Sommaire
Présidence de Mme Nathalie Delattre
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
devenir des conseillers numériques
Question n° 068 de Mme Monique de Marco. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Monique de Marco.
égalité des droits des élus d’arrondissement
Question n° 132 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Marie-Arlette Carlotti.
Question n° 112 de M. Rémi Cardon. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Rémi Cardon.
soutien aux collectivités territoriales face aux augmentations de l’énergie et du point d’indice
Question n° 137 de M. Jean-Marc Todeschini. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Jean-Marc Todeschini.
situation fiscale des ressortissants français travaillant en belgique
Question n° 188 de M. Jean-Pierre Decool. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Jean-Pierre Decool.
avenir du projet de cité du théâtre à paris xviie
Question n° 173 de Mme Catherine Dumas. – Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture ; Mme Catherine Dumas.
demandes d’autorisation d’urbanisme pour l’installation de panneaux photovoltaïques
Question n° 156 de Mme Chantal Deseyne. – Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture ; Mme Chantal Deseyne.
budget alloué au réseau diplomatique et consulaire
Question n° 006 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture ; Mme Hélène Conway-Mouret.
protection et accessibilité au patrimoine sportif français et mondial
Question n° 017 de Mme Sylvie Robert. – Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture.
prise en charge des nouveau-nés placés
Question n° 122 de Mme Florence Lassarade. – Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance ; Mme Florence Lassarade.
plan d’évolution du site d’oyonnax de l’institut national des sciences appliquées
Question n° 172 de M. Patrick Chaize. – Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance ; M. Patrick Chaize.
prise en compte des travaux d’utilité collective dans le calcul des droits à la retraite
Question n° 208 de Mme Monique Lubin. – Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance.
manque de places en instituts médico-éducatifs
Question n° 174 de Mme Vivette Lopez. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Vivette Lopez.
assistantes maternelles impayées
Question n° 140 de M. Henri Cabanel. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Henri Cabanel.
évaluation de l’impact des concentrations records de dioxines de l’incinérateur d’ivry-paris xiii
Question n° 151 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Catherine Procaccia.
extension du nutri-score aux fruits et légumes frais
Question n° 105 de Mme Françoise Férat. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Françoise Férat.
Question n° 147 de Mme Anne Ventalon. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.
dépistage du saturnisme auprès des populations du programme d’intérêt général metaleurop nord
Question n° 185 de Mme Sabine Van Heghe. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Sabine Van Heghe.
évolution du zonage des chirurgiens-dentistes
Question n° 214 de M. Olivier Rietmann. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.
stages obligatoires en milieu rural pour les étudiants en médecine
Question n° 012 de M. Bruno Belin. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Bruno Belin.
Question n° 076 de M. Jean-Michel Arnaud. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Jean-Michel Arnaud.
Question n° 170 de Mme Christine Herzog. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.
Question n° 162 de M. Hervé Maurey. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Hervé Maurey.
accélération du déploiement des nouveaux projets de production électrique en guyane
Question n° 213 de M. Georges Patient. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
3. Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune
difficultés liées au dispositif « zéro artificialisation nette »
Question n° 080 de M. Jean-Pierre Corbisez. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; M. Jean-Pierre Corbisez.
indemnisation pour frais de déplacement des élus
Question n° 205 de M. Frédéric Marchand. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
mise en œuvre et pérennisation du plan avenir montagne
Question n° 160 de Mme Viviane Artigalas. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; Mme Viviane Artigalas.
défense des terres agricoles de gonesse et de saclay
Question n° 169 de M. Jacques Fernique. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
Question n° 148 de M. Jean-Claude Tissot. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
ligne ferroviaire le havre-marseille
Question n° 206 de Mme Céline Brulin. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; Mme Céline Brulin.
rétablissement de la « palombe bleue »
Question n° 072 de M. Max Brisson. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie ; M. Max Brisson.
conséquences de l’augmentation des prix de l’énergie pour les particuliers et les entreprises
Question n° 165 de M. Stéphane Demilly. – Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
codes postaux et communes nouvelles
Question n° 048 de Mme Daniel Gueret. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales ; Mme Daniel Gueret.
détournement du droit de préemption urbain
Question n° 177 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales ; M. Jean-Raymond Hugonet.
5. Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune
collectivités face à l’inflation
Question n° 053 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales ; Mme Cathy Apourceau-Poly.
7. Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune
mode d’emploi des procurations dématérialisées
Question n° 113 de M. Yves Détraigne. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales.
situation des travailleurs sans-papiers de chronopost à alfortville dans le val-de-marne
Question n° 079 de Mme Laurence Cohen. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales ; Mme Laurence Cohen.
sortie du moratoire sur les machines à voter
Question n° 059 de M. Michel Savin. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales ; M. Michel Savin.
Question n° 217 de M. Jean-Marie Mizzon. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales ; M. Jean-Marie Mizzon.
accès aux rendez-vous pour le renouvellement de passeports dans les territoires ruraux
Question n° 101 de M. Édouard Courtial. – Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales.
certification environnementale des exploitations agricoles
Question n° 183 de M. Alain Milon. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Alain Milon.
situation des producteurs de lait bio
Question n° 186 de M. Didier Rambaud. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
conséquences de l’été 2022 sur les récoltes de pommes de terre
Question n° 223 de M. Antoine Lefèvre. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Antoine Lefèvre.
Question n° 110 de Mme Else Joseph. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Else Joseph.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
10. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
11. Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
12. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
13. Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 94 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 85 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 76 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 84 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 86 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 77 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 47 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 22 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 93 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 50 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 108 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 67 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 49 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 87 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 48 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Adoption.
Amendement n° 51 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 13 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié de M. Olivier Paccaud. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 31 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié de Mme Monique Lubin. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 81 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Amendement n° 62 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendements identiques nos 95 du Gouvernement et 111 rectifié de M. Martin Lévrier
Amendement n° 9 rectifié de M. Emmanuel Capus
Amendement n° 45 de Mme Annick Jacquemet
Amendement n° 110 rectifié de Mme Maryse Carrère
Amendement n° 65 de Mme Cathy Apourceau-Poly
Amendement n° 83 rectifié de M. Laurent Duplomb
14. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
15. Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendements identiques nos 95 du Gouvernement et 111 rectifié de M. Martin Lévrier (suite). – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 9 rectifié de M. Emmanuel Capus (suite). – Adoption.
Amendement n° 45 de Mme Annick Jacquemet (suite). – Rejet.
Amendement n° 110 rectifié de Mme Maryse Carrère (suite). – Rejet.
Amendement n° 65 de Mme Cathy Apourceau-Poly (suite). – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié de M. Laurent Duplomb (suite). – Rejet.
Amendement n° 10 rectifié de M. Emmanuel Capus (suite). – Retrait.
Adoption, par scrutin public n° 12, de l’article modifié.
Amendement n° 97 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 109 rectifié de M. Pierre-Antoine Levi. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 27 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 114 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 4 de M. Cyril Pellevat. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1 rectifié ter de Mme Sylviane Noël. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
16. Modification de l’ordre du jour
17. Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 53 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 30 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 56 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 96 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 80 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 55 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 92 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 63 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Adoption de l’article.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Adoption de l’article.
Amendement n° 59 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 75 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 101 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 74 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 58 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 37 rectifié de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 60 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 82 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 100 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 99 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 39 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 91 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 40 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 41 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 69 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
18. Ordre du jour
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
devenir des conseillers numériques
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 068, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, la dématérialisation des services publics s’accélère et les confinements ont aggravé les fractures numériques. Si internet facilite les démarches d’une majorité de Français, 13 millions d’entre eux rencontrent tout de même des difficultés.
Dans le cadre du plan France Relance, le précédent gouvernement a créé, au début de l’année 2021, des conseillers numériques France Services. Ces derniers sont recrutés par la voie de contrats de projet, d’une durée de dix-huit à vingt-quatre mois, financés par l’État à hauteur du Smic. Ils peuvent également bénéficier d’une formation et d’une certification.
Selon vos chiffres, on compterait 4 000 conseillers numériques au sein de 3 000 collectivités locales et associations pour plus de 800 000 accompagnements – ateliers collectifs ou individuels, déplacements au domicile des personnes les moins mobiles.
Les conseillers numériques peuvent se rendre au plus près des personnes les plus éloignées du numérique, ce qui répond à un besoin qui existe encore aujourd’hui, voire qui s’accroît. Or la formation n’est pas toujours adaptée aux missions, le salaire est au minimum et leur situation est précaire.
Aujourd’hui se pose la question de l’avenir de leur contrat, car ni les collectivités ni les associations ne pourront tous les renouveler sur leurs fonds propres.
Vous avez déclaré mobiliser quelque 75 millions d’euros pour maintenir le dispositif – nous n’en avons pas trouvé la trace dans le projet de loi de finances pour 2023 –, alors même que 250 millions d’euros ont été nécessaires pour l’amorcer.
Au vu de la baisse du budget annoncée, comment l’État pourrait-il poursuivre son accompagnement financier des collectivités locales et des associations pour pérenniser ces emplois en 2023 et au-delà ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, le Gouvernement, par la voix de la Première ministre, s’est engagé dans une logique de pérennisation du dispositif des conseillers numériques France Services. L’État continuera donc d’encourager une politique de médiation numérique dont il financera les missions sur plusieurs années.
Après le temps de la relance, nous souhaitons que cette ambition soit véritablement collective, qu’elle associe l’ensemble des acteurs et qu’elle les engage. Les fragilités numériques constituent un enjeu de société auquel nous devons faire face. Pour ce faire, nous devons construire une coalition nouvelle pour pérenniser l’action des conseillers numériques et, plus largement, la médiation numérique.
S’agissant des conseillers numériques, je suis très optimiste – après avoir discuté avec les parties prenantes – à l’idée d’entamer cette phase qui suit la relance. Je trouve que tous les acteurs se sentent concernés par l’enjeu d’association, de montée en charge du dispositif et de meilleure organisation de l’action territoriale des conseillers numériques pour aller vers les publics fragiles.
L’État va débloquer 44 millions d’euros de crédits nouveaux pour ce dispositif, en 2023, qui s’ajoutent aux crédits déjà provisionnés pour les contrats en cours, ce qui aboutit à une contribution totale de l’État d’un montant de 75 millions d’euros.
De plus, nous accompagnerons les coalitions d’acteurs locaux, dont les collectivités, dans la recherche de fonds complémentaires structurels pour recruter et former plus de médiateurs.
Les modalités de cette future politique feront l’objet d’une concertation, dans les prochaines semaines, avec les parties prenantes, comme cela a été annoncé à Lens le 29 septembre dernier, afin de reconduire les contrats dans la durée.
Je souhaite d’ailleurs vous rassurer sur ce point : nous sommes en mesure d’offrir une solution de reconduction des contrats qui arrivent à échéance d’ici au printemps dans les conditions actuelles.
La formation a été un élément majeur du dispositif des conseillers numériques, puisqu’elle était obligatoire et certifiante. Elle a permis de professionnaliser la filière, mais elle a également mis en lumière l’insuffisance de l’offre, que nous voulons bel et bien faire monter en gamme – c’est attendu sur le terrain, vous avez raison de le souligner.
Nous lancerons très prochainement, avec le ministère du travail, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la coopérative MedNum, un engagement de développement de l’emploi et des compétences. Concrètement, il s’agira d’un accord conclu entre l’État et des organisations partenaires visant à accompagner l’évolution des emplois et des qualifications.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.
Mme Monique de Marco. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces informations et de vos engagements.
égalité des droits des élus d’arrondissement
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 132, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le ministre, ma question concerne la revalorisation des droits des élus d’arrondissement à Paris, Lyon et Marseille.
Si ces élus sont soumis aux mêmes règles et obligations, s’ils ont les mêmes responsabilités que tous les élus de toutes les communes de France, ils n’ont toutefois pas les mêmes droits !
Pour l’essentiel, les règles relatives aux conseillers d’arrondissement sont alignées sur celles qui s’appliquent aux conseillers municipaux.
Cependant, force est de constater que perdurent des inégalités dans l’acquisition de certains droits, notamment ceux qui sont relatifs aux frais de garde, au détachement au titre du mandat d’élu ou encore à la formation et au bilan de compétences.
Par ailleurs, les élus d’arrondissement en situation de handicap ne bénéficient d’aucun droit – eux non plus ! – pour la prise en charge des dépenses d’accompagnement et d’aides techniques.
Lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, nous avions souligné qu’il était indispensable d’aligner le régime applicable aux élus d’arrondissement sur celui des conseillers de Paris ou des conseillers municipaux de Lyon et de Marseille. D’ailleurs, à l’occasion de la discussion en séance de l’amendement déposé par le groupe socialiste, M. Bruno Le Maire s’était engagé – ici même ! – à reprendre cette proposition dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.
Monsieur le ministre, allez-vous tenir cet engagement et enfin garantir l’équité entre l’ensemble des élus locaux ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame Carlotti, je vous remercie de votre question.
Tout d’abord, il doit être précisé que certains avantages des élus communaux, à l’instar des majorations indemnitaires et des majorations de la durée des crédits d’heure, ne sont offerts qu’à certaines communes. C’est le cas des communes chefs-lieux, sinistrées, classées en stations de tourisme, mais également de celles dont la population a augmenté à la suite de travaux publics d’intérêt national et de celles qui sont attributaires de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (DACOM).
Si ces dispositions devaient être étendues aux conseillers d’arrondissement, elles ne leur seraient toutefois pas systématiquement applicables.
Ensuite, l’extension d’autres avantages aux élus d’arrondissement soulève des difficultés opérationnelles. À ce titre, l’ouverture pour le maire d’arrondissement et ses adjoints du droit à l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) se heurte au fait que cette allocation est financée par un fonds alimenté par les cotisations versées par les collectivités territoriales concernées. Or les arrondissements ne sont pas des collectivités territoriales distinctes de la commune et ne cotisent donc pas au Fonds d’allocation des élus en fin de mandat (FAEFM).
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour la réplique.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je souligne toutefois que les élus d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille devraient être traités de la même manière que les autres élus, car, comme eux, ils sont élus au suffrage universel direct.
Monsieur le ministre, pouvez-vous regarder de nouveau s’il est envisageable de donner une suite favorable à notre demande, qui tient vraiment à cœur aux élus locaux, au moment même où ils ont véritablement besoin de soutien.
suppression de la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dévolue aux départements et aux communes
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 112, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, après avoir procédé à la suppression de la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dévolue aux régions, soit un allègement fiscal de l’ordre de 7,2 milliards d’euros par an, le Gouvernement a annoncé vouloir supprimer la part restante de CVAE destinée aux intercommunalités et aux communes, ce qui représente un nouveau manque à gagner de 7 milliards d’euros.
Si cette suppression est mise en œuvre, ce produit de CVAE sera très probablement remplacé par un nouveau transfert de recettes de TVA aux collectivités territoriales.
Il s’agit là de la poursuite de votre processus d’érosion de la fiscalité locale, après la suppression de la taxe d’habitation et la réduction de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Nos collectivités sont victimes d’une recentralisation de leurs ressources, qui s’appuie sur une philosophie néolibérale qui ne croit pas à l’efficacité de la décentralisation, comme si, monsieur le ministre, les élus locaux n’étaient pas aptes à gérer leurs finances publiques.
La CVAE représente environ 14 milliards d’euros fléchés directement vers les collectivités locales. Elle leur permet d’assurer à la fois leur fonctionnement et l’exercice de leurs compétences en matière sociale, économique, de transports ou encore d’éducation.
Monsieur le ministre, dans un contexte où notre déficit public atteint des sommets, l’État est-il réellement en mesure de supporter durablement une compensation intégrale et dynamique de la CVAE due aux départements et au bloc communal ? Comment comptez-vous garantir que cette compensation ne soit pas rapidement obsolète et déconnectée de la réalité de l’activité économique du territoire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Rémi Cardon, conformément aux engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sera totalement supprimée.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre des objectifs de soutien à l’activité économique, de reconquête industrielle et d’allègement des impôts de production commencé en 2021 dans le cadre du plan de relance.
En cohérence avec la stratégie de maîtrise des finances publiques, la CVAE sera réduite de moitié en 2023 et totalement supprimée en 2024.
La perte de recettes induite pour les collectivités territoriales en raison de cette suppression sera compensée dès le 1er janvier 2023 par l’affectation d’une fraction de TVA, ce qui leur permettra de bénéficier d’une recette pérenne et dynamique, qui évolue en lien avec l’inflation.
Par ailleurs, un amendement présenté par le Gouvernement à l’article 5 du projet de loi de finances pour 2023 vise à élargir la période de référence permettant de calculer la fraction de TVA affectée aux collectivités à l’année 2023. Il s’agit ainsi de tenir compte du dynamisme des recettes de la CVAE que les collectivités auraient dû percevoir l’année prochaine. Le montant de la compensation pour chaque collectivité locale sera ainsi déterminé sur la base d’une moyenne quadriennale de leurs recettes de CVAE calculée sur les années 2020, 2021, 2022 et 2023.
En outre, l’incitation pour les communes et les intercommunalités à attirer de nouvelles activités économiques sur leur territoire sera maintenue. À cette fin, la dynamique annuelle de la fraction de TVA sera affectée à un fonds national d’attractivité économique des territoires dont les modalités de répartition, qui tiennent compte du dynamisme économique respectif des territoires, seront arrêtées à l’issue d’une concertation avec les collectivités locales.
Ce dispositif est ainsi de nature à répondre à votre interrogation concernant une éventuelle obsolescence de la compensation par rapport à la réalité de l’activité économique du territoire.
Dans le cadre de la concertation menée avec l’Assemblée des départements de France (ADF), les départements n’ont pas souhaité intégrer ce dispositif.
Par conséquent, chaque département bénéficiera de la dynamique de TVA associée à la fraction dont il bénéficie, sur le modèle de la fraction affectée aux régions depuis 2021.
Enfin, la perte de recettes découlant de la suppression des frais de gestion de la CVAE au bénéfice des régions sera compensée à ces collectivités par l’institution d’une dotation budgétaire dont le montant sera égal au montant des frais perçus par celles-ci en 2022.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, vous mettez progressivement les collectivités sous tutelle financière !
Je comprends par ailleurs que les impôts payés par les ménages vont financer les impôts de production… C’est bien le problème que pose votre philosophie, monsieur le ministre !
soutien aux collectivités territoriales face aux augmentations de l’énergie et du point d’indice
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 137, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances rectificative pour 2022 prévoit des conditions cumulatives pour que les collectivités territoriales puissent bénéficier du dispositif de soutien voté par les parlementaires.
Ainsi, les collectivités doivent cumuler une épargne brute à la fin de 2021 inférieure à 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement et une baisse de cette épargne brute de plus de 25 % durant l’année 2022.
Je souligne également que l’effet couperet de ces seuils cumulatifs va placer nombre de collectivités hors de tous les dispositifs de soutien souhaités par le Parlement.
Enfin, je constate que les critères retenus permettent à des collectivités au potentiel fiscal élevé, voire très élevé, mais à la gestion imprudente d’être aidées, alors que celles dont le potentiel fiscal est très faible, mais qui sont bien gérées par leurs élus successifs, ne pourront recevoir aucune aide. Ainsi, celles-ci risquent de voir leur potentiel fiscal très fortement grevé en raison de l’augmentation – indispensable – du point d’indice et, plus encore, du renchérissement des coûts de l’énergie et des denrées alimentaires.
Le potentiel fiscal par habitant, supérieur ou non à la moyenne de la strate démographique, ainsi que l’effort fiscal ne seraient-ils pas des critères permettant une meilleure répartition des aides voulues par le Sénat ?
Aussi, quelles sont, selon vous, les solutions possibles pour que les collectivités au potentiel fiscal faible, notamment celles de taille modeste, ne souffrent pas d’un traitement ressenti comme inéquitable, voire ne se retrouvent pas dans des situations budgétaires très précaires, au seuil de l’exercice 2023 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Jean-Marc Todeschini, je vous remercie de vos questions.
En ce qui concerne votre première interrogation, au 31 décembre 2021, près de 24 000 collectivités répondaient au premier critère d’éligibilité au dispositif institué par l’article 14 de la loi de finances rectificative (LFR) du 16 août 2022, car leur épargne brute a représenté moins de 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement.
En ce qui concerne les seuils rendant éligible au dispositif, je précise que l’article 14 de la LFR en prévoit trois. Premièrement, un seuil de fragilité financière représenté par le ratio entre l’épargne brute et les recettes réelles de fonctionnement en 2021, que je viens d’évoquer. Deuxièmement, un seuil de situation financière dégradée pour les collectivités subissant une perte d’épargne brute en 2023 supérieure à 22 %. Troisièmement, un seuil de capacité financière du territoire, matérialisé par un potentiel financier inférieur au double de la moyenne de la strate démographique à laquelle la collectivité appartient.
Ces seuils ont pour objet de concentrer le soutien de l’État sur les communes et les intercommunalités les plus fragilisées financièrement du fait de l’inflation. Un soutien homothétique à toutes les collectivités n’est pas souhaitable, car il conduirait à un saupoudrage de la dotation et aurait pour conséquence un soutien moins important pour les collectivités et établissements les plus affectés par l’inflation.
Enfin, en ce qui concerne le critère du potentiel financier, il convient de souligner que ce dernier appréhende plus justement la richesse relative d’un territoire, dans la mesure où il intègre, en plus du potentiel fiscal, le niveau de la dotation forfaitaire perçu au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Par ailleurs, l’effort fiscal que vous évoquez constitue aujourd’hui un indicateur financier contesté dans la mesure où la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales impose une redéfinition de ses paramètres, ainsi qu’en attestent les travaux menés, depuis 2021, par le Comité des finances locales. C’est pourquoi le Gouvernement a retenu un critère d’éligibilité fondé sur le potentiel financier pour cibler les collectivités territoriales bénéficiaires du dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour la réplique.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, votre réponse ne peut satisfaire les collectivités, surtout après les annonces confirmées ce matin par le ministre délégué chargé des comptes publics en faveur des entreprises, dont certaines souffrent énormément.
Aujourd’hui, les collectivités dépendent en grande partie des dotations de l’État ; pour les plus modestes des communes, la dépendance est totale – mon collègue Rémi Cardon a évoqué la suppression de la CVAE, qui contribue également à une perte de ressources fiscales propres des communes.
Les maires ont l’impression que la libre administration des collectivités n’est plus véritablement une réalité. Si cela continue, vous allez tuer les collectivités qui représentent pourtant près des trois quarts de l’investissement public !
situation fiscale des ressortissants français travaillant en belgique
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, auteur de la question n° 188, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, le 10 mars 1964, la France et le Royaume de Belgique ont signé une convention fiscale qui est toujours en vigueur. Cette convention pose, dans son article 10, le principe selon lequel les revenus issus de la fonction publique sont imposables dans l’État payeur.
Toutefois, le troisième alinéa de ce même article 10 prévoit une disposition spéciale. Si une personne travaillant dans la fonction publique possède la nationalité de son pays de résidence sans posséder la nationalité de l’autre État, en l’occurrence la Belgique, alors sa rémunération sera imposable dans son pays de résidence.
En ce sens, une personne travaillant en Belgique, résidant en France et possédant la nationalité française sans avoir la nationalité belge pourra voir sa rémunération issue de la fonction publique belge imposée en France. Ainsi cette disposition protège-t-elle les nationaux français d’une imposition belge vingt à trente fois supérieure.
Afin d’éliminer la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et afin de prévenir de l’évasion et la fraude fiscale, une nouvelle convention a été signée le 9 novembre 2021. Cette nouvelle convention, qui revient sur cette disposition en vigueur depuis près de soixante ans, prévoit désormais que les travailleurs français du secteur public doivent payer leurs impôts en Belgique.
Les frontaliers français sont donc très inquiets de cette nouvelle réglementation au moment où la question du pouvoir d’achat ne peut être éludée. Des centaines de familles sont concernées.
Monsieur le ministre, pouvez-vous apporter une réponse précise à cette situation ? Entendez-vous exclure de l’application de cette convention le personnel public déjà embauché avant la signature ou la ratification de la convention ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Decool, la France et la Belgique ont signé le 9 novembre 2021 une nouvelle convention fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, destinée à remplacer celle actuellement en vigueur, signée le 10 mars 1964.
La nouvelle convention contient de nombreuses avancées favorables à la France et préserve le régime spécial des frontaliers prévu dans le protocole additionnel à l’actuelle convention.
S’agissant des rémunérations de source publique, la convention franco-belge signée le 9 novembre 2021 repose, sauf exception, sur le principe de l’imposition par l’État qui verse les revenus. Ce principe est logique, car les revenus publics sont financés par les ressources publiques, notamment fiscales, de cet État. La rédaction de cette clause, qui est conforme au modèle de l’OCDE, se retrouve couramment dans notre réseau conventionnel et en particulier dans les conventions négociées dernièrement.
C’est pour cela que la nouvelle convention prévoit que les salaires des personnes travaillant en Belgique pour une entité publique belge soient taxés en Belgique, même si ces dernières habitent en France. L’inverse sera également vrai.
S’agissant des personnes résidant en France, seule une catégorie de travailleurs verra son régime d’imposition modifié par les dispositions conventionnelles futures : les résidents français possédant la seule nationalité française, percevant des traitements publics de source belge et exerçant leur activité en Belgique. Ces revenus sont imposables en France en vertu des règles actuellement en vigueur et seront imposables en Belgique par application de la nouvelle convention signée en 2021.
Comme vous le relevez, il existe une différence entre les impôts sur le revenu belge et français, mais la législation en Belgique pourrait évoluer dans un sens plus favorable à l’avenir. Le gouvernement belge a en effet proposé des pistes de réforme.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, à moitié satisfaisante, puisque la décision appartiendra à nos amis belges. Gardons tout de même à l’esprit que, depuis 1964, les Français se sont sentis protégés par cette convention fiscale.
On peut comprendre les craintes, tout à fait légitimes, des familles transfrontalières. Je vous remercie donc d’y porter une attention bienveillante, pour nos familles françaises.
avenir du projet de cité du théâtre à paris xviie
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 173, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, j’attire votre attention sur un projet, acté en octobre 2016, par le Président de la République de l’époque, qui peine à se mettre en place : le projet de la Cité du théâtre dans le XVIIe arrondissement de Paris, qui est directement lié à la réhabilitation des Ateliers Berthier.
Cette Cité du théâtre offrirait au Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNASD), au Théâtre national de l’Odéon et à la Comédie-Française des capacités de représentation, de stockage, de répétition et d’accueil du public en cohérence avec leurs ambitions artistiques internationales, nationales et municipales. Un groupement d’intérêt public (GIP), ayant vocation à conduire ce projet, réunit, depuis 2019, l’État et ces trois institutions culturelles. La Ville de Paris a également montré son grand intérêt pour ce projet au travers d’un vœu relatif à la reconversion des Ateliers Berthier en une Cité du théâtre adopté par le Conseil de Paris à l’unanimité à la fin de l’année 2021.
Le déménagement indispensable des activités de l’Opéra Garnier était prévu et financé dans le budget 2022. La ligne budgétaire non utilisée est portée de 9 millions à 11 millions d’euros dans le budget 2023.
Madame la ministre, est-ce le signe que le projet de Cité du théâtre va enfin pouvoir être concrétisé au bénéfice de la culture, de Paris et du XVIIe arrondissement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Chère Catherine Dumas, le projet de Cité du théâtre a été décidé en octobre 2016 afin de réunir le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, le Théâtre national de l’Odéon et la Comédie-Française et relier au sein de ce nouveau pôle commun la formation, la création et la diffusion.
Ce projet, confirmé en 2017 par Françoise Nyssen, alors ministre de la culture, a avancé grâce aux travaux d’une mission de programmation, au dialogue compétitif qui a sélectionné la maîtrise d’œuvre, à la création d’un GIP et à la réalisation d’études par la maîtrise d’œuvre.
Mais, voilà, six ans après, le coût du projet n’est pas celui qui avait été fixé en 2016, il s’élevait alors à 86 millions d’euros, hors coût du foncier, tandis que l’avant-projet sommaire (APS) remis par les architectes s’élève à 141 millions d’euros, soit un dépassement de 55 millions d’euros.
Dans ces conditions, nous avons missionné un expert indépendant afin de disposer d’un scénario se rapprochant de l’épure budgétaire initiale ; ce dernier a présenté quatre scénarios qui ont été examinés en lien avec les institutions concernées. Nous prendrons prochainement une décision pour choisir l’un de ces scénarios tout en tenant compte de l’avis de chacune des trois institutions et des chiffrages complémentaires qui ont été nécessaires.
Nous devrons également réaliser une évaluation précise des surfaces à acquérir auprès de la Ville de Paris pour déterminer, avec les services compétents, la valeur foncière associée pour le site des Ateliers Berthier.
Je vous remercie de votre mobilisation. Vous êtes nombreux à me parler régulièrement de ce projet emblématique qui nous tient à cœur – je pense au maire du XVIIe arrondissement Geoffroy Boulard, à la députée de la 3e circonscription de Paris Caroline Yadan et à mon collègue Stanislas Guerini avec qui j’en discutais encore hier…
Mme la présidente. Merci, madame la ministre…
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Je vous remercie madame la ministre.
Je voudrais signaler la présence en tribune de M. Geoffroy Boulard, maire du XVIIe arrondissement, qui suit depuis de très longues années ce projet et que j’ai voulu associer à l’inquiétude que j’ai exprimée dans ma question.
Aujourd’hui, je peux l’associer à mes remerciements pour les éléments d’information que vous avez bien voulu apporter en personne lors de cette séance de questions orales.
Espérons que l’année 2023 marquera la concrétisation de ce beau projet culturel pour Paris !
demandes d’autorisation d’urbanisme pour l’installation de panneaux photovoltaïques
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 156, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Chantal Deseyne. Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés rencontrées par les communes à propos des demandes d’autorisation d’urbanisme pour l’installation de panneaux photovoltaïques dans les zones classées au titre des monuments historiques.
À titre d’exemple, la commune d’Aunay-sous-Auneau, située dans l’est du département d’Eure-et-Loir, dispose d’un plan local d’urbanisme (PLU) prévoyant les adaptations indispensables pour tenir compte des objectifs de développement durable prévus par les politiques publiques actuellement mises en œuvre. Or cette commune est classée au titre des monuments historiques.
Ainsi toutes les demandes d’autorisation d’urbanisme portant modification extérieure des bâtiments dans ce secteur sont soumises à l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France (ABF). Les projets d’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures y font systématiquement l’objet d’un refus de l’architecte des Bâtiments de France lorsque l’exposition est prévue plein sud.
Pourtant, le choix de ce positionnement est lié à une meilleure exposition au soleil permettant un rayonnement direct et un rendement optimal. Ces avis se trouvent ainsi en contradiction avec l’objectif affiché de développement des énergies renouvelables, rendu d’autant plus nécessaire par la crise climatique et la crise énergétique.
Madame la ministre, je souhaite savoir quelles mesures entend mettre en œuvre le Gouvernement pour encadrer les avis des architectes des Bâtiments de France, afin que ceux-ci ne fassent pas obstacle au déploiement des énergies renouvelables dans les zones classées au titre des monuments historiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Deseyne, vous abordez un sujet qui m’importe beaucoup : comment concilier transition écologique, développement des énergies renouvelables et protection du patrimoine ?
Cette question est déjà au cœur des missions des architectes des Bâtiments de France (ABF) ; leurs avis ont pour objectif de préserver le patrimoine et d’éviter le caractère disparate de certaines installations photovoltaïques, sans pour autant empêcher leur mise en œuvre.
Les sites protégés représentent environ 6 % du territoire national et les refus sont très rares. En 2021, les ABF ont instruit au total plus de 515 000 dossiers, dont près de 12 800 – soit 2,5 % – portaient sur des installations photovoltaïques.
Parmi ceux-ci, seulement 2 300 demandes ont fait l’objet d’un premier avis défavorable, accompagné, dans certains cas, de recommandations en matière d’emplacement ou de teinte, permettant ensuite à certaines d’entre elles d’aboutir.
S’agissant de la commune d’Aunay-sous-Auneau, deux déclarations préalables ont fait l’objet d’une instruction par l’ABF au titre des abords de monuments historiques en 2021 et en 2022 pour l’installation de panneaux photovoltaïques. Dans les deux cas, l’ABF a donné son accord, assorti de prescriptions.
Par le dialogue, on peut donc parvenir à trouver l’équilibre entre protection du patrimoine et développement des énergies renouvelables. Le ministère de la culture, en collaboration avec le ministère de la transition écologique, travaille sur une instruction ministérielle visant à donner un cadre aux ABF et aux collectivités territoriales afin de concilier au mieux ces deux objectifs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.
Mme Chantal Deseyne. Merci de votre réponse, madame la ministre. Il faut en effet parvenir à concilier les intérêts patrimoniaux et les intérêts écologiques et travailler à des prescriptions permettant l’installation de ces équipements.
Si l’on avait tenu, lors de l’électrification du pays, les propos que l’on tient aujourd’hui, certains lieux ne bénéficieraient toujours pas de l’électricité. Certes, des fils électriques cernent parfois des sites protégés remarquables, mais au fil du temps, ils sont enfouis. Nous pourrions prévoir des dispositions similaires concernant les panneaux photovoltaïques.
budget alloué au réseau diplomatique et consulaire
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 006, adressée à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la ministre notre réseau consulaire, pilier de notre service public, a perdu plus de 30 % de ses personnels en vingt ans ; la création de 100 équivalents temps plein en 2023 est donc une bonne nouvelle. Ce réseau est notamment sorti fragilisé du programme Action publique 2022, après avoir participé à hauteur du tiers à la réduction de 332 emplois demandée au ministère.
Partout à l’étranger, j’entends les témoignages des agents sur lesquels a été transférée une grande partie de la charge de travail des personnels non remplacés. Ceux-ci doivent aujourd’hui rattraper les retards accumulés pendant les deux années de pandémie, auxquels s’ajoutent les nouvelles demandes.
Malgré tous leurs efforts, dans de nombreux pays, les prises de rendez-vous sont saturées et les délais d’attente peuvent atteindre plusieurs mois. À cela s’ajoute le rôle des officines privées qui bloquent les créneaux ouverts pour les revendre ensuite, repoussant d’autant les rendez-vous de ceux qui se connectent au site officiel.
Je suis régulièrement saisie par des compatriotes qui ne parviennent pas à joindre leur consulat, même en cas d’urgence. Dans la majorité des pays où le standard téléphonique a été supprimé et où l’expérimentation du service France consulaire n’a pas débuté, l’accueil téléphonique est reporté sur les agents, dans tous les services.
L’externalisation, consistant à renvoyer les appels des usagers de treize pays vers un centre d’appels, semble finalement induire de nouvelles dépenses, liées aux personnels du ministère affectés à l’encadrement des salariés du prestataire ainsi qu’à la rémunération de celui-ci. Réalisons-nous vraiment les économies escomptées ?
Nous disposons d’un atout précieux : notre réseau diplomatique et consulaire est l’un des plus vastes au monde, et repose sur des professionnels de grande qualité. Vendredi prochain s’ouvriront les états généraux de la diplomatie. Ces créations de postes en 2023 constituent-elles la première étape d’un effort dans la durée et d’une transformation structurelle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Conway-Mouret, je vous réponds au nom de ma collègue Catherine Colonna.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères confirme que les services consulaires ont fait face à une forte demande, liée en partie à un effet de rattrapage consécutif à la crise sanitaire.
Pour faire face à cet afflux et améliorer le service rendu à nos concitoyens, le ministère poursuit ses efforts de modernisation avec, notamment, l’envoi postal sécurisé à domicile des passeports et la mise en place d’une nouvelle plateforme de rendez-vous.
L’année 2023 verra également la création d’un centre de soutien spécialisé basé à Paris, qui viendra en renfort ponctuel des postes dans lesquels un besoin aura été identifié.
Le ministère veille également à ce que la modernisation nécessaire à l’amélioration du service aux usagers ne se fasse pas au détriment de l’accueil physique, qui demeure une priorité dans notre réseau.
Pour 2023, la dotation du programme 151, hors titre 2, s’établit à 141,1 millions d’euros en crédits de paiement. Cette apparente baisse de 0,9 million d’euros est principalement due à l’absence d’élections présidentielle et législatives en 2023. Hors élections, le budget du programme progresse de 12,6 millions d’euros, avec 10,2 millions d’euros en plus pour l’aide à la scolarité, 1,1 million d’euros en plus pour le service France consulaire, et 1 million d’euros en plus pour les aides sociales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.
Mme Hélène Conway-Mouret. Merci de cette réponse, mais je suis un peu déçue. J’attendais que vous me fassiez part d’une volonté du Gouvernement de renforcer les moyens humains.
Aujourd’hui, les consulats et leurs personnels sont en souffrance, il ne me semble pas que l’envoi de task force tel qu’il est prévu constitue la solution appropriée à cette situation.
Il ne faut pas oublier que nos consulats sont à la fois la porte d’entrée vers la France et une administration rendant à nos compatriotes des services de proximité essentiels.
protection et accessibilité au patrimoine sportif français et mondial
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 017, adressée à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, il y a quelques mois, nous étions nombreux à nous émouvoir qu’un quart de finale du tournoi de Roland Garros opposant deux légendes du tennis mondial soit diffusé non pas en accès libre sur le service public, comme c’est historiquement le cas, mais en session de nuit sur une plateforme à accès restreint.
Si ladite plateforme a finalement accepté, au dernier moment, de diffuser gratuitement le match, moyennant la collecte des données des utilisateurs, il n’en demeure pas moins que les 20 % de Français n’ayant pas d’accès résidentiel à internet et ceux qui souffrent d’illectronisme ont été, de fait, exclus de cet événement.
Il s’agit malheureusement du dernier exemple d’un mouvement de fond plus global qui tend à privatiser les événements sportifs de grande ampleur, via un système de découpage et de vente par lots aux chaînes de télévision, lesquelles sont de moins en moins en accès libre.
Si ce système permet d’accroître les revenus issus de la diffusion des compétitions et des rencontres, il présente néanmoins un risque évident d’éviction des publics qui n’ont pas les moyens financiers ou techniques d’accéder aux chaînes payantes.
Il me semble que nous partageons tous ici la conviction que le patrimoine sportif français et mondial ne saurait devenir l’apanage de ceux qui peuvent souscrire à de multiples abonnements ou qui disposent des ressources numériques suffisantes. En d’autres termes, un meilleur équilibre doit être trouvé entre viabilité d’un modèle économique dynamique, d’une part, et accessibilité du plus grand nombre au sport, d’autre part.
Le décret du 22 décembre 2004, en son article 3, définit une liste des « événements sportifs d’importance majeure » devant être diffusés sur un service de télévision en accès libre, laquelle pourrait être élargie.
Plus substantiellement, au regard de l’évolution en matière de droits de retransmission de tels événements, êtes-vous favorable, madame la ministre, à faire de l’accessibilité au plus grand nombre un motif d’intervention en urgence de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), afin de garantir la diffusion d’un événement sportif de grande ampleur sur une chaîne de télévision en accès libre ? Cette nouvelle prérogative correspond parfaitement au rôle de régulateur assigné à cette autorité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Sylvie Robert, je profite de cette occasion pour vous remercier de votre engagement en faveur des bibliothèques.
Ma collègue Amélie Oudéa-Castéra m’a chargé de vous répondre, dans la mesure où votre question concerne nos deux ministères.
Vous l’avez dit, cette fameuse liste est au cœur du sujet. La protection des événements dits « d’importance majeure » est encadrée par le droit de l’Union européenne, lequel offre la possibilité de définir une liste d’événements bénéficiant d’une protection particulière en vue de les rendre accessibles gratuitement au plus grand nombre.
En France, cette liste a été fixée par un décret de 2004 et compte vingt et un événements sportifs, le chiffre le plus élevé au sein de l’Union européenne, ce qui témoigne de l’importance que nous accordons à l’accès au sport pour tous. Oui, le Gouvernement est favorable à son élargissement et à sa modernisation, afin d’y intégrer les jeux Paralympiques ainsi que des événements sportifs féminins.
Plusieurs étapes sont nécessaires pour cela. Le précédent Gouvernement avait mené une consultation publique en début d’année et nous nous apprêtons à notifier cette liste modernisée à la Commission européenne, qui doit la valider.
Il est important de rappeler que les droits audiovisuels représentent une part importante des ressources des acteurs du sport français ; ils sont essentiels pour assurer la pérennité des événements et le développement du sport en France, incluant, notamment, la formation des jeunes.
C’est tout l’objet de la taxe Buffet, laquelle assure, comme vous le savez, une solidarité financière du sport professionnel vers le sport amateur. Ainsi, ma collègue Amélie Oudéa-Castéra et moi-même restons attentives au maintien d’un juste équilibre entre la disponibilité des offres à un coût raisonnable pour les téléspectateurs et le développement économique des ayants droit.
Cet équilibre, qu’il importe de toujours rechercher, ne s’est pas dégradé au cours des dernières années. L’Arcom indique ainsi dans son rapport du 25 juillet 2022 que le poids des contenus sportifs diffusés en télévision gratuite est passé de 4,2 % à 5,4 % entre 2019 et 2021, soit une hausse de 1,2 point.
prise en charge des nouveau-nés placés
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade, auteur de la question n° 122, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance.
Mme Florence Lassarade. Ma question porte sur la dégradation de la prise en charge des nouveau-nés placés qui, en raison d’un manque de personnel dans les pouponnières, sont confiés à la protection de l’enfance et peuvent demeurer à l’hôpital durant plusieurs mois.
Ces nourrissons souffrent d’une forme de dépression, appelée « hospitalisme », qui apparaît dans le contexte d’un long séjour à l’hôpital ou d’un placement, et qui peut être imputée à une carence affective ou à l’absence d’une figure d’attachement. L’hospitalisme est un état dépressif avec régression physique et psychique, qui se manifeste chez certains enfants privés précocement de tout lien d’affection.
Ces enfants dépérissent progressivement, tant physiquement que psychiquement. Ce trouble affectif a été théorisé dès 1946 par le psychanalyste René Spitz.
Aujourd’hui, en raison de l’augmentation des besoins, on assiste à un déficit de la prise en charge de certains nourrissons emportant des conséquences dramatiques sur leur développement et sur leur vie d’adulte à venir.
Les professionnels de la petite enfance tirent la sonnette d’alarme et expliquent cette situation par l’accroissement du nombre de mesures de placement et la crise de recrutement des professionnels, conjuguée à la diminution du nombre de familles d’accueil. Ces dernières sont par ailleurs vieillissantes et ne souhaitent plus accueillir des enfants de moins de 3 ans.
Dans ce contexte de tension sur les places, de tout petits enfants peuvent être laissés sous la responsabilité de la protection de l’enfance et rester à l’hôpital pendant plusieurs mois, d’autres sont accueillis dans des pouponnières surchargées. Cette situation inhumaine est parfaitement inacceptable, en particulier pour des nourrissons qui sont déjà en souffrance.
Je souhaite savoir quels moyens humains et financiers le Gouvernement entend déployer en urgence pour améliorer la prise en charge des nouveau-nés placés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Madame la sénatrice Florence Lassarade, la prise en charge des enfants, notamment celle des plus fragiles, est au cœur de ma mission et constitue une priorité pour le Président de la République, le Gouvernement et la majorité présidentielle. Vous évoquez la question des nouveau-nés placés en pouponnières.
Il est vrai que le nombre d’enfants placés en France a augmenté ces dernières années. Ainsi, entre 2015 et 2020, 35 000 enfants de plus se sont trouvés dans cette situation ; votre département, la Gironde, a connu une évolution similaire.
Pour autant, il est difficile de répondre précisément à votre question sur l’évolution du nombre d’enfants en pouponnière, car il n’existe pas, hélas, de statistiques nationales sur ce sujet.
Cette réponse est évidemment insatisfaisante, en particulier si nous entendons avancer avec l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance vers un référentiel commun à partir d’un constat partagé. Je travaille actuellement sur ce sujet des statistiques de prise en charge des enfants avec l’ensemble des pouvoirs publics, afin que ceux-ci disposent, à l’avenir, de chiffres rigoureux. La création du groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée devrait d’ailleurs nous permettre d’améliorer la situation en la matière.
Je vous rappelle que la protection de l’enfance est une compétence décentralisée. La situation complexe que vous évoquez dans votre importante question n’est donc pas la même d’un département à l’autre, chaque département tentant d’adapter en permanence son offre aux besoins du territoire.
Pour autant, l’État est présent et doit continuer à l’être, notamment en accompagnant les territoires sur le volet de l’attractivité des métiers. Faire face à la crise du recrutement dans tous les métiers du social et de la protection de l’enfance est une de nos priorités, tant cette crise affecte la qualité de la prise en charge de nos enfants. Ce n’est pas uniquement une question de moyens. Comme vous le savez, nous avons étendu les revalorisations salariales issues du Ségur de la santé au secteur de la protection de l’enfance. Les assistants familiaux en ont également bénéficié au 1er septembre. Il s’agit d’une crise de sens, à laquelle nous devons répondre.
S’agissant des moyens financiers, nous avons mis en œuvre la contractualisation. L’État restera engagé au côté des départements et des professionnels pour assurer la protection de nos enfants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.
Mme Florence Lassarade. Madame la secrétaire d’État, ces nourrissons deviendront des adultes placés et certains d’entre eux termineront leur vie dans des foyers d’accueil médicalisés. Telle est leur destinée et il faut lutter contre cela. Nous devons donner à ces enfants, déjà fragilisés par leur condition sociale et leur situation d’abandon, une chance de vivre normalement et de devenir des adultes aptes à la vie commune.
plan d’évolution du site d’oyonnax de l’institut national des sciences appliquées
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 172, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, ma question porte sur le plan d’évolution du site d’Oyonnax de l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Lyon.
Oyonnax et la Plastics Vallée sont historiquement un territoire d’industrie qui regroupe plusieurs filières d’excellence. Aujourd’hui, plus de 600 entreprises innovantes en plasturgie, avec près de 10 000 emplois, constituent un pôle dense et fort, certaines d’entre elles jouissant d’une renommée internationale.
Comme partout en France, les entreprises de la filière ont besoin de nouveaux talents pour répondre aux trois enjeux auxquels celle-ci est confrontée : rester compétitives face à la concurrence étrangère ; former de nouvelles forces vives dans un marché de l’emploi particulièrement tendu ; enfin, préparer les chefs d’entreprise de demain.
Afin de relever ces défis, les acteurs doivent ancrer localement les étudiants ingénieurs pour alimenter en compétences les entreprises de la vallée.
La présence sur le territoire oyonnaxien de l’Insa, avec lequel les professionnels ont toujours travaillé, constitue ainsi un atout incontournable. Ce site est un élément stratégique de croissance partenariale dans le secteur industriel de la plasturgie.
L’Insa souhaite pourtant faire évoluer le cycle d’ingénieur de la plasturgie avec, d’une part, l’arrêt de la formation par alternance, acté dès la rentrée de septembre 2021 et, d’autre part, l’arrêt du cycle de formation en cours, au profit d’une année optionnelle.
Il résulte de cela que le nombre d’étudiants de l’Insa à Oyonnax tend vers une diminution de moitié. Dans ce contexte, et alors même que ce campus constitue un véritable outil haut de gamme au service de l’enseignement, je souhaite savoir, madame la ministre, si vous entendez agir pour que la formation en ingénierie durable des polymères et composites soit rapidement mise en œuvre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est attaché à la prise en compte des spécificités du territoire et a à cœur d’accompagner ses opérateurs dans une définition de l’offre de formation qui corresponde pleinement aux besoins de recrutement locaux.
C’est la raison pour laquelle le projet présenté par l’Insa de Lyon a été élaboré à partir de l’analyse des besoins exprimés par les entreprises du territoire d’Oyonnax, notamment par l’intermédiaire de Polyvia, le syndicat professionnel de la filière plasturgie et composites.
Il est important que les étudiants domiciliés sur le site d’Oyonnax puissent bénéficier de formations plus diversifiées et répondant à leurs attentes.
L’Insa de Lyon, qui est fortement engagé en faveur du développement durable et de la responsabilité sociétale qui irrigue tous les niveaux du cursus d’ingénieur, permet à ses diplômés d’être en adéquation avec les exigences de la région.
Il envoie donc un signal fort en faveur du développement de ce territoire en adaptant son offre et ses structures aux besoins des étudiants et des entreprises locales ; nous pouvons nous en féliciter.
S’agissant de la question précise concernant la possibilité que le nouveau diplôme soit proposé en troisième année plutôt qu’en cinquième, il appartient évidemment à l’Insa de déterminer la manière d’articuler au mieux cette offre. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sera soucieux de l’accompagner afin de répondre aux besoins du territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. J’ai bien entendu vos propos, madame la secrétaire d’État, mais, sur le terrain, la situation n’est pas tout à fait celle que vous décrivez : de quatre-vingts étudiants, nous sommes passés à trente-cinq et nous craignons que ce chiffre ne diminue encore.
Je vous propose de demander à votre collègue, Mme Retailleau, de venir sur place ; nous disposons de tous les outils nécessaires pour assurer une formation de qualité conforme aux besoins des entreprises du site.
prise en compte des travaux d’utilité collective dans le calcul des droits à la retraite
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin auteure de la question n° 208, adressée à M. le ministre du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Mme Monique Lubin. Je souhaite aborder le sujet de ces quelque 350 000 personnes qui ont travaillé entre les années 1985 et 1990 sous le régime des contrats aidés que l’on appelait alors « travaux d’utilité collective » (TUC).
Aujourd’hui, ces personnes sont en train de préparer leur retraite et se rendent compte que, en raison du statut lié à la formation professionnelle dont ils relevaient à l’époque, certaines cotisations n’ont pas été payées. Il leur manque donc un certain nombre de trimestres correspondant à ces mois, voire à ces années de travail, qui ne peuvent être intégrés dans le calcul de leur pension.
Je sais que les services du ministère compétent ont été saisis à plusieurs reprises à ce propos et que des éclaircissements ont été apportés, se référant à un décret du 19 mars 2014 ou à la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Or le contenu de ces textes ne peut résoudre les problèmes que rencontrent les personnes concernées et ne répond pas à leurs demandes.
Cette question touche 350 000 individus – un chiffre qui n’est pas énorme – dont certains ont exercé, à l’époque, des missions de service public auprès d’administrations ou dans des communes. Ne pourrait-on pas se réunir autour d’une table et discuter de la possibilité de valider financièrement les périodes en cause ? Cela constituerait, à mon sens, une véritable avancée.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Madame la sénatrice Monique Lubin, les personnes recrutées entre 1984 et 1990 dans le cadre de travaux d’utilité collective avaient le statut de stagiaire de la formation professionnelle, conformément aux dispositions du décret de 1984. Dès lors, leur couverture sociale était assurée par l’État et ils bénéficiaient d’une protection sociale contre tous les risques du régime légal.
Conformément aux dispositions en vigueur, les cotisations étaient calculées sur des assiettes et selon des taux forfaitaires, qui ne leur permettaient pas de valider la totalité de ces périodes pour le calcul de la retraite.
En effet, le nombre de trimestres d’assurance vieillesse validés au titre d’une année civile n’était pas établi en fonction de la durée de travail accomplie, mais à raison du montant de la rémunération annuelle soumise à cotisation. Le seuil de validation d’un trimestre était ainsi fixé à des niveaux de cotisation équivalant à celui de 200 heures de travail rémunéré au Smic, un seuil trop élevé pour valider l’ensemble des trimestres compte tenu des cotisations versées.
Depuis le 1er janvier 2014, ce seuil a été porté à 150 heures de travail rémunérées au Smic.
Toutefois, il convient de souligner que la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a ouvert, au titre des années incomplètes comme des années d’études supérieures, une faculté de versement de cotisations visant à racheter des trimestres, laquelle est donc ouverte aux personnes ayant exercé des TUC.
En tout état de cause, une nouvelle procédure visant à faciliter la validation de trimestres de manière rétroactive pour les anciens TUC nécessiterait une évolution législative. La concertation en cours, menée par Olivier Dussopt avec les partenaires sociaux sur le projet de réforme des retraites, pourrait aborder cette question, au sein du cycle consacré à l’équité et à la justice sociale.
manque de places en instituts médico-éducatifs
Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez, auteur de la question n° 174, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.
Mme Vivette Lopez. Madame la ministre, ma question a trait au manque criant de places en instituts médico-éducatifs (IME) et à ses conséquences tant sur la vie des familles que sur le personnel enseignant.
En effet, les parents confrontés à la situation de handicap de leur enfant peuvent, après instruction par les services départementaux d’un dossier administratif très lourd à monter, voir leur enfant orienté en IME.
Or, très souvent, aucune suite n’est donnée à cette orientation, faute de place. Ainsi, dans le Gard, pas moins de 250 enfants sont concernés, alors qu’il n’existe que 656 places, mais aucune ouverture d’établissement ne semble être envisagée.
Cette situation est extrêmement difficile à vivre et lourde de conséquences pour les parents, mais également pour les enseignants. Pour pallier ce manque de place, certains de ces enfants sont scolarisés en milieu inclusif, voire en milieu ordinaire. Ils bénéficient parfois aussi de dispositifs particuliers, lesquels, s’ils sont bienvenus, ne sauraient être considérés comme des solutions pérennes satisfaisantes pour ces enfants dont les besoins sont spécifiques.
Si l’inclusion scolaire a fait des progrès ces dernières années, des enfants en situation de handicap se trouvent toujours dans l’attente, sans solution.
Le Gouvernement s’était pourtant engagé à la création de centres spécialisés pour ne laisser aucun enfant sur le bord du chemin. Incontestablement, les efforts entrepris ne sont pas suffisants.
Quelles solutions envisagez-vous donc pour proposer à ces enfants la scolarisation et les soins auxquels ils ont droit ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Vivette Lopez, le sens de l’histoire veut que nous fassions évoluer notre organisation pédagogique afin de mieux accompagner les élèves en situation de handicap.
Certains de nos voisins européens ont déjà tracé le chemin vers une scolarisation pleine et entière en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap, et c’est la direction que nous souhaitons adopter progressivement. Nous réfléchissons à la meilleure manière d’y parvenir, en respectant tous les acteurs qui accompagnent ces jeunes aujourd’hui.
J’entends les critiques sur le manque de places pour de nombreux enfants qui sont encore sans solution. Je mesure à quel point cela peut être difficile pour les familles. Nous travaillons en lien étroit avec l’éducation nationale pour améliorer cette situation et proposer des solutions aux élèves en situation de handicap.
Nous avons ainsi développé de nombreuses structures spécifiques pour accueillir ces enfants au sein de l’éducation nationale, telles que les unités d’enseignement autisme en maternelle et en élémentaire, les dispositifs d’autorégulation, les dispositifs intégrés des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Ditep) ainsi que bien d’autres dispositifs, et nous avons multiplié le nombre d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) dans les écoles.
Nous continuons, en parallèle, à investir dans les établissements médico-sociaux en créant des places de façon régulière. En 2023, environ 300 places seront créées pour les enfants en situation de handicap. Dans le même temps, plus de 1 000 places nouvelles seront destinées aux personnes adultes, qui pourront ainsi laisser aux enfants celles qu’ils occupent dans ces organismes dédiés.
Comme je vous le disais, le sens de l’histoire est à l’inclusion, nous devons donc poursuivre et renforcer le rapprochement de l’éducation nationale et du secteur médico-social.
Nous avons déjà des exemples dans les territoires où l’inclusion est totale et où elle fonctionne. C’est dans cette direction que nous souhaitons nous orienter, avec la prochaine Conférence nationale du handicap, qui marquera l’acte II de l’école et de l’université inclusives.
Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour la réplique.
Mme Vivette Lopez. Merci, madame la ministre, il est important et urgent d’agir.
assistantes maternelles impayées
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 140, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Henri Cabanel. Face à des parents employeurs peu scrupuleux qui ne paient pas leurs salaires, des assistantes maternelles se retrouvent en grande difficulté financière alors que le tribunal leur a donné gain de cause.
En effet, les employeurs perçoivent une allocation versée par la caisse d’allocations familiales (CAF), la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), qui ne peut être saisie en cas de procédure judiciaire entre parents employeurs et assistantes maternelles. L’article L. 533-4 du code de la sécurité sociale précise ainsi que ces « prestations familiales sont incessibles et insaisissables sauf pour le recouvrement des prestations indûment versées à la suite d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration de l’allocataire ».
Les assistantes maternelles se retrouvent sans solution et dans l’incapacité de récupérer leurs salaires, alors même qu’une fraude a été commise.
Dans un contexte de forte médiatisation qui a révélé que des centaines d’assistantes maternelles sont dans ce cas, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour garantir le paiement du salaire des assistantes maternelles et trouver une solution pour celles dont le salaire demeure impayé.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, la question du versement du salaire dû par un employeur relève avant tout du droit du travail.
Le sujet que vous évoquez ayant été signalé plusieurs fois au ministère des solidarités ces dernières semaines, celui-ci a contacté l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam) pour dresser un état des lieux précis du sujet.
En l’état actuel de la réglementation, l’absence de dépenses effectives par un parent employeur n’ouvre pas droit au versement de la prestation. La déclaration d’un salaire versé via le dispositif Pajemploi sans versement effectif du salaire est constitutive d’une fraude et donne lieu à la récupération des sommes indûment versées. Il s’agit d’un garde-fou indispensable contre les impayés.
Depuis mai 2019, l’Urssaf a également mis en place un service optionnel et gratuit appelé « Pajemploi+ ». Ce service assure le versement de la rémunération sur le compte bancaire du salarié dans un délai de quatre jours suivant la déclaration sociale de la famille. Pajemploi prélève parallèlement sur le compte bancaire des parents employeurs la somme restant à leur charge, ce qui permet de simplifier et de sécuriser les démarches.
La confiance n’est toutefois pas tout à fait acquise entre Pajemploi+ et les assistantes maternelles, dont les représentants ne réclament pas unanimement la systématisation du recours à ce dispositif. Ces derniers observent par ailleurs que la présence d’un intermédiaire ne change rien en cas d’insolvabilité.
Les représentants d’assistants maternels nous ont également signalé la situation de professionnels privés de revenus d’activité du fait d’une suspension d’agrément à titre conservatoire. Ils insistent sur les conséquences lourdes pour le professionnel et sa famille d’une telle mesure, alors même que l’instruction peut conclure à l’absence d’un comportement inapproprié.
Telles sont les raisons pour lesquelles le comité de filière de la petite enfance, constitué au début de 2022, a prévu de travailler sur la constitution d’un éventuel fonds de garantie des salaires dédié aux professionnels de l’accueil individuel. Cette piste de travail est d’ailleurs soutenue par le syndicat UNSA ProAssmat.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, ce sujet fait l’objet d’un suivi attentif du Gouvernement, en particulier par Jean-Christophe Combe.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais vous n’évoquez que les mesures qui peuvent être prises pour empêcher le non-paiement des salaires.
Permettez-moi d’insister sur la situation des assistantes maternelles qui n’ont pas été payées par des employeurs peu scrupuleux. Ces derniers ont de plus commis une fraude à la CAF, puisque celle-ci leur a versé des aides. Il faudrait à tout le moins récupérer ces fonds afin de les verser aux assistantes maternelles dont les salaires n’ont pas été payés.
Ces dernières ont engagé des poursuites devant les prud’hommes, qui leur ont donné gain de cause, mais pour récupérer les sommes qui leur sont dues, il leur faudrait de plus engager des frais supplémentaires d’huissier.
Aujourd’hui, le Gouvernement doit être à leurs côtés pour les aider à récupérer au moins une partie de ce qui leur revient.
évaluation de l’impact des concentrations records de dioxines de l’incinérateur d’ivry-paris xiii
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 151, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Catherine Procaccia. Ma question porte sur les concentrations records de dioxines enregistrées auprès de l’incinérateur du syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères (Syctom) d’Ivry en début d’année.
Une étude menée par un collectif écologique a en effet révélé des concentrations de dioxines anormalement élevées à proximité de cet incinérateur qui est le plus grand d’Europe et brûle près de 730 000 tonnes d’ordures par an.
En février, l’agence régionale de santé (ARS) a recommandé aux habitants des communes proches, c’est-à-dire Paris et des communes du Val-de-Marne de ne pas manger les œufs de poules élevées en plein air, la consommation régulière d’œufs pollués aux dioxines présentant un fort risque pour la santé.
L’ARS a aussi demandé une analyse toxicologique à des experts.
Cependant, l’usine du Syctom dit respecter strictement les normes en matière de rejets et être soumise à de nombreux contrôles.
Lorsque j’ai posé ma question par écrit au début de l’année au ministre de la santé, je souhaitais notamment savoir dans quel délai les résultats de l’analyse toxicologique seraient connus et comment pouvait être évalué le lien entre l’incinérateur et les taux de dioxines relevés.
N’ayant pas reçu de réponse, madame la ministre, je vous pose six mois plus tard la même question oralement, en insistant sur la seconde partie de celle-ci : si l’usine n’est pas à l’origine des dioxines, quelles mesures concrètes les instances environnementales et sanitaires comptent-elles prendre pour protéger la population parisienne et val-de-marnaise ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Catherine Procaccia, je vous prie d’excuser le ministre de la santé, qui, ne pouvant être présent, m’a demandé de vous répondre. J’espère toutefois avoir les bonnes réponses. (Sourires.)
La surveillance des émissions des incinérateurs relève de la compétence de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (Drieat) qui contrôle systématiquement et régulièrement les taux de dioxines.
Les expositions environnementales pointées dans les analyses réalisées sur des œufs à proximité de l’incinérateur d’Ivry par la fondation ToxicoWatch font l’objet d’un travail commun de la direction générale de la santé (DGS) et de l’ARS d’Île-de-France avec les agences sanitaires nationales.
Cette étude avait révélé des niveaux de contamination des œufs dépassant les seuils réglementaires de commercialisation.
Dès qu’elle a eu connaissance de ces résultats, l’ARS a émis une recommandation de non-consommation des œufs d’élevage domestique dans la zone de l’étude. Cette recommandation a été prise à titre conservatoire et prudentiel, dans l’attente d’une évaluation plus approfondie.
En effet, aucun lien de causalité n’a pu être établi par ToxicoWatch entre l’incinérateur et les résultats des prélèvements – ce point est confirmé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Un groupe d’experts de la DGS a de plus constaté que l’étude de ToxicoWatch est entachée de défauts méthodologiques, dont un manque de clarté sur les protocoles de prélèvement et d’échantillonnage.
Par ailleurs, les études de l’Anses et de Santé publique France soulignent que résider à proximité de zones industrielles et d’incinérateurs ne semble pas modifier les niveaux d’imprégnation en dioxines, à l’exception des populations qui consomment des produits issus d’animaux élevés dans une zone connue comme polluée.
En conséquence, l’ARS lance une étude supplémentaire pour vérifier l’alerte de ToxicoWatch et déterminer s’il convient de maintenir la recommandation de non-consommation portant sur les œufs. Les résultats en sont attendus pour le premier semestre 2023. Dans cette attente, des rencontres régulières ont été organisées avec différents acteurs dont le collectif 3R.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Si je comprends bien, madame la ministre, il est recommandé de ne pas manger d’œufs de poules élevées chez les particuliers. En milieu dense urbain, il ne doit pas y en avoir énormément…
En tout état de cause, je regrette que les premiers résultats, qui sont disponibles depuis le mois de juillet, n’aient pas été communiqués à la population, dont on aurait pu apaiser les inquiétudes, notamment en disant tout haut que la méthodologie employée par le collectif qui a réalisé l’évaluation n’était pas forcément la bonne.
extension du nutri-score aux fruits et légumes frais
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 105, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Françoise Férat. Ma question porte sur l’extension du Nutri-score aux fruits et légumes frais.
Le Nutri-score est un système d’étiquetage nutritionnel créé par Santé publique France afin de faciliter l’information et d’orienter les choix des consommateurs vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle.
Les bénéfices pour la santé de la consommation régulière de fruits et légumes sont largement démontrés. Consommer quotidiennement des fruits et légumes joue un rôle positif dans la prévention des maladies telles que l’infarctus, l’hypertension artérielle ou de nombreux cancers. Or la consommation de fruits et légumes reste encore très insuffisante chez les enfants et les adultes. Nous sommes loin des cinq fruits et légumes qu’il est conseillé de consommer chaque jour.
Le Nutri-score étant un étiquetage reconnu et apprécié par les Français, je demande au Gouvernement son extension aux fruits et légumes frais, qui sont tous notés « A » hormis la noix de coco, qui a la note « B ».
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Françoise Férat, le Nutri-score fait l’objet d’un soutien fort des consommateurs, qui sont près de 94 % à déclarer être favorables à sa présence sur les emballages.
Les industriels décident de l’apposer sur leurs produits afin d’améliorer l’information des consommateurs. Au début de 2022, plus de 875 d’entre eux s’étaient engagés dans la démarche.
Afin de renforcer l’information nutritionnelle des consommateurs et d’encourager le choix d’aliments plus sains, le quatrième programme national nutrition santé prévoit d’étendre, sur la base du volontariat, le Nutri-score à la restauration hors foyer et aux denrées non préemballées.
Le Gouvernement travaille actuellement à l’élaboration d’un cadre juridique et opérationnel qui permettra d’étendre l’usage volontaire du Nutri-score aux aliments non préemballés, dont les fruits et légumes frais.
Dans ce cadre, une consultation des parties prenantes regroupant les représentants des industriels et des distributeurs, les administrations et Santé publique France est menée depuis un an afin d’élaborer les conditions d’application du Nutri-score à ces aliments.
L’objectif est que le consommateur dispose d’une information nutritionnelle simple, claire et transparente dans les rayons de produits bruts, tels que les fruits et légumes ou les silos de vrac. L’affichage du Nutri-score, en très grande majorité « A » pour les fruits et légumes, permettra d’encourager la consommation de ces produits frais de bonne qualité nutritionnelle essentiels à un bon état de santé.
Par ailleurs, nous continuons à promouvoir les recommandations générales nutritionnelles publiées par Santé publique France qui encouragent la consommation d’au moins cinq fruits et légumes par jour.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour la réplique.
Mme Françoise Férat. Je vous remercie de cette réponse rassurante, madame la ministre.
Ce que je propose ne coûtera rien ni aux finances publiques ni aux entreprises, et cela aurait un effet positif sur la santé. Le Nutri-score est immédiatement repéré par les consommateurs sur les emballages parmi une multitude de logos. Il est de ce fait particulièrement incitatif.
Enfin, cette mesure serait de nature à favoriser la filière des fruits et légumes.
dépistage du diabète
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 147, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Anne Ventalon. Madame la ministre, le diabète provoque 30 000 décès chaque année en France. L’épidémie progresse de plus en plus vite, si bien qu’actuellement, 3,5 millions de diabétiques sont quotidiennement traités par médicaments, soit 5,3 % de la population.
Aujourd’hui même, comme hier ou demain, 400 nouveaux cas auront été déclarés. Surtout, on estime qu’entre 500 000 et 800 000 personnes sont porteuses de la maladie et l’ignorent.
Face à l’ampleur de cette épidémie touchant plus particulièrement les jeunes, les campagnes de dépistage et de prévention sont indispensables.
De plus, le moment du dépistage est l’occasion de partager avec le public les connaissances sur le diabète et de développer la prévention de proximité.
Des associations comme Agir contre le diabète, qui intervient en Ardèche méridionale, mènent ces opérations avec des équipes composées de professionnels de santé et de bénévoles. Or seuls des professionnels de santé tels que les médecins, les infirmiers, les pharmaciens et les sages-femmes peuvent légalement réaliser des dextros, ces prélèvements capillaires effectués lors des campagnes de dépistage.
Le manque de disponibilité des infirmiers bénévoles conduit – hélas ! – ces associations à devoir limiter leurs actions, avec pour conséquence des retards dramatiques dans la prise en charge des nouveaux malades.
Si les agences régionales de santé pouvaient délivrer des dérogations, certaines associations pourraient pallier le manque d’infirmiers en continuant à pratiquer des dextros. Des bénévoles dûment formés par des médecins diabétologues pourraient ainsi dépister massivement en autonomie.
Madame la ministre, envisagez-vous d’aménager le droit en vigueur ou d’autoriser par voie réglementaire les ARS à y déroger afin de ne pas retarder le dépistage de nombreux diabétiques ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Anne Ventalon, en France, la prévalence du diabète traité par un médicament était estimée à 5,3 % de la population en 2020, soit plus de 3,5 millions de personnes.
La fréquence du diabète continue aujourd’hui de progresser, ce qui constitue, comme vous l’avez indiqué, un enjeu majeur de santé publique.
La fréquence du diabète de type 2 a augmenté de 0,9 % par an pour les hommes et de 0,4 % par an pour les femmes de plus de 45 ans entre 2010 et 2017, tandis que l’incidence avait diminué sur la période 2012-2017, de –2,6 % pour les hommes et de –3,9 % pour les femmes.
Le diabète de type 2 évolue souvent en silence, car la glycémie augmente très progressivement. Un dépistage ciblé est recommandé tous les trois ans pour les plus de 45 ans ayant au moins un autre marqueur de risque du diabète – excès pondéral, hypertension artérielle, cholestérol, antécédent familial.
La mesure de la glycémie peut s’effectuer dans un laboratoire de biologie médicale par prise de sang ou chez soi avec des appareils de diagnostic rapide, la mesure au laboratoire étant plus fiable et précise.
Le maillage territorial en laboratoires permet tout de même un accès simple à ce dépistage. De plus, dans le cadre des campagnes de prévention, les pharmaciens d’officine sont autorisés depuis 2016 à réaliser des tests capillaires d’évaluation de la glycémie.
Les possibilités d’accès au dépistage sont donc nombreuses. Dans ce contexte, le Gouvernement n’entend pas mobiliser de nouveaux acteurs, mais il souhaite renforcer sa stratégie de prévention du diabète, notamment au travers des rendez-vous de prévention pris en charge à 100 % aux âges clés de la vie dès 2023.
dépistage du saturnisme auprès des populations du programme d’intérêt général metaleurop nord
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteure de la question n° 185, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Sabine Van Heghe. Le scandale de la gestion par l’État des terres polluées par Metaleurop donne lieu à une crise sanitaire dans ce secteur.
En effet, depuis la fermeture de l’usine en 2003, il n’y a pas eu de campagne de détection du saturnisme infantile menée de manière systématique.
De nouveau alerté par les associations et les élus, l’État s’est enfin décidé, en juin, à engager une campagne de détection des cas de plombémie autour de Metaleurop. La campagne devait concerner 7 511 enfants sur le périmètre du projet d’intérêt général (PIG) à Courcelles-lès-Lens, Évin-Malmaison, Dourges, Leforest et Noyelles-Godault, mais seuls 1 200 enfants ont été testés, soit 12 % de la population cible.
Quelque 8 enfants sont atteints de saturnisme, et 68 doivent être surveillés. La situation est donc extrêmement inquiétante.
La répartition des cas de saturnisme démontre que la pollution des sols contamine les enfants depuis les jardins et les pelouses des maisons particulières dans les zones 1 et 2 du PIG dans un périmètre de 200 hectares autour de l’ancienne usine polluée à raison de 500 ppm à plus de 1 000 ppm de plomb.
Cette pollution des sols semble aussi contaminer les enfants depuis une troisième zone de 400 hectares autour des deux premières du PIG. Cette zone identifiée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) dès 2011 comme polluée n’est pourtant soumise à aucune information particulière ni à aucune servitude d’utilité publique. De ce fait, la zone polluée est librement constructible, ce qui expose la santé des enfants.
Madame la ministre, quand l’État prendra-t-il enfin la mesure de ce préjudice écologique et supprimera-t-il les sources de pollution issues de l’usine Metaleurop en prenant à sa charge, comme cela est demandé depuis longtemps, le décaissement et le remplacement des sols pollués ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Van Heghe, si l’arrêt de l’activité industrielle en 2003 a mis fin à l’émission de particules contaminées sur le site Metaleurop, comme vous l’avez indiqué, les cinq communes limitrophes sont concernées par une pollution au plomb.
Dès la fin des années 1990, de nombreuses actions de dépistage et d’information ont été menées. Le dépistage individuel sur ce territoire est en permanence accessible, en sus des campagnes collectives.
En mai dernier, le préfet du Pas-de-Calais a reçu les élus municipaux concernés pour lancer une nouvelle campagne de dépistage qui est proposée depuis le 15 juin aux enfants et aux moins de 18 ans. Cette campagne qui a fait l’objet d’une large information et qui est prise en charge à 100 % pour les moins de 18 ans et les femmes enceintes se poursuivra jusqu’au 7 novembre.
Au 10 octobre, 1 140 enfants avaient déjà participé, soit un taux de participation de 15 %, que je trouve moi aussi trop faible. Quelque 8 enfants présentent une plombémie correspondant au seuil de définition du saturnisme, soit 0,7 %, et les résultats de 69 enfants correspondent à un seuil de vigilance.
Chaque dépistage positif fait l’objet d’une déclaration obligatoire qui déclenche une investigation environnementale pour traiter les sources et limiter l’exposition.
Les familles des 8 enfants positifs ont été contactées par l’ARS qui a organisé une visite à leur domicile afin de mener ces investigations. Une information sur les sources d’exposition et les règles d’hygiène est en cours pour les familles des 69 enfants concernés par le seuil de vigilance.
Le Gouvernement incite les populations au dépistage, grâce auquel nous pourrons être encore plus efficaces en matière de prévention et d’accompagnement des familles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.
Mme Sabine Van Heghe. Vous n’avez pas complètement répondu à ma question, madame la ministre. En tout état de cause, cette situation n’a que trop duré. C’est à l’État qu’il revient de réparer ce préjudice écologique et sanitaire dû à une activité industrielle qu’il a laissée perdurer en toute connaissance de cause.
évolution du zonage des chirurgiens-dentistes
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 214, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Olivier Rietmann. Madame la ministre, comme vous le savez, la répartition des chirurgiens-dentistes sur l’ensemble du territoire est inégale. Elle ne permet donc pas de garantir une offre de soins homogène.
Le département de la Haute-Saône subit tout particulièrement cette mauvaise répartition géographique, comme le soulignent d’ailleurs les conclusions présentées par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé en novembre 2021.
La densité moyenne européenne est de 74 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants, et la moyenne nationale française s’établit à 63 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants ; or 12 départements français ont une densité en chirurgiens-dentistes inférieure à 40, dont la Haute-Saône.
Dans certaines zones de ce département – dans le nord de la Haute-Saône, les bassins luxovien, luron et jusséen –, l’écart de densité se creuse encore davantage, pour atteindre moins de la moitié de la densité nationale.
Pour paraphraser le Président de la République lors de son intervention au congrès de la Mutualité française en septembre dernier, « cette situation n’est pas acceptable ». Elle l’est d’autant moins que la demande de soins augmente avec le vieillissement de la population, l’amélioration du système de la prise en charge financière, mais aussi et surtout – nous pouvons nous en réjouir – l’essor de la prévention de la santé bucco-dentaire.
Dans ce contexte très préoccupant, l’actualisation du zonage des chirurgiens-dentistes, reportée à de multiples reprises, s’impose dans les plus brefs délais pour rétablir l’accès aux soins.
Madame la ministre, quand cette actualisation du zonage sera-t-elle annoncée ? Dans l’attente de celle-ci, autorisez-vous l’ARS de Bourgogne-Franche-Comté, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, à actualiser la carte des zones d’accompagnement régional ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Rietmann, vous appelez notre attention sur le zonage des chirurgiens-dentistes en Haute-Saône dans un contexte de tensions sur l’offre en soins dentaires qui est malheureusement national, mais plus marqué dans votre département.
Dans l’attente des prochaines négociations conventionnelles et afin de favoriser l’installation des chirurgiens-dentistes là où les besoins sont les plus importants, l’ARS de Bretagne a fait le choix de compléter la cartographie actuellement opposable du zonage des chirurgiens-dentistes par un ciblage de nouveaux territoires identifiés comme déficitaires, les zones d’accompagnement régional.
En Bourgogne-Franche-Comté un autre choix a été fait, celui de ne pas proposer l’ajout de zones complémentaires afin de ne pas brouiller les informations données aux professionnels dans l’hypothèse où les zones identifiées par l’ARS ne seraient pas les mêmes que celles qui sont identifiées dans le cadre de la révision nationale.
À ce jour, le zonage des médecins sert de référence, conformément à la doctrine nationale pour les contrats d’engagement de service public de chirurgien-dentiste. Ce zonage datant de 2014 s’applique pour les aides conventionnelles de l’assurance maladie.
Dans l’attente de cette révision nationale, l’ARS de Bourgogne-Franche-Comté, consciente des difficultés, a tout de même ouvert la porte à certaines souplesses. Elle accepte d’accompagner, après analyse des situations, les nouvelles installations, et prend en charge les demandes d’aides exceptionnelles grâce au fonds d’intervention régional pour favoriser l’implantation ou l’équipement dans une zone qui n’est actuellement pas classée comme sous-denses, dès lors qu’un besoin s’avère justifié.
stages obligatoires en milieu rural pour les étudiants en médecine
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 012, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Bruno Belin. Madame la ministre, le sujet des déserts médicaux, qui a été abordé ce matin par plusieurs collègues, concerne de nombreux territoires. Je sais que vous êtes vous-même mobilisée en Nouvelle-Aquitaine, en particulier dans votre département des Landes.
Le Sénat a adopté la semaine dernière une proposition de loi présentée par le président Retailleau. C’est une bonne chose, mais ces nouvelles dispositions ne produiront leurs effets que dans quelques années.
Or nous disposons d’outils législatifs, notamment la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dont nous attendons toujours un décret d’application. La pénurie est telle qu’on se demande bien pourquoi la publication de celui-ci se fait attendre !
Interrogé à ce sujet à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement en début d’année, le Gouvernement nous avait promis que ce décret serait pris en avril, ce qui correspondait à un calendrier électoral qui n’échappera à personne.
Ma question est simple, madame la ministre : quand le décret d’application rendant obligatoires les stages d’internes en milieu rural prévu par la loi du 24 juillet 2019 sera-t-il pris ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Bruno Belin, la mesure sur laquelle vous m’interrogez est d’application immédiate.
La maquette de formation du diplôme d’études spécialisées de médecine générale, qui a été adaptée, prévoit que les étudiants en phase d’approfondissement peuvent accomplir leur stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée auprès de maîtres de stage agréés.
La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation à la transformation du système de santé prévoit que ce stage est réalisé en priorité en zone sous-dense en fonction de l’offre de stage dans chaque région et des politiques d’incitation locales.
Par une instruction interministérielle du 24 février 2022, le Gouvernement a engagé une politique incitative de recrutement de maîtres de stage en zone sous-dense – pour avoir des étudiants, encore faut-il avoir des maîtres de stage pour les accueillir – afin d’accroître l’offre de stages et d’augmenter le nombre d’étudiants qui s’y engagent.
Cette instruction rappelle que les stages ambulatoires doivent constituer une véritable opportunité pour les étudiants en médecine de découvrir des spécificités de l’exercice ambulatoire. Elle rappelle aux ARS et aux universités que les multiples leviers existants pour développer et diversifier l’offre dans les zones sous-denses doivent être mobilisés dans tout leur potentiel.
Le Gouvernement fixe des objectifs ambitieux de développement et de diversification de ces stages. Nous voulons notamment accroître de 7,7 % d’ici 2024 le nombre de maîtres de stage universitaire formés.
Par ailleurs, des dispositions ambitieuses sont intégrées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, telles que l’incitation à effectuer la quatrième année de consolidation en fin d’internat de médecine générale en priorité dans les territoires sous-denses.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Madame la ministre, je ne doute ni de votre bonne volonté ni de l’énergie que vous consacrez à ce dossier, mais j’estime que l’on ne va pas assez vite.
Je me permets par ailleurs de vous lancer un SOS sur une autre urgence. Vous êtes chargée des personnes handicapées, or partout sur le territoire, des personnes attendent des places en institut médico-éducatif (IME), en établissement et service d’aide par le travail (Ésat) et dans le cadre des programmes interdépartementaux d’accompagnement du handicap et de la perte d’autonomie (Priac).
Vous savez comme moi que dans notre région, la Nouvelle-Aquitaine, il n’y a plus de créations de places pour les personnes handicapées dans le cadre du Priac et plus de créations de lits au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Plusieurs rapports sénatoriaux alertent sur la situation d’urgence qui en résulte. Je vous prie d’en prendre acte, madame la ministre.
conséquences néfastes des réseaux de soins fermés pour les professionnels de santé et les contribuables
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 076, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, ma question porte sur les conséquences des réseaux de soins fermés pour les professionnels et les patients.
Ces réseaux de soins mettent en relation les assurés avec les professionnels de santé et ont joué un rôle dans le rapport qualité-prix des prestations, en faisant baisser les prix. Apparus dans les années 1990, ils se sont développés au milieu des années 2000, grâce au lancement de plateformes de gestion pour le compte d’organismes complémentaires d’assurance santé.
Cependant, la loi dite Le Roux du 27 janvier 2014 autorise ces réseaux à pratiquer des remboursements différenciés.
Concrètement, cela signifie que les mutuelles peuvent différencier leurs prises en charge en toute légalité dans les domaines peu couverts par la sécurité sociale, dont l’optique ou l’odontologie, en fonction des praticiens consultés ou des professionnels sollicités.
Dans un rapport de 2017, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) précise que cette législation comporte « des dispositions trop générales pour avoir une réelle portée », ce qui a permis à ces réseaux de se développer dans « un cadre essentiellement concurrentiel ». L’Igas dénonce également le fait que « la relation contractuelle entre les plateformes et les professionnels de santé est elle-même déséquilibrée. En plus d’être conclues sans aucune négociation, ces conventions comportent une très forte asymétrie des droits et obligations réciproques ».
En définitive, ces systèmes de remboursements différenciés sont responsables d’un traitement inéquitable des patients et d’une injustice pour les professionnels, car le service rendu est de moindre qualité. La pression à la baisse des prix, telle qu’elle s’exerçait initialement, n’a par ailleurs plus d’utilité depuis la mise en place de l’offre 100 % santé en janvier 2021.
Nous avons donc affaire à une forme d’américanisation d’un pan de notre sécurité sociale, dont l’égalité et l’universalité devraient être les valeurs cardinales.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement afin de mieux encadrer ces pratiques, en limitant les effets néfastes pour les professionnels non mutualistes ? Surtout, quelle est votre position quant à une potentielle suppression des dispositions prévues par la loi Le Roux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, les réseaux de soins permettent de modérer les tarifs de soins et d’équipements de santé. Un rapport de l’Igas, publié en juin 2017, met en évidence cet effet en observant un écart de prix notable entre les soins ou produits consommés via un réseau et ceux consommés hors réseau, particulièrement dans le domaine de l’optique où l’on relève –20 % pour les verres pour adultes et –10 % pour les montures.
Les réseaux permettent également de modérer la progression des primes d’assurance complémentaire.
De plus, depuis la réforme du 100 % santé qui supprime les restes à charge dans l’optique, il ne peut plus y avoir de remboursement différencié, que les équipements soient achetés dans un réseau ou non.
En ce qui concerne les professionnels, le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2014, a estimé que les conditions d’adhésion aux réseaux de soins n’étaient pas de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur liberté d’entreprendre. Ces derniers sont libres d’adhérer au réseau ou non et peuvent le quitter à tout moment.
Enfin, l’Igas observe dans son rapport que l’encadrement des offres permet d’accroître la lisibilité pour l’assuré, notamment dans le secteur de l’optique qui comporte une multitude de produits, dont plus de 50 000 références de verres par exemple.
L’asymétrie d’information entre professionnels et patients semble ainsi réduite. Tant du point de vue de l’assuré que de celui du professionnel de santé, le fonctionnement actuel des réseaux de soins ne semble pas devoir être réformé, mais le Gouvernement restera vigilant et prendra des mesures si la situation venait à le justifier.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, j’entends vos propos. Toutefois, je constate que, dans mon département, la préparation et l’accompagnement des patients se font souvent chez les opticiens. Or, malgré ce travail, ils finissent par voir leur clientèle leur échapper, ce qui n’est pas normal compte tenu des conditions tarifaires auxquelles j’ai fait allusion dans ma question.
demande de création d’un centre hospitalier universitaire dans le département de la moselle en situation de désert médical
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 170, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Christine Herzog. La situation déficitaire de l’offre de soins et de la formation de nouveaux médecins dans le département de la Moselle est alarmante. La désertification médicale est omniprésente.
Alors que le département compte plus d’un million d’habitants, soit presque 50 % de la population de la Lorraine, il ne possède pas de centre hospitalier universitaire (CHU). Les Mosellans doivent se rendre à Nancy, via l’autoroute A31 très souvent saturée, dans le département voisin de Meurthe-et-Moselle, doté d’un CHU alors qu’il ne compte que 731 000 habitants.
Cette étrangeté fait du département de la Moselle le parent pauvre de la santé publique hospitalière, avec une densité de 126 médecins pour 100 000 habitants quand la Meurthe-et-Moselle en compte 164 pour 100 000 habitants.
Qui plus est, l’agence régionale de santé (ARS) du Grand Est, basée à Nancy, a procédé à la suppression de 598 emplois et à la fermeture de 174 lits en 2020 pendant la pandémie. Était-ce opportun ?
L’Allemagne nous a reproché le manque de lits pour les travailleurs frontaliers alors que sévissait le variant sud-africain, très agressif. Je me suis battue contre les décisions prises par l’Allemagne et j’ai fait appel au président de la République, qui a pu obtenir de Berlin, à la mi-mai 2021, un infléchissement des contraintes subies par les travailleurs frontaliers dans leur course aux tests toutes les quarante-huit heures.
Au-delà de cet épisode très douloureux et eu égard aux nombreux patients décédés, la désertification de la médecine rurale en Moselle me conduit à vous demander de créer urgemment un centre hospitalier universitaire pour pallier notre retard.
Si je salue la volonté du Gouvernement d’affecter les internes en quatrième année d’études dans les zones sous-dotées en pratique ambulatoire, encore faut-il qu’il y ait un CHU pour les accueillir.
Les étudiants ne viendront pas de Nancy. Il est évident qu’en créant un CHU de Metz-Thionville, on facilitera l’affectation d’internes de quatrième année en stage de pratique ambulatoire dans tout le département, au bénéfice de nos patients.
Ce CHU répondrait à une demande formulée par la population, les soignants, les dirigeants, les élus et les patients. Il est urgent, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part de votre décision.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Christine Herzog, le centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville et le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy ont lancé depuis plusieurs années une dynamique de rapprochement, qui doit permettre notamment l’universitarisation du premier.
Dès 2009, de premiers échanges ont permis de mettre en œuvre une communauté hospitalière de territoire. Deux conventions d’association ont été signées en 2011 et 2014. Ce mouvement a connu une avancée décisive en 2019, grâce à une troisième convention associant également l’ARS du Grand Est. Cet accord dessine les traits de ce qui pourra devenir un grand ensemble hospitalo-universitaire lorrain.
Dans la mise en œuvre de cette convention, il était prévu que cinq services soient identifiés pour élaborer un projet médico-universitaire. À ce jour, un consensus existe pour l’hématologie, l’odontologie, la pharmacie et les urgences, et le choix du cinquième service n’a pas encore été tranché.
Si le déploiement de la convention a subi les conséquences de la crise du covid-19, les travaux ont repris en 2021. Les discussions engagées n’ont pas pour le moment permis aux deux établissements de se mettre d’accord sur les orientations et les objectifs à atteindre.
Aussi, une mission conjointe de l’Igas et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche sera lancée dès le mois de novembre prochain. Elle fera le point sur la démarche engagée, identifiera les difficultés et proposera des orientations pour la dynamique d’universitarisation, dont la pertinence a été réaffirmée par la directrice générale de l’ARS du Grand Est et la présidente de l’université de Lorraine.
déserts médicaux
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 162, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Hervé Maurey. Depuis mon élection au Sénat, la question des déserts médicaux est au cœur de mon action, car elle constitue un sujet majeur pour les territoires ruraux.
Convaincu que les mesures incitatives seules ne suffiront pas à mettre un terme à une situation de plus en plus préoccupante, je propose depuis près de quinze ans une régulation de l’installation des médecins sur le modèle de ce qui se pratique déjà dans d’autres pays et de ce que nous pratiquons en France pour certains professionnels de santé.
Les gouvernements successifs s’y sont toujours refusés. Pourtant, chacun peut constater que les mesures mises en place depuis plus de vingt ans sont insuffisantes puisque la situation n’a fait que se dégrader.
Après un quinquennat de déni – la question des déserts médicaux n’avait même pas été identifiée dans le cadre du grand débat – le candidat Emmanuel Macron s’est prononcé en ces termes, le 17 mars dernier, pour le conventionnement sélectif : « Ce vers quoi je souhaite qu’on avance, c’est de stopper les conventionnements dans les zones qu’on considère comme déjà bien dotées. C’est un mécanisme qui est efficace. » – je n’aurais pas dit mieux. Cet engagement se retrouve également à la page 9 de son programme.
Toutefois, depuis la réélection du Président de la République, cet engagement semble avoir disparu. Il n’est plus question que de prévention. Or, bien que celle-ci soit utile et nécessaire, elle n’est pas suffisante pour résoudre le problème, pas plus que ne le sera la création d’une quatrième année d’internat professionnalisante, telle qu’on l’envisage en ce moment.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, si le Gouvernement compte mettre en œuvre les engagements du président de la République ou s’il entend y renoncer.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Hervé Maurey, l’accès aux soins et à la santé est une priorité gouvernementale forte. Dès 2017, dans le cadre du plan d’accès aux soins, nous avons mis en place une large palette de solutions comme le soutien à la réalisation des stages ambulatoires, le développement des maisons et centres de santé pluriprofessionnels ou la création des communautés professionnelles territoriales de santé.
L’enjeu, sachant que les bénéfices de la suppression du numerus clausus ne se feront pas sentir avant quelques années, est de continuer à mobiliser tous les leviers existants pour libérer du temps médical et pour augmenter l’attractivité des territoires, en particulier la facilitation des consultations avancées ou encore la télémédecine.
La stratégie Ma santé 2022 a permis la création de 4 000 postes d’assistants médicaux pour seconder et appuyer les médecins, libérant ainsi pour eux du temps médical. Le Ségur de la santé a renforcé le déploiement de l’exercice coordonné et le recours à la télésanté.
Les réponses sont à chercher sur le terrain, dans une logique de différenciation et de responsabilité partagée. Le volet santé du Conseil national de la refondation permettra de rassembler autour de la table les professionnels, les patients et les élus de chaque bassin de santé, afin de trouver les réponses les mieux adaptées aux besoins spécifiques des populations.
En parallèle, certains chantiers nationaux sont accélérés, comme celui sur le déploiement des assistants médicaux, dont la cible a été portée à 10 000 postes à l’horizon de 2025. Les communautés professionnelles territoriales de santé, les fameuses CPTS, devront couvrir l’ensemble du territoire d’ici à 2023 et se mobiliser prioritairement sur l’accès au médecin traitant. Des dispositions ambitieuses ont aussi été intégrées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, notamment l’incitation pour les internes à effectuer leur année de consolidation en médecine générale en priorité dans les territoires sous-denses. Même si cette mesure ne semble pas vous convaincre, elle peut être une solution pour faire connaître les territoires aux étudiants en médecine.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Ma question était très simple : est-ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre l’engagement pris par Emmanuel Macron pendant la campagne pour l’élection présidentielle de déployer un conventionnement sélectif pour l’installation des médecins ? Vous ne m’avez pas répondu et n’avez fait que rappeler les mesures développées par le gouvernement précédent. Malheureusement, les faits sont là et les chiffres montrent que c’est insuffisant.
Par conséquent, je considère que cette non-réponse vaut renoncement à la promesse faite par le président de la République pendant sa campagne. Je le regrette et je vous donne rendez-vous, madame la ministre, à la fin de ce quinquennat, où – je le crains – nous constaterons de nouveau une dégradation de la situation en matière de démographie médicale.
accélération du déploiement des nouveaux projets de production électrique en guyane
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 213, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Georges Patient. Madame la ministre, la situation de la production d’électricité est très critique en Guyane. Le taux de disponibilité électrique, s’il est connu, est certainement catastrophique, car toutes les communes de Guyane, sans exception, sont confrontées à des coupures intempestives et trop souvent longues en plus des dépistages programmés.
Il y a plusieurs raisons à cela, dont la trop grande vétusté des installations, le sous-dimensionnement du réseau et des moyens de production et surtout les lenteurs administratives qui viennent freiner, voire bloquer, leur remplacement.
Je citerai deux cas concrets : au début du mois d’octobre, la commune de Maripasoula, déjà enclavée, a connu plusieurs jours de blackout total à la suite de la panne simultanée de ses quatre générateurs, ce qui a eu pour conséquences directes l’absence d’eau potable et de téléphone, ainsi que la fermeture des écoles.
Pourtant, concernant cette commune, deux projets d’unités de production électrique, inscrits dans la programmation pluriannuelle de l’énergie depuis 2017, devaient être mis en service en 2021 : le seront-ils en 2023 ?
Autre cas, la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes qui assure 30 % à 40 % de la production électrique du territoire doit être remplacée de façon impérative, avant la fin de 2023, par la centrale du Larivot. Or le chantier de cette dernière a été mis à l’arrêt, car des recours ont été déposés. Les travaux devraient reprendre, mais à quelle date interviendra la mise en production et que se passera-t-il en 2024 ?
Madame la ministre, le président de la République a récemment affirmé à Saint-Nazaire sa volonté d’accélérer en allant deux fois plus vite dans le déploiement des énergies renouvelables. En Guyane, compte tenu du retard accumulé, le rythme devra être encore plus intense si l’on veut que ce territoire sorte définitivement d’une insécurité énergétique criante.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Patient, la production d’électricité en Guyane fait l’objet d’une attention toute particulière. L’État et la collectivité de Guyane ont acté le remplacement de la centrale de Dégrad-des-Cannes par une centrale située à Larivot, fonctionnant aux bioliquides. Les travaux de construction ont été arrêtés en raison de plusieurs contentieux.
Le 11 octobre 2022, à la suite de la décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux de suspendre l’exécution de l’annulation du permis de construire, les ministres de la transition énergétique et des outre-mer ont demandé à EDF de reprendre les travaux pour une mise en service à la fin de 2026. Cela nécessite de prolonger l’activité de la centrale de Dégrad-des-Cannes jusqu’à cette date.
Pour l’instant, l’essentiel de la production est assuré par le barrage de Petit-Saut. La priorité est donnée aux installations de production basées sur le photovoltaïque et la biomasse. Bien que vieillissante, la centrale de Dégrad-des-Cannes tient l’équilibre entre l’offre et la demande au quotidien, malgré deux moteurs déclassés et deux autres en maintenance sur ses neuf moteurs. Des turbines à combustion assurent la production de secours.
La spatialisation actuelle des moyens de production impose, pour garantir une bonne résilience du système électrique, de développer des projets notamment dans l’ouest guyanais. Ce projet de centrale électrique de l’ouest guyanais (CEOG) a malheureusement pris du retard.
Dans les communes de l’intérieur, non interconnectées, la production est surtout assurée par des centrales thermiques vieillissantes, même si de nombreux projets de production décarbonée émergent, comme à Saint-Georges.
À Maripasoula, une série d’avaries a récemment touché plusieurs moteurs et fortement perturbé la fourniture d’électricité qui est redevenue nominale. Une centrale photovoltaïque devrait entrer en service en 2024 et les travaux sur le projet de barrage bientôt débuter.
Comme le prévoit le code de l’énergie, la programmation pluriannuelle de l’énergie, coélaborée par l’État et la communauté territoriale de Guyane, doit être révisée.
Des groupes de travail se sont réunis depuis le mois de mai dernier pour définir les grandes orientations. Pour ce qui est de l’autonomie énergétique en 2030, il convient de souligner que la production d’électricité sera quasiment entièrement renouvelable à cette échéance. Elle représente un peu plus du tiers de la consommation d’énergie finale en Guyane, contre 62 % pour les transports.
3
Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune
Mme la présidente. Je voudrais saluer le conseil municipal des enfants de Lesneven dans le Finistère, qui nous rend visite à l’invitation de la sénatrice Nadège Havet.
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Questions orales (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
difficultés liées au dispositif « zéro artificialisation nette »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, auteur de la question n° 080, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la secrétaire d’État, l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, inscrit dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, inquiète fortement les élus locaux, comme j’ai déjà pu le dire.
Ainsi, dans mon département, lors d’échanges récents, certains maires ou présidents d’intercommunalité ont soulevé les points suivants : premièrement, l’articulation complexe, voire impossible, entre l’impératif du ZAN et les engagements d’une commune dotée d’un programme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) nécessitant de bâtir avant de détruire ; deuxièmement, la problématique des communes rurales confrontées à des difficultés réelles pour obtenir des friches à reconquérir, pourtant essentielles à leur avenir ; troisièmement, la nécessaire prise en compte du phénomène de recul du trait de côte dans les calculs du ZAN, afin de ne pas pénaliser davantage les communes du littoral.
Il me semble donc nécessaire de prévoir une application du ZAN différenciée et adaptée aux spécificités des territoires. Il faudra tout d’abord tenir compte des efforts déjà consentis dans la réduction des consommations foncières comme dans le traitement des friches industrielles ou militaires. Il conviendra ensuite d’exclure du décompte d’artificialisation les projets d’intérêt national, voire supranational, tels le canal Seine-Nord Europe ou le Réseau express Grand Lille, qui pénalisent les collectivités dans leur projet de développement. Enfin, on veillera à mettre en place des mécanismes correcteurs et de solidarité, à l’échelle nationale ou régionale, pour accompagner la réalisation de projets structurants, en particulier dans les zones rurales ou littorales.
Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement, dans sa volonté affichée d’agir en concertation avec les acteurs concernés, entend mettre en œuvre pour corriger ces effets.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Corbisez, la mise en œuvre de l’objectif ZAN est cruciale pour préserver la qualité de nos sols, la biodiversité, permettre un aménagement durable de nos territoires et combattre les effets du changement climatique.
Dans son discours, lors du 18e congrès des régions de France à Vichy, la Première ministre a confirmé cet objectif pour 2050 ainsi que l’étape intermédiaire prévue en 2031 d’une division par deux du rythme de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, avait déjà permis un report de six mois des échéances prévues par la loi Climat et résilience. Ainsi, les responsables des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ont jusqu’au 22 octobre pour se réunir et faire leurs propositions aux régions. Celles-ci disposent également de six mois supplémentaires pour intégrer les objectifs de la loi Climat et résilience dans leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), soit jusqu’au 22 février 2024. Ce calendrier laisse donc un délai de mise en compatibilité significatif pour engager cette réforme essentielle.
Une fois cette ambition réaffirmée, le Gouvernement reste naturellement à l’écoute des élus locaux et du Parlement, et il a engagé depuis plusieurs mois des concertations afin d’anticiper cette transformation majeure pour les territoires.
Le Gouvernement tient à rappeler une nouvelle fois devant vous que la trajectoire de réduction de l’artificialisation prendra en compte de nombreux critères, afin de s’adapter aux singularités des territoires, à leurs projets et à leur histoire, ainsi que le prévoit la loi.
La mise en œuvre du ZAN dans les territoires doit également passer par un accompagnement des élus locaux, pour favoriser les efforts de renaturation ou de traitement des friches. C’est l’objet du fonds Friches, qui a mobilisé 750 millions d’euros sur la période 2021-2022, au service de plus de 1 118 projets, pour réhabiliter plus de 2 700 hectares de friches.
Le fonds d’accélération de la transition écologique contribuera à cette politique à partir de 2023. Doté de plus de 2 milliards d’euros, il permettra de financer des projets d’adaptation des territoires au changement climatique, dont la renaturation des villes et le recyclage des friches, dans nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Corbisez. Une solution existe, madame la secrétaire d’État, pour que les communes rurales récupèrent le foncier à bâtir en dehors des zones agricoles : c’est la proposition de loi de notre ancien collègue sénateur et ancien ministre Jacques Mézard, visant à moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste. Ce texte a été voté au Sénat, puis intégré dans la loi 3DS de sorte qu’il peut désormais s’appliquer. Il permet de réduire de vingt ans à dix ans les délais de récupération du foncier. Toutefois, il n’existe pas de ligne budgétaire spécifique pour que ces opérations communales puissent se faire. Le Gouvernement devrait sans doute y réfléchir.
indemnisation pour frais de déplacement des élus
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 205, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Frédéric Marchand. Madame la secrétaire d’État, je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur l’indemnisation pour frais de déplacement des élus.
L’ancien maire de Drincham et ancien président de l’association des maires ruraux du Nord, Luc Waymel, m’a en effet interpellé au sujet de l’indemnisation des élus qui représentent leurs pairs dans le cadre des commissions départementales convoquées par le préfet.
La commission départementale de coopération intercommunale, la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, la commission départementale d’aménagement commercial, pour n’en citer que quelques-unes, sont nécessaires au bon fonctionnement des territoires et, plus largement, de la démocratie.
Or les maires des communes modestes et de celles qui sont éloignées de la préfecture hésitent à s’impliquer dans ces commissions, à cause du coût que cela représente en termes de déplacements et de temps à consacrer.
Cela a pour conséquence que ces commissions, dont la composition est censée représenter l’ensemble du département, se résument souvent à la réunion d’élus proches géographiquement du chef-lieu de département où elles se déroulent.
Cette sous-représentation dans les commissions des territoires éloignés de la préfecture est bien réelle dans le département du Nord, mais on peut aussi la constater dans l’ensemble des départements de France.
Pour y remédier, il serait utile de proposer un remboursement par l’État des frais de déplacement dont bénéficieraient les élus représentant leurs pairs dans ces commissions. En effet, dans ce cas de figure, l’élu n’agit pas dans l’intérêt de sa commune, auquel cas un défraiement est prévu, mais pour l’ensemble des élus du département. Ce défraiement par l’État permettrait que ces commissions soient réellement représentatives de l’ensemble du territoire départemental.
Par ailleurs, le financement de ce défraiement pourrait être imputé sur la dotation générale de fonctionnement et le coût serait neutre pour les finances de l’État.
Aussi, je vous remercie de m’indiquer quelles mesures financières peuvent être prises afin que les élus éloignés du chef-lieu départemental puissent être défrayés pour leur participation aux commissions départementales, de manière à y représenter équitablement le territoire départemental.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Marchand, le Gouvernement n’ignore pas les difficultés que peuvent rencontrer les élus locaux qui consacrent leur temps et mettent leurs compétences au service de leur territoire.
Leur rôle au sein des différentes commissions départementales convoquées par le préfet est à cet égard particulièrement central. En participant à ces organes consultatifs, ils assurent la représentation des collectivités territoriales du département dans différents champs de politiques publiques qui relèvent, en tout ou partie, de la compétence de l’État.
Afin de garantir le bon fonctionnement de ces instances de proximité et la représentation de l’ensemble des intérêts concernés, le décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’État consacre la prise en charge des frais de déplacement pour les personnes qui prennent part à des organismes consultatifs.
Conformément à l’article 2 du décret précité, est concernée toute personne qui se déplace pour « participer aux commissions, conseils, comités et autres organismes consultatifs dont les frais de fonctionnement sont payés sur fonds publics ».
Les commissions départementales sont présidées par le préfet et leur organisation relève de l’État, qui prend en charge leur secrétariat et leurs frais de fonctionnement.
L’article 2 du décret permet ainsi d’inclure les élus qui se rendent aux réunions de commissions départementales instaurées par l’État. Ceux-ci sont donc éligibles au remboursement de leurs frais de transport sur la même base forfaitaire que celle applicable aux fonctionnaires civils de l’État.
Le Gouvernement est particulièrement vigilant au bon fonctionnement de ces instances, qui participent au travail commun entre l’État et les territoires.
mise en œuvre et pérennisation du plan avenir montagne
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteure de la question n° 160, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Viviane Artigalas. Madame la secrétaire d’État, premier plan majeur pour les territoires de montagne depuis quarante ans, le plan Avenir montagnes investissement, cofinancé par l’État et six régions, alloue 331 millions d’euros aux massifs français pour leur permettre d’adapter leur économie, qui dépend en grande partie de la saison hivernale, de faire face aux mutations du tourisme et d’assurer leur transition écologique.
Plusieurs pistes sont envisagées : rénovation de l’immobilier et action sur le phénomène des « lits froids », développement d’un tourisme vert et « des quatre saisons », révision de la chaîne des mobilités et des services entre vallée et stations d’altitude.
Pour le seul massif des Pyrénées, ce plan permettra de mobiliser 54 millions d’euros afin de financer des projets de transition touristique.
Deux questions demeurent néanmoins, dont l’une porte sur l’adaptation locale de la mise en œuvre du plan, les élus craignant une inadéquation entre les investissements annoncés et l’effectivité de leur réalisation sur le terrain. L’autre question concerne la pérennisation de ce plan et des montants alloués, car les crédits courent jusqu’à la fin de 2022.
Il faudrait a minima prévoir une extension à 2023 des capacités de programmation, afin de pouvoir accompagner de nouveaux projets d’intérêt pour la transition touristique, qui n’ont jusqu’alors pas pu être retenus faute de crédits suffisants.
Par ailleurs, il faudrait étendre de deux ans supplémentaires la période d’appui du plan Avenir montagnes ingénierie, actuellement limitée à deux ans, ce qui est trop court pour réaliser les projets des territoires sélectionnés.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que ce dispositif sera bien maintenu ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Artigalas, la réalisation du plan Avenir montagnes (PAM), lancé par le Premier ministre le 27 mai 2021, est désormais bien avancée.
Les 150 millions d’euros d’investissement apportés par l’État en 2021 et 2022 seront engagés en totalité d’ici à la fin de cette année, au profit de projets d’investissement portés par les territoires.
En 2021, quelque 140 projets d’investissement ont été accompagnés à hauteur de 50 millions d’euros et en 2022, près de 300 autres seront accompagnés à hauteur de 100 millions d’euros supplémentaires.
En outre, au titre du volet ingénierie, le PAM prévoit trois enveloppes en soutien aux territoires de montagne.
Pas moins de 62 territoires bénéficient d’un accompagnement vers un modèle touristique plus durable et résilient via le financement d’un chef de projet, l’accès à une offre de services déployée par une vingtaine de partenaires et une animation dédiée pour laquelle l’État a mobilisé 10 millions d’euros et la Banque des territoires 6 millions d’euros pour 2021 et 2022.
De plus, 10 millions d’euros auront été mobilisés d’ici à la fin de l’année 2022 en faveur de la mobilité du premier et du dernier kilomètres dans les territoires de montagne. Une seconde vague de lauréats s’ajoutera au mois d’octobre aux 58 lauréats déjà désignés au printemps 2022. Enfin, 5 millions d’euros seront mobilisés par la Banque des territoires et Atout France au profit de la rénovation de l’immobilier de loisir dans 25 stations lauréates, dans une optique de réflexion sur le logement et le tourisme.
Afin de mesurer les effets du plan Avenir montagnes et de mieux cerner les problématiques qui doivent encore être traitées dans ces territoires, ma collègue Dominique Faure, secrétaire d’État chargée de la ruralité, va prochainement réaliser une tournée des massifs pour rencontrer les associations, les acteurs économiques et les élus autour de la définition de leurs besoins en ingénierie et en investissements pour les deux prochaines années. Cette tournée des massifs sera complétée par l’organisation d’une concertation nationale visant à identifier les besoins liés à d’autres thématiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Le plan Avenir montagnes a été salué par tous les élus de la montagne et par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Mais il me semble important de continuer le travail sur le sujet.
Madame la secrétaire d’État, j’entends votre réponse, mais les élus ont besoin que le plan soit poursuivi au-delà des échéances initialement annoncées, afin qu’il produise ses pleins effets et qu’il accompagne plus largement les territoires et les acteurs. Ces territoires de montagne en ont besoin. Nous vous remercions de continuer à leur porter une attention soutenue.
défense des terres agricoles de gonesse et de saclay
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, auteur de la question n° 169, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Jacques Fernique. Ma question porte sur l’opportunité de la réalisation des derniers tronçons des lignes 17 nord et 18 ouest du Grand Paris Express et de la gare du Triangle de Gonesse.
À première vue, de tels projets paraissent vertueux. Selon la cour d’appel de Paris, la ligne 17 nord s’inscrit dans la stratégie de report modal que nous appelons de nos vœux. Elle constitue une solution de substitution à la voiture et contribue donc à préserver l’environnement.
Pourtant, il n’en est rien. Ne répondant pas aux besoins des habitants, cette ligne ne trouverait sa justification qu’au travers d’une urbanisation massive des terres agricoles. Présentée comme un nouvel axe majeur pour le nord de Paris, la ligne 17, c’est vingt-six kilomètres et demi, neuf gares et treize communes. À l’origine, elle avait été proposée dans le cadre du projet pharaonique EuropaCity, heureusement abandonné.
Cet abandon aurait logiquement dû entraîner l’arrêt des travaux prévus au-delà de la gare du Bourget-Aéroport et de la gare du Triangle de Gonesse, dont les bénéfices sont très limités. Le projet ne va en rien profiter aux habitants des communes alentour, qui sont trop éloignées. Sa rentabilité est même discutée. L’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle constitue aujourd’hui une barrière à l’urbanisation. Son franchissement au nord mettrait en péril l’existence des terres seine-et-marnaises et picardes, qui sont parmi terres agricoles les plus riches d’Europe.
Où est la volonté de freiner l’étalement urbain ? En 2018, un rapport de la Cour des comptes a demandé au Gouvernement de revoir le calendrier et le périmètre du projet. Celui-ci n’a pourtant jamais été modifié. Au mois de novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil avait jugé l’étude d’impact et les mesures compensatoires insuffisantes. La Société du Grand Paris (SGP), à la fois juge et partie, n’a pourtant jamais revu sa copie.
Dans quelle mesure le Gouvernement entend-il poursuivre le développement du tronçon contesté de la ligne 17, la réalisation de la gare du Triangle de Gonesse, ainsi que la ligne 18 au-delà de Saclay ? Va-t-il étudier la possibilité d’un moratoire sur ces différents projets, pour engager une étude d’impact indépendante ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Fernique, la ligne 17 nord du Grand Paris Express doit favoriser le développement des territoires entre Paris et Roissy. L’abandon du projet EuropaCity ne remet pas en cause la création de la gare du Triangle de Gonesse, qui est située entre les aéroports du Bourget et de Roissy, à proximité de la zone d’activité de Paris-Nord. C’est la seule gare du Grand Paris Express implantée dans le département du Val-d’Oise, et les dessertes et interconnexions faciliteront l’accès des habitants du département au bassin d’emploi.
Les projets autour de cette gare ont évolué, et les emprises sont maintenant réduites. Pour chacun de ces projets, un développement économique centré sur la transition agroécologique et l’agriculture urbaine est visé. Je citerai le projet Agoralim, porté par la société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Rungis (Semmaris), que vous soutenez, ou encore la filière agricole de la future cité scolaire internationale.
Enfin, le Conseil d’État a rejeté le 17 octobre le pourvoi formé par plusieurs associations. Il a ainsi validé l’autorisation de création et d’exploitation de la ligne 17, accordée en 2018. Cela conforte le projet, dont les travaux sont déjà bien avancés.
Le tronçon ouest de la ligne 18 constitue la colonne vertébrale, en matière de transport, du projet scientifique, technologique et urbain porté par l’établissement public d’aménagement de Paris-Saclay dans le cadre d’une opération d’intérêt national. Il ne peut pas être remis en cause sans porter atteinte au projet et aux synergies déjà engagées et menées en concertation avec l’ensemble des acteurs.
Le projet du Grand Paris Express va contribuer au désenclavement de territoires aujourd’hui peu ou mal desservis, au bénéfice des Franciliens et du développement régional.
installation de bornes de recharge pour voitures électriques et obligations pour les collectivités territoriales
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, auteur de la question n° 148, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Jean-Claude Tissot. La nécessaire transition en cours dans le secteur des mobilités, avec la décarbonation progressive de nos modes de déplacement, implique de nombreuses évolutions. Ainsi, l’aménagement de nos territoires doit dorénavant prendre en compte l’électrification des véhicules et prévoir les infrastructures adaptées.
La volonté d’accompagner le développement des véhicules électriques s’est concrétisée dans plusieurs dispositions législatives. L’article 118 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, prévoit ceci : « […] Les parcs de stationnement de plus de vingt emplacements gérés en délégation de service public, en régie ou via un marché public disposent d’au moins un point de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables […] ». Toutefois, cette disposition, qui vient compléter celles de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), autorise différentes interprétations et est une source d’inquiétudes pour les collectivités territoriales. Plusieurs élus de mon département m’ont interpellé. Par exemple, la communauté de communes de Charlieu-Belmont est confrontée à des difficultés pour l’ensemble de ses parcs de stationnement.
Le Gouvernement peut-il nous préciser les modalités exactes de ces obligations, ainsi que les principaux éléments de calendrier ?
L’ensemble des parkings publics de plus de vingt places, jouxtant ou non un bâtiment public, sont-ils concernés par ces obligations ? Le dispositif concerne-t-il uniquement les projets à venir ou l’ensemble des parcs de stationnement déjà construits ?
Serait-il possible de nous préciser la notion de parc de stationnement évoqué dans l’article ? Les parkings publics de stationnement libre ont-ils les mêmes obligations que les parkings payants ?
Il est également indiqué dans la loi que la répartition des bornes de recharge peut s’effectuer sur plusieurs parcs de stationnement d’un territoire donné. Cette répartition logistique et financière peut-elle être pensée à l’échelle intercommunale ?
Enfin, la question du financement de telles installations inquiète fortement les collectivités. Comme souvent, l’État annonce de belles dispositions, qui doivent finalement être portées par les collectivités, sans aucun accompagnement, alors que celles-ci font face à de nouvelles charges, dans des budgets particulièrement limités.
L’accompagnement de l’État est donc indispensable. Le Gouvernement compte-t-il prendre des engagements pour accompagner financièrement et logistiquement les collectivités territoriales ? Le Fonds vert annoncé par Mme la Première ministre pourrait-il participer à ce soutien financier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Tissot, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’État engage résolument la transition vers les véhicules électriques, ce qui exige l’installation de bornes de recharge. La LOM donne ainsi la possibilité aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), autorités organisatrices de mobilité et autorités organisatrices de distribution d’électricité, de réaliser des schémas directeurs de développement des infrastructures de recharge ouvertes au public.
Facultatif, ce dispositif donne à la collectivité un rôle de chef d’orchestre du développement de l’offre de recharge sur son territoire. Il vise à proposer une offre coordonnée entre les maîtres d’ouvrage publics et privés, cohérente avec les politiques locales de mobilité et adaptée aux besoins. La loi Climat et résilience rend ces schémas obligatoires dans les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Pour accompagner les collectivités dans la réalisation de ces schémas, l’État a publié un guide méthodologique et il met à leur disposition plusieurs jeux de données en open data. Par ailleurs, la Banque des territoires pourra être mobilisée pour l’élaboration d’un schéma directeur, lorsque la collectivité s’appuie sur un prestataire externe.
La LOM prévoit en outre que, jusqu’à la fin de l’année 2025, le raccordement au réseau public de distribution d’électricité des infrastructures de recharge de véhicule électrique (IRVE) s’inscrivant dans un schéma directeur peut être pris en charge jusqu’à 75 %. Un arrêté ministériel en cours de finalisation définira les modalités précises d’application.
La LOM introduit également dans le code de la construction et de l’habitation l’obligation d’équiper dès 2025 les parkings de tous les bâtiments non résidentiels d’un point de recharge par tranches de vingt places, que ces parkings soient privés ou publics. Dans le cadre de la loi Climat et résilience, les collectivités ont une obligation assez similaire d’équiper d’un point de recharge par tranches de vingt places, et d’ici à 2025, les parcs de stationnement en délégation de service public, en régie ou gérés par un marché public.
Le Gouvernement a renforcé les mesures de soutien au déploiement de ses infrastructures de recharge. Ainsi, le programme de certificats d’économie d’énergie (CEE) Advenir, visant à aider financièrement les collectivités dans le déploiement de bornes à la demande, a été abondé au début de 2022 de 200 millions d’euros et prolongé jusqu’en 2025. Les territoires ont d’ores et déjà activement mobilisé ce programme.
En complément, le Gouvernement a annoncé, dans le cadre de France 2030, une enveloppe de 300 millions d’euros pour des appels à projets de déploiement de stations de recharge à haute puissance.
ligne ferroviaire le havre-marseille
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 206, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Mme Céline Brulin. Alors que la nouvelle ligne Paris-Normandie n’en finit plus de se faire attendre, le seul TGV normand est menacé. La SNCF a en effet annoncé une inversion des horaires de la ligne qui dessert Le Havre, Rouen, Lyon et Marseille. À partir du mois de décembre, le TGV partirait du Havre vers Marseille en milieu d’après-midi et, inversement, le matin de Marseille pour rejoindre Le Havre vers quatorze heures trente.
C’est un non-sens au regard des usages, car cela ne correspond absolument pas aux besoins des voyageurs de cette ligne transversale, qui permet, et c’est évidemment précieux, d’éviter un changement à Paris. C’est un non-sens pour toute la Normandie, puisque ce changement d’horaire impacterait les correspondances pour Caen, Dieppe ou encore Cherbourg. C’est enfin un non-sens qui fait l’unanimité contre lui ; en témoigne l’adresse commune de l’ensemble des parlementaires de Seine-Maritime au directeur général de la SNCF pour lui demander de revoir sa copie.
Ce qui se joue, c’est l’avenir de cette desserte. La décision de la SNCF de rendre cette ligne moins attractive permettra-t-elle de justifier, dans quelque temps, sa suppression ?
Ce n’est pas parce que sa compétence est circonscrite aux trains d’équilibre du territoire (TET) que l’État doit se désintéresser des dessertes TGV, encore moins dans une région si peu investie par les lignes à grande vitesse et qui a déjà perdu la ligne TGV Le Havre-Strasbourg voilà quelques années maintenant.
Quelles sont les démarches que le Gouvernement entend mener aux côtés des élus pour contraindre la SNCF à garantir des horaires adaptés pour le TGV Le Havre-Marseille ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Madame la sénatrice Brulin, le Gouvernement est attentif à ce que l’offre de transport ferroviaire soit en mesure de répondre aux besoins de mobilité dans les territoires. À ce titre, la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit la mise en place depuis fin 2020 d’une information obligatoire de l’État et des collectivités territoriales par les entreprises opérant des services librement organisés, lorsque celles-ci souhaitent les modifier, afin d’anticiper les difficultés éventuelles.
La SNCF a ainsi annoncé à l’État et aux collectivités concernées le repositionnement horaire de sa liaison TGV entre Marseille et Le Havre à partir du mois de décembre 2022, avec un départ du Havre à quinze heures quarante et une, au lieu de sept heures cinquante-trois, et un départ de Marseille de sept heures à sept heures trente-cinq, au lieu de quinze heures trente-six.
À travers ces modifications horaires, la SNCF vise un double objectif : d’une part, l’optimisation de sa production, en particulier de la gestion de sa maintenance ; d’autre part, l’amélioration du remplissage de ces trains, qui est aujourd’hui limitée. L’enjeu est donc non pas de fragiliser, mais bien de redonner une dynamique à cette ligne, qui peine encore à trouver son public.
J’entends les interrogations des élus et des usagers, qui ne partagent pas la même appréciation de l’opportunité de telles évolutions. Le Gouvernement invite la SNCF à faire preuve de plus de pédagogie pour expliquer la motivation de son projet et dissiper les inquiétudes. En tout état de cause, il sera utile que la SNCF tire un bilan de l’exploitation de ce service, avec un recul de quelques mois, et qu’elle puisse évaluer les résultats avec les élus.
Plus largement, le développement de nouvelles lignes transversales relève avant tout de choix stratégiques de la SNCF et d’autres entreprises ferroviaires, en fonction de l’évolution du marché.
J’en viens aux lignes susceptibles d’être conventionnées par l’État. Les travaux qui avaient été menés en 2021, dans le cadre de l’étude remise au Parlement sur les perspectives de développement de nouvelles lignes de trains d’équilibre du territoire, n’ont pas conduit à identifier des potentiels suffisants pour des lignes au départ de la Normandie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Je suis un peu inquiète, madame la secrétaire d’État. Redynamiser une ligne en choisissant des horaires refusés par les usagers, c’est le contraire de ce qu’il faut faire. Je crains que la pédagogie ne suffise pas. Il faut prendre des mesures pour rendre cette ligne attractive, car elle est utile pour relier les deux grands ports que sont Le Havre et Marseille. Vous devriez être à nos côtés pour exiger qu’elle demeure en l’état.
rétablissement de la « palombe bleue »
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 072, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Max Brisson. Les trains de nuit ont un bilan carbone quinze fois moins important que l’avion et ils proposent un coût unitaire par passager largement inférieur au TGV. Ils constituent donc de véritables atouts pour la politique de mobilité nationale, en alliant à la fois vertus écologiques et valorisation du transport ferroviaire. Voilà pourquoi le Gouvernement a rétabli deux lignes de train de nuit au départ de Paris, l’une pour Nice, l’autre pour Tarbes, via Limoges et Toulouse. C’est ici que le bât blesse.
La SNCF a fait le choix d’une desserte du Sud-Ouest par l’itinéraire défini en 2011 via Toulouse. Elle a abandonné le tracé initial, qui, à partir de Dax, reliait en deux rames Bayonne, Hendaye et Irun, d’une part, et Pau, Lourdes et Tarbes, d’autre part. Elle l’a remplacée par un itinéraire via Toulouse ne desservant Pau, Bayonne et Hendaye que l’été, dans des conditions dégradées. C’est d’ailleurs ce trajet qui avait provoqué en 2011 une augmentation du temps de transport, une baisse de la fréquentation et, finalement, la suppression de la ligne.
Ce choix n’est pas le bon. Il revient à réduire le sud des Landes et les Pyrénées-Atlantiques à une simple desserte estivale. Or ces territoires ne sont pas seulement touristiques. Ce sont des pôles économiques dynamiques et des foyers de population importants, qui méritent une desserte cohérente et facile.
Quelles sont les raisons précises qui ont privilégié le choix d’un tracé via Limoges et Toulouse ? Le Gouvernement serait-il prêt à rétablir une liaison régulière par train de nuit, suivant l’axe atlantique historique via Bordeaux, celui qui assure la meilleure desserte des Landes, du Pays basque, du Béarn et de la Bigorre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Brisson, je partage votre conviction que les trains de nuit ont un avenir. En effet, ils constituent une offre de transport écologique et sociale. Alors qu’il ne restait plus que deux lignes de train de nuit en 2020, l’étude transmise au Parlement en mai 2021, conformément à la LOM, offre des perspectives de renouveau de ce mode de transport.
Dans le cadre du plan de relance, deux lignes ont été ouvertes en 2021 : Paris-Nice et Paris-Tarbes. Aurillac devrait être desservie en décembre 2023. Quelque 130 millions d’euros seront investis dans la rénovation du matériel et des installations de service, dont 100 millions d’euros proviennent du plan France Relance.
Des décisions doivent être prochainement prises sur la consistance du futur réseau de trains de nuit, le renouvellement du matériel roulant et les modalités de financement, avec une perspective d’ouverture à la concurrence de l’exploitation d’ici à quelques années. La desserte du Sud-Ouest par train de nuit fait partie de cette problématique et devra être pensée dans ce cadre plus général.
Aujourd’hui, la nécessaire régénération de l’infrastructure ne permet pas des horaires optimaux et limite la desserte de Tarbes et de Lourdes en dehors de l’été.
Dans les prochaines années, il faudra également organiser la desserte en prenant en compte les travaux dans les nœuds de Bordeaux et de Toulouse. Toutefois, je peux déjà vous indiquer qu’à partir de 2024, le train de nuit desservira quotidiennement Dax, Bayonne, Orthez et Pau, en plus de Lourdes et de Tarbes. Ces évolutions positives montrent tout l’engagement de l’État en faveur de ce mode de transport pratique et respectueux de l’environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Si j’ai bien compris, en 2024, vous respecterez la promesse du président Macron, qui avait déclaré : « La Palombe ! Je l’ai pris plein de fois. Il faudrait investir ici. » Si je vous ai bien entendue, madame la secrétaire d’État, c’est bien par Bordeaux et Dax que le train de nuit passera pour desservir le Béarn et le Pays basque. Si tel est le cas, ce serait une avancée. J’espère que cette réponse se concrétisera en 2024.
conséquences de l’augmentation des prix de l’énergie pour les particuliers et les entreprises
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 165, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
M. Stéphane Demilly. Madame la secrétaire d’État, l’augmentation des prix de l’énergie est aujourd’hui la première source d’inquiétude de nos concitoyens. Le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour tenter de répondre à la situation dramatique qui se profile cet hiver. Voilà une bonne nouvelle, et je n’entrerai pas dans le débat de savoir si ces mesures seront suffisantes ou non. Je souhaite néanmoins, de façon non polémique, vous alerter sur deux sujets spécifiques.
Je commence par les granulés de bois. Beaucoup de nos concitoyens ont installé des poêles et des chaudières à bois, bénéficiant ainsi des primes environnementales. Cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n’est pas certain qu’ils puissent acheter des granulés de bois, d’une part, à cause de l’inflation exponentielle de ces matières, d’autre part, parce qu’il n’y en aura peut-être plus sur le marché pour l’hiver 2022. En France, ce sont environ 850 000 foyers qui sont équipés d’un chauffage aux pellets ou granulés de bois. Face à une telle situation, des mesures autres que le chèque énergie sont-elles envisagées pour ce type particulier de chauffage ?
Ensuite, et cela concerne ma région, les endiviers sont confrontés à des hausses des coûts de l’énergie présentés par les opérateurs, pouvant atteindre jusqu’à plus 800 % ! L’énergie est déjà un poste très important du prix de revient des endives, du fait des caractéristiques calorifiques nécessaires à une salle de forçage. Ces entreprises sont donc aujourd’hui clairement en péril. Or le dispositif d’aide « gaz et électricité » mis en place par le Gouvernement ne permet pas de répondre aux spécificités de chaque filière. Avez-vous été saisie du problème ? Qu’envisagez-vous de faire pour ce secteur économique très important dans Les Hauts-de-France ? J’ai par ailleurs alerté le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, pour qu’il nous rencontre sur place.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Demilly, nous faisons face à la plus grave crise énergétique depuis les chocs pétroliers de 1970. La guerre en Ukraine est venue accentuer le coût des matières premières et du transport, impactant également le prix des granulés de bois. En parallèle de la hausse des prix de l’électricité, du gaz et du fioul, nous assistons à la constitution de stocks prudentiels, ce qui accroît la pression sur la demande. Pour ces raisons, des distributeurs ont pu faire face à des ruptures de stock temporaires.
Face à cette situation, le Gouvernement agit pour répondre à la disponibilité des granulés à court et long terme et pour soutenir financièrement les Français qui subissent la hausse des prix.
Tout d’abord, les producteurs et distributeurs de granulés travaillent à assurer l’approvisionnement en granulés des consommateurs français cet hiver.
Le ministère de la transition énergétique a aussi mis en place, dans le cadre de France 2030, des mesures qui permettront d’augmenter les capacités de séchage des produits bois, et donc de la production de granulés. C’est notamment le cas de l’appel à projets biomasse, chaleur, industrie, agriculture et tertiaire (Bciat). L’Ademe a contribué au financement de quatorze chaufferies liées à la fabrication de granulés, ce qui représente une production annuelle de granulés estimée à 850 000 tonnes.
Concernant les aides aux ménages, notamment aux plus modestes, un chèque énergie exceptionnel de 100 euros avait été attribué à 5,8 millions de ménages au mois de décembre 2021. Ce chèque est utilisable jusqu’au 31 mars 2023 et permet de régler des factures d’électricité, de gaz, de fioul ou d’autres combustibles, dont le bois.
Un nouveau chèque énergie exceptionnel sera envoyé à 12 millions de ménages en fin d’année, soit 40 % des ménages. Il s’élèvera à 200 euros, pour les 5,8 millions de ménages les plus modestes et 100 euros pour les autres.
Je veux vous réaffirmer le soutien du Gouvernement aux entreprises : nous ne les laisserons pas tomber. Les très petites entreprises (TPE) sont déjà protégées par les boucliers tarifaires. Vous avez cité le guichet « résilience », dont nous avons élargi les critères d’éligibilité, pour qu’il bénéficie à plus d’entreprises. L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) a permis d’éviter une hausse d’au moins 60 % de la facture des entreprises énergo-intensives. Le Gouvernement a décidé d’aller plus loin dans cette protection. C’est pourquoi un amendement sera déposé au projet de loi de finances (PLF) pour prévoir un mécanisme de garantie ; les modalités seront précisées dans les prochains jours.
Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer de la mobilisation totale du Gouvernement pour accompagner les Français et les entreprises à faire face à la crise énergétique.
codes postaux et communes nouvelles
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gueret, auteur de la question n° 048, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales.
M. Daniel Gueret. Bien que répondant aux souhaits de création de communes nouvelles regroupant plusieurs communes historiques, les élus locaux subissent le refus de La Poste d’attribuer un code postal unique à la commune nouvelle ainsi créée.
Au moment où la simplification est un objectif affiché par tous, une commune nouvelle en vient non seulement à conserver plusieurs codes postaux, source évidente d’erreurs d’adressage, mais se voit aussi confrontée à l’impossibilité de répondre aux demandes de ses administrés d’une certification d’adresse postale, les sites internet de l’État et de La Poste étant en contradiction.
Je souhaiterais donc savoir si des mesures simples et de bon sens ne pourraient pas être prises afin que La Poste harmonise sur un même territoire un code postal unique attaché au nom de la commune nouvelle. La mention de la commune déléguée pourrait apparaître dans le corps de l’adresse comme un lieu-dit, ce qui réglerait le problème des homonymies de voies.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Daniel Gueret, c’est pour limiter les difficultés liées à l’adressage dans les communes nouvelles que les anciens codes postaux ont été maintenus, ce qui permet à La Poste de garantir la distribution du courrier.
L’attribution des codes postaux dépend exclusivement de La Poste et de son organisation des bureaux distributeurs. À chaque bureau distributeur est associé un code postal distinct ; les communes avec plusieurs bureaux distributeurs ont de ce fait plusieurs codes postaux. Cette pratique concerne non seulement les communes nouvelles, mais aussi les grandes communes ou celles qui présentent des aspérités géographiques.
Je comprends les difficultés que vous soulevez, mais l’harmonisation des codes postaux d’une même commune, qui est possible, en théorie, s’il existe un centre de tri unique, et après une concertation approfondie, a parfois conduit à des perturbations dans l’organisation du tri postal. De plus, l’impossibilité de voir une adresse reconnue sur des plateformes internet est liée non pas au code postal, mais à la nécessité de mettre l’adresse à jour au sein de la base adresse nationale (BAN).
L’article 169 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale reconnaît pleinement la compétence de la commune en matière d’adresse, le conseil municipal étant chargé des dénominations de voies et des lieux-dits et de leur numérotation. Après insertion des adresses dans la BAN, La Poste se charge de leur fiabilisation. Elle estime que seulement 8 000 communes ont procédé à une certification au moins partielle de leurs adresses.
Je vous invite donc à encourager les maires à actualiser les adresses de la commune là où se posent les difficultés que vous soulevez, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gueret, pour la réplique.
M. Daniel Gueret. Le devoir de La Poste, à l’instar de celui de la SNCF, est d’accompagner les réformes territoriales en cours, au service du bien-être des populations et des maires. Ce problème de code postal est réel, et nous avons du mal à faire entendre raison à La Poste. L’accompagnement des collectivités en matière d’aménagement du territoire devrait être l’une des premières missions d’une telle société.
détournement du droit de préemption urbain
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 177, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales.
M. Jean-Raymond Hugonet. Depuis de trop nombreuses années, le phénomène des constructions illégales est devenu un véritable fléau pour nos communes. L’absence d’un réel traitement administratif et juridique efficace renforce dangereusement le sentiment du deux poids, deux mesures auprès de nos concitoyens. Or, depuis quelque temps maintenant, une nouvelle étape vient d’être franchie.
Dans mon département, l’Essonne, plus de 60 % des communes sont confrontées à la prolifération de constructions illégales liées au détournement de droit de préemption urbain, par le biais de la signature d’un bail emphytéotique.
Les malfaisants font usage d’une faille juridique révélée par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a jugé, dans une décision du 11 mai 2000, que le droit de préemption urbain s’applique à des mutations de propriété, mais non à des mutations de jouissance.
Cette faille permet de contourner le droit de préemption. Rien de plus simple : il suffit de signer un bail emphytéotique, qui peut être d’une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans et permet de devenir quasi-propriétaire à moindre prix.
Sitôt le terrain loué, des constructions, bafouant les règles d’urbanisme en vigueur, sortent de terre au nez et à la barbe du maire et des riverains.
Les maires ont alors pour seul recours le dépôt de plainte. Aujourd’hui, des centaines de procédures interminables et sans effet sont en cours d’instruction dans le département. Nous sommes là devant un détournement manifeste de la réglementation. Il est plus qu’urgent de faire cesser ce phénomène dévastateur. Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Jean-Raymond Hugonet, comme vous l’avez dit, le 11 mai 2000, la Cour de cassation a jugé que le bail à construction, ainsi que le bail emphytéotique ne sont pas soumis au droit de préemption urbain. Toutefois, si le contrat de bail prévoit que la propriété du bien loué doit être transférée au preneur en fin de contrat, la cession à titre onéreux des droits réels immobiliers, tels que le droit réel immobilier conféré par un bail emphytéotique ou à construction, est soumise au droit de préemption urbain.
Cette décision est transposable au droit de préemption en espaces naturels sensibles. En l’état actuel de la réglementation, la déclaration d’intention d’aliéner s’applique uniquement à des mutations à titre onéreux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance de terrains. Le juge rappelle cependant que si le bail emphytéotique prévoit un transfert du droit réel de propriété à la fin du bail, ce dernier sera, lui, soumis au droit de préemption dans les espaces naturels sensibles.
Par ailleurs, les règles en matière de construction et d’aménagement, de coupe et abattage d’arbres ou de stationnement de caravanes sont très restrictives en zones naturelles et agricoles. Le refus d’autorisation en matière du droit des sols en conformité avec les règles d’urbanisme, dont la compétence appartient au maire ou à l’établissement public de coopération intercommunale selon le cas, est également de nature à favoriser la protection de ces espaces sensibles et à les préserver.
Il appartiendra donc au notaire, chargé d’établir le bail, de déterminer si ce dernier est soumis au droit de préemption en espaces naturels sensibles, selon l’effectivité du transfert de la propriété à la date d’expiration du bail. Il est recommandé à l’ensemble de la profession, représentée par le Conseil supérieur du notariat, la plus grande vigilance sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, en raison de votre expérience de maire, vous êtes parfaitement consciente du sujet. Vous avez rappelé le droit en vigueur, que nous connaissons par cœur.
En revanche – et je le dis alors que mon collègue maire de Longpont-sur-Orge Alain Lamour est présent en tribune –, il existe un fossé avec la réalité de la situation sur le terrain, celle d’un maire qui doit faire face à un problème que le droit ne traite pas complètement. Il est urgent, madame la ministre, que nous nous emparions du sujet.
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Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune
Mme la présidente. Je salue la présence en tribune, à l’invitation de notre collègue Cathy Apourceau-Poly, d’une délégation, très nombreuse, d’enfants de la commune de Vimy.
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Questions orales (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
collectivités face à l’inflation
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 053, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour les habitants des villages de Bihucourt, de Hendecourt-lès-Cagnicourt, de Bucquoy, d’Ervillers, de Mory, ainsi que pour les victimes de la tornade de ce dimanche. Certains ont tout perdu. Je salue ici les maires, les élus, les pompiers, les gendarmes, les services de l’État et du département, les agents d’Enedis, ainsi que l’ensemble des personnes qui sont sur le pont depuis dimanche soir. Hier, aux côtés du ministre Darmanin, nous avons constaté l’ampleur des dégâts.
Le 14 octobre dernier, dans le Pas-de-Calais, nous avons organisé un rassemblement soutenu par plusieurs dizaines d’élus et de maires face aux dépenses des collectivités qui explosent. Les collectivités territoriales réalisent 70 % des investissements publics essentiels à nos populations. Aujourd’hui, des projets sont remis en cause en raison de la flambée des prix des énergies, des matériaux et des denrées alimentaires. Les maires doivent choisir quels services suspendre, alors qu’ils protègent les populations qui font face à des difficultés croissantes grâce aux centres communaux d’action sociale (CCAS). Le bouclier tarifaire ne s’appliquera pas à l’ensemble des communes et la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 320 millions d’euros est insuffisante. En conséquence, nous demandons son indexation sur l’inflation de l’année 2023 et une augmentation de 770 millions d’euros pour le bloc communal afin de faire face à cette inflation.
Madame la ministre, le Gouvernement doit étendre le bouclier tarifaire à toutes les communes, sans distinction de taille. Qu’en pensez-vous ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Madame la sénatrice Cathy Apourceau-Poly, avant de répondre à votre question, je tiens à partager vos propos de soutien aux communes dévastées avant-hier et hier, ainsi qu’à vous assurer du soutien du Gouvernement à leur égard de ces communes ; j’ai d’ailleurs eu certains maires concernés au téléphone hier.
Le Gouvernement est pleinement conscient des effets de l’inflation sur la situation financière des collectivités territoriales et agit en conséquence.
Il a, en lien avec le Parlement, mis en place un ensemble de mesures permettant d’apporter des premiers éléments de réponse aux collectivités territoriales.
En premier lieu, je voudrais vous rappeler qu’un bouclier tarifaire a été adopté pour limiter à 4 % en 2022 et à 15 % en 2023, la hausse des dépenses d’électricité des communes de moins de dix agents, dont les recettes sont inférieures à 2 millions d’euros. Ce dispositif pourrait concerner près de 28 000 communes, d’après nos estimations.
En deuxième lieu, la loi de finances rectificative d’août dernier a institué ce filet de sécurité, afin d’accompagner budgétairement les communes et leurs groupements. Le coût du dispositif est estimé à 430 millions d’euros et les collectivités pourront solliciter, jusqu’au 15 novembre, un acompte sur ce montant versé avant la fin de l’année 2022.
Le Gouvernement propose de reconduire un dispositif de même nature, centré sur les dépenses énergétiques au titre de l’année 2023, dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances.
En troisième lieu, pour la première fois depuis treize ans, le Gouvernement a décidé d’augmenter la DGF de 320 millions d’euros en 2023. Ce soutien concret, notifié au premier trimestre 2023, devrait permettre à plus de 90 % des communes de voir leur DGF progresser ou, à tout le moins, être stabilisée par rapport à l’année 2022.
L’ensemble de ces mesures, qui seront précisées dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi de finances 2023, montrent que le Gouvernement est aux côtés des collectivités pour leur permettre de faire face aux défis de l’inflation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, les maires demandent quelles seront les garanties concernant l’acompte de DGF au titre de l’année 2023 versé en 2022 – je vous demande d’y être particulièrement vigilante – et si des reprises de DGF auront lieu l’an prochain en cas de trop-perçu. En effet, actuellement, ils n’ont pas beaucoup de visibilité.
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Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune
Mme la présidente. Je voudrais saluer la présence en tribune des membres du conseil municipal des jeunes de Saint-Julien-les-Villas, à l’invitation de Mme Évelyne Perrot, sénatrice de l’Aube.
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Questions orales (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
mode d’emploi des procurations dématérialisées
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 113, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Yves Détraigne. Depuis que j’ai déposé cette question orale au mois d’août, le ministre de l’intérieur a eu l’amabilité de répondre au courrier que je lui avais également adressé le même jour sur le sujet. N’y voyez aucune forme de harcèlement de ma part ; il s’agit plutôt d’une volonté d’obtenir une réponse. Pour mémoire, ces interventions intervenaient après trois questions écrites et un courrier, tous restés sans suite !
Pourtant, la question est simple : jusqu’à quel moment une municipalité doit-elle prendre en compte une procuration de vote dématérialisée ?
La circulaire du 24 mai 2022 indique qu’une procuration ne peut être refusée au motif qu’elle est tardive et recommande, « dans la mesure du possible », aux mairies de tenir une permanence. Cela ne peut pas satisfaire les élus communaux : soit le ministère ordonne de tenir une permanence et en fixe les horaires, soit il impose un délai clair pour en finir avec les procurations de dernière minute.
Dans sa réponse du 2 septembre dernier, M. Darmanin convient des difficultés techniques et pratiques suscitées par la dématérialisation des procurations et précise qu’il faudrait fixer, en concertation avec les associations d’élus, une date limite pour l’établissement de ces documents.
Quand le cadre juridique sera-t-il mis en adéquation avec la réalité des contraintes des communes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Yves Détraigne, à ce jour, aucune disposition du code électoral n’impose de date limite pour une procuration de vote, qui peut donc, en théorie, être établie le jour même du scrutin.
Nous connaissons les difficultés qu’entraîne cette absence de date butoir, notamment le risque que les procurations tardives ne puissent pas être prises en compte par les communes, du fait des délais d’acheminement postaux.
L’introduction des procurations dématérialisées, qui sont plébiscitées par les électeurs, puisqu’elles représentent 69 % des 3,7 millions de procurations établies en 2022, amplifie ces difficultés, en donnant aux électeurs un faux sentiment d’immédiateté.
En outre, la gestion centralisée des procurations dans le répertoire électoral unique, depuis le 1er janvier 2022, qui allège la charge des communes, implique que les contrôles de validité, effectués par celles-ci, se fassent au moyen d’un poste informatique.
Dans ce contexte, il a été recommandé aux communes de mettre en place, dans la mesure du possible, des permanences le jour du scrutin pour vérifier les procurations tardives.
J’en ai conscience, cela a pu conduire à mettre sous tension certaines communes, qui ont pu rencontrer des difficultés pour y procéder.
C’est pour cette raison qu’à l’issue du bilan des élections législatives et présidentielle, nous examinerons, en étroite concertation avec les associations représentatives des collectivités territoriales, les modalités d’introduction d’une date limite pour l’établissement des procurations, afin de mettre le cadre juridique en adéquation avec la réalité des contraintes vécues par les communes.
situation des travailleurs sans-papiers de chronopost à alfortville dans le val-de-marne
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 079, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, ma question porte sur la situation des travailleurs sans-papiers de l’agence Chronopost d’Alfortville.
Ces hommes, intérimaires, employés essentiellement sur des postes de tri et de manutention, sont en grève depuis décembre 2021, l’une des plus longues dans ce secteur. Ils se mobilisent, aux côtés d’organisations syndicales et d’élues, pour obtenir leur régularisation et faire respecter leurs droits.
Malgré plusieurs demandes, la direction du groupe La Poste, dont Chronopost est une filiale, refuse de remplir le formulaire Cerfa de régularisation. De plus, il semblerait qu’existe un contournement organisé et volontaire de la circulaire Valls.
Aujourd’hui, comme lors du précédent conflit de 2019, La Poste, société à capitaux publics à hauteur de 100 %, dont 34 % détenus par l’État, ne reconnaît pas ses responsabilités d’employeur et se réfugie derrière ses sous-traitants.
Madame la ministre, quand l’État va-t-il prendre ses responsabilités en régularisant rapidement ces salariés, qui constituent une main-d’œuvre corvéable à merci ?
Quand allez-vous, avec le ministre du travail, mettre un terme au scandale de la sous-traitance en cascade, au non-respect du code du travail, à ce système d’exploitation des travailleurs les plus précaires par l’État lui-même ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Madame la sénatrice Laurence Cohen, vous m’interrogez sur la situation, notamment au regard du droit au séjour, des travailleurs sans-papiers de l’agence Chronopost d’Alfortville.
Je sais que ces salariés, en situation irrégulière, sont en grève depuis plusieurs mois maintenant, en réaction à des conditions de travail qu’ils estiment difficiles et à une mobilisation jugée insuffisante de leur employeur pour entreprendre les démarches nécessaires à leur régularisation.
Si les dépôts groupés de demandes de régularisation sont une pratique courante dans le cas de conflits sociaux, je tiens à rappeler que la décision d’admettre à titre exceptionnel un individu au séjour relève du préfet du département de résidence de chacun des étrangers, qui statue individuellement sur chaque demande. Le droit au séjour est un droit individuel.
La régularisation prend en effet en compte le niveau d’intégration dans la société française, ainsi que celui d’adhésion aux valeurs de la République, et ne peut pas intervenir si l’étranger constitue une menace à l’ordre public.
La procédure d’admission à titre exceptionnel nécessite de transmettre à la préfecture compétente plusieurs documents pour chaque salarié concerné, dont un Cerfa complété et signé par l’employeur.
Sachez que les préfets de la région Île-de-France ont été sensibilisés à ce dossier et examineront les demandes transmises selon ces orientations.
Enfin, s’agissant du non-respect du code du travail, c’est à la justice, éclairée par les constats effectués par l’inspection du travail et les investigations qu’elle est susceptible de diligenter, qu’il appartient d’apprécier et de qualifier cette situation complexe et de déterminer la responsabilité des différentes parties prenantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je connaissais le mode d’emploi de la régularisation. Le problème qui vous est soumis aujourd’hui, c’est celui de travailleurs qui sont exploités par La Poste et par les sous-traitants ; vous le savez, et l’État le sait !
Vous évoquez l’intégration dans la société. Quelle meilleure preuve d’intégration existe-t-il que de travailler comme ils le font, alors que leur parole n’est pas respectée en les obligeant à décharger des camions et leur imposant une cadence infernale ?
D’ailleurs, madame la ministre, pendant la crise du covid-19, ils ont continué à travailler, ce qui a permis à La Poste de réaliser plus de 45 % d’augmentation d’activité, sans que ce résultat ruisselle jusqu’aux salariés.
Il faut arrêter l’hypocrisie ! Ces travailleurs doivent absolument être régularisés, tout comme l’ont été ceux de la société d’intérim RSI à la suite d’un mouvement de lutte. Il faut arrêter la sous-traitance en cascade, qui est un véritable scandale, une pratique de surexploitation ! C’est le sens de ma demande, d’autant que l’État est responsable et engagé dans ce processus.
J’espère que cette question orale et les mobilisations de nombreux élus permettront à ces voix d’être enfin entendues. En 2022, il est impossible de considérer ces personnes comme de véritables esclaves absolument dépourvues de droit !
sortie du moratoire sur les machines à voter
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 059, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Michel Savin. En 2008, la France a instauré un moratoire sur l’utilisation des machines à voter. Depuis, seul un petit nombre de communes sont autorisées à utiliser ces appareils. L’homologation de nouveaux modèles est donc interdite.
Comme votre collègue ministre de l’intérieur l’a reconnu, le moratoire en vigueur est devenu une source de risques en empêchant les communes de renouveler leurs machines dans de bonnes conditions.
En effet, face au manque de débouché commercial, les producteurs ont cessé de fabriquer les machines à voter homologuées. Les communes autorisées continuent donc d’utiliser leurs vieux appareils.
Ces mêmes communes sont particulièrement confrontées au problème de l’ouverture de nouveaux bureaux de vote lorsque leur population augmente.
Au mois d’octobre 2018, la commission des lois du Sénat a publié un rapport sur le vote électronique préconisant de mettre fin au moratoire de 2008.
Voilà dix-huit mois, le ministre de l’intérieur a demandé à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) d’engager une étude de sécurité nécessaire à la sortie du moratoire. Quelle est la position du Gouvernement à l’égard du moratoire à l’issue de cette étude ? Quelle réponse comptez-vous apporter aux communes qui utilisent des machines à voter et qui doivent équiper de nouveaux bureaux de vote ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Michel Savin, les machines à voter sont prévues en droit français depuis 1969, et des modèles électroniques sont autorisés depuis 2003. Toutefois, le périmètre des communes autorisées à en être équipées, ainsi qu’à acquérir de nouveaux modèles, est gelé depuis le moratoire de 2008 du ministre de l’intérieur.
Les services du ministère de l’intérieur, en lien avec l’Anssi, ont donc engagé, comme vous l’avez dit, une réflexion visant à réexaminer le cadre applicable aux machines à voter et les évolutions techniques requises en vue d’une éventuelle levée du moratoire.
Dans cette perspective, le Gouvernement a remis au Parlement, le 17 décembre 2021, un rapport sur la possibilité de recourir aux machines à voter, conformément à la loi du 22 février 2021.
Ce rapport inclut les résultats des travaux réalisés en coopération avec l’Anssi. Les travaux engagés se sont appuyés sur une démonstration de machines à voter actuelles, un échange avec des homologues belges, seuls utilisateurs à ce jour en Europe de machines à voter, ainsi que sur une analyse de risque et des études techniques.
Ce rapport précise les conditions dans lesquelles le statu quo pourrait être levé. Selon les termes de ce rapport, cette levée est subordonnée à des modifications substantielles des modèles de machine à voter autorisés et de leur processus d’homologation.
Ces modifications incluent, notamment, l’impression d’un bulletin papier pour rendre le vote par machine à voter vérifiable et auditable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Madame la ministre, votre réponse est partielle. Aujourd’hui, les communes connaissant ces difficultés attendent une autre réponse du Gouvernement : soit permettre aux communes de maintenir les machines à voter, en leur donnant la possibilité de trouver des machines anciennes qui puissent s’adapter à celles déjà en activité ; soit lever ce dispositif pour arrêter les machines à voter. La position doit être claire !
Il n’est pas acceptable que, dans certaines communes dotées de machines à voter, tous les bureaux de vote n’en soient pas équipés. Cela crée des tensions et des différences de fonctionnement, selon les bureaux de vote, au sein d’une même commune.
Ces communes attendent une réponse claire du Gouvernement. J’ai entendu que ce rapport avait été remis et, qu’aujourd’hui, des modifications doivent être apportées. Ces communes doivent être informées rapidement des nouveaux dispositifs.
pouvoirs du maire
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 217, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Jean-Marie Mizzon. Notre République repose sur des principes intangibles. Le respect de la loi en est un. Et puisque nul n’est censé ignorer la loi, nous devrions tous avoir à l’esprit que, selon l’article 16 du code de procédure pénale, le maire, premier magistrat de sa commune, est officier de police judiciaire. Il peut donc constater des infractions et requérir le concours des forces de l’ordre.
À l’heure actuelle, le mépris de cette règle, qui constitue déjà en soi un délit, remet gravement en cause la légitimité de ces élus à intervenir, dès lors qu’ils constatent des violations du droit. C’est vrai en particulier chez les plus jeunes et, parfois, de façon plus aiguë en zone rurale.
À titre d’exemple, le maire de Thimonville, en Moselle, confronté à de multiples manquements à la loi d’un adolescent de 16 ans est d’abord intervenu auprès de l’impétrant, sans succès, puis a signalé les faits à la gendarmerie et, enfin, a dressé un procès-verbal. Ces démarches longtemps restées sans effet !
Dans ces conditions, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’une politique de sanctions plus sévères à l’encontre de ce type de comportements, qui doivent systématiquement être l’objet de poursuites pénales, doit être mise en place ? L’exemplarité des peines encourues vaut toute publicité sur les prérogatives d’un maire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Jean-Marie Mizzon, le Gouvernement partage l’objectif de développer une réponse pénale efficace, dans le cadre d’une action coordonnée entre les élus et l’autorité judiciaire. Des efforts ont récemment été déployés en ce sens, afin de consolider les moyens juridiques et matériels à la disposition des élus municipaux pour faire appliquer leurs décisions.
Ainsi, la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, a renforcé l’autorité et l’efficacité des mesures de police du maire, notamment par la création de nouvelles possibilités de sanction administrative sous la forme d’amendes d’un montant maximal de 500 euros, le cas échéant, après mises en demeure et astreinte.
Le maire a donc désormais la possibilité d’infliger des sanctions administratives, en cas de méconnaissance de ses arrêtés de police, pour lutter contre certaines incivilités du quotidien, lorsque les actes portent atteinte à la sécurité des personnes et présentent un caractère répétitif et continu.
En outre, en application de la même loi, le procureur de la République est tenu d’informer le maire sur les suites judiciaires des infractions signalées et des plaintes déposées qui le concernent ou qui concernent sa commune.
Par ailleurs, la circulaire de politique pénale générale du garde des sceaux du 20 septembre 2022 a réaffirmé la nécessité d’un renforcement des relations entre les parquets et les maires. Cet objectif est ainsi identifié comme l’un des éléments permettant le développement d’une justice de proximité, favorisant la révélation des infractions commises comme la mise en œuvre des réponses individualisées et graduées pour réparer le préjudice et éviter les récidives.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, le constat que je dresse peut être fait par tout un chacun. En dépit des efforts réalisés, que vous avez rappelés, la situation ne change pas ! On peut le déplorer et de nombreux maires sont découragés par cet état de fait, qui perdure malgré l’adoption de plusieurs textes au Sénat et à l’Assemblée nationale.
L’un des éléments faisant défaut est la rapidité avec laquelle la justice se saisit d’une affaire et la tranche. Tant que la justice n’aura pas de moyens suffisants, même si de nouveaux moyens sont accordés à la police à la gendarmerie, on n’avancera pas suffisamment sur le sujet.
Je forme donc le vœu que vous transmettiez mon message à qui de droit, afin que la situation évolue en ce sens.
accès aux rendez-vous pour le renouvellement de passeports dans les territoires ruraux
Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 101, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Édouard Courtial. Madame la ministre, compte tenu de votre engagement politique, y compris dans un département, l’Oise, que nous avons en partage et pour lequel nous souhaitons le meilleur, vous connaissez le sentiment d’abandon qui anime toujours plus d’habitants des territoires ruraux.
Ce sentiment peut revêtir plusieurs formes. La semaine dernière, le Sénat a d’ailleurs adopté une proposition de loi de Bruno Retailleau, que j’ai soutenue, pour lutter contre le fléau que représente la désertification médicale.
Mais aujourd’hui, j’évoquerai le simple accès aux rendez-vous pour déposer une demande de renouvellement ou de délivrance des titres d’identité, cartes et passeports. Si la loi oblige à démontrer son identité, comment se soumettre à ce devoir s’il faut attendre plusieurs mois pour obtenir ces documents et parcourir de nombreux kilomètres pour déposer un dossier ?
Si les raisons d’un tel engorgement peuvent être conjoncturelles – la crise sanitaire a retardé de nombreux concitoyens à procéder au renouvellement de leurs documents –, elles ne constituent pas l’unique explication.
Si je peux entendre les motivations qui ont sous-tendu la réforme de 2017, notamment afin de mieux sécuriser ces titres, la pratique révèle, une fois encore, une rupture d’égalité manifeste au détriment de ceux qui habitent à la campagne.
Conscient de ce problème, le Gouvernement a lancé un plan d’urgence le 4 mai dernier ; je ne doute pas que vous nous en rappellerez les grandes lignes. La loi de finances rectificative adoptée par le Parlement a également prévu des mesures de soutien financier aux communes.
Cependant, les trente et une communes de l’Oise disposant des terminaux nécessaires ne peuvent pas absorber l’ensemble du flux, et les difficultés persistent. De nombreux maires relayant leurs administrés l’évoquent lors de nos rencontres chaque semaine. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler que les maires aspirent notamment à un allégement des normes, à une visibilité sur l’évolution de leurs ressources, à un meilleur fonctionnement des intercommunalités ou encore à une amélioration de leur statut.
Madame la ministre, pour de nombreux concitoyens, cette question est une preuve supplémentaire qu’ils sont des citoyens de seconde zone. Des progrès sont à noter – je pense aux maisons France Services à condition que ce dispositif soit amplifié –, mais des résultats doivent être obtenus. Je sais pouvoir compter, comme les habitants du Beauvaisis, sur votre volontarisme en la matière ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Édouard Courtial, dès 2018, l’État a renforcé son accompagnement financier en revalorisant la dotation pour les titres sécurisés, versée aux communes dans lesquelles sont installés ces dispositifs de recueil.
En 2022, face à l’augmentation exceptionnelle des demandes de titres d’identité, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a décidé d’un plan d’urgence pour accélérer le déploiement de nouveaux dispositifs de recueil et réduire les délais aujourd’hui anormalement longs – j’en conviens –, avec une enveloppe de 14 millions d’euros adoptée dans la loi de finances rectificative du mois d’août dernier. La dotation a été augmentée et rendue plus incitative pour les dispositifs mis en place et pour les nouveaux dispositifs, installés à titre pérenne ou temporaire, grâce par exemple à une prime de 4 000 euros versée en plus des 4 000 euros déjà prévus pour tout nouveau dispositif installé.
Une trentaine de centres temporaires d’accueil, équipés de cinq à dix dispositifs de recueil temporaire, ont donc été créés sur l’ensemble du territoire, ce qui correspond à l’installation de 221 stations de recueil supplémentaires. Au 1er juillet 2022, 4 650 dispositifs de recueil répartis sur 2 464 communes sont désormais en fonctionnement.
En outre, comme vous l’avez dit, afin d’améliorer la proximité avec les usagers, de nouveaux dispositifs sont déployés dans les espaces France Services gérés par des mairies qui n’en disposaient pas. Dans ce cadre, 183 communes susceptibles d’accueillir ce service ont été identifiées dès le printemps, et 74 d’entre elles ont d’ores et déjà fait part de leur intérêt. La capacité du réseau a donc été augmentée de 10 % de manière pérenne. Les résultats sont là : on constate que le nombre de rendez-vous pris s’est accru. De surcroît, dans le cadre de plans d’action qui doivent permettre de réduire les délais de délivrance des titres d’identité, il est prévu de déployer 500 nouveaux dispositifs, notamment dans les départements dont le taux d’équipement au regard de leur population est inférieur à la moyenne nationale.
Le suivi attentif par le ministère de l’intérieur du maillage territorial en dispositifs de recueil traduit l’engagement du Gouvernement à garantir un service de proximité de qualité pour tous les usagers sur l’ensemble du territoire national et à maintenir sa vigilance sur ce point. Un certain nombre d’annonces seront faites prochainement en vue de poursuivre cet effort national, auquel nous sommes attachés, et de garantir l’accélération de ces procédures en en raccourcissant les délais, qui ne devraient dépasser trois semaines ou un mois pour aucun usager.
certification environnementale des exploitations agricoles
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 183, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Alain Milon. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’agriculture sur la modification des critères de certification environnementale des exploitations agricoles engagées dans des pratiques particulièrement respectueuses de l’environnement.
Après dix ans d’existence, et afin de respecter les exigences environnementales conditionnant le versement des aides de la politique agricole commune (PAC), chacun s’accorde à reconnaître la nécessité d’une révision du dispositif.
L’objectif est évidemment d’améliorer la crédibilité du référentiel sur le plan environnemental et de maintenir l’attractivité de la certification. Or l’évolution proposée ne répond pas aux attentes, bien au contraire.
La filière viticole d’appellation d’origine contrôlée (AOC) est fortement engagée dans la transition environnementale. La viticulture AOC représente actuellement la majorité des exploitations certifiées haute valeur environnementale (HVE).
De ce fait, l’évolution de la certification HVE représente pour elle un enjeu majeur.
Or, si la révision proposée était retenue en l’état, elle entraînerait mécaniquement une perte de certification pour un pourcentage important de viticulteurs, donnant un coup d’arrêt au développement de ladite certification.
La mise en place d’un moratoire permettrait d’intégrer certaines propositions de la filière viticole AOC et d’atteindre les objectifs fixés sans pénaliser les exploitants.
Alors que l’application des nouveaux principes de fonctionnement de la HVE est déjà pour partie effective, comment envisagez-vous de procéder, monsieur le ministre, afin d’éviter que le nouveau référencement ne se révèle pas contre-productif en pénalisant nombre d’exploitations engagées dans cette démarche ou souhaitant s’y inscrire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Milon, vous m’interrogez sur la HVE. Ce dispositif a connu un réel succès, notamment en viticulture : plus de 25 000 exploitations françaises sont certifiées, dont beaucoup d’exploitations viticoles. Vous l’avez rappelé, il était indispensable de faire évoluer le référentiel pour le renforcer, eu égard notamment aux discussions que nous avions autour de la PAC. C’est ce constat, que nous partagions d’ailleurs avec l’essentiel des professionnels, qui a conduit à la suppression de la voie d’accès dite économique au profit des aspects environnementaux.
Vous me faites part de vos inquiétudes quant aux conséquences de l’application du référentiel tel qu’il a été mis au point à l’issue d’un certain nombre de réunions de concertation.
La certification en elle-même repose sur un ensemble de résultats ou de moyens mis en œuvre à l’échelle de l’exploitation, permettant le déploiement de pratiques durables et l’atteinte d’objectifs environnementaux. Le niveau d’exigence attaché à la nouvelle conditionnalité est une donnée d’entrée du processus de révision ; il n’en est pas la cible.
Concernant le calendrier, certains avaient promu l’idée d’un moratoire ; tel est au fond le sens de votre question. La refonte du référentiel devait entrer en vigueur dès le 1er octobre 2022 ; à l’issue d’une négociation avec Bruxelles, nous avons accepté un report au 1er janvier 2023 pour les nouveaux entrants.
Les exploitants qui sont déjà certifiés sur la base de l’ancien référentiel HVE pourront aller jusqu’au bout de leur cycle de trois ans, mais aussi prolonger la durée de validité de leur certificat jusqu’au 31 décembre 2024, même si celui-ci devait arriver à échéance avant cette date.
Ce dispositif permet donc bien de couvrir le cas tant des exploitations déjà certifiées, dont la situation est consolidée, que des nouveaux entrants.
Par ailleurs, je l’ai dit lors d’une réunion à laquelle vous participiez voilà quelques jours seulement dans le Vaucluse, monsieur le sénateur, je suis prêt à discuter avec la filière viticole à partir du référentiel tel qu’il est posé afin d’examiner d’éventuelles impasses. Pas d’inquiétude, donc, pour ceux qui sont déjà dans le dispositif HVE ; la validité de leur certificat pourra être prolongée jusqu’au bout des trois ans et, le cas échéant, jusqu’à la fin de l’année 2024. Et nous nous mettons au travail pour trouver des solutions pratiques aux problèmes posés, qui sont parfois très techniques. Ces problèmes sont autant de freins à l’entrée dans le dispositif HVE. Or nous avons besoin d’en favoriser le développement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Je vous remercie, monsieur le ministre ; nous acceptons évidemment volontiers votre invitation à travailler ensemble.
situation des producteurs de lait bio
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 186, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter sur la situation des producteurs de lait bio.
Ces agriculteurs connaissent depuis plusieurs mois une dégradation de leur situation, due principalement à une baisse de la consommation de produits bio, mais également à un déséquilibre des marchés. Il se trouve en effet qu’actuellement, le prix du lait est très bas, parfois même inférieur au prix conventionnel, ce qui met les exploitations en situation de difficulté économique. Cette conjoncture est de surcroît aggravée par les conséquences de la sécheresse historique de l’été 2022. Le manque important de fourrage qui en résulte pourrait avoir de graves répercussions dans les mois à venir : ventes partielles de cheptel, baisses de production.
Dans mon département, l’Isère, que vous connaissez bien pour l’avoir souvent visité ces derniers mois, et plus particulièrement dans les zones de production des fameux fromages que sont le saint-marcellin et le saint-félicien, les producteurs ont jusqu’à présent réussi à maintenir le prix du lait bio en refusant toute baisse. Reste qu’ils se retrouvent désormais dans une situation inconfortable, et ce à double titre : ils observent, d’une part, que les laiteries refusent de revaloriser le prix du litre au motif de la prise en compte de l’augmentation des charges et notent avec stupeur, d’autre part, que la grande distribution et les fromageries, de leur côté, pratiquent des hausses de prix.
Face à ce constat, l’agriculture biologique, et plus particulièrement l’élevage laitier, réclame des mesures de soutien de la filière : permission pour les éleveurs de sortir du bio sans pénalités ; report des annuités d’emprunt ; possibilité pour l’interprofession de fixer le prix de base du lait à l’échelon national ; soutien à l’achat de fourrage ; accompagnement des exploitations les plus fragiles, notamment des jeunes agriculteurs.
Monsieur le ministre, parmi les pistes envisagées – je viens d’en évoquer certaines sans prétendre à l’exhaustivité –, quelles mesures vous semblerait-il pertinent de prendre afin de soutenir la filière du lait bio ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Didier Rambaud, votre question, dont je vous remercie, nous offre l’occasion de pointer les difficultés de la filière laitière bio, qui souffre d’une crise assez durable, et de mettre en lumière des zones de production que vous connaissez bien, celles du saint-marcellin et du saint-félicien.
Vous avez évoqué un certain nombre de mesures. J’organise tous les jeudis une réunion de suivi des négociations commerciales, qui peut paraître assez fastidieuse, mais permet, semaine après semaine, de mettre chacun devant ses responsabilités. En l’occurrence, ce ne sont pas les producteurs qui doivent être mis devant leurs responsabilités, mais les transformateurs et la grande distribution. Telle est ma priorité, dans le cadre de ces négociations : régler le problème de la non-répercussion des hausses de charges des producteurs sur les transformateurs et les distributeurs.
J’ai noté avec intérêt qu’un certain nombre de distributeurs s’étaient dits prêts à s’engager pour une revalorisation du prix du lait ; certains l’ont déjà actée. Il faut maintenant que les transformateurs fassent de même.
Le bio connaît par ailleurs, en lien avec les problèmes de pouvoir d’achat des Français, une baisse de ses volumes de vente, et les fromages et le lait bio n’y font pas exception ; ce phénomène est bien documenté.
Premièrement, il faut tâcher d’accompagner les éleveurs touchés par les épisodes de sécheresse. J’ai annoncé l’accélération du déploiement du dispositif « calamité sécheresse ».
Deuxièmement, nous aidons les exploitations en transformation en allégeant les charges des plus énergo-intensives d’entre elles. Ainsi avons-nous récemment renotifié à Bruxelles un projet de dispositif modifié afin de mieux tenir compte des réalités agricoles, y compris du cycle de production, et de mieux accompagner les exploitations.
Troisièmement, nous ne ferons pas l’économie d’une réflexion globale sur la question du bio. Cette filière a connu pendant des années une croissance très forte, à deux chiffres. Manifestement, la tendance est désormais à la décroissance ; nous nous trouvons en tout cas sur un palier. Nous devons travailler avec l’ensemble de la filière pour trouver les voies et moyens qui nous permettront d’avancer, en commençant par améliorer l’identification et la valorisation du bio parmi l’ensemble des références et par prémunir les producteurs et les éleveurs contre le risque principal auquel ils sont exposés, celui de la décapitalisation.
conséquences de l’été 2022 sur les récoltes de pommes de terre
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 223, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, les producteurs de pommes de terre ne cachent pas leur préoccupation concernant les récoltes de l’année 2022.
En effet, l’été exceptionnellement chaud et sec que nous avons connu n’en finit pas de révéler ses conséquences désastreuses sur notre agriculture. Après les viticulteurs et les producteurs de lait, que nous venons d’évoquer, c’est au tour des producteurs de pommes de terre de tirer la sonnette d’alarme quant aux pertes prévisionnelles qui seront endurées au titre de la prochaine récolte. Leur filière accusera cette année une baisse moyenne de 20 % de son rendement en raison des effets de la chaleur sur les cultures. Les chiffres devraient se révéler encore plus dramatiques pour les producteurs qui ne disposent pas d’un système d’irrigation.
Ajoutons-y les effets de l’inflation sur les coûts de production et l’explosion des tarifs de l’énergie, et c’est une baisse sans précédent de la superficie totale cultivée qui devrait poindre en 2023.
L’Union nationale des producteurs de pommes de terre, que vous aviez reçue au ministère de l’agriculture au début du mois de septembre, a exprimé le souhait qu’un dispositif de sauvegarde soit mis en œuvre sous la forme d’un prêt garanti par l’État engagé sur les seules surfaces plantées en 2023 et remboursable en fin de campagne.
Une hausse des aides couplées à hauteur de 500 euros par hectare serait par ailleurs susceptible de sauver de la faillite nombre de petits producteurs pris à la gorge par l’accumulation des imprévus.
Le régime universel d’indemnisation des pertes de récoltes résultant d’aléas climatiques prévu par la loi du 2 mars 2022, que le Sénat a très largement marqué de son empreinte, aurait amplement suffi à compenser les pertes et assuré une protection salutaire aux agriculteurs. Celui-ci ne prendra effet qu’à compter du 1er janvier 2023, soit quelques mois trop tard pour couvrir les pertes subies à l’été 2022 par les producteurs assurés.
Quels instruments transitoires pourrait-on donc mobiliser, monsieur le ministre, pour compenser les pertes des producteurs de pommes de terre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Lefèvre, votre question vient éclairer d’un nouveau jour le problème soulevé par les orateurs qui vous ont précédé. Vous l’avez dit : troisième filière évoquée, troisième occasion de traiter des difficultés liées au dérèglement climatique et aux aléas climatiques.
J’ai en effet rencontré les organisations de producteurs de pommes de terre, personnellement ou par l’intermédiaire de mon cabinet, pour essayer de trouver un chemin.
Pour ce qui est de la production, les nouvelles sont moins mauvaises, malgré tout, qu’on ne le craignait initialement. L’inquiétude, vous l’avez dit, porte avant tout sur l’année prochaine. La remise en culture pourrait susciter de graves difficultés, puisque la production va diminuer, selon nos évaluations, de 9 % par rapport à 2021 et de 6,5 % par rapport à la moyenne quinquennale 2017-2021.
Cette situation appelle différentes réponses.
Concernant la sécheresse, compte tenu du déroulement de la récolte, un nouvel examen de la situation dans les prochaines semaines est à privilégier. Nous allons identifier ceux qui peuvent être indemnisés par les dispositifs classiques.
Vous avez évoqué la piste d’un PGE spécifique. Nous y avons travaillé avec Bruno Le Maire et ses services. Pour être tout à fait clair avec vous, aucune voie ne nous semble praticable sur ce terrain-là. S’agissant d’un sujet climatique, la création d’un nouveau PGE, sur le modèle du « PGE covid » et du PGE du « plan de résilience Ukraine », dit PGE résilience, ne nous paraît pas l’instrument adéquat. Par ailleurs, la porte serait ainsi ouverte pour d’autres filières, ce qui représenterait une difficulté supplémentaire.
Nous avons en revanche orienté les professionnels vers les aides du dispositif de prise en charge de cotisations du plan de résilience Ukraine, dit PEC résilience, doté d’une enveloppe de 150 millions d’euros, et j’ai demandé que soit expertisée cette option.
Nous continuons à travailler à la recherche de solutions pour parer à l’augmentation des coûts énergétiques, qui produit un effet ciseaux. Je pense notamment aux sujets de réfrigération : un régime d’aide qui permettra le maintien au frais des récoltes de pommes de terre est en cours de notification.
Voilà pour les éléments de court terme. Je dis un mot, pour conclure, des réponses que nous pouvons apporter à moyen et long terme.
Vous avez parlé de l’assurance récolte. À cet égard, je voudrais saluer le travail réalisé, en particulier au Sénat, pour instaurer en un temps record un dispositif robuste – loi promulguée au mois de mars, entrée en vigueur au 1er janvier –, qui, certes, ne concerne pas les exploitants touchés par les sinistres de cette année.
Il nous faut maintenant travailler à un autre sujet : face à des difficultés comme celles que nous rencontrons cette année, la meilleure des résiliences pour le monde agricole, au-delà de l’assurance récolte, consiste à garantir l’accès à l’eau.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le ministre. Toutes les mesures prises pendant la période du covid-19 avaient permis de maintenir à flot le monde agricole ; un petit effort reste à faire pour que l’on puisse voir l’avenir, notamment l’exercice 2023, sous de bons auspices.
difficultés posées par l’application de certaines dispositions de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous
Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 110, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Else Joseph. Je m’interroge sur les conséquences de l’application de certaines dispositions de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim.
En effet, au regard des témoignages locaux, ces dispositions peuvent poser de sérieux problèmes dans le domaine de la restauration scolaire et collective.
Tout d’abord, les obligations d’un menu végétarien et d’un approvisionnement composé à 50 % au moins de denrées alimentaires dites durables soulèvent de véritables difficultés. Elles se heurtent aux habitudes socioculturelles des habitants qui, par exemple, continuent à donner une importance à la consommation de viande et ne sont pas toujours familiers de l’alimentation « bio ». Le repas végétarien hebdomadaire est une solution trop rigide : une telle mesure devrait plutôt relever de l’incitation et de la démarche volontaire que de l’obligation.
On a également observé, avec la mise en place des menus végétariens, une augmentation des déchets, ce qui a malheureusement entraîné une relance du gaspillage alimentaire. Les filières bio ne sont pas toujours suffisamment présentes dans certaines parties du territoire français ; c’est le cas dans mon département, les Ardennes. En raison de cette offre limitée, l’approvisionnement se fait auprès de grossistes qui recourent en général à des produits importés. Cette situation est paradoxale à l’heure où l’on affirme vouloir relocaliser les approvisionnements…
Comme on peut le constater, les produits bio ou durables coûtent plus cher, ce qui peut fragiliser les syndicats intercommunaux à vocation unique (Sivu) et les syndicats intercommunaux à vocation multiple (Sivom). Ces derniers risquent de devoir augmenter les tarifs au détriment des familles, mais aussi des finances des collectivités locales.
Monsieur le ministre, envisagez-vous d’autoriser des adaptations locales des dispositions de la loi Égalim là où leur application pose de réels problèmes financiers à nos collectivités ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, je vous remercie de me poser cette question. Ainsi m’est donnée l’occasion de refaire un point général sur ces questions alimentaires, qui sont des questions importantes. Ayant moi-même été maire et président d’une communauté de communes, je vois bien à quel type de difficultés vous faites référence.
L’objectif, comme vous le savez, est d’améliorer la qualité des repas via un taux d’approvisionnement de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits biologiques.
Vous évoquez les difficultés que peuvent susciter les menus végétariens. Or la panoplie existant en matière de recettes végétariennes me semble suffisamment fournie pour éviter le gaspillage – je pense aux œufs et aux produits laitiers – et pour favoriser l’introduction dans les repas d’ingrédients que les jeunes enfants ont moins l’habitude de consommer, mais qu’ils ne laisseront pas sur le côté de l’assiette.
Vous dites quelque chose de très juste à propos du gaspillage alimentaire. Mais le problème de gaspillage auquel est confrontée la restauration scolaire est un problème global ; il faut que nous y travaillions. Les projets d’alimentation durable peuvent d’ailleurs être eux-mêmes l’occasion de lutter avec succès contre le gaspillage. J’ai visité un lycée agricole qui, ayant beaucoup travaillé sur ces questions, avait réussi d’un même mouvement à faire évoluer les menus vers des produits de qualité et à combattre le gaspillage.
Se posent par ailleurs des problèmes de logistique. Vous l’avez dit en évoquant l’aspect pratique : le défi est parfois de réussir à trouver des producteurs dans les circuits. C’est un peu « la poule et l’œuf », cette affaire, si vous me pardonnez l’expression. (Sourires.) Il est nécessaire que des filières d’alimentation durable se développent, mais il arrive que les choses tardent un peu, pour des tas de raisons bien légitimes, y compris, donc, de logistique.
De ce point de vue, il me semble que les projets alimentaires territoriaux peuvent constituer un outil pertinent là où il s’agit de mieux coordonner la demande, de permettre à l’intercommunalité, au Sivu, au Sivom ou à la commune exerçant la compétence de trouver une offre répondant à un certain cahier des charges, mais aussi de lever les difficultés de logistique dans les relations avec les agriculteurs. Je salue les nombreuses initiatives prises par les collectivités en ce sens.
J’ajoute que nous avons créé, notamment dans le cadre du plan France Relance, des mécanismes de soutien aux collectivités destinés à la mise à niveau des cantines. La restauration de proximité est aussi une question d’investissement, et nous allons tâcher, dans les années qui viennent, de poursuivre ce travail de mise en adéquation de l’offre et de la demande.
Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Des problèmes se posent dans nos territoires. Nous sommes tous d’accord sur cet objectif ambitieux, mais il faut que nous travaillions ensemble pour que les mentalités changent dans les collectivités.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Décès d’anciens sénateurs
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Claude Saunier, qui fut sénateur des Côtes-du-Nord, puis des Côtes-d’Armor de 1989 à 2008, et Henri Le Breton, qui fut sénateur du Morbihan de 1981 à 2001.
10
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans notre tribune d’honneur, une délégation du Sénat roumain. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre et Mme la ministre déléguée se lèvent.)
Au nom du Sénat, je souhaite la bienvenue dans notre hémicycle à M. Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes du Sénat roumain, à M. Robert Marius Cazanciuc, vice-président du Sénat roumain, à Mme Anca Dragu, présidente de la commission des droits de l’homme, de l’égalité des chances, des cultes et des minorités du Sénat roumain, et ancienne présidente du Sénat, et à M. Vlad-Mircea Pufu, secrétaire de la commission des affaires européennes du Sénat roumain.
La venue de la commission des affaires européennes du Sénat roumain s’inscrit dans un agenda dense entre nos deux chambres, puisqu’il y a exactement une semaine, le président Larcher recevait la présidente du Sénat de Roumanie, Mme Gorghiu.
Une réunion commune entre les deux commissions des affaires européennes est prévue tout à l’heure pour débattre d’enjeux majeurs : la guerre en Ukraine, la crise énergétique, les progrès de la Roumanie vers son entrée dans l’espace Schengen, sans oublier naturellement la coopération bilatérale entre la Roumanie et la France, qui s’inscrit dans le cadre de l’amitié ancienne qui lie nos deux pays depuis l’émergence de la Roumanie comme État au XIXe siècle.
Je me félicite que les commissions des affaires européennes de nos deux chambres entretiennent ainsi un dialogue régulier, qui contribue à nourrir cette amitié précieuse.
Je tiens à souhaiter, en votre nom à tous, à nos collègues roumains un séjour fructueux en France. (Applaudissements prolongés.)
11
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (projet n° 44, texte de la commission n° 62, rapport n° 61).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le président, madame la présidente de commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter ce projet de loi portant un certain nombre de mesures d’urgences pour atteindre le plein emploi.
Il s’agit du premier texte relatif à ce bel objectif du plein emploi, mais ce n’est sans doute pas le dernier du quinquennat en la matière. En tout état de cause, c’est le premier qui nous permet d’examiner collectivement un certain nombre de mesures permettant de concourir à cet objectif.
Depuis quarante-cinq ans, la France n’a plus connu le plein emploi. Nous ne devons pas nous y résigner. Nous avons d’ailleurs déjà fait un bout de chemin pour remédier à cette situation. La France a créé sur les cinq dernières années 1,7 million d’emplois, salariés et indépendants. Quasiment la moitié de ces créations nettes d’emploi se sont produites au cours des deux dernières années. Qui aurait pu imaginer voilà deux ans et demi, au début de la période du covid-19, que 830 000 emplois seraient créés entre le mois de mars 2020 et aujourd’hui ?
Ces résultats et cette réussite en matière de création d’emplois, nous les avons aussi obtenus par de profondes réformes, avec une plus grande décentralisation de la négociation collective et des moyens plus importants donnés à la formation, à travers le compte personnel de formation, le plan d’investissement des compétences et l’apprentissage.
Ces créations d’emplois et cette diminution du taux de chômage ne se sont pas opérées au détriment des salariés ou des entreprises. Nous avons ainsi dépassé les fausses oppositions. Une nouvelle forme de compromis social est en train, je le crois, de se développer, où l’emploi et les compétences deviennent une composante essentielle de la compétitivité des entreprises, et ne sont plus désormais abordés uniquement au regard de leur coût ou de l’incertitude qui leur est attachée.
C’est dans ce contexte que vous est donc proposé aujourd’hui le premier projet de loi du quinquennat visant à atteindre le plein emploi. Il s’agit d’un projet de loi volontairement resserré, centré sur les mesures les plus urgentes, mais pas les moins importantes. Pourquoi un tel texte aujourd’hui, dans cette période ? Pourquoi de telles mesures ?
Aujourd’hui, alors que notre taux de chômage est encore deux fois plus élevé que celui de nos voisins européens, les tensions de recrutement sont à leur comble. Cette situation n’est pas satisfaisante. En effet, 60 % des entreprises éprouvent des difficultés de recrutement, 30 % des entreprises industrielles sont même obligées de limiter leur activité, de fermer des lignes de production ou de renoncer à une partie de leur carnet de commandes pour des raisons de pénurie de main-d’œuvre.
Ces difficultés témoignent des efforts que nous devons encore accomplir pour finir de libérer le travail en France. Je n’égrènerai pas ici les huit axes de la feuille de route de mon ministère, que j’ai eu l’occasion de présenter devant la commission des affaires sociales du Sénat. Je voudrais simplement développer trois idées devant vous.
Premièrement, le plein emploi passe d’abord par la valorisation du travail. C’est un axe central de notre mission. Il s’agit en particulier de donner l’envie, le goût du travail aux jeunes. L’entreprise doit être ouverte à l’école, et l’école doit continuer de s’ouvrir aux entreprises.
Avec mon collègue de l’éducation nationale et la ministre déléguée Carole Grandjean, nous ferons connaître à nos jeunes et à nos enfants les métiers de l’artisanat, de l’industrie et du bâtiment, et nous leur en donnerons le goût, car il s’agit de métiers fondamentaux sur lesquels repose une grande part de notre vie économique.
Ces secteurs sont de formidables gisements d’emplois sans cesse en progrès. Ils nécessitent aussi des compétences pointues en perpétuelle évolution et très en prises avec les nouvelles technologies, à rebours de leur image, qui s’est parfois dégradée au fil du temps.
Au travers de l’apprentissage et du lycée professionnel, ces métiers connaissent un élan nouveau, que nous développerons encore ces prochaines années.
Deuxièmement, le plein emploi signifie aussi l’emploi pour tous. Dans la société du plein emploi que nous voulons construire, il importe de s’attaquer résolument à tout ce qui freine l’accès des plus fragiles à l’emploi.
Ce ne sont pas toujours des problèmes de qualification ou de compétence qui se posent. Nous devons aussi lutter contre les freins périphériques à l’emploi susceptibles d’enfermer les personnes dans des situations d’inactivité subie ou de précarité. La garde d’enfants et la mobilité font partie de ces sujets structurels, qui restent encore insuffisamment traités de façon systématique. Je suis convaincu qu’il est désormais temps d’avancer sur ces questions. C’est tout le sens du chantier que nous avons engagé autour du projet France Travail.
Nous avons un certain nombre d’expériences à valoriser, notamment grâce au service public de l’insertion vers l’emploi et au plan d’investissement dans les compétences. Il importe à présent de capitaliser pour passer à une nouvelle échelle. Je souhaite que les nombreux outils numériques expérimentés çà et là se déploient, afin que les différents acteurs puissent travailler en réseau d’une façon beaucoup plus efficace qu’aujourd’hui.
Avec France Travail, il s’agit également d’accompagner de manière plus intensive, personnalisée et adaptée l’ensemble des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et, au-delà, les bénéficiaires des minima sociaux.
Ce projet me tient particulièrement à cœur. L’État ne peut se considérer comme quitte de ses devoirs de solidarité à l’égard de ces publics parce qu’il leur verse une allocation. Nous pouvons faire valoir leurs droits et leurs devoirs aux bénéficiaires du RSA. Mais, de façon préalable, l’État a aussi le devoir de donner à ces derniers une vraie chance, en leur proposant une offre d’insertion et d’accompagnement partout sur le territoire, adaptée et personnalisable.
Nous continuerons à transformer notre système de formation professionnelle pour accélérer la montée en compétence, pour répondre aux besoins des actifs et des entreprises, mais aussi pour faire face aux enjeux des transitions démographique, écologique et numérique.
Le projet de loi donne une première impulsion en ce sens pour la validation des acquis de l’expérience (VAE). C’est un point que Carole Grandjean détaillera.
Troisièmement, le plein emploi signifie aussi de meilleures conditions de travail. Nous avons des conditions de travail parfois difficiles et conflictuelles. Plusieurs enquêtes soulignent qu’il existe des marges de progrès. Pour résoudre les tensions de recrutement, les entreprises devront également mieux intégrer, mieux valoriser les métiers et faire évoluer leurs salariés.
Nous les accompagnerons en ce sens, mais nous resterons attentifs. Les entreprises n’ont pas qu’un rôle de production à jouer ; elles doivent aussi prendre leur part dans l’effort collectif à mener pour parvenir au plein emploi.
Le texte que je vous présente aujourd’hui vise donc à apporter un certain nombre de réponses. La première d’entre elles concerne l’assurance chômage.
Je rappelle que l’assurance chômage est au cœur de notre modèle de sécurité sociale et professionnelle. Elle a été bâtie au fil du temps par les partenaires sociaux de notre pays pour devenir un outil puissant au service de la mobilité et de la protection des actifs.
Au même titre que les autres axes que j’ai mentionnés, nous devons la perfectionner pour parvenir au plein emploi. Il importe de préserver son caractère protecteur et son universalité – l’assurance chômage a été élargie à certains démissionnaires et travailleurs indépendants par notre majorité –, mais il convient de la mettre davantage au service d’un retour rapide vers l’emploi durable, car nul ne doit être condamné à une forme d’inemployabilité.
Je souligne que nous avons déjà commencé à réformer l’assurance chômage en 2019. La réforme de 2019 visait avant tout à répondre à l’explosion des embauches en contrats courts depuis vingt ans et, plus généralement, à apporter une réponse définitive au déficit structurel de l’assurance chômage lié en partie à la prolifération des contrats courts.
Entre 2009 et 2019, l’assurance chômage a accusé systématiquement un déficit de 2,9 milliards d’euros en moyenne. C’est la raison pour laquelle deux transformations structurelles ont été apportées par cette réforme.
Nous avons tout d’abord proposé un nouveau calcul des allocations pour garantir que le fait de travailler soit toujours plus rémunérateur que le chômage.
La réforme a ensuite mis en place un bonus-malus dans sept secteurs économiques très utilisateurs de contrats courts. Depuis le 1er septembre 2022, environ 6 000 entreprises ayant recours de manière plus importante que la moyenne du secteur aux contrats à durée déterminée paient une surcotisation chômage – le malus – pouvant s’élever jusqu’à un point de cotisation supplémentaire sur l’ensemble de leur masse salariale. A contrario, 12 000 entreprises bénéficient d’un bonus pouvant aller jusqu’à 1,05 % de leur masse salariale.
J’entends évidemment les critiques qui s’élèvent dans certains de vos rangs à l’encontre du bonus-malus. Vous les avez d’ailleurs relayées à travers votre réécriture de l’article 2 du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale.
Je veux à cet égard rappeler quelques faits : les contrats courts coûtent structurellement à l’assurance chômage quelque 2 milliards d’euros par an. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu réattribuer une partie de ce coût aux entreprises qui le faisaient peser sur l’ensemble de la communauté contributive. Il s’agit ainsi de les responsabiliser.
Le bonus-malus mettra bien sûr du temps à produire ses effets. Je vous demande de lui en donner pour que les sept secteurs aujourd’hui concernés prennent la mesure du dispositif et commencent à modifier leur recours aux contrats courts. De nombreuses solutions de remplacement sont possibles : CDI intérimaires, groupements d’employeurs, ainsi que d’autres formes d’emplois que nous voulons promouvoir et accompagner.
J’en viens maintenant au calendrier d’examen de ce texte. Pourquoi agir de nouveau aujourd’hui ?
Les règles actuelles sont fixées par le décret du 28 juillet 2019, dit décret de carence, qui est venu définir les règles de l’assurance chômage, car les partenaires sociaux n’étaient pas parvenus à un accord.
Le décret arrive à échéance le 1er novembre prochain. C’est ce qui motive le principe d’urgence du projet de loi. Nous souhaitons prolonger les règles jusqu’au 31 décembre 2023 pour laisser le temps à la réforme de 2019 de déployer tous ses effets. Nous souhaitons également prolonger le bonus-malus jusqu’au 31 août 2024.
Ouvrir dès aujourd’hui un nouveau cycle de négociations sur les règles n’aurait pas eu de sens. Du fait de la crise sanitaire, les nouvelles règles ne sont entrées en vigueur qu’il y a moins d’un an. Il paraît donc nécessaire d’attendre un peu pour que les partenaires sociaux puissent se saisir de nouveau de ces questions à la fin de l’année 2023.
Nous souhaitons donc prolonger les règles, mais nous voulons également travailler à les rendre plus réactives par rapport à la conjoncture économique. Le système d’assurance chômage tel qu’il existe aujourd’hui est finalement contre-intuitif. Il remplit imparfaitement son rôle : sur les quinze dernières années, quand le chômage était au-dessus de 10 %, 55 % des demandeurs d’emploi étaient indemnisables, alors que cette part est montée à 61 % à la fin de 2019, avec un chômage à 8 %.
M. François Patriat. Exactement !
M. Olivier Dussopt, ministre. C’est tout le contraire de ce qu’il faudrait faire si nous souhaitons que notre système soit plus protecteur durant les périodes de difficultés d’emploi.
Par ailleurs, la France se caractérise par un taux de chômage structurel qui reste assez élevé, et ce malgré les tensions actuelles en matière de recrutement. Le régime actuel d’assurance chômage, construit pour l’essentiel dans un contexte de chômage de masse, n’incite pas suffisamment au retour à l’emploi. Il reste globalement l’un des plus généreux d’Europe, notamment en ce qui concerne la durée d’indemnisation et les seuils d’éligibilité.
Il est donc nécessaire de renforcer le retour à l’emploi rapide lorsque les opportunités d’emplois sont dynamiques. En revanche, quand il y a moins d’emplois, il est nécessaire que les règles deviennent plus protectrices. Nous sommes en train de discuter de ce principe de contracyclicité avec les partenaires sociaux. Je précise que nous sommes ouverts à des aménagements sur les questions de durée d’affiliation ou de durée d’indemnisation, mais que nous ne souhaitons pas que cette modulation concerne le montant des allocations dans la mesure où le montant des indemnisations a déjà été modifié avec la réforme de 2019.
M. Michel Savin. Donc, cela ne sert à rien ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Nous voulons donc réformer notre système pour qu’il soit plus incitatif, mais nous ne voulons pas non plus qu’il devienne aussi strict que dans d’autres pays. Il faut rappeler, par exemple, que la durée maximale d’indemnisation est en Allemagne ou en Suède de douze mois. Ces pays ne se caractérisent pourtant pas par un manque de protection sociale…
Il faut aussi rappeler que le taux de conversion, c’est-à-dire le ratio entre la période de calcul des droits et la durée d’indemnisation est de 1 en France, mais qu’elle est de 0,5 en Allemagne, en Italie, en Irlande et de 0,4 aux Pays-Bas, en Espagne et au Portugal.
Nous travaillons à un mécanisme de modulation des règles d’indemnisation du chômage en fonction de l’état du marché du travail. La concertation engagée avec les partenaires sociaux devrait durer six à huit semaines, pour aboutir d’ici à la fin de l’année.
De nombreuses questions se posent. Quels sont les paramètres dont la modulation a le plus d’impact sur l’emploi ? Quels sont les indicateurs qui permettent de rendre compte le plus fidèlement possible du cycle économique et de la manière la plus réactive ?
Une fois que nous aurons refermé ce chapitre autour de la modulation des règles d’indemnisation, nous ouvrirons un nouveau cycle de négociations interprofessionnelles, afin de parvenir à un accord national interprofessionnel majoritaire en matière de gouvernance de l’assurance chômage. Ce sera l’occasion de redonner toute sa place au paritarisme.
C’est la raison pour laquelle nous avons limité l’application du texte législatif que nous vous présentons aujourd’hui à quatorze mois, c’est-à-dire au 31 décembre 2023.
Les autres dispositions du projet de loi concernent la restauration de la définition du collège électoral aux élections professionnelles pour tenir compte des conséquences d’une question prioritaire de constitutionnalité. Par ailleurs, un article du texte permet la ratification d’ordonnances que le Parlement avait habilité le Gouvernement à prendre. Enfin, ce projet comporte des articles sur la formation professionnelle ; Carole Grandjean les évoquera dans quelques instants.
En conclusion, je remercie l’ensemble des sénatrices et des sénateurs ayant participé aux débats en commission des affaires sociales, au premier rang desquels les deux rapporteurs. Un certain nombre de dispositions bienvenues ont été ajoutées au texte par votre commission en matière de contracyclicité ou de sécurisation juridique de la procédure, notamment en assimilant l’abandon de poste à une démission.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre. Nous leur apporterons notre soutien.
En revanche, comme le savent les deux rapporteurs, je suis plus réservé sur la disposition visant à sanctionner le refus de CDI ou sur celle relative au déplafonnement de la durée maximale des contrats intérimaire.
M. Michel Savin. Dommage…
M. Olivier Dussopt, ministre. Ma réserve est encore plus forte sur les restrictions apportées par votre commission au système de bonus-malus. Mais nous aurons tout le loisir d’en débattre plus longuement durant l’examen des articles du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, j’ai le plaisir de vous présenter notre projet pour la validation des acquis de l’expérience, qui s’inscrit pleinement dans notre ambition collective de construction d’une société des compétences vers le plein emploi.
Pour y parvenir, tous les outils à notre disposition doivent être mobilisés et rénovés lorsque c’est nécessaire. La VAE fait partie des dispositifs connus par nombre de nos concitoyens. Malgré cela, elle est trop peu utilisée par eux au bénéfice de leurs parcours professionnels.
Elle a pourtant toute sa place au service de la promotion, des transitions et des reconversions professionnelles. Elle doit redevenir un outil pour soutenir la trajectoire professionnelle de tous les actifs. Elle doit être plus attractive, plus simple d’accès, plus moderne et plus valorisante.
Elle doit s’adapter aux expériences de plus en plus variées de nos concitoyens, tantôt faites d’engagement associatif, de bénévolat, de fonctions syndicales, de salariat, d’aide familiale. Parce que les compétences d’aujourd’hui s’acquièrent dans de nombreuses situations, nos politiques publiques doivent d’adapter : c’est tout le sens de notre projet.
Les dispositions de l’article 4 visent ainsi à fonder une VAE de nouvelle génération. Nous avons tous ici entendu les critiques portées à la VAE d’aujourd’hui : trop longue, trop administrative, trop complexe, mal adaptée à certains profils. C’est un véritable parcours du combattant.
Les Français, salariés comme dirigeants d’entreprise, ne s’y trompent pas. Seulement 30 000 parcours ont été réalisés l’an dernier, soit deux fois moins qu’il y a dix ans. La VAE est source d’abandons et de trop nombreuses désillusions.
Et pour cause, la durée moyenne d’un parcours est aujourd’hui de dix-huit mois, au cours desquels le candidat devra franchir de nombreuses étapes, et évoluer dans un monde complexe fait de statuts et de financeurs, de certificateurs et de référentiels, de compétences visées et de preuves administratives, souvent seul face à son projet.
La VAE est pourtant efficace à l’appui de la construction de véritables parcours d’accès à l’emploi, pour donner du sens aux carrières de nos concitoyens. C’est pourquoi nous promouvons une approche universaliste de notre action, dans une véritable logique de service public, pour atteindre les 100 000 parcours d’ici à la fin du quinquennat.
Les dispositions qui vous sont soumises conduisent donc à lever les freins pour favoriser un plus large accès à la VAE. Nous souhaitons tout d’abord, comme vous le savez, permettre un plus large accès à la VAE des proches aidants.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour permettre à celles et à ceux qui interrompent leur carrière pour prendre soin d’un proche de faire reconnaître sur le marché du travail les nouvelles compétences acquises en situation d’aidance, qu’elles relèvent de gestes professionnels ou de compétences transversales, comme les savoir-être.
La commission des affaires sociales de votre assemblée a souhaité fixer dans la loi le principe d’un accès universel à la VAE. Si l’approche paraît évidemment séduisante à première vue, elle comporte toutefois le risque, déjà relevé par certaines associations d’aidants familiaux, que le public ne soit pas clairement identifié par le prochain service public, ce à quoi le Gouvernement veillera de manière très attentive.
Nous entendons également les craintes des associations d’aidants relatives à une approche adéquationniste de la VAE des proches aidants. Je veux ici les rassurer : les aidants, comme toutes celles et tous ceux qui se lanceront dans une procédure de VAE, pourront aussi, s’ils le souhaitent, faire reconnaître leurs compétences en vue d’acquérir des certifications relevant d’autres secteurs.
Le texte qui vous est soumis vise également à simplifier la procédure de VAE, ainsi que son environnement juridique, tout en sécurisant le parcours des candidats. J’ai constaté avec plaisir que la commission des affaires sociales et les rapporteurs avaient confirmé l’importance de ce mouvement de simplification en acceptant telles quelles les dispositions que nous avons introduites.
Il est question dans ce texte de simplifier le droit en posant dans la loi les fondamentaux d’une procédure de VAE, et en renvoyant à la compétence réglementaire les détails de mise en œuvre d’une nouvelle procédure que nous voulons plus simple, plus rapide et surtout moins administrative qu’aujourd’hui.
Cette simplification passe, notamment, par la possibilité de faire valider des blocs de compétences par la VAE, afin qu’elle se positionne au cœur des stratégies individuelles vers l’emploi.
La VAE de demain doit également maximiser les chances de succès de celles et de ceux qui se portent candidats à la certification via un tel parcours.
Le texte que vous allez examiner procède ainsi au doublement du congé VAE pour les salariés, afin de leur donner plus de temps pour préparer leur passage devant le jury.
M. François Bonhomme. Quelle audace ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Nous savons également que la durée des parcours est une source de réussite. Il n’est plus acceptable que les candidats soient contraints d’attendre parfois jusqu’à huit mois leur passage devant un jury. C’est pourquoi le texte prévoit de simplifier les règles relatives à l’organisation et à la composition des jurys.
Le projet que nous vous soumettons aujourd’hui est enfin celui qui fera entrer la VAE dans la modernité. C’est une VAE plus digitale, plus accessible et mieux adaptée aux enjeux du numérique que nous vous proposons.
C’est dans cette perspective que nous souhaitons créer un véritable service public national de la VAE, qui aura pour mission de mieux piloter cette politique publique, en vue d’optimiser les parcours et donc la réussite des candidats.
C’est dans cet esprit que nous souhaitons doter la VAE d’un espace stratégique de coordination, resserré autour des acteurs compétents, car nous sommes convaincus que c’est en combinant les expertises de chaque acteur que nous parviendrons à redorer le blason de la VAE.
Je tiens toutefois à dire que cet espace de coordination n’a de chances de réussir que s’il est agile et adaptable, ce qui implique une gouvernance du groupement d’intérêt public (GIP) strictement limitée aux acteurs compétents, faute de quoi nous recréerions les conditions d’une politique publique trop complexe à mettre en œuvre. Je salue ainsi l’engagement à nos côtés des régions, qui auront leur rôle à jouer dans la mise en œuvre de cette VAE modernisée, au service des stratégies locales de développement de l’emploi et des compétences.
Pour donner une assise à ce service public, le texte prévoit la création d’un espace numérique dédié, point d’entrée unique en matière d’information, de promotion et de conseil pour les usagers.
Le Gouvernement a également entendu la volonté des acteurs de l’accompagnement à la VAE d’expérimenter la possibilité d’une VAE dite « inversée ».
Son principe est de rendre le processus d’acquisition des compétences par l’emploi et la formation concomitants à celui de la reconnaissance de ces mêmes compétences par la VAE, afin de proposer des parcours individualisés d’accès aux certifications dans les métiers en tensions de recrutements. Il s’agira, par exemple, de valoriser enfin les contrats de « faisant fonction » en les transformant en de véritables tremplins vers la certification et l’emploi durable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, nous pouvons donner un nouveau souffle à la VAE.
Avec cette réforme, nous allons mieux reconnaître les compétences de chacun et permettre au plus grand nombre de s’émanciper. C’est un véritable progrès social et un grand rebond culturel pour notre pays.
Je compte donc sur vous tous pour voter largement cet article et, au-delà, ce texte, afin de faire du droit à la reconnaissance permanente des compétences un droit réel et tangible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
12
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat de Côte d’Ivoire conduite par son président, Son Excellence M. Jeannot Ahoussou-Kouadio, qui s’est entretenu avec le président Larcher hier soir. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre et Mme la ministre déléguée se lèvent.)
La délégation est accompagnée par notre collègue André Reichardt, président du groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest. Je tiens à souligner la grande qualité de nos relations interparlementaires.
La Côte d’Ivoire a fait le choix du bicamérisme dans sa constitution de 2016, ce dont nous nous félicitons. En février 2020, le président Larcher avait participé, avec plusieurs de nos collègues, au premier forum du Sénat ivoirien avec les collectivités territoriales, à Yamoussoukro. Nos deux Sénats sont engagés dans une coopération étroite, portant notamment sur l’évaluation des politiques publiques et la qualité des travaux législatifs.
Au-delà, je veux saluer l’action du président Ouattara pour faire de la Côte d’Ivoire un pôle de stabilité, dans un environnement régional troublé, et ses efforts pour renouer le dialogue politique. Cette voie n’est pas nécessairement la plus facile. Mais elle est la plus prometteuse.
Nos deux pays sont par ailleurs engagés dans un partenariat étroit qui porte ses fruits dans tous les domaines, singulièrement en matière de sécurité et de défense, pour mieux combattre le terrorisme. Nous mesurons pleinement l’ampleur des mesures prises par les autorités ivoiriennes pour protéger les Ivoiriens de ce fléau.
Monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à Son Excellence M. Jeannot Ahoussou-Kouadio et à sa délégation la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements prolongés.)
13
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, l’ambition du projet de loi « d’urgence » que nous présente le Gouvernement est plus limitée que son intitulé ne le suggère : il s’agit, pour l’essentiel, de proroger les règles actuelles du régime d’assurance chômage.
Ce texte soulève néanmoins des questions cruciales sur les objectifs, la gouvernance et le financement de ce régime. Il semble en effet signer l’échec de la réforme de la gouvernance de l’assurance chômage issue de la loi de 2018 : alors que les règles d’indemnisation du chômage fixées par le « décret de carence » du 26 juillet 2019 cesseront d’être applicables à compter du 1er novembre 2022, aucun processus de négociation, assorti d’un document de cadrage, n’a été engagé pour définir de nouvelles règles.
Afin de donner une base légale et réglementaire à l’indemnisation des demandeurs d’emploi après cette date, l’article 1er autorise le Gouvernement à prendre par décret en Conseil d’État les mesures d’application du régime d’assurance chômage jusqu’au 31 décembre 2023, ainsi qu’à prolonger l’application du bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage jusqu’au 31 août 2024.
Attachée à la gestion paritaire de l’assurance chômage, la commission considère que ces mesures dérogatoires ne doivent être applicables que pour une durée proportionnée à la nécessité de l’urgence, d’autant que cette urgence résulte largement de l’abstention du Gouvernement. En conséquence, elle a avancé du 31 décembre au 31 août 2023 la date limite d’application de l’ensemble des mesures qui pourront être prises par décret.
La période d’application de ce décret devra être utilisée pour engager des concertations destinées à faire évoluer la gouvernance de l’assurance chômage, afin de tirer les leçons de l’échec de la réforme de 2018.
À cette fin, la commission a prévu d’abroger les dispositions du code du travail relatives à la procédure de négociation des accords relatifs au régime d’assurance chômage sur le fondement d’une lettre de cadrage. Elle a également défini une procédure transitoire inspirée de l’article L. 1 du code du travail, faisant intervenir le Gouvernement par le biais d’un document d’orientation, en vue de la négociation d’un accord.
Parallèlement à cette restauration du paritarisme, la commission a souhaité renforcer, à l’article 1er bis AA, le cadre de l’indemnisation du chômage.
Elle a d’abord proposé que le droit à l’allocation d’assurance ne soit pas ouvert à un demandeur d’emploi ayant refusé trois propositions de CDI à l’issue d’un CDD, au cours des douze derniers mois.
En outre, elle a jugé indispensable, pour pouvoir mettre en place une indemnisation contracyclique, d’inscrire dans le code du travail que les droits à l’allocation chômage peuvent être modulés en fonction d’indicateurs conjoncturels.
À l’article 2, la commission a entendu modifier les paramètres du bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage en allant bien au-delà du dispositif proposé, qui prévoit la transmission aux employeurs des données individuelles servant au calcul de la modulation. En effet, tel qu’il a été conçu, le bonus-malus est inefficace, car il ne cible pas réellement les contrats courts, les CDD ne représentant que 2 % des fins de contrat prises en compte. Afin de recentrer ce dispositif sur sa vocation première de lutte contre la permittence, la commission a limité les fins de contrat prises en compte aux seuls CDD d’une durée inférieure ou égale à un mois, à l’exclusion des cas de remplacement de salariés absents, excluant donc du dispositif les fins de CDI et les fins de mission d’intérim.
En outre, afin d’atténuer les effets du bonus-malus pour les entreprises concernées, elle a limité la modulation du taux de 4,05 % à plus ou moins 0,5 point, au lieu de 1 point.
La commission a approuvé l’article 1er bis A, inséré par l’Assemblée nationale, qui prévoit que le salarié en abandon de poste est présumé avoir démissionné, notamment au regard des règles d’indemnisation du chômage, tout en veillant à préciser la procédure applicable.
Elle a également adopté l’article 2 bis, qui réactive l’expérimentation du CDD multi-remplacement, et inséré un article 2 ter, qui supprime la durée maximale de trente-six mois applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un CDI intérimaire.
Enfin, la commission a adopté un amendement de notre collègue Philippe Bas, qui prévoit une procédure plus équitable pour les collectivités territoriales auxquelles il est demandé d’indemniser un ancien agent au chômage.
Madame, monsieur les ministres, vous l’aurez compris, notre commission a souhaité redonner l’initiative aux partenaires sociaux et rendre certains dispositifs plus justes et plus adaptés aux besoins des employeurs et des salariés, dans un contexte de fortes inquiétudes pour l’emploi.
Mes chers collègues, nous vous invitons à adopter ce projet de loi modifié par la commission des affaires sociales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer Mme la présidente de la commission des affaires sociales, et à la remercier pour l’aisance et la précision avec lesquelles elle a conduit nos débats, ainsi que ma collègue rapporteur Frédérique Puissat pour son allant, son sens du collectif et le dialogue que nous avons entretenu tout au long de nos travaux. Tous les ingrédients étaient présents pour aboutir à un bon texte !
Outre les dispositions relatives à l’assurance chômage présentées par ma collègue, le présent projet de loi vise également à développer la validation des acquis de l’expérience.
Troisième voie d’obtention d’une certification, à côté de la formation initiale et de la formation continue, la VAE permet de renforcer l’employabilité des personnes concernées, de favoriser la progression des carrières et de répondre aux besoins du marché du travail. Elle permet aussi à ceux qui n’ont pas pu accéder à la formation initiale de faire reconnaître leurs compétences.
Trop complexe, peu connue et insuffisamment valorisée, la VAE est aujourd’hui très peu sollicitée. Il s’agit même d’une voie « mal aimée ». Elle pourrait dire ainsi, comme dans la chanson de Claude François : « J’ai besoin qu’on m’aime mais personne ne [me] comprend »… (Sourires au banc des commissions.) Le recours au dispositif diminue depuis quelques années et le nombre de candidats baisse également à chaque étape du parcours, du dépôt du dossier jusqu’à l’obtention de la certification.
L’article 4 prévoit de renforcer l’accompagnement des candidats et de faciliter l’accès à la VAE : éligibilité des proches aidants, prise en compte des périodes de mise en situation professionnelle, accompagnement des candidats dès la constitution de leur dossier et financement du parcours par les associations de transition professionnelle. Ces différentes évolutions, bienvenues, ont été substantiellement complétées à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement ; nous les approuvons.
Il est ainsi proposé d’instituer un service public de la VAE, dont la mission est d’orienter et d’accompagner tout demandeur. Un groupement d’intérêt public (GIP), qui réunira notamment l’État et les régions, sera chargé de mettre en œuvre ce service public à l’échelon national. Il devra favoriser l’information et l’orientation des demandeurs, promouvoir la VAE et contribuer à l’animation et à la cohérence des pratiques sur le territoire.
La commission a souhaité s’inscrire dans la logique de cette réforme, en complétant le dispositif sur deux points.
D’une part, elle a supprimé la longue liste des catégories de personnes et des types d’activités éligibles à la VAE. La nécessité d’y ajouter les proches aidants a montré qu’une telle énumération pouvait exclure certaines personnes dont l’expérience peut correspondre à des compétences professionnelles et mérite d’être reconnue.
La commission est donc sortie d’une approche par statut, en posant le principe selon lequel la VAE est ouverte à toute activité en lien avec la certification visée. Cette approche nous semble plus conforme à la logique de la réforme engagée. Tel est d’ailleurs notre cap, sur le modèle rhénan, c’est-à-dire à la fois le paritarisme, comme l’a dit Frédérique Puissat, et le refus de tout corporatisme.
D’autre part, la commission a complété les missions du GIP, afin que celui-ci prenne mieux en compte les besoins en qualification des territoires. Suivant cette approche, elle a prévu que le groupement serait présidé par un président de conseil régional.
De plus, les ministères certificateurs devront déployer les moyens nécessaires au recrutement et à la mobilisation des jurys. Les acteurs de l’accompagnement devront être soutenus, y compris financièrement, et les démarches réellement simplifiées.
La commission a approuvé l’article 3, qui sécurise la définition de l’électorat et de l’éligibilité aux élections professionnelles, pour tirer les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel.
Enfin, l’article 5 prévoit la ratification, sans modification, de vingt ordonnances portant mesures d’urgence en matière de droit du travail et d’emploi pour faire face à la crise sanitaire, ainsi que d’une ordonnance relative au recouvrement des contributions à la formation professionnelle. Cette démarche est suffisamment rare pour être soulignée. En effet, le précédent quinquennat a été marqué par un net recul de la ratification des ordonnances, alors que soixante-dix-huit habilitations à légiférer par ordonnances, en moyenne, ont été accordées chaque année entre 2017 et 2022, contre une moyenne annuelle de trente-six précédemment.
Pour autant, sur les vingt et une ordonnances qu’il est proposé de ratifier, quatorze ne sont plus en vigueur et une quinzième a été annulée par le Conseil d’État au motif que ses dispositions méconnaissaient le champ de l’habilitation qui avait été donnée au Gouvernement. La commission a donc considéré qu’il n’était pas utile de ratifier ces quinze ordonnances, une telle démarche n’ayant d’autre résultat que de gonfler artificiellement les statistiques. Elle a donc limité la liste des ratifications aux six ordonnances dont les dispositions restent en vigueur.
Ma collègue rapporteur et moi-même vous invitons donc à adopter le projet de loi issu de nos travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 73.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (n° 62, 2022-2023).
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la motion.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a décidé de déposer cette motion tendant au rejet du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
Alors que le Gouvernement a décidé de passer en force à l’Assemblée nationale, en dégainant l’article 49.3 sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le présent texte habilite le Gouvernement à fixer seul les conditions d’indemnisation des privés d’emploi.
Nous refusons cette remise en cause de la gouvernance, qui relève des organisations syndicales et patronales, de l’assurance chômage.
Nous refusons de confier, comme cela est prévu à l’article 1er, les pleins pouvoirs au Gouvernement jusqu’en décembre 2023.
Ce passage en force marque une nouvelle étape du processus, largement entamé, d’étatisation de l’assurance chômage, destiné à servir plus directement les intérêts du patronat.
Un sénateur du groupe Les Républicains. On y arrive…
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’étape suivante pourrait être la disparition de l’Unédic et de Pôle emploi du fait de la mise en place de France Travail.
Ce projet de loi est une remise en cause du droit au travail, au libre choix de son travail et à des conditions satisfaisantes de travail, ainsi que de l’assurance interprofessionnelle et solidaire contre le chômage.
Alors que le Sénat débute son examen du texte, le Gouvernement a déjà lancé les concertations avec les organisations patronales et syndicales pour moduler l’indemnité chômage. Ce mépris des parlementaires est d’autant plus inacceptable que, lors de ces réunions de concertation, le ministère du travail a précisé que la modulation consisterait à allonger la période d’ouverture des droits au chômage.
Le relèvement de six à huit mois, sur la période des vingt-quatre derniers mois, de la durée de cotisation permettant l’ouverture des droits au chômage privera d’indemnisation 200 000 personnes, et fera économiser 2 milliards d’euros sur le dos des jeunes, qui seront les principales victimes de la modulation. Ladite modulation ne serait donc qu’un moyen pour faire des économies, en réduisant le nombre d’allocataires…
D’ailleurs, l’ensemble des organisations syndicales de salariés ont renouvelé leur opposition à cette modulation. Même l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui n’est pourtant pas une officine du parti communiste – c’est l’organisation des artisans, des professions libérales et des commerçants –, a exprimé ses « doutes notamment sur la corrélation entre la contracyclicité et [la] capacité à recruter plus facilement », ajoutant : « Il nous paraît plus important de travailler sur la formation. » Nous partageons totalement cette analyse.
Le fait que des emplois soient non pourvus dans notre pays est lié non pas à la durée d’indemnisation du chômage, mais au manque d’anticipation et d’investissement dans la formation professionnelle.
Si nous manquons d’ouvriers qualifiés dans l’industrie, d’artisans dans le bâtiment, de techniciens dans les services, c’est non seulement parce que les salaires sont trop faibles et les conditions de travail très difficiles, mais encore parce que, depuis des années, les gouvernements successifs ont cassé l’enseignement professionnel.
La logique du Gouvernement, selon laquelle il faudrait réduire les droits au chômage pour inciter à la reprise du travail, relève d’une vision archaïque de l’emploi.
Le 14 juillet 2022, lorsque le Président de la République a annoncé cette réforme, il a présenté l’assurance chômage comme un obstacle au bon fonctionnement du marché du travail.
Les parlementaires communistes sont particulièrement attachés à l’émancipation des individus dans leur travail, mais cette émancipation n’est pas possible dans la société capitaliste, laquelle grignote toujours davantage la vie personnelle au profit de la vie professionnelle. La dégradation des conditions de travail, les faibles salaires, les comportements parfois toxiques des directeurs des ressources humaines (DRH) conduisent à un mal-être au travail et à une perte de sens. Si les infirmières démissionnent de l’hôpital, c’est justement parce qu’elles se plaignent d’une perte de sens, parce qu’elles ne supportent plus de trier les patients et de les laisser attendre des heures.
L’émancipation par le travail est possible dès lors que les salariés participent aux décisions de l’entreprise et à condition de prévoir une réduction du temps de travail à 32 heures ainsi qu’une augmentation massive des salaires. En attendant, nous refusons d’opposer les travailleurs aux privés d’emploi.
Les travailleurs et les privés d’emploi sont de plus en plus dessaisis de leur droit de choisir librement un emploi qui soit en cohérence avec leurs qualifications ou leur formation. Ils deviennent des variables d’ajustements du marché du travail.
Alors que moins de quatre chômeurs sur dix perçoivent une allocation et que la moitié d’entre eux est sous le seuil de pauvreté, la réforme de l’assurance chômage de 2019 a fait perdre 155 euros par mois à 1 million d’allocataires. Elle a exclu 450 000 personnes de toute allocation et a frappé les plus fragiles, notamment les jeunes. Cette baisse des droits s’est accompagnée d’une éviction des privés d’emploi de l’allocation chômage. Ainsi, en un an, les radiations administratives ont progressé de 40 %.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement reprend la main sur l’Unédic qui, depuis 1958, était gérée conjointement par les organisations syndicales et patronales.
Plutôt que de s’engager à reprendre la dette de 15 milliards d’euros de l’Unédic, produite par le recours à l’activité partielle durant la crise sanitaire, l’État veut transformer par décret l’assurance chômage en simple filet de secours minimum. Cette réforme de l’assurance chômage est un déni de solidarité. Au-delà de la diminution des indemnités des plus précaires, le Gouvernement veut transformer une assurance collective en épargne individualisée.
Cette dénaturation de l’assurance chômage est un processus à l’œuvre depuis plusieurs années, et notamment depuis la substitution en 2018 de la contribution sociale généralisée (CSG) aux cotisations salariales et l’encadrement des négociations par le Gouvernement. L’attaque contre les droits des plus précaires cache des enjeux plus structurels, notamment le fait que le chômage ne sera plus qu’un risque individuel. Il est urgent de renouer avec la logique de solidarité salariale interprofessionnelle garantissant chacun contre le risque social du chômage.
Entre 1992 et 2001, la dégressivité des allocations chômage n’a pas entraîné d’accélération de la reprise de l’emploi. De la même manière, les restrictions d’accès aux droits des intermittents du spectacle et le doublement de leur taux de cotisation n’ont pas augmenté le nombre de CDI dans le secteur. En réalité, les chômeurs n’ont pas le choix de leur emploi et la restriction de l’accès aux indemnités chômage risque de les contraindre à accepter des contrats encore plus précaires.
La droite et le Gouvernement semblent d’accord sur de nombreux points de ce texte ; ma collègue Laurence Cohen y reviendra dans son intervention.
Je tiens à dénoncer la suppression de l’indemnisation chômage pour les salariés qui abandonnent leur poste. Malgré les tentatives des rapporteurs pour consolider le dispositif juridique, la présomption de démission en cas d’abandon de poste est un recul considérable. Le phénomène d’abandon de poste n’étant ni chiffré ni évalué, il est largement précipité de légiférer à cet égard, d’autant que cette rédaction ne manquera pas d’accentuer les risques juridiques. Nos juridictions prud’homales sont actuellement dans l’incapacité de répondre dans un délai d’un mois à une demande des salariés.
Surtout, une telle disposition revient à négliger le fait que l’abandon de poste est avant tout une porte de sortie en cas de conflit avec l’employeur. La création d’une présomption de démission privera les salariés de toute indemnisation chômage et entraînera une explosion du nombre des arrêts maladie.
Face au projet régressif du Gouvernement, nous portons un autre projet, un projet de sécurité d’emploi et de formation, pour sécuriser les parcours de vie.
Les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste rejettent ce projet de loi, qui s’attaque aux droits des salariés et à la gouvernance paritaire de l’assurance chômage. Pour toutes ces raisons, nous avons déposé la présente motion tendant à opposer la question préalable, que nous vous invitons à soutenir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Olivier Henno, rapporteur. Par principe, je ne suis jamais favorable aux motions tendant à opposer la question préalable et je pense que c’est aussi souvent la position du Sénat. En effet, adopter une telle motion reviendrait à refuser de débattre ; c’est donc une forme de négation de ce que nous sommes, puisque débattre et discuter, c’est en quelque sorte notre raison d’être.
J’opposerai aussi aux auteurs de cette motion un argument juridique : il nous faut bien prolonger la convention d’assurance chômage, car, à défaut, nous ferions peser un risque sur les assurés sociaux.
Par ailleurs, les arguments politiques, déjà évoqués, sont nombreux. Je citerai, tout d’abord, la question du taux d’emploi dans notre pays, duquel dépendent la création de richesse et le financement de notre protection sociale. Pour ce qui concerne la VAE, ensuite, les aidants et les proches aidants, chers à Jocelyne Guidez, attendent cette mesure de valorisation des acquis de l’expérience. Les contrats courts, qui sont nombreux et coûtent 9 milliards d’euros à l’ensemble des assurés sociaux, posent aussi problème. Enfin, les sujets relatifs à la gouvernance de l’assurance chômage et, dans ce cadre, de la place du paritarisme sont importants.
Toutes ces questions doivent être débattues ici et cela n’aurait pas de sens de s’en exonérer. On peut, certes, trouver le match difficile, délicat, mais il faut pouvoir le jouer, y compris dans ce cas !
Je vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable afin que nous puissions entamer le plus vite possible notre débat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Sans surprise, le Gouvernement est défavorable à cette motion.
Je peux entendre un certain nombre d’arguments, qui fondent sur des principes l’opposition de leurs auteurs au texte.
En revanche, certains des arguments invoqués par Mme Apourceau-Poly ne reflètent pas ce que nous voulons faire et l’un d’eux ne correspond pas à la réalité.
Vous dites, madame la sénatrice, que France Travail a comme objectif de faire disparaître Pôle emploi. Ce n’est pas le cas. J’ai eu l’occasion de dire devant les commissions des affaires sociales du Sénat et de l’Assemblée nationale que nous étions en train d’étudier une meilleure coordination entre les deux organismes, mais que nous n’envisagions en aucun cas la disparition de Pôle emploi.
Vous présentez comme acté, du fait de la modulation prévue, le relèvement de six à huit mois de la durée de cotisation sur les vingt-quatre derniers mois. Or rien de tel n’est décidé. Je ne veux pas préjuger des résultats de la concertation avec les partenaires sociaux, mais je peux d’ores et déjà vous dire que, si nous devions modifier les conditions d’affiliation, je préférerais à titre personnel – j’emploie volontairement cette formule – que nous modifiions la période de référence plutôt que la durée exigée, car l’entrée sur le marché du travail se fait souvent sous la forme d’un CDD de six mois, lesquels sont plus nombreux que les CDD de sept ou huit mois.
Vous dites, par ailleurs, que cette réforme a pour objectif de baisser le montant des indemnités : c’est faux. Je l’ai dit, et cela est précisé dans le document de concertation qui a été adressé aux partenaires sociaux, la réforme de 2019, via la modification du salaire journalier de référence (SJR), a ramené le taux de remplacement de l’allocation chômage en France dans la moyenne européenne, c’est-à-dire 57 %, et nous ne souhaitons pas le modifier.
Enfin, vous avez indiqué que le nombre de radiations administratives avait augmenté de 50 % en 2022. Or, lorsque l’on compare le nombre de ces radiations sur la période de janvier à août 2022 à celui de la même période de l’année 2019, en tenant compte des objectifs de contrôle de la recherche d’emploi et de la qualité administrative des fichiers, on constate que cette augmentation n’est que de 14 % : nous sommes loin des 50 % que vous avez évoqués !
Pour toutes ces raisons, encore une fois, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Le plus souvent, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstient, par amitié pour le groupe CRCE, sur les motions de ce dernier tendant à opposer la question préalable…
Mme Éliane Assassi. Quand il ne vote pas contre !
Mme Laurence Rossignol. C’est plus rare…
Nous ne votons généralement pas pour ces motions parce que nous pensons effectivement que, le plus souvent, il y a lieu de débattre et parce que, comme nous sommes d’irréductibles optimistes, nous espérons même améliorer les textes à l’issue des débats…
Cela dit, j’ai trouvé notre collègue Cathy Apourceau-Poly extrêmement convaincante, d’autant que l’on peut se demander s’il y a vraiment lieu de débattre sur ce texte. En effet, de quoi allons-nous discuter ? De vos représentations du chômage ? Des présomptions qui pèsent sur les chômeurs ? De l’idée selon laquelle les gens sont au chômage parce qu’ils le veulent bien et qu’il suffirait de réduire l’accès à l’indemnisation pour qu’ils retrouvent la voie de l’emploi ? Voilà de quoi nous allons parler !
Or nos chances d’améliorer ce texte sont à peu près nulles, puisque le Gouvernement va trouver avec la majorité de droite du Sénat de nombreux points de convergence sur toutes ces analyses, que l’un et l’autre partagent.
Si je le résume, ce projet de loi est la traduction législative d’une formule présidentielle ; et encore, le mot « législative » ne correspond pas tout à fait à la réalité, puisque, en l’occurrence, le Parlement est appelé à débattre d’un texte qui fait déjà l’objet de discussions avec les partenaires sociaux et qui donnera lieu, à la fin, à des décisions prises par voie réglementaire. Voilà donc un texte à peine législatif !
Il s’agit donc, disais-je, de la mise en œuvre de la fameuse formule présidentielle selon laquelle il n’y a qu’à traverser la rue pour trouver du travail…
Comme nous ne partageons pas cette opinion, nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je n’ai pas vu dans ce projet de loi de points qui soient préjudiciables aux salariés.
Il est nécessaire que les règles relatives à l’indemnisation chômage soient prolongées ; à défaut, elles prendraient fin le 1er novembre prochain. En outre, il est, bien sûr, nécessaire que les partenaires sociaux participent aux discussions qui ont trait à ce régime, que le Gouvernement a tout loisir d’améliorer.
Je le rappelle, le nombre d’offres d’emploi est actuellement élevé, donc vouloir faire en sorte que l’on ne puisse pas refuser trois propositions de CDI à l’issue d’un CDD, ce n’est pas être contre le salarié !
En outre, le bonus-malus est amélioré.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, madame Apourceau-Poly, il ne faut pas revenir sur la position de la commission relative à l’abandon de poste. Selon moi, un salarié qui a abandonné son poste ne doit pas être indemnisé comme un salarié licencié ou ayant signé une rupture conventionnelle. Les salariés ont des droits, bien évidemment, mais ils ont aussi des devoirs. Un abandon de poste, c’est très préjudiciable pour une PME !
Enfin, je salue la disposition relative à la VAE, dont le niveau était voilà dix ans deux fois plus élevé qu’aujourd’hui. La VAE doit répondre au marché du travail et être renforcée, notamment pour les emplois à domicile ou dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et dans le secteur médico-social en général. C’est très important pour valoriser les personnes concernées, qui en ont besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Sous prétexte de prolonger au-delà du 1er novembre un délai de carence – mais qu’avez-vous fait pendant ce temps ? C’est un peu un piège… –, ce projet de loi fait un affront au débat parlementaire et au paritarisme.
Nous sommes en effet sommés de prolonger une réforme antisociale qui, depuis l’étude alarmante de l’Unédic, n’a pas été évaluée, tout cela pour permettre au Gouvernement – telle est la véritable raison de ce texte ! – de « légiférer », si je puis dire, par décret, début 2023, lorsque les négociations avec les partenaires sociaux auront échoué.
En effet, comment croire que ceux-ci pourront accepter une réforme prenant pour modèle le système canadien (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.), lequel a multiplié les radiations, fait chuter le nombre d’allocataires sans amoindrir le halo du chômage et aggravé la précarité et la pauvreté des demandeurs d’emploi ?
Votre gouvernement prend le problème à l’envers, madame, monsieur les ministres, en ciblant essentiellement les demandeurs d’emploi. En reportant sur ces derniers la responsabilité de leur situation et en fantasmant la figure du chômeur, qu’il conviendrait d’activer et qui profiterait des prestations, vous faites l’économie des réflexions structurelles à avoir sur la qualité des offres d’emploi sur le marché du travail, sur la nécessité de changer de travail et sur le nombre réel d’offres non pourvues, nombre qui tourne, année après année, autour de 6 % des offres. Sans compter que ce texte a été redessiné, pour être aggravé, par la commission…
Le bonus-malus est neutre, quand la réforme pèse essentiellement, et pour des milliards d’euros, sur l’économie et sur les chômeurs !
Partageant le constat du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous nous joignons à leur demande de rejet du projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Nous n’avons pas du tout le même point de vue que l’oratrice précédente.
Nous rencontrons en permanence, dans nos territoires, des chefs d’entreprise, notamment de PME, et des artisans qui nous font part de leurs difficultés à trouver du personnel et à le conserver. Il arrive même parfois que des entreprises soient obligées de modifier leur stratégie, quand d’autres ne peuvent même plus se développer ou s’implanter.
La situation n’est certes pas la même dans toute la France, il faut mener une analyse plus précise, mais on voit bien que cette situation est, aujourd’hui, généralisée.
Par ailleurs, nous constatons, même si l’on peut discuter des chiffres, que le nombre d’emplois non pourvus est en augmentation. Cette réforme ne sera d’ailleurs pas suffisante à elle seule et nous devrons travailler en parallèle à la question de l’accompagnement.
Nous portons donc un regard plutôt bienveillant sur ce texte.
En outre, les articles relatifs à la VAE sont une plus-value, notamment dans le domaine médico-social.
Je salue le travail de la commission, qui a fait preuve de vigilance sur le renforcement du paritarisme, un dispositif auquel nous prêtons une grande attention et qui, nous le savons, fonctionne bien. Sur ce sujet, nous avons quelques points de divergence avec le Gouvernement, que la commission a su corriger.
Au regard de ces observations, nous voterons contre la motion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 73, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la continuité de la motion présentée par Cathy Apourceau-Poly, je souhaite dénoncer la philosophie qui sous-tend ce projet de loi, selon laquelle les chômeurs ne voudraient pas « traverser la rue » pour trouver un emploi.
Vous considérez les privés d’emploi comme des fainéants et des profiteurs, alors même qu’un tiers d’entre eux ne font pas valoir leurs droits. Le chômage est source de souffrance et de mal-être, et il entraîne le plus souvent une perte de confiance en soi, ce que vous refusez obstinément de prendre en compte.
Faut-il rappeler ici que l’assurance chômage est un droit ? Les difficultés de recrutement invoquées par les entreprises ne justifient pas une remise en cause globale des droits de l’ensemble des salariés. Ce n’est pas en modulant les indemnités chômage que vous allez trouver des électriciens, des couvreurs ou des aides à domicile. Pour y parvenir, il faut investir dans la formation professionnelle et améliorer l’attractivité des métiers, notamment en revalorisant les salaires et en améliorant les conditions de travail.
L’article 1er suspend la gouvernance paritaire du régime d’assurance chômage au profit du Gouvernement, qui pourra décider seul de moduler l’indemnisation chômage. La modulation de cette indemnisation selon la conjoncture et les territoires entraînera une fracture géographique et une disparité temporelle entre les droits au chômage.
La modulation est une remise en cause du principe d’égalité. Le Gouvernement peut donc remercier la majorité de droite au Sénat, jamais avare d’un recul social supplémentaire, d’avoir inscrit dans le texte le principe de contracyclicité. Un article du journal Les Échos du 20 octobre dernier analysait ainsi la situation : « Les sénateurs LR ont-ils sauvé la mise à la réforme de l’assurance chômage ? Ils ont ajouté un article au projet de loi pour que les paramètres liés à l’ouverture des droits à l’allocation et à la durée d’indemnisation puissent évoluer en fonction d’indicateurs conjoncturels sur le marché du travail. »
Ce recul s’ajoute à l’adoption, à l’Assemblée nationale, sous pression du Medef (Mouvement des entreprises de France) et du groupe Les Républicains, de la présomption de démission en cas d’abandon de poste, que les rapporteurs de notre commission ont tenté d’encadrer, sans s’attaquer toutefois au problème de fond. En effet, en l’absence de données statistiques et d’études sur les abandons de poste en France, la disposition repose sur une instrumentalisation de cette notion. Elle aurait surtout pour effet de créer une procédure déséquilibrée pour les salariés et totalement inadaptée à la réalité de la justice prud’homale.
Ne se satisfaisant pas des régressions de ce projet gouvernemental, la droite sénatoriale a ajouté un article qui supprime l’indemnisation chômage des salariés en CDD en cas de refus à trois reprises d’un contrat à durée indéterminée. Autrement dit, il faudrait accepter n’importe quoi, quels que soient les conditions de travail, le trajet ou les salaires proposés. Cette remise en cause des droits à l’assurance chômage n’est pas acceptable ! Elle l’est d’autant moins que ce sont les mêmes qui, hier, ont favorisé le développement des CDD et ont refusé l’augmentation des salaires, et, aujourd’hui, souhaitent pénaliser les salariés.
De la même manière, la majorité de droite de la Haute Assemblée veut favoriser le recours à l’intérim, alors que ce type de contrat déséquilibre lourdement le financement du système et contribue à la précarité dans notre pays.
Enfin, la droite a tué le dispositif de bonus-malus du Gouvernement, en limitant tellement le malus que celui-ci a quasiment disparu.
Face aux projets du Gouvernement et de la droite sénatoriale, nous portons un autre projet, qui passe par de nouveaux moyens de financement et par une lutte effective contre la précarité et les licenciements.
Pour les salariés, il est indispensable de rétablir les cotisations sociales à l’assurance chômage, en supprimant en contrepartie la CSG, et de financer un service public unifié de l’emploi et de la formation professionnelle. Pour les privés d’emploi, il faut mettre en place une véritable sécurité sociale professionnelle, qui repose sur l’universalité de l’ensemble des salariés, afin de permettre à ceux-ci d’acquérir des droits individuels entièrement transférables et garantissant un montant d’indemnisation chômage pendant vingt-quatre mois. Bref, un projet aux antipodes de celui qui est proposé par le Gouvernement et la majorité sénatoriale…
Voilà autant de raisons pour lesquelles les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer les rapporteurs pour l’excellent travail qu’ils ont mené avec la commission des affaires sociales.
Nous connaissons tous, près de chez nous, un patron qui souhaite embaucher, mais qui ne trouve pas de personnel. Nous entendons tous aussi les cancans contre le beau-frère de la copine du voisin qui profite du chômage, voire du RSA (revenu de solidarité active), et qui gagne plus que celui qui travaille.
Ces faits existent, bien entendu, mais pensez-vous honnêtement que la vendeuse de Camaïeu licenciée puisse être demain serveuse chez Raoul le restoroute ? Question de profil bien sûr, de salaire peut-être, mais aussi de conditions de travail – vous les avez évoquées, monsieur le ministre –, de transport, de garde d’enfants, de formation…
Alors, que faire ?
Je pense comme vous que, plus qu’un objectif ou l’intitulé d’un texte ministériel, le plein emploi est une réalité concevable et même atteignable. Le travail est un droit, rappelons-le, constitutionnel et même universel. Le devoir de l’État est donc de donner à chacun les moyens d’y accéder. Mais quel chantier !
Ce texte n’a pas la prétention de répondre à toutes les questions. En réalité, il répond davantage à l’urgence normative du régime d’assurance chômage qu’à l’urgence du plein emploi.
Certes, son adoption permettra de sécuriser l’indemnisation des demandeurs d’emploi une fois passée la date du 1er novembre prochain et d’offrir un délai pour engager les concertations nécessaires, mais ce délai doit surtout nous permettre de lancer le véritable chantier de l’assurance chômage : sa gouvernance. Sans réforme globale et profonde, le paritarisme, auquel – vous le savez – je suis attaché tout comme le sont la commission et mon groupe, aura vécu.
Je crois sincèrement à la capacité des partenaires sociaux à s’illustrer ailleurs que sur des dépôts pétroliers ou dans la rue. Il leur revient de trouver les solutions pour équilibrer les comptes, sinon l’État reprendra la main. Nous pourrons le déplorer, mais il sera difficile de s’en étonner.
Ce texte n’est en réalité qu’une petite partie de la solution pour atteindre le plein emploi. Pour prétendre y parvenir, nous devons changer de paradigme, et c’est là que l’on attend France Travail. Je vous en conjure, monsieur le ministre, pas d’usine à gaz, pas de superstructure miracle, pas de révolution, pas de fusion de tous les acteurs de l’emploi !
Au fond, nos attentes sont simples : ce sont celles des demandeurs d’emploi. Un guichet unique, un accompagnateur unique et un parcours personnalisé jusqu’à l’entreprise, en passant, s’il le faut, par la case formation. Sans cela, sans cette capacité à mettre enfin sous le même toit et avec un coordonnateur la formation, l’insertion sociale et le recrutement économique, pas de plein emploi !
Les exemples sont nombreux. La Maison de l’emploi, de l’entreprise et de la formation de Vitré me paraît le plus abouti. La Maison des chômeurs d’Arras devenue Maison de l’emploi et des métiers en est un autre, imparfait certes, mais loin d’être isolé, et je pourrais encore citer Calais, Saint-Quentin, Bonneville ou bien d’autres que je connais.
Cet engagement suppose de ne plus fonctionner en vase clos, de dépasser la notion de chômage, afin de permettre à chacun de trouver ou de retrouver le chemin de l’activité ; alors seulement, le plein emploi deviendra réalité.
D’ici là, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’écrivait Françoise Giroud, « le chômage est comme une marée noire qui recouvre l’herbe verte, là où elle a poussé ».
Atteindre le plein emploi est un objectif que visent tous les gouvernements, mais, malgré un retour massif de personnes sur le marché du travail, le taux de chômage en France se maintient à 7,4 %, alors que les entreprises n’ont jamais éprouvé autant de difficultés à recruter. La situation est inédite.
Nous connaissons bien les effets délétères du chômage : perdre son emploi revient à perdre une partie de son identité sociale. Vécu comme un échec, le chômage peut être un vrai traumatisme pour tous ceux qui y sont confrontés.
C’est dans cet esprit que vous avez souhaité, monsieur le ministre, mettre en place une stratégie globale pour que le chômage de masse ne soit plus une fatalité. Le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui en est la première étape et d’autres chantiers suivront.
À cette occasion, permettez-moi de saluer le travail des maisons de l’emploi, qui constituent aujourd’hui l’un des dispositifs d’insertion professionnelle les plus efficaces. En mettant en œuvre de véritables politiques de l’emploi à l’échelon territorial, elles permettent à de nombreuses personnes de retrouver une activité professionnelle. Nous espérons donc que leur financement sera assuré par le projet de loi de finances dont nous débattrons prochainement.
Je reviens au projet de loi. Au sein de ce texte particulièrement resserré, une mesure cristallise toutes les tensions : l’article 1er, qui vise à prolonger les règles d’indemnisation de l’assurance chômage adoptées en 2019, mais aussi et surtout à engager une concertation avec les partenaires sociaux pour établir de nouvelles règles d’indemnisation. Bien que vous vous soyez engagé, monsieur le ministre, à ne pas toucher au montant des allocations, je ne vous cache pas que les sénateurs du groupe du RDSE sont partagés sur cette disposition.
Nous regrettons d’avoir à légiférer dans l’urgence sur l’assurance chômage, mais, si nous ne faisons rien, des millions de chômeurs ne pourront plus percevoir leurs indemnités, les règles d’indemnisation fixées par le décret de carence cessant d’être applicables après le 1er novembre 2022.
Surtout, certains de mes collègues déplorent que l’article 1er dépouille les partenaires sociaux de leurs prérogatives de gestion paritaire, ce qui revient en quelque sorte à vous signer un chèque en blanc. Comme le souligne en effet le Conseil d’État dans son avis, « le projet de loi ne comporte aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret ». C’est pourquoi le groupe du RDSE défendra plusieurs amendements visant à redonner toute sa place au dialogue social.
Nous regrettons également que la commission des affaires sociales ait introduit un nouvel article pour priver les salariés d’indemnisation du chômage en cas de refus répétés de CDI. Cette remise en cause des droits à l’assurance chômage nous semble particulièrement dangereuse. Elle est de nature à modifier profondément les règles de l’assurance chômage, et ce sans garde-fou ni discussion préalable : elle n’a, à notre avis, pas sa place dans ce texte d’urgence.
Nous regrettons enfin que, à l’occasion de ce projet de loi, nous ne puissions traiter du dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée » sous peine que nos amendements soient déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. C’est d’autant plus incompréhensible que l’Assemblée nationale a, pour sa part, permis que ce texte soit utilisé comme véhicule législatif pour réactiver l’expérimentation du CDD multi-remplacement. Nous avons pourtant été alertés sur la nécessité d’alléger la procédure pour habiliter de nouveaux territoires et permettre la poursuite du développement de l’expérimentation.
Le RDSE se félicite en revanche de la réforme de la VAE, qui permet à toute personne d’obtenir un diplôme grâce à son expérience. Souvent jugé trop complexe par les entreprises et trop chronophage par les candidats, ce dispositif ne s’est pas imposé dans le paysage de la formation professionnelle. Ce formidable outil est pourtant la preuve que l’on acquiert des compétences tout au long de sa vie et que tout n’est pas joué à l’issue de la formation initiale.
Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe du RDSE seront particulièrement attentifs aux débats et décideront de leur vote en fonction du sort qui sera réservé à leurs amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi répond avant tout, une fois n’est pas coutume, à une véritable urgence : il s’agit de prolonger les règles actuelles d’indemnisation du chômage, qui arrivent à échéance le 1er novembre prochain – c’est demain ! –, afin d’éviter un arrêt soudain du versement des prestations. Ce point ne prête bien sûr pas à discussion.
Cependant, le texte va au-delà en accordant à l’État, à titre exceptionnel, la possibilité de définir de nouvelles règles du régime d’assurance chômage par décret. Le Conseil d’État a d’ailleurs relevé que le texte « ne comporte aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret ».
Ainsi, outre le blanc-seing demandé aux parlementaires, le projet de loi reflète l’ascendant pris progressivement par l’État sur la gestion de l’assurance chômage. Comme l’a souligné récemment un rapport présenté par notre collègue Frédérique Puissat, le paritarisme recule depuis plusieurs années dans la gestion des dispositifs de protection sociale, que ce soit en matière de sécurité sociale, de formation ou d’assurance chômage.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a notamment modifié les règles de négociation des conventions d’assurance chômage en permettant au Gouvernement d’imposer les orientations et les objectifs financiers à atteindre par une « lettre de cadrage », très strictement définie. L’échec, prévisible, des négociations conduites en 2019 a finalement abouti à un décret.
La situation présente est comparable, mais, cette fois-ci, le Gouvernement, arguant de l’urgence, ne se soucie pas d’engager une négociation et précise d’ores et déjà qu’il définira les mesures d’application du régime d’assurance chômage par un décret en Conseil d’État.
Nous savons quelle nouvelle mesure introduira ce décret : celui-ci mettra en application l’annonce de campagne du Président de la République consistant à moduler les conditions d’indemnisation en fonction de la situation du marché du travail, afin qu’elles soient « plus strictes quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuses quand le chômage est élevé ». N’est prévue qu’une simple concertation avec les partenaires sociaux, qui vient d’ailleurs d’être lancée.
De modulation, il n’est pourtant point question dans le texte. Le Gouvernement pourra la prévoir ultérieurement, ou pas, et décider seul de ses conditions d’application.
Cet ensemble de dispositions s’éloignant du système paritaire que nous pratiquons me conduit à saluer les propositions formulées par les rapporteurs, qui ont modifié l’article 1er sur plusieurs points.
Premier point, et cela me semble le plus important, un amendement a introduit le sujet de la gouvernance de l’assurance chômage dans le texte, afin de rétablir le rôle actif des partenaires sociaux. En effet, puisque la procédure de 2018 s’est traduite par un échec, il faut revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire à l’esprit de la loi Larcher, la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social.
Selon le cadre transitoire que nous avons adopté en commission, après la publication du présent texte, une concertation sera engagée par le Gouvernement en vue d’une véritable réforme de la gouvernance, de l’équilibre financier de l’Unédic et des règles d’indemnisation de l’assurance chômage. À l’issue de cette concertation, le Gouvernement interviendra par le biais d’un document d’orientation et non d’une lettre de cadrage, selon une procédure inspirée de l’article L. 1 du code du travail, donnant ainsi davantage de valeur à la négociation.
Deuxième point, la commission a limité dans le temps la liberté laissée au Gouvernement pour fixer les règles d’indemnisation des chômeurs, en avançant le délai qui lui est accordé au 31 août 2023. Cette situation étant exceptionnelle, il n’est en effet pas souhaitable de la laisser perdurer plus que nécessaire.
Troisième point, puisque cette faculté accordée au Gouvernement doit permettre de créer un principe de modulation de l’indemnisation du chômage en fonction de la conjoncture, nous avons choisi d’inscrire en toutes lettres ce principe dans le projet de loi. Nous considérons en effet comme légitime l’objectif visé : s’attaquer aux difficultés de recrutement que connaissent actuellement les entreprises, en dépit d’un taux de chômage réduit à 7,4 %.
Selon les chiffres du ministère du travail, 60 % des entreprises rencontrent actuellement des difficultés de recrutement, ce qui a conduit un tiers d’entre elles à limiter leur activité. Chaque jour, dans nos circonscriptions, des employeurs nous disent ne pas trouver de salariés.
Selon diverses études, les conditions d’indemnisation du chômage jouent un rôle important dans la reprise d’un emploi. Élaborer une règle d’ajustement en fonction de la conjoncture semble donc souhaitable et jouerait dans les deux sens, tenant compte des périodes non seulement de croissance, mais également de récession. Il faut par ailleurs rappeler que, même après le durcissement opéré en 2019, les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage en France restent parmi les plus favorables des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Néanmoins, en l’absence d’étude d’impact et de détails sur les modalités de la réforme, le groupe Les Républicains émet les plus grandes réserves sur sa faisabilité.
Quels seront les indicateurs permettant de déterminer si la conjoncture est bonne ou mauvaise ? À quels intervalles la situation économique sera-t-elle reconsidérée ? Vous semblez avoir rejeté, monsieur le ministre, une appréciation par territoires, mais, si l’on prend en compte la conjoncture économique nationale, pourra-t-on appliquer les mêmes règles dans ma région, les Hauts-de-France, grandement en tension, et dans d’autres territoires, alors que le taux de chômage peut varier du simple au double ? Il serait préférable que l’analyse soit faite par bassin d’emploi, voire par quartier, dans certaines villes. Nous comptons sur nos débats pour obtenir des précisions à ce sujet de la part du Gouvernement.
D’autres sujets ont été introduits dans le texte sur l’initiative de nos rapporteurs, dont je tiens à saluer la démarche pragmatique, la qualité du travail et l’investissement sur ces questions sensibles, car d’ordre social.
La question avait été posée à l’Assemblée nationale de restreindre les droits au chômage en cas de refus répétés de CDI à l’issue d’un CDD, une situation que l’on nous décrit souvent sur le terrain. Notre commission a choisi d’intégrer cette disposition et a souhaité que ce refus d’un emploi stable soit particulièrement caractérisé en fixant la suppression du droit à indemnisation à partir de trois refus. Elle a par ailleurs répondu aux observations que vous aviez formulées à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, en prévoyant une notification des refus à Pôle emploi.
Je tiens à préciser que, à titre personnel, je soutiendrai l’amendement de nos collègues Laurent Duplomb et Bruno Retailleau, qui tend à supprimer l’indemnisation du chômage dès le premier refus de CDI. En effet, dès lors que le CDI correspond à l’emploi exercé auparavant en CDD, il n’y a aucune raison d’attendre que soient proposés au chômeur un deuxième et un troisième CDI, sauf bien sûr s’il en a trouvé un autre ailleurs.
Dans le même esprit de justice par rapport aux autres demandeurs d’emploi et parce qu’il s’agit d’une source importante de dysfonctionnements pour les entreprises, la commission a complété le dispositif introduit par les députés en ce qui concerne les abandons de poste, pour sécuriser la procédure permettant d’assimiler ces derniers à des démissions.
Je dirai encore quelques mots sur les contrats courts.
La commission a supprimé la durée maximale de trente-six mois applicable aux missions accomplies en CDI, ce qui permet de sécuriser les parcours professionnels des intérimaires tout en limitant le recours aux contrats courts. Elle a également fixé à deux ans la durée de l’expérimentation autorisant la conclusion de CDD pour remplacer plusieurs salariés absents.
Notre sentiment sur le dispositif de bonus-malus créé en 2019 n’a pas changé : nous y voyons toujours un frein à l’emploi et une méconnaissance des impératifs de flexibilité auxquels sont soumis certains employeurs. Le présent texte nous a donné l’occasion de revoir le dispositif, afin de le recentrer sur les véritables cas de permittence et d’alléger son impact financier pour les entreprises.
J’évoquerai enfin la VAE, que nous avons ouverte à toute activité en lien avec une certification, en dépassant l’actuelle approche par statut, afin de donner un nouvel élan à ce dispositif insuffisamment utilisé.
Ainsi, l’examen de ce projet de loi, malgré son ambition très limitée, nous a permis de traiter plusieurs difficultés rencontrées par les entreprises ou les demandeurs d’emploi et d’affirmer notre attachement au paritarisme. Nous sommes dans l’attente d’autres mesures, relatives à la gouvernance de l’assurance chômage comme à l’emploi, car, si le taux de chômage a baissé en France, il reste largement supérieur à celui de la moyenne européenne.
Sous réserve du maintien des dispositions dont nous avons enrichi le texte, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République a mis au cœur de son projet une ambition forte : atteindre le plein emploi d’ici à 2027. Cet objectif doit nous rassembler, au-delà de nos sensibilités politiques et de nos appartenances partisanes.
Atteindre le plein emploi, c’est permettre à chaque jeune de trouver sa place dans la société, quelle que soit son origine sociale ; c’est valoriser le travail, la création, les compétences, et récompenser toujours les efforts ; c’est, enfin, nous donner les moyens de financer notre modèle de protection sociale.
Néanmoins, comme souvent en politique, c’est moins l’objectif qui fait débat que les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. Je suis sûre que nos discussions, au cours des prochains jours, seront riches. Je souhaite aussi qu’elles tiennent compte de la réalité, et singulièrement du travail accompli depuis 2017.
Il y a cinq ans, on se demandait encore comment lutter contre le chômage de masse qui sévissait depuis des décennies dans notre pays. Désormais, nous entrevoyons l’espoir de le vaincre pour de bon. En clair, nous sommes passés d’un objectif négatif à un objectif positif, ce qui est loin d’être anecdotique.
Cela nous oblige à prendre des mesures courageuses, comme celles qui ont été prises au cours des cinq dernières années. J’espère que des échanges constructifs nous permettront d’atteindre cet objectif.
Telle est la mission qui nous échoit de nouveau avec l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Ce texte vise essentiellement à réformer l’assurance chômage afin de garantir l’efficacité et l’équité du régime.
Lors du précédent quinquennat, les principales réformes relatives au marché du travail, à l’apprentissage, à la formation professionnelle ou encore à l’assurance chômage ont été engagées alors que la conjoncture était plus favorable. Ces réformes structurelles ont permis à notre pays de tenir bon par gros temps, d’abord pendant la crise sanitaire, maintenant au moment de la crise énergétique et de l’inflation. Malgré cela, le taux de chômage avoisine encore 7 %, à mi-chemin entre le taux de 10 % observé à l’été 2017 et celui de 4 %, visé à l’horizon de 2027. C’est dire le chemin que nous pourrions parcourir en dix ans !
Bien sûr, on pourrait avancer que la situation actuelle est nettement moins favorable qu’avant la pandémie. Pourtant, grâce non seulement aux réformes que j’ai mentionnées, mais également aux mesures d’urgence et au plan de relance, le marché du travail est très tendu, ce qui profite aux travailleurs, dont le pouvoir de négociation demeure bien réel malgré la situation.
En conséquence, le régime d’assurance chômage se porte plutôt bien. Les nouvelles prévisions de l’Unédic, publiées jeudi dernier, montrent que le régime pourrait dégager près de 13 milliards d’euros d’excédent sur la période 2022-2024, soit 3 milliards supplémentaires par rapport aux prévisions de juin dernier. Cette amélioration doit nous encourager à faire bouger les lignes sur ce sujet sensible. Il nous faut à la fois mieux valoriser le travail et mieux protéger les demandeurs d’emploi. Je crois que nous pourrons atteindre le consensus sur de nombreux points.
La commission des affaires sociales a mené un travail sérieux, en validant la plupart des mesures du Gouvernement et en y ajoutant d’autres mesures pour mieux valoriser le travail.
Je pense notamment à la notification à Pôle emploi, par l’employeur, de tout refus d’un CDI par le titulaire d’un CDD, au terme de celui-ci. Nous avions déposé, en commission, un amendement allant en ce sens et je me réjouis que les rapporteurs aient inséré une telle disposition dans le texte.
Idem en ce qui concerne les abandons de poste : nous accueillons favorablement la disposition ajoutée à l’Assemblée nationale à ce sujet. Il ne s’agit pas de lutter contre un phénomène majeur, l’importance de cette pratique restant globalement stable ; il s’agit plutôt d’une question éthique : on ne peut pas octroyer une allocation à un salarié abandonnant son poste et la refuser à celui qui démissionne en respectant les procédures.
Enfin, au sujet de la validation des acquis de l’expérience, nous soutenons la création d’un nouveau service public, pourvu qu’elle se fasse à moyens constants. Nous souhaitons que les départements puissent y être associés : si la formation est un volet de la politique sociale, alors ils y ont toute leur place.
Les politiques de l’emploi doivent garantir la solidarité entre les actifs sans compromettre la compétitivité de notre économie. Cette tension entre des objectifs apparemment opposés nous oblige à trouver des compromis, mais il n’y a là rien de nouveau sous le soleil : c’est le propre du dialogue social que de trouver des compromis, en responsabilité.
Pour conclure, je souhaite évoquer le rôle des partenaires sociaux dans le régime d’assurance chômage. La commission a voulu accélérer le retour au paritarisme de gestion. C’est une question de fond, à laquelle nous allons répondre. Le groupe Les Indépendants est favorable au dialogue social, mais il est aussi attaché à la réforme du régime, afin d’en préserver l’équilibre financier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Pierre-Antoine Levi et Arnaud de Belenet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ici le premier acte d’un vaste plan antisocial qui, de l’assurance chômage au RSA en passant par la retraite, émaillera notre session parlementaire, en vertu du principe ressuscité « travailler plus pour gagner plus » ; en réalité : autant…
Dans son discours de politique générale, Mme Borne l’annonçait : l’heure serait à travailler plus et plus longtemps, pour atteindre le plein emploi – c’est-à-dire un taux de chômage de 5 % – et se conformer aux orientations de rigueur budgétaire du programme de stabilité, aux recommandations du semestre européen ainsi qu’aux études régulières du Conseil d’analyse économique.
Comme toujours, la doxa néolibérale guide le Gouvernement, qui justifie sa politique de stigmatisation des chômeurs en mettant en avant un faux paradoxe : le nombre d’emplois non pourvus rapporté au nombre de chômeurs. En 2003, François Fillon jugeait déjà inacceptable que 300 000 emplois restent non pourvus. Ce chiffre, sans cesse agité depuis vingt ans sans que son contenu ou sa pertinence soient sérieusement analysés, est utilisé pour démontrer ce prétendu paradoxe relatif au chômage.
La réalité, c’est que, selon les chiffres de Pôle emploi, sur les 3,2 millions d’offres d’emploi recueillies et clôturées en 2018, seules 157 000 n’ont pas été pourvues – ce nombre n’est guère plus élevé en 2021 –, soit un ratio de 5 % à 6 % du total des offres.
La réalité, c’est que, même si ces offres trouvaient preneurs, elles seraient largement insuffisantes pour combler le chômage endémique et offrir une chance ne serait-ce qu’aux trois millions de chômeurs de catégorie A.
La réalité, c’est que la majeure partie de ces offres d’emploi non pourvues ont reçu plusieurs candidatures, qui ont été rejetées par les employeurs, et que, selon Pôle Emploi, « les trois quarts des recruteurs [dont l’offre n’a pas pu être pourvue] reconnaissent que les conditions de travail du poste proposé […] peuvent décourager le candidat ». Le résidu d’offres non pourvues a donc essentiellement à voir avec la qualité de l’offre d’emploi et des conditions de travail et n’est pas le fait de chômeurs inactifs dans leur recherche d’emploi.
La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) souligne ce point dans une enquête sur les tensions sur le marché du travail en 2021, qui lie les difficultés d’embauche aux conditions de travail et aux salaires insuffisants, au point que, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 60 % des chômeurs non indemnisés n’acceptent pas non plus ces offres d’emploi non pourvues. Par conséquent, vous pourrez bien faire une énième réforme de l’assurance chômage, cela ne changera rien à cette tension et vous le savez !
Votre premier objectif, c’est bien de réaliser des économies, en abaissant les droits des demandeurs d’emploi.
Dans un pays où le partage de la richesse est toujours plus inégalitaire, les réformes successives de l’assurance chômage, qui ciblent les demandeurs d’emploi sans s’attaquer aux problèmes structurels de la qualité des offres d’emploi, entraînent le pays sur le chemin d’un plein emploi répressif, dans lequel les capacités d’arbitrage des chômeurs sont attaquées.
Les études sur le modèle canadien, dernièrement promu, en témoignent : l’augmentation de la durée d’affiliation, la baisse de la durée d’indemnisation et du taux de remplacement ainsi que la territorialisation contraignent une partie des chômeurs soit à accepter des emplois mal rémunérés et de moindre qualité, soit à être radiés. Or cela entraîne des externalités négatives, car la baisse des indemnités chômage pèse sur le niveau général des salaires.
Vous vous attaquez au pouvoir d’arbitrage des chômeurs, après avoir affaibli la capacité de négociation des salariés en poste via les « ordonnances Macron » et autres « lois travail ». C’est la même politique ! Les écologistes ne feront pas l’erreur d’opposer chômeurs et salariés, comme le discours ambiant nous y invite.
Vous défendez une société du « travailler plus » et, prétendument, de la « valeur travail », alors que l’avenir appartient au partage et à la baisse du temps de travail.
Une première raison, ancienne, était déjà pointée par Marx (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) : « La condition essentielle de [l’]épanouissement est la réduction de la journée de travail. » (M. Fabien Gay approuve.)
Vous refusez de comprendre que la vague de démissions traduit une demande de transformation du travail, pour passer des bullshit jobs de David Graeber à des emplois émancipateurs ayant une utilité sociale et environnementale.
La seconde raison, ensuite, est que votre modèle productiviste explose une à une les limites de la biosphère, alors qu’il nous faut, de toute urgence, ralentir.
Nous défendons donc la sécurisation du parcours professionnel, loin de la précarisation et de la paupérisation causées par les réformes successives. Le temps est venu non de travailler plus, mais de reprendre la marche vers la réduction du temps de travail que permet le partage des richesses, dans le respect des limites planétaires.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plein emploi en France n’est pas une utopie. Un simple chiffre factuel : le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail (BIT), a baissé de 2,2 points depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. Tout va bien, alors !
M. Martin Lévrier. Force est donc de constater que la réforme engagée en 2019 porte pleinement ses fruits.
M. Fabien Gay. Forcément, vous avez modifié les règles de calcul !
M. Martin Lévrier. La part des contrats courts dans les offres d’emploi disponibles diminue ; plus de la moitié des embauches sont signées en CDI, contre 30 % en 2019 ; et, au sein des sept secteurs les plus exposés aux contrats courts, 62 % des entreprises se verront attribuer un bonus en 2022.
Ces chiffres montrent, dans le contexte économique que nous connaissons, que les entreprises préfèrent les contrats longs et les renouvellements aux contrats courts et précaires.
Pour autant, si l’amélioration est particulièrement marquée, la France compte encore 7,3 % d’actifs sans emploi. C’est encore trop, raison pour laquelle le Président de la République et la Première ministre ont mis l’objectif du plein emploi pour 2027 au cœur de votre feuille de route, monsieur le ministre.
Le projet de loi que Mme la ministre Carole Grandjean et vous soumettez à la représentation nationale constitue une première étape vers cet objectif.
Pour atteindre ce dernier, vous prolongez les règles d’indemnisation de l’assurance chômage issues de la réforme de 2019. En raison de la pandémie, ces règles sont entrées en vigueur il y a un an à peine, délai trop court pour que les premiers effets de la réforme puissent être observés ; une série d’études et de recherches est d’ailleurs en cours pour les évaluer.
Vous ouvrez également une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, afin de rendre les règles plus réactives à la conjoncture économique et à l’évolution du marché du travail, suivant l’engagement du Président de la République. Il est nécessaire d’avoir des règles incitatives à la reprise de l’emploi quand les conditions économiques sont favorables et, inversement, de pouvoir compter sur un système plus protecteur quand l’économie va mal et que des emplois sont détruits.
Vous lancez en outre une négociation pour redéfinir la méthode de gouvernance de l’assurance chômage. Les partenaires sociaux et l’État partagent le souhait de faire évoluer la gouvernance. Pour mémoire, les partenaires sociaux n’ayant pas réussi à trouver un accord majoritaire, l’État a dû reprendre la main ; les règles de l’indemnisation de l’assurance chômage ont donc été édictées par un décret de carence, lequel ne pouvait avoir une durée de vie supérieure à trois ans. Ce décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage fixant jusqu’au 1er novembre 2022 les règles d’assurance chômage, le présent projet de loi s’impose à nous pour des raisons calendaires.
Vous proposez par ailleurs de clarifier certaines dispositions du code du travail, afin de rétablir la base légale fixant les conditions pour devenir électeur aux élections professionnelles.
Enfin, vous posez, et c’est important, les premiers jalons d’une réforme visant à rendre la VAE plus attractive et accessible, avec pour objectif la création de 100 000 parcours de VAE chaque année d’ici à la fin du quinquennat. Vous simplifiez et modernisez donc les conditions d’accès à la VAE, afin d’en faire un instrument simple au service de tous les actifs souhaitant évoluer dans leur carrière.
La VAE, qui célèbre cette année ses 20 ans, constitue un dispositif pertinent et efficace de promotion, d’évolution et de transition professionnelle. Elle est pourtant sous-utilisée et mal connue de nos concitoyens, avec seulement 30 000 parcours réalisés en 2021, contre 60 000 il y a dix ans. Cet outil, fondé sur le principe de la reconnaissance des compétences acquises tout au long de la vie, permet d’accéder à une certification reconnue et développe ainsi l’employabilité de tous les actifs, en particulier des moins qualifiés et des plus éloignés de l’emploi.
En vue de cet objectif, le texte ouvre aux proches aidants l’accès à la VAE, afin de reconnaître les compétences que ces derniers ont acquises au contact d’un proche en situation de handicap, de perte d’autonomie ou accompagné à la fin de sa vie. Ils pourront ainsi suivre un parcours pouvant déboucher sur des certifications relatives à des métiers en forte tension de recrutement, comme celui d’auxiliaire de vie ou d’aide-soignant. La majorité sénatoriale a déposé un amendement tendant à élargir le public cible, afin d’ouvrir de nouvelles pistes, mais la réforme vient d’être amorcée et cela est sans doute prématuré.
Tous les leviers cités doivent, d’une part, permettre de répondre à la pénurie de main-d’œuvre en augmentant le nombre de personnes aptes à occuper un métier en tension et, d’autre part, accompagner et valoriser les reconversions professionnelles des salariés.
Si le groupe RDPI mesure la nécessité du présent projet de loi et de ses modalités, il s’interroge sur l’intérêt de certains amendements du rapporteur, pour ce qui concerne notamment le déplafonnement de l’intérim ou les modifications des paramètres du bonus-malus. Nous proposerons, avec des collègues d’autres groupes, un amendement visant à revenir sur la suspension des allocations chômage à la suite de trois refus de propositions de CDI. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous émouvons souvent, sur les travées de l’opposition, de l’insuffisance des études d’impact accompagnant les projets de loi, et nous nous inquiétons de la propension du Gouvernement à accumuler les réformes radicales en faisant fi du travail parlementaire, sans jamais se donner le temps de l’évaluation.
Le présent projet de loi ne fait pas exception. Il se fonde sur une poignée d’idées hâtives, malheureusement partagées par la majorité du Sénat.
Selon ces idées hâtives, les demandeurs d’emploi seraient largement indemnisés ; il faudrait inciter plus violemment les actifs en situation d’emploi discontinu à reprendre un travail pérenne ; l’assurance chômage leur serait trop favorable ; et notre système d’indemnisation les inciterait à s’enfoncer dans la paresse et la fraude.
Ces idées sont battues en brèche par une étude de Mathieu Grégoire et Claire Vivès, publiée dans la revue de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et portant sur l’évolution des droits à l’assurance chômage de 1979 à 2021. Cette étude établit que, en matière d’indemnisation du chômage, l’« affirmation selon laquelle les droits des salariés à l’emploi discontinu a progressé jusqu’à dépasser les droits des salariés stables apparaît en complet décalage avec les résultats [des] simulations » mises en place. C’est le contraire qui se dessine : « L’indemnisation totale d’un salarié payé au Smic à mi-temps subit une perte spectaculaire depuis 1979 : en 2019, le montant perçu par ce salarié est inférieur de 50 % par rapport à ce à quoi il pouvait prétendre en 1979. »
La réforme de l’assurance chômage du premier quinquennat procédait des préjugés ici battus en brèche. Toujours selon la même étude, cette réforme a radicalisé l’évolution de l’assurance chômage vers une logique de compte d’épargne, en vertu de laquelle on est indemnisé en fonction non pas du salaire mensuel, mais du salaire journalier. Cela « conduit à inverser la hiérarchie des niveaux d’indemnisation entre eux : alors que les plus exposés au chômage étaient les mieux indemnisés, ils sont désormais les moins bien indemnisés ». Avec le présent projet de loi, le Gouvernement promet de continuer sur cette lancée.
Par ailleurs, Mathieu Grégoire et Claire Vivès signalent que les publications officielles tendent à communiquer sur le taux de couverture de l’indemnisation du chômage. Pour définir ce taux, ces publications renvoient non pas aux chômeurs indemnisés, mais aux chômeurs indemnisables. Cela fait une sacrée différence ! À partir de 2014 et jusqu’en 2019, le différentiel entre les indemnisables et ceux qui sont effectivement indemnisés s’accroît en effet de 5,4 points. Plus du quart des personnes dites « couvertes » par les systèmes d’indemnisation chômage ne perçoivent ainsi aucune indemnisation.
Comme le souligne l’Ires, on peut considérer que, alors « que le nombre de demandeurs d’emploi n’a jamais été aussi élevé – avec près de 5,725 millions de personnes inscrites en catégories ABC en janvier 2018 […] –, le taux de couverture a atteint son niveau le plus bas de l’histoire de l’indemnisation du chômage en juin 2018 à 49,5 % ». Communiquer sur le taux de couverture en n’évoquant dans le sous-texte que les indemnisables, c’est faire miroiter un système d’assurance chômage plus généreux qu’il ne l’est. Ce n’est pas innocent.
L’insincérité dont fait preuve l’exécutif est l’une des raisons pour lesquelles nous nous opposons à l’article 1er du projet de loi. Au nom d’une nécessité administrative exploitée à des fins politiques, le Gouvernement prétend, au moyen de ce texte, se voir conférer toute latitude pendant de longs mois pour modifier les règles de l’assurance chômage, sans plus se soucier ni du Parlement ni des partenaires sociaux.
Pour mémoire, comme le rappelait en 2007 Bruno Palier, « En 1945, au moment de faire les choix d’orientation de la Sécurité sociale, une coalition d’intérêts se dresse contre l’intervention de l’État », en faveur du dialogue social et d’une responsabilisation des partenaires sociaux. Cette demande des syndicats a rencontré la volonté de Pierre Laroque d’installer des corps intermédiaires, dans lesquels les représentants des salariés et des patrons auraient un rôle à jouer.
Le choix de promouvoir les partenaires sociaux s’est accompagné de celui de reconduire la logique assurantielle pour les allocations chômage. Le but était, selon Bruno Palier, « d’intégrer les travailleurs en leur proposant de participer à la gestion du système de protection sociale », selon le principe : « si vous payez, vous gérez. » Pierre Laroque ne voulait pas que le système de protection sociale soit financé par l’impôt, car les dépenses sociales seraient alors soumises à la contrainte budgétaire. Cela signifierait, selon Bruno Palier, que « la demande sociale vient en premier, et le financement seulement ensuite », dans un système qui privilégie d’abord les droits et envisage dans un deuxième temps l’ajustement financier.
C’est cette logique que détricotent votre politique et le présent projet de loi, monsieur le ministre, au travers d’une désocialisation à marche forcée de notre système de protection sociale. Vous ne réservez aux partenaires sociaux qu’un strapontin, voire un siège éjectable. Le choix fait, ici comme ailleurs, de parler non de « négociation », mais de « concertation » illustre au demeurant la place que vous leur réservez…
L’introduction par la droite, au cours de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale et au Sénat, de mesures de plus en plus restrictives pour l’accès à l’assurance chômage témoigne par ailleurs d’un accord profond du Gouvernement avec l’« opposition », supposée, de droite.
La transformation de l’abandon de poste en démission atteste du choix de gouverner au préjugé et de la volonté d’incriminer les travailleurs. Rien – je dis bien : rien – ne documente une pratique abusive, massive ou illégitime d’abandons de poste. Au contraire, les travailleurs qui y recourent doivent pouvoir le faire pour se soustraire à des configurations dans lesquelles, s’ils demeuraient en poste, ils mettraient en danger leur santé physique ou psychique, ou seraient victimes d’abus.
Par ailleurs, je ne sais pas s’il est même nécessaire de commenter l’amendement adopté par la majorité lors de la réunion de la commission des affaires sociales du Sénat et tendant à créer une possibilité supplémentaire de priver un demandeur d’emploi de ses indemnités, sur un fondement nébuleux ; je serais très curieuse de savoir sur quoi cela se fonde…
Cette disposition part en effet d’une situation relevant de l’exception : celle d’un demandeur d’emploi qui, à la suite d’un CDD et durant une période de douze mois, aurait refusé trois offres de CDI portant sur un emploi similaire et rémunéré au même salaire. Quelles sont les études établissant que cette situation constitue une donnée statistique critique, justifiant la mise en place de cette mesure ? On ne peut pas construire une loi à partir de considérations non documentées ! Dans le même mouvement, vous avez inscrit dans le code du travail la contracyclicité comme principe de modulation des indemnités chômage.
La conjonction de ces deux innovations, dispensables, aura pour résultat que nos concitoyens, pour recharger leurs droits à l’indemnisation et survivre, pourraient être amenés à accepter un CDD sous-qualifié ou sous-payé, puis à devoir rester dans cet emploi transformé en CDI, sous peine d’être radiés. Vous semblez tentés de banaliser le droit de réquisition des travailleurs en l’instituant dans le code du travail !
La promotion de la validation des acquis de l’expérience comme voie d’accès des proches aidants et des aidants familiaux à une professionnalisation, mise en avant par le Gouvernement pour promouvoir son projet de loi, suscite également des réserves, que ma collègue Michelle Meunier développera.
Au moment où l’on parle de sens du travail, de grande démission, de juste rémunération, de souplesse et de qualité de vie, le Gouvernement et ses alliés répondent : rétorsion, suspicion et incrimination des travailleurs.
Me positionnant à l’opposé de ces dérives, j’ai déjà rappelé qu’il ne peut y avoir de valeur travail sans travail de valeur. Rien ne peut se faire en réduisant les travailleurs au statut d’unités de production dépouillées de droits. Robert Castel rappelle que le salariat n’est devenu prééminent que parce que, en attachant des droits à la condition salariale, un État social a été mis en place. Avant cela, on était salarié lorsqu’on n’était rien et qu’on n’avait rien d’autre à échanger que la force de ses bras.
Notre système social et notre assurance chômage ont été mis en place pour nous permettre de faire société en intégrant les travailleurs. Le Gouvernement et ses alliés choisissent de maltraiter ces derniers, de faire taire leurs représentants à coups de 49.3 et de lois à la sincérité douteuse.
Renforcer la cohésion sociale est plus que jamais nécessaire : nous sommes à un moment de notre histoire où nous avons besoin de refaire société. Or ce besoin, le Gouvernement le prend complètement à rebours. En raison de son inadéquation fondamentale avec les besoins du pays, nous voterons contre ce projet de loi par lequel le Gouvernement tourne le dos aux fondements de notre démocratie sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Jacquemet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous le savons, le droit du travail est un domaine complexe. En effet, il organise les droits comme les devoirs de l’ensemble des employeurs et des travailleurs, afin de garantir l’équilibre entre les parties et de protéger chacune d’entre elles.
L’enjeu de ce projet de loi est de faire évoluer le droit pour rester au plus près du fait social sans entacher les acquis passés. À ce titre, nous devons également garantir l’application des protections sociales associées. Nos rapporteurs ont assurément mené leur excellent travail en suivant ces objectifs de bon sens.
Ce projet de loi s’attache, dès son article 1er, à donner une base légale et réglementaire à l’indemnisation des demandeurs d’emploi : à compter du 1er novembre 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023, le Gouvernement est autorisé à prendre par décret les mesures d’application du régime d’assurance chômage. Cette mesure dérogatoire, proportionnée à la nécessité de l’urgence, permettra aux partenaires sociaux de signer, dans le cadre du paritarisme, des accords portant sur l’assurance chômage dans des délais rapides mais suffisamment longs pour le bon déroulement des échanges. Par ailleurs, l’article 1er prolonge jusqu’au 31 août 2023 l’application du dispositif de bonus-malus.
La commission a en outre utilement précisé, à l’article 2, le champ d’application de ce dispositif ; c’était nécessaire. Le bonus-malus permet, d’une part, de dissuader la généralisation des contrats précaires et, d’autre part, de récompenser les entreprises vertueuses sur ce sujet. Cet article aménage le dispositif en permettant de transmettre aux employeurs la liste des anciens salariés pris en compte pour le calcul du bonus-malus. Cette mesure, attendue par le secteur, semble de nature à améliorer la transparence du dispositif.
L’article 4 porte sur la validation des acquis de l’expérience. Il concerne d’abord le secteur médico-social, en particulier la situation des aidants ; le groupe Union Centriste se réjouit de cette évolution positive en faveur de ces derniers. Cet article, largement complété par la commission, réforme plus profondément la validation des acquis de l’expérience tout en sécurisant le dispositif. La création d’un GIP devrait contribuer à la bonne information des personnes concernées, à leur orientation dans leur parcours, à la promotion de la VAE, à l’animation et à la cohérence des pratiques sur le territoire.
Par ailleurs, la navette parlementaire a enrichi ce texte de plusieurs dispositions notables, comme la présomption de démission en cas d’abandon de poste. S’il convient de remarquer que certains abandons de poste sont totalement justifiés, il est aussi vrai qu’un fort dévoiement du principe est observé dans les faits. Or il n’est pas souhaitable qu’un salarié licencié à l’issue d’un abandon de poste dispose d’une situation plus favorable en matière d’assurance chômage qu’un salarié qui démissionne. En présumant la démission de l’intéressé, le texte sécurise le bon usage du droit en fin de relation contractuelle. Sans la soupape de sécurité du dispositif, ce nouveau principe aurait pu être largement critiquable au regard des abandons de poste justifiés par des situations parfois dramatiques.
L’expérimentation du CDD multi-remplacement a été réactivée, ce qui était nécessaire dans la mesure où elle avait été peu conclusive en raison de la crise sanitaire. Je l’espère, cette réactivation permettra aux employeurs de recruter avec un seul contrat une personne pour remplacer plusieurs salariés absents au sein d’une même entreprise.
Ainsi, malgré le fait que le titre de ce projet de loi soit plus ambitieux que les mesures qui le composent, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je remercie l’ensemble des intervenants de la discussion générale, en particulier ceux qui ont indiqué que ce projet de loi apportait certaines améliorations en matière de réforme des règles de l’assurance chômage ou de validation des acquis de l’expérience.
Évidemment, ce texte ne peut pas être le seul outil pour tendre vers le plein emploi. Se posent en effet des questions relatives à la formation et à l’accompagnement des hommes et des femmes les plus éloignés de l’emploi, à la formation initiale, comme la réforme de la voie professionnelle, ou encore au développement de l’apprentissage. Je pourrais ajouter à cette liste, en écho à des concertations menées actuellement, les aspects relatifs au taux d’emploi des seniors ou encore aux conditions de travail. Tous ces sujets nous permettront, au-delà des dispositions de ce texte, d’aller vers le plein emploi.
Il ressort des interventions quatre thèmes qui, sans doute, structureront nos débats de ce soir.
Le premier a trait à la place du paritarisme ; nous y reviendrons dans un instant, quand je défendrai un amendement tendant à rétablir la rédaction de l’article 1er. Sur proposition, me semble-t-il, de Mme le rapporteur, la commission des affaires sociales a modifié cet article 1er, en limitant la durée d’application du texte par l’anticipation de la date butoir et en instituant un cadre dérogatoire de dialogue social à propos de la gouvernance de l’assurance chômage. Je suis assez convaincu que, au-delà des choix respectifs de la commission des affaires sociales et du Gouvernement, une forme de consensus peut émerger sur cette question.
Nous n’avons effectivement pas ouvert de négociation interprofessionnelle autour des questions d’indemnisation au moment où nous aurions dû le faire pour respecter les délais nécessaires à la conclusion d’un accord national interprofessionnel (ANI), c’est-à-dire au moment de l’élection présidentielle. D’où la situation d’urgence que nous connaissons et notre demande de prolongation des règles jusqu’au 31 décembre 2023, date correspondant à d’autres échéances ; j’y reviendrai.
En revanche, en ce qui concerne la gouvernance et le paritarisme, je me suis engagé auprès de tous les partenaires sociaux – c’est l’occasion pour moi de le répéter – à organiser une négociation, qui soit très ouverte. Il existe quatre grands scénarios d’évolution de la gouvernance de l’assurance chômage. Un seul d’entre eux ne recueille pas l’assentiment du Gouvernement, l’étatisation, mais, pour les autres, le document sur lequel nous engagerons la négociation gardera les pistes ouvertes, afin d’étudier en profondeur tous les aspects du sujet.
Deuxième thème pouvant donner matière à débat : l’abandon de poste.
Tout d’abord, madame Cohen, vous avez raison, il n’existe pas d’agrégat statistique précis permettant de mesurer le nombre d’abandons de poste. Néanmoins, ces situations entraînent un licenciement pour faute grave et nous pouvons mesurer l’évolution du nombre de ces licenciements.
Il se trouve que l’on observe une augmentation assez importante du nombre de CDI faisant l’objet d’une rupture pour faute grave, mais cette augmentation est proportionnelle à la hausse du nombre d’emplois en CDI dans le pays. On peut donc considérer qu’il n’y a pas d’évolution majeure en la matière.
En revanche, on observe un doublement du nombre de licenciements pour faute grave d’employés en CDD. J’ai diligenté des recherches sur la question, mais il est très vraisemblable que cette augmentation s’explique par la vague d’abandons de poste que nous observons sur les CDD, en particulier dans le secteur des hôtels, cafés, restaurants (HCR).
Nous aurons donc un débat sur l’abandon de poste, car, lorsque celui-ci n’est pas justifié par une mise en danger – j’accueille d’ailleurs très favorablement les évolutions apportées par la commission des affaires sociales à cet égard –, il s’agit d’une rupture unilatérale d’un engagement contractuel devant s’apparenter à une démission. En effet, un abandon de poste ne saurait donner droit à une indemnité Unédic s’il n’est pas lié à un danger, y compris s’il s’agit de maltraitance.
Le troisième sujet qui occupera nos débats sera la question du bonus-malus. Je n’y reviens pas, divers arguments ayant déjà été évoqués pour justifier le maintien de cette procédure. Nous proposons de fixer l’échéance au 31 décembre 2024, afin de respecter le cycle d’observation et de mise en œuvre de trois ans prévu dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Nous aurons l’occasion d’y revenir, donc je m’arrête là pour ne pas être trop long.
Le quatrième et dernier enjeu est celui du refus de CDI à l’issue d’un ou de plusieurs CDD. J’ai déjà exprimé mes plus grandes réserves au sujet de la disposition adoptée en commission ; mes réserves seront, par voie de conséquence, plus importantes encore sur l’amendement visant à appliquer une sanction dès le premier refus d’un CDI. Plusieurs raisons peuvent expliquer ma position, des raisons très pratiques, mais également des raisons de fond.
Lorsqu’un salarié embauché pour une durée déterminée est allé au bout de son engagement contractuel sans revenir, à aucun moment, sur son engagement initial et en respectant son contrat en intégralité, je considère qu’il n’y a pas de raison de le sanctionner s’il refuse de prolonger son engagement par un CDI. J’ajoute que, en vertu du code du travail, l’employeur peut d’ores et déjà ne pas verser de prime de précarité s’il démontre qu’il a proposé au titulaire d’un CDD qui s’achève un CDI rédigé dans les mêmes termes – j’insiste sur cette notion d’identité des termes – ou répondant aux mêmes conditions.
Enfin, je ne reviens pas sur la validation des acquis de l’expérience, que beaucoup d’intervenants ont évoquée. Les débats relatifs à l’article 4 permettront à la ministre déléguée Carole Grandjean de répondre à l’ensemble de vos questions. Je précise qu’elle nous a quittés pour assister aux questions d’actualité au Gouvernement de l’Assemblée nationale et m’y représenter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Article 1er
I. – Par dérogation aux articles L. 5422-20 à L. 5422-24 et L. 5524-3 du code du travail, un décret en Conseil d’État, pris après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, détermine, à compter du 1er novembre 2022, les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-20 du même code. Ces mesures sont applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 août 2023, et peuvent faire l’objet de dispositions d’adaptation en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
II (nouveau). – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 1233-68, les mots : « , à l’exception de l’article L. 5422-20-1 et du second alinéa de l’article L. 5422-22, » sont supprimés ;
2° L’article L. 5422-20-1 est abrogé ;
3° À l’article L. 5422-20-2, les mots : « aux articles L. 5422-20-1 et » sont remplacés par les mots : « à l’article » ;
4° La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 5422-22 est supprimée ;
5° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5422-25, les mots : « dans les conditions fixées à l’article L. 5422-20-1 » sont supprimés ;
6° À la première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 5424-22, les mots : « , en respectant les objectifs et la trajectoire financière définis dans le document de cadrage mentionné à l’article L. 5422-20-1 » sont supprimés ;
7° Au III de l’article L. 5424-23, les mots : « les documents de cadrage mentionnés au II de l’article L. 5424-22 et à l’article L. 5422-20-1 » sont remplacés par les mots : « le document de cadrage mentionné au II de l’article L. 5424-22 » ;
8° Au premier alinéa de l’article L. 5524-3, les mots : « , dans les conditions fixées aux articles L. 5422-20-1 et L. 5422-20-2 » sont supprimés.
III (nouveau). – À compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement engage une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur la gouvernance, l’équilibre financier et les règles d’indemnisation de l’assurance chômage.
À l’issue de cette concertation, le Gouvernement communique à ces organisations un document d’orientation en vue de la négociation des accords prévus à l’article L. 5422-20 du code du travail. Ce document est transmis concomitamment au Parlement.
Ce document d’orientation présente des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options possibles pour faire évoluer les règles d’indemnisation de l’assurance chômage.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article.
M. Philippe Mouiller. Je tiens à prendre la parole à l’occasion de l’examen de l’article 1er, afin d’évoquer l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD).
Cette expérimentation fonctionne bien et de nouveaux territoires français, en grand nombre, souhaitent y adhérer. La loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » avait donné à cinquante nouveaux territoires la possibilité de s’engager dans ce processus, mais ce chiffre a été atteint et de nombreuses collectivités et de nombreux partenaires souhaitent adhérer à cette démarche et sollicitent l’augmentation du nombre de TZCLD.
En l’état actuel, seul un décret en Conseil d’État peut habiliter de nouveaux territoires à participer à cette expérimentation, mais il semble plus simple et plus cohérent de modifier la loi pour conserver la procédure en vigueur tout en allant au-delà de cinquante territoires.
Un amendement sénatorial allant dans ce sens aurait été déclaré irrecevable ; aussi, je profite de cette prise de parole pour connaître votre point de vue sur les suites à donner à cette expérimentation, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.
M. Yan Chantrel. Avant que nous n’entamions l’examen de cet article, je veux soulever un problème de méthode de ce gouvernement, qui, finalement, en dit long sur une certaine pratique politique.
En effet, le projet de loi que vous proposez pour détricoter l’assurance chômage, qui vient en aide aux plus fragiles, est inspiré, dites-vous, de l’exemple canadien. Or, pour examiner les impacts des réformes dont vous souhaitez vous inspirer, vous n’avez conduit aucune consultation dans ce pays. Vous n’avez pas consulté le gouvernement canadien et vous n’avez pas davantage consulté les syndicats, même si, sur ce point, je ne peux pas vous jeter la pierre, puisque vous ne les consultez pas non plus en France ; ce serait donc beaucoup vous demander… Une telle démarche politique est problématique, s’agissant d’un texte censé s’inspirer d’un autre pays !
Il se trouve que je reviens justement d’un déplacement au Canada, où, pour ma part, j’ai mené ce travail d’échanges avec les personnes directement concernées par ces réformes. Or, nos collègues l’ont très bien expliqué, les conséquences en sont la diminution des pensions et une précarisation accrue. Mes interlocuteurs m’ont d’ailleurs remis un livre – je vous le donnerai tout à l’heure, afin que vous puissiez l’étudier vous-même – du Mouvement action-chômage de Montréal : Trouve-toi une job ! Petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage. (L’orateur brandit le livre en question.) Vous prendrez ainsi conscience de ce que sont les réformes néolibérales que vous promouvez en France et de ce que cela donne concrètement pour la situation des gens.
Je vous invite donc à vous inspirer d’autres réformes de ce pays. Par exemple, pour faire face à la pénurie d’emplois, une des réformes menées dans des provinces du Canada – pays pourtant libéral – est la semaine de quatre jours. Bizarrement, cette hypothèse n’est pas du tout évoquée !
Par conséquent, je vous appelle à accepter les amendements que nous proposerons pour améliorer ce texte, sans quoi celui-ci précarisera encore un peu plus les gens qui sont déjà les plus vulnérables au sein de notre société. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, au travers de cet article, vous demandez que nous vous donnions tout pouvoir d’agir sur les règles qui régissent l’assurance chômage.
Vous nous dites vous soucier des bénéficiaires actuels, qui, sans ce texte, ne pourraient plus percevoir leurs droits. Toutefois, l’urgence dont vous vous prévalez n’impose nullement que nous vous donnions une telle liberté d’action, d’autant que cette urgence relève de votre responsabilité, de votre incapacité à la concertation, de votre inaction.
Vous nous dites également vouloir dynamiser le marché de l’emploi. Votre solution consiste à « inciter » les demandeurs d’emploi à accepter toute offre, parce que, d’après vous, ils ne seraient pas assez motivés. Or les organisations syndicales et patronales, qui, pour vous, n’ont visiblement pas leur mot à dire, avancent que l’état actuel du marché est dû aux niveaux trop bas de rémunération, aux conditions de travail non adaptées ou encore au manque de qualification. Vous devriez les écouter davantage et prendre en considération leur évaluation de l’état du marché. Encore une fois, votre réponse est hors sujet ; la preuve, selon Pôle emploi, 92 % des demandeurs cherchent activement un travail et, parmi eux, plus d’un quart ne font pas valoir leur droit à indemnisation.
La réalité est que nombre de personnes se trouvent en situation de grande précarité.
Monsieur le ministre, nous attendons de l’exécutif des solutions pratiques et non des constatations théoriques, qui ne sont pas celles du terrain et qui risquent d’aggraver davantage la situation du marché du travail et des travailleurs au chômage. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, cet article 1er nous pose problème et soulève des interrogations.
Vous avez lancé des concertations avec les partenaires sociaux.
D’abord, je ne comprends pas très bien pourquoi vous avez attendu le dernier moment, l’imminence du danger, pour les demandeurs d’emploi, de ne pas être indemnisés ; vous m’avez donné une explication en commission, mais elle ne m’a pas convaincue. En outre, les concertations que vous avez engagées s’inscrivent dans un cadre extrêmement strict.
Ensuite, vous nous demandez, à nous, parlementaires, de signer un blanc-seing. En effet, une fois ce texte adopté, beaucoup de zones d’ombre perdureront et nous ne pouvons pas donner au Gouvernement la possibilité d’ériger des règles d’assurance chômage sans que nous en examinions le cadre général, puisque le contenu incombe aux partenaires sociaux.
Par ailleurs, l’adoption d’une réforme à marche forcée est justifiée, ici ou là, par le fait que les finances de l’Unédic seraient en danger. Or, d’après le rapport envoyé la semaine dernière par l’Unédic, les comptes de cet organisme sont excédentaires cette année et le seront l’année prochaine ainsi que l’année suivante. En outre, les comptes de l’Unédic seraient peut-être un peu moins dans le rouge s’il ne lui revenait pas de financer, pour une part importante, Pôle emploi.
Enfin, je veux rebondir sur les propos de notre collègue Mouiller. Je fais partie des auteurs d’un amendement relatif aux « territoires zéro chômeur » et je ne comprends pas pourquoi cet amendement a été déclaré irrecevable, puisque le projet de loi est relatif, si j’en crois son intitulé, au « fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». Or de nombreuses personnes espèrent un élargissement de l’expérimentation. Que pouvons-nous envisager à cet égard ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Vous me pardonnerez, je l’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas répondre dans l’ordre des interventions.
Madame Lubin, qu’est-ce qui justifie le calendrier de cette réforme ? Je l’ai indiqué précédemment, si nous avions respecté le déroulement normal de négociations en vue d’un accord national interprofessionnel, il aurait fallu ouvrir les discussions, sur le fondement de la lettre de cadrage prévue par la loi du 5 septembre 2018, au moment de l’élection présidentielle. Nul doute que vous nous auriez alors reproché de ne pas être suffisamment légitimes pour lancer un dialogue sur un sujet aussi important. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix, assumé, de ne pas ouvrir cette négociation et de vous proposer de proroger de quatorze mois, et quatorze mois seulement, les règles en vigueur, en ajoutant le sujet de la modulation.
Par ailleurs, je profite de votre intervention pour vous remercier, madame Lubin, d’avoir souligné que les résultats de l’Unédic sont bons. Tant mieux ! C’est le fruit tant de la reprise de l’emploi que de la réforme de 2019. Si j’osais, je considérerais votre intervention comme l’expression d’un satisfecit de votre part… (Sourires.) Comme notre objectif était de sortir d’une période où le déficit structurel de l’Unédic était de 2,9 milliards d’euros par an, la perspective d’un excédent de 4,4 milliards d’euros est une très bonne nouvelle et doit, à mon sens, nous rassurer.
Madame Benbassa, nous cherchons, bien entendu, à être pragmatiques et à concevoir les solutions les plus concrètes possible. C’est pour cette raison que nous souscrivons au cadre proposé par Mme la rapporteure pour encadrer et sécuriser le dispositif d’abandon de poste, afin de permettre à un salarié victime de maltraitance ou de harcèlement d’abandonner son poste tout en étant protégé.
Enfin, sur le dispositif « territoire zéro chômeur », évoqué par M. Mouiller et Mme Lubin, je n’ai pas à me prononcer sur la recevabilité d’un amendement déposé au Sénat, non plus d’ailleurs qu’à l’Assemblée nationale, que ce soit au titre de l’article 40 ou au titre de l’article 45 de la Constitution. Cela dit, le projet de loi de finances pour 2023 fait passer le budget alloué à ce dispositif de 33 millions à 44 millions d’euros, augmentant ainsi les crédits consacrés à cette expérimentation pour suivre le rythme de la labellisation.
Par ailleurs, j’ai labellisé l’intégralité des territoires qui m’avaient été proposés par le comité scientifique présidé par Louis Schweitzer ; j’ai encore signé un arrêté à cet effet voilà quelques jours. Le nombre de territoires labellisés n’a pas encore atteint l’objectif, fixé à 60 ; il se situe entre 39 et 42.
La loi précitée du 14 décembre 2020 prévoit une évaluation de cette expérimentation et l’année 2023 doit également être consacrée à cela. Cette opération a d’ailleurs déjà fait l’objet d’échanges entre mon cabinet, l’équipe de l’association et d’autres partenaires, comme France Stratégie. S’il est démontré par cette évaluation que l’expérimentation est concluante, nous pourrons la développer et, si elle nécessite des ajustements, nous devrons y procéder.
En tout état de cause, il reste encore un peu de marge entre le nombre de territoires labellisés et le plafond, fixé à soixante : les dix d’origine plus les cinquante de la loi de 2020 et, je le répète, le projet de loi de finances pour 2023 accroît les crédits consacrés à cette expérimentation.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 46 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
Mme Monique Lubin. Pour tirer les conséquences de ce que je disais précédemment, cet amendement vise à abroger la précédente réforme de l’assurance chômage et à supprimer l’article 1er de ce projet de loi.
La réforme de l’assurance chômage s’est faite contre les partenaires sociaux, les syndicats ayant même engagé des contentieux devant le Conseil d’État, et la publication par l’Unédic d’une étude sur les décrets n’est pas de nature à apaiser les relations entre les partenaires sociaux et le Gouvernement. Celui-ci s’est d’ailleurs bien gardé de communiquer ses évaluations des effets de cette réforme, qui entre en vigueur au fur et à mesure, en particulier de la baisse de l’allocation journalière de 17 % en moyenne la première année pour 1,15 million d’allocataires.
Par ailleurs, les conditions d’affiliation sont durcies, avec notamment l’alignement du rechargement des droits sur les entrées dans le régime, les modalités de calcul de la durée et du montant de l’indemnisation sont remises à plat, la dégressivité de l’indemnité est réinstaurée pour les chômeurs de moins de 57 ans qui percevaient un revenu d’au moins 4 500 euros brut par mois, une taxe forfaitaire est instituée sur les contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) et un bonus-malus sectoriel est instauré.
La réforme a touché les territoires les plus défavorisés de notre pays : 30 800 personnes à La Réunion, dont 9 200 jeunes de moins de 25 ans ; 33 000 personnes en Seine-Saint-Denis, dont 8 100 jeunes de moins de 25 ans ; et 50 400 personnes dans le Nord, dont 17 300 jeunes de moins de 25 ans.
Enfin, je le répète, cette réforme est budgétairement inutile, eu égard à la situation des comptes de l’Unédic, que je viens d’évoquer.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 46.
Mme Laurence Cohen. Ma collègue Cathy Apourceau-Poly l’a souligné, l’article 1er proroge la réforme de 2019 sur l’assurance chômage, laquelle a fait perdre 155 euros par mois à plus de 1 million d’allocataires et a exclu 450 000 personnes du bénéfice de l’allocation chômage.
Surtout, il confie jusqu’au 31 décembre 2023 les pleins pouvoirs à l’État sur la définition des règles d’indemnisation chômage. La commission des affaires sociales a, certes, avancé cette échéance au 31 août de la même année, mais cela constitue tout de même, sur le fond, une reprise en main par l’État d’une compétence déléguée et réservée depuis 1958 aux organisations syndicales et patronales.
En outre, non seulement cet article proroge les règles d’indemnisation chômage de 2019, mais il permet également de modifier les critères d’indemnisation, ce qui ne peut que nous inquiéter. Le Gouvernement a tenté de le masquer, mais il a finalement été contraint d’afficher son projet de modulation à la baisse de l’indemnité chômage selon la conjoncture économique. Or l’ensemble des organisations syndicales rejette ce projet : la CGT, la CFDT, Force ouvrière, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), mais également une association patronale, l’Union des entreprises de proximité ; vous qui êtes si sensibles à la voix des entrepreneurs, mes chers collègues siégeant à la droite de l’hémicycle, vous devriez les écouter…
Parce que nous rejetons cette offre publique d’achat (OPA) de l’État, nous demandons la suppression de l’article 1er du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet article vise deux objectifs : le premier est de donner une base légale et réglementaire à l’indemnisation des demandeurs d’emploi, à compter du 1er novembre 2022 ; le second est d’autoriser temporairement le Gouvernement à fixer par décret les règles d’assurance chômage, en dérogeant aux règles de gouvernance prévues dans le code du travail.
La commission a fait un autre choix. Si elle a accepté que le Gouvernement proroge le décret de carence de 2019 pour sécuriser les règles de l’assurance chômage à compter du 1er novembre 2022, elle a souhaité déroger, à titre temporaire, à la loi de 2018 afin de redonner la main aux partenaires sociaux.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’ajouterai pas grand-chose aux arguments déjà développés.
Toutefois, vous avez été interpellé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, sur le dispositif des « territoires zéro chômeur » et, sauf erreur, je ne crois pas que vous ayez exposé la manière dont le Gouvernement souhaitait traiter cette expérimentation. Vous voulez le plein emploi, des dispositifs fonctionnent, mais vous dites non ! Je ne comprends pas cela…
Par ailleurs, une obsession hante cet article ainsi, d’ailleurs, que la précédente réforme : la volonté d’exercer une pression incessante sur les salariés et sur les chômeurs. En revanche, dès qu’il s’agit d’obtenir un comportement correct des entreprises, alors, on devient mou du genou, on accorde toutes sortes de délais et d’exonérations…
On nous a expliqué – c’était l’un des arguments récurrents de Mme Borne – que cette réforme allait faire reculer les CDD de courte durée. Or le bilan de ce mois montre que les CDD d’un mois – un mois, ce n’est pas le Pérou ! – ont augmenté de plus de 5 % en un an et que, dans le secteur HCR, les CDD d’un jour augmentent, voire explosent.
On ne peut donc pas demander de faire des efforts des deux côtés ! Il y a des droits et des devoirs et, en l’occurrence, les chefs d’entreprise ne remplissent pas leurs devoirs. Vous continuez à tenir comme seule solution un déséquilibre entre les efforts demandés aux uns et ceux qui sont demandés aux autres. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. C’est vrai, madame Lienemann, le nombre de CDD d’un mois ou plus a augmenté de 5 %, mais le nombre de CDI, lui, a augmenté de 50 % par rapport à 2019. Cet accroissement très différencié selon le type de contrat compte aussi et explique que la part des CDI est passée de 46 % à 52 % dans les contrats d’embauche de plus d’un mois. Nous pouvons aussi nous féliciter, me semble-t-il, de tels résultats.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les CDD d’un jour ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 46.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Par dérogation aux articles L. 5422-20 à L. 5422-24 et L. 5524-3 du code du travail, un décret en Conseil d’État, pris après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, détermine, à compter du 1er novembre 2022, les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-20 du même code. Ces mesures sont applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023, et peuvent faire l’objet de dispositions d’adaptation en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Toutefois, les mesures d’application des deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 5422-12 dudit code peuvent recevoir application jusqu’au 31 août 2024. Le décret en Conseil d’État mentionné au premier alinéa du présent article précise notamment les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de contribution des employeurs concernés ainsi que les périodes au cours desquelles est constaté le nombre de fins de contrat de travail et de contrat de mise à disposition pris en compte pour le calcul du taux modulé.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. J’ai déjà évoqué cet amendement, qui vise à rétablir l’échéance de cette disposition au 31 décembre 2023.
En effet, au cours de l’année 2023, nous devrons mettre en place France Travail, dont la préfiguration est en cours, renégocier la convention tripartite entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi, en vue d’une entrée en vigueur au 1er janvier 2024, et entamer les négociations entre les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance chômage. Tout cela converge vers le 31 décembre 2023, pour une application au 1er janvier 2024. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à la modification de la date butoir du décret.
En outre, si nous sommes convaincus de la nécessité d’une négociation sur la gouvernance, nous pensons que celle-ci doit être menée dans le cadre prévu par les lois relatives au dialogue social.
D’où cet amendement tendant à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Monsieur le ministre, voilà soixante ans que l’assurance chômage est gérée par les partenaires sociaux. Ce principe présente plusieurs intérêts, dont ceux de dépasser ou de réduire les antagonismes entre les partenaires sociaux, de rendre le choix plus consensuel et, surtout, de donner du poids à la démocratie sociale.
Certains posent souvent la question de la différence entre le Gouvernement, la majorité gouvernementale et la majorité du Sénat.
Eh bien, cette différence, la voici.
Le Gouvernement dit être pour la gestion paritaire, mais il fait la loi de 2018. Or en quoi consiste cette loi ? Non seulement elle corsète, via la lettre de cadrage, la négociation, qui a donc débouché sur un échec immédiat – du reste, indépendamment des enjeux calendaires que vous avez évoqués, vous-mêmes n’avez pas recouru à l’outil de la négociation, ce qui montre bien que cette loi ne permet pas de donner la main aux partenaires sociaux –, mais en outre elle supprime la part sociale des cotisations salariales, ce qui donne moins de poids, au sein de l’Unédic, aux partenaires sociaux.
De notre côté, que faisons-nous ? Nous redonnons la main aux partenaires sociaux, au travers d’un dispositif transitoire simple, qui s’inspire – Pascale Gruny l’a indiqué – de l’article L. 1 du code du travail et repose sur trois principes : concertation, orientation, négociation. C’est la seule façon de donner pleinement la parole aux partenaires sociaux et de leur redonner la gestion de l’assurance chômage.
Voilà la différence entre vous et nous, monsieur le ministre ; vous parlez ; nous faisons.
La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’amendement du Gouvernement a pour objet de rétablir l’article 1er dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, j’ai cité, lors de ma présentation de la motion n° 73, les pistes du Gouvernement pour définir les critères de modulation de l’indemnisation chômage. Si vous avez effectivement exclu jusqu’à présent, et c’est heureux, de moduler le montant de l’indemnisation, vous avez présenté aux organisations syndicales et patronales l’option consistant à moduler les conditions d’accès à l’assurance chômage.
Or il est indiqué dans le document de concertation, cité dans un article du journal Le Monde daté du 17 octobre 2022, qu’« une modification du seuil d’éligibilité à l’assurance chômage ou de la période de référence de l’affiliation a un effet immédiat et rapide sur les entrées ». Le Gouvernement pourrait ainsi modifier les critères en passant le seuil à six mois travaillés sur les dix-huit derniers mois ou à huit mois travaillés sur les vingt-quatre derniers mois. Cela représente, je le répète, une économie de 2 milliards d’euros.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 85, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « celui-ci », la fin du dernier alinéa de l’article L. 5422-20 est ainsi rédigée : « de nouvelles négociations entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés sont organisées. Lorsque la validité des mesures d’application ainsi déterminées expire sans qu’un nouvel accord ait été conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, les mesures d’application du dernier accord relatif à l’assurance chômage conclu dans ces conditions s’appliquent jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Les partenaires sociaux proposent au Gouvernement des mesures pour que le changement n’entraîne ni de baisse de l’indemnisation ni de diminution de la durée des droits ouverts pour les assurés. » ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Entre 2019 et 2021, la réforme de l’assurance chômage a été menée en force, contre l’avis des organisations syndicales, le Gouvernement ayant imposé les règles du jeu et la conclusion de la négociation, au mépris des principes du paritarisme.
Cette méthode antidémocratique est rendue possible depuis 2008 par le décret de carence, qui laisse au Gouvernement des marges considérables, au point que nous sommes en train de discuter du prolongement d’un décret destiné à permettre au Gouvernement d’en prendre un autre, pour lequel nous n’aurons, pas plus que les organisations syndicales, pas véritablement voix au chapitre. En conséquence, le régime législatif de l’assurance chômage s’apparente à un 49.3 permanent, portant profondément atteinte à la démocratie.
Nous refusons cet état de fait. C’est pourquoi cet amendement tend à supprimer la possibilité de légiférer par décret en cas d’absence d’accord entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, réinstaurant pleinement le paritarisme dans la gestion de l’assurance chômage.
Il est ainsi proposé de revenir automatiquement à la dernière convention conclue par les partenaires sociaux, lorsqu’un régime de carence expire, le temps d’organiser de nouvelles négociations. Dès lors, le risque de vide juridique est neutralisé et le paritarisme réaffirmé, en complément des ajouts de la commission des affaires sociales sur l’article 1er.
Voilà peu, Emmanuel Macron annonçait, dans un discours-fleuve, qu’il était urgent pour le Gouvernement d’adopter une nouvelle méthode, plus respectueuse de la négociation et de la démocratie. Nous vous donnons ici, monsieur le ministre, l’occasion de passer du discours aux actes. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Yan Chantrel applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Le dernier alinéa de l’article L. 5422-20 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque la validité des mesures d’application ainsi déterminées expire sans qu’un nouvel accord ait été conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, les mesures d’application du dernier accord relatif à l’assurance chômage conclu dans ces conditions s’appliquent jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Les partenaires sociaux proposent au Gouvernement des mesures pour que le changement n’entraîne ni de baisse de l’indemnisation ni de diminution de la durée des droits ouverts pour les assurés. » ;
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à revenir automatiquement à la dernière convention conclue par les partenaires sociaux lorsque le régime de carence, aujourd’hui utilisé par le Gouvernement, expire.
Il s’agit de revaloriser le dialogue social et d’empêcher le Gouvernement de détricoter l’assurance chômage. Nous proposons, lorsqu’un régime de carence arrive à expiration sans qu’une nouvelle convention ait été agréée, que l’assurance chômage soit régie par la dernière convention ayant donné lieu à un accord entre partenaires sociaux.
En l’espèce, cela signifierait revenir sur la réforme ayant diminué l’indemnisation de 1,15 million d’allocataires de 155 euros en moyenne par mois et retardé l’ouverture des droits de près de 500 000 assurés.
Les économies engendrées par cette réforme sont estimées à environ à 6,5 milliards d’euros, au détriment des salariés et des chômeurs.
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Le dernier alinéa de l’article L. 5422-20 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la validité des mesures d’application ainsi déterminées expire sans qu’un nouvel accord ait été conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, les mesures d’application du dernier accord relatif à l’assurance chômage conclu dans ces conditions s’appliquent jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. » ;
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 84, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 1er du projet de loi permet au Gouvernement de mettre le pied dans la porte d’une dérive antisociale au long cours qu’il a programmée, de la réforme de l’assurance chômage à celle de la retraite, en passant par celle du RSA. Le Conseil d’État lui-même nous alarme en relevant que le « projet de loi ne comporte […] aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret ».
Vous invitez donc le législateur à vous signer un chèque en blanc, en l’absence de toute étude évaluative de la réforme que nous sommes censés prolonger, et ce malgré l’étude d’impact de l’Unédic prévoyant la baisse des indemnités de plus de 1 million de personnes, malgré le retard dans l’ouverture des droits de centaines de milliers de personnes et malgré la pénalisation injuste et abrupte provoquée par le nouveau calcul du salaire journalier de référence pour tous les travailleurs, notamment les saisonniers et ceux qui, bloqués dans la précarité, enchaînent les contrats courts. Vous nous avez dit que vous n’y toucheriez plus ; le taux de remplacement a tellement baissé que vous pouvez effectivement vous le permettre…
La promulgation de ce texte permettra, après une concertation sans négociation, une refonte unilatérale de l’assurance chômage sur le modèle antisocial du Canada – à mon tour, je vous invite à lire le livre du Mouvement action-chômage de Montréal –, lequel a eu pour effet, sinon pour objet, de faire chuter de manière draconienne le nombre d’allocataires et, comme de nombreuses études l’ont confirmé, de forcer les chômeurs à accepter des emplois aux conditions de travail dégradées et aux salaires bas, voire indignes.
La prise en tenaille entre prolongation d’une réforme antisociale et inefficace afin de pousser au retour à l’emploi, quelle que soit sa qualité, et chèque en blanc pour une deuxième réforme n’est acceptable ni pour les partenaires sociaux ni pour le Parlement.
En conséquence, nous proposons de supprimer cet alinéa.
M. le président. L’amendement n° 86, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – Par dérogation aux articles L. 5422-20 à L. 5422-24 et L. 5524-3 du code du travail, les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-20 du même code ne peuvent être déterminées par décret en Conseil d’État qu’après la négociation des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ainsi que des associations représentatives de demandeurs d’emploi et de salariés enchaînant des contrats courts.
II. – Alinéas 11 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. La réforme menée à partir de 2019 s’est faite contre les partenaires sociaux, qui n’ont cessé d’alerter sur ses graves conséquences sociales.
Alors qu’une évaluation de l’impact de cette réforme n’est promise que pour la fin de 2024, les premières données font apparaître, premièrement, une augmentation des chômeurs en catégories B, C, D et E, deuxièmement, une tension inédite sur le marché de l’emploi saisonnier en raison de l’allongement de la durée d’affiliation, soit un effet contre-productif, et, troisièmement, une baisse des indemnités faisant basculer de nombreuses personnes dans la pauvreté.
Même sous l’angle de la réduction des emplois vacants, la réforme s’apparente à un échec puisque ces derniers ont augmenté entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, passant de 264 000 à 362 000, selon la Dares. Cette réforme ne permet donc pas de lutter contre les tensions sur le marché de l’emploi, qui ont bien d’autres causes.
Malgré cela, le document de concertation que vous avez envoyé aux partenaires sociaux est clair : le Gouvernement a l’intention d’intensifier la réforme en envisageant un nouvel allongement de la durée d’affiliation, une diminution de la durée d’indemnisation, accompagnée de la baisse du taux de remplacement héritée de la réforme précédente, voire une territorialisation de l’assurance chômage, sur le modèle du Canada.
Cette situation de plus en plus inacceptable explique le refus d’une négociation préalable, dans le respect du paritarisme et de la démocratie.
Au travers de cet amendement, nous voulons rétablir l’obligation d’une négociation avec les partenaires sociaux, incluant les associations représentatives de chômeurs et précaires, premiers concernés par les effets des réformes successives, qu’une démocratie vivante devrait intégrer comme parties prenantes.
M. le président. L’amendement n° 77 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Première phrase
Après le mot :
État
rédiger ainsi la fin de la phrase :
proroge, à compter du 1er novembre 2022, les mesures d’application, actuellement en vigueur, des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5422-20 du même code.
2° Seconde phrase
Après la date :
31 août 2023
supprimer la fin de la phrase.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Il s’agit d’un amendement de repli.
Attachés à la gestion paritaire de l’assurance chômage, nous proposons de proroger les mesures actuellement en vigueur dans l’attente de la concertation avec les partenaires sociaux sur la gouvernance, l’équilibre financier et les règles d’indemnisation de l’assurance chômage.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
1° Remplacer les mots :
, pris après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, détermine
par les mots :
peut proroger
2° Après le mot :
application
insérer les mots :
en vigueur
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement de repli vise à rétablir la compétence des partenaires sociaux pour la période de carence, que le Gouvernement a lui-même créée en laissant filer les délais.
Comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis du 5 septembre 2022, le « projet de loi ne comporte en effet aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret ».
Or, si les rapporteurs ont introduit un dispositif plus favorable au paritarisme en ce qui concerne la nécessaire évolution de la gouvernance de l’assurance chômage, ils n’ont pas touché au dispositif relatif au décret régissant les règles d’indemnisation, sauf pour réduire la durée durant laquelle le Gouvernement pourra agir de son propre chef.
Tout cela s’apparente donc toujours à la signature d’un chèque en blanc au profit du Gouvernement, en piétinant le paritarisme ainsi que le Parlement.
Pour mémoire, la réforme menée durant le précédent quinquennat fut la première, depuis 1971, à être réalisée contre l’avis des partenaires sociaux. Le Gouvernement ne peut, une nouvelle fois, contourner le dialogue social.
Au travers de cet amendement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain entend redonner la main aux partenaires sociaux, y compris sur la période transitoire commençant le 1er novembre 2022.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Après le mot :
après
insérer les mots :
transmission au Parlement et aux partenaires sociaux du rapport prévu à l’article L. 5422-25 du même code et après
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à conditionner la publication du décret en Conseil d’État à la transmission au Parlement et aux partenaires sociaux d’un rapport sur la gestion de l’assurance chômage.
Aux termes de la loi du 5 septembre 2018, le Gouvernement transmet chaque année, avant le 15 octobre, au Parlement et aux partenaires sociaux gestionnaires un rapport sur la situation financière de l’assurance chômage. Or ce rapport n’a pas été transmis depuis 2018. Le Parlement légifère donc sans même qu’un bilan officiel de la précédente réforme d’assurance chômage ait été réalisé et rendu public.
Pourtant, c’est sur le fondement de résultats factuels que de nouvelles règles d’indemnisation doivent être réfléchies et mises en place. Nous devons connaître précisément les conséquences des règles d’indemnisation décidées par décret en 2019, notamment sur l’accès à l’indemnisation et sur le retour à l’emploi. Sans bilan chiffré et étayé, il n’est en effet pas possible de justifier de nouvelles règles.
En déplaçant le problème sur la question de la pseudo-responsabilité individuelle culpabilisatrice du demandeur d’emploi, ce projet de loi réactive tous les vieux stéréotypes sur le chômeur qui ne veut pas travailler et qui refuse un CDI. Ce faisant, il ouvre la voie à des mesures encore plus régressives de la part de la majorité sénatoriale.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase, alinéa 11 et alinéa 12, première phrase
Remplacer le mot :
concertation
par le mot :
négociation
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La droite sénatoriale se pose en défenseure du paritarisme de l’assurance chômage face au Gouvernement, qui souhaite décider seul des règles d’indemnisation, mais elle prévoit une simple « concertation » entre organisations syndicales et patronales, qui n’est qu’une mascarade. Le ministre du travail la décrit comme un « échange », une « discussion » avec propositions et contre-propositions, mais, à la fin, c’est bien le Gouvernement qui décidera.
Ce dernier invoque l’urgence pour mettre en place un cadre juridique relatif à l’indemnisation des chômeurs, mais c’est lui qui n’a pas envoyé la lettre de cadrage aux organisations syndicales avant le 29 juin ! C’est lui qui décide de ne pas simplement proroger la réforme de 2019 ! C’est encore lui qui a fixé jusqu’au 31 décembre 2023 la durée de l’habilitation à décider seul des règles d’indemnisation chômage ! Le Président de la République avait pourtant annoncé vouloir revenir à un fonctionnement plus horizontal…
Notre amendement vise à remplacer la concertation prévue à l’article 1er pour discuter de la modification des règles d’indemnisation chômage par une véritable négociation sociale, dans laquelle l’avis des partenaires sociaux est non pas simplement consultatif, mais obligatoire, avant toute réforme de l’assurance chômage.
Le Gouvernement se comporte comme un banquier qui s’installerait à notre domicile et entendrait fixer les règles d’utilisation des radiateurs…
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 90 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1, première phrase
Remplacer le mot :
concertation
par le mot :
négociation
La parole est à Mme Poumirol, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
Mme Émilienne Poumirol. La sémantique ayant son importance, cet amendement vise à remettre au centre de notre démocratie sociale la négociation plutôt que la concertation, mise en avant par le Gouvernement, entre partenaires sociaux. Cela n’a pas du tout la même signification.
Le paritarisme et le dialogue social impliquent un cadre d’échange tel que les partenaires sociaux voient leurs prérogatives reconnues ; c’est cela, la négociation ! Il y va du respect de la philosophie ayant présidé à la mise en place de l’assurance chômage.
Les rapporteurs sont allés dans ce sens en supprimant la lettre de cadrage dans la procédure de négociation des accords sur l’assurance chômage et en fixant un cadre transitoire de discussion plus favorable au paritarisme. Nous leur proposons d’aller plus loin, en exigeant également une négociation pour la période de carence à venir.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 90.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le Gouvernement entend faire de la concertation le grand principe qui devrait guider la construction de ses politiques publiques. Or le droit du travail est une affaire non pas de concertation, mais de négociation.
Les partenaires sociaux ne sont pas seulement des instances à consulter : ce sont les interlocuteurs privilégiés de la négociation collective, garante non seulement du paritarisme et d’une connexion réelle avec les personnes concernées, mais aussi de la protection des droits des personnes en recherche d’emploi.
Comme nous l’avons déjà souligné, en s’autorisant à prendre par décret de nouvelles règles pour l’assurance chômage, sans réelle négociation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement peut facilement outrepasser les oppositions à sa lettre de cadrage ou à son support de concertation et imposer une réforme qui ne respecte pas les principes du débat démocratique et du dialogue social, ce qui est inacceptable en démocratie. Comme l’écrivait Rousseau dans Du Contrat social, « le peuple soumis aux lois en doit être l’auteur », de sorte qu’un régime n’est démocratique que si les personnes concernées par les lois ne sont pas exclues de la fabrique de la loi elle-même.
La prise en compte par des procédures démocratiques des positions des travailleurs, actifs occupés ou privés d’emploi, et des agents de Pôle emploi est primordiale pour la mise en place de réformes efficaces et protectrices.
Dès lors, les modifications envisagées par décret dans cet article doivent obligatoirement faire l’objet d’une négociation – j’y insiste, d’une négociation – avec les partenaires sociaux.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Après le mot :
interprofessionnel
insérer les mots :
et la transmission au Parlement par le Gouvernement d’un rapport réalisé conjointement par le Conseil d’analyse économique, le Conseil d’orientation pour l’emploi et le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, évaluant les impacts et l’efficacité de la réforme de l’assurance chômage menée entre 2018 et 2021
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement de repli vise à insister sur la nécessité d’évaluer les réformes de l’assurance chômage.
Comme je l’ai déjà souligné, nous ne pouvons évaluer objectivement ni de manière exhaustive les conséquences de la précédente réforme, faute d’avoir reçu les éléments nécessaires.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 1, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les mesures d’application déterminées par ce décret ne peuvent avoir pour effet d’entraîner une différence de traitement des travailleurs remplissant les critères prévus à l’article L. 5422-1 du même code sur la base de leur lieu de résidence ou de travail.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans son support de concertation envoyé aux partenaires sociaux, le ministre du travail envisage la possibilité d’appliquer une régionalisation du régime d’assurance chômage, en s’appuyant sur l’exemple du Canada, où un tel dispositif a été introduit en 1977.
Amplifié depuis lors et corrélé à une augmentation de la durée d’affiliation et à une baisse de la durée d’allocation, le modèle canadien a eu pour seul effet de faire chuter continuellement le nombre de personnes éligibles à l’assurance chômage : ils étaient 87 % en 1989 et seulement 42 % en 1997 ! Son instauration en France, couplée aux mesures de durcissement d’accès à l’assurance chômage, ne manquera pas d’entraîner les mêmes conséquences.
La régionalisation est vertement critiquée au Canada du fait de son iniquité. En France, le dynamisme de l’emploi n’a rien à voir selon les régions : le nombre d’offres d’emploi doit, pour chaque territoire, être rapporté à celui des demandeurs d’emploi.
De plus, sauf à ne pas tenir compte des compétences et des qualifications, les offres et demandes d’emploi peuvent nécessiter d’amples reconversions et formations avant de s’apparier.
Rien ne devrait justifier une inégalité de traitement entre les demandeurs d’emploi selon les régions – cela ne devrait même pas être à l’étude au regard des conséquences négatives des réformes menées tant au Canada qu’aux États-Unis, qui n’ont rien résolu des tensions rencontrées sur le marché du travail, mais qui ont, au contraire, entraîné la multiplication des emplois de mauvaise qualité et de piètre productivité –, sauf à introduire un nouveau paramètre pour durcir encore et toujours les droits des chômeurs.
Cet amendement vise à exclure la possibilité, pour le Gouvernement, d’inclure la régionalisation par décision unilatérale dans le nouveau décret prévu pour le début de l’année 2023.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer la date :
31 août
par la date :
1er février
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit également d’un amendement de repli.
Nous proposons de ramener le terme de la durée au cours de laquelle le Gouvernement est autorisé à fixer par décret des règles d’assurance chômage du 31 décembre 2023 au 1er février de la même année, et non au 31 août, comme le propose la commission.
Mme la rapporteure l’a rappelé : il ne s’agit pas d’une petite décision. Les fondements de notre modèle social issu de l’après-guerre sont détricotés petit à petit. La démocratie sociale était la réponse française à la nécessité d’associer davantage travailleurs et entreprises aux décisions qui les concernent. C’est une certaine vision de la société qui disparaît si l’État reprend la main, surtout s’il ne voit les choses qu’à travers le prisme financier.
Philosophiquement, l’indemnisation est un droit lié à la mutualisation des cotisations ; ce n’est pas une aide sociale donnée au titre de la solidarité nationale.
Mme Émilienne Poumirol. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et cela change beaucoup de choses, car le discours sur l’assistanat confond tout : les droits acquis par les salariés s’inscrivent dans un cadre décidé par la négociation sociale entre partenaires sociaux, il ne s’agit pas d’une assistance versée au nom de la solidarité nationale.
À force de petites réformes de ce genre, on finit par glisser et trouver illégitime ce qui est un droit et, ce faisant, on fait reculer l’idée même que se font les salariés de leur reconnaissance par la société française. (Mmes Émilienne Poumirol et Angèle Préville applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Mélot, MM. Chasseing, Grand, Guerriau et Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer le mot :
août
par le mot :
décembre
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Au travers de cet amendement, mon collègue Emmanuel Capus propose un compromis.
En commission, le délai limite au terme duquel les règles actuellement en vigueur devront être révisées a été ramené de fin décembre 2023 à août de la même année. Or ce délai, tel qu’il avait été prévu par le Gouvernement, avait pour objectif de mieux prendre en compte les effets de ces règles.
Ainsi, indépendamment du mode de détermination des futures règles, qui succéderont aux règles actuelles, il paraît judicieux de conserver un délai suffisamment long pour permettre la collecte de données qui permettront de mieux évaluer l’efficacité de ces règles et donc de prendre des décisions plus éclairées le moment venu.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les mesures d’application prises par décret en Conseil d’État en application du premier alinéa ne peuvent conduire à réduire les recettes générées par la majoration du taux de contribution de chaque employeur prévue au 1° de l’article L. 5422-12 dudit code ou à augmenter la perte de recettes générées par la minoration du taux de contribution de chaque employeur prévue au 1° du même article.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement de repli tend à introduire, à l’article 1er, une « clause de sécurité » selon laquelle le chèque en blanc signé au Gouvernement ne pourrait entraîner une réduction du bonus-malus des entreprises recourant excessivement aux contrats courts et précaires.
Ce dispositif nous semble important et nécessaire eu égard à la refonte du bonus-malus déjà engagée par les rapporteurs. Il s’agit du pendant de la suppression du dispositif de minoration introduit à l’article 2.
M. le président. L’amendement n° 108, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions prévues au premier alinéa du présent article ne concernent pas les salariés et contrats de travail mentionnés au a du 1° de l’article L. 1242-2 dudit code. Les concernant, le décret en Conseil d’État est pris après négociation avec les organisations professionnelles et syndicales les représentant.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis la mise en place de la dernière réforme de l’assurance chômage, qui a notamment prolongé la durée d’affiliation, les constats se multiplient pour en souligner l’impact négatif pour les saisonniers, dont les emplois sont par définition plus courts, voire discontinus.
Si la modification de la durée minimale d’affiliation requise pour ouvrir des droits à indemnisation, passée de quatre à six mois, a profondément amoindri les droits des saisonniers, le support de concertation envoyé aux partenaires sociaux poursuit cette fuite en avant, puisqu’un allongement de la durée d’affiliation est de nouveau envisagé.
Cet allongement et la prise en compte des jours non travaillés entre deux emplois dans le calcul, forcément à la baisse, du salaire journalier de référence se sont avérés contre-productifs pour l’attractivité de secteurs concentrant les emplois saisonniers, dont la pénurie s’est accrue l’été dernier, ce qui a encore renforcé la tension sur le marché du travail. Ces emplois se caractérisent déjà par une intensification massive du travail, dans de dures conditions, très mal prises en compte dans les rémunérations. La réforme de l’assurance chômage introduit donc une double peine pour les travailleurs saisonniers, dont nombre d’entre eux ont vraisemblablement été contraints de se réorienter vers d’autres activités.
Cet amendement vise à prendre en compte les spécificités de ces travailleurs et à obliger à des négociations entre représentants des salariés concernés et Gouvernement, afin d’aboutir à un accord spécifique et mieux adapté.
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Le dernier alinéa de l’article L. 5422-20 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque la validité des mesures d’application ainsi déterminées expire sans qu’un nouvel accord ait été conclu dans les conditions prévues au premier alinéa, les mesures d’application du dernier accord relatif à l’assurance chômage conclu dans ces conditions s’appliquent jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Les partenaires sociaux proposent au Gouvernement des mesures pour que le changement n’entraîne ni de baisse de l’indemnisation ni de diminution de la durée des droits ouverts pour les assurés. » ;
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le fonctionnement actuel de l’assurance chômage permet au Gouvernement et au patronat de se passer des organisations syndicales : en effet, si les négociations entre partenaires sociaux achoppent sur la définition d’une nouvelle convention, le Gouvernement peut imposer par décret les réformes que le patronat lui souffle à l’oreille.
Ce texte est l’aboutissement de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, à laquelle nous nous étions opposés.
Après avoir réduit les capacités de décision des organisations syndicales en encadrant toujours davantage les prérogatives du paritarisme, ce projet de loi transfère directement à l’État la gestion de l’assurance chômage.
À l’inverse, nous pensons que les syndicats de salariés ont toute leur place dans l’élaboration des normes régissant l’assurance chômage. Notre amendement vise donc à revenir automatiquement à la dernière convention conclue par les organisations syndicales et patronales lorsque le régime de carence expire. Cette disposition empêchera les gouvernements de jouer la montre pour justifier la reprise en main des règles d’indemnisation chômage.
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… L’article L. 5422-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le régime d’assurance chômage est fondé sur le principe de solidarité face au risque de privation d’emploi. Il assure la continuité du salaire d’activité et garantit un niveau de vie satisfaisant aux travailleurs privés d’emploi. » ;
II. – Alinéas 11 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Selon Jean-Pascal Higelé, maître de conférences en sociologie à l’université de Lorraine, la réforme de l’assurance chômage constitue un déni de solidarité. Au-delà de la baisse des indemnités des plus précaires, le Gouvernement vise à transformer une assurance collective en épargne individualisée.
Notre amendement vise à inscrire dans la loi le caractère assurantiel de l’assurance chômage et sa vocation à sécuriser le revenu des travailleurs.
En imposant des taux de cotisation différents selon les entreprises ou les secteurs et en différenciant les règles d’indemnisation pour les plus hauts salaires, la réforme détricote la solidarité interprofessionnelle selon laquelle les titulaires d’emplois stables paient pour ceux qui subissent le chômage.
De même, la dégressivité des allocations des chômeurs les mieux payés sépare les intérêts des plus aisés et des autres. Le risque est donc que les particularités de chacun finissent par délégitimer toute solidarité et que les mieux rémunérés et les plus stables ne veuillent plus payer pour les plus précaires. Le chômage deviendrait alors un simple risque individuel.
Face à une telle situation, il est urgent de renouer avec la logique de solidarité salariale interprofessionnelle garantissant chacun contre le risque social du chômage.
M. le président. L’amendement n° 87, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 1er de projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission des affaires sociales du Sénat, présentait une avancée pour le paritarisme au milieu d’un vaste projet antisocial en ce qu’il supprimait la lettre de cadrage instaurée en 2018.
Cette dernière avait pour effet de contraindre le dialogue social avec les partenaires sociaux et de décider du périmètre des thématiques à aborder lors des négociations. Dès lors, les partenaires sociaux pouvaient non plus décider des règles de l’assurance chômage, mais simplement moduler à la marge quelques paramètres. Cela permettait au Gouvernement de faire échouer les négociations afin de légiférer par décret, sans contrôle des partenaires sociaux, comme ce fut le cas en 2019.
Toutefois, cet article devient flou par la suite, puisqu’il instaure, en lieu et place de la lettre de cadrage, un « document d’orientation » aux objectifs mal définis. Au demeurant, même s’il peut s’avérer utile à l’information du Parlement, ce document arrive bien tard, puisque le support de concertation indiquant avec précision les projets de réforme du Gouvernement a déjà été envoyé aux partenaires sociaux. La concertation, et non la négociation, est d’ores et déjà lancée et les orientations du Gouvernement déjà connues.
Ainsi, si nous partageons la volonté de supprimer la lettre de cadrage et défendons la mise en place immédiate de réelles négociations, et non de concertations, avec les partenaires sociaux, il semble que le document d’orientation instauré par le III de l’article 1er arrive un peu tard et qu’il soit trop similaire à la lettre de cadrage, raison pour laquelle nous proposons de le supprimer également.
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le document d’orientation ne peut avoir pour effet d’entraîner une différence de traitement des travailleuses et des travailleurs remplissant les critères prévus à l’article L. 5422-1 du même code sur la base de leur lieu de résidence ou de travail.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à reprendre certaines des thèses développées par plusieurs de nos collègues.
Nous refusons la modulation des règles d’indemnisation selon les territoires et régions, reflet d’une remise en cause fondamentale de l’égalité républicaine. La cotisation doit être globale à l’échelle de l’État-nation.
En outre, où s’arrêtera-t-on ? Au sein des régions, les situations ne sont pas homogènes, le taux de chômage est différent en Seine-Saint-Denis et au centre de Paris, donc on va en arriver à des sous-modulations décidées on ne sait comment ni sur quel fondement !
En cette période, durant laquelle nous avons besoin que la République soit solide et que nos concitoyens se sentent traités à égalité, cette régionalisation de l’indemnité chômage est totalement inacceptable, injuste et inefficace. Nous ferions mieux de réinventer des politiques d’aménagement du territoire pour créer de l’emploi de manière plus équilibrée.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Mélot, MM. Chasseing, Grand, Guerriau et Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
et garantir l’équilibre financier du régime
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. En commission, les rapporteurs ont proposé une rédaction de l’article 1er qui accélère le retour à une gestion paritaire du régime.
Cette option a le mérite de mettre les partenaires sociaux en situation de responsabilité, puisqu’ils redeviendront décisionnaires sur le pilotage du régime. Concrètement, ce retour au paritarisme de gestion se matérialise par le retour à un document d’orientation, par opposition au document de cadrage.
Cependant, une telle option ne suffit pas à résoudre les problèmes qui se posaient aux partenaires sociaux avant que le Gouvernement ne décide, lors du précédent quinquennat, de reprendre la main sur le pilotage du régime, notamment en ce qui concerne leur capacité à prendre des décisions responsables pour garantir l’équilibre financier du régime.
Or l’avenir du paritarisme de gestion dépend justement de la capacité des partenaires sociaux à assurer l’équilibre financier des organismes dont ils ont la gestion.
Cet amendement vise ainsi à préciser que le document d’orientation, prévu par la nouvelle rédaction de l’article 1er, indique que les éléments de diagnostic, les objectifs et les principales options possibles transmis par le Gouvernement doivent également viser à garantir l’équilibre financier du régime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Par souci d’efficacité, et si mes collègues en sont d’accord, je vais rassembler les amendements par sujets. Chacun, je pense, s’y retrouvera.
Avec des rédactions différentes, les auteurs des amendements nos 85, 18 rectifié, 76 rectifié et 67 proposent qu’un accord continue d’être applicable, même après son expiration, jusqu’à la conclusion d’un nouvel accord. Par ailleurs, l’amendement n° 85 tend également à supprimer le décret de carence.
L’adoption de ces quatre amendements rendrait la procédure inopérante en permettant le maintien d’une convention d’assurance chômage sans limitation de durée tant qu’un nouvel accord n’est pas conclu. Cette situation aboutirait à un blocage de la gouvernance et empêcherait le Gouvernement de fixer des règles par décret de carence en cas d’échec des négociations, ce qui présente un risque pour l’indemnisation des demandeurs d’emploi.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 85, 18 rectifié, 76 rectifié et 67.
L’amendement n° 84 vise à supprimer le premier alinéa de l’article. Or l’intervention d’un décret est nécessaire pour sécuriser, dès le mois de novembre, le versement des allocations chômage. Avis défavorable.
Les amendements nos 77 rectifié et 19 rectifié visent à ce que le décret ne puisse prolonger que des règles déjà en vigueur, c’est-à-dire celles qui sont issues du décret de carence de juin 2019. Toutefois, il ne faut pas exclure que certaines évolutions des règles d’indemnisation soient nécessaires dès l’intervention de ce décret, par exemple l’introduction des règles contracycliques que nous avons déjà évoquées. Pour ces raisons, la commission est également défavorable à ces deux amendements.
Les auteurs de l’amendement n° 20 rectifié proposent que le décret prévu à l’article 1er soit pris après la transmission au Parlement et aux partenaires sociaux du rapport élaboré par le Gouvernement sur la situation financière de l’assurance chômage. Or le code du travail prévoit déjà que ce rapport soit transmis chaque année au Parlement et aux partenaires sociaux. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Les amendements identiques nos 21 rectifié et 90 ainsi que les amendements nos 86, 47 et 108 tendent à prévoir que les règles fixées par décret sont précédées d’une négociation et non d’une concertation. Je le rappelle, une négociation doit conduire à un accord ; cette procédure n’est donc pas adaptée pour recueillir les avis des partenaires sociaux avant la rédaction d’un décret. C’est pour cette raison que l’article 1er prévoit bien une concertation préalable à la publication du décret. Avis défavorable.
Je poursuis avec l’amendement n° 22 rectifié. Il n’est pas nécessaire de prévoir la transmission d’un rapport aux partenaires sociaux et au Parlement avant la publication du décret relatif aux règles d’indemnisation. Les effets de la dernière réforme, pleinement entrée en vigueur en 2021 seulement, ne sont que partiellement connus. Le cadre des négociations fixé par la commission pour l’année 2023 sera plus approprié pour recueillir, via le document d’orientation du Gouvernement, un diagnostic sur la réforme. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 93 tend à exclure la possibilité de fixer dans le décret prévu à l’article 1er des mesures instaurant une différence de traitement entre les allocataires selon leur lieu de travail ou de résidence. Selon nous, le principe de contracyclicité de l’indemnisation du chômage est souhaitable et ses modalités pourraient être définies dès ce décret. Avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 50, la commission a déjà avancé du 31 décembre au 31 août 2023 la date limite pour l’application des règles qui seront fixées par décret. Avancer cette date au 1er février ne laisserait pas assez de temps aux partenaires sociaux pour engager une concertation sur la nouvelle gouvernance du régime puis pour négocier un accord. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 7 rectifié, au contraire, tend à rétablir la date de fin d’application du décret du 31 décembre, alors que la commission a avancé cette échéance au 31 août 2023. Je l’ai indiqué, nous ne souhaitons pas que le Gouvernement s’écarte pendant une durée excessive de la gestion paritaire du régime. L’horizon du 31 août 2023 nous semble suffisant pour pouvoir engager une concertation sur la nouvelle gouvernance avant de négocier et de conclure un accord. Avis défavorable également.
L’amendement n° 23 rectifié vise à exclure la possibilité de fixer dans le décret les règles relatives au bonus-malus qui auraient pour effet de réduire les recettes de l’Unédic. Actuellement, le dispositif est financièrement neutre. La commission a limité la durée d’application des mesures prises par décret et a souhaité recentrer le bonus-malus sur les contrats courts. Ainsi, la précision proposée ne nous semble pas nécessaire, d’où l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.
L’amendement n° 49 tend à supprimer le cadre transitoire, introduit par la commission, de concertation et de négociation avec les partenaires sociaux et à introduire un principe de solidarité face à la privation d’emploi, disposition purement déclaratoire. Ce dispositif, très général, me semble-t-il, n’apporte ni ne retire aucune garantie aux demandeurs d’emploi. La commission a donc également émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 87, qui, lui aussi, tend à supprimer le cadre transitoire de concertation et de négociation avec les partenaires sociaux introduit par la commission, a également recueilli un avis défavorable de cette dernière.
En ce qui concerne l’amendent n° 48, il ne nous semble pas utile de préciser que le document d’orientation élaboré par le Gouvernement en vue de la négociation ne pourra traiter différemment les demandeurs d’emploi selon leur lieu de résidence ou de travail. Nous considérons que le document d’orientation doit poser un diagnostic et identifier des pistes possibles d’amélioration ; il ne doit pas contraindre la négociation. Avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 8 rectifié complète utilement le contenu du document d’orientation qui sera transmis aux partenaires sociaux, afin que celui-ci présente les options possibles pour garantir l’équilibre financier du régime sans revenir à la contrainte du budget de cadrage. Cette proposition nous semble de nature à éclairer la négociation des partenaires sociaux en vue de la conclusion d’un accord. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement a émis, sur cette série d’amendements, le même avis que la commission, à une exception près.
En effet, il émet un avis défavorable sur la totalité des amendements, pour des raisons parfois convergentes avec celles qui ont été exprimées par Mme la rapporteure, parfois différentes. En effet, certains amendements vont plus loin que ceux que la commission a adoptés. Or, dans la mesure où le Gouvernement ne partage pas l’option de la commission sur l’organisation de la discussion, nous ne pouvons émettre un avis favorable sur les amendements y relatifs. D’où l’avis défavorable du Gouvernement sur l’amendement n° 8 rectifié, contrairement à l’avis de la commission.
Au-delà de l’avis défavorable du Gouvernement sur la totalité des amendements en discussion commune, je souhaite revenir sur deux points.
Le premier point porte sur le choix entre concertation et négociation pour la mise en place de la contracyclicité. L’avis rendu par le Conseil d’État le 5 septembre dernier précise que, dans la mesure où le Gouvernement propose de suspendre, en vertu de l’article L. 1 du code du travail, la compétence des partenaires sociaux pour une durée de quatorze mois, il peut définir par décret les règles d’indemnisation de l’assurance chômage.
Dans le même avis, le Conseil d’État conseille au Gouvernement d’organiser, en application du huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, une concertation relative à la modulation de l’indemnisation et à la préparation du décret. Il précise, de manière très explicite, que le Gouvernement est exonéré de l’obligation de négociation, mais qu’il doit consacrer la consultation nécessaire des partenaires sociaux conformément au préambule de la Constitution de 1946.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de cette concertation qui devrait aboutir – nous le souhaitons, en tout cas – avant la fin de l’année 2022. Cela permettrait de mettre en application les règles de contracyclicité, que nous appelons de nos vœux, dès le début de l’année 2023.
Le deuxième point est relatif à l’évaluation de la réforme de l’assurance chômage. Cette réforme a été définie par le décret du 26 juillet 2019 et est entrée en vigueur le 2 novembre de la même année, mais son application a été décalée de fait au second semestre 2021, en raison de l’épidémie de covid-19 et des périodes de confinement. C’est pourquoi la période de mise en œuvre a été si courte ; cela explique également pourquoi nous n’avons pas procédé à une évaluation rigoureuse de cette réforme et pourquoi nous en proposons la prorogation de quatorze mois. En effet, nous considérons que les premiers éléments dont nous disposons, sur la diminution de la part des contrats courts ou sur le rétablissement des comptes de l’Unédic, nous engagent à poursuivre la réforme et à aller au bout du délai prévu.
La Dares a d’ores et déjà mis en place – je le précise par avance – des procédures pour les évaluations qui auront lieu au cours de l’année 2023, lorsque la réforme aura assez d’ancienneté pour pouvoir être évaluée.
Je conclus en faisant trois remarques.
Premièrement, je veux réagir à l’allusion de Mme Lienemann concernant l’héritage de la Libération. C’est vrai pour le préambule de la Constitution de 1946 et pour l’obligation de consultation des salariés, mais c’est un peu moins juste pour l’assurance chômage en tant que telle – ce n’est d’ailleurs pas ce que vous avez dit, je veux juste apporter une précision –, puisque le régime que nous connaissons a été défini, plus tard, en 1958.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’esprit est le même !
M. Olivier Dussopt, ministre. Deuxièmement, Mme Lubin ou M. Chantrel a affirmé que c’était la première fois que les règles de l’assurance chômage étaient définies par décret et non pas en application d’un accord national interprofessionnel. Eh bien, ce n’est pas vrai, puisqu’il existe un précédent : en novembre 2000, un décret a été pris pour instituer des dispositions différentes de celles qui étaient issues d’un accord majoritaire.
Troisièmement, enfin, Mme Poncet Monge a soulevé la question du travail saisonnier. Sachez, madame la sénatrice, que, dans le secteur HCR, qui est le plus grand pourvoyeur d’emplois saisonniers, le taux d’emploi a augmenté de 5 % entre l’été 2019, c’est-à-dire avant la crise du covid-19, et l’été 2022. Il n’y a donc pas de grandes démissions des travailleurs saisonniers et nous sommes loin de la fuite ou de la désertion des saisonniers dont on entend parler ici ou là.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur l’amendement n° 77 rectifié.
M. Daniel Chasseing. L’amendement n° 77 rectifié tend à préciser que le Gouvernement doit engager une concertation avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance chômage et que ceux-ci doivent conclure un accord sur l’indemnisation, sur le fondement d’un document d’orientation.
Je voterai cet amendement ; je ne vois pas en quoi il s’oppose à la position de la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié et 90.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Au premier alinéa de l’article L. 5422-20, les mots : « des articles de la présente section, » sont supprimés ;
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le présent amendement a pour objet de revenir sur la réforme de l’assurance chômage de 2019, qui, en modifiant les règles d’indemnisation, a entraîné une baisse de 17 % en moyenne de l’allocation chômage pour 1,15 million d’allocataires, et de 40 % pour près de 400 000 d’entre eux.
La réforme de 2019 a également modifié la formule de calcul du salaire journalier de référence, notamment la prise en compte des périodes non travaillées. Les allocations chômage versées aux demandeurs d’emploi ne sont donc plus liées aux salaires. Il convient par conséquent de revenir sur la loi de 2018, qui a aggravé à la précarité de milliers de chômeurs.
Selon les services du ministère du travail, entre 25 % et 42 % des privés d’emploi ne demandent pas l’allocation à laquelle ils ont droit. Le durcissement des règles d’indemnisation accentue le taux de non-recours. La lisibilité du système d’assurance chômage pour les allocataires est remise en cause par ces réformes successives, qui en complexifient les règles. Jusqu’à présent, un jour travaillé ouvrait droit à un jour d’indemnisation.
L’ensemble de ces principes est remis en cause par les projets du Gouvernement, auxquels nous nous opposons fermement. Par conséquent, nous demandons l’abrogation de la réforme de 2019.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Au travers de cet amendement, notre collègue souhaite remettre en cause la réforme de l’assurance chômage, alors que nous avons fait le choix de proroger le décret de carence.
Au-delà de cette divergence, je pense qu’il y a un problème d’imputation d’article dans votre amendement, ma chère collègue ; il doit y avoir une erreur entre l’objectif et le dispositif de l’amendement.
La commission a donc émis, pour ces deux raisons, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 52 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 88 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
5° L’article L. 5422-25 du code du travail est abrogé ;
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à supprimer la disposition de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui impose de prendre des mesures d’économie sur l’assurance chômage en cas d’écart significatif entre la trajectoire financière du régime d’assurance chômage et la trajectoire financière prévue par l’accord obtenu. Il s’agit là d’un cas typique de déresponsabilisation des partenaires sociaux, dans lequel la puissance publique se comporte comme un éternel gendarme…
Du reste, cette règle aurait plutôt pour effet de ne pas inciter à la responsabilité. En effet, quand on sait que, sur un sujet difficile, exigeant un compromis équilibré, on peut se dispenser d’assumer ce dernier en laissant l’arbitrage final à l’État, alors on sape le fondement même de la démocratie sociale, dont la vocation est de parvenir à l’équilibre des positions, à des compromis équilibrés et globaux.
Ainsi, non seulement cette mesure constitue un recul du paritarisme, procédant d’une vision de l’État comme surveillant général des finances publiques, mais, en outre, je ne crois même pas qu’elle concoure à la responsabilisation collective.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 88.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne reviens pas sur la disposition inscrite dans la loi du 5 septembre 2018 selon laquelle le Premier ministre peut demander aux organisations d’employeurs et de salariés de prendre les mesures nécessaires pour corriger l’écart constaté en modifiant l’accord afin d’obtenir des mesures d’économie.
Toutefois, n’oublions pas d’où vient le déficit de l’Unédic ! Ce déficit a été largement causé par le désengagement progressif de l’État et par la participation la plus importante de cet organisme au financement de Pôle emploi. Aujourd’hui, cette part correspond tout de même à 11 % de ses recettes et dépasse ainsi celle de l’État, ce qui a provoqué un déficit artificiel, amplifié par la suppression des cotisations chômage des salariés via l’instauration de la CSG.
La santé financière de l’Unédic, sensible aux dynamiques de l’emploi, ne saurait constituer le critère pertinent à court terme pour la négociation des accords, sans que soient analysées les causes de cet écart. L’objet de cet organisme doit rester la protection des droits des demandeurs d’emploi, dans le cadre d’une sécurité sociale professionnelle tout au long de la vie.
Par conséquent, nous proposons de supprimer ces dispositions de rationnement budgétaire, qui servent de prétexte pour imposer de nouveaux décrets contre l’avis des partenaires sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à supprimer le mécanisme de suivi financier de l’assurance chômage.
Je partage certains des propos de Mme Poncet Monge : il y aurait un ménage à faire dans le budget de l’Unédic, pour distinguer ce qui relève du paritarisme de ce qui relève des décisions des gouvernements successifs.
Néanmoins, au-delà de ce point, le fait qu’il existe une gestion paritaire ne doit pas empêcher l’État de garder l’ultime droit de regard sur la gestion de l’assurance chômage. Ce mécanisme financier permet tout de même de garantir ce que l’on appelle la règle d’or, suivant laquelle, si l’on s’écarte de la trajectoire financière, l’État doit intervenir.
Dans la mesure où elle souhaite conserver ce mécanisme financier, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 rectifié et 88.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 5332-1 du code du travail, il est inséré un article L. 5332-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5332-1-… – Tout employeur de droit privé a obligation de transmettre ses offres d’emploi à l’institution publique mentionnée à l’article L. 5312-1. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Actuellement, Pôle emploi n’est destinataire que de 15 % des offres d’emploi diffusées par les employeurs. Notre amendement a pour objet de rétablir l’obligation de diffusion des offres d’emploi par l’intermédiaire du service public de l’emploi.
Cette obligation est un préalable à la mission de placement des demandeurs d’emploi dévolue à Pôle emploi, surtout depuis la mise en œuvre de la procédure de refus d’offres raisonnables, dont la définition a été largement restreinte en 2019, qui peut aboutir à la radiation de la liste des demandeurs d’emploi. Pôle emploi peut ainsi radier de la liste des demandeurs d’emploi des chômeurs qui ont refusé une offre, mais n’est pas destinataire de l’ensemble des offres d’emploi… C’est un non-sens !
Je précise que, auparavant, Pôle emploi était destinataire de toutes les offres d’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Oui, auparavant, c’était ainsi, mais, entre-temps, les plateformes se sont développées, le site leboncoin.fr est apparu et un certain nombre d’outils ont été mis à la disposition des chefs d’entreprise et des demandeurs d’emploi.
Cet amendement vise à obliger les employeurs à transmettre leurs offres à Pôle emploi, ce qui, en effet, n’est plus le cas aujourd’hui.
Simplement, je tiens à le dire, Pôle emploi ne nous a pas attendus pour récupérer les offres qui sont sur ces plateformes. Par exemple, en Isère, Pôle emploi agrège les données de cent plateformes qui mettent en ligne des offres d’emploi. Aussi, en agrégeant celles-ci et en les ajoutant aux offres déjà reçues, Pôle emploi propose un large panel des offres d’emploi disponibles, ce qui est vertueux.
Cet amendement est, à mon sens, péremptoire et inutile, compte tenu du fait que ces dispositifs peuvent déjà exister dans la pratique.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5422-1 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le régime d’assurance chômage est fondé sur le principe de solidarité face au risque de privation d’emploi. Il assure la continuité du salaire d’activité et garantit un niveau de vie satisfaisant aux travailleurs privés d’emploi. »
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement vise à inscrire dans le projet de loi les objectifs mêmes de l’assurance chômage, qui, à ce jour, en sont totalement absents.
Il s’agit de lutter ainsi contre une dérive insidieuse orchestrée, de décrets en projets de loi, par le Gouvernement, qui modifie profondément la philosophie de l’assurance chômage.
Nous proposons donc d’inscrire dans la loi le caractère assurantiel de l’assurance chômage et sa vocation à sécuriser les revenus des travailleurs.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5422-1 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le régime d’assurance chômage est fondé sur le principe de solidarité face au risque de privation d’emploi. Il verse un revenu de remplacement du salaire et garantit un niveau de vie satisfaisant aux travailleurs privés d’emploi. »
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Il est défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements visent à insérer dans le texte un principe de solidarité face au risque de privation d’emploi. Leur rédaction nous semble très générale ; ces amendements n’apportent ni ne retirent aucune garantie aux demandeurs d’emploi.
D’où l’avis défavorable de la commission sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Paccaud, Mme Drexler, MM. Belin et Charon, Mme Imbert, MM. Tabarot et Saury, Mme Dumont, MM. Chasseing, Favreau, Meurant et Burgoa, Mme Estrosi Sassone, MM. Frassa, Regnard, Cadec, Panunzi et Bazin, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerriau, Mme Eustache-Brinio, MM. Savary, Sautarel et Chatillon, Mme Perrot, MM. Hingray, Pointereau, Houpert, Chaize et Reichardt, Mme Borchio Fontimp et M. Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre VI du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5426-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5426-… – Le revenu de remplacement est supprimé de moitié par Pôle emploi dans le cas où le demandeur d’emploi refuse, sans motif légitime, une offre raisonnable d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-6-2.
« La radiation de la liste des demandeurs d’emploi telle que mentionnée au L. 5412-1 ne peut être consécutive à la suppression partielle du revenu de remplacement telle que mentionnée au premier alinéa.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article. »
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 proclame le droit au travail. Si le plein emploi, évoqué par M. le ministre lors de la discussion générale, est l’objectif du Gouvernement et même si la courbe du chômage évolue plutôt favorablement, beaucoup trop de personnes restent malheureusement éloignées de l’emploi.
Afin de les soutenir et de les guider dans leurs recherches, le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) a été mis en place, voilà quelques années. Il comprend, notamment, l’obligation d’accepter une offre raisonnable d’emploi, comme évoqué précédemment par Mme Lubin. Cette offre est fondée sur trois critères : la zone géographique privilégiée où doit se situer l’emploi, le salaire attendu et la nature ainsi que les caractéristiques de l’emploi recherché.
En vertu de la législation actuelle, la radiation d’un demandeur d’emploi peut donc être prononcée après deux refus d’une offre raisonnable d’emploi. Le cas d’une offre raisonnable d’emploi refusée sans motif valable doit toutefois être examiné.
L’amendement n° 2 rectifié vise à inciter le demandeur d’emploi ayant refusé une offre raisonnable à retrouver un emploi, en réduisant de moitié l’indemnité qu’il perçoit.
Il s’agit non pas de stigmatiser ou de punir le demandeur d’emploi, mais de valoriser le travail, et ce de façon cohérente, puisque c’est le demandeur d’emploi lui-même qui définit l’offre d’emploi raisonnable. Il semblerait donc étonnant qu’il refuse ce qu’il a dit souhaiter !
En outre, pour revenir sur les besoins sur le marché du travail, évoqués par M. Philippe Mouiller, nous rencontrons tous quasi quotidiennement des chefs d’entreprise qui sont à la recherche de personnel. Il nous faut également répondre à cette attente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à passer de deux à un refus d’offre raisonnable d’emploi, en réduisant, le cas échéant, l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).
Je reconnais que la notion d’offre raisonnable d’emploi (ORE) pose un problème, bien qu’elle semble relever du bon sens. Mme Catherine Procaccia, ici présente, avait d’ailleurs défendu ce principe lors de l’examen de la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.
Force est de constater aujourd’hui que ce dispositif ne fonctionne pas. À l’origine, le dispositif s’appliquait après trois refus d’offre raisonnable d’emploi ; il s’applique aujourd’hui à partir de deux. On pourrait, bien sûr, passer à un seul refus, mais si l’on considère les statistiques, on voit que les radiations après deux refus d’offre raisonnable d’emploi n’ont représenté que 0,02 % du total des radiations en 2016 ; je m’appuie sur les chiffres dont nous disposions au moment de l’examen de la loi de 2018.
Notre collègue Laurent Somon était tenté de déposer un amendement similaire. Il a donc rencontré les services de Pôle emploi de la Somme, afin de mesurer si le dispositif des offres raisonnables d’emploi incitait les demandeurs d’emploi à reprendre une activité. Or, dans ce département, on ne compte que 7 radiations prononcées à la suite de deux refus d’offre raisonnable d’emploi, alors que les radiations liées aux absences à un rendez-vous s’élèvent à 2 383. On mesure donc l’ampleur de la difficulté…
Je vous propose donc, mon cher collègue, que nous nous en remettions à l’article 6 du texte, introduit par nos collègues députés. Cet article consiste en une demande de rapport, que nous avons conservée – c’est suffisamment rare pour être souligné –, sur le dispositif des offres raisonnables d’emploi, afin de comprendre ce qui ne fonctionne pas. En effet, cela semble relever du bon sens, monsieur Paccaud, vous avez raison de souligner, mais, dans les faits, cela ne semble pas porter ses fruits.
Ainsi, en attendant de disposer d’assez d’éléments grâce à l’article 6, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement était défavorable à l’ajout de l’article 6 contenant une demande de rapport sur l’offre raisonnable d’emploi.
En effet, Mme la rapporteure l’a indiqué, la radiation pour refus d’une deuxième offre raisonnable d’emploi est statistiquement un phénomène extrêmement marginal. On en relève quelques centaines, voire quelques dizaines de cas par an. La raison en est que la définition de cette notion est difficile à établir, pour ce qui concerne tant les critères géographiques que les équivalences de qualification.
C’est la raison pour laquelle je m’associe à la demande de retrait de l’amendement et que je renvoie, à mon tour, à l’article 6 du texte. Le rapport qui y est demandé, auquel l’ensemble des administrations va évidemment concourir, permettra de mieux préciser les définitions d’une offre raisonnable d’emploi et la manière dont on l’appréhende.
Ce travail nous fournira une clé d’explication afin que ce qui paraît être un principe de bon sens puisse devenir applicable, ce qui ne nous semble pas être le cas aujourd’hui.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Mes chers collègues, je voudrais savoir ce qu’est une offre raisonnable d’emploi. Qui en définit les critères ? Nous avons tous reçu des témoignages de personnes à qui Pôle emploi a proposé des postes impossibles. Par exemple, un emploi à mi-temps situé à 50 kilomètres de chez soi en zone rurale, est-ce une offre raisonnable ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Non.
Mme Monique Lubin. C’est une question de bon sens, mais certaines personnes considèrent que, lorsque l’on n’a pas d’emploi, on doit accepter n’importe quelle offre et, pour eux, une offre telle que celle que je viens d’imaginer serait raisonnable. C’est donc largement subjectif et, une fois n’est pas coutume, je partage ce que vient de dire M. le ministre.
L’idée d’un rapport n’est donc pas mauvaise ; il nous arrive d’en demander également, que nous n’obtenons jamais d’ailleurs, alors même que certains d’entre eux auraient une utilité. J’attends de voir ce que celui que vous évoquez contiendra, mais, quoi qu’il en soit, il me semble que la subjectivité afférente à la notion d’offre raisonnable d’emploi demeurera.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je vais voter cet amendement, que j’ai d’ailleurs cosigné, car il me paraît constituer une offre raisonnable de vote (Sourires.), frappée au coin du bon sens.
Madame la rapporteure, monsieur le ministre, vous nous dites que cette notion ne fonctionne pas et que vous souhaitez qu’un rapport explique pourquoi. Mais enfin, lorsque l’on examine l’amendement en discussion, la définition est claire : une offre raisonnable d’emploi est une offre dont la nature, les caractéristiques, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu ont été déterminés au sein du projet personnalisé d’accès à l’emploi du chômeur.
Cette notion résulte donc d’un accord sur toute une série de critères. Vous nous dites que cela ne marcherait pas et qu’un rapport serait nécessaire, alors que c’est clair ! Il est temps de prendre des mesures à l’encontre de personnes qui définissent un jour des critères, puis qui se contentent de prétendre que ceux-ci ne correspondent à rien pour rejeter des offres.
On ne comprend pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas. Faut-il un rapport pour cela ? Il ne me semble pas. Il faut faire fonctionner le dispositif : dans le cadre d’un projet personnalisé, le chômeur indique ce qu’il veut ; si cela lui est proposé, qu’il l’accepte !
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Cette mesure existe déjà : un conseiller de Pôle emploi a la possibilité de suspendre les allocations pendant quinze jours pour défaut de recherche d’emploi.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cela ne se fait pas.
M. Thierry Meignen. Ils ne le font pas !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous approuvons l’idée d’un rapport. Comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, nous nous focalisons sur des sujets qui ne sont pas prioritaires et nous ne nous occupons pas des autres.
Certains ont l’obsession d’aller chasser « une masse » de chômeurs tricheurs, qui ne voudraient pas travailler et qui se débineraient devant des opportunités de travail.
J’ai une formule un peu provocatrice : quand il n’y aura plus que les fainéants au chômage en France, on aura résolu tous les problèmes ! Je rappelle qu’il y a tout de même cinq millions de chômeurs non indemnisés.
Nous souhaitons donc que ce rapport soit rendu. Au lieu de chercher sans cesse à culpabiliser une infime minorité de chômeurs en discréditant les autres, occupons-nous des sujets importants.
Par exemple, depuis l’arrivée au pouvoir de M. Macron, le Gouvernement a voulu tuer les négociations de branche au profit des négociations d’entreprise. En revalorisant le travail des branches, leurs prérogatives sur la formation, sur la définition des nouveaux métiers, sur l’amélioration du travail – quitte à permettre à certaines d’entre elles d’être accompagnées par l’État –, nous retrouverions un meilleur rapport au travail et nous tisserions de nouveau un lien entre la formation, la volonté des jeunes et des salariés et les opportunités offertes.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je maintiens cet amendement.
Je vous ai entendue, madame le rapporteur, et je voterai pour la demande de rapport figurant à l’article 6 ; peut-être faut-il en effet clarifier les choses. Sur le territoire, les conseillers de Pôle emploi n’agissent sans doute pas partout de la même façon.
Je suis néanmoins convaincu que vous avez tous ici rencontré des demandeurs d’emploi qui ont coconstruit leur offre raisonnable d’emploi et je ne doute pas que les propositions qu’on leur a présentées correspondaient bien à ce qu’ils avaient souhaité. J’en ai beaucoup d’exemples en tête. Il me semble donc illogique de ne pas mettre les demandeurs d’emploi face à leur responsabilité : il y a des droits et des devoirs.
Madame Lienemann, je crains que vous n’ayez légèrement caricaturé ma proposition : vous parlez de chasse aux chômeurs fainéants, pardonnez-moi, mais ce n’est pas du tout l’objet de ma proposition.
Permettez-moi de vous dire, avec une gentille malice, que je suis plutôt du côté de votre leader Fabien Roussel, qui préfère la France du travail à la France du chômage (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) et qui n’aime pas trop la « gauche des allocs », non plus que le droit à la paresse, dont certains d’entre vous se prévalent. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
MM. Laurent Burgoa et Vincent Segouin. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous rassure, mon cher collègue, nous approuvons également les propos de Fabien Roussel (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), mais celui-ci ne remet absolument pas en cause le droit des personnes à percevoir les allocations de chômage.
Oui, nous défendons le travail, mais nous défendons aussi les victimes du chômage, qui, pour la plupart, ont cotisé, ce qui leur donne droit à ces allocations. Je tenais à apporter ces précisions, puisque vous évoquez mon secrétaire national. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5426-8-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La répétition des sommes versées par erreur n’exclut pas que le demandeur d’emploi soit fondé à réclamer la réparation du préjudice qui a pu lui être causé par la faute de celui qui les lui a versées. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Par un arrêt du 30 mai 2000, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la caractérisation de la négligence fautive de l’organisme chargé de servir les allocations d’assurance chômage emportait, pour le demandeur d’emploi obligé de restituer des sommes indûment versées, un droit de solliciter réparation de son préjudice. Elle a également considéré que le juge du fond avait souverainement apprécié le montant du préjudice causé par cette faute en allouant audit demandeur une somme correspondant au montant des allocations litigieuses.
Cet amendement vise simplement à fixer cette jurisprudence dans la loi, car la Défenseure des droits est encore saisie de dossiers dans lesquels Pôle emploi n’assure toujours pas la réparation du préjudice subi en raison de ses manquements. Il s’agit d’éviter des démarches lourdes et parfois coûteuses pour le bénéficiaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à consacrer le principe de réparation du préjudice causé aux demandeurs d’emploi ayant reçu des sommes indues en inscrivant dans le code du travail une jurisprudence de la Cour de cassation du 30 mai 2000.
Nous en avons discuté en commission : nous considérons qu’une telle inscription n’est pas utile. La responsabilité civile reconnue par la loi est d’application générale et l’article 1240 du code civil pose le principe de la responsabilité du fait personnel.
Cet amendement nous semblant satisfait, nous en demandons le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VI du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est complété par une section … et quatre articles ainsi rédigés :
« Section …
« Garanties procédurales suite à une décision concernant le demandeur d’emploi
« Art. L. 5426-10. – La personne inscrite ou qui demande son inscription sur la liste mentionnée à l’article L. 5411-1 du code du travail peut contester toute décision individuelle la concernant prise par une institution mentionnée à l’article L. 5311-2, notamment toute mesure à caractère de sanction et toute décision en rapport avec les allocations, aides ainsi que toute autre prestation versées par Pôle emploi pour son propre compte, pour le compte de l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1, pour le compte de l’État ou des employeurs mentionnés à l’article L. 5424-1, au choix concomitamment devant le juge compétent et par la procédure de médiation mentionnée à l’article R. 2123-10 du code de la justice administrative.
« Art. L. 5426-11. – Le juge judiciaire est compétent des recours formulés contre les décisions individuelles au sens de l’article L. 5426-10.
« Art. L. 5426-12. – Les recours formulés contre les décisions individuelles au sens de l’article L. 5426-10 sont suspensifs.
« Art. L. 5426-13. – Les décisions individuelles prises à l’encontre des dispositions des articles L. 5426-10 à L. 5426-12 sont nulles et non avenues. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à accorder des garanties procédurales à un demandeur d’emploi qui subit une décision administrative le concernant.
À la suite de différentes réformes, le demandeur d’emploi à l’encontre duquel est prise une décision administrative telle qu’une radiation, une sanction, un changement de catégories ou un rattrapage d’indu, se trouve facilement dépourvu. Il ne sait pas à qui s’adresser, il ignore dans quels délais il doit le faire et la numérisation de l’accès aux services publics ajoute à ces difficultés.
S’il parvient tout de même à formuler un recours, ce dernier n’est pas suspensif, ce qui peut entraîner de graves conséquences économiques pour son ménage.
À l’opposé de cette maltraitance administrative institutionnalisée, nous proposons de garantir des droits procéduraux basiques aux demandeurs d’emploi : la possibilité d’aller en même temps devant le juge et le médiateur, le caractère suspensif du recours et la nullité des décisions ne respectant pas ces garanties.
Celles-ci seraient de nature à favoriser un meilleur traitement des demandeurs d’emploi, à réduire leur anxiété administrative et à améliorer leur insertion professionnelle et sociale. Ce constat vaut d’ailleurs pour d’autres situations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous connaissons tous des demandeurs d’emploi qui ont pu se trouver en difficulté, par exemple parce qu’ils n’ont pas touché l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) ou parce que son montant était faux.
Néanmoins, nous considérons que des procédures de contestation existent déjà. Il est possible de faire des réclamations à Pôle emploi et de bénéficier d’une médiation. Des instances paritaires régionales qui veillent, en outre, à l’application des règles de l’assurance chômage, peuvent être saisies par les demandeurs d’emploi. Enfin, des recours en justice sont également possibles.
Certes, il y aura toujours des personnes en difficulté, mais il ne nous semble pas nécessaire d’introduire de nouvelles mesures, au risque d’alourdir ce processus.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 verse automatiquement à son bénéficiaire le différentiel des allocations, aides ainsi que de toute autre prestation indûment minorées versées pour son propre compte, pour le compte de l’État, du fonds de solidarité prévu à l’article L. 5423-24 ou des employeurs mentionnés à l’article L. 5424-1.
L’action en versement de l’allocation d’assurance indûment minorée se prescrit par trois ans.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à instaurer un versement automatique par Pôle emploi des moins-perçus aux allocataires, selon un dispositif miroir de celui qui s’applique aux trop-perçus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir un versement automatique par Pôle emploi des allocations indûment minorées. Les allocations dues doivent être entièrement versées, c’est une lapalissade. Nous devons le réaffirmer pour éviter les difficultés déjà évoquées.
Quant à l’automaticité proposée, elle suppose que Pôle emploi anticipe ses propres erreurs ou celles des demandeurs d’emploi, ce qui ne paraît pas être une condition opératoire.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. La réalité de la pratique est que le versement est automatique. Quand une indemnité n’est pas complètement versée parce qu’il manque une pièce, par exemple, la fourniture de celle-ci entraîne automatiquement son règlement. En cela, cet amendement est satisfait.
Je rappelle cela au banc afin de donner un caractère officiel à cette déclaration et le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Madame Lubin, l’amendement n° 15 rectifié est-il maintenu ?
Mme Monique Lubin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié est retiré.
L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est constitué un Conseil non permanent d’orientation de l’assurance chômage. Ce Conseil est indépendant. Il a pour objectif de récolter des données sur l’assurance chômage, le public qu’elle indemnise, ses recettes, ses dépenses, ses perspectives financières, de produire des préconisations améliorant l’assurance chômage. Il fournit un rapport annuel appuyé sur des données publiques de manière à éclairer le débat public.
II. – Ce Conseil est composé majoritairement de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il est également composé de dix députés et dix sénateurs désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, issus de chaque groupe parlementaire, de manière à assurer une représentation équilibrée des groupes politiques. Les ministères en charge de la production des données mentionnées au I du présent article sont également représentés. Un décret pris après l’avis de l’union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce précise la composition du Conseil.
III. – Pour mener à bien les missions mentionnées au I du présent article, le Conseil peut mener toutes auditions qu’il juge utiles. Tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’il demande, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l’administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité extérieure de l’État et du respect du secret de l’instruction et du secret médical, doivent lui être fournis.
IV. – Le Conseil est dépourvu de la personnalité juridique.
V. – Les membres du Conseil ne perçoivent aucune forme de rémunération distincte.
VI. – Le Conseil ne dispose d’aucun moyen public de fonctionnement.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à créer un conseil d’orientation de l’assurance chômage.
Le débat public sur la réforme qui fait l’objet du présent projet de loi est biaisé par le manque de données publiques sur l’assurance chômage : public indemnisé, perspectives financières, impact des précédentes réformes…
Cela conduit à considérer comme efficaces pour inciter le demandeur d’emploi à trouver un emploi des propositions infirmées par la recherche économique, comme la dégressivité de l’allocation, la baisse de ses montants ou la hausse de la durée d’indemnisation.
L’abondance d’amendements anti-indemnisation, alors même que seulement 40 % des demandeurs d’emploi en bénéficient en est une illustration supplémentaire.
Nous proposons donc la création d’un conseil d’orientation de l’assurance chômage, qui pourrait prendre modèle sur le Conseil d’orientation des retraites. Instance indépendante du pouvoir exécutif, il fournirait un rapport annuel appuyé sur des données publiques, de manière à éclairer le débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à créer un conseil non permanent d’orientation de l’assurance chômage. Or le recueil et le traitement de données sont déjà assurés par la Dares et par l’Unédic ; il nous semble donc superfétatoire de créer une nouvelle instance à cette fin.
En outre, les concertations et les négociations en matière d’assurance chômage ont vocation à se tenir dans le cadre du paritarisme, et le Parlement peut en être informé grâce à ses prérogatives d’évaluation et de contrôle.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. L’idée défendue dans cet amendement est intéressante. En effet, un avis d’expert peut être utile pour la mesure des indicateurs économiques, par exemple dans le cas de la contracyclicité, que vous contestez, pour la mise en œuvre de modulations ou pour l’évaluation des perspectives financières de l’Unédic.
En revanche, cela relève de la négociation entre les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance chômage, que j’ai annoncée pour le premier semestre 2023.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Madame Lubin, l’amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
Mme Monique Lubin. L’idée est intéressante, donc je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les mesures qui permettraient de lutter contre le non-recours aux droits en matière d’assurance chômage.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. La loi du 5 septembre 2018 prévoit un rapport sur les conséquences du non-recours aux droits d’assurance chômage. L’étude réalisée par la Dares visait à apporter un éclairage quantitatif à ce phénomène, à caractériser la population concernée et à proposer des pistes d’explication.
Il en ressort que l’estimation du taux de non-recours des personnes non inscrites à Pôle emploi dans l’année qui suit leur fin de contrat varie entre 25 % et 42 %, selon le champ et les hypothèses retenus. Cela représente entre 390 000 et 690 000 personnes environ, essentiellement des salariés en contrat court.
Ces chiffres sont édifiants ; aussi, il nous semble important que le Gouvernement propose des pistes d’amélioration permettant d’assurer un meilleur recours au droit en matière d’assurance chômage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cette étude nous est parvenue tardivement, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, mais elle est intéressante. Il est vrai que nous manquons de certaines données sur l’assurance chômage, alors que nous devons dresser le bilan de certaines mesures et disposer de chiffres pour éclairer les débats.
Pour autant, nous avons déjà maintenu deux demandes de rapport dans ce texte, aux articles 6 et 7.
Toutes les informations relatives au non-recours sont intéressantes, monsieur le ministre, communiquez-nous des chiffres, nous avons besoin d’informations sur la gestion de l’Unédic et, au-delà, sur la façon dont le marché de l’emploi fonctionne dans notre pays.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Ce rapport a, certes, été rendu avec retard : il a été transmis au Parlement le 29 septembre dernier. Pour autant, il constitue une bonne base de travail.
Il présente une conclusion rassurante, même si elle n’est pas satisfaisante : parmi les causes de non-recours, il permet de repérer la trace de la volonté des personnes concernées, par exemple dans le cas d’un demandeur d’emploi qui, terminant un contrat, ne s’inscrit pas, car il sait qu’une autre période d’activité va s’ouvrir dans un délai court. En outre, ce travail indique que le taux de non-recours en matière de chômage est à peu près identique à celui que l’on a identifié pour d’autres prestations sociales. Les taux ne sont pas satisfaisants, mais ils ne sont pas moins bons que dans d’autres secteurs.
Nous devons travailler encore sur l’information et sur l’accès aux droits, mais nous n’avons pas besoin d’un second rapport sur le même sujet. Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Gold, l’amendement n° 81 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Gold. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié est retiré.
Article 1er bis AA (nouveau)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1243-11, il est inséré un article L. 1243-11- 1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1243-11- 1. – Lorsque l’employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée sous la forme d’un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente, de la même classification et sans changement du lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié et transmet cette notification à Pôle emploi. » ;
2° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie est ainsi modifiée :
a) Le I de l’article L. 5422-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S’il est constaté qu’un demandeur d’emploi a reçu à trois reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l’article L. 1243-11-1, le bénéfice de l’allocation d’assurance ne peut lui être ouvert au titre du 1° du présent I que s’il a été employé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée au cours de la même période. » ;
b) Il est ajouté un article L. 5422-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5422-2-2. – Les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 33 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 70 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 79 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 103 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié.
M. Yan Chantrel. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est fermement opposé à la philosophie de culpabilisation des chômeurs portée par ce projet de loi. Nous ne souscrivons donc pas à l’aggravation de cette logique que constitue la suppression, introduite en commission, de l’indemnisation chômage après trois offres d’emploi en CDI refusées à l’issue d’un CDD.
Il en est de même avec le principe de contracyclicité, inscrit sur l’initiative des rapporteurs dans le code du travail et qui vise à faire varier à la baisse ou à la hausse les indemnités des chômeurs en fonction de la situation économique du pays.
D’où cet amendement de suppression de l’article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 70.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à supprimer cet article, qui prévoit que, en cas de refus à trois reprises d’un CDI, un salarié en CDD ne pourra plus prétendre à l’indemnisation du chômage.
Cette mesure nous semble absurde et, en tout cas, injuste. Vous êtes prompts à nous expliquer que les chefs d’entreprise ont besoin des CDD et vous nous avez vanté la précarité avec tellement d’excès que l’on en voit maintenant les effets négatifs. En revanche, le salarié serait obligé d’accepter un CDI !
Si je devais choisir, je choisirais moi-même le CDI, mais au nom de quoi imposerions-nous cela aux salariés qui cotisent, alors que les CDD existent ?
Ensuite, monsieur le ministre, vous avez avancé, de mémoire, le chiffre de 40 % d’augmentation des créations de CDI, mais vous comparez l’année 2022 à l’année 2021. Or il serait plus juste de prendre comme base février 2020, dernier mois avant la pandémie. Ainsi, l’augmentation du nombre de CDI n’est que de 12 %. C’est mieux que rien, mais c’est insuffisant pour apporter la preuve d’une efficacité du dispositif de bonus-malus.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour présenter l’amendement n° 79 rectifié.
M. Éric Gold. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis AA, introduit par la commission des affaires sociales et qui prévoit de refuser l’indemnisation du chômage au salarié qui décline à trois reprises une proposition de CDI à l’issue d’un CDD.
Ce dispositif nous semble ne contenir aucun garde-fou permettant de vérifier si le refus du salarié est justifié ou non.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 103.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce florilège d’inventivité pour traquer les chômeurs qui ne voudraient pas retourner au travail va vraiment à contre-courant des phénomènes sociaux récents, comme la vague de démissions qui a suivi le confinement.
Ces épisodes révèlent l’aspiration des Français à des emplois de qualité et leur refus d’un travail dépourvu de sens, mal rémunéré, aux conditions dégradées.
Cet article ne fait que prolonger la politique du soupçon permanent envers des demandeurs d’emploi, qui seraient allergiques au travail et accros aux prestations, et qui refuseraient délibérément des offres d’emploi pour se complaire dans le chômage. Ils vivraient donc aux dépens des travailleurs, dont ils ont pourtant fait partie, puisqu’ils ont ouvert les droits qu’ils gaspilleraient ainsi.
M. Vincent Segouin. Oh là là !
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce récit a une fonction essentiellement idéologique. Il progresse malheureusement, à force d’être martelé, ce qui n’en fait pas pour autant une vérité. On peut toutefois regretter de le voir parfois complaisamment repris.
Selon l’OFCE – comment faut-il vous le dire ? – 8 % seulement des allocataires de l’assurance chômage ne rechercheraient pas vraiment d’emploi. Or, selon Pôle emploi, ces personnes sont le plus souvent déjà rattrapées par les contrôles et par les radiations pour non-recherche d’emploi ou refus de ces offres prétendument raisonnables.
De plus, la temporalité de douze mois semble ignorer que, selon l’Unédic, sept allocataires sur dix sont indemnisés durant moins d’un an.
Cet article a donc pour seul but l’affichage politique et idéologique !
M. Vincent Segouin. Oh là là !
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est nous qui devrions crier « oh là là ! » depuis deux heures !
Cet article n’ajoute rien au dispositif, déjà fourni, de sanctions envers les demandeurs d’emploi, mais il renforce l’entreprise, en visant à faire des chômeurs les responsables de leur situation.
Cet amendement vise donc à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’article 1er bis AA, que ces amendements visent à supprimer, a deux objectifs. Le premier est de priver les salariés de l’ARE en cas de refus répété d’offres d’emploi en CDI au terme d’un CDD, le second est d’inscrire dans le code du travail la dimension contracyclique du dispositif, déjà énoncée dans cet hémicycle.
Pour ce qui concerne le premier point, je vais vous répéter une phrase, issue de l’article L. 5422-1 du code du travail, qui résume l’essence même du droit de l’allocation chômage : « ont droit à l’allocation d’assurance chômage les travailleurs aptes au travail [qui] recherch[e]nt un emploi […] et dont […] la privation d’emploi est involontaire ».
Le code du travail dispose aujourd’hui qu’un salarié qui refuse, au terme d’un CDD, un CDI sur un même emploi avec une même rémunération n’a pas droit à la prime de précarité, laquelle s’élève à 10 % du salaire brut. Il s’agit là d’un premier pas qui permet de considérer qu’il n’y a pas, dans ce cas, privation involontaire d’emploi.
M. Vincent Segouin. Exactement !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Quand on est en CDD et que l’on refuse un CDI, peut-on être considéré comme étant en privation d’emploi involontaire ? Non. On fait un choix de vie.
Cet article ne vise pas à empêcher nos concitoyens de faire les choix de vie qu’ils souhaitent. Nous ne nous permettrons jamais de dire à des personnes qui veulent enchaîner les CDD sans signer de CDI que nous le refusons. Pour autant, à partir du moment où l’on fait ce choix, on n’a pas droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) On ne peut pas faire financer ses choix de vie par le système assurantiel.
M. Laurent Burgoa et Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission est donc défavorable à la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Madame la rapporteure l’a dit : l’article 1er bis AA a la particularité d’avoir deux objets très distincts.
L’un d’eux est d’inscrire dans la loi le principe de contracyclicité en fonction de la conjoncture économique. J’ai indiqué dans mon intervention liminaire que le Gouvernement considérait que cette piste était intéressante et y était favorable. Cela me conduit donc à ne pas souhaiter la suppression pure et simple de cet article.
En revanche, nous ne sommes pas favorables à l’autre objet de cet article, à savoir la disposition adoptée par la commission des affaires sociales consistant à priver d’ARE un demandeur d’emploi en cas de refus à trois reprises d’un CDI à la fin d’un CDD. J’aurai l’occasion de m’en expliquer en présentant l’amendement n° 95.
Dans cette attente, et indépendamment de ce désaccord sur sa deuxième partie, je ne souhaite pas la suppression de cet article, afin de préserver la contracyclicité introduite par la commission des affaires sociales.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Mes chers collègues, j’aimerais savoir sur quelles statistiques vous vous appuyez !
M. Laurent Burgoa. Sur la réalité !
Mme Monique Lubin. La réalité, vous la voyez depuis votre fauteuil ? (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Arrêtez donc !
Mme Monique Lubin. Je ne souhaite pas vous fâcher de nouveau, mes chers collègues, mais, comme je l’ai déjà indiqué lors de l’examen d’un autre projet de loi, il me semble par moments que nous sommes non plus au Sénat, mais ailleurs…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Où ça ?
Mme Monique Lubin. Disposez-vous donc de statistiques concernant le nombre de demandeurs d’emploi qui refusent un CDI à trois reprises après un CDD ? Nous ne pouvons pas inscrire des dispositions dans le marbre de la loi en nous fondant sur des éléments que nous avons glanés de-ci de-là. Comme M. Vanlerenberghe, dont j’ai apprécié l’intervention lors de la discussion générale, j’estime que ce n’est pas sérieux, car de telles dispositions peuvent pénaliser durablement.
Prenons l’exemple d’une personne de 50 ans qui, à cause de la fermeture de son entreprise, perd son emploi après trente ans de carrière, alors qu’elle avait le salaire correspondant à une telle ancienneté ; cela arrive partout en France, particulièrement dans mon territoire. Au bout de quelques mois, n’ayant pas retrouvé d’emploi équivalent à celui qu’elle a perdu et arrivant en fin de droits, elle accepte de travailler dans une entreprise industrielle située près de chez elle, par exemple dans l’agroalimentaire. Cet emploi est moins rémunéré, moins intéressant et peut-être un peu difficile, si bien que lorsque l’on va lui proposer un CDI, elle ne l’acceptera pas. À cet âge, j’estime qu’il est légitime que cette personne aspire à retrouver un emploi qui corresponde à son expérience et qui soit compatible avec son état de santé et son âge.
Qui sommes-nous donc pour inscrire dans le marbre des dispositions qui le lui interdiront et qui mettront en difficulté des personnes dont nous ne connaissons pas la vie ? Qui sommes-nous, mes chers collègues ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voterai naturellement contre ces amendements, mais je souhaite adresser un petit clin d’œil à Mme le rapporteur.
Madame le rapporteur, vous avez émis un avis défavorable sur l’amendement n° 2 rectifié présenté par M. Paccaud, car vous estimiez que le dispositif de l’offre raisonnable d’emploi ne peut pas fonctionner.
Pouvez-vous affirmer que ce dispositif proposé par la commission, qui consiste à supprimer l’ARE à des personnes qui refusent trois fois un CDI à l’issue d’un CDD, fonctionnera mieux que l’offre raisonnable d’emploi ? Permettez-moi d’en douter, car cela me semble relever tout autant de l’usine à gaz…
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Prenons la situation par l’autre bout : si cette personne se trouve dans cette situation, c’est qu’elle s’est vu proposer trois fois un CDD. Or je rappelle que ce sont les contrats courts et les ruptures de contrat qui coûtent le plus à l’assurance chômage – on a parlé d’un coût de 2 milliards d’euros, mais je crois que c’est bien davantage.
Je propose donc que l’on oblige les employeurs à proposer trois fois un CDI !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 rectifié, 70, 79 rectifié et 103.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 62, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1242-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1242-2. – Le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :
« 1° Remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail et pour pourvoir directement le poste de travail du salarié absent ;
« 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Au titre de ce motif, le nombre de salariés occupés en contrat de travail à durée déterminée ne peut excéder 10 % de l’effectif moyen occupé au cours de l’année civile précédente dans les entreprises d’au moins onze salariés. Le nombre obtenu est arrondi à l’unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d’ancienneté dans l’entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée ;
« 3° Emplois à caractère saisonnier de courte durée définis par décret ou pour lesquels dans certains secteurs d’activité définis par décret, il est d’usage constant et établi de recourir à des emplois temporaires en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
« 4° Remplacement d’un chef d’entreprise temporairement absent ;
« 5° Réalisation d’un contrat d’apprentissage. » ;
2° Les articles L. 1242-3 et L. 1242-4 sont abrogés.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. À rebours de l’article 1er bis AA, qui pénalise les salariés en CDD, cet amendement vise à encadrer les contrats de travail à durée déterminée afin que ceux-ci cessent d’être utilisés comme un mode de gestion de la main-d’œuvre des entreprises, pour lesquelles les CDD constituent parfois une variable d’ajustement.
Nous proposons donc, au travers de cet amendement, de limiter le nombre de personnes en contrat à durée déterminée à 10 % de l’effectif total dans les entreprises d’au moins onze salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement tend à réécrire les dispositions du code du travail relatives aux cas de recours au contrat à durée déterminée de manière à les limiter. Il s’agit en particulier de prévoir que le nombre de salariés employés en CDD pour cause d’accroissement temporaire d’activité ne puisse excéder 10 % de l’effectif moyen de l’entreprise au cours de l’année précédente.
Il en résulterait un cadre excessivement rigide et, de surcroît, cet amendement vise à supprimer l’article permettant de conclure des CDD au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, privant ainsi de base juridique certains contrats aidés.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 95 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 111 rectifié est présenté par MM. Lévrier et Iacovelli, Mme Havet, MM. Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Haye, Lemoyne, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Dumont, M. Cadic, Mme Ract-Madoux et MM. Verzelen, Calvet et Guerriau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2, 3, 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 95.
M. Olivier Dussopt, ministre. Au travers de cet amendement, nous proposons au Sénat de supprimer la disposition adoptée par la commission des affaires sociales prévoyant la privation du droit à l’ARE après le refus de trois CDI au cours d’une même année.
Une telle disposition pose en premier lieu une difficulté d’ordre pratique.
En effet, malgré les efforts de la commission des affaires sociales du Sénat, la procédure de notification par les entreprises et de croisement des systèmes d’information rend assez hasardeuse la mise en œuvre d’un tel dispositif – je rejoins M. le sénateur Reichardt sur ce point –, qui plus est à l’échelle d’une seule année. Ainsi, en dépit de toute la bonne volonté employée à rendre le dispositif opérationnel, on peinerait à l’appliquer, sauf à créer une procédure extrêmement lourde de déclaration des CDI par les entreprises et de suivi de ces déclarations par Pôle emploi.
On pourrait d’ailleurs imaginer qu’un demandeur d’emploi refuse au cours d’une même année trois CDI – situation déjà assez rare – dans trois départements différents, voire dans trois régions différentes. Il serait alors très difficile aux agences de Pôle emploi d’en réaliser le suivi.
En second lieu, au-delà de la difficulté pratique, de la lourdeur des procédures et de la quasi-incapacité, d’après moi, de nos services à assurer rapidement un tel suivi, cette disposition pose une difficulté de principe.
Je l’exprimerai sans doute avec moins de verve que Mme Lubin précédemment, mais je considère que lorsqu’un salarié recruté en contrat à durée déterminée honore jusqu’au bout et sans faillir la totalité des engagements contractuels qu’il a pris, il n’y a pas lieu de le sanctionner.
À nos yeux, c’est une situation très différente de l’abandon de poste, qui consiste en une rupture unilatérale d’un engagement contractuel sans crier gare, si vous me permettez cette expression, cette disparition soudaine plaçant le chef d’entreprise dans l’embarras.
A contrario, le fait, à l’issue d’un contrat à durée déterminée, de ne pas souhaiter prolonger son engagement dans le cadre d’un CDI – quand bien même les conditions seraient équivalentes, ce qu’il est difficile de garantir par ailleurs –, après avoir honoré l’intégralité de ses engagements contractuels, ne me paraît pas constituer une forme de faute ou d’erreur. Je ne vois donc pas de raison de le sanctionner.
En revanche, il nous faut travailler sur la question des ORE et sur les sanctions auxquelles le refus d’une telle offre expose le demandeur d’emploi. Sur ce point, je vous renvoie aux dispositions de l’article 6.
Dans l’attente de ce travail, et pour une période de quatorze mois seulement, je vous invite à adopter cet amendement de suppression des dispositions privant d’ARE les titulaires de CDD refusant une offre de CDI à trois reprises au cours d’une même année.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 111 rectifié.
M. Martin Lévrier. Je ne reprendrai pas les arguments brillamment exposés par notre ministre. Je me contenterai de soulever quelques questions qui me préoccupent.
La commission propose que l’employeur avise Pôle emploi. Mais que doit-il notifier et comment ? Il me paraît très important de clarifier ce point : doit-il notifier la raison du refus du salarié ? Doit-il transmettre toutes les pièces permettant de justifier de son offre de CDI ou simplement en informer Pôle emploi ?
Par ailleurs, une immense majorité – il est impossible de préciser quelle proportion, car il n’y a pas d’études sur le sujet – des salariés en CDD qui refusent un CDI ont de bonnes raisons de le faire. La mesure proposée, qui contribuerait à complexifier le code du travail, vise donc à s’attaquer non pas à un raisonnement logique, mais à un aléa.
Admettons néanmoins que cette mesure soit mise en œuvre : vers qui la personne privée d’allocations pour avoir refusé trois CDI se retournerait-elle pour contester la décision ? Vers Pôle emploi ? Vers l’un des trois employeurs éconduits ? Et dans ce cas, comment l’employeur devrait-il justifier du refus du CDI ?
Nous sommes en train de mettre en place une usine à gaz pour les employeurs et pour les allocataires. Si nous voulons aller vers le plein emploi, nous devons au contraire fluidifier le marché du travail. La mesure proposée aurait pour effet de le complexifier au seul motif que l’on s’imagine par principe que les personnes qui refusent un CDI souhaitent simplement profiter de vacances.
Je ne m’inscris pas dans une telle logique.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Mélot, MM. Chasseing, Grand, Guerriau et Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
équivalente
insérer les mots :
pour une durée de travail équivalente
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. La commission a introduit, via ce nouvel article, la notification par l’employeur à Pôle Emploi d’un refus de CDI au terme d’un CDD. Parmi les critères indiqués pour qu’un tel refus soit comptabilisé, celui de la rémunération au moins équivalente est essentiel pour sécuriser le dispositif, à la fois pour les entreprises et pour les salariés.
Cependant, la rédaction actuelle ne précise pas que cette notion doit s’entendre pour une durée de travail équivalente. L’objet de cet amendement est de préciser cette définition.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par Mme Jacquemet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette procédure n’est pas applicable aux contrats saisonniers mentionnés au 3° de l’article L. 1242-2.
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
à trois reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition
par les mots :
, au cours d’une période déterminée par les accords relatifs à l’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422-20, un nombre, fixé par les mêmes accords, de propositions
La parole est à Mme Annick Jacquemet.
Mme Annick Jacquemet. L’article 1er bis AA, introduit dans le texte en commission, sur proposition de nos rapporteurs, prévoit l’annulation des allocations chômage du salarié qui aurait refusé plusieurs fois, sur une période donnée, que son CDD se poursuive en CDI. Estimant que le principe posé par la commission est opportun, je l’ai soutenu en commission.
Toutefois, nous ne disposons pas des statistiques relatives tant à la durée moyenne des CDD qu’au nombre moyen de CDD par salarié sur douze mois. Pourquoi 3 CDD, ou 1, comme proposé via un autre amendement ? Pourquoi sur douze mois ?
Au travers de cet amendement, je propose de conserver le principe de la disposition adoptée en commission, mais de confier à la prochaine convention d’assurance chômage le soin d’en déterminer les critères. Le temps restant entre l’adoption de ce projet de loi et la signature de la prochaine convention d’assurance chômage ou la publication du décret en Conseil d’État visé à l’alinéa 1 de l’article 1er du présent texte permettra de collecter les données objectives afin de rendre ce principe opérant.
Je précise que cet amendement a été cosigné par près de vingt collègues, mais que, du fait d’une erreur technique, ces derniers n’apparaissent pas. Je les prie de bien vouloir m’en excuser.
M. le président. Je vous remercie de cette précision, ma chère collègue.
L’amendement n° 110 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette procédure n’est pas applicable aux contrats saisonniers mentionnés au 3° de l’article L. 1242-2.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’article 1er bis AA introduit en commission vise à priver les salariés d’indemnisation du chômage en cas de refus répétés d’offres d’emploi en contrat à durée indéterminée au terme de contrats à durée déterminée.
Cet article ne semble toutefois pas distinguer entre les différents cas de recours au CDD. Cet amendement vise donc à exclure du dispositif proposé les travailleurs saisonniers afin de ne pas les pénaliser.
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 8
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
…°Après le premier alinéa du I de l’article L. 2312-26, il est inséré un alinéa rédigé :
« Les modalités de recours aux contrats de travail à durée déterminée et aux salariés des entreprises de travail temporaire font l’objet d’une consultation annuelle du comité social et économique et d’un avis conforme. Les contrats ne peuvent être conclus que s’ils respectent les modalités de recours ayant reçu l’avis conforme du comité, qui peut saisir l’inspecteur du travail. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le présent amendement vise à remplacer le dispositif proposé par la majorité sénatoriale, que nous jugeons particulièrement régressif, par le renforcement des pouvoirs du comité social et économique (CSE) en matière de recours aux formes précaires de contrat de travail – contrats à durée déterminée, intérim – par l’entreprise.
Dans ce domaine, l’avis conforme du comité social et économique doit être requis afin de prévenir de manière effective le développement de contrats atypiques au sein du collectif de travail.
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Duplomb, Retailleau et J.M. Boyer, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Cambon, Anglars, Tabarot, E. Blanc, Reichardt, Cuypers et Sol, Mme Pluchet, MM. Sido, H. Leroy, Bascher et Burgoa, Mme Dumont, MM. Savin, Milon et Bouchet, Mme Eustache-Brinio, M. Babary, Mme Garnier, MM. Chatillon, Favreau, Decool et de Legge, Mmes Chauvin, Berthet, Gruny et Gosselin, M. C. Vial, Mme Perrot, MM. Bouloux, Bonhomme et Cigolotti, Mmes Bellurot et Herzog et M. Allizard, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Si la privation d’emploi résulte du refus d’une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l’article L. 1243-11-1, le bénéfice de l’allocation d’assurance ne peut pas être ouvert au demandeur d’emploi au titre du 1° du présent I. » ;
La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Cet amendement vise à abaisser le seuil de déclenchement de cette disposition de trois refus de CDI à un seul.
Dans nos circonscriptions, de nombreux chefs d’entreprise nous indiquent qu’ils ont beaucoup d’offres d’emploi qui ne sont pas pourvues. Or, après un CDD, un CDI constitue une opportunité de travail pérenne. Par conséquent, pourquoi une personne qui refuserait deux CDI pourrait-elle encore percevoir des allocations chômage ?
Je propose de n’offrir aucune possibilité de refus. Ainsi, si une personne en CDD refuse un CDI, elle est libre de travailler pour une autre entreprise, mais elle ne percevra pas d’allocations chômage.
Revenons aux vraies valeurs du travail ! Se voir proposer un contrat à durée indéterminée après un contrat à durée déterminée constitue plutôt un avantage qu’un inconvénient !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et voilà !
M. André Reichardt. C’est tout simple !
14
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat des Philippines, conduite par son président M. Juan Miguel Fernandez Zubiri. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.)
Cette délégation a été reçue par le groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est, présidé par notre collègue Mathieu Darnaud. La délégation est en France jusqu’au 28 octobre, pour un déplacement axé sur les thématiques de la sécurité alimentaire, de l’énergie nucléaire et de la défense.
Elle a visité hier la centrale de Flamanville et les chantiers de Naval Group. Elle sera reçue ce soir par le président Gérard Larcher et le vice-président Roger Karoutchi.
Nous espérons que les excellents rapports entre nos deux chambres hautes s’intensifieront et seront au cœur de l’épanouissement des relations entre nos pays, alors que la région indopacifique est traversée par de vives tensions.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat philippin, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)
15
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er bis AA, à l’avis de la commission sur les sept amendements en discussion commune nos 95, 111 rectifié, 9 rectifié, 45, 110 rectifié, 65 et 83 rectifié.
Article 1er bis AA (suite)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sept amendements en discussion commune ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Permettez-moi tout d’abord de répondre à Mme Lubin, qui me demandait qui nous étions pour décider qu’un salarié refusant à trois reprises un CDI à l’issue d’un CDD n’aurait pas droit à l’allocation de retour à l’emploi.
Eh bien, ma chère collègue, nous sommes simplement des personnes qui savons lire, car le code du travail conditionne le bénéfice de l’allocation de retour à l’emploi à une privation d’emploi « involontaire ». Une personne refusant un CDI au terme d’un CDD est-elle privée d’emploi de façon involontaire ? Non. Il suffit de lire, ma chère collègue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je réponds ensuite à M. le ministre, tout en rendant son clin d’œil à mon collègue André Reichardt.
Monsieur le ministre, vous affirmez que la mise en pratique de la disposition que nous proposons sera difficile. Peut-être ! Mais est-ce une raison pour y renoncer, si nous sommes d’accord sur le principe ? Dans ce cas – pardonnez-moi de vous le dire –, nous ne servirions pas à grand-chose !
Je considère pour ma part que, lorsqu’on a la volonté et l’ambition, l’aspect opérationnel relève du détail et qu’il nous revient de résoudre les difficultés éventuelles qui peuvent se poser.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. D’où l’avis défavorable de la commission sur les amendements identiques nos 95 et 111 rectifié.
L’amendement n° 9 rectifié de M. Capus tend à préciser que la notion de rémunération au moins équivalente du CDI proposé à l’issue d’un CDD doit s’entendre pour une durée de travail équivalente. Cette précision nous paraissant utile, notre avis sur cet amendement est favorable.
L’amendement n° 45 de Mme Jacquemet vise, d’une part, à exclure les contrats saisonniers du champ d’application de la suppression de l’indemnisation du chômage après trois refus de CDI et, d’autre part, à renvoyer aux partenaires sociaux la détermination du nombre de CDI refusés pour l’application de ce dispositif. La commission estime qu’il convient de ne pas traiter différemment les emplois saisonniers et elle a fait le choix d’inscrire directement dans le texte le nombre de refus de CDI déclenchant l’application du dispositif. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 110 rectifié de Mme Carrère, qui vise également à exclure les contrats saisonniers du dispositif, s’inscrit dans la même logique ; avis défavorable.
L’amendement n° 65 de Mme Apourceau-Poly tend à soumettre à l’avis conforme du CSE les modalités de recours au CDD et au travail temporaire. Il est déjà prévu que le CSE soit consulté sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. À ce titre, cette instance est informée par l’employeur sur le recours aux CDD et au travail temporaire et peut émettre un avis sur le sujet. En revanche, il n’est pas un organe compétent pour déterminer la politique de recrutement de l’entreprise. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Quant à l’amendement n° 83 rectifié de MM. Duplomb et Retailleau, vous aurez déduit de mes propos que la commission et le rapporteur y sont favorables. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement maintient son amendement n° 95 de suppression.
Le code du travail prévoit déjà que, à l’issue d’un CDD, un salarié qui est allé au bout de son engagement contractuel et qui refuse le CDI qui lui est proposé à des conditions au moins équivalentes peut ne pas percevoir la prime de précarité. Cela nous paraît suffisant ; nous estimons qu’il n’y a pas lieu de sanctionner davantage ce salarié.
Dans ces conditions, vous comprendrez que je sois trois fois plus défavorable (Sourires.) à l’amendement n° 83 rectifié de M. Laurent Duplomb, qui vise à réduire le nombre de refus de trois à un. J’estime qu’une telle disposition est trop sévère et restrictive.
Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur les amendements nos 45 et 65.
Enfin, sur les amendements nos 9 rectifié et 110 rectifié, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. En effet, il s’oppose aux dispositions adoptées par la commission des affaires sociales, mais si ces dispositions étaient maintenues dans le cadre de la navette, les précisions que ces deux amendements tendent à apporter seraient utiles.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Le fait de savoir lire ne garantit nullement que nous disposions de tous les éléments qui peuvent amener des personnes à refuser un CDI, madame le rapporteur, donc que nous puissions inscrire une telle disposition dans la loi. Je vous renvoie à l’exemple que j’ai donné précédemment, qui est fort répandu.
Cela dit, puisque nous sommes manifestement lancés dans une course à l’échalote, supprimons carrément les indemnisations chômage et l’Unédic ! Il y a fort à parier que tout le monde retrouvera un emploi et que les 320 000 offres d’emploi non pourvues trouveront preneur du jour au lendemain ! (Mme Émilienne Poumirol et Yan Chantrel applaudissent.)
Mme Catherine Procaccia. Tout en nuance !
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Tout en comprenant la philosophie qui sous-tend cette disposition, je souhaite vous soumettre un exemple, mes chers collègues.
Un demandeur d’emploi doit démarrer en septembre 2023 une formation qui lui permettra d’accepter un emploi dans un métier en tension. En attendant de commencer celle-ci, cette personne enchaîne les CDD « alimentaires », ce qui lui permettra de plus d’avoir des droits pendant sa formation. Si cette personne se voit proposer trois CDI à l’issue de ses CDD et les refuse pour effectuer sa formation, elle perdra ses droits. Le risque est donc que cette personne renonce à sa formation à un métier en tension.
Cela revient à traiter les personnes qui ont honoré leur contrat et leurs engagements comme si elles avaient commis une faute.
Par ailleurs, quid des demandeurs d’emploi qui déclarent ne chercher que des CDD comme offres raisonnables d’emploi ? Les privera-t-on de droits s’ils refusent un CDI ?
Je voterai les amendements de suppression nos 95 et 111 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je voterai également pour ces amendements de suppression.
Poussons un peu le raisonnement. Si l’on prive un salarié d’ARE dès le premier CDI refusé à l’issue d’un CDD, pourquoi l’employeur n’a-t-il pas proposé d’emblée un CDI ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. C’est comme ça !
M. Laurent Duplomb. C’est sa période d’essai !
M. le président. Mes chers collègues, c’est Mme Raymonde Poncet Monge qui a la parole, veuillez l’écouter !
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous semblez ne vous intéresser qu’aux employeurs, mes chers collègues, eh bien, pour ma part, quand j’étais employeur, je ne proposais que des CDI, car je souhaitais fidéliser mes salariés.
Faire systématiquement précéder une offre de CDI d’un CDD revient à prolonger la période d’essai d’un à trois mois, c’est un contournement du droit ! Lorsque j’ai dit cela, j’ai causé beaucoup de brouhaha, mais, je le répète, pourquoi les employeurs ne proposent-ils pas un CDI d’emblée ?
Le droit du travail prévoit qu’un salarié en CDD auquel on propose un CDI ne perçoit pas la prime de précarité. Soit, mais s’il est vrai que ce salarié ne subit plus la précarité, il l’a tout de même subie pendant la durée de son CDD, que ce soit pour obtenir un prêt bancaire ou pour se loger, et ce, du fait de l’employeur qui lui a d’abord proposé un CDD.
Les droits et les devoirs concernent les deux parties au contrat. On voit là toute l’absurdité de votre proposition…
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. J’expliquerai pour ma part pourquoi je suis défavorable à ces amendements identiques ; c’est-à-dire favorable à l’application des dispositions prévues au présent article, et même dès le premier CDI refusé.
Dans toutes les zones industrielles de mon territoire, l’ouest de la France, on trouve des panneaux indiquant que l’on cherche du personnel.
M. Laurent Duplomb. Absolument !
M. Philippe Mouiller. Permettez-moi de vous faire part d’une histoire personnelle. Dans ma commune, j’ai accompagné un jeune réfugié dans sa recherche d’emploi. Il a rapidement signé un CDD de six mois avec six autres jeunes. Au terme de son contrat, il me dit qu’il a signé un CDI et qu’il regrette de s’être « fait avoir ». En réponse à mes interrogations, il m’indique que les six autres jeunes n’ont pas accepté le CDI afin de percevoir des allocations chômage avant de signer un nouveau CDD, dont l’offre est abondante dans mon territoire. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Laurent Duplomb. C’est la réalité !
M. Philippe Mouiller. Cette expérience me pousse à soutenir l’amendement n° 83 rectifié. Nous avons des emplois, nous avons également la possibilité d’accompagner les personnes socialement, au-delà de la recherche de travail. Le problème ne vient pas de là. La véritable difficulté est la mobilisation de tous les acteurs pour que les entreprises et les salariés s’y retrouvent. La recherche de cette adéquation bénéficiera à la fois à l’économie et à la réinsertion. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je connais des exemples similaires à celui que vous donnez, monsieur Mouiller, mais je peux également citer des contre-exemples.
Je connais ainsi des employeurs qui proposent un CDI à l’issue d’un CDD afin de diminuer le salaire de leur salarié, en l’espèce un commercial.
M. Philippe Mouiller. Alors il touchera le chômage !
M. Martin Lévrier. Pas forcément.
Par ailleurs, il est très compliqué de rompre un CDD, pour le salarié comme pour l’employeur. Je connais donc des employeurs qui transforment un CDD en CDI afin de se débarrasser d’un salarié. Est-ce légitime ?
Les dispositions dont nous débattons visent de rares aléas et elles contribueront à complexifier le droit encadrant les CDD et les CDI, qui est plutôt satisfaisant.
Ou alors ouvrons un débat sur le rôle du CDD, mais, en tout état de cause, je suis convaincu que les dispositions dont nous débattons ne sont pas du tout opportunes pour les employeurs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 95 et 111 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l’amendement n° 83 rectifié.
M. André Reichardt. J’ai déjà exprimé mon scepticisme quant à la possibilité de mettre en œuvre sans difficulté le dispositif introduit en commission. M. le ministre a bien voulu abonder dans mon sens, en reprenant le terme d’« usine à gaz » que j’avais hésité à prononcer. De fait, ce dispositif risque vraiment d’être une usine à gaz et je donne rendez-vous à tous ceux qui le voteront, même si je suis prêt à voter de même par solidarité dans le cas où l’amendement n° 83 rectifié de M. Duplomb ne serait pas adopté. Nous rencontrerons vraisemblablement les mêmes difficultés que celles auxquelles nous nous sommes heurtés avec l’offre raisonnable d’emploi.
J’ai donc réfléchi à la manière de rendre efficace le dispositif proposé par la commission et cet amendement de M. Duplomb me semble la seule voie possible. À partir du moment où l’on a, comme M. Duplomb, la volonté de régler un tant soit peu les tensions actuelles sur le marché de l’emploi – c’est aussi l’objectif de ce projet de loi –, il faut avoir le courage politique de prévoir que, si la privation d’emploi résulte du refus d’une proposition de contrat à durée indéterminée, le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne peut pas être ouvert au demandeur d’emploi, et ce dès le premier refus.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. La disposition proposée aurait de nombreux effets de bord. Quid d’un couple dans lequel l’une des personnes est au chômage, tandis que l’autre sait qu’elle doit être mutée dans une autre région dans un délai de six mois ? Il est certain que celle qui est au chômage n’acceptera aucun CDI, au risque de perdre ses allocations si nous adoptons cet amendement, tout simplement parce qu’elle ne sera pas en mesure de le faire.
En outre, qui dit « pas d’allocation chômage » dit « possibilité de toucher le RSA sous trois mois » ; ainsi, ce sont les départements qui paieront. On peut donc s’interroger sur la recevabilité de cet amendement au titre de l’article 40 de la Constitution, car il crée une charge de trésorerie supplémentaire pour les départements.
Enfin, comment justifier d’un point de vue constitutionnel que l’on empêche une personne de percevoir des allocations, alors qu’elle a cotisé et s’est ainsi vue légalement ouvrir des droits ?
Par conséquent, le groupe Union Centriste ne votera pas cet amendement et s’en tiendra à la proposition initiale de la commission, qu’il trouve équilibrée.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je ne comprends pas bien le débat. On en est à 7 % de chômeurs en France et certaines entreprises cherchent des salariés. Il ne s’agit pas de dire que celui qui refuse un CDD se retrouvera sans rien, mais de prévoir que celui qui refuse un CDI après un CDD ne pourra pas toucher le chômage. Rien ne l’empêche pour autant d’aller travailler dans une autre entreprise !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Exact !
M. Laurent Duplomb. Quand finira-t-on par comprendre dans ce pays que, pour que les choses marchent, il faut créer de la valeur ? Si l’on veut pouvoir redistribuer, il faut créer de la valeur !
Or, s’il n’y a plus personne dans les entreprises, comment voulez-vous créer de la valeur et redistribuer ? Puisera-t-on dans la dette, alors qu’elle atteint déjà 3 000 milliards d’euros ?
À un moment, il faut savoir ce que l’on veut. Quand il y a 7 % de chômeurs et 2 millions de personnes au RSA, si on ne les incite pas – il ne s’agit pas de les y obliger – à aller au travail, comment faire ? Il n’y a qu’à continuer ainsi et tout le monde pratiquera le sport national qui consiste à prendre un CDD, peu importe qu’il débouche sur un CDI ou pas, le but étant de toucher le chômage. Continuons donc ainsi, et attendons encore quelques années avant de nous reposer la question ! (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains. – Murmures sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 83 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.) – (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, il y a égalité ; l’amendement est donc rejeté.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Mélot, MM. Chasseing, Grand, Guerriau et Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article L. 5422-25 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces mesures peuvent notamment correspondre aux modulations prévues à l’article L. 5422-2-2. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. La commission a choisi d’inscrire dans la loi la possibilité de moduler les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits à l’allocation d’assurance chômage et leur durée. Toutefois, l’article ne précise pas comment ces modulations peuvent être opérées ni par qui.
Le présent amendement vise donc à compléter l’article relatif au suivi financier du régime d’assurance chômage, afin de préciser que le document transmis chaque année par le Gouvernement au Parlement et aux partenaires sociaux, pour établir les dispositions à mettre en place en vue d’atteindre l’équilibre financier à moyen terme, peut faire apparaître des mesures de modulation.
Une telle indication permet en outre de préciser que les modulations sont envisagées sur un rythme annuel, afin d’épouser aux mieux les évolutions du marché du travail tout en sécurisant les assurés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire des mesures contracycliques dans le rapport sur la situation financière de l’assurance chômage. Pour être efficace, la modulation de l’indemnisation du chômage en fonction d’indicateurs conjoncturels doit avoir un caractère automatique. Elle ne serait donc pas conçue comme une mesure visant à corriger la trajectoire financière de l’assurance chômage, mais comme un mécanisme permanent visant à lui donner un caractère plus incitatif, en période d’expansion ou de tension du marché du travail, et plus protecteur en période de ralentissement ou de récession. C’est le principe de la contracyclicité.
Toutefois, même si nous partageons avec les auteurs de cet amendement le souci d’améliorer la situation financière de l’Unédic, nous considérons que ce mécanisme contracyclique n’est pas l’instrument approprié pour y parvenir.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Mélot, l’amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er bis AA, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRCE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 215 |
Contre | 105 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article 1er bis AA
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par MM. Duplomb et Retailleau, Mme Micouleau, MM. J.M. Boyer et Bascher, Mmes Eustache-Brinio et Chauvin, M. Cigolotti, Mme Pluchet, MM. Bacci et Cambon, Mme Berthet, MM. Chatillon et Bonnus, Mme Belrhiti, MM. D. Laurent et Paccaud, Mmes Procaccia et Férat, MM. Panunzi, Wattebled, Savin et Anglars, Mme Canayer, M. H. Leroy, Mmes Dumas, Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Somon, Bouchet, Belin, Chasseing, Gremillet, Mouiller, Sol, Pointereau, Laménie, Klinger, E. Blanc et Tabarot, Mme Joseph, MM. Saury et Cadec, Mme Loisier et MM. J.P. Vogel, Brisson, Joyandet, Regnard, Reichardt, de Legge, Bonhomme, Frassa et Cuypers, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1251-33, il est inséré un article L. 1251-33-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1251-33-1. – Lorsque, à l’issue d’une mission, l’entreprise utilisatrice propose au salarié de conclure un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail, elle notifie cette proposition par écrit au salarié et transmet cette notification à Pôle emploi. » ;
2° Le I de l’article L. 5422-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si la privation d’emploi résulte du refus d’une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l’article L. 1251-33-1, le bénéfice de l’allocation d’assurance ne peut pas être ouvert au demandeur d’emploi au titre du 1° du présent I. »
La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Cet amendement ressemble à celui que je viens de défendre, à la différence près que celui-ci porte sur les intérimaires. Que constate-t-on actuellement quand on est sur le terrain ? Beaucoup de chefs d’entreprise m’expliquent que des intérimaires qui ont travaillé six mois chez eux et qui ont donné satisfaction refusent le CDI qu’on leur propose, parce qu’ils préfèrent bénéficier des allocations chômage maintenant qu’ils ont rechargé leurs droits !
Il ne s’agit pas d’obliger l’intérimaire à prendre le CDI, mais de lui laisser le choix : soit l’accepter, soit rester intérimaire, sachant qu’en aucun cas il ne touchera les allocations chômage. Autrement dit, je propose qu’un intérimaire qui a travaillé six mois dans une entreprise et à qui l’on propose un CDI dans les mêmes conditions ne puisse pas toucher le chômage en cas de refus. (M. André Reichardt applaudit.)
M. Vincent Segouin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il ne vous surprendra pas, car nous avons suivi exactement la même logique que précédemment. Quand un intérimaire refuse un CDI, peut-on considérer qu’il est privé d’emploi de manière involontaire ? La réponse est non.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. Vincent Segouin. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il est défavorable, pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 83 rectifié qui portait sur les CDD. J’attire l’attention du Sénat sur le fait que, si cet amendement était adopté, le traitement des intérimaires serait finalement plus sévère que celui des salariés en CDD. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Et toutes les infirmières qui partent en intérim ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour moi, cet amendement n’est pas le même que ceux qui tendaient à permettre de refuser jusqu’à trois CDI. Il concerne des personnes qui ont fait un choix de vie, celui de l’intérim, avant de s’arrêter et de préférer rester au chômage. Un intérimaire peut tout à fait décider de rester en intérim ; ce qui pose problème, c’est une personne qui choisirait de s’arrêter de travailler, alors même qu’on lui a proposé un CDI, pour bénéficier du chômage. Dans ce cas précis, il me semble légitime de refuser le versement d’indemnités.
Des collègues ont rappelé la précarité et la fragilité dans laquelle peuvent se trouver certaines personnes, mais ce n’est pas le cas de ces gens-ci, qui sont diplômés, loin d’être marginalisés, et dont le choix de vie ne justifie en rien qu’ils touchent les allocations chômage.
M. Vincent Segouin. Bravo !
M. André Reichardt. Qu’ils ne fassent pas payer les autres !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je remercie nos collègues d’avoir déposé cet amendement. Monsieur le ministre, dans la période où nous sommes, vous souhaitez que l’on arrive au plein emploi. Il faut donc inciter les gens à travailler.
Or ce qui me préoccupe constamment, c’est la question des retraites. Je comprends parfaitement le choix des intérimaires : quand j’exerçais comme médecin, j’ai eu beaucoup de jeunes patients qui enchaînaient les postes en intérim et qui refusaient les CDI, car ils préféraient travailler pendant quelques mois, puis faire autre chose ensuite.
Cependant, nous évoluons dans une société qui ne peut plus se permettre ce genre de liberté, me semble-t-il. Il faut donc trouver un système incitatif pour éviter d’avoir à payer la note, car finalement tout le monde devra travailler plus pour équilibrer le système des retraites et compenser le fait que d’autres auront voulu travailler moins, à un certain moment, dans notre société.
Par conséquent, il me semble que les auteurs de cet amendement nous rendent service en voulant inciter un certain nombre de personnes à changer de modèle, même si l’état d’esprit qui consiste à vivre aux dépens de la société à un certain moment de sa vie peut paraître enviable. Je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Cela vous étonnera peut-être, mes chers collègues, mais je voterai cet amendement. L’intérim pose un réel problème dans le secteur médico-social, où l’on se retrouve désemparé quand, alors même que l’on manque de personnel, certains renoncent à un CDI pour choisir l’intérim. La situation est incompréhensible. Je voterai donc cet amendement. (Exclamations de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre, ne pas régler le problème de l’intérim, c’est laisser la possibilité à toutes les infirmières qui travaillent dans les hôpitaux publics de démissionner, d’intégrer une entreprise d’intérim, puis de revenir travailler dans le même hôpital en bénéficiant de garanties supplémentaires par rapport à leurs collègues en matière de salaire et, au bout de six mois, de recharger leurs droits au chômage.
Mme Pascale Gruny. C’est vrai, cela se fait déjà !
M. Laurent Duplomb. Voilà l’exemple que l’on donnera si l’on ne vote pas cet amendement ou si, comme vous, l’on s’y oppose. Telle sera l’image que donnera le Gouvernement ! Vous pourrez investir tout l’argent que vous voudrez dans les hôpitaux, vous ne réglerez pas le problème sans en finir avec cette possibilité. Ce sera la gangrène de tous les systèmes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Vous prenez l’exemple d’une situation très particulière…
M. Laurent Duplomb. Il y en a des dizaines !
Mme Monique Lubin. … et vous la généralisez pour dire qu’il faudrait pénaliser toutes les personnes qui travaillent en intérim. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mon cher collègue René-Paul Savary, les personnes que vous avez citées ont fait le choix, en effet, à un moment de leur vie, de ne travailler qu’en intérim, mais elles y passent tout leur temps ! (M. René-Paul Savary le conteste.) En réalité, elles sollicitent peu Pôle emploi.
Vous mentionnez les infirmières et les aides-soignantes, mais il y a un autre problème auquel vous devriez vous attaquer dans ce secteur, à savoir celui de l’auto-entrepreneuriat. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Je vous assure que, dans ces métiers, nombreux sont ceux qui se placent sous ce statut, faisant ainsi gonfler le budget des hôpitaux.
Un artisan coiffeur m’a rapporté qu’une salariée en CDD avait refusé un CDI parce qu’elle préférait le statut d’auto-entrepreneur pour proposer ses services à des employeurs en se faisant rémunérer bien au-dessus du Smic. Ceux-ci n’ont d’autre choix que de la recruter, car ils ne trouvent plus de main-d’œuvre. C’est ainsi que l’on dévoie le système de l’auto-entrepreneuriat tout en présentant un miroir aux alouettes à ceux qui s’engagent dans cette voie.
Si certaines entreprises ne parviennent pas à recruter de salariés, c’est aussi parce que se développe ce genre de système, contre lequel on ne lutte pas. C’est pourtant un sujet qu’il faut prendre à bras-le-corps plutôt que de chercher à pénaliser absolument, dans le marbre dans la loi, tous les demandeurs d’emploi. Je ne sais pas quelle mouche vous a piqués, mes chers collègues, mais je vous trouve extrêmement durs ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. J’entends les arguments exposés sur l’intérim dans le milieu médical, que ce soit pour des praticiens ou pour des infirmiers, mais il s’agit bien de situations très particulières, liées à la démographie médicale.
L’intérim ne concerne pas les seules professions médicales. Il y a aussi des salariés intérimaires dans des entreprises où les conditions de travail peuvent être très difficiles. À cause de ce manque d’attractivité, ces entreprises ne peuvent trouver du personnel qu’en passant par des agences d’intérim, soit parce qu’elles ont ainsi accès à des salariés qui ne souhaitent pas s’inscrire très longtemps dans un emploi, soit parce que les primes de précarité liées à l’intérim justifient le choix de ce genre d’emplois. On priverait de telles entreprises de cette possibilité en pénalisant le refus du CDI.
Je ne crois pas qu’il faille s’appuyer sur l’exemple très criant du secteur médical pour justifier cet amendement, que je trouve particulièrement sévère pour les salariés en intérim.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Monsieur le ministre, je ne comprends pas vos arguments. L’exemple des infirmières est criant. Si une personne est en intérim et que son emploi ne lui convient pas, rien ne l’empêche de trouver un autre intérim.
L’intitulé du projet de loi laisse entendre que vous visez le plein emploi, mais chaque fois que nous vous proposons des moyens pour cela, vous bottez en touche ! À quoi sert donc ce texte ?
Dans mon département, des entreprises de travaux agricoles emploient pendant la période d’été des intérimaires qui font un maximum d’heures supplémentaires, mais refusent d’être embauchés parce qu’ils veulent toucher les allocations chômage sur les revenus qu’ils ont perçus au cours de la période saisonnière. Cela coûte une somme folle à l’État ! Comme ancien ministre du budget, vous n’êtes pas sans le savoir.
Dès qu’on propose des solutions, il n’y a plus personne ! Je ne comprends pas la position du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis AA. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Article 1er bis AB (nouveau)
Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 263-3, après la référence : « L. 553-2 », est insérée la référence : « L. 557-1 » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 557-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour l’application de ces dispositions aux agents territoriaux, pour les décisions individuelles relatives aux cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 5312-10 du même code, l’agent territorial ou la collectivité ou l’établissement mentionné à l’article L. 4 du présent code concerné peut saisir sous trois mois le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale, qui statue dans un délai de trois mois après avis rendu par la commission administrative paritaire compétente. »
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Cet article, introduit par la commission des affaires sociales, a pour objet d’offrir aux agents et employeurs territoriaux la faculté de saisir le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale pour qu’il se prononce, après avis de la commission administrative paritaire (CAP), sur les décisions individuelles rendues en matière d’indemnisation d’agents publics démissionnaires, en particulier de la fonction publique territoriale.
Le problème est manifeste et le sujet est désormais posé, puisque votre commission des affaires sociales a adopté l’amendement d’où est issu cet article, sur l’initiative de M. Philippe Bas, qui pointe une réelle différence de droits entre demandeurs d’emploi en fonction de leur statut antérieur, ce qui n’est guère justifiable.
Toutefois, nous nous heurtons à une difficulté dans la mise en œuvre de cet article, car le centre de gestion qui serait ainsi consulté après la démission d’un fonctionnaire n’aurait ni la légitimité ni les véritables compétences pour apprécier l’effort de reclassement de la personne et son éligibilité à l’allocation chômage. Or c’est bien l’une des conditions examinées par l’instance paritaire régionale pour les démissionnaires du secteur privé.
Nous considérons donc que, quoique les auteurs de l’amendement aient eu un objectif louable d’harmonisation des droits des salariés et des agents publics – notamment ceux de la fonction publique territoriale – démissionnaires en matière d’accès à l’assurance chômage, la consultation du centre de gestion n’est en revanche pas opérante.
Il nous faudra mener ce chantier et je remercie de nouveau Philippe Bas d’avoir soulevé ce sujet, qui mérite d’être traité, même s’il ne nous paraît pas opportun de le faire ainsi. Je prends l’engagement d’y travailler avec la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et, plus encore, avec le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Par conséquent, nous proposons la suppression de cet article, non pas du fait d’un désaccord, mais par souci d’opérationnalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Monsieur le ministre, je n’ai aucune raison de mettre en doute votre parole, mais la liste des chantiers à traiter est longue et vous proposez là de la rallonger encore.
Dans les collectivités territoriales, on se heurte à une difficulté réelle, même si le nombre de personnes concernées reste modeste. La majorité des agents que les collectivités emploient appartiennent à la fonction publique. Sur un ratio de 90 % d’agents publics et de 10 % de salariés en CDD et en CDI, les collectivités ne s’assureront que pour les contractuels et non pour les fonctionnaires, pour lesquels elles fonctionnent en autoassurance.
Or un certain nombre de fonctionnaires font le choix de démissionner et de partir dans le privé. Quand cela se passe mal – c’est évidemment souvent le cas –, ils vont frapper à la porte de Pôle emploi pour demander l’allocation de retour à l’emploi. Pour déterminer qui doit la payer, Pôle emploi doit identifier l’employeur auprès duquel le salarié est resté le plus longtemps en activité.
En règle générale, cela retombe, à l’autre bout de la chaîne, sur telle ou telle collectivité : le maire reçoit un courrier lui indiquant que M. Dupont a démissionné de la fonction publique territoriale il y a quatre ans et que, malgré cela, il a droit à l’allocation de retour à l’emploi, qu’il revient à la collectivité de payer. Les maires qui se retrouvent dans cette situation sont furieux et nous disent qu’ils ne comprennent rien à ce qui leur arrive !
Aujourd’hui, monsieur le ministre, si une personne se trouve, à un moment donné, dans une situation très atypique, c’est en règle générale le directeur régional de Pôle emploi qui est chargé de l’apprécier et non pas la commission mixte, qui est constituée d’organisations syndicales et patronales, mais où les collectivités territoriales ne sont pas représentées.
Le présent article, introduit sur l’initiative de Philippe Bas, prévoit simplement que cette appréciation relève du centre de gestion, afin que ce soient les maires qui puissent, entre pairs, se prononcer sur la situation, plutôt que le directeur régional de Pôle emploi.
Monsieur le ministre, je peux comprendre que vous vouliez envisager d’autres perspectives, mais pour l’instant nous n’avons pas trouvé d’autre solution pour résoudre le problème. Les maires qui reçoivent ce type de courrier sont très mécontents et il ne faudrait pas allonger encore la liste déjà importante des chantiers à conduire.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable. Mieux vaut traiter le sujet, quitte à y revenir plus tard en l’abordant de manière différente.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je ne souhaite aucune méprise. Le problème est réel et important, nous en convenons tous, mais nous divergeons quant à la manière de le traiter. Selon nous, les modalités d’autoassurance propres à la fonction publique territoriale doivent être mises en œuvre, y compris dans le cadre d’une approche collective, pour éviter le phénomène que vous avez décrit. Ce problème doit être traité, même si, heureusement, il concerne peu de personnes ; simplement, bien que nous soyons d’accord avec l’objectif des auteurs de ce dispositif, nous craignons qu’il ne soit pas opérationnel. C’est pourquoi je maintiens cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour explication de vote.
Mme Catherine Di Folco. Je me trouve quelque peu gênée sur ce sujet. Je comprends parfaitement le problème exposé par Philippe Bas, dont Mme le rapporteur a rappelé combien il était fâcheux pour les communes concernées. Toutefois, je comprends aussi la position de M. le ministre, car les centres de gestion ne peuvent traiter que les cas des agents qui appartiennent encore à la fonction publique. Or dans le cas présent, comme la personne a démissionné, elle ne lui appartient plus.
Le problème existe et il faut le traiter – M. le ministre a raison d’insister sur ce point. Pour nous forcer à trouver les bonnes solutions, nous devrions peut-être maintenir ce dispositif, même si j’en comprends les limites opérationnelles.
Monsieur le ministre, pourrait-on envisager que des représentants des collectivités siègent dans les commissions qui statuent sur le droit du salarié ou puissent y présenter leurs arguments ? Voilà une piste de réflexion. Quoi qu’il en soit, traitons le problème !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je crains que votre proposition, madame la sénatrice, ne se heurte au fait que ces instances sont paritaires ; or les collectivités ne sont presque jamais représentées dans de telles instances. Le nombre de cas concernés est si marginal que leur présence ne serait pas vraiment opportune.
Cette intervention me rappelle certains débats que nous avions eus, il y a quelques années, sur les centres de gestion et la fonction publique territoriale…
M. le président. L’amendement n° 109 rectifié, présenté par MM. Levi, Bonnecarrère, Decool, Reichardt, Kern, Cadec, Brisson, Canévet et Laugier, Mmes Ract-Madoux, Férat et Dumont, MM. Lafon, Hingray, C. Vial, Lefèvre et Chatillon, Mme Jacquemet, MM. J.M. Arnaud et Détraigne, Mme Billon et MM. Guerriau, Cigolotti, H. Leroy, Menonville et Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer (deux fois) le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Cet alinéa restreint à trois mois le délai de saisine des agents territoriaux, au sein de l’article L. 557-1 du code général de la fonction publique, ainsi que le délai de réponse des centres de gestion.
Or, afin d’aligner cette disposition sur le régime classique du contentieux administratif et les délais de droit commun de la procédure administrative, il semblerait plus opportun de faire passer ces délais de trois à deux mois. En effet, ce réajustement permettrait d’aligner les nouveaux délais prévus par ledit alinéa avec le délai traditionnel de la procédure administrative.
Un tel réajustement serait gage de lisibilité pour le justiciable, dans l’intérêt d’une meilleure administration de la justice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à réduire à deux mois les délais de saisine et de réponse du centre de gestion. Notre collègue Philippe Bas proposait trois mois, mais le délai de recours contre une décision administrative est en principe de deux mois. L’alignement nous semble bienvenu, d’où un avis favorable de la commission sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis AB, modifié.
(L’article 1er bis AB est adopté.)
Article 1er bis A
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre VII du titre III du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1237-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1237-1-1. – Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence ou de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
« L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
« Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 68 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 104 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Monique Lubin. Nous sommes totalement opposés au durcissement de la réforme de l’assurance chômage adopté par l’Assemblée nationale, qui aboutit ici à considérer comme démissionnaire tout salarié présumé fautif d’un abandon de poste et ainsi à le priver de toute indemnisation au titre du chômage.
Les données manquent. Aucune donnée objective, a fortiori chiffrée, n’est avancée, y compris par les rapporteurs, pour justifier la nécessité de légiférer sur les abandons de poste.
Des conséquences dramatiques sont à craindre pour les salariés. Nous risquons de compliquer la mise au jour des raisons pour lesquelles abandon de poste il y a, raisons potentiellement liées aux caractéristiques inhérentes du management ou aux conditions de travail subies par le salarié qui abandonne son poste. Quid, par exemple, de celui qui ne serait plus payé par son employeur, mais toujours sous contrat de travail ?
Devant les prud’hommes, la charge de la preuve incomberait au salarié, ce qui rend la procédure de facto difficilement opérante, au vu des délais et des coûts qu’elle implique. Nous considérons par ailleurs qu’elle comporte en réalité plus de risque juridique pour l’employeur qu’elle ne le sécurise, à l’opposé de l’objectif des partisans de cette mesure.
L’adoption de cette mesure par l’Assemblée nationale m’a interpellée. Certes, l’abandon de poste par un salarié constitue un problème important pour l’entreprise. Avant de me faire un avis, j’ai consulté des avocats en droit du travail, qui m’ont indiqué que, une fois de plus, aucune statistique n’indique que ces abandons de poste sont en constante augmentation, comme j’ai pu l’entendre en commission des affaires sociales.
Certes, vous avez prévu des protections, mais que peut faire un salarié quand son employeur cesse de le payer ? Cela s’est vu ! Quelles solutions le salarié a-t-il à sa disposition ? Prenons garde à ne pas graver dans le marbre des mesures qui pénaliseront un grand nombre de salariés, en prenant pour prétexte les quelques-uns qui tirent sur la corde.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 68.
Mme Laurence Cohen. À l’Assemblée nationale, les députés des groupes Les Républicains, Renaissance et Rassemblement national ont voté cet article, qui crée une présomption de démission en cas d’abandon de poste, dans le but d’écarter de l’assurance chômage toutes les personnes qui n’ont d’autre choix que d’abandonner leur poste.
Mme Lubin vient d’exposer un certain nombre d’arguments en faveur de la suppression de cet article. L’abandon de poste est souvent contraint, il constitue un dernier recours pour le salarié ou la salariée et lui permet de se protéger, par exemple d’un employeur ou de collègues brutaux, ou encore d’une organisation de travail dangereuse. C’est aussi un dernier recours – dois-je le rappeler ici – pour échapper au harcèlement. Très souvent, l’abandon est même négocié entre l’employeur, qui refuse de signer une rupture conventionnelle, et le salarié, qui ne veut pas démissionner.
Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, la procédure proposée est déséquilibrée, au détriment des salariés, et inadaptée à la réalité de la justice prud’homale. Il est illusoire de penser que les salariés qui souhaitent contester leur démission pourront obtenir, même en référé, une réponse dans un délai d’un mois. En supprimant l’indemnisation par l’assurance chômage, vous allez conduire les salariés à rester en poste malgré une situation conflictuelle. Avec cet article, vous allez aussi conduire ces salariés à déposer des arrêts maladie et, en quelque sorte, à déporter le problème vers l’assurance maladie.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 104.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article, ajouté à l’Assemblée nationale, trouve sa raison d’être dans le contexte de mise en place du dispositif de bonus-malus. En assimilant les abandons de poste à une démission, l’objectif est en fait d’exclure ces situations du décompte du taux de séparation.
Il convient aussi de souligner l’insécurité juridique de cet article, ajouté à la va-vite pour des raisons opportunistes. La jurisprudence est constante : la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d’une volonté non équivoque du salarié. Ces dispositions entreraient en contradiction avec la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Le débat peut donc être déporté vers le bonus-malus, mais intéressons-nous aux abandons de poste. Leurs causes sont multiples. Ils peuvent résulter de situations professionnelles dégradées et, souvent, du refus d’une rupture conventionnelle. Qu’elle soit individuelle ou collective, les employeurs étaient bien contents que la rupture conventionnelle existe pour masquer des plans de licenciement ; certains salariés ont cru, eux aussi, pouvoir masquer des démissions. Cependant, le salarié n’a pas l’avantage, les situations ne sont pas comparables. De plus, la démission n’ouvre pas de droits. Emmanuel Macron avait annoncé qu’il allait élargir les cas de démission ouvrant des droits aux indemnités de chômage ; cela n’aura été qu’une vaste illusion !
Cette situation est vraiment délétère ; pour l’éviter, une solution durable consisterait à élargir les motifs légitimes de démission ouvrant droit aux allocations chômage, jusqu’à la formation d’une véritable sécurité sociale professionnelle tout au long de la vie. Du côté des employeurs, il faut résoudre le problème des secteurs sous tension et très peu attractifs, plutôt que de contraindre les salariés à les rejoindre ou à y rester.
Le problème est complexe, mais cet article ne résout rien ; notre amendement vise donc à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet article a été introduit dans le texte par nos collègues de l’Assemblée nationale ; nous n’avons fait que le sécuriser. Madame Lubin, je ne pense pas avoir dit que les cas d’abandon de poste augmentaient. Ne disposant pas de chiffres, si je me suis exprimée ainsi, je le regrette.
Mme Monique Lubin. Il ne s’agissait pas de vous, madame la rapporteure !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Merci, ma chère collègue ! Nous disposons de très peu de chiffres sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, de quoi est-il question ? Nous parlons d’un salarié qui sera présumé démissionnaire parce qu’il aura abandonné volontairement son poste et n’aura pas repris le travail après avoir été mis en demeure de le faire ; en outre, une voie de recours devant le conseil de prud’hommes est prévue.
De quoi n’est-il pas question ? Il existe et il existera toujours, même après l’adoption de ce texte, des motifs d’absence justifiés ou légitimes, qui empêchent de qualifier cette absence d’abandon de poste. Le droit de retrait, le droit de grève, des problèmes de santé, des problèmes d’instructions contraires à la réglementation, voilà autant de cas qui ne relèvent pas de l’abandon de poste ni par conséquent du présent article.
Aujourd’hui, l’abandon de poste n’existe pas dans le code du travail. La jurisprudence considère que l’abandon de poste n’est pas une démission. Abandonner son poste et– si vous me passez l’expression – planter ses collègues n’est pas très élégant ! Or l’abandon de poste est aujourd’hui mieux traité que la démission. Est-ce juste ? La réponse est non.
Cet article, aux termes duquel l’abandon de poste fera l’objet d’une présomption de démission, est-il juste ? La réponse est oui.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées lors de la discussion générale. Par ailleurs, les ajouts de votre commission des affaires sociales sécurisent le dispositif ; ils sont donc bienvenus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié, 68 et 104.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
1° Après le mot :
après
insérer les mots :
que l’employeur a démontré son absence de faute au sens du présent code et après
2° Après le mot :
employeur
insérer les mots :
et après une procédure contradictoire entre l’employeur, le salarié et le conseil des prud’hommes,
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Il s’agit d’un amendement de repli, déposé pour les mêmes raisons que notre amendement de suppression de l’article. Nous proposons ici que l’employeur ait à démontrer qu’il n’a commis aucune faute envers le salarié, et ce après une procédure contradictoire.
Cela nous semble l’encadrement minimal à apporter à une telle régression pour les travailleurs. De plus, avec cette présomption de démission, la procédure créée dans le but initial de sécuriser les entreprises risque d’introduire plus d’insécurité juridique pour l’employeur, en raison de ses modalités d’application. Sous prétexte de clarifier l’abandon de poste, le régime même de la démission devient équivoque.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Aux termes de cet amendement, pour que l’abandon de poste soit considéré comme une démission, l’employeur devrait démontrer n’avoir commis aucune faute envers le salarié, après une procédure contradictoire.
Rappelons que la présomption de démission prévue à cet article est une présomption simple : il suffira au salarié de démontrer que son absence est justifiée ou légitime pour empêcher la qualification de démission. Lorsque l’absence injustifiée du salarié résulte d’une faute de l’employeur, la jurisprudence considère déjà qu’elle ne peut être qualifiée d’abandon de poste. Il ne paraît donc pas souhaitable que l’employeur soit contraint de démontrer son absence de faute.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par Mme Puissat et M. Henno, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer la première occurrence du mot :
ou
par le mot :
et
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Pellevat, Calvet et Tabarot, Mme M. Mercier, M. Chasseing, Mme Lassarade, MM. Charon et Burgoa, Mme Demas, MM. Cambon, Guerriau et Sol, Mme Goy-Chavent, MM. Laménie, Longeot et Anglars et Mmes Joseph, Borchio Fontimp et Jacquemet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
démissionné
insérer les mots :
et avoir rompu abusivement son contrat au sens des articles L. 1237-2 et L. 1243-3
La parole est à Mme Florence Lassarade.
Mme Florence Lassarade. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Aux termes de cet amendement, une rupture du contrat de travail résultant de la présomption de démission pour abandon de poste serait systématiquement considérée comme abusive et imputable au salarié. Sur ce fondement, le salarié devrait donc payer des dommages et intérêts à l’employeur. C’est aller un peu trop loin, dans un autre sens que les amendements précédents…
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Après l’article 1er bis A
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Noël, MM. Pellevat, D. Laurent et Chatillon, Mmes Jacques et Joseph, MM. Frassa et Bouchet, Mmes Dumont, Muller-Bronn, Drexler et Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Cuypers et Houpert et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – En application des dispositions de l’article 1er bis A de la présente loi, les sommes provisionnées afin de répondre au passif social des entreprises font l’objet d’une déduction fiscale.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la possibilité, pour une entreprise, de déduire fiscalement les sommes provisionnées afin de faire face aux potentielles indemnités de licenciement, dans le cas de procédures liées à l’abandon de poste. Le code général des impôts autorise déjà les entreprises à déduire de leur résultat fiscal des provisions destinées à faire face à un certain nombre de pertes ou de charges.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
I. – L’article L. 5422-12 du code du travail est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au deuxième alinéa, après le mot : « majoré », sont insérés les mots : « , dans la limite de 0,5 point de pourcentage, » ;
2° (nouveau) Le 1° est ainsi modifié :
a) Les mots : « et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l’article L. 1251-1 » sont remplacés par les mots : « à durée déterminée dont la durée totale est inférieure ou égale à un mois » ;
b) Le mot : « démissions » est remplacé par les mots : « contrats de travail conclus dans les cas prévus au 1° de l’article L. 1242-2 » ;
c) Les mots : « et des contrats de mise à disposition » sont supprimés ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les données nécessaires à la détermination de la variable mentionnée au 1° du présent article, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, peuvent être communiquées à l’employeur par les organismes chargés du recouvrement des contributions d’assurance chômage, dans des conditions prévues par décret. »
I bis (nouveau). – Les 1° et 2° du I sont applicables aux taux modulés pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2023.
II. – Le 3° du I est applicable aux taux notifiés aux employeurs pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2022.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 17 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 72 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 105 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer l’article 2. Cette autorisation de communiquer aux employeurs les données personnelles liées au malus sur les contrats courts pose question au regard du règlement général sur la protection des données (RGPD) et du respect de la vie privée. Des effets pervers ont ainsi été observés aux États-Unis lors de la mise en place d’un bonus-malus similaire.
En effet, si les employeurs ont accès aux données personnelles liées aux fins de contrats générant le paiement d’un malus, ils pourront alors demander aux salariés en question de ne pas s’inscrire à Pôle emploi et leur promettre une réembauche afin de minimiser le montant du malus. L’objectif initial de l’assurance chômage serait alors contourné.
Nous proposons de répondre à cet effet pervers par la suppression de cette autorisation de communication.
Nous entendons également revenir sur la minoration du bonus-malus visant à lutter contre les abus de contrats courts, minoration introduite par les rapporteurs. Les modalités d’application et les taux de contribution fixés n’ont aucun effet désincitatif contre l’usage des contrats courts. Il convient donc de renforcer ce dispositif plutôt que de l’alléger.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 72.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le Gouvernement a fait beaucoup de tapage publicitaire autour du bonus-malus des entreprises qui ont recours aux CDD.
Les contrats courts ont pourtant été encouragés par la majorité en 2017, lors de la réforme du droit du travail qui a singulièrement accru les possibilités de recours aux formes précaires de travail.
Nous nous sommes toujours montrés favorables au malus, pour inciter les entreprises à recruter en CDI, mais nous ne comprenons pas qu’il existe un bonus, dès lors qu’il s’agit non d’un comportement vertueux, mais du simple respect des règles. C’est comme si nous félicitions les entreprises de ne pas avoir recours au travail dissimulé !
De plus, les contrats courts bénéficient toujours d’exonérations massives de cotisations sociales. Selon la Cour des comptes, en quarante ans, la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale est passée de 90 % à 38 %, ce qui pose un réel problème de financement de notre système social.
Le dispositif de bonus-malus est particulièrement restrictif : sur le million d’entreprises présentes en France, seulement 18 000 ont été concernées par le bonus-malus et seulement 6 000 par un malus.
Voilà qui est déjà trop pour la majorité sénatoriale, qui a limité le bonus-malus aux CDD de moins d’un mois et limité la majoration de la cotisation des entreprises à 0,5 point. En clair : peanuts ! La droite sénatoriale a enlevé toute efficacité au système et restreint le périmètre du bonus-malus, de sorte qu’il ne concerne quasiment plus aucune entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 105.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent article a été complété en commission des affaires sociales par des dispositions qui modifient sensiblement le système de bonus-malus afin d’en limiter la portée.
L’article limite la majoration de cotisations sociales pour les employeurs abusant des contrats courts à 0,5 point. La faiblesse du montant des majorations privera le dispositif de son effet dissuasif, a fortiori sur les grandes entreprises. Cela revient à aggraver le coût pour l’Unédic du comportement des entreprises visées par le malus, dont le taux de séparation, du fait de leur comportement d’employeur, est supérieur à la médiane de sept secteurs déjà caractérisés par un taux élevé.
De plus, pour le calcul du malus, seuls les CDD de moins d’un mois seraient pris en compte aux termes de cet article. Cette restriction, visant à sortir du dispositif tous les CDD dès un mois et un jour, fait peu de cas de la définition d’un emploi dit « durable », c’est-à-dire un CDI ou un CDD d’au moins six mois.
Au moment du calcul des six mois d’affiliation, les périodes d’inactivité des salariés entre des contrats de si courte durée seront, elles, bien prises en compte et feront chuter le montant de leur allocation. Il est vrai que, grâce à la réforme, ils seraient à même d’exiger des CDD d’une durée plus longue.
Alors que la réforme durcit l’accès à l’assurance chômage pour les demandeurs d’emploi, cet article dévitalise le dispositif, et ce d’autant plus après sa modification par la commission.
Cet amendement vise donc à supprimer l’article 2, afin de rendre au malus un semblant de pertinence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces trois amendements visent à supprimer l’article 2, dont le but est d’éclairer les employeurs frappés par le bonus-malus – ceux qui sont frappés par le malus seront sans doute les plus intéressés – en leur apportant les données nécessaires, y compris la liste des personnes concernées par la fin d’un contrat.
Monsieur le ministre, nous aurions pu le prévoir en 2018 ! Que se passe-t-il aujourd’hui ? Nous l’avons constaté en audition : peanuts, c’est parfois 150 000 euros ! Ce n’est pas rien. Qui plus est, l’entreprise en question ne sait même pas pourquoi elle paie ; or rien ne justifie d’avoir à payer à l’aveugle. Il est logique que l’entreprise puisse disposer des éléments justificatifs.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il s’agit de nouveau d’amendements de suppression de la totalité de l’article. Or nous sommes favorables au maintien de l’article 2 dans sa rédaction initiale, même si nous nous opposons aux restrictions apportées par la commission des affaires sociales au dispositif du bonus-malus, tant sur la nature des contrats pris en compte que sur l’ampleur de la variation de cotisation. Au-delà de ce désaccord, que j’exposerai lors de la défense de notre amendement n° 96, je ne peux pas être favorable à la suppression de l’article entier. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Les débats portent sur le bonus-malus et l’on entend employer l’expression « peanuts » ; mes chers collègues, si vous me permettez ce trait d’humour, ne risquons-nous pas de perdre de vue l’article 2 de la Constitution, aux termes duquel « la langue de la République est le français » ? (Sourires.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Pardon, monsieur le président !
M. Martin Lévrier. Sorry !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié, 72 et 105.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
16
Modification de l’ordre du jour
Mme le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande d’avancer l’examen des quatre conventions internationales en procédure simplifiée et du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée, initialement prévu jeudi 27 octobre matin, au mercredi 26 octobre après-midi à l’issue de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
Si nous terminons l’examen de ce texte dès ce soir, ce qui semble possible, les conventions internationales seront examinées à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement.
Par conséquent, nous ne siégerions pas jeudi.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, nous pourrions avancer le délai limite d’inscription des orateurs dans la discussion générale du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée au mercredi 26 octobre à 11 heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
17
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 53 au sein de l’article 2.
Article 2 (suite)
Mme le président. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 53, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Par dérogation au montant de droit commun, le montant de la cotisation employeur au régime d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée mentionnés au titre IV du livre II de la première partie du code du travail, est fixé selon les principes suivants :
– 12,4 % pour les contrats de moins d’un mois ;
– 10,4 % pour les contrats d’une durée comprise entre un et deux mois ;
– 8,4 % pour les contrats d’une durée comprise entre deux et six mois.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Notre amendement de suppression de l’article 2 n’ayant pas été adopté, nous proposons un amendement de repli qui, s’il était retenu, aurait un réel effet positif sur la situation économique de la France.
La précarité mine aujourd’hui notre pays ; elle est de plus en plus prégnante, y compris chez les travailleurs, parfois qualifiés de « travailleurs pauvres ».
Le nombre de contrats courts a augmenté de 165 % depuis 2000. Une étude de la Dares vient de montrer que les CDD d’une durée d’un jour ou moins sont en nette progression, excédant largement leur niveau d’avant-crise, avec un taux de croissance de 14 % par rapport à 2019.
Le bonus-malus mis en place par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, est un gadget et une mauvaise réponse. Selon nous, récompenser une entreprise uniquement parce qu’elle appliquerait la loi, qui dispose qu’un CDI est la « forme normale et générale » d’une relation de travail, aux termes de l’article L. 1221-2 du code du travail, est une ineptie.
On marche sur la tête ! C’est d’autant plus vrai que l’application du malus est très parcimonieuse du fait des critères retenus – ne pas trop contrarier le Medef semble être votre credo, et tant pis pour la précarisation croissante !
Par cet amendement, nous proposons au contraire de renforcer les malus pour qu’ils aient un effet réellement dissuasif, en augmentant les cotisations versées par l’employeur au régime d’assurance chômage et en les modulant en fonction de la durée des contrats. Il nous paraît justifié d’imposer une majoration des cotisations sociales des entreprises qui ne respectent pas le code du travail en abusant des contrats courts.
Nous estimons que l’adoption de notre amendement produira plus d’effets que les dispositions proposées dans le cadre de ce projet de loi.
Mme le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 5422-12 du code du travail est complété par huit alinéas ainsi rédigés :
« Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel excède 1 500 millions d’euros ou dont le total de bilan excède 2 000 millions d’euros, le taux de contribution peut être majoré en cas de non-respect des contreparties climatiques et sociales suivantes :
« 1° La publication, au plus tard le 1er juillet de chaque année, et à partir du 1er janvier 2023, d’un « rapport climat » qui :
« a) Intègre le bilan des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre de l’entreprise, en amont et en aval de leurs activités ;
« b) Élabore une stratégie de réduction des émissions des gaz à effet de serre dans les conditions définies au B, qui ne doit pas prendre en compte les émissions évitées et compensées. Elle fixe des objectifs annuels de réduction des émissions de gaz à effet sur un horizon de dix ans, notamment en précisant les plans d’investissements nécessaires pour les atteindre. Ce rapport s’appuie sur les informations fournies dans le cadre des obligations de l’article L. 225-102-1 du code de commerce et de l’article L. 229-25 du code de l’environnement.
« Le ministre chargé de l’environnement définit, en concertation avec le Haut conseil pour le climat, la trajectoire minimale de réduction des émissions de gaz à effet de serre à mettre en œuvre par lesdites entreprises, en fonction du secteur d’activité et en conformité avec les budgets carbones fixés par la stratégie nationale bas-carbone.
« Les détails de la méthodologie sont fixés par décret ;
« 2° L’obligation de ne pas délocaliser et de ne pas transférer volontairement à l’étranger une partie ou de la totalité des activités de l’entreprise entraînant d’une diminution du nombre d’emplois en France, que ce soit au travers de filiales appartenant à la même entreprise ou par l’intermédiaire de sous-traitants auprès d’entreprises non affiliées ;
« 3° L’obligation d’atteindre, avant le 1er janvier 2023, un index d’égalité entre les femmes et les hommes prévu par l’article L. 1142-8 du code du travail à un niveau inférieur à 75 points. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Afin d’accélérer la transition écologique et sociale des grandes entreprises, nous proposons dans cet amendement, uniquement pour les multinationales, un mécanisme de malus calculé en fonction des objectifs de transition écologique, d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, de relocalisation et de maintien de l’emploi.
Mme le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 29 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 57 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 89 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Au deuxième alinéa de l’article L. 5422-12 du code du travail, les mots : « minoré ou » sont supprimés.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer la partie « bonus » du bonus-malus et à ne conserver que la partie « malus » afin de dissuader les entreprises de recourir aux contrats courts.
En effet, un juste recours aux contrats courts relève du comportement normal et attendu d’une entreprise ; à ce titre, elle ne doit donc pas profiter d’un bonus de cotisations qui amoindrirait – encore – les recettes de notre sécurité sociale.
Décourager réellement les entreprises de recourir aux contrats courts doit reposer uniquement sur un malus dont la cible serait plus large que les 20 000 entreprises qu’il touche aujourd’hui et les taux plus élevés, ce qui est à l’opposé de ce que la majorité sénatoriale a adopté en commission.
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 57.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le présent amendement tend à supprimer le bonus accordé aux entreprises qui recourent aux contrats courts.
Sous le prétexte d’inciter les entreprises à de meilleures pratiques, ce bonus entraîne des baisses du taux de cotisation patronale et, en conséquence, réduit les recettes de la sécurité sociale. Les entreprises bénéficient déjà des réductions générales des cotisations patronales sur les bas salaires, dites « réductions Fillon », qui les exonèrent totalement de cotisations pour une rémunération égale au Smic, le montant de cette réduction diminuant ensuite dégressivement pour les salaires jusqu’à 1,6 Smic.
Les entreprises sont déjà des assistées de la sécurité sociale, placées sous assistance de l’État. Accorder un bonus aux entreprises qui recrutent en contrats courts tout en restant en dessous d’une moyenne fixée de manière opaque est, de notre point de vue, inacceptable.
La modulation des cotisations patronales ne peut consister qu’en une majoration des cotisations si l’on veut inciter les entreprises à modifier leur comportement. Le Gouvernement a reculé chaque fois qu’un dispositif a été mis en place et a même allégé la fiscalité des entreprises. Ainsi, d’un côté, le Gouvernement a instauré le mécanisme de bonus-malus et, de l’autre, il a allégé la fiscalité des contrats courts.
Jusqu’en avril 2019, le taux de la cotisation patronale d’assurance chômage était majoré de 0,5 point pour les CDD d’usage de quelques heures ou jours dans certains secteurs. Cette surcotisation a été supprimée, sauf pour les intermittents du spectacle et les dockers, et un forfait de dix euros par CDD d’usage a ensuite été mis en place au début de 2020 ; ce dispositif a été supprimé sept mois plus tard. Derrière les discours, la volonté politique est évidemment absente.
Afin de rendre ce malus moins anecdotique, nous avons donc également déposé l’amendement n° 56, qui vise à le porter à deux points de cotisation chômage, au minimum.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 89 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pour faire passer la baisse inédite des droits des travailleurs privés d’emploi, le Gouvernement a prétendu équilibrer la réforme en instaurant un bonus-malus à destination des entreprises recourant abusivement aux emplois très courts, tout en commençant par en différer l’application d’un an.
Cependant, pour les employeurs, la réforme se devait d’être neutre pour les comptes de l’Unédic : pas question de les solliciter pour en assurer l’équilibre ! Le mécanisme de malus devait permettre l’allocation d’un bonus équivalent.
Plus qu’à un paradoxe, ce postulat conduit à une ineptie. Pour qu’une entreprise reçoive un bonus, c’est-à-dire une baisse de son taux de cotisation, il suffit que son taux de séparation soit inférieur au taux de séparation médian du secteur auquel elle appartient. Or les secteurs retenus dans le cadre du bonus-malus sont précisément visés, parce qu’ils se caractérisent par un taux de séparation au moins une fois et demie supérieur à celui des autres secteurs.
En conséquence, le bonus conduit à des baisses du taux de cotisation patronale quand bien même l’entreprise reste à des taux de séparation anormaux par rapport à ceux des entreprises de secteurs bien plus vertueux. In fine, ce système illogique conduit à récompenser les « moins mauvais élèves » des sept secteurs engendrant 37 % des séparations.
Aucune raison ne justifie de sanctionner les personnes privées d’emploi, les victimes d’emplois courts, tout en ayant la main qui tremble devant une mesure visant à décourager les entreprises de recourir aux contrats courts.
Pour cela, le dispositif de malus est suffisant ; c’est ce que nous proposons par cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 56, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 5422-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration du taux de contribution ne peut être inférieure à deux points. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est défendu.
Mme le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le 1° de l’article L. 5422-12 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les recettes générées par la majoration prévue au présent 1° sont supérieures ou égales à 1,5 fois la perte de recettes occasionnée par la minoration prévue au présent 1°. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à garantir, au sein du système de bonus-malus, que les recettes engendrées pour l’Unédic par le malus dépassent d’au moins 50 % la perte de recettes occasionnée par le bonus.
Rappelons que, sur plus de 3,8 millions d’entreprises, seules 20 000 d’entre elles sont concernées par le bonus-malus et que son mode de calcul leur est favorable, puisque seule une entreprise concernée sur trois verrait ses cotisations patronales augmenter.
Force est de constater que, pour l’instant, le bonus-malus entraîne plus de pertes de recettes qu’il ne crée de nouvelles ressources, alors que l’idée initiale était bien de décourager les entreprises de recourir aux contrats courts, ce qui aurait dû permettre de récolter des recettes importantes.
Nous proposons donc d’encadrer ce bonus-malus grâce à un principe simple : les recettes pour l’assurance chômage doivent dépasser les pertes.
Mme le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 5422-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les données nécessaires à la détermination de la variable mentionnée au 1°, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, peuvent être communiquées à l’employeur par les organismes chargés du recouvrement des contributions d’assurance chômage, dans des conditions prévues par décret. »
II. – Le I est applicable aux taux notifiés aux employeurs pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2022.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 2 tel qu’adopté par l’Assemblée nationale et, en réalité, tel qu’issu de la réforme de 2018.
Le principe du bonus-malus s’applique à un peu moins de 20 000 entreprises, dans sept secteurs d’activité, et est construit autour de la médiane de secteur, comme cela a été rappelé, selon un principe d’équilibre, puisque le total du malus équivaut au total du bonus – il n’y a pas de pertes de recettes, comme j’ai pu l’entendre. Si plus d’entreprises sont sujettes à un bonus qu’à un malus, c’est en raison de la plus petite taille des premières. Au regard de la masse salariale, on arrive à un équilibre entre le bonus et le malus, malgré un rapport de un à deux du nombre d’entreprises appartenant à chacune de ces deux catégories.
Nous souhaitons revenir au mode de calcul du bonus et du malus défini dans les dispositions adoptées en 2018, mais aussi à une amplitude comprise entre –1,05 point et +1 point, comme prévu initialement. Les dispositions adoptées par la commission sont en effet trop restrictives à nos yeux, tant par leur effet sur l’assiette de calcul que par l’ampleur de la variation des cotisations.
Je saisis cette occasion pour préciser que le Gouvernement émet un avis défavorable sur les autres amendements, qui n’ont pas du tout le même objet. Nous sommes attachés au rétablissement du dispositif que nous connaissons.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 53 tend à fixer des taux de contribution dérogatoires au régime d’assurance chômage, allant de 8,4 % à 12,4 %, que nous considérons comme prohibitifs. En outre, ces taux frapperaient indistinctement l’ensemble des entreprises ayant recours à des CDD, quels que soient leurs motifs. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 30 rectifié de Mme Lubin a pour objet de majorer les contributions d’assurance chômage en cas de non-respect de certaines contreparties climatiques et sociales. Il tend à supprimer les modifications apportées par la commission au dispositif de bonus-malus – nous ne saurions donc y être favorables. Il tend aussi à attribuer à un même instrument des objectifs sans rapport les uns avec les autres et n’ayant, pour certains, aucun effet sur l’assurance chômage – même si l’on peut effectivement accorder de l’intérêt aux contreparties que vous évoquez. Enfin, s’agissant de l’index de l’égalité, le malus proposé est redondant avec des sanctions financières qui existent déjà dans le code du travail. L’avis de la commission sur cet amendement est donc également défavorable.
S’agissant des trois amendements identiques nos 29 rectifié, 57 et 89 rectifié, qui visent à supprimer le bonus sur les contributions d’assurance chômage, nous sommes convaincus que le bonus-malus est un dispositif biaisé. Néanmoins, ce dispositif est gouverné par un principe d’équilibre entre un bonus et un malus, même si les sociétés d’un secteur dit « non vertueux » payent finalement moins que celles d’un secteur dit « vertueux », auxquelles s’appliquera le taux classique de 4,05 % – ce que Raymonde Poncet Monge dénonce souvent. Nous considérons néanmoins, quitte à limiter ce bonus à 0,5 point d’écart, que supprimer le bonus n’est pas une bonne solution.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
L’amendement n° 56 tend à fixer le malus à un minimum de deux points, ce qui établirait le taux de cotisation à 6,05 %, versus 5,05 % pour le Gouvernement et 4,55 % pour la commission, qui a par conséquent émis un avis défavorable.
L’amendement n° 32 rectifié a pour objet de limiter les pertes de recettes dues au bonus-malus. Or, comme M. le ministre l’a rappelé, le bonus-malus est régi par un principe d’équilibre. Cet amendement tend à réécrire l’article 2 de manière à garantir que les recettes engendrées par le bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage seront au moins 1,5 fois supérieures aux pertes de recettes liées au dispositif. Il implique donc de rendre le malus supérieur au bonus, là encore en supprimant le dispositif adopté par la commission ; notre avis est donc défavorable.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 96 du Gouvernement, monsieur le ministre, je vais prendre quelques minutes pour défendre les positions de la commission.
Le Sénat s’est montré défavorable, de façon constante, au bonus-malus. Nous avons donc choisi de réécrire ce dispositif, considérant qu’il était déjà en application ; je rappelle que l’article 2 vise à éclairer les chefs d’entreprise déjà frappées par le malus ou le bonus depuis le mois de septembre – nous sommes un peu en retard !
Néanmoins, peut-on véritablement considérer, monsieur le ministre, que le bonus-malus a un sens en matière d’emploi ? Selon nous, la réponse est non.
Peut-on considérer que les contrats frappés par ce dispositif sont les bons ? Je me souviens des propos de Mme Pénicaud, alors ministre du travail, qui soulignait que le Gouvernement ne souhaitait pas de contrats d’un jour, de contrats achevés et repris encore et encore pour une même personne. La réponse est donc non ! Le bonus-malus frappe à 90 % l’intérim, si bien que l’on pourrait croire qu’on veut lui faire la peau !
Pensez-vous véritablement – avec Olivier Henno, nous nous sommes souvent posé la question – que la volonté des chefs d’entreprise – des appréciations et des chefs d’entreprise divers peuvent être rencontrés, bien sûr – est d’embaucher des salariés en contrats courts, alors même que les contrats longs permettent une meilleure intégration des salariés dans l’entreprise et qu’il s’agit de secteurs en tension ? Nous pensons que la réponse est non. Nous considérons que ces employeurs n’ont pas le choix et qu’ils sont contraints d’avoir recours, en l’occurrence, à l’intérim.
Cela dit, l’intermittence de l’emploi est-elle un enjeu ? La réponse est oui ! Mais, monsieur le ministre, elle l’est aussi dans la fonction publique d’État. Avant de regarder ce qui se passe dans les entreprises privées, balayons devant notre porte ! Je me permets de le dire, car l’intermittence de l’emploi est un véritable enjeu dans les hôpitaux, parfois aussi à l’Éducation nationale, dans un certain nombre d’Ehpad et enfin dans nombre de collectivités.
C’est pourquoi Olivier Henno et moi-même avons choisi, de façon pragmatique, de ne pas supprimer le bonus-malus, mais de le ramener à une juste proportion, en considérant qu’il ne saurait s’appliquer qu’aux contrats à durée indéterminée de moins d’un mois, hors remplacement, c’est-à-dire en excluant du dispositif l’intérim et les fins de CDI.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement. Cela ne vous surprendra pas, monsieur le ministre !
Mme le président. Je rappelle que le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion, à l’exception de l’amendement n° 96 qu’il a déposé.
Je mets aux voix l’amendement n° 53.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 rectifié, 57 et 89 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 80 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 8
1° Supprimer les mots :
, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrats prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces données sont transmises de manière à respecter l’anonymat des personnes concernées par les fins de contrats.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L’article 2 tend à permettre la transmission aux employeurs par les Urssaf des données nécessaires à la détermination du nombre de fins de contrat prises en compte dans le calcul du bonus-malus sur le taux des contributions d’assurance chômage.
Par cet amendement, nous proposons d’autoriser les Urssaf à ne communiquer aux entreprises que les données nécessaires au calcul du bonus-malus et non les données personnelles. Cela permettrait de concilier l’objectif de transparence vis-à-vis des entreprises dans la fixation de leur taux de contribution à l’assurance chômage, d’une part, et le respect de la vie privée de leurs anciens salariés, d’autre part.
Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 54 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi,
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
Mme Monique Lubin. Cet amendement de repli vise à autoriser les Urssaf à communiquer aux entreprises les seules données nécessaires au calcul du bonus-malus et non les données personnelles.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 54.
Mme Céline Brulin. Il a le même objet que les deux amendements précédents ; il est donc défendu !
Mme le président. L’amendement n° 55, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’article 2 – je l’ai déjà expliqué – vise à éclairer les chefs d’entreprise. Récemment, ceux-ci ont reçu un premier courrier leur indiquant qu’ils étaient « éligibles » au bonus-malus – c’est le terme utilisé –, puis – pour ceux d’entre eux qui étaient frappés par le malus – un second leur précisant que, leur taux de séparation étant supérieur au taux moyen du secteur, ils devaient payer : citons le cas d’une entreprise du département de l’Isère, qui a dû s’acquitter de 150 000 euros ! Or les chefs d’entreprise ne peuvent savoir pour qui ni pour quoi ils payent.
Si l’on veut que ce dispositif soit vertueux, il faut pouvoir éclairer ces chefs d’entreprise. En empêchant de leur transmettre la liste des personnes concernées par ces ruptures de contrat, il est impossible de rendre ce système vertueux, si tant est que ce dispositif perdure.
L’avis de la commission reste inchangé ; il est donc défavorable sur les amendements nos 80 rectifié, 28 rectifié, 54 et 55.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Je ferai remarquer que l’article 2 a été, malgré tout, quelque peu modifié par vos rapporteurs par rapport aux dispositions initiales…
Cela étant dit, l’avis du Gouvernement sur ces amendements est également défavorable, pour les raisons exposées par votre rapporteur.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 rectifié et 54.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 92, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 5422-12 du code travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de contribution de chaque employeur peut être minoré en fonction de l’index d’égalité entre les femmes et les hommes prévu à l’article L. 1142-8 si celui-ci est supérieur à 85 points. »
II. – La perte de recettes résultant pour le régime d’assurance chômage du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Bien qu’aujourd’hui le taux de chômage des femmes soit presque égal à celui des hommes, les femmes demeurent davantage touchées par le sous-emploi – rappelons que nous débattons ici d’un texte dont l’objet serait le plein emploi –, le temps partiel et le halo du chômage.
Selon l’Insee, en 2020, un peu plus d’un million de femmes étaient concernées par le halo du chômage, contre 866 000 hommes. En outre, les femmes sont deux fois plus touchées par le sous-emploi que les hommes. En 2019, 7,8 % des femmes actives étaient sous-employées contre 3,1 % des hommes. Enfin, en 2019, 28,4 % des femmes actives travaillaient à temps partiel. De plus, lorsqu’elles travaillent, les femmes perçoivent en moyenne une rémunération inférieure de 28,5 % à celle des hommes.
Il y a cinq ans, Emmanuel Macron déclarait que l’égalité femmes-hommes serait la grande cause de son quinquennat, ce qui impliquait de prendre des mesures pour le plein emploi des femmes.
Par cet amendement, nous proposons, au sein du dispositif de bonus-malus que nous examinons, de conditionner l’octroi d’un bonus au respect des objectifs fixés par l’index d’égalité entre les femmes et les hommes, prévu par le code du travail.
Ce serait une manière plus vertueuse d’utiliser une mesure incitative que de simplement conditionner l’octroi du bonus – comme c’est actuellement le cas – à un moindre recours aux contrats courts dans des secteurs déjà sinistrés par des taux de remplacement élevés.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement a pour objet de minorer la contribution d’assurance chômage en fonction de l’index d’égalité entre les femmes et les hommes.
Même si l’égalité professionnelle est un objectif que nous partageons, nous considérons que la modulation de ces contributions n’est pas le bon instrument pour l’atteindre. Nous sommes effectivement loin des enjeux liés à l’assurance chômage.
En outre, les entreprises dont l’index n’a pas atteint une note minimale sont déjà couvertes par un dispositif, qui prévoit des sanctions financières en l’absence de mesures correctives.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis
I. – À titre expérimental et par dérogation au 1° des articles L. 1242-2 et L. 1251-6 du code du travail, dans les secteurs définis par décret, un seul contrat à durée déterminée ou un seul contrat de mission peut être conclu pour remplacer plusieurs salariés.
L’expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois mois avant le terme de l’expérimentation prévue au I du présent article, un rapport d’évaluation de cette expérimentation évaluant en particulier, dans les secteurs mentionnés au premier alinéa du même I, les effets de l’expérimentation sur la fréquence de la conclusion des contrats à durée déterminée et des contrats de mission ainsi que sur l’allongement de leur durée et les conséquences des négociations de branche portant sur les thèmes mentionnés au 7° de l’article L. 2253-1 du code du travail, afin de déterminer notamment les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation.
III (nouveau). – La durée de l’expérimentation prévue au I du présent article est de deux ans à compter de la publication du décret mentionné au même I.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 64 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 106 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Céline Brulin. Cet article réactive une expérimentation, pourtant boudée par les entreprises, consistant à permettre le remplacement de plusieurs salariés absents par une seule personne, titulaire d’un CDD ou d’un contrat de mission.
Le droit du travail nous semble fondé sur l’individualisation des contrats de travail. Par ces dispositions, on risque d’ouvrir une boîte de Pandore et de précariser les salariés. Les entreprises disposent quand même de beaucoup de souplesse, puisqu’elles peuvent signer deux CDD à temps partiel afin de pourvoir à deux postes vacants. Il est même possible – et nous le regrettons ! – de contourner l’obligation de temps minimal de travail de vingt-quatre heures.
Cet article et la prolongation prévue de cette expérience risquent d’aggraver la précarité qui touche de nombreuses personnes.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 106.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article 2 bis réinstaure l’expérimentation des CDD multi-remplacement, instaurée en 2018 par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et réservée à certains secteurs définis par décret, qui échappent dans ce cas aussi à la négociation.
Ce dispositif avait été présenté comme une solution vertueuse et flexible pour le remplacement de plusieurs personnes sur une longue période, pour des tâches et des compétences potentiellement différentes, ce qui permettrait de limiter la multiplication de contrats courts successifs. Son retour dans ce projet de loi est motivé par la volonté de réduire le taux de séparation.
La réintégration de ce dispositif relance donc une expérimentation qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation, ce qui devrait constituer un préalable à toute reconduction ou généralisation. Ainsi, il conviendrait de vérifier si ce dispositif n’a pas été utilisé afin de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise.
En effet, même si le contrat est d’une durée plus longue, il maintient le travailleur dans une situation de précarité, ce qui va à l’encontre de la volonté affichée du Gouvernement lors de la mise en place du bonus-malus.
Le maintien d’un CDD, même long, est source de désavantages pour le salarié, notamment pour conclure un bail ou un emprunt, et peut être source de stress et de souffrance au travail pour le salarié bloqué dans une précarité permanente.
Aussi, par cet amendement, nous proposons de supprimer cet article afin de ne pas relancer un dispositif qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet article, inséré dans le texte par l’Assemblée nationale, a été quelque peu modifié par la commission afin de le rendre plus efficient.
Il s’agit de réactiver une expérimentation créée dans la loi de 2018, par laquelle un CDD peut remplacer plusieurs salariés absents, simultanément ou successivement, dans onze secteurs qui nous sont chers, déterminés par décret, comme le médico-social, le sanitaire ou la propreté – les autres secteurs ne nous sont pas moins chers ; si ceux-ci ont été retenus, c’est parce qu’ils connaissent une forte pénurie de recrutement.
Ce dispositif a-t-il été boudé par les entreprises, comme je l’ai entendu dire sur certaines travées ? Je l’ignore. Cependant, il est certain qu’il n’a quasiment pas pu être appliqué. En effet, la publication très tardive des décrets et la crise sanitaire n’ont permis la mise en œuvre de cette expérimentation que pendant une année seulement.
Il s’agit donc de remettre en place ce dispositif expérimental pour une durée de deux ans. Madame Poncet Monge, nous vous avons écoutée, en prévoyant une évaluation au terme de l’expérimentation ainsi qu’un rapport, que nous espérons recevoir en temps voulu, afin de statuer sur la prolongation de ce dispositif. L’objectif est d’abord de lutter contre la permittence – là est l’enjeu –, puis de réduire les coûts de gestion pour les employeurs et d’améliorer l’intégration des salariés dans l’entreprise.
Quand des personnes en remplacent d’autres, puis s’en vont sans qu’on les revoie plus, cela ne favorise pas l’intégration des salariés. Si ces personnes peuvent rester dans l’entreprise, y compris à des postes différents, l’intégration est socialement bien meilleure.
La commission refuse le principe de suppression de cet article et a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Ce dispositif avait été expérimenté jusqu’au 31 décembre 2020. La crise sanitaire a eu pour effet qu’il n’a pas été reconduit, davantage par inadvertance que par une véritable volonté d’arrêter l’expérimentation.
Il s’adresse à onze secteurs, dont celui de la distribution, et permet, notamment, de pourvoir au remplacement de plusieurs salariés partant successivement en congé par une seule personne. Ainsi, deux ou trois salariés peuvent être remplacés pour une période de deux, trois ou quatre mois plutôt que d’avoir recours à plusieurs contrats, avec tous les risques de rupture que cela comporte.
Ce dispositif nous paraît utile et simple, à la fois pour les entreprises et pour l’allongement de la durée des contrats de remplacement dont peuvent bénéficier les salariés.
L’avis du Gouvernement sur ces amendements est donc défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 106.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article 2 ter (nouveau)
L’article L. 1251-58-6 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1251-58-6. – La durée totale du contrat de mission prévue à l’article L. 1251-12-1 n’est pas applicable au salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire. »
Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 36 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 71 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 98 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 107 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 113 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié.
Mme Monique Lubin. L’échéance est inscrite dans la définition même de l’intérim, celui-ci visant des situations de remplacement ou d’accroissement temporaire de l’activité d’une entreprise, ou encore des emplois saisonniers.
La durée maximale des missions d’intérim est de dix-huit mois ; elle a été portée à trente-six mois, soit trois ans, pour ce qui est des missions réalisées dans le cadre d’un CDI intérimaire (CDII).
Les rapporteurs proposent, avec cet article 2 ter, la suppression de toute durée maximale applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un CDII.
En quoi un travail de trois, cinq ou dix ans peut-il encore correspondre à un remplacement, répondre à un accroissement temporaire d’activité ou s’inscrire dans le cadre d’un emploi saisonnier ?
Cet amendement vise à revenir sur l’aberration que représenterait une mission temporaire non bornée dans le temps.
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 71.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes en totale adéquation avec ce que vient de dire Mme Lubin : nous n’avons rien à y ajouter.
Mme le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 98.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 107.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article, introduit en commission des affaires sociales, prévoit de déplafonner la durée légale des CDI intérimaires, actuellement fixée – excusez du peu – à trente-six mois.
Cette mesure, présentée comme devant limiter le recours aux contrats courts, légitime en réalité une forme de contrat aux droits réduits qui pourrait concurrencer le CDI et devenir une nouvelle norme.
Privés d’indemnités de précarité, les intérimaires en CDII voient souvent leurs conditions de travail se dégrader. La preuve en est que la durée moyenne des CDI intérimaires est de huit mois et que 84 % des sorties se font par démission.
Cet article, dont les auteurs se montrent aveugles à la précarisation et à la dégradation des conditions de travail que traduisent ces chiffres, ne fait donc que valider cet état de fait sans mettre en question ses effets sur les salariés ; il est proposé d’allonger arbitrairement la durée de ce type de contrats alors même qu’un salarié est très rarement absent plus de trois ans.
Déplafonner les CDI intérimaires n’est autre qu’un moyen supplémentaire de dévitaliser le mécanisme du malus.
La commission des affaires sociales ne propose aucun amendement tendant à améliorer la protection des travailleurs, mais – remarquons-le – multiplie ceux qui visent à répondre aux demandes des employeurs.
Un tel dispositif n’ayant pas sa place dans un projet de loi dont l’objet n’est pas la modification du régime des intérimaires, mais l’assurance chômage, cet amendement vise à le supprimer.
Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 113 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Il nous semble souhaitable qu’un tel projet de modification ne soit pas examiné dans le cadre de ce texte, mais fasse d’abord l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces amendements identiques visent à supprimer l’article 2 ter, que nous avons introduit dans le projet de loi. Cet article supprime la durée maximale applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée intérimaire, qui est actuellement de trente-six mois.
Nous considérons que le CDII est plutôt vertueux : d’abord, il est à durée indéterminée ; ensuite, il garantit le versement d’une rémunération mensuelle minimale quelle que soit l’activité de la personne – socialement, c’est intéressant.
Eu égard à ce que j’ai entendu, je rappelle cependant, pour que tout soit bien clair, que ce CDII est réalisé dans les mêmes conditions que l’intérim ; en d’autres termes, il ne saurait avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice. Le cadre du CDII est bien le même que celui de l’intérim.
À l’heure actuelle, le CDII représente seulement 6 % des effectifs des agences d’emploi. Les entreprises d’intérim souhaitent porter ce taux à 20 % ; la présente disposition n’est en la matière qu’un élément d’amélioration : d’autres mesures devront sans doute être proposées, dans le cadre des discussions qui vont avoir lieu avec les partenaires sociaux – je vous rejoins sur ce point, mes chers collègues –, afin d’aller plus loin et de favoriser l’augmentation du nombre de CDII, outil que nous considérons comme vertueux.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 rectifié, 71, 98, 107 et 113 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 63, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1251-6 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1251-6. – Un utilisateur ne peut faire appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :
« 1° Remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail et pour pourvoir directement le poste de travail du salarié absent ;
« 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Au titre de ce motif, le nombre de salariés temporaires ne peut excéder 10 % de l’effectif occupé en moyenne au cours de l’année civile précédente dans les entreprises d’au moins onze salariés. Ce nombre obtenu est arrondi à l’unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d’ancienneté dans l’entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée avec l’entreprise utilisatrice. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à encadrer le recours au travail temporaire en limitant le nombre de personnes employées en contrat d’intérim à 10 % de l’effectif total des entreprises comptant au moins onze salariés. Nous proposons de surcroît que le recours à de tels contrats ait pour seul objet de remplacer un salarié absent ou de pourvoir à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
Le travail en intérim augmente de façon très significative d’année en année, tout particulièrement ces dernières années ; cela veut bien dire qu’il existe des besoins structurels de recrutement dans les entreprises. Or l’emploi en contrat de travail temporaire limite terriblement la capacité des salariés à mener une vie stable et à faire des projets. Il nous semble donc nécessaire d’instaurer un tel encadrement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à restreindre les cas de recours à l’intérim.
Son adoption reviendrait à supprimer les dispositions que nous avons introduites pour déplafonner la durée des missions réalisées dans le cadre d’un CDII ; nous ne saurions donc y être favorables.
De surcroît, en restreignant les cas où il peut être fait appel à l’intérim, on retirerait à plus de 695 000 équivalents temps plein la possibilité d’avoir une activité professionnelle. On constate certes une augmentation du nombre d’intérimaires, quoique la tendance récente soit plutôt à la baisse, si je ne m’abuse, monsieur le ministre ; cependant, l’intérim est parfaitement défini par le code du travail : il peut être utilisé soit pour remplacer un salarié qui n’est pas là, soit dans une logique de flexibilité.
S’agissant d’un dispositif que nous tenons plutôt pour vertueux, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2 ter.
(L’article 2 ter est adopté.)
Article 3
I. – L’article L. 2314-18 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2314-18. – Sont électeurs l’ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques. »
II. – Le premier alinéa de l’article L. 2314-19 du code du travail est complété par les mots : « ainsi que des salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique ».
III. – Le I entre en vigueur le 31 octobre 2022.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Mon collègue Jean-Pierre Sueur ne pouvant être parmi nous ce soir, c’est moi qui vais lire l’intervention qu’il avait préparée.
M. Sueur ayant déposé un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 3, il a eu la désagréable surprise de constater qu’il était déclaré irrecevable en application de l’article 45 de la Constitution. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il souhaite exprimer son étonnement devant une telle décision : un amendement ayant trait à l’application des accords d’entreprise en cas de liquidation judiciaire ne présenterait-il donc aucun lien, même indirect, avec un projet de loi relatif au « fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi », et ce quand bien même l’article 3 dudit projet de loi modifie un article du code du travail portant précisément sur les élections au comité social et économique ? Cette interprétation trop restrictive de la Constitution pose question.
L’amendement ainsi déclaré irrecevable avait pour objet de modifier l’article L. 3253-13 du code du travail en réduisant de dix-huit mois à douze mois la condition d’ancienneté qui y est posée, celle-ci s’appliquant au délai minimal séparant la conclusion d’un accord d’entreprise et l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, délai en deçà duquel l’accord d’entreprise relatif aux indemnités supralégales ne peut s’appliquer.
Pourquoi une telle modification ? Pour les salariés de l’usine Proma de Gien, dans le Loiret, qui ont été injustement privés de leur prime supralégale et, à défaut de rétroactivité, pour tous les salariés qui à l’avenir pourraient se retrouver dans une situation similaire.
En septembre 2008, un accord avait été conclu entre la direction et les salariés de Proma : dans le cadre d’un plan de restructuration, il était convenu qu’une indemnité de licenciement supralégale d’un montant de 23 000 à 35 000 euros serait versée aux salariés licenciés. Un an plus tard, la société se trouvait en cessation de paiements et placée en redressement judiciaire. Or, à cause de ce délai de dix-huit mois, les salariés n’ont pas touché la prime supralégale de licenciement ; les juges avaient pourtant maintenu qu’ils y avaient droit.
Aussi, monsieur le ministre, notre collègue Jean-Pierre Sueur tenait-il à vous alerter tout particulièrement sur cette disposition du code du travail qu’il serait utile de modifier.
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je tiens à répondre à M. Sueur, qui a pu poser sa question par la voix de Monique Lubin.
Je rappelle que l’irrecevabilité en application de l’article 45 n’est pas déclarée par les administrateurs de la commission, mais bien par la commission elle-même sur l’avis de ses rapporteurs.
En l’espèce, l’amendement qui a été déclaré irrecevable par la commission avait pour objet non le régime d’assurance chômage assurant le revenu des salariés en cas de privation involontaire d’emploi, qui est régi par la cinquième partie du code du travail et constitue l’un des objets du projet de loi soumis à notre examen, mais l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), qui est régie, elle, par la troisième partie du code du travail et dont la vocation est d’accompagner ou de soutenir les entreprises dans les procédures collectives en garantissant les créances salariales.
C’est donc à cet égard, et sans préjuger de son contenu, que l’amendement déposé par M. Sueur a été considéré comme dépourvu de tout lien, même indirect, avec le texte en discussion.
Mme le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, F. Gerbaud et Micouleau et MM. Burgoa et Milon, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les branches regroupant des établissements mentionnés aux articles L. 442-5 du code de l’éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime, les suffrages des personnels enseignants liés par un contrat de droit public à l’État, qui les rémunère directement, et qui ne sont pas liés à l’établissement par un contrat de travail, sont recueillis dans des urnes distinctes pour les élections des membres du comité social et économique de ces établissements.
Dans ces branches, la représentativité des organisations syndicales prévue à l’article L. 2122-5 du code du travail est établie sur le fondement des suffrages exprimés par les personnels soumis aux stipulations conventionnelles.
Par dérogation aux deux premiers alinéas du présent article et dans l’attente de la mesure de l’audience prévue au même article L. 2122-5 effectuée dans les conditions prévues à ces mêmes alinéas, le ministre chargé du travail fixe, par arrêté, la liste et le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans ces branches sur le fondement des suffrages exprimés lors de la dernière mesure de l’audience quadriennale.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement très technique, dont j’épargnerai la lecture à mes collègues, vise à résoudre les difficultés rencontrées par les branches de l’enseignement privé à but non lucratif et de l’enseignement agricole privé.
Le Conseil d’État a annulé définitivement l’arrêté par lequel la liste des organisations syndicales représentatives de ces branches et leur poids électoral respectif étaient établis ; le contentieux était lié au statut dual du personnel de ces établissements : salariés de droit privé d’un côté ; maîtres engagés par l’État, sous contrat de droit public, de l’autre.
Cet amendement a pour objet de résoudre ces problèmes en imposant la mise en place d’urnes séparées lors des opérations électorales et en prévoyant l’instauration d’un régime transitoire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Les dispositions ainsi proposées, certes techniques, nous semblent pertinentes.
La question posée est celle de la représentativité des organisations syndicales dans les branches de l’enseignement privé à but non lucratif. Comme vous l’avez très bien dit, ma chère collègue, la coexistence de salariés de droit privé et de maîtres de l’enseignement public ou liés à l’État par contrat génère beaucoup de contentieux.
Il nous a semblé nécessaire de légiférer pour combler ce vide juridique : l’avis de la commission est donc favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il est favorable également.
L’adoption de l’amendement de Mme Procaccia va permettre la reprise de la négociation collective dans les branches de l’enseignement privé à but non lucratif et de l’enseignement agricole privé. Vous l’avez dit, madame la sénatrice, les arrêtés fixant la liste des organisations syndicales représentatives, donc permettant les négociations collectives, ont été annulés par une décision du Conseil d’État du 22 novembre 2021.
Le Conseil d’État a considéré que seuls les suffrages des salariés de droit privé pouvaient être pris en compte dans la mesure de la représentativité des organisations syndicales de ces branches ; la mise en place d’un double système de vote permettra d’effectuer cette mesure en distrayant les suffrages des agents publics de ceux qui sont émis par les salariés de droit privé.
L’introduction de cette disposition utile dans le projet de loi va donc permettre la reprise du dialogue.
Le présent amendement est le dernier sur lequel j’interviens ce soir, madame la présidente ; je vais passer le relais à Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de la formation professionnelle, donc des questions de validation des acquis de l’expérience. Le moment est donc venu de vous saluer et de vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, pour les échanges que nous avons eus depuis le début de l’après-midi.
M. Alain Richard. Très bien !
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Article 4
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 335-5 est ainsi modifié :
aa) Au I, les mots : « ou les titres à finalité professionnelle » sont supprimés ;
a) Les II et III sont abrogés ;
b) (Supprimé)
1° ter Au deuxième alinéa de l’article L. 611-4, les mots : « et L. 613-3 à L. 613-5 » sont supprimés et sont ajoutés les mots : « et au livre IV de la sixième partie du code du travail » ;
1° quater À la fin de la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 612-3, les mots : « premier alinéa de l’article L. 613-5 » sont remplacés par les mots : « livre IV de la sixième partie du code du travail » ;
1° quinquies Au premier alinéa de l’article L. 612-6, les mots : « de l’article L. 613-5 » sont remplacés par les mots : « du livre IV de la sixième partie du code du travail » ;
1° sexies À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 613-1, les mots : « des dispositions des articles L. 613-3 et L. 613-4 » sont remplacés par les mots : « du livre IV de la sixième partie du code du travail » ;
2° (Supprimé)
3° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre VI est abrogée ;
4° À l’article L. 641-2, les mots : « et du quatrième alinéa du II » sont supprimés ;
5° Au dernier alinéa de l’article L. 671-1, les mots : « à L. 613-5 » sont remplacés par les mots : « et L. 613-2 » ;
6° Les vingt et unième et vingt-deuxième lignes du tableau du second alinéa du I des articles L. 685-1, L. 686-1 et L. 687-1 sont supprimées ;
7° À la première phrase de l’article L. 711-6 et au premier alinéa de l’article L. 752-1, les mots : « à L. 613-5 » sont remplacés par les mots : « et L. 613-2 ».
II. – La sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° AA (nouveau) Au troisième alinéa de l’article L. 6111-1, les mots : « engagée dans la vie active » et les mots : « , liée à l’exercice d’un mandat d’élu au sein d’une collectivité territoriale ou liée à l’exercice de responsabilités syndicales » sont supprimés ;
1° A Au second alinéa de l’article L. 6113-9, les mots : « au sens de l’article L. 6412-2 » sont supprimés ;
1° Après le mot : « candidats », la fin de la deuxième phrase du 4° de l’article L. 6121-1 est supprimée ;
2° (Supprimé)
2° bis L’article L. 6313-5 est complété par les mots et un alinéa ainsi rédigés : « ou d’un bloc de compétences d’une certification enregistrée dans ce répertoire.
« Le parcours de validation des acquis de l’expérience comprend les actions d’accompagnement prévues à l’article L. 6423-1 et, le cas échéant, les actions de formation mentionnées à l’article L. 6313-1 ou les périodes de mise en situation en milieu professionnel mentionnées à l’article L. 5135-1. » ;
3° Après le premier alinéa de l’article L. 6323-17-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette commission peut, sous réserve du caractère réel et sérieux du projet, financer les dépenses afférentes à la validation des acquis de l’expérience du salarié, dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
4° Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Service public de la validation des acquis de l’expérience » ;
b) L’article L. 6411-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6411-1. – Le service public de la validation des acquis de l’expérience a pour mission d’orienter et d’accompagner toute personne demandant la validation des acquis de son expérience et justifiant d’une activité en rapport direct avec le contenu de la certification visée. » ;
c) Il est ajouté un article L. 6411-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 6411-2. – Un groupement d’intérêt public met en œuvre, au niveau national, les missions du service public de la validation des acquis de l’expérience mentionné à l’article L. 6411-1.
« Le groupement contribue à l’information des personnes et à leur orientation dans l’organisation de leur parcours. Il contribue également à la promotion de la validation des acquis de l’expérience, en tenant compte des besoins en qualifications selon les territoires, ainsi qu’à l’animation et à la cohérence des pratiques sur l’ensemble du territoire et permet d’assurer le suivi statistique des parcours.
« L’État, les régions, dans le cadre de leurs compétences définies aux articles L. 6121-1 et L. 6121-2, Pôle emploi, l’organisme mentionné à l’article L. 5315-1, les opérateurs de compétences, les commissions paritaires interprofessionnelles régionales, l’institution mentionnée à l’article L. 6123-5 et l’association mentionnée à l’article L. 5214-1 sont membres de droit du groupement, auquel peuvent adhérer d’autres personnes morales publiques ou privées.
« Le groupement est présidé par un président de conseil régional. » ;
5° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Régime juridique de la validation des acquis de l’expérience » ;
b) L’article L. 6412-1 est abrogé ;
c) Après le même article L. 6412-1, il est inséré un article L. 6412-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6412-1-1. – Le ministère ou l’organisme certificateur prévu à l’article L. 6113-2 qui se prononce sur la recevabilité d’une demande peut prendre en compte des activités mentionnées à l’article L. 6411-1, de nature différente, exercées sur une même période, les périodes de stage et les périodes de formation initiale ou continue en milieu professionnel mentionnées à l’article L. 124-1 du code de l’éducation ainsi que les périodes de mise en situation en milieu professionnel mentionnées à l’article L. 5135-1 du présent code. » ;
d) (nouveau) L’article L. 6412-2 est abrogé ;
e) Il est ajouté un article L. 6412-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 6412-3. – La validation des acquis de l’expérience est prononcée par un jury dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret. » ;
6° L’article L. 6422-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « vingt-quatre » est remplacé par le mot : « quarante-huit » ;
b) Après le mot : « collectif », la fin de la seconde phrase est supprimée ;
7° La section 4 du chapitre II du titre II du livre IV est abrogée ;
8° (nouveau) Le chapitre III du titre II du livre IV est ainsi modifié :
a) L’article L. 6423-1 est abrogé ;
b) Après l’article L. 6423-2, il est inséré un article L. 6423-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 6423-3. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent livre, notamment les modalités de collecte, de traitement et d’échange des informations et des données à caractère personnel, parmi lesquelles le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, nécessaires à l’orientation des personnes et au suivi de leur parcours au niveau national, par l’organisme mentionné à l’article L. 6411-2. »
III. – Au 18° de l’article L. 444-2 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « , L. 6412-1 » est supprimée.
IV. – Au dernier alinéa de l’article L. 812-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « à L. 613-5 » sont remplacés par les mots : « et L. 613-2 ».
V. – Au dernier alinéa de l’article L. 120-1 du code du service national, les mots : « aux articles L. 335-5 et L. 613-3 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 335-5 ».
Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. Je souhaite souligner tout l’intérêt de cet article et dire combien je me félicite de la reconnaissance qu’ainsi nous apportons aux proches aidants de notre pays.
Nous connaissons ou connaîtrons tous des situations de vie qui nous obligent à faire un pas de côté, un pas vers l’autre. Ce soutien à ceux qui nous sont le plus chers représente l’essence même du don : le don de son temps, le don de son énergie, le don de son quotidien.
Mais se donner ainsi à l’autre ne doit pas signifier perdre ses projets, ni perdre son temps, ni perdre sa trajectoire professionnelle. C’est tout l’objet de la validation des acquis de l’expérience : assurer à nos concitoyens que toute expérience de vie peut être pour eux une source de compétences, que ces compétences seront valorisées et constitueront une chance pour l’avenir.
Être là pour les autres est une preuve d’amour sans attente de contrepartie – je le sais, étant moi-même dans une telle situation.
Mais notre rôle de législateur est de proposer des chemins d’épanouissement pour l’avenir à tous ceux qui ont à vivre ces moments souvent difficiles, parfois douloureux, mais toujours honorables et empreints d’humanité, afin qu’une fois ce chapitre refermé leur vie professionnelle puisse reprendre sereinement.
Mme le président. L’amendement n° 59, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous proposons la suppression d’un alinéa ajouté par les députés du groupe Les Républicains en commission des affaires sociales, où référence est faite au « bloc de compétences » d’une certification enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles.
Pour rappel, un « bloc de compétences », notion introduite par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est défini comme un ensemble homogène et cohérent de compétences contribuant à l’exercice autonome d’une activité professionnelle et pouvant être évaluées et validées.
Sur le papier, c’est beau, monsieur le ministre ; vous avez abondé dans ce sens devant l’Assemblée nationale, en vantant les mérites de la VAE : cette démarche serait moins longue, moins coûteuse, plus accessible et susceptible de redonner à une personne confiance en ses capacités.
Nous nous interrogeons pourtant sur la conception de la formation professionnelle qui ressort d’un tel éloge de la VAE : quelle vocation et quelle ambition souhaite-t-on lui donner ? Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) rejoint nos craintes : dans un rapport de 2017, on lit que « la construction des blocs pourrait, sans une régulation d’ensemble, conduire à une amplification du flou des compétences et des savoirs des individus sur le marché du travail, avec un risque fort de balkanisation du système de certification ».
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. C’est l’essence même de la VAE que de créer des passerelles entre les certifications. La VAE n’est pas quelque chose de rigide : c’est une troisième voie, aux côtés de la formation initiale et de la formation continue. Et c’est l’esprit même de la loi du 5 septembre 2018 que d’introduire de la fluidité dans cette notion de compétences en permettant, via la VAE, l’acquisition de blocs de compétences.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Ce que vient de rappeler M. le rapporteur est essentiel. Comment donne-t-on de la fluidité aux parcours ? Comment donne-t-on accès à des modules de formation permettant aux salariés de compléter le bagage déjà acquis ? Cette fluidité est cruciale, qu’il s’agisse de reconnaître l’expérience acquise ou d’accompagner la personne qui souhaite s’engager dans un parcours de formation et obtenir un diplôme.
L’avis du Gouvernement est donc également défavorable.
Mme le président. L’amendement n° 75 rectifié, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Après le mot :
salarié
insérer les mots :
et prend notamment en compte les besoins particuliers des Français de l’étranger
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je me fais la porte-parole de ma collègue Mélanie Vogel, qui attire notre attention sur les parcours de validation des expériences professionnelles. Ces parcours sont partout longs et complexes, mais ils le sont en particulier pour les Français et Françaises de l’étranger, notamment ceux qui ont acquis des expériences hors de l’Union européenne.
En principe, l’unique critère pour obtenir une VAE est d’avoir exercé pendant au moins un an une activité salariée, non salariée ou bénévole en rapport avec le contenu de la certification envisagée, en France ou à l’étranger. Dans les faits, très peu de dossiers émanant de l’étranger – environ une dizaine sur plusieurs centaines – aboutissent à une certification. Les organismes certificateurs français se révèlent plus sévères avec ces dossiers ; en outre, l’accompagnement personnalisé s’avère souvent déficient et les financements sont moins accessibles et plus difficiles à mobiliser, obérant la réussite des procédures de certification.
Cet amendement vise donc à inclure les spécificités et les besoins particuliers des Français de l’étranger au sein des critères de la commission paritaire interprofessionnelle chargée du financement des projets de VAE.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. C’est une bonne question que celle des modalités d’accès à la VAE pour les Français résidant à l’étranger. Si la question est bonne, la réponse est peu pertinente : ce n’est pas aux associations « transitions pro » (ATpro) de se saisir de ce sujet ; c’est dans le cadre du groupement d’intérêt public (GIP) que les choses s’organiseront.
Quant à savoir si l’actuelle VAE fonctionne mal, le verdict n’est guère douteux, mais concerne toutes les VAE – l’un des objets de ce texte est précisément de remédier à ce problème.
Notre avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Madame la sénatrice, j’entends l’alerte que vous avez donnée au nom de votre collègue. Les ressortissants français dans leur ensemble, sans distinction, sont concernés par l’ouverture de la validation des acquis de l’expérience. L’accompagnement personnalisé et le financement des parcours de VAE sont accessibles aux Français de l’étranger, qui peuvent donc s’y engager.
Le risque, en adoptant l’amendement que vous défendez, serait que les Français de l’étranger ne soient plus éligibles qu’au financement des projets de transition professionnelle par les commissions paritaires interprofessionnelles régionales ou les associations « transitions pro », ce qui pourrait compromettre la qualité de l’accompagnement qui leur serait proposé.
Je vous propose donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 31, seconde phrase
Supprimer les mots :
, en tenant compte des besoins en qualifications selon les territoires,
II. – Alinéa 32
Supprimer les mots :
l’institution mentionnée à l’article L. 6123-5 et l’association mentionnée à l’article L. 5214-1
III. – Alinéa 33
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Le présent amendement vise à réintégrer dans l’article 4 les éléments structurants concernant le service public de la VAE qui figuraient dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement propose de créer un service public de la validation des acquis de l’expérience dont l’animation incomberait à un espace stratégique de coordination réunissant tous les acteurs des parcours de VAE, afin que les rôles de chacun soient mieux pris en compte, mieux compris et mieux articulés.
La commission des affaires sociales de votre assemblée a procédé à plusieurs modifications sur lesquelles je souhaite exprimer mon désaccord.
Elle a prévu l’ajout au groupement d’intérêt public de nouveaux membres, France compétences et l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).
Nous regrettons collectivement la complexité de l’actuel système de VAE, qui fait intervenir de nombreux acteurs sans espace spécifique de coordination. Nous souhaitons donc, par le biais de ce GIP, assurer l’agilité du pilotage de la VAE au sein d’une politique publique rénovée. C’est la raison pour laquelle nous avons restreint la liste des acteurs qui seront membres de droit du GIP aux seules institutions qui sont dépositaires d’une compétence significative en matière de VAE.
Une telle restriction nous semble essentielle si l’on veut garantir la mobilisation et la coordination des acteurs directement impliqués dans les dispositifs de VAE.
L’ajout à la liste de trop nombreux membres, dont certains n’ont aucune compétence directe ou autonome en la matière, aurait pour conséquence d’alourdir la gestion de cette politique publique, donc de faire renaître les difficultés induites par l’organisation actuelle.
La commission a par ailleurs introduit une précision relative à la nécessité d’une plus grande territorialisation de cette politique publique. Compte tenu de la présence des régions au sein du GIP, j’estime que cet ajout est superfétatoire ; une concertation a d’ailleurs eu lieu avec elles en amont de nos travaux et elles se sont montrées pleines d’allant à l’idée de participer à ce groupement.
La commission a souhaité confier la présidence de ce GIP à un président de conseil régional ; je tiens à souligner qu’une telle mesure va à l’encontre des discussions préalables que mon ministère a conduites avec Régions de France. La volonté de créer ce service public de la VAE émanant de l’État, nous souhaitons y associer les acteurs compétents, dont les régions, bien sûr, sans toutefois les contraindre à une participation financière supplémentaire. Or l’instauration d’une présidence régionale reviendrait à remettre en question ce principe.
Il nous paraît indispensable, enfin, de ne pas préempter les discussions qui porteront sur le mode d’organisation et de fonctionnement du GIP, qui sera défini pour partie par règlement, pour partie par la convention constitutive conclue entre les parties.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement soumet au Sénat cet amendement visant à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Mme le président. L’amendement n° 74, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 31, seconde phrase
Supprimer les mots :
, en tenant compte des besoins en qualifications selon les territoires,
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Dans cet article, comme Mme la ministre vient de l’exposer, il est question de l’organisation du service public de la VAE.
Il nous semble qu’un tel service public ne doit pas se limiter à prendre en compte les « besoins en qualifications selon les territoires ». Il est évident que toute réflexion sur les besoins en compétences tient compte des besoins à venir des territoires, mais l’inscription d’une telle mention dans la loi nous paraît extrêmement restrictive.
Nous proposons donc la suppression de cet alinéa.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Je vais tâcher d’être aussi synthétique que l’était dans ses avis Frédérique Puissat, défi colossal s’il en est ! (Sourires.)
Des amendements de même nature ont été déposés par le Gouvernement et par le groupe CRCE, fait suffisamment rare pour être souligné…
Un mot, tout d’abord, sur la logique territoriale : il ne s’agit pas de marquer des différences très fortes entre les territoires, mais simplement d’adapter le dispositif aux besoins des bassins d’emploi : on sait parfaitement qu’ici et là les besoins en main-d’œuvre ne sont pas toujours identiques.
Pour ce qui concerne, ensuite, la présidence du GIP par un président de région, nous avons bien entendu sollicité Régions de France, qui a donné son accord : nous n’avons pas sorti cette disposition de notre chapeau.
Quant à l’élargissement du GIP à l’Agefiph et à France Compétences, cela nous a semblé nécessaire pour construire une VAE susceptible de répondre aux objectifs ambitieux que nous nous fixons, à savoir ouvrir une troisième voie d’acquisition de compétences, par l’expérience, aux côtés de la formation initiale et de la formation continue.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 74 ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat : la mention qu’il est proposé de supprimer nous paraît en effet incluse dans la conception même du GIP, le dispositif prévoyant l’implication des régions.
Mme le président. L’amendement n° 58, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Supprimer les mots :
ou privées
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Compte tenu de la logique « adéquationniste » qui sous-tend cette réforme de la VAE par le Gouvernement, les auteurs de cet amendement souhaitent restreindre la possibilité d’être membre de droit du GIP aux seules personnes morales publiques.
J’en profite pour rappeler que l’accès à la validation des acquis de l’expérience est rendu difficile notamment par le coût des formations proposées.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Ma chère collègue, les personnes morales de droit privé ne sont pas le diable ! Les personnes morales de droit public ne détiennent pas seules toutes les vertus… (M. Laurent Burgoa acquiesce.)
Si cet amendement était adopté, les opérateurs de compétences (Opco) ne pourraient pas siéger au sein du GIP, ce qui n’aurait évidemment pas beaucoup de sens : nous aurons besoin d’eux pour donner toute sa portée et toute son ambition à la VAE.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 6412-3. – La validation des acquis de l’expérience est prononcée par un jury dont les membres sont désignés par le président de l’université ou le chef de l’établissement d’enseignement supérieur en fonction de la nature de la validation demandée. Pour la validation des acquis de l’expérience, ce jury comprend, outre les enseignants-chercheurs qui en constituent la majorité, des personnes compétentes pour apprécier la nature des acquis, notamment professionnels, dont la validation est sollicitée. Les jurys sont composés de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.
« Le jury se prononce au vu d’un dossier constitué par le candidat, à l’issue d’un entretien avec ce dernier et, le cas échéant, d’une mise en situation professionnelle réelle ou reconstituée, lorsque cette procédure est prévue par l’autorité qui délivre la certification.
« Le jury peut attribuer la totalité de la certification. À défaut, il se prononce sur l’étendue de la validation et, en cas de validation partielle, sur la nature des connaissances et aptitudes devant faire l’objet d’un contrôle complémentaire. Les parties de certification obtenues sont acquises définitivement. Ces parties de certifications permettent des dispenses d’épreuve si le règlement fixé par l’autorité administrative, l’établissement ou l’organisme qui délivre la certification prévoit des équivalences totales ou partielles.
« La validation produit les mêmes effets que le succès à l’épreuve ou aux épreuves de contrôle des connaissances et des aptitudes qu’elle remplace.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. » ;
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. En première lecture, l’Assemblée nationale a profondément modifié l’organisation de la VAE, la transférant du code de l’éducation vers le code du travail dans un prétendu souci de simplification, renvoyant au règlement le soin de préciser les modalités d’organisation et de composition des jurys de validation des acquis de l’expérience.
Cette modification censée introduire plus de souplesse et réduire les délais de certification risque pourtant d’éloigner ces jurys du monde universitaire, qui sanctionnait jusqu’alors la délivrance des diplômes en validant une expérience professionnelle équivalente.
Le champ de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a vu ses effectifs et ses moyens s’étioler au fil des dernières années, ne saurait être tenu pour responsable des retards pris dans l’organisation des jurys de VAE et se voir dépossédé de la mission de délivrance des diplômes.
Il convient de s’assurer que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche resteront majoritaires dans la composition de ces jurys et que les règles de nomination demeureront paritaires.
Le présent amendement vise donc à rétablir dans le champ législatif la composition et les missions des jurys de VAE telles qu’elles étaient définies jusqu’alors dans le code de l’éducation.
Mme le président. L’amendement n° 60, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Remplacer les mots :
dont la
par les mots :
. Les membres de ce jury doivent justifier d’au moins quatre ans d’exercice dans une activité relevant de la certification visée par le candidat. La
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Il s’agit de s’assurer que les membres du jury de VAE justifient d’au moins quatre ans d’expérience.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. La VAE ne fonctionnait pas correctement, nous ne pouvions donc pas laisser le dispositif en l’état. Le constat était clair ; en continuant ainsi, comment pourrait-on en faire une troisième voie d’acquisition des compétences ?
Nous avons donc eu l’idée de faire passer ces dispositions du code de l’éducation au code du travail pour casser les procédures et activer les ministères certificateurs. Une fois que les choses auront évolué juridiquement, il faudra aussi les faire évoluer dans la pratique. Le groupement d’intérêt public aura évidemment un rôle à jouer par rapport aux ministères certificateurs, l’idée étant d’introduire de la fluidité et de la souplesse. C’est vrai pour la VAE, mais aussi, en général, pour l’ensemble de notre pays.
Quant aux jurys, le problème est lié non pas à l’abondance, mais à la pénurie de volontaires pour y siéger. En imposant des contraintes supplémentaires, comme quatre ans d’ancienneté, on restreint encore davantage les possibilités de recrutement et l’on fige la mobilisation.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. L’étape du jury constitue effectivement un énorme goulot d’étranglement. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la VAE dysfonctionne et les délais de validation sont extrêmement longs : j’ai rappelé tout à l’heure, dans la discussion générale, qu’ils s’élevaient aujourd’hui à dix-huit mois. Il faut bien souvent compter huit mois pour pouvoir se présenter devant un jury de VAE. Il existe donc bel et bien un enjeu de souplesse et de fluidité. Il reviendra aux ministères certificateurs, selon les diplômes visés, d’ajuster les modalités de fonctionnement du jury. C’est un des leviers forts en faveur de la validation des acquis de l’expérience.
Par conséquent, j’émets également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. J’entends les arguments de la commission et du Gouvernement, mais fluidité, rapidité et simplicité n’impliquent pas que la validation doit s’effectuer n’importe comment ! Il convient de s’en tenir à ce que prévoyait le code de l’éducation pour ne pas éloigner les jurys du monde universitaire et de la recherche. Il y va de la garantie de la valeur des titres et diplômes obtenus par la VAE. Celle-ci ne doit pas devenir une certification au rabais pour répondre aux besoins des employeurs.
Mme le président. L’amendement n° 82 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 43
Remplacer le mot :
quarante-huit
par le mot :
soixante-douze
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Le salarié qui souhaite faire valider les acquis de son expérience a droit à un congé de vingt-quatre heures pour préparer la VAE et participer à la session d’évaluation devant le jury. L’Assemblée nationale a décidé d’allonger cette période de congé à quarante-huit heures. Je vous propose de le porter à soixante-douze heures pour permettre aux candidats de passer leur examen dans des conditions optimales.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Ma chère collègue, si la question du congé était un frein à la VAE, nous ne verrions aucun souci à accepter votre amendement, mais tel n’est pas le cas : le délai de quarante-huit heures est amplement suffisant. Si la VAE fonctionne mal aujourd’hui, c’est uniquement en raison du défaut d’accompagnement. C’est sur ce point que doivent porter nos efforts pour favoriser les démarches de VAE.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de favoriser l’accès à la certification et l’insertion professionnelle dans les secteurs rencontrant des difficultés particulières de recrutement, à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard le 1er mars 2023, les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent associer des actions en vue de la validation des acquis de l’expérience.
Pour cette expérimentation, il peut être dérogé aux dispositions des articles L. 6314-1, L. 6325-1, L. 6325-2, L. 6325-11, L. 6325-13 et L. 6332-14 du code du travail.
Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation, notamment les qualifications ou blocs de certifications professionnelles pouvant faire l’objet des mesures mises en œuvre dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience, sont déterminées par décret.
Au plus tard six mois suivant son terme, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Le présent amendement vise à traduire la volonté des acteurs de l’accompagnement de la VAE, ainsi que des employeurs de certains secteurs – notamment la santé, le sanitaire et social, le transport –, d’expérimenter une forme innovante de VAE dite « inversée ».
Son principe est de rendre concomitants les processus d’acquisition des compétences par l’emploi et la formation, d’une part, et de reconnaissance des compétences, de l’autre.
Alors que la VAE de droit commun suppose que l’expérience soit acquise antérieurement au démarrage de la procédure, nous souhaitons expérimenter une VAE permettant à des personnes de s’engager dans un parcours de montée en compétence progressif, alliant emploi et formation. Ce parcours serait accompagné, du début jusqu’à la fin, afin que le bénéficiaire rédige un dossier de validation des compétences acquises in itinere, c’est-à-dire progressivement au cours de ses périodes d’emploi et de formation. Les compétences seront alors sanctionnées par un jury de VAE.
L’objectif est de tester des parcours sans couture et individualisés entre emploi et formation, qui supposent l’engagement de l’employeur aux côtés du salarié, afin de l’accompagner vers la certification et l’emploi durable.
Ciblant les secteurs en tension, la VAE inversée est une nouvelle forme d’acquisition des compétences mieux adaptée aux besoins des entreprises et des secteurs d’activité, mais également aux personnes ne souhaitant pas ou ne pouvant pas s’engager dans un parcours de formation classique.
La méthode est d’expérimenter pour tester la pertinence de ces parcours nouveaux dans les secteurs en tension.
Afin d’asseoir juridiquement cette approche, le contrat de professionnalisation apparaît le plus adapté, car il allie périodes en entreprise et périodes en formation. Il offre également l’avantage de la sécurité, pour le bénéficiaire comme pour son employeur, et permet le financement des frais pédagogiques comme la perception d’un salaire.
Toutefois – nous répondons ainsi à un autre objectif de cette expérimentation –, c’est un contrat de professionnalisation libéré que nous utilisons, afin que les parcours s’adaptent aux bénéficiaires et non le contraire, comme c’est aujourd’hui trop souvent le cas.
Pouvant servir aussi bien aux évolutions professionnelles internes qu’aux reconversions ou qu’aux parcours de formation des demandeurs d’emploi, la VAE inversée est prometteuse. Je compte sur vous pour nous permettre de l’expérimenter.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Nous avons trouvé intéressante cette expérimentation d’un contrat de professionnalisation qui associe la voie de l’alternance à celle de la VAE. Convient-il vraiment de parler de VAE inversée ? Quoi qu’il en soit, quand on aime le gâteau aux pommes, on aime la tarte Tatin ! (Rires et applaudissement.) Si cette expérimentation va dans le sens du développement de la VAE et de la reconnaissance des compétences acquises, pourquoi pas ! L’avis de la commission est donc favorable.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Article 5
Sont ratifiées :
1° à 3° (Supprimés)
4° L’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
5° (Supprimé)
6° L’ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 relative au report du scrutin de mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud’hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;
7° à 14° (Supprimés)
15° L’ordonnance n° 2020-1639 du 21 décembre 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
16° et 17° (Supprimés)
18° L’ordonnance n° 2021-797 du 23 juin 2021 relative au recouvrement, à l’affectation et au contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage ;
19° (Supprimé)
20° L’ordonnance n° 2021-1214 du 22 septembre 2021 portant adaptation de mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
21° L’ordonnance n° 2022-543 du 13 avril 2022 portant adaptation des dispositions relatives à l’activité réduite pour le maintien en emploi.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 61 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.
Mme Monique Lubin. Nous proposons la suppression de cet article pour contester le principe même de la gouvernance par ordonnances. Le recours systématique aux ordonnances par le Gouvernement démontre sa volonté de légiférer sans le Parlement. C’est un déni complet de ce qu’est le Parlement, c’est-à-dire un lieu de débats et d’échanges et non une simple chambre d’enregistrement.
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 61.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Notre commission des affaires sociales a supprimé de l’article 5 la ratification de quatorze ordonnances dont les dispositions ne sont plus en vigueur – une d’entre elles a même été annulée par le Conseil d’État. Nous nous sommes montrés favorables à la suppression de la ratification de ces ordonnances présentées devant le Parlement après leur extinction.
Cet amendement vise à supprimer les six ratifications restantes, afin de souligner notre opposition à l’intervention du Gouvernement dans le domaine législatif normalement réservé – faut-il le rappeler ? – au Parlement.
Il s’agit ici de manifester notre opposition de principe au recours aux ordonnances, d’autant que ces dernières ont servi, au moment de la crise sanitaire, à remettre en cause certains droits essentiels des salariés, comme le droit au repos et aux congés.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. La commission a suivi un raisonnement différent et a préféré opérer un tri en limitant cet article à la ratification des ordonnances qui continuent de produire des effets. Notre avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié et 61.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Sont ratifiées :
1° L’ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation ;
2° L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos ;
3° L’ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ;
4° L’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
5° L’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle ;
6° L’ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 relative au report du scrutin de mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud’hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;
7° L’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel ;
8° L’ordonnance n° 2020-770 du 24 juin 2020 relative à l’adaptation du taux horaire de l’allocation d’activité partielle ;
9° L’ordonnance n° 2020-1255 du 14 octobre 2020 relative à l’adaptation de l’allocation et de l’indemnité d’activité partielle ;
10° L’ordonnance n° 2020-1441 du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux réunions des instances représentatives du personnel ;
11° L’ordonnance n° 2020-1442 du 25 novembre 2020 rétablissant des mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ;
12° L’ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire ;
13° L’ordonnance n° 2020-1597 du 16 décembre 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés et de jours de repos, de renouvellement de certains contrats et de prêt de main-d’œuvre ;
14° L’ordonnance n° 2020-1639 du 21 décembre 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
15° L’ordonnance n° 2021-135 du 10 février 2021 portant diverses mesures d’urgence dans les domaines du travail et de l’emploi ;
16° L’ordonnance n° 2021-136 du 10 février 2021 portant adaptation des mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
17° L’ordonnance n° 2021-797 du 23 juin 2021 relative au recouvrement, à l’affectation et au contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage ;
18° L’ordonnance n° 2021-1013 du 31 juillet 2021 modifiant l’ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ;
19° L’ordonnance n° 2021-1214 du 22 septembre 2021 portant adaptation de mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
20° L’ordonnance n° 2022-543 du 13 avril 2022 portant adaptation des dispositions relatives à l’activité réduite pour le maintien en emploi.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Cet amendement vise à rétablir la liste des ordonnances soumises à la ratification parlementaire dans la rédaction initiale du projet de loi.
La suppression de quinze ordonnances au sein de cette liste, effectuée par la commission des affaires sociales, aurait pour effet de rendre caducs des textes qui ont régi la situation de millions de personnes au cours de la période récente. Cette caducité entraînerait la disparition rétroactive de la base légale des modifications ayant été introduites pour gérer ces situations, notamment pendant la crise sanitaire. Cela fragiliserait ces situations, qu’il s’agisse de celles de salariés, de demandeurs d’emploi ou d’entreprises.
Le Gouvernement entend donc rétablir une liste quasi identique à la liste initialement prévue, la seule différence étant la suppression de la référence à l’ordonnance n° 2020-507 du 2 mai 2020 adaptant temporairement les délais applicables pour la consultation et l’information du comité social et économique afin de faire face à l’épidémie de covid-19, devenue sans objet à la suite de la décision du Conseil d’État du 19 mai 2021.
M. Olivier Henno, rapporteur. Dans la logique que j’ai exposée au sujet des amendements précédents, la commission a émis un avis défavorable sur celui-ci. Ratifier des ordonnances qui produisent encore des effets a du sens, mais quelle nécessité y aurait-il à ratifier des ordonnances caduques ? Nous ne sommes pas dupes : vos motivations sont essentiellement statistiques. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il me semble que la non-ratification de ces ordonnances n’aura pas de conséquence rétroactive sur la validité des effets produits par ces ordonnances lorsqu’elles étaient en vigueur. Le débat me paraît donc être plutôt esthétique. Pour ma part, je m’abstiendrai, mais j’estime qu’en supprimant ces ordonnances de la liste de celles que le Parlement ratifie le Sénat ne prononcera pas d’annulation rétrospective.
Mme le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux effets de la réforme de l’assurance chômage pour les jeunes.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement concernant les effets de la réforme de l’assurance chômage sur les jeunes.
La réforme présentée par le Gouvernement va, une fois encore, produire un effet négatif pour deux catégories de personnes surreprésentées parmi les plus précaires : les femmes et les jeunes.
Alors que le taux de chômage des jeunes est encore très haut – 17,4 % selon les chiffres de juillet 2022 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) –, les effets de la précédente réforme de 2018 sont déjà délétères pour les jeunes actifs.
Prenons l’exemple d’une jeune femme âgée de 23 ans qui a occupé un emploi saisonnier pendant un mois, a ensuite été au chômage pendant six mois, puis a commencé un emploi en CDD, qu’elle a quitté un an plus tard. Dans le calcul de son salaire journalier de référence, qui détermine le montant de son allocation chômage, Pôle emploi va prendre en compte sa période d’inactivité de six mois à cause d’un job ponctuel, ce qui va faire mécaniquement baisser le montant de son allocation.
Alors que la vie chère, l’inflation et le chômage pèsent lourdement sur les jeunes, la réforme proposée par le Gouvernement risque de précariser un peu plus encore des personnes en situation difficile.
C’est pourquoi les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demandent au Gouvernement d’évaluer les dispositifs qu’il propose afin, le cas échéant, de les corriger.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Par une jurisprudence constante, le Sénat refuse les demandes de rapport, car il ne s’agit pas d’un mode de législation satisfaisant. Notre avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 91, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport annuel sur l’impact de la réforme de l’assurance chômage sur l’évolution des salaires en France.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans une étude, l’économiste Yann Algan démontre que la réduction des indemnités de chômage présente des externalités négatives en matière de maintien de la masse salariale. Selon lui, « il existe aujourd’hui des arguments solides à la mise en place d’indemnisations chômage généreuses. L’assurance chômage permet aux chômeurs de rejeter les propositions d’emploi de piètre qualité. Réduire la générosité de l’indemnisation pourrait donc se traduire par une diminution de la masse salariale. »
Ces conclusions se combinent à des centaines d’autres études évaluées dans la méta-analyse de la Dares, qui concluent que la baisse des taux de remplacement, la hausse de la durée d’affiliation et la diminution du temps d’indemnisation poussent les demandeurs d’emploi à accepter des emplois ne répondant pas à leurs aspirations.
Un double phénomène se dessine : pour les chômeurs, la baisse des indemnités réduit leur capacité d’arbitrage afin d’obtenir des emplois de qualité et correctement rémunérés ; en retour, cela impacte la capacité des salariés en poste à négocier de meilleures conditions de travail et de rémunération, d’autant que des réformes antérieures ont déjà fragilisé leur propre faculté de négocier.
Il est donc plus que probable que cette mécanique entraîne pour l’ensemble des salariés des métiers dits « en tension » une pression à la baisse sur les salaires et les avancées de carrière.
Il est nécessaire d’obtenir des données solides sur les potentielles externalités négatives de la première réforme. Un rapport doit éclairer le Parlement sur les effets de la réforme de l’assurance chômage de 2019 sur l’évolution des salaires en France.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Même argumentation que pour l’amendement précédent : notre avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Des travaux d’évaluation ont d’ores et déjà été engagés depuis le printemps dernier. Ces rapports vous seront communiqués d’ici à la fin de l’année 2024. Nous entendons votre désir de disposer d’éléments objectifs et statistiques, de manière qualitative comme quantitative. Nous serons bien sûr au rendez-vous. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, trois mois après la promulgation de la présente loi, un rapport exposant l’impact sur les demandeurs d’emploi de la possibilité de rendre dégressive l’allocation d’assurance chômage au sens de l’article L. 5422-3 du code du travail.
Ce rapport évalue notamment l’efficacité économique, budgétaire et sociale de la possibilité mentionnée au premier alinéa.
Ce rapport peut faire l’objet d’un débat en commission permanente ou en séance publique.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Le présent amendement vise à demander un rapport sur l’efficacité de la dégressivité des allocations d’assurance chômage. Nous savons tous quel sera l’avis de la commission, mais cela ne nous décourage pas, car cette demande nous permet de mettre en lumière certaines difficultés. En effet, si nous demandons de tels rapports, c’est bien parce que nous débattons aujourd’hui de sujets qui ne sont pas suffisamment documentés, comme nous l’avons rappelé tout au long de la discussion.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Il est défavorable, ce qui ne signifie pas que nous soyons opposés au principe d’évaluation des politiques publiques – c’est même tout à fait indispensable. Nous pensons simplement que de telles demandes de rapport ne doivent pas figurer dans la loi.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, trois mois après la promulgation de la présente loi, un rapport faisant des propositions pour rendre l’assurance chômage universelle, dotée de financements propres, négociée uniquement par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives.
Ce rapport fait notamment des propositions pour ouvrir l’assurance chômage aux travailleurs des plateformes numériques et élargir son accès aux travailleurs démissionnaires et aux travailleurs indépendants.
Ce rapport peut faire l’objet d’un débat en commission permanente ou en séance publique.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Le présent amendement vise à imaginer une assurance chômage idéale : elle serait négociée par les partenaires sociaux, fondée sur un mécanisme assurantiel, dotée de financements propres et ouverte à ceux qui en sont exclus aujourd’hui.
Cette demande de rapport nous permet de contourner les règles de recevabilité financière, mais aussi d’amorcer un débat sur la réforme nécessaire de l’assurance chômage, loin du détricotage entamé par le Gouvernement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Il est défavorable sur cette demande de rapport et de débat. Je le rappelle, de telles demandes ne constituent pas un mode de législation satisfaisant.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, Pôle emploi remet au Parlement un rapport portant sur l’application des dispositions relatives à l’offre raisonnable d’emploi définie à l’article L. 5411-6-2 du code du travail et sur les évolutions constatées depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. – (Adopté.)
Article 7
(Non modifié)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur le caractère conforme des offres d’emploi diffusées par Pôle emploi. – (Adopté.)
Intitulé du projet de loi
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 69, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Modulation et réduction des droits à l’assurance chômage
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
par les mots :
dispositions dérogatoires relatives au régime d’assurance chômage
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Pour terminer l’examen de ce texte par un clin d’œil, le présent amendement vise à le renommer : « projet de loi portant dispositions dérogatoires relatives au régime d’assurance chômage ».
Via l’article 1er, le Gouvernement souhaite en effet que le Parlement lui signe un chèque en blanc jusqu’au 31 décembre 2023 pour réformer l’assurance chômage après une simple consultation des partenaires sociaux, sans obligation de résultat et sans qu’aucun garde-fou sur la stratégie de réforme du Gouvernement soit inscrit dans le texte.
Il convient donc que le titre du projet de loi reflète cet objectif réel.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Il est défavorable sur les deux amendements. Entrer dans un tel débat reviendrait à « refaire le match », pour reprendre le titre d’une fameuse émission ; je ne crois pas que ce soit le souhait de cet hémicycle… (Sourires.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes arrivés au bout de l’examen de ce projet de loi. Quel bilan devons-nous tirer de nos débats ?
Les salariés ont beaucoup perdu ce soir. Le Gouvernement prendra les rênes de l’assurance chômage, à la place des organisations syndicales et patronales, jusqu’au 31 août 2023. Sans négociations préalables, il modulera les règles d’indemnisation du chômage selon les territoires et la conjoncture économique. Les allocations chômage seront supprimées après trois refus de CDI. Les abandons de poste seront considérés comme des démissions, sans indemnisation chômage. Les intérimaires qui n’acceptent pas un CDI perdront aussi ce droit à l’indemnisation.
Les entreprises, en revanche, sortent largement gagnantes. Elles pourront recruter en CDD pour remplacer plusieurs salariés absents et ne seront plus concernées par le bonus-malus des CDD courts.
La majorité sénatoriale voulait marquer de son empreinte la loi sur l’assurance chômage : nous savons désormais qu’il s’agit de l’empreinte des intérêts du patronat !
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera donc contre ce texte.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cette discussion fort intéressante a permis d’aborder des sujets touchant au cœur même du travail. Nos débats ont été l’occasion d’exprimer des points de vue souvent bien différents.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’était déjà pas d’accord avec l’évolution des droits des demandeurs d’emploi résultant de la réforme de 2018. Nous n’approuverons pas davantage le texte d’aujourd’hui, qui ne permet pas le retour du paritarisme plein et entier que nous appelons de nos vœux. Par ailleurs, ce texte a été considérablement durci par la majorité de la commission des affaires sociales.
Ce soir, comme à d’autres occasions dans cet hémicycle, nous avons entendu des propos qui nous ont fait frémir. Nous avons notamment eu l’impression que les demandeurs d’emploi étaient ramenés à une seule et même entité, à savoir des personnes qui ne sont pas pressées de retrouver un travail, qu’il faut forcer à revenir vers l’emploi et qui seraient l’unique cause des maux des entreprises ne trouvant pas de salariés.
Nous prenons le problème à l’envers. Il faut se demander pourquoi un grand nombre de postes restent à pourvoir. Cette question porte sur la formation, sur son adéquation avec les postes offerts, sur l’attractivité et la rémunération des métiers.
Je veux bien que l’on réfléchisse à une réforme de l’assurance chômage, je veux bien que l’on évoque le rôle des demandeurs d’emploi et que l’on étudie la façon dont ils doivent revenir vers l’emploi, mais il faut aussi réfléchir à tous les éléments que je viens de citer. Nous voterons donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter nos rapporteurs pour leur travail.
Le régime de l’indemnisation du chômage en France est l’un des meilleurs d’Europe ; il faut absolument le conserver et l’améliorer. Comme la sécurité sociale, l’Unédic est capitale pour les travailleurs, pour notre pays, pour la République !
Il nous faut atteindre le plein emploi pour améliorer le financement de la sécurité sociale et équilibrer le budget de l’Unédic.
Aux termes de l’article 1er du projet de loi, le Gouvernement reprend la main, ce qui est nécessaire pour que le régime d’allocation chômage perdure. Mais la commission a prévu que le Gouvernement devrait s’engager, après concertation avec les partenaires sociaux, pour l’évolution de la gouvernance de l’assurance chômage et la négociation des règles d’indemnisation, sur la base d’un document d’orientation.
La commission remet donc les partenaires sociaux dans le jeu, contrairement à ce que j’ai entendu dire à plusieurs reprises dans cet hémicycle.
Par ailleurs, si un salarié en CDD refuse trois CDI, ou si un intérimaire refuse un CDI, ils n’auront pas droit à une allocation chômage.
Un salarié qui abandonne son emploi sans motif sera considéré comme démissionnaire : l’abandon de poste ne sera plus assimilé – c’est le cas actuellement – à un licenciement ou à une rupture conventionnelle. Cette modification, attendue, est aussi une mesure de justice.
Enfin, je tiens à insister sur le développement et la facilitation de la VAE prévus dans ce texte, lesquels permettront de valoriser les salariés concernés et de mieux les accompagner, tant pour la constitution de leur dossier de VAE que pour son éventuel financement.
J’ai entendu Mme la ministre parler de contrat de professionnalisation, de salaires et d’un service public de la VAE. Ce point est très important pour le développement de l’emploi, notamment dans le secteur médico-social !
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le débat qui vient de se tenir au Sénat a reflété le décalage abyssal qui existe entre la situation réelle de millions de demandeurs d’emploi et les discours publics, repris ici, qui sont tenus sur eux et, comme toujours, sans eux.
Le Gouvernement veut engager une réforme dont le seul résultat sera des milliards d’euros d’économies réalisées sur l’allocation chômage, avec une feuille de route claire : le support de la concertation envoyé aux partenaires sociaux reprend les mêmes pistes, mâtinées d’un nouveau paramètre, dit « contracyclique », qui prévoit la modulation de la durée d’indemnisation et de la durée d’affiliation, ainsi que le raccourcissement de la période de référence.
Tout cela est décidé sans remettre en question la qualité des emplois proposés au sein des secteurs dits « en tension » et sans prendre à bras-le-corps, enfin, les problèmes croissants de l’attractivité, des salaires, des conditions de travail, du sens et de l’utilité du travail. Il est seulement prévu un simulacre de pression accrue sur les entreprises qui abusent des contrats courts.
Pourtant, cette réforme ne résoudra ni les tensions qui se font jour dans des secteurs de plus en plus nombreux ni le problème du manque de motivation pour rejoindre ceux-ci, ou y rester. Ce chantier n’étant pas ouvert, le plein emploi voulu par le Gouvernement sera, s’il advient, un plein emploi répressif, sur fond d’invisibilisation des chômeurs, et la réalité sociale s’en trouvera aggravée.
À la faveur d’une surenchère de la majorité sénatoriale, le projet de loi est désormais encore plus dur à l’encontre des demandeurs d’emploi. Belle performance !
Voter ce texte revient à signer un chèque en blanc à un gouvernement qui a, jusqu’à présent, méprisé le paritarisme. L’issue des débats est donc prévisible : le modèle canadien tant rêvé émergera par décret, sans que le Parlement soit consulté sur le contenu de la future réforme.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un texte profondément remanié par le Sénat que nous souhaitons adopter ce soir.
Tout d’abord, ce projet de loi opère une rupture importante par rapport à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, car il rétablit le respect du paritarisme dans la gestion du régime d’assurance chômage, ce qui permet d’engager une véritable réflexion sur la gouvernance.
Ensuite, nous avons renforcé le cadre législatif des règles d’indemnisation du chômage en complétant, pour les sécuriser, les dispositifs prévus par le projet de loi, en inscrivant dans le texte le principe de modulation envisagé par le Gouvernement, mais aussi en introduisant des mesures nouvelles, notamment au regard des difficultés de recrutement actuelles.
De façon générale, l’examen de ce projet de loi a été l’occasion, en nous permettant de dresser un premier bilan de la loi de 2018 précitée, de recentrer le dispositif de bonus-malus sur les cas de permittence qui étaient initialement visés.
Enfin, parce que nous sommes encore loin d’avoir atteint le plein emploi, il était particulièrement utile d’améliorer le dispositif de validation des acquis de l’expérience, une initiative portée par le Gouvernement, que nous avons complétée en commission.
Ainsi, la Haute Assemblée a su insuffler une plus grande ambition au présent texte, lequel répondait surtout à l’urgence de prolonger l’actuel régime d’assurance chômage ; ainsi, on pourra mieux confronter les enjeux actuels et rétablir l’équilibre entre les besoins des demandeurs d’emploi et ceux des entreprises.
Je tiens, en conclusion, à remercier tout particulièrement nos deux rapporteurs pour leurs interventions claires et brillantes. Ils ont apporté une véritable plus-value à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Nos riches débats sur le présent projet de loi ont permis de mettre en lumière nos avis divergents sur l’article visant à priver d’indemnisation un salarié en CDD qui refuserait trois fois un CDI, ou un intérimaire qui refuserait un CDI.
Je souhaite surtout retenir les avancées de ce texte, notamment celles qui figurent à l’article 1er et celles qui, à l’article 4, ont trait à la validation des acquis de l’expérience des proches aidants.
Il nous faut être responsables ; mon expérience à Pôle emploi me l’a démontré. L’accompagnement et l’écoute sont des outils essentiels pour atteindre l’objectif du plein emploi. Nous devons donc, nous aussi, faire preuve d’écoute, en essayant d’avancer ensemble lors de la commission mixte paritaire pour parvenir à un résultat équilibré et atteindre cet objectif.
Le groupe RDPI, dans sa majorité, votera ce projet de loi. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour explication de vote.
Mme Annick Jacquemet. Alors que nous parvenons au terme de l’examen de ce projet de loi, je tiens à remercier nos deux rapporteurs, Frédérique Puissat et mon collègue Olivier Henno, pour le bon sens dont ils ont fait preuve dans leurs travaux et, en particulier, dans les amendements qu’ils nous ont proposés.
Le groupe Union Centriste votera, bien sûr, ce texte. Nous sommes satisfaits par les avancées qui ont été adoptées – à cet égard, les difficultés de recrutement des entreprises ont été soulignées à plusieurs reprises.
Le secteur médico-social a également été évoqué à propos de la VAE. Je voudrais, pour ma part, avoir un mot pour les bénévoles qui travaillent au sein des associations : grâce à ce texte, le temps qu’ils consacrent à nos concitoyens sera désormais reconnu. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Nous ne pensions pas, en commençant l’examen de ce texte à quatorze heures trente, que nous le terminerions ce soir…
Je tiens à vous remercier, madame la ministre, ainsi que M. le ministre du travail, pour votre présence et votre écoute.
Je félicite nos deux rapporteurs, Frédérique Puissat et Olivier Henno, qui ont accompli l’exploit, à la fois, de nous proposer un texte précis comportant des signaux forts et de répondre lors du débat aux questions de l’opposition sénatoriale, sans en éluder aucune.
Je souhaite que tous les textes soient examinés dans une ambiance aussi constructive ! Qu’ils le soient aussi rapidement, ce serait difficile, car on ne peut pas nommer à chaque fois Frédérique Puissat et Olivier Henno rapporteurs, même si je le regrette… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Merci encore à tous pour votre présence. Je vous donne rendez-vous pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera peut-être un peu plus compliqué… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Permettez-moi de remercier à mon tour, au nom du Gouvernement, les présidents de séance, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et tous les membres de cette commission, ainsi que toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui ont travaillé sur ce projet de loi, dans un esprit de coconstruction et d’amélioration du texte.
Chacun d’entre vous a apporté sa vision d’un enjeu de société dont on sait toute l’importance.
Je tiens à remercier particulièrement les deux rapporteurs, qui ont su défendre leurs opinions et faire en sorte que le Sénat améliore ce texte, dans le respect et le dialogue qu’exige ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
18
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 26 octobre 2022 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Quatre conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
Projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives (texte de la commission n° 894, 2021-2022) ;
Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord pour la mise en place d’un mécanisme d’échange et de partage de l’information maritime dans l’océan Indien occidental et de l’accord régional sur la coordination des opérations en mer dans l’océan Indien occidental (texte de la commission n° 757, 2021-2022) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux relatif au statut et aux activités de la Banque des règlements internationaux en France, et de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux (texte de la commission n° 898, 2021-2022) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention portant création de l’Organisation internationale pour les aides à la navigation maritime (texte de la commission n° 8, 2022-2023).
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée (texte de la commission n° 896, 2021-2022).
À vingt et une heures trente :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la guerre en Ukraine et aux conséquences pour la France.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures dix.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER