec les élus, le doyen de la faculté de médecine, la direction et la présidente de la communauté médicale du CHSF pour avancer vers une nouvelle étape de son universitarisation.

Cela pourrait notamment passer par l’attribution de nouveaux postes universitaires dans les disciplines déjà concernées et, le cas échéant, le développement de nouvelles disciplines universitaires.

L’action de l’ARS portera aussi sur l’attractivité de l’hôpital pour les internes, qui sont souvent à la base de tout développement de recherche clinique.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Je tiens à remercier le Gouvernement.

Nous avions pu exprimer directement cette demande, le 6 janvier dernier, au Président de la République et à la directrice de l’ARS.

J’espère que la réunion qui se tiendra prochainement sera suivie d’effets.

dépistage organisé des cancers de la prostate et du sein aux antilles

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 546, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Madame la ministre, le 5 janvier dernier, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé un non-lieu dans l’enquête sur l’utilisation du chlordécone aux Antilles. Près de seize années de procédure n’auront pas suffi à établir clairement les faits et à condamner les responsables de ce scandale sanitaire.

Au-delà des procédures judiciaires, il est établi que cet insecticide a contaminé les sols, les eaux, les cultures, les productions animales et, plus grave encore, les corps.

Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte de Guadeloupe et de Martinique serait contaminée. Les conséquences sont terribles. Le lien entre le cancer de la prostate et une surexposition au chlordécone a été récemment établi. Les Antilles détiennent, vous le savez, le triste record mondial d’une incidence plus de deux fois supérieure à la moyenne de l’Hexagone.

Les femmes, elles aussi, pourraient ne pas être épargnées. Si le lien entre le cancer du sein et cette molécule n’est pas formellement établi, il n’en demeure pas moins que son apparition précoce suscite des interrogations. En Guadeloupe, près de 20 % des cancers du sein sont diagnostiqués chez les femmes âgées de moins de 50 ans.

Face à ce constat, on peut dégager deux pistes. Pour les hommes de plus de 45 ans, organiser un dépistage, à l’instar du programme national de dépistage du cancer colorectal, aurait pour effet de stimuler la démarche de prévention et permettrait de mieux recourir à d’autres examens.

Pour les femmes, il conviendrait d’abaisser l’âge cible du dépistage organisé du cancer du sein pour offrir aux Guadeloupéennes et aux Martiniquaises les mêmes chances que dans l’Hexagone.

Madame la ministre, je serais heureux de connaître la position du Gouvernement sur ces différentes propositions. Le plan chlordécone IV est ambitieux et je m’y associe pleinement. Il nous faut cependant aller beaucoup plus loin.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, les conséquences sanitaires liées à l’utilisation du chlordécone sont un sujet de préoccupation constant pour le ministre de la santé.

C’est pourquoi, compte tenu de la surincidence du cancer de la prostate observée en Guadeloupe et en Martinique, des actions renforcées de sensibilisation des populations et des professionnels ont été mises en place. Ainsi, le centre régional de coordination des dépistages des cancers de la Guadeloupe (CRCDC) anime des séances d’information et de sensibilisation au dépistage dans les communes et au sein des quartiers les plus défavorisés et éloignés, où la présence des soignants est plus faible, dans une logique de proximité.

Ces séances, organisées en lien étroit avec les maires et les professionnels de santé du territoire, rassemblent de plus en plus de personnes. C’est important de le dire.

De plus, le cancer de la prostate est reconnu depuis 2021 comme l’une des maladies professionnelles pouvant être liées à une exposition aux pesticides, dont le chlordécone.

Les premières indemnisations de victimes commencent à être versées aux Antilles et nombre de mesures sont engagées pour réduire l’exposition de la population, mais nous devons continuer à faire mieux, notamment dans la mise en œuvre des rendez-vous de prévention, qui vont être mis en place pour la population générale. Ce sera un moment véritablement important pour porter dans les Antilles ces actions de prévention contre les risques liés au chlordécone.

Les rendez-vous de prévention pour les personnes âgées de 40-45 ans et de 60-65 ans permettront véritablement d’aborder avec les patients, dans les territoires concernés, la question des dépistages des cancers de la prostate et du sein.

Lors du premier comité de suivi de la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030, qui s’est tenu en décembre dernier, l’importance de la prévention et des dépistages a été rappelée.

Nous allons renforcer la recherche en matière de dépistage pour réexaminer la question des bornes d’âge des dépistages organisés et formuler des recommandations pour les personnes qui ne seraient pas concernées.

dysfonctionnements en matière de contrôle de l’effectivité des droits à prestation de compensation du handicap

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 562, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.

M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, créée par la loi du 11 février 2005, la prestation de compensation du handicap (PCH) vise à permettre aux personnes en situation de handicap de financer des aides de différentes natures, dans le but d’assurer leur autonomie.

L’article 3 de la loi du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap, texte dont j’ai été l’auteur – je connais donc bien ce sujet ! (Sourires.) –, introduit dans le code de l’action sociale et des familles, a pour objet d’améliorer les contrôles d’effectivité de la PCH.

Ces contrôles représentent une étape importante dans le parcours d’accès aux droits des personnes en situation de handicap et sont très souvent source d’inquiétudes et de difficultés pour celles-ci.

Or il s’avère que les dispositions relatives aux contrôles sont appliquées de manière différente selon les territoires.

Il est prévu, par l’article L. 245-5 du code de l’action sociale et des familles, que la période de référence ne peut être inférieure à six mois. Pourtant, les bénéficiaires de la PCH constatent que, dans certains territoires, les contrôles se font sur des périodes inférieures à six mois ou qu’ils ont été ramenés à six mois sur des territoires sur lesquels ils s’effectuaient sur des périodes allant jusqu’à un an.

L’esprit de la loi du 6 mars 2020 n’est donc pas respecté, ou bien il est minoré. En effet, la souplesse de la période de contrôle introduite par ce texte avait pour objet de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées. Je pense qu’il y a souvent un écart entre le plan d’aide et sa mise en œuvre effective, notamment pour des raisons de vacance, de maladie ou de phase de répit.

Cette problématique est forcément moins importante quand le contrôle s’effectue sur une période plus longue, de six mois au minimum.

Au-delà de la question de la PCH, cette étape de contrôle est source d’incompréhensions : les personnes en situation de handicap et leurs proches ne comprennent pas pourquoi la loi n’est pas respectée.

Madame la ministre, quel est votre point de vue sur ces contrôles ? Que comptez-vous faire pour améliorer leur effectivité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Philippe Mouiller, je vous remercie de votre question relative au contrôle d’effectivité des droits à la prestation de compensation du handicap.

Je rappelle que la PCH, vous le savez, bien sûr, est une prestation en nature qui vise à couvrir des frais que supporte une personne en raison de son handicap. Elle est ainsi essentielle pour assurer leur autonomie.

À sa création, la PCH a répondu à une forte demande des associations en faveur d’une prestation très personnalisée.

Les contrôles d’effectivité, confiés aux conseils départementaux, permettent de garantir que ces aides servent réellement la personne dans la compensation de son handicap.

Toutefois, ces contrôles ne s’appliquent pas dans certaines situations : je pense aux forfaits cécité, surdité, surdicécité et parentalité. C’est également le cas lorsque les personnes recourent au dédommagement d’un aidant familial, pour la PCH aide humaine.

L’introduction de cette période de contrôle, par la loi du 6 mars 2020, sur une durée suffisamment longue, apporte plus de souplesse pour les personnes.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a communiqué à plusieurs reprises aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et surtout aux conseils départementaux sur la durée minimum de six mois pour le contrôle d’effectivité.

La CNSA a aussi rappelé que le report d’heures d’un mois à un autre est possible sur cette période de six mois pour les heures effectuées en PCH aide humaine.

Ainsi, en fonction de leurs besoins ou de leurs souhaits, les bénéficiaires peuvent faire fluctuer librement le nombre d’heures d’aide humaine qu’elles mobilisent.

La CNSA se fera de nouveau le relais de cette disposition importante pour les personnes en situation de handicap, via la documentation qu’elle élabore et diffuse dans le cadre de sa mission de pilotage et d’animation.

Depuis 2020, nous avons permis une réelle harmonisation des pratiques pour les bénéficiaires de la PCH dans tous nos départements.

L’harmonisation et l’équité sont pour moi des principes fondateurs de la prise en charge des personnes en situation de handicap. Nous continuerons à travailler sur ce sujet.

manque d’enseignants remplaçants en haute-vienne

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, auteure de la question n° 560, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, dans mon département, la Haute-Vienne, il ne se passe pas une semaine sans que la presse locale se fasse l’écho de classes du premier degré sans enseignant.

Lorsque j’ai interrogé le ministre de l’éducation nationale sur la carte scolaire, en janvier dernier, près d’une centaine de classes n’avaient pas d’enseignants.

Ce nombre élevé était en grande partie dû à l’épidémie de grippe. Bien que celle-ci soit terminée, le nombre de classes sans enseignant reste encore particulièrement élevé : une quarantaine voilà quinze jours ; plus d’une trentaine la semaine dernière.

La situation est telle que, dans certaines écoles, les classes n’ont pas cours en début ou en fin de semaine, cependant que d’autres n’ont pas d’enseignants depuis plus d’une semaine…

Quant aux enfants sans maître, ils sont au mieux répartis dans les autres classes, qui comptent désormais bien souvent trente, voire trente-cinq élèves. Lorsque ce n’est pas possible, une garderie est improvisée.

Voilà le quotidien de nombreux enfants, enseignants, parents d’élèves et élus de la Haute-Vienne.

Cela s’explique par l’insuffisance du nombre de remplaçants disponibles. Les 138 enseignants de la brigade de remplacement sont en effet déjà tous en poste devant les élèves.

Il n’est pas acceptable que la scolarité des enfants soit ainsi perturbée par la faiblesse des moyens humains et financiers accordés à l’éducation nationale.

Ma question est donc simple : quelles mesures entendez-vous prendre pour garantir la qualité et la continuité du service public de l’éducation nationale dans les écoles de la Haute-Vienne ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, le remplacement des professeurs absents constitue une priorité du service public de l’éducation nationale.

Nous devons répondre à des objectifs de continuité pédagogique et de garantie de la qualité du service rendu aux élèves et à leur famille, dans les écoles, les collèges et les lycées.

À la rentrée 2022, près de 30 000 effectifs, en équivalents temps plein, sont mobilisés pour faire des remplacements dans le premier degré, soit 9 % du personnel enseignant.

En outre, des mesures sont prises pour déplacer, lorsque cela est possible, les formations et autres obligations des enseignants hors du temps devant les élèves, par exemple le mercredi après-midi.

De plus, un logiciel d’aide au remplacement est en cours de déploiement dans les académies à l’échelle nationale, afin de réduire le temps de traitement, donc de latence, entre l’expression du besoin et le remplacement effectif.

En ce qui concerne l’académie de Limoges, la baisse démographique constatée depuis plusieurs années, soit moins 5 000 élèves de 2018 à 2023, dont moins 2 500 dans la Haute-Vienne, alliée à la non-suppression de postes, a permis une hausse régulière des taux d’encadrement des élèves du premier degré dans l’académie. Cette progression se poursuivra à la rentrée 2023.

Il n’en demeure pas moins que la situation locale que vous évoquez reste difficile. Depuis le mois de mars, le département de la Haute-Vienne connaît des difficultés pour couvrir les remplacements longs. Dans certains cas, des remplacements sont opérés de manière discontinue par des enseignants différents.

En effet, depuis le 31 mars dernier, chaque jour, une trentaine de classes n’auraient pas d’enseignant de remplacement, selon nos estimations.

Madame la sénatrice, soyez certaine que l’académie reste mobilisée pour répondre aux besoins et travaille à la fidélisation de viviers d’enseignants contractuels et à la détection de nouveaux viviers pour accompagner ces remplacements, qui sont une préoccupation majeure pour elle comme pour le ministre de l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.

Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, je vous remercie de prendre à cœur cette préoccupation. On nous dit que des moyens existent, mais personne ne les voit sur le terrain !

Les absences, qui devaient être exceptionnelles au départ, deviennent normales.

La carte scolaire qui est prévue pour la rentrée n’améliorera pas la situation.

Se pose aussi la question de l’attractivité du métier. Selon l’inspection académique, quelque douze recrutements seraient possibles, mais il n’y a pas de candidat.

Nous rencontrons donc un véritable problème.

conséquences du projet de loi france travail sur les missions locales

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 578, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Hervé Gillé. Les missions locales, présidées par les représentants des collectivités territoriales, organisent le service public de l’accompagnement et de l’insertion de tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans distinction.

Elles pilotent l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet territorial et partenarial, favorisant l’accès des jeunes à l’autonomie, en partant de leurs ressources.

Elles se sont donc naturellement rendues aux concertations sur le plein emploi organisées par Emmanuel Macron, alors candidat à un second mandat.

Depuis lors, les missions locales attendent un retour. Le rapport du haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises doit être rendu dans les prochaines semaines. Mais les inquiétudes se font grandissantes. En effet, si les missions locales partagent l’idée d’une coopération renouvelée entre les différents acteurs, elles craignent une mise en concurrence entre leurs entités et celle de France Travail, qui doit succéder à Pôle emploi.

Il serait donc dommageable qu’elles changent d’appellation pour devenir une sorte de Pôle emploi « jeunes » avec une mise sous tutelle !

En effet, les missions locales ne sauraient être réduites à leurs seules missions d’insertion professionnelle. Elles travaillent également sur des problématiques liées au logement, à l’accès aux soins, aux handicaps, aux loisirs, aux mobilités, finalement tous les remparts à l’exclusion sociale. C’est ce qui fait leur originalité, qui est reconnue à l’échelon européen.

Ainsi, l’algorithme d’orientation, comme point d’entrée obligé pour le premier contact dans l’accueil des jeunes, soulève un grand nombre de questions, puisqu’il risque d’entraîner une stigmatisation supplémentaire.

La mixité est un atout qui permet à chacune et à chacun de vivre ensemble et d’avoir pour horizon politique l’égalité des chances. Seul l’entretien-conseil permet de discerner les profils et les problématiques.

Madame la ministre, l’intégration des missions locales dans France Travail provoquera une perte d’identité et un affaiblissement de la singularité de ce réseau. Comment les rassurer ? Quelles garanties pouvez-vous leur donner ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous dites que vous êtes attaché aux missions locales : sachez que le Gouvernement l’est aussi ! Vous avez rappelé leur implication et leur utilité pour aller vers les jeunes les plus éloignés de l’emploi et les accompagner dans leur insertion professionnelle.

Nous partageons votre constat et nous nous réjouissons du travail d’accompagnement de qualité réalisé par les missions locales. De ce fait, elles continueront à jouer ce rôle et pourront devenir « France Travail Jeunes ». Cela aura plus de sens auprès des jeunes que l’expression « mission locale », qui peut leur sembler éloignée, d’un point de vue sémantique.

L’État a, je crois, témoigné de sa confiance aux missions locales, en déployant le contrat d’engagement jeune, en lançant l’appel à projets pour les jeunes dits en rupture, mais également aux jeunes en situation de handicap – je peux en témoigner, en tant que ministre chargée des personnes handicapées.

De plus, France Travail Jeunes contribuera, en lien avec France Travail, à élaborer la feuille de route annuelle pour le public jeune dans chaque territoire. Cette feuille de route, coconstruite avec les acteurs concernés, visera à proposer un retour sur les résultats année par année, un diagnostic de la situation du moment et détaillera les objectifs communs en matière de repérage, d’accompagnement et de retour à l’emploi des jeunes.

Elle permettra enfin d’animer l’écosystème de l’insertion local, en décrivant les partenariats à mobiliser et les moyens à y associer.

Les comités France Travail locaux, coprésidés par l’État et les collectivités locales, examineront ensuite ses feuilles de route.

Ce schéma de gouvernance collectif intégrera, sans modifier la contractualisation entre les missions locales et ses financeurs, le conventionnement direct avec l’État et les collectivités.

Ainsi, les organismes France Travail Jeunes pourront prendre l’initiative de projets directement auprès de l’État et des collectivités dans le cadre d’un contrat ou de feuilles de route communes, les piloter et en être les garants.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Madame la ministre, quand on change de nom, on perd souvent sa culture et son identité…

Aussi, je propose qu’un protocole soit mis en place, afin de discuter et de négocier de l’éventuelle intégration de ces missions dans France Travail. Cela permettrait de rassurer l’ensemble des acteurs.

permanence de moyens aériens de lutte contre les incendies en corse

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la question n° 589, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Jean-Jacques Panunzi. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Madame la ministre, la Corse, qui est l’île la plus boisée de Méditerranée, connaît chaque année des incendies importants et ravageurs et plus seulement durant les deux mois d’été.

Le réchauffement climatique est devenu une évidence et ses conséquences sur l’inflammabilité de la végétation méditerranéenne se traduisent par des feux au démarrage foudroyant et au développement tellement rapide que la présence de moyens aériens sur place, tant en alerte au sol qu’en alerte au vol, est devenue incontournable.

Le Canadair CL-415 est l’outil adéquat pour intervenir en cadence élevée sur les départs de feux avant qu’ils ne se propagent fortement. Ses soutes peuvent être remplies par un total de 6 000 litres d’eau et de retardant en douze secondes seulement. Il peut transporter sa charge à la vitesse de 4 kilomètres par minute.

À ce jour, la sécurité civile possède une flotte vieillissante de onze appareils, qui sont tous regroupés à Nîmes, donc un peu plus éloignés de la Corse que lorsqu’ils étaient basés à Marseille – le trajet est d’une heure trente pour gagner l’île.

Pendant la saison estivale, ils sont répartis entre les Landes, la Provence et la Corse. Cette dispersion est régulièrement remplacée par des regroupements, lorsque des incendies se révèlent incontrôlables, conduisant à l’abandon temporaire par les appareils de leur secteur d’affectation.

Des gains substantiels peuvent être réalisés dans le cadre d’une gestion globale des moyens, avec moins d’heures de vol et de trajet, une capacité d’intervention plus rapide et une bonne prévention ajoutée à l’efficacité des intervenants au sol.

La dégradation climatique justifie de régionaliser les moyens de lutte contre les incendies et d’instaurer une permanence des moyens via des unités de bombardiers d’eau basées en Corse pour pouvoir disposer d’une protection optimale face aux incendies.

Ces unités se substitueraient à celles qui sont affrétées depuis le continent et aux deux Tracker basés à Bastia.

Madame la ministre, dans le contexte actuel d’urgence climatique, souscrivez-vous à cette proposition d’instaurer une présence permanente d’unités de bombardiers d’eau en Corse, afin de prévenir les feux et d’intervenir dans les meilleurs délais dès qu’un incendie est repéré ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Panunzi, le ministère de l’intérieur et des outre-mer dispose d’une flotte actuellement composée de douze Canadair bombardiers d’eau amphibies, de sept Dash 8 bombardiers d’eau et de trois Beech 200. Un huitième Dash complétera ce dispositif au 1er juin 2023.

La flotte de Canadair sera renforcée par deux appareils financés par l’Union européenne et par deux autres, acquis sur fonds propres. Le Président de la République a décidé de remplacer la flotte de Canadair par des appareils de nouvelle génération.

La base de la sécurité civile de Nîmes concentre les flottes d’avions et d’hélicoptères, les hangars consacrés à la maintenance, les unités de formation, ainsi que les services de soutien. Cette centralisation des moyens permet une meilleure rationalisation des coûts de fonctionnement des infrastructures et des moyens humains, ainsi qu’une meilleure efficacité et adaptabilité de notre organisation. Elle se concrétise durant la saison feu par le prépositionnement d’avions selon les risques.

Il faut noter que la Corse dispose de manière spécifique et unique d’un site de détachement opérationnel activé durant toute la saison feu et armé par deux avions bombardiers d’eau.

Le métier de pilote d’avion, qui est très fortement à risques, nécessite un haut niveau d’entraînement tout au long de l’année pour maintenir un niveau socle d’entraînement, afin d’obtenir durant l’été un haut degré de performance et de technicité. Les pilotes de la sécurité civile sont pour beaucoup issus de carrières militaires, au cours desquelles ils ont déjà acquis une grande expérience.

Conscient de la nécessité de fidéliser ces pilotes, le ministère de l’intérieur a signé le mardi 11 avril un protocole d’accord avec les organisations syndicales pour valoriser ces métiers à risques et fidéliser le personnel. C’est un accord sans précédent dans l’histoire de la sécurité civile.

caméra individuelle et agents de surveillance de la voie publique

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la question n° 588, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Sylvie Vermeillet. Depuis 2018, les policiers municipaux peuvent s’équiper d’une caméra individuelle, afin de filmer certaines interventions.

Le décret du 2 novembre 2022, pris en application de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, tend à renforcer cette disposition, en précisant qu’il est désormais possible pour ces policiers de transmettre en temps réel à leur commandement les enregistrements vidéo réalisés lors de leurs interventions.

Il est également possible d’accéder directement aux images et de conserver ponctuellement un moyen permettant d’identifier les auteurs et de caractériser les faits. Ces évolutions contribuent grandement à faciliter leurs missions.

Elles ont également fait la preuve de leur efficacité pour limiter les agressions et insultes dont peuvent être victimes les policiers municipaux dans l’exercice de leurs fonctions.

Pour les zones rurales, majoritairement dépourvues de police municipale ou intercommunale, la loi prévoit une expérimentation jusqu’au mois de novembre 2024 des caméras individuelles pour les gardes champêtres.

Mais les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), qui assurent des missions de surveillance du domaine public et qui sont, à ce titre, exposés aux mêmes actes d’incivilités que leurs collègues policiers, ne peuvent être équipés de ces dispositifs.

Aussi, afin de permettre à l’ensemble des agents municipaux ayant des missions de surveillance de réagir aux actes malveillants dont ils peuvent être les victimes, je vous demande, madame la ministre, s’il serait possible de mettre en place une expérimentation pour permettre aux agents de surveillance de la voie publique d’utiliser une caméra-piéton.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Vermeillet, les ASVP sont des agents communaux, titulaires ou contractuels, chargés d’une mission de police.

Vous proposez de leur permettre d’utiliser des caméras individuelles. Toutefois, ces caméras portent atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes filmées. Leur usage doit, à ce titre, être particulièrement encadré et strictement proportionné aux finalités attendues et aux missions exercées.

L’application du droit de la protection des données à caractère personnel conduit ainsi à en limiter l’attribution à certaines catégories de personnels, pour des situations strictement délimitées. En effet, si l’usage des caméras individuelles a été autorisé pour ces catégories d’agents, c’est en raison du caractère nécessaire et proportionné de l’atteinte ainsi portée au droit au respect de la vie privée, eu égard au but assigné et aux fonctions exercées.

Dans le cas présent, une extension du dispositif des caméras mobiles aux ASVP ne me paraît ni répondre à un besoin impérieux ni reposer sur des motifs pertinents et suffisants. En effet, contrairement aux policiers municipaux et aux gardes champêtres, les ASVP disposent d’un champ d’intervention particulièrement restreint, puisqu’ils exercent principalement des missions relevant de la police de la circulation et qu’ils ne disposent d’aucune prérogative de police judiciaire. Ainsi, leur compétence de verbalisation est très limitée, notamment aux domaines du stationnement, de la propreté des voies et espaces publics ou de la lutte contre le bruit.

Dans ces conditions, ces agents ne peuvent être regardés comme exerçant des missions de nature à justifier qu’ils soient autorisés à filmer leurs interventions au moyen de caméras individuelles, même à titre expérimental.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.

Mme Sylvie Vermeillet. Je vous remercie, madame la ministre, mais j’atteste que les ASVP subissent des agressions et des outrages comme les agents municipaux et les policiers. Une expérimentation comme celle-ci ne coûte rien. Par les temps qui courent, nous devons tout mettre en œuvre pour venir en aide aux maires et aux forces de sécurité.

répartition des renforts de gendarmerie en guyane

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 587, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Georges Patient. Madame la ministre, la Guyane est devenue le département le plus criminogène et le plus violent de France. Les faits d’armes, agressions, crimes, meurtres s’y multiplient.

Plus une seule partie du territoire n’est à l’abri de la violence, et plus personne non plus. L’assassinat du gendarme Arnaud Blanc, en plein cœur de la forêt amazonienne, en est la triste démonstration et je tiens ici à rendre hommage à ces hommes qui se dévouent jusqu’à donner leur vie pour la sécurité de leurs concitoyens.

L’État se doit d’assurer la sécurité de tous, partout, dans les grandes villes, mais aussi dans les petites communes, elles aussi confrontées à cette insécurité galopante.

Lors des assises de la sécurité de Guyane au mois de septembre 2022 à Cayenne, le ministre de l’intérieur nous a annoncé des renforts de gendarmerie sous forme de brigades nouvelles à créer. Six mois après, qu’en est-il ? Quand ces nouvelles brigades seront-elles créées ? Et où ? Il y a urgence.

Je pense notamment à la brigade de Mana, qui n’est plus suffisamment dimensionnée pour couvrir son aire géographique d’intervention : Mana bourg, mais aussi Javouhey, Charvein, Awala-Yalimapo, plus de 200 kilomètres de voies nationales et territoriales.

Je pense aussi aux communes de Roura et de Montsinéry-Tonnegrande, de plus en plus frappées par les crimes et délits et qui, elles aussi, vous ont sollicitée à juste titre.

Madame la ministre, quand seront installées ces brigades ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Patient, depuis 2017, le Président de la République fait de la sécurité du quotidien la priorité de son mandat. Cette ambition s’est traduite par la création, dans votre département, de 94 postes de gendarme depuis 2017 au profit du commandement de la gendarmerie de la Guyane. Cet effort va se poursuivre dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, pour améliorer la sécurité des Français.

Par ailleurs, depuis le 7 septembre 2022, un septième escadron de gendarmerie mobile est venu renforcer le dispositif opérationnel en Guyane, concentrant, sur votre seul département, un tiers des unités de forces mobiles (UFM) projetées en outre-mer.

Par ailleurs, un renfort judiciaire en provenance de la métropole a accompagné une réorganisation partielle du dispositif sécuritaire, lequel semble porter ses fruits.

Lors de sa dernière visite, le ministre de l’intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin a pu apprécier l’engagement de l’ensemble des forces de sécurité intérieure, coordonnées par l’autorité préfectorale. Ainsi, lors des assises de la sécurité de Guyane, qui se sont tenues le 30 septembre dernier, il s’est engagé à créer plusieurs brigades, dont certaines fluviales, ce qui représente quarante effectifs supplémentaires à court terme, ainsi qu’à pérenniser ce septième escadron.

À ce stade, la création de ces nouvelles unités prenant notamment en compte des délais d’intervention liés à l’extension du territoire guyanais est à l’étude, mais devrait être prochainement officialisée. Je n’ai pas de date à vous communiquer aujourd’hui, mais l’engagement a été pris et le travail est en cours.

recrudescence des agressions envers les élus

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, auteure de la question n° 565, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, alors que l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a annoncé en février une hausse de 15 % des agressions envers les élus sur un an, les données que vous avez rendues publiques le 15 mars dernier ne sont pas plus encourageantes, et dénotent au contraire une généralisation de la violence exercée sous toutes ses formes à l’encontre des élus.

En 2022, on a recensé 2 265 plaintes et signalements, contre 1 720 en 2021, soit une hausse de 32 %.

Premiers interlocuteurs, en particulier dans les petites communes, les maires et les adjoints sont également les premières victimes de cette recrudescence, constituant plus de la moitié des faits recensés.

En Moselle, ce phénomène s’est également intensifié ces derniers mois. Plusieurs maires ont fait l’objet de menaces, d’agressions verbales et physiques.

Les élus s’interrogent : ne sachant plus quoi faire face à une agression, tiraillés entre leur devoir d’agir pour la commune et la peur omniprésente de représailles pour eux et leurs proches, ils se demandent ouvertement aujourd’hui s’ils doivent poursuivre ou abandonner leur mandat.

Depuis 2020, ce sont 900 maires qui ont démissionné, et le mouvement, dans mon département comme ailleurs, se poursuit en 2023 à l’aune des violences que connaît actuellement le pays dans sa globalité.

La récente loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression, dont la sénatrice Nathalie Delattre a été à l’initiative, a permis des avancées en matière de répression, en donnant la possibilité aux associations d’élus ou aux collectivités locales de se porter partie civile afin d’accompagner les élus victimes. Néanmoins, la principale problématique, à savoir la peur quotidienne dans laquelle vivent les élus locaux, reste présente et pesante.

Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour mettre les citoyens coupables de ces violences face à leurs responsabilités et permettre ainsi aux élus d’exercer leur mandat sereinement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Belrhiti, je voudrais tout d’abord réaffirmer ma pleine mobilisation, avec Gérald Darmanin, face à cette situation. Nous apportons notre soutien sans faille à tous les élus victimes d’agressions. Vous l’avez dit, chaque jour, la liste s’allonge et c’est totalement inacceptable.

Je tiens à remercier la police, la gendarmerie et bien évidemment les préfectures, qui accompagnent les maires dans leurs démarches.

Vous le savez, je suis une ancienne maire et je partage le constat que ces atteintes relèvent avant tout d’une problématique sociétale. Lorsqu’un élu est agressé, c’est la République qui est attaquée, mais c’est aussi la démocratie qui recule.

Nous avons chacun pris notre part dans le renforcement de la protection des élus. Je remercie, comme vous, la sénatrice Delattre, de sa proposition de loi, qui permet, selon les cas, aux associations d’élus, aux collectivités locales, au Sénat, à l’Assemblée nationale et au Parlement européen de se porter partie civile en cas d’agression d’un élu.

J’espère que le Sénat pourra se saisir rapidement d’un texte visant à durcir les peines encourues en cas de violences commises à l’encontre des élus ou de leurs proches.

Je veux aussi renforcer notre connaissance du phénomène et notre capacité à y répondre pleinement. À ce titre, Gérald Darmanin et moi-même avons créé un centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus.

Cette structure permettra d’avoir une compréhension plus fine du phénomène. Elle devra aussi coordonner la réponse de l’ensemble des acteurs concernés – police, gendarmerie, parquet, préfecture – et améliorer la prévention de ce phénomène.

Cette annonce s’ajoute à plusieurs autres que je ferai dans les prochaines semaines pour recréer la confiance entre les élus et nos concitoyens. J’appelle à un choc civique, et ce dès le plus jeune âge.

Madame la sénatrice, dès que les mesures seront affinées, je ne manquerai pas de vous rencontrer personnellement pour échanger avec vous sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, l’exercice d’un mandat local est une grande responsabilité et un grand honneur pour tout citoyen français, un honneur qui risque de se raréfier dans les années à venir si les élus ne sont pas soutenus à la hauteur de leurs responsabilités.

implantation d’un centre de rétention administrative dans le sud du département du haut-rhin

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 571, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Patricia Schillinger. Madame la ministre, les zones frontalières sont, par nature, plus exposées que le reste du territoire à la criminalité transfrontalière et à l’immigration illégale.

C’est le cas de l’agglomération ludovicienne, et plus largement de la zone des trois frontières, dans le sud du département du Haut-Rhin.

Situé à la frontière de la Suisse et de l’Allemagne et abritant le cinquième aéroport international de France – plus de 9 millions de passagers par an –, ce territoire est en effet l’une des principales portes d’entrée en France pour l’immigration.

À titre d’exemple, rien que sur le vecteur ferroviaire franco-suisse, ce sont plus de 5 000 migrants clandestins qui ont été interpellés par les services français de police depuis novembre dernier.

Dans ce contexte, l’implantation d’un centre de rétention administrative (CRA) en périphérie de l’EuroAirport ou à Mulhouse constituerait une plus-value certaine dans le soutien à la lutte contre l’immigration illégale et pour la mise en œuvre de la politique migratoire.

Actuellement, les centres les plus proches sont situés soit à Geispolsheim, soit à Metz, quand la ville de Saint-Louis, au cœur du territoire des trois frontières, ne dispose, elle, que d’un local de rétention administrative de seulement neuf places.

Cette situation contraint les agents de la police aux frontières à parcourir entre 120 et 270 kilomètres pour y accompagner les étrangers en situation irrégulière, les détournant de leurs autres missions et accentuant les difficultés qu’ils connaissent déjà du fait du manque d’effectifs.

Le Gouvernement s’est lancé dans un vaste plan de construction de places en centres de rétention et le ministère de l’intérieur a, dans la dernière loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), réaffirmé sa volonté d’accroître nos capacités de rétention en portant à 3 000 l’objectif de nouvelles places.

Dans ce contexte, pouvez-vous nous indiquer où en est la réalisation de ce plan et quelles sont les intentions du ministre vis-à-vis du territoire des trois frontières, objet d’une pression migratoire qui justifierait qu’il accueille l’un de ces centres ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Schillinger, vous soulignez, à juste titre, le besoin de places de rétention dans l’Est, qui correspond à un enjeu de premier ordre pour le Gouvernement, lequel porte l’objectif de créer 3 000 places en centre de rétention administrative d’ici à 2027, comme vous l’avez dit.

Pour ce faire, une enveloppe de 240 millions d’euros a été votée dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

En parallèle, une instruction ministérielle du 3 août 2022 a fixé un objectif d’augmentation d’au moins un tiers de la capacité des locaux de rétention administrative (LRA), qui permettent – vous le savez – de maintenir un étranger en rétention administrative durant les quarante-huit premières heures.

Aujourd’hui, la zone de défense et de sécurité Est compte deux CRA cumulant un total de 132 places : 34 places à Geispolsheim et 98 places à Metz.

Pour l’implantation de nouveaux CRA, il a été décidé de privilégier les projets d’une capacité de 140 places, situés à proximité d’une grande plateforme aéroportuaire. Ces projets doivent répondre à la fois à un niveau élevé de sécurité bâtimentaire et à une possibilité de démarrage rapide des études et des travaux, ce qui suppose des sites sous maîtrise foncière de l’État ou susceptibles d’être rapidement mis à disposition.

Les projets doivent, en outre, respecter les contraintes urbanistiques et environnementales et permettre la construction d’une salle de justice à proximité immédiate du CRA.

Dans la mesure où les deux CRA existants dans la zone Est sont déjà situés dans deux départements frontaliers de l’Allemagne, la recherche d’un nouveau site paraît devoir privilégier l’objectif d’un rééquilibrage territorial au sein de la zone. Des propositions seront prochainement formulées par la préfète de la région Grand Est sur ce point, en concertation avec vous-même. Nous vous tiendrons bien sûr informée.

difficultés d’accès au droit à la formation des élus et baisse de la demande

M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 453, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Elsa Schalck. Madame la ministre, ma question porte sur la formation à destination des élus.

Nous savons à quel point la formation est importante ; elle est même essentielle pour exercer au mieux un mandat et les nombreuses et multiples responsabilités qui incombent désormais et de plus en plus aux maires et aux élus locaux.

La question du statut de l’élu revient régulièrement : l’une des composantes de ce statut est évidemment la formation. Or nous assistons à une baisse notable des demandes de formation de la part des élus, en raison notamment d’une complexification de la procédure d’inscription, qui exige depuis le mois d’octobre 2022 de passer par FranceConnect+. Il s’avère que la sécurisation de ce dispositif a rendu l’inscription particulièrement complexe, voire impossible, pour les élus locaux.

J’ai été alertée en ce sens par l’Association des maires du Bas-Rhin. En effet, des élus ont pu rencontrer de très nombreuses difficultés pour créer une nouvelle identité numérique, pour attester de leur identité, ou encore pour valider des données saisies.

Toutes ces démarches découragent davantage qu’elles n’encouragent, ce qui est profondément dommageable, notamment pour le bon exercice de la démocratie locale.

À l’heure où nous décomptons malheureusement près de 4 000 élus démissionnaires en trois ans, dont près de 1 000 maires, à l’heure où nous savons à quel point l’exercice de responsabilités locales est devenu difficile, délicat, mais ô combien précieux pour la vie de nos communes, il est nécessaire que les dispositifs soient simples, clairs, pragmatiques et utilisables.

Je rappellerai que les élus locaux cotisent à hauteur de 1 % pour financer ce droit individuel à la formation.

Ma question, madame la ministre, est donc très simple : comment comptez-vous faire pour améliorer ce dispositif et le simplifier ? C’est une attente très forte des élus locaux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Schalck, depuis janvier 2022, les élus peuvent directement mobiliser leur droit individuel à la formation via Mon compte élu, une plateforme numérique adossée à Mon compte formation dont la gestion est – vous le savez – assurée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Face aux nombreuses fraudes sur la plateforme, le Gouvernement a mis en place des mesures de sécurité renforcée afin de préserver les droits des utilisateurs. Le niveau supérieur de sécurité de FranceConnect, intitulé FranceConnect+, est déployé depuis le 25 octobre 2022 pour l’achat d’une formation sur Mon compte formation et Mon compte élu.

Pour ne pas dissuader les personnes souhaitant s’engager dans une démarche de formation, un dispositif complet d’accompagnement a été mis en place par la CDC et par La Poste, adapté en fonction des besoins identifiés, parmi lesquels ceux des élus locaux.

Une communication large, comprenant des informations pratiques et des tutoriels, a été diffusée auprès des acteurs concernés. Cela reste difficile, j’en suis consciente.

Si, en dépit de ces outils, des usagers rencontrent des difficultés pour générer leur identité numérique, ils doivent se rendre dans les bureaux de poste et se faire accompagner par des conseillers numériques.

Enfin, une assistance téléphonique dédiée aux élus locaux a été mise en place : un numéro spécifique leur permet de contacter un interlocuteur pour répondre à leurs questions.

Le Gouvernement tiendra compte des difficultés engendrées par ces évolutions récentes et du temps nécessaire à l’appropriation par les élus de cette nouvelle procédure. Après concertation avec les associations d’élus, il a été décidé de relever de 700 à 800 euros le plafond des droits pouvant être détenus, afin de ne pas pénaliser les élus qui n’ont pas utilisé leurs droits en 2022 et qui bénéficieront ainsi, en 2023, d’un abondement de 400 euros portant le montant total de leur compte formation à 800 euros.

Cela étant, le travail se poursuit et l’amélioration doit devenir une réalité afin d’encourager la formation de nos élus, comme vous l’avez dit.

M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour la réplique.

Mme Elsa Schalck. Madame la ministre, il était important de relever le plafond, mais il est précieux de lever les freins et les difficultés que les élus locaux nous relayent systématiquement et quotidiennement.

conséquences de la compensation de la baisse des impôts locaux par des fractions de taxe sur la valeur ajoutée

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, auteur de la question n° 584, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Pierre Louault. Madame la ministre, ma question porte sur les conséquences de la compensation, par l’État, de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de certains impôts locaux et de production par des fractions de la TVA. En effet, il semble que ce changement du mode de financement ne soit pas aussi optimal que souhaité.

Tout d’abord, la TVA a pris au fil des années une part de plus en plus importante dans les budgets des collectivités. Cela s’est fait au détriment de l’État qui, en 2021, ne percevait plus que la moitié des recettes totales.

Par ailleurs, la CVAE dépendait auparavant de l’activité des territoires. La suppression de cette cotisation, au moment où nous voulons faire revenir des entreprises industrielles sur nos territoires, y compris ruraux, n’incite pas les collectivités à investir en ce sens.

À cela s’ajoutent un contexte économique déjà difficile et une compensation à l’euro près de la CVAE qui tarde à venir.

La suppression de ces impôts locaux réduit fortement l’autonomie fiscale des collectivités. Cette réforme a donc créé une rupture entre fiscalité et territoire, ce qui a mené la Cour des comptes en octobre 2022 à évoquer une nouvelle proposition de réforme pour recentrer la fiscalité locale sur le bloc communal.

Pour respecter l’objectif d’autonomie financière des collectivités territoriales, j’aimerais connaître l’état de vos réflexions sur cette future réforme et les pistes que vous explorez actuellement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Louault, afin d’accroître le pouvoir d’achat des ménages et d’améliorer la compétitivité des entreprises, le Gouvernement a souhaité supprimer la taxe d’habitation sur les résidences principales pour l’ensemble des foyers fiscaux, ainsi que la CVAE.

Les communes ne perçoivent plus de taxe d’habitation sur les résidences principales depuis 2021, mais elles bénéficient en contrepartie du transfert de la taxe foncière des départements. Ce transfert a permis de préserver leur pouvoir de taux sur un montant identique à celui qui était perçu auparavant au titre de la taxe d’habitation.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et les départements ont perçu, en contrepartie de leur perte de taxe d’habitation et de taxe foncière, une fraction de TVA très dynamique. Celle-ci a progressé de plus de 9 % en 2022 et devrait augmenter de 6 % en 2023.

La part régionale de CVAE a été supprimée en 2021, et les régions ont perçu en contrepartie une fraction dynamique de la TVA, à hauteur de leur montant de CVAE perçu cette même année. Cette compensation est d’autant plus favorable aux régions que la TVA a progressé de plus de 9 % en 2022.

La suppression de la part de CVAE du bloc communal et des départements a fait l’objet d’une compensation par l’intermédiaire d’une fraction de TVA, là aussi dynamique. Pour tenir compte de la situation spécifique de chaque territoire, la fraction de TVA affectée au bloc communal abonde un fonds national dont un décret d’application fixera bientôt les critères de répartition.

Au total, plus de 50 milliards d’euros de TVA seront versés aux collectivités territoriales en 2023. Ils traduisent une compensation intégrale, pérenne et dynamique de la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE.

Mais j’imagine que vous savez déjà tout cela, monsieur le sénateur !

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour la réplique.

M. Pierre Louault. Oui, madame la ministre, en effet, nous savons tout cela ! On lit aussi que la situation financière des collectivités territoriales s’est améliorée : c’est vrai pour les régions et les départements, mais beaucoup moins pour les communes et les petites collectivités locales.

Par ailleurs, cette réforme a conduit à faire perdre le lien avec les citoyens. Chaque service a un coût, mais aujourd’hui, finalement, il suffit de réclamer : personne ne sait d’où vient l’argent alors que, quand on touche au portefeuille de nos électeurs, il y a un relais direct entre le citoyen et les élus locaux !

réfaction de la taxe générale sur les activités polluantes

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 583, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Annick Billon. Madame la ministre, afin de bénéficier de la réfaction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), le ministère de la transition écologique a imposé l’installation d’un compteur homologué avant le 31 décembre 2022. Si l’homologation du compteur de la marque Sick date de 2018, celle d’un second compteur, de marque Fuji, date de novembre 2022.

Vous n’ignorez pas que nombre d’opérateurs utilisent le compteur de marque Emerson, reconnu fiable et permettant de bénéficier de la réfaction de la TGAP jusqu’à ce jour. C’est notamment le cas du syndicat vendéen de traitement des déchets Trivalis.

Or, pour des raisons que nous ignorons, le compteur Emerson n’est pas homologué, et obligation est donc faite aux opérateurs d’investir dans un système homologué pour continuer à bénéficier de la réfaction. Avec la mise en concurrence, rendue possible seulement en novembre 2022, le temps des procédures administratives et la durée des travaux ne permettent pas l’installation de nouveaux compteurs avant le deuxième semestre 2023. En conséquence, les opérateurs pourraient être pénalisés.

De plus, cela semble peu pertinent d’imposer à des collectivités d’acquérir un nouvel équipement alors que la réfaction de la TGAP ne sera plus possible au 1er janvier 2025, soit dans moins de deux ans.

C’est pourquoi, dans un souci de maîtrise des investissements et compte tenu des délais contraints par les procédures administratives, je vous demande s’il peut être envisagé de maintenir les compteurs de la marque Emerson pour bénéficier de la réfaction de la TGAP.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Billon, vous interrogez le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, sur l’obligation pour les exploitants de décharges de disposer de compteurs de biogaz homologués pour bénéficier d’un tarif réduit sur la TGAP. Ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.

Il existe en effet un tarif réduit sur cette taxe lorsque l’installation valorise le biogaz capté. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est conscient des difficultés passées d’homologation. C’est pourquoi, avec le ministère chargé du budget, nous avons repoussé à plusieurs reprises l’entrée en vigueur de cette condition pour accéder au tarif réduit. Initialement prévue pour le 1er janvier 2020, celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.

Néanmoins, nous entendons vos arguments et les difficultés auxquelles les opérateurs font face. C’est pourquoi je tiens à vous informer que nous avons prévu de reporter de nouveau l’entrée en vigueur de cette obligation au 1er janvier 2024. Ce report sera officialisé par un arrêté que nous allons publier conjointement avec le ministère chargé du budget dans les prochaines semaines.

La valorisation du biogaz des décharges fait aujourd’hui partie des solutions pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre et contribuer à notre souveraineté énergétique. Le tarif réduit de taxation en prend acte.

Je rappelle toutefois que cette réduction n’a pas vocation à durer. La généralisation du tri à la source des déchets alimentaires et des déchets verts à compter du 1er janvier 2024, prévue par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi anti-gaspillage, et par le droit européen, conduira en effet à une montée en puissance de solutions de valorisation de ces déchets fermentescibles plus efficaces, comme le compostage ou la méthanisation.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Madame la ministre, un nouveau report à 2024, soit. Reste que la réfaction de la TGAP ne devrait a priori plus être possible à partir du 1er janvier 2025. Soit il faudra prévoir un nouveau report, soit il sera impossible de bénéficier de la réfaction : je me dis qu’il aurait été préférable de ne pas fixer de délai du tout ! Car on demande des investissements supplémentaires, ce qui conduit à alourdir les finances publiques. J’y insiste, j’aurais souhaité une suppression du délai.

transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 561, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement des communes ou communautés de communes a été acté par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe. Le Sénat s’est opposé à cette réforme, car il était conscient des difficultés qui allaient se poser pour les communes rurales. Il a tenté d’obtenir le rétablissement du caractère facultatif de ce transfert à de nombreuses reprises, à l’occasion de l’examen de cinq textes différents – pas moins !

La proposition de loi déposée par M. Retailleau en janvier 2017 a été votée en février 2017, mais les députés ont renvoyé ce texte en commission.

La commission mixte paritaire sur la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et proximité, n’a pas été conclusive sur ce point.

La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, n’a pas permis d’avancer sur cette question.

Ensuite, des assouplissements ont été obtenus avec le report au 1er janvier 2026 du transfert des compétences et le maintien des syndicats infracommunautaires après cette date.

Enfin, le 16 mars dernier, le Sénat a voté de nouveau à une large majorité une proposition de loi rendant facultatif ce transfert.

Madame la ministre, ce modeste texte sera-t-il mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, et quand ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sido, je veux rappeler que la loi Engagement et proximité a offert de nombreuses souplesses aux élus en leur permettant de maintenir des modalités existantes d’exercice des compétences eau, assainissement des eaux usées et gestion des eaux pluviales urbaines.

L’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales a ainsi institué un mécanisme de délégation de ces compétences, qui peut être faite « au profit d’un syndicat mentionné à l’article L. 5212-1, existant au 1er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes ».

Il est important de rappeler ces assouplissements, même si je suis très au fait de ce qui s’est passé au Sénat il n’y a pas si longtemps puisque j’étais au banc des ministres !

Pour les territoires ayant utilisé ces possibilités, le mécanisme est perçu comme un moyen de maintenir des structures historiques dotées de moyens techniques et humains adaptés ou comme un moyen d’assurer la continuité du service, le temps que l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) soit en mesure de reprendre la compétence.

Lors de la présentation du plan Eau par le Président de la République et par Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, il a été rappelé le besoin essentiel de mutualisation pour la protection de nos ressources en eau. Cette mutualisation sera prochainement étudiée par une mission parlementaire au Sénat.

Le Président de la République ne veut pas revenir sur l’obligation de transfert, contrairement à ce que prévoit la proposition de loi votée au Sénat, mais il souhaite l’intégration d’une logique de différenciation. Le dialogue qui s’engage avec le Sénat est pour moi essentiel dans cette trajectoire vitale de préservation de la ressource en eau et pour son acceptation par l’ensemble des élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Certes, il y a eu des assouplissements, mais vous savez comme moi que cela ne suffit pas du tout. Le prix unique de l’eau dans les communautés de communes subsiste. Des communes verront leurs prix augmenter alors que rien n’aura changé.

Permettez-moi de vous faire une proposition. Nous savons que nous manquerons d’eau, parce que le changement du climat posera des difficultés. Par conséquent, il faut trouver des solutions. Il existe dans certains départements des syndicats départementaux chargés de la production et du transport de l’eau. Pourquoi ne pas élaborer un projet de loi pour que les départements dépourvus d’un tel syndicat soient contraints d’en créer un, à charge pour les communes de distribuer l’eau ? Le problème serait ainsi réglé.

nécessité de prévoir une dérogation à l’interdiction des chauffages extérieurs pour les commerçants itinérants

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 350, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Cyril Pellevat. La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a interdit l’utilisation de chauffage extérieur dans l’espace public. L’interdiction est officiellement entrée en vigueur au mois de mars 2022, date de la publication du décret d’application de la mesure.

Si l’objectif principal était d’interdire les chauffages extérieurs en terrasse, la question des commerces non sédentaires semble avoir été occultée. Les commerçants itinérants ont en effet besoin de pouvoir se chauffer lorsqu’ils exercent leurs activités en extérieur durant l’hiver, par exemple sur les marchés. Les températures sont souvent négatives durant cette période. L’utilisation d’un chauffage d’appoint est donc indispensable pour qu’ils puissent exercer dans de bonnes conditions.

Or, puisqu’aucune dérogation à l’interdiction n’est prévue dans le décret pour ce cas de figure, de nombreux commerçants indiquent qu’il est désormais courant que la police municipale leur demande de couper leur chauffage ou leur inflige une contravention.

L’interdiction d’utiliser un chauffage d’appoint est dangereuse pour la santé de ces commerçants, certains faisant état d’engelures ou de problèmes de circulation sanguine. Étant moi-même fils de maraîcher et ayant fait les marchés pendant une trentaine d’années, je peux vous assurer que ce n’est pas un mythe.

Il y a également des conséquences pour les produits, notamment pour les denrées périssables, et pour l’activité des commerçants, puisque, dans ces conditions, il ne leur est pas possible d’exercer les douze mois pleins. Une telle baisse d’activité porte grandement atteinte à la vitalité de nos territoires ruraux dans lesquels les commerces itinérants sont essentiels pour l’accès à de nombreux produits et denrées. Les territoires de montagne sont les plus touchés, puisqu’ils enregistrent les températures les plus extrêmes.

Aussi, madame la ministre, je souhaite savoir si vous comptez prévoir une dérogation à cette interdiction des systèmes de chauffage dans l’espace public en faveur des commerçants non sédentaires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Pellevat, la Convention citoyenne pour le climat a proposé une action globale de réduction de la consommation d’énergie dans les espaces publics et bâtiments tertiaires concernant le chauffage, l’éclairage et la climatisation. Elle a recommandé « l’interdiction de chauffer les espaces publics extérieurs », source de gaspillage d’énergie. Le législateur a repris cette proposition à l’article 181 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Le nouvel article L. 2122-1-1-A du code général de la propriété des personnes publiques dispose que « l’utilisation sur le domaine public de systèmes de chauffage ou de climatisation consommant de l’énergie et fonctionnant en extérieur est interdite ». Cette disposition a un champ large. Le législateur a posé une interdiction générale des espaces extérieurs chauffés ou climatisés couvrant tout le domaine public sans distinguer l’activité concernée.

Le décret du 30 mars 2022 relatif à l’interdiction de l’utilisation sur le domaine public en extérieur de systèmes de chauffage ou de climatisation, pris pour application de cette disposition législative, a uniquement exempté de l’interdiction les lieux couverts et fermés de manière étanche à l’air, ainsi que les installations mobiles couvertes et fermées nécessaires à l’animation de la vie locale, qu’il s’agisse des activités foraines ou circassiennes, ou des manifestations culturelles, sportives, festives, cultuelles ou politiques.

Par conséquent, les activités qui se déroulent sur le domaine public à l’air libre, comme l’activité de commerce ambulant, sont soumises à l’interdiction de chauffage extérieur. Nous en comprenons les effets. Cependant, précisons que le chiffre d’affaires des commerçants en extérieur ne devrait pas être trop touché, car cette interdiction ne vise pas l’énergie nécessaire à la production ou à la conservation des denrées vendues. Elle pénalise seulement les clients, qui doivent se couvrir un peu plus.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie de ces éléments de réponse. Les intentions derrière le texte étaient évidemment louables, mais nous voyons des effets de bord. Pour l’avoir vécu pendant une trentaine d’années, je sais qu’il n’est pas possible d’installer des bancs et des bâches gelées avec des gants. Et les légumes, qui sont des denrées périssables, s’abîment.

Les conséquences sont donc globales. Il serait bien d’intégrer une mesure dérogatoire spécifique pour les domaines d’activité en question, notamment dans les marchés et les territoires de montagne comme le mien, où les températures sont négatives trois à quatre mois par an.

action de l’état face au retour des loups dans les bouches-du-rhône

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 463, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Stéphane Le Rudulier. Le loup est dans la bergerie ou, plus précisément, aux portes de Marseille. Depuis des années, il avance pas à pas sur le territoire provençal jusqu’à élire domicile dans le massif des Calanques aux abords de l’agglomération marseillaise. Le premier mâle a été repéré voilà peu près deux ans, dans le massif de Saint-Cyr. Depuis, pas moins d’un couple, de cinq louveteaux et d’un mâle adulte ont élu domicile dans le parc des Calanques.

Les éleveurs et agriculteurs connaissent bien les dangers liés à la présence du loup autour de leurs pâturages et, surtout, de leurs élevages. L’agriculture extensive et le pastoralisme sont des traditions ancestrales et une part fondamentale du patrimoine immatériel de notre région. Ces traditions et ces pratiques sont désormais mises en péril par le retour du loup, entraînant un déséquilibre dans les espaces naturels.

Il est impératif que les pouvoirs publics puissent revoir les mesures d’accompagnement, notamment les dispositifs d’aide à la protection des troupeaux et les procédures d’indemnisation. Filets, gardiennage, chiens de protection, tirs d’effarouchement, prélèvements encadrés : des solutions existent.

Comment le Gouvernement compte-t-il défendre le pastoralisme ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Le Rudulier, l’action du Gouvernement concernant le loup vise à concilier les activités d’élevage et la préservation de l’espèce, strictement protégée par le droit national, européen et international. Le loup peut toutefois occasionner des dommages sur les troupeaux. Ainsi, pour soutenir l’élevage et lutter contre la prédation, le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage permet, entre autres, le financement de moyens de protection des troupeaux et l’indemnisation des éleveurs.

Le préfet des Bouches-du-Rhône a publié le 31 janvier 2023 un arrêté portant délimitation des zones d’éligibilité à la mesure de protection des troupeaux contre la prédation par le loup pour l’année 2023. Ce classement des communes en cercles 1, 2 ou 3, selon le risque ou l’intensité de prédation, permet aux éleveurs d’ovins et de caprins de répondre à l’appel à projets national visant à les accompagner financièrement à la mise en place de mesures de protection des troupeaux en compensant les surcoûts induits par les changements de pratiques.

Un travail de revalorisation des montants d’indemnisation des coûts directs des attaques est en cours, comprenant les animaux morts ou ayant nécessité une euthanasie et les animaux disparus non tenus en parc clos. Est également en cours une étude visant à recalculer le coût des pertes dites indirectes, consécutives à la perturbation du troupeau du fait, notamment, du stress, de la moindre prise de poids, des avortements ou de la baisse de lactation.

En complément de ces travaux en cours, conformément à la législation communautaire et nationale, des dérogations à la protection stricte du loup peuvent être utilisées. Elles permettent d’autoriser des tirs de loups dans la limite d’un plafond fixé chaque année de manière à respecter la viabilité de la population.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Défendre le pastoralisme, c’est également défendre les centaines d’éleveurs et d’agriculteurs qui font vivre nos traditions et qui contribuent à nourrir avec qualité les Bucco-Rhodaniens et des millions de Français.

Mon propos n’était pas de demander l’éradication du loup, espèce protégée par la convention de Berne de 1979 ; il s’agit bel et bien de garantir aux agriculteurs et aux éleveurs la pérennisation de leur activité. Les pouvoirs publics leur doivent bien cela.

mise en œuvre de la loi concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 488, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la mise en œuvre d’une loi qui, au Sénat, nous est chère : la loi du 7 juillet 2014 visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, dite loi Didier.

Les ouvrages d’art de rétablissement des voies sont les ponts construits pour rétablir une voie de communication appartenant à une collectivité interrompue par une infrastructure de transport de l’État ou de ses établissements publics, par exemple Voies navigables de France (VNF), la SNCF, les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux.

Afin de faciliter la gestion de ces ouvrages et de leur coût, et de prévenir leur détérioration, la loi du 7 juillet 2014, d’initiative sénatoriale, tend à ce que ces ouvrages fassent l’objet de conventions entre les propriétaires ou gestionnaires des voies portées et franchies. Ces conventions doivent préciser les rôles de chacun quant à la gestion des ouvrages au niveau opérationnel, définissant les modalités d’intervention et les modalités de répartition du financement de la surveillance, de l’entretien, de la réparation et du renouvellement entre les différents propriétaires ou gestionnaires des voies. Elles sont donc essentielles.

Un recensement en Côte-d’Or a été publié au mois de juillet 2020. Il permet d’identifier les ponts soumis à cette loi. La plupart se dégradent et présentent de nombreux problèmes de circulation et de sécurité. Les collectivités locales restent dans l’attente d’une convention afin d’engager légalement les travaux.

Selon les maires et élus locaux qui sollicitent Voies navigables de France, l’établissement de la convention de répartition des charges reste pour l’instant suspendu, sans aucun argument tangible. Ce retard à organiser l’action publique dans l’esprit de la loi est préjudiciable aux usagers et expose les collectivités et les maires à une insécurité à la fois juridique et financière. Désormais, ils ne peuvent plus attendre.

Je souhaite donc savoir, d’une part, si les élus doivent solliciter en urgence la médiation du préfet, prévue dans l’instruction du Gouvernement du 15 mars 2018 pour activer ce dossier, d’autre part, pourquoi les ponts soumis à la loi, et donc à convention, ne seraient pas éligibles au programme national Ponts, comme l’indique le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) aux élus.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Loisier, comme vous l’avez rappelé, la loi du 7 juillet 2014, dite loi Didier, a pour objet de répartir par convention les charges financières relatives à la surveillance, à l’entretien, à la réparation et au renouvellement des ouvrages d’art de rétablissement des voies interrompues par une infrastructure de transport, entre, d’une part, les propriétaires ou les gestionnaires des voies portées, d’autre part, ceux des voies franchies.

Elle ne remet pas en cause la jurisprudence constante du Conseil d’État, selon laquelle ces ponts sont des éléments constitutifs des voies dont ils assurent la continuité. Par conséquent, les collectivités demeurent responsables de leurs ouvrages. Elles sont tenues de réaliser tous les travaux nécessaires pour empêcher leur dégradation et pour assurer leur sécurité. La contribution du gestionnaire de la voie franchie est de nature financière, la maîtrise d’ouvrage ne lui étant pas transférée.

Concernant plus particulièrement Voies navigables de France, qui a la responsabilité de 6 700 kilomètres de réseau, la prise en charge de ces coûts ne peut être que progressive en raison du grand nombre d’ouvrages à conventionner et du temps nécessaire au rassemblement de bonnes connaissances techniques au sujet d’une grande partie de ceux-ci.

Si, comme vous l’indiquiez, la négociation pour conclure une convention de répartition n’aboutit pas, la loi Didier a en effet pour objet une médiation du préfet du département à la demande d’une des parties.

Le programme national Ponts n’a pas le même objet. Il vise à aider de petites communes pour la gestion de leurs ouvrages, et non à financer des obligations incombant à l’État ou à ses opérateurs au titre de la loi. Il n’a donc pas vocation à traiter ces ouvrages de rétablissement, sauf à entamer une ressource précieuse pour les communes.

application du diagnostic de performance énergétique au patrimoine bâti ancien

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 535, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Si le diagnostic de performance énergétique (DPE) constitue une incitation accrue à la rénovation énergétique et est, à ce titre louable par rapport à l’ancien dispositif, il n’en demeure pas moins, en l’état, problématique dans sa mise en application concernant le bâti ancien des territoires. Je pense notamment au petit patrimoine non protégé, souvent rural, et à sa préservation.

De nombreux dysfonctionnements ont été mis en lumière, soit dans les outils de calcul des diagnostiqueurs, soit dans la formation de ces derniers, et la mise en œuvre du DPE est l’objet de nombreuses contestations et difficultés. De fait, modes et méthodes de construction contemporaines, standardisées et inadaptées, se révèlent dangereuses pour la préservation des bâtiments anciens. Cette situation est particulièrement préjudiciable et met en péril le patrimoine local, véritable vecteur d’attractivité des territoires.

J’attire d’ailleurs votre attention sur les conclusions de la table ronde organisée le 1er février dernier par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat consacrée à la transition écologique du bâti ancien : d’une part, plutôt que s’orienter vers la construction neuve, la rénovation de l’existant est à privilégier ; d’autre part, adapter la réglementation aux spécificités du patrimoine vernaculaire est nécessaire.

Dès lors, comment comptez-vous faire évoluer le DPE et ses critères quant aux caractéristiques du bâti ancien, véritable patrimoine local ? Selon quelle méthodologie ? Cela nécessite d’outiller les professionnels pour répondre aux besoins. Comment peut-on l’envisager ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, la rénovation des bâtiments existants constitue une priorité pour notre gouvernement. Le diagnostic de performance énergétique est un outil central de cette politique. La réforme de 2021 a permis d’améliorer le DPE en rendant plus fiables sa méthode de calcul et ses données d’entrée.

C’est le cas s’agissant du bâti ancien. Il convient de rappeler qu’aucune réglementation thermique s’appliquant à la construction neuve n’existait avant 1974. On ne peut donc avoir aujourd’hui aucune certitude sur le niveau de la performance énergétique des bâtiments construits avant cette date en se basant seulement sur leur année de construction. Cette réalité se traduit dans la méthode du DPE par la définition de valeurs par défaut différenciées en fonction de l’année de construction, avec des valeurs par défaut moins bonnes pour les années sans réglementation thermique. Le recours à ces valeurs par défaut doit toutefois être évité autant que possible, afin de définir plus précisément la performance énergétique d’un logement.

Par ailleurs, la réforme du DPE en 2021 a permis de mieux considérer plusieurs spécificités de certains bâtiments anciens. La nouvelle méthode tient compte de la forte inertie de certains matériaux présents dans le bâti ancien – terre, pierre, brique ancienne, colombage… –, en adaptant sur certains mois de l’année les besoins de chauffage et de refroidissement.

Au regard de ce qui précède, aucune évolution de la méthode du DPE pour le bâti ancien n’est envisagée à court terme. Néanmoins, il y a un enjeu sur la qualité de la réalisation de ces diagnostics. Le ministre délégué chargé de la ville et du logement, Olivier Klein, a annoncé récemment le renforcement à venir de la formation et des contrôles des diagnostiqueurs DPE.

Enfin, le Gouvernement soutient l’expérimentation d’un label de performance énergétique pour la rénovation des bâtiments patrimoniaux.

gestion des canaux d’irrigation du haut-rhin

M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, auteur de la question n° 579, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Sabine Drexler. Alors que la gestion de l’eau défraie la chronique, permettez-moi d’évoquer un problème qui touche la nappe phréatique d’Alsace, la plus grande ressource en eau d’Europe. Dans les années 1950, l’État a construit un canal long de 50 kilomètres, parallèle au Rhin, utilisé pour la navigation et pour l’hydroélectricité. Ce canal étanche empêche l’alimentation par infiltration naturelle de la nappe phréatique, avec un volume manquant chiffré à un milliard de mètres cubes par an. Les conséquences en ont été un abaissement de plusieurs mètres de la nappe, un assèchement des puits, des rivières et des zones humides.

Pour limiter les effets de ces aménagements et à la suite de manifestations, l’État a construit un canal d’irrigation en béton, alimenté grâce à des droits d’eau sur le Rhin qui permettent une recharge de la nappe de plus de 500 millions de mètres cubes par an.

Toutefois, depuis une vingtaine d’années, l’État laisse ce réseau tomber en ruine et réduit son alimentation au tiers de sa capacité, quand il ne le coupe pas à certaines saisons. Les effets désastreux de cette politique se font sentir par des périodes de stress de la nappe phréatique de plus en plus fréquentes et par des rivières à sec.

Le syndicat de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) des canaux et rivières de la Plaine a sollicité l’État à plusieurs reprises pour qu’on lui transfère ces ouvrages et pour que vous fassiez appliquer les contrats de concession hydroélectrique du Rhin, en vertu desquels l’énergéticien doit prendre à sa charge les frais liés à ses incidences sur la nappe. Ce syndicat souhaite transformer ces canaux bétonnés en rivières naturelles pour que la biodiversité se développe à nouveau et pour réalimenter la nappe par infiltration naturelle. Malheureusement, l’État fait la sourde oreille.

Quand l’État acceptera-t-il de s’asseoir à la table des négociations avec le syndicat Gemapi du secteur et s’engagera-t-il à faire respecter la loi et les conditions des contrats de concession ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Drexler, au sein de l’État, c’est le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, et non le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui est actuellement propriétaire des canaux d’irrigation de la Hardt, ces derniers étant gérés en pratique par la direction départementale des territoires du Haut-Rhin.

Ces canaux ne sont pas bétonnés et ne sont donc pas étanches, sur toute leur longueur. Ils réalimentent la nappe grâce aux droits d’eau agricoles. Ils sont entretenus par l’État pour rester fonctionnels et restent dans un état que nous jugeons convenable. Ils permettent un transit d’eau avec un débit toujours maintenu, même sur une plus longue période, le chômage d’hiver ayant été nettement réduit.

L’État est favorable à un transfert vers une collectivité territoriale et l’a exprimé depuis de nombreuses années. Une collectivité pourrait mener un ambitieux projet de renaturation en allant au-delà des besoins agricoles stricts. Des discussions ont donc été menées par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire avec le département du Haut-Rhin, puis avec la Collectivité européenne d’Alsace depuis la création de celle-ci.

Une stratégie de transfert est en cours d’élaboration par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, en collaboration avec les services déconcentrés de l’État concernés. Elle doit permettre d’assurer la transmission du foncier, des ouvrages et des moyens humains et financiers dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.

Mme Sabine Drexler. Nous avons un syndicat local volontaire, motivé pour travailler sur ce dossier. Il faudrait peut-être lui donner l’occasion de vous faire part de cette volonté.

création d’une ligne s

M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, auteure de la question n° 566, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

Mme Daphné Ract-Madoux. En 2019, la refonte de l’offre du RER D sur l’ensemble de la région capitale devait résoudre le problème des retards sur la ligne et améliorer le confort pour ses 615 000 usagers quotidiens.

En réalité, les dysfonctionnements n’ont pas cessé et la solution technique adoptée oblige désormais de nombreux usagers des branches sud à une rupture de charge, c’est-à-dire à changer de train, en gares de Corbeil-Essonnes ou de Juvisy, ce qui entraîne un allongement du temps de parcours d’au minimum quinze minutes par trajet.

Je salue les élus de six communes de la ligne, ceux de Ballancourt-sur-Essonne, de Corbeil-Essonnes, d’Étiolles, de Malesherbes, de Ris-Orangis et de Soisy-sur-Seine, pour leur initiative et les associations d’usagers de la ligne du RER D qui ont ensemble missionné un bureau d’études indépendant suisse pour rechercher une solution de substitution crédible.

Selon cette étude, la création d’une nouvelle ligne, la S, pourrait permettre, dès 2025, de diminuer le temps de parcours de près de dix-huit minutes sur le tronçon reliant Corbeil-Essonnes à Gare-de-Lyon, sans correspondance. Île-de-France Mobilités (IDFM) a confirmé que cette étude serait bien prise en compte dans le cadre de la révision du schéma directeur du RER D tout en précisant que des études complémentaires sont nécessaires. De leur côté, les élus viennent déjà d’en commander une pour affiner certains points, notamment la question du matériel.

Cette création pourrait améliorer significativement, et à un coût raisonnable, la vie des usagers de ce transport du quotidien. Aussi, au regard des engagements pris par la Première ministre concernant le plan d’avenir pour les transports et de la reprise des négociations pour le volet mobilité du contrat de plan État-région (CPER) d’Île-de-France, comment le Gouvernement peut-il apporter son soutien à nos transports du quotidien en prenant en compte la ligne S et à l’intégration de cette dernière dans le cadre de la révision du schéma directeur du RER D pour une étude en 2023 et un test en 2024 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Ract-Madoux, comme vous le savez, l’organisation des transports publics de personnes en Île-de-France relève de la compétence de l’autorité organisatrice de la mobilité IDFM. L’État, mobilisé aux côtés de la région pour investir dans les infrastructures de transports, ne peut toutefois pas se substituer aux collectivités ou à leurs groupements sans contrevenir au principe de libre administration des collectivités locales.

Aussi, les conclusions de l’étude du bureau d’étude suisse SMA sur la faisabilité d’une ligne S de RER reliant Malesherbes-Melun à Paris avec des missions directes entre Juvisy et Paris, réalisée à la demande d’élus des communes concernées, permettront effectivement d’éclairer les suites qu’IDFM compte donner à ce projet. Elles pourront être discutées dans la concertation en cours pour la révision du schéma directeur de la ligne du RER D, à laquelle les associations d’usagers et les maires des communes concernées participent.

Pour ce qui le concerne, l’État soutient, comme vous l’indiquiez, le développement des réseaux de transports collectifs au travers des contrats de plan État-région. Comme cela a été le cas avec le CPER 2015-2022, il mobilisera une enveloppe importante pour le réseau RER dans la nouvelle contractualisation 2023-2027, dont les négociations avec les collectivités menées par le préfet de région débuteront très prochainement.

Ces négociations permettront d’aborder le sujet de l’intégration du financement relatif à une éventuelle création de la ligne S au regard notamment des conclusions des études complémentaires en cours, ainsi que d’arbitrer le plan de financement du projet dit du terrier de Bercy, qui accroîtrait à plus long terme, au-delà de 2032, les capacités d’insertion de trains. Une vigilance toute particulière devra être conservée, puisque sur l’axe cohabitent également des trains de longue distance, par exemple vers Clermont-Ferrand.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier
Article 1er

Fusion des filières REP d’emballages ménagers et de papier

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

 
 
 

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier (texte de la commission n° 486, rapport n° 485).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements.)

Mme Marta de Cidrac, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà près de quatre ans, notre hémicycle avait largement complété la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), afin, notamment, de renforcer le principe de responsabilité élargie des producteurs (REP).

Nous voici réunis aujourd’hui pour parachever un travail parlementaire au terme duquel nous avons collectivement garanti l’intégrité de ce principe si important pour nos collectivités territoriales et la protection de l’environnement.

Ce n’était pas gagné d’avance, car, dans sa version initiale, le texte proposé par l’Assemblée nationale allait à l’encontre de tout ce que nous avions essayé de construire depuis des années en matière d’économie circulaire.

Le volet le plus problématique concernait non pas la fusion des filières REP d’emballages ménagers et des producteurs de papier, mais la sortie de la presse de la REP. C’était un dangereux précédent susceptible d’affaiblir l’ensemble des REP et, partant, le financement du service public de gestion des déchets. D’autres secteurs auraient, à l’exemple de ce premier régime d’exception, demandé des aménagements et des exonérations pour l’avenir, au détriment des collectivités territoriales et de la protection de l’environnement. Nous ne pouvions pas accepter une telle régression.

Nous avons, fort heureusement, parcouru beaucoup de chemin depuis le dépôt du texte à l’Assemblée nationale. Nous le devons au travail engagé dans cet hémicycle.

À cet égard, je remercie tout particulièrement les membres de la commission de la culture, en particulier le président Laurent Lafon et notre collègue Michel Laugier : leur sens de l’écoute et du dialogue ont grandement contribué à la qualité de nos travaux en première lecture et au caractère équilibré de la solution, exigeante du point de vue environnemental et protectrice de la presse, que nous avons retenue et que la commission mixte paritaire a confortée.

Notre priorité était de préserver les filières REP pour protéger le service public de gestion des déchets et nos collectivités territoriales. Cette mission a été accomplie avec le maintien de la presse dans le champ de la REP.

Notre seconde priorité était d’aider la presse : c’est aussi chose faite, avec la possibilité, introduite dans le texte sénatorial et conservée par la commission mixte paritaire, de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts.

En commission mixte paritaire, le dispositif que nous avions adopté n’a été que légèrement ajusté, afin d’en assurer la sécurité juridique et d’en clarifier la rédaction.

Il a ainsi été précisé que le mécanisme adopté ne devra pas conduire à augmenter la quantité d’emballages ou de papier graphique mis sur le marché.

Pour éviter tout détournement, la rédaction de compromis vise à prévoir, par ailleurs, que les dispositifs d’information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets ne pourront pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle, y compris en faveur des entités bénéficiaires de ces dispositifs.

Par cohérence avec la fusion des filières REP, le texte a enfin été modifié pour renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion, qui ne pourront, en tout état de cause, pas être inférieurs aux niveaux actuellement prévus par la loi, soit 80 % pour les emballages et 50 % pour les papiers.

La balle est maintenant dans le camp du pouvoir réglementaire, qui devra s’assurer du maintien de cet équilibre dans l’application du texte. Notre commission y veillera ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI, INDEP, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y sommes. Après une commission mixte paritaire conclusive, lors de laquelle s’est construit un véritable consensus entre les chambres, nous nous retrouvons aujourd’hui pour soumettre au vote cet accord.

Nous étions dans cet hémicycle ensemble voilà à peine deux semaines pour examiner la proposition de loi issue de l’Assemblée nationale et présentée par son rapporteur, le député Denis Masséglia.

Déposé au mois de janvier dernier, ce texte prouve encore une fois qu’en faisant confiance au dialogue, il est possible d’aboutir à une rédaction qui satisfasse l’ensemble des parties prenantes. Ce n’était pas chose aisée : la problématique que le député Masséglia a souhaité traiter est complexe.

Il nous fallait apporter une solution au secteur de la presse face à ses difficultés économiques, tout en maintenant sa responsabilité environnementale sur le principe pollueur-payeur.

Ce texte prévoit donc un maintien de la fusion des filières REP emballages et papier. Je crois que nous pouvons nous en féliciter tant cela apparaît comme la meilleure voie possible.

Nous prenons nos responsabilités, car nous anticipons les difficultés que connaît déjà la filière papier, et nous lui permettons d’avoir un cadre qui lui apporte plus d’assise et de visibilité économique.

Ainsi, nous espérons tous que la performance environnementale de la filière soit à la hauteur des ambitions.

Elle le sera, car cette fusion permettra aussi d’avoir une stratégie d’écoconception commune entre des déchets qui sont déjà traités dans les mêmes centres de tri, puis recyclés ensemble.

Pour la presse, l’équation était complexe, et deux solutions s’offraient à nous : la première était de construire un modèle de responsabilité propre au secteur de la presse en la sortant de la filière REP, mais tout en exigeant d’elle une contribution en nature aux contours bien définis tant sur le bénéfice et l’implication des collectivités que sur les critères environnementaux ; la seconde était de conserver la presse dans la filière REP en lui permettant de réduire sa contribution financière via le mécanisme d’écomodulation conditionné à des critères de performance environnementale.

Je crois sincèrement que le débat parlementaire était nécessaire sur le sujet ; les deux chambres nous l’ont prouvé.

L’Assemblée nationale avait choisi la première option tout en consolidant la place et les contreparties pour les collectivités. Des amendements de différents groupes politiques avaient d’ailleurs enrichi le texte.

Le Sénat, lui, a eu une autre lecture du texte, en privilégiant la seconde option.

La commission mixte paritaire a finalement retenu cette seconde option et a complété la version du Sénat.

Ces ajouts étaient les bienvenus, car ils viennent renforcer les garanties de progrès écologiques de la version du Sénat. Je pense notamment au fait de prévoir que les encarts donnant lieu à un bonus ne soient pas à visée promotionnelle pour le bénéficiaire, de manière directe ou indirecte. Je pense aussi au fait de ne pas permettre de bonus si la mise à disposition d’encarts gratuits vient augmenter les quantités déchets, notamment le suremballage. C’était l’un des travers identifiés.

Il n’était pas concevable de laisser un dispositif aller à l’encontre de l’ensemble des politiques publiques construites ces dernières années avec vous et qui font figure d’exemples sur la scène européenne et internationale.

Je veux vous remercier, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, d’avoir mené ce dialogue constructif. Il y a quelque chose que nous sommes nombreux à partager dans cette enceinte. Nous avons tous une ambition environnementale élevée, notamment en matière d’économie circulaire. L’ambition du Gouvernement est aussi grande.

Nous lançons avec ambition et fermeté les filières REP dans de nombreux secteurs. Nous avançons sérieusement sur la construction et la future mise en place d’un affichage environnemental. Nous avons réformé la filière REP textile pour la rendre encore plus performante. Nous avons fait un bond significatif dans notre performance de recyclage des emballages plastiques, notamment grâce à la généralisation du bac jaune depuis le 1er janvier 2023.

Les chantiers sont encore nombreux, et ma volonté reste intacte, celle de la France aussi. À ce titre, nous accueillerons très bientôt à Paris les négociations pour la signature du futur traité international sur les pollutions plastiques. Ce sera une occasion formidable pour partager cette ambition avec le monde entier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions. – M. Guillaume Chevrollier applaudit également.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier
Article 2

Article 1er

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 541-10-1 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages, y compris ceux susceptibles de l’être et ceux consommés hors foyer, les imprimés papiers, à l’exception des livres, émis, y compris à titre gratuit, par des donneurs d’ordre ou pour leur compte et les papiers à usage graphique, à destination des utilisateurs finaux qui produisent des déchets ménagers et assimilés ; »

b) Le 3° est abrogé ;

2° L’article L. 541-10-18 est ainsi modifié :

a) Le III est ainsi modifié :

– au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;

– le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le niveau de prise en charge de ces coûts est fixé par décret. » ;

– au début du troisième alinéa, les mots : « Par dérogation au deuxième alinéa du présent III, » sont supprimés ;

b) (Supprimé)

c) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :

« VII. – Sans préjudice des autres critères de modulation prévus à l’article L. 541-10-3, la modulation des contributions financières versées par les producteurs dont les produits sont soumis au régime de responsabilité élargie du producteur en application du 1° de l’article L. 541-10-1 prend la forme d’une prime accordée par les éco-organismes agréés lorsque ces produits contribuent à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent des critères de performance environnementale et que les dispositifs d’information d’intérêt général du public prévus au présent alinéa ne conduisent pas à augmenter la quantité d’emballages ou de papier graphique mis sur le marché. Les critères de performance environnementale portent notamment sur l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées.

« Les dispositifs d’information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets prévus au premier alinéa du présent VII ne peuvent avoir de visée publicitaire ou promotionnelle, y compris en faveur des entités bénéficiaires de ces dispositifs.

« Les modalités de mise à disposition gratuite des encarts d’information, leurs caractéristiques techniques et les critères de performance environnementale mentionnés au même premier alinéa sont définis par décret. » ;

3° L’article L. 541-10-19 est abrogé ;

4° Au second alinéa de l’article L. 541-10-25, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° ».

Article 1er
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Article 2 bis

Article 2

I. – L’article 1er entre en vigueur le 1er janvier 2023.

II. – Les agréments des éco-organismes mis en place par les producteurs des produits mentionnés au 1° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la présente loi, sont mis en conformité avec le même article 1er lors de leur prochain renouvellement, et au plus tard le 1er janvier 2024.

Article 2
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Articles 3 à 5

Article 2 bis

Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences de la présente loi, en particulier celles de la modulation des contributions financières de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les produits contribuant à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition d’encarts d’information.

Article 2 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 3 à 5

(Supprimés)

Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Articles 3 à 5
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois semaines après l’examen en séance publique de la présente proposition de loi, nous débattons une nouvelle fois de la fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et du papier, ainsi que du maintien de la presse dans ce dispositif. Absence d’étude d’impact, économie d’une deuxième lecture : nous regrettons autant de précipitation, pour une loi qui sera, quoi qu’il en soit, rétroactive.

Malgré l’accord trouvé en commission mixte paritaire, je ne suis toujours convaincu ni de la simplification apportée par cette fusion ni de la solidité juridique et politique d’un texte qui mutualise les écocontributions entre producteurs de déchets.

La rédaction de la commission mixte paritaire, à savoir le compromis adopté par le Sénat, maintient en vigueur ce que le droit européen nous reproche : le caractère non financier des contributions versées dans une filière REP.

Je me rangerai à l’avis du rapporteur de l’Assemblée nationale, qui a évoqué la possibilité que le texte « donne lieu à des décisions de justice du fait de la zone d’ombre dans laquelle nous nous sommes placés ».

La proposition de loi manque de clarté, et ses effets sont complexes à anticiper, que ce soit pour la presse, qui n’est pas complètement assurée d’être exonérée du caractère non financier de l’écocontribution, ou pour les autres producteurs, qui devront compenser les coûts d’une gestion des déchets dont ils ne sont pas responsables. Que devient alors le principe pollueur-payeur ? Dès lors, je regrette la suppression du rapport demandé par notre collègue Daniel Gremillet visant à évaluer l’impact de la prime accordée à la presse sur les autres contributeurs de la filière REP.

De surcroît, les enjeux ne sont pas identiques pour les deux filières fusionnées. Avant de combattre la production de papier issu de la presse, luttons contre la pollution des emballages ménagers, à commencer par le suremballage en plastique. Ne nous trompons pas de combat !

L’argument relatif à la régression environnementale résultant d’une sortie de la REP ne nous semble pas fondé, puisque les mêmes critères de performance environnementale pouvaient s’appliquer en dehors de la REP.

La commission mixte paritaire a d’ailleurs supprimé la précision selon laquelle ces critères ne pourront pas être moins exigeants que ceux qui existaient avant la réforme. Qu’il faille améliorer la performance du taux de collecte et de recyclage du papier, soit ; mais cela ne doit pas passer forcément par la réintégration de la presse dans une filière REP.

Nous sommes conscients que les collectivités locales craignent un manque à gagner d’une écocontribution sur la presse qu’elles ne perçoivent pas aujourd’hui. Mais cela n’apportera pas grand-chose rapportée au coût total du service public de gestion des déchets : une goutte d’eau de 15 millions d’euros à 20 millions d’euros dans un vaste océan de plus de 8,8 milliards d’euros.

Certes, quelqu’un paiera in fine : dans le premier cas, le contribuable local, dont le nombre est plus important ; dans le second cas, le lecteur, qui devient une espèce en voie de disparition. Cela se fera au profit d’une profusion de l’information rapide en ligne et des chaînes télévisées en continu, qui ne permettent pas d’aller au fond des sujets ou de s’intéresser au fonctionnement des institutions, et donc à l’exercice de la démocratie.

Non, les journaux ne sont pas des déchets. Ce sont des supports culturels, comme cela a été souligné par la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale ; cela ne pouvait pas être la commission de la culture du Sénat, puisqu’il n’y a pas eu d’avis… Le journal est tout aussi « vertueux » que le livre, et j’aurais souhaité que la commission de la culture du Sénat se prononce résolument en ce sens.

Cela a été dit à plusieurs reprises au sein de cet hémicycle : le maintien de la presse dans la REP visait à ne pas créer un « dangereux précédent ». Espérons précisément que ce texte n’en crée pas un pour intégrer ultérieurement les livres. Certaines associations demandent d’ailleurs à rompre avec la logique de l’exemption des livres et calculent qu’une écocontribution pourrait rapporter 10 millions d’euros à 15 millions d’euros. Soyons tout de même vigilants quant au message que nous envoyons.

Enfin, il a été acté à la dernière minute que le taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets par les éco-organismes serait renvoyé au décret. Il s’agit d’un recul supplémentaire.

Mes chers collègues, je ne conteste absolument pas le bien-fondé de la REP. C’est un système qui a fait ses preuves. Je m’interroge simplement sur l’efficacité du dispositif retenu par la proposition de loi par rapport à tous les inconvénients que je viens de citer.

Le texte de la commission mixte paritaire n’a pas fondamentalement évolué par rapport au texte initial. Aussi, par cohérence, le groupe RDSE, qui n’est pas plus rassuré qu’en première lecture, pour les raisons précédemment développées, votera contre la proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

La commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte équilibré et ambitieux pour l’économie circulaire, qui conserve de nombreux dispositifs du Sénat. Je m’en réjouis et tiens à saluer ici le travail de mes collègues, plus particulièrement de notre rapporteure, Marta de Cidrac.

La proposition répond à présent pleinement aux deux objectifs qu’elle s’était fixés : d’une part, fusionner deux filières à responsabilité élargie des producteurs, celle des emballages ménagers et celle des papiers ; d’autre part, permettre, notamment pour les éditeurs de publications de presse, de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets. Bien qu’assez technique, comme de trop nombreux textes, elle aura des effets très positifs pour le secteur de la presse et pour nos territoires.

Je le disais au début de cette intervention, l’un des grands apports de ce texte est le maintien de la presse dans la filière REP. C’est un acquis décisif auquel le Sénat était très attaché, l’État ayant manqué d’anticipation en la matière.

Notre collègue Didier Mandelli avait d’ailleurs souligné qu’exclure la presse de la REP aurait constitué un dangereux précédent, un manque à gagner pour le service public de gestion des déchets et une régression environnementale et juridique. Je ne peux qu’abonder en ce sens.

Ensuite, si l’on entre plus au cœur des dispositions de cette proposition de loi, on peut se féliciter de la création d’un dispositif qui va bénéficier à toutes les publications de presse et aider ce secteur confronté à de graves difficultés.

En effet, l’article 1er permet, via des écomodulations, que le montant de la contribution financière des produits assujettis à la nouvelle REP fusionnée puisse être modulé sous forme de prime, lorsque ces produits contribuent à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets.

Le bénéfice de cette modulation est ainsi conditionné au fait que les dispositifs ne conduisent pas à augmenter la quantité d’emballages. Il est aussi précisé qu’ils ne pourront pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle. Les critères de modulation prévus à l’article L. 541-10-3 du code de l’environnement pourront continuer à s’appliquer aux produits assujettis à la filière REP d’emballages ménagers et de papier.

Par ailleurs, le financement et le fonctionnement du service public de gestion des déchets, géré par les collectivités territoriales, sont garantis par le texte. C’est une bonne chose au moment où les marges de manœuvre financières de nos territoires se réduisent. Ne l’oublions pas, la gestion des déchets reste un enjeu majeur qui soulève de nombreuses interrogations dans les territoires.

Il reviendra néanmoins au pouvoir réglementaire de déterminer les taux de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets d’emballages ménagers et de papiers.

Enfin, l’article 2 entérine l’entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de l’article 1er et, à la suite d’un amendement de notre rapporteure, précise que les agréments des éco-organismes concernés devront être mis à jour au plus tard le 1er janvier 2024, date avant laquelle leur renouvellement est prévu.

L’article 2 bis, issu quant à lui d’un amendement de notre collègue Daniel Gremillet, garantit un suivi effectif des impacts de la loi, en particulier celui de la modulation des contributions financières de la filière REP pour la presse, par le biais d’un rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement.

Ainsi, la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier comporte de nombreuses avancées dont nous pouvons réellement nous réjouir. Elle vient répondre aux attentes des différentes filières concernées, en préservant l’intégrité de la filière REP et en y maintenant la presse. Elle n’aggrave pas les finances du service public de gestion des déchets et offre de véritables garanties environnementales.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la circularité de notre économie nous fait entrer dans la réalité de la lutte contre le gaspillage et une production de déchets envisagée de manière responsable.

Le mot sobriété, que nous entendons régulièrement, s’applique particulièrement à cette nouvelle forme de production et de consommation.

Nous consommons mieux – c’est du moins ce que nous souhaitons – et, surtout, nous innovons, afin de faire évoluer nos modes de vie. L’industrie verte s’invite dans nos débats. Nos réflexions se tournent vers la décarbonation et une pollution limitée. L’économie circulaire fait partie intégrante de notre futur et de la vision d’une écologie libérale qui allie responsabilité, économie, investissements, développement et préservation de notre environnement.

Je salue le travail fourni par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en particulier par la rapporteure de ce texte, Marta de Cidrac. Les deux assemblées sont parvenues à un accord en commission mixte paritaire, gardant beaucoup de ce que le Sénat avait inséré et renonçant à beaucoup de ce qu’il avait supprimé.

La fusion des deux filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier est la bienvenue. Cela suit, de manière logique, ce que nous avions déjà organisé au moment de la loi Agec.

Le point qui a particulièrement attiré mon attention est celui du sort de la presse écrite. Nous avons tous été alertés, notamment par notre presse quotidienne et hebdomadaire régionale. Leur contribution financière s’élèverait à plusieurs millions d’euros. Chacun sait la situation de crise que traverse cette presse écrite, notamment régionale.

Il y a la crise du papier, comme matière première, avec des prix qui augmentent significativement. En tout cas, ils augmentent assez pour que cela soit un enjeu pour le secteur.

Il y a aussi un abandon du format papier en faveur du format électronique. La numérisation a également provoqué l’arrivée des réseaux sociaux dans la vie des Français. Les citoyens s’informent différemment, sur des formats qui évoluent bien plus vite que nos politiques publiques.

À ce sujet, j’aimerais une fois de plus alerter sur l’utilisation que nous faisons des réseaux sociaux. À l’heure où nous évoquons la place que prend l’intelligence artificielle dans nos vies, nous sommes inévitablement bien plus exposés aux fausses informations et aux enjeux de vérification.

En l’état, cela fragilise notre démocratie. Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est Barack Obama, dans un article paru voilà quelques mois dans le journal The Atlantic. Un citoyen bien informé est un électeur qui peut prendre en compte tous les paramètres d’une élection et arriver prêt devant un bulletin de vote.

Voter en conscience, c’est avoir la maîtrise de notre avenir. Une presse écrite et de qualité est au fondement de notre système et de notre destin. C’est vrai à l’échelon national, mais également vrai à l’échelon local.

Nous avons la chance d’avoir des presses écrites locales de qualité qui sont largement lues. Elles sont un des ciments des territoires et mettent en lumière leur dynamisme et leur rythme de vie. Bien que le secteur soit en difficulté – nous le savons tous –, il reste essentiel.

C’est dans cette perspective que le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait été très attentif à la rédaction retenue de l’article 1er de cette proposition de loi. Nous connaissons aussi le poids, notamment financier, pour les collectivités territoriales chargées de la gestion des déchets. L’équilibre est complexe à trouver.

La rédaction finale, qui permet la modulation des contributions financières, conserve la possibilité de mise à disposition gratuite d’encarts d’information, afin d’informer sur la prévention et la gestion des déchets. La presse sait très bien le faire : qu’elle continue et participe à la sensibilisation de nos citoyens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (M. Joël Bigot applaudit.)

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout l’enjeu de ce texte était de parvenir à l’équilibre délicat entre le respect des obligations environnementales de la responsabilité élargie des producteurs, l’efficacité du service public de gestion des déchets assuré par les collectivités et l’équilibre économique de la presse écrite, qui souffre depuis plusieurs années.

Il est indispensable que les producteurs intègrent un coût de prévention et de gestion des déchets dans leur produit, pour les inciter à l’écoconception.

Il s’agit de faire payer les producteurs pour les déchets qu’ils créent et de les pousser à concevoir des produits triables, recyclables ou réemployables.

C’est chose faite, puisque la commission mixte paritaire a, pour l’essentiel, conservé la rédaction proposée par le Sénat. Je salue le judicieux tour de passe-passe de notre rapporteure, qui maintient la presse dans la filière REP. Cette solution évite une régression environnementale, ainsi que la création d’un précédent risqué qui aurait affaibli les REP.

Une telle mesure évite également – c’est peut-être l’essentiel – un manque à gagner bien lourd pour les collectivités territoriales. Elles ont besoin de ces contributions pour assurer leur service public de gestion des déchets.

Ce compromis nous satisfait donc partiellement, dans la mesure où la ligne rouge n’est pas franchie : en maintenant la filière presse dans la REP papier, le principe pollueur-payeur, qui nous est cher, est préservé.

Nous serons maintenant vigilants sur les modalités de mise en œuvre de la contribution en nature et veillerons à son efficacité, car la crainte d’une contagion est légitime. D’autres filières, notamment celle des emballages, pourraient prétendre à l’écomodulation. Nous espérons donc, madame la rapporteure, qu’aucune ambiguïté ne subsistera et que l’application de ce texte évitera tout risque de contagion.

Nous soutenons la précision apportée en commission mixte paritaire pour que les dispositifs d’information d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets ne puissent pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle. Nous regrettons en revanche la suppression de la précision selon laquelle les critères qui conditionnent l’octroi de la modulation à la presse ne pourront être moins exigeants au niveau environnemental que ceux qui existaient dans le droit antérieur.

Cette disposition, que les deux groupes écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat défendaient, est considérée comme étant source de confusion par le député auteur de la proposition de loi. Nous pensons au contraire qu’elle levait toute ambiguïté et apportait de la clarté sur le niveau d’exigence environnementale requis.

Mais la commission mixte paritaire n’en est pas restée là. Elle modifie de façon substantielle un mécanisme central du fonctionnement des filières REP et des contributions des éco-organismes tels qu’ils sont prévus par la directive déchets de 2018 et par la loi Agec, à savoir la question du taux de couverture.

La loi garantit le taux de couverture par la REP des coûts de gestion des déchets supportés par les collectivités : 50 % pour les papiers, 80 % pour les emballages.

Or, à ce jour, ce taux n’est pas respecté par les éco-organismes : autour de 20 % pour les papiers et 50 % pour les emballages.

Pour 2023, les pouvoirs publics ont évalué à environ 105 millions d’euros la somme que devrait verser Citeo aux collectivités pour couvrir 50 % des coûts des déchets papier. En 2021, cette filière a généré seulement 63 millions d’euros. Cela fait tout de même un écart.

Tout l’enjeu est donc de faire progresser d’une quarantaine de millions d’euros les versements aux collectivités. La presse exonérée représentant 17 % du gisement contribue naturellement à entretenir ce retard.

La commission mixte paritaire a donc décidé de renvoyer par voie réglementaire le niveau de prise en charge des coûts de collecte et de gestion des déchets de papiers graphiques. Ils ne seront donc plus inscrits dans la loi.

En d’autres termes, en renvoyant le sujet à un décret, on ouvre la voie à des négociations entre acteurs sur la répartition de la contribution globale : une facture de l’ordre de 950 millions d’euros au total pour l’ensemble de la nouvelle REP.

Il reste donc des incertitudes et une certaine confusion pour l’avenir.

Ainsi, le compte rendu de la commission mixte paritaire, où le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’a pas de représentant, ne traite pas clairement des modalités de transfert des contributions financières dues par la presse papier vers d’autres acteurs de la nouvelle filière fusionnée.

Quels metteurs en marché accepteront de compenser l’exonération accordée à la presse ? Comment les producteurs d’emballages combleront-ils le manque ? Est-ce juridiquement assez solide ?

Nous espérons en tout cas que les collectivités ne seront pas affectées et que les coûts qui seront estimés nécessaires à la bonne gestion des déchets d’emballage et de papier ne seront pas réévalués à leur détriment.

L’État doit mieux jouer son rôle de régulateur et s’assurer que les producteurs versent ce qu’ils doivent aux collectivités.

Pour toutes ces raisons, comme en première lecture, nous optons pour une abstention fort bienveillante. (Sourires.) Nous saluons les évolutions constructives qu’a connues le dispositif et nous serons attentifs aux modalités de sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Michel Dagbert. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est tenue le jeudi 30 mars dernier a permis d’aboutir à un accord entre nos deux assemblées, que le groupe RDPI considère comme équilibré.

L’esprit initial de cette proposition de loi était d’acter les synergies générées par la filière REP des producteurs d’emballages ménagers et par celle des papiers graphiques et imprimés.

La loi Agec du mois de février 2020 prévoyait déjà que, pour contribuer à l’efficacité du tri, les collectivités territoriales et leurs groupements veillent à ce que la collecte séparée des déchets d’emballages et des papiers à usage graphique soit organisée selon des modalités harmonisées sur l’ensemble du territoire national.

Elle prévoyait également une transition vers un dispositif harmonisé, en s’appuyant sur le renouvellement naturel des parcs de contenants de collecte, avec pour objectif un déploiement effectif de ce dispositif sur l’ensemble du territoire national au plus tard le 31 décembre 2022.

Désormais en place sur la quasi-totalité du territoire, ce prérequis nécessaire à la fusion des deux filières est rempli ; la fusion est désormais naturelle.

Le sujet qui a le plus créé de difficultés est bien évidemment l’exemption de la presse des obligations de la filière REP ainsi fusionnée.

Initialement, notre collègue député Denis Masséglia proposait d’exclure les publications de presse de la filière REP dès lors qu’elles auraient conclu une convention de partenariat, convention qu’il se proposait de créer pour tenir compte des évolutions du secteur de la presse écrite.

Une telle convention conclue entre le ministre chargé de l’environnement, le ministre chargé de la communication et les organisations professionnelles d’entreprises de presse représentatives devait préciser les modalités de mise à disposition d’espaces de communication destinés à informer le public sur la transition écologique, et ce à titre gracieux.

Étaient donc dispensées du principe pollueur-payeur les publications de presse ayant signé une convention de partenariat avec l’État.

Notre rapporteure a proposé une modification radicale de cette mesure avec la réintégration de la presse dans la filière REP et l’instauration d’une écomodulation pour les produits de la REP contribuant à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent des critères de performance environnementale.

En séance publique, notre groupe avait soutenu un amendement de notre collègue Jean-Claude Requier qui visait à rétablir la version proposée par l’Assemblée nationale. À la suite du rejet de cet amendement par le Sénat, nous nous étions opposés à la proposition de loi dans son ensemble pour trois raisons principales.

Tout d’abord, la version votée pouvait contrevenir à la directive européenne relative aux déchets de 2018, entraînant un risque important de contentieux juridique. En cas de recours, la presse aurait pu se retrouver à devoir payer une écocontribution de façon rétroactive sans solution de remplacement.

Ensuite, le choix des critères pouvait ouvrir le bénéfice du dispositif à d’autres organismes que celui de la presse ; c’était un précédent au sein de la REP nouvellement constituée. Ce risque d’appel d’air aurait eu des conséquences sur le montant global des écocontributions et in fine sur les objectifs environnementaux.

Enfin, il imposait aux autres opérateurs d’être solidaires du secteur, alors que certains d’entre eux sont également soumis à des contraintes économiques importantes.

Aujourd’hui, le texte de la commission mixte paritaire confirme le maintien de la presse dans la filière REP issue de la fusion et comporte quelques modifications importantes.

Il indique que les encarts d’information d’intérêt général du public ne doivent pas conduire à augmenter la quantité d’emballage ou de papier graphique et ne peuvent pas avoir de visée publicitaire ou promotionnelle.

Il précise en outre que les critères de performance environnementale portent notamment sur l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées.

Le dispositif final n’est sans doute pas parfait, mais il est néanmoins équilibré et semble, à nos yeux, acceptable pour tous. C’est pourquoi, en tenant compte des discussions qui ont eu lieu durant la commission mixte paritaire et des évolutions du dispositif final aboutissant à un compromis équilibré, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Michel Laugier et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Joël Bigot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi, dont l’objet initial était d’exempter le secteur de la presse de ses obligations environnementales.

Alors que les filières REP créées par la loi Agec se constituent encore, notre groupe estimait que l’introduction d’une dérogation de ce type pouvait concourir à une déstabilisation du principe pollueur-payeur, auquel nous restons très attachés.

Il ne s’agit pas d’opposer, d’un côté, la presse, dont nous comprenons les difficultés, de l’autre, les collectivités territoriales chargées de la gestion du service public des déchets. Le législateur a le devoir de veiller à l’application de la loi, si dure soit-elle, mais c’est la loi !

Ainsi, les discussions entre nos deux assemblées ont permis de maintenir le secteur de la presse dans une filière REP, ce qui est une bonne chose. Cela correspond au souhait que nous avions exprimé lors de l’examen du texte.

Il me semble que le consensus trouvé en commission mixte paritaire est de nature à apaiser les tensions, en renvoyant finalement à l’État, par le biais de décrets, la responsabilité du niveau de prise en charge des coûts ou encore les modalités de mise à disposition d’encarts d’information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets.

Il s’agit donc de poursuivre un régime dérogatoire qui devait s’arrêter cette année et ainsi permettre à la presse écrite de faire face à ses difficultés dans de meilleures conditions. Nous pouvons tout de même saluer le fait que la voix du Sénat ait été entendue dans le texte final.

Toutefois, ce texte ne présente pas, selon nous, toutes les garanties d’un bon compromis, car il crée un précédent qui attirera mécaniquement de nouvelles demandes d’exemption émanant de secteurs fragiles au sein d’autres REP, voire d’acteurs issus de la REP papier comme l’industrie papetière, qui traverse également une importante crise tout en continuant malgré tout à payer son écocontribution.

Ce n’est pas anodin, mes chers collègues, et les observateurs avertis ne s’y trompent pas, lorsqu’ils distinguent au travers de cette proposition de loi une petite révolution par la remise en cause implicite de la prise en charge des coûts du service public de gestion des déchets.

Le pouvoir réglementaire aura donc toute latitude pour moduler cette prise en charge sans l’aval du Parlement. Cette modification, en dépit des précautions prises, occasionnera sans nul doute une contagion des requêtes d’exception.

Dans tous les cas, il est crucial que les collectivités territoriales chargées du service public de la gestion des déchets soient étroitement associées à l’élaboration des décrets prévus par cette loi.

Malgré le travail d’orfèvrerie légistique des deux rapporteurs, nous demeurons circonspects quant au texte final qui nous est soumis. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons, avec néanmoins toute la bienveillance que nous devons à Mme la rapporteure.

Alors que bon nombre de filières REP se constituent parfois dans la douleur, j’espère sincèrement que cette loi ne donnera pas lieu à d’autres initiatives conjoncturelles mettant à mal le principe pollueur-payeur, qui fait consensus sur l’ensemble des travées de notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi sur la fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier est arrivée en débat avec l’aide du groupe Renaissance de l’Assemblée nationale et inscrite en priorité à l’ordre du jour à la demande du Gouvernement.

Elle vise en réalité à mettre en œuvre des dispositions prévues dans la loi Agec, votée en 2020. Certaines dispositions pour faciliter le tri sont d’ailleurs déjà lancées à la suite de l’adoption de cette loi. D’autres tardent un peu à s’étendre, comme les restrictions sur les prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres.

La question des déchets et de leur traitement est importante en termes de gestion et de gaspillage de nos ressources, mais la proposition de loi sur laquelle nous votons aujourd’hui n’apporte pas particulièrement d’avancée à ce sujet, alors qu’il y a urgence.

Les alertes sur la pollution de l’eau sont montées d’un cran ces dernières semaines. Il ne s’agit pas d’une nouveauté, puisque, au-delà des pesticides que le Gouvernement laisse toujours se répandre dans nos sols et dans notre eau, les microplastiques sont aussi présents dans les cours d’eau et les océans depuis de nombreuses années. Cela nous rappelle que nos efforts sont très insuffisants et qu’il nous faut agir davantage.

La fin des emballages plastiques pour les fruits et légumes doit bientôt arriver. Enfin ! Cela devrait avoir un effet positif sur notre santé, avec au moins un milliard d’emballages plastiques par an évités, d’après la ministre chargée de l’écologie de l’époque.

Il se pourrait donc que le tonnage de déchets diminue, ce qui aura aussi une conséquence à la baisse sur l’écocontribution. C’est ce que cette proposition de loi a le mérite de tenter d’anticiper, en constatant la réduction des moyens disponibles pour assurer le recyclage et le traitement des emballages ménagers et du papier et en proposant une fusion qui devrait garantir tout à la fois une meilleure lisibilité et une réduction des coûts de fonctionnement.

Permettez-moi de dire que tout n’est pas à jeter dans cette proposition de loi sur les déchets ! (Sourires.)

Cela paraît cependant un peu léger, y compris pour garantir le ramassage et le traitement des emballages et du papier, alors que les collectivités manquent déjà de moyens. Dans certaines communes, la réduction de la collecte finit parfois par reposer sur les usagers, qui entassent leurs déchets ou qui voient apparaître de nouveau de véritables décharges sauvages dont personne ne veut.

Nous allons maintenir notre vote de première lecture, car la disposition permettant à la presse d’être considérée comme un objet différent d’un papier classique et qui favorisait les contributions en nature et pédagogiques plutôt qu’une écocontribution financière n’a pas été conservée.

Une vraie réforme est à mener sur la presse écrite, comme sur la presse numérique et audiovisuelle d’ailleurs, à la fois pour favoriser l’indépendance des médias, quel que soit leur format, et pour garantir un financement nécessaire à l’existence du pluralisme de l’information et du débat public.

La discussion ne peut pas porter uniquement sur la question de l’écocontribution, qui, en l’espèce, vient simplement déstabiliser un peu plus la situation économique de la presse écrite, dont nous connaissons les difficultés.

C’est pourquoi le groupe CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Michel Laugier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si je m’exprime au nom du groupe Union Centriste, je prends également la parole devant vous au titre de mes fonctions de rapporteur pour avis de la commission de la culture sur les crédits de la presse dans le cadre du projet de loi de finances.

La commission mixte paritaire à laquelle j’ai participé le jeudi 30 mars dernier a abouti à un accord.

Sous des aspects techniques, dont le titre porte bien témoignage, le propos de ce texte était en réalité fort simple : fallait-il imposer à la presse, confrontée à une hausse massive des coûts et à la crise de son modèle économique, une charge financière supplémentaire d’une vingtaine de millions d’euros de compensation de l’écocontribution en nature à Citeo à compter du 1er janvier 2023 ?

Le rapport d’information que j’ai présenté devant la commission de la culture au mois de juillet dernier a conclu par la négative. La presse aux abois est trop importante pour notre démocratie. Ne fragilisons pas davantage ses fondements économiques ! Si elle peut et doit contribuer à la révolution écologique, d’autres moyens existent.

Ce constat, il faut le dire, a fait l’unanimité, à tel point que l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui reprenait et mettait en œuvre nos recommandations. Cependant, le texte de nos collègues députés reportait in fine la charge sur les collectivités locales ; tel n’était évidemment pas notre objectif.

J’avais d’ailleurs insisté dans mon rapport d’information sur la dette accumulée par l’État envers la presse, en promesses de crédits d’impôt bien mal tenues – 150 millions d’euros – et en amende à l’encontre de Google – 500 millions d’euros –, intégralement captée par le budget général.

Ce pas de l’État en direction de la presse, bien modeste en réalité, les députés n’ont pas souhaité le faire. Ils ont donc choisi les poches réputées profondes des collectivités ; les élus locaux présents ici savent bien ce qu’il en est…

Face à cette situation, la rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Marta de Cidrac, a mené un travail d’analyse et de conviction que je n’hésite pas à qualifier de remarquable.

La solution qu’elle a proposée permet de répartir la charge sur l’ensemble de la filière, ce qui me paraît plus judicieux. La presse continuera à contribuer, comme elle souhaite d’ailleurs le faire, sous forme d’encarts de sensibilisation au tri.

La solution proposée, je le sais, apparaît comme moins satisfaisante pour le secteur de la presse. J’ai bien entendu les différents points de vue exprimés. Je le dis cependant clairement : il y avait un fort risque que le texte de l’Assemblée nationale ne soit pas adopté du tout, un nouveau vote en dernière lecture étant pour le moins incertain.

Il faut en finir avec les politiques d’autant plus généreuses qu’elles sont prélevées dans les poches des autres…

Dès lors, la balle est maintenant dans le camp du Gouvernement, qui devra faire en sorte que la claire volonté du législateur, exprimée par la proposition du Sénat en juillet, les votes convergents des deux assemblées et le succès de la commission mixte paritaire, soit bien respectée.

La contribution de la presse, telle qu’elle sera arrêtée dans le décret prévu à l’article 1er, doit se limiter à une participation en nature. J’insiste sur ce point, madame la secrétaire d’État, et j’attends de vous un engagement ferme, à même de rassurer l’ensemble de la filière.

Avec ce texte et cette heureuse conclusion, je me félicite que le Sénat, qui est à l’initiative et à la conclusion de cette proposition, ait pu jouer pleinement son rôle. Je remercie une dernière fois très chaleureusement Marta de Cidrac de son talent à emporter la conviction de tous.

Le groupe Union Centriste votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 274 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 253
Pour l’adoption 239
Contre 14

Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je suis heureux de l’issue de nos travaux : nous maintenons le papier et l’emballage dans une filière REP. Je veux en cela remercier notre rapporteure, Marta de Cidrac, qui a su nous proposer des solutions judicieuses.

Je salue aussi le travail réalisé avec la commission de la culture, en particulier avec son président et Michel Laugier ; nous avons réussi, ensemble, à aboutir à ce résultat. Il est très important que les commissions permanentes coopèrent pour améliorer les dispositions qui sont soumises à notre examen.

Je veux remercier Mme la secrétaire d’État, qui a été particulièrement présente au Sénat cette semaine (Sourires.) et qui s’est impliquée dans l’examen du texte.

Pour conclure, je veux insister sur un point : madame la secrétaire d’État, comme l’a dit Michel Laugier, je souhaite que le Gouvernement respecte pleinement la volonté du législateur. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier
 

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Justice dans les outre-mer

Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur l’état de la justice dans les outre-mer.

Dans le débat, la parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à titre liminaire me réjouir de l’initiative du groupe auquel j’appartiens, qui a souhaité l’organisation de ce débat sur l’état de la justice dans les outre-mer.

Si la justice, mission régalienne de l’État – on n’a pas toujours l’impression que ce soit le cas outre-mer ! –, est sans conteste en grande difficulté dans l’Hexagone, elle est déjà, en outre-mer, dans un état de faillite avancée dans sa dimension tant humaine, morale et matérielle que structurelle.

L’avocat guyanais Me Patrick Lingibé, actuel vice-président de la conférence des bâtonniers, dénonce « l’état parfois comateux » de la justice en outre-mer.

Ces territoires, qui font pourtant la grandeur de la France en matière de géopolitique et de puissance maritime, sont éloignés de la République en termes de développement économique et social, mais aussi en ce qui concerne l’institution judiciaire.

En 2023, les territoires d’outre-mer présentent encore de nombreuses caractéristiques d’un retard en matière démographique, sociale et économique qui, d’une part, les distingue significativement de l’Hexagone, d’autre part, pèse sur l’activité des juridictions et des services déconcentrés de l’État.

L’accès au droit y est particulièrement précaire dans un contexte de grande pauvreté et de fracture numérique, largement supérieures à ce qui est observé sur le territoire hexagonal. Le récent rapport de la Défenseure des droits le confirme clairement.

L’accès au droit est un principe fondateur de l’État de droit, dont l’une des dimensions fondamentales est de garantir à tous un accès égal à l’ensemble des prestations de justice qui existent dans une société démocratique. L’aide juridictionnelle permet à celles et ceux qui n’en ont pas les moyens de faire valoir de manière effective leurs droits auprès des juridictions.

Pourtant, la réalité est parfois tout autre pour les justiciables ultramarins : ils n’ont pas accès à leurs droits, parce qu’ils ont le tort de vivre sur des territoires considérés comme trop éloignés.

À titre d’exemple, il faut savoir que les citoyennes et les citoyens habitant Wallis-et-Futuna n’ont pas nécessairement accès à un avocat quand ils en ont besoin, pas plus que celles et ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ainsi, des personnes placées en garde à vue n’ont aucune possibilité d’avoir un avocat à leurs côtés à cause de l’éloignement.

Quant à la fracture numérique, elle existe bel et bien en outre-mer. Or le Gouvernement a annoncé un plan de transformation numérique avec un horizon fixé pour 2027 : un ministère de la justice entièrement numérisé, donc zéro papier… Cet objectif optimiste contraste radicalement avec les réalités ultramarines et cette digitalisation de l’institution judiciaire, pensée par la Chancellerie, est aujourd’hui profondément inadaptée pour les outre-mer.

Un rapport d’information du Sénat du 9 juillet 2020, fait au nom de la délégation aux outre-mer par Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar, a mis en exergue les effets dévastateurs du confinement dans certaines parties des territoires ultramarins qui sont restées isolées en l’absence de réseau internet efficient ou accessible.

La question des moyens humains et matériels est fondamentale. La sous-dotation chronique des moyens dévolus à la justice en outre-mer a fait l’objet de nombreuses alertes et préconisations.

Je prends l’exemple de la revalorisation de l’unité de valeur au profit des avocats ultramarins, qui doivent parfois se déplacer en avion ou en bateau pour aller défendre leurs clients. Une telle mesure permettrait d’apporter une réponse à des justiciables qui se trouvent privés d’avocats en l’absence de tout dispositif de prise en charge.

Dans un contexte de défiance importante vis-à-vis des institutions, les services judiciaires sont, en raison de leur mission régalienne, particulièrement exposés aux tensions sociales et à l’insécurité chronique que connaissent certains territoires ultramarins. La crise de confiance est majeure dans l’Hexagone ; elle est totalement désastreuse en outre-mer.

Le dernier épisode dans le scandale du chlordécone – un non-lieu décidé après dix-sept années de procédure – va assurément augmenter cette crise de confiance envers la République et sa justice. L’argumentation juridique n’a malheureusement plus aucune portée ou pertinence lorsque l’on n’utilise pas la même langue ou les mêmes codes sociétaux que dans l’Hexagone.

La justice suscite globalement une grave défiance outre-mer. Ainsi, il ressort d’une enquête réalisée par le cabinet Odoxa en 2021 pour le Conseil national des barreaux et étendue, pour la première fois, aux outre-mer que 58 % des Ultramarins affirment qu’il est difficile de faire valoir ses droits.

La situation des établissements pénitentiaires y est particulièrement préoccupante. En 2019, à deux reprises, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié en urgence des recommandations, sur le fondement de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007, à la suite de la constatation de violations graves des droits fondamentaux des personnes incarcérées dans les centres pénitentiaires de Rémire-Montjoly, en Guyane, et de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Nous savons que les prisons françaises sont surpeuplées, mais elles le sont plus encore outre-mer. Au 1er novembre 2022, il y avait 4 479 places disponibles pour 5 510 détenus outre-mer, soit une densité carcérale de 123 %, légèrement supérieure à celle de l’Hexagone, qui est de 119,7 %, avec 56 219 places disponibles pour 67 299 détenus.

Mais la problématique carcérale ultramarine ne réside pas tant dans son taux de suroccupation que dans les conditions indignes et inhumaines de détention, qui ont souvent été décriées.

D’ailleurs, il est à relever que, dans l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 30 janvier 2020 condamnant la France pour des traitements dégradants et de mauvaises conditions de détention, en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, sur les neuf établissements pénitentiaires mis en cause par les trente-deux requérants, trois se trouvaient en outre-mer : Ducos en Martinique, Faa’a-Nuutania en Polynésie française et Baie-Mahault en Guadeloupe.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la section française de l’Observatoire international des prisons n’ont cessé de dénoncer l’indignité qui résulte des conditions carcérales dans certains établissements pénitentiaires en outre-mer.

Ce contexte rend particulièrement délicat le recrutement de personnels de justice dans certains de ces territoires. La prise de poste y est parfois extrêmement difficile, surtout pour les magistrats et les greffiers sortant directement des écoles de formation.

De façon générale, les services publics ultramarins posent des problèmes aux citoyennes et aux citoyens. On constate régulièrement une situation de maltraitance institutionnelle ; les réponses qui y sont apportées sont souvent inappropriées.

À ce titre, les conditions matérielles d’accueil des magistrats et des agents affectés dans ces territoires doivent être prises en compte de façon systématique pour faciliter la prise de poste. A minima, un mécanisme d’avance sur rémunération et un accompagnement individualisé pour l’installation sur place sont indispensables. Le taux d’absentéisme dans les services judiciaires atteint un niveau supérieur à la moyenne nationale, le taux de rotation est particulièrement élevé et l’ancienneté moyenne est bien inférieure à celle que l’on constate à l’échelle nationale.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’être présent devant nous aujourd’hui, mais j’aurais souhaité que votre collègue garde des sceaux soit à vos côtés pour répondre également sur ces problématiques. Il nous manque un maillon de la chaîne qui a aussi son importance !

Des solutions correctives sont parfaitement possibles, à condition d’y mettre une volonté très forte et des moyens financiers adaptés. Cela permettrait d’obéir aux principes de notre République, mais aussi d’apporter des réponses adéquates aux populations des différents territoires d’outre-mer.

Monsieur le ministre, votre gouvernement est-il prêt à répondre aux problématiques qui se posent de façon régulière dans nos territoires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Jasmin, je veux d’abord vous remercier d’avoir choisi de mettre en avant cet après-midi un sujet ultramarin, tant j’ai de l’intérêt à venir échanger avec vous. Je tiens à vous exprimer ma profonde volonté d’agir sur les difficultés spécifiques de ces territoires.

Je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, qui est retenu par d’autres engagements. Vous savez qu’il porte une attention toute particulière aux territoires ultramarins, comme je vais essayer de le démontrer. J’ai des échanges réguliers avec lui sur les sujets qui nous sont communs. Les avances déjà effectuées ou en cours sur ces sujets sont considérables.

Je précise d’emblée que je ne pourrai pas, comme vous le savez, répondre sur les affaires en cours, pas plus que n’aurait pu le faire le garde des sceaux. Mais c’est avec plaisir que je vais tenter d’apporter des éclairages sur vos préoccupations.

Comme dans d’autres domaines, l’action du Gouvernement en la matière est empreinte à la fois de volontarisme et de pragmatisme. Il nous faut regarder les actions d’aujourd’hui et non pas seulement les rapports publiés voilà plusieurs années ; beaucoup a justement été fait à la suite de ces rapports ! Pragmatisme et volontarisme : c’est précisément ce vers quoi le Défenseur des droits voulait nous amener dans le rapport que vous avez évoqué, madame la sénatrice.

Je veux à présent vous répondre plus précisément sur les points que vous avez soulevés.

La politique de conciliation est essentielle, je vous rejoins sur ce point. Dans chacun des deux départements antillais, deux conciliateurs ont pu être recrutés en 2022. Cela est encore insuffisant, je le conçois, mais les juridictions poursuivent des campagnes de recrutement.

Les Antilles bénéficieront, comme l’ensemble du territoire, du large déploiement de la politique de l’amiable, l’une des suites des États généraux de la justice. Nos concitoyens souhaitent que leurs litiges puissent avancer. Or, parfois, la médiation ou d’autres modes de règlement des différends répondent mieux à leurs préoccupations que le recours à la justice en tant que telle.

Sur votre souhait que la justice soit rapprochée des concitoyens, je peux vous répondre que le garde des sceaux a fait de la justice de proximité, depuis bientôt trois ans, une priorité essentielle de son action.

Les hausses inédites que connaît le budget de la justice durant ces années profitent à tous : 68 personnels contractuels sont arrivés en outre-mer dans le cadre du déploiement de cette justice de proximité. La Chancellerie a bien pris en considération les recommandations du Défenseur des droits et procédera prochainement à un recensement des audiences foraines existantes et des besoins concrets des juridictions en la matière.

Vous pointez à juste titre l’aide juridictionnelle, sujet nécessairement lié au contexte budgétaire contraint que nous connaissons tous. Je crois cependant comprendre que mon collègue garde des sceaux est prêt à étudier certaines évolutions en la matière, en sachant bien que cela devra reposer en même temps sur des engagements des avocats, ainsi que sur une réflexion sur l’évolution des modalités du recours, dans certains cas, à la visioconférence. Sachez en tout cas que la Place Vendôme examine cette question avec attention, notamment pour Wallis-et-Futuna, où je me suis rendu voilà peu.

Au-delà, ce sujet rejoint celui du coût de la vie dans les outre-mer, sujet qui, comme vous le savez, fait lui aussi l’objet de perspectives précises que le ministre de l’intérieur et des outre-mer et moi-même portons. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la revalorisation de l’unité de valeur ne fait pas partie des évolutions envisagées.

Je souhaite plus largement revenir sur l’intitulé du débat de ce jour : l’état de la justice dans les outre-mer. Mon collègue garde des sceaux est pleinement conscient que cet état n’est pas toujours parfait, pas plus qu’il ne l’est d’ailleurs dans l’Hexagone, mais cela résulte, vous le savez bien, d’une très longue histoire.

Les hausses importantes du budget de la justice au cours des dernières années permettent cependant d’entrevoir de potentielles améliorations.

De nombreuses créations de postes ont eu lieu : 108 postes de magistrats et de fonctionnaires ont été créés dans les services judiciaires depuis 2018, dont 71 dans les deux dernières années ; dans l’administration pénitentiaire, on est passé entre 2020 et 2023 de 2 800 à 2 932 postes en outre-mer, soit autant de postes supplémentaires permettant aux Ultramarins, très nombreux dans l’administration pénitentiaire, de revenir exercer leurs fonctions sur le territoire dont ils sont originaires. Ces renforts sont importants, mais ils sont loin d’être suffisants ; je le reconnais volontiers.

Le garde des sceaux a pris en compte les difficultés majeures d’attractivité de plusieurs départements, notamment Mayotte et la Guyane – c’est le problème principal pour les recrutements –, et met en place plusieurs mesures concrètes pour y remédier.

Ainsi, l’aide à l’installation est permise pour les magistrats et greffiers depuis l’an dernier, par le biais d’un marché public.

Un contrat de mobilité est aussi possible pour des postes de magistrat souffrant d’une absence de candidats : pour ces postes, le passage outre-mer est un véritable tremplin pour la carrière, avec l’assurance après trois ans de revenir dans l’Hexagone sur l’un des cinq postes sollicités en partant.

Avant les choix de postes, une formation intitulée Être magistrat outre-mer existe pour sensibiliser ceux qui sont intéressés. Des pôles spécialisés existent désormais à la direction des services judiciaires, pour sensibiliser aux spécificités de ces territoires. Des interventions sur les postes outre-mer sont désormais systématiques au moment des choix des postes, à la sortie de l’École nationale de la magistrature ou de l’École nationale des greffes. Le ministère de la justice a donc désormais parfaitement compris que, pour que la justice outre-mer fonctionne, il faut que les personnes venant y contribuer soient conscientes des spécificités du territoire dans lequel elles arrivent, et qu’elles soient accueillies, accompagnées et formées.

Le ministère de la justice contribue également à l’emploi outre-mer. Ainsi, je veux ici mettre en lumière que 28 % des surveillants recrutés depuis 2017 sur l’ensemble du territoire national sont originaires des territoires ultramarins : c’est un chiffre important.

Par ailleurs, un concours national d’affectation locale est en cours pour recruter sept greffiers à Mayotte et dix en Guyane.

De même, les outre-mer sont largement concernés par le plan de 15 000 places de prison, visant à moderniser et accroître la capacité de nos établissements pénitentiaires, qu’il s’agisse de ceux de Koné en Nouvelle-Calédonie, de Ducos en Martinique, de Baie-Mahault en Guadeloupe ou encore de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane.

L’immobilier judiciaire n’est pas en reste, puisque des opérations d’ampleur sont actuellement prévues ou engagées, à des stades d’avancement différents, à Cayenne, Fort-de-France, Basse-Terre, Mamoudzou ou encore Saint-Laurent-du-Maroni.

Les projets judiciaires ultramarins en cours représentent plus de 800 millions d’euros d’investissements par le ministère de la justice. C’est considérable : la Défenseure des droits a été entendue ! Cette somme, absolument indispensable, démontre que l’État est au rendez-vous pour l’immobilier judiciaire outre-mer.

On construit aussi pour la protection judiciaire de la jeunesse, notamment dans les départements qui ont le plus besoin de cette action : de nouveaux centres éducatifs fermés sont prévus en Guyane pour le début de 2024 et à Mayotte pour 2025.

Ces nombreux projets montrent aussi que le ministère de la justice prend désormais en considération dans ses réflexions des paramètres tenant compte des caractéristiques climatiques de ces territoires. L’usure des bâtiments est en effet plus rapide dans nombre des territoires que nous évoquons.

Je pense que ce tour d’horizon – peut-être trop long, je m’en excuse – et les chiffres que j’ai cités démontrent bien que le Gouvernement prend en compte de manière particulièrement sérieuse, pragmatique et volontariste à la fois les problématiques liées à la justice et les sujets ultramarins.

L’effort humain et budgétaire est considérable ; je suis particulièrement heureux de vous le présenter ici aujourd’hui, parce qu’on ne le souligne peut-être pas assez. Je suis donc impatient d’en débattre avec vous et de répondre plus précisément à toutes vos questions.

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Depuis toujours, le groupe du RDSE est attentif au renforcement des moyens de l’État dans les outre-mer. La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite loi Érom, a fixé un objectif de convergence des territoires ultramarins avec la métropole. Parvenir à l’égalité réelle des droits et des services pour tous nos concitoyens, où qu’ils résident, impose des obligations. L’accès de tous à une justice de qualité en fait partie.

Aussi, monsieur le ministre, souhaiterais-je vous interroger sur l’aide juridictionnelle, qui n’est pas suffisamment adaptée à la réalité des territoires ultramarins. C’est un point que le Parlement connaît bien, car les difficultés liées à l’aide juridictionnelle reviennent chaque année à l’occasion de l’examen de la loi de finances.

Mon collègue Stéphane Artano s’inquiète en particulier du problème des frais de déplacement des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle. Leur défraiement n’est prévu que pour la Polynésie française. Or les problématiques d’éloignement et de continuité territoriale se posent aussi dans d’autres collectivités ultramarines, parmi lesquelles Saint-Pierre-et-Miquelon. Le coût très élevé du transport en avion constitue un véritable handicap pour l’accès au droit des justiciables.

Je souhaite donc attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’ajuster les modalités d’indemnisation des frais de déplacement engagés par les avocats qui prêtent leur concours aux bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ; il faudrait notamment que cette indemnisation soit relevée dans tous les territoires où l’accès aux juridictions est particulièrement difficile.

Monsieur le ministre, doit-on rappeler que l’égalité est au cœur de notre pacte républicain ? (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Fialaire, la question d’importance que vous soulevez est bien prise en compte aujourd’hui par les services du ministère de la justice.

À l’évidence, les sujétions économiques des avocats doivent être prises en compte. Or, compte tenu des distances importantes qui, comme vous l’avez noté, peuvent séparer le lieu d’exercice professionnel habituel d’un avocat et celui de son intervention, du fait notamment de l’absence d’un avocat sur place, le coût induit par le seul déplacement est tel qu’il arrive que les avocats ne puissent parfois se rendre matériellement sur place. Je pense notamment à Wallis-et-Futuna, que j’ai cité tout à l’heure, et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ajoutons que l’exercice de la profession d’avocat est contraint par d’autres problèmes que ceux qui sont strictement financiers.

Je me dois toutefois de préciser que des dispositions permettent déjà la prise en charge de certains frais de déplacement des avocats intervenant dans le cadre de l’assistance judiciaire. Ainsi, c’est le cas pour les avocats de Nouméa qui se rendent à des audiences foraines dans l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. C’est encore trop restreint, mais le processus est engagé.

Il n’en demeure pas moins que de nombreuses situations ne sont pas aujourd’hui prises en compte ; nous en sommes parfaitement convaincus.

La seule réponse que je peux vous faire aujourd’hui est celle-ci : le ministère travaille sur ce sujet. J’ai confiance dans le fait qu’un certain nombre de sujets seront pris en compte. Ainsi de Wallis-et-Futuna : il faudra en la matière faciliter les déplacements depuis Nouméa, et non depuis Paris !

Le ministère de la justice travaille donc à modifier ces dispositions. L’augmentation de l’indemnisation des frais de déplacement ne sera pas le seul levier. Il faut aussi développer la « vidéo-intervention », si je puis dire, de l’avocat entre son lieu d’exercice et le lieu de la juridiction. En effet, soyez certain que l’aide financière offerte ne garantira pas la présence matérielle de l’avocat. C’est pourquoi il nous faut travailler en parallèle à une intensification du recours à la visioconférence, en pleine concertation avec les organisations représentatives de la profession d’avocat. C’est le plus important !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour la réplique.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu que vous alliez travailler. Mais ce que nous voudrions maintenant, c’est que vous travailliez vite et bien, parce que l’égalité des droits sur l’ensemble de nos territoires est tout de même l’un des socles de notre République !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Monsieur le sénateur, l’ensemble des annonces que j’ai faites dans mon propos liminaire et des réponses que je vais apporter à vos questions démontrent que nous sommes en train de travailler vite et bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck.

Mme Elsa Schalck. Je me fais ici l’écho de ma collègue Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy, qui aurait souhaité vous poser cette question, monsieur le ministre.

Saint-Barthélemy fait face à une nette augmentation de la délinquance. Les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne ont connu une hausse de 50 % entre 2021 et 2022, les portant à 123 faits. Les escroqueries ont, quant à elles, connu une hausse de 25 %, de même que les atteintes aux biens. Pour autant, malgré une convention passée avec la collectivité, le nombre d’officiers de police judiciaire (OPJ) est insuffisant : 27 gendarmes mobiles y sont déployés, dont 10 OPJ.

L’île ayant jusqu’alors connu un niveau de délinquance très faible, elle n’était pas préparée pour faire face à ce phénomène relativement nouveau par son ampleur. Les effectifs judiciaires ont ainsi progressé moins vite que les besoins.

La première des préoccupations porte sur le rajeunissement des prévenus. Nombre d’entre eux sont mineurs et requièrent des dispositifs de protection judiciaire. Cette inquiétude est du reste au cœur des travaux que nous menons, avec la délégation sénatoriale aux droits des femmes sur la question de la parentalité outre-mer.

Le nombre des dossiers exige désormais que les audiences foraines se répartissent sur deux ou trois journées au lieu d’une seule. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ces audiences sont un élément essentiel de la présence de la justice sur l’île. À cet égard, un épisode récent de renvoi d’une matinée entière d’audiences a mis en évidence la problématique de la continuité de la justice dans la zone.

Une part importante des délits est liée à la consommation d’alcool ou de stupéfiants. En la matière, la rapidité de la sanction judiciaire contribue à l’indispensable message de fermeté en matière de sécurité, a fortiori sur une île comme Saint-Barthélemy.

Depuis trois ans, les contentieux civils sont également en forte hausse. Saint-Barthélemy concentre 70 % des contentieux des îles du Nord. Ceux-ci portent principalement sur des baux d’habitation, des demandes d’expertise ou des successions.

Monsieur le ministre, ma question est donc simple : une mise à niveau des effectifs est-elle envisagée à court terme pour Saint-Barthélemy ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, votre question porte sur plusieurs sujets.

Le premier concerne l’assistance en matière de violences faites aux femmes. Je vous confirme la nomination toute prochaine d’une déléguée interministérielle pour les droits des femmes et l’assistance familiale spécialisée outre-mer. Nous avons eu hier une réunion de travail sur ce sujet ; certains d’entre vous étaient présents. La personne qui sera nommée a été choisie, les financements sont prévus, il ne reste plus qu’à procéder à la nomination. Nous allons aussi travailler, avec mes collègues Charlotte Caubel et Isabelle Rome, à apporter des réponses aux violences familiales, à l’image de ce qui se fait à Wallis-et-Futuna ; c’est très important.

Vous nous interrogez aussi sur les effectifs de police. Ils sont en augmentation, même si des problèmes globaux demeurent : nous sommes en train d’y répondre, grâce à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). Mon problème est de disposer de garde-côtes et de gendarmes supplémentaires à Saint-Barthélemy, notamment pour la gendarmerie aérienne de l’aéroport de ce territoire.

J’en viens à la question des magistrats. Saint-Barthélemy reçoit des audiences foraines du tribunal de Basse-Terre. La création d’un tribunal ressort directement de l’organisation de la justice. Pour l’instant, on s’en tient aux audiences foraines.

Au vu de la publication des mouvements annuels au sein de la magistrature, les effectifs du tribunal judiciaire de Basse-Terre seront au complet le 1er septembre prochain. Les manques de magistrats seront comblés grâce au lancement d’un appel à candidatures. Cela permettra de mieux servir Saint-Barthélemy. Ensuite, l’organisation locale de la justice dépend du président du tribunal de Basse-Terre, et non du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, je me fais l’écho de mon collègue Jean-Louis Lagourgue, qui souhaitait vous interroger.

Comme chaque territoire de la République, les outre-mer sont pluriels. On y retrouve néanmoins des problématiques similaires. L’état de la justice dans les outre-mer laisse en effet apparaître une surpopulation carcérale parfois plus importante que dans l’Hexagone, mais également une insécurité extrêmement préoccupante dans certaines collectivités. De nombreuses juridictions souffrent d’un manque d’attractivité. Il est bien difficile, dans ces conditions, d’assurer le remplacement des magistrats mutés.

Alors que les déserts médicaux, économiques et démographiques côtoient parfois des déserts judiciaires, la question de l’accès au droit se pose pour beaucoup de nos compatriotes ultramarins. Les difficultés géographiques et démographiques sont nombreuses. Chaque territoire tente de les résoudre le mieux possible.

Ainsi, en Polynésie française, une dotation existe, afin de prendre en charge les frais de déplacement des avocats dans le cadre de l’aide juridictionnelle. En revanche, à Wallis-et-Futuna, les accusés sont bien souvent défendus devant les cours d’assises par des citoyens défenseurs qui ne sont pas des avocats. En effet, l’aide juridictionnelle ne couvre pas aujourd’hui l’ensemble des frais de déplacement des avocats venant de Nouméa.

Monsieur le ministre, quelles solutions peuvent être envisagées pour permettre à tous nos concitoyens d’être assistés ou représentés par un avocat chaque fois que cela est nécessaire ? Serait-il possible d’étendre le dispositif polynésien à l’ensemble des territoires ultramarins ? Il est indispensable de garantir à chaque enfant de la République l’égalité devant la justice !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous remercie de vous être fait le porte-parole de M. Lagourgue.

Je me suis déjà exprimé sur les questions qu’il pose, ainsi que sur la question récurrente de la construction de prisons ; l’effort en la matière est considérable.

Pour ce qui est des citoyens défenseurs de Wallis-et-Futuna, la question est vieille comme ce territoire, si j’ose dire. On nous dit qu’il faudrait, pour la dépasser, créer un tribunal. La réponse, c’est du travail, encore du travail et des dotations budgétaires : ce qui me préoccupe le plus, c’est l’accueil des magistrats et l’attractivité des postes. Il nous faut travailler sur le logement, sur les primes, sur l’affectation ultérieure.

Cependant, je constate – vous me direz que c’est mon métier, mais les faits sont là – une amélioration depuis trois ans. Ce qu’il faut, c’est aller au-delà et plus vite ; en cela, je suis d’accord avec vous. Nous y reviendrons à l’occasion de la question de M. Sueur sur l’état des prisons : c’est la part la plus significative de notre action dans ce domaine. Vous n’allez pas y croire, monsieur le sénateur !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous verrons bien…

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues – je pense en particulier à Victoire Jasmin, qui est à l’initiative de ce débat –, le constat étayé qui est ressorti des États généraux de la justice, qui se sont tenus l’an dernier, était attendu, même si leurs conclusions sur l’état de la justice dans notre pays n’ont pas surpris grand monde : 70 % des Français estiment que la justice n’a pas les moyens suffisants pour faire son travail. La justice est malade ; c’est en effet le résultat d’une très longue histoire.

La situation est – hélas ! – bien pire dans les outre-mer qu’en métropole, comme pour beaucoup de services publics. Clairement, un effort financier a été entrepris par ce gouvernement, mais la répartition de ces hausses budgétaires et leurs objectifs ne permettent que trop peu de répondre aux attentes et aux besoins de la justice.

Vous le savez, notre groupe ne pense pas que la dématérialisation à outrance, l’apport d’assistants de justice – postes non pérennes –, l’envoi pour des périodes limitées de magistrats en renfort dans ces juridictions en souffrance ou encore la construction de places de prison comme marqueurs chiffrés d’une justice qui reprend vie soient la réponse appropriée.

Dernièrement, le vice-président de la Conférence des bâtonniers a pu s’exprimer sur le sujet, relevant la faible place octroyée aux outre-mer dans le rapport issu des États généraux de la justice. Il préconise, pour parfaire la connaissance du territoire, de « créer au sein du budget consacré à l’aide juridictionnelle une ligne budgétaire consacrée à l’outre-mer », jugeant que cela « permettra des chiffres précis pour mesurer la réalité de l’accès au droit par territoire ultramarin ». La spécificité démographique, géographique et sociologique de ces territoires riches de plus de 2,7 millions d’habitants doit être mieux prise en compte.

Aussi ma question portera-t-elle sur l’assistance des personnes placées en garde à vue, dont on sait que certaines n’ont parfois, pour des raisons d’éloignement, malheureusement pas la possibilité d’avoir un avocat à leurs côtés. Le Gouvernement compte-t-il réfléchir à la mise en place de dispositifs sécurisés d’assistance en garde à vue lorsque les distances rendent la venue d’un avocat impossible dans des délais raisonnables ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. J’entends ces questions, qui portent sur ce que vous considérez comme une insuffisance de l’aide apportée au citoyen dans sa défense.

La solution, je le redis, c’est un travail continu et permanent. À ce propos, je note que le budget de la justice outre-mer a augmenté de 14 % entre 2018 et 2022, et augmente encore en 2023. Faut-il une ligne budgétaire consacrée uniquement à l’outre-mer ? Je ne le crois pas. J’ai la conviction profonde que l’unité de la République s’exprime dans la prise en compte des outre-mer dans chaque décision budgétaire. Je ne crois pas, en revanche, à la nécessité d’un chapitre budgétaire spécifique pour la justice outre-mer : ce serait pointer du doigt des concitoyens qui rencontrent déjà suffisamment de difficultés.

Quant aux magistrats en mission, ils ne sont en effet pas la solution à moyen et long termes : ce n’est qu’un cautère sur une jambe de bois, en attendant l’arrivée de magistrats professionnels. Des postes sont créés ; on sait le manque d’attractivité dont ils souffrent, mais aussi les efforts faits pour cette attractivité et, surtout, pour la formation de ces magistrats et la suite de leur carrière. Voilà ma réponse : un travail continu. Je vous saurai donc gré de voter tous les budgets !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Guy Benarroche, au nom de qui je vous pose cette question, vous demande de vous engager, au vu de l’ampleur de la fracture numérique dans ces territoires, à maintenir le recours au papier dans les territoires ultramarins où la couverture internet, voire téléphonique est défaillante.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. La politique « zéro papier » n’est pas pour demain ; c’est seulement pour 2027. On a donc le temps d’avancer. Il faut y aller très progressivement, car il serait à l’évidence impossible de supprimer d’un coup tout le papier, même si le temps viendra où il faudra prendre la décision définitive.

Néanmoins, on ne peut pas dire que tout va mal en matière d’accès numérique. Regardez ce qui se passe en Guyane actuellement : je pense notamment à ce que fait le recteur d’académie, en liaison avec le président de la collectivité territoriale, pour l’éducation par les réseaux informatiques. On parvient ainsi désormais à raccorder Saül à ces réseaux. Je pense que le plan France 2030 permettra de financer tout cela plus avant, d’ici à 2027.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Seules deux pages et demie, sur deux cent cinquante, sont consacrées aux outre-mer dans le rapport issu des États généraux de la justice. C’est peu lorsque l’on sait que les terribles constats qu’il dresse sont plus graves encore dans ces territoires. Entre particularismes géographiques, pauvreté, fracture numérique, barrières linguistiques, défaut d’attractivité et insécurité, les outre-mer cumulent les difficultés.

En outre, l’accès à la justice y est complexifié par l’absence d’effectivité de certains droits essentiels, comme l’aide juridictionnelle en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna ou l’indemnisation des frais de déplacement des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle devant les juridictions de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin ou encore Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane.

Pour remédier à cet état de grande fragilité, le garde des sceaux a annoncé le recrutement de vingt-sept nouveaux juristes assistants et déployé à titre expérimental un dispositif de soutien à Cayenne et à Mamoudzou, en envoyant pour une période limitée des magistrats en renfort pour traiter les dossiers dans ces juridictions en souffrance.

L’utilité de ces fameux « sucres rapides », comme il les appelle, pour parer à l’urgence de la situation est démontrée depuis leur création.

L’inspection générale de la justice (IGJ) soulignait néanmoins, en octobre 2020, la nécessité de bâtir un plan stratégique d’actions à la fois communes et propres à chaque territoire ultramarin. Je rappelle que l’outre-mer compte 13 territoires répondant à 4 catégories juridiques différentes, avec, pour chacun d’entre eux, un cadre institutionnel différent !

Cela suppose, selon l’IGJ, de développer une fonction prospective jusqu’à présent peu investie par l’administration centrale. Aussi, quelles suites le Gouvernement entend-il donner à cette recommandation pour injecter, désormais, les sucres lents dont nous avons tant besoin ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, en effet, la justice ultramarine a besoin d’un plan stratégique. Celui-ci existe déjà pour les institutions pénitentiaires – je le démontrerai tout à l’heure.

Je tiens compte des conclusions des États généraux de la justice et je salue l’attitude du garde des sceaux. Celui-ci fait partie des ministres qui s’intéressent fortement à l’outre-mer.

Nous devons mener ensemble le combat pour la prise en considération des outre-mer dans chaque institution, qu’elle soit parlementaire, indépendante ou gouvernementale. Nous ne sommes pas au bout du voyage, mais je salue ce qui a été accompli en ce sens.

Je le répète, un poste de délégué aux outre-mer, directement placé auprès de la secrétaire générale du ministère de la justice, a été créé en 2021. De même, nous allons instituer un poste de délégué aux droits des femmes et aux violences intrafamiliales. Nous avons décidé hier, Isabelle Rome et moi-même, d’établir dans chaque territoire un plan stratégique sur ce sujet, que je déclinerai avec Charlotte Caubel. Et ce n’est pas une histoire d’argent, rassurez-vous.

Pour répondre plus précisément à votre question, deux coordinateurs locaux ont d’ores et déjà été recrutés là où les besoins sont les plus grands : l’un à Mayotte et à La Réunion et l’autre en Guyane. Leur action, combinée à celle du délégué, a permis des avancées concrètes : des concours nationaux à affectation locale sont organisés, dont l’un est en cours et permettra le recrutement au mois de juillet prochain de 7 greffiers à Mayotte – un territoire qui vous tient évidemment à cœur, monsieur le sénateur – et de 10 greffiers en Guyane.

Il nous faut surtout mieux informer les candidats potentiels aux postes localisés en outre-mer. Le secteur de l’informatique étant prioritaire, 14 techniciens du secrétariat général du ministère travaillent sur les réseaux depuis 2020.

Il reste beaucoup à faire dans le cadre de ce plan. Nous pourrons en reparler dans un autre contexte, en particulier pour ce qui concerne Mayotte.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.

M. Thani Mohamed Soilihi. Ce plan stratégique est nécessaire. Le Gouvernement peut trouver au Sénat des partenaires qui l’aideront à le mettre en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, j’évoquerai la surpopulation carcérale, qui s’élève à 123 % en moyenne dans l’ensemble des territoires ultramarins.

Comme vous le savez, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour l’indignité de ses prisons, en particulier à cause de trois établissements situés outre-mer : le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, en Guadeloupe, celui de Ducos, en Martinique, et la prison de Faa’a-Nuutania, en Polynésie française.

J’ajoute que les conditions de détention sont particulièrement difficiles à Nouméa, où certains détenus – Mme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté s’en est émue – sont logés dans des containers marins sans isolation thermique ou phonique et sans système électrique sécurisé. Il s’agit d’un véritable problème et j’espère, monsieur le ministre, que vous ferez en sorte de mettre fin à ces conditions indignes.

Par ailleurs, j’ai sous les yeux un rapport de la Contrôleure sur le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, en Guyane, dont je vous lirai seulement les titres : « La surpopulation est chronique », « Les conditions d’hébergement sont indignes », « L’hygiène désastreuse présente des risques pour la santé des personnes détenues et du personnel », « L’établissement connaît un climat de violence extrême dans un contexte d’inactivité généralisée », « Les mesures prises pour répondre à la violence ne sont pas suffisamment encadrées ».

Monsieur le ministre, allez-vous enfin parler de la régulation ? Vous évoquez la construction de nouvelles prisons et des créations de postes, mais nous savons que la question de la surpopulation carcérale en outre-mer – comme d’ailleurs en métropole – ne se réglera que par la régulation, c’est-à-dire en privilégiant d’autres peines à la détention, celle-ci n’étant pas, vous le savez très bien, la seule mesure applicable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Sueur, comme vous le savez, le rapport de la CEDH date de 2020, et mon impression, que j’essaierai d’étayer, est que ses conclusions ont été prises en considération.

Il est difficile de construire, mais je suis conscient du problème : je connais très bien la prison de Basse-Terre, où je me suis rendu, de même que celle de Nouméa. Celle de Baie-Mahault est plus moderne.

Pour ce qui concerne la régulation, nous menons des actions très fortes en matière de sécurité. Nous faisons face à des bandes de voyous ou de casseurs – pour ne pas dire plus – très violentes. Or la présence renforcée des gendarmes augmente le nombre d’interpellations et d’incarcérations. Il s’agit d’une partie du problème, l’autre étant naturellement la vétusté horrible de certaines prisons.

Aussi, plutôt que de réguler, notre réponse consiste à construire des prisons. Dans cette perspective, nous venons d’ouvrir, et je m’en réjouis, un établissement de 120 places à Koné, en Nouvelle-Calédonie, qui déchargera le centre de Nouméa et permettra d’incarcérer les délinquants nouvellement interpellés.

De même, une structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) de 120 places sera ouverte dès 2025 en Martinique. Il s’agit d’un établissement axé sur la réinsertion – c’est, à mon sens, mieux que la régulation –,…

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut les deux !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. … disposant d’une plateforme animée par l’ensemble des partenaires locaux.

Par ailleurs, la régulation pose des problèmes de sécurité, compte tenu des personnes à qui nous avons affaire.

M. Jean-Pierre Sueur. Quand la situation devient explosive, il faut construire !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Nous sommes donc d’accord, il faut construire !

En Guadeloupe, les deux établissements pénitentiaires feront ainsi l’objet d’extensions, pour un total de 400 nouvelles places, qui seront livrées en 2024 pour le premier et en 2027 pour le second. De plus, 500 places supplémentaires sortiront de terre à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, où est prévue également la création d’un tribunal spécifique, ce qui désengorgera peut-être la prison de Rémire-Montjoly. Ces constructions sont extrêmement importantes, me semble-t-il.

Il nous faut également travailler sur le personnel pénitentiaire et sur la mise aux normes – j’ose ce mot, car il y a des établissements indignes, notamment ceux de Ducos et de Basse-Terre, que je connais.

Jamais, depuis quinze ans, un gouvernement n’a mené une programmation aussi ambitieuse que celle pour laquelle je me bats aux côtés du ministre de l’intérieur et du garde des sceaux. Il nous faudra nous y tenir. Honnêtement, la régulation n’est pas l’option que nous privilégions.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est ce qu’a dit M. François Molins lors des États généraux de la justice !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Je ne suis pas M. Molins, et celui-ci n’est plus chargé de ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, une opération de lutte contre l’immigration illégale intitulée « Wuambushu », organisée par le ministère de l’intérieur, sera menée à Mayotte à la fin du mois d’avril. Elle se traduira par le déploiement de 400 gendarmes mobiles supplémentaires et la venue de la CRS 8, spécialisée dans les violences urbaines, pour effectuer des reconduites à la frontière.

L’amalgame qui est effectué entre l’immigration et la délinquance et l’instrumentalisation dont fait l’objet l’institution judiciaire, mise au service d’une politique pénale décidée par le ministère de l’intérieur, ne sont pas acceptables.

Les informations qui parviennent de l’autorité judiciaire laissent entendre que cette dernière ne sera pas affectée, car les nombreuses personnes qui seront placées en centre de rétention administrative (CRA) n’auront pas le temps de saisir le juge des libertés et de la détention (JLD). Il est déjà question de faire venir trois bateaux pour expulser les personnes étrangères.

M. Thani Mohamed Soilihi. Elles rentrent chez elles !

Mme Éliane Assassi. Nos magistrats du siège doivent demeurer indépendants et se tenir loin d’une politique pénale expéditive et du tout-répressif. Des reconductions aux frontières expéditives, je dirai même systématiques, se font forcément au mépris d’enquêtes plus approfondies.

Nous relayons ici les inquiétudes exprimées par l’Unicef, le Conseil national des barreaux (CNB) et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui se sont émus de cette opération, ainsi que celles d’associations et organisations qui s’inquiètent, en particulier, du devenir des mineurs, l’aide sociale à l’enfance (ASE) ne pouvant accueillir ces derniers faute de subventions.

Quant aux magistrats administratifs, ils envisagent le triplement des requêtes, le greffe du tribunal administratif menaçant même de se mettre en grève !

Si cette opération se déroule, comme prévu, de manière purement administrative, sans que la justice ait été associée – ou très peu –, la justice judiciaire deviendra, par son silence, l’alliée objective du pouvoir administratif.

Monsieur le ministre, cette opération menée par le ministère de l’intérieur suscite de nombreuses craintes et interrogations, notamment celle de savoir si certains droits fondamentaux ne seront pas directement attaqués.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, le premier droit fondamental est de pouvoir vivre dans un territoire où la loi de la République est respectée, où les passants ne sont pas attaqués, où des élèves ne se font pas couper la main dans les bus et où les biens ne sont pas brûlés systématiquement !

M. Thani Mohamed Soilihi. Et on doit entrer légalement dans notre pays !

Mme Éliane Assassi. Vous ne parlez jamais des causes, toujours des conséquences !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Mais si, nous parlons des causes, madame la sénatrice : un plan financier colossal est prévu pour Mayotte. Je ne puis le dévoiler aujourd’hui, mais le sénateur Mohamed Soilihi le connaît.

Nous marchons sur deux pieds. Et, oui, il faut de la répression !

M. Thani Mohamed Soilihi. Il faut que les gens rentrent chez eux, tout simplement !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Pour vous répondre, les opérations qui seront conduites à Mayotte s’inscrivent dans la continuité du plan interministériel Shikandra, qui a été engagé pour répondre au besoin de sécurité exprimé par tous les Mahorais, lesquels ont droit à la sécurité, comme tous les citoyens de la République.

Ces opérations visent, en premier lieu, à interpeller ceux qui contribuent à terroriser la population en organisant des meurtres et des embuscades, en attaquant des bus scolaires et en allant jusqu’à couper la main des jeunes qui s’y trouvent… Où sommes-nous ? Il nous faut réagir !

Les opérations de reconduites à la frontière et de destruction des habitats indignes qui sont engagées et se poursuivront sont naturellement conduites, croyez-le, dans le strict respect du droit des personnes mineures.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que dit le Conseil national des barreaux !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Je ne sais pas qui a dit quoi. Pour ma part, j’observe ce que font l’administration et les magistrats en poste, mais aussi les procédures qui s’appliquent, en lien étroit avec les acteurs judiciaires.

Pour répondre à ces défis, le ministère de la justice a envoyé en renfort, dès le 1er février et pour une durée de six mois, 6 magistrats pour appuyer le tribunal judiciaire de Mamoudzou. Un dispositif analogue a été prévu pour renforcer de 7 agents le personnel du greffe.

Ces renforts substantiels, dont l’expérimentation avait été annoncée par le garde des sceaux dès septembre 2022, ont d’ores et déjà permis d’engager une série d’interpellations de chefs de bandes, qui sont des assassins. Peut-on les interpeller et les juger ?

Mme Éliane Assassi. Je parle de justice !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Vous évoquez également le sujet des avocats.

Le garde des sceaux n’a, à ce jour, pas eu connaissance de difficultés que rencontrerait le barreau de Mayotte. Pour autant, les instances administratives et judiciaires locales entretiennent au quotidien des relations très fluides avec les avocats mahorais et réunionnais dans le cadre du traitement du contentieux lié aux opérations de déconstruction et de reconduite.

Tous les services de l’État sont mobilisés pour faire face à la situation sécuritaire et migratoire, en agissant en priorité contre les délinquants, les réseaux criminels et les passeurs, et pour offrir des conditions d’accueil dignes aux ayants droit. Nous faisons tout pour respecter le droit judiciaire. La priorité est de faire juger rapidement les personnes interpellées, auxquelles sont donnés les moyens de faire appel. Elles peuvent saisir les juridictions, il n’y a aucun problème !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le ministre, il est vrai que nos questions sont quelque peu redondantes, mais après tout, plus on tape sur le clou, plus il entre. Aussi, j’espère que nous finirons par être entendus.

Il y a très exactement un an, le comité des États généraux de la justice, présidé par Jean-Marc Sauvé, remettait au Président de la République son rapport intitulé Rendre justice aux citoyens.

Bien que seules deux de ses deux cent seize pages soient consacrées aux outre-mer, ce document rappelle quelques vérités fondamentales que nous connaissons bien. Ainsi, dans les outre-mer, « l’accès au droit est particulièrement précaire dans un contexte de pauvreté et de fracture numérique largement supérieures à ce qui est observé sur le territoire européen de la France ».

En effet, en raison de l’état des infrastructures de réseau et d’un taux d’illectronisme plus élevé, comme l’a souligné Victoire Jasmin, les Ultramarins n’ont pas accès aux services numériques dans les mêmes conditions que dans l’Hexagone. Nos collègues de la délégation aux outre-mer Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar en faisaient déjà le constat dans un rapport d’information déposé le 9 juillet 2020, qui a montré les effets dévastateurs de la fracture numérique en période de confinement dans certaines parties, exclues et isolées, des territoires ultramarins.

Or, lors de sa présentation du plan d’action pour la justice le 5 janvier 2023, le garde des sceaux a fixé « un horizon clair pour 2027 : un ministère de la justice entièrement numérisé », avec un « objectif zéro papier ». Ce but optimiste contraste radicalement avec les réalités ultramarines.

Ma question est donc la suivante : est-il prévu que le recours au papier reste de mise en outre-mer, dans certains endroits privés d’internet et de réseau téléphonique ? En effet, permettez-moi de vous le dire, le problème ne sera pas résolu en 2027 ! Sinon, quels moyens l’État entend-il mettre en œuvre pour offrir aux citoyens de ces territoires un accès numérique effectif à la justice et au droit ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Carenco, ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux et moi-même ne serons vraisemblablement plus en poste en 2027, lorsqu’il faudra appuyer sur le bouton. Mais ce qui est clair, c’est qu’il est hors de question de le faire avant cette date.

J’ose espérer que nos successeurs auront la bonne idée de s’assurer que le dispositif fonctionne avant de trancher. En tout cas, nous nous préparons. Le tout-numérique fonctionne dans l’éducation nationale. Espérons qu’il en aille de même dans l’accès au droit et à la justice.

Le rapport que vous avez évoqué ayant été réalisé par M. Sauvé, que l’on ne me fasse pas le reproche qu’il ne s’intéresse pas aux outre-mer – je le dis pour les intervenants qui vous ont précédée, madame la sénatrice.

En ce qui concerne la transformation numérique, nous essayons d’avancer vers 2027. Ainsi, nous recrutons un technicien informatique de proximité par juridiction – je précise que les juridictions doivent être suffisamment petites pour que le technicien puisse couvrir le territoire. En outre-mer, ces techniciens s’ajouteront au secrétariat général du ministère qui y a déjà été déployé : 14 agents ont été recrutés depuis 2020 pour s’occuper du réseau et du matériel.

Par ailleurs, plusieurs avancées sont prévues pour répondre aux spécificités ultramarines. Pour tenir compte des différents faisceaux horaires, les services de la hotline interne seront désormais joignables seize heures par jour en semaine et vingt-quatre heures sur vingt-quatre les week-ends et les jours fériés.

De plus, nous avons identifié l’effet délétère des arrêts d’applicatifs liés à des mises à jour durant la nuit hexagonale. Aussi travaillons-nous à réduire la durée de ces mises à jour, et des investigations techniques sont en cours pour limiter, voire éliminer ces arrêts d’applicatifs.

En d’autres termes, nous travaillons pour que tout fonctionne en 2027. Si tel n’est pas le cas, je suis convaincu que le garde des sceaux, quel qu’il soit, n’appuiera pas sur le bouton.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. J’ai bien entendu vos arguments, monsieur le ministre, mais sachez que nous n’avons toujours pas résolu le problème des zones blanches, ne serait-ce que pour la téléphonie… Permettez-moi donc de rester quelque peu sceptique.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. La réduction des zones blanches en outre-mer, notamment en Guyane, fait l’admiration de nombreux citoyens de l’Hexagone.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, la Haute Assemblée a conduit en 2021 une mission parlementaire sur le sujet de l’insécurité à Mayotte.

À l’issue de nos travaux, j’avais formulé, avec le président de la commission des lois et mes collègues Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, seize recommandations, dont le renforcement des moyens humains du tribunal judiciaire, la création d’une véritable cour d’appel et la construction de locaux adéquats.

Le garde des sceaux s’est rendu à Mayotte en mars 2022 pour y faire une série d’annonces qui vont en partie dans le sens du rapport sénatorial. Mais, alors qu’un jeune greffier mahorais, l’année dernière, a dénoncé ses conditions de travail dans une lettre avant de tenter de mettre fin à ses jours, les recrutements d’agents qui ont été annoncés pour répondre aux besoins sont certes louables, mais insuffisants.

Il faut augmenter, d’une part, les moyens du parquet, d’autre part, les moyens d’instruction des juridictions mahoraises. Plus encore, quid de la création d’une véritable cour d’appel en lieu et place d’une simple chambre détachée ? Si l’on nous oppose régulièrement le fait que l’organisation actuelle semble satisfaisante au regard du faible volume des affaires traitées, c’est là faire fi de la réalité mahoraise.

Le procureur de la République comme le président du tribunal judiciaire ont souligné, au cours des auditions que nous avons menées, qu’une grande partie des affaires judiciaires échappe aux juridictions. Cela s’expliquerait parce que les Mahorais n’ont pas une culture judiciaire très développée et préfèrent régler les conflits par eux-mêmes (M. Thani Mohamed Soilihi fait un signe de dénégation.), ce qui peut revêtir plusieurs formes allant du dédommagement à la violence.

Les acteurs de terrain demandent, de longue date, la création d’une cour d’appel de plein exercice, qui contribuerait à renforcer l’autorité juridictionnelle et le respect de l’institution, donc in fine le recours à celle-ci.

Cela mettrait fin aux difficultés logistiques et organisationnelles, qui se traduisent par des déplacements coûteux et fastidieux entre La Réunion et Mayotte. Enfin, cela constituerait un symbole fort, comme le fut la création d’une agence régionale de santé (ARS) et d’un rectorat propres à Mayotte.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, nous avons évoqué tout à l’heure la sécurité et vous abordez, pour votre part, le fonctionnement de la juridiction mahoraise. Je tiens à réaffirmer que Mayotte ne se réduit pas à ses problèmes de sécurité, d’immigration et de justice.

Le travail que nous menons avec l’ensemble des élus de l’archipel est considérable, notamment dans l’éducation. Par ailleurs, le problème prioritaire à Mayotte est l’accès à l’eau, et les décisions que nous prenons doivent y répondre.

Pour ce qui est de la sécurité, nous avons installé des forces de police et de gendarmerie pérennes, notamment une unité du Raid (Recherche, assistance, intervention, dissuasion).

Toutefois, il faut aussi traiter les problèmes de fonctionnement de la justice. Faut-il ou non une cour d’appel spécifique à Mayotte ? J’ai envie de vous dire que, quand nous en serons là, nous aurons résolu de nombreux problèmes. En effet, si vous me donnez des moyens financiers pour Mayotte, ce n’est pas à cela que je les consacrerai d’abord.

La chambre d’appel de Mamoudzou est compétente pour statuer en appel sur l’ensemble des décisions de justice, à la seule exception de celles qui relèvent de la chambre de l’instruction. Nous avons donc une structure qui fonctionne.

M. Thani Mohamed Soilihi. Non, elle ne fonctionne pas correctement !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Cela, c’est un autre sujet, monsieur le sénateur, et je ne commenterai pas ce que font les magistrats. Quoi qu’il en soit, il existe une structure compétente.

À mon sens, le vrai problème de la justice à Mayotte, dont on parle peu, ce sont les jeunes qui sont incarcérés à La Réunion et dont on ne fait pas grand-chose à leur sortie de prison. Voilà ce qui relève de mes compétences en matière de justice. Le reste, je le laisse volontiers au garde des sceaux, qui dispose de moyens budgétaires supérieurs aux miens.

Compte tenu des propos du sénateur de Mayotte, je demanderai que l’on se penche sur le fonctionnement de la chambre d’appel. Néanmoins, l’urgence absolue n’est pas de créer ex nihilo une nouvelle chambre, avec des magistrats supplémentaires.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cela existait avant la départementalisation !

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, depuis mars 2022, le président du conseil de prud’hommes de Basse-Terre et les associations syndicales représentant les entreprises de la Guadeloupe n’ont eu de cesse d’alerter les services compétents sur les difficultés que rencontrent les conseillers prud’homaux dans l’exercice de leurs missions.

En effet, les conseillers prud’homaux de Saint-Barthélemy et des Saintes – des îles du nord et de celles du sud, en quelque sorte – sont touchés par une double insularité, qui est particulièrement dure à vivre. En effet, ils ne sont pas toujours défrayés des déplacements et de l’hébergement nécessaires pour participer aux audiences.

Or le décret n° 2015-1761 relatif à l’indemnisation des conseillers prud’homaux résidant à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy et siégeant au conseil de prud’hommes de Basse-Terre ne prévoit pas d’indemnisation du temps de trajet desdits conseillers, comme c’était le cas antérieurement.

De même, les frais de repas et d’hébergement, voire de location de voiture, ne sont pas entièrement indemnisés. Les retards accumulés dans les remboursements et défraiements d’audience sont particulièrement pénalisants : ils atteignent souvent trois à six mois après la tenue de l’audience.

Face aux nombreux problèmes liés au caractère archipélagique de la Guadeloupe, des mesures spécifiques doivent être envisagées par le Gouvernement pour revoir et adapter les modalités d’indemnisation des frais inhérents à l’exercice des fonctions des conseillers prud’homaux de notre archipel.

Le rapport de la Défenseure des droits de mars 2023 et l’audition toute récente de la présidente du Conseil national des barreaux convergent vers la nécessité absolue de mettre en œuvre tous les moyens pour lever les obstacles à l’égalité réelle dans nos territoires ultramarins et pour rendre l’accès aux droits effectif et équitable pour l’ensemble des Français.

Monsieur le ministre, les difficultés structurelles ne doivent pas entraver l’accès à la justice et au respect des droits des citoyens. Quelles dispositions comptez-vous mettre en œuvre pour garantir ces droits, en particulier aux conseillers prud’homaux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. La justice prud’homale, comme la justice familiale, pose un véritable problème, car c’est par elle que nos concitoyens ont le plus souvent affaire à l’institution judiciaire. Il faut donc qu’elle fonctionne.

Le problème est double. Il concerne tout d’abord le paiement effectif des sommes dues – avant de considérer une éventuelle augmentation des tarifs. À cet égard, les chefs de la cour d’appel de Basse-Terre ont informé la Chancellerie – je demanderai d’ailleurs au garde des sceaux, madame la sénatrice, de vous fournir une réponse écrite – que, désormais, un suivi mensuel précis des remboursements serait tenu, ceux-ci ayant pris conscience des retards de paiement. Ils en ont pris l’engagement auprès du garde des sceaux.

En ce qui concerne l’augmentation de la couverture de divers frais, je ne suis pas certain que le remboursement des repas et des nuitées soit une priorité absolue. En revanche, les frais de déplacement doivent être indemnisés. Aussi, les services sont saisis pour que soit pris en considération le temps de transport au sein du temps de service des conseillers prud’homaux. C’est d’autant plus nécessaire que les conditions de transport dans certains sites sont celles que nous connaissons.

Madame la sénatrice, je souhaite que le garde des sceaux réponde lui-même à votre question, sous mon couvert, car la justice familiale et la justice prud’homale sont l’un des aspects de la justice qui touche le plus de personnes. Et j’ai plus de respect pour ces dernières que pour d’autres, qui ont été condamnées.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja.

M. Gérard Poadja. Monsieur le ministre, à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, j’avais appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que nous étions le seul territoire de la République à ne pas disposer sur notre sol d’un centre d’accès au droit.

La loi du 22 décembre 2021 a réparé cette injustice en prévoyant la création d’un centre d’accès au droit en Nouvelle-Calédonie à destination des personnes les plus éloignées. Pouvez-vous me dire, dix-huit mois après l’adoption de ce texte, comment cet engagement se traduit dans les faits ?

Par ailleurs je souhaiterais obtenir des précisions sur deux sujets de très grande importance relatifs à nos centres pénitentiaires.

Tout d’abord, je m’inquiète de l’état d’insalubrité et de surpopulation du Camp Est, surnommé « la prison de la honte ». Où en est le dossier de la nouvelle prison ? Il faut absolument avancer sur ce sujet, car la situation est très dégradée. Les autorités judiciaires, les forces de l’ordre et les gardiens du Camp Est attendent avec impatience cette nouvelle prison.

Ensuite, je salue l’ouverture du centre de détention de Koné, dans la province du Nord, sur lequel je me suis particulièrement investi avec mon collègue député Philippe Gomès. Pouvez-vous nous préciser les perspectives de cet établissement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, je ne comprends pas bien votre question sur le centre de Koné. À ma connaissance, il a ouvert en février dernier.

Pour ce qui est de Nouméa, l’état de la prison est en effet indigne, comme l’a souligné Jean-Pierre Sueur et comme j’ai pu le constater plusieurs fois lors de mes déplacements, avec parfois quatre détenus par cellule… La décision est prise de le rénover et de l’étendre. Commençons par la rénovation, car la situation est indigne, puis nous nous occuperons de l’extension.

En ce qui concerne l’accès au droit en outre-mer, le conseil d’accès au droit de la Polynésie française et celui de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été créés en 2022.

Au sujet de la Nouvelle-Calédonie, comme vous le savez, la répartition des compétences en la matière entre la Nouvelle-Calédonie et l’État avait suscité un débat juridique nourri, qui a été tranché, puisque la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire de décembre 2021 a acté la création du conseil d’accès au droit.

Rappelons que, en attendant sa mise en place effective, le ministère de la justice finance, chaque année, certaines actions au titre de l’accès au droit, afin de ne pas laisser les Calédoniens sans aide.

Pour répondre à votre question, le chemin de cette création étant parsemé d’embûches juridiques, la Chancellerie avance très méthodiquement, afin d’éviter toute erreur qui obligerait à un retour en arrière. Les problèmes juridiques entre la Nouvelle-Calédonie et l’Hexagone sont bien connus.

Le projet de texte, rédigé par le ministère de la justice, a été soumis à la consultation du Conseil national de l’aide juridique, qui a récemment émis un avis favorable sur cette disposition, attendue par tous.

Il est vrai que cela demande beaucoup de patience, et je vous en remercie, mais je suis en mesure de vous annoncer que le Conseil d’État sera très prochainement saisi du projet de décret.

En dépit de ce long chemin, la naissance de ce conseil est plus proche que jamais.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier. Ma question, comme celle de mon collègue Gérard Poadja il y a quelques instants, a trait au taux de surpopulation carcérale chronique du Camp Est, qui est le centre pénitentiaire de Nouméa.

Vous le savez, ce centre a été implanté sur les vestiges de l’ancien bagne, qui date du Second Empire. Il compte actuellement quelque 600 détenus (M. le ministre délégué acquiesce.), alors qu’il ne peut en accueillir que 400. Cette suroccupation atteint même le taux de 300 % dans le quartier de la maison d’arrêt des hommes.

Certes, des aménagements successifs ont été effectués au cours des dix dernières années ; en cela, mes propos sont proches de ceux qui ont été tenus précédemment par Jean-Pierre Sueur, notamment au sujet de l’installation de conteneurs maritimes. Néanmoins, l’état du bâti demeure très vétuste et sous-dimensionné.

Monsieur le ministre, ce constat pose évidemment la question du respect de la dignité des détenus, quand ceux-ci sont entassés, parfois à cinq ou six, dans une cellule de douze mètres carrés. À ce jour, l’État a été condamné par la justice administrative à verser plus de 700 000 euros d’indemnités.

Par ailleurs, à la suite des rapports de Mme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, les magistrats de l’ordre judiciaire ont prononcé des remises en liberté au motif que ces conditions de détention constituaient un traitement dégradant au sens de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le personnel pénitentiaire, pour sa part, rencontre des difficultés croissantes pour faire respecter l’ordre au sein de cette prison : 44 agressions ont ainsi été recensées en 2021 et en 2022, et 23 agressions depuis le début de cette année.

Monsieur le ministre, comptez-vous enfin annoncer la construction d’un nouveau centre pénitentiaire, en joignant à cette annonce un calendrier précis ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Je partage votre analyse, monsieur le sénateur – vous savez que je connais la situation –, tant sur les conditions indignes de détention que sur les violences carcérales à Nouméa.

À propos des violences carcérales, les formations porteront doucement leurs fruits et permettront peut-être de contenir cette situation. Néanmoins, l’unique solution consiste en la rénovation et en l’extension du Camp Est. En effet, les mesures qui seront prises en matière de lutte contre les violences ne suffiront pas à les réduire.

Toutefois, je voudrais insister sur la création de la prison de Koné par le Gouvernement. Il est vrai que celle-ci ne compte que 120 places, ce qui ne répond pas, malheureusement, à la hausse du nombre des incarcérations.

Au sujet des dates précises de début des travaux de réhabilitation et d’extension, comme je l’ai indiqué plus tôt, vous recevrez une réponse écrite. Je m’y engage, et nos rencontres fréquentes garantissent que cette promesse sera tenue.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier. (M. Patrick Kanner applaudit.)

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a été condamnée à de multiples reprises ces dernières années, aussi bien par sa propre justice que par la CEDH, pour les conditions indignes de détention qu’elle impose dans ses prisons, y compris en outre-mer. Mes collègues Jean-Pierre Sueur et Pierre Frogier l’ont souligné.

L’état de ces prisons n’est que l’un des symptômes du mal qui frappe la justice dans son ensemble dans les outre-mer.

Une enquête, réalisée en 2021 pour le Conseil national des barreaux, révélait que 58 % des Ultramarins – jusqu’à 70 % en Guyane – considèrent qu’il leur est difficile de faire valoir leurs droits, ce qui constitue une proportion deux fois plus élevée qu’en métropole.

Cette injustice résulte d’une multitude d’inégalités. Comment ne pas s’alarmer, par exemple, de l’absence pure et simple d’avocats dans certaines situations, en raison d’un manque d’accompagnement de l’État pour les aider dans leurs déplacements ? À Wallis-et-Futuna, des accusés peuvent être défendus par des « citoyens défenseurs », c’est-à-dire qu’ils peuvent concrètement être privés d’avocat.

En réalité, la défaillance de la justice outre-mer catalyse les maux que connaissent nos services publics.

Ces maux se résument, monsieur le ministre, à un chiffre : la part du financement des services publics dans notre pays représentait 18,1 % du PIB en 1980, contre 18 % aujourd’hui, alors que la population a très nettement augmenté. L’intégralité de la hausse de la dépense publique a profité aux transferts vers les entreprises.

Dans le même temps, la population des outre-mer est passée de 1,4 million à 2,7 millions d’habitants.

Le gouvernement auquel vous appartenez refuse de revenir sur la moindre des nombreuses exonérations fiscales et sociales consenties aux entreprises. Pourtant, le problème des moyens existe bel et bien.

Ma question est simple, monsieur le ministre : votre gouvernement a-t-il l’intention de financer à la hauteur des besoins le service public de la justice dans les outre-mer ? (Mme Victoire Jasmin et M. Patrick Kanner applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. La réponse est oui, monsieur le sénateur ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Bernard Jomier. C’est tout ?

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas une réponse !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Je peux répéter ce que j’ai déjà dit à propos des places dans les prisons à Basse-Terre, à Baie-Mahault, en Martinique, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Nouméa et à Koné, à propos de l’augmentation du budget de fonctionnement de la justice, qui est d’une ampleur inégalée au regard des quarante dernières années,…

M. Patrick Kanner. C’est vrai !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. … à propos de la hausse du nombre de magistrats ou encore des aides supplémentaires qui leur sont fournies. Comment pouvez-vous douter des intentions du Gouvernement ? Nous apportons la preuve que nous agissons !

Oui, il est possible que nous n’allions pas assez vite. Toutefois, c’est en raison non pas de contraintes budgétaires, mais de problèmes d’attractivité, de formation ou de terrain.

Partout, il est difficile de faire des choses, mais c’est plus encore le cas en outre-mer, à cause de la distance, du manque de terrain et de l’absence d’entreprises.

L’île de Futuna, sur laquelle je me suis rendu, est réellement très lointaine ; il faut trente-quatre heures de vol pour y parvenir. Pourtant, les droits des personnes y sont défendus, grâce aux citoyens défenseurs. C’est une réalité historique.

Ces personnes sont-elles mal défendues ? Elles le seraient peut-être mieux par des avocats payés pour se rendre, depuis Paris, à Nouméa ou ailleurs, mais, de grâce, observez ce qui fonctionne, les efforts qui sont réalisés et l’ensemble des réalisations accomplies depuis cinq ans en matière de justice !

Je les détaillerai en personne dans un texte que j’adresserai au président de votre groupe.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.

M. Bernard Jomier. Monsieur le ministre, je crois avoir touché un point sensible…

Si vous m’avez bien écouté, j’évoquais l’évolution de la dépense publique depuis 1980. Or le gouvernement auquel vous appartenez n’a pas encore 40 ans d’âge.

C’est tout le pays, pour être exact, qui a abandonné ses services publics, et l’effort consenti très récemment en faveur de la justice reste totalement insuffisant. Tant que le fléchage de la dépense publique vers les services publics ne sera pas rectifié, nous n’y arriverons pas. Or votre gouvernement s’entête dans la mauvaise direction, vous devez en convenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus.

Mme Annick Petrus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le tribunal de Saint-Martin est un tribunal de proximité. Sa juridiction couvre Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il dépend du tribunal judiciaire de Basse-Terre, notamment en termes de moyens et de ressources humaines.

Ce tribunal dispose des plus importantes dérogations de la République. En effet, le tribunal de proximité de Saint-Laurent-du-Maroni est la seule autre juridiction à avoir des dérogations aussi larges.

Le tribunal de proximité de Saint-Martin assume ainsi la quasi-totalité des missions du tribunal judiciaire de Basse-Terre, y compris celles qui sont dévolues au président de ce tribunal.

En conséquence, le nombre de dossiers en cours au civil est plus élevé à Saint-Martin – il oscille entre 250 et 300 – qu’à Basse-Terre. Au pénal, la situation est inverse, mais probablement en raison d’un manque de moyens.

Le tribunal judiciaire de Basse-Terre compte 12 magistrats, quand le tribunal de proximité de Saint-Martin n’en a que 4, pour un nombre de dossiers comparable. En outre, le tribunal de Saint-Martin devrait théoriquement être doté de 14 greffiers, mais il n’en dispose actuellement que de 7. Aussi le personnel qui y travaille est-il dévoué, mais complètement à bout.

Nous connaissons désormais une augmentation du nombre de contentieux civils de 50 %. Au regard de ses moyens actuels, le tribunal ne peut traiter plus de 15 dossiers par mois au civil. Au mois de mars 2023, il n’était ainsi plus possible de prendre date pour introduire une nouvelle affaire avant le mois d’octobre 2023.

L’aide juridictionnelle ne se porte pas mieux. En Guadeloupe, seule une semaine de permanence, sur une période de quelques mois, est demandée aux 300 avocats inscrits, avec la possibilité que les gardes soient effectuées sur la base du volontariat.

A contrario, les 10 à 15 avocats domiciliés à Saint-Martin, ainsi que ceux, en nombre équivalent, qui résident à Saint-Barthélemy sont, quant à eux, tenus d’assurer une à deux journées de permanence pénale par semaine. En outre, le paiement de cette aide juridictionnelle survient avec beaucoup de retard en raison du sous-effectif du greffe.

La solution, urgente et nécessaire, serait d’accorder au tribunal de proximité de Saint-Martin son autonomie totale de tribunal judiciaire et les moyens qui vont avec. En effet, monsieur le ministre, vous conviendrez avec moi qu’il revient à l’État d’assumer la continuité territoriale et l’égalité devant la justice.

Il n’est pas normal que les Saint-Martinois ne bénéficient pas, comme tous les Français de l’Hexagone, d’un accès effectif à la justice de leur pays.

Seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à pallier ces difficultés par des réformes législatives ou réglementaires ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Premièrement, ne parlons pas trop des avocats de Saint-Barthélemy, qui sont, en majorité, des avocats d’affaires. Le sujet n’est donc pas le même qu’à Saint-Martin.

Deuxièmement, à Saint-Martin, ce sont les contentieux fonciers qui mobilisent beaucoup de ressources. Dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom), nous essaierons de régler ce problème, en lien avec le président Mussington. J’espère des avancées, pour simplifier tout cela.

Par ailleurs, une cité administrative et judiciaire sera créée en 2025. Ainsi, les services du tribunal disposeront – enfin ! – d’un outil de premier ordre, c’est clair.

Troisièmement, s’agissant de l’évolution des textes, le président Mussington m’a saisi, dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, de l’ensemble des évolutions qu’il souhaitait. Je pense que des changements interviendront, soit par ce biais, soit par celui de l’éventuelle réforme institutionnelle à laquelle nous travaillons, vous le savez, avec chaque président de collectivité. Je suis prêt à discuter de ce sujet avec le président Mussington, dont la venue est prévue dans les quinze jours.

Dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, j’ai pour mission de soumettre à la Première ministre et aux membres du comité, en lien avec les élus parlementaires et les présidents de collectivité, toute proposition allant dans le sens d’un mieux-vivre ensemble. Saint-Martin a une place de choix au sein de ce Ciom.

Conclusion du débat

Mme la présidente. Pour conclure le débat, la parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe auteur de la demande.

M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Monsieur le ministre, je ne regrette pas d’avoir demandé, avec les membres de mon groupe, l’organisation de ce débat, car il a été intéressant et utile.

En effet, l’appartenance à notre République se définit par le respect de principes fondamentaux reconnus par notre Constitution, parmi lesquels figurent notamment l’égalité et l’indivisibilité.

Il me semble important de rappeler l’article 1er de notre Constitution, afin de prendre un peu de hauteur après ce débat qui a essentiellement porté sur des sujets opérationnels : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

L’indivisibilité s’entend de la souveraineté, du territoire et du peuple français, ce qui postule un pouvoir central unique, une structure administrative homogène et l’uniformité du droit applicable sur l’ensemble de notre territoire. Notre Constitution est donc potentiellement rétive à la reconnaissance des particularismes juridiques.

Toutefois, ce principe d’indivisibilité n’a pas empêché – et c’est heureux ! – l’existence d’une République plurielle. Si cette pluralité implique une certaine plasticité de nos institutions, elle ne doit pas conduire à renier nos principes.

Avant tout, je tenais à rappeler le caractère pluriel de l’outre-mer. Il s’agit de treize territoires : des départements et régions d’outre-mer (Drom), des collectivités d’outre-mer (COM), la Nouvelle-Calédonie qui bénéficie d’un statut particulier – je salue nos collègues présents ici – et des terres inhabitées, comme les Terres australes et antarctiques françaises et l’île de Clipperton.

À l’intérieur de chacune de ces catégories, il existe un statut particulier et, pour certains de ces territoires, une justice spécifique dans certains domaines. On le comprend, définir un cadre unique n’est pas aisé, mais c’est aussi cela, la République française.

N’oublions pas que les outre-mer ont une histoire particulière et que le rapport à l’État français n’a pas toujours été simple dans l’ensemble de ces territoires qui composent notre République.

L’expression étatique, notamment par le biais de ce pouvoir régalien qu’est la justice, devrait donc être d’autant plus irréprochable dans ces territoires issus d’un passé colonialiste qui nous oblige.

Pourtant, la situation partagée sur l’ensemble du territoire national est celle d’un État loin d’être parfait, pour le dire simplement, dans le cadre de cette fonction régalienne.

Ainsi, les États généraux de la justice, cités à plusieurs reprises au cours de ce débat, évoquent une crise profonde de notre système, avec une justice qui est au bord de la rupture dans certains domaines et dont les conditions de fonctionnement et les délais de jugement deviennent parfois indécents pour l’ensemble des acteurs et des justiciables.

Ce climat suscite une défiance croissante de nos concitoyens envers la justice française. C’est dire l’impasse dans laquelle nous pouvons nous retrouver.

Malgré des hausses incontestables de crédits – vous avez raison, monsieur le ministre –, cette justice, garante du respect du droit, demeure en difficulté tellement nous partons de loin. C’est d’autant plus vrai en outre-mer.

Las ! Le thermomètre de l’outre-mer indique que nous avons encore de nombreux efforts à accomplir. Vous ne l’avez pas nié – je tiens à vous en remercier –, mais nos exigences sont aussi à prendre en compte. Ne les considérez pas comme des remises en cause du pouvoir exécutif actuel, mais plutôt comme la reconnaissance de difficultés existant sur le plan local.

Les territoires d’outre-mer sont trop souvent peu ou mal considérés par nos politiques publiques, ce qui ne date pas du présent gouvernement. Nous réagissons trop fréquemment selon un biais hexagonal, reconnaissons-le. Dès lors, l’adaptation de nos dispositifs n’est pas toujours optimale.

Par ailleurs, le comité des États généraux de la justice indique que les caractéristiques démographiques et socio-économiques des outre-mer les distinguent significativement de la métropole.

Ainsi, le taux de pauvreté – on sait que cette dernière et la délinquance sont malheureusement liées – comme le taux de chômage y sont particulièrement élevés, face à un coût de la vie et d’accès aux biens de première nécessité exponentiel au regard de celui de l’Hexagone.

Toutes celles et tous ceux qui connaissent ici l’outre-mer, même sans y habiter, savent ces difficultés et ce qu’elles représentent sur le plan de la délinquance.

Toutes ces inégalités doivent être prises en compte, ainsi que les spécificités liées à l’éloignement de ces territoires et à leurs particularités géographiques. Il n’est pas possible de se dire, en 2023, que les justiciables n’ont pas tous et toutes les mêmes droits et les mêmes accès au droit.

Nous nous réclamons de l’État de droit. Or la justice est la clé de voûte de ce système. L’État, seul, est à même d’exercer cette fonction, afin d’en garantir l’impartialité. Or nos collègues ont pu exposer les failles de ce service public dans les territoires ultramarins.

Ce débat de contrôle aura finalement eu le mérite de poser, je crois, le diagnostic le plus juste possible. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous veillerons à apporter les bons remèdes, car tel est aussi l’objet des débats de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur l’état de la justice dans les outre-mer.

5

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 mai 2023 :

À quatorze heures trente et le soir :

Débat sur le thème « Quelles solutions pour développer l’hydrogène au sein de notre mix énergétique ? » ;

Proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 518, 2022-2023) ;

Débat sur le thème « Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures cinquante.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER