Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Patricia Schillinger.
2. Modification de l’ordre du jour
3. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Bernard Jomier ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Bernard Jomier.
report des élections départementales et régionales
M. Jean-Yves Roux ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté.
M. Guillaume Gontard ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Guillaume Gontard.
lisibilité des réformes de la fiscalité locale
M. Pierre-Jean Verzelen ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
situation sanitaire et stratégie vaccinale
M. Vincent Segouin ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Vincent Segouin.
situation politique en afghanistan
M. Jacques Le Nay ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; M. Jacques Le Nay.
situation des établissements d’enseignement face à la crise sanitaire
Mme Céline Brulin ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; Mme Céline Brulin.
suspension de la ratification par l’allemagne du plan de relance européen
M. Richard Yung ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
nomination du représentant de l’unef au cese
M. François Bonhomme ; M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne ; M. François Bonhomme.
situation sanitaire dans les écoles
M. Jacques-Bernard Magner ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
problèmes bancaires des « américains accidentels »
M. Antoine Lefèvre ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
fiscalité locale et automatisation du fonds de compensation POUR la taxe sur la valeur ajoutée
M. Olivier Cigolotti ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
M. Guillaume Chevrollier ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; M. Guillaume Chevrollier.
politique du gouvernement en matière de petite enfance
Mme Michelle Meunier ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Michelle Meunier.
M. Jean Bacci ; Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Jean Bacci.
déficit de financement de la formation professionnelle
M. Olivier Henno ; Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion ; M. Olivier Henno.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
5. Respect des principes de la République. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 512 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 301 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 268 rectifié de M. Pierre-Antoine Levi. – Retrait.
Amendement n° 83 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Adoption.
Amendement n° 20 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er ter
Amendement n° 130 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 149 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié quater de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié quater de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 302 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Devenu sans objet.
Amendement n° 92 rectifié de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Devenu sans objet.
Amendement n° 288 rectifié de M. Philippe Dallier. – Retrait.
Amendement n° 24 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 565 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié ter de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 289 rectifié de M. Olivier Paccaud. – Rejet.
Amendement n° 658 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois
Articles additionnels après l’article 2 bis
Amendement n° 564 rectifié ter de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 290 rectifié bis de M. Bruno Retailleau
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 290 rectifié bis de M. Bruno Retailleau (suite). – Adoption, par scrutin public n° 99, de l’amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
Amendement n° 538 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 370 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 572 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 573 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 490 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 90 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 342 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 341 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 30 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 29 rectifié bis de M. Didier Marie. – Retrait.
Amendement n° 84 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 152 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 491 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 225 rectifié de M. Dany Wattebled. – Rejet.
Amendement n° 132 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 85 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 304 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 43 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 291 rectifié de M. Philippe Bas. – Adoption.
Amendement n° 32 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 42 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 292 rectifié de M. Étienne Blanc. – Adoption.
Amendement n° 187 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 343 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 31 rectifié bis de M. Didier Marie. – Retrait.
Amendement n° 188 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 409 rectifié de Mme Nadège Havet. – Rejet.
Amendement n° 282 rectifié de M. Olivier Paccaud. – Retrait.
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 281 rectifié de M. Olivier Paccaud. – Adoption.
Amendement n° 546 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 542 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 543 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 5
Amendement n° 33 rectifié ter de M. Didier Marie. – Retrait.
Amendement n° 34 rectifié ter de M. Didier Marie. – Retrait.
Amendement n° 153 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le Premier ministre m’a informé que le Gouvernement fera une déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre, suivie d’un débat et d’un vote, demain à quinze heures.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, le Gouvernement demande que le Sénat siège ce vendredi 2 avril, matin, après-midi et soir pour poursuivre l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Par ailleurs, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 7 avril après-midi, après les questions d’actualité au Gouvernement, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés.
Acte est donné de ces demandes.
Nous pourrions prévoir pour ce texte une discussion générale de 45 minutes.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun de vous, mes chers collègues, veillera au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole. Il sera également attentif aux gestes prophylactiques, qui sont très importants.
crise sanitaire
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le Premier ministre, l’heure du choix entre les patients est arrivée dans les premiers hôpitaux. Je ne citerai que les propos du chef du service de réanimation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy, qui annonçait hier plusieurs décès de patients dont les interventions avaient été déprogrammées.
Le tri va s’accélérer, et pour la première fois dans l’histoire récente de notre pays, cette situation n’est pas la conséquence d’un événement imprévu, mais celle de la décision d’un homme prise avec une volonté de concentration à l’excès de ses prérogatives constitutionnelles : le chef de l’État. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, l’applique en laissant le virus circuler à un niveau élevé depuis deux mois.
Monsieur le Premier ministre, avez-vous des regrets, des remords ou des excuses à présenter aux Français et à leurs proches victimes de cette obstination ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Alain Houpert applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie. (Protestations sur diverses travées.)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Bernard Jomier, permettez-moi tout d’abord de vous dire qu’il n’y a pas de tri, et que ce mot devrait être banni de notre vocabulaire à ce stade de la crise.
Mme Éliane Assassi. Dites-le aux familles de disparus !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. La crise sanitaire mondiale que nous traversons nous mobilise maintenant depuis un an et demi, en France comme ailleurs. Nous avons eu à développer des réponses mesurées et évolutives face à la situation que nous connaissons, mais nous avons aussi un devoir de transparence vis-à-vis des Français.
La réalité, monsieur le sénateur, c’est que la mobilisation des Français, leur résilience, l’action publique mobilisée, nous permettent d’entrevoir le bout du tunnel, comme c’est le cas dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), où la vaccination ouvre le chemin des retrouvailles.
La réalité, c’est aussi que la situation sanitaire demeure plus que préoccupante : plus de 29 000 Français sont hospitalisés en raison du covid et les patients atteints du virus occupent 89 % des lits de réanimation, malgré toute notre action visant, comme dans les autres pays, à repousser les murs de nos hôpitaux.
M. Philippe Pemezec. Il fallait commander des vaccins !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Pour y faire face, nous sommes dans l’action, sans relâche. Cette action, vous la connaissez, elle s’appuie sur la gestion quotidienne de l’ensemble des ressources dont nous disposons au regard de l’évolution de la situation sanitaire.
Concrètement, elle permet de déployer des outils – masques, gels, vaccins – dont nous avons besoin, de nous assurer que ceux-ci aillent où il faut, quand il le faut, grâce à une logistique d’ampleur. Notre réponse est territorialisée, concertée, en fonction de la situation vécue dans chaque région.
Nous rendons compte en toute transparence, en temps réel, chaque semaine, nous échangeons dans cet hémicycle ; quand la situation l’exige, M. le Président de la République s’adresse à nos concitoyens, ce qu’il entend faire ce soir.
Vous comprendrez qu’il ne m’appartient pas de préjuger de ses propos ; néanmoins, en complément des temps dédiés, le Premier ministre a fait le choix d’ouvrir un débat parlementaire dès demain pour que nous puissions échanger plus largement, en toute transparence, sur la réponse la plus adaptée à la situation que nous connaissons.
Monsieur le sénateur, les Français attendent mieux que de vaines polémiques. Hissons-nous à la hauteur de l’enjeu pour sortir collectivement plus forts de cette crise.
Mme Éliane Assassi. Pas un mot sur les personnes décédées !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, vous pouvez bannir un mot du vocabulaire, mais vous ne le bannirez pas de la réalité !
En déprogrammant plus de 80 % des interventions dans les hôpitaux, à quoi contraignez-vous les soignants, sinon à choisir, à prendre certains patients et non d’autres ?
Voyez-vous, ce qui m’inquiète dans vos propos, c’est ce déni persistant de la réalité, auquel vous ajoutez une gestion de la crise par un homme seul, fût-il chef de l’État, qui, encore une fois, ne consultera pas le Parlement avant ses décisions, lesquelles nous seront soumises comme si nous étions une chambre d’enregistrement. C’est scandaleux ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
report des élections départementales et régionales
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous savons que la troisième vague est très grave et nous sommes une nouvelle fois, en élus responsables, aux côtés de tous nos soignants, soucieux de continuer à appliquer les gestes barrières.
Pourtant, la situation sanitaire n’interdit pas d’envisager l’avenir, même proche, non plus que de faire des projets collectifs, comme les prochaines élections.
Depuis plus d’un an, les élus et les candidats aux élections départementales et régionales vont, comme Ulysse, de report en report, de faux départ en faux espoirs. Ils ne sont pas, à ce titre, pleinement mobilisables sur la durée pour appuyer les plans de relance et pour être aux côtés de celles et de ceux qui vivent la crise sanitaire et sociale que nous traversons.
Les exécutifs attendent. Lundi, le conseil scientifique, comme la loi du 23 février 2021 le prévoit, a émis un avis concernant un possible nouveau report des élections départementales et régionales, dont nous venons pourtant d’adopter le report en juin.
Les élus, mes chers collègues, ressentent encore l’amertume des conditions de préparation si incertaines des élections municipales de mars 2020. Nous ne pourrons pas forcément réitérer un tel exploit.
Comme n’hésitait pas à le dire François Mitterrand, l’action politique à certaines heures est comme le scalpel du chirurgien : elle ne laisse pas de place à l’incertitude.
Aussi, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de nous proposer très vite une date fixe, un projet de loi, un calendrier, un débat parlementaire, ainsi qu’une promulgation rapide. Nous souhaitons sacraliser le moment de la campagne électorale et de la confrontation des projets, qui est, mes chers collègues, le sel de notre démocratie, tout en assurant la sécurisation sanitaire et juridique des candidats, électeurs et personnels.
Pour le moment, une campagne électorale sans contact, ce n’est pas ce qui se fait de mieux.
Nous vous demandons également de prévoir dès à présent des conditions permettant de nous adapter à toutes les situations de crise. Mes chers collègues, les élus départementaux et régionaux sont indispensables pour affronter ensemble et rapidement les moments très difficiles qui s’annoncent.
Monsieur le Premier ministre, dedans avec les miens, certes (Sourires.), mais serons-nous en juin citoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, le conseil scientifique, vous l’avez rappelé, a reçu mandat d’émettre un avis sur le déroulement du scrutin démocratique en période d’épidémie. Il a mené un travail difficile et remarquable que je veux ici saluer, malgré les différentes incertitudes persistantes quant à l’évolution de la crise sanitaire. Ce rapport était prévu dans la loi dont nous avons débattu ensemble et que vous avez votée, portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux et régionaux.
Ces élections, vous l’avez dit, sont un moment démocratique fondamental de notre pays, où chacun peut exercer son droit – son devoir, dirais-je même – de citoyen et venir voter. C’est un temps d’expression déterminant pour notre démocratie.
Après un an de crise sanitaire, nous comprenons la lassitude et, parfois, l’incompréhension des Français à l’égard de ces questions. La responsabilité du Gouvernement est de prendre des décisions souvent difficiles, mais toujours nécessaires pour la santé des Français. Le report ou le maintien des élections est une décision lourde de conséquences.
Le Premier ministre, Jean Castex, va lancer des consultations afin d’aboutir à une solution compatible avec la protection de chacun contre l’épidémie, mais aussi avec les impératifs démocratiques. Pour cela, nous rechercherons le consensus politique le plus large possible avec l’ensemble des partis et des groupes représentés.
Le Gouvernement sera d’ailleurs dès demain présent en séance publique à l’appel du Parlement pour un débat sur ce sujet. En tout état de cause, le Parlement exerce et exercera pleinement son rôle en la matière.
Quelle que soit la solution retenue après les consultations et l’obtention du consensus que j’appelle de mes vœux, le Gouvernement mettra tout en œuvre pour assurer à la fois la sécurité sanitaire et la sincérité de ce scrutin, ce qui est fondamental, vous êtes nombreux à l’avoir appelé au cours de nos débats. Ce débat aura lieu, comme il a eu lieu s’agissant du report en juin du deuxième tour des élections municipales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
filière photovoltaïque
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, lundi dernier, le fabricant de silicium Ferropem annonçait la suppression de 360 emplois en Savoie et en Isère. C’est un savoir-faire centenaire qui est menacé. Le silicium est un produit essentiel pour de nombreuses activités industrielles, notamment pour la fabrication de panneaux photovoltaïques.
En Isère toujours, c’est l’entreprise Photowatt, l’un des rares producteurs français de panneaux solaires, ses 215 salariés et leur immense savoir-faire, qui sont également menacés. Après avoir acheté ses panneaux solaires en Chine pendant des années, sa maison mère, EDF, se désengage. On marche sur la tête !
Sur l’autel de la rentabilité capitaliste, c’est toute la filière photovoltaïque française, voire européenne, qui est sacrifiée.
L’énergie solaire est pourtant indispensable, tant pour la transition énergétique que pour la souveraineté de la France. Ne plus produire de panneaux photovoltaïques en France, c’est aggraver notre bilan carbone et notre dépendance à la Chine. Un comble en pleine discussion du projet de loi Climat !
Cela témoigne de l’absence totale de stratégie en matière de transition énergétique de la France. L’ombre colossale d’Hercule plane sur cette triste affaire. Alors que l’on s’apprête à nationaliser et à financer à fonds perdu la filière nucléaire, qui ne sera jamais rentable, on continue à confier au privé tout l’effort de transition énergétique. Sacrée réussite : nous sommes déjà en retard sur les objectifs 2020 !
Monsieur le Premier ministre, allez-vous agir pour sauver le panneau solaire français ?
Allez-vous enfin déployer une stratégie publique de développement des énergies renouvelables et respecter les objectifs de votre propre programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ?
Allez-vous consulter le Parlement et le peuple avant d’engager, avec le projet Hercule, l’avenir énergétique de la France pour les trente prochaines années ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, merci de votre question qui me donne l’occasion de m’exprimer sur un sujet majeur : la production d’électricité photovoltaïque et ses conséquences industrielles pour notre pays et pour l’Europe.
Vous l’avez rappelé, nous avons des ambitions fortes, décrites dans la programmation pluriannuelle de l’énergie qui a été adoptée, dans le cadre de la loi relative à l’énergie et au climat, le 21 avril 2020 par décret et que nous essayons de mettre en œuvre. L’électricité d’origine photovoltaïque progresse sans cesse, année après année, à un rythme soutenu et nous devons poursuivre dans cette voie.
Votre question renvoie à un autre sujet, celui de l’origine des panneaux, des tuiles et des cellules photovoltaïques qui génèrent cette électricité, lesquels, nous le savons comme vous, sont depuis très longtemps importés de très loin, souvent d’Extrême-Orient, avec un bilan carbone extrêmement défavorable. Nous devons changer cela.
Vous vous souvenez que, pour encourager la consommation d’électricité d’origine photovoltaïque, plusieurs gouvernements successifs avaient augmenté les tarifs d’achat, qu’ils ont ensuite été obligés de baisser à nouveau, précisément parce que cela faisait surtout l’affaire de producteurs étrangers. Cela suppose donc une vraie stratégie industrielle.
C’est sur ce point que je me démarquerai des observations que vous avez faites. Cette stratégie industrielle, qui a longtemps manqué, nous la mettons progressivement en place.
D’abord, nous veillons à ce que tous les appels d’offres pour l’achat de ces matériels comportent des critères en matière de contenu carbone, afin de favoriser les panneaux les plus performants, c’est-à-dire produits avec l’impact climatique le plus réduit, ce qui conduira, vous le savez, à écarter un certain nombre de ces produits importés qui ne répondent pas à ses conditions.
Ensuite, cette stratégie industrielle doit aussi être menée dans un cadre européen et nous travaillons avec la Commission sur la possibilité d’introduire des critères de contenu de production locale dans tous les appels d’offres pour le solaire conduits à l’échelle du territoire communautaire.
La France est également positionnée comme un État moteur pour le lancement d’une alliance européenne pour le photovoltaïque, qui entre exactement dans les objectifs que vous avez appelés de vos vœux, alliance européenne qui a été annoncée par la ministre déléguée chargée de l’industrie le 22 février dernier, aux côtés du commissaire chargé de l’énergie.
Enfin, la France elle-même consacre des moyens pour avoir la capacité de développer et de promouvoir cette filière. Nous soutenons ainsi beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME) et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), comme le projet Akuo, le projet Bélénos ou encore le projet Photowatt, que nous avons sauvé.
Lorsque j’ai pris mes fonctions de chef du Gouvernement, vous avez raison de le rappeler, EDF voulait fermer Photowatt, nous l’en avons empêché, je le dis devant le Sénat, et Photowatt vit toujours. Nous allons soutenir le projet REC Solar à Sarreguemines, pour lequel le Gouvernement est pleinement mobilisé et qui va exiger beaucoup d’argent public.
Bref, mesdames, messieurs les sénateurs, ce gouvernement est pleinement mobilisé pour la construction d’une filière photovoltaïque souveraine et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Merci, monsieur le Premier ministre, mais vous ne m’avez pas répondu, notamment, sur Hercule et sur la place d’EDF.
Oui, EDF a repris Photowatt en 2012, mais aujourd’hui, allez-vous faire pression sur EDF pour qu’il conserve cette filiale à 100 % et lui achète ses panneaux ? Vous ne m’avez pas répondu à ce sujet.
lisibilité des réformes de la fiscalité locale
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre-Jean Verzelen. Ma question s’adresse au ministre délégué chargé des comptes publics.
Monsieur le ministre, les quelque 35 000 maires de France viennent de recevoir, comme chaque année, les fameux états 1259.
La version 2021 est marquée par la réforme de la fiscalité locale avec, d’une part, la fin de l’encaissement de la taxe d’habitation par les communes et, d’autre part, le transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur le bâti.
Comme nombre de nos collègues, j’ai été sollicité par des maires, à la suite de la réception de cet état 1259, notamment à propos du savant calcul du coefficient correcteur, lequel « est égal à 1 plus la ressource à compenser moins la ressource de compensation divisée par la taxe foncière sur les propriétés bâties après réforme ». Je m’arrête là. (Applaudissements.)
Ce document est un véritable chef-d’œuvre de l’administration fiscale, aussi compliqué à comprendre qu’une attestation dérogatoire. (Sourires.)
Vous le savez, cette réforme suscite chez de nombreux élus des inquiétudes sur la compensation de la taxe d’habitation. C’est pourquoi un effort de clarification est nécessaire sur la détermination du coefficient correcteur.
Monsieur le ministre délégué, le Gouvernement doit prévoir un exercice de simplification et d’explication à destination des maires.
J’ajoute que, en fin d’année, les Français vont recevoir leur feuille d’impôts locaux de laquelle, pour 80 % d’entre eux, la taxe d’habitation disparaîtra. Il restera le foncier bâti, qui figurera sur une seule ligne avec un seul taux, résultant de l’addition du taux communal et du taux départemental.
Les maires, comme toujours, seront directement responsables devant les habitants. Par souci de transparence, il est indispensable qu’une clarification soit faite auprès du contribuable afin que celui-ci n’ait pas l’impression que la commune a augmenté massivement son taux d’impôt foncier en contrepartie de la suppression de la taxe d’habitation décidée par l’État.
Merci, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions en la matière. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, quelques mots pour répondre à votre question et, d’abord, pour vous rassurer : l’état 1259 n’a pas fondamentalement changé par rapport à l’année dernière et porte toujours, pour les communes, les informations les plus précises possible sur les recettes prévisionnelles en matière de fiscalité, afin de leur permettre de bâtir leur budget.
La direction générale des finances publiques est totalement mobilisée pour répondre à la crise, mais a veillé à adresser cet état avant le 31 mars, comme le prévoit le règlement. Si, d’aventure, une commune le recevait plus tard, elle bénéficierait automatiquement de quinze jours supplémentaires pour l’approbation de son budget, afin de tenir compte de ce délai.
Quelle est la principale différence ? Elle tient à la mise en œuvre de la réforme de la taxe d’habitation. Cela passe par deux canaux, dont le calcul du coefficient correcteur, dont vous avez rappelé la formule telle qu’elle est littéralement expliquée. Il s’agit, en réalité, d’une règle de trois : lorsque les ressources attribuées depuis le département sont égales à 100 et que la ressource précédente de la collectivité était égale à 80, alors ce coefficient est fixé à 0,8. On peut aussi rédiger cela de manière littérale, comme vous avez su le rappeler.
Nous avions transmis l’année dernière à l’ensemble des communes l’intégralité des simulations et nous avons demandé aux directions départementales des finances publiques de rééditer un exercice de pédagogie et d’explication auprès de chaque maire pour expliquer les différences.
Concernant la taxe foncière, il y a effectivement addition des taux, comme nous l’avions annoncé, mais le montant total de la taxe foncière sur les propriétés bâties reste strictement le même, nonobstant d’éventuelles évolutions de taux décidées par telle ou telle des collectivités désormais attributaires de cette taxe. À taux constant, le montant payé par le contribuable reste le même.
Enfin je voudrais corriger une légère imprécision dans votre propos : vous avez indiqué qu’en septembre prochain, 80 % des contribuables recevront une fiche d’impôts locaux de laquelle la taxe d’habitation aura disparu. En réalité, c’est en septembre dernier que 80 % des Français ont vu disparaître la taxe d’habitation. En septembre prochain, les 20 % de ménages continuant à la payer bénéficieront d’une première baisse d’un tiers. Il y a toujours deux feuilles d’imposition locale : une pour feu la taxe d’habitation et une pour la taxe foncière. Il n’y aura donc pas de confusion.
Je le répète, l’ensemble des maires recevront une explication plus détaillée, peut-être plus littéraire, de l’état 1259, qu’ils ont reçu récemment. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation sanitaire et stratégie vaccinale
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« Je viens d’avoir 32 ans et je me suis fait vacciner. La logique aurait voulu que mes parents le soient avant moi, mais ils n’ont pas la chance de vivre aux États-Unis. » Tels sont les messages que nous recevons. C’est ainsi, monsieur le Premier ministre, qu’est vue la France, cinquième puissance mondiale.
Depuis un an, nous vivons au rythme des confinements et des déconfinements, de la fermeture des écoles et des commerces et du triste décompte des entrées en réanimation et des morts.
Un an plus tard, nous avons le sentiment que rien n’a changé, que rien n’a évolué et que, malgré votre assurance et volonté de tout faire seuls, sans concertation, vous n’avez tiré aucun enseignement de vos erreurs.
L’année dernière, vous nous promettiez 14 500 lits de réanimation. La vérité est qu’il n’y en a que 6 733. L’association entre le public et le privé ne se fait toujours pas.
Un an plus tard, la solution vaccinale existe, mais, en France, seulement 3,9 % population est vaccinée contre 50 % aux États-Unis, 60 % en Grande-Bretagne, et même 85 % en Israël.
Si nous nous comparons à d’autres pays, ce que vous aimez faire quand cela vous est flatteur, nous voyons donc que nous pouvons mieux faire.
Monsieur le Premier ministre, pendant combien de temps allez-vous nous faire vivre au rythme de ces annonces toujours plus pessimistes les unes que les autres ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Vincent Segouin, puisque vous commencez en parlant des États-Unis, permettez-moi de ne pas rappeler le nombre de morts qu’il y a eu dans ce pays, dont tout le monde parlait récemment (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), ou de relever que la moitié des élèves, soit 55 millions d’enfants, n’ont pas eu cours depuis un an. En France, nous avons préservé nos élèves de ce danger.
Les propos que j’ai entendus sont blessants. Permettez-moi de vous dire que personne, ici, n’est insensible aux victimes du covid. Quel que soit notre statut, que nous soyons ministre ou parlementaire, nous avons des familles et nous avons parfois connu des drames personnels.
Face à l’urgence, il nous a fallu nous adapter, évaluer et faire évoluer les protocoles, les doctrines, parfois en poussant les murs, parfois en transformant les industries pour créer des masques, du gel hydroalcoolique, maintenant des vaccins, avec une logistique considérable. Il nous a fallu agir avec méthode et avec transparence, ce qui nous a permis d’obtenir des résultats que nul ne croyait possibles il y a encore quelques semaines.
Concrètement, plus de 8,2 millions de personnes ont bénéficié d’au moins une injection et 2,8 millions de deux. Peut-être pourrions-nous nous féliciter ensemble de ce que 92 % des résidents en Ehpad aient reçu au moins une dose et que plus de la moitié des personnes âgées de plus de 75 ans aient également été vaccinées ?
C’est un effort collectif dont nous devrions nous réjouir et qui nous place en tête des pays européens sur la vaccination des personnes les plus âgées. C’est un tour de force, rendu possible par la mobilisation de tous les acteurs et par l’accélération de notre campagne vaccinale.
Au cours de la seule semaine dernière, 1,8 million d’injections ont été faites, dont une sur trois avec le vaccin AstraZeneca, parce que nous avons misé sur la confiance.
Nous accélérons la campagne et notre objectif de 10 millions sera tenu mi-avril, en priorisant les publics les plus fragiles et les plus exposés, en démultipliant les canaux avec l’ouverture de mégacentres dédiés, avec le concours des forces armées, en montant en puissance avec les centres de vaccination existants sur les territoires,…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. … en mobilisant tous les professionnels de santé possible et en allant vers les personnes les plus isolées.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.
M. Vincent Segouin. Je lisais récemment que l’Union européenne a été soucieuse de négocier des vaccins au meilleur prix et avec le meilleur encadrement juridique. La vérité est donc là !
Notre problème, monsieur le Premier ministre, est que la France est gérée par la peur et la division parce que vous avez vous-même peur de prendre des risques. Avouez que vous avez attendu de voir le résultat des campagnes de vaccination dans les pays n’appartenant pas à l’Union européenne pour juger des effets secondaires et pour, enfin, commander les vaccins et organiser leur administration.
Aujourd’hui, vous nous annoncez que vous allez mettre en place des « vaccinodromes », alors que nos professionnels de santé ont mené une campagne de vaccination contre la grippe de façon remarquable.
M. Vincent Segouin. C’est inutile !
Les Français sont fatigués des effets d’annonce et attendent aujourd’hui des actes. Gouverner un pays, c’est fédérer ses habitants pour lutter et combattre. Ayez la modestie de reconnaître vos erreurs comme l’a fait Angela Merkel, qui disait qu’une erreur doit être reconnue comme telle,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Vincent Segouin. … et doit, surtout, être corrigée. C’est la condition pour que votre parole redevienne crédible. Peut-être constaterez-vous alors que la France n’est pas, comme certains le croient, une nation de 66 millions de procureurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation politique en afghanistan
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jacques Le Nay. Ma question s’adresse à M. ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
En tant que président du groupe d’amitié France-Afghanistan, il est de mon devoir d’exprimer notre inquiétude concernant la situation dans ce pays. Le retrait des troupes américaines, prévu au 1er mai, fait craindre une nouvelle déstabilisation et le risque est réel de voir les talibans revenir au pouvoir. C’est ce que nous a confié le fils du commandant Massoud, reçu ce matin par le président Gérard Larcher.
Dans le même temps, monsieur le ministre, vous avez rencontré vos homologues de l’OTAN pour aborder le dossier afghan. Parallèlement, des négociations sont en cours entre les États-Unis, la Chine, la Russie, le Pakistan, l’Inde, le gouvernement afghan et les talibans, négociations dont la France et l’Europe sont exclues. Pourtant, nous serions bien concernés si ce pays sombrait de nouveau dans le chaos.
Lorsqu’ils s’exilent, c’est en Europe que vont la majorité des Afghans. En France, les ressortissants de nationalité afghane constituent le groupe le plus important parmi les demandeurs d’asile adultes.
M. Abdullah Abdullah, suivant les orientations américaines, négocie avec les talibans au nom du gouvernement afghan. Il nous a confié être personnellement favorable à la participation des Européens aux négociations.
Monsieur le secrétaire d’État, la France et l’Europe peuvent-elles intégrer la table des négociations sur le devenir de l’Afghanistan ? Est-ce la position que vous avez défendue à Bruxelles la semaine dernière ? Comment la France peut-elle peser dans cette crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Jacques Le Nay, vous avez tout à fait raison, la situation en Afghanistan est extrêmement préoccupante. La décision de retrait des troupes américaines n’est pas remise en cause, mais sa date reste incertaine, alors même qu’approche l’échéance du 1er mai.
Notre priorité reste, aux côtés des Américains, de parvenir à un cessez-le-feu et à l’instauration d’une paix durable. Comme vous, nous avons réitéré notre engagement aux côtés de l’Afghanistan lors de la cérémonie, à laquelle j’ai assisté au nom du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, donnée samedi matin en hommage au commandant Massoud en présence de son fils et du docteur Abdullah Abdullah.
Lors de la réunion ministérielle de l’OTAN qui s’est tenue la semaine dernière, Jean-Yves Le Drian, qui représentait notre pays, a rappelé qu’un retrait des troupes alliées devait être conditionné aux progrès de la stabilisation de la situation politique et sécuritaire, et très étroitement coordonné entre alliés.
Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a également échangé avec la partie afghane pour essayer de débloquer les négociations interafghanes qui ont très peu progressé depuis leur lancement à Doha en septembre 2020. À l’occasion de ces entretiens avec son homologue M. Atmar et avec M. Abdullah Abdullah, qui préside le Haut Conseil pour la réconciliation nationale, le ministre a rappelé le soutien de la France au processus de paix et a insisté pour que les discussions soient élargies et inclusives. Il a souligné qu’il était dans l’intérêt des parties afghanes, notamment des républicains afghans, que l’Union européenne participe à ces discussions compte tenu de l’importance que nous attachons à la préservation des acquis démocratiques et aux droits de l’homme.
Par ailleurs, notre pays participe aux processus de dialogues régionaux. Nous avons tenu le même discours, hier, lors de la conférence ministérielle.
Nous avons également plaidé à cette occasion pour que les Européens qui – je le rappelle – sont les principaux donateurs et dont la somme des acteurs sur place fournit la majorité des personnels de l’OTAN, soient associés aux discussions interafghanes. Nous portons donc déjà et nous continuerons à porter la revendication au sujet de laquelle vous m’avez interpellé.
Permettez-moi enfin de souligner que notre compatriote Jean Arnault, qui a été nommé mi-mars envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afghanistan et les questions régionales, contribuera aussi à cet effort d’élargissement de la participation européenne.
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour la réplique.
M. Jacques Le Nay. Un retour des talibans sans élection serait une catastrophe pour la démocratie, les droits fondamentaux et les droits des femmes. La population risque d’être soumise à une charia très dure, comme entre 1996 et 2001. Fawzia Koofi, membre de l’équipe de négociation, a qualifié son pays de « pire pays du monde où naître pour une fille », une déclaration qui en dit long. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
situation des établissements d’enseignement face à la crise sanitaire
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Céline Brulin. Ce soir, l’oracle parlera (Sourires.), mais cet exercice solitaire du pouvoir ne nous fera renoncer ni à notre rôle de parlementaires ni à notre volonté d’associer les Français à la gestion de la crise plutôt que de jouer avec leurs nerfs et de les infantiliser.
Pourquoi en sommes-nous là dans nos écoles, monsieur le ministre ?
Mme Céline Brulin. Parce que seulement 320 000 tests ont été réalisés sur plus de 12 millions d’élèves, mais aussi parce que nous manquons cruellement d’enseignants remplaçants. La situation étant déjà tendue en temps normal, actuellement on brasse des milliers d’enfants en les répartissant dans d’autres classes, au mépris de la distanciation et des conditions d’enseignement.
Nous en sommes là parce que vous avez refusé que les personnels enseignants, les personnels des collectivités, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les assistants d’éducation soient vaccinés. Les équipes sont aujourd’hui épuisées, les élus locaux, désemparés, et les familles, inquiètes.
Quel est le scénario pour les jours à venir ? Comment la continuité pédagogique sera-t-elle assurée, lorsqu’une classe ou une école, voire davantage seront contraintes de fermer ? Quid des collèges, des lycées et de l’université ?
La France va récupérer 2 millions de vaccins dans les prochains jours. Ces doses doivent être destinées prioritairement aux personnels éducatifs, avec un plan précis de vaccination.
Les tests salivaires pour les élèves comme pour les personnels doivent s’amplifier et être répétés chaque semaine. Au passage, abandonnez la franchise médicale d’un euro, absolument déplacée dans le contexte.
Il faut aussi stopper les suppressions de postes et recruter. À la rentrée 2021, aucune classe ne doit être surchargée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Esther Benbassa et M. Patrice Joly applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, dans tout ce que vous avez dit, un point pourrait faire consensus entre nous : c’est une chance pour la France que d’avoir eu ses écoles ouvertes de septembre jusqu’à aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.) Cela nous singularise dans l’ensemble du monde occidental. En Europe et dans les Amériques, très peu de pays l’ont fait. C’est un gain considérable pour nos élèves.
Vous qui avez une sensibilité humaniste, ayez bien à l’esprit que selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), 100 millions d’enfants sont en retard de lecture dans le monde à cause des fermetures d’écoles. Telle est la réalité, et si je suis malheureux pour ces 100 millions d’enfants, je suis heureux pour les enfants français auxquels nous avons permis d’échapper à cela.
Certes, cela ne va pas sans emporter des inconvénients dans la vie quotidienne, mais vous ne trouverez aucun pays où ce n’est pas le cas. En dépit de cela, je constate que les acteurs de l’éducation nationale sont totalement mobilisés, parce qu’ils saisissent parfaitement le sens de ce que nous faisons.
Vous m’avez interpellé au sujet des tests salivaires. Nous en effectuons 300 000 par semaine. On peut certes en demander davantage, mais nous sommes le seul pays d’Europe à réaliser autant de tests salivaires hebdomadaires. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Le taux d’acceptation de ces tests, qui est de 70 % à cette heure, n’est d’ailleurs pas aussi bon que nous le souhaiterions.
Je pourrais ainsi souligner que sur chacun des points de la politique que nous menons, nous faisons le maximum.
M. Fabien Gay. Et les vaccins ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il importe aujourd’hui que nous continuions dans cette voie. Quels que soient les éléments de la déclaration que fera le Président de la République ce soir, ils reposeront sur le principe de la priorité donnée à l’enfance et à la jeunesse. Cette priorité doit être française, mais aussi européenne et mondiale, car les enfants et les jeunes peuvent être les premières victimes de cette crise.
Sur ce sujet, de grâce, ayons l’esprit de consensus et d’unité nationale. Les décisions que nous prenons le sont dans l’intérêt des enfants. Si certaines sont sans doute imparfaites – je suis prêt à le reconnaître – soyez assurée qu’elles sont sous-tendues par l’idée partagée par le Premier ministre que l’école est la première des priorités. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, j’ai cru un instant ce midi que le Gouvernement allait reconnaître ses erreurs. Il n’en est rien, et j’en suis vraiment navrée.
Si vous voulez l’unité nationale, accédez à la demande des enseignants et des personnels éducatifs d’être vaccinés. Si vous voulez l’unité nationale, cessez de fermer des classes à la rentrée. Tout le monde vous le demande, tant dans cet hémicycle que dans le pays. Quand allez-vous enfin l’entendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
suspension de la ratification par l’allemagne du plan de relance européen
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Richard Yung. Lorsque le plan de relance européen a été adopté en août ou en septembre 2020, nous avons été très nombreux à nous en réjouir. En effet, l’adoption de ce plan constituait à la fois une action forte pour faire face à la crise du covid et un acte de solidarité entre les pays européens, qui, pour la première fois, s’endettaient ensemble à hauteur de 750 milliards d’euros.
Malheureusement, le calendrier a quelque peu dérapé par la suite. C’était la faute non pas de la France, mais des discussions engagées avec les pays du Nord, un peu radins, qui ne voulaient pas participer, et avec la Pologne et la Hongrie, qui ne voulaient pas que le bénéfice du plan de relance soit conditionné au respect des droits de l’homme.
À la fin de l’année, nous y sommes finalement arrivés : le plan de relance avait été adopté par le Parlement européen, par le Conseil européen, et évidemment, par la Commission. Mais alors que nous entrons dans la phase des ratifications nationales, patatras, il y a une semaine, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne a considéré que ce plan était contraire à la Loi fondamentale allemande en ce qu’il créait une dette commune que les Allemands ne souhaitent pas soutenir. Autrement dit, les pays du Nord ne veulent pas payer pour les pays qui chantent le soir dans le Sud.
Mes questions sont donc les suivantes, monsieur le secrétaire d’État. La France n’est pas directement responsable, mais elle subit cette situation. Que peut-elle faire pour accélérer le calendrier ? Si nous ne faisons rien, ce plan de relance arrivera à la fin de la pandémie.
Par ailleurs, si notre pays entretient son amitié avec l’Allemagne – nous sommes des « philo-germaniques » – nous constatons que les relations avec l’Allemagne deviennent plus difficiles.
M. le président. Il faut conclure.
M. Richard Yung. Que pensez-vous de cette situation ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure. Je vous prie de vous dépêcher, cher collègue.
M. Richard Yung. Enfin, ne faudrait-il pas augmenter ce plan de relance, actuellement doté de 750 milliards d’euros, comme les Américains l’ont fait ? (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle la nécessité de respecter votre temps de parole.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Richard Yung, je vous remercie de cette question (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), qui porte sur un sujet extrêmement important.
M. François-Noël Buffet. Et difficile !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Vous avez rappelé la célérité avec laquelle la France, après les différentes péripéties que nous avons connues collectivement pour faire avancer ce plan de relance, a permis le vote par ses deux assemblées, au début du mois de février dernier, des ressources permettant son financement, notamment la dette commune qui fait l’originalité de ce plan.
Les ratifications nationales se poursuivent. Je rappelle que d’ordinaire, ce processus dure près de deux ans. Or il s’agit d’une exigence démocratique d’autant plus légitime que sont soumis à ratification, non seulement le plan de relance d’un montant de 750 milliards d’euros, mais aussi le budget européen pour les sept prochaines années, ce qui représente un total de plus de 1 800 milliards d’euros. Sur de telles sommes, le débat démocratique me paraît nécessaire.
J’espère que ce processus pourra être achevé dans les vingt-sept États membres d’ici au mois de mai. Seize pays, dont l’Allemagne, ont achevé leurs procédures parlementaires. C’est un record.
En Allemagne, un recours a effectivement été porté devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Je ne dispose pas de davantage d’éléments, car la Cour décidera de manière indépendante, à la fois sur le fond et sur le délai. Néanmoins, les signaux que nous adressent tant les autorités allemandes que les experts juridiques de ces matières sensibles nous portent à l’optimisme quant à la rapidité et à la teneur de la décision qui sera prise. Nous espérons ainsi être en mesure de tenir l’objectif que nous nous sommes fixé, c’est-à-dire de disposer des premiers décaissements de prêts européens dès l’été prochain.
Permettez-moi d’apporter une précision très importante : cela ne ralentit en rien le plan de relance français. D’un montant de 100 milliards d’euros, celui-ci a d’ores et déjà bénéficié d’un effet européen, si je puis dire, puisque nous l’avons construit, en particulier avec Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, en misant sur des financements de plus de 40 milliards d’euros venant de l’Union européenne. Sans cette garantie et cette perspective, nous n’aurions pas pu bâtir un plan de relance aussi ambitieux. Comme vous le savez, ce plan de relance a commencé à produire ses effets,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. … puisque 26 milliards d’euros sont déjà engagés.
Nous poursuivons donc cette discussion, quitte à adapter notre réponse, mais dans l’immédiat, nous souhaitons d’abord faire fonctionner ce plan de relance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
nomination du représentant de l’unef au cese
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, il y a peu, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a confirmé très tranquillement qu’elle organisait bien des réunions réservées aux personnes de couleur. Lorsque des voix se sont élevées pour dénoncer ces réunions selon la couleur de peau, l’UNEF a persisté et a signé.
Non seulement l’UNEF s’obstine, mais des responsables publics n’hésitent pas à justifier une pratique dont on imagine le tollé qu’elle aurait à juste titre suscité si une association ou un syndicat en France avait organisé, à l’inverse, des groupes de parole réservés aux blancs.
Bien sûr, les membres du Gouvernement se sont exprimés sur cette dérive. M. Blanquer et Mme Schiappa y sont allés de leur couplet. La condamnation, chaque fois, s’est voulue ferme, dans les propos en tout cas : « Le Gouvernement ne laissera pas faire », « Tout cela est inacceptable », a-t-on répété à l’envi.
Et pourtant, il n’a été question ni d’engager la moindre procédure de poursuite contre une telle pratique qui à l’évidence relève de la loi pénale, ni de suspendre ou de conditionner la subvention que verse l’État à ce syndicat.
Pis, nous avons appris dernièrement que le Président de la République vient de nommer sur rapport du Premier ministre un représentant de l’UNEF comme membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), tenez-vous bien, mes chers collègues, « au nom de la cohésion sociale », (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la ministre, comment pouvez-vous afficher une position de fermeté impeccable en façade, et en même temps refuser toute action contre un syndicat qui porte atteinte de manière si claire et si délibérée aux valeurs de notre République ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Monsieur le sénateur Bonhomme, vous interrogez le Gouvernement sur la nomination d’un représentant de l’UNEF au sein du Conseil économique, social et environnemental. Au-delà de cette nomination, ce que vous remettez en cause, au fond, c’est la réalité de la reconnaissance de la représentativité de l’UNEF.
Le Gouvernement – vous l’avez d’ailleurs fort justement rappelé – a eu l’opportunité de s’exprimer par la voix de nombre de ses représentants pour condamner sans la moindre obscurité ni la moindre ambiguïté les propositions de l’UNEF. Notre position comme notre fermeté sont restées constantes depuis lors.
Toutefois, monsieur le sénateur, l’on peut, comme nous le faisons, condamner ces pratiques, tout en reconnaissant la place d’une organisation élue par les étudiants et celle de ses représentants au sein d’institutions expressément prévues par les textes. Aux termes de la loi, est dite représentative une organisation étudiante qui dispose d’au moins un représentant dans les conseils nationaux à l’issue des élections étudiantes. C’est le cas de l’UNEF, qui, selon les résultats des dernières élections, est la deuxième organisation représentative étudiante après la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).
M. Philippe Pemezec. C’est incroyable !
M. Marc Fesneau, ministre délégué. C’est la démocratie, monsieur le sénateur !
La présence de l’UNEF au sein du CESE découle de la réforme constitutionnelle de 2018, qui prévoit que les organisations de jeunes et d’étudiants sont représentées au Conseil. La réforme du 15 janvier a maintenu cette présence qui se justifie par leurs résultats aux élections.
Le CESE est la chambre de la société civile organisée et de la participation citoyenne. La société civile organisée, présente au CESE, est nécessaire à la vitalité de notre démocratie. Cette nouvelle répartition des sièges fait suite au rapport Combrexelle, remis le 5 mars au Premier ministre par un comité indépendant prévu par la loi et composé, entre autres – j’attire votre attention sur ce point, monsieur le sénateur –, de trois sénateurs et de trois députés. Le Gouvernement s’est strictement conformé aux préconisations du rapport Combrexelle.
En conclusion, permettez-moi de saluer les membres sortants du CESE qui ont fait un travail remarquable et fort utile pour nous tous. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, mesurez-vous la portée de ce qu’indiquent vos fiches ? Je me pose la question. Vous parlez de représentativité ; or il s’agit non pas de représentativité, mais d’un syndicat qui a tenu des propos justifiant des réunions selon la couleur de peau. De tels propos tombent sous le coup de la loi pénale. Vous persistez pourtant à ne pas vouloir enclencher l’action publique ; c’est votre droit, mais ne me répondez pas à côté ! Vous nous livrez le prêchi-prêcha habituel sur les valeurs de la République. Cela n’a aucun sens ! C’est à l’État qu’il revient d’intervenir, et de manière forte ; pourtant, vous ne le faites pas ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
situation sanitaire dans les écoles
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez affirmé récemment que 94 % des enseignants absents étaient remplacés, mais la réalité est tout autre. Il semble bien que le chiffre que vous citez ne prenne pas en compte toutes les absences liées à la covid, celles-ci augmentant malheureusement tous les jours.
En effet, dans bien des établissements du primaire comme du secondaire, des enseignants absents ne sont pas remplacés, et cela désormais sur de longues périodes. Face à cela, les professeurs des écoles organisent au mieux le service, surchargeant parfois les classes pour accueillir des élèves des maîtres absents et provoquant ainsi un brassage favorable à la propagation du virus.
Nous pouvons comprendre que la pandémie actuelle complique les conditions de recrutement d’enseignants supplémentaires pour faire face à la situation de plus en plus préoccupante. Mais, monsieur le ministre, le manque chronique d’enseignants remplaçants était déjà connu et ne pouvait qu’être aggravé par la crise sanitaire. Nous l’avions dit lors du vote du budget 2021 : il fallait créer plus de postes pour assurer le remplacement des enseignants dont on pouvait aisément prévoir qu’ils seraient malheureusement frappés eux aussi par la contamination.
Puisque la doctrine du Gouvernement est de maintenir les écoles ouvertes coûte que coûte, pourquoi ne pas avoir anticipé des moyens nécessaires lors de la préparation de la rentrée 2020 ? D’ailleurs, nous vous demandons de publier les vrais chiffres du taux de remplacement dans chaque académie, car il semble bien qu’une certaine opacité règne dans ce domaine.
Aujourd’hui, la situation est difficile pour les enseignants, et elle se complique considérablement pour les enfants qui, du fait du confinement, ont déjà perdu de nombreuses heures de cours et qui sont de plus en plus nombreux à être en situation de décrochage scolaire.
Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour pallier dès à présent les absences des enseignants non remplacés ? Comment envisagez-vous la période qui nous sépare de la fin de l’année scolaire ? Enfin, comment préparez-vous la rentrée 2021 dans ce contexte ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Magner, la question du remplacement est pour partie structurelle et pour partie conjoncturelle.
Nous devons améliorer le remplacement de manière structurelle en France, et ce, indépendamment de la crise sanitaire. Je le dis depuis que je suis en fonction. Nous avons un peu amélioré la situation par la création de postes, en particulier dans le premier degré. Les budgets que vous avez votés ont acté cette augmentation du nombre de postes, notamment de remplacement, dans le premier degré.
Nous atteignons ainsi un taux de remplacement qui, selon les académies, varie de 95 % à 97 %, mais je reconnais qu’il est extrêmement désagréable, y compris pour les parents d’élèves, de faire partie des 2 %, 3 % ou 4 % concernés.
La crise sanitaire a fait baisser ce pourcentage, mais je peux indiquer en toute transparence qu’il reste au-dessus de 90 %. Chacun peut comprendre qu’une crise de cette nature, alors que l’essentiel des classes restent ouvertes – la proportion de classes fermées se situe autour de 0,2 % – entraîne un certain nombre de conséquences, dont des tensions en matière de remplacement.
Du reste, je rappelle que le remplacement n’est pas qu’une question de postes. Dans le second degré, certains postes sont ouverts, mais ne sont pas pourvus, car nous ne trouvons personne pour les occuper, notamment en raison de l’éloignement des classes. Ces sujets techniques complexes appellent des améliorations.
Je vous répondrai en deux temps, monsieur le sénateur.
Premièrement, afin de pallier les difficultés structurelles, par-delà la crise, nous menons actuellement le Grenelle de l’éducation. Le remplacement fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons. Dès la rentrée prochaine, nous prévoyons d’améliorer la situation en revoyant notre organisation et les moyens alloués au remplacement.
Deuxièmement, contrairement à ce que vous avez indiqué, nous avons déjà amélioré la situation du remplacement de manière conjoncturelle. Dès la rentrée de septembre, nous avons augmenté les moyens qui lui sont alloués afin de créer de nouveaux postes. Puis, au mois de novembre, nous avons décidé de créer plus de 1 000 supports supplémentaires pour le remplacement. Enfin, la semaine dernière, j’ai annoncé, avec l’autorisation du Premier ministre, le renforcement des moyens alloués au remplacement académie par académie pour pourvoir les postes.
Je reconnais les tensions qui affectent le remplacement. Nous travaillons pour remédier à ce problème, car nous devons nous efforcer de faire en sorte que chaque élève ait un professeur. Pour autant, dans les circonstances exceptionnelles que nous traversons, chacun comprend qu’il puisse y avoir des difficultés. Nous nous organisons pour y répondre.
Permettez-moi de conclure en rendant hommage à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale qui, dans ces circonstances si difficiles, nous permettent de tenir là où d’autres n’ont pas tenu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
problèmes bancaires des « américains accidentels »
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Jacky Deromedi et Catherine Procaccia, s’adresse au ministre de l’économie, des finances et de la relance, et porte sur les menaces de fermeture de comptes bancaires de nos compatriotes dits « Américains accidentels ».
Ces derniers – ils sont environ 40 000 en France et 300 000 en Europe –, bien que seulement nés sur le sol américain, sont néanmoins, du fait de l’accord « Facta » conclu en 2013 par la France et les États-Unis, assujettis à des obligations fiscales américaines du seul fait du droit du sol.
Les banques françaises sont tenues de transmettre un numéro fiscal pour leurs clients considérés comme américains à défaut de quoi elles encourent de lourdes sanctions financières, mais elles avaient obtenu un délai. Or en ce début d’année 2021, la banque BNP Paribas, qui s’est vu infliger une amende de plus de 9 milliards de dollars en 2014, menace de façon plutôt énergique de clôturer ces comptes unilatéralement et sous deux mois, y compris quand il y a un prêt immobilier en cours, au prétexte que ces souscripteurs ne peuvent produire ce fameux numéro.
En 2018, sur l’initiative de Jacky Deromedi, le Sénat a voté à l’unanimité une résolution invitant le Gouvernement à la mise en œuvre d’une action diplomatique tendant à obtenir un traitement dérogatoire pour les Américains accidentels leur permettant soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d’être exonérés d’obligations fiscales américaines.
Or l’ensemble des services de l’ambassade étant fermés depuis mars 2020 en raison du contexte sanitaire, nos concitoyens nés aux États-Unis avant 1986 et qui ne disposent pas de ce fameux numéro d’identification ne peuvent ni le récupérer ni renoncer à la nationalité américaine.
Les banques ne peuvent méconnaître cette difficulté insurmontable. Les Pays-Bas ont d’ailleurs abordé le sujet le 16 février dernier, lors de la réunion des ministres européens des finances. Leur ministre s’est alors engagé devant les parlementaires à ouvrir une négociation bilatérale avec son homologue américain.
Monsieur le ministre, cette situation et les menaces dont sont victimes nos compatriotes nécessitent une action volontaire auprès de la nouvelle administration Biden, que nous savons attachée au partenariat transatlantique. Pouvez-vous faire le point sur l’avancement de ce dossier, et faire en sorte que le harcèlement de certaines banques cesse ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Lefèvre, depuis 2013, les gouvernements successifs se sont mobilisés, avec d’autres gouvernements européens, pour faire en sorte que ceux que nous appelons les Américains accidentels puissent renoncer plus facilement à la nationalité américaine quand ils le souhaitent.
Un guichet spécial a d’ailleurs été mis en place par l’ambassade et le consulat avant la période de covid leur permettant de le faire sans obtention du numéro d’identification fiscale que vous avez évoqué. Toutefois, cette procédure simplifiée reste assujettie à une taxe américaine d’un montant de 2 350 dollars.
Un certain nombre de difficultés ont effectivement pu être rencontrées. Vous avez notamment pointé les inquiétudes que certains « Américains accidentels » entretiennent du fait du positionnement des établissements bancaires.
Je souhaite vous rassurer en apportant deux réponses à vos interrogations.
Dernièrement, nous avons obtenu du service fiscal américain, l’IRS, que les établissements financiers puissent utiliser des codes pour les résidents fiscaux américains qui ne bénéficient pas du numéro d’identification fiscale, numéro dont vous avez rappelé la difficulté, et parfois l’impossibilité qu’ils avaient à le trouver ou à le retrouver. Ces codes pourront être utilisés dès la campagne de collecte 2021. Par ailleurs, ils permettront de mieux cerner les difficultés liées à la non-obtention des numéros d’identification fiscale nord-américains et de faciliter leur résolution.
Je souhaite aussi indiquer que rien ne justifie une fermeture de compte sur le seul fondement qu’un client est américain, qu’il soit ou non américain « accidentel », ou qu’il est dans l’impossibilité de fournir un numéro d’identification fiscale, qui, de plus, est un numéro d’identification fiscale à l’étranger. Selon la doctrine de l’administration fiscale française, qui a été expressément rappelée à la Fédération bancaire voilà peu de temps, la procédure couvre les banques en cas d’absence de numéro d’identification fiscale, à plus forte raison lorsque ce numéro est nord-américain. Or les banques ne relèvent que de la loi française pour la collecte et la transmission de l’information à la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Soyez assuré que nous portons la plus grande attention à ce sujet. Nous allons nous rapprocher de l’établissement bancaire que vous avez cité afin de faire en sorte que ces « Américains accidentels » n’aient pas à souffrir de la situation administrative dans laquelle ils se trouvent. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
fiscalité locale et automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Ma question s’adresse également à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
Monsieur le ministre, alors que les maires préparent leur budget primitif pour 2021, ces derniers sont inquiets et en colère. En effet, les maires et présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sont en première ligne pour lutter contre la pandémie et ses conséquences. Dès le début du premier confinement, les acteurs locaux ont multiplié les initiatives et mobilisé de nombreuses ressources pour protéger leurs concitoyens, maintenir les services publics et soutenir les tissus économique et associatif. Cette crise produit actuellement un choc violent sur les finances des collectivités locales. Ses répercussions dans le temps seront irréversibles.
Dans ce contexte, l’automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Cette réforme s’applique aux dépenses effectuées dès ce début d’année. Ainsi, pour l’ensemble des bénéficiaires du FCTVA, les dépenses 2021 et au-delà seront traitées dans le cadre de nouvelles modalités de gestion.
Du fait de cette réforme, des ajustements ont été opérés. À compter de cette année, les dépenses inscrites sur les comptes 211 et 212, « Terrains » et « Agencements et aménagements de terrains », ainsi que les travaux d’investissement réalisés en régie ne bénéficieront plus de la compensation.
À la grande surprise des élus et de leurs associations, l’élaboration, la modification et la révision des documents d’urbanisme ne seront plus éligibles non plus. Ces dépenses substantielles sont souvent amorties sur une durée de dix ans et pèsent de façon importante sur le budget des collectivités.
L’incidence de ces pertes d’éligibilité du FCTVA sera extrêmement dommageable pour le bloc communal, qu’elles concernent les documents d’urbanisme indispensables au développement des territoires ou les aménagements de terrains, notamment dédiés au sport.
Monsieur le ministre, à la date du 15 avril, les éléments nécessaires à la préparation budgétaire auront-ils été transmis aux collectivités ? Cette date demeurera-t-elle inchangée ? Surtout, quelles mesures entendez-vous prendre pour rétablir l’éligibilité au FCTVA des documents d’urbanisme et des aménagements de terrain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Cigolotti, l’automatisation du FCTVA est une bonne réforme, qui permettra de passer d’un régime déclaratif à un régime automatique. Lorsqu’elle sera pleinement entrée en vigueur, nous estimons le gain pour les collectivités – à périmètre constant – à 235 millions d’euros.
Cette année, une minorité de collectivités est appelée à intégrer le régime automatique de déclaration du FCTVA, puisque seules celles qui bénéficient du remboursement du fonds en année n sont concernées. L’année prochaine et les suivantes, le nouveau régime sera progressivement étendu aux collectivités qui auront été remboursées en n+1, n+2 et ainsi de suite. Tous les maires savent à quel rythme le FCTVA est perçu.
Cette automatisation suscitera des économies de fonctionnement, comme on l’a constaté pour d’autres dispositifs.
Elle s’est déjà traduite par une modification du périmètre d’éligibilité au fonds, certaines dépenses y entrant, alors que d’autres en sortaient. Ainsi, les dépenses pour travaux d’entretien de voirie figurent dans ce périmètre depuis déjà quelques années, quand les dépenses pour travaux de réseaux y sont entrées plus récemment.
Il est vrai que les dépenses concernant les terrains à bâtir et les documents d’urbanisme ont été retirées de l’éligibilité, comme vous l’avez mentionné. Avec Jacqueline Gourault, nous avons prévu de travailler sur ce sujet.
Je peine cependant à comprendre le ton quelque peu révolté de votre question, dans la mesure où les dépenses liées aux documents d’urbanisme représentent 0,3 % du total du FCTVA. Vous conviendrez donc qu’elles ne constituent pas la majeure partie de cette allocation de 6 milliards d’euros.
Nous aurons l’occasion, dans les prochaines semaines et les prochains mois, de travailler sur ces sujets et de perfectionner le régime d’automatisation. Nous avions déjà cet objectif lorsque nous avons décidé une entrée en vigueur progressive sur trois ans de la réforme du FCTVA.
Votre question me donne l’occasion de préciser que, d’après les chiffres définitifs publiés par l’Insee, l’évolution des recettes des collectivités locales, comme celle de l’ensemble des recettes publiques, était, en 2020, en légère diminution, à hauteur d’environ 2 %. Quant à leurs dépenses, d’un point de vue macroéconomique, elles n’ont augmenté que de 0,2 %, mais avec des différences entre les strates.
Grâce à l’excédent réalisé en 2019, ce petit effet de ciseaux s’est traduit en 2020 par un solde des collectivités locales à l’équilibre, ce qui est plutôt rassurant, et par le maintien d’une capacité d’épargne égale à celle de 2018.
Même s’il s’agit là d’un recul,…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. … le socle reste solide pour maintenir les capacités d’investissement des collectivités.
réforme du baccalauréat
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, il y a quelques jours, j’ai rencontré des jeunes, en classe de terminale, au lycée Lavoisier de la ville de Mayenne. Ils m’ont fait part de leur grande inquiétude, à trois mois du baccalauréat, au sujet de l’épreuve du grand oral.
Cette épreuve finale, inédite, est la grande nouveauté du baccalauréat. Elle est déterminante, dotée d’un coefficient important. Les lycéens la travaillent et se montrent studieux, car ils ont envie de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Cependant, comment peut-on se préparer à une épreuve dont on ne connaît pas les modalités ?
Cette inquiétude est partagée par tous. Les professeurs, formés tardivement, sont écartelés entre la nécessité de terminer le programme et celle de préparer les élèves à l’oral. Les lycéens se demandent si l’épreuve sera maintenue ou annulée, comme cela a été le cas pour l’oral de français l’année dernière.
Certaines questions portent sur l’organisation de l’épreuve. Elles sont très basiques, mais personne n’est capable d’y répondre.
De plus, la situation sanitaire impose à certains lycées de fonctionner de manière hybride, en présentiel et en distanciel. Les élèves n’auront donc pas les mêmes conditions de préparation à cet examen, pourtant national, ce rite de passage fort dans la vie d’un jeune adulte.
À cette inégalité s’ajoute celle qui est dénoncée par les bacheliers des établissements privés hors contrat, les candidats libres et ceux qui sont inscrits en cours à distance, y compris dans le cadre réglementé du Centre national d’enseignement à distance, le CNED. Ils seront les seuls à ne pas bénéficier du contrôle continu, comme leurs camarades du public et du privé sous contrat avec l’État. Cette différence de traitement entre les élèves constitue une rupture d’égalité devant l’examen.
Monsieur le ministre, les jeunes, les parents, les professeurs et les élus locaux m’interpellent sur l’urgence de soutenir la jeunesse. Quel message leur enverrez-vous pour les rassurer ? Ils attendent des informations très claires et concrètes sur les modalités du grand oral. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui me donne l’occasion, tout comme vous l’avez fait, de souligner l’importance de la nouvelle épreuve inscrite dans la réforme du baccalauréat.
Cette épreuve constitue, en effet, l’une des innovations les plus importantes de cette réforme. Notre intention à cet égard est de rappeler à tous ceux qui participent au système éducatif, depuis l’école maternelle jusqu’à la terminale, combien il est essentiel pour les élèves d’être capables de s’exprimer à l’oral, de s’extravertir, d’écouter et d’argumenter. Or ce ne sont pas forcément les points forts du système actuel.
L’expression orale est tout à fait complémentaire de la compétence écrite, et nous voulons la développer, grâce à une série d’initiatives que je ne détaillerai pas, mais dont font partie la pratique théâtrale et le chant.
L’« école de la confiance » dont nous parlons signifie aussi qu’il faut apprendre aux élèves à avoir confiance en eux, en leur donnant les moyens de s’exprimer.
La situation actuelle remet en cause tous les éléments du système et nous oblige à des adaptations. Nous avons d’ailleurs déjà procédé à certaines d’entre elles. À ce stade, je considère que l’épreuve pourra avoir lieu, dès lors, bien sûr, que les conditions au mois de juin le permettront.
Nous l’organiserons avec bienveillance, car cet oral n’a d’intérêt que si les élèves le réussissent. C’est un bon message à leur envoyer que de leur rappeler qu’il est important de s’entraîner.
En revanche, il n’est pas exact de dire que nous n’avons pas fourni les ressources nécessaires à la préparation de l’épreuve. Chacun peut le vérifier immédiatement sur les sites « education.gouv.fr » et « eduscol.education.fr ». L’explication du grand oral y figure en trois points détaillés, contrairement à ce que vous avez affirmé, ainsi que des ressources pour s’entraîner.
Comme il s’agit d’une première, il est tout à fait normal que l’épreuve suscite des questions. Les corps d’inspection sont là pour aider les professeurs. Nous leur proposons également, depuis plusieurs mois, des sessions de formation continue.
Je le répète, l’objectif est de faire réussir les élèves. La philosophie de la réforme repose sur l’idée que, en préparant le baccalauréat, les élèves doivent acquérir des capacités qui leur permettront de réussir, après l’examen.
Il ne s’agit pas de les brimer en leur imposant une épreuve pénible, mais au contraire de leur offrir l’occasion de s’entraîner pour développer des qualités qui leur seront utiles par la suite, notamment pour réussir dans l’enseignement supérieur.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, ma question remonte du terrain. Les acteurs concernés ne semblent pas connaître les modalités du grand oral.
Les lycéens sont inquiets. Les professeurs, qui ont pourtant vécu d’autres réformes, sous la droite et sous la gauche, n’ont pas le souvenir d’avoir connu une telle impréparation. Auparavant, les choses étaient fixées dès la rentrée scolaire. Ce n’est pas le cas avec ce gouvernement, et je le regrette. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
politique du gouvernement en matière de petite enfance
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. Ma question s’adressait à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Depuis l’annonce du programme d’accompagnement des « 1 000 premiers jours de l’enfant », nous ne pouvons reprocher à M. Adrien Taquet de manquer d’ambition en matière de petite enfance et de soutien à la parentalité.
Cependant, cet intérêt masque mal les difficultés éprouvées sur le terrain, que ce soit par les familles à la recherche de solutions d’accueil pour leur jeune enfant ou bien par les professionnels mobilisés pour défendre leurs conditions de travail à leur domicile, dans les maisons d’assistantes maternelles ou dans les crèches.
Hier, les professionnels du secteur de la petite enfance étaient en grève pour dénoncer la réforme qui déréglementera les conditions d’accueil des jeunes enfants, en procédant par ordonnances et par décrets.
Réduction de l’encadrement, autorisation d’accueil en surnombre, diminution des superficies, baisse de la qualité éducative, toutes ces mesures répercutent le manque de personnel qualifié et l’insuffisance du budget consacré à la formation.
Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge a rendu un avis plus que réservé sur ces perspectives. Le rapport du groupe d’experts réunis autour de Boris Cyrulnik préconise un accueil réalisé par des professionnels qualifiés pour garantir le développement et l’épanouissement du jeune enfant.
Monsieur le secrétaire d’État, vos projets s’éloignent de ces recommandations. Est-ce à dire que votre seul objectif est de renforcer l’équilibre financier des entreprises de crèches privées, au détriment de la qualité d’accueil de la petite enfance ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Laurence Cohen et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Michelle Meunier, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, qui est retenu par d’autres obligations.
Il est bien sûr pleinement mobilisé sur les questions relatives à la petite enfance que vous évoquez. Il a d’ailleurs tenu, dans un récent courrier, à rendre un vibrant hommage aux professionnels du secteur pour leur engagement et leur mobilisation pendant la crise sanitaire, car ceux-ci se sont montrés soucieux de toujours mieux accompagner les plus petits, même dans ces circonstances.
J’ai moi-même eu l’occasion, au nom du Gouvernement, de réaffirmer la place de ces professionnels dans la politique de lutte contre les inégalités de destin, ainsi que dans la politique de défense de l’égalité des chances, dès le plus jeune âge.
À cet égard, l’année 2021 sera décisive, comme vous l’avez rappelé. Elle verra, en effet, l’aboutissement de la réforme des règles applicables aux modes d’accueil du jeune enfant, après plus de deux ans de concertation et de travail.
Ces nouvelles règles doivent permettre aux professionnels de se consacrer à leur cœur de métier, grâce à la simplification et la lisibilité du dispositif. Elles suivent un cap clair, celui de la qualité de l’accueil, telle que celle-ci a été définie dans la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant.
Certains considèrent que le Gouvernement ne va pas assez vite ou assez loin. Cependant, Adrien Taquet a souhaité promouvoir une solution d’équilibre, pour ne pas rester dans un statu quo.
Par ailleurs, pour préserver les emplois menacés par la crise, la branche famille mobilise 200 millions d’euros. Cette somme servira à financer un plan de relance, qui permettra d’assurer un soutien puissant à l’investissement, le rehaussement des aides au fonctionnement dans les territoires prioritaires, ainsi que l’expérimentation inédite d’un accompagnement au montage de projets.
Le Gouvernement poursuit donc son action en faveur des professionnels de la petite enfance.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.
Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, vous avez peint un tableau idéal.
Cependant, l’évolution de la situation dans les Ehpad, secteur que vous connaissez bien, est un précédent qui nous laisse craindre que la petite enfance ne devienne à son tour le parent pauvre de l’accompagnement social. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
population de loups
M. le président. La parole est à M. Jean Bacci, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bacci. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
On le voit dans la banlieue de Strasbourg poursuivant un conducteur de quad, dans le jardin d’un particulier dans la Drôme, s’attaquant à un chien domestique et le tuant, ou bien encore aux abords de nos villages alpins ; à part dans la Manche, il a été repéré partout en France. Le loup devient un véritable fléau dans nos campagnes, étendant son territoire à la recherche de nourriture. L’homme ne lui fait plus peur.
Dans le Var, à La Verdière, ce sont 300 bêtes du troupeau de l’éleveur local qui ont été tuées en 2020. Le loup est même entré dans la bergerie. Dans le Var, toujours en 2020, ce sont 368 attaques, 1 156 bêtes victimes et 13 meutes qui ont été identifiées. Ces chiffres croissent chaque année.
Outre le coût financier, une profonde lassitude pèse sur les éleveurs. Ceux-ci sont de plus en plus nombreux à jeter l’éponge, faute de se sentir soutenus par les pouvoirs publics.
La présence du loup pose également la question de la sécurité alimentaire. Quand le pastoralisme disparaît dans nos territoires, alors que nous prônons le refus des élevages intensifs, ce ne sont pas seulement la fermeture des milieux et l’atteinte à la biodiversité que nous devons déplorer, mais aussi les difficultés dont pâtit l’approvisionnement en circuit court et qui profitent aux importations de Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Est-ce cela l’agriculture que vous voulez, monsieur le ministre ?
Le plan Loup représente 30 millions d’euros cette année, en augmentation régulière, soit 60 000 euros par bête, alors que l’on estime leur nombre à 580.
Monsieur le ministre, laissez-moi vous poser cette question politiquement incorrecte : qu’apporte le loup à la biodiversité, puisqu’il n’a plus de prédateur, hormis l’homme ? Les brigades loup et les louvetiers n’abattent que très peu de bêtes, faute de moyens et d’autorisations.
Nous devons non seulement organiser un vrai décompte de la population de ce prédateur, mais aussi ajuster les autorisations préfectorales de tirs de prélèvements et faciliter les tirs de défense pour les éleveurs.
Monsieur le ministre, les éleveurs dans nos communes pastorales sont excédés. Montrez-leur que vous les entendez, avant qu’il ne soit trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Jean Bacci, au sujet du loup, nous devons concilier deux objectifs extrêmement importants.
L’un consiste à préserver la biodiversité et constitue une exigence indispensable. Depuis les petits insectes, comme le papillon ou l’abeille, jusqu’aux grands prédateurs, c’est toute la chaîne de la biodiversité qu’il nous faut préserver. Tels sont les engagements que nous avons pris en signant la convention de Berne, en 1979, pour la réintroduction maîtrisée du loup.
L’autre objectif, comme vous l’avez dit, est de protéger les éleveurs et de soutenir l’agropastoralisme. En effet, le soutien à ce type d’élevage est une nécessité absolue dans les montagnes et dans les territoires ruraux.
En plus du plan Loup, déployé depuis 2018, le Gouvernement a pris toute une série de mesures pour rendre possible la coexistence de ces deux objectifs.
Ainsi, des prélèvements sont effectués par la brigade loup de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, et par les lieutenants de louveterie. Nous avons augmenté le taux possible de prélèvements de 17 % à 19 %. En plus de réguler ainsi la population de loups, nous finançons des mesures de protection, car tel est le prix à payer pour maintenir la biodiversité. Nous avons également amélioré les barèmes d’indemnisation des éleveurs.
En 2020, pour la première fois dans certains départements, les dégâts ont été moins importants qu’auparavant. Les mesures de protection sont donc efficaces et produisent des effets.
Mme Frédérique Puissat. Pas du tout !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La situation peut-elle encore s’améliorer ? Oui ! Le Gouvernement est prêt à fournir des efforts continus pour que les mesures soient encore plus efficaces, encore plus précises et encore plus axées sur le soutien aux éleveurs.
Mme Frédérique Puissat. Allez donc sur le terrain voir les éleveurs !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Faut-il sacrifier totalement la biodiversité au mépris de nos engagements internationaux et de la préservation, à moyen terme, de toutes les espèces ? Non ! La coexistence entre les deux objectifs que nous nous sommes fixés est indispensable, et nous allons la rendre possible.
Mme Frédérique Puissat. Vous êtes complètement hors sol !
M. le président. La parole est à M. Jean Bacci, pour la réplique.
M. Jean Bacci. Madame la ministre, la biodiversité que vous évoquez est philosophique, alors que je vous parle de celle du terrain.
Mme Frédérique Puissat. Exactement !
M. Jean Bacci. Je vous invite à venir voir un troupeau attaqué par un groupe de loups. Vous verrez des dizaines de bêtes au sol, égorgées, dépecées, à moitié dévorées, parfois encore vivantes et en train d’agoniser. Je ne pense pas que la cause animale et la biodiversité y gagnent beaucoup. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
déficit de financement de la formation professionnelle
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Ma question d’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Madame la ministre, hier matin, on pouvait lire dans un quotidien national que les salariés pourraient être obligés de payer pour se former.
Nous n’avons pas été surpris par les chiffres que le conseil d’administration de France compétences a dévoilés.
En effet, au début de l’année 2018, lors de l’examen au Sénat du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous avions tenté d’alerter le Gouvernement sur le problème du financement de la formation professionnelle et sur le devenir du 1 % formation. À l’époque, toutefois, votre volonté de recentralisation l’avait emporté, aux dépens du paritarisme et des compétences des régions.
Aujourd’hui, les faits parlent d’eux-mêmes, et les salariés comme les partenaires sociaux sont inquiets. Le manque de financement s’élèverait à près de 5 milliards d’euros pour la période allant de 2020 à 2023, et il pourrait atteindre 10 milliards d’euros sous l’effet de la crise sanitaire.
Vous avez manifesté le souhait d’ouvrir une concertation avant l’été, ce qui est une bonne initiative. Il semble urgent de réunir l’ensemble des partenaires sociaux. La suggestion que le groupe Union Centriste avait formulée, par la voix de son président, d’organiser une conférence sociale s’est heurtée au silence assourdissant du Gouvernement.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer comment le Gouvernement compte traiter ce sujet important qu’est le financement de la réforme de la formation professionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Monsieur le sénateur Henno, l’équilibre financier de France compétences est un sujet que le Gouvernement a bien identifié et qu’il suit avec une grande attention.
Nous avions d’ailleurs présenté dans le projet de loi de finances pour 2021 un objectif d’équilibre budgétaire pour 2022. Le sujet est également inscrit à l’agenda social depuis l’été dernier.
La situation actuelle s’explique, d’une part, par des facteurs conjoncturels, et, d’autre part, par des facteurs structurels, qui sont inhérents au dispositif.
La crise sanitaire a eu des conséquences sur les recettes de l’opérateur France compétences. En effet, alors que la formation professionnelle et l’apprentissage sont financés grâce aux contributions des entreprises, l’activité partielle a entraîné une baisse des ressources.
Par ailleurs, l’augmentation du nombre des contrats d’apprentissage a causé une hausse des dépenses qui sont liées à leur prise en charge. Or nous comptabilisons 500 000 contrats d’apprentissage en 2020, grâce au plan « Un jeune, une solution », malgré le contexte de la crise. C’est un record historique.
Je rappelle qu’Élisabeth Borne et le Premier ministre ont annoncé la prolongation des aides à l’apprentissage jusqu’à la fin de cette année.
La forte mobilisation du compte professionnel de formation, le CPF, est un autre élément à prendre en compte. Nos concitoyens sont en effet en train de se saisir de cet outil. À ce jour, il a déjà permis de financer un éventail extrêmement large de formations.
Depuis la rentrée, Pôle emploi ou les employeurs peuvent également abonder le CPF pour financer le reste à charge des formations des salariés.
Le ministère du travail étudie toutes les pistes pour favoriser un retour progressif à l’équilibre de France compétences. Celles-ci feront l’objet d’échanges dans le respect de la gouvernance quadripartite de l’opérateur.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Dans ce cadre, nous restons à l’écoute de toute contribution de la part des parlementaires.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Le groupe Union Centriste saisit l’occasion que lui offre cette question pour marquer deux oppositions.
Il refuse tout d’abord la création d’un ticket modérateur qui reviendrait à faire payer les salariés et les jeunes pour leur formation.
Il s’oppose ensuite à la baisse de la prise en charge des contrats d’apprentissage et affirme sa grande inquiétude quant au financement de ces contrats et au 1 % formation.
Enfin, il souhaite réaffirmer son double attachement au paritarisme et à l’implication des régions dans la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Valérie Létard. Très bien !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 7 avril 2021, à quinze heures.
4
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, pour l’organisation du débat qui suivra la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre, nous pourrions prévoir, à raison d’un orateur par groupe, un temps de parole de quatorze minutes pour le groupe Les Républicains, de douze minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de dix minutes pour le groupe Union Centriste, de huit minutes pour les autres groupes et de trois minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le délai limite pour les inscriptions de paroles dans le débat pourrait être fixé à demain, onze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Il est vrai que les consultations des groupes auxquelles nous avons procédé ont été organisées dans les conditions que vous pouvez imaginer…
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Respect des principes de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (projet n° 369, texte de la commission n° 455 rectifié, rapport n° 454, avis nos 448 et 450).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 1er ter.
TITRE Ier (suite)
GARANTIR LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE ET DES EXIGENCES MINIMALES DE LA VIE EN SOCIÉTÉ
Chapitre Ier (suite)
Dispositions relatives au service public
Article 1er ter
(Non modifié)
I. – Le chapitre IV de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article 25 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fonctionnaire est formé au principe de laïcité. » ;
2° Après l’article 28 bis, il est inséré un article 28 ter ainsi rédigé :
« Art. 28 ter. – Les administrations de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l’article 2 désignent un référent laïcité.
« Le référent laïcité est chargé d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte. Les fonctions de référent laïcité s’exercent sous réserve de la responsabilité et des prérogatives du chef de service.
« Un décret en Conseil d’État détermine les missions ainsi que les modalités et les critères de désignation des référents laïcité. »
II. – La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifiée :
1° Après le 10° de l’article 14, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :
« 10° bis La désignation d’un référent laïcité prévu à l’article 28 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée ; »
2° Après le 14° du II de l’article 23, il est inséré un 14° bis ainsi rédigé :
« 14° bis La désignation d’un référent laïcité chargé des missions prévues à l’article 28 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée ; ».
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 512 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Après le quatrième alinéa de l’article 25, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonctionnaire est formé à l’ensemble de ces principes et obligations. » ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Selon nous, cet amendement est susceptible de faire consensus. C’est pourquoi nous serons très intéressés par la réponse de Mme la ministre.
Avec cet amendement, en effet, nous souhaitons aller plus loin que ce que propose le texte actuel en matière de formation des fonctionnaires.
En l’état, l’article 1er ter prévoit de modifier l’article 25 de la loi Le Pors pour préciser que « le fonctionnaire est formé au principe de laïcité ». Madame la ministre, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste y souscrit totalement.
Pour autant, cet article ne mentionne pas seulement le principe de laïcité, mais bien un ensemble de principes que le fonctionnaire doit respecter dans l’exercice de ses fonctions, pour servir au mieux l’intérêt général : la « dignité », l’« impartialité », l’« intégrité », la « probité », la « neutralité » et la « laïcité ».
Par cohérence avec l’ensemble de ces principes et obligations, dont certains ont été précisés et rappelés dans la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, nous proposons donc d’étendre l’obligation de formation des fonctionnaires, et non de la restreindre au seul principe de laïcité.
Selon nous, enrichir le contenu de la formation des fonctionnaires permettrait de mieux garantir l’égalité de traitement entre tous les usagers du service public et de lutter contre toutes les discriminations, sous toutes leurs formes.
Mme la présidente. L’amendement n° 301 rectifié, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, à la connaissance du fait religieux
II. – Alinéas 4, 5, première et seconde phrases, 6, 9 et 11
Après les mots :
référent laïcité
insérer les mots :
et connaissance du fait religieux
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Si l’on peut convenir que les exigences minimales de la vie en société, à savoir la construction du vivre ensemble, nécessitent des mesures tendant à renforcer le respect des principes de la République, on ne peut omettre d’inclure parmi ces exigences la reconnaissance et la compréhension des diversités, notamment culturelles et religieuses, qui ont fondé la communauté nationale française.
L’article 1er ter comporte un certain nombre d’avancées, notamment parce qu’il crée une formation au principe de laïcité pour les fonctionnaires et institue un référent laïcité dans les administrations de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics.
Bien sûr, nous sommes totalement favorables à la création de ce référent. Néanmoins, la limitation de cette formation au seul principe de laïcité en réduit la portée.
Il en est de même des compétences du référent laïcité, au vu de la méconnaissance actuelle du fait religieux dans sa diversité – je ne parle pas de la religion, mais du fait religieux, qui est une observation scientifique et historique de la religion – et de sa nécessaire mise en perspective avec la laïcité et les valeurs républicaines dans leur ensemble.
Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a pour objet d’introduire la notion de « fait religieux » dans le texte, comme l’article 24 octies le prévoit d’ailleurs pour les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation.
Ces approches plurielles permettraient de distinguer efficacement ce qui relève du fait religieux dans sa diversité confessionnelle, culturelle et historique, qui est légitime, des tendances « exclusivistes » et séparatistes à prohiber.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. 28 ter. – Tout fonctionnaire a le droit de consulter un référent aux principes de la République, chargé de lui apporter tout conseil utile au respect de ces principes, notamment du principe de laïcité et de l’obligation de neutralité, ainsi qu’en matière de lutte contre les discriminations. Cette fonction de conseil s’exerce sans préjudice de la responsabilité et des prérogatives du chef de service.
« Tout référent aux principes de la République bénéficie d’une formation adaptée à l’exercice de ses missions par l’Observatoire national de la laïcité. Il peut à tout moment saisir l’Observatoire de toute demande de conseil utile à l’exercice de ses missions.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités et critères de désignation des référents aux principes de la République. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Nous sommes évidemment favorables à la généralisation des référents laïcité. Nous regrettons néanmoins que le texte se limite à transcrire dans la loi la circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique, qui est à l’origine de la mise en place de ces référents.
La consécration de la fonction de référent dans le texte aurait dû être l’occasion d’accroître le niveau d’ambition. Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à élargir le périmètre d’action des référents, au-delà des seules questions liées à l’application du principe de laïcité, à l’application des principes de la République, thème central de ce projet de loi.
Si l’on restreint le périmètre d’action des référents au seul principe de laïcité, on laissera de côté des sujets importants, comme celui des discriminations.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, un agent public qui ferait l’objet d’une discrimination en raison de sa religion, réelle ou supposée, ne pourrait pas se tourner vers le référent laïcité, puisqu’il ne s’agit pas d’un problème de non-respect du principe de laïcité, mais d’un problème de discrimination. Il faut donc que les référents soient compétents sur tous les sujets relatifs aux principes de la République, qui constituent, je le rappelle, l’objet du présent texte.
Nous souhaitons ainsi renforcer le respect du principe de laïcité, sans pour autant oublier les autres principes qui définissent notre République.
Mme la présidente. L’amendement n° 268 rectifié, présenté par M. Levi, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Laugier, Menonville, Mizzon, Louault, Canevet et Grand, Mme de La Provôté, MM. Regnard, Chasseing et Ravier, Mmes Joseph et Billon, M. Moga, Mmes Paoli-Gagin et Jacquemet, M. Longeot, Mme Drexler, M. Charon, Mme Herzog, MM. H. Leroy, Segouin, Bonhomme, Duffourg, Le Nay et Folliot, Mmes Morin-Desailly et Bonfanti-Dossat et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
territoriales
insérer les mots :
, les établissements hospitaliers
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. L’article 1er ter prévoit une formation du fonctionnaire au principe de laïcité, ainsi que la désignation d’un référent laïcité. Nous ne pouvons évidemment que soutenir cette très bonne démarche.
Cependant, alors que de très nombreuses atteintes à la laïcité ont été observées dans les hôpitaux, l’article 1er ter, tel qu’il est rédigé, semble omettre la fonction publique hospitalière. C’est pourquoi il me paraît important de préciser que celle-ci est également concernée par les dispositions de cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa et Regnard, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mme Dumont, MM. Sido, Cambon, Lefèvre, Vogel et Decool, Mmes Belrhiti et V. Boyer, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent et Billon, MM. Cuypers et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, P. Martin, Gremillet, Boré, Le Rudulier et Bouchet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Sol, Mmes Lassarade, Raimond-Pavero et Micouleau, M. Longeot, Mmes Canayer et Deroche, M. Duplomb, Mme Malet, M. Belin, Mme Paoli-Gagin, MM. Le Gleut, Laménie, Bonhomme, H. Leroy, Husson et Rapin, Mme Guidez et M. Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 5, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il est chargé d’organiser une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement est symbolique.
En 2014, le ministère de l’éducation nationale a décidé de créer une journée nationale de la laïcité dans les établissements scolaires le 9 décembre de chaque année, date anniversaire de la loi de 1905.
Je ne prétends pas qu’il s’agit d’une splendide réussite, car cette journée n’est malheureusement pas organisée ou respectée partout.
Toutefois, symboliquement, à un moment où l’on veut à juste titre remettre la laïcité à l’honneur et combattre les dérives, pourquoi ne pas créer une journée nationale de la laïcité, non seulement dans les établissements scolaires, mais aussi dans toutes les administrations, les collectivités et les établissements publics, et ce à la même date, c’est-à-dire chaque 9 décembre, à l’occasion de l’anniversaire de la loi de 1905 ?
Dans la mesure où un consensus se dégage sur toutes les travées du Sénat pour considérer qu’il est inutile de toucher à la loi de 1905, l’idée de fixer une journée nationale de la laïcité le jour anniversaire de cette loi devrait faire l’objet d’un vote unanime dans cet hémicycle.
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le référent laïcité bénéficie d’une formation spécifique adaptée à l’exercice de ses missions. Il peut à tout moment saisir l’Observatoire de la laïcité de toute demande de conseil utile à l’exercice de ses missions.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 19 rectifié bis, dans l’hypothèse où ce dernier ne serait pas adopté.
Mon premier amendement visait à élargir le périmètre d’action des référents, pour en faire des référents de l’application des principes de la République. Celui-ci tend à ce qu’ils bénéficient d’une formation spécifique adaptée à l’exercice de leurs missions.
Au travers de ce nouvel amendement, nous reformulons notre proposition concernant les référents laïcité, si telle est la dénomination retenue par notre Haute Assemblée.
Pourquoi faudrait-il une formation spécifique pour ces référents ? Pour deux raisons.
La première est que les fonctionnaires seront formés aux principes de laïcité, mais que le référent laïcité pourra ne pas être un fonctionnaire et pourrait donc ne pas avoir bénéficié de cette formation de droit commun.
La seconde est que les référents laïcité doivent être mieux et davantage formés que ce que prévoit la formation de droit commun. Le référent laïcité doit bénéficier d’une formation renforcée en comparaison de celle qui est dispensée à l’ensemble des agents.
Tel est l’objet de cet amendement de bon sens.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 28 …. – Le fonctionnaire désigné référent déontologue ou référent laïcité bénéficie d’autorisations spéciales d’absence pour exercer ses missions. Un décret en Conseil d’État détermine le régime et les conditions d’octroi de ces autorisations spéciales d’absence.
« Les compétences acquises dans l’exercice des fonctions de référent déontologue ou de référent laïcité sont prises en compte au titre des acquis de l’expérience professionnelle. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Avec cet amendement, nous voulons aborder les questions pratiques, les sujets du quotidien auxquels seront confrontés les référents laïcité. Ceux-ci auront en effet un rôle de conseil, ce qui signifie concrètement qu’ils seront sollicités par les agents.
Les référents doivent donc prendre connaissance des mails, des courriers ou des appels par l’intermédiaire desquels on les interroge. Ils pourraient avoir éventuellement besoin d’effectuer des recherches juridiques, puis de recevoir et de répondre aux agents qui les auront sollicités.
Être référent est une obligation qui prend du temps. Lorsque l’on est également un agent en activité, il faut pouvoir concilier son activité professionnelle et cette fonction de référent. Pour permettre aux fonctionnaires qui remplissent cette mission de le faire dans les meilleures conditions, nous proposons donc qu’ils puissent bénéficier d’autorisations spéciales d’absence.
Nous proposons également que les compétences acquises au titre de ces fonctions de référent soient valorisées et prises en compte au titre des acquis de l’expérience professionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je voudrais rappeler en préambule que les dispositions portant sur la formation des fonctionnaires sont disséminées dans plusieurs textes, que ce soit pour les fonctionnaires d’État ou pour les fonctionnaires territoriaux, mais qu’elles sont plutôt d’ordre réglementaire. Je ne suis donc pas certaine que cette question relève du domaine de la loi, en tout cas de cette loi.
Concernant l’amendement n° 512 rectifié, la mention d’une obligation de formation devrait relever du niveau réglementaire et ne doit pas figurer dans la loi.
La commission émet donc un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 301 rectifié, je comprends l’argumentation de Mme Benbassa sur la formation au fait religieux, mais je ne suis pas persuadée que l’on doive faire de cet objectif l’une des principales compétences du référent laïcité. Ce dernier a un champ de compétences déjà très large, pour faire en sorte que la laïcité soit respectée partout où il se trouve.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 19 rectifié bis de M. Marie a pour objet de transformer le référent laïcité en un référent « principes de la République ». Nous avons eu un long débat en commission à ce sujet. Il est plus que jamais important, selon moi, de conserver le terme « référent laïcité ».
En outre, le dispositif de l’amendement mentionne l’Observatoire de la laïcité. Or, comme nous l’avons évoqué en commission, nous nous interrogeons sur l’avenir de cet organisme, tant dans sa conception que dans son organisation actuelle.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 268 rectifié de M. Levi est satisfait par le présent texte, ce que Mme la ministre pourra confirmer. Je vous demanderai donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi nous y serions défavorables.
S’agissant de l’amendement n° 83 rectifié de M. Karoutchi…
M. Roger Karoutchi. Il est très bien ! (Sourires.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je n’en doute pas, mon cher collègue !
M. Max Brisson. Il est même excellent !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Lors de nos débats en commission, nous avions longuement discuté de cette journée qui existe déjà au sein de l’éducation nationale, ce qui nous semblait déjà constituer une partie de la réponse.
Aujourd’hui, nous sollicitons l’avis du Gouvernement sur la création de la journée de la laïcité telle que vous la concevez, mon cher collègue.
Nous émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 20 rectifié bis de M. Marie, qui vise la formation du référent laïcité et la faculté qui lui est offerte de saisir l’Observatoire de la laïcité, pour les mêmes raisons qui nous ont poussés à être défavorables à l’amendement n° 19 rectifié bis.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 21 rectifié bis de M. Marie, qui vise les autorisations spéciales d’absence des référents « déontologie et laïcité », il semble préférable de laisser ces questions au pouvoir réglementaire et de ne pas les traiter dans le cadre d’un projet de loi qui couvre déjà de très larges domaines.
J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. À ce stade – je dis bien à ce stade ! –, le Gouvernement est en tout point d’accord avec Mme la rapporteure.
Je reviendrai en détail sur les réponses qui ont été apportées, puisque nous y souscrivons. En revanche, je me permettrai de fournir une réponse un peu plus détaillée sur l’amendement de M. Karoutchi relatif à la création d’une journée de la laïcité le 9 décembre, dans la mesure où Mme la rapporteure nous invite à préciser notre position.
Je voudrais dire que, à titre personnel, je trouve très positif qu’il existe une journée dans l’année au cours de laquelle on puisse organiser un certain nombre de mobilisations – comme c’est le cas le 8 mars pour la Journée internationale des droits des femmes – et rappeler ce qu’est la laïcité en France comme à l’étranger.
Cela étant, il existe déjà un certain nombre de mobilisations. Dans le cadre de l’ensemble des responsabilités que j’ai pu exercer, j’ai toujours organisé des événements, des conférences ou des débats le 9 décembre, et je sais que je suis loin d’être la seule à le faire.
En définitive, nous nous en remettons à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement, car nous souscrivons à cette idée, mais nous nous interrogeons sur l’opportunité d’introduire cette mesure dans la loi.
Mme la présidente. Quel est, désormais, l’avis de la commission sur l’amendement n° 83 rectifié ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission s’en remet également à la sagesse du Sénat, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Levi, l’amendement n° 268 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Antoine Levi. Non, je prends acte de la réponse de Mme la rapporteure et je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 268 rectifié est retiré.
La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je vous remercie de votre explication, madame la rapporteure. J’ai bien compris que Mme la ministre y souscrivait.
Je ne porterai pas de jugement sur les autres amendements, car ils ne sont pas tout à fait identiques au nôtre. Notre amendement vise la question de la formation des fonctionnaires.
Or Mme la rapporteure vient de nous expliquer que ce sujet relevait du domaine réglementaire : s’il en est vraiment ainsi, il ne faut pas dans ce cas que cet article précise que seul le principe de laïcité doit être au menu de la formation des fonctionnaires. Laissons cette question au pouvoir réglementaire !
Dans la mesure où l’article 1er ter dispose effectivement que le principe de laïcité doit être au programme de la formation des fonctionnaires, nous considérons qu’il ne faut pas laisser de côté les autres principes et obligations que les fonctionnaires doivent respecter.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons ajouter – je crois que tout le monde en sera d’accord – une formation aux principes de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité, ainsi qu’à deux autres principes que j’ai oubliés tout à l’heure, l’égalité et la liberté de conscience. C’est ce tout qui garantit que nous avons affaire à des fonctionnaires.
Nous devrions au moins nous accorder sur ce point, et notre amendement devrait faire l’objet d’un vote unanime, me semble-t-il.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souhaiterais, au nom de mon groupe, exprimer mon soutien à l’amendement n° 83 rectifié de Roger Karoutchi (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est une très bonne idée !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est assez fréquent de sourire quand on entend parler d’une nouvelle journée nationale, car on en a créé énormément, pour célébrer bien des choses…
Certes, on peut en sourire, mais certaines journées sont évidemment plus importantes que d’autres : Mme la ministre a d’ailleurs très bien fait de rappeler l’existence de la Journée internationale des droits des femmes.
Cette journée de la laïcité pourrait être l’occasion d’encourager les initiatives. Les établissements, les collectivités, les élus, certaines associations organisent certes des événements, mais chacun sait comment cela fonctionne dans les faits.
Si l’on veut que le sujet de la laïcité soit traité, la création d’une journée qui lui soit consacrée est donc une très bonne idée sans compter que, au fond, il serait assez curieux de ne pas prendre une telle mesure dans le cadre de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je vous remercie, madame de La Gontrie. Je remercie également Mme la rapporteure d’avoir demandé l’avis du Gouvernement et Mme la ministre d’avoir indiqué que, à titre personnel, elle avait déjà organisé des opérations autour de la laïcité à la date du 9 décembre.
Pour reprendre les propos de Marie-Pierre de La Gontrie, on doit bien sûr faire en sorte que cette idée d’une journée de la laïcité ne devienne pas un gadget, mais je pense franchement que, compte tenu de ce qui se passe dans notre pays, la remise en cause, les critiques, les entailles dans le principe de laïcité, il est utile symboliquement de rappeler dans ce projet de loi, qui doit être un texte confortant le respect des grands principes républicains, qu’il faut une journée nationale de la laïcité.
Cette journée sera forcément médiatisée et déclinée dans l’ensemble du pays. Même s’il existe déjà des initiatives, elles sont personnelles et locales : elles ne sont ni générales, ni massives, ni collectives.
La création d’une journée lors de laquelle les médias, les élus et les citoyens pourront parler de laïcité, la défendre, dire ce que ce principe représente pour eux, rappeler ce que sont les principes de la loi de 1905 est une initiative dont notre pays a besoin. Dans les périodes de doute, il importe de revenir aux fondamentaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Personnellement, je soutiens l’amendement n° 301 rectifié d’Esther Benbassa sur la connaissance du fait religieux.
M. Loïc Hervé. Très bon amendement !
Mme Nathalie Goulet. En effet, on ne peut bien apprécier la laïcité que si l’on connaît le fait religieux. D’ailleurs, l’instruction du fait religieux est obligatoire dans les départements concordataires et constitue un apport très important, dont on a pu voir les effets positifs.
Je ne sais pas si des collègues alsaciens ou mosellans sont présents cette après-midi pour le confirmer, mais l’enseignement du fait religieux est essentiel. Il permet évidemment d’avoir une meilleure connaissance des religions, mais aussi de mieux apprécier la laïcité.
Je soutiens également l’amendement de M. Marie, qui vise l’intervention de l’Observatoire de la laïcité : cet organisme me semble devoir être renforcé et non dépouillé, comme il l’est aujourd’hui, alors que l’on ne sait pas encore exactement de quoi son avenir sera fait. Actuellement, cet organisme fait un excellent travail, ce dont on doit se féliciter.
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Nous voterons l’ensemble de ces amendements, et cela pour deux raisons.
Tout d’abord, comme le disait mon collègue Fabien Gay, dès lors que l’on fait figurer dans la loi qu’il faut former les fonctionnaires au principe de laïcité, il n’y a aucune raison de ne pas prévoir de les former plus largement aux principes de la République. Nous considérons que cette précision permettra d’éviter certains hiatus et empêchera les référents de refuser de conseiller des fonctionnaires qui en auraient besoin.
Ensuite, je suis assez surpris de l’argument invoqué par la commission pour émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 19 rectifié bis, à savoir que la formation serait dispensée par l’Observatoire de la laïcité. Mme Goulet vient de rappeler l’importance du travail réalisé par cet observatoire : nous avons le sentiment qu’il est aujourd’hui le mieux placé pour répondre aux attentes des référents et des fonctionnaires.
Nous maintiendrons donc nos propositions. En outre, nous présenterons tout à l’heure un amendement tendant à conforter l’Observatoire de la laïcité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je voudrais simplement apporter deux éléments au débat.
Concernant l’intervention de Mme Goulet sur le fait religieux, on pourrait tout à fait engager un débat philosophique, mais, à mon humble avis, le fait religieux et la laïcité sont deux choses différentes. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas corrélés ou qu’il n’existe aucun lien entre les deux, mais on peut parfaitement respecter le principe de laïcité sans pour autant avoir une connaissance précise du fait religieux et de toutes les religions existant dans le pays.
La mise en place d’une formation à la laïcité et au fait religieux est de nature à entretenir une forme de confusion autour de la définition de la laïcité et à laisser entendre que la laïcité est un genre de millefeuilles de communautés ou de pluri-religiosités, alors qu’il s’agit d’un ensemble de principes, comme chacun le sait ici.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Enfin, en ce qui concerne la question de savoir s’il faut faire intervenir l’Observatoire de la laïcité dans les formations et l’inscrire dans la loi, vous n’êtes pas sans savoir que le Premier ministre s’est exprimé publiquement en disant qu’il souhaitait faire évoluer cette structure à l’issue de son mandat.
Il n’est pas opportun de confier de manière pérenne une formation à une structure qui est appelée à évoluer dans le temps, et encore moins d’inscrire cela dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’entends l’argumentaire développé par Mme la ministre et j’y souscris.
J’ajoute que le singulier n’est pas opportun : la notion de « fait religieux » renvoie à une vision très occidentale – au sens des trois religions du Livre – de religions qui sont, comme nous le savons, orientales. Il existe en effet des formes de spiritualité extraorientales, qui n’entrent pas dans la conception qui découle de l’utilisation de ce singulier.
Enfin, en tant que défenseur de la séparation des Églises et de l’État, cela me gêne d’introduire un dérivé du mot « religion » dans la loi, alors qu’il n’y figurait pas. Je préfère en rester à l’expression de la loi de 1905, à savoir « l’exercice du culte ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Philippe Dallier. Quel succès ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du premier alinéa de l’article 28 bis, la référence : « 25 » est remplacée par la référence : « 25 bis » ;
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Mes chers collègues, il s’agit d’un amendement de nature technique. Comme vous le savez, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a créé des référents déontologues. Avec cette loi, nous allons généraliser les référents laïcité.
Cet amendement a tout simplement pour objet de clarifier ce qui relève de l’un et ce qui relève de l’autre, afin d’éviter tout chevauchement des compétences et une confusion des genres au sein des administrations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ces notions appellent peut-être des précisions, mais je voudrais rappeler que nous avons déjà discuté de l’articulation des rôles entre le référent déontologue et le référent laïcité lors de l’examen du texte en commission.
Le référent déontologue conseille le fonctionnaire sur son propre comportement au regard des obligations déontologiques des fonctionnaires.
Le référent laïcité est surtout amené à aider les fonctionnaires à répondre aux atteintes à la laïcité du fait d’usagers.
Leur rôle est donc totalement différent : l’un rappelle les obligations applicables, l’autre aide à gérer les atteintes à la laïcité.
Par ailleurs, la suppression de la référence à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires vise à ce que cette référence entre dans les compétences non plus du référent déontologue, mais du référent laïcité.
Or nous estimons qu’il est très important de distinguer les rôles de ces deux entités : la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Bien entendu, nous allons voter la création du référent laïcité au sein de la fonction publique, dans sa diversité. Toutefois, il serait illusoire de croire qu’une telle mesure, même étendue à tous les champs de la fonction publique, suffira à résoudre cette question.
J’ajoute que nous devons demeurer vigilants : la multiplication de référents peut aussi entraîner des problèmes de lisibilité entravant chacune et chacun dans l’exercice de ses fonctions.
Ces dispositions sont peut-être d’ordre réglementaire – nous en avons débattu –, mais elles exigent réellement que l’on s’interroge en amont.
À cet égard, les agents publics doivent être formés tout au long de leur carrière ; on doit consacrer le temps nécessaire à cette formation, qui exige également de prendre du recul, notamment en termes de méthode.
L’enjeu, c’est le rapport au public : ce principe républicain qu’est la laïcité doit être bel et bien mis en œuvre par l’ensemble des fonctionnaires, au service des usagers !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er ter, modifié.
(L’article 1er ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er ter
Mme la présidente. L’amendement n° 130 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Cabanel, Roux et Corbisez et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 6146-1 du code de la santé publique, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur de l’établissement désigne un référent laïcité parmi les agents de direction et un parmi les personnels soignants de l’ensemble des pôles d’activité.
« Les deux référents laïcité sont chargés d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout membre du personnel qui les consulte. Les fonctions de référent laïcité s’exercent sous réserve de la responsabilité et des prérogatives du directeur de l’établissement, en lien avec le référent laïcité de l’Agence régionale de santé.
« Un décret en Conseil d’État détermine les missions, modalités et critères de désignation des référents laïcité. »
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Dans la continuité de l’article 1er ter, cet amendement vise à assurer la présence de deux référents laïcité, un parmi les agents de direction et un autre parmi les personnels soignants, dans chaque établissement de santé.
En lien avec le référent laïcité de chaque agence régionale de santé, ou ARS, ces deux référents laïcité auront pour mission d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout membre du personnel qui le consulte.
La mise en place d’un tel dispositif est de nature à faciliter la résolution d’éventuelles questions et problématiques relatives à la mise en œuvre de la laïcité et de la gestion du fait religieux à l’hôpital.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire ces dispositions dans la loi. Des circulaires permettent déjà la création de référents laïcité au sein des hôpitaux, et certains de ces derniers les ont déjà installés.
Il faut laisser les établissements hospitaliers gérer eux-mêmes cette question. D’ailleurs, pourquoi créer deux référents ? Je ne sais pas… De surcroît, les besoins ne sont pas les mêmes d’un hôpital à un autre. Il appartient aux établissements de s’organiser : ils n’ont pas besoin de la loi pour le faire.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Guiol, l’amendement n° 130 rectifié est-il maintenu ?
M. André Guiol. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 130 rectifié est retiré.
L’amendement n° 149 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier et Roux et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué une journée nationale de la laïcité.
Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 9 décembre, date anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
Chaque année, à cette date, des cérémonies officielles sont organisées aux niveaux national et local, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Dans le cadre de cette journée, les établissements scolaires organisent des actions éducatives.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement de Nathalie Delattre tend à instituer une journée nationale de la laïcité. Toutefois, M. Karoutchi a déjà déposé à cette fin un amendement, que nous avons voté. Il a dégainé plus vite que nous ! (Sourires.)
Cet amendement étant satisfait, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 149 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 17 rectifié quater, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « est garantie » sont remplacés par les mots : « et la liberté de conscience sont garanties ».
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Ce que nous proposons est assez simple. L’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires garantit la liberté d’opinion aux fonctionnaires. Nous proposons d’y ajouter la liberté de conscience.
On nous rétorquera sans doute que la liberté de conscience est garantie à tout citoyen et qu’une telle précision n’est pas nécessaire. Mais la liberté d’opinion est également garantie à tout citoyen ; le législateur a néanmoins souhaité la mentionner explicitement dans le statut général de la fonction publique.
Nous proposons cette évolution pour deux raisons.
Premièrement, la loi de 1983 interdit de faire des distinctions entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions religieuses ; il serait cohérent d’y inscrire, au préalable de cette interdiction, que la liberté de conscience est garantie aux fonctionnaires.
Deuxièmement, par cet ajout, nous souhaitons affirmer clairement que la réaffirmation du principe de laïcité et d’obligation de neutralité ne remet nullement en cause la liberté de conscience.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission estime que cet amendement est satisfait par l’article 6 de la loi de 1983. Elle émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’ajoute que le Conseil constitutionnel rattache désormais cette liberté à l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui garantit la liberté d’opinion et la liberté religieuse, donc la liberté de conscience. Ces dispositions nous paraissent donc satisfaites.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié quater, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’Observatoire national de la laïcité assure un rôle de conseil et de proposition auprès du Gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité dans les services publics, ainsi que dans tous les organismes de droit public ou de droit privé auxquels la loi, le règlement ou le contrat confie une mission de service public. Il aide à la bonne application du droit du travail en ce qui concerne la gestion des faits religieux.
Il veille à l’application de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, et de l’ensemble des lois et règlements qui participent à la mise en œuvre du principe de laïcité.
Il peut proposer au Premier ministre toute mesure qui lui paraît permettre une meilleure mise en œuvre de ce principe. Il peut émettre un avis sur tout sujet entrant dans le champ de ses attributions.
Il est consulté par le Premier ministre sur les projets de textes législatifs ou réglementaires intéressant le principe de laïcité.
Il réunit les données, produit et fait produire les analyses, études et recherches permettant d’éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité. À ce titre, il peut saisir le Premier ministre de toute demande d’information tendant à la réalisation d’études ou de recherches dans le domaine de la laïcité.
L’Observatoire exerce sa mission en toute indépendance. Il ne reçoit ni ne sollicite d’instruction d’aucune autorité administrative ou gouvernementale.
II. – L’Observatoire est chargé d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout référent aux principes de la République qui le saisit.
III. – L’Observatoire est composé :
1° De deux députés, une femme et un homme, et de deux sénateurs, une femme et un homme, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ;
2° De deux représentants, une femme et un homme, de l’Association des maires de France ;
3° De deux représentants, une femme et un homme, du Conseil économique, social et environnemental ;
4° De quatre représentants, deux femmes et deux hommes, du Conseil commun de la fonction publique, dont deux au titre des organisations syndicales, et deux au titre des employeurs ;
5° De quatre représentants, deux femmes et deux hommes, des principales organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine des droits humains, des droits des étrangers, des droits des femmes ;
6° De dix personnalités qualifiées, cinq femmes et cinq hommes, désignées en raison de leur compétence et de leur expérience reconnue dans le domaine du droit et de la défense et la promotion des principes de la République et de la laïcité ;
7° De neuf représentants du Gouvernement : le secrétaire général du ministère de l’intérieur, le secrétaire général du ministère de la justice, le directeur général de l’administration et de la fonction publique, le directeur général de l’offre de soins, le directeur des affaires juridiques des ministères chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le directeur des affaires politiques, administratives et financières du ministère des outre-mer, le conseiller pour les affaires religieuses au ministère des affaires étrangères, le secrétaire général du ministère des armées, le directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires ;
Les membres sont nommés pour une durée de quatre ans renouvelable une fois.
Le mandat des députés prend fin avec la législature au titre de laquelle ils ont été élus. Le mandat des sénateurs prend fin lors de chaque renouvellement partiel du Sénat.
IV. – Le président est nommé par décret en Conseil des ministres.
Un rapporteur général est nommé par arrêté du Premier ministre. Il propose un programme de travail et assure la coordination des travaux de l’observatoire. Il assure le secrétariat des séances.
V. – L’Observatoire remet chaque année au Premier ministre un rapport d’activité qui est rendu public.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. La laïcité subit les assauts de tous les intégrismes. Au premier rang de ces derniers se trouvent les promoteurs de l’islamisme radical, auxquels le texte que nous examinons depuis hier est censé faire face.
Autrement dit, derrière la remise en cause de la laïcité, c’est la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité qui est attaquée, car elle représente tout ce qu’ils abhorrent.
En guise de réponse à ces attaques, on entend régulièrement qu’il faudrait réaffirmer le principe de laïcité. À cette fin, on multiplie les propositions visant à modifier la Constitution ou la loi, pour lui faire dire ce qu’elle dit déjà.
Bien sûr, nous n’écartons pas de manière définitive la perspective d’éventuelles modifications constitutionnelles. Toutefois, l’enjeu est moins l’affirmation de la laïcité que la nécessité de la faire vivre.
Faire vivre la laïcité, c’est évidemment faire appliquer les lois et règlements qui la régissent, mais c’est aussi déployer les outils qui assurent la pédagogie de la laïcité.
Tel est le rôle conféré à l’Observatoire de la laïcité lors de sa création, en mars 2007. Depuis lors, par la qualité de ses travaux et de ses publications, cette instance a fait la démonstration de son utilité comme organe de conseil et d’expertise. Par ses recommandations, par les guides et outils pédagogiques qu’il publie et par les actions de formation qu’elle dispense, elle est parvenue à donner corps au principe de laïcité.
Créé par décret, l’Observatoire relève du niveau réglementaire ; à nos yeux, ce n’est pas cohérent avec la considération que méritent les enjeux liés à la laïcité et avec l’importance des missions confiées à cette structure.
Aussi, cet amendement vise à donner à l’Observatoire une assise législative et, ce faisant, à conforter sa place dans le champ institutionnel, à élargir le périmètre de ses attributions et à renforcer sa composition.
À titre de symbole, nous proposons d’en modifier la dénomination : il deviendrait ainsi l’Observatoire national de la laïcité. Nombre de commissions consultatives existantes bénéficient de ce qualificatif, telles la Commission consultative nationale des droits de l’homme ou encore la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
Ainsi, nous entendons souligner la singularité de l’acceptation française du principe de laïcité.
De plus, cet amendement tend à élargir les attributions de l’Observatoire et son périmètre d’action, tout en modifiant sa composition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon cher collègue, vous souhaitez donner un statut très particulier à l’Observatoire de la laïcité, dont le fonctionnement inspire beaucoup de questions à un certain nombre de personnes.
En outre, compte tenu de ce qui a été dit tout à l’heure, l’avenir de cette instance semble assez incertain, du moins dans son organisation actuelle.
J’émets donc un avis défavorable, qui ne vous étonnera pas, mon cher collègue !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je l’ai déjà précisé au sujet d’un précédent amendement, le Premier ministre s’est exprimé sur ce sujet. J’ai également abordé cette question à plusieurs reprises, étant la ministre chargée du respect du principe de laïcité.
Nous nous sommes exprimés au nom du Gouvernement au sujet de l’Observatoire de la laïcité, dont le président voit son mandat de huit ans arriver à son terme.
À présent, il nous semble opportun de faire évoluer cette structure. En effet, les questions de laïcité n’ont plus la même place dans la société qu’il y a huit ans.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. À nos yeux, la situation a changé. C’est précisément ce qui nous réunit aujourd’hui dans cet hémicycle : la nécessité de mieux défendre la laïcité, de mieux la définir et d’animer le réseau des référents laïcité se fait de plus en plus pressante.
J’ai confié au préfet Besnard le soin d’étudier les moyens de mieux défendre la laïcité dans l’administration d’État. Il me remettra, dans quelques jours, les conclusions de sa mission, ainsi qu’à ma collègue Amélie de Montchalin.
Nous souhaitons faire évoluer l’organisation de l’Observatoire de la laïcité et le portage de la laïcité au sein de l’appareil d’État.
Le Premier ministre l’a indiqué : cette transformation ne passera pas nécessairement par le maintien d’un tel observatoire. Plusieurs propositions sont sur la table et, dans les semaines qui viennent, Jean Castex aura l’occasion de détailler l’organisation que le Gouvernement souhaite retenir.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement : cette consécration législative ne nous paraît pas opportune. Au contraire, au terme des huit ans de mandat du président de l’Observatoire de la laïcité, nous souhaitons faire évoluer la manière dont la laïcité est défendue, ce qui passe par une refonte de ces structures.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je vous ai écoutée attentivement, comme j’ai écouté Mme la rapporteure. Avouez tout de même que c’est un peu dommage : alors que nous débattons d’un texte essentiel pour la laïcité, des interrogations persistent quant à l’avenir de l’Observatoire de la laïcité.
Jusqu’à aujourd’hui, cette instance porte un message reconnu dans toute la France ; vous avez d’ailleurs cité le travail mené par son président, Jean-Louis Bianco.
Madame la ministre, j’espère que vous associerez étroitement le Parlement au devenir de cette institution appelée à changer de structure, peut-être pour se transformer en autorité indépendante.
Je me souviens que, au détour d’un projet de loi de finances, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes a disparu des écrans radars en tant que telle. On ne sait toujours pas qui, aujourd’hui, assure la défense contre les sectes. Vous me répondrez que la Miviludes existe toujours ; mais, techniquement, on se heurte tout de même à certaines difficultés…
J’espère donc qu’il n’arrivera pas à l’Observatoire de la laïcité ce qui est arrivé à la Miviludes. Nous avons besoin de la première comme nous avions besoin de la seconde !
Le présent texte a pour but de traiter un certain nombre de problèmes liés à des dérives sectaires et, j’y insiste, quels que soient les choix retenus par le Gouvernement, j’espère réellement que vous associerez le Parlement au devenir de l’Observatoire de la laïcité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Sur ce point, je rejoins Mme Goulet : je ne comprends pas très bien ce que l’on reproche à l’Observatoire de la laïcité,…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. De n’avoir rien fait, tout simplement !
Mme Esther Benbassa. … qui est bien connu dans divers milieux et qui a accompli un travail intéressant, y compris aux yeux des universitaires et des scientifiques.
Madame la ministre, si cette instance est menacée de disparition, est-ce parce qu’elle ne suit pas la politique du Gouvernement en matière de laïcité ?… Pouvez-vous nous donner quelques raisons de ce désaveu ?
En parallèle, le projet que vous présentez est entièrement flou : il ne remplace pas cette institution, qui obtient des résultats – témoin la diffusion de son travail. Je vous remercie par avance de votre réponse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mes chers collègues, aujourd’hui, 31 mars 2021, à dix-sept heures treize, nous pouvons prendre acte de l’annonce formelle de la disparition de l’Observatoire de la laïcité.
C’est exactement ce que vient d’annoncer le Gouvernement, et cela, j’en suis absolument désolée, avec le soutien de Mme la rapporteure.
Le mandat du président de cet observatoire arrive à échéance : ce n’est donc pas lui que je suis en train de défendre.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ce n’est pas le sujet !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela étant, on sait les tentations, voire les actions, de certains Présidents de la République que telle commission ou telle autorité indépendantes dérange… Or l’existence de ces institutions est une excellente chose.
Avec son amendement, Didier Marie propose un certain nombre d’évolutions, mais Mme la ministre ne lui apporte aucune réponse. « Le dossier est sur la table. Nous allons réfléchir. Le Premier ministre va s’exprimer » : ce n’est pas un projet !
Enfin, alors même que nous débattons d’un texte relatif à la laïcité, il est bien curieux d’annoncer la mort de l’Observatoire de la laïcité. Pour ma part, je ne puis m’y résoudre.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Madame la ministre, c’est en effet très étonnant : à l’occasion d’un texte dédié aux principes de la République et à la défense de la laïcité, on nous signifie la fin du principal outil permettant de faire vivre cette valeur !
Vous contestez l’initiative que nous prenons, faute de proposition du Gouvernement ou de la commission, qu’il s’agisse de conforter l’existant ou de le remplacer. Toutefois, si une telle initiative doit être prise, c’est bien à la faveur de ce texte ! S’ils jugeaient insuffisantes les dispositions que nous avançons, le Gouvernement et la commission avaient tout loisir de concevoir un projet plus abouti.
Nous prenons acte de ce que vous venez d’annoncer : d’ici à quelques semaines, l’Observatoire de la laïcité n’existera plus.
Cela étant, nous serons extrêmement vigilants et nous espérons, nous aussi, que le Parlement sera associé à la définition d’une nouvelle autorité, que nous souhaitons indépendante. En effet, il serait assez paradoxal que la structure chargée de faire vivre la laïcité soit placée sous la coupe du ministre des cultes.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, madame la rapporteure, pour ma part, je vous donne raison !
Mes chers collègues, étant Gardois, je connais bien le directeur de l’Observatoire de la laïcité. Un observatoire, cela observe, mais cela ne décide pas. Ce sont les élus qui décident. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Laurent Burgoa. Or, madame de La Gontrie, par le passé, le président et le directeur de cet observatoire ont pris ces décisions qui outrepassaient leurs prérogatives.
M. Didier Marie. Lesquelles ?
M. Laurent Burgoa. Ils sont là pour observer et pour faire des propositions, non pour décider à la place du Gouvernement et des élus de la République !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Monsieur Burgoa, je suis bien sûr tout à fait d’accord avec vous.
Madame Benbassa, vous relevez que l’Observatoire de la laïcité est bien connu. Certes ! Mais certaines personnes sont bien connues sans avoir pour autant un grand succès…
L’heure est venue de dresser le bilan : avec quelle efficacité l’Observatoire de la laïcité a-t-il préservé et défendu la laïcité, dans l’ensemble des territoires ? C’est une vraie question ! De plus, il existe également le conseil des sages de la laïcité, dont nous avons auditionné les représentants. Lui aussi se penche sur ces questions.
Or nous n’avons pas bien compris comment ces deux instances s’articulaient ; je ne suis seulement pas sûre qu’une telle coordination existe.
Quand une telle structure suscite des questions de cette nature, qu’il s’agisse de son efficacité ou de sa place dans la société, il me semble normal de s’interroger sur son avenir. L’Observatoire de la laïcité existe depuis un certain temps et – nous le constatons tous, partout dans nos territoires –, jamais la laïcité n’a été tant attaquée.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Tout d’abord, je tiens à revenir sur le sujet de la Miviludes ; la question qui m’a été posée à cet égard me permet de faire une mise au point.
On dit et on répète que cette mission a disparu, mais ce n’est pas le cas. Nous menons pied à pied la lutte contre les dérives sectaires, qui relève également du ministère dont j’ai la responsabilité, pour ce qui concerne la citoyenneté.
En ce sens, nous avons renforcé la Miviludes. Nous l’avons annoncé par voie de la presse – peut-être pas suffisamment, puisque l’information ne semble pas être parvenue jusqu’à ces travées. Je vous transmettrai avec grand plaisir le détail de la nouvelle organisation que nous avons présentée.
J’ai annoncé que je nommais à la tête de la Miviludes Mme Hanène Romdhane, qui est une magistrate de terrain et qui connaît bien la lutte contre les dérives sectaires. Je lui adosse un conseil d’orientation sur les dérives sectaires, qui comprend un certain nombre d’experts reconnus de cette question. J’installerai ce conseil mardi prochain au ministère de l’intérieur. Il viendra épauler les équipes de la Miviludes.
Par ailleurs, j’ai décidé de renforcer l’organisation de cette mission, avec l’appui de l’ensemble de mes collègues du Gouvernement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. « Je, je, je… »
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. À cette fin, ils vont dépêcher des fonctionnaires, notamment pour renforcer le travail mené avec Bercy sur les questions financières – vous le savez très bien, la lutte contre les dérives sectaires passe aussi par des opérations de redressement fiscal –, mais aussi avec le ministère de la justice. Ce chantier doit redevenir une priorité.
Cette semaine, j’ai adressé aux préfets une circulaire relative à la lutte contre les dérives sectaires, reprenant ces éléments et leur demandant la plus grande vigilance, en écho au rapport que m’ont remis la police nationale, la gendarmerie nationale et la Miviludes il y a de cela deux semaines. Ce document dresse un état des lieux très précis des nouveaux groupes sectaires présents partout sur le territoire.
La Miviludes n’est donc pas abandonnée. Au contraire, elle est renforcée. Le fait de dépendre non plus de Matignon, mais du ministère de l’intérieur, permet précisément un pilotage politique concret et des ambitions fortes pour la lutte contre les dérives sectaires.
Édouard Philippe, alors Premier ministre, a clairement exprimé cette volonté : à son sens, il était important que cette administration soit pilotée par des ministres, en lieu et place de Matignon, qui a d’autres missions à assumer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi cet organisme est-il interministériel, alors ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. La Miviludes se trouve maintenant dans les locaux du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le CIPDR, sous l’autorité du préfet Gravel, nommé il y a quelques mois par le Président de la République.
Pour conclure sur ce sujet, je vous informe que le conseil que j’installerai mardi prochain comptera un sénateur et un député ; bien entendu, ces deux parlementaires seront pleinement associés aux travaux de cette instance.
Pour ce qui concerne l’Observatoire de la laïcité, je vais bien faire des annonces, mais, pour l’instant, je ne vous ai rien dit de nouveau : les éléments que je viens de vous donner ont été fournis par Jean Castex par la voie d’un communiqué de presse le 20 octobre dernier et ils ont été très largement repris dans les médias.
Le mandat de l’équipe en place à l’Observatoire de la laïcité arrive à son échéance au début du mois d’avril prochain, et le Premier ministre a fait savoir qu’il ne serait pas suivi d’un nouveau mandat de huit ans.
En effet, la situation de la laïcité en France et les préoccupations qu’elle inspire ont évolué au cours des huit dernières années. Si l’on en croit un sondage IFOP publié il y a quelques semaines, plus de 70 % de la population estiment que la laïcité n’est pas assez défendue dans notre pays.
Notre volonté est de mieux défendre la laïcité et, j’y insiste, jusqu’à présent, je ne fais que citer les propos du Premier ministre.
Par ailleurs, je rappelle que l’Observatoire de la laïcité est non pas une autorité indépendante, mais une instance consultative, qui observe, comme son nom l’indique et comme un orateur l’a très justement dit. Cette instance a pris des positions tout en menant ce travail. Je ne fais pas grief à qui que ce soit : je dresse simplement des constats, qui me semblent faire consensus.
À ce titre, le présent texte nous a permis de consolider considérablement un certain nombre de sujets.
Je pense notamment à l’amendement tendant à créer les référents laïcité, que Gérald Darmanin et moi-même avons déposé. Je pense encore à l’ensemble des sujets dont vous avez discuté hier et dont nous allons continuer de débattre : la systématisation de ces référents, l’animation du réseau qu’ils constituent, ou encore le caractère obligatoire de la formation à la laïcité pour les agents publics. C’est réellement une nouvelle dynamique que nous voulons donner avec ce projet de loi.
Selon vous, il ne serait pas cohérent de refondre, dans le même temps, l’Observatoire de la laïcité. Au contraire, il me semble parfaitement cohérent d’imprimer cette nouvelle dynamique, grâce au présent texte, et de la mettre en œuvre avec des organisations qui agissent avec volontarisme.
Depuis plusieurs mois, plusieurs ministres travaillent sur cette question, sous l’égide de Jean Castex. Nous réfléchissons à une structure de coordination qui aurait vocation à animer les référents laïcité en assurant un maillage de l’administration et de l’ensemble du territoire.
Un certain nombre de faits, résumés notamment par le rapport remis à ma collègue Sarah El Haïry, nous montrent que l’appareil d’État n’est pas suffisamment formé et outillé, face aux questions de laïcité et général et, en particulier, pour lutter contre l’islamisme radical. Cette formation doit être organisée au sein de l’État, et c’est ce que nous nous attacherons à faire.
De surcroît, nous entendons nourrir et éclairer le débat. Voilà pourquoi, sous l’autorité du Premier ministre, nous réfléchissons à la création d’une sorte de Haut Conseil à la laïcité, à même d’animer le débat sur le principe de laïcité et les nouvelles questions qu’il peut poser.
Cette instance aurait pour mission d’éclairer le Gouvernement et, peut-être, de coordonner l’ensemble des structures existantes, comme celles qui ont été mentionnées précédemment. Bien entendu, les parlementaires y seraient le cas échéant associés.
Ce sont là des pistes de travail et de réflexion et, comme je l’ai indiqué, le Premier ministre fera connaître son arbitrage dans les prochaines semaines.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, il ne faut pas se le cacher : l’Observatoire de la laïcité a fait débat. Un certain nombre de ministres, vous notamment, sont en désaccord avec certaines prises de position de cette institution. C’est précisément pourquoi nous en discutons aujourd’hui.
Vous parlez de « refonder ». Mais gardera-t-on, oui ou non, une instance indépendante ? Allez-vous le supprimer purement et simplement, comme vous avez supprimé l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, parce que vous ne supportiez plus ses prises de position et ses observations ?
Allez-vous, au contraire, renforcer ses missions, les développer et préserver son indépendance ? Nous voulons simplement savoir, car c’est là toute la question qui nous est posée.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La ministre a déjà répondu !
M. Fabien Gay. On peut le comprendre, c’est un débat politique ; c’est précisément parce que ces observatoires sont indépendants que les mandats de leurs principaux responsables ne sont pas alignés sur les calendriers de l’élection présidentielle et des élections législatives.
Les gouvernements vont-ils supprimer ces structures sitôt qu’ils ne sont pas d’accord avec elles, alors qu’ils permettent le débat démocratique ?
Nous soutiendrons donc l’amendement de nos collègues socialistes, car, selon nous, l’Observatoire de la laïcité doit continuer à exercer ses missions.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous ai déjà répondu sur le fond. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.) Je vous épargnerai donc une répétition !
Nous voulons, au contraire, renforcer ces missions.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous voulez une commission consultative qui ne soit jamais en désaccord avec vous !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. En parallèle, vous me demandez si le problème résulte d’un désaccord entre l’Observatoire de la laïcité et moi.
Je n’oserais jamais solliciter le Sénat en lui faisant part de la position personnelle Marlène Schiappa ! Je suis ici en tant que représentante du Gouvernement, dont je vous communique les arbitrages. Le Gouvernement souhaite faire évoluer cette structure et la renforcer.
La simple question que vous posez appelle, de ma part, une remarque que je formule à titre très personnel : ce que l’on attend d’une telle structure, menant le combat pour la défense de la laïcité partout en France, ce n’est pas nécessairement de débattre sur la place publique avec un gouvernement, quel qu’il soit, de subtilités conceptuelles de la laïcité.
C’est mon humble avis personnel. Ce dont nous avons besoin, ce dont le pays a besoin, c’est d’une structure armée. Nous lui donnerons donc les moyens dont elle a besoin. Elle doit assurer un maillage territorial, animer le réseau des référents laïcité, conformément au rapport que le préfet Besnard va prochainement remettre à Amélie de Montchalin et à moi-même ; former les uns et les autres à la définition de la laïcité ; enfin, agir véritablement dans l’appareil d’État avec l’ensemble des directions de l’administration de notre pays, y compris à l’échelon déconcentré.
Depuis tout à l’heure, les orateurs successifs me poussent à donner un avis personnel au sujet de l’Observatoire de la laïcité. (M. Fabien Gay se récrie.) Si, monsieur le sénateur : c’est précisément la nature des questions que vous venez de me poser ! Mais je ne le ferai pas : je vous ai fait part des arbitrages du Gouvernement pour l’avenir et je m’en tiendrai là.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Je suis très ennuyé, parce qu’il s’agit là d’une commission consultative. En effet, c’est adresser un mauvais signe à la représentation nationale et aux élus locaux que d’estimer qu’une telle instance ne peut donner d’avis sur la laïcité, alors même que le Gouvernement consulte le Parlement pour qu’il adopte un texte de loi qu’il considère comme essentiel pour la préservation de la laïcité.
Il ne s’agit pas d’une administration à votre service, madame la ministre, mais d’un organe consultatif. Je pense donc que, à défaut, vous devez expliquer ce que vous allez mettre en place pour continuer à préserver la laïcité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Pardonnez-moi de reprendre la parole, madame la présidente, mais je réponds aux questions qui me sont posées.
Monsieur le sénateur, je viens d’expliquer ce que nous projetons de faire, mais c’est avec plaisir que je peux vous le réexpliquer.
M. Antoine Lefèvre. On a bien compris !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On ne peut pas être en désaccord avec vous ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Bien sûr que si, madame de La Gontrie !
Il vient d’être dit que je voudrais une administration qui fasse ce que je lui demande. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une question personnelle et, oui, l’administration met en œuvre les décisions politiques. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Fabien Gay. Voilà !
M. Gilbert Roger. C’est mieux d’assumer !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. C’est le fonctionnement constitutionnel de l’État. Nous sommes le pays de la laïcité, mais il n’y a pas d’administration de la laïcité dans l’appareil d’État.
D’une part, il est fondamental que nous puissions avoir une administration de la laïcité qui permette de coordonner le travail des référents, de réaliser le travail de formation et de vérifier que ce travail de laïcité est mené au niveau des préfectures.
D’autre part, nous avons besoin d’une instance de type Haut Conseil à la laïcité. Elle pourra librement nourrir le débat public, avec différents membres, et les parlementaires en seront bien sûr partie prenante. Ce n’est pas déshonorant d’envisager de créer une administration, et nous n’allons pas nous excuser d’en créer une qui mette en place les politiques publiques sur la question de la laïcité. On a l’impression que c’est un drame !
D’une part, nous souhaitons créer une administration qui coordonne ce travail, parce que c’est important et parce que nous assumons que la laïcité est un principe fort pour notre gouvernement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est une autre question !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. D’autre part, nous voulons créer une instance de type Haut Conseil à la laïcité, qui pourra s’exprimer librement. Tout le monde pourra alors de manière claire et manifeste connaître le périmètre et les contours des interventions des uns et des autres.
Il ne s’agit pas de faire taire qui que ce soit ni d’avoir des ennemis où que ce soit. J’ai salué le travail mené par Jean-Louis Bianco pendant huit ans, ainsi que les avis officiels remis au Gouvernement, qui sont très éclairants.
Cela pourrait constituer le travail d’une instance de type Haut Conseil à la laïcité, sur le modèle du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge ou d’autres hauts conseils, qui sont des instances consultatives, partenariales et de débat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er quater
(Non modifié)
Le référent laïcité des établissements mentionnés à l’article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales alerte l’agence régionale de santé compétente de tout manquement à l’exigence de neutralité des agents publics desdits établissements porté à sa connaissance, dans un délai de quinze jours.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 516 est présenté par Mmes Assassi et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.
L’amendement n° 604 est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.
M. Didier Marie. L’objet du texte que nous examinons est à la fois d’affirmer les principes de la République et de protéger les agents publics.
Or cet article, introduit à l’Assemblée nationale par amendements, mène à un contresens. En effet, il ne concerne pas les manquements commis « contre » les agents hospitaliers, mais bien « par » les agents hospitaliers. Il amène les référents laïcité qui exercent dans les hôpitaux à avoir l’obligation d’alerter l’agence régionale de santé, l’ARS, sur tout manquement au principe de laïcité commis par un agent public hospitalier.
On se retrouve donc avec un article 1er quater qui jette la suspicion sur les agents de la fonction publique hospitalière, les médecins, les infirmières, les sages-femmes et les personnels administratifs, en laissant entendre qu’ils transgresseraient le principe de laïcité plus que tous les autres agents publics. En conséquence, il faudrait les soumettre à un régime spécifique d’alerte auprès des agences régionales de santé.
Pour ce qu’il insinue à l’égard de l’ensemble de ces personnels, en particulier dans la période que nous connaissons et au regard de ce que nous leur devons, cet article nous semble totalement choquant et nous en demandons la suppression.
Par ailleurs, cet article procède à une confusion sur le rôle du référent laïcité. Nous l’avons dit depuis un certain temps, celui-ci a une mission de conseil auprès des agents. Lui imposer, comme le prévoit l’article, une obligation de signalement en cas de manquement aura un effet contre-productif, puisque cela pourrait tout simplement décourager les agents de venir requérir ses conseils.
C’est au chef de service d’intervenir en cas de manquement au principe de laïcité – cela peut arriver –, en mettant en mouvement le régime disciplinaire applicable à l’agent. Ce n’est pas au référent laïcité, auquel l’agent doit garder toute confiance, de le faire.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 516.
M. Fabien Gay. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 604.
Mme Nadège Havet. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 618 rectifié.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 618 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Un décret précise les conditions dans lesquelles le référent laïcité des établissements mentionnés à l’article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales échangent avec les agences régionales de santé sur les manquements à l’exigence de neutralité des agents publics desdits établissements en vue de renforcer la connaissance du phénomène et de renforcer le traitement des situations.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nadège Havet. De même que les deux précédents, l’amendement n° 604 vise à supprimer l’article 1er quater.
Cette proposition de supprimer l’obligation, pour les référents laïcité des établissements de santé, d’alerter l’ARS de tout manquement dans un délai de quinze jours est motivée par la volonté de préserver l’équilibre de l’article 1er ter et de ne pas créer au sein de la loi de confusion sur le rôle de référent laïcité.
Toutefois, puisque la rédaction ne nous apparaissait pas satisfaisante pour les raisons mentionnées, nous proposons par ailleurs un amendement de repli, qui nous semble pouvoir constituer un compromis, afin de renforcer la connaissance des manquements à l’exigence de neutralité, ainsi que le traitement des situations visées.
Cet amendement de repli a pour objet de conserver dans le projet de loi un article relatif aux échanges entre le référent laïcité des établissements de santé et les ARS sur les manquements à l’exigence de neutralité des agents publics.
Toutefois, afin de ne pas rigidifier outre mesure le dispositif, il tendra à renvoyer plutôt à un décret la définition des conditions des échanges du référent avec les ARS sur les manquements visés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. S’agissant des amendements identiques nos 22 rectifié bis, 516 et 604, la commission n’est pas favorable à la suppression de cet article, car il y a, dans les hôpitaux, de vrais problèmes qu’il serait irresponsable, de notre part, de nier.
Toutefois, la commission convient d’un problème rédactionnel, qui devrait être réglé par l’adoption de l’amendement n° 618 rectifié.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 22 rectifié bis, 516 et 604, mais un avis favorable sur l’amendement n° 618 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. C’est le même avis défavorable sur les amendements identiques nos 22 rectifié bis, 516 et 604 et le même avis favorable sur l’amendement n° 618 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Effectivement, les trois amendements identiques et le suivant sont liés. Aussi, l’argument donné par Mme la rapporteure pour émettre un avis défavorable ces trois amendements ne convient pas : la rédaction qui est appelée à remplacer la version actuelle ne changera malheureusement pas grand-chose, et les agents référents laïcité dans les hôpitaux auront toujours comme mission de signaler aux ARS les manquements de leurs collègues.
C’est donc un contresens par rapport au principe même de référent laïcité, qui est là pour conseiller l’agent, pour apporter un éclairage, et non dénoncer un manquement quelconque ; laissons cela, le cas échéant, au chef de service et à la hiérarchie de l’hôpital.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je ne vous ai en effet pas répondu sur la partie concernant le signalement. Mais voulons-nous avancer sur ces problématiques globales qui existent partout dans l’administration, y compris à l’hôpital ?
Si un référent laïcité ne peut pas faire de signalement, à quoi sert-il ? Chacun a son avis, mais le signalement s’organise au sein même des institutions. Les gens sont suffisamment intelligents pour travailler entre eux, faire des signalements à la bonne personne, au bon moment et de la manière la moins compliquée pour celui qui signale. Je crois que nous ne devons pas tout réglementer à chaque fois.
Le signalement est nécessaire, autrement ce référent laïcité ne servirait, par définition, à rien. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cette partie également de l’amendement.
M. Didier Marie. C’est n’importe quoi !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement est en effet favorable à la disposition obligeant les référents laïcité exerçant dans les établissements hospitaliers et de santé d’informer l’ARS de tous les manquements à l’exigence de neutralité des agents publics.
Au regard des difficultés auxquelles sont confrontés les établissements de santé, la compétence première est bien celle du directeur d’établissement, même si l’ARS pourra exercer un suivi rapproché.
Toutefois, monsieur Marie, je suis d’accord avec vous pour estimer que l’ensemble de la disposition actuelle n’est pas forcément du niveau législatif et qu’il serait plus opérant de prévoir que les modalités seront définies par un décret en Conseil d’État.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié bis, 516 et 604.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er quater est ainsi rédigé, et les amendements nos 302 rectifié et 92 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 2
À la première phrase de l’avant-dernier alinéa des articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « individuelle, », sont insérés les mots : « ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, ».
Mme la présidente. L’amendement n° 288 rectifié, présenté par MM. Dallier, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, J.-B. Blanc, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Darnaud, de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mme Noël, MM. Paccaud, Paul, Pellevat et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, MM. C. Vial et Vogel, Mmes Bourrat et L. Darcos, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À la première phrase du quatrième alinéa des articles L. 2131-6 et L. 4142-1 et à la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « public », sont insérés les mots : « ainsi que celle concernant un acte de nature à porter une atteinte grave aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ».
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement vise tout simplement à renforcer les pouvoirs du préfet, en remplaçant le déféré « accéléré » par un déféré suspensif au cas où une décision d’une autorité locale porterait gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission a effectivement discuté de cet amendement, qui tend à substituer, pour les actes des collectivités territoriales portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, un déféré suspensif au déféré « accéléré ».
D’une part, une telle disposition porte une atteinte excessive à la libre administration des collectivités territoriales. Si l’on n’est pas obligé de toujours rappeler les avis du Conseil d’État, celui qui a été émis sur cette disposition, en l’occurrence, est assez clair.
Il semble ainsi préférable que la suspension de l’acte soit décidée par un juge, dans le cadre d’une procédure d’urgence justifiée par l’importance des principes auxquels il est porté atteinte, plutôt que par le préfet.
D’autre part, sur le plan juridique, le caractère suspensif du déféré de l’acte par le préfet est aujourd’hui prévu dans des matières limitativement énumérées par l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.
Cette disposition pose donc quelques problèmes d’applicabilité, ce qui nous a amenés à émettre un avis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je suis assez gêné aux entournures, madame la rapporteure… S’agissant du dernier argument que vous soulevez, je pensais que la disposition en question avait été placée au bon endroit. Je m’en remets toutefois à votre avis.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 288 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 131 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. H. Leroy, Bilhac, Cabanel et Guérini, Mme Guillotin et MM. Corbisez et Requier.
L’amendement n° 488 est présenté par M. Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le mot :
gravement
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de Nathalie Delattre. L’article 2 du projet de loi prévoit d’étendre la procédure de déféré « accéléré » aux actes des collectivités territoriales portant une atteinte grave au principe de neutralité des services publics.
Un tel dispositif est évidemment souhaitable, mais il soulève une interrogation quant à la rédaction retenue. En effet, comment distinguer une atteinte d’une atteinte grave à la neutralité des services publics ? Peut-on envisager qu’une atteinte à ce principe si fondamental ne soit pas grave par nature ?
Toute atteinte à ce principe doit être considérée comme inacceptable. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer la qualification « gravement » pour ce qui concerne l’atteinte portée au principe de neutralité des services publics.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 488.
M. Stéphane Ravier. Le présent amendement vise à répondre à une actualité brûlante. Le variant turc du virus islamiste est arrivé en Alsace depuis bien longtemps. Il prend racine à Strasbourg, grâce à la complaisance et à la complicité des élus municipaux islamo-gauchistes. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Ainsi, 2 500 000 euros ont été versés par la municipalité pour la construction d’une mosquée géante – il s’agit de la plus grande d’Europe –, à une association extrémiste turque, Millî Görüs.
M. André Reichardt. C’est exact !
M. Stéphane Ravier. Cette association, toujours pas dissoute, a refusé de signer votre charte de l’islam, madame Schiappa. Elle n’a manifestement pas la reconnaissance du ventre : elle aurait pu la signer pour remercier votre ministère de lui avoir accordé une subvention de 2 500 euros au titre de la politique de la ville et de 22 400 euros au titre de la prévention de la délinquance…
Entre vos subventions à une association islamiste et la nomination, par le Président de la République, d’un membre de l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, au Conseil économique, social et environnemental, le CESE, l’exécutif est devenu l’exécuteur des basses œuvres.
Pendant ce temps, l’association islamiste Millî Görüs préfère rester soumise à Erdogan et aux Frères musulmans, organisation classée terroriste dans plusieurs pays musulmans.
Elle est belle, votre capitale européenne ! Il est loin le temps où le général Leclerc libérait la ville de l’envahisseur en dressant le drapeau français sur sa cathédrale. Un contrôle de légalité du préfet s’impose sur une telle décision de la municipalité strasbourgeoise.
Tout y est : l’ingérence étrangère, l’expansionnisme islamiste et la collusion généralisée de la classe politique !
Le mécanisme de veto ou de substitution par l’autorité préfectorale va dans le bon sens. Néanmoins, il faudra régler, au moment des lois de finances, le problème des diminutions des moyens en personnel dans les préfectures pour ces contrôles qui tardent et sont moins précis. Le plan Préfectures nouvelle génération portait des promesses sur ce point, mais leur réalisation n’est toujours pas au goût du jour.
C’est pour une meilleure effectivité de la loi que je propose de retirer le terme « gravement » de cet article. En effet, avant d’arriver au stade de la mosquée géante, l’islamisme a progressivement grappillé du terrain et s’est installé à Strasbourg, comme ailleurs, grâce à de nombreuses décisions non sanctionnées par le tribunal administratif.
Dans le respect de la libre administration des communes, et avec le respect qui est dû aux élus locaux, dont je fais partie, il faut donner à l’État les armes de la reconquête sans sourciller dans les termes.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Durain, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
gravement
par le mot :
manifestement
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Ces différentes propositions posent la question de savoir quels sont les actes qui doivent relever de la procédure du déféré « accéléré », c’est-à-dire de la procédure qui prévoit une suspension de l’acte par un juge administratif dans les quarante-huit heures.
Le projet de loi répond qu’il s’agit des actes portant gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité des services publics. Il nous semble que le terme « gravement » est impropre à cet effet, mais pas pour les raisons évoquées par nos collègues.
Le débat n’est pas de distinguer les atteintes qui sont graves et celles qui le seraient moins ; il ne s’agit donc pas de dire qu’il y aurait des atteintes au principe de laïcité qui seraient acceptables. Le déféré « accéléré » est une procédure qui ne préjuge pas de la décision sur le fond. C’est au moment de la décision sur le fond que le juge administratif appréciera de la gravité de l’atteinte.
Au stade de la suspension, la question est de savoir si l’atteinte est manifeste ou non. Si elle l’est, il y a déféré « accéléré » ; si elle ne l’est pas, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi nous proposons de remplacer le terme « gravement » par « manifestement ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. S’agissant des amendements identiques nos 131 rectifié bis et 488, je voudrais préciser que, sur un plan juridique, les procédures d’examen en urgence, comme celles de référé, tiennent toujours compte de la gravité de l’illégalité en cause. C’est uniquement ainsi que cela peut se faire.
Sur le plan pratique, supprimer le mot « gravement » pourrait conduire à engorger les juridictions administratives, ce qui ne me semble pas l’objet de ces deux amendements. L’avis est donc défavorable sur les amendements identiques nos 131 rectifié bis et 488.
S’agissant de l’amendement n° 24 rectifié bis, qui tend à remplacer « gravement » par « manifestement », on sait que les critères doivent être précisés. Le caractère manifeste de ce qui est en cause est moins important que le fait de préciser « gravement ». Le caractère plus ou moins manifeste de l’illégalité ne semble donc pas de nature à justifier un recours à une procédure juridictionnelle accélérée.
En raison de cette fragilité de rédaction, la commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 24 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement a émis les mêmes avis que la commission. Je voudrais simplement répondre à M. le sénateur Ravier, qui a tenu des propos inexacts.
Tout d’abord, en ce qui concerne les emplois en préfecture, vous le savez, en 2021, pour la première fois, ils ont été sanctuarisés. C’est une volonté du ministre de l’intérieur qui a, d’ores et déjà, été mise en œuvre. Ce qui a été dit sur les emplois en préfecture est donc inexact.
Par ailleurs, s’agissant de Strasbourg, il est de notoriété publique que nous sommes en première ligne, Gérald Darmanin et moi-même, depuis que nous avons eu connaissance de cette délibération de la municipalité. Là encore, il est faux de prétendre, des jours après la bataille, que nous ne ferions rien. Le préfet a été saisi, et nous avons demandé à la maire de Strasbourg de renoncer au versement de cette subvention.
Il est d’ailleurs tout aussi inexact de dire, comme vous l’avez fait, monsieur le sénateur, que la subvention a été versée. Elle a « seulement » été votée.
Nous demandons justement à la maire de Strasbourg de renoncer à ce projet délétère et de ne pas verser les 2,5 millions d’euros à l’association Millî Görüs pour la construction de cette mosquée. Chacun le sait ici, 2,5 millions d’euros constituent une somme énorme, qui représente des places en crèche pour 200 familles pendant un an. Nous demandons évidemment à la maire de Strasbourg d’y renoncer.
Ensuite, vous avez mentionné, monsieur le sénateur, un certain nombre d’autres faits qui se révèlent inexacts. La subvention de l’État que vous citez est en fait destinée à la vidéoprotection.
J’ai déjà répondu à cette question à l’Assemblée nationale, mais je le fais bien volontiers au Sénat également : en vertu de la protection et de la liberté de culte, qui est un grand principe de la laïcité à la française, l’État protège les abords des lieux de culte. C’est la raison de la vidéoprotection mise en œuvre aux abords des églises, des mosquées et des synagogues, et c’est ce à quoi correspond le montant que vous avez évoqué.
Enfin, nous avons collectivement souligné que les prochaines années devaient marquer la fin de la naïveté par rapport à l’islamisme radical. Dès hier, le ministre de l’intérieur a adressé une circulaire très ferme à l’ensemble des préfets, en leur demandant de ne plus financer et de ne plus travailler avec les organisations ayant refusé de ratifier la charte des cinq fédérations, dite « charte de l’islam ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il me semble que « manifestement » est tout de même plus clair. Il suffit, en effet, de constater l’atteinte manifeste. Cela permettra de facilite la saisine et, en même temps, de ne pas engorger la procédure.
« Manifestement » est un terme fort utilisé en matière juridique ; je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le substituer à « gravement », qui est moins clair et moins précis.
M. Didier Marie. Parce que c’est nous qui le proposons !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je vais retirer l’amendement, conformément aux observations de Mme la rapporteure. Mais, puisque l’on est dans la nuance, on pourrait utiliser l’adverbe « effectivement »… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 131 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 488.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 565 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2131-9 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2131-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2131-9-…. – Sont illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes contreviennent au principe de la séparation des Églises et de l’État et aux exigences attachées à la neutralité des services publics et des personnes publiques à l’égard des cultes. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. À la suite des élections municipales de l’an passé, plusieurs grandes métropoles, dont Paris et Lyon, ont donné à certains de leurs élus une délégation de fonction pour exercer différentes attributions relatives aux cultes, à la spiritualité ou aux religions – il y avait tout un vocabulaire dont je vous passe l’ampleur.
J’ai écrit à M. le ministre de l’intérieur et j’ai déposé une question écrite – la question n° 17 302 du 16 juillet 2020 – en lui demandant d’exercer sur les préfets une aimable pression, pour qu’ils défèrent devant le tribunal administratif ces actes délibératifs qui ne me semblent pas conformes à l’exigence de neutralité des services publics.
Aujourd’hui, il n’y a que l’État qui a la possibilité de faire respecter les articles de la loi de 1905 relatifs à la police des cultes. Les collectivités n’ont aucune compétence dans ce domaine et n’ont aucune raison d’avoir des élus délégués aux cultes.
Faute de réponse de votre part, madame la ministre, j’ai déposé cet amendement, qui vise de façon relativement simple à signaler au préfet, dans le cadre de son contrôle de légalité, que les atteintes à la laïcité doivent être prises en compte de façon prioritaire. Évidemment, cela n’oblige pas le préfet à déférer ; cela l’incite simplement à examiner de façon plus attentive ce qui se passe dans les collectivités.
Tel est l’esprit de mon amendement, mais j’attends tout de même la réponse à ma question écrite, madame la ministre…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cher collègue, je comprends ce que vous voulez dire au travers de cet amendement, mais celui-ci me semble pratiquement satisfait. En effet, tous les actes du conseil municipal sont déjà contrôlés par les préfets, qui peuvent casser les délibérations.
M. Pierre Ouzoulias. Non !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Si ! Il s’agit du rôle du préfet. Je ne suis pas certaine que désigner leurs priorités aux préfets soit notre rôle ; le préfet sait ce qu’il a à faire.
Par ailleurs, il est assez étonnant que vous n’appliquiez votre proposition qu’au bloc communal, ce qui revient à dire que le problème ne se poserait pas au niveau des départements et des régions.
Pour ces différentes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la rapporteure, je trouve votre position incohérente. Tout à l’heure, nous parlions du référent laïcité, donc de quelqu’un qui n’a pas un rôle statutaire, et vous exigiez d’inscrire dans la loi qu’il réalise des signalements.
En l’occurrence, il s’agit des préfets, dont je remarque qu’aucun en France n’a déféré devant la juridiction administrative les actes illégaux des communes s’agissant des cultes. Et vous me dites que l’on pourrait passer outre et qu’il s’agit de la liberté du préfet.
Je ne comprends donc pas la cohérence de votre propos. Je crois que si l’on tient vraiment à ce que les principes de la République soient défendus, il faut donner une mission spécifique aux préfets pour le contrôle des actes des collectivités.
J’ai réussi à trouver une place pour cette décision dans le code général des collectivités territoriales et j’aurais souhaité le faire également pour le département et la région, mais n’y suis pas arrivé. Si vous me proposez des sous-amendements en ce sens, j’en serai extrêmement ravi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 565 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
La sous-section 3 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2122-34-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-34-2. – Lorsqu’il exerce par délégation des attributions dont le maire est chargé au nom de l’État ou comme officier d’état civil, en application de l’article L. 2122-18, tout membre du conseil municipal est tenu à l’obligation de neutralité ainsi qu’au respect du principe de laïcité. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25 rectifié ter, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Le 1 de l’article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est tenu au respect du principe de laïcité. À ce titre, il s’abstient de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Nous proposons, par cet amendement, de compléter la charte de l’élu local qui figure dans le code général des collectivités territoriales, pour y inscrire noir sur blanc le principe de laïcité et l’interdiction pour tout élu local, à ce titre, de manifester ses opinions religieuses dans l’exercice de ses fonctions.
L’Assemblée nationale a utilement précisé les choses concernant les conseillers municipaux exerçant par délégation des fonctions d’officier d’état civil, mais il y a lieu d’aller plus loin et de prévoir que tout élu local doit être soumis au respect du principe de laïcité lorsqu’il agit dans l’exercice de ses fonctions.
Qu’il siège dans un conseil d’école ou qu’il s’exprime lors d’une remise de prix d’une compétition sportive, l’élu y représente la collectivité. À ce titre, il ne peut manifester ses opinions religieuses et le principe de laïcité doit s’appliquer, quel que soit son mandat – municipal, départemental ou régional –, son rang ou sa délégation.
Je précise, pour éviter toute mauvaise interprétation, que serait seul mentionné dans la Charte de l’élu local le principe de laïcité. Il n’y a pas lieu d’appliquer aux élus locaux l’obligation de neutralité, qui leur interdirait d’exprimer leurs opinions politiques, lesquelles doivent bien évidemment être préservées.
Mme la présidente. L’amendement n° 289 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Cadec, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, M. Favreau, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Meurant, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Panunzi, Paul, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Somon, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, MM. Daubresse et Husson, Mme Primas et MM. Segouin et Bonhomme, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le 6 de l’article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Durant les réunions de l’organe délibérant, il s’abstient de porter des signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. »
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Cet amendement est un amendement de cohérence et de bon sens républicain.
Très concrètement, il a pour objet l’obligation de neutralité des élus lors des réunions des conseils municipaux et des commissions permanentes du département ou de la région.
Ainsi, il vise à étendre les dispositions de l’article 2 bis, afin d’inscrire dans la charte de l’élu local la nécessité, pour l’élu local, de ne pas porter de signes et de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse durant les réunions des organes délibérants des collectivités.
Pourquoi s’agit-il d’un amendement de cohérence ? Parce que la réglementation de nos assemblées nationales, qu’il s’agisse du Palais-Bourbon ou du Sénat, prévoit déjà une telle neutralité.
Ainsi, aux termes de l’article 9 de l’instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale, « la tenue vestimentaire adoptée par les députés dans l’hémicycle doit rester neutre et s’apparente à une tenue de ville. Elle ne saurait être le prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d’un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique. »
L’article 91 bis du règlement du Sénat précise quant à lui que les sénateurs « exercent leur mandat dans le respect du principe de laïcité et avec assiduité, dignité, probité et intégrité. »
J’y ajoute une phrase intéressante, relevée dans un courrier que nous avait adressé le président Larcher concernant le public, qui ne doit porter ni signes religieux ostentatoires ni couvre-chef : « Cette exigence républicaine héritée de l’histoire parlementaire contribue à assurer la sérénité requise lors des délibérations du Sénat. »
Mes chers collègues, demander, dans notre République laïque, un minimum de neutralité vestimentaire lors des réunions des organes délibérants des collectivités ne me semble pas liberticide. Lorsque Marianne s’exprime, on peut demander aux dieux de rester discrets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ces deux amendements ont fait l’objet de longues discussions au sein de la commission des lois.
L’amendement n° 25 rectifié ter tend à compléter la charte de l’élu local, dans un souci de neutralité au sens très large. Cette disposition pose des difficultés juridiques majeures, notamment sur le plan constitutionnel.
En effet, où placer la limite de l’engagement personnel d’un élu ? Quand est-il dans son institution ? Quand est-il en dehors ? Définir globalement le cadre des fonctions de l’élu dans sa vie municipale, départementale ou régionale semble quelque peu compliqué.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
De manière plus restrictive, l’amendement de M. Paccaud vise le respect de la neutralité uniquement lors des réunions des instances délibérantes – conseils municipaux, départementaux et régionaux en particulier. Ce dispositif est lui aussi susceptible de poser des difficultés d’application.
La commission des lois, pour les mêmes raisons, a émis un avis défavorable. Je tiens cependant à préciser que, à titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je partage pleinement l’avis de Mme la rapporteure.
En effet, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié ter et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 289 rectifié. Toutefois, à titre tout à fait personnel, je suis favorable à ce dernier. (Marques de surprise sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. L’expression politique publique des élus doit être préservée.
L’amendement très général de M. Marie tend à imposer une neutralité aux élus dans l’ensemble de leur vie publique. Bien entendu, les conséquences de son adoption seraient considérables. Nous souhaitons pouvoir continuer à fêter la Saint-Michel des parachutistes, la Sainte-Geneviève des gendarmes ou la Sainte-Barbe des sapeurs-pompiers !
On nous dit de l’amendement de M. Paccaud qu’il est plus restrictif, puisqu’il concerne les réunions des organes délibérants.
Or, lorsqu’une collectivité locale délibère, elle le fait sous la présidence du responsable ou de la responsable de l’exécutif. Il existe une police de la séance : le maire, le président du conseil départemental ou le président du conseil régional dispose de tous les moyens lui permettant d’assurer le maintien de l’ordre public durant la réunion.
Je ne vois donc pas en général ce qui serait de nature à porter atteinte à la liberté d’expression des élus ni à la liberté spirituelle qui existe dans ce pays. De grâce, ne touchons pas à des éléments qui restent encore très importants dans l’expression de notre vie publique et qui n’ont pas posé de difficulté à ce jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. J’essaie d’appréhender les amendements qui nous sont proposés sur ce texte à la lumière de deux critères qui fondent la légitimité du Sénat : la défense des droits des collectivités locales et celle de leur libre administration ; la question des libertés publiques, à laquelle vous savez que je suis très attaché.
Cher Didier Marie, pardonnez-moi, mais, en tendant à interdire de manifester des opinions religieuses, votre amendement vise à prôner une forme de police d’expression de la pensée, voire une police de la pensée.
Je ne voudrais pas que, dans ses discours, un maire soit empêché de citer Saint Augustin, qui, pour certains d’entre nous, et pour moi en particulier, constitue une référence philosophique, alors qu’il pourrait citer une référence plus littéraire, comme Saint-Exupéry. Je pense qu’il est très important que nous laissions la plus grande liberté d’expression possible.
Monsieur Marie, monsieur Paccaud, pouvez-vous nous parler des situations concrètes qui vous ont amenés à déposer ces amendements ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Strasbourg et Grenoble !
M. Loïc Hervé. À quels cas avez-vous été confrontés, en tant que sénateurs, dans vos départements ?
Avez-vous vu un maire, un élu local ou un élu d’opposition tenir des propos ou porter une tenue qui, manifestement, allaient à l’encontre des grands principes que nous trouvons au faîte de nos grands textes, comme d’ailleurs dans les différents règlements intérieurs de nos assemblées parlementaires et des collectivités locales ?
Monsieur Paccaud, observez les tenues de nos grands anciens ! (M. Loïc Hervé désigne les statues de la salle des séances. – Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure, s’exclame.) Compte tenu de la tradition politique de la France, je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire d’aller jusqu’à ce que vous proposez.
D’ailleurs, pour reprendre la situation évoquée par M. le ministre de l’intérieur hier soir, en 1905, rien n’a été prévu par Aristide Briand sur l’accoutrement dans lequel un élu peut siéger au conseil municipal.
Je considère donc que ces deux amendements sont extrêmement dangereux et je ne les voterai pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je ne comprends plus du tout le débat et j’estime qu’il y a une forme de tartufferie.
Avec mon précédent amendement, je souhaitais simplement que le préfet porte une attention particulière aux actes des collectivités qui ne respectent pas les principes de la République. Vous l’avez refusé.
Là, vous acceptez un amendement relatif à la tenue vestimentaire. Par exemple, un maire adjoint de Lyon chargé des cultes, ce qui est, à mon avis, contraire à la loi, devrait s’habiller en civil pour rencontrer, dans le cadre de sa délégation, un homme d’Église, quel qu’il soit.
On perd de vue l’essentiel – le principe républicain de laïcité – pour s’attacher à un détail vestimentaire. Je ne comprends pas où est la logique.
En bons républicains – je répète que les vrais séparatistes siègent sur nos travées –, nous aurions préféré que la loi de 1905 soit appliquée dans toute sa rigueur et que le préfet défère systématiquement devant les tribunaux administratifs les actes des collectivités qui ne sont pas conformes à l’esprit de la République.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. J’aimerais qu’il n’y ait pas de confusion.
Il ne s’agit pas, avec notre amendement, de décréter que tous les élus doivent faire preuve de neutralité. On leur demande de respecter les principes de laïcité, ce qui signifie que, dans l’exercice de leurs fonctions, ils n’ont pas à faire valoir leurs convictions religieuses. Cela ne les empêchera pas, cher Loïc Hervé, de citer tel philosophe, tel écrivain ou telle référence.
Quant à la question des vêtements, nous en revenons au débat que nous avons eu hier.
Mme Esther Benbassa. Le débat textile !
M. Didier Marie. C’est effectivement ainsi que l’a appelé M. le ministre de l’intérieur, ma chère collègue.
Si l’habit ne fait pas le moine, des moines peuvent être élus dans nos conseils municipaux. (Sourires.) Pour autant, ils peuvent tout à fait respecter le principe de laïcité en ne faisant pas valoir leurs convictions religieuses dans l’enceinte municipale ou lorsqu’ils exercent leur fonction de conseiller municipal en représentation de la collectivité. Tel est l’objet de notre amendement.
Notre but n’est pas de viser les vêtements. En revanche, nous considérons que l’élu n’a pas à faire valoir ses convictions religieuses dans le cadre de l’exercice d’une mission de service public.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Nous avons souhaité prendre un certain nombre de mesures assez sévères, concernant les accompagnatrices scolaires, le port du burkini dans certaines circonstances ou encore les listes communautaristes aux élections, que nous voulons interdire.
Néanmoins, je trouve que ces deux amendements vont trop loin, parce que la pensée et l’expression des élus doivent rester libres. Je ne vois pas à quel titre on pourrait, dans une démocratie, interdire à des élus d’exprimer des convictions syndicales, politiques et pourquoi pas religieuses.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Philippe Bas. Sur quoi se fonderait une hiérarchie dans l’expression de ces différents types de convictions ?
Même au plus fort de la crise entre l’Église et l’État en 1905, personne n’a jamais eu l’idée d’en arriver à des mesures aussi restrictives pour la liberté d’expression des élus.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la même histoire !
M. Philippe Bas. Il y a des moines élus à Solesmes, par exemple ; tous les électeurs le savent.
Si ces amendements étaient votés, le musulman ou le prêtre élu au conseil municipal pourrait s’habiller librement partout ailleurs qu’au conseil municipal.
Faudrait-il qu’un prêtre élu au conseil municipal retire très vite son aube et son col romain avant les réunions, parce que ce serait une agression contre la République que de continuer à les porter ? (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.) Je crois que l’on en arriverait là à une situation qui pourrait, à certains égards, prendre un tour grotesque.
Par ailleurs, qui va sanctionner la violation de ces obligations ? Aucun des deux amendements ne tend à le préciser. Il s’agit donc, de surcroît, d’un coup d’épée dans l’eau.
Halte à la surenchère ! Soyons raisonnables. Respectons notre tradition républicaine, qui implique que la laïcité ne porte pas atteinte à la liberté d’expression. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la ministre, je suis étonnée de votre prise de position, M. le ministre Gérald Darmanin ayant été assez clair sur ces enjeux hier.
M. Loïc Hervé. Il a même été très clair !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il a très clairement indiqué qu’un maire représentant l’État et exerçant une mission de service public par délégation de l’État était tenu à une totale neutralité.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais il a précisé que ce maire était, pour tout le reste de ses activités, un citoyen élu et libre.
Bien évidemment, aucun d’entre nous ne souhaite voir un élu verser dans la provocation, mais rien ne peut l’empêcher de porter une tenue religieuse ou un crucifix, par exemple.
Je me rappelle avoir vu le chanoine Kir, maire de Dijon, porter la soutane. Je ne vous entendais pas hurler, chers collègues !
M. Loïc Hervé. Et l’abbé Pierre, qui a été député !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ignore si l’abbé Pierre siégeait en soutane, mais tel était bien le cas du chanoine Kir.
Je suis donc d’accord avec Philippe Bas : arrêtons la surenchère. Si la neutralité de l’État doit être garantie radicalement, nous devons permettre la liberté d’expression des élus. Les citoyens savent pertinemment qui ils élisent dans les organes délibérants.
Au reste, c’est le maire qui décide quel adjoint va le représenter, par exemple pour remettre des médailles à l’issue d’un tournoi de football. Je suis convaincue que 99,9 % des maires n’enverraient pas un élu susceptible de nuire à l’ordre public et de ne pas respecter nos principes républicains !
Laissons la liberté prévaloir. Si des scandales éclatent, ils peuvent être condamnés à d’autres titres.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je vois que nos amendements suscitent un peu d’effervescence. J’ignore s’ils en méritent autant…
J’insiste sur la nécessité d’être cohérents. Je ne vois pas pourquoi les députés et les sénateurs sont soumis à un devoir de neutralité vestimentaire et pourquoi nos collègues siégeant dans les organes délibérants locaux ne le sont pas. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Peut-être souhaitez-vous, chers collègues, que nous puissions arborer ici des tenues militantes ou exprimant une croyance ? Alors que nous examinons l’article 2 bis, la notion de sérénité me semble importante. Qu’on le veuille ou non, une tenue peut influencer l’attitude ou le vote de certains.
Dans sa démonstration, brillante comme à l’accoutumée, notre collègue Philippe Bas a commencé par évoquer les listes communautaristes. Si la loi n’empêche pas le port de tenues communautaires, le jour où ces listes auront des élus, vous aurez gagné ! La liberté sera totale, et ces élus pourront exprimer leurs croyances par leur tenue.
Nous devons être cohérents jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’empêcher toute expression. On a rappelé que l’abbé Pierre avait siégé sur les bancs de l’Assemblée nationale après-guerre. Il n’a jamais été question de bafouer une quelconque liberté d’expression. Toutefois, on peut tout à fait exprimer ses idées, quelles qu’elles soient, sans porter de vêtement militant. (M. Cédric Vial applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Certes, les deux amendements sont quelque peu différents, mais leurs dispositions vont dans le même sens. Et tels qu’ils sont rédigés, leur interprétation et leurs conséquences posent problème.
Je répète – c’est une évidence – que les élus ne sont pas des fonctionnaires et qu’ils sont choisis au terme d’un processus démocratique, au cours duquel ils ont exprimé leurs convictions. Comme Philippe Bas l’a rappelé, ces dernières peuvent être de tout ordre – syndicales, politiques, religieuses –, sans qu’il y ait entre elles de hiérarchie.
Si nous commençons à vouloir réduire l’expression de l’une de ces convictions, qu’adviendra-t-il ensuite ? On peut s’en inquiéter.
En effet, si nous sommes amenés aujourd’hui à interdire aux élus d’exprimer leurs convictions religieuses, quoi que l’on pense de celles-ci et quels que soient les combats que l’on puisse mener à leur encontre, pourquoi ne leur reprocherait-on pas, demain, sur le plan juridique et non plus seulement démocratique, d’avoir soutenu tel ou tel représentant de salariés, accompagné de telle ou telle organisation syndicale ?
Pourquoi ne leur reprocherait-on pas de participer à un meeting politique sur tel ou tel fait de société ? Pourquoi ne leur reprocherait-on pas de manifester pour ou contre, par exemple, l’évolution des droits du mariage au travers d’un projet de loi, situation que nous avons pu connaître par le passé ? (M. Loïc Hervé approuve.)
In fine, on en arrive à une situation où les élus ne sont plus l’incarnation des choix politiques et de la démocratie. C’est en cela que les dispositions de ces deux amendements posent problème. Nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Tout d’abord, madame la ministre, je suis quelque peu surpris par votre position, fût-elle personnelle, M. le ministre de l’intérieur m’ayant donné lors des débats d’hier soir de nombreuses leçons sur ce qu’était notre laïcité et sur en quoi celle-ci devait être respectueuse des expressions et des croyances de chacune et de chacun.
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. Max Brisson. J’ai défendu hier avec conviction un amendement relatif à ce que j’ai appelé « l’école hors les murs », parce qu’il s’agissait de l’école publique, laquelle est laïque depuis 1881, c’est-à-dire bien avant la loi de 1905.
En revanche, les dispositions de ces deux amendements m’inspirent une réelle réticence.
Je signale que j’ai travaillé, à titre personnel, sur les travaux du Parlement au début du XXe siècle et après la loi de 1905. Or, dans cet hémicycle, de nombreux prêtres ont siégé en soutane, bien après la loi de 1905.
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
M. Max Brisson. On a cité le chanoine Kir, qui fut député sous la Ve République.
Au-delà de la question des tenues, ces amendements, surtout celui de M. Marie, semblent tendre à limiter la liberté d’expression des élus, qui est essentielle dans une démocratie.
Une première restriction en amènera d’autres. Mes chers collègues, cette potentielle accumulation de restrictions m’inquiète, parce que la démocratie doit permettre aux élus d’exprimer librement leurs convictions, y compris religieuses s’ils en ont et s’ils estiment qu’elles ont leur place dans le débat public.
Le débat public ne peut être limité dans le cadre de la loi qu’en cas d’appel à la haine ou d’incitation à la discrimination raciale. Sinon, nous ne sommes plus dans une démocratie.
En tant qu’élu membre d’un conseil municipal, je veux pouvoir continuer à assister au culte le jour du 11 novembre, où l’on célèbre la mémoire de nos morts. Je veux pouvoir assister à la messe de la Sainte-Geneviève ou à la cérémonie de la Sainte-Barbe.
Je veux pouvoir me rendre dans une synagogue, dans une mosquée ou dans une église, parce que j’y représente la République. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Olivier Paccaud. C’est un scandale ! Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Pour ma part, je suis très inquiète par ce souhait de neutralisation de l’espace public. Il semble que l’on veuille aller vers une aseptisation de la société. Bientôt, on nous empêchera de penser, de croire, d’avoir une opinion politique. (Marques d’approbation sur des travées du groupe UC.)
Où allons-nous ? Dans quelle société veut-on vivre ? Dans une société virtuelle, déjà « neutre » ?
Quelle société nous préparez-vous au prétexte de combattre le terrorisme ? Soyons sérieux, pour une fois : avoir des opinions, adhérer à une philosophie, croire, ce n’est absolument pas abstrait.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Voilà des années, très loin d’ici, en Égypte, Nasser, s’exprimant à l’assemblée du Caire, s’est moqué du responsable des Frères musulmans qui lui demandait d’imposer le port du voile pour les jeunes filles, alors que sa propre fille n’était pas voilée. C’était il y a cinquante ou soixante ans. Depuis lors, les choses ont bien changé. Elles ont également changé en Afghanistan.
Nous avons évoqué le chanoine Kir. Mais le monde a changé ! Le problème des textes que nous examinons est qu’ils ne désignent pas l’ennemi. L’ennemi, c’est l’islamisme, qui a gangréné les sociétés du Moyen-Orient et qui gangrène désormais nos sociétés.
Il existe une différence fondamentale entre les deux amendements : celui d’Olivier Paccaud ne vise que les réunions de l’organe délibérant.
Que le chanoine Kir ait siégé à l’Assemblée nationale en soutane et que des moines siègent aujourd’hui dans des conseils municipaux ne pose aucun problème. Le vrai problème est de ne pas nommer l’ennemi. Ce n’est pas une question de texte : c’est une question de conquête islamiste de nos territoires.
M. Loïc Hervé. Dans quelles communes ?
M. Sébastien Meurant. Dans certains territoires, on voit déjà des signes religieux ostentatoires, conquérants. Demain, il n’y aura, dans certaines villes, que ces signes ostentatoires, parce qu’ils auront conquis – peut-être par les urnes, du reste – les principes de la République.
M. Loïc Hervé. Dans quelles communes ?
M. Sébastien Meurant. Je comprends tout à fait qu’un élu doive pouvoir être libre de choisir, mais une restriction dans l’enceinte de l’organe délibérant est tout de même très limitée. La question se pose. Je rejoins M. Paccaud sur ce point.
Dans les écoles, le sujet est à peu près le même : il est compliqué du fait que l’on ne désigne pas l’ennemi.
On est là très loin du chanoine Kir et de 1905. Le monde a changé. Il est de plus en plus dangereux parce que nous avons laissé faire. Les dispositions des amendements que j’ai déposés – j’y reviendrai – permettront d’envisager d’autres options.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je voudrais intervenir de manière apaisée. En effet, il me semble que nous nous enflammons un peu alors que – disons-le clairement – nous ne sommes pas en train de régler un problème majeur.
Nous ne sommes même pas en train d’essayer de régler un problème du tout.
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
M. Cédric Vial. Nous tentons de poser des principes.
Ce projet de loi, comme son intitulé l’indique, vise à conforter le respect des principes de la République, et c’est le rôle du législateur de fixer un certain nombre de principes. Nous ne sommes pas des pompiers et nous n’avons pas vocation à intervenir quand il sera trop tard et que tout aura brûlé.
Ces deux amendements sont très différents : le premier vise à demander une forme de neutralité, ce qui n’est pas acceptable pour un élu, lequel ne pose pas son cerveau au vestiaire avant d’entrer dans un hémicycle ou au conseil municipal.
On garde ses idées et on doit pouvoir conserver une liberté d’expression totale. Je rejoins les propos de mes deux collègues Bas et Brisson : cette liberté ne doit pas être restreinte, ni dans le champ religieux ni dans le champ politique. Elle doit être la plus large possible. Convenons de ce principe, que nous pouvons tous partager.
L’amendement de M. Paccaud a un tout autre objet, en ce qu’il vise uniquement l’organe délibérant. Il ne s’agit pas d’interdire telle ou telle tenue à un élu dans l’ensemble de ses fonctions, mais seulement lors de la réunion du conseil municipal.
Disons-nous les choses : la manière dont on est habillé est aussi le reflet de ce que l’on dit et de qui le dit. Celui qui parle est-il l’élu ou la personne que sa tenue représente, comme un prêtre, par exemple ? Il s’agit, là encore, de poser un principe.
On interdit déjà aux agents publics ou aux accompagnateurs scolaires de porter certaines tenues. Si les élus ne sont pas capables d’en faire de même le temps du conseil municipal, comment seraient-ils crédibles pour demander cet effort aux agents publics ?
Cher Loïc Hervé, je suis d’accord : nous ne sommes pas en train de régler un problème majeur, mais gardons nos principes en tête. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Mon cher collègue, il me semble que ces amendements tendent à susciter, plutôt que de l’effervescence, du débat, de la réflexion et de la raison.
À un moment, j’ai été assez favorable à l’idée que vous évoquez en ce qui concerne les instances délibératives. Toutefois, il me semble que cette question relève davantage du règlement intérieur d’une assemblée que d’une loi.
Mon cher collègue Marie, vous ouvrez une boîte de Pandore. Cette disposition, si elle était adoptée, risquerait de nous revenir à la figure comme un boomerang. En effet, vous souhaitez chasser toute expression à caractère religieux, et, ce faisant, nous instaurerions aussi une police de la parole : demain, il y aura des auteurs que nous ne pourrons pas citer, des mots que nous ne pourrons plus dire – je pense aux termes « sacré », « pardon », etc. – qui font aussi partie de notre culture.
Ensuite, des gens s’étonneront – cela commence déjà en Bretagne – qu’une commune de la République puisse s’appeler Saint-Malo ou Saint-Brieuc ou qu’il y ait des calvaires dans nos paysages…
Mes chers collègues, nous devons être raisonnables. En adoptant ces amendements, nous faisons le jeu de ceux contre qui nous luttons. Je pense qu’il y a grand danger à entrer dans ces propositions que les juges pourront apprécier de manière différente et que nos adversaires utiliseront pour nous effacer du paysage. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Madame la ministre, après avoir été d’abord favorable à une certaine neutralité au sein des instances délibératives, il me semble à présent qu’il ne faut pas confondre la manière dont un élu doit se tenir quand il exerce l’autorité publique – en célébrant un mariage, par exemple – et quand il siège au sein d’une instance délibérative, où il représente non plus l’État, qu’il doit respecter, mais la population.
On peut, par un règlement intérieur, définir des règles. Aller au-delà, mes chers collègues, c’est ouvrir les portes de l’enfer – je profite de l’occasion pour utiliser cette expression, de peur de ne bientôt plus pouvoir le faire ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 658, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
par délégation des attributions dont le maire est chargé au nom de l’État ou comme officier d’état civil,
par les mots :
des attributions au nom de l’État, y compris par délégation du maire
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Mon rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.
Depuis hier, nous avons royalement examiné 44 ou 45 amendements ; il en reste presque 600… Demain, nous examinerons deux conclusions de commissions mixtes paritaires et le texte sur la santé, et il y aura un débat sur la crise sanitaire : au mieux, il nous restera la fin de l’après-midi et la soirée pour reprendre ce texte. Nous devrions siéger vendredi, mais nous ne savons pas si la séance sera ouverte le matin, l’après-midi et le soir.
Lundi, c’est Pâques, donc nous ne siégerons pas. (Exclamations amusées.)
Mme Cécile Cukierman. Pâques, c’est dimanche !
M. Roger Karoutchi. Moi, rien ne m’empêche de venir le lundi de Pâques. Vous, je ne sais pas, mais moi, je peux venir ! (Sourires et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.)
Aussi, peut-on nous donner des précisions sur l’organisation de nos travaux de la semaine prochaine ? Faut-il accélérer quelque peu le rythme de nos débats afin d’achever l’examen de ce texte mercredi ou jeudi prochain, ou faudra-t-il également siéger le vendredi de la semaine prochaine ?
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je le rappelle, la séance est ouverte demain soir, ainsi que vendredi matin, après-midi et soir. La semaine prochaine, nous aurons jusqu’à jeudi après-midi pour achever l’examen de ce texte.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Karoutchi, nous siégerons ce vendredi, le matin, l’après-midi et le soir.
La semaine prochaine, la séance est ouverte mardi, mercredi et jeudi, avec l’objectif de finir ce projet de loi jeudi.
Or demain, au regard de l’ordre du jour, nous ne pourrons reprendre l’examen de ce texte qu’en toute fin d’après-midi, voire seulement en début de soirée… Il reste en cet instant 552 amendements à examiner. Chacun peut donc réduire un peu son temps de parole, même si le débat doit bien entendu avoir lieu.
Mme la présidente. Mes chers collègues, chacun aura compris que nous avons du temps, mais qu’il serait tout de même souhaitable, sans pour autant nous interdire de débattre, d’accélérer quelque peu la cadence, d’autant que nous avons déjà pu largement nous exprimer collectivement.
Articles additionnels après l’article 2 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 564 rectifié ter, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article 7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complétée par les mots : « , dans le respect de la Constitution et de la forme républicaine du Gouvernement ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 89 de la Constitution de 1958 prévoit que « la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Cet article a été voté en souvenir de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, par laquelle la République s’est sabordée à Vichy, et j’honore la mémoire des quatre-vingts parlementaires qui se sont opposés à cette révision.
S’il y a quelque chose de fondamental dans notre démocratie, dans la République, c’est que l’on peut y discuter de tout, sauf de la forme républicaine du Gouvernement.
Les partis politiques peuvent se constituer librement, sans aucune entrave. En revanche, je ne comprends pas que l’on puisse financer des partis politiques dont le seul objet est de mettre à bas les principes de la République.
Par exemple, le parti politique Civitas revendique pour programme « l’abrogation de la loi de séparation des Églises et de l’État et le rétablissement du catholicisme comme religion d’État pour l’instauration du règne social du Christ Roi ». Tel est l’objet de ce parti politique, que vous financez, mes chers collègues : inscrit en préfecture de manière parfaitement légale, Civitas reçoit des fonds, et les donateurs bénéficient, comme nous tous, d’une réduction d’impôt.
Il faut, à un moment, affirmer plus fortement les principes de la République et considérer que l’on ne peut financer un parti politique dont l’unique objet est de renverser cette dernière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je comprends l’objectif des auteurs de cet amendement, que je peux même partager.
Néanmoins, le rappel de la forme républicaine du Gouvernement a quelque peu gêné la commission, car certaines listes sont loin de cet objectif. Il me semble que certains des amendements que nous allons examiner prochainement pourront répondre en partie à vos attentes et à vos questionnements, monsieur Ouzoulias.
Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. C’est désespérant ! Chaque fois que, sur ces travées, nous défendons des amendements visant à affirmer les principes de la République de manière forte, on nous explique systématiquement que ce n’est pas possible, que c’est trop compliqué, que c’est anticonstitutionnel…
La Constitution, mes chers collègues, nous dit que l’on ne peut contester la forme républicaine du Gouvernement, et vous acceptez que de tels partis politiques, qui la contestent, touchent de l’argent public ! Où sont les principes ? Je crains que, tout au long de ces deux semaines de débat, vous ne refusiez systématiquement les amendements venant de notre partie de l’hémicycle et visant à affirmer la séparation de l’Église et de l’État. C’est désespérant !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 564 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est bien dommage !
Mme la présidente. L’amendement n° 290 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, J.-B. Blanc, Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme Bourrat, M. J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier, Darnaud et Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas, Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Regnard, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Segouin, Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le deuxième alinéa de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complété par les mots : « et n’ayant pas, au cours de la campagne électorale ou durant les six mois précédant son ouverture, tenu dans les lieux publics, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse ».
II. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 48, sont insérés des articles L. 48-1 A et L. 48-1 B ainsi rédigés :
« Art. L. 48-1 A. – La propagande électorale s’effectue dans le respect des valeurs de la République. Dans ce cadre, il est interdit de tenir dans les lieux publics ou ouverts au public, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. L’emblème imprimé, le cas échéant, en application de l’article L. 52-3 ne doit pas laisser entendre que le candidat, le binôme ou la liste soutient de telles revendications.
« Art. L. 48-1 B. – En cas de manquement manifeste par un candidat ou son remplaçant à l’interdiction édictée par l’article L. 48-1 A, le représentant de l’État dans le département saisit sans délai la juridiction compétente pour connaître des contentieux relatifs aux déclarations de candidatures afin de prononcer son exclusion immédiate. La juridiction statue dans un délai de deux jours.
« Le cas échéant, la juridiction peut, par décision spécialement motivée, prononcer l’exclusion de l’ensemble de la liste ou du binôme auquel appartient le candidat ou le remplaçant. À défaut d’une telle décision, le candidat ou le remplaçant exclu est remplacé par un candidat de même sexe.
« La décision de la juridiction ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours contre l’élection. » ;
2° Le chapitre V du titre Ier du livre Ier est complété par un article L. 52-3-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 52-3-1 A. – Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police fait procéder sans délai au retrait des affiches électorales et autres documents contenant des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse ou des images laissant entendre que le candidat, le binôme ou la liste soutient de telles revendications. » ;
3° L’article L. 163 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « candidatures », sont insérés les mots : « ou est exclu en application de l’article L. 48-1 B » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « période », sont insérés les mots : « ou est exclu en application du même article L. 48-1 B » ;
4° Le 1° des articles L. 265, L. 347, L. 407, L. 433 et L. 558-20, le 1° du I des articles L. 487, L. 514 et L. 542 et le 3° du II des articles L. 398 et L. 418 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le titre ne saurait, par sa formulation, affirmer ou faire clairement comprendre que les candidats entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité en soutenant les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. » ;
5° L’article L. 300 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le titre de la liste ne saurait, par sa formulation, affirmer ou faire clairement comprendre que les candidats entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité en soutenant les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot « électorale », sont insérés les mots : « ou en cas d’exclusion de l’un des candidats en application de l’article L. 48-1 B ».
III. – La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifiée :
1° Le 1° du I de l’article 9 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le titre ne saurait, par sa formulation, affirmer ou faire clairement comprendre que les candidats entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité en soutenant les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. » ;
2° À l’article 14-2, après le mot : « articles », sont insérées les références : « L. 48-1 A, L. 48-1 B, L. 52-3-1 A, ».
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement du président Retailleau vise à reprendre une disposition de la proposition de loi, déposée au Sénat en 2019, tendant à assurer le respect des valeurs de la République face aux menaces communautaristes.
Il s’agit ici des campagnes électorales. Nous avons vu, ces dernières années, se présenter dans un certain nombre de départements, notamment en Île-de-France, tant aux élections municipales qu’aux élections départementales, des listes dont il ressortait de l’intitulé ou du programme qu’elles n’acceptaient ni les principes républicains ni les principes de la laïcité, voire qu’elles les combattaient en portant des exigences totalement contraires à la séparation de l’Église et de l’État.
Or, si ces listes obtiennent le score nécessaire, elles peuvent bénéficier, comme toutes les autres, du remboursement public et de l’aide publique et obtenir des sièges.
Nous souhaitons que les choses soient claires : cet amendement vise à interdire le dépôt de listes électorales dont l’intitulé est contraire aux principes républicains et à supprimer le remboursement public qu’elles pourraient obtenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s’agit d’un vrai sujet, qui s’est posé assez récemment dans plusieurs territoires, en particulier en Île-de-France.
Cet amendement tend à fixer un cadre pour éviter de nous retrouver, dans les années à venir, face à des listes qui visent à nous détourner de l’unité nationale et du respect de la République.
Cette proposition répond donc à un vrai souci, mais elle peut poser quelques questions. Nous en avons débattu au sein de la commission des lois. Eu égard au dispositif proposé et à la nécessité de faire face à ce problème avant qu’il ne soit trop tard, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, comme pour la proposition de loi constitutionnelle qui avait été rejetée à l’Assemblée nationale, nous considérons que les dispositions de cet amendement portent atteinte à la liberté de candidature, d’expression et d’opinion et sont incompatibles avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme.
Le contenu de la propagande électorale ne peut pas faire l’objet d’un contrôle par l’administration, sauf à ouvrir la voie à de graves risques de dérives. Les seules interdictions en rapport avec la propagande qui peuvent être prononcées concernent le formalisme officiel – fonds blancs, drapeau tricolore… – ou les propos pénalement répréhensibles, comme l’appel à la haine, par exemple.
Par ailleurs, vous envisagez de refuser l’enregistrement d’une candidature si l’intitulé de la liste concernée comporte une mention qui serait de nature à contrevenir aux principes de laïcité ou de souveraineté nationale.
Or le contrôle du préfet, lors de la prise de candidature, est formel : son rôle consiste non pas à refuser des candidatures pour des raisons forcément subjectives, mais à refuser d’enregistrer des dossiers incomplets et à renvoyer vers le juge en cas de difficulté.
Je le répète, l’adoption de cet amendement pourrait entraîner de graves dérives : on pourrait considérer, par exemple, que le parti chrétien-démocrate porte atteinte à la laïcité et qu’il ne peut être enregistré.
Il en va de même de la dépose des affiches : sous la Ve République, seul le juge peut intervenir dans une campagne électorale et ordonner une telle mesure, pas le préfet.
L’éviction de la campagne électorale par le juge des candidatures, qui serait saisi par le préfet en cas d’irrespect des principes républicains, sans possibilité d’appel, ne tient pas : la liberté de candidature s’y oppose. La disposition que vous proposez nous semble donc inconstitutionnelle.
Enfin, vous proposez de conditionner le remboursement de la propagande électorale par l’État au respect, par les candidats, de principes républicains, afin de priver des candidats dits « communautaires » de financement.
S’il est possible d’imaginer une conditionnalité du remboursement et de la propagande qui pourrait être pertinente, celle-ci devrait se fonder sur des critères objectifs et rationnels, avec des définitions recueillant l’assentiment et le consensus de chacun : ne pas recueillir 5 % des suffrages exprimés, manquer à des obligations de déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP…
Toutefois, le contrôle de l’administration ne va pas au-delà. Il s’agit d’une compétence liée du préfet. Or cette disposition reviendrait clairement à assujettir cette conditionnalité à des critères subjectifs, qu’il appartiendrait aux préfets d’apprécier de manière personnelle.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je m’étonne du sort fait à cet amendement, au regard de celui qui a été réservé à l’amendement précédent…
Cet amendement vise de façon explicite l’Union des démocrates musulmans français, l’UDMF, qui n’a recueilli que 0,4 % des voix à l’échelle nationale, sur un potentiel putatif de 4 % à 5 %. C’est dire si le vote communautaire n’existe pas en France, en l’état actuel des choses.
Cela étant, il ne faut pas l’exclure à l’avenir. Le problème se pose. Toutefois, si l’on applique le principe « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », il faut le faire pour tout le monde.
De fait, cet amendement est largement connoté. En toute hypothèse, il fallait également soutenir l’amendement précédent, car certaines déclarations du parti chrétien-démocrate, que je puis reprendre, ou de Civitas posent également problème. La façon dont est rédigé cet amendement pose une vraie difficulté.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Nous sommes en train de perdre le fil de notre cohérence générale, me semble-t-il.
Voilà quelques minutes, Mme la ministre nous a dit que les élus devraient être tenus à la neutralité dans leurs opinions, y compris religieuses, ce qui est absolument contraire à toute notre tradition et aux déclarations du Gouvernement lors de la discussion générale.
M. Philippe Bonnecarrère. C’est bien ce que vous avez indiqué, madame la ministre.
Nous comprenons la logique et la symbolique politique de cet amendement du président du groupe Les Républicains, qui vise à s’attaquer aux listes communautaristes. Il y a en effet un véritable sujet.
Le problème est que, pour s’attaquer aux uns, il faut poser des règles qui s’appliquent à tous. C’est toute la difficulté du texte proposé par le Gouvernement, depuis le début.
Ce mode de fonctionnement présente un vice évident. Il conduit à demander au préfet, juge de l’éligibilité – son rôle consiste à vérifier la bonne domiciliation des candidats, l’inscription sur les listes électorales, l’existence d’un casier judiciaire… – et non de l’élection, comme le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel, de surveiller les propos écrits et oraux des candidats six mois avant l’élection.
Vous créez ainsi un système dans lequel le préfet examine la propagande électorale, pour demander au juge administratif d’exclure une liste du processus démocratique. Or le préfet, en principe, ne se mêle pas des campagnes.
Nous comprenons votre objectif, mes chers collègues, mais la mécanique proposée nous fait perdre le fil de nos règles. Revenons à une approche réaliste des dispositions républicaines. En effet, nous sommes en train de partir dans une direction peu raisonnable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Le vote de cet amendement peut offrir à notre collègue Ouzoulias une solution de repli.
D’ailleurs, s’il avait voté la proposition de révision constitutionnelle que j’avais déposée avec Bruno Retailleau et Hervé Marseille, il aurait également pu faire progresser ses convictions : cette révision constitutionnelle, malheureusement arrêtée en cours de route par l’Assemblée nationale, prévoyait en effet d’imposer aux partis politiques le respect des principes fondamentaux de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Cet amendement, présenté par l’ensemble des membres du groupe Les Républicains, derrière son président, vise à reprendre une proposition de loi qui a fait l’objet d’un travail très approfondi pour en assurer la constitutionnalité.
En effet, la voie est étroite. Il ne s’agit pas de limiter les possibilités qu’ont les citoyens français de se porter candidats à une élection. Il faut bien avoir en tête, avant de se prononcer sur cet amendement, que celui-ci ne vise en aucune façon à restreindre cette liberté.
En revanche, si des candidats d’une liste municipale ont tenu des propos publics mettant en cause un certain nombre de principes fondamentaux de la République, il n’est pas question de distribuer leur propagande électorale, pas question non plus de leur permettre d’accéder au financement de la campagne.
C’est une règle de plus, certes, mais l’administration et la justice doivent déjà vérifier qu’un certain nombre de règles sont respectées dans la propagande électorale ; nous ne faisons donc pas un saut dans l’inconnu. En revanche, nous protégeons nos concitoyens contre l’émergence de listes communautaristes.
Bien évidemment, une liste remettant en cause la forme républicaine du Gouvernement aura toujours le droit de se présenter : les monarchistes, par exemple, ont toujours le droit d’être candidats à l’élection présidentielle.
Pour autant, il s’agit d’une protection supplémentaire que nous apportons à notre vie démocratique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai été quelque peu surpris par deux aspects.
Tout d’abord, monsieur Bruno Retailleau, vous avez déposé cette proposition de loi le 8 novembre 2019, en expliquant qu’elle était majeure. Mais pourquoi, depuis le 8 novembre 2019, n’avez-vous pas proposé qu’elle soit discutée ici ? Ce premier point m’intrigue.
Ensuite, la rédaction de votre amendement est obscure, à plusieurs endroits. En effet, elle vise les personnes ayant écrit, dans les six mois précédant l’élection, « des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale ». Si quelqu’un a des convictions fédéralistes chevillées au corps, ne lui rétorquera-t-on pas que c’est contraire à la souveraineté nationale ?
M. Loïc Hervé. Ils appelaient cela naguère le parti de l’étranger !
M. Jean-Pierre Sueur. Je poursuis ma lecture. Vous évoquez des propos « contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité, afin de… »
Par conséquent, si vous tenez des propos contraires à la souveraineté nationale, à la démocratie ou à la laïcité, vous n’êtes pas visé par cet amendement. De tels propos sont condamnables seulement s’ils sont tenus « afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse ».
Si l’on suit votre logique, on aurait donc le droit de tenir des propos contraires à la démocratie ou à la laïcité. Tout cela est quelque peu confus !
Je ne comprends pas ce texte, dont l’adoption, finalement, serait sans effet. Car quelqu’un qui s’en prendrait à la souveraineté, à la démocratie ou à la laïcité sans l’intention évoquée ne serait pas visé.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Chaque fois que l’on veut reculer, on trouve de bons arguments ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Tout d’abord, monsieur Sueur, si nous n’avons pas examiné la proposition de loi que j’avais déposée, c’est parce que nous avons discuté une autre proposition de loi constitutionnelle, que j’avais déposée avec Philippe Bas. Et si j’ai proposé l’inscription à l’ordre du jour de ce dernier texte, c’est parce que son objet était beaucoup plus large. Il visait en effet à modifier également l’article 4 de la Constitution, pour faire en sorte que les partis politiques respectent la souveraineté nationale.
Il y a des partis d’obédience turque, dans le Bas-Rhin, qui sont des succursales de l’AKP turc ! C’est cela ne pas respecter le principe de la souveraineté nationale, mes chers collègues.
Madame la ministre, il est hors de question d’exclure le recours au juge. Bien évidemment, dans le cadre d’un certain nombre d’élections, nous déposons du matériel de propagande. Nous le savons parfaitement, la préfecture peut faire obstacle quand une profession de foi ou un bulletin de vote ne respecte pas certaines dispositions.
J’entendais notre collègue dire que le vote communautariste n’existait pas. Mais demandez à Jacqueline Eustache-Brinio, demandez aux sénateurs de son département ce qu’il en est dans quelques communes, que je ne citerai pas ici !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Demandez ce qui se passe dans les Yvelines, notamment à Trappes, et vous verrez que nous sommes menacés.
M. André Reichardt. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Voulons-nous réaffirmer des principes républicains ou, une fois de plus, renoncer et abdiquer ?
Pour tout dire, le parti que je visais, le Parti égalité et justice, qui semble être, selon un certain nombre de spécialistes, une officine de l’AKP, avait présenté aux cantonales, dans le Bas-Rhin, des candidats. Il en a ensuite présenté, en 2017, dans plus de cinquante circonscriptions. Pourquoi ? Tout simplement pour bénéficier des financements publics !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Exactement !
M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, lorsque vous fermez la mosquée de Pantin, il y a des problèmes et c’est compliqué. Il a d’ailleurs fallu que le juge fasse un effort, vous le savez très bien.
Au reste, vous nous proposez une formulation législative pour que la fermeture des cultes soit plus opérationnelle. Pour notre part, nous proposons d’adopter un certain nombre d’outils permettant de mettre fin aux menées communautaristes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. En effet, je n’avais pas voté la proposition de loi constitutionnelle déposée par M. Bas, car j’estimais que, pour défendre la séparation de l’Église et l’État, il y avait quelque chose de beaucoup plus efficace, à savoir l’intégration, au sein de la Constitution, de l’article 1er et de l’article 2 de la loi de 1905, permettait de régler de très nombreux problèmes.
Toutefois, chers collègues, sans doute mettrez-vous du temps à nous rejoindre pour demander la constitutionnalisation des deux premiers articles de la loi de 1905.
Je vous le dis avec un peu de taquinerie, et je m’en excuse par avance, monsieur Retailleau, mais j’ai rédigé mon amendement à partir de l’article 4 de votre proposition de loi de réforme constitutionnelle, ce que vous avez remarqué, en retenant bien sûr le niveau législatif, et non pas constitutionnel.
Vous avez donc voté contre un amendement qui visait à reprendre l’essentiel de votre proposition de loi constitutionnelle. Où est la cohérence de votre démarche ? Je vous pose une nouvelle fois la question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Si je me permets de prendre la parole sur cet amendement de Bruno Retailleau, que j’ai cosigné et que je vais voter, c’est parce qu’il vise à répondre aux difficultés auxquelles j’ai été personnellement confrontée.
Lorsque je me suis présentée, en 2017, aux élections législatives dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône, il y avait contre moi une liste du Parti égalité et justice.
J’ai tout de suite saisi le président Macron, nouvellement élu, pour lui demander comment un parti ouvertement financé et commandité par une puissance étrangère, particulièrement agressive à l’égard de la France en général et de moi-même en particulier, pouvait présenter des candidats aux élections. Ainsi, plus de cinquante listes de ce parti se sont présentées, en France, à ces élections législatives. Elles ont accédé au financement public, et je n’ai pas eu de réponse à la question que j’avais posée.
Or cet amendement vise à répondre aux interrogations qui ont été les miennes. Je veux le souligner, lors des élections municipales, nous avons assisté à un entrisme particulièrement bien organisé des partis financés par l’étranger, notamment ceux de M. Erdogan. Parfois, dans certaines villes, ils se sont présentés sur toutes les listes, pour être certains d’avoir des élus.
Aujourd’hui, connaissant l’agressivité dont nous faisons l’objet, il n’est plus possible de continuer comme avant. Ici et maintenant, nous devons dire « stop » aux partis visant à saper l’unité républicaine. Ils défendent un autre droit, une autre vision, qui n’est pas la nôtre et qui ne devrait pas pouvoir bénéficier de financements publics. Il est absolument incroyable que nous puissions tolérer ce genre de choses.
Avec ce texte, nous avons l’occasion de mettre fin à une telle situation et de préserver notre souveraineté nationale, en disant à ces pays étrangers, qui veulent saper l’unité républicaine et qui font preuve d’un entrisme politique incroyable dans une démocratie comme la nôtre, qu’ils n’ont pas leur place dans notre République.
C’est la raison pour laquelle il faut absolument voter cet amendement. J’espère ainsi que ce type d’attaques pourra cesser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je souhaite intervenir quelques minutes sur ce sujet.
Nous n’avons pas tous la même expérience ni la même approche de ce sujet. Ce que disait Bruno Retailleau est essentiel. Nous essayons aujourd’hui de préserver la République et notre unité, avec les limites inhérentes à ce texte. C’est la première pierre, je l’ai dit hier, d’un grand rempart que nous devons construire, pour préserver notre démocratie et notre unité.
Bruno Retailleau l’a dit, je vis dans un département dont certaines villes posent aujourd’hui de gros problèmes. Les services de l’État rencontrent même des difficultés pour y installer un centre covid, pour vous donner une idée de ce qui se passe lorsqu’un maire décide d’adopter des principes qui ne relèvent pas des principes républicains…
Très sincèrement, je pense que nous ne devons pas être naïfs. Bien évidemment, la plupart de celles et ceux qui vivent à nos côtés, tous les jours, quels qu’ils soient, quelles que soient leur origine et la couleur de leur peau, sont des démocrates qui respectent les élections.
Toutefois, soyons prudents et soyons vigilants ! Ce que nous inscrivons aujourd’hui dans les lois permettra de préserver l’unité dont nous avons toujours été fiers et riches. Nous devrons aussi préserver celles et ceux qui vivent cette démocratie et cette liberté. Aujourd’hui, je puis vous l’assurer, ces deux fondements sont largement remis en cause.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’ai écouté avec attention ce qu’a dit Valérie Boyer.
Pour ma part, je soutiens un certain nombre de démarches visant à nous prémunir de ce qui risque d’arriver et qui arrive dans certains endroits, avec des listes communautaires soutenues par l’étranger. Je comprends ce que vous avez dit et soutiens votre position.
Madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, il s’agit d’un sujet à part entière : il faut en effet interdire les partis de l’étranger et trouver des solutions pour se prémunir de leur présence lors des élections.
Je le rappelle, la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens d’y répondre n’a pas fait de proposition en ce qui concerne les élections. Tout simplement, elle n’a pas abordé ce sujet.
Quel que soit notre vote de ce soir sur cet amendement, il s’agit là d’un vrai sujet, sur lequel nous devons réfléchir, peut-être dans le cadre d’une mission d’information ou d’un travail de la commission des lois. Il convient en effet d’examiner le code électoral et de répondre à la question de Pierre Ouzoulias sur les partis venus de l’étranger ou financés par l’étranger.
Cela nous permettra d’avoir un dispositif plus complet, car il est bien évident que nous ne pouvons tolérer ce type de situations sur le territoire national.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je le répète, nous partageons l’objectif des auteurs de cet amendement ; il n’y a pas de désaccord sur ce point. Les constats qui sont posés me semblent tout à fait lucides.
Toutefois, selon moi, la solution proposée par cet amendement ne sera pas efficiente. Les propos de Mme Valérie Boyer en sont d’ailleurs la meilleure démonstration. Celle-ci vient en effet de rappeler que certains candidats de ces partis s’incrustent au sein d’autres listes, font de l’entrisme. Ils deviennent les candidats d’autres listes pour être certains d’avoir au moins quelques élus.
Mme Valérie Boyer. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Il ne suffit donc pas, hélas, de déclarer dans la loi qu’un certain nombre de candidatures sont interdites ou ne bénéficient pas de financements pour faire disparaître les idées qu’elles véhiculent.
Je crois que l’on combat mieux le séparatisme par l’action et le débat politique, y compris en menant ces débats au moment des élections.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Nous débattons cette après-midi d’un amendement important. Dans la mesure où un scrutin public a été demandé, le groupe Union Centriste sollicite une suspension de séance de dix minutes, madame la présidente.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour dix minutes.
Par ailleurs, afin de permettre à chacun de suivre l’intervention du Président de la République, prévue à vingt heures, je vous annonce d’ores et déjà que nous suspendrons nos travaux à dix-neuf heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je mets aux voix l’amendement n° 290 rectifié bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 99 :
Nombre de votants | 293 |
Nombre de suffrages exprimés | 265 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 108 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L’amendement n° 27 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Gillé, Temal, Tissot, Raynal, Redon-Sarrazy, Mérillou, Lurel, Kerrouche, P. Joly et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Fichet et Durain, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mmes Briquet et Bonnefoy, MM. J. Bigot, Antiste, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L.52-3 du code électoral est complété par les mots : « , à l’exception des emblèmes à caractère confessionnel et des emblèmes nationaux ».
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Si vous le voulez bien, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 26 rectifié bis.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Durain, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article L. 52-3 du code électoral, il est inséré un article L. … ainsi rédigé :
« Art. L. …. – Les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral ne peuvent comporter d’emblème à caractère confessionnel ni d’emblème national. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Didier Marie. Je voudrais tout d’abord remercier notre collègue Bruno Retailleau, non pas de nous avoir proposé l’amendement précédent, qui a été voté, mais d’avoir levé l’hypothèque de l’article 45 de la Constitution, laquelle pesait sur les amendements nos 27 rectifié bis et 26 rectifié bis que je vais désormais vous présenter.
Grâce au dépôt de son amendement lors de la dernière réunion de notre commission, d’un seul coup et comme par magie, les nôtres sont soumis à votre appréciation ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Le véhicule proposé par M. Retailleau posera, je crois, davantage de difficultés qu’il n’apportera de solutions. Nous en avons parlé, et Jean-Pierre Sueur l’a bien montré.
Des solutions plus simples et pratiques peuvent être mises en œuvre. Tel est l’objet de nos amendements, qui visent à combattre les listes à vocation séparatiste.
L’amendement n° 27 rectifié bis tend à interdire les emblèmes à caractère confessionnel ou les emblèmes nationaux sur les bulletins de vote.
L’amendement n° 26 rectifié bis, quant à lui, vise à interdire ces emblèmes sur les affiches et circulaires électorales.
Il s’agit d’éviter, à la fois, la présence de listes soutenues par des pays étrangers, qui ont été évoquées précédemment, et les manifestations d’appartenance à une congrégation religieuse.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il est bon de constater que nous pouvons de temps en temps nous retrouver ! En l’occurrence, ces deux amendements ont le même objectif et le même esprit que celui de M. Retailleau que nous venons d’adopter.
L’avis de la commission est donc favorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Il sera défavorable, même si le Gouvernement partage l’objectif de ces amendements. Nous souhaitons en effet tout autant que vous, monsieur le sénateur, que les bulletins et les documents de propagandes ne soient pas recouverts d’emblèmes nationaux ou confessionnels.
Pour autant, pour ce qui concerne les emblèmes nationaux, nous considérons que l’obligation d’imprimer les bulletins en une seule couleur, sur papier blanc, permet d’ores et déjà d’empêcher d’y faire figurer le drapeau français ou des drapeaux étrangers.
Ensuite, s’agissant des emblèmes confessionnels, le principe de laïcité s’applique à l’État, mais non au candidat. D’un point de vue constitutionnel, chaque candidat est donc libre de faire figurer un emblème au titre de sa liberté de candidature.
Enfin, de telles dispositions pourraient entraîner de nombreux contentieux, les notions d’emblème confessionnel et d’emblème national n’étant pas très précisément définies en droit.
Pour ces raisons juridiques, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je prie les membres de la commission des lois de bien vouloir m’excuser de reprendre ici des propos que j’ai déjà surabondamment tenus.
Je tiens à le faire ici pour qu’il soit dit, en séance publique, que le Sénat avait d’abord pris la décision d’exclure du débat l’amendement n° 290 rectifié bis de M. Retailleau et, conséquemment, les amendements nos 27 rectifié bis et 26 rectifié bis de M. Marie : ceux-ci ne pouvaient être examinés, en vertu de l’article 45 de la Constitution.
Il a donc fallu qu’un débat se tienne au sein de la commission des lois, sous l’égide de notre président, François-Noël Buffet, et que nous demandions un vote sur ce point : la majorité de la commission a voté pour que l’article 45 de la Constitution ne s’applique pas.
Cela constitue un précédent : depuis lors, nous avons voté de nouveau sur l’application de l’article 45. Bientôt le débat sur cet article sera plus long que celui qui porte sur les amendements eux-mêmes ! (Rires sur les travées du groupe CRCE.)
Par conséquent, mes chers collègues, il faut en revenir à une lecture sage de la Constitution. Le droit d’amendement est très précieux. Pour les parlementaires, il est comme l’air que l’on respire !
En nous autocensurant, nous commettons vraiment une erreur, sauf quand il s’agit d’amendements n’ayant aucun rapport, même indirect – c’est d’ailleurs le mot qui est inscrit dans la Constitution – avec le texte.
Je me réjouis profondément que nous ayons pu avoir ce débat. Ainsi, j’ai voté contre l’amendement de M. Retailleau, et je vais voter pour ceux qu’a présentés M. Marie, ce dont je le remercie.
Notre débat eût été globalement mutilé si la discussion sur ces amendements n’avait pas eu lieu. Je le dis afin que l’on en tire les conséquences à l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il me semble que c’est le président de la commission des lois qui avait demandé ce vote relatif à l’article 45 de la Constitution…
Je tiens à rappeler un point. La Ve République est un régime au parlementarisme très rationalisé.
Faisons très attention, nous qui nous plaignons souvent de l’affaiblissement du Parlement. J’entends régulièrement invoquer l’intervention du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel : nous nous autocensurons avant même d’avoir légiféré et, finalement, nous bridons notre action politique. (Mme Valérie Boyer applaudit.)
Je remercie le président François-Noël Buffet d’avoir soumis au vote de la commission des lois la question de l’application de l’article 45 de la Constitution, car il aurait très bien pu ne pas le faire. Pour autant, je pense que cet article 45 est devenu un instrument de torture contre le Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous sommes attachés à l’article 45, comme aux articles 40 et 41 de la Constitution, laquelle est notre loi fondamentale. Mais si l’on anticipe chaque fois les censures du Conseil constitutionnel, on ne fera plus rien du tout. Comme disait le général de Gaulle, en France, la seule Cour suprême, c’est le peuple français. Il faut en tenir compte !
Bien sûr, cet article de la Constitution doit s’appliquer quand il n’y a pas de lien direct ou indirect d’un amendement avec le texte en discussion… L’article 45, oui, mais rien que l’article 45 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je formulerai quelques observations. Je rappelle, tout d’abord, qu’il appartient à la commission de décider si elle applique ou non l’article 45 de la Constitution aux amendements qui ont été déposés.
Nous décidons de cette application dans un nombre très réduit de cas. Lorsque des amendements n’ont pas de lien direct ou indirect avec le sujet traité, je propose que nous appliquions cet article, et, dans 99 % des cas, la commission me suit.
J’en viens aux trois amendements que nous venons d’examiner. Plusieurs groupes politiques avaient déposé des amendements sur le même sujet. Après avis des rapporteures, j’ai proposé l’application de l’article 45 de la Constitution, ce que j’ai soumis au vote, de façon très démocratique : l’article 45 a été levé ; tant mieux ! Voilà quelle est la règle.
Je tiens tout de même à ajouter que ce n’est pas une jurisprudence constante. Ce qui constitue une exception – utile, je le pense, dans le contexte – ne pourra pas devenir un principe.
Le vote, tel qu’il est intervenu en commission, peut être absolument nécessaire pour indiquer la position de la commission, bien sûr. Mais nous avons aussi une responsabilité : nous devons veiller à ne pas ouvrir beaucoup trop largement le champ des amendements.
C’est d’ailleurs la raison d’être de la mention du lien direct ou indirect à l’article 45, qui a été voulue par le Conseil constitutionnel. En effet, de plus en plus de textes étaient nourris d’amendements n’ayant pas de lien avec les textes examinés, ce qui posait quelques difficultés.
Je veux dire, pour être positif, que, chaque fois que le problème se posera, on fera voter la commission. Ainsi la règle sera parfaitement claire et le débat parfaitement transparent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L’amendement n° 204 rectifié quater, présenté par MM. Dallier, Bascher et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Brisson, Burgoa, Charon et Chatillon, Mmes L. Darcos et de Cidrac, M. del Picchia, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deroche, Drexler, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes Goy-Chavent et Gruny, M. Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre, H. Leroy et Mouiller, Mmes Noël, Primas et Puissat et MM. Savary, Segouin, Sol, Somon, Tabarot, Sautarel et Savin, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 422-5 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 422-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 422-5-…. – Lorsque le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l’avis du représentant de l’État dans le département lorsque le projet porte sur des constructions et installations destinés à servir à l’exercice d’un culte. »
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement a pour objet qu’un maire ou un président d’établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, saisi d’une demande de permis de construire ou d’aménagement pour un lieu de culte, puisse saisir les services de l’État en vue d’obtenir un avis simple.
Pourquoi déposer un tel amendement ? J’évoquerai mon expérience dans mon département de Seine-Saint-Denis : personne ne mettra en doute que ce type de sujets entraîne parfois une mise sous pression des élus locaux, particulièrement des maires…
Cherchant un moyen d’échapper à cela, j’avais dans un premier temps déposé un amendement visant à transférer au représentant de l’État la délivrance du permis de construire et du permis d’aménager. Je continue à penser que c’était la bonne solution. Mais la commission et les rapporteures m’ayant demandé de proposer plutôt le recueil d’un avis simple, j’y ai consenti.
Il y avait une seconde partie dans ma proposition ; je présenterai un autre amendement y afférent, plus tard. Il s’agissait de prévoir, au moment du dépôt du permis de construire ou du permis d’aménager, que le financement de ces travaux, notamment l’origine des fonds, soit contrôlé.
Telle est l’idée globale contenue dans ces deux amendements distincts. Je m’en suis remis à l’avis de nos rapporteures pour modifier le présent amendement, qui vise donc à recueillir l’avis simple du représentant de l’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il est vrai que nous avons travaillé avec Philippe Dallier sur cet amendement, et la commission a émis un avis favorable sur celui-ci, tel qu’il a été rectifié, pour les raisons que notre collègue a lui-même développées. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il s’agit de permettre aux élus de bénéficier d’une certaine transparence et au préfet d’examiner ce qui se passe dans les territoires. L’intérêt est donc double, pour les maires et pour le préfet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’émets un avis de sagesse, que je ne développe pas compte tenu de l’heure, sauf si certains sénateurs le souhaitent…
M. Philippe Dallier. La sagesse me suffit, madame la ministre ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 204 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
Article 3
La section 3 du titre XV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° L’article 706-25-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , à l’exclusion de celles mentionnées aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code, » sont supprimés ;
b) À la fin du 5°, les mots : « lorsque le juge d’instruction a ordonné l’inscription de la décision dans le fichier » sont supprimés ;
b bis) Au septième alinéa, la référence : « et 2° » est remplacée par la référence : « à 3° » ;
c) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les décisions mentionnées aux 1°, 3° et 5° sont enregistrées dans le fichier de plein droit, sauf décision contraire et spécialement motivée de la juridiction compétente. Les décisions mentionnées au 4° sont également inscrites dans le fichier de plein droit, sauf décision contraire et spécialement motivée du procureur de la République. » ;
2° L’article 706-25-6 est ainsi modifié :
a) Au quatrième alinéa, après le mot : « articles », sont insérés les mots : « 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal et aux articles » ;
b) (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « du juge d’instruction » sont remplacés par les mots : « spécialement motivée de la juridiction ».
3° L’article 706-25-7 est ainsi modifié :
a) Les quinzième à dix-septième alinéas sont supprimés ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes inscrites dans le fichier lorsque les décisions ayant conduit à cette inscription concernent des infractions mentionnées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal et aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure. »
Mme le président. L’amendement n° 538 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il est défendu, madame la présidente ! Nous serons plus diserts sur nos amendements suivants… (Sourires.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer un outil nécessaire à toutes les administrations.
Bien entendu, l’avis de la commission est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 370, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article 706-24-1 est abrogé ;
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Les infractions de provocation directe à commettre un acte terroriste et d’apologie de ces actes échappent à certaines dispositions propres au terrorisme.
Il est proposé de soumettre ces délits aux dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue et aux perquisitions, déjà applicables aux actes de terrorisme.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Un certain nombre d’outils en vigueur prévoient d’ores et déjà une échelle des peines importante.
Pour ce qui concerne les perquisitions supplémentaires, d’autres dispositions permettent, dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT », de procéder à des visites domiciliaires si celles-ci s’avèrent nécessaires.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Bourgi, Durain, Kanner, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
, 3° et 5°
par les mots :
et 3°
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain entend conserver la disposition en vigueur qui prévoit que, au stade de la mise en examen, l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le Fijait, résulte d’une décision expresse du juge d’instruction.
Outre le fait que la mise en examen ne vaut pas condamnation, cette inscription automatique au Fijait pour les personnes mises en examen ne répond à aucune nécessité.
Les personnes mises en examen au titre des infractions terroristes retenues pour le fichier soit sont placées en détention provisoire, soit font l’objet d’un contrôle judiciaire strict. Ces mesures sont, de fait, plus coercitives que celles qui résultent d’une inscription dans ce fichier.
L’inscription des personnes mises en examen n’apporte dès lors aucune plus-value dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Cela explique que, à ce jour, aucun juge d’instruction n’a prononcé l’inscription au Fijait de personnes mises en examen.
Mme le président. L’amendement n° 572 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Comme les auteurs de l’amendement que vient de défendre Didier Marie, nous considérons qu’il est essentiel de préserver la place du juge d’instruction dans la procédure d’inscription au Fijait.
Nous trouvons inacceptable que la décision du juge soit implicite, surtout lorsqu’il s’agit d’une inscription dans ce type de fichier, laquelle emporte des conséquences lourdes pour les personnes qui y ont été inscrites.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ces deux amendements visent à supprimer l’inscription automatique des mises en examen dans le Fijait.
Dans une perspective de suivi et de surveillance renforcée d’un certain nombre d’individus, notre position est exactement inverse : nous souhaitons maintenir la rédaction de l’article.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’inscription au Fijait permet à l’administration de contrôler un certain nombre d’éléments, notamment les profils des personnes susceptibles de postuler à un emploi.
Ce fichier permettant de porter à la connaissance des administrations des informations absolument essentielles, j’émets un avis défavorable sur ces amendements qui visent à atténuer considérablement la rédaction de l’article.
Mme le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Issue d’un département où le terrorisme a frappé, je vais parler avec le cœur.
Quelque chose n’est pas logique : une personne mise en examen bénéficie tout de même de la présomption d’innocence, qu’elle ait commis un acte de terrorisme – ceux qui ont commis un tel acte ne se présentent malheureusement pas, en règle générale, devant la justice – ou qu’elle soit simplement suspectée de terrorisme.
L’inscription systématique au Fijait revient à nier ce qui a toujours été la base de notre droit. J’estime que nous devons conserver la prédominance du juge dans ce domaine.
Je le dis avec émotion, je crois qu’il ne faut pas aller au-delà de certaines lignes. Or on le fait chaque fois dans cet hémicycle : on repousse toujours plus loin la restriction de nos libertés, en modifiant les dispositions relatives à la manière de juger et de condamner. Pour ma part, je ne souhaite pas que l’on condamne avant d’avoir jugé !
Je suis d’accord pour que l’on procède à l’inscription une fois le jugement prononcé, mais pas en amont. Ce n’est ni possible ni recevable dans une démocratie comme la nôtre.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 573, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Aux première et seconde phrases du dernier alinéa, le mot : « treize » est remplacé par le mot : « quinze » ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous présentons cet amendement pour entamer un dialogue avec vous, monsieur le garde des sceaux.
Nous proposons que les mineurs de moins de 15 ans ne puissent pas figurer dans le Fijait, d’autant qu’il existe déjà un fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT, lequel permet de mener des opérations de renseignement et de suivi.
Nous pensons que l’inscription au Fijait constituerait un marqueur à vie pour les mineurs qui y seraient inscrits. Selon nous, une telle mesure serait extrêmement contre-productive.
Nous sommes convaincus – je pense que vous serez d’accord avec nous sur ce point, monsieur le ministre – qu’il faut assurer la primauté de l’éducatif sur le répressif pour lutter véritablement contre l’endoctrinement et l’apologie du terrorisme, voire contre le passage à l’acte.
Mme le président. L’amendement n° 490, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…) Au dernier alinéa, après la première occurrence du mot : « ans », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « , ou des mineurs de treize à dix-huit ans sont inscrites dans le fichier, sauf décision contraire et spécialement motivée du procureur de la République. » ;
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 521-2 et L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne s’appliquent pas aux personnes inscrites sur ce fichier. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement a pour objet que les actes de terrorisme perpétrés par des enfants de moins de 13 ans, ou âgés de 13 à 18 ans, ou l’apologie qui en est faite par ceux-ci, soient inscrits dans le Fijait.
Porter un regard angélique sur l’enfance en matière de terrorisme serait une grave erreur. Trop de Français sont morts à cause de cet angélisme.
Pour rappel, au Moyen-Orient, des enfants soldats âgés de 4 à 16 ans, appelés « lionceaux du califat », ont été entraînés par l’État islamique à tuer à main nue ou avec des armes. Le retour de certains de ces enfants sur notre sol ou le risque d’en voir formés chez nous constitue une menace réelle.
C’est d’autant plus vrai que l’État islamique est en train de se reconstituer, avec de grands moyens humains et des infrastructures, au Mozambique. En prenant la ville de Palma cette semaine, le renouveau du djihadisme international veut créer son califat à seulement 500 kilomètres de notre frontière française de Mayotte. Notre vigilance doit être totale et notre droit adapté.
En mars 2017, ce sont 56 mineurs qui étaient poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ; 400 enfants et adolescents de moins de 15 ans se trouvaient en Syrie, dont 200 y seraient nés. Ce sont eux que vous voulez rapatrier, monsieur le ministre, vraiment ?
Plusieurs dizaines d’autres mineurs sont suivis dans le cadre de mesures pénales ou civiles pour manifester des attitudes radicales, quand ils ne sont pas, de surcroît, mis en examen pour apologie du terrorisme.
Plus proche de nous, ce 10 mars 2021, deux jeunes hommes de 17 et 18 ans suspectés de préparer des attentats sanglants sur notre sol, notamment contre des militaires, ont été interpellés à Mantes-la-Jolie et à Marseille.
La menace islamiste est toujours présente, car aucune de ses causes profondes n’a été éradiquée. Notre vigilance via ce fichier doit être renforcée, quel que soit l’âge des personnes.
Dans un troisième alinéa, cet amendement vise aussi à modifier le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le Ceseda, pour faciliter l’expulsion des étrangers inscrits au Fijait et préserver ainsi notre territoire de toute menace sécuritaire.
La générosité de nos politiques d’accueil a trop souvent été aveugle. Elle doit désormais être contrebalancée par une véritable politique d’expulsion systématique des individus dangereux. Ni complaisance ni demi-mesures, sans quoi nous ne démêlerons jamais la situation !
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, Bascher, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mmes Drexler et Dumont, M. Sido, Mme Procaccia, MM. Cambon, Lefèvre, Meurant, Vogel et Decool, Mmes Belrhiti et V. Boyer, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Billon et Férat, MM. Cuypers et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, Gremillet, Boré, Le Rudulier, C. Vial et Bouchet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Sol, Mmes Lassarade, Raimond-Pavero et Micouleau, M. Longeot, Mme Deroche, M. Duplomb, Mmes Pluchet et Malet, MM. Belin, Chasseing et Grand, Mmes Bourrat et Paoli-Gagin, MM. Le Gleut et Laménie, Mmes L. Darcos, Schalck, Boulay-Espéronnier et Di Folco, M. Maurey, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme, H. Leroy et Rapin, Mme Guidez et M. Segouin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’expulsion prévue à l’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est appliquée à l’ensemble des étrangers inscrits au fichier judiciaire national des auteurs d’infractions terroristes, sauf décision spécialement motivée.
La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Le présent amendement a pour objet que l’expulsion soit automatiquement prononcée à l’encontre des étrangers inscrits au Fijait lorsqu’ils ont commis des actes terroristes, sauf décision spécialement motivée.
Mme le président. L’amendement n° 342, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne s’appliquent pas aux personnes inscrites sur ce fichier conformément aux 1° et 2° de l’article 706-25-4. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Dans le même esprit, il s’agit de faciliter l’expulsion des personnes inscrites au Fijait lorsqu’elles ont fait l’objet d’une condamnation.
Mme le président. L’amendement n° 341, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont suspendues pour les personnes inscrites sur ce fichier, durant le temps de l’inscription. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Cet amendement vise à faciliter l’expulsion des personnes inscrites au Fijait lorsqu’elles ont fait l’objet d’une condamnation, et cela pendant toute la durée de leur inscription.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Pour ce qui concerne les amendements nos 573 et 490, je précise que les décisions concernant les mineurs de moins de 13 ans ne sont pas inscrites dans le Fijait.
Les décisions qui sont relatives aux mineurs âgés de 13 à 18 ans ne sont pas non plus inscrites dans le fichier, sauf si cette inscription est ordonnée par décision expresse de la juridiction ou du procureur de la République.
Le dispositif en vigueur étant équilibré, me semble-t-il, mon avis est défavorable.
Les amendements nos 90 rectifié, 342 et 341, relatifs à l’expulsion des étrangers inscrits au Fijait, sont satisfaits, puisque les personnes condamnées pour des actes terroristes encourent d’ores et déjà une interdiction du territoire français, ou ITF, à titre définitif ou pour une durée de dix ans. Il s’agit d’une peine complémentaire obligatoire, que le juge ne peut écarter que par décision motivée.
Je demande donc le retrait de ces trois amendements ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour les mineurs, la durée d’inscription au Fijait n’est pas la même que celle qui s’applique aux majeurs. J’indique également que cette inscription n’est pas automatique : elle intervient sur autorisation du juge, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 573.
Je suis par ailleurs totalement défavorable à l’amendement n° 490, qui a pour objet une inscription de plein droit des mineurs au Fijait. La loi est proportionnée en prévoyant l’inscription pour les mineurs par le tribunal ou par le procureur.
Monsieur le sénateur Ravier, puisque vous m’interpellez avec la nuance que nous vous connaissons, je veux vous dire que ceux que je veux rapatrier, ce sont les petits-enfants dont les grands-parents attendent le retour. Les 34 enfants que nous avons rapatriés sont des victimes collatérales, pas des délinquants. Voyez-vous, l’humanité se partage : elle n’est en rien une idéologie. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
L’amendement n° 90 rectifié vise une expulsion automatique des étrangers inscrits au Fijait. Or, en cas de condamnation, c’est le dispositif que Mme la rapporteure a très opportunément rappelé qui s’applique. Pour le reste, il s’agit d’une mesure administrative. Aussi cet amendement est-il – pardonnez-moi de l’exprimer de cette façon – quelque peu hors sujet.
Enfin, les amendements nos 342 et 341 relatifs à l’expulsion des étrangers qui sont inscrits au fichier sont, tout comme d’ailleurs l’amendement n° 490, contraires à la Constitution ainsi qu’aux conventions que nous avons signées et qui protègent la vie privée et familiale. Le Gouvernement y est donc défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de vos explications. Comme j’ai indiqué que l’amendement n° 573 avait pour objet d’engager un dialogue sur ce sujet, nous le retirons.
Mme le président. L’amendement n° 573 est retiré.
La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le garde des sceaux, j’ai bien entendu l’humanisme dont vous avez fait preuve, en nous rappelant que les enfants étaient des victimes et qu’ils étaient attendus par leurs grands-parents.
M. Stéphane Ravier. Je veux vous rapporter, quitte à trahir peut-être non pas le secret défense mais celui du Sénat, au nom duquel ce qui est dit pendant certaines réunions ne doit pas être divulgué, et à faire entorse à la règle, les propos d’un certain Laurent Nunez, alors patron de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Lors d’une audition en commission, il a évoqué les premières conséquences du retour de djihadistes et de leurs enfants. S’il nous a alors mis en garde contre ces hommes qui ont gardé leur idéologie, leur détermination et leur objectif et contre ces femmes qui, elles aussi, ont été endoctrinées, ont participé à des exactions et sont tout aussi déterminées à mener des opérations ici sur notre sol, il l’a fait aussi contre les enfants, qui ont subi une formation idéologique et militaire et dont certains ont été ensuite placés dans les écoles de la République – notre si belle République accueillante, tolérante et humaniste.
La réalité revient au galop : ces enfants ont déjà tenu des propos extrêmement inquiétants à l’égard de leurs petits camarades. Ce type d’enfants existe aussi, monsieur le garde des sceaux ! On nous invitait à nous habituer à ce qu’ils soient suivis jusqu’à la fin de leurs jours, parce qu’ils pouvaient retrouver leurs réflexes une semaine, un an, dix ans, quinze ans après leur « formation »… Que cela vous plaise ou pas, c’est la réalité et il faut savoir la prendre en compte dans l’intérêt de tous, enfants comme adultes, et de la sécurité du peuple français.
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Gay, si vous voulez dialoguer avec le garde des sceaux, la porte de la chancellerie vous est ouverte.
Monsieur Ravier, nous avons rapatrié des gamins de 8 ans ! Que dit le Rassemblement national à ce sujet ? Faut-il les laisser là-bas ? Est-ce bien ce que vous proposez ?
En ce qui concerne les femmes terroristes, qu’elles soient jugées là où elles se trouvent ! Il est compliqué de les rapatrier, mais, quand elles reviennent dans notre pays, elles y sont jugées.
M. Stéphane Ravier. J’ai cité Laurent Nunez !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Quant aux terroristes, ils seront jugés là-bas. Là aussi, s’ils revenaient sur le territoire national, ils seraient jugés ici.
Je vous parle d’enfants et répète ma question : que dit le Rassemblement national à propos d’un petit garçon de 8 ans que ses grands-parents attendent ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et CRCE.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo !
Mme le président. Monsieur Pemezec, l’amendement n° 90 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Pemezec. Non, je le retire, madame la présidente, même si mon humanisme va plutôt du côté des victimes.
Mme le président. L’amendement n° 90 rectifié est retiré.
Monsieur Meurant, les amendements n° 342 et 341 sont-ils maintenus ?
M. Sébastien Meurant. Nous ne sommes pas forcés de croire M. le garde des sceaux sur parole et je voudrais qu’il nous explique en quoi les amendements nos 342 et 341 sont déjà satisfaits et contraires à la Constitution.
Par conséquent, je maintiens ces amendements.
Mme le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Dans la même logique que notre précédent amendement qui tendait à maintenir le droit en vigueur concernant l’inscription au Fijait des personnes mises en examen, cet amendement vise à revenir sur la modification apportée par la commission par laquelle le retrait d’une personne du fichier ne se fera que sur décision spécialement motivée de la juridiction.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Par parallélisme des formes avec la modalité d’inscription au fichier, qui se fera de façon automatique sauf décision spécialement motivée de la juridiction, la commission des lois a prévu que la mention au Fijait des personnes mises en examen sera retirée sur décision motivée de la juridiction, et non sur simple décision du juge d’instruction.
La mesure prévue à l’amendement n° 30 rectifié bis, c’est-à-dire le retrait du Fijait d’une personne mise en examen par une décision du juge d’instruction, aurait pour conséquence de créer une incohérence dans le droit. C’est pourquoi la commission y est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il existait en effet une asymétrie que la commission a rectifiée. C’est la raison pour laquelle vous pouvez à juste titre, madame la rapporteure, parler désormais de parallélisme des formes.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Au douzième alinéa, après le mot : « personne », sont insérés les mots : « condamnée pour une infraction mentionnée aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles mentionnées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1, » ;
…) Au quinzième alinéa, les mots : « à l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure » sont remplacés par les mots : « aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal » ;
II. – Alinéa 14
Supprimer les mots :
aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal et
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. L’article 3 intègre dans le fichier les infractions d’expression de terrorisme, mais sans leur appliquer les mesures de sûreté prévues pour les infractions matérielles. Nous proposons que ces mesures de sûreté s’appliquent aux personnes condamnées pour des infractions d’expression de terrorisme.
En contrepartie, puisque ces infractions ne sont pas de même degré, nous prévoyons qu’elles figurent au fichier pour une durée beaucoup moins longue que ce qui est prévu pour les infractions matérielles.
Ainsi, les personnes inscrites au titre d’une infraction d’expression de terrorisme seront retirées du fichier à l’expiration, à compter du prononcé de la décision, d’un délai de cinq ans pour un majeur et de trois ans pour un mineur, au lieu des délais de vingt ans et dix ans prévus pour les infractions matérielles de terrorisme.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement tend à soumettre les personnes condamnées pour des infractions matérielles au terrorisme à des mesures de sûreté. Vous le savez, ma chère collègue, le Conseil constitutionnel est très attentif aux mesures de sûreté. Souvenez-vous de la loi qui a été retoquée il y a presque deux ans, alors même que l’Assemblée nationale et le Sénat étaient tombés d’accord sur un texte instaurant des mesures de sûreté non pour les personnes que vous visez, mais pour d’autres.
Nous devons donc faire très attention lorsque nous instaurons des mesures de sûreté pour éviter qu’elles ne subissent le même sort ! La mesure que vous proposez est disproportionnée par rapport à celles qui sont déjà à notre disposition.
Même si, sur le fond, nous comprenons votre objectif, nous savons qu’une telle mesure ne pourra être validée. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis défavorable.
Prévoir des mesures de sûreté pendant cinq ans pour un délit réprimant un abus de liberté d’expression me paraît totalement excessif : une telle mesure n’échappera pas à la censure du Conseil constitutionnel, c’est une évidence.
Mme le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mmes Drexler et Dumont, MM. Sido, Cambon, Lefèvre, Vogel et Decool, Mmes Belrhiti et V. Boyer, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent et Billon, MM. Cuypers et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, Gremillet, Boré, Le Rudulier, C. Vial et Bouchet, Mmes Delmont-Koropoulis, Lassarade et Micouleau, M. Longeot, Mme Deroche, M. Duplomb, Mmes Pluchet et Malet, MM. Belin, Chasseing, Grand et Pointereau, Mme Bourrat, M. Houpert, Mme Paoli-Gagin, MM. Le Gleut et Laménie, Mmes Schalck, Boulay-Espéronnier et Di Folco, MM. Maurey, Bonhomme, H. Leroy et Rapin, Mme Guidez et M. Segouin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de demande de logement social, le maire ou le président d’un établissement public de coopération intercommunale peut saisir le représentant de l’État dans le département afin d’être informé si le demandeur est inscrit au fichier des auteurs d’infractions terroristes.
La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Il s’agit de permettre à un maire ou à un président d’établissement public de coopération intercommunale, EPCI, de demander au préfet de vérifier si une personne qui sollicite un logement social est inscrite au Fijait et, si c’est le cas, de lui communiquer l’information.
Mme le président. L’amendement n° 152 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de demande de location d’une salle municipale, le maire peut saisir le représentant de l’État dans le département afin d’être informé si le demandeur est inscrit au fichier des auteurs d’infractions terroristes.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Il est indispensable que l’usage des locaux et des salles municipales fasse l’objet d’un contrôle régulier. Nous ne pouvons courir le risque qu’ils deviennent des lieux de radicalisation en étant loués par des individus inscrits au fichier des auteurs d’infractions terroristes.
Ces personnes pourraient endoctriner nos citoyens avec leur idéologie répréhensible, ce qui ne peut être toléré. Il faut donc contrôler l’usage de ces lieux chaque fois que l’occasion se présente.
Dans cette perspective, une solution paraît simple à adopter aux fins de limiter les risques : elle consisterait à autoriser le maire à demander au préfet de vérifier si un administré le sollicitant pour la location d’une salle est inscrit à ce fameux fichier. Une fois saisi, le préfet communiquerait l’inscription ou non du sollicitant au fichier judiciaire.
Mme le président. L’amendement n° 491, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 6° de l’article 706-25-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux maires, selon des modalités définies par décret. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Nous demandons depuis longtemps l’accès des maires au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Le Gouvernement et les parlementaires ne veulent pas, semble-t-il, d’un pacte de sécurité partagé avec les élus locaux.
Cet amendement vise à donner la possibilité aux maires d’avoir accès au fichier des auteurs d’infractions terroristes et d’y consulter les fiches des personnes résidant dans leur commune de manière habituelle ou occasionnelle, selon des modalités fixées par décret.
Le maire est le premier magistrat de sa commune ; il est celui qui rend des comptes au quotidien à ses administrés et le premier à faire face à la menace terroriste. Il ne peut donc être tenu dans l’ignorance. En période de « vigilance attentat », cette mesure d’accès au fichier est une preuve de la prééminence de leur charge au service de la sécurité de leurs administrés.
Trop souvent, le maire apprend dans la presse la présence d’islamistes radicalisés dans sa municipalité et, le cas échéant, il doit assumer les conséquences d’un attentat dans sa commune sans avoir eu connaissance au préalable de tels éléments.
Où est l’esprit de responsabilité quand nous ne donnons pas le maximum de compétences à nos élus locaux en matière de sécurité ? Ceux qui sont en première ligne, quel que soit le combat, doivent pouvoir bénéficier de toutes les armes pour se défendre et même contre-attaquer.
Aujourd’hui, les maires peuvent demander au préfet de faire un point deux fois par an sur la menace terroriste dans leur municipalité. Les élus locaux sont donc déjà dans la confidence, il convient simplement de renforcer l’information, d’autant que les menaces, tout comme les flux, évoluent de plus en plus vite dans notre monde.
C’est pourquoi, mes chers collègues, les élus locaux comptent sur nous pour voter cet amendement en faveur de la sécurité locale, de la prévention des risques terroristes et de la lutte contre l’islamisme dans nos communes.
Mme le président. L’amendement n° 225 rectifié, présenté par MM. Wattebled, Decool, Verzelen, A. Marc, Menonville, Chasseing, Guerriau et Lagourgue, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et de Belenet, Mme Thomas, M. Regnard, Mme Joseph, MM. Houpert, Lefèvre et B. Fournier, Mmes Jacquemet et Drexler, MM. Laménie, Moga et Charon, Mmes Saint-Pé et Guidez, M. Détraigne, Mmes Herzog et Morin-Desailly et MM. Tabarot, Rapin et Longeot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
… ° L’article 706-25-9 est ainsi modifié :
a) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « Les maires et » sont supprimés ;
b) Après ce même avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les maires sont également destinataires, par l’intermédiaire des représentants de l’État dans le département, des informations contenues dans le fichier concernant les habitants de la commune. »
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Les maires, dans le cadre de l’établissement de la politique de sécurité de leur commune, seraient aidés si leur étaient transmises des informations concernant l’inscription d’habitants de leur commune au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes.
Ainsi, le maire pourrait mieux appréhender les enjeux sécuritaires auxquels sa commune fait face et adapter la politique de sécurité en s’appuyant sur la police municipale et en ajustant en conséquence son déploiement et ses effectifs.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mes chers collègues, la commission des lois est globalement défavorable à la transmission d’informations aux collectivités, que ce soit pour la location de salles ou pour d’autres raisons. Je vous renvoie au rapport d’information de notre ancien collègue François Pillet, qui a accompli un travail extrêmement important sur le sujet : il estimait que l’on ne pouvait pas communiquer des informations juste pour dire qu’on l’avait fait, sans savoir à quoi elles allaient servir.
Les maires ont des relations avec le préfet de leur territoire. Si la situation l’exige, rien n’interdit au préfet d’alerter le maire. Par ailleurs, des mécanismes de protection ont été institués pour ce qui concerne les enfants.
Nous avons souvent débattu de cette question : si l’on communique les informations d’un fichier, à quoi serviront-elles ? Nous avons toujours eu la même position parce que ces informations sont extrêmement confidentielles et que tout le monde ne peut pas tout savoir. C’est aussi protéger les élus que de ne pas les mettre au courant de tout.
En vertu de la position qu’elle a toujours adoptée, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je me range à l’avis de Mme la rapporteure, qui connaît bien mieux que moi les territoires.
Le maire peut demander au préfet des informations inscrites au Fijait dans le cadre de décisions administratives de recrutement, d’habilitation et d’autorisation, ce qui au fond me paraît suffisant. À l’évidence, il faut conserver une forme de confidentialité, car le Fijait n’est pas n’importe quel fichier.
C’est pourquoi le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les amendements qui ont été déposés sont révélateurs d’une certaine inquiétude.
Indépendamment du fait que les préfets ne les ont pas informés, certains maires, qui n’ont pas l’air au courant ou qui n’ont pas été mis au courant par leurs services, mettent à la disposition de personnes répertoriées comme dangereuses des salles de mairie, voire de mairie annexe. S’il n’est pas question de transmettre des informations, il serait intéressant d’adresser une communication générale aux maires pour les encourager à être extrêmement prudents en ce qui concerne la location de salles.
Le problème est bien réel et je tiens les documents à votre disposition. Il est possible que, de bonne foi, les maires mettent à disposition de personnes fichées des locaux municipaux. Il faut donc toujours prêter une grande attention aux demandes de location de salle, quel que soit le type de demande, et informer les préfets.
Bref, sur ce sujet, la communication devrait être plus précise et plus méthodique qu’elle ne l’a été jusqu’à présent (M. le garde des sceaux acquiesce.), car nous n’allons pas revenir à chaque texte sur la question de la transmission d’informations relatives aux fichés S, aux fichés « terroriste », etc. François Pillet a déjà traité ce sujet au nom de la commission des lois, mais il faudrait maintenant organiser une véritable communication à destination des préfets et des maires afin de mettre en garde ces derniers, pour qu’ils ne mettent pas des locaux municipaux à la disposition de n’importe qui.
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ma chère collègue, le problème que vous soulevez est important, c’est vrai, mais ne devrait pas surgir dans le cadre d’un fonctionnement normal entre un maire et son préfet. Si ce n’est pas le cas, M. le garde des sceaux aura noté votre remarque et vous répondra. Je peux vous dire que, dans mon territoire, cela marche très bien !
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je comprends les difficultés que présentent ces quatre amendements. Pour ce qui me concerne, je ne les voterai pas pour les raisons qui ont été précédemment indiquées.
Néanmoins, ce débat me donne l’occasion de rappeler une demande que je ne cesse de faire, comme avant moi d’autres représentants des collectivités, concernant la mise à disposition des communes de ce que l’on peut appeler un « fichier domiciliaire ». Dans mon département du Bas-Rhin – je ne veux pas parler pour les autres, mais je crois que c’est à peu près pareil ailleurs –, les maires sont très demandeurs d’informations sur celles et ceux qui s’installent dans leur commune.
Cette demande des maires est d’une telle évidence, non seulement pour lutter contre le terrorisme, mais également pour répondre aux attentes des résidents de la commune, que je ne comprends pas comment les ministres de l’intérieur successifs ont tous pu m’adresser exactement la même lettre négative, m’expliquant que ma demande n’était pas justifiée, qu’il fallait que je consulte plutôt le fichier électoral…
Or ce n’est pas du tout ce qu’attend un maire ! Il veut connaître celles et ceux qui s’installent dans sa commune pour, je le redis, satisfaire les besoins de services de ses habitants. C’est la raison pour laquelle ces maires ne comprennent pas pourquoi on leur refuse un tel fichier domiciliaire, alors que le directeur des services académiques du département leur demande, à chaque rentrée, de lui indiquer les enfants de leur commune qui ne sont pas scolarisés.
Pardonnez-moi l’expression, mais on se mord la queue, monsieur le garde des sceaux ! (Sourires.) Pourriez-vous juste mettre un peu d’huile dans les rouages, pour faire en sorte que l’on tienne compte des besoins, à mon avis tout à fait légitimes, des maires, ces fantassins de la République, qui sont bien dépourvus quand la bise fut venue. (Nouveaux sourires.)
Mme le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Nous sommes fort nombreux dans cet hémicycle à demander la communication des fichiers pour la location de salles. Comme vient de le dire André Reichardt, les maires sont les fantassins de la République et ils sont bien souvent au courant avant l’État ! J’en ai des exemples dans mon territoire, qui est le même que celui de Mme la rapporteure : on apprend « par la bande » que certains individus sont fichés S et, un jour, on évacue un immeuble parce que l’une de ces personnes fabrique de la drogue ou des explosifs…
C’est aussi par la bande que l’on apprend que certaines personnes venant d’autres départements sont connues ; alors on se renseigne. Les maires ne sont pas censés divulguer des secrets : ils sont agents de l’État et officiers de police judiciaire. Leur demande ne vise qu’à leur permettre d’assurer au mieux la sécurité sur leur territoire. Je ne vois pas au nom de je ne sais quel principe on les en priverait !
Puisque les maires sont les premiers fantassins de la République, qu’on leur permette de l’être jusqu’au bout !
Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Franchement, je ne suis pas fan des fichiers. Qui plus est, la généralisation de leur publication pose un véritable problème. Si ces fichiers sont divulgués aux 35 000 maires de France, qu’adviendra-t-il ? Serviront-ils, le cas échéant, pour l’attribution d’un logement, l’inscription dans une école ou je ne sais quelle autre décision municipale ?
Cette question soulève aussi le problème de la relation entre le préfet et les maires, lorsque ces derniers ont une demande à lui faire, et celui du renseignement territorial, qui n’est malheureusement aujourd’hui plus au rendez-vous. Ce dernier sujet devrait être de nouveau posé et c’est sous cet angle que les maires pourraient être légitimement informés.
Mme le président. L’amendement n° 132 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Cabanel, Roux et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° L’avant-dernier alinéa de l’article 706-25-9 est complété par les mots : « , ainsi que pour les emplois relevant des services éducatifs et sanitaires et des transports publics ».
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Les maires et les présidents de collectivités territoriales et de groupements de collectivités sont destinataires, par l’intermédiaire des représentants de l’État dans le département, d’informations contenues dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes pour certaines décisions administratives. Ces informations leur permettent de prendre des décisions de recrutement, d’affectation, d’autorisation d’agrément ou d’habilitation.
Les services administratifs ou sanitaires qui sont en contact avec un public susceptible d’être vulnérable ne sont pas concernés : il semble donc pertinent que l’accès à ce fichier, qui se ferait bien sûr par l’intermédiaire du représentant de l’État, soit étendu au service public de l’éducation et à celui de la santé, ainsi qu’aux emplois du secteur des transports publics.
Cette décision permettrait aux élus locaux de disposer d’une parfaite information des personnels qu’ils recrutent ou pour lesquels ils doivent délivrer une autorisation d’exercer.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je me suis déjà prononcée sur cet amendement, puisque j’ai expliqué que les maires étaient destinataires d’un certain nombre d’informations, en cas de décisions administratives d’affectation, de demandes d’agrément. Pour les emplois relevant de l’éducation et des transports publics, dès lors que la personne travaille dans un service public, le maire ou l’entreprise de service public est informé.
Cet amendement est donc satisfait. C’est pourquoi la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’amendement est pleinement satisfait par les dispositions de l’article R. 50-52 du code de procédure pénale, aux termes duquel le maire peut avoir accès au Fijait pour les emplois des services éducatifs et des transports.
Mme le président. Monsieur Bilhac, l’amendement n° 132 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Bilhac. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 132 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
Mme le président. L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, MM. Burgoa, D. Laurent, Regnard et Bonne, Mme Chauvin, MM. Guerriau et Mandelli, Mmes Drexler et Dumont, MM. Sido, Cambon, Lefèvre, Meurant, Vogel et Decool, Mmes Belrhiti et V. Boyer, M. Menonville, Mmes Bellurot et Imbert, M. Laugier, Mmes Puissat, Goy-Chavent, Billon et Férat, MM. Cuypers et Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Saury, P. Martin, Gremillet, Boré, Le Rudulier, C. Vial et Bouchet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Sol, Mmes Lassarade, Raimond-Pavero et Micouleau, M. Longeot, Mme Deroche, M. Duplomb, Mmes Pluchet et Malet, MM. Belin, Chasseing, Grand et Pointereau, Mme Bourrat, M. Houpert, Mme Paoli-Gagin, MM. Le Gleut, Savin et Laménie, Mmes L. Darcos, Schalck, Boulay-Espéronnier et Di Folco, M. Maurey, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme et H. Leroy, Mme Morin-Desailly, MM. Husson et Rapin, Mme Guidez et M. Segouin, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 201 du code électoral est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 201. – Nul ne peut être élu s’il figure au fichier des auteurs d’infractions terroristes. »
La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Malgré l’inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes, aucune disposition en droit français n’interdit aux individus en question d’être candidats à une élection.
Cet amendement tend simplement à interdire aux personnes inscrites à ce fichier de se présenter à une élection.
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas très constitutionnel !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé. Satisfait !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Sur le fond, il existe en effet une jurisprudence constitutionnelle sur cette question qui ne permet pas de donner un avis favorable à cet amendement, mon cher collègue.
Par ailleurs, il faut savoir que les personnes condamnées pour des actes de terrorisme encourent déjà comme peine complémentaire la perte de leurs droits civiques ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, qui est satisfait.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, j’ajoute simplement à ce qu’a excellemment expliqué Mme la rapporteure que l’article 47 de la loi Informatique et libertés interdit l’utilisation d’un fichier aux fins que vous appelez de vos vœux. Au stade de l’inscription à un fichier, un certain nombre de vérifications, notamment judiciaires, ont lieu : si une condamnation a été décidée, alors le juge a la possibilité de faire ce que vous demandez.
M. Loïc Hervé. Évidemment !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis donc totalement défavorable à votre amendement. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme le président. Monsieur Pemezec, l’amendement n° 85 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Pemezec. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 85 rectifié est retiré.
Article 4
Le chapitre III du titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° La section 2 est ainsi modifiée :
a) Le dernier alinéa de l’article 433-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s’applique pas aux faits mentionnés à l’article 433-3-1. » ;
b) Il est ajouté un article 433-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 433-3-1. – Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait d’user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service.
« Lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer l’infraction prévue au premier alinéa, le représentant de l’administration ou de la personne de droit public ou de droit privé à laquelle a été confiée la mission de service public dépose plainte. » ;
2° Après l’article 433-23, il est inséré un article 433-23-1 ainsi rédigé :
« Art. 433-23-1. – L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction prévue à l’article 433-3-1. »
Mme le président. L’amendement n° 304 rectifié, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet article crée une nouvelle infraction pénale visant les menaces, les violences et les actes d’intimidation à l’égard d’un agent public ou d’un élu.
Cette nouvelle infraction interroge pour deux raisons.
D’une part, la notion d’« acte d’intimidation », qui est floue, ouvre des perspectives trop larges d’interprétation et ne semble pas conforme au principe de clarté et de précision de la loi pénale consacré par l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
D’autre part, cette nouvelle incrimination ne fait qu’accroître le millefeuille législatif déjà complexe des délits pénaux. En effet, l’article 433-3 du code pénal réprime les menaces à l’encontre d’un agent public ou d’un élu et étend cette protection à leurs familles et à leurs proches. Elle contribue donc à rendre la loi pénale encore plus illisible et peu accessible, puisque l’ensemble des dispositions sont déjà prévues dans notre arsenal pénal.
Par ailleurs, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’interroge sur la pertinence de l’introduction d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire pour les étrangers.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 4.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L’article 4 apporte un certain nombre de précisions, qui me semblent nécessaires.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Ma chère collègue Benbassa, vous défendez régulièrement la faune ou la flore, je peux l’entendre, mais que vous refusiez, alors que vous êtes sénatrice, de défendre les élus de la République, les bras m’en tombent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 43, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
ou de commettre tout acte d’intimidation
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Pour une raison que j’ignore, mes amendements nos 42 et 43 ne figurent pas l’un après l’autre dans l’ordre de la discussion, alors qu’ils sont liés. L’amendement n° 43 vise à supprimer les mots « ou de commettre tout acte d’intimidation », parce que je définis justement l’acte d’intimidation à l’amendement n° 42. Ainsi, la relative cohérence qui existait entre ces deux amendements, lorsque je les ai rédigés, disparaît complètement en séance…
Par conséquent, je retire l’amendement n° 43, au profit de l’amendement n° 291 rectifié, mais je défendrai l’amendement n° 42.
Mme le président. L’amendement n° 43 est retiré.
L’amendement n° 291 rectifié, présenté par MM. Bas, Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mme Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Piednoir, Mmes Pluchet, Procaccia et Puissat, M. Regnard, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
ou de commettre tout autre acte d’intimidation
par les mots :
, de commettre tout autre acte d’intimidation ou d’organiser le recours à de tels actes
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. À la différence de Mme Benbassa, M. Retailleau, l’ensemble des membres du groupe Les Républicains et moi-même considérons que le Gouvernement a bien fait de rédiger cet article, qui représente une main tendue vers le Sénat.
Vous le savez, nous voulions inscrire dans la Constitution que nul « ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune ». Au travers de l’article 4, il est prévu que toute personne qui fait pression ou exerce des menaces sur un agent de l’autorité publique ou sur un élu, pour obtenir qu’il soit dérogé, en sa faveur, à la règle commune, par l’application d’autres règles – celles, par exemple, de la communauté à laquelle il appartient –, pourra être punie par une peine pouvant aller jusqu’à dix années de prison.
Je remercie donc le Gouvernement d’avoir introduit cet article dans le texte et je lui demande d’accepter d’aller plus loin, en prévoyant que peuvent être punis de dix années de prison, non seulement l’individu qui exerce ces pressions, mais encore celui qui organise l’exercice de celles-ci.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend, je l’espère, à compléter utilement l’initiative du Gouvernement.
Je remercie également Mme Goulet de son esprit coopératif, dont je ne doutais pas.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cet amendement qui a pour objet de préciser que peuvent être pénalement punis non seulement ceux qui commettent des actes d’intimidation, mais également ceux qui organisent ces actes.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. René-Paul Savary. Favorable ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Bas, je vous remercie de vos remerciements, auxquels je suis, par nature, extrêmement sensible…
La commission est favorable à votre amendement et Mme la sénatrice Goulet a retiré le sien au profit du vôtre. Pourtant, j’y suis, pour ma part, totalement défavorable et je fais même le pari que vous allez le retirer, car vous ne sauriez être insensible à cet argument de droit, frappé au coin du bon sens : monsieur le sénateur, qu’est-ce que l’organisation d’un délit, sinon une complicité dudit délit ?
M. Didier Marie. Eh oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable ! (M. Philippe Bas demande la parole.)
Je vois que vous levez le doigt pour demander la parole ; peut-être ne vous ai-je pas encore convaincu.
Je fais ici référence aux dispositions de l’article 121-7 du code pénal, aux termes desquelles « est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » ou qui a « donné des instructions pour la commettre ». Nous sommes en plein dedans !
La complicité du délit est déjà punissable, l’organisation d’un délit est une complicité. Par conséquent, je suis défavorable à cet amendement et suis convaincu que vous allez le retirer.
Mme le président. Monsieur Bas, l’amendement n° 291 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Bas. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Monsieur le garde des sceaux, il s’agit non pas d’une complicité, mais de l’organisation même de la commission du délit.
Vous avez parié. Il me semble que le Gouvernement perd beaucoup de paris, en ce moment… (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Excellent !
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En ce qui me concerne, je ne parierai pas avec M. Bas, car, pour l’avoir quelque peu pratiqué, je sais que sa volonté de gagner est telle que, par principe, il refusera de me donner raison.
Cela dit, M. le garde des sceaux a raison.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En effet, monsieur Bas, ce que vous souhaitez instaurer, au travers de votre amendement, est plus restreint que la complicité. Vous ne parlez en effet que d’une forme de complicité – l’organisation du délit –, mais il peut y avoir une complicité par fourniture de moyens ou par toute autre mesure.
De ce fait, votre disposition est plus restrictive, je le répète, que la notion de complicité qui figure dans le droit pénal.
Si je voulais essayer de vous mettre d’accord, messieurs, je suggérerais à M. Bas de supprimer le terme « organiser » afin de viser la complicité en général, ce qui lui permettrait d’atteindre son but sans se déjuger.
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne le jeu de mots sur le pari, vous avez gagné ; dont acte. Vous avez d’ailleurs suscité des « applaudissements nourris », ce dont attestera sans doute le compte rendu intégral des débats.
À n’en pas douter, à l’applaudimètre, vous avez gagné. Pour autant, en droit, vous avez perdu. En effet, l’organisation d’un délit est une conception restrictive de la complicité. Vous le savez, d’ailleurs, le complice est condamné comme l’auteur. (M. Philippe Bas proteste.)
Vous avez tort, monsieur le sénateur ; vous ne voulez pas le reconnaître, mais c’est ainsi ! Mentionner l’organisation d’un délit revient – Mme la sénatrice de La Gontrie l’a très justement indiqué – à restreindre le champ de la complicité, qui existe déjà et qui est parfaitement défini.
Je veux bien que l’on décide que l’organisation d’un délit est un délit, mais c’est une modalité de la complicité, qui est déjà punie de la même peine que ledit délit.
Je dois admettre, cela dit, que je n’obtiens pas les applaudissements escomptés ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE.)
M. Loïc Hervé. C’est kif-kif…
Mme le président. L’amendement n° 32 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, ou afin d’entraver l’exercice de la mission de service public de cette personne
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Avec cet article, nous abordons un dispositif important du projet de loi, la protection des agents publics, puisque est instaurée une nouvelle infraction, la menace ou l’intimidation contre une personne exerçant une mission de service public.
Je souligne, au passage, que les élus sont maintenant, eux aussi, concernés par cette disposition, puisque la commission a adopté un amendement en ce sens, que nous avions présenté.
L’amendement n° 32 rectifié bis est particulièrement important, parce qu’il concerne la protection des enseignants.
L’Assemblée nationale a fait le choix de créer, en plus du délit de menaces ou de violences instauré à l’article 4, un nouveau délit spécifique, le délit d’entrave à la fonction d’enseignant, qui vise à réprimer les pressions et insultes dont ces agents sont la cible ; c’est l’objet de l’article 4 bis.
Nous partageons bien évidemment l’intention ayant motivé cette mesure, la protection des enseignants, mais la rédaction actuelle de l’article 4 bis manque totalement cet objectif.
Prenons un exemple simple. À la sortie des classes, un parent d’élève apostrophe violemment un professeur afin de lui dire tout le mal qu’il pense de sa façon de faire cours et lui intime l’ordre de modifier son discours en classe. S’agit-il de pressions à l’exercice de la fonction d’enseignant, réprimées au travers du délit d’entrave, ou s’agit-il de menaces et d’intimidations proférées contre une personne participant à l’exécution d’une mission de service public et destinées à obtenir « une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service » ?
Cet exemple montre bien la confusion dans laquelle les magistrats risquent de se trouver, lorsqu’il s’agira de qualifier les faits. Comment distinguera-t-on les menaces et intimidations des injures et pressions ?
Le risque est que, face à cette difficulté, les magistrats soient amenés à sous-qualifier les faits, c’est-à-dire à retenir le délit d’entrave, qui est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, plutôt que le délit de menaces et d’agressions, puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende… Ainsi, avec la création de ce délit d’entrave, les enseignants confrontés aux mêmes faits se trouveraient moins bien protégés que n’importe quel autre agent public, ce qui nous paraît tout à fait inconcevable.
C’est pourquoi nous proposons d’intégrer le délit d’entrave de l’article 4 bis à l’article 4, afin que les pressions et insultes qui entravent l’exercice de la fonction d’enseignant soient sanctionnées de la même manière que tous les autres actes de menaces ou d’intimidation commis à l’encontre des agents publics.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L’article 4 bis a été inséré dans le texte par l’Assemblée nationale, sur l’initiative d’une députée du groupe Les Républicains qui tenait à ce qu’existe ce délit d’entrave aux fonctions d’enseignant ; après tout ce que nous avons vécu, cela semble en effet important. Cet article est une nécessité, nous le constatons tous les jours.
Pour autant, mes chers collègues, vous souhaitez intégrer l’entrave à l’exercice d’une mission de service public dans le champ de l’article 4. C’est un débat intéressant. C’est pourquoi, sur cet amendement, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, le Gouvernement estime que l’article 4, tel qu’il est rédigé, prend déjà en considération tous les exemples que vous nous avez fournis. Au fond, l’infraction que vous souhaitez créer est superfétatoire (M. Didier Marie fait un signe de dénégation.).
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cette précision était importante.
La commission tient à l’article 4 bis, car elle souhaite – je l’ai indiqué en commission – maintenir ce délit particulier qu’est le délit d’entrave au métier d’enseignant. Cet article, qui, je le répète, est issu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, est nécessaire, car il vise un objectif particulier et s’inscrit dans un moment particulier de l’histoire de notre République. Nous ne voulons donc pas le supprimer.
Ainsi, si, comme M. le garde des sceaux l’a indiqué, l’exemple que vous avez donné est couvert par l’article 4, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je vais m’expliquer à nouveau, car M. le garde des sceaux n’a semble-t-il pas compris ce que j’indiquais.
Nous proposons d’inclure le délit d’entrave au sein de l’article 4, de telle sorte que les délits d’intimidation, de menace ou d’entrave commis à l’encontre d’un enseignant dans l’exercice de ses fonctions, puissent être couverts et que la personne qui les aura commis encoure une peine supérieure à celle qui est actuellement prévue à l’article 4 bis. Nous voulons donc mieux protéger les enseignants qu’ils ne le seraient avec l’article 4 bis, en intégrant ce délit dans l’article 4. Cela renforcerait la protection des enseignants.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Non, pas du tout !
Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce qui s’énonce clairement devrait se comprendre aisément…
Il ne serait pas satisfaisant pour les enseignants – cela leur serait même tout à fait défavorable – que l’article 4 bis accorde une protection inférieure à celle de l’article 4, qui concerne l’ensemble des agents de la fonction publique. Ce n’est pas parce qu’ils sont enseignants qu’ils doivent faire l’objet de dispositions particulières lorsqu’ils sont menacés ou agressés.
M. Marie a très bien expliqué les choses. Il ne s’agit pas de choisir l’article 4 bis ou l’article 4 ; il s’agit de ne pas mettre en péril les enseignants subissant des violences ou des menaces, en n’appliquant pas aux auteurs de ces actes une règle moins sévère que celle qui s’appliquerait dans un cadre général, à l’égard d’autres agents de la fonction publique.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je me permets d’intervenir un peu en amont de la discussion que nous aurons sur l’article 4 bis.
La spécificité du délit d’entrave, caractérisé dans cet article, est liée à la liberté pédagogique des enseignants, mentionnée dans le code de l’éducation. Or ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit, dans l’exemple que vous donniez, monsieur Marie. (M. Didier Marie le conteste.)
Un certain nombre de modifications de l’article 4 bis seront proposées tout à l’heure, précisément pour y inclure une référence précise au code de l’éducation et à la liberté pédagogique. Les insultes ou pressions exercées à la sortie d’un établissement ne relèvent pas de cet article.
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Mon cher collègue, vous avez exprimé une inquiétude à propos d’un certain nombre de personnes qui assument un service public, mais vous devez être rassuré par les explications qui vous ont été apportées.
Insérer dans ce texte une disposition spécifique pour les enseignants me paraît constituer un geste fort, après ce que nous avons vécu. Il est important de conserver, telle qu’elle a été écrite, cette disposition relative au délit d’entrave à un fabuleux métier, que j’ai bien connu. Cela permet de montrer aux enseignants, dont certains ont connu le pire moment de leur carrière, qu’il existe maintenant un délit d’entrave à ce métier, aujourd’hui malmené.
Je réitère donc ma demande de retrait de votre amendement et, à défaut, confirme mon avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je veux compléter les propos de Stéphane Piednoir.
Je comprends la méprise. Du reste, Olivier Paccaud et moi-même proposerons une modification de l’article 4 bis, de manière à relier cette disposition à l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation, qui précise les contours de la liberté pédagogique. En effet, ce délit d’entrave se définit bien par rapport à la liberté pédagogique.
C’est pour cette raison que de nombreux membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication tiennent au maintien de l’article 4 bis, mais souhaitent le raccrocher à l’article du code de l’éducation qui protège la liberté pédagogique des professeurs.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 42, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un acte d’intimidation est l’action concertée de plusieurs personnes de nature à empêcher un officier ministériel d’accomplir, sans le concours de la force publique, un acte de sa fonction.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement de précision, auquel j’ai précédemment fait allusion, tend à définir l’acte d’intimidation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La définition que vous proposez est probablement trop restrictive, ma chère collègue – peut-être M. le garde des sceaux apportera-t-il des précisions. En outre, la référence à un officier ministériel ne correspond pas à ce que vous visez.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La précision que vous appelez de vos vœux est, au fond, inutile, madame la sénatrice. En effet, la notion d’intimidation est déjà utilisée en droit pénal et elle est parfaitement définie par la jurisprudence.
Avis défavorable.
Mme le président. Madame Goulet, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. J’avais bêtement repris la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 mai 1999. Je reconnais que cette notion est bien définie par la jurisprudence.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 42 est retiré.
L’amendement n° 292 rectifié, présenté par MM. E. Blanc, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier, Darnaud, de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mmes Bourrat et L. Darcos, MM. Daubresse et Husson, Mme Primas et MM. Segouin et Bonhomme, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas où l’infraction est commise à l’égard d’une personne investie d’un mandat électif public, le juge peut prononcer l’interdiction des droits civiques prévue à l’article 131-26. » ;
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le garde des sceaux, j’espère que cet amendement-ci ne suscitera aucune controverse juridique. (Sourires.)
Il s’agit simplement de prévoir que, dans le cas où une infraction est commise à l’égard d’une personne investie d’un mandat électif public, le juge peut prononcer une interdiction des droits civiques. Cela a principalement vocation à assurer la protection des maires, devenue grande cause nationale depuis la mort brutale du maire de Signes, le 5 août 2019.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Cet amendement tend à instituer une peine complémentaire de déchéance des droits civiques lorsque l’infraction réprimée par les dispositions de l’article 4 est exercée contre un élu.
Vous avez raison de le rappeler, mon cher collègue, les maires font face à une violence extrême, tant en zone urbaine qu’à la campagne ; c’est un véritable sujet. Ainsi, pour que les élus soient protégés ou, en tout cas, que ceux qui commettent des actes extrêmement violents à leur encontre soient punis un peu plus fortement qu’aujourd’hui, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Errare humanum est, perseverare diabolicum…
Votre amendement est satisfait, monsieur le sénateur,…
M. Philippe Bas. Ah bon ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … par les dispositions de l’article 433-22 du code pénal, qui énumère les peines complémentaires applicables à l’ensemble des infractions prévues au chapitre au sein duquel est inséré le délit de menace séparatiste. Au rang de celles-ci figure l’« interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 » du même code.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Mme le président. Monsieur Bas, l’amendement n° 292 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Bas. Nous allons mettre à profit le délai qui nous sépare de la réunion de la commission mixte paritaire pour examiner votre argument, monsieur le garde des sceaux.
En attendant, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 187 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet, Bouchet, Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine mentionnée au premier alinéa du présent article en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. L’article 4 permet au juge de prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français, « soit à titre définitif, soit pour une durée minimale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction prévue ».
Cet amendement a pour objet de prévoir que le prononcé de l’interdiction du territoire français soit une obligation. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction ou de la personnalité de son auteur.
J’insiste donc sur le fait qu’il ne s’agit pas d’instaurer une peine automatique, puisque le juge aura toujours la possibilité de ne pas prononcer la peine. Cela permet de protéger ceux que nous souhaitons protéger, en appliquant pleinement le texte.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je comprends l’objet de cet amendement et les inquiétudes que ce sujet peut susciter, mais il est important de maintenir la liberté de décision du juge dans ce domaine.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cela sent un peu la nostalgie non pas des peines planchers, mais des peines obligatoires.
Le principe actuel est que le juge décide en fonction de la gravité des faits et de la personnalité de celui qui les a commis. C’est un grand, un vieux, un beau principe.
Le juge a donc la possibilité de prononcer les peines complémentaires que vous appelez de vos vœux ou de ne pas le faire, madame la sénatrice. Le principe demeure celui de la liberté du juge et non le fait de lui imposer je ne sais quelle obligation.
Je suis donc défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le garde des sceaux, je comprends bien vos propos et, moi aussi, je suis attachée à ce principe.
Toutefois, j’y insiste bien, cet amendement vise justement à prévoir que, bien évidemment, le juge peut refuser cette peine, mais, dans ce cas, il doit motiver sa décision.
Le juge devra donc prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français, soit à titre définitif, soit pour une durée minimale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de ce type d’infraction ; s’il veut prendre une décision contraire, il devra motiver son choix. Cela enverrait un signal fort.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous voulez donc que le principe devienne l’exception et l’exception le principe !
Mme le président. L’amendement n° 343, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La déchéance de nationalité peut être prononcée dans les conditions du premier alinéa de l’article 25 du code civil à l’encontre des personnes coupables de l’infraction prévue à l’article 433-3-1. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il s’agit de permettre au juge de prononcer la déchéance de nationalité des personnes condamnées pour le nouveau délit. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) En effet, nous examinons un projet de loi qui vise à conforter le respect des principes de la République et ce type de délit porte une grave atteinte à la communauté nationale.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On ne peut pas tout résoudre par la surenchère, me semble-t-il ; voilà ce que j’ose exprimer ce soir devant vous.
La déchéance de nationalité existe, contrairement à ce que l’on entend parfois. Elle est limitativement prévue par l’article 25 du code civil aux infractions les plus graves, telles que les actes de terrorisme, et il serait excessif d’étendre cette liste à des condamnations pour des faits moins graves.
En outre, comme le Conseil d’État l’a précisé dans son avis du 11 décembre 2015 sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, une telle mesure ne peut être instaurée par une loi ordinaire.
Pour ces deux raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 93 rectifié ter est présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. H. Leroy et Bascher, Mme Garnier, MM. Genet, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré, Bouchet, Bouloux, Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Deroche, Drexler et Dumont, M. Favreau, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie et Mandelli, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Rapin, Saury et Savin.
L’amendement n° 189 rectifié ter est présenté par Mme V. Boyer, MM. Meurant, Longuet et Savary, Mme Bourrat et M. Tabarot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune.
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié ter.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Cet amendement a pour objet de reprendre l’article 1er de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, déposée par MM. les présidents de groupe Retailleau et Marseille ainsi que par M. Bas.
Je souhaite que ce texte aboutisse, car il représente une avancée indéniable pour la sauvegarde de nos libertés fondamentales, mais, vous le savez, l’Assemblée nationale bloque encore, à ce jour, son adoption.
Aussi, parce qu’il est nécessaire de rappeler que la règle commune s’impose à tous, cet amendement tend à inscrire ce principe dans la loi, à défaut d’avoir pu la faire légitimement figurer dans notre Constitution, comme le demandaient mes collègues.
Cette disposition donnerait une assise juridique aux employeurs publics et privés pour lutter contre ces dérives, plutôt que de devoir s’y adapter.
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 189 rectifié ter.
Mme Valérie Boyer. La formule que vient d’employer ma collègue me paraît tout à fait adaptée : nous sommes ici pour lutter contre les dérives, non pour nous y adapter. La grandeur de la loi réside justement dans le fait d’instituer des garde-fous et des outils permettant de préserver les principes de la République.
L’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale permettrait des avancées indéniables, notamment l’impossibilité d’alléguer des motifs tenant à ses origines ou à ses croyances. Cela permettrait également d’éviter aux personnes de se soustraire à des contrôles administratifs ou au respect des règles de sécurité. Cela permettrait encore d’empêcher de revendiquer un traitement particulier pour l’accès au service public ou pour son accomplissement ; je pense en particulier aux écoles et aux prisons. Cela interdirait ainsi de refuser l’autorité d’une femme ou d’un homme dans un cadre professionnel, administratif, juridictionnel ou scolaire.
Mme le président. Ma chère collègue, remettez votre masque correctement, s’il vous plaît.
Mme Valérie Boyer. Cela permettrait aussi d’obtenir des adaptations particulières en matière d’application du droit du travail et, de même, cela empêcherait qu’un employeur privé ou public soit contraint de prévoir des prestations ou d’adapter des règles pour tenir compte de prescriptions religieuses auxquelles certains salariés ou usagers se diraient attachés, par exemple des horaires aménagés ou des menus adaptés.
Je considère que ce texte doit prospérer. Nous avons la possibilité d’en faire avancer la rédaction ici et maintenant.
C’est la raison pour laquelle, selon le même raisonnement que ma collègue, je souhaite que cet amendement soit voté.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ces amendements identiques sont satisfaits, puisque nous avons réintégré l’article 35 de la loi de 1905, en y apportant les précisions que vous demandez, à la suite de MM. Retailleau, Bas et Marseille.
Vous avez eu raison de souligner l’importance du respect de la règle commune.
La commission demande le retrait de ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces amendements sont assez curieux. La loi est une disposition normative qui pose une règle juridique d’application obligatoire ; elle doit donc être respectée par tous.
Certes, Giraudoux considérait le droit comme « la plus puissante des écoles de l’imagination », mais, en ce qui me concerne, je suis défavorable à ces amendements.
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. S’il était évident que, partout en France, cette règle était bien respectée, pensez-vous, monsieur le garde des sceaux, que nous aurions ici, dans notre légendaire absence de sagesse, fait en sorte que cela soit voté sous une autre forme ? (Ah ! sur les travées du groupe GEST.)
Ces amendements sont peut-être satisfaits en droit, mais pas en réalité. Or c’est de cela qu’il s’agit, monsieur le garde des sceaux : il s’agit de la vie des Français.
M. Jérôme Bascher. Votre majorité manque peut-être du courage nécessaire pour affronter certaines réalités et en discuter ! (M. le garde des sceaux fait un geste d’impatience.)
Oh, vous pouvez faire des moulinets, mais vous n’êtes pas au tribunal, ici : vos effets de manche n’impressionnent personne ! (M. le garde des sceaux répète son geste.)
Ce geste est très désagréable !
Madame la présidente, nous sommes au Sénat, pas au tribunal : les parlementaires se respectent et ce genre de geste n’a pas sa place.
J’admettrais, monsieur le garde des sceaux, que vous acceptiez de discuter de ce sujet plutôt que de le balayer d’un revers de manche. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Mme Esther Benbassa. Ah, ça va !
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Essayons de dépassionner les choses, parce que nous avons encore quelques jours à consacrer à l’examen de ce texte.
Mes chères collègues, je le répète : nous avons réintégré l’article 35 de la loi de 1905 à l’article 39. C’est écrit en toutes lettres. Je vous propose donc encore une fois de retirer ces amendements, qui, il est important de le dire, sont satisfaits.
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous rappelle que je suis garde des sceaux. Le droit m’importe donc, voyez-vous. Le droit protège nos libertés, mais il ne fait pas que cela. La justice est un pacte social et elle est rendue en fonction des règles de droit.
Quand on me demande d’inscrire dans la loi que nul ne peut s’exonérer de la règle commune, je tique ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe GEST.) C’est redondant, cela a peu de sens et le garde des sceaux que je suis ne peut pas laisser passer.
S’il s’agit de reprendre la parole pour vous interroger sur les actes et non pas sur les droits, c’est votre choix et je le respecte.
Quant à ma vie antérieure, pardon de vous dire que celle-ci ne vous regarde pas et que vos allusions à ce sujet me semblent contraires, de mémoire – je ne les connais pas toutes, comme c’est sans doute votre cas –, aux dispositions de l’article 33 du règlement du Sénat. (Bravo ! sur certaines travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. J’ai bien évidemment confiance dans l’analyse de Mme la rapporteure.
Monsieur le garde des sceaux, je suis troublée par la réponse que vous venez de faire. Je vous poserai donc la question de façon transparente. Vous avez parlé d’imagination et de droit, mais votre réponse me laisse penser que vous seriez défavorable à l’article 39, que Mme la rapporteure vient d’évoquer et qui dispose que nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune ? (M. le garde des sceaux fait un geste de dénégation.) Je n’ai donc pas compris.
Si j’ai vraiment l’assurance que l’article 39 intègre cette formule,…
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. C’est fait !
Mme Valérie Boyer. … je retire cet amendement.
Mme le président. Madame Boyer, je vous prie d’être attentive à bien porter votre masque.
L’amendement n° 189 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je rappelle à nos collègues qui ont déposé ces amendements que, dans l’article 39 du texte de la commission, nous avons totalement intégré les dispositions de l’article 35 de la loi de 1905.
Afin que les choses soient bien claires, je vous en donne lecture, parce que je ne suis pas certain que tout le monde en ait véritablement pris connaissance.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. « Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, ou à conduire une section du peuple à se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni de sept ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. »
La commission des lois a donc non seulement intégré l’article 35 dans le texte, mais, de surcroît, elle a repris les quanta de peine pour les adapter, puisque ceux-ci dataient évidemment de son origine.
C’est la raison pour laquelle j’insiste sur la nécessité de retirer l’amendement n° 93 rectifié ter.
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. La réponse du président de la commission n’est pas satisfaisante. La rédaction qu’il évoque concerne un ministre du culte, alors que ces amendements tendent à inscrire dans le texte une formule bien plus large, puisque « nul ne peut s’exonérer… »
À mon sens, l’article 39 ne couvre donc qu’une partie de ce que souhaitent Mmes Boyer et Borchio Fontimp.
Mme le président. Madame Borchio Fontimp, l’amendement n° 93 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 93 rectifié ter est retiré.
Article 4 bis
(Non modifié)
Après le deuxième alinéa de l’article 431-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d’entraver ou de tenter d’entraver par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14 du code de l’éducation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Mme le président. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Dans la mesure où nous n’avons pas pu inclure les dispositions de cet article à l’article 4 et même si nous regrettons que les peines encourues par ceux qui entraveront le travail des enseignants ne soient pas à la hauteur de celles qui concernent les personnes qui intimideront, insulteront ou entraveront le travail des fonctionnaires dans leur ensemble, nous retirons cet amendement.
Nous sommes évidemment tout à fait favorables à la défense des enseignants.
Mme le président. L’amendement n° 31 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 188 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon et Longuet, Mme Lassarade, M. Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le fait d’entraver à l’aide de menaces, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice par un professionnel de santé de son activité professionnelle, l’exercice par un enseignant de sa mission de service public, ou l’exercice par un agent public ou privé de sa mission de service public est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. L’adoption de cet article à l’Assemblée nationale, à la suite, notamment, de l’assassinat barbare du professeur Samuel Paty le vendredi 16 octobre 2020, mais aussi de nombreux autres signalements, constitue une avancée nécessaire en matière de protection de nos enseignants.
Ce dispositif pourrait également être étendu aux professions médicales et, plus largement, à tout agent chargé d’une mission de service public, car eux aussi peuvent être confrontés à des pressions s’ils ne se conforment pas aux exigences de certains extrémistes religieux.
Cet amendement vise également à porter les peines prévues à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement tend à supprimer la spécificité du délit d’entrave à l’enseignement. Or l’objectif de l’article 4 bis est de protéger les enseignants et leur liberté pédagogique, qui est la marge de manœuvre dont ils disposent pour transmettre les programmes de l’éducation nationale. Il me semble qu’il n’existe rien de comparable chez les professionnels de santé.
Par ailleurs, les actes de violence, de destruction ou de dégradations pointés dans votre amendement sont déjà couverts, pour les professionnels de santé comme pour les enseignants, par l’article L. 433-3 du code pénal.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je comprends la remarque de M. le rapporteur pour avis, mais il me semble que les situations des enseignants et des professionnels de santé sont comparables. Ceux-ci sont confrontés à des difficultés similaires, même si certains faits sont déjà couverts. C’est pourquoi je souhaitais introduire un dispositif parallèle.
Il n’y aurait pas de chartes de bonne conduite dans les hôpitaux et nos collègues membres du conseil d’administration d’un hôpital ou sollicités par des professionnels de santé ne seraient pas saisis des difficultés que ces derniers rencontrent si ces problèmes ne se posaient pas !
Le délit d’entrave et les difficultés que peuvent rencontrer les enseignants me semblent totalement analogues à ceux auxquels se heurtent les professionnels de santé ; ils sont d’ailleurs confrontés à la même solitude.
Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 409 rectifié, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la fonction d’enseignant est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet article, issu d’un amendement parlementaire adopté en commission, condamne les agissements de même nature que le drame qui a eu lieu le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, en créant un délit d’entrave spécifique à la fonction d’enseignant.
Cet amendement vise donc à améliorer la rédaction de l’article en s’alignant sur les dispositions existantes, puisque le délit d’entrave existe déjà dans le code pénal.
Par ailleurs, il s’agit de supprimer la mention du Conseil supérieur des programmes (CSP), qui pose problème, puisque ce dernier n’est pas chargé de déterminer les objectifs pédagogiques. Il serait donc ennuyeux que cette référence figure dans la loi.
Mme le président. L’amendement n° 282 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Boré, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer, Cadec, Chaize, Charon et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Decool, Mmes N. Delattre et Deroche, M. Détraigne, Mme Dumont, MM. Fialaire, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Husson, Mmes Imbert et Joseph, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre, Le Gleut, H. Leroy, Le Rudulier, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. A. Marc, Maurey, Menonville et Meurant, Mme Muller-Bronn, MM. de Nicolaÿ, Panunzi, Regnard et Sautarel, Mme Schalck, MM. Segouin et Somon et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ou des insultes
par les mots :
, violences, menaces, insultes ou actes d’intimidations
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Le triste assassinat de Samuel Paty, mais surtout ce qui l’a précédé et l’a déclenché, a démontré la nécessité de mieux protéger les enseignants.
À la fin du mois d’octobre 2020, j’ai déposé une proposition de loi visant à instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre des programmes édictés par l’éducation nationale et à protéger les enseignants et personnels éducatifs. Nos collègues de l’Assemblée nationale, parmi lesquels Annie Genevard, la première signataire de l’amendement qui est devenu l’article 4 bis, en ont repris quasiment 90 % du texte. Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait adopté cet amendement, dans la mesure où le texte du Gouvernement souffrait d’une grosse lacune. En effet, l’article 4 vise à protéger « toutes les personnes participant à l’exécution d’une mission de service public », mais l’enseignement est très particulier.
Par ailleurs, il me semble que l’on peut encore améliorer l’article 4 bis.
Cet amendement a très précisément pour objet la qualification des tentatives d’entrave. Si le délit d’entrave existait déjà pour la liberté d’expression, d’association, etc., il n’existait pas pour la liberté d’enseigner. Nous l’avons créé.
Dans le texte retenu par l’Assemblée nationale, il est question de « pressions » ou d’« insultes ». Nous pouvons être plus précis, car les enseignants sont malheureusement parfois victimes de « violences, menaces, insultes ou actes d’intimidation ».
Cet amendement vise donc à élargir le bouclier qui protégera les enseignants.
Mme le président. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Mouiller et Courtial, Mme V. Boyer, MM. Savin, Genet, B. Fournier, Favreau, Chevrollier, Belin, Bouchet et Laménie, Mmes Chauvin, Dumas et L. Darcos, MM. de Legge, Babary, Saury et Le Gleut, Mmes Malet et Drexler, MM. Dagbert et Bonne, Mmes Puissat et Canayer, MM. Cuypers et Cardoux, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier, Gosselin, Lavarde et Belrhiti, MM. Burgoa, Mandelli, Regnard, Gremillet et Charon, Mmes Micouleau et Schalck et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14 du code de l’éducation
par les mots :
la liberté pédagogique de l’enseignant définie à l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. L’article 4 bis est de grande importance, dans la mesure où il permet de condamner le fait d’entraver ou de tenter d’entraver par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant.
Il me semble très important de protéger les professeurs et leur liberté pédagogique – c’est bien de celle-ci qu’il s’agit – et c’est pour cela qu’un article spécifique est nécessaire.
En revanche, cet article indique que cette liberté est conditionnée par les objectifs pédagogiques du Conseil supérieur des programmes. Or, si celui-ci a pour mission d’élaborer les programmes, c’est le ministre qui les arrête et qui diligente les instructions organisant l’enseignement. La présidente du CSP, que nous avons reçue en commission la semaine dernière, nous a bien rappelé le rôle de cette structure.
La rédaction actuelle de l’article donne donc au CSP un rôle que ne lui confère pas le code de l’éducation. Aussi, il me paraît préférable de faire référence à l’article L. 912-1-1 du code de l’éducation, qui vise la liberté pédagogique dans le respect des programmes, des instructions du ministre, du projet d’école ou d’établissement, du conseil et du contrôle des membres des corps d’inspection. Cette liberté est encadrée, mais il ne peut s’agir d’une liberté sous pression.
Mme le président. L’amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Belrhiti, Berthet et Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer, Cadec, Chaize, Charon et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Decool, Mmes N. Delattre, Deroche et Dumont, MM. Fialaire, Grand et Gremillet, Mme Gruny, M. Houpert, Mmes Imbert et Joseph, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre, Le Gleut, H. Leroy, Levi et Longeot, Mme Lopez, MM. A. Marc, Maurey, Menonville et Meurant, Mme Muller-Bronn, MM. de Nicolaÿ, Panunzi, Regnard, Sautarel, Segouin et Somon et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14 du code de l’éducation
par les mots :
la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le respect des programmes et des instructions ministérielles
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Aujourd’hui, malheureusement, des enseignants sont menacés non seulement parce qu’ils enseignent, mais, surtout, pour ce qu’ils enseignent. Cet amendement vise à protéger, à sacraliser l’enseignant et sa mission.
Certains cours sont aujourd’hui refusés au nom d’idéologies ou de croyances religieuses : histoire, sciences, sport, lettres, instruction civique sont régulièrement victimes d’assauts obscurantistes et, évidemment, islamistes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas seulement !
M. Olivier Paccaud. Certains veulent carrément effacer des pans du programme, qu’il s’agisse de la Shoah, des croisades, des valeurs républicaines, de l’égalité entre les hommes et les femmes ou de la laïcité.
Cet amendement, très proche de celui que vient de défendre Max Brisson, ne tend pas à apporter une nuance sémantique ou une clarification rédactionnelle, mais vise à protéger l’enseignant dans sa liberté d’enseigner, à partir du moment où il est dans le cadre des programmes.
En effet, on ne peut pas dire n’importe quoi en classe et il n’est pas question de protéger un enseignant qui le ferait. Nous le protégeons à partir du moment où il a respecté les programmes, lesquels relèvent d’instructions ministérielles et ne sont pas conçus, comme l’a bien précisé Max Brisson, par le CSP, qui ne donne qu’un avis. C’est bien le ministre qui précise le programme.
Il faut protéger les enseignants et l’enseignement.
Mme le président. L’amendement n° 546 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
le Conseil supérieur des programmes mentionné à l’article L. 231-14
par les mots :
le socle commun de connaissances, de compétences et de culture mentionné à l’article L. 122-1-1
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. À notre tour, nous voulons affirmer que nous sommes favorables à cet article, qui accentue la protection des enseignants et de leur liberté pédagogique. C’est de cela qu’il est question ici et cela ne s’applique, à ma connaissance, à aucune autre profession.
Des exemples d’entrave ont été cités, je ne les conteste pas, mais ce ne sont pas les seuls, loin de là. Régulièrement, par exemple, des familles contestent la théorie de l’évolution. Gardons-nous donc d’une colère à géométrie variable qui ne serait tournée que vers certains.
Nous sommes favorables à cet article, mais, comme d’autres l’ont souligné, le Conseil supérieur des programmes ne doit pas être la référence, puisqu’il a un rôle consultatif dans l’élaboration des programmes. C’est bien le ministère qui acte et qui rend officiels les référentiels de ces programmes. La liberté pédagogique est en effet un principe qui a ses limites, puisque les enseignants enseignent selon des programmes définis.
Tel qu’il est rédigé, en faisant référence au Conseil supérieur des programmes, cet article n’est ni opportun ni opérant. Je ne vois pas comment il pourrait être mis en musique.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 409 rectifié, dont la rédaction réduit la portée du délit d’entrave spécifique inscrit à l’article 4 bis. En effet, la tentative d’entrave ne serait plus punie puisque l’incrimination pénale disparaîtrait si l’entrave est le fait d’une seule personne ; pour être punie, l’entrave devrait désormais systématiquement être concertée. Par ailleurs, la notion de menace est différente de celle de pression.
Je souligne et salue l’engagement de notre collègue Olivier Paccaud sur ce sujet et, par ricochet, sur cet article 4 bis en particulier, puisqu’il a déposé au mois d’octobre dernier une proposition de loi qui en a fortement inspiré la rédaction à l’Assemblée nationale.
Toutefois, tel qu’il est rédigé, l’amendement n° 282 rectifié est satisfait. Les menaces contre un enseignant sont punies par l’article L. 431-1 du code pénal de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende ; de même, les violences contre un enseignant sont punies par l’article L. 222-12 du code pénal de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Les amendements nos 11 rectifié bis et 281 rectifié visent à corriger une erreur de rédaction en faisant disparaître la référence au Conseil supérieur des programmes, dont le rôle n’est pas de déterminer les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale.
Néanmoins, je propose le retrait de l’amendement n° 11 rectifié bis au profit de l’amendement n° 281 rectifié, auquel la commission est favorable, car il tend à préciser que la liberté de l’enseignement s’exerce dans le cadre « des programmes et des instructions ministérielles », répondant ainsi à une préoccupation de notre collègue députée Annie Genevard. Celle-ci déclarait en effet : « Veillons à ce qu’un professeur qui userait de façon négative de sa liberté pédagogique ne puisse pas invoquer un délit d’entrave pour justifier ce qui ne serait en réalité qu’un exercice déficient de cette liberté. »
La rédaction de l’amendement n° 281 rectifié me paraît également répondre à la préoccupation exprimée à l’amendement n° 546 rectifié, qui fait référence au socle commun de connaissances. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’amendement n° 409 rectifié, rédactionnel, nous semble opportun. Le Gouvernement y est favorable. Par conséquent, il émet un avis défavorable sur les autres amendements.
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Le délit d’entrave est dorénavant un sujet majeur dans notre République. Combien d’opposants politiques se mettent à entraver des libertés définies dans les codes pour parvenir à imposer leur volonté ?
Prenons l’exemple de la chasse, monsieur le garde des sceaux. Il y a deux ans, le Gouvernement nous a promis la création d’un délit d’entrave à ce sujet.
S’agissant de la liberté d’enseignement, la création d’un tel délit est totalement opportune. Pour autant, monsieur le garde des sceaux, que pensez-vous de l’extension de ce type de délit ? Considérez-vous qu’il s’agisse d’un sujet important ?
J’admets que vous vous contentiez d’émettre l’avis du Gouvernement sur les amendements, mais pourriez-vous, sur ce sujet du délit d’entrave, nous confier au moins votre sentiment personnel ?
Mme le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour explication de vote.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le garde des sceaux, je trouve dommage que vous émettiez un avis défavorable sur ces amendements. Leur adoption pourrait pourtant avoir un effet protecteur et contribuer à restaurer l’intégrité physique, morale et intellectuelle des enseignants.
La montée des revendications identitaires est incompatible avec certaines valeurs essentielles de la République. Certains pans du programme font l’objet de contestations répétées, on le sait : c’est le cas en histoire et géographie, en sciences de la vie et de la terre (SVT), en philosophie, en physique, etc.
Certains enseignants d’éducation physique et sportive s’autocensurent et n’osent pas emmener leurs élèves à la piscine, parce qu’ils savent que cela posera problème, ou leur faire pratiquer un sport de combat, parce que les garçons et les filles refuseront.
On sait que certains thèmes ne sont pas enseignés, les enseignants nous le disent : l’Égypte préislamique, les croisades, les génocides arménien ou juif, la condition féminine, les guerres de décolonisation, les textes fondateurs en français, la nudité dans les arts, la reproduction en SVT…
Si ces difficultés sont parfois singulières, elles peuvent se multiplier dans certains quartiers ou dans certaines villes. Nous avons visité des établissements et nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un vrai problème.
L’adoption de ces amendements pourrait contribuer à rassurer les enseignants qui s’autocensurent ou se sentent intimidés. Nous ne pouvons accepter cela. Il faut absolument inscrire dans la loi ce délit spécifique, car cela permettra aux enseignants d’accomplir simplement le travail auquel leurs études les ont préparés : enseigner.
C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements défendus par Olivier Paccaud et Max Brisson.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Monsieur le garde des sceaux, vous êtes certainement devenu avocat pour des raisons de fond. Je suis pour ma part devenu professeur pour pouvoir exercer la liberté pédagogique et je suis choqué que vous balayiez ces amendements importants d’un revers de main. En effet, le Sénat s’honorerait en inscrivant, après l’Assemblée nationale, dans le code pénal et dans le code de l’éducation, l’importance de cette liberté pédagogique qui ne peut être entravée.
Le délit d’entrave est une réalité. Les pressions peuvent avoir de nombreuses origines – je partage sur ce point les propos de Céline Brulin. Dans certains lycées de France, l’on ne peut plus enseigner la Shoah ou les thèses sur l’évolution. C’est pourquoi les professeurs ont besoin d’être rassurés. Ils ont besoin que la représentation nationale indique clairement que ces délits d’entrave ne peuvent pas être acceptés.
L’école est au cœur de la République. Il me paraît important que, dans ce texte relatif au respect des principes de la République, nous affirmions fortement et clairement que les professeurs disposent d’une protection particulière parce qu’ils ont un rôle particulier à jouer dans l’enseignement de ces principes. Nous sommes au cœur du sujet.
J’ai indiqué mardi à la tribune que ce texte faisait souvent tomber la massue à côté et qu’il ne cherchait pas suffisamment à traquer les séparatismes au cœur de l’école, où ils menacent la jeunesse et son éducation. De grâce, monsieur le garde des sceaux, apportez-nous une réponse un peu plus convaincante !
Permettez-moi de saluer le travail d’Olivier Paccaud, qui, par sa proposition de loi, a déjà fait avancer le débat. Je retire mon amendement et me rallie à la rédaction qu’il propose. Je vous invite à faire de même, même chers collègues, pour que la Haute Assemblée affirme clairement ce qu’est la liberté pédagogique, dans le respect des programmes et des instructions ministérielles. C’est le fondement même de l’école publique et, plus largement, du service public de l’éducation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
Mme le président. L’amendement n° 11 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le garde des sceaux, comme nous l’avons déjà indiqué, nous voterons l’amendement n° 281 rectifié, dont la rédaction correspond tout à fait à la vision que nous avons du rôle de la Nation apprenante et de la relation particulière qui existe en France entre le peuple, la Nation et les enseignants.
Malgré les nombreux exemples que vous avez cités, mes chers collègues, vous avez oublié l’éducation sexuelle. Si cette discipline est systématiquement au programme, elle n’est pas toujours enseignée. J’aurais souhaité que ce que nous nous apprêtons à voter s’appliquât à l’ensemble des écoles, y compris les écoles hors contrat, notamment dans les classes où la mixité n’est pas respectée. En effet, les cours d’éducation sexuelle y auraient sans doute été utiles pour favoriser l’émancipation des jeunes filles concernées.
En dépit du regret que je viens d’indiquer, sur le fond, nous sommes tout à fait d’accord avec votre position. Nous défendrons de façon absolue la liberté pédagogique des enseignants, y compris contre leur propre administration qui est parfois en cause et y compris contre les imprécations du Parlement (M. Max Brisson applaudit.), qui décide de temps en temps au-dessus des règlements de ce que le professeur doit faire ou ne pas faire.
La pédagogie est un acte créateur. S’il y a encore des professeurs et des enseignants, c’est parce qu’ils ont le sentiment que, dans leur classe, ils innovent en permanence. C’est ce qui fait toute la beauté de ce métier et nous devons la préserver. Il faut que les professeurs et les enseignants continuent de pouvoir créer avec leurs classes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il me paraît très important de créer ce délit d’entrave. Nous adresserons ainsi au corps enseignant un message spécifique sur la liberté pédagogique. Cela fait aussi partie du contrat que la Nation doit rappeler au corps enseignant et à l’éducation nationale. Nous devons garantir cette liberté, à plus forte raison quand il s’agit de transmettre des savoirs et des valeurs.
Ce faisant, j’estime que nous enverrons également un message très important à la hiérarchie de l’éducation nationale. En effet, si le Parlement indique qu’il considère le délit d’entrave comme un délit majeur, j’espère que le niveau de responsabilité d’un certain nombre de cadres de l’éducation nationale s’en trouvera rehaussé. En effet, ces derniers ont eu trop souvent tendance à privilégier le « pas de vagues » plutôt que d’assumer avec force l’indispensable soutien à cette liberté pédagogique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Nous enverrons donc un double message, mes chers collègues : un message de la Nation visant à réaffirmer ses valeurs et un message à l’ensemble des personnels d’encadrement de l’éducation nationale, leur indiquant qu’ils sont comptables du respect scrupuleux et vigoureux de cette liberté. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jacques Grosperrin. Bravo !
Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Convaincu par la pertinence des arguments du rapporteur pour avis Stéphane Piednoir, je retire l’amendement n° 282 rectifié.
Permettez-moi de saluer les propos de Pierre Ouzoulias et Max Brisson et de rendre un hommage tout particulier aux enseignants. S’ils ne sont plus les hussards noirs de Charles Péguy, parce qu’ils n’ont plus de blouses, ou très rarement, ils sont désormais des hussards tricolores ou arc-en-ciel, qui illuminent l’esprit de leurs élèves. Le mot « élève » est d’ailleurs un très beau mot de la langue française, qui indique bien que l’on « élève » l’esprit des enfants.
Je ne dirai qu’un mot sur la liberté d’enseigner. Les professeurs ne se contentent pas de lire un manuel scolaire. Pas du tout ! Ils préparent leurs cours, ils les adaptent à leur audience, qui est toujours différente. Cela requiert un travail considérable, qui ne se limite pas à la présence en classe. Ce travail que l’on ne voit pas permet souvent – pas toujours, mais souvent – d’opérer le miracle par lequel ils font germer de petites graines dans l’esprit de nos plus jeunes.
L’article 4 bis n’a rien d’anodin. Il était attendu. Je remercie nos collègues députés d’avoir planté la première graine et j’espère qu’ils confirmeront en deuxième lecture ce que nous nous apprêtons à voter.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je perçois votre légitime passion sur cette question – votre passion professorale, monsieur Brisson – et je dois avouer qu’elle me touche.
Dans sa rédaction initiale, ce texte couvrait la situation des enseignants. Pour autant, lorsque la députée Annie Genevard a souhaité introduire une nouvelle rédaction, je lui ai tout de suite indiqué que nous étions ouverts à une discussion, à une coproduction, à un partage, à un échange sur cette question particulière, et ce pour tenir compte de ce que j’appellerai avec égard un « effet Paty » au sein du corps enseignant. L’article 4 bis est issu de cette préoccupation légitime.
Je ne puis vous laisser dire que j’aurais écarté ces amendements d’un revers de main. Il n’en est rien, bien au contraire. Si j’estime que le texte est équilibré, on peut toujours le modifier et je sais que chacun d’entre vous agira en conscience. Comme je l’ai indiqué, les aménagements rédactionnels que vous proposez me conviennent, madame Havet.
Quoi qu’il en soit, je tiens à préciser que je me sens en empathie totale avec tout ce que les différents orateurs ont exprimé.
Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 546 rectifié n’a plus d’objet.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Nous voterons l’article 4 bis.
Toutefois, il nous faut avoir collectivement conscience qu’en votant ce délit d’entrave nous ne réglerons pas le débat, plus large, sur la place des enseignants et de l’école dans notre société.
Depuis plus d’une quarantaine d’années, le savoir est progressivement sorti des classes au profit des savoir-faire et des savoir-être, fragilisant le corps enseignant dans son rapport aux élèves et le mettant parfois en difficulté dans son rapport aux parents et, plus largement, à la société.
Depuis plus de quarante ans, nous avons beaucoup demandé à l’école, parfois beaucoup plus qu’elle ne peut accomplir, oubliant que les difficultés rencontrées en classe sont le fruit des difficultés de notre société. Dans une société qui va bien, l’école va bien ; dans une société qui va mal, l’école va mal.
Depuis plus de quarante ans, le corps enseignant a parfois été laissé un peu seul sur le bord de la route. Les propositions de revalorisation des carrières, des salaires, de l’autorité des enseignants ont successivement été balayées ou pas assez prises en compte. De ce fait, de nombreux enseignants, qu’ils soient en début, en milieu ou en fin de carrière, sont en proie à des problématiques inédites.
Le temps est loin où une jeune professeure d’histoire certifiée pouvait affronter son inspecteur pédagogique pour déterminer si l’enseignement de la Révolution française devait plutôt s’inspirer des thèses de Soboul ou de celles de Furet.
Si ces difficultés peuvent sembler risibles aujourd’hui, elles nous ramènent à ce que devrait être l’école et à cette liberté pédagogique qui, par les contradictions scientifiques, permettait de faire avancer ce savoir pour toutes et pour tous dans chacune des matières. Mes chers collègues, à ce stade du débat, il me semble important de ne pas l’oublier.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote sur l’article.
M. Max Brisson. Je remercie d’abord le garde des sceaux : je retiendrai sa seconde intervention, qui efface la première.
Je salue ensuite les propos de Mme Cukierman. J’estime moi aussi que l’école retrouvera le rôle qui est le sien si elle en revient à la transmission de savoirs et de connaissances. Comme vous l’avez fort bien souligné, ma chère collègue, nous avons certainement trop orienté l’école vers les compétences et les savoir-être.
Nous ne parviendrons pas à transmettre la signification de la laïcité ou des principes de la République, si nous ne les ancrons pas dans l’histoire et que nous ne les replaçons pas dans la profondeur de leur construction politique. Seule cette histoire permet de comprendre que, en France, le mot République ait un sens tellement différent de celui qu’il a dans tous les autres pays. De même, nous devons expliquer aux élèves que la laïcité est un combat qui a été mené dans un cadre très particulier, et que c’est en raison de cette histoire que ce mot a un sens totalement exceptionnel dans notre pays. Nous sommes donc bien au cœur du sujet.
Si elle ne peut le faire, l’école ne remplira pas son devoir. C’est bien pour cela que nous devons absolument la doter des moyens de lutter contre le séparatisme. C’est au cœur de l’école que l’on apportera des réponses pour faire face à ce totalitarisme. J’estime qu’il était important qu’ensemble nous l’exprimions ce soir de manière solennelle, ici même, au Sénat.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Bien entendu, notre groupe votera l’article 4 bis.
Mes chers collègues, je suis très émue de l’hommage que nous avons rendu ce soir à ces enseignants que l’on critique, auxquels on reproche de ne jamais travailler assez, d’avoir trop de vacances… (M. Jérôme Bascher s’exclame.) C’est pourtant ce qui circule dans les médias et dans divers cercles.
Les enseignants sont encore les hussards de la République. Alors qu’ils exercent leur profession au sein des écoles dans un cadre corseté, marqué par des relations assez complexes avec l’administration et le ministère, il faut leur donner la possibilité de s’épanouir et d’user de leur liberté d’expression.
Reste que les enseignants sont d’abord des êtres humains qui ont besoin de gagner leur vie. Les professeurs agrégés commencent leur carrière avec un traitement de 2 000 euros,…
Mme Cécile Cukierman. Et les certifiés alors ?
Mme Esther Benbassa. … bien moins que les collaborateurs au Sénat !
Les enseignants sont des professionnels investis, qui donnent de leur personne et qui travaillent dur pour embrasser des programmes qui, souvent, ne correspondent plus à la réalité de ce que les élèves vivent.
L’école devrait se réformer, se remettre en question pour que, malgré les difficultés, élèves et enseignants puissent communiquer et aller de l’avant. L’école a besoin d’être repensée.
Si nous avons sans doute fait un petit pas ce soir, il reste encore beaucoup à faire.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Le chapitre II de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 6 quater A est ainsi modifié :
a) Les mots : « , selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, » sont supprimés ;
b) Après la première occurrence du mot : « victimes », sont insérés les mots : « d’atteintes volontaires à leur intégrité physique, » ;
c) Les mots : « ou d’agissements sexistes » sont remplacés par les mots : « d’agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d’intimidation » ;
2° Le IV de l’article 11 est complété un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. »
Mme le président. L’amendement n° 542 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le même premier alinéa de l’article 6 quater A, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité compétente doit apporter une réponse dans un délai d’une semaine à compter de la date du signalement et quarante-huit heures au plus tard lorsque les circonstances et l’urgence le justifient. » ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet article conforte le recours à la protection fonctionnelle pour protéger les agents publics en étendant le champ des dispositifs de signalement pour y faire entrer les atteintes volontaires à l’intégrité physique, les menaces et tout acte d’intimidation. Il prévoit aussi que les collectivités informées d’untel risque doivent prendre sans délai des mesures d’urgence, ce qui était déjà concrètement possible et, fort heureusement, déjà fait.
Si cet article améliore la situation actuelle en précisant les modalités de réaction aux attaques que les agents publics peuvent subir dans l’exercice de leurs fonctions, nous souhaitons raccourcir le délai permettant à un agent de savoir s’il peut bénéficier ou non des mesures de protection et d’accompagnement à la suite d’un signalement.
Actuellement, l’absence de réponse dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande vaut décision implicite de refus de la part de l’autorité compétente. Or, nous en serons certainement tous d’accord, lorsque l’on est victime d’une agression verbale ou physique, il est important d’être pris en charge rapidement, mais aussi d’être reconnu en tant que victime. L’obtention d’une réponse, même négative, devrait selon nous être la règle.
Nous proposons donc par cet amendement que l’autorité compétente soit tenue d’apporter une réponse dans un délai d’une semaine à compter de la date de signalement, et de quarante-huit heures au plus lorsque les circonstances et l’urgence le justifient.
Nous aurons certainement un débat sur les moyens alloués au service public pour répondre à ces signalements. Nous estimons pour notre part que la réduction des délais que nous proposons est le minimum que nous devons aux victimes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Si nous comprenons l’intention de ses auteurs, qui souhaitent mieux protéger les agents victimes, il nous semble que cet amendement tend à rigidifier et à renforcer un dispositif qui a moins d’un an d’existence, puisqu’il a été créé au 1er mai 2020. Or il nous paraît important de laisser les collectivités s’organiser et d’observer la situation à l’échelon local.
Par ailleurs, l’article 5 prévoit en cas d’urgence une mise en œuvre sans délai de mesures provisoires, ce qui est plus protecteur que le délai de quarante-huit heures que vous proposez.
Les dispositions prévues dans ce texte et le dispositif déjà en place aujourd’hui devraient être de nature à vous rassurer, mon cher collègue. Nous pourrons éventuellement envisager de les modifier ultérieurement.
À ce stade toutefois, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Même avis.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Nous souhaitions initialement engager systématiquement une protection fonctionnelle de droit dès lors qu’un fonctionnaire est attaqué dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, mais une telle proposition aurait été déclarée irrecevable aux termes de l’article 40 de la Constitution.
Permettez-moi d’évoquer un exemple douloureux. C’est seul que M. Paty, pourtant attaqué, s’est rendu au commissariat de police lorsqu’il y a été convoqué la première fois. Nous le regrettons. Nous pensons que, dès le départ, il aurait dû être accompagné et protégé par sa hiérarchie.
C’est pourquoi nous aurions souhaité que, pour l’ensemble des fonctionnaires, notamment les enseignants, la protection fonctionnelle de droit s’enclenche systématiquement. C’est une nécessité pour permettre aux enseignants d’aller jusqu’au bout de leur démarche pédagogique et leur donner le courage d’affronter de temps en temps ceux qui veulent ignorer la portée fabuleuse de leur métier.
Mme le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 542 rectifié est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 542 rectifié est retiré.
L’amendement n° 543, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le deuxième alinéa du même article 6 quater A, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dès que le dispositif est activé, les représentants des personnels en sont informés. » ;
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Une note du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Savoie du 15 février 2021 relative au dispositif de recueil et de traitement des signalements d’actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes prévoit que ce dispositif ne se substitue pas aux autres moyens d’alerte à disposition des agents, mais les complète.
Dès lors, le dispositif de signalement doit s’articuler avec les autres modalités de signalements dont disposent les agents publics. La note précise qu’« il est essentiel d’organiser la circulation des informations entre les acteurs […] et d’articuler les réponses à donner entre les différents canaux de signalement ».
C’est la raison pour laquelle nous proposons de rendre automatique l’information des représentants du personnel en cas d’activation de ce dispositif de signalement. En améliorant l’articulation des canaux de signalement, un tel dispositif permettra aux représentants du personnel de mesurer le nombre de signalements et d’engager une concertation collective avec les administrations, les collectivités et les établissements publics concernés afin de mieux prévenir ces actes et de mieux accompagner les agents.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Une information systématique des représentants du personnel n’est en effet pas prévue, parce qu’il nous semble légitime de réserver à la victime le choix d’informer ces derniers afin qu’ils l’accompagnent si elle le souhaite. Je ne suis pas certaine que tous les agents souhaitent que cette information soit systématique. Il me paraît plus respectueux des libertés des agents de les laisser informer les représentants du personnel, le cas échéant.
Je ne suis pas opposée à l’information des représentants du personnel en elle-même, mais je suis contre son caractère systématique. Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Bacchi, l’amendement n° 543 est-il maintenu ?
M. Jérémy Bacchi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 543 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5
Mme le président. L’amendement n° 33 rectifié ter, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Au fonctionnaire victime de violences, de menaces, de harcèlement ou de tout autre acte d’intimidation et dont l’auteur des faits a été définitivement condamné. »
L’amendement n° 34 rectifié ter, présenté par M. Marie, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mme Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, M. Magner, Mme Lepage, M. Féraud, Mmes Meunier et Monier, MM. Assouline, Lozach, Kanner, Kerrouche, Bourgi, Durain, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Fichet, Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Raynal, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 54 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « ainsi que les fonctionnaires ayant la qualité de proche aidant au sens de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du même code » sont remplacés par les mots : « , les fonctionnaires ayant la qualité de proche aidant au sens de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du même code, ainsi que les fonctionnaires victimes de violences, de menaces, de harcèlement ou de tout autre acte d’intimidation et dont l’auteur des faits a été définitivement condamné » ;
2° Au second alinéa, les mots : « ainsi que les fonctionnaires ayant la qualité de proche aidant au sens de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du même code » par les mots : « , les fonctionnaires ayant la qualité de proche aidant au sens de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du même code, ainsi que les fonctionnaires victimes de violences, de menaces, de harcèlement ou de tout autre acte d’intimidation et dont l’auteur des faits a été définitivement condamné ».
La parole est à M. Didier Marie, pour présenter ces deux amendements.
M. Didier Marie. Ces deux amendements tendent à tirer les conséquences sur le plan de la gestion de carrière des agressions dont ont été victimes les agents publics. Ils visent ainsi à compléter, chacun pour une fonction publique, la liste des cas constituant des priorités de mutation.
Concrètement, le fait pour un fonctionnaire d’avoir été victime de violences, de menaces, de harcèlement ou de tout autre acte d’intimidation devrait être pris en compte au titre des cas prioritaires de mutation, sous réserve que l’auteur des faits ait été définitivement condamné. Une agression physique ou verbale sur son lieu de travail constitue une charge émotionnelle lourde, dont il y a lieu de tenir compte dans la gestion de la carrière de l’agent.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ces amendements nous paraissent satisfaits par le jeu même de la protection fonctionnelle, dont je rappelle qu’elle impose à l’administration de mettre le fonctionnaire hors de danger, au besoin en lui proposant un changement géographique d’affectation.
Par ailleurs, l’article 5 prévoit qu’en cas de risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité du fonctionnaire la collectivité doit prendre toutes les mesures, sans délai ni mesure conservatoire, pour le protéger et le mettre à l’abri de tout risque.
La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra lui aussi un avis défavorable.
Les dispositions prévues risquent d’affaiblir les dispositions existantes. En effet, si le principe général de mutation est déjà satisfait, dans les rédactions proposées pour ces deux amendements, celui-ci ne serait effectif qu’après la condamnation, ce qui, on le sait et on le déplore, peut prendre un temps très long, donc survenir bien trop tardivement.
Il nous semble donc préférable de ne pas introduire cette condition.
Mme le président. Monsieur Marie, les amendements nos 33 rectifié ter et 34 rectifié ter sont-ils maintenus ?
M. Didier Marie. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme le président. Les amendements nos 33 rectifié ter et 34 rectifié ter sont retirés.
L’amendement n° 377 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy et Savary, Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. A. Marc, Mme Gruny, MM. Menonville et Regnard, Mmes Micouleau, Goy-Chavent et Thomas, MM. Le Rudulier, Bonne, Bouchet et Klinger, Mmes Imbert et Herzog, MM. Longeot, Hingray, Wattebled et Saury, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Bonfanti-Dossat et Dumont, MM. Laménie, Tabarot, Burgoa et Chasseing, Mmes Lassarade et Schalck et M. Segouin, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2213-35 ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-35. – Le maire peut réglementer le fait d’arborer des drapeaux autres que ceux de la République française ou de l’Union européenne lors de la célébration de mariages ou de l’enregistrement de pactes civils de solidarité. »
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. D’ores et déjà, en l’absence de cadre législatif, de nombreuses communes, dont Lille, Strasbourg, Lyon, Nice et Toulouse, ont adopté une charte de bonne conduite que doivent signer les futurs époux et les futurs pacsés lors du dépôt de leur dossier de mariage ou de pacs.
Cette charte de bonne conduite porte sur les retards de plus d’un quart d’heure à la cérémonie, le silence lors de la cérémonie, l’absence de rodéos en ville et l’absence de drapeaux étrangers dans la salle des mariages et dans les abords de l’hôtel de ville, sans que cela pose de problème particulier. En cas de non-respect de cette charte, la cérémonie peut être reportée sine die.
Cet amendement tend à créer un nouveau pouvoir de police permettant aux maires d’interdire les drapeaux étrangers dans les mairies et leurs abords ainsi que lors de commémorations ou de cérémonies célébrées en l’honneur notre belle République.
M. Jérôme Bascher. Excellent !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Notre collègue soulève une difficulté réelle que nous rencontrons dans nos communes et nos départements. Certains mariages entraînent des problèmes de sécurité terribles, car, au-delà des drapeaux, des voitures roulent parfois de manière un peu folle. Dans mon département, il arrive que l’on ne puisse plus rouler sur l’A15 : il ne nous reste alors qu’à attendre que cela se passe…
Les maires peuvent en effet interdire les drapeaux à l’intérieur des mairies par une charte dont la signature est obligatoire préalablement à toute célébration, mais ils ne peuvent les interdire aux alentours, ce qui pose parfois quelques difficultés. Votre proposition me semble tomber à pic, mon cher collègue.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, même si j’entends les problèmes que vous avez rappelés, ceux-ci ne me semblent pas nécessairement découler de la présence de tel ou tel drapeau dans les cérémonies de mariage.
En outre, les restrictions que les autorités de police peuvent édicter pour concilier les exigences de l’ordre public et l’exercice des libertés fondamentales, telles que la liberté d’expression, de réunion ou de circulation, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au risque de trouble à l’ordre public manifeste. Le Conseil d’État a souvent l’occasion de le rappeler dans sa jurisprudence.
Or une interdiction générale et permanente des drapeaux étrangers lors des mariages célébrés dans les mairies, ou bien lors des commémorations, ne serait à notre humble avis ni proportionnée à la sauvegarde de l’ordre public local ni nécessaire. Telle a du moins été l’interprétation du tribunal administratif de Nice, en 2015, lorsqu’il a annulé l’arrêté municipal dit « anti-drapeau sur la voie publique », qui couvrait la durée de la Coupe du monde de football en 2014.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il ne s’agit pas d’une interdiction générale. Cet amendement a pour objet une mesure liée aux mariages, qui s’exercera dans un cadre très précis. Les drapeaux peuvent en effet aussi être exhibés pour célébrer des jumelages ou bien encore lors des matchs de foot. En l’occurrence, le cadre de cette disposition est précisément limité aux mariages.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour explication de vote.
M. Stéphane Le Rudulier. Mme la rapporteure a raison de souligner qu’il s’agit d’une possibilité offerte aux maires et non pas d’une obligation, comme l’a suggéré Mme la ministre.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je peine à comprendre ce type d’amendement, d’autant plus que Mme la rapporteure vient de préciser qu’il ne vaut que pour les mariages. Que sommes-nous donc en train de faire, ce soir ?
Qui plus est, et cela a été précisé, certaines collectivités se sont déjà dotées de chartes qui fonctionnent très bien. Ce sujet ne relève pas de la loi. Mieux vaudrait en rester là.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Monsieur Gontard, je ne sais pas si vous êtes un élu local, mais vous semblez habiter un quartier où tout est idyllique, avec des petits oiseaux et un environnement très calme et très vert ! (M. Guillaume Gontard le confirme.)
Mme la rapporteure, M. Le Rudulier et des élus de tout bord l’ont éprouvé : le problème revient fréquemment lors des célébrations de mariages. Cet amendement est donc justifié.
Monsieur Gontard, vous devez être dans votre bulle !
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je souscris à ce que viennent de dire mes deux collègues. Nous sommes nombreux à avoir été maires dans cet hémicycle. La charte dont il a été fait mention a été l’une des premières que j’ai fait voter quand j’ai été élue maire de secteur à Marseille. Cependant, elle reste du droit mou et est compliquée à mettre en œuvre.
Par son intitulé même, ce projet de loi confortant le respect des principes de la République doit être l’occasion de rappeler que la célébration du mariage par le maire, dans ses fonctions d’officier d’état civil, reste soumise à un certain nombre de règles. Cela vaut d’autant plus que le mariage n’est pas une obligation et que l’on peut très bien vivre libre sans se marier. Il relève du choix de chacun. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Ceux qui font le choix de se marier doivent respecter les règles de la cérémonie.
Monsieur Gontard, j’aurais beaucoup aimé ne pas être confrontée à ces difficultés que vous n’avez manifestement pas rencontrées.
M. Guillaume Gontard. Et alors ?
Mme Valérie Boyer. Cependant, il semble que tous ceux qui se sont exprimés ont eu des problèmes à faire respecter l’ordre public lors des mariages. Dans ma mairie, à Marseille, j’ai dû non seulement faire face à des difficultés importantes, mais le personnel municipal et moi-même avons également essuyé des menaces et des insultes, car ni la police nationale ni la police municipale n’étaient disponibles pour faire respecter les règles.
M. Didier Marie. Il ne faut pas célébrer le mariage dans ces cas-là !
Mme Valérie Boyer. C’est la raison pour laquelle je voterai cet excellent amendement. Je vous invite à faire de même, car il contribue à libérer et à protéger les maires et le personnel municipal. Il entre donc parfaitement dans le champ du projet de loi que nous examinons.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je tiens à rassurer Valérie Boyer : M. Gontard n’est pas dans une bulle et il ne l’a jamais été ! Il a même été maire d’une commune, vous pouvez donc être tranquille.
Monsieur Le Rudulier, je suis élu du même département que vous et je pourrais rencontrer les mêmes problèmes. Je ne dis pas que nous ne les rencontrons pas dans ma commune ou dans les communes avoisinantes, je dis simplement que les possibilités dont nous disposons permettent de les circonscrire.
Si les forces de police ne sont pas disponibles pour intervenir et faire appliquer une charte, elles ne le seront pas plus pour faire appliquer une loi !
Mme Valérie Boyer. Ah si ! Sinon, autant que nous votions des chartes !
M. Guy Benarroche. Madame Boyer, vous connaissez la réalité, tout comme moi !
Encore une fois, ce texte peut d’emblée nous paraître inadapté sur plusieurs points. Or certains d’entre nous ont déposé des amendements qui visent à pilonner des petits oiseaux avec des canons de calibre 250 ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Madame Boyer, nous avons conscience des problèmes qui existent et nous cherchons la meilleure façon de les résoudre. Cependant, vous ne réglerez rien en appelant à créer des lois démesurées, quand des solutions existent déjà que nous pouvons faire appliquer. Croyez-moi, j’y parviens dans ma ville des Bouches-du-Rhône !
Mme Valérie Boyer. Non sans difficultés !
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Le président de la commission des lois me reprendra sans doute, mais il me semblait que, dans la hiérarchie des normes, la loi était un petit peu supérieure aux chartes. (Sourires.)
Mme Valérie Boyer. Oui !
M. Jérôme Bascher. Certaines communes ont établi des chartes. Celles-ci sont plus ou moins respectées et les forces de l’ordre ne peuvent pas nécessairement se mobiliser pour les faire appliquer.
Cependant, Olivier Paccaud et moi-même avons constaté que, dans certaines petites communes de l’Oise, les maires rencontraient exactement les mêmes problèmes, alors qu’ils n’auraient jamais imaginé devoir recourir à des chartes.
Or, je le dis à mes collègues de l’autre côté de l’hémicycle, dans ces communes-là, ceux qui se plaignent de ces problèmes voteront plus volontiers pour le camp de ce sénateur isolé que pour la République. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Fabien Gay s’exclament.)
Ce texte aurait sans doute dû s’intituler « projet de loi pour le respect des principes de la République française ». Pour ma part, je veux lutter pour la République, pour que cette République inclue tous les Français, y compris ceux qui n’en ont pas encore acquis les habitudes, et pour que l’on puisse mobiliser les forces de l’ordre, ici et là, quand il s’agit de faire respecter la loi de la République française. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. De nombreux maires ont vécu des mariages houleux.
M. Jérôme Bascher. Mariages heureux ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est souvent arrivé que des gens, pas très respectueux des règles, commencent à faire du bruit ou lancent des insultes… La célébration d’un mariage est une démarche d’ordre public. Le maire peut donc tout à fait appeler les forces de police et refuser de célébrer le mariage, tant que ce bazar n’a pas cessé.
Cependant, quel est le lien avec la présence d’un drapeau ? Dans le cas d’un mariage entre une Française et un Allemand, au nom de quoi voudriez-vous interdire un drapeau allemand dans la salle des mariages ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier s’offusque.)
Au nom de quoi iriez-vous interdire la présence d’un drapeau dans une cérémonie de mariage ?
Il faut distinguer entre la question du respect de l’ordre public, car, dans nombre d’endroits, la rigueur fait défaut et il faut en effet la restaurer,…
M. Jérôme Bascher. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et celle de la présence d’un drapeau qui, en soi, ne constitue jamais un trouble à l’ordre public.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. L’objet de cet amendement m’étonne : les drapeaux !
S’agit-il cette fois-ci d’interdire aux Algériens et aux Marocains de se marier ? Après leur avoir dit « Ne porte pas ci, ne t’habille pas comme ça, ne va pas ici, tu ne peux pas faire ça, tu ne peux pas manger halal ! », on va maintenant leur interdire le mariage ? Qu’arrivera-t-il encore après ? Ils ne pourront plus assister aux cérémonies ?
Vous exagérez ! Vous osez parler d’« intégration » et d’« acculturation », alors que, dans le même temps, vous rejetez complètement des personnes qui font partie de la Nation et qui sont pour la plupart nées françaises – certes, il y a quelques étrangers, mais ils ne sont pas très nombreux ! Vous attaqueriez donc ces personnes qui sont nées sur le sol français au seul motif qu’elles brandiraient le drapeau algérien lors d’une cérémonie ou lorsqu’elles vont au foot !
Vous voulez empêcher les musulmans de vivre normalement ? Le résultat, c’est que certains d’entre eux finiront salafistes ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Je vois que l’on tourne autour du drapeau comme on tourne autour du pot ! Puisqu’il le faut, je vais faire le sale boulot… (Exclamations.) Le sale boulot, c’est dire la vérité et nommer les choses. Depuis hier, nous revenons de façon récurrente sur cette nécessité de nommer les choses.
Madame Lienemann, pour ma part, je ne vois pas beaucoup de drapeaux allemands !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Moi, ça m’est arrivé !
M. Stéphane Ravier. Peut-être est-ce en raison de la distance qui sépare Marseille de l’Allemagne… J’ai été maire des treizième et quatorzième arrondissements de cette ville et j’ai célébré de nombreux mariages. Or je n’ai jamais rencontré aucun problème lié à la présence de drapeaux italien, espagnol ou portugais, tout simplement parce que je n’en ai jamais vu un seul lors des cérémonies.
Pour être tout à fait sincère, il m’est arrivé de voir quelques drapeaux arméniens, mais toujours associés au drapeau français. En effet, les Français d’origine arménienne sont très attachés à leur pays d’origine et tiennent à transmettre le souvenir de l’histoire tragique que leurs parents ou leurs grands-parents ont vécue.
Mme Esther Benbassa. Les Algériens aussi !
M. Stéphane Ravier. Toutefois, ils sont patriotes et restent Français d’abord.
En revanche, et Mme Benbassa a abordé le sujet, il est vrai que nous avons beaucoup plus de difficultés lorsque, au cours de certains mariages, des drapeaux algériens, tunisiens ou marocains sont arborés. Il ne s’agit pas alors de soutenir une équipe de foot ou d’entretenir le souvenir des origines. Il s’agit en réalité de marquer une volonté de se séparer de la République française. Il s’agit de revendiquer un attachement supérieur, voire unique, à un pays d’origine. Il s’agit aussi parfois d’affirmer un attachement religieux que l’on place au-dessus des lois de la République et de l’attachement à la Nation française.
Telle est la réalité. Il faut oser le dire ! Encore une fois, si nous ne nommons pas les choses, nous ne sortirons jamais des difficultés. C’est le devoir que je me suis fixé dans cette noble assemblée. Je l’ai encore accompli ce soir et j’en suis très fier.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. « La langue de la République est le français.
« L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
« L’hymne national est la “Marseillaise”.
« La devise de la République est “Liberté, Égalité, Fraternité”.
« Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
Ce que je viens de vous dire, je ne l’invente pas : c’est l’article 2 de la Constitution.
La mairie, c’est la maison de la République. Le drapeau, on le brandit comme un signe d’allégeance à la République et à la Nation.
Il n’est pas acceptable que l’on se joue avec légèreté de ces symboles nationaux, même si c’est à l’occasion d’événements heureux.
L’amendement est raisonnable. Il ne vise pas à ce que le maire interdise systématiquement tous les drapeaux ; il vise simplement et justement à ce que le maire ait la possibilité de « réglementer le fait d’arborer des drapeaux, autres que ceux de la République française ou de l’Union européenne ».
Je trouve la rédaction de l’amendement tolérante. Il n’y a donc pas de raison de s’enflammer et je crois que cet amendement doit être adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.
M. Mickaël Vallet. Certains de mes collègues ont déjà souligné à juste titre que seul le trouble à l’ordre public justifiait qu’un maire puisse demander aux personnes de changer de comportement lors de la célébration d’un mariage. Nombre d’entre nous ont été maires et nous aurions toutes sortes d’anecdotes à raconter à ce sujet.
En revanche, je suis très étonné que personne n’ait réagi sur la partie de l’amendement qui prévoit que « le maire peut réglementer le fait d’arborer des drapeaux, autres que ceux de la République française ou de l’Union européenne ». En effet, cette disposition soulève une difficulté, dans la mesure où l’Union européenne est une organisation internationale. Or il en est de même de l’Organisation des Nations unies (ONU) et l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Arborer le drapeau de l’une de ces deux organisations poserait-il alors problème ? En outre, pourquoi le drapeau de l’Union européenne serait-il distingué ou aussi légitime que le drapeau français ?
Cet amendement présente une double incohérence.
D’une part, dans la mesure où il est question d’ordre public, faire un cas particulier des drapeaux algériens ou de certains autres pays reviendrait à distribuer les bons ou les mauvais points, ce qui n’est pas l’objet du texte.
D’autre part, la rédaction de l’amendement n’est pas satisfaisante. M. Philippe Bas a rappelé les symboles de la République. Jusqu’à preuve du contraire, le drapeau de l’Union européenne n’en fait pas partie. Si l’on maintient cette exception, il faudrait ouvrir le champ des possibles et inscrire également les drapeaux d’autres organisations internationales.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Vous faites un procès à des personnes qui participent à l’un des rites majeurs de la République, celui du mariage. Or il n’est pas très logique que ces personnes veuillent se séparer de la Nation française tout en acceptant un rite fondateur de la famille française.
En outre, je suis très attaché à tous ces rites, qu’il s’agisse du baptême républicain – j’ai été baptisé comme beaucoup d’autres personnes de ma génération –, du mariage ou des funérailles républicaines. À cet égard, Jean-Pierre Sueur a proposé dans cet hémicycle d’instituer le rite fondamental des funérailles républicaines.
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Pierre Ouzoulias. Il s’agissait de permettre à nos compatriotes de partir dans l’union avec la République.
Vous avez refusé de voter ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Pierre Ouzoulias. Nous vous le présenterons de nouveau et je ne doute pas que, cette fois, vous l’adopterez. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. J’entends la difficulté que les maires peuvent avoir à célébrer des mariages. Nous y avons tous été confrontés.
Cependant, tel qu’il est rédigé, l’amendement laisse entendre que tous les troubles à l’ordre public s’expliqueraient par le fait d’arborer des drapeaux étrangers. Je ne crois pas que cela soit le cas.
Un autre élément me gêne encore plus : il est écrit que « le maire peut réglementer », c’est-à-dire qu’il a la faculté de le faire, mais que la décision lui revient. Paradoxalement, il me semble que la pression pèsera d’autant plus lourdement sur le maire qu’il aura la latitude de réglementer ou pas en fonction des circonstances.
Je ne suis vraiment pas convaincu que cette précision soit utile.
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il est tout à fait classique d’employer le verbe « pouvoir » dans l’écriture de la loi, dès lors qu’il s’agit des pouvoirs de police.
Par ailleurs, nous sommes nombreux à avoir exercé un mandat d’élu local ou de maire et nous conviendrons tous qu’il y a encore quelques années personne n’arborait de drapeau dans les mariages. Que viennent donc faire les drapeaux dans ces cérémonies qui n’ont rien à voir avec un match de foot ? Bien des gens se sont mariés sans aucun drapeau, quel qu’il soit. Posons-nous donc cette question de fond : pourquoi des drapeaux jaillissent-ils lors des mariages ?
Nombre d’entre nous ont célébré des mariages, ont assisté à ces cérémonies ou même se sont mariés. Personne, je crois, n’aurait eu l’idée de brandir un drapeau à l’une de ces occasions. Alors qu’on ne les voyait pas voilà quelques années, les drapeaux surgissent désormais des voitures. Il n’est pas besoin de vous expliquer comment cela se passe. Pourquoi donc les drapeaux envahissent-ils l’espace public pendant les mariages ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Jérôme Bascher. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. L’examen de cet amendement a fait sauter plusieurs digues. Ainsi, M. Bascher affirme que, à défaut de son adoption, certains électeurs voteront pour l’extrême droite. Par voie de conséquence, ceux qui défendent l’amendement reprennent les propositions de l’extrême droite en niant à ceux de nos compatriotes qui ont des origines étrangères le droit de les célébrer fièrement au moment de leur mariage.
Il n’y a pourtant rien de scandaleux ou d’inacceptable à ce que l’on puisse reconnaître l’existence de cultures différentes lors des cérémonies de mariage, dans un pays comme la France, qui est l’un des plus multiculturels d’Europe…
M. Stéphane Ravier. On voit le résultat !
M. Thomas Dossus. … et où l’on célèbre le plus grand nombre de mariages mixtes en Europe.
Cet amendement est scandaleux et frôle le racisme d’État. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement touche à un problème qui existe et auquel nous avons été confrontés. Cependant, à mon humble avis, la solution proposée n’atteint pas son but.
En effet, il s’agit de mettre fin aux troubles à l’ordre public qui se manifestent lors des mariages. Comme nombre d’entre vous, j’ai été élue locale et j’ai célébré de nombreux mariages. Il est arrivé que les mariés soient très en retard, que la salle municipale soit trop petite, voire que le mariage soit annulé, parce que l’un des deux avait changé d’avis, sans que l’on soit prévenu. J’espère ne pas avoir été la seule à rencontrer ce cas, d’autant que j’y ai été confrontée à deux reprises. (Sourires.)
Il me semble que l’on fait dire beaucoup de choses aux drapeaux dans ce débat. Mme Benbassa considère qu’interdire les drapeaux algériens, tunisiens ou marocains pousse les musulmans à devenir salafistes. Voilà qui est pour le moins excessif et, somme toute, à côté du débat. (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Je ne fais que reprendre vos propres mots, madame la sénatrice.
Pour M. Ravier, celui qui arbore un drapeau autre que français veut forcément se séparer de la République française. L’interprétation est là encore excessive.
Chacun a un avis sur la manière dont il souhaite célébrer son mariage. Certains viennent avec des drapeaux corse, breton ou arménien ; d’autres brandissent des rainbow flags, ces drapeaux arc-en-ciel qui témoignent sans doute du sens que les mariés veulent donner à leur union.
Nos compatriotes sont nombreux à considérer le mariage comme un acte fondateur de la famille, ce qui justifie leur souhait de l’inscrire dans une certaine lignée ou bien de rappeler avec fierté qu’il s’agit d’un mariage mixte, en associant le drapeau français et celui d’un autre pays, qu’il soit italien, portugais, algérien ou autre. Rien de cela ne me choque.
Je ne crois pas qu’il suffise d’interdire les drapeaux pour résoudre les problèmes de troubles à l’ordre public en marge des mariages. Cette interdiction pourrait même avoir l’effet inverse. (M. Guy Benarroche s’exclame.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 377 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
L’amendement n° 153 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Annuellement, chaque commune organise une cérémonie républicaine afin de remettre solennellement leur carte d’électeur aux citoyens devenus majeurs et nouvellement inscrits sur sa liste électorale, ainsi qu’afin de les sensibiliser à la laïcité.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Si nous avons déjà eu de multiples échanges quant à la nécessité de protéger nos mineurs, il est également capital d’accompagner ceux qui atteignent les 18 ans. Dans cette perspective, il nous semble essentiel de sensibiliser les jeunes devenus nouvellement majeurs tant sur la portée des valeurs républicaines, comme la laïcité, que sur l’importance de leur participation au scrutin.
Aussi, cet amendement tend à instaurer une cérémonie républicaine qui se tiendra dans chaque commune, annuellement. Cet événement serait l’occasion de remettre la carte d’électeur aux jeunes citoyens et de leur présenter, avec solennité, les principes de la République à respecter.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Si nous ne sommes pas contre le principe de cet amendement, nous considérons qu’il appartient à chaque collectivité de s’organiser, si elle souhaite une cérémonie pour remettre les cartes d’électeurs.
Dans certaines villes, le dispositif de remise de ces cartes n’est pas simple. Dans les plus grandes, l’envoi se fait automatiquement.
Mieux vaut laisser aux collectivités le soin de s’organiser quant aux cérémonies qui s’adressent aux plus jeunes ou aux plus anciens. Il n’est pas nécessaire d’inscrire cela dans la loi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le code électoral prévoit déjà l’organisation d’une cérémonie de citoyenneté, avec la remise de la carte d’électeur. Peut-être faudrait-il mieux faire connaître l’existence de cette cérémonie, en communiquant davantage sur le sujet, y compris auprès des élus. Nous le faisons pour d’autres cérémonies, comme la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française pour ceux qui acquièrent la nationalité de notre pays.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, qui est satisfait.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je voterai cet amendement, même si je ne l’ai pas cosigné. Son adoption ne changera peut-être pas forcément grand-chose, mais, au regard du taux d’abstention dans notre pays, qui est élevé, particulièrement chez les jeunes, ce genre de cérémonie n’est pas inutile. Gageons que cette pédagogie portera ses fruits pour certains.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne suis pas sûr d’avoir tout à fait compris. Vous nous dites qu’il y aura une cérémonie pour que les jeunes citoyens majeurs se voient remettre leur carte d’électeur.
Dans ma commune, on organise déjà des cérémonies pour les nouveaux habitants, les nouveaux citoyens et les nouveaux électeurs. Reste qu’elles ne sont pas obligatoires : c’est la commune qui décide ou non de les organiser.
Si l’amendement était adopté, on imposerait aux communes d’organiser une cérémonie annuelle pour remettre à ces nouveaux citoyens leur carte d’électeur. Est-ce à dire que, si cette cérémonie n’a pas lieu, ceux-ci ne pourraient pas voter ?
Mme Maryse Carrère. Mais si !
M. Guy Benarroche. Je pose la question.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Bien vu ! (Sourires.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 153 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives aux associations, fondations et fonds de dotation
Article 6
Après l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. – Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :
« 1° À respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
« 2° À ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
« 3° À s’abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public.
« Cette obligation est réputée satisfaite par les associations agréées au titre de l’article 25-1 ainsi que par les associations et fondations reconnues d’utilité publique.
« L’association ou la fondation qui s’engage à respecter les principes résultant du contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit en informe ses membres par tout moyen.
« Lorsque l’objet que poursuit l’association sollicitant l’octroi d’une subvention ou que son activité est illicite, ou que les activités ou modalités selon lesquelles l’association ou la fondation les conduit sont incompatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.
« S’il est établi que l’association bénéficiaire d’une subvention poursuit un objet ou exerce une activité illicite, ou que les activités ou modalités selon lesquelles l’association ou la fondation les conduit sont incompatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède au retrait de cette subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, et enjoint au bénéficiaire de lui restituer, dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter de la décision de retrait, les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
« L’autorité ou l’organisme mentionnés au premier alinéa du présent article qui procède au retrait d’une subvention dans les conditions définies au huitième alinéa communique sa décision au représentant de l’État dans le département du siège de l’association ou de la fondation. Celui-ci en informe, le cas échéant, les autres autorités ou organismes concourant, à sa connaissance, à son financement.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, votre formule, celle d’un contrat d’engagement républicain, est à nos yeux un oxymore.
Permettez-moi de citer Régis Debray : « Nous payons tous à présent, par une indéniable confusion mentale, la confusion intellectuelle entre l’idée de République issue de la Révolution française, et l’idée de démocratie, telle que la modèle l’histoire anglo-saxonne. En République, l’État surplombe la société. En démocratie, la société domine l’État. La première tempère l’antagonisme des intérêts et l’inégalité des conditions par la primauté de la loi ; la seconde les aménage par la voie pragmatique du contrat, de point à point, de gré à gré. »
Depuis quelque temps, la loi devient une norme relative dont le sens dépend des conventions ou des contrats qui la préparent ou la mettent en œuvre. La séparation entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif s’estompe. Il y aurait des principes, d’une part, et des procédures de mise en œuvre de ces principes, d’autre part. Ne seraient intangibles que les principes posés par les lois, tandis que la définition des droits issus de ces principes se résoudrait dans des procédures de négociation.
Comme le dit Alain Supiot, professeur au Collège de France, « la dura lex du droit romain laisse alors la place à la douceur des règles conventionnelles » – la soft law, comme on le dit en bon limousin.
Avec ce contrat d’engagement républicain, madame la ministre, vous ne défendez pas la République : vous la faites reculer.
Mme le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Au moment d’entamer ce nouveau chapitre du projet de loi, je rappelle que celui-ci porte sur les nouvelles règles applicables aux associations, aux fondations et aux fonds de dotation.
J’évoquerai en quelques mots la ligne suivie par la commission.
Celle-ci a approuvé le principe du contrat d’engagement républicain prévu à l’article 6, principe rendu obligatoire pour les associations et les fondations qui sollicitent une subvention publique ou en bénéficient. Sur l’initiative des rapporteurs, nous l’avons enrichi en imposant à ces structures de ne pas remettre en cause le caractère laïque de notre République.
Il faut être très clair : nous refusons que les collectivités publiques financent des organismes qui contestent l’identité constitutionnelle de la France ou mènent des actions contraires à l’ordre public. Nous proposons d’ailleurs une rédaction de compromis sur ce sujet, qui pourrait tous nous satisfaire, mes chers collègues.
Nous sommes ouverts à l’évolution de ce dispositif pour y inclure, par exemple, les organismes agréés par l’Agence du service civique, comme le propose fort justement Hervé Marseille.
La commission a aussi très largement souscrit à l’idée de renforcer le régime de dissolution administrative des associations et des groupements de fait. Cet outil de police administrative a fait ses preuves. Nous avons cherché à mieux encadrer le nouveau pouvoir de suspension de l’activité d’une association sans aucunement nuire à son efficacité : nous y tenons.
Certains, notamment le Haut Conseil à la vie associative, se sont interrogés sur le lien entre les dispositions fiscales relatives aux organismes sans but lucratif qui émettent des reçus fiscaux et les objectifs visés par le texte. La commission a, pour sa part, estimé qu’il était légitime de renforcer les pouvoirs de contrôle de l’administration et que cela permettrait de ne plus allouer de financements publics à des organismes concourant au séparatisme.
Même marginale, cette hypothèse doit être prise en compte. L’article 10 est ainsi en cohérence avec les dispositions de l’article 6, qui prévoit une procédure de retrait des subventions.
Sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, la commission a reporté d’une année l’entrée en vigueur du nouveau dispositif de contrôle de régularité prévu à l’article 10 et l’obligation déclarative créée à l’article 11 pour faciliter la vie des associations.
Enfin, la commission a approuvé le renforcement du contrôle des financements étrangers pour les associations soumises à la loi de 1901 et les fonds de dotation. La tenue d’un état séparé des comptes permettra de mieux identifier dans leur comptabilité les avantages et les ressources en provenance de l’étranger, et de lutter contre les phénomènes d’ingérence qui ciblent notre souveraineté nationale.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Je sors de ma bulle quelques instants, mais je tiens à rassurer certains de mes collègues : eu égard à ce que j’ai entendu jusqu’à présent, je vais vite la réintégrer ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
À titre de propos liminaire sur cet article qui me paraît important, je veux dire que l’on ne peut que regretter toutes les mesures de ce texte qui menacent la loi de 1901 sur la liberté d’association.
Après la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui a fait chuter les dons, après la suppression des contrats aidés, qui a limité l’activité associative, ce projet de loi contrarie encore davantage et de manière funeste l’activité de ces structures, et ce en pleine crise et alors que nombre d’associations luttent pour leur survie.
Le mépris de l’exécutif pour tous les corps intermédiaires de ce pays n’est plus à démontrer. Le contrat d’engagement républicain prévu à cet article représente un insoutenable et odieux corset pour les associations. Cette nouvelle obligation se rapproche beaucoup d’une sorte d’autorisation préalable, très éloignée de l’esprit de la loi de 1901, qui est un texte de portée constitutionnelle, je le rappelle.
L’immense majorité des associations fait vivre les principes et valeurs de la République au quotidien, au travers de leurs actions, de leur mode de fonctionnement, de leur contribution au débat démocratique et de leur rapport à la construction et à l’exercice de la citoyenneté et à la cohésion sociale. Les associations le font au plus près du terrain, au contact des réalités et de leur complexité.
Au début de nos débats, j’ai évoqué le marteau qui chasse la mouche : nous y sommes ! Pour lutter contre quelques associations aux pratiques répréhensibles, le Gouvernement jette l’opprobre et la suspicion sur tout le milieu associatif. Tout cela engendrera une bureaucratie effrayante pour des associations qui ont souvent peu de moyens et peu de temps disponible. Nous connaissons tous cela dans nos petites communes. On voudrait décourager l’engagement associatif que l’on ne s’y prendrait pas autrement…
Cette lourdeur administrative n’est pourtant pas le pire aspect du dispositif : de l’alinéa 5 et la notion extrêmement problématique de menace à l’ordre public à la possibilité de retrait des agréments et des subventions, c’est vers un contrôle politique des associations que l’on s’oriente.
Avec cet article, ce sont toutes les actions de désobéissance civile qui seront désormais menacées, comme celles de tant de ces associations de défense de l’environnement qui œuvrent contre les destructions commises par l’activité humaine.
Demain, un gouvernement autoritariste pourrait invoquer plus largement la menace à l’ordre public pour museler, dans les grandes largeurs, l’opposition démocratique. Encore une fois, nous jouons à un jeu très dangereux, particulièrement avec cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 100 rectifié est présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Féraud et Marie, Mme Meunier, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 305 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 561 rectifié est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié.
M. Jacques-Bernard Magner. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article.
Je ne reviens pas en détail sur le contrat d’engagement républicain. Il répond d’ailleurs à une certaine préoccupation puisque, lorsqu’une association reçoit des subventions émanant d’une collectivité ou de l’État, il est logique que l’on s’assure que celle-ci prenne en contrepartie un certain nombre d’engagements.
Le champ du contrat prévu à l’article 6 nous paraît démesuré par rapport à ce que sont réellement un très grand nombre d’associations.
Bien entendu, pour préparer l’examen de ce texte, nous avons auditionné le mouvement associatif, les grandes associations comme les plus petites et nous avons relevé chez elles une certaine inquiétude. Vous le savez comme moi, le monde associatif rencontre aujourd’hui de nombreuses difficultés, par exemple trouver des dirigeants, notamment pour les associations qui s’occupent des plus jeunes.
Si l’on continue à multiplier les obstacles au développement et à la création des associations, le milieu associatif, auquel on fait souvent référence et dont on dit fréquemment qu’il est le creuset de la vie républicaine dans nos quartiers, nos villages et nos communes, souffrira de plus en plus et finira petit à petit par s’essouffler.
Depuis 2001 existe une charte des engagements réciproques qui, si on la complétait au moyen de dispositions législatives supplémentaires, pourrait parfaitement convenir à la situation. Elle permettrait en effet d’obtenir un engagement des structures qui reçoivent des subventions.
J’ajoute que les associations qui posent problème à notre République ne sont, la plupart du temps, pas celles qui sollicitent des subventions.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 305.
Mme Esther Benbassa. Cet article prévoit d’imposer aux associations et aux fondations non reconnues d’utilité publique de s’engager à respecter les principes figurant dans un contrat d’engagement républicain. Le respect de cet engagement conditionnerait la délivrance ou le maintien de la subvention publique.
En premier lieu, à quoi correspond exactement ce contrat d’engagement républicain ? Les dispositions contractuelles qui y figureront ne sont pas expressément énumérées. Aucune transparence ! Cela représente évidemment un problème pour nous, législateurs, alors que nous devons nous prononcer sur cette mesure.
En second lieu, les associations françaises sont déjà légalement soumises aux principes d’égalité, de liberté et de fraternité. Ces nouvelles dispositions contractuelles dogmatiques et redondantes n’ont pour seul objet que d’affaiblir les petites et moyennes associations, en grande majorité vertueuses et engagées pour le bien commun, par le biais de contraintes administratives supplémentaires.
Enfin, du point de vue symbolique, que signifie ce contrat d’engagement républicain ? Cette mesure n’est ni plus ni moins que la matérialisation d’une logique de défiance vis-à-vis de l’ensemble des associations ; certaines, en particulier, seront désormais soumises aux interprétations arbitraires des dispositions nébuleuses de ce contrat.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoire demande la suppression de cet article.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 561 rectifié.
Mme Céline Brulin. Nous aussi, nous sommes très intrigués, pour ne pas dire plus, par ce contrat d’engagement républicain. Très nombreuses sont les associations qui s’interrogent ou qui contestent ce contrat, parce qu’elles craignent une fragilisation de la liberté associative.
Je ne développerai pas ce point, mais, du point de vue constitutionnel, il y aurait au moins deux raisons sur lesquelles on pourrait s’appuyer pour démontrer qu’il existe un risque : le nécessaire respect du principe de la liberté d’association, celui de la liberté d’entreprendre.
D’un point de vue plus politique, au sens noble du terme, et au vu du contexte actuel, je ne suis vraiment pas sûre qu’il soit opportun que le premier signal envoyé aujourd’hui – pour certains, je l’espère, à leur corps défendant – tende vers une fragilisation de la vie associative ou laisse supposer que les associations n’agiraient pas en vertu des principes républicains.
Nous avons tous en tête le nom d’associations – je ne les énumère pas – qui auraient vraiment de quoi se mettre en colère si l’on doutait sincèrement qu’elles agissent en vertu des principes républicains, dans la mesure où c’est précisément ce qu’elles font au quotidien !
En outre, il existe déjà de nombreux outils. D’abord, les associations sont évidemment tenues de respecter la loi. Ensuite, la charte des engagements réciproques, créée en 2001 et renouvelée en 2014, pose et renforce un certain nombre de principes. Il existe aussi beaucoup d’associations agréées qui, à ce titre, doivent remplir un certain nombre de critères. Enfin, les contrats d’objectifs et de moyens permettent aux collectivités de contractualiser avec certaines associations sur le fondement d’objectifs partagés.
Que faut-il de plus ? Je considère que, dans leur immense majorité, les associations sont nos alliées dans le combat que nous menons pour faire respecter la République et la défendre. Pas des adversaires ! Quand on veut conduire une bataille, on soigne ses alliés et on les fédère au lieu de les stigmatiser et de les suspecter !
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous sommes défavorables à ces amendements, car, comme l’a rappelé le président de la commission des lois, nous approuvons le contrat d’engagement républicain.
Je tiens à répondre à une remarque qui a été formulée. Évidemment, ce contrat n’entravera pas la liberté d’association, mais il empêchera les associations qui ne se conforment pas aux règles de la République ou, en tout cas, qui luttent contre elle de toucher des subventions publiques.
Par ailleurs, et c’est un point important, le texte de la commission précise que le décret ne fera que détailler les modalités d’application de l’article.
Enfin, le contrat d’engagement républicain n’est pas une menace pour les 1,5 million d’associations françaises : c’est au contraire un instrument utile pour faire prévaloir les principes de la République.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Qu’est-ce qui a incité le Gouvernement à créer ce contrat d’engagement républicain ?
D’abord, nous avons suivi un mot d’ordre, que vous connaissez, parce que nous le répétons inlassablement : « Pas un euro d’argent public pour les ennemis de la République. ».
En effet, dans nombre de territoires de notre pays, il a existé et il existe encore des associations qui ne respectent pas les principes de la République, voire qui véhiculent une idéologie séparatiste, et qui touchent malgré tout de l’argent public.
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faut pas les subventionner alors !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous voulons mettre fin à cette réalité.
Notre volonté se fonde sur des demandes émanant d’élus, qui sont d’ailleurs issus de différents groupes politiques.
Il n’est qu’à citer la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, qui a tenté de créer – et c’est tout à son honneur – une charte de la laïcité. Hélas, cette initiative a été attaquée en justice…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Par les Verts !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … et le tribunal a considéré que la charte n’avait aucune valeur. Mme Pécresse n’est donc pas parvenue à aller au bout de son projet.
Je citerai également le maire socialiste de Montpellier, M. Michaël Delafosse, que nous avons rencontré lors d’un déplacement et qui souhaite lui aussi mettre en place une charte dans sa ville, justement pour obtenir des engagements de la part des associations et leur faire comprendre que, dès lors que l’on leur donne de l’argent public, de l’argent des impôts, de l’argent de la collectivité, celles-ci doivent s’engager – cela ne me semble pas infamant ! – à respecter les principes de la République.
Enfin, et c’est un troisième exemple, M. Éric Piolle, maire EELV de Grenoble, s’est aperçu qu’il avait malencontreusement financé le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) pendant un certain temps avec l’argent public de sa ville.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Malencontreusement !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Si le contrat d’engagement républicain avait existé, ce maire aurait pu, plus encore que cesser de financer cette organisation – qui, je le rappelle, a depuis été dissoute en conseil des ministres à la demande du Président de la République et du ministre de l’intérieur –, récupérer l’argent qu’il lui avait versé.
Vous le voyez, certains élus s’engagent dans cette voie, quelles que soient leurs responsabilités – vous les connaissez bien et vous connaissez leurs difficultés, puisque vous êtes le Sénat et que vous représentez les territoires. Nous voulons non seulement aider les élus courageux qui veulent défendre la laïcité et les principes de la République, mais aussi aider malgré eux, si je puis dire, des élus qui subissent des pressions communautaires.
Certains d’entre vous ont évoqué l’existence de chartes. Je vous rappelle la prévalence des lois de la République sur les chartes : une charte ne permet pas de demander le remboursement des subventions qui ont été versées ; elle n’a ni valeur juridique ni force contraignante, ce que les différents litiges en cours entre des élus et certains groupes communautaires montrent bien. Les élus nous disent qu’ils ont besoin de s’appuyer sur une disposition législative, sur un contrat d’engagement républicain qui couvre tout le champ des possibles en matière d’argent public.
Dans mes précédentes fonctions de secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai demandé aux quelque 1 600 associations qui défendent ce principe d’égalité entre les femmes et les hommes et qui reçoivent de l’argent de l’État de ratifier un contrat similaire, que j’ai moi-même souhaité mettre en place, sans que cela pose aucun problème.
D’autres ont mentionné le cas des associations agréées. Nous aurons ce débat ultérieurement, mais je l’indique dès à présent : les associations agréées, sur lesquelles porte l’article 7, seront réputées être d’emblée adhérentes, si je puis dire, à ce contrat d’engagement républicain.
Nous ne soupçonnons donc personne ; il n’est pas question de cela. L’immense majorité des associations, non seulement respectent les principes de la République, mais les promeuvent et les défendent – il est important de le rappeler. Il existe néanmoins une minorité d’associations qui se servent de la loi de 1901 pour la dévoyer et qui sont le faux nez de l’islamisme radical. On ne peut plus ignorer les prétendues associations sportives, les prétendues associations d’aide aux devoirs, les prétendus groupes de parole – je vous renvoie à de nombreuses enquêtes journalistiques et même à des rapports parlementaires – qui, en réalité, propagent une idéologie qui est le terreau du terrorisme. C’est ce qui nous réunit aujourd’hui : trouver les moyens de mieux lutter contre ces associations.
Lorsqu’un élu ou un préfet pense, de bonne foi, financer la pratique du ju-jitsu et se rend compte qu’il finance en fait des individus ou des associations propageant des propos antisémites, obligeant des petites filles à porter le voile ou imposant la prière, il faut arrêter de financer ces structures et demander le remboursement des subventions versées. Là encore, cela ne me semble pas infamant.
L’une d’entre vous a parlé de l’inconstitutionnalité supposée du contrat d’engagement républicain.
Nous avons travaillé très sérieusement sur ce dispositif, pendant plusieurs mois. Nous n’en avons arrêté les contours qu’après que Jacqueline Gourault et moi-même avons mené un certain nombre de consultations auprès des élus et après que Sarah El Haïry et moi-même avons rencontré les associations.
Par ailleurs, le Conseil d’État a émis un avis positif sur ce contrat d’engagement républicain. Il considère en effet que les dispositions du projet de loi ne méconnaissent pas le principe de la libre administration des collectivités territoriales, dont il appartient au législateur de fixer les conditions et pour l’énoncé desquels il dispose d’une marge d’appréciation. En outre, ce dispositif n’affecte pas davantage la liberté d’association. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil d’État !
Pour être encore plus précise, le principe de liberté d’association n’oblige pas à subventionner une association : c’est un choix qui appartient aux organisations, aux collectivités, à l’État central ou déconcentré, en fonction de leurs orientations.
Entre ne pas subventionner une association et la dissoudre, il existe une marge énorme : il n’y a là aucune atteinte à la liberté d’association. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Chacun peut s’organiser comme il le souhaite et il n’y a aucune obligation de financer, avec l’argent des impôts, avec l’argent public, des organisations qui ne respectent pas les principes de la République.
Pour terminer, j’indique que, contrairement à ce que j’ai pu entendre, ces principes ne sont pas flous ou tangents, ils sont au contraire clairement définis. D’ailleurs, le président de la commission des lois les a rappelés à l’instant. L’activisme, par exemple, n’est nullement visé : une association peut évidemment être écologiste ou féministe et être subventionnée, si elle en fait la demande et si les responsables publics ont décidé de lui accorder une aide.
M. Guy Benarroche. Heureusement !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je le précise pour ceux qui soutenaient que l’on ne pourrait plus être activiste. Bien sûr que si ! Cela n’a rien à voir. Le contrat d’engagement républicain ne pose aucun problème en la matière.
Enfin, il a été question des contrats aidés. Avec le dispositif « 1 jeune, 1 solution », le Gouvernement a considérablement relancé les emplois aidés. Mesdames, messieurs les sénateurs, si certains d’entre vous ont connaissance d’associations qui recherchent des emplois aidés et veulent s’inscrire dans ce dispositif, je suis évidemment à leur disposition pour les mettre en relation.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très frappé par la confusion qui règne ici. Nous posons toujours la même question : à quoi sert ce texte ?
Mme Esther Benbassa. Bonne question !
M. Jean-Pierre Sueur. Il est pourtant évident que les règles de la République s’imposent à tous les Français et à toutes celles et à tous ceux qui vivent en France. Point ! Les règles de la République s’imposent donc à toutes les associations en vertu de la Constitution de la République française. Point ! Nous n’avons pas besoin de contrats.
Si ces règles sont méconnues, il existe déjà de nombreuses dispositions dans les différents codes pour y répondre.
Alors, à quoi sert ce texte ?
Madame la ministre, vous nous dites qu’il arrive parfois que l’on finance des associations qui mènent des actions très condamnables. Que ces associations aient signé un papier ou pas, il revient aux élus de décider de les subventionner ou non ! Dans les exemples que vous avez donnés, la situation paraît très simple : si les élus ont connaissance de ces faits, ils peuvent décider de ne pas subventionner ces associations.
Je pense aux sénateurs et aux députés qui ont fait ce monument qu’est la loi de 1901 : ces parlementaires ne savaient pas quand ils l’ont votée que, 119 ans plus tard, elle s’appliquerait à 1,3 million d’associations.
J’ai le plus grand respect pour Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD Quart Monde, ainsi que pour Geneviève de Gaulle-Anthonioz qui, après avoir été déportée, est devenue présidente de l’Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance et s’est mise à parler de la misère et à agir. Il s’agit de deux très grandes figures. Madame la ministre, vous voyez-vous demander à Mme de Gaulle-Anthonioz et au père Wresinski s’ils ont bien signé leur contrat d’engagement républicain,…
M. Jean-Pierre Sueur. … alors que ce sont eux qui ont des leçons de République à nous donner ? L’enjeu, ce n’est pas ce papier !
Les associations doivent être respectées, la République doit être respectée. Voilà la vérité ! On n’a pas besoin dans ce pays d’une procédure qui ajoute de la défiance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je remercie Jean-Pierre Sueur d’avoir rappelé que les règles de la République s’appliquaient à tous les Français. Il est vrai que l’on a parfois un peu trop tendance à l’oublier avec ce texte.
Mme la ministre voudrait nous faire croire que ce texte vise à aider les élus. Je signale à tous mes collègues, en particulier à ceux de la majorité sénatoriale, toujours si prompts à défendre les collectivités locales et à dénoncer toutes les contraintes supplémentaires que la loi leur impose, que c’est exactement ce à quoi tend cet article : au lieu d’offrir aux collectivités et aux autorités administratives un levier d’action contre les séparatismes, il crée de nouvelles obligations. En effet, dans sa rédaction actuelle, il s’agit d’une forme d’injonction qui permettrait à l’État de poursuivre une collectivité qui n’aurait pas refusé une subvention ou procédé au retrait de celle-ci si une association ne respectait pas le contrat d’engagement républicain.
Je rappelle d’ailleurs encore une fois que le cadre de ce contrat doit être défini par un décret – on renvoie donc bien à un décret dont on ne connaît pas par avance le contenu – et concerne des sujets dont l’interprétation est extrêmement délicate au point qu’elle est d’ailleurs aujourd’hui confiée aux tribunaux.
Outil de dialogue respectueux des apports et pratiques de chacune des parties, la charte des engagements réciproques, signée en 2014 entre l’État, les représentants des collectivités territoriales et les acteurs associatifs, aurait pu ou, en tout cas, aurait dû être le cadre concret des engagements et des responsabilités. Au lieu de cela, on vient jeter la suspicion sur l’ensemble du monde associatif, voire créer un cadre juridique pour contrôler ses actions.
Le tissu de la vie associative ne peut s’épanouir que si l’État respecte la liberté d’association, mais aussi les libertés d’expression et d’opinion.
Les associations constituent le premier des remparts contre le communautarisme. Elles sont les lieux où se vivent et se pratiquent les règles de la vie en société, les lieux où se fabriquent les « communs » : il existe donc d’autres chemins pour atteindre les objectifs – que nous partageons – d’une République unie autour de ses principes, des principes vivant par la volonté de tous et de toutes.
Ce soir, le Sénat ne peut décemment pas maintenir cet article.
Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. À écouter certains collègues, j’ai l’impression qu’une certaine confusion s’est installée. On l’a d’ailleurs entendu lors de la présentation des amendements de suppression de l’article 6.
Le groupe Union Centriste est bien entendu profondément attaché à la liberté d’association. Nous ne pensons pas que celle-ci soit remise en cause par cet article, contrairement à ce que certains affirment. Pas du tout ! La liberté d’association est respectée dans notre pays, mais il est clair – et le groupe Union Centriste y est particulièrement sensible – que, dès lors que de l’argent public est en jeu, il faut qu’un certain nombre de garanties soient prises pour éviter les dérives.
Si, comme l’a dit M. Sueur, un certain nombre de dispositifs existent, on peut néanmoins constater un certain nombre de dérives sur notre territoire. Il convient donc que tout le monde respecte l’ensemble des principes de la République que nous avons édictés.
Le contrat d’engagement républicain me semble aller tout à fait dans le bon sens, puisqu’il permettra que les associations prennent des engagements en faveur de la mise en œuvre des valeurs de la République.
Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Loin de clarifier les choses, l’article 6 – s’il est maintenu – les compliquera considérablement. D’abord, il repose sur une mauvaise appréciation de ce que les associations souhaitent. Ensuite, celles-ci sont mal à l’aise avec l’obligation nouvelle qui leur est faite.
Quand ils versent des subventions, l’État comme les collectivités doivent savoir pourquoi ils le font et doivent vérifier, d’une manière ou d’une autre, que ces associations respectent bien les règles de droit qui ont été rappelées tout à l’heure. Ce n’est pas parce qu’il y aura une signature au bas d’une feuille intitulée « contrat d’engagement républicain » que tous les problèmes seront réglés. À mon avis, il est tout à fait illusoire de l’imaginer.
Le foisonnement associatif, dont nous avons beaucoup parlé, témoigne d’abord d’un foisonnement d’initiatives. On ne crée pas une association pour aller chercher des subventions : on le fait pour un motif précis, pour des ambitions relevant de la citoyenneté. Ensuite, on obtient des subventions de la collectivité, parce que l’on assure une mission relevant, d’une certaine manière, du service public.
Quant à la charte des engagements réciproques, elle concerne aussi bien l’association que la collectivité : moyennant l’attribution de financements, la première est tenue d’assumer une mission précise, c’est-à-dire de rendre un service au sein de la seconde – ou du département s’il s’agit d’une association départementale.
Mes chers collègues, un élu local ou un militant associatif ou syndical a du mal à comprendre que ce gouvernement veuille aujourd’hui brider toutes ces initiatives. Or c’est bien ce que ressentent les associations !
Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Mes chers collègues, en tant que sénateur de l’Hérault, je rappelle que mon ami Michaël Delafosse a mis en œuvre à Montpellier un document demandant aux associations de s’engager pour les principes républicains et la laïcité.
On ne saurait accuser Michaël Delafosse de sectarisme, pas plus que son équipe municipale ! Il est, au contraire, profondément humaniste. Je le connais depuis très longtemps : il n’est pas dans ses habitudes de s’engager dans de tels chemins.
Puisque nous sommes au Sénat, je citerai également Gérard Delfau, que les plus anciens ici ont connu : il a été sénateur de l’Hérault pendant plus de vingt ans. Interrogé sur ce sujet, il a déclaré : « Tout texte officiel concourant à la laïcité doit être pensé et destiné à l’ensemble des appareils religieux. La très grande majorité des croyants français se conforment aux lois de la République, mais il y a des dérives, et ces dérives il faut les contenir. Il faut traiter cela, mais il faut le faire en disant que ce n’est en aucun cas une volonté de discriminer, mais plutôt que tout le monde doit être à égalité. »
À mes yeux, ce sont là des paroles sages : elles vont dans le sens de l’article 6, que, pour ma part, je voterai !
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Bis repetita placent ! (Sourires.) À plusieurs reprises, y compris en commission des lois – j’en ai été témoin ! –, Jean-Pierre Sueur a parfaitement décrit les limites de l’article 6, tel que vous voulez le mettre en œuvre.
Madame la ministre, dans votre argumentaire, qui – je dois le dire – est un peu nébuleux, vous faites appel aux associations. Permettez-moi de vous rappeler la position du Haut Conseil à la vie associative (HCVA). Saisie du présent texte, cette instance rappelle qu’en vertu de son préambule la charte des engagements réciproques, signée entre l’État, les associations d’élus de collectivités territoriales et le mouvement associatif, est « un acte solennel, fondé sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ».
Parmi les principes partagés figurent la non-discrimination des personnes, la promotion de l’égalité de la participation des femmes et des hommes dans la gouvernance et l’équilibre entre les générations et entre les milieux socioculturels dans l’exercice des responsabilités. Ainsi, cette charte répond largement aux questions pointées par le contrat d’engagement républicain.
En conséquence, le mouvement associatif s’interroge : vous décidez sans aucune concertation avec lui, selon une procédure verticale. Au lieu de proposer, vous imposez un contrat d’engagement républicain qui, pour l’instant, n’a fait l’objet d’aucune discussion supplémentaire. Il serait régi par un décret dont nous n’avons pas connaissance à ce stade.
Pourquoi, en dernière limite, ce contrat ne s’inscrirait-il pas dans le cadre de la charte des engagements réciproques – c’est la demande du mouvement associatif –, sous réserve de son contenu, dont, à ce stade, nous n’avons pas connaissance non plus !
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, alors que j’étais jeune fonctionnaire, un préfet m’a dit : « Cher monsieur, l’application de la loi, c’est la première étape de la négociation. » En tant que républicain, j’avais trouvé la formule curieuse et, ce soir, j’ai l’impression de l’entendre à nouveau.
Faute de pouvoir faire appliquer la loi, on lui superpose un contrat. Or vous ne nous dites pas comment vous imposerez aux collectivités territoriales de vérifier sa mise en œuvre. Demain, vous nous proposerez peut-être une charte pour avoir l’assurance que les collectivités respectent le contrat leur permettant de respecter la loi. On peut continuer ainsi à l’infini ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Pouvez-vous nous dire exactement ce que contiendra ce décret ? Qui assurera l’expertise et la vérification de la mise en œuvre de ces contrats ?
Par ailleurs, je regrette que vous ne m’ayez pas répondu au sujet de l’association communautariste Civitas, dont le but est de renverser la République. Ses statuts, déposés dans le Val-d’Oise, indiquent comme objet « la défense de la renaissance nationale ». Dans ma culture personnelle, cette expression a un sens bien particulier !
Aujourd’hui, cette association perçoit de l’argent public par le biais du crédit d’impôt, mais elle ne reçoit pas de subventions : elle n’est donc pas visée par votre article. Nous sommes face à un cas d’espèce : il s’agit d’une association antirépublicaine et communautariste, que vous aimeriez bien dissoudre – du moins, je l’espère ! –, mais qui passera totalement à travers les mailles de l’article 6 !
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Cet article nous paraît bel et bien ubuesque !
Les lois de la République s’appliquent à toutes et tous, qu’il s’agisse des personnes ou, évidemment, des associations. Cela a été rappelé : notre pays dénombre un peu plus de 1,5 million d’associations. C’est le fruit de la loi de 1901 : il est extrêmement facile de fonder une association en déposant des statuts en préfecture. Chacun le reconnaîtra, ce foisonnement d’associations est un bien commun que nous devons protéger.
Cela étant, je rejoins la préoccupation des défenseurs des droits. En vertu de l’article 6, on ne demanderait plus simplement aux associations de ne pas commettre d’infraction : elles devraient s’engager positivement et explicitement, dans leur finalité comme dans leur organisation, en faveur de principes déterminés par la puissance publique. Avec de telles dispositions, on risque de dénaturer en partie le statut des associations, qui sont des tiers essentiels entre le citoyen et la puissance publique.
Nous sommes donc face à une véritable question : nous devons avoir conscience que l’on risque d’attenter à la loi de 1901.
Enfin, madame la ministre, je vous livre mon sentiment : celles et ceux qui n’ont pas l’intention de respecter les lois de la République signeront votre contrat d’engagement républicain sans problème ! Leur but sera, d’abord, de toucher la subvention.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Fabien Gay. C’est cela, la réalité !
Un certain nombre d’orateurs vous ont posé la question : comment donner aux élus les moyens de faire respecter cet engagement ?
À mon sens, il faut faire confiance aux élus : ils donnent les subventions en connaissance de cause, car ils connaissent leur territoire et son tissu associatif.
Demain, en tant que conseiller municipal, je devrai me prononcer sur le budget de ma ville. Je suis dans l’opposition. Évidemment, le maire nous proposera de voter des subventions à de nombreuses associations ; au sein du conseil municipal, nous les connaissons toutes.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Madame la ministre, une association subventionnée qui aide des migrants, des demandeurs d’asile, contrevient-elle à ce contrat ? Qu’en est-il d’une association qui s’opposerait à la construction d’un barrage ou, plus largement, d’une association critique, se battant contre telle ou telle décision du Gouvernement ?
Faute de savoir ce qu’il y aura dans ce contrat, on peut fantasmer et imaginer que toutes les associations pourraient être sanctionnées et privées de subventions. Pourriez-vous nous fournir quelques explications, afin que l’on comprenne quels seront les droits et devoirs des associations lorsqu’elles signeront ce contrat ?
Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Nous sommes tous d’accord pour considérer la loi de 1901 comme l’une des plus belles lois nées dans notre République. Nous sommes tous conscients de l’importance des associations, qu’elle a créées : elles sont un véritable ciment social.
Aujourd’hui, les associations sont l’un des derniers endroits où l’on conserve un peu de mixité sociale – ainsi, un club de football réunit des personnes venant de tous les univers. Évidemment, on a plus que besoin de ces associations. Il faut les protéger. Il faut les aider.
La République a donné naissance aux associations ; la République a donné naissance à la citoyenneté. J’ai entendu Esther Benbassa prononcer les mots « droits » et « devoirs ». La citoyenneté offre l’exercice de certains droits, mais elle impose aussi certains devoirs.
Ce contrat d’engagement républicain impliquera bien des devoirs pour certaines associations – pas toutes : seules celles qui sollicitent l’octroi d’une subvention sont concernées. Un certain nombre d’associations sont donc exclues d’emblée de cette problématique.
Ensuite, notre collègue centriste l’a souligné avec raison : dès lors que de l’argent public est donné, il n’est pas illogique d’assurer un minimum de contrôle. Il n’est surtout pas illogique que l’association qui en est bénéficiaire ait une attitude compatible avec les principes de la République, puisque c’est la République qui accorde cette aide. C’est la raison pour laquelle l’article 6 me paraît le bienvenu.
Enfin, j’insisterai sur le rôle citoyen et pédagogique des associations. Avant, dans le monde associatif, les adultes qui s’occupaient des jeunes étaient appelés entraîneurs ; maintenant, on parle plus souvent d’éducateurs. Ils éduquent ; ils transmettent des valeurs, parmi lesquelles il peut y avoir la fraternité, la liberté et l’égalité. Ils sont très bien placés pour faire passer ces valeurs.
Je relis l’alinéa 7 cet article : l’association « qui s’engage à respecter les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain…
Mme le président. Merci, mon cher collègue !
M. Olivier Paccaud. … […] en informe ses membres par tout moyen »…
Mme le président. Merci, mon cher collègue ! Je pense que nous sommes tous éclairés.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, on a mentionné ATD Quart Monde. Je le dis et je le répète, il s’agit d’une association agréée. Nous en parlerons lors de l’examen de l’article 7 – peut-être pas ce soir, mais en tout cas prochainement. (Sourires.) En tout cas, il semble établi que les associations agréées sont réputées signataires du contrat d’engagement républicain. Nous ne leur demanderons donc pas d’y souscrire explicitement.
Monsieur Sueur, selon vous, j’irai, avec mon petit papier, voir les personnalités dirigeant les grandes associations. Non, il ne s’agit pas de cela ! Il s’agit de ce que demande la République, tout simplement.
Nous aiderons les représentants de l’État et les élus à mettre en œuvre ces contrats. Ce n’est pas une action personnelle, ad hominem !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la Constitution !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je vous remercie de m’expliquer la Constitution après m’avoir expliqué la manière dont je devais m’adresser aux associations ! Il se trouve qu’en tant que ministre de la République je suis fondée à proposer un contrat d’engagement républicain et à soumettre aux assemblées des textes. Vous les voterez ou vous ne les voterez pas : c’est la souveraineté du Parlement.
Quoi qu’il en soit, la République, que je représente et que nous représentons tous à notre manière ici, est tout à fait en droit de demander aux associations à qui elle accorde de l’argent public de s’engager sur l’usage qu’elles en font.
Le discours qui vise à opposer le politique à l’associatif, avec, d’un côté, des associations par essence pures, si bien que l’on n’aurait absolument aucun compte à leur demander, et, de l’autre, des responsables politiques nécessairement mal intentionnés, qui voudraient contraindre les associations, les faire taire et leur forcer la main, est à mon sens délétère. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Fabien Gay. Personne n’a dit cela !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Vous êtes nombreux ici à avoir exercé des responsabilités associatives. Moi-même, j’ai fondé des associations. J’ai présidé une association pendant dix ans ; c’est d’ailleurs ce qui m’a conduite à la vie politique. Je n’ai jamais demandé un seul euro d’argent public. En revanche, j’ai toujours rendu des comptes sur le budget de cette structure et je n’en tire ni gloire ni honte !
Je vous fais part d’un simple constat : monter le monde politique contre le monde associatif me semble délétère ! Certains d’entre vous se sont faits les porte-parole du monde associatif. Contrairement à ce que certains orateurs ont avancé, nous avons consulté ses représentants. Cette consultation a été menée en toute transparence, avec mes collègues Jacqueline Gourault et Sarah El Haïry, mais aussi avec les élus !
Certains ont répété qu’il y aurait, d’un côté, les associations et, de l’autre, les élus, en ajoutant que les élus ne seraient pas d’accord : c’est faux ! Des consultations ont été menées avec Jacqueline Gourault, ministre chargée des relations avec les collectivités territoriales, et l’Association des maires de France (AMF).
Or l’AMF, qui, comme son nom l’indique, représente les maires de France, nous a fait savoir qu’elle plébiscitait ce contrat d’engagement républicain. Selon elle, ce document sera utile pour aider les maires.
Si c’était si facile que cela, si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, tous les élus des différents bords politiques que j’ai mentionnés auraient réussi à imposer leur propre contrat d’engagement républicain. On ne serait pas en peine aujourd’hui, par exemple pour récupérer l’argent public versé au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) !
Monsieur Benarroche, la charte des engagements réciproques est peut-être un acte solennel, mais elle n’a pas pour autant valeur de loi. Bien sûr, c’est une très belle charte : elle doit continuer de vivre, car elle énonce un certain nombre de principes et d’engagements réciproques. Pour autant, la solennité d’un acte ne suffit pas à garantir sa valeur juridique : sinon, autant cesser tout de suite de débattre, rentrons dormir et arrêtons de faire des lois ! (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et GEST.)
Croire qu’il suffirait de dire que c’est un acte solennel pour qu’il ait une valeur contraignante, cela s’appelle de la pensée magique ! Or la pensée magique n’aide pas à lutter contre l’islamisme.
Quant au contrat d’engagement républicain, il ne va pas de substituer à la charte : il s’agit d’un outil supplémentaire. À cet égard, les consultations ont permis des avancées – par exemple, le fait que les associations agréées soient réputées signataires. Il s’agit d’une demande du mouvement associatif lui-même à laquelle nous avons accédé.
L’Assemblée nationale a apporté des améliorations, ainsi que la commission des lois du Sénat. Je ne doute pas que, dans cet hémicycle, les sénatrices et les sénateurs continueront, sur toutes les travées, à améliorer le contrat d’engagement républicain pour qu’il recueille in fine du consensus le plus large.
Madame Benbassa, les associations qui aident les migrants et les réfugiés ne contreviennent évidemment pas aux principes de la République : certaines d’entre elles sont d’ailleurs subventionnées. C’est tout à fait normal et nous continuerons à le faire, car c’est l’honneur de la France. Je pense au Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), à France Fraternité et à de nombreuses autres associations encore.
Vous évoquez également les associations qui critiquent le Gouvernement : il ne vous aura pas échappé que les exemples sont légion… (Rires sur les travées du groupe CRCE.) Ces associations critiquent le Gouvernement tout en conservant leurs subventions ! J’apporte cette modeste contribution au débat.
Bien entendu, critiquer le Gouvernement, ce n’est pas être antirépublicain : c’est simplement exercer sa liberté d’expression. Il n’a donc jamais été question de couper les subventions sur ce motif.
Enfin, monsieur Ouzoulias, vous me demandez comment nous contrôlerons l’efficacité et l’efficience du contrat d’engagement républicain. Les préfets d’aujourd’hui pourront vous éclairer en vous détaillant leur action dans le cadre des cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR), que nous avons mises en place voilà plus d’un an et demi. Dans ce cadre, les préfets sont souvent accompagnés des procureurs de la République.
Dans tous les départements, les CLIR passent au peigne fin les dossiers qui ont donné lieu à des alertes : c’est grâce au travail de ces cellules que nous avons fait fermer, depuis 2018, 533 établissements qui s’étaient révélés être des foyers de séparatisme, qu’il s’agisse de commerces, de débits de boisson ou – je le déplore –, parfois, d’associations, dont certaines étaient subventionnées !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 rectifié, 305 et 561 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 74 amendements au cours de la journée ; il en reste 501.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 1er avril 2021 :
À dix heures trente :
Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (texte de la commission n° 481, 2020-2021) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement (texte de la commission n° 442, 2020-2021) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (texte de la commission n° 424, 2020-2021).
À quinze heures :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre ;
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (texte n° 461, 2020-2021) ;
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 1er avril 2021, à une heure cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER