Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier.
2. Hommage aux professionnels de santé
3. Questions d’actualité au gouvernement
Mme Éliane Assassi ; M. Jean Castex, Premier ministre.
impact du plan de relance dans les régions
M. Georges Patient ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
M. Patrick Kanner ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.
gestion des déchets par les collectivités
M. André Guiol ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
réforme du capes de langue corse
M. Paul Toussaint Parigi ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
guichet unique du spectacle occasionnel
Mme Vanina Paoli-Gagin ; Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture.
M. Bruno Retailleau ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Bruno Retailleau.
remise du rapport sur la dette publique
M. Vincent Delahaye ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Vincent Delahaye.
lutte contre les violences urbaines
M. Olivier Paccaud ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Olivier Paccaud.
Mme Laurence Rossignol ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Laurence Rossignol.
M. Daniel Gremillet ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Daniel Gremillet.
covid et secteur de l’événementiel
M. Vincent Capo-Canellas ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
incendies de centres de données
M. Patrick Chaize ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
M. Jean-Michel Houllegatte ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Jean-Michel Houllegatte.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam ; M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
impacts de la crise sanitaire sur les grands événements sportifs à venir en france
M. Philippe Folliot ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; M. Philippe Folliot.
avenir de l’usine psa de trémery
M. Jean Louis Masson ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Jean Louis Masson.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
4. Communication d’un avis sur un projet de nomination
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
6. Conventions internationales. – Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
7. Sécurité globale. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Article additionnel après l’article 5
Amendement n° 162 rectifié ter de M. Christian Bilhac. – Retrait.
Amendement n° 314 rectifié de M. Alain Richard. – Rejet.
Amendement n° 333 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 316 rectifié de M. Alain Richard. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 265 rectifié de M. Jérôme Durain. – Retrait.
Amendement n° 356 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 6 bis A
Amendement n° 266 rectifié bis de M. Jérôme Durain. – Adoption.
Amendement n° 267 rectifié de M. Jérôme Durain. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 268 rectifié bis de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 324 rectifié de M. Alain Richard. – Rejet.
Amendement n° 269 rectifié de M. Jérôme Durain. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 286 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 6 quater B
Amendement n° 288 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 143 rectifié bis de M. Guy Benarroche. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 6 quater
Amendement n° 34 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Rectification.
Amendement n° 235 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article 6 quinquies – Adoption.
Articles additionnels après l’article 6 quinquies
Amendement n° 334 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 19 rectifié bis de M. Michel Canevet. – Retrait.
Amendement n° 30 rectifié de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 153 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 120 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.
Article additionnel avant l’article 7
Amendement n° 97 rectifié bis de M. Étienne Blanc. – Rejet.
Amendement n° 147 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 270 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 226 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 74 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 214 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 271 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 272 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 273 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 274 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Amendement n° 351 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 193 rectifié de M. Serge Babary. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 198 rectifié de M. Didier Marie. – Retrait.
Amendement n° 335 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 51 rectifié de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Rejet.
Amendement n° 109 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 76 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 368 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 275 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 199 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 203 rectifié bis de M. Dany Wattebled. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 11 ter
Amendement n° 191 rectifié de M. Serge Babary. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 78 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 14
Amendements identiques nos 100 de M. Julien Bargeton et 285 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenus sans objet.
Amendement n° 254 rectifié ter de M. Pascal Allizard. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 18
Article additionnel après l’article 19
Amendement n° 369 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
8. Mise au point au sujet d’un vote
9. Sécurité globale. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Adoption de l’article.
Amendement n° 325 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 192 rectifié de M. Serge Babary. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 19 quater
Amendement n° 215 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 292 rectifié ter de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 217 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 279 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 19 quinquies
Amendement n° 310 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 125 rectifié de M. Vincent Capo-Canellas. – Retrait.
Amendement n° 126 rectifié de M. Vincent Capo-Canellas. – Retrait.
Amendement n° 358 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 300 rectifié ter de M. Dany Wattebled. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 20
Amendement n° 341 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 338 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 371 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 173 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Devenu sans objet.
Amendement n° 345 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 20 bis A
Amendement n° 5 rectifié de M. Philippe Folliot. – Rejet.
Amendement n° 21 rectifié octies de Mme Sylviane Noël. – Retrait.
Amendement n° 20 rectifié nonies de Mme Sylviane Noël. – Retrait.
Amendement n° 346 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 360 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 295 rectifié bis de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 110 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 245 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 114 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 372 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 174 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Amendement n° 361 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 21
Amendement n° 248 de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Amendement n° 231 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 348 du Gouvernement. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Loïc Hervé,
Mme Marie Mercier.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage aux professionnels de santé
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un an, notre pays basculait dans une ère inédite : il était confiné et faisait face à la pandémie.
Je voudrais aujourd’hui exprimer la reconnaissance du Sénat à tout le personnel soignant, qui s’est engagé totalement au service de nos compatriotes, et qui continue de le faire. (Vifs applaudissements sur toutes les travées. – Mmes et MM. les membres du Gouvernement applaudissent également.)
Certains l’ont d’ailleurs payé de leur vie. L’implication et le dévouement des professionnels de santé sont exemplaires et nous permettront, je l’espère, d’éviter le pire. En notre nom à tous, je veux leur rendre hommage.
Hélas, cette épreuve n’est pas terminée ! Cela renforce encore le sens de cet hommage du Sénat : au-delà du personnel soignant, il s’adresse aux femmes et aux hommes qui, travailleurs de la première ligne, ont assuré l’essentiel dans des moments particulièrement difficiles. C’est grâce à eux que le pays a tenu et qu’il tient encore. C’est grâce à eux que nous continuerons de faire face, forts de nos valeurs de solidarité.
Comment ne pas penser à tous nos concitoyens qui ont été victimes de l’épidémie ? Comment ne pas penser à la douleur de leurs proches, à la souffrance de ceux qui n’ont pu entrer en contact avec eux, à ceux qui portent aujourd’hui les stigmates de cette maladie ?
Je vous propose donc, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, d’observer un moment de silence, de recueillement et, surtout, de solidarité. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et observent une minute de silence.)
3
Questions d’actualité au gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun de vous, mes chers collègues, sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.
crise sanitaire
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, depuis un an jour pour jour, pour faire face à la pandémie, la France va de confinement en couvre-feu et de couvre-feu en confinement.
Notre peuple souffre, et la maladie frappe, avec plus de 91 000 morts et des milliers de personnes hospitalisées. Elle frappe socialement : la barre des 10 millions de pauvres a été franchie. Elle frappe psychologiquement, particulièrement notre jeunesse.
Ce matin, le conseil de défense a décidé de nouvelles mesures. Elles devront être à la hauteur de la nouvelle dégradation de la situation dans nos hôpitaux.
En Île-de-France comme dans de nombreuses autres régions, la situation dans les services de réanimation est dramatique, car il n’y a plus de lits pour accueillir des patients en phase critique. Des malades sont transférés, mais les médecins préviennent que la vague est trop forte et que les transferts annoncés ne suffiront pas à l’endiguer.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi n’avez-vous pas ouvert de lits de réanimation ?
Vous aviez déclaré péremptoirement : « Il ne suffit pas d’acheter des lits chez Ikea pour ouvrir des places en réa. »
Mme Éliane Assassi. Hier soir, vous affirmiez encore : « On ne peut pas créer des lits de réanimation supplémentaires d’un claquement de doigts. »
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, le temps ne s’est pas suspendu pendant un an. Avec d’autres, nous demandons depuis mars 2020 un changement radical de politique de santé publique, rompant avec la loi de marché.
Le 27 août dernier, M. le ministre de la santé annonçait : « Si la situation le nécessite, 12 000 lits de réanimation pourront être disponibles. » Où sont-ils, ces lits, monsieur le Premier ministre ?
Notre peuple est las de ces vaines promesses. Il constate l’affaiblissement de notre système de santé publique et la perte de notre souveraineté sanitaire, puisque nous n’avons pas encore produit notre vaccin.
Masques et tests, puis lits et vaccins : notre destin nous échappe, monsieur le Premier ministre.
Aussi, quels choix allez-vous effectuer pour ouvrir en urgence, dans les jours à venir, des lits de réanimation ? Allez-vous prendre des dispositions pour sortir les vaccins de la logique du marché, en levant les brevets, et pour accélérer considérablement la réalisation et la production d’un vaccin français ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Permettez-moi avant tout, monsieur le président, de vous remercier, au nom du Gouvernement, de l’hommage que vous avez bien voulu rendre en cette date anniversaire au personnel soignant, qui a tant donné pour notre pays et qui donne tant encore.
Ces hommes et ces femmes sont en première ligne, ils sont fatigués ; pour autant, comme je peux le constater très régulièrement, en me rendant aussi souvent que possible auprès d’eux dans les établissements de santé, ils sont toujours là et ne désarment pas !
Madame la sénatrice, vous me posez une question qui revient régulièrement, au sujet des lits de réanimation. J’ai déjà eu l’occasion d’y répondre plusieurs fois ; la répétition étant à la base de la pédagogie, je vais revenir une nouvelle fois sur ce sujet devant vous.
Tout d’abord, je veux évoquer la gestion de l’épidémie du point de vue hospitalier. Nous disposons en France de lits de réanimation ; je vous remercie de rappeler que ces lits, ce sont d’abord des professionnels hautement spécialisés qui s’en occupent : des médecins, des anesthésistes-réanimateurs, des infirmières spécialisées. Tout cela, vous ne l’ignorez pas, tout comme vous savez parfaitement que, pour former un médecin, un anesthésiste-réanimateur, ou une infirmière spécialisée, il faut de nombreuses années ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il ne serait pas raisonnable de laisser accroire que l’on peut, en six mois ou un an, former des personnels aussi spécialisés. (Mêmes mouvements.)
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui l’avez dit !
M. Jean Castex, Premier ministre. Que faisons-nous depuis le début de la crise ? (Rien ! sur des travées des groupes CRCE et Les Républicains.)
Nous reconvertissons d’autres lits, en mobilisant d’autres professionnels hospitaliers, pour accroître nos capacités d’accueil. C’est ce qui se passe depuis le début.
Je voudrais à ce propos rendre un hommage appuyé aux progrès qui ont été réalisés, dans ce registre, quant à la gestion des lits hospitaliers : des progrès thérapeutiques ont permis de réduire les durées de séjour, voire de laisser chez eux des malades rudement atteints – c’était impossible lors de la première vague –, en ne les hospitalisant qu’en dernier recours ; d’autres ont permis de placer dans d’autres lits des malades qui, lors de la première vague, seraient restés dans des lits de réanimation.
Évidemment, quand la pression épidémique augmente, comme c’est le cas aujourd’hui, cela cause des déprogrammations et des transferts de patients, lorsque cela est possible. Cependant, tout est mis en œuvre pour augmenter les capacités d’accueil dans les proportions qui ont été indiquées. (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Vous êtes des amateurs !
M. Jean Castex, Premier ministre. Il vaudrait mieux parler, mesdames, messieurs les sénateurs, des capacités d’accueil à l’hôpital des patients gravement atteints de la covid-19.
Ensuite, derrière cette question précise, se posent des questions structurelles. Comment réarmer notre système de santé ? (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Quels enseignements tirons-nous de cette crise ? Il est important de se poser cette question, après un an. Je voudrais d’ailleurs dire au Sénat que l’on aurait pu attendre la fin de la crise pour le faire, mais qu’on ne l’a pas fait : ce que nous avons fait, cela s’appelle le Ségur de la santé ! (M. Martin Lévrier applaudit. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Il n’y a rien dedans !
M. Jean Castex, Premier ministre. Comment pouvez-vous dire qu’il n’y a rien dedans ? Il y a 9,5 milliards d’euros ! Voulez-vous que je rappelle le niveau de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie depuis dix ans ? Voulez-vous que je le rappelle ? (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je viens d’annoncer que 19 milliards d’euros seraient consacrés, dans le second volet du Ségur de la santé, aux investissements hospitaliers. C’est extrêmement important ; pour avoir connu – et j’en suis fier ! – les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, je puis vous dire que celui-ci prévoit des sommes supérieures de 50 % à ces deux plans réunis !
Voilà ce que vous allez, ce que nous allons, ce que la Nation va engager au bénéfice du service public de santé, et ce n’est que justice !
Enfin, madame la sénatrice, vous avez évoqué à juste titre la recherche et les innovations dans le domaine de la santé. Oui, nous payons aujourd’hui trente ans de retard accumulé ! Eh bien, nous allons réinvestir dans ce domaine, nous avons même déjà commencé de le faire, vous le savez ; ce sera le troisième volet du Ségur de la santé.
Nous sommes donc pleinement mobilisés pour soutenir les établissements hospitaliers et leur personnel, afin de faire face à la résurgence de la pandémie, en même temps que nous travaillons à leur renforcement et à leur transformation structurelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
impact du plan de relance dans les régions
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Georges Patient. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons a révélé des fragilités structurelles et un besoin croissant d’infrastructures dans toutes les collectivités. Celles-ci, guidées par des élus locaux engagés, sont naturellement les mieux à même d’identifier et de répondre à ces besoins, comme elles le démontrent quotidiennement sur le terrain.
Il est donc bienvenu que, pour la mise en œuvre du plan de relance, un modèle de coopération, notamment avec les régions, ait été mis en place, modèle concrétisé par un accord de méthode et un accord de partenariat.
C’est ainsi que, sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 16 milliards d’euros sont territorialisés : l’utilisation de ces crédits est pilotée par des comités régionaux, coprésidés par les préfets et les présidents de région.
C’est le cas pour la collectivité territoriale de Guyane, avec laquelle a été signé ce lundi un accord très attendu, que je tiens à saluer.
Cet accord territorial de relance pour la période 2021-2022 prévoit un effort à parité de l’État et de la Guyane, à hauteur de 250 millions d’euros, et des crédits en supplément de ceux qui ont déjà été octroyés.
Cet accord permettra d’accompagner les collectivités et de soutenir leurs projets d’infrastructures. Je pense entre autres, pour les premières opérations arrêtées, au confortement des berges du marché municipal de Grand-Santi, à l’aménagement de la liaison routière Maripasoula-Papaichton et à diverses autres opérations intéressant les collectivités locales.
Toutefois, cet accord porte aussi sur le développement économique, car il permettra de soutenir des projets privés, notamment de production d’électricité fondée sur les énergies renouvelables, de valorisation des produits agricoles, ou encore d’exploitation de nos ressources naturelles.
Monsieur le ministre chargé des comptes publics, près de six mois après l’annonce de cette nouvelle méthode de coopération entre l’État et les régions, pouvez-vous nous présenter un point d’étape sur la mise en place de ces accords de relance régionaux ? Et pouvez-vous nous dire si le Gouvernement entend pérenniser cette coopération avec les élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez souligné dans votre question l’intérêt que présente l’organisation d’une véritable coopération entre les élus locaux, au premier rang desquels on trouve, en l’occurrence, les élus régionaux, et l’État, au travers du Gouvernement, pour la mise en œuvre du plan de relance.
Un premier apport avait été conclu au mois de juillet 2020, sous l’égide du Premier ministre, pour acter les modalités de compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, dans le cadre de la réforme des impôts de production entreprise dans le cadre du plan de relance. Un accord de méthode, signé le 28 septembre dernier, permet au Gouvernement d’envisager un partenariat avec toutes les régions.
Puisque vous nous demandez un point d’étape, monsieur le sénateur, je suis à même de vous annoncer que nous avons d’ores et déjà signé dix accords régionaux de relance, avec autant de régions ; nous avons effectivement signé un tel accord avec la Guyane avant-hier, le 15 mars, pour un effort de 250 millions d’euros partagé à parité entre l’État et la région.
Ce sont 16 milliards d’euros qui sont ainsi copilotés par l’État et les régions, au sein du plan de relance, mais aussi au travers des contrats de plan État-région, pour la période 2021-2027.
Avec mes collègues du ministère de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault et Joël Giraud, nous veillons à associer systématiquement les élus à la mise en œuvre du plan de relance. Les accords régionaux nous le permettent. Une circulaire du Premier ministre nous permet aussi de signer des accords avec des départements et des métropoles ; un accord a notamment été signé avec la métropole de Nantes.
Je voudrais enfin saisir cette occasion, monsieur le sénateur, pour rappeler que, dans ce cadre, nous veillons avec beaucoup d’attention sur le partenariat entre le Gouvernement et les collectivités d’outre-mer.
Vous avez cité l’accord signé avec la Guyane : vous savez que nous avons veillé à ce que plus de 1,5 milliard d’euros du plan de relance puissent bénéficier aux territoires d’outre-mer. Je pense notamment à l’appel à projets sur la rénovation thermique et énergétique des bâtiments de l’État.
Vous nous demandez si nous envisageons de continuer dans cette voie : la réponse est évidemment affirmative. Avec le député Jean-René Cazeneuve, j’étais présent pour la mise en place des premiers contrats de redressement des collectivités ultramarines, qui font suite aux propositions contenues dans le rapport que vous avez produit avec M. Cazeneuve.
Nous continuerons ainsi sur la voie de la contractualisation et de la coopération. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
gestion de la crise sanitaire
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Le 17 mars 2020, devant l’explosion inexorable de l’épidémie, le confinement était mis en place après l’improbable premier tour des élections municipales.
Un an après, je commencerai mon propos, comme vous l’avez fait, monsieur le président, par une pensée pour les 91 000 disparus, les millions de malades touchés par la covid-19 et les innombrables Françaises et Français fragilisés par cet annus horribilis.
Il y a un an, devant la situation d’exception qui nous percutait, les hésitations, les urgences, les prises de décisions contradictoires ou encore l’absence de décisions pouvaient faire l’objet d’une forme d’indulgence.
Mais aujourd’hui, de situation exceptionnelle en situation exceptionnelle, nous observons une dégradation de la gouvernance de la crise. D’urgence en urgence, c’est la démocratie qui est déstabilisée, ce sont nos libertés qui sont écornées.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin organiser la prise de décision de manière plus démocratique et plus transparente ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je revendique devant la Haute Assemblée la parfaite transparence des décisions de l’exécutif et de la gestion de cette crise sanitaire, devant la représentation nationale, mais aussi devant l’ensemble du peuple français. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Bernard Jomier. Et le conseil de défense ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Devant le peuple français, dis-je, parce que, tout d’abord, nous mettons désormais en ligne toutes les données nationales et territoriales sur la crise. Chacun dispose donc de l’ensemble des éléments nécessaires, y compris pour se former sa propre opinion.
Nous respectons ensuite, me semble-t-il, très scrupuleusement les règles de dévolution des pouvoirs et des compétences applicables dans le cadre de la gestion d’une crise sanitaire, qui nécessite que l’autorité exécutive puisse prendre les décisions qui s’imposent, tout en en rendant compte de façon régulière et diversifiée à la représentation nationale.
Je le dis très tranquillement devant le Sénat : c’est ce que nous faisons, par divers canaux que nous avons améliorés, y compris par la création d’un comité de liaison entre l’exécutif et les présidents de groupes parlementaires, comité qui se réunira d’ailleurs – c’est un hasard – cette après-midi même, après la présente session de questions d’actualité au Gouvernement.
Nous n’avons rien à cacher et nous avons même tout à gagner à la transparence, surtout dans l’épreuve collective que traverse notre pays. À la fin des fins, chacun doit exercer ses responsabilités – la République est ainsi organisée – et le pouvoir exécutif prend les siennes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous imaginez bien que vous ne m’avez pas convaincu.
M. Patrick Kanner. Le silence du « maître du temps perdu » devient assourdissant !
M. Patrick Kanner. Vous n’avez pas évoqué le conseil de défense. Depuis un an, ce conseil, dont aucun compte rendu n’est public, est devenu une instance de décision au service d’un pouvoir de plus en plus vertical. Ce conseil de défense, au fonctionnement bunkerisé, est finalement un esquif ballotté au gré des circonstances.
Je veux en prendre un exemple assez éclairant, monsieur le Premier ministre : tout le monde sait maintenant que, à la fin de janvier, vous-même et votre ministre de la santé vouliez confiner.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Vous étiez présent ?
M. Patrick Kanner. Finalement, le Président de la République a décidé, seul, de faire le pari inverse.
Pas de débat parlementaire, pas de discussion organisée ! La parole du Président de la République a suffi, alors que cette décision allait affecter toute la suite de notre stratégie sanitaire, comme nous le voyons aujourd’hui.
Pour l’exécutif, le triptyque BFM TV, Journal du dimanche et ballon d’essai dans les médias suffit à organiser la délibération publique, mais ce n’est pas ainsi que la confiance, si nécessaire pour gagner notre combat contre la maladie, peut se construire.
Monsieur le Premier ministre, alors que de nouveaux choix difficiles sont, encore une fois, devant nous, je vous remercie de vous appuyer sur le seul légitime conseil, celui qui représente la Nation : le Parlement Français ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
gestion des déchets par les collectivités
M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. André Guiol. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Les collectivités territoriales chargées de l’élimination des déchets ménagers agissent dans un contexte difficile, du fait notamment du dispositif législatif en place.
En effet, alors que les prestations relatives à ce service sont facturées proportionnellement au tonnage des déchets produits, les recettes destinées à financer ces dépenses sont, pour leur part, soit proportionnelles à la surface des logements assujettis, soit assises sur une redevance au prélèvement difficile, ou sur une taxe ou une redevance qui, hélas, n’a, que trop souvent d’incitative que le nom.
Dans ce contexte, les collectivités communiquent de leur mieux, afin d’inviter nos concitoyens, premiers acteurs du dispositif, à mieux trier leurs déchets, de manière à atteindre les objectifs environnementaux ambitieux, mais partagés, qui sont fixés.
Toutefois, toute augmentation de cette taxe ou redevance est mal vécue par nos concitoyens, qui ne voient pas leurs efforts récompensés. Cela affecte les plus vertueux d’entre eux : ils risquent d’abandonner le tri, ce qui renchérirait le coût de ce service, avec les dégâts sur l’environnement qu’on imagine.
Pour tenter de mieux maîtriser ces coûts, la loi de finances pour 2019 a baissé à 5,5 % le taux de TVA applicable sur l’ensemble des prestations de collectes séparées.
Cette baisse de TVA s’applique à compter du 1er janvier de cette année, mais on n’en connaît pas précisément le périmètre. Elle viendra atténuer, certes à la marge, l’envolée de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, prévue dans les prochaines années, alors qu’un gel, un lissage, voire un abattement de cette taxe pour les déchets ultimes serait de nature à mieux accompagner les collectivités dans leurs efforts.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : envisagez-vous de publier un décret précisant les prestations concernées par cette baisse de TVA ? Si tel est le cas, quand paraîtra-t-il, sachant que les collectivités finalisent actuellement leur budget primitif pour 2021 ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Guiol, vous nous interrogez sur la fiscalité des déchets, notamment de leur traitement et de leur recyclage.
Vous avez eu raison de rappeler la loi de finances pour 2019 ; des débats approfondis ont alors eu lieu, dans la perspective de mettre en cohérence cette fiscalité avec un objectif : faciliter le tri, aux dépens de l’incinération et de la mise en décharge.
C’est ainsi que le Parlement a approuvé, dans cette loi de finances, une augmentation de la tarification liée à la composante dite « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes. Cela entraîne pour les collectivités un surcoût qui s’élève à un peu plus de 90 millions d’euros pour l’année 2021 et dépassera légèrement 200 millions d’euros en 2025.
Nous avons souhaité atténuer ce coût pour les collectivités par la mise en place d’une fiscalité plus incitative pour le tri et la collecte des déchets : c’est la baisse à 5,5 % du taux de TVA à laquelle vous avez fait allusion.
Notre objectif est clairement de faire en sorte que la mise en décharge et l’incinération des déchets soient plus onéreuses que leur tri et leur recyclage, de manière à remplir nos objectifs environnementaux.
Quelques difficultés se présentent aujourd’hui dans l’application de ces dispositions. Les élus, dont vous vous êtes fait le porte-parole, nous indiquent parfois peiner à mieux cerner le périmètre de cette baisse de TVA ou à mieux mettre en œuvre ses modalités.
Le premier point sur lequel vous nous interrogez concerne le périmètre des activités et des services éligibles à ce taux réduit de TVA. Ce périmètre a été arrêté précisément dans la loi de finances pour 2019. Il ne nécessite donc aucun texte d’application, mais nous veillerons, par les instructions données aux services, à ce que ce périmètre soit intégralement respecté et parfaitement appliqué.
Le ministère de la transition écologique et le ministère des comptes publics mènent un travail commun avec les associations d’élus pour bien déterminer ce qui relève de ce taux réduit lorsque des prestations liées au même contrat et au même prestataire relèvent, pour certaines, du tri, et, pour d’autres, de l’incinération ou de la mise en décharge.
Pour ce départage des tâches au sein d’un même contrat avec un même prestataire, nous avons encore besoin de quelques semaines de travail, mais je ne manquerai pas de tenir le Sénat informé de la manière dont nous pourrons préciser ces éléments par un texte réglementaire ou par la doctrine.
réforme du capes de langue corse
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, le 25 janvier dernier, votre administration édictait un arrêté réformant le concours externe du Capes pour différentes matières, dont la langue corse.
Cette réforme, décidée sans nulle concertation – une fois n’est pas coutume ! – avec les syndicats et les universitaires, scellait, hélas, un recul historique et scientifique ravageur à maints égards et portait atteinte, une fois encore, aux langues régionales.
À revers de l’histoire, après la réforme délétère du baccalauréat, où les coefficients des langues régionales furent rabotés, décourageant des armées d’élèves et de futurs locuteurs, cette fois-ci, c’est à l’enseignement même du corse que vous vous en preniez en inversant les coefficients de notation, les faisant passer de 7 à 4 pour la langue corse et de 4 à 8 pour le français.
En nous proposant un Capes au rabais, vous annihiliez trente années d’efforts et de reconnaissance. Triste ironie, monsieur le ministre, que de si mal réussir la promotion des langues régionales en transformant un Capes monovalent de langue corse en Capes de français option corse !
À la suite d’un vote de l’Assemblée de Corse contre cette réforme et de la forte mobilisation des élus de terrain, des syndicats, des étudiants, de l’université et du jury du Capes, il semblerait que votre ministère ait fini par se rendre compte des dommages collatéraux qu’impliquait votre réforme.
Ce matin même, Mme la rectrice de l’académie de Corse affirmait que votre ministère, qui avait jusque-là fait l’économie d’un travail important et technique sur les modalités d’organisation du concours, reverrait sa copie concernant le Capes de corse, afin d’en préserver les exigences et les attendus.
Monsieur le ministre, nous confirmez-vous que votre ministère reviendra sur l’erreur historique que porte en lui l’arrêté du 25 janvier dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Voilà une question importante ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Parigi, je commencerai par la conclusion : je vais vous donner satisfaction ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Aussi, je voudrais que ce soit bien enregistré, parce que je constate trop souvent dans de telles matières que, même quand satisfaction est donnée, on fait semblant de croire que tel n’est pas le cas ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Je vous le dis donc tout de suite : je vais vous donner satisfaction. En effet, du point de vue des principes, j’ai reconnu à maintes reprises devant la Haute Assemblée ce que dit tout simplement la Constitution : les langues régionales font partie du patrimoine de la France.
Oui, nous encourageons l’apprentissage des langues régionales ; personne ne peut chercher à faire croire le contraire. Nous le faisons dans un cadre national évidemment bien précis, qui évolue en permanence pour encourager l’enseignement de ces langues.
Je veux à ce propos fournir quelques chiffres : 514 professeurs sont titulaires du Capes d’une langue régionale et 170 000 élèves en apprennent une aujourd’hui ; nous nous attachons sans relâche à faire progresser ce chiffre.
Vous avez affirmé, monsieur le sénateur, que la réforme du baccalauréat nuisait aux langues régionales. Je vous répondrai que, grâce à cette réforme, une langue régionale peut être choisie comme enseignement de spécialité, ce qui implique quatre heures hebdomadaires en première et six en terminale. Évidemment, cela n’existait pas auparavant.
Bien sûr, on doit aussi stimuler la demande des élèves. C’est le cas en Corse. Comme vous le savez, jusqu’à 95 % des élèves y étudient le corse en sixième.
Je voudrais disposer de plus de temps pour développer ce propos, mais il me faut répondre directement à votre question : oui, nous faisons évoluer le Capes de corse pour aller dans le sens que vous souhaitez. Il est normal que le coefficient de l’épreuve de langue corse augmente ; il était réglé à partir des règles valables pour l’ensemble des Capes, mais nous allons l’adapter à la situation des langues régionales.
Je confirme donc complètement les propos qu’a tenus Mme la rectrice ce matin : nous allons faire en sorte qu’un coefficient de 8, sur 12, aille aux matières passées en langue corse, soit davantage que dans la précédente version de ce concours, ce qui représente incontestablement une avancée dans le sens que vous souhaitez. (M. François Patriat applaudit.)
guichet unique du spectacle occasionnel
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre de la culture, je souhaite appeler votre attention sur une situation paradoxale, qui est digne de figurer dans l’un des plus grands chefs-d’œuvre de Franz Kafka, où l’absurdité de certaines règles administratives se fait la meilleure ennemie de la liberté d’entreprendre.
Nous sommes en pleine crise sanitaire, les salles de concerts sont fermées et les artistes assignés à résidence.
La vie culturelle pourrait perdurer de façon dématérialisée, mais les collectivités territoriales et les associations qui organisent des concerts de façon occasionnelle ne peuvent plus passer par l’intermédiaire du guichet unique du spectacle occasionnel, le GUSO. Ce dispositif permet, en temps normal, de simplifier leurs démarches administratives, mais il ne s’applique qu’aux représentations retransmises en direct.
À titre d’exemple, l’Orchestre symphonique de l’Aube, produit et financé par le département, ne peut plus recevoir son public du fait de la crise sanitaire. Dans l’attente d’une réouverture des salles, un accord a été passé avec une chaîne de télévision locale pour enregistrer, puis rediffuser ses concerts auprès du public, et permettre ainsi aux artistes de continuer à travailler.
Le problème, c’est qu’aucune de ces prestations ne peut être rémunérée par la collectivité via le GUSO, en raison d’un périmètre d’application datant de l’avant-crise, légèrement remanié, certes, mais toujours inadapté aux concerts rediffusés.
En conséquence, le département est contraint de conclure en direct près de soixante contrats différents – un par musicien – pour rémunérer ces artistes.
Madame la ministre, je vous sais à l’écoute. Pour sortir de ce cauchemar bureaucratique, accepteriez-vous d’étendre l’éligibilité au GUSO à l’ensemble des concerts et spectacles vivants, avec ou sans public, qui sont diffusés en direct ou en différé, sur des chaînes télévisées, via internet ou à la radio ?
Cette question est d’une grande importance, à la fois pour les musiciens qui sont plongés en apnée dans une année sabbatique forcée et qui se prolonge, et pour l’ensemble de nos compatriotes, qui voient leur accès à la culture entravé. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la sénatrice, votre question me permet de signaler l’importance que les captations ont prise en cette période de crise, ainsi que l’action de l’État pour les appuyer.
L’affectation de crédits massifs, récemment abondés par le Premier ministre à hauteur de 15 millions d’euros, a permis que des captations soient réalisées. En outre, l’extension aux captations du crédit d’impôt audiovisuel a été votée, tandis que la création de la chaîne Culturebox a contribué à la diffusion de captations.
Il y a un certain nombre d’années – le secrétaire d’État Laurent Pietraszewski pourrait compléter mon propos –, le GUSO a été créé.
Ce dispositif ne s’entend pas comme une prestation supplémentaire pour les artistes, lesquels sont rémunérés et protégés socialement par les cotisations et les rémunérations de leur employeur. Ce guichet unique, qui relève non pas du ministère de la culture, mais directement de Pôle emploi, permet de simplifier les démarches des employeurs.
Les captations ne faisaient pas partie des prestations entrant dans le cadre du GUSO, mais celles qui sont effectuées et retransmises en direct peuvent maintenant bénéficier de cette simplification destinée aux employeurs, qui ne vient en aucun cas affecter la rémunération et la protection sociale due aux artistes salariés employées dans le cadre de ces captations.
Pour ma part, je suis favorable à ce que l’on étende aux captations différées les prestations offertes par le GUSO. Élisabeth Borne, Laurent Pietraszewski et moi-même travaillons d’ailleurs dans le sens que vous souhaitez. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
situation politique
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, comme l’a très bien indiqué tout à l’heure le président du Sénat, Gérard Larcher, cet anniversaire du premier confinement marque aussi symboliquement le surgissement de la pandémie dans notre vie collective.
Aujourd’hui, je ne veux pas dresser l’inventaire de ce qui n’a pas marché. Je veux vous parler d’une question majeure, parce que cette épidémie, plus qu’aucune autre crise, a été pour notre pays une épreuve de vérité. Elle a révélé nos faiblesses et dévoilé un énorme paradoxe.
Du côté lumineux, tant d’abnégation et tant de dévouement se sont manifestés ! La crise a donné à voir une vraie réserve d’humanité.
Du côté obscur, nous avons commis des manquements graves à nos devoirs d’humanité. Nous avons enfermé dans leur solitude nos aînés.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Nous avons parfois, dans le huis clos des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, ou des hôpitaux, derrière les portes closes, laissé mourir seuls, loin de leurs proches, des femmes et des hommes.
Coupé de toute affection, ce virus nous a arraché des vies. Il nous a peut-être aussi volé une victoire. Sa victoire, c’est notre défaite – une terrible défaite ! –, contre la civilisation, contre toutes ces Antigone qui réclament que soient appliquées les lois non écrites, pour la dignité humaine.
Monsieur le Premier ministre, je n’accuse personne. Seulement, je veux savoir quelles sont les leçons que vous en tirez pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, vous avez fait une description, que je peux partager, des dégâts massifs que cet ennemi invisible a causés non seulement dans nos chairs, mais aussi dans nos valeurs.
Ce virus est arrivé sur notre territoire il y a une année déjà, et, avec des mutations et des évolutions, hélas, il ne l’a pas encore quitté. Depuis le début de l’épidémie, le virus a fait 91 196 morts ; hier encore, 320 personnes ont succombé.
Je pense bien sûr, comme vous, à leurs familles, mais aussi à tous ces malades qui ont développé des formes graves, quand ils ont survécu, et qui continuent à porter des stigmates de longue durée, qui affecteront durablement leur vie.
Les dégâts psychologiques et les conséquences économiques et sociales, comme toujours, ont affecté les plus fragiles et les plus précaires de nos concitoyens.
Vous avez fait allusion aux résidents des Ehpad, qui ont payé un tribut particulièrement lourd durant cette pandémie : alors qu’ils représentent seulement 1 % de la population française, ils comptent pour un tiers des décès constatés.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de commencer à les protéger. Déjà 89 % des résidents des Ehpad ont été vaccinés à ce jour, ce qui nous permet de répondre à d’autres difficultés mises en exergue par la crise : le droit de les accompagner, le droit de leur famille à leur rendre visite, le droit de leur donner la vie décente qu’ils méritent dans des circonstances dramatiques.
Le Gouvernement n’a jamais hésité à déployer, pour tous les secteurs en souffrance de notre société et de notre économie, des moyens – c’est le fameux « quoi qu’il en coûte » –, pour atténuer les souffrances matérielles et psychiques de nos concitoyens.
Il me faudrait l’après-midi tout entier pour répondre à votre question, monsieur le président, tant elle est vaste, mais je veux vous dire, pour conclure, que nous continuerons dans cette voie tant que nous n’aurons pas vaincu ce virus.
La vie sera la plus forte : tous ensemble, nous vaincrons ce virus et mettrons un terme à cette tragédie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.
M. Bruno Retailleau. Il est bien évident, monsieur le Premier ministre, que nous devons mener ce combat pour la vie.
J’ai voulu simplement plaider la cause des résidents des Ehpad et des patients des hôpitaux, qui sont morts seuls ; j’ai plaidé pour leurs familles, qui ont été privées du rite de l’adieu et pour qui le deuil a été très difficile.
On a voulu, sans doute de bonne foi, protéger la vie, mais on a réduit l’existence à sa seule dimension matérielle. En privant ces personnes âgées et ces malades du lien affectif avec leur famille, on les a aussi coupés de leur raison de vivre. En effet, pour eux, l’affection et l’amour sont ce qui leur rappelle qu’ils ne sont pas simplement des corps épuisés par le grand âge.
Une civilisation peut mourir de la guerre ou de la dénatalité, mais aussi, et plus sûrement encore, de l’oubli de ce principe même qui la constitue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
remise du rapport sur la dette publique
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste.
M. Vincent Delahaye. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Demain, la commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par notre ancien et estimé collègue Jean Arthuis, va remettre ses conclusions au Premier ministre. Sa mission était de plancher sur le remboursement de la dette covid. Comment en effet traiter celle-ci ?
Connaissant le sérieux et l’expertise de Jean Arthuis, nous devinons qu’il ne sera pas question d’annulation de la dette. Cette idée saugrenue et dangereuse, en effrayant les investisseurs, aliénerait immédiatement notre capacité d’emprunts futurs et nous exposerait à une forte remontée des taux d’intérêt.
Comme il n’y a pas d’argent magique, il nous faudra bien rembourser la dette. Cela soulève de multiples questions. Quelle est la facture de la gestion de la crise sanitaire ? Quel est le montant qu’il faudra rembourser ? Le Gouvernement envisage-t-il de cantonner la dette covid, ce qui serait, selon moi, tout sauf une bonne idée ?
Enfin, envisagez-vous de sortir, dès 2021, du « quoi qu’il en coûte », comme vous l’avez annoncé, ou comptez-vous attendre 2022, une fois les élections présidentielles passées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président Delahaye, vous m’interrogez sur le rapport que la commission présidée par Jean Arthuis va remettre demain au Premier ministre.
Vous le comprendrez, je ne saurais préjuger du contenu du rapport. Je puis seulement saluer la qualité et la méthode du travail de la commission, qui a procédé à de nombreuses auditions. J’ai toute confiance à la fois dans son indépendance de plume et dans la qualité de ses propositions, que nous examinerons avec la plus grande attention.
Votre intervention contient plusieurs questions. La première porte sur le coût de la crise.
Compte tenu des dépenses de l’État et de la sécurité sociale et des pertes de recettes liées à la baisse de l’activité, nous estimons que le coût de la crise, en 2020, est de l’ordre de 160 à 170 milliards d’euros. Ce chiffre n’est pas définitif, puisque nous sommes encore plongés dans l’épidémie. Nous ne pouvons donc vous répondre précisément s’agissant de la date à laquelle le « quoi qu’il en coûte » prendra fin.
Nous espérons tous que cette épidémie est une parenthèse, qui, par définition, devra se fermer. Ainsi en ira-t-il du « quoi qu’il en coûte », si nous voulons revenir à un niveau soutenable de dépense publique.
C’est d’autant plus important que nous sommes entrés dans la crise avec une dette plus importante que nombre de nos partenaires européens. Nous avons donc besoin de rétablir progressivement nos comptes publics pour résorber la dette.
Cette sortie de crise et la volonté de relancer l’économie devront être évoquées avec les partenaires sociaux. Le Premier ministre a déjà eu l’occasion, lors de la Conférence du dialogue social, d’inscrire la sortie de crise à l’ordre du jour.
Je terminerai mon propos en soulignant que nous rejoignons les conclusions de la commission Arthuis sur la question de la gestion de la dette.
Le cantonnement peut être une solution, mais il n’efface pas la dette. Et l’annulation de la dette, en tout cas, n’est pas une solution.
La seule solution possible est celle de la crédibilité de la France, qui n’a jamais fait défaut depuis plus de deux cents ans. C’est en tenant l’intégralité de nos engagements que nous pourrons faire face à la crise et que nous serons en capacité de nous appuyer sur les marchés pour financer les mesures d’urgence et de relance.
Nous aurons l’occasion de revenir devant vous très rapidement. Nous croiserons les travaux de la commission Arthuis avec ceux des parlementaires ; je pense notamment à la proposition de loi organique déposée par Laurent Saint-Martin et Éric Woerth.
C’est ensemble que nous pourrons construire une trajectoire de redressement progressif de nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.
M. Vincent Delahaye. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses précises.
La crise n’étant pas terminée, elle aura un coût certainement supérieur à 170 milliards d’euros. Notre crainte est de voir des contributions qui ont été annoncées à l’origine comme provisoires, telles que la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, devenir définitives. Elles ont déjà été prorogées, et il serait dommageable pour nos concitoyens de les faire durer encore.
Nous suivrons avec attention les décisions du Gouvernement s’agissant de l’éventuel cantonnement de la dette.
lutte contre les violences urbaines
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes rendu à Beauvais, le vendredi 5 mars, à la suite de plusieurs soirées de violences urbaines. Vous y avez été accueilli par Mme le maire, Caroline Cayeux, et par le député Olivier Dassault, dont ce fut l’une des dernières sorties.
Quelques voyous ont défié les autorités, parce que celles-ci s’étaient attaquées à leur trafic. Des guets-apens ont été organisés pour piéger les policiers, avec les techniques traditionnelles : tirs de mortier, feux de poubelles et barricades.
Face à cette délinquance, des renforts policiers ont été annoncés – tant mieux ! Mais dans la garde-robe de Marianne, monsieur le Premier ministre, on ne trouve pas que l’uniforme du policier. Il y a aussi la toge du magistrat !
À Beauvais, vous avez, de façon martiale, annoncé que « rien ne restera impuni ». Lundi 8 mars, les premières sanctions sont tombées. Le parquet avait requis dix-huit à trente-six mois de prison ferme pour quatre prévenus : aucun d’entre eux n’est encore placé derrière les barreaux !
Deux prévenus ont été condamnés à huit et six mois de prison ferme, l’un d’eux faisant là l’objet de sa dix-neuvième condamnation ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. C’est honteux !
M. Olivier Paccaud. Le procureur a fait appel.
Aussi, ne pensez-vous pas que, pour assurer l’effectivité de la sanction pénale, le rétablissement des peines planchers serait la bonne solution ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Les peines planchers, monsieur le sénateur, vous les avez votées, mais elles n’ont eu strictement aucun effet.
M. Olivier Paccaud. Je n’étais pas sénateur à l’époque !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cette question du laxisme revient comme une antienne dans votre bouche, mais la réalité est que les peines n’ont jamais été aussi dures ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce que vous évoquez, c’est l’exécution des peines. Et sur ce point, je dirai quelque chose de très simple : vous semblez l’oublier lorsque cela vous arrange, mais le garde des sceaux en réalité ne peut pas intervenir sur les peines elles-mêmes, parce que les juges, dans notre pays, sont indépendants ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Dans toutes les grandes démocraties, il n’est pas possible au pouvoir exécutif d’intervenir sur le quantum d’une peine.
Ce sur quoi le garde des sceaux peut intervenir, c’est sur la célérité de la justice,…
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la question !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … et nous avons fait et ferons encore bien des choses en la matière.
Ce sur quoi le garde des sceaux peut intervenir, c’est sur la systématisation de la réponse pénale, qui atteint aujourd’hui 92 %, tandis que le taux d’exécution des peines, contrairement à ce que certains racontent à des fins électoralistes, est supérieur à ce taux ! (Applaudissements sur les travées du RDPI. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Même pour Sarkozy ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je vous remercie de votre réponse enflammée, monsieur le garde des sceaux !
« Rien ne restera impuni », a affirmé le Premier ministre. Mea culpa : les quatre prévenus ont écopé de 135 euros d’amende pour violation du couvre-feu ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est vous qui avez parlé de laxisme, monsieur le garde des sceaux. Pour ma part, je m’en remettrai à la sagesse de Sénèque,…
M. Olivier Paccaud. … qui disait : « On doit punir, non pour punir, mais pour prévenir » ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)
droits des femmes
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la loi prévoit que le conseil des ministres peut révoquer par décret un maire ou ses adjoints.
Chaque fois que cette prérogative a été utilisée par le passé – de façon assez rare, fort heureusement –, il a été noté que les faits reprochés privaient l’élu de l’autorité morale nécessaire à l’exercice de ses fonctions.
Le 17 février dernier, le maire de Draveil, ancien ministre, a été condamné à cinq ans de prison, dont trois ans de prison ferme, pour viol et agressions sexuelles en réunion ; il a été écroué à l’issue même de l’audience et il est actuellement en prison.
Estimant qu’il peut continuer à exercer son mandat, il a refusé de démissionner, et voilà qu’il joue la montre grâce à un pourvoi en cassation !
Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu’un viol et des agressions sexuelles en réunion pourraient être qualifiés de « faits privant l’élu de l’autorité morale nécessaire à l’exercice de ses fonctions » ?… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Il ne faut pas se substituer à la justice !
Mme Laurence Rossignol. En vertu de l’article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales, vous avez le pouvoir, en conseil des ministres, de démettre ce maire.
Qu’attendez-vous pour le faire ? C’est la loi ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Décidément, les oppositions demandent beaucoup à l’exécutif ! Elles réclament son intervention dans le cadre de décisions juridictionnelles, alors que celles-ci relèvent exclusivement des magistrats, qui sont indépendants dans notre pays, je le rappelle !
Lorsque l’exécutif dirige les magistrats, ce n’est plus la démocratie. Quant au reste, madame la sénatrice, je suppose que vous êtes respectueuse de la présomption d’innocence, qui a été mise en avant par Mme Élisabeth Guigou dans une loi merveilleuse, que vous connaissez forcément.
Il me semble que le justiciable dont vous parlez a formé un pourvoi en cassation, que la décision, dès lors, n’est pas définitive, et qu’il se débrouille avec sa conscience.
Vous demandez à l’exécutif d’intervenir ? Quelle hérésie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations indignées sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Deuxièmement, je n’aurais jamais cru que le Gouvernement enverrait, pour répondre à ma question, l’avocat de Georges Tron, celui qui, pendant tout le procès, a traité de menteuses les victimes et qui continue de le faire aujourd’hui, arguant de la présomption d’innocence alors qu’une condamnation a été prononcée ! (Vifs applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’on ne prend pas à question pour des faits personnels ! C’est un principe qu’il convient de respecter. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
étiquetage alimentaire
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Il y a un peu plus de vingt ans, la maladie de la vache folle frappait notre territoire, traumatisait nos éleveurs et inquiétait fortement nos consommateurs. De là ont découlé un certain nombre de mesures, d’initiatives et de contraintes supplémentaires d’affichage.
En 2017, des sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à restaurer la compétitivité de l’agriculture française. À l’occasion de son examen, j’avais, en ma qualité de rapporteur, défendu un amendement, adopté par l’ensemble des groupes, tendant à assurer la transparence et à afficher l’étiquetage.
Ce texte a été repris par la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II. En parallèle, le Sénat a voté deux résolutions européennes pour accompagner le Gouvernement dans cette démarche. L’Union européenne nous a accordé le pouvoir de mener des expérimentations sur deux ans.
La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine durable et accessible à tous, ou loi Égalim, et le texte issu de la Convention citoyenne pour le climat apportent des charges et des contraintes supplémentaires.
Dernièrement, le Conseil d’État a annulé plusieurs décrets portant diverses obligations en matière d’étiquetage des produits laitiers.
Quelle est la réponse du Gouvernement pour ne pas trahir les éleveurs et apporter la transparence aux consommateurs ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Gremillet, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Julien Denormandie, qui, isolé pour quelques jours en application des règles sanitaires, m’a demandé de bien vouloir vous répondre.
Vous évoquez l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 10 mars 2021 prononçant l’annulation des décrets du 19 août 2016, du 24 décembre 2018 et du 27 mars 2020, qui obligeaient à mentionner l’origine du lait, utilisé comme ingrédient, sur l’ensemble des emballages.
Je ne reviens pas sur l’utilité et la pertinence de l’étiquetage. Le Parlement, au fil du temps, a renforcé ses obligations d’étiquetage, afin de garantir la sécurité des consommateurs et d’assurer une traçabilité, pour une meilleure prévention possible.
En conséquence de l’arrêt du Conseil d’État, l’absence de mentions sur les étiquettes attestant de l’origine des produits laitiers ne pourra plus être sanctionnée. Néanmoins, la mention de l’origine peut toujours continuer à être indiquée, mais de façon volontaire, par les producteurs.
Cet arrêt est la suite logique de la décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 1er octobre 2020, à la suite d’une plainte déposée par l’entreprise Lactalis contre lesdits décrets.
Vous vous en doutez, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne peut pas commenter un arrêt du Conseil d’État ; il doit se contenter d’en prendre acte.
Si la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas jugé le décret de 2016 illégal, elle a énoncé que l’origine du produit ne peut être rendue obligatoire que sous certaines conditions, à savoir la nécessité de justifier un lien entre l’origine ou la provenance du lait.
Vous demandez, monsieur le sénateur, quelle sera la réponse du Gouvernement pour ne pas trahir les engagements de la loi Égalim.
Mon collègue Julien Denormandie aura l’occasion de formuler très rapidement des propositions, tout particulièrement dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat et résilience, de façon à garantir cette possibilité d’étiquetage, et de trouver, avec l’ensemble des parlementaires, les voies et les moyens permettant d’avoir un étiquetage de qualité, qui soit protecteur des consommateurs.
Je le précise, l’arrêt du Conseil d’État ne fait pas tomber l’obligation d’étiquetage sur les viandes en tant qu’ingrédients dans les denrées préemballées. Nous veillerons, bien évidemment, à ce que cet acquis soit préservé.
Julien Denormandie travaillera, avec vous et l’ensemble des parlementaires, à rétablir un certain nombre de dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Je ne prétends pas faire le commentaire de l’arrêt du Conseil d’État, monsieur le ministre.
Je dis simplement que, aujourd’hui, nous sommes en train de tromper les consommateurs et de trahir les producteurs ; nous les soumettons à des charges et à des contraintes qui ne sont pas européennes.
Avec ce qui vient d’être décidé, on pourrait imaginer, demain, dans des circuits courts, que du lait venant de Pologne ou de Roumanie – je n’ai rien contre ces pays, ils font partie de l’Union européenne –, soit au même niveau que du lait provenant d’une ferme d’à côté.
Philippe Séguin, avec lequel, étant originaire des Vosges, j’entretenais des liens, me disait toujours : « Une bonne idée passe par le stade minoritaire, et seul ton travail permettra qu’elle devienne majoritaire ».
Cette idée d’étiquetage est née dans cette assemblée, mais, manifestement, le Gouvernement n’a pas fait son travail.
M. le président. Il faut conclure !
M. Daniel Gremillet. Après quatre années d’expérimentations accordées par l’Union européenne, le Gouvernement a été incapable de la concrétiser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
covid et secteur de l’événementiel
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Cette question s’inscrit dans le contexte qui a été rappelé tout à l’heure par le Premier ministre et les différents orateurs, à savoir le besoin de faire face aux cas de contagion qui, malheureusement, se développent encore plus de nos jours, mais aussi de préparer les conditions permettant, le moment venu, la reprise d’activité pour différents secteurs qui sont aujourd’hui très largement touchés et qui sont en très grande difficulté.
S’il faut évidemment faire face au présent, nous devons d’ores et déjà allumer des lumières d’espoir pour ces secteurs d’activité.
J’illustrerai cette question en évoquant le secteur de l’événementiel professionnel – les foires et salons –, qui est fortement touché : plus de 40 000 salariés et plus de 400 000 salariés indirects sont concernés.
Malgré les aides du Gouvernement, qui couvrent à peu près la moitié des charges fixes, la perte d’activité s’élève à entre 70 % et 80 % pour ce secteur. Aujourd’hui, on considère que 50 % des entreprises sont au bord de la faillite.
L’avenir est donc largement compromis, et nous manquons de perspective, alors que d’autres pays européens ont exprimé leur ambition de rouvrir et d’ores et déjà élaboré un planning.
Dans le domaine culturel, des annonces ont été faites sur des possibilités de procéder à des tests ou à des ouvertures partielles. Les professionnels du secteur de l’événementiel sont prêts à une reprise graduelle, à des salons limités à des petits formats et circonscrits aux zones géographiques les moins touchées.
Le Gouvernement est-il prêt à ces expérimentations ? Est-il également prêt à se saisir du pass sanitaire, qui a été évoqué par le Président de la République lui-même et qui semble, aujourd’hui encore, promu par la Commission européenne ? Un tel pass sanitaire serait évidemment l’occasion de permettre une reprise graduelle de l’activité dans ces secteurs, comme dans ceux du tourisme, du transport aérien ou de l’hôtellerie-restauration.
Ma question est simple : qu’entend faire le Gouvernement pour soutenir ce secteur d’activité ? Souhaite-t-il se saisir du pass sanitaire pour déverrouiller l’économie dans les secteurs qui sont aujourd’hui à l’arrêt ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Vincent Capo-Canellas, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les secteurs d’activité, notamment l’événementiel ou l’aéronautique, qui sont les plus touchés par la crise épidémique que nous traversons et qui risquent de l’être durablement.
Monsieur le sénateur, vous me permettrez de ne pas entrer dans des considérations qui seraient d’ordre sanitaire ou liées à des problématiques ou des thématiques de circulation et de règles européennes ; cela relève de la compétence d’autres de mes collègues du Gouvernement et de l’autorité du Premier ministre, lequel adapte et prend les décisions en fonction de l’évolution de la situation épidémique.
Je formulerai plusieurs remarques.
Bruno Le Maire et moi-même avons veillé à ce que l’intégralité des acteurs du secteur événementiel soit éligible au dispositif d’aides que nous avons mis en place : l’activité partielle, le fonds de solidarité, bien évidemment, et les exonérations de cotisations.
Nous avons aussi veillé – peut-être y a-t-il encore quelques améliorations à apporter – à ce que l’ensemble des acteurs soit concerné par les dispositifs. Je pense notamment aux salariés, qui peuvent parfois connaître des conditions de vie précaires, avec la multiplication de contrats courts – on parle parfois de « permittents ». Des aides spécifiques à hauteur de 900 euros minimum garantis par mois ont été actées et mises en œuvre par ma collègue ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Nous devons veiller à ce que l’ensemble de ces dispositifs soient activés. Nous avons eu l’occasion d’annoncer cette semaine que nous renforcions la prise en charge des coûts fixes, avec un décret, accepté par la Commission européenne, pour les entreprises ayant des chiffres d’affaires importants et caractérisés par des coûts fixes extrêmement lourds.
Se pose également la question de la sortie de crise et de la reprise d’activité. Là aussi, sans pouvoir préjuger des dates de reprise d’activité, depuis le début de cette semaine, mon collègue Alain Griset a eu des échanges avec l’ensemble des acteurs de la filière, notamment les secteurs que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, pour imaginer des reprises d’activité.
Les réflexions qu’a engagées Roselyne Bachelot, ministre de la culture, en matière d’expérimentation dans le domaine culturel seront extrêmement précieuses pour accompagner et nourrir d’idées les conditions de reprise d’activité dans le secteur événementiel ou dans le secteur aéronautique. L’essentiel est que les acteurs soient prêts, et c’est ce à quoi nous travaillons.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. Le numérique, ce n’est pas que du virtuel. Dans une société qui se numérise toujours plus vite, la résilience informatique de toute l’économie comme de nos services publics devient chaque jour plus essentielle.
Se posent bien entendu la question de la pérennité de nos réseaux, celle de la souveraineté numérique ou de l’hébergement des données, mais aussi celle de la protection contre le piratage et les attaques toujours plus nombreuses.
Il est pourtant un risque que nous avons peut-être sous-estimé et que l’incendie des serveurs d’OVH, à Strasbourg, dans la nuit du 9 au 10 mars dernier, vient de mettre en évidence.
Cet événement a montré que les atteintes physiques représentaient aussi une menace bien réelle pour nos services virtuels. Ces risques appellent à la nécessaire vigilance autour de tous nos outils informatiques.
L’incendie des serveurs d’OVH a touché 3,5 millions de sites web : des sites d’entreprises et de collectivités et même certains sites gouvernementaux sont concernés, y compris ceux de la santé, pourtant hautement stratégiques en ces temps de crise sanitaire.
À cette occasion, nous avons découvert que certains services en ligne ou certaines bases de données n’étaient pas « redondés » ; pis, qu’ils étaient « redondés » dans une autre salle du même data center. Et n’essayez pas de prévenir le régulateur sur l’atteinte des réseaux de communication sur le site « https://jalerte.arcep.fr » : lui-même est toujours inaccessible une semaine après cet incendie !
L’absence de redondance réelle des données des sites et applications, d’une part, et de plans de reprise d’activité, d’autre part, n’est assurément pas isolée. Les téléservices publics, les données de nos territoires comme celles de nos concitoyens ne méritent-ils pas un coffre-fort numérique plus sûr ?
Le numérique est une chance, mais aussi un risque. Il est de notre responsabilité que nos sociétés ne soient plus des colosses aux pieds de silicium. (Sourires.)
Monsieur le ministre, quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour garantir que pareil accident ne provoque plus l’arrêt, même temporaire, de nos services les plus essentiels et que l’informatique en nuage ne parte plus en fumée ? (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, si le sinistre qu’a connu OVH dans l’Est invite évidemment à la prudence, il appelle à revoir l’intégralité des conditions dans lesquelles sont conservées les données, notamment les données des services publics de l’État, mais aussi des collectivités.
Monsieur le sénateur, je tiens tout d’abord à vous rassurer : mon collègue Cédric O, immédiatement informé de ce sinistre, a pris tous les renseignements et toutes les précautions nécessaires.
Ainsi, pour les principales données de l’État et pour ses réseaux les plus stratégiques, nous gardons une capacité à opérer directement, et le recours à des solutions de stockage en cloud ne nous a pas empêchés de préserver et de dupliquer un certain nombre de données et de faire en sorte que nos bases de données soient parfaitement protégées.
À l’heure où nous parlons, l’ensemble des services numériques du quotidien fonctionnent et, au sein des services de l’État, nous n’avons pas connu de défauts majeurs après l’incendie d’OVH, tel que nous aurions pu le craindre. Cela montre le niveau de préparation et de protection des services de l’État.
Reste que, je le répète, cet incendie doit permettre une revue de l’ensemble des paramètres, être l’occasion de faire preuve de précaution et inciter l’ensemble des acteurs, pas seulement l’État, à développer des solutions offrant une redondance des données et, ainsi, une meilleure protection.
Monsieur le sénateur, nous devons également accompagner l’entreprise concernée par ce sinistre, qui a récemment intégré le Next 40.
Cédric O l’a contactée au début de la semaine : il s’agit d’une pépite française, qui compte aujourd’hui plus de 2 500 salariés et qui peut s’appuyer sur 32 data centers. Nous l’accompagnerons dans la reprise de son activité et pour faire en sorte qu’elle puisse faire face à ce sinistre.
Au regard des informations dont nous disposons, je vous indique enfin que la stratégie de précaution et de préservation des données fonctionne bien aussi pour l’entreprise, laquelle remet en fonctionnement, pas à pas, l’ensemble de ses systèmes, pour servir ses clients et assurer ainsi son rôle de prestataire.
L’alerte que nous avons connue est importante ; nous devons y veiller. Mais aujourd’hui, je tiens à être rassurant sur les conséquences que cela aurait pu avoir pour l’État et son fonctionnement. (M. François Patriat applaudit.)
aides aux multi-commerces
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Michel Houllegatte. Ceux qui analysent cette crise sanitaire et son impact sur les territoires s’accordent à dire que la pandémie agit en accélérateur des mutations en cours.
Or, parmi ces mutations, la dévitalisation de nos territoires ruraux s’amplifie. L’un des exemples les plus emblématiques en est le risque de disparition des derniers commerces de proximité en milieu rural, pour le maintien desquels les élus se sont beaucoup mobilisés, en amenant leurs communes à devenir propriétaires des murs ou en accordant des exonérations.
Rappelons que l’une des particularités de ces petits commerces tient au fait que de multiples activités sont exercées dans un même lieu, avec un café proposant parfois une restauration légère, une épicerie ou un dépôt de pain ou de gaz. Leur viabilité économique, fondée sur la contribution de chacune de ces activités, est assez fragile.
Aussi, quand bien même, du fait de la crise, la fermeture de la partie bar et de la petite restauration ne constitue pas l’activité principale et n’entraîne pas une baisse du chiffre d’affaires supérieure aux 50 % nécessaires à l’ouverture des droits au fonds de solidarité, elle met en péril économique ces petits commerces essentiels en milieu rural.
En effet, comme chacun le sait, c’est la marge sur ces activités de bar et de restauration, largement supérieure à celle des autres activités, qui fait vivre l’entreprise.
Monsieur le ministre, devant l’urgence, le Gouvernement envisage-t-il un élargissement des conditions mentionnées au décret du 8 février 2021 donnant accès au fonds de solidarité pour ces petits commerces ?
Envisage-t-il, au contraire, une mesure particulière de soutien aux derniers commerces de proximité en milieu rural, afin d’éviter un réel désastre, mettant en péril la vitalité de nos espaces ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, en réalité, vous avez tout dit dans votre question.
Il existe un grand nombre de multi-commerces, comme nous les appelons, dont l’activité peut majoritairement ne pas faire l’objet d’une mesure de restriction et qui n’ont donc pas accès automatiquement aux dispositifs d’aide, notamment au fonds de solidarité, alors même que l’activité considérée comme minoritaire dans le chiffre d’affaires est celle qui peut susciter la marge plus importante, donc la plus grande capacité à vivre.
C’est le cas des fermes-auberges et des fermes-restaurants, comme d’un ensemble de petits commerces, souvent logés dans des bâtiments qui appartiennent aux communes et qui ont à la fois une activité d’épicerie, une activité de restauration, ou encore une activité de distribution de presse.
Je vous indique les deux réponses que nous avons d’ores et déjà apportées, et ce sur quoi nous travaillons.
La première réponse que nous avons apportée est de faire en sorte que, chaque fois qu’un cas particulier est soumis à notre administration, nous fassions procéder à un examen au cas par cas, de manière à débloquer des situations.
La seconde réponse que nous avons apportée tient au fait que nous avons déconnecté l’éligibilité à une aide du code APE, pour activité principale exercée, sous lequel l’entreprise est inscrite et exerce son activité.
Ainsi, 14 % des bénéficiaires du fonds de solidarité bénéficient du fonds, alors que leur code APE d’inscription ne relève pas de l’éligibilité ou des secteurs S1 et S1 bis, parce que nous avons tenu compte de l’activité majoritaire exercée.
Si nous devons aller un peu plus loin, nous ne sommes pas convaincus que l’extension du fonds de solidarité soit la solution : cela provoquerait malheureusement des effets d’aubaine. Nous cherchons actuellement une solution pour mieux couvrir ces commerces dits « de multi-activités ».
Enfin, monsieur le sénateur, votre question est aussi l’occasion pour moi de rappeler devant le Sénat que, aujourd’hui, le fonds de solidarité permet, depuis le début de la crise, d’aider plus de 2 millions d’entreprises, que nous avons décaissé 17 milliards d’euros à date et que nous avons procédé à une quinzaine de modifications du fond pour répondre aux imperfections qui pouvaient avoir présidé à sa création.
Bruno Le Maire, Alain Griset et moi-même continuons à travailler pour que le dispositif soit le plus efficient possible. Dans l’attente, nous veillons à cet examen au cas par cas. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, mais la ruralité est en danger !
J’y suis moi-même sans cesse confronté : des maires m’alertent sur la fermeture de classes, de perceptions, éventuellement sur des difficultés relatives à l’accès au numérique ou à la couverture sanitaire. Il faut absolument un plan d’action pour nos espaces ruraux.
À ce titre, nous pouvons aussi rendre hommage à Vanik Berberian, qui, toute sa vie, a combattu en faveur des espaces ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
situation en birmanie
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Un parlement dissous, des morts par centaines, des tortures, des milliers d’arrestations, la loi martiale proclamée, la peine de mort rétablie, l’économie à l’arrêt, la famine qui s’installe, les ONG mises en cause, les entrepôts attaqués et même les pagodes pillées par l’armée : c’est le bilan terrifiant du coup d’État du 1er février dernier en Birmanie.
Tout cela parce que la junte militaire n’a pas supporté qu’une femme, Aung San Suu Kyi, et son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, ou LND, gagnent plus de 83 % des voix lors des dernières élections législatives !
Aung San Suu Kyi est aujourd’hui au secret. Même ses enfants n’ont aucune nouvelle d’elle, et la fuite en avant continue, la jante osant même l’accuser, ainsi que le docteur Sasa, son représentant à l’ONU, de trahison et de corruption, un mandat d’arrêt international ayant été émis ce matin même contre celui-ci.
Face à cette dictature honnie, le mouvement de désobéissance civile unit tous les Birmans, de toutes classes sociales religions et ethnies, y compris, bien sûr, les Rohingyas.
Monsieur le ministre, notre ambassade à Rangoon accomplit un travail remarquable, que je tiens à souligner, mais il faut aujourd’hui aller au-delà des déclarations d’inquiétude ou de condamnation. Les sanctions ciblées de l’Union européenne ne seront utiles que si elles englobent toute la famille des dirigeants, notamment leurs enfants. De même, les Birmans espèrent la reconnaissance par la France du CRPH, le gouvernement parallèle issu des urnes.
La France a une responsabilité historique. Elle se doit d’encourager le valeureux peuple birman en lutte contre une dictature mafieuse. Elle se doit de montrer au monde qu’elle reste fidèle à ses valeurs de liberté et de droits de l’homme, en entraînant les autres pays à faire de même.
Monsieur le ministre, comment convaincre l’Asean, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, la Russie et la Chine de sortir de leur neutralité pour s’engager à nos côtés et aux côtés des Birmans ? Et que pouvez-vous nous dire du dialogue avec le CRPH pour mettre fin à une guerre civile de plus en plus meurtrière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. Madame la sénatrice, vous le savez : ayant été en contact avec un cas positif, Jean-Yves Le Drian est à l’isolement.
Vous suivez de très près et depuis longtemps la situation de la Birmanie, et vous avez raison : la situation est grave et la dégradation s’accélère. Ainsi, soixante-dix morts ont été recensés rien qu’au cours de la journée du 14 mars dernier.
Comme vous le savez également, la France a bien évidemment condamné le coup d’État, comme l’Union européenne. Nous ne reconnaissons pas la junte et des discussions, techniques, sont en cours à Bruxelles pour que, lors du Conseil des affaires étrangères du 22 mars prochain, puissent être prononcées des sanctions ciblant les dirigeants de ce coup d’État et celles et ceux qui y ont contribué.
Nous réfléchissons aussi à étendre ces sanctions à certaines entités économiques. En effet, rien ne doit être fait pour continuer à donner de l’argent à l’armée birmane dans ces moments si périlleux.
Bien évidemment, madame la sénatrice, vous pouvez compter sur la détermination de la France à trouver une solution à cette crise. Jean-Yves Le Drian prend de nombreux contacts avec ses homologues des pays que vous avez évoqués, notamment ceux de l’Asean, laquelle a un rôle majeur à jouer en la matière.
En outre, nous continuons à suivre de près toutes les ONG qui travaillent en Birmanie, nous maintenons notre aide humanitaire et nous soutenons la société civile, parce que, comme vous l’avez rappelé, la situation en Birmanie est très grave.
Jean-Yves Le Drian et toutes les équipes du Quai d’Orsay, plus largement toutes celles du Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, veillent avec beaucoup d’attention à ce que l’on puisse sortir très rapidement de cette crise majeure en Birmanie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)
impacts de la crise sanitaire sur les grands événements sportifs à venir en france
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Folliot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Lundi dernier, l’ouverture de la billetterie pour la Coupe du monde de rugby de 2023 a été un succès considérable. En quelques heures, la totalité des 310 000 premiers billets a été vendue, avec des pics à 1 000 billets par minute.
La France aura l’honneur d’accueillir la Coupe du monde de rugby, c’est-à-dire le troisième plus gros événement sportif du monde, et, quelques mois après, le premier de ces événements sportifs, les jeux Olympiques, les JO.
C’est une grande chance pour notre pays, pour son rayonnement, mais aussi pour son économie. La seule Coupe du monde de rugby devrait attirer 600 000 visiteurs étrangers, au fort pouvoir d’achat. Selon le comité d’organisation, l’événement pourrait rapporter 3,4 milliards d’euros à notre pays, créer 17 000 emplois, notamment 3 000 apprentis accueillis au sein du comité d’organisation, et générer 119 millions d’euros de taxes additionnelles.
Toutefois, pour avoir lieu et se dérouler dans de bonnes conditions, les grands événements sportifs exigent une préparation à la mesure de l’enjeu ; en particulier, les jeux Olympiques réclament, eux, d’importants investissements.
Ainsi, la rénovation du Grand Palais, qui doit accueillir les épreuves de judo et d’escrime, vient seulement de débuter. Il faut encore construire le village et la piscine olympiques. En outre, les infrastructures de transport ont pris un retard considérable.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, quel a été l’impact de la crise sanitaire sur la préparation de ces grands événements sportifs ?
Serons-nous dans les temps, en particulier pour les JO ? Le Japon a dû décaler ses jeux Olympiques d’un an : ne risquons-nous pas d’être contraints de faire de même ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je vous remercie de souligner non seulement l’importance de ces grands événements sportifs, tout particulièrement le championnat du monde de rugby de 2023, à la bonne organisation duquel nous sommes évidemment tous très attachés, mais aussi le rôle très particulier de la France en la matière.
Rappelons-le, même si chacun le sait, notre pays a montré une capacité de résilience très forte au cours de l’année qui vient de s’écouler : Roland-Garros, le Tour de France, le Vendée Globe sont autant de grands événements sportifs internationaux que la France a su maintenir, malgré la crise. Il nous faut en être heureux et féliciter ceux qui l’ont permis.
Reste que, pour ceux qui organisent ces événements, ce n’est pas simple : on a dénombré 40 % d’annulations et 20 % de reports au cours de l’année qui vient de s’écouler.
Nous avons aussi aidé les organisateurs de différentes façons, en particulier avec le ministère des affaires étrangères, pour permettre que des athlètes internationaux puissent venir.
Nous avons aussi travaillé avec le ministère de l’économie pour que les organisateurs puissent bénéficier des soutiens qui valent pour tous les acteurs économiques, mais aussi de mesures particulières, que le Président de la République a fixées lui-même. Je pense en particulier aux compensations de billetterie pour plus de 100 millions d’euros qui ont été décidées voilà quelques mois pour les organisateurs d’événements sportifs.
Avec toutes ces mesures, nous avons préservé autant que possible la santé économique des acteurs, pour qu’ils puissent continuer à agir et préparer les prochains événements sportifs, comme le Tour de France et Roland-Garros.
J’en viens à la préparation des jeux Olympiques. La situation actuelle entraîne évidemment toute une série d’inconvénients. Comme vous le savez, le Comité international olympique et le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, le COJO Paris 2024, travaillent à l’organisation.
Nous sommes dans les temps ; le compte à rebours est respecté. Cela suppose bien sûr un véritable sens de l’adaptation et une très bonne coopération entre le ministère et l’ensemble des organisateurs.
Bien entendu, nous en rendrons compte régulièrement devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour la réplique.
M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos rassurants. Toutefois, une véritable mobilisation nationale sera nécessaire pour que ces grands événements sportifs contribuent au rayonnement de notre pays.
avenir de l’usine psa de trémery
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Les usines de moteur et de boîtes de vitesses de Trémery et de Metz-Borny ont à l’époque été créées pour compenser la disparition de la sidérurgie et des houillères. Elles ont eu respectivement jusqu’à 6 000 et 2 900 emplois.
Toutefois, en raison de diverses réorganisations et surtout de la politique de remplacement du diesel par des moteurs électriques, elles n’en ont plus que 3 000 et 1 300. En effet, même lorsque les moteurs électriques sont assemblés en France, la plupart de leurs composants sont directement importés de Chine.
S’y ajoute le transfert de plusieurs lignes de production dans d’autres pays européens, le dernier en date étant celui de la nouvelle génération de moteurs turbo à essence, que le président Hollande était venu solennellement inaugurer à Trémery, en 2017. Quatre ans après, il ne reste plus rien : toute la chaîne a été démontée et transférée en Pologne !
Monsieur le ministre, est-ce cela la politique industrielle de la France ? N’aurait-il pas été plus intelligent d’organiser un recul moins brutal du diesel ?
Une fois que l’essentiel du parc automobile aura été électrifié, l’État sera obligé de retrouver des recettes fiscales, en taxant à leur tour les véhicules électriques. Cela prouvera alors que leur compétitivité économique est aujourd’hui complètement artificielle : non seulement leur achat est largement subventionné, mais ces véhicules ne supportent pour l’instant aucune taxe sur le carburant.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour éviter la disparition des deux usines de Trémery et de Metz, qui ont été le fleuron de la conversion industrielle de la Lorraine dans les années 1970 et 1980 ?
M. le président. La parole est une nouvelle fois à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, que je félicite de sa performance de cette après-midi. (Exclamations amusées.)
M. François Bonhomme. Il finira Premier ministre ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Merci, monsieur le président !
Monsieur le sénateur Masson, votre question permet tout d’abord de rappeler l’empreinte historique de l’industrie automobile en Moselle. Vous avez évoqué tout particulièrement le devenir des sites de Trémery et de Metz, qui tous deux appartiennent au groupe PSA, désormais groupe Stellantis après sa fusion avec Fiat et Chrysler.
Le site de Trémery fabrique des moteurs diesel, vous l’avez dit ; celui de Metz produit des boîtes manuelles. Nous savons que la conversion progressive du parc automobile et la sortie des énergies fossiles sont plutôt de nature à entraîner une baisse de cette activité, tant des moteurs diesel que des boîtes manuelles, puisque l’essentiel des véhicules hybrides ou électriques a des boîtes de vitesses automatiques.
Dans le cadre du plan de relance pour la filière automobile, le groupe PSA, désormais Stellantis, a pris un certain nombre d’engagements, notamment pour reconvertir vers l’électrification la totalité de ses sites de production de chaînes de traction des véhicules.
C’est dans ce cadre qu’ont été annoncés deux investissements : un investissement de 60 millions d’euros sur le site de Metz, pour passer de la production de boîtes de vitesses manuelles à la production de boîtes de vitesses automatiques, et un investissement de 140 millions d’euros sur le site de Trémery, pour passer de la production de moteurs diesel à des moteurs électriques.
Notre objectif – c’est ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie, qui suit ce dossier de façon attentive – est de faire en sorte que les emplois des deux sites soient les plus préservés possible et que la transition vers les moteurs électriques ou les boîtes de vitesses automatiques soit la plus protectrice possible de l’emploi.
Nous y travaillons avec le groupe Stellantis et nous saurons évidemment rappeler à ce dernier les engagements qui ont été pris, même si, aujourd’hui, nous constatons qu’il les tient et met en œuvre les décisions qu’il nous avait annoncées.
Plus largement, dans le cadre du plan de relance, nous avons la conviction que la reconquête d’une forme de souveraineté industrielle est une priorité majeure. Nous devons faire en sorte de relocaliser des activités et d’accompagner l’innovation, pour sécuriser et stabiliser les emplois industriels, qui sont producteurs de richesse sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, dans le cadre de la conversion industrielle, on a recréé sept ou huit fois moins d’emplois que l’on en avait supprimé. Et alors que l’on en a retrouvé très peu, on fait disparaître ces emplois sans les remplacer !
Ce que je mets en cause, c’est l’absence de conscience du Gouvernement sur la nécessité de compenser les emplois que l’on est en train de supprimer par centaines et par milliers sur les sites de Trémery et de Metz.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 24 mars 2021, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 19 voix pour, aucune voix contre – à la nomination de Mme Florence Peybernes à la présidence du Haut Conseil du commissariat aux comptes.
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée l’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Conventions internationales
Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, signée à Alger le 27 janvier 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 298, texte de la commission n° 438, rapport n° 437).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du burkina faso relatif à l’emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque état dans l’autre et de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du paraguay relatif à l’emploi rémunéré des membres des familles des agents des missions officielles de chaque état dans l’autre
Article 1er
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à l’emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Ouagadougou le 26 octobre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay relatif à l’emploi rémunéré des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (ensemble une annexe), signées à Assomption le 28 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 297, texte de la commission n° 436, rapport n° 435).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
7
Sécurité globale
Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale (proposition n° 150, texte de la commission n° 410, rapport n° 409, avis n° 393).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’amendement n° 162 rectifié ter tendant à insérer un article additionnel après l’article 5.
TITRE Ier (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX POLICES MUNICIPALES
Chapitre II (suite)
Dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement des polices municipales
Article additionnel après l’article 5
Mme la présidente. L’amendement n° 162 rectifié ter, présenté par MM. Bilhac, J.-M. Arnaud et Bourgi, Mme de Cidrac, MM. Grand et Haye, Mme Herzog, MM. Hingray, P. Joly, Joyandet, Lefèvre et Mizzon, Mme Paoli-Gagin, MM. Moga, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier et Roux, Mme Pantel et M. Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l’article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« De plus, les communes peuvent mettre des agents à disposition d’une autre commune appartenant au même établissement public de coopération intercommunale ou à un établissement public de coopération intercommunale limitrophe. »
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Cet amendement vise à compléter le dispositif de mutualisation des services de police municipale en ouvrant la possibilité d’une mise à disposition, pour une commune concernée, d’un ou de plusieurs policiers municipaux relevant du même établissement public de coopération intercommunale ou d’un EPCI limitrophe.
Cette disposition doit permettre à la police municipale de continuer à exercer ses missions en cas d’empêchement, accident ou maladie d’un de ses membres, surtout dans les petites unités de police municipale de deux ou trois agents.
Je propose d’ouvrir ce dispositif aux communes qui sont membres du même EPCI et aux EPCI limitrophes.
En effet, avec les EPCI de grande taille, les limites des bassins de vie ne sont pas les limites administratives. Cela permettrait de gérer au mieux, en offrant aux maires la souplesse de se faire dépanner en cas d’absentéisme dans leur police municipale, particulièrement dans les petites unités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Cet amendement nous semble satisfait par celui de Mme Bourrat que nous avons adopté hier.
Par conséquent, nous vous invitons, mon cher collègue, à le retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Bilhac, l’amendement n° 162 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Christian Bilhac. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 314 rectifié, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La sous-section 1 de la section V du chapitre II du titre Ier du livre IV du code des communes est complétée par un article L. 412-… ainsi rédigé :
« Art. L. 412-…. – Le policier municipal stagiaire souscrit l’engagement de servir la commune ou l’établissement public qui a pris en charge sa formation pour une durée minimale de trois ans à compter de la date de sa titularisation et qui ne peut excéder cinq ans.
« Le policier municipal qui rompt l’engagement prévu au premier alinéa du présent article doit rembourser à la collectivité territoriale ou à l’établissement public une somme correspondant au montant du traitement net et des indemnités qu’il a perçus au cours de sa formation. Dans ce cas, il ne peut être fait application des dispositions prévues au second alinéa de l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.
« Le policier municipal qui rompt l’engagement prévu au même premier alinéa peut être dispensé par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale de tout ou partie du remboursement, pour des motifs impérieux, notamment tirés de son état de santé ou de nécessités d’ordre familial. Dans ce cas, il est fait application des dispositions prévues au second alinéa de l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. C’est un sujet sur lequel il faut que nous adoptions une position, et je sais que les avis sont partagés.
Il existe une certaine tension, pour ne pas dire une fièvre, sur le marché du travail en ce qui concerne les policiers municipaux. Les recrutements sont difficiles et les besoins des communes souvent intenses.
Par conséquent, entre employeurs naturellement tous de bonne foi et de bonne compagnie, nous ne nous faisons pas toujours de très bonnes manières… Les personnels, en position favorable sur le marché du travail, en retirent avantage et font jouer une certaine concurrence entre les employeurs.
Lorsqu’un agent de police municipale a été recruté dans une commune et y a reçu sa première formation, cet amendement prévoit un engagement de servir pour une durée minimale de trois à cinq ans. Nous le savons, cette formation prend plusieurs mois, période durant laquelle la collectivité rémunère l’agent, qui fait partie de ses effectifs avant d’être opérationnel. A fortiori lorsque cette formation est terminée, la commune souhaite que cet agent ne soit pas « débauché » par la commune voisine.
Nous proposons donc une disposition particulière dans le droit de la fonction publique. Travaillant par ailleurs sur la mise en code des lois de la fonction publique, j’observe qu’une telle disposition existe déjà dans le secteur hospitalier. Il me semble que c’est une disposition de bonne administration, dans une situation de tension qui risque d’être durable.
Mme la présidente. L’amendement n° 333 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La sous-section 1 de la section V du chapitre II du titre Ier du livre IV du code des communes est complétée par un article L. 412-57 ainsi rédigé :
« Art. L. 412-57. – Le fonctionnaire stagiaire des cadres d’emploi de la police municipale souscrit l’engagement de servir la commune ou l’établissement public qui a pris en charge sa formation pour une durée minimale de trois ans à compter de la date de sa titularisation et qui ne peut excéder cinq ans.
« Le fonctionnaire des cadres d’emploi de la police municipale qui rompt l’engagement prévu au premier alinéa du présent article doit rembourser à la collectivité territoriale ou à l’établissement public une somme correspondant au montant du traitement net et des indemnités qu’il a perçus au cours de sa formation. Dans ce cas, il ne peut être fait application des dispositions prévues au second alinéa de l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
« Le fonctionnaire des cadres d’emploi de la police municipale qui rompt l’engagement prévu au premier alinéa du présent article peut être dispensé par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale de tout ou partie du remboursement, pour des motifs impérieux, notamment tirés de son état de santé ou de nécessités d’ordre familial. Dans ce cas, il est fait application des dispositions prévues au second alinéa de l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je voudrais, à la suite du sénateur Richard, évoquer la question très importante des polices municipales, de leur recrutement et du mercato, si vous me permettez cette image, qui se produit, notamment lorsque les mairies prennent le soin de recruter et de former ces policiers municipaux.
De très nombreux élus, au début en Île-de-France, désormais partout sur le territoire national, évoquent ce mercato, notamment le fait qu’une fois formés ces policiers municipaux quittent le territoire de la commune.
Ce n’est pas simplement parce qu’il y aurait ici une police municipale armée et là une police municipale non armée, mais d’abord parce que le statut de la fonction publique empêche localement de verser des primes identiques aux autres fonctionnaires de statut de fonction publique territoriale.
Par ailleurs, c’est souvent par les heures supplémentaires, chacun le sait, que l’on offre un certain nombre d’avantages.
On provoque ainsi une concurrence assez injuste entre collectivités locales, fondée non pas sur le bien commun, mais manifestement sur des principes de non-amitié. La situation est d’autant plus scandaleuse que la collectivité a dépensé de l’argent public pour former l’agent, et chacun sait qu’il est long de former un policier municipal.
L’amendement de M. le sénateur Richard et celui du Gouvernement visent tous deux à rétablir les dispositions de l’article 6 de la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale, qui nous paraissent essentielles pour l’équilibre du texte, mais surtout pour la protection des collectivités locales elles-mêmes.
Mme la présidente. L’amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La sous-section 1 de la section V du chapitre II du titre Ier du livre IV du code des communes est complétée par un article L. 412-… ainsi rédigé :
« Art. L. 412-…. – Le policier municipal stagiaire souscrit l’engagement de servir la commune ou l’établissement public qui a pris en charge sa formation pour une durée de trois ans à compter de la date de sa titularisation.
« Le policier municipal qui rompt l’engagement prévu au premier alinéa du présent article doit rembourser à la collectivité territoriale ou à l’établissement public une somme correspondant au montant du traitement net et des indemnités qu’il a perçus au cours de sa formation. Dans ce cas, il ne peut être fait application des dispositions prévues au second alinéa de l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.
« Le policier municipal qui rompt l’engagement prévu au même premier alinéa peut être dispensé par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale de tout ou partie du remboursement, pour des motifs impérieux, notamment tirés de son état de santé ou de nécessités d’ordre familial. Dans ce cas, il est fait application des dispositions prévues au second alinéa de l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Il s’agit d’un amendement de repli visant, si le premier amendement n’était pas adopté, un engagement de maintien dans l’emploi de trois ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous n’avons pas supprimé cet article en commission à la légère !
Monsieur le ministre, le mercato fonctionne dans les deux sens. Toutes les communes le savent, ce n’est pas la même chose quand on est dans une grande commune, une très grande commune, comme Paris, ou une commune moyenne.
Le dispositif issu de l’Assemblée nationale était selon nous excessivement rigide. De nombreux maires nous ont fait état de difficultés de fidélisation des policiers municipaux – en tant que chambre des territoires, nous avons beaucoup de remontées de la part des maires -, notamment pour les communes les moins attractives et les plus petites, et il risquait d’accroître encore leurs difficultés.
Il n’y a pas de pénurie de l’offre sur le marché des policiers municipaux. Le cas de Paris mis à part, plus de 700 policiers municipaux sont inscrits sur les listes d’aptitude et sont en attente d’un poste. Parmi eux, 450 sont en recherche depuis plus d’un an. Une obligation de servir la commune pendant une durée longue combinée à un risque financier pesant sur les agents risquerait donc d’accroître la tendance de ces derniers à attendre une meilleure occasion.
Le droit de la fonction publique territoriale prévoit par ailleurs déjà que, en cas de mutation de l’agent dans les trois ans qui suivent sa titularisation, la commune ou l’EPCI d’accueil doit verser à la commune d’origine une indemnité correspondant au montant de la rémunération perçue par l’agent. S’il n’y a pas d’accord sur le montant de l’indemnité, la collectivité ou l’établissement public rembourse la totalité des dépenses engagées par la collectivité d’origine.
Nous avons donc estimé que le droit en vigueur était équilibré et combinait de manière satisfaisante les possibilités de remboursement.
Par cet article, vous faites peser une sanction financière sur les personnels municipaux, qui rencontreront pour certains de très graves difficultés, a fortiori lorsque leur grade est peu élevé.
La commission maintient donc son avis défavorable sur l’amendement n° 314 rectifié de M. Richard, sur l’amendement n° 333 rectifié du Gouvernement et sur l’amendement de repli n° 316 rectifié de M. Richard.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai pas beaucoup de points de désaccord avec M. le rapporteur depuis le début de ce débat, mais, en l’occurrence, je ne partage pas sa vision.
Tout d’abord, l’article établi par l’Assemblée nationale prévoyait pour le maire la possibilité de ne pas demander à l’agent le remboursement de sa formation. Il y a donc une liberté totale des collectivités, notamment de l’employeur.
Ensuite, c’est exactement ce que nous faisons pour d’autres fonctionnaires suivant des écoles de formation payées par l’État, comme l’École nationale d’administration ou l’École polytechnique.
La personne choisit de passer ce concours et, à ce titre, acquiert une formation qualifiante importante. Évidemment, une fois qualifiée, cette personne est particulièrement concurrentielle sur le marché du travail, notamment dans le privé. Elle doit donc à l’État au moins quelques années, pour être au rendez-vous de la formation et des efforts publics engagés par l’administration pour la former. Si elle ne le fait pas et choisit le privé, elle rembourse sa formation. C’est à la fois dissuasif et équitable pour les deniers publics.
Je ne parle pas de la Ville de Paris, qui n’a pas de police municipale aujourd’hui constituée. En revanche, c’est évidemment le cas dans des collectivités importantes en conurbation et dans lesquelles la mobilité géographique ne pose pas de problème.
Dans notre territoire de la métropole lilloise, monsieur le rapporteur, il n’est pas si compliqué de changer d’employeur, d’être policier municipal à Roubaix ou à Lille, lorsqu’on est policier municipal à Tourcoing.
Si la ville de Tourcoing venait à payer les quelques mois de formation de nouveaux policiers municipaux, ne serait-ce qu’en organisant un concours spécifique pour intégrer des contractuels dans la fonction publique, la commune voisine n’ayant pas réalisé cet effort de ressources humaines exercerait une concurrence malsaine en les recrutant.
Évidemment, la ville de Tourcoing ne prendrait plus le soin de former ses agents et entrerait elle aussi dans une logique de paiement d’heures supplémentaires ou d’accompagnement relevant non pas du bien public, mais bien de la concurrence malsaine entre collectivités.
J’entends que le Sénat, singulièrement M. le rapporteur, discute avec les collectivités locales. Il se trouve que c’est mon expérience de maire, mais aussi celle de très nombreux élus locaux. M. Estrosi, qui préside la commission consultative des polices municipales et des villes pour la sécurité, est favorable à cette mesure. Le vice-président de l’Association des maires de France, David Lisnard, nous l’a demandé.
C’est une disposition favorable aux collectivités locales. Il appartient au Sénat de savoir s’il veut ou non la retenir.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur le ministre, c’est un sujet que je connais bien, pour avoir été pendant vingt ans le vice-président de l’Association des maires du Nord. Je le répète, le problème que vous soulevez se pose de manière fondamentalement différente dans les grandes villes et dans les villes moyennes ou rurales.
La question n’est plus de savoir, ce qui est tout à fait légitime, si, lorsqu’un agent a été formé par une collectivité et s’en va dans une autre, a fortiori dans une grande intercommunalité comme une communauté urbaine, souvent avec des primes substantielles, cette dernière rembourse la collectivité de son investissement en formation, puisque la loi le permet déjà.
La question est la suivante : fait-on supporter cette charge à la collectivité qui est allée chercher l’agent au mercato, comme vous dites, ou à l’agent ayant deux enfants à charge, rarement payé plus d’un SMIC à un SMIC et demi ?
Vous dites qu’il existe déjà un dispositif qui le permet. Oui, mais seulement pour motifs impérieux, monsieur le ministre ! En outre, vous mettez en parallèle un agent qui part dans le privé et un agent qui change de collectivité publique.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons notre avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 demeure supprimé.
Article 6 bis A
L’article L. 512-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « sportif, », il est inséré le mot : « ou » et les mots : « ou en cas de catastrophe naturelle » sont supprimés ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de catastrophe naturelle ou technologique, les maires de communes limitrophes ou appartenant à un même département ou à un département limitrophe peuvent être autorisés à utiliser en commun, sur le territoire d’une ou plusieurs communes, pour un délai déterminé, tout ou partie des moyens et des effectifs de leurs services de police municipale. Cette faculté s’exerce exclusivement en matière de police administrative. » ;
3° Au second alinéa, après le mot : « département », sont insérés les mots : « , ou par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés, » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa, l’utilisation en commun des forces de police municipale en matière administrative en cas de catastrophe naturelle ou technologique peut être autorisée par arrêtés municipaux concordants des communes concernées lorsque les modalités et conditions de cette autorisation ont fait l’objet d’une convention cadre préalable entre ces communes et le représentant de l’État dans le département. »
Mme la présidente. L’amendement n° 265 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et, après le mot : « fixe », sont insérés les mots : « la durée, »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Il s’agit d’un amendement de précision.
L’article 6 bis A étend considérablement le périmètre de la mutualisation de la police municipale aux communes limitrophes ou appartenant à un même département ou à un département limitrophe aux seuls cas de catastrophe naturelle ou technologique.
Il est prévu que cette faculté soit limitée dans le temps et exclusivement en matière de police administrative. En conséquence, l’arrêté préfectoral qui en détermine l’application doit impérativement mentionner la durée de cette application exceptionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je suis toujours attentif aux amendements de précision de M. Durain, qui sont souvent pertinents, mais nous avions déjà inclus dans le texte le terme « modalités », qui, par définition, inclut la définition de la durée.
Cet amendement est donc déjà satisfait. J’invite M. Durain à le retirer ; sinon, nous y serions défavorables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Durain, l’amendement n° 265 rectifié est-il maintenu ?
M. Jérôme Durain. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 265 rectifié est retiré.
L’amendement n° 356, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. L’article 6 bis A, qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, est à la fois moderne, efficace et intelligent. Il prévoit la possibilité de mutualiser temporairement des agents de police municipale pour faire face à des difficultés exceptionnelles, par exemple des catastrophes naturelles, comme celles qui ont eu lieu dans l’Aude ou les Alpes-Maritimes.
Cet amendement de suppression des alinéas 6 et 7 vise simplement à faire en sorte que le dispositif reste sous l’autorité du préfet.
D’une part, et cela paraît frappé au coin du bon sens, c’est le rôle du représentant de l’État que d’assurer la coordination entre les services de la sécurité civile, la police nationale et la gendarmerie lors des interventions.
D’autre part, comme il s’agira, en quelque sorte, d’une « mutualisation sauvage », les acteurs concernés n’auront pas eu le temps d’acquérir des habitudes.
Le Gouvernement souhaite donc confier au préfet le soin de coordonner de telles mutualisations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le Gouvernement propose de supprimer la possibilité pour les communes de conclure une convention préalable permettant une mise en commun plus rapide des services de police municipale en cas de catastrophe naturelle.
Même si la mesure envisagée risque de ne s’appliquer que rarement, on comprend bien ce qui la motive.
Dans la mesure où le représentant de l’État est signataire de la convention, celle-ci nous paraît bénéficier de toutes les garanties possibles. La modification suggérée par le Gouvernement ne nous semble donc pas utile.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 bis A.
(L’article 6 bis A est adopté.)
Article additionnel après l’article 6 bis A
Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié ter, présenté par M. J.B. Blanc, Mmes de Cidrac et N. Delattre, MM. Genet, Gueret, Laménie et Belin, Mme Berthet, M. Boré, Mme Canayer, M. Chauvet, Mme L. Darcos, M. Favreau, Mme Guillotin, MM. Pointereau, Ravier, Somon, C. Vial, A. Marc, Lefèvre, Babary, Bacci et Bascher, Mmes Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bouchet, Bouloux, Brisson, Burgoa, Cambon, Cardoux, Chaize et Chasseing, Mme Thomas, MM. Courtial, D. Laurent et de Legge, Mmes Deroche, Deromedi et Drexler, M. B. Fournier, Mmes Dumont et Garriaud-Maylam, M. Le Gleut, Mmes Gosselin et Gruny, MM. Guerriau, Guiol, Houpert et Husson, Mme Jacquemet, MM. Joyandet et Klinger, Mmes Garnier et Lavarde, MM. Le Rudulier, Longeot et Mandelli, Mmes M. Mercier et Richer, MM. Menonville, Milon et de Nicolaÿ, Mmes Noël et Paoli-Gagin, MM. P. Martin, Pellevat et Piednoir, Mme Primas, MM. Regnard, Reichardt, Saury, Sautarel, Savin, Vogel et Wattebled, Mme Schalck et MM. Rojouan et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 522-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 522-2-…. – I. – Lors d’une manifestation exceptionnelle, notamment à caractère culturel, récréatif ou sportif, ou à l’occasion d’un afflux important de population, les maires de communes limitrophes ou appartenant à un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à une même agglomération peuvent être autorisés à recourir en commun, sur le territoire d’une ou plusieurs communes, pour un délai déterminé, tout ou partie des moyens et des effectifs de leurs gardes champêtres. Cette faculté s’exerce exclusivement en matière de police administrative.
« En cas de catastrophe naturelle ou technologique, les maires de communes limitrophes ou appartenant à un même département ou à un département limitrophe peuvent être autorisés à utiliser en commun, sur le territoire d’une ou plusieurs communes, pour un délai déterminé, tout ou partie des moyens et des effectifs de leurs gardes champêtres.
« Cette utilisation en commun des moyens et effectifs de leurs gardes champêtres est autorisé par arrêté du représentant de l’État dans le département, ou par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés, qui en fixe les conditions et les modalités au vu des propositions des maires des communes concernées.
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent paragraphe, l’utilisation en commun aux services de gardes champêtres en matière administrative en cas de catastrophe naturelle ou technologique peut être autorisée par arrêtés municipaux concordants des communes concernées lorsque les modalités et conditions de cette autorisation ont fait l’objet d’une convention cadre préalable entre ces communes et le représentant de l’État dans le département.
« II. – Le présent article est applicable dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, sous réserve des dispositions des articles L. 523-1 et L. 523-2. »
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement vise à répondre au besoin des communes rurales de bénéficier de la mise à disposition de policiers municipaux pour sécuriser des événements festifs, des manifestations exceptionnelles ou en cas de catastrophe naturelle ou technologique.
À ce jour, la mise en commun de policiers municipaux est régie par deux articles du code de la sécurité intérieure, dont l’article L. 512-3, qui permet aux communes limitrophes ou appartenant à un même EPCI de mutualiser sur le territoire d’une ou de plusieurs d’entre elles, pour un délai déterminé, tout ou une partie des moyens des effectifs de leurs services de police municipale.
Ce sont alors les maires des communes concernées qui fixent les conditions et les modalités de cette mutualisation de moyens et d’effectifs.
Toutefois, une telle possibilité s’exerce exclusivement en matière de police administrative et ne concerne que les policiers municipaux. Or, dans la ruralité, nombre de communes ne disposent que de gardes champêtres.
Cet amendement vise donc à permettre à une commune de mettre son garde champêtre à disposition d’une autre au sein de l’EPCI.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cette proposition est tout à fait pertinente : ce qui s’applique désormais pour les policiers municipaux doit s’appliquer de la même manière pour les gardes champêtres.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6 bis A.
Article 6 bis
I. – Après la section IV du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code de la sécurité intérieure, est insérée une section IV bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Brigades cynophiles de police municipale
« Art. L. 511-5-2. – Sur décision du maire ou, le cas échéant, sur décision conjointe du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et des maires des communes où les agents de police municipale sont affectés en application de l’article L. 512-2, une brigade cynophile de police municipale peut être créée pour l’accomplissement des missions mentionnées à l’article L. 511-1, sous réserve de l’existence d’une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État prévue à la section 2 du chapitre II du présent titre.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions de création, de formation et d’emploi de cette brigade, ainsi que les conditions de dressage, de propriété et de garde des chiens. »
II (nouveau). – À l’article L. 211-18 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « douanes », sont insérés les mots : « , des polices municipales ».
Mme la présidente. L’amendement n° 266 rectifié bis, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
maire
insérer les mots :
, après délibération du conseil municipal,
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. La commission des lois a prévu la mise en place de brigades cynophiles dans le cadre d’une police intercommunale sur décision conjointe du président de l’EPCI et des maires des communes où les agents de police municipale sont affectés.
Cette méthode consensuelle inspire le présent amendement, qui vise une délibération du conseil municipal pour la création d’une brigade cynophile dans une commune.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 267 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
et de garde
par les mots :
, de garde et de réforme
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement a pour objet de prendre en considération la fin du service de l’animal, qui peut être une fin de service ordinaire ou une fin de service anticipée, à l’issue de la période active, afin d’envisager son placement dans les meilleures conditions, dès lors qu’il est en parfaite santé et ne présente aucun caractère dangereux.
Il s’agit simplement de se montrer soucieux du bien-être de ces chiens, une fois ceux-ci réformés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Sur le principe, nous ne pouvons qu’être favorables à ce qui est proposé. D’ailleurs, certaines communes ont déjà une brigade canine.
Simplement, l’opposition du Gouvernement à cet amendement tient à des raisons non pas de fond, mais de forme. En effet, une telle mesure relève d’une délibération du conseil municipal, et non de la loi.
C’est donc pour éviter d’avoir des lois bavardes que j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 bis, modifié.
(L’article 6 bis est adopté.)
Article 6 ter
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 513-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « et après avis de la commission consultative des polices municipales, » sont supprimés.
Mme la présidente. L’amendement n° 268 rectifié bis, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. L’article 6 ter modifie l’article L. 513-1 du code de la sécurité intérieure, qui permet au ministre de l’intérieur, après avis de la commission consultative des polices municipales, la CCPM, de décider, sur proposition du maire, du président d’EPCI, du préfet ou du procureur de la République, de la vérification de l’organisation et du fonctionnement d’un service de police municipale par un service d’inspection générale de l’État.
Le Gouvernement propose de supprimer l’avis préalable de la CCPM. Selon lui, le fait que celle-ci ne se réunisse qu’une fois par an en moyenne diffère les déclenchements d’éventuelles vérifications. En outre, la commission aurait davantage vocation à traiter des enjeux nationaux, plutôt que des situations locales.
Il serait pourtant regrettable à nos yeux de supprimer l’avis de cette instance consultative, à laquelle les organisations syndicales et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF, sont attachées, au seul motif qu’elle présente des lacunes dans son mode de fonctionnement. La CCPM est le seul organe de dialogue entre État, maires et représentants syndicaux.
Il nous semblerait plus approprié de corriger les problèmes relevés par la Cour des comptes, qui a constaté le défaut de communication sur les travaux de la commission, ainsi que l’irrégularité de ses réunions, afin d’en recentrer les travaux sur les seules questions opérationnelles.
La commission des lois s’est engagée dans cette voie en adoptant l’article 6 quater B, issu d’un amendement déposé sur l’initiative de notre collègue Françoise Gatel.
Dans cette perspective, le maintien de l’avis de la CCPM est justifié, ce qui nous amène à demander la suppression de l’article 6 ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 268 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 ter.
(L’article 6 ter est adopté.)
Article 6 quater A (nouveau)
La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre V du code de la sécurité intérieure est ainsi modifiée :
1° L’article L. 512-4 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « qu’un service de police municipale comporte au moins trois emplois d’agent de police municipale, y compris d’agent mis à disposition de la commune par un établissement public de coopération intercommunale dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 512-2 » sont remplacés par les mots : « qu’il existe un service de police municipale » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
2° L’article L. 512-6 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « précise », sont insérés les mots : « , après réalisation d’un diagnostic préalable des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles est confronté le territoire » ;
b) Au troisième alinéa, après les mots : « défaut de », sont insérés les mots : « mention spécifique dans la ».
Mme la présidente. L’amendement n° 324 rectifié, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Nous connaissons tous les conventions de coordination qui existent entre les polices municipales et le commissariat ou l’unité de gendarmerie du secteur. C’est une formule tout à fait logique.
En même temps, nous savons que, globalement, ces conventions sont un peu des « copier-coller », formées sur le même modèle partout.
Toutefois, elles représentent un travail de mise en forme et de préparation méthodologique de la part des deux parties significatif.
L’article 6 quater A a été introduit dans le texte pour imposer la signature d’une telle convention dans les collectivités ayant un ou deux agents de police municipale, alors que le seuil avait déjà été abaissé à trois agents.
Aussi, du point de vue de la réduction de la bureaucratie, il nous semble vraiment que, s’il y a un ou deux agents de police municipale, la bonne formule pour assurer une coordination effective pour de petites interventions est un dialogue entre le maire, avec le policier principal à ses côtés, et l’adjudant de gendarmerie ou le chef de brigade, voire le commissaire du secteur.
Toutefois, il ne nous semble pas justifié d’imposer la mise en forme d’une convention avec le diagnostic de sécurité qui va avec. Une telle mesure paraît quelque peu exagérée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Au cours de nos débats, j’ai systématiquement mis en exergue le fait que les conventions de coordination étaient précisément le moyen de bien délimiter les champs de compétences de la police nationale et des polices municipales au regard des nouvelles possibilités offertes par l’expérimentation.
J’ai chaque fois refusé les amendements dont l’adoption aurait eu pour effet d’alourdir le texte, préférant renvoyer aux conventions de coordination.
Pour en avoir signé moi-même à plusieurs reprises dans le cadre mes fonctions d’élu, je puis certifier que ces conventions ne sont pas des « copier-coller ».
J’ai créé une police municipale en 1995 et j’ai signé de telles conventions durant environ vingt ans, ayant eu le privilège d’être maire pendant vingt-neuf ans. J’ai pu constater que, en dix ans, les conventions avaient évolué. Elles me semblent tout à fait utiles.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est très favorable au dispositif proposé par M. Richard, dans l’intérêt des communes.
Aujourd’hui, quelque 2 000 collectivités ont entre un et trois policiers municipaux. En ne votant pas l’amendement de M. Richard, le Sénat obligerait toutes les communes rurales qui sont dans ce cas à passer une convention avec le représentant de l’État, ce qui ne me paraît absolument pas nécessaire.
Il faut évidemment que les communes, même celles qui n’ont qu’un seul agent, puissent passer une convention si elles le souhaitent, et des instructions en ce sens peuvent être données aux préfets.
Toutefois, rendre cette procédure obligatoire pour les petites communes – les membres du Sénat sont les mieux placés pour les connaître – n’ayant qu’un à trois policiers municipaux, c’est, me semble-t-il, leur imposer une surcharge.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 269 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la même première phrase du premier alinéa, après le mot : « missions », il est inséré le mot : « complémentaires » ;
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. La commission des lois rend obligatoires les conventions de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité intérieure pour l’ensemble des communes et établissements publics de coopération intercommunale disposant d’un service de police municipale. Aujourd’hui, elles ne sont obligatoires qu’à partir de la présence de trois agents dans le service.
On peut s’interroger sur la portée et l’intérêt d’une mesure, qui va entraîner une certaine rigidité pour les petites communes, d’autant que l’article 6 quater A renforce le contenu des conventions, en prévoyant la réalisation d’un diagnostic préalable des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles les communes sont confrontées.
Quoi qu’il en soit, dans le contexte de l’expérimentation que la proposition de loi envisage de mettre en place, il convient de rappeler que l’exercice des responsabilités doit être partagé et non confondu.
Les forces de sécurité intérieure de l’État constituent l’outil principal de répression des crimes et délits et s’inscrivent dans la phase judiciaire du traitement de ces infractions : recueil des plaintes, traitement des informations à caractère judiciaire, conduite des investigations, etc.
La police municipale constitue l’outil principal de la mise en œuvre de la politique de prévention de la délinquance décidée par le maire ou le président de l’EPCI.
S’il est utile de définir une collaboration opérationnelle entre les services de l’État et les polices municipales intervenant sur un même territoire, il apparaît nécessaire de rappeler que celle-ci s’exerce dans des champs complémentaires, en raison de la singularité du lien unissant le maire à sa police municipale et du rôle particulier accordé au maire en matière de sécurité publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il me paraît tout à fait pertinent de souligner dans la loi la complémentarité des missions.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 quater A, modifié.
(L’article 6 quater A est adopté.)
Article 6 quater B (nouveau)
L’article L. 514-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « des maires des communes employant des agents de police municipale » sont remplacés par les mots : « des maires ou adjoints au maire des communes employant des agents de police municipale ou faisant partie d’un établissement public de coopération intercommunale employant des agents de police municipale » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission consultative des polices municipales traite de tous sujets concernant les polices municipales à l’exception des sujets liés au statut des agents, qui relèvent du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 286 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« En outre, la commission consultative des polices municipales exerce le contrôle de l’action des agents de police municipale. Lorsqu’elle exerce cette mission, la commission comprend en plus de celle définie au premier alinéa, le défenseur des droits ou un membre du collège placé auprès du défenseur des droits chargé de la déontologie de la sécurité et un magistrat qui préside la commission.
« Les modalités d’application de ce contrôle sont définies par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Je doute que M. le rapporteur nous suive sur ce point, d’autant que nous avons déjà formulé une proposition similaire précédemment.
Nous souhaitons confier à la commission consultative des polices municipales une compétence générale de contrôle de l’action des agents de police municipale et, de fait, prévoir une composition spécifique lorsque cette commission est réunie en formation de contrôle, avec le Défenseur des droits et un magistrat chargé de la présider.
Notre proposition ne tombe pas du ciel. Elle découle des recommandations du rapport intitulé L’Ancrage territorial de la sécurité intérieure, que Corinne Féret et Rémy Pointereau avaient présenté au nom de la délégation aux collectivités territoriales.
Nos collègues avaient souligné l’insuffisance du contrôle, dont la responsabilité repose in fine sur le pouvoir hiérarchique exercé par les maires, ce qui n’est pas très logique.
Cet amendement tend aussi à répondre à l’exigence générale d’un contrôle accru et indépendant de toutes les forces de sécurité. C’est également une manière d’assurer le continuum de sécurité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Par cohérence avec un avis précédent auquel Mme Harribey a fait référence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 quater B.
(L’article 6 quater B est adopté.)
Article additionnel après l’article 6 quater B
Mme la présidente. L’amendement n° 288 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 522-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Peuvent également être nommés gardes champêtres les agents territoriaux titulaires encadrant des gardes champêtres. Ces derniers sont astreints aux mêmes obligations de formation que les gardes champêtres. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement vise à permettre à des agents de la fonction publique territoriale des catégories A et B de bénéficier d’une assermentation spécifique et de pouvoir ainsi exercer en tant que gardes champêtres.
Une telle évolution permet de compléter le cadre d’emploi de catégorie C existant actuellement sans en créer de nouveaux.
Cette solution existe déjà pour les gardes particuliers et évite une complexification des grilles indiciaires, déjà très nombreuses.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Les gardes champêtres sont très bien organisés dans les villes rurales. Rien n’empêche un maire d’en nommer un autre.
Pourquoi faire encadrer les gardes champêtres par des agents territoriaux ? Cela m’étonnerait qu’ils le prennent bien…
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 288 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6 quater
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 143 rectifié bis, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 25 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 25. – Aux fins de constater les infractions prévues à l’article 24, les gardes champêtres peuvent recourir aux appareils photographiques, mobiles ou fixes. Ces appareils photographiques ne peuvent être disposés que dans des lieux ouverts, tels les bois, les forêts ou les propriétés comportant des bâtiments qui ne sont pas à usage de domicile, sous réserve d’avoir obtenu l’accord préalable du ou des propriétaires concernés et après en avoir informé le procureur de la République, qui peut s’y opposer. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à rétablir l’article 25 du code de procédure pénale.
Aux fins de constater les infractions prévues à l’article 24, les gardes champêtres peuvent recourir aux appareils photographiques mobiles ou fixes. Ces appareils ne peuvent être disposés que dans des lieux ouverts, comme les bois, les forêts et les propriétés comportant des bâtiments qui ne sont pas à usage de domicile, sous réserve d’avoir obtenu l’accord préalable du ou des propriétaires concernés, et après information du procureur de la République, qui peut s’y opposer.
L’article, introduit par l’Assemblée nationale, est un outil supplémentaire permettant la constatation d’infractions, notamment environnementales, qui empoisonnent la vie des citoyens et des maires. Il est important d’outiller les gardes champêtres dans cette perspective.
Certes, j’ai bien noté l’attachement de nos collègues au respect de la vie privée lors de la réunion de la commission des lois.
Nous souhaitons rappeler que la captation d’images, que ce soit au moyen d’un appareil photographique ou d’une caméra, est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée. Or celui-ci est protégé tant par la Constitution que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Au vu du reste du texte, notamment de son orientation générale s’agissant de la captation d’images de la population, ainsi que de l’accès aux images des caméras de surveillance, la suppression de l’article 6 quater, qui permet simplement aux gardes champêtres d’utiliser des appareils photographiques après autorisation du procureur et des propriétaires pour arriver à identifier des auteurs de délits, me paraît tout à fait exagérée.
Les gardes champêtres sont en première ligne dans nos territoires pour constater certaines infractions, notamment environnementales. Nous devons leur donner les moyens de le faire !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous l’aurez remarqué, Loïc Hervé et moi-même avons à plusieurs reprises – ce sera encore le cas s’agissant des articles suivants – essayé d’harmoniser les choses pour que les gardes champêtres disposent de nouvelles prérogatives, ce qui est tout à fait légitime dans les secteurs ruraux.
Toutefois, en l’occurrence, le dispositif qui nous est proposé pose un problème de conformité avec les jurisprudences constitutionnelle et conventionnelle.
En effet, le rétablissement envisagé de l’article permettrait l’usage de tels dispositifs dans les lieux privés, ce qui aboutirait sans doute à une censure par le Conseil constitutionnel, sachant qu’une telle pratique est expressément prohibée en matière de police administrative. De plus, l’information du public n’est pas prévue.
Dans la mesure où toutes les garanties juridiques, notamment constitutionnelles, ne sont pas apportées, je suis obligé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 143 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 quater demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 6 quater
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 rectifié bis est présenté par MM. Bacci, Bonnus, D. Laurent et Regnard, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Courtial, Pellevat, Saury, Cardoux, Chaize et Mandelli, Mme Lassarade, MM. Bouloux, Lefèvre, B. Fournier, Brisson et Levi, Mme Garriaud-Maylam, MM. Perrin et Rietmann, Mme Gruny, MM. Longeot, Genet et Meurant, Mme Dumont, M. Klinger, Mmes Eustache-Brinio, Bellurot et Demas et MM. Vogel et H. Leroy.
L’amendement n° 184 rectifié bis est présenté par Mme Schillinger, MM. Rambaud, Mohamed Soilihi, Bargeton et Haye et Mme Havet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 522-3 du code de la sécurité intérieure, les mots : « et 27 » sont remplacés par les mots : « , 27 et 28 ».
La parole est à M. Jean Bacci, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.
M. Jean Bacci. La proposition de loi que nous étudions ne prend pas suffisamment en compte les enjeux spécifiques des communes rurales, ce que je déplore.
Nombre d’entre elles ne sont pas en mesure de se doter d’une police municipale, et les services de police nationale et de gendarmerie y sont inégalement représentés.
Dans beaucoup de communes rurales, les gardes champêtres sont les seuls fonctionnaires chargés de la sécurité à disposition.
Monsieur le ministre, j’ai entendu toutes les vertus que vous attribuez à l’image. Je regrette que les gardes champêtres ne puissent disposer de caméras-piétons, à l’instar de tous les fonctionnaires chargés de la sécurité. Je comptais déposer un amendement tendant à rectifier une telle anomalie, mais il a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Toutefois, je sais que vous avez la possibilité d’y remédier en séance…
L’amendement n° 3 rectifié bis est un amendement de cohérence. En effet, depuis le 3 novembre 2017, les gardes champêtres sont compétents en matière de sécurité routière.
Toutefois, la législation ne prend pas en compte l’ensemble des procédures et handicape au quotidien ces agents dans leurs missions. Par exemple, le garde champêtre peut immobiliser un véhicule pour défaut de contrôle technique, mais il n’a pas la compétence de le mettre en fourrière. Il doit demander à un officier de police judiciaire.
Or enlever un véhicule n’est pas une priorité quand on connaît la masse de travail abattu et les zones géographiques de compétence des groupements de gendarmerie.
De même, une « voiture ventouse » dans un village peut être une source de tension et de nuisances.
Il faut permettre au garde champêtre de prescrire la mise en fourrière, afin de mettre fin à une telle incohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 184 rectifié bis.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J’aimerais tant satisfaire notre collègue Jean Bacci ! (Sourires.)
Pourquoi les gardes champêtres ne peuvent-ils pas mener des auditions libres aujourd’hui ? Ils peuvent le faire quand ils constatent des infractions au code de l’environnement, ce qui est dans leur cœur de métier.
Néanmoins, les policiers municipaux, eux, ne peuvent pas bénéficier d’une telle prérogative, même lorsqu’ils sont compétents pour verbaliser des infractions au code de l’environnement. Il ne semble donc pas légitime de conserver cette spécificité pour les gardes champêtres.
Là encore – je l’ai indiqué –, la ligne rouge est que l’on ne peut pas laisser faire des actes d’enquête.
Cela étant, comme vous le constaterez lors de l’examen de l’article 29, nous sommes favorables – nous avons trouvé une position commune avec M. le ministre – à ce que les gardes champêtres puissent procéder, par exemple, à des saisies de stupéfiants, ainsi qu’à un certain nombre d’actes n’allant pas jusqu’aux actes d’enquête.
Nous serons saisis dans quelques instants d’amendements sur la mise en fourrière. C’est un vrai sujet. En l’occurrence, j’aimerais avoir l’avis du Gouvernement avant que la commission ne se prononce.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié bis et 184 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Bacci, Bonnus, D. Laurent et Regnard, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Courtial, Pellevat, Saury, Cardoux, Chaize et Mandelli, Mme Lassarade, MM. Bouloux, Lefèvre, B. Fournier, Chauvet, Brisson, P. Martin et Levi, Mme Garriaud-Maylam, MM. Perrin et Rietmann, Mme Gruny, MM. Longeot et Genet, Mme Dumont, M. Klinger, Mmes Bellurot, Eustache-Brinio et Demas et MM. Vogel et H. Leroy.
L’amendement n° 183 rectifié bis est présenté par Mme Schillinger, MM. Rambaud et Haye, Mme Havet et MM. Mohamed Soilihi et Bargeton.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article 27 du code de procédure pénale, les mots : « au plus tard, y compris celui où ils ont constaté le fait, objet » sont remplacés par les mots : « qui suivent la clôture ».
La parole est à M. Jean Bacci, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. Jean Bacci. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation entre le code de procédure pénale et le code de l’environnement.
Les gardes champêtres, qui ont des pouvoirs de police judiciaire pour constater des délits sur les propriétés privées comme dans l’espace public, souhaitent disposer des mêmes conditions que les officiers de police judiciaire pour délivrer leurs procès-verbaux.
En effet, une investigation demande du temps : baser le délai de délivrance du procès-verbal sur le délai de cinq jours qui suivent le constat des faits la limite considérablement.
Quand un garde champêtre a besoin, par exemple, de recueillir le témoignage d’un agriculteur, ce dernier n’est pas toujours disponible et peut venir un jour ou deux plus tard. Cinq jours, c’est donc peu pour recueillir l’ensemble des éléments d’enquête. C’est aussi insuffisant pour décharger significativement les gendarmes.
Il convient donc de fixer le délai des cinq jours qui suivent la clôture des faits pour donner pleinement les moyens aux gardes champêtres de leurs compétences, comme c’est dans le cas du code de l’environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 183 rectifié bis.
M. Thani Mohamed Soilihi. Mon amendement est identique à celui qui vient d’être excellemment présenté par M. Bacci.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Aujourd’hui, les gardes champêtres doivent envoyer leurs procès-verbaux simultanément au maire et, par l’intermédiaire des officiers de police judiciaire de la police ou de la gendarmerie territorialement compétents, au procureur de la République dans les cinq jours qui suivent le fait faisant l’objet de leur procès-verbal.
Le dispositif qui nous est proposé, sous couvert de donner davantage de temps aux gardes champêtres, a pour inconvénient de ne fixer aucun délai maximal. Un fait qui aurait donné lieu à un procès-verbal pourrait être transmis au procureur très longtemps après sa commission, ce qui ne semble pas souhaitable.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié bis et 183 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. B. Fournier, Le Rudulier, Bonnus, Brisson, Boré, Somon et Charon, Mme Bellurot, MM. Saury et Bacci, Mme Canayer, MM. C. Vial et Guené, Mmes Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. H. Leroy, Tabarot et Cuypers, Mme Garriaud-Maylam, M. Longuet, Mme Joseph, M. Bonne, Mmes Deromedi, Bonfanti-Dossat, de Cidrac, Dumas et Dumont, MM. Pellevat et Mandelli, Mmes Drexler et Thomas et MM. Bonhomme, Regnard et Courtial, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 325-2 du code de la route est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « tenue », sont insérés les mots : « , le garde champêtre territorialement compétent » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « territorialement compétent » sont remplacés par les mots : « ou le garde champêtre territorialement compétent ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Les gardes champêtres, que nous sommes en train d’évoquer, sont représentés par la Fédération nationale des gardes champêtres. Or celle-ci déplore que la proposition de loi mette de côté leur profession, alors qu’ils contribuent aux missions de sécurité intérieure et de police des territoires ruraux.
Au nombre de 900 aujourd’hui, ils constituent un véritable service de sécurité intérieure et de police de proximité au cœur de nos territoires, notamment dans les plus reculés de ces derniers.
Sans nier le travail remarquable réalisé par la gendarmerie nationale dans certains endroits isolés, notons que les gardes champêtres constituent les seuls fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique rapidement mobilisables pour faire respecter les lois et règlements et appliquer les pouvoirs de police du maire.
Cet amendement vise donc à clarifier les compétences des gardes champêtres, en inscrivant dans la loi qu’ils peuvent réaliser la mise en fourrière et la prescrire.
En réponse à une question écrite de notre collègue sénateur Bernard Buis, le Gouvernement a indiqué ceci : « Le placement d’un véhicule en fourrière peut être prescrit par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, par un agent de police judiciaire adjoint, chef de police municipale ou occupant ces fonctions, par les agents de police judiciaire adjoints appartenant au corps des contrôleurs de la préfecture de police exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique, par le préfet ou par le maire en matière d’esthétisme des paysages. »
Il ajoutait : « Si les gardes champêtres ne disposent pas du pouvoir de prescrire les mises en fourrière, ils peuvent cependant pleinement participer à la mise en fourrière d’un véhicule à travers la réalisation de certaines tâches matérielles liées à la procédure, dans le cas où ils sont placés sous l’autorité de l’autorité prescriptrice, conformément aux dispositions de l’article R. 325-16 du code de la route. »
J’insiste sur ce que le Gouvernement déclarait ensuite : « Leur action est toutefois limitée à ces tâches matérielles, telles que la désignation de la fourrière dans laquelle sera transféré le véhicule ou la réalisation de la fiche descriptive dressant un état sommaire du véhicule et à sa remise au propriétaire ou au conducteur. »
Vous le voyez, mes chers collègues, il s’agit simplement d’inscrire dans la loi de telles tâches, qui sont si nécessaires à la vie de nos villes et villages.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Bacci, Bonnus, D. Laurent et Regnard, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Courtial, Pellevat, Cardoux, Saury, Chaize, Bazin et Mandelli, Mme Lassarade, MM. Lefèvre, B. Fournier, Bouloux, Chauvet, Brisson, P. Martin et Levi, Mme Garriaud-Maylam, MM. Perrin et Rietmann, Mme Gruny, MM. Longeot, Genet et Meurant, Mme Dumont, M. Klinger, Mmes Bellurot et Eustache-Brinio, M. Vogel, Mme Demas et M. H. Leroy.
L’amendement n° 182 rectifié bis est présenté par Mme Schillinger, MM. Bargeton et Haye, Mme Havet et MM. Rambaud et Mohamed Soilihi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 325-2 du code de la route, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La mise en fourrière peut être prescrite par le garde champêtre sous la responsabilité du maire ou de l’officier de police judiciaire territorialement compétent. Les gardes champêtres habilités à constater par procès-verbal les contraventions à la police de la circulation routière peuvent, en cas de besoin, ouvrir ou faire ouvrir les portes du véhicule, manœuvrer ou faire manœuvrer tous appareils. Ils peuvent conduire le véhicule ou le faire conduire, en leur présence, vers le lieu de mise en fourrière en utilisant, le cas échéant, les moyens autonomes de propulsion dont le véhicule est muni.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le garde champêtre est autorisé à procéder à la mise en fourrière d’un véhicule. »
La parole est à M. Jean Bacci, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
M. Jean Bacci. Le présent amendement propose d’intégrer un article modifiant le code de la sécurité intérieure, lequel prévoit les conditions d’exercice des fonctions des gardes champêtres.
Cet amendement vise à permettre aux gardes champêtres d’exercer les prérogatives prévues à l’article 28 du code de procédure pénale, qui octroie aux fonctionnaires la possibilité d’appliquer l’article 61-1 dudit code, permettant la conduite d’auditions libres, dès lors qu’il existe à l’égard d’une personne des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction.
Je tiens à souligner que, en vertu du code de procédure pénale, et par un renvoi au code de l’environnement, les gardes champêtres ont d’ores et déjà la possibilité de recueillir sur convocation ou sur place les déclarations de toute personne susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations.
Malheureusement, les auditions qu’ils mènent souffrent de l’absence de ce renvoi à l’article 61-1 du code de procédure pénale, car, en cas de contestation de la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, cette procédure peut être invalidée.
Mes chers collègues, il s’agit d’un amendement de bon sens, qui apporte une sécurité législative aux missions des gardes champêtres en faisant coïncider la loi avec leur mission de sécurité publique.
Étendre formellement et clairement aux procédures diligentées par les gardes champêtres les dispositions de l’article 61-1 du code de procédure pénale relative à l’audition libre d’une personne suspectée garantit que ces fonctionnaires pourront effectuer sereinement leur mission.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 182 rectifié bis.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement, présenté par Patricia Schillinger, vise à sécuriser la procédure permettant aux gardes champêtres de placer des véhicules en fourrière sous l’autorité et la responsabilité du maire ou de l’officier de police judiciaire, l’OPJ, compétent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous souhaiterions vivement pouvoir donner satisfaction aux cosignataires de ces amendements, mais, selon le Conseil d’État, la décision de mise en fourrière doit être ordonnée par des officiers de police judiciaire, policiers ou gendarmes.
Mme Boyer a fait allusion à une réponse ministérielle de 2019, qui envisageait la possibilité pour les gardes champêtres d’accomplir de telles tâches, en conditionnant cette évolution à une modernisation des procédures.
Si le Gouvernement disposait d’un système national d’information des fourrières automobiles, on pourrait envisager, à terme, de modifier le champ de compétence des gardes champêtres.
Par conséquent, si le Gouvernement nous confirmait la possibilité d’une telle évolution, nous pourrions émettre un avis favorable sur ces amendements…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. La jurisprudence considère qu’il faut être officier de police judiciaire ou chef de la police municipale pour retirer un véhicule.
Or le garde champêtre est assimilable à un agent de catégorie C de la fonction publique territoriale, à l’instar d’un policier municipal, mais pas au chef de la police municipale.
Indépendamment du système national d’information que nous n’avons pas, monsieur Daubresse, nous mettrions en danger les maires et les gardes champêtres en autorisant ces derniers à faire ce qui relève, selon le code de la route, d’un pouvoir de police judiciaire.
Je ne peux donc pas donner un avis favorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nos collègues posent un vrai problème. Nous sommes de nouveau bloqués pour une raison juridique, qui mériterait d’être approfondie en CMP.
Je ne puis donner un avis favorable, mais je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. La rédaction de mon amendement se fondait sur la réponse à une question écrite d’un collègue sénateur, qui exprimait clairement la possibilité d’une telle évolution, sous certaines conditions. Je ne comprends donc pas que l’avis ne puisse pas être favorable, quitte à approfondir par la suite certains points.
Il s’agit simplement d’une aide apportée à la mise en fourrière, avec une action limitée aux tâches matérielles, conduite sous l’autorité d’une personne prescrivant la mise en fourrière.
Je serais surprise que l’on ne puisse pas voter aujourd’hui une telle autorisation, et j’ai confiance dans les réponses techniques qui pourront être apportées d’ici à la CMP.
Si le Gouvernement a répondu de cette manière à la question de notre collègue Bernard Buis, c’est bien qu’il existe des moyens pour y arriver !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces trois amendements sont intéressants.
On peut comprendre l’avis du rapporteur : les élus de proximité butent souvent sur la rigidité et la complexité des procédures, et ils le vivent difficilement.
Les gardes champêtres ont un rôle important à jouer en matière de sécurité. Le pouvoir de police des maires n’est pas simple à exercer sur le terrain. Toutes les communes n’ayant pas le personnel adapté, elles doivent souvent faire appel aux services de gendarmerie ou de police.
Les dispositions de ces amendements vont dans le bon sens, me semble-t-il. Je les soutiendrai, en souhaitant que l’on trouve une solution technique, dans l’intérêt général.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le rapporteur, j’ai écouté attentivement votre position. Si je comprends bien, ces amendements vous semblent poser un bon principe sur le fond, mais leur rédaction achoppe sur un problème juridique. (M. le rapporteur acquiesce.)
Deux options s’offrent à nous : soit nous ne les votons pas maintenant et nous essayons de les porter de nouveau lors de la CMP, soit nous les votons maintenant et nous les corrigeons juridiquement lors de la CMP.
Je préfère cette deuxième option, qui permet d’inclure, dès à présent, la proposition dans le texte. Je soutiendrai donc ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. « Je comprends, je voudrais bien, mais je ne peux pas » : telle est en quelque sorte votre réponse, monsieur le ministre. Je compatis…
Pour ma part, je préfère l’enthousiasme et la conviction du rapporteur, car il s’agit d’une vraie question, qui engage la tranquillité du voisinage. Les épaves qui traînent empoisonnent la vie des élus et donnent l’impression à nos concitoyens qu’il y a une sorte de laisser-faire.
Vous avez été élu local, monsieur le ministre. Portalis, je le rappelle, disait que les lois sont faites pour les hommes, et non l’inverse.
Je suis très favorable à ces amendements et je me satisfais de la volonté du rapporteur de les faire cheminer et de trouver une excellente rédaction.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Madame Boyer, je vous propose de rectifier votre amendement pour le rendre identique à ceux de M. Bacci et de Mme Schillinger, qui sont plus ciblés.
La commission ne s’étant pas prononcée à cette heure, j’ai émis un avis de sagesse, mais j’indique que, à titre personnel, je voterai pour ces amendements. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. Madame Boyer, acceptez-vous de modifier l’amendement n° 34 rectifié bis dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
Mme Valérie Boyer. J’y consens avec grand plaisir, madame la présidente !
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 34 rectifié ter, dont le libellé est désormais strictement identique aux amendements nos 1er rectifié bis et 182 rectifié bis.
Je mets aux voix ces trois amendements identiques.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6 quater. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
L’amendement n° 235, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suite à la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de mettre en place une nouvelle instance de contrôle, d’audit, d’expertise et d’évaluation des agents de la sécurité publique et des politiques menées en matière de sécurité publique sur notre territoire.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes opposés à la philosophie générale de ce texte, mais nous ne nous en désintéressons pas pour autant.
C’est la raison de cet amendement de repli, qui ouvre le débat sur la création d’une instance de contrôle du continuum de sécurité que ce texte entend mettre en œuvre. Une instance indépendante doit pouvoir contester l’intervention des acteurs de la sécurité publique dans sa globalité.
Nous proposons donc que, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport – c’est là que cela va coincer ! (Sourires.) – sur l’opportunité de mettre en place une nouvelle instance de contrôle d’audit, d’expertise et d’évaluation des agents de sécurité publique et des politiques menées en matière de sécurité publique sur notre territoire.
Il s’agit d’une demande de rapport, j’en ai bien conscience, mais l’article 40 de la Constitution nous pousse à déposer ce type d’amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous sommes par jurisprudence hostiles aux demandes de rapport.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 235.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6 quinquies
Le chapitre II du titre II du livre V du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 522-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 522-5. – La carte professionnelle, la tenue, la signalisation des véhicules de service et les types d’équipement dont sont dotés les gardes champêtres font l’objet d’une identification commune de nature à n’entraîner aucune confusion avec ceux utilisés par la police nationale et la gendarmerie nationale. Leurs caractéristiques et leurs normes techniques sont fixées par arrêté du ministre de l’intérieur.
« Le port de la carte professionnelle et celui de la tenue sont obligatoires pendant le service. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 6 quinquies
Mme la présidente. L’amendement n° 334, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code de la sécurité intérieure est complétée par un article L. 511-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-4-1. – Les agents de police municipale, revêtus de leurs uniformes, peuvent faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l’article L. 214-2. Ces matériels sont conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de l’intérieur. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit de permettre aux polices municipales d’intervenir, dans le cadre du code de la route, avec ce que l’on appelle des « sticks ».
En raison de la multiplication des refus d’obtempérer – un toutes les demi-heures désormais sur le territoire de la République –, les policiers nationaux, les gendarmes et les douaniers doivent pouvoir faire arrêter les véhicules.
Aujourd’hui, les forces de sécurité intérieure ont la possibilité d’utiliser ces fameux « sticks », que l’on place devant le véhicule avant qu’il ne redémarre, pour crever les pneus si jamais le conducteur refuse le contrôle.
C’est à la fois une mesure de sécurité pour les policiers et une façon de rendre les contrôles plus sûrs.
Or nous avons découvert que l’autorisation de mise en place des « sticks » était de niveau législatif. Je suis donc contraint de vous proposer, mesdames, messieurs les sénateurs, un amendement pour permettre aux polices municipales de les utiliser dans le cadre des contrôles routiers qu’elles effectuent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Après cet exposé lumineux, je me vois mal retoquer les « sticks ». (Sourires.) Avis favorable !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6 quinquies.
L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Canevet, Mme Saint-Pé, MM. Détraigne, Mizzon, Lafon et Laugier, Mmes Jacquemet et Vermeillet, MM. Le Nay et Cigolotti, Mme Tetuanui, MM. Chauvet, P. Martin, Delcros, Duffourg, Moga et Maurey, Mme Billon et M. Longeot, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 511-7 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une expérience professionnelle antérieure d’une durée supérieure à cinq années dans la police nationale ou la gendarmerie nationale dispense de la formation initiale mentionnée à l’article L. 511-6. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. De nombreuses collectivités sont amenées à recruter des gendarmes ou des policiers nationaux pour assurer les fonctions de policier municipal.
Alors même qu’ils ont déjà une bonne expérience du métier, ils doivent de nouveau suivre une formation initiale dédiée aux fonctions de policier municipal. J’ai encore eu connaissance d’exemples récents en ce début d’année à Locmaria-Plouzané dans le Finistère.
Il est important qu’ils puissent être dispensés de cette formation. Bien évidemment, les obligations de formation continue demeureraient, mais les personnels recrutés doivent être opérationnels le plus vite possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous avions décidé, dans l’article 60 de la loi de transformation de la fonction publique, de permettre aux anciens policiers nationaux et gendarmes de suivre une formation initiale allégée.
Cette loi a fait l’objet de beaucoup de débats, et un équilibre satisfaisant me semble avoir été trouvé.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Même si la loi a largement réduit les obligations de formation, il nous semble normal qu’un minimum de formation initiale demeure, car ce n’est pas tout à fait la même chose que d’être policier national ou gendarme et policier municipal.
J’ai moi-même pris des textes réglementaires pour permettre, s’agissant du port d’arme, qu’un policier ou gendarme recruté dans la police municipale ne soit pas obligé de refaire les tirs qu’il avait déjà effectués dans son corps d’origine.
Enfin, la question se pose aussi d’un accès plus rapide des officiers de police ou de gendarmerie à la fonction de chef de la police municipale, avec néanmoins un minimum de formation initiale là encore.
L’équilibre trouvé entre les textes réglementaires et les dispositions législatives récemment votées me semble bon.
En conséquence, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Canevet, l’amendement n° 19 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Des exemples de gendarmes et de policiers obligés de reprendre une formation initiale montrent bien qu’il y a un problème de mise en œuvre des textes. Il importe donc que des dispositions réglementaires leur permettent d’être rapidement opérationnels en la matière.
Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Détraigne, Mme Billon, MM. Canevet et Cigolotti, Mme Doineau, MM. Chauvet, Laugier, Kern, J.M. Arnaud, Le Nay et Longeot, Mme Morin-Desailly, M. Moga, Mmes Perrot et de La Provôté, MM. S. Demilly et Belin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouloux, Mme de Cidrac, M. de Nicolaÿ, Mmes Demas et Drexler, M. Duffourg, Mme Dumont, MM. Guené, Houpert, Lefèvre, Mandelli, A. Marc, Pellevat, Reichardt, Saury, Sautarel, Savin, C. Vial, Vogel, Laménie et Le Rudulier, Mme Pluchet, MM. Chasseing, Decool, Guerriau et Menonville, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2122-31 est complété par une phrase ainsi rédigée : « À ce titre, ils sont notamment habilités à dresser procès-verbal des infractions qu’ils constatent, y compris celles susceptibles de donner lieu au paiement d’une amende forfaitaire. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 2122-34-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « À cette occasion, le représentant de l’État dans le département leur communique la liste des infractions susceptibles de donner lieu à verbalisation par la police municipale dont le paiement peut relever d’une amende forfaitaire ainsi que la liste des prestataires auprès desquels ils peuvent se procurer les supports nécessaires à cette verbalisation, y compris ceux nécessaires à une verbalisation électronique. Une nouvelle liste de ces infractions est adressée par le représentant de l’État aux maires dès la publication d’une disposition législative ou réglementaire qui en modifie le champ où la portée, notamment par l’instauration d’une nouvelle infraction ou par l’abrogation ou la modification de l’incrimination ou de la sanction d’une sanction existante ; l’envoi précise les modifications apportées à la dernière liste communiquée aux maires et la date de leur prise d’effet. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement, conçu par notre collègue Hervé Maurey, a été largement cosigné.
Les maires et leurs adjoints ont le pouvoir de constater eux-mêmes des contraventions susceptibles d’être sanctionnées par le système de l’amende forfaitaire.
Malheureusement, les élus n’ont bien souvent pas connaissance de cette possibilité. Ils se heurtent également à un obstacle pratique, à savoir l’approvisionnement en carnets à souche. Les plus petites communes ne disposent pas non plus des outils permettant le relevé de l’amende forfaitaire par procès-verbal électronique. De surcroît, dans les petites communes, il n’y a souvent pas de police municipale, et les gardes champêtres ont malheureusement tendance à disparaître.
Il faut donc améliorer l’information des maires sur leurs pouvoirs en matière de verbalisation, les infractions concernées et les règles à respecter.
Cet amendement vise à rappeler que le maire et ses adjoints ont la qualité d’officiers de police judiciaire et à s’assurer qu’ils sont bien informés des infractions qui peuvent être constatées, et des prestataires qui pourraient leur fournir les équipements de verbalisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’une vraie question, qui se pose à tous les maires.
Je me suis moi-même documenté, pour préparer l’examen de ce texte, sur le sens exact de la notion de maire, officier de police judiciaire. Il n’y a pas beaucoup de littérature sur ce sujet.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. On prétend d’ailleurs souvent que ce titre historique n’en est pas vraiment un ; notre collègue Alain Richard en avait parlé devant la commission des lois. (M. Alain Richard acquiesce.)
Toutefois, la qualité d’officier de police judiciaire, que les maires et, par délégation, leurs adjoints tiennent de la loi, leur donne compétence pour constater toute infraction à la loi pénale par procès-verbal, rassembler des preuves, recevoir les plaintes et prêter assistance à toute réquisition judiciaire, dans les limites territoriales de leur commune.
Une réponse ministérielle à une question de notre collègue Jean Louis Masson de 2016 explicite ces différents points. Les maires peuvent s’appuyer sur cette réponse pour mettre en œuvre les propositions que vous formulez dans la première partie de votre amendement.
La seconde partie prévoit que le préfet devra communiquer au maire la liste des infractions pouvant faire l’objet d’une verbalisation et les prestataires auprès desquels ils pourront se procurer les supports. J’ai commencé à expliciter le premier point ; quant au second, il ne relève pas du domaine législatif. On ne va pas détailler le type de prestataires dans la loi.
Je préférerais donc que vous retiriez votre amendement, mon cher collègue. Nous pourrions en revanche nous rapprocher de l’Association des maires de France pour diffuser largement cette réponse ministérielle, qui fait autorité et dresse de manière exhaustive la liste des prérogatives du maire en tant qu’officier de police judiciaire.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Kern, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de vos explications. La Haute Assemblée devrait toutefois envisager de communiquer des informations plus précises aux maires et à leurs adjoints.
Je m’octroie le droit de retirer cet amendement, au nom de mon collègue Hervé Maurey, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 153 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 7° du I de l’article L. 581-40 du code de l’environnement est abrogé.
II. – Le dernier alinéa de l’article L. 1312-1 du code de la santé publique est abrogé.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Le statut des agents de surveillance de la voie publique, ou ASVP, n’est à ce jour pas unifié et nécessiterait une clarification. Ces agents disposent de compétences éparses, définies dans différents codes de notre législation, ce qui risque de nuire au bon exercice de leurs fonctions, d’autant que leur formation est assez dérisoire sur certains sujets.
Une première solution serait d’augmenter considérablement les moyens consacrés à leur formation, afin qu’ils puissent exercer l’ensemble de leurs missions dans des conditions convenables.
Néanmoins, à défaut d’y parvenir, il nous paraît nécessaire de supprimer certaines de leurs compétences et de recentrer exclusivement leur activité autour du contrôle du stationnement et de l’accueil en mairie ou dans les services de police municipale, afin qu’ils ne soient plus exposés inutilement et mobilisés à mauvais escient.
Mme la présidente. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Chatillon, Babary et Bascher, Mme Bellurot, M. Bouchet, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa, Charon et de Belenet, Mme de Cidrac, M. Decool, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Dumont, M. Favreau, Mme Garriaud-Maylam, M. Grand, Mmes Gruny, Guidez et Joseph, M. Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre, H. Leroy, Mandelli, Maurey, Menonville, Meurant, Milon, Moga, Pellevat et Pemezec, Mme Procaccia, MM. Regnard et Savary et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 1312-1 du code de la santé publique est complété par les mots : « , notamment ceux mentionnés à l’article L. 130-4 du code de la route ».
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. La question de la propreté de nos villes et métropoles se pose de plus en plus, alors même que les incivilités ne cessent d’augmenter et que l’abandon sur les lieux publics de déchets de toute nature devient un véritable fléau urbain.
De nombreux collègues ont cosigné cet amendement, dont l’objet est de donner la possibilité aux ASVP, aux agents assermentés devant le tribunal de grande instance et aux agents spécialement commissionnés par le maire de verbaliser par contraventions électroniques les infractions liées à la propreté.
Le dispositif proposé confirme ainsi les ASVP parmi les agents verbalisateurs et entraîne de droit la possibilité de verbalisation électronique en matière de propreté, en se référant à la lecture combinée de l’article L. 1312-1 du code de la santé publique et de l’article L. 130-4 du code de la route.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 153 rectifié bis, qui vise à modifier significativement les compétences des ASVP.
En effet, il n’est pas certain que toutes les communes soient favorables à cette évolution d’ampleur. Chaque commune peut par ailleurs définir les compétences de ses ASVP.
Quant à l’amendement n° 120 rectifié, je comprends bien l’intention de ses auteurs. Nous avons eu hier un débat à propos d’un amendement de Mme Estrosi Sassone et de plusieurs collègues, amendement relatif aux procès-verbaux électroniques. Nous avons expliqué à cette occasion qu’ils étaient liés à la nature de la contravention et qu’ils relevaient du domaine réglementaire. Le ministre a fait hier des recommandations parfaitement claires, et je le remercie une fois encore.
On va donc pouvoir augmenter le nombre de procès-verbaux électroniques, ainsi que le niveau des amendes, ce que les communes souhaitaient.
Cet amendement, pour sa part, tend à intégrer au code de la santé publique une référence au code de la route, ce qui, juridiquement, ne permet pas de procéder à de telles évolutions. Je ne puis donc accepter cet amendement en l’état.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable, mais, je le redis, cela n’empêchera pas de constater des infractions à la propriété par procès-verbal électronique, car cela ne relève pas du domaine législatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 153 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ PRIVÉE
Chapitre Ier
Dispositions relatives à l’encadrement du secteur de la sécurité privée
Article additionnel avant l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. E. Blanc et Bascher, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mmes Demas et Deroche, MM. B. Fournier, Gremillet et Grosperrin, Mme Joseph, MM. Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Mandelli et Mouiller, Mme Noël, MM. Pellevat, Sautarel et Tabarot et Mme Dumont, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Son intitulé est complété par les mots : « et de gestion et maintenance des automates bancaires en présence de fonds » ;
2° L’article L. 611-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° A assurer la gestion et la maintenance des automates bancaires en présence de fonds. » ;
3° L’article L. 612-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice de l’activité mentionnée au 5° du même article L. 611-1 n’est pas exclusif de toute activité. » ;
4° Le chapitre III est complété par deux articles ainsi rédigés :
« Art L. 613-… – La gestion et la maintenance d’automates bancaires, en présence des fonds dans l’automate, mentionnées au 5° doit s’effectuer en présence d’au moins une personne possédant les habilitations nécessaires.
« Art L. 613-… – La gestion et la maintenance d’automates bancaires, en l’absence de fonds dans l’automate s’effectuent librement. »
La parole est à M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. Les personnes effectuant la maintenance des automates bancaires ont été rattachées aux transporteurs de fonds.
Ces agents reçoivent une autorisation d’exercer délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité, ou Cnaps, au même titre que les dirigeants des sociétés qui les emploient. Toutefois, le statut des transporteurs de fonds est difficilement applicable à des agents qui effectuent de la maintenance purement technique – je pense notamment à l’obligation d’être armé ou de porter un uniforme.
De même, le principe d’exclusivité est difficilement applicable aux agents de maintenance des automates bancaires, qui sont souvent des salariés de filiales de sociétés bancaires ayant d’autres activités que la maintenance des automates.
Cet amendement vise donc à clarifier la situation actuelle, en créant une nouvelle activité de sécurité privée qui serait soumise au code de la sécurité intérieure, mais qui ne concernerait que la maintenance des automates bancaires.
Les agents devraient évidemment être titulaires d’une autorisation d’exercer délivrée par le Cnaps. Leur moralité serait ainsi contrôlée, et leurs employeurs devraient faire agréer leurs sociétés. Mais ces agents purement techniques seraient dispensés d’un certain nombre d’obligations, telles que le port d’arme ou d’uniforme et le principe d’exclusivité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement tend à s’inspirer d’une demande de l’Association française des prestataires d’automates bancaires. Il s’agit de soumettre les salariés chargés de la maintenance et de la gestion des automates bancaires – en d’autres termes les distributeurs de billets – aux règles applicables aux agents privés de sécurité.
Il existe des liens entre la gestion de ces automates et l’activité de transport de fonds, qui est déjà régie par le code de la sécurité intérieure. Un transporteur de fonds qui achemine des billets pour recharger un distributeur est couvert par ce code.
Il me semble cependant qu’il existe aussi des différences notables entre ces métiers et ceux de la sécurité. Assurer la maintenance d’un DAB tombé en panne est un métier technique d’une activité de sécurité, même s’il faut bien évidemment s’assurer de la probité du salarié.
Je note d’ailleurs que l’amendement vise à mettre en place deux régimes juridiques différents selon que le salarié est ou non en présence de fonds, ce qui n’est pas un gage de simplification.
J’observe aussi que l’amendement a pour objet de déroger à l’un des principes essentiels applicables aux entreprises privées de sécurité, à savoir le principe d’exclusivité, que nous devrons également invoquer pour d’autres amendements en discussion.
Au vu de cette réalité complexe, la commission a donc souhaité connaître l’avis du Gouvernement avant de pouvoir se prononcer. Sur ce sujet pointu, l’éclairage technique que vous pourrez nous apporter n’en sera que plus apprécié, monsieur le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous sommes en désaccord avec l’amendement proposé par le sénateur Blanc, et cela d’abord parce que l’activité de maintenance des automates bancaires relève déjà de la même réglementation que le transport et le traitement de fonds, sans qu’il soit nécessaire, selon nous, de distinguer les deux activités.
D’ailleurs, au sein même de ce champ d’activité, selon que vous faites de la maintenance ou du transport de fonds, il y a des spécificités qui sont déjà prises en considération, ce que vous avez omis de préciser, monsieur le sénateur, tant dans votre exposé des motifs que dans votre intervention orale. Ainsi, on n’est pas obligé d’être armé ni d’avoir un véhicule blindé quand on est dans la maintenance.
De plus, le principe d’exclusivité qui s’applique aux activités privées de sécurité ne fait pas obstacle à la création de filiales dédiées par les constructeurs d’automates ou par les banques, s’ils souhaitent exercer cette activité.
Enfin, plusieurs dispositions de cet amendement sont confuses et nuiraient, nous semble-t-il, à la réglementation. Il en est ainsi de la mention des habilitations nécessaires que doivent posséder ces agents, sans que l’on sache à quelle habitation vous vous référez exactement, s’agissant de professions qui sont toutes réglementées par le Cnaps.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 97 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 7
I. – Le titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre II est complétée par un article L. 612-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 612-5-1. – Par dérogation à l’article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, l’entreprise qui entend exécuter un contrat ou un marché relevant de l’une des activités de surveillance humaine ou de gardiennage de biens meubles ou immeubles mentionnées aux 1° et 1° bis de l’article L. 611-1 du présent code ne peut, sous sa responsabilité, sous-traiter l’exécution que d’une partie des prestations de son contrat ou marché.
« L’exécution de ces prestations ne peut être confiée qu’à des sous-traitants de premier et de deuxième rang.
« Sans préjudice des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 précitée, l’entreprise qui s’est vue confier une opération de sous-traitance par un sous-traité relevant de l’une des activités mentionnées à l’article L. 611-1 du présent code ne peut elle-même en confier une partie de l’exécution à un ou plusieurs sous-traitants qu’à la double condition :
« 1° De justifier de l’absence d’un savoir-faire particulier, de moyens ou de capacités techniques non satisfaits ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectifs ;
« 2° De soumettre la justification mentionnée au 1° à la validation de l’entrepreneur principal ayant contracté avec le donneur d’ordre. L’entrepreneur principal vérifie qu’elle n’est pas manifestement infondée.
« Préalablement à l’acceptation du sous-traitant dans les conditions prévues à l’article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 précitée, le donneur d’ordre s’assure que les motifs de recours à la sous-traitance ont été validés par l’entrepreneur principal ayant contracté avec lui, conformément au 2° du présent article.
« Chaque sous-traité comporte la mention de l’identité de l’ensemble des entreprises s’étant vues confier ou sous-traiter la prestation de sécurité sur lequel il porte. » ;
2° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre VII est complétée par des articles L. 617-2-1 et L. 617-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 617-2-1. – Est puni d’une amende de 45 000 euros le non-respect des obligations prévues à l’article L. 612-5-1.
« Art. L. 617-2-2. – (Supprimé) ».
II. – Le présent article entre en vigueur douze mois après la publication de la présente loi. Les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi ne sont pas soumis à ces dispositions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Avec l’article 7, nous abordons un titre particulièrement symbolique de ce texte, à savoir l’intégration des entreprises de sécurité privée et de leurs salariés au continuum de sécurité globale.
Avec ces dispositions, les 165 000 agents de sécurité privée – un chiffre à comparer aux 21 500 agents de la police municipale ! – sont explicitement intégrés à la politique de sécurité publique.
Notre groupe conteste d’emblée cette forme d’externalisation de l’un des piliers de la République, c’est-à-dire les forces de sécurité, vers le secteur marchand. Nous pensons que c’est un aveu d’échec terrible pour notre société, qui ne peut faire vivre un véritable service public en la matière. En même temps, c’est la recherche d’un nouveau territoire pour le marché…
Les rapporteurs de la commission des lois ne s’y trompent pas, puisqu’ils rappellent « la nécessité de concilier, par exemple, l’objectif d’encadrement de la sous-traitance avec le respect du principe constitutionnel de liberté, de concurrence et de l’industrie ».
Nous n’acceptons pas que des missions régaliennes de sécurité soient confiées à des entreprises privées, aux contours mal définis, du fait de cette sous-traitance.
Avec ce texte, le secteur de la sécurité privée se trouve doté de nouvelles compétences : autorisation à détecter les drones et à conduire des missions de surveillance sur la voie publique en matière de lutte contre le terrorisme, en particulier. Il voit aussi ses prérogatives renforcées en matière de contrôles d’identité.
Pour ce qui est de cet article, qui concerne l’encadrement de la sous-traitance, nous regrettons que la limitation de celle-ci, votée par l’Assemblée nationale, à la réalisation de 50 % d’un contrat passé, ait été supprimée en commission.
Si tout est fait pour assurer le développement de ce secteur, appelé à la rescousse pour l’organisation de grands événements à venir, rien n’est prévu pour améliorer, par exemple, le statut des agents, qui souffrent, chacun le sait, d’une précarité généralisée. Il s’agit souvent d’entreprises unipersonnelles – 8 000 sur 11 500 recensées –, et, lorsqu’il y a contrat de travail ce sont des CDD dans 80 % des cas. Les salaires sont très faibles, la plupart du temps sous le SMIC, et le niveau de formation est minimal.
Ce secteur, en plein développement depuis des années, avec plus de 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, est pour autant fragile et instable. La logique marchande qui imprègne le secteur de la sécurité privée est pleinement contradictoire avec les missions de service public de sécurité.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’article 7.
Mme la présidente. L’amendement n° 147 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Comme pour notre collègue Éliane Assassi, l’accroissement du recours à la sécurité privée comme force supplétive des forces de sécurité publique constitue pour nous un problème en soi.
Qui plus est, recourir, avec très peu de limitations, à la sous-traitance privée dans un domaine aussi sensible que la sécurité ne fait qu’ajouter à la sévérité de notre constat. Dumping social, possibilité de dissolution de la responsabilité des donneurs d’ordre : les risques entraînés par la sous-traitance, de manière générale, sont considérables, malgré toutes les procédures d’encadrement.
À l’heure de l’organisation des prochains grands événements, comme la Coupe du monde de rugby ou les jeux Olympiques, nous craignons le recours massif, voire abusif, à la sous-traitance en cascade dans le domaine de la sécurité.
En 2015, dans le cadre d’une QPC, le Conseil constitutionnel avait rappelé que le législateur s’était fondé sur un motif d’intérêt général lié à la protection de l’ordre public et de la sécurité des personnes et des biens pour limiter les conditions d’exercice de la sécurité privée. Je suis surpris que nous ne considérions pas le développement de la sous-traitance comme un risque d’atteinte à cet intérêt général de protection de l’ordre public.
Aussi, mon groupe souhaite la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je voudrais tout d’abord relever un paradoxe, mon cher collègue : en suggérant la suppression de l’article, vous proposez de supprimer la limitation de la sous-traitance que celui-ci prévoit justement.
Aussi, l’avis de la commission est évidemment défavorable, car nous souhaitons davantage réguler le secteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Nous avons fait un choix différent de nos collègues qui se sont exprimés à l’instant. Comme eux, nous sommes contre l’intégration des entreprises de sécurité privée dans ce continuum de sécurité.
Pour autant, nous n’avons pas choisi de demander la suppression de cet article, car nous souhaitons essayer d’améliorer les conditions d’encadrement de la sous-traitance d’un secteur qui se caractérise par de la sous-traitance en cascade, un déficit de formation et d’encadrement et la précarité. Bref, il mérite qu’on le toilette sérieusement.
Notre choix, je le répète, est plutôt d’essayer d’accompagner cette amélioration et de prendre ce que l’on peut sur la question des entreprises de sécurité privée. Tel est le sens des amendements, assez nombreux, que nous avons déposés sur cet article et sur les articles suivants.
Mme la présidente. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
de surveillance humaine ou de gardiennage de biens meubles ou immeubles mentionnées au 1° et au 1° bis de
par les mots :
mentionnées à
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement a pour objet de rétablir le texte initial de la proposition de loi, afin d’appliquer le régime dérogatoire au régime général de la sous-traitance à l’ensemble du secteur de la sécurité privée, c’est-à-dire aux activités privées de surveillance, de gardiennage et de protection physique des personnes, mais aussi à celles de transport de fonds, de protection des navires, toutes visées à l’article L. 611-11 du code de la sécurité intérieure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nos collègues souhaitent que les règles relatives à la sous-traitance s’appliquent à toutes les entreprises de sécurité privée, alors que l’Assemblée nationale en a restreint le champ d’application aux entreprises de surveillance humaine et de gardiennage.
En réalité, les abus en matière de sous-traitance en cascade concernent uniquement ces entreprises, ce qui explique le fait le choix fait par l’Assemblée nationale. Je vous rappelle que les entreprises visées assurent 70 % du chiffre d’affaires de l’ensemble de la sécurité privée.
Ainsi, je ne crois pas qu’il soit utile d’étendre aux secteurs qui fonctionnent de manière saine, à savoir le transport de fonds, la surveillance électronique ou les gardes du corps, les contraintes importantes conçues pour moraliser le secteur de la surveillance humaine et du gardiennage. Veillons à ne pas surréglementer et surcontrôler lorsque la situation sur le terrain ne le justifie pas.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 226, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
, sous sa responsabilité,
et les mots :
que d’une partie
II. – Alinéas 4 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Je ne vais pas répéter tous les arguments évoqués précédemment, mais en ajouter un : ce que l’on peut appeler la fragilité du secteur de la sécurité privée, dont tout le monde convient.
Monsieur le ministre, vous êtes en train d’étendre les pouvoirs et les prérogatives de cette police privée, mais j’attire votre attention : la société tend à être de plus en plus violente et conflictuelle. Le secteur compte aujourd’hui 8 000 sociétés unipersonnelles sur 11 500 structures. Aussi, on ne peut qu’être inquiets de voir la sous-traitance se développer en cascade.
On ne peut pas tout individualiser, dans une forme exacerbée de libéralisme touchant des questions de sécurité. On parle tout de même de l’utilisation des drones et d’autres prérogatives assez graves !
Le présent amendement a pour objet de répondre à ces préoccupations.
Les deux amendements suivants sont des amendements de repli, car nous sommes constructifs. Je considère qu’ils sont défendus, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 74, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
que d’une partie des prestations de son contrat ou marché
par les mots :
de plus d’un tiers du travail qui lui est confié sans l’autorisation du donneur d’ordre
Cet amendement est déjà défendu.
L’amendement n° 214, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
que d’une partie
par les mots :
de 50 % ou plus
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et de deuxième
Cet amendement est également déjà défendu. .
L’amendement n° 271 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
que d’une partie
par les mots :
de 50 % ou plus
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Dans le même ordre d’idées, nous souhaitons supprimer, à l’alinéa 6, les termes « ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectifs ». En effet, cette mention veut tout dire ! C’est le manque d’effectifs qui oblige finalement à aller vers la sécurité privée.
Aussi, cet amendement a pour objet de supprimer la condition liée à l’insuffisance ponctuelle d’effectifs pour justifier le recours à la sous-traitance, à partir, j’y insiste, du second rang. Il s’agit d’éviter la situation, trop fréquente, dans laquelle une entreprise en effectifs insuffisants remporte un marché avant de recourir à la sous-traitance pour l’exécuter.
C’est problématique, en particulier dans ce domaine, en raison de la fragmentation de la chaîne de sous-traitance que cela entraîne, la responsabilité étant renvoyée d’un sous-traitant à l’autre. Par prudence, nous proposons donc cette suppression.
Mme la présidente. L’amendement n° 272 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, MM. Cardon, Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
et de deuxième
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 273 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectifs
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je reprends un par un ces six amendements en discussion commune.
L’amendement n° 226 vise à poser des règles plus restrictives en matière de sous-traitance, mais son adoption aurait, en fait, le résultat inverse de celui qui est recherché, car elle supprimerait la limitation à deux rangs de sous-traitance, ainsi que l’obligation de justifier auprès de l’entrepreneur principal le recours à la sous-traitance.
Avec l’amendement n° 74, la sous-traitance serait limitée à un tiers du travail, sauf si le donneur d’ordre donne son accord pour aller au-delà, mais cette référence au travail est floue : faut-il prendre en compte le nombre d’heures de travail ou le chiffre d’affaires réalisé ? Cela pose un problème de définition.
L’amendement n° 214 est contraire à la position de la commission, puisque son adoption reviendrait à réintroduire la limitation à hauteur de 50 % du chiffre d’affaires. Or, vous le savez, car nous l’avons déjà dit à deux reprises lors des travaux de la commission, nous y sommes défavorables.
L’argumentaire de la commission est le même pour l’amendement n° 271 rectifié.
La limitation à deux rangs, que l’amendement n° 272 rectifié tend à modifier, nous paraît déjà très rigoureuse. Peu de secteurs d’activité sont soumis à une telle contrainte, donc il serait excessif de limiter le dispositif à une seule relation de sous-traitance.
Enfin, l’amendement n° 273 rectifié vise à faire en sorte que la sous-traitance de deuxième rang ne soit plus autorisée pour pallier une insuffisance ponctuelle d’effectifs. Cette contrainte me paraît peu réaliste.
Pour résumer, sur ces six amendements, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. On l’a bien compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l’ensemble des dispositions relatives à l’élargissement des possibilités d’intervention de la sécurité privée est censée nous permettre d’anticiper, notamment, le déroulement de grandes manifestations dans notre pays, que ce soit la Coupe du monde de rugby ou les jeux Olympiques. À ce titre, il est vrai qu’il conviendra d’avoir recours à de nombreuses personnes pour garantir la sécurité des sites et des activités.
Cependant, j’attire votre attention : si l’on refuse de décliner la sous-traitance au deuxième degré ou si l’on veut limiter la sous-traitance à 50 %, c’est parce que l’on sait pertinemment que, à un moment donné, il sera très difficile de savoir quelles sont les personnes recrutées pour effectuer ces tâches ; les risques de sécurité seront alors inversés.
Il ne faudrait pas que la généralisation à l’excès de cette sous-traitance conduise au recrutement de personnels échappant à tout encadrement correct et à toute formation. Ces derniers pourraient poser plus de problèmes qu’ils ne régleraient de situations conflictuelles au moment de ces grandes manifestations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je tiens à intervenir sur ce volet de la sécurité.
Je pense que M. le rapporteur a bien veillé à professionnaliser, à sécuriser et à réguler le champ de la sécurité privée, qui est aujourd’hui une réalité dans notre pays. Encore une fois, celle-ci ne doit pas se substituer à la fonction régalienne de sécurité de l’État, qui est bien autre chose.
J’ai donc une lecture un peu différente de vous, chers collègues. Il me semble que les normes et les régulations à apporter doivent prendre en compte les réalités et la faisabilité.
Effectivement, il y a eu beaucoup de discussions autour de la délégation à des sous-traitants de second rang. Cela semble facile à faire, à partir d’un pourcentage de marché, mais je pense que c’est un peu plus compliqué qu’il n’y paraît. Aujourd’hui, la sécurité privée est cantonnée à un champ d’intervention bien précis, et le métier est régulé.
En revanche, je suis tout à fait d’accord avec vous sur la nécessité d’améliorer la sécurité au travail de ces personnes, avec des contrats un peu moins précaires et plus accentués sur la formation. Avec les autres membres du groupe Union Centriste, je suivrai l’avis du rapporteur, en le remerciant de ce travail d’ajustement et de ciselage du texte.
Mme la présidente. L’amendement n° 274 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Remplacer les mots :
ne sont pas soumis à ces dispositions
par les mots :
sont mis en conformité avec ces dispositions au même délai
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. La commission des lois a prévu une entrée en vigueur différée d’un an des dispositions de l’article 7, afin de laisser aux entreprises le temps de s’organiser.
Dans ces conditions, rien ne justifie de ne pas inclure les contrats en cours, qui devraient se conformer aux dispositions de l’article 7 au cours du même délai. À défaut, ce dispositif perdrait l’essentiel de son intérêt.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission. Pour ne pas déstabiliser les relations contractuelles existantes, nous avons souhaité que les règles nouvelles relatives à la sous-traitance s’appliquent aux contrats conclus après leur entrée en vigueur.
Les relations contractuelles évoluent en permanence au gré des mutations économiques. À moyen terme, il ne fait donc guère de doute que les nouvelles règles relatives à la sous-traitance s’appliqueront à la grande majorité des activités de surveillance et de gardiennage.
Cependant, nous ne voulons pas obliger les donneurs d’ordre à remettre en cause, dans l’année qui vient, les relations contractuelles qui leur donnent peut-être entièrement satisfaction.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Le titre III du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° A (Supprimé)
1° À la première phrase de l’article L. 632-3, les mots : « des salariés soumis aux dispositions du code du travail, » sont supprimés ;
2° La section 1 du chapitre IV est complétée par des articles L. 634-3-2 et L. 634-3-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 634-3-2. – Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité qui sont commissionnés par son directeur et assermentés sont habilités à rechercher et à constater par procès-verbal, à l’occasion des contrôles qu’ils réalisent, les infractions prévues au présent livre.
« Les procès-verbaux qu’ils établissent, qui peuvent comporter les déclarations spontanées des personnes présentes lors du contrôle, sont transmis au procureur de la République territorialement compétent.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 634-3-3. – Pour l’établissement des procès-verbaux mentionnés à l’article L. 634-3-2, les agents du Conseil national des activités privées de sécurité mentionnés au même article L. 634-3-2 sont habilités à recueillir ou à relever l’identité et l’adresse de l’auteur présumé de l’infraction.
« Si ce dernier refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, l’agent qui dresse procès-verbal en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ la personne concernée ou de la retenir pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle. À défaut d’un tel ordre, l’agent du Conseil national des activités privées de sécurité ne peut retenir la personne concernée.
« Pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire, la personne concernée est tenue de demeurer à la disposition de l’agent du Conseil national des activités privées de sécurité. La violation de cette obligation est punie de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Le refus d’obtempérer à l’ordre de suivre l’agent pour se voir présenter à l’officier de police judiciaire est puni de la même peine. »
II. – Le chapitre Ier du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 8271-1-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité commissionnés par son directeur et assermentés. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 8271-17, après le mot : « douanes », sont insérés les mots : « et les agents du Conseil national des activités privées de sécurité commissionnés par son directeur et assermentés ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 75 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 144 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 75.
Mme Laurence Cohen. Nous partageons le souci de mieux encadrer et réglementer la profession d’agent de sécurité privée. Il y a notamment une lutte à mener contre les entreprises qui ont recours au travail non déclaré.
Toutefois, l’article 8, qui élargit les missions des agents de sécurité privée pour leur permettre de relever l’identité et l’adresse des auteurs présumés d’une infraction lors d’un contrôle, n’est pas soutenable.
Nous nous opposons à la rétention d’une personne contre son gré par des agents de sécurité privée pour attendre l’arrivée d’un agent de la police nationale. Nous y sommes d’autant plus opposés qu’aucune durée maximale n’est précisée. Il est donc à craindre que cette habilitation n’entraîne des abus.
Par ailleurs, cet article introduit un nouveau délit de violation de l’obligation de demeurer à la disposition de l’agent du Cnaps, puni de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Il est inquiétant de noter l’effacement progressif des missions particulières de la police nationale, au profit des agents de sécurité privée.
C’est pour toutes ces raisons que nous demandons la suppression de l’article 8.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 144 rectifié.
M. Guy Benarroche. Les prérogatives déjà attribuées aux agents de sécurité privée nous paraissent très importantes.
La rédaction de certains procès-verbaux ou le relevé de l’identité doivent demeurer une prérogative de la police et de la gendarmerie. Les responsabilités de la police judiciaire sont en effet couplées à une formation adaptée et à une responsabilité renforcée.
Certes, le rapporteur de notre commission a noté « avec intérêt la déclaration de bonnes intentions que constitue l’engagement du directeur du Cnaps de mettre en place un parcours d’habilitation et de formation pour garantir la qualité des procès-verbaux », ajoutant que « cet effort de formation conditionn[ait] la réussite de la réforme. » Mais, pour l’instant, ce ne sont que des déclarations !
En attendant, la loi serait votée en l’état. Il est important de rappeler que les procès-verbaux constituent le premier acte de l’enquête. Ils nécessitent une connaissance du droit pénal et du code de procédure pénale, faute de quoi la totalité de la procédure peut être entachée de vices entraînant sa nullité. Il apparaît dès lors très inopportun de transférer un tel pouvoir à des agents de sécurité privée.
De plus, comme l’a rappelé Mme Cohen, cette possibilité serait assortie du pouvoir de relever l’identité, le citoyen mis en cause, qui ne souhaiterait pas s’y soumettre, devant, le temps que l’agent de sécurité prévienne un officier de police judiciaire, ou OPJ, pour effectuer ce relevé, rester à la disposition de l’agent du Cnaps, sous peine d’une sanction de deux mois d’emprisonnement.
Pour rappel, le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2017-695 QPC du 29 mars 2018 relative à la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, précise au paragraphe 27 : « Il appartient aux autorités publiques de prendre les dispositions afin de s’assurer que soit continuellement garantie l’effectivité du contrôle exercé sur ces personnes », à savoir les agents de sécurité privée, « par les officiers de police judiciaire ». Il conclut ainsi : « Sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences découlant de l’article XII de la Déclaration de 1789. »
Or, actuellement, il n’y a absolument pas de contrôle par les OPJ, qui ne sont pas présents ou qui sont très éloignés. Les risques d’abus, notamment lors de manifestations sociales, étant bien trop importants, notre groupe propose une suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. De manière générale, nous sommes hostiles aux amendements de suppression des articles.
Par ailleurs, je rappelle aux auteurs de ces deux amendements que les agents de contrôle du Cnaps sont des fonctionnaires détachés ou des contractuels de droit public, chargés de veiller au respect de la réglementation applicable aux agents de sécurité privée, en particulier de lutter contre le travail illégal.
Chers collègues, je ne comprends pas pourquoi vous proposez la suppression d’un tel article, car cela priverait ces agents de ces compétences, qui sont très utiles dans le cadre de la régulation de la profession.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je crois qu’il y a une confusion dans l’esprit des auteurs des amendements.
Il s’agit non pas de donner des pouvoirs de police ou d’assermentation aux agents de sécurité privée, mais de donner des pouvoirs supplémentaires aux agents publics que sont les agents du Cnaps, qui est une direction du ministère de l’intérieur. Ce sont eux qui contrôlent les agents de sécurité privée.
Il n’y a pas besoin de convoquer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans ce cas, puisque nous donnons justement plus de prérogatives aux agents publics pour contrôler les agents privés. Il n’est aucunement question de donner plus de pouvoirs à ces derniers !
Je le répète, il y a une confusion, et ces amendements ne sont pas ce que vous semblez croire. En effet, si nous supprimons l’article 8, nous retirerons des pouvoirs aux agents publics qui contrôlent les agents privés.
Mme Laurence Cohen. C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’imagine que tel n’est pas votre souhait.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 75 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 75 est retiré.
Monsieur Benarroche, l’amendement n° 144 rectifié est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 8 bis
Le second alinéa de l’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 351, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° À la deuxième phrase, les mots : « non salariées » sont supprimés ;
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Après les mots : « excéder 150 000 € », sont insérés les mots : « lorsqu’elles sont prononcées à l’encontre d’une personne morale, et 30 000 € lorsqu’elles sont prononcées à l’encontre d’une personne physique ».
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je sais que ni le rapporteur ni le Sénat n’aiment les articles de suppression, mais nous n’avons pas aimé la suppression de la suppression… (Sourires.)
Plus sérieusement, j’y reviens parce que je pense que c’est un point important, monsieur le rapporteur, qu’il faut évoquer dans l’hémicycle.
Aujourd’hui, nous le savons tous, nous pouvons être face à des difficultés posées par des agents de sécurité privée n’ayant pas leur carte professionnelle. C’est une question qui touche tant la sous-traitance que la professionnalisation de la filière. (M. Pascal Savoldelli s’exclame.)
Tout le monde utilise aujourd’hui des agents de sécurité privée, y compris les collectivités, quel que soit leur bord politique, monsieur le sénateur. Justement, nous devons professionnaliser la filière, donner les moyens à ses salariés d’être traités comme tous les salariés, et puis, évidemment, réguler ses activités.
Il s’agit d’une loi très importante, notamment en ce qu’elle va limiter la sous-traitance. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, il n’y aura pas d’autre activité économique qui soit aussi régulée, grâce à ce texte de loi.
Je reviens à mon amendement. Quand un agent de sécurité privée n’a pas sa carte, on lui fait remarquer, et puis c’est tout !
Aussi, l’article issu des travaux de l’Assemblée nationale a prévu une sanction financière, afin de faire en sorte que la professionnalisation des agents de sécurité privée, la responsabilité découlant des pouvoirs qu’ils ont et la traçabilité de leur action – après tout, ils sont dans le continuum de sécurité, et nous les assumons comme tels –, ne soient pas perçues à la légère.
J’invite vraiment le Sénat, monsieur le rapporteur, à reconsidérer sa position, parce que, s’il n’y avait pas cette sanction, l’interdiction ne serait reliée à rien, et cela créerait des difficultés au Cnaps pour faire la police, si vous voulez bien me passer l’expression, parmi les sociétés d’agents de sécurité privée.
Je défends donc avec conviction cet amendement de rétablissement de l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission n’a pas été convaincue par la nécessité de créer une sanction pécuniaire spécifique qui pourrait être infligée par le Cnaps à des salariés en cas de manquement à leurs obligations professionnelles et déontologiques. Je vais vous expliquer pourquoi.
Les agents de sécurité privée sont des salariés comme les autres. Ils peuvent être sanctionnés par leur employeur en cas de faute et éventuellement licenciés. Ils peuvent, par ailleurs, être sanctionnés par le Cnaps, qui peut prononcer une interdiction temporaire d’exercice, ce qui revient, d’ailleurs, à leur infliger une sanction pécuniaire. Ils peuvent, enfin, faire l’objet de poursuites pénales s’ils sont embauchés sans disposer de la carte professionnelle.
De plus, je veux insister sur le montant de la sanction administrative, à savoir 150 000 euros, qui nous est apparue comme démesurée au regard des revenus de ces agents de sécurité privée.
L’amendement proposé par le Gouvernement constitue un progrès, puisqu’il tend à ramener la sanction encourue à 30 000 euros, ce qui représente tout de même deux ans de salaires nets pour un salarié payé au SMIC et le double de l’amende prévue en cas de condamnation pénale.
On se demande quels manquements pourraient justifier une pénalité financière si lourde, et, par comparaison, dans quels métiers on risquerait une telle sanction financière… Plusieurs collègues ont rappelé qu’il s’agit de salariés qui ont des revenus relativement faibles.
Pour ces raisons, la commission n’est donc pas favorable à cet amendement, malgré votre énergie à le défendre, monsieur le ministre. C’est une question que nous pourrons éventuellement examiner en commission mixte paritaire, si nos collègues députés sont attachés à ce dispositif, mais il nous faudra réfléchir à un montant adapté.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’entends bien, monsieur le rapporteur, et je vous remercie de votre ouverture dans la perspective de la CMP, mais la somme de 30 000 euros est un montant maximum. On peut trouver un compromis et sous-amender cet amendement en direct : l’important, c’est qu’il y ait une sanction dissuasive.
Par ailleurs, il faut savoir que, actuellement, il n’y a jamais de poursuites diligentées. Que se passe-t-il, une fois que le manquement à la déontologie est constaté ? Les personnes concernées reviennent travailler.
J’y insiste, dans la perspective d’une régulation du secteur, il nous a semblé que l’amende était la sanction la plus adaptée pour faire comprendre que le Cnaps était efficace, tout en évitant d’encombrer inutilement les tribunaux.
Je maintiens donc bien évidemment cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. À propos d’autres travaux législatifs, le Conseil constitutionnel a instauré le principe suivant, qui me semble rétrospectivement légitime : une sanction administrative et des sanctions pénales pour les mêmes infractions peuvent coexister, à condition, premièrement, que la définition de l’infraction ne soit pas exactement la même, et, deuxièmement, que l’échelle de la sanction administrative ne soit pas disproportionnée au regard de la sanction pénale.
Je n’avais pas pris conscience que les montants envisagés, que M. le rapporteur a rappelés, atteignaient un tel niveau, mais il me semble que cette disposition, à supposer qu’elle fût adoptée, ne passerait pas la rampe.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8 bis.
(L’article 8 bis est adopté.)
Article 9
Le titre III du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la fin du 3° de l’article L. 633-1, la référence : « à l’article L. 634-4 » est remplacée par les références : « aux articles L. 634-4 et L. 634-4-1 » ;
2° La section 2 du chapitre IV est complétée par un article L. 634-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 634-4-1. – Sur décision de la commission d’agrément et de contrôle territorialement compétente, les sanctions consistant en une interdiction temporaire d’exercer ou en une sanction pécuniaire prononcées à l’encontre des personnes physiques ou morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis du présent livre peuvent également, compte tenu de la gravité des faits reprochés, être publiées en tout ou partie sur le site internet du Conseil national des activités privées de sécurité, après avoir fait l’objet d’un traitement permettant de rendre impossible l’identification des tiers et sans que la durée de cette publication puisse excéder cinq ans.
« La décision de la commission d’agrément et de contrôle peut également prévoir dans les mêmes conditions la publication de la sanction, aux frais de la personne sanctionnée, sur les supports qu’elle désigne.
« Les publications mentionnées aux premier et deuxième alinéas ne peuvent intervenir qu’à l’expiration du délai de recours administratif préalable obligatoire prévu à l’article L. 633-3 ou, le cas échéant, à l’issue de ce recours.
« En cas d’inexécution par la personne sanctionnée de la mesure de publicité dans le délai qui lui a été imparti, le Conseil national des activités privées de sécurité peut la mettre en demeure de procéder à cette publication. Cette mise en demeure peut être assortie d’une astreinte journalière pouvant aller jusqu’à 300 euros.
« Lorsque la décision de sanction rendue publique fait l’objet d’un recours contentieux, le Conseil national des activités privées de sécurité publie sans délai, sur son site internet, cette information ainsi que toute information ultérieure sur l’issue de ce recours. »
Mme la présidente. L’amendement n° 193 rectifié, présenté par MM. Babary, Karoutchi, Savary et Bascher, Mmes Gruny, Berthet et Joseph, MM. Le Gleut, Burgoa, Courtial, Saury, Lefèvre et Chatillon, Mme Raimond-Pavero, M. Bouchet, Mme Lassarade, MM. Gremillet et D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Bonne et Longuet, Mme Schalck, MM. Cuypers, Laménie, Bouloux et Belin et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Après le mot :
internet
insérer les mots :
et dans la base de données du portail de téléservices
La parole est à M. Serge Babary.
M. Serge Babary. L’ensemble des acteurs du secteur utilisent les téléservices du Cnaps pour contrôler la validité des autorisations d’entreprises de sécurité privée et des titres individuels d’agent de sécurité.
Au-delà de la publication sur le site internet des décisions, cette base de données doit être mise à jour des décisions du Cnaps affectant les autorisations d’exercice et les titres individuels.
L’objet du présent amendement est d’offrir aux acteurs du secteur un accès facilité aux décisions prises par le Cnaps sur les autorisations d’exercice et sur les titres individuels.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la publication des sanctions sur la base de données du portail de téléservices du Cnaps, afin que celle-ci soit régulièrement mise à jour.
Le portail de téléservices permet d’effectuer des demandes en ligne, par exemple pour obtenir une carte professionnelle ; il permet de vérifier la validité d’une carte, d’une autorisation ou d’un agrément. Il est donc nécessairement mis à jour en permanence. Si une entreprise fait l’objet d’une interdiction temporaire d’exercer, cette sanction sera consultable sur le portail.
Il ne vise pas, en revanche, la même finalité que l’article 9, lequel s’inscrit dans une démarche de name and shame, c’est-à-dire de nommer et de dénoncer. Il s’agit de faire connaître à un large public, et notamment aux potentiels clients, les sanctions les plus graves prononcées par le Cnaps.
Pour atteindre cet objectif, la publication doit intervenir sur des supports grand public, à commencer par le site du Cnaps, mais aussi des publications désignées par celui-ci.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives aux conditions et aux modalités d’exercice de la profession
Article 10
Le livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 612-20 est ainsi modifié :
a et b) (Supprimés)
c) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Pour un ressortissant étranger ne relevant pas de l’article L. 121-1 du même code, s’il n’est pas titulaire, depuis au moins trois ans, d’un titre de séjour ; »
c bis) (nouveau) Au 5°, après le mot : « professionnelle », sont ajoutés les mots : « , notamment d’une connaissance des principes de la République, » ;
d) Après le même 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Pour un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou pour un ressortissant d’un pays tiers, s’il ne justifie pas d’une connaissance de la langue française suffisante pour l’exercice d’une activité privée de sécurité mentionnée à l’article L. 611-1 du présent code, selon les modalités définies par décret en Conseil d’État. » ;
e) À la fin de la première phrase du huitième alinéa, la référence : « et 3° » est remplacée par les références : « , 3°, 4° et 5° du présent article » ;
2° À l’article L. 612-22 et au premier alinéa de l’article L. 612-23, la référence : « et 3° » est remplacée par les références : « , 3°, 4° et 4° bis » ;
3° L’article L. 622-19 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Pour un ressortissant étranger ne relevant pas de l’article L. 121-1 du même code, s’il n’est pas titulaire, depuis au moins trois ans, d’un titre de séjour ; »
c) (Supprimé)
c bis) (nouveau) Au 5°, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « , notamment d’une connaissance des principes de la République, » ;
d) Après le même 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Pour un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou pour un ressortissant d’un pays tiers, s’il ne justifie pas d’une connaissance de la langue française suffisante pour l’exercice de l’activité mentionnée à l’article L. 621-1 du présent code, selon les modalités définies par décret en Conseil d’État. » ;
e) À la fin de l’avant-dernier alinéa, les références : « 4° ou 5° » sont remplacées par les références : « 2°, 3°, 4° et 5° » ;
4° À l’article L. 622-21 et au premier alinéa de l’article L. 622-22, les références : « 4° et 5° » sont remplacées par les références : « 2°, 2° bis, 3° et 4° ».
Mme la présidente. L’amendement n° 198 rectifié, présenté par MM. Marie, J. Bigot, Bourgi, Cardon, Devinaz, Kerrouche, Jacquin et P. Joly, Mmes Lepage et Lubin et MM. Stanzione, Tissot et Todeschini, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Je ne suis pas hostile à ce que les agents du secteur privé aient une connaissance suffisante, pour l’exercice d’une activité privée de sécurité, de la langue française et des valeurs de la République.
Toutefois, comme l’a souligné la Défenseure des droits dans son avis, en posant une telle condition en matière d’emploi, exigible aux seuls étrangers, ces modifications sont susceptibles de constituer une discrimination fondée sur la nationalité, contraire au droit international.
Par ailleurs, nous avons donné à ces sociétés la possibilité de faire appel à la sous-traitance en cascade. J’attire donc votre attention sur le fait qu’il est possible – voire probable – qu’un certain nombre de sociétés européennes répondent à ces appels à candidatures dans le cadre du travail détaché. Nous aurions alors un certain nombre d’agents ne parlant pas français, mais autorisés, au titre du droit européen, à travailler sur le sol français sans maîtriser notre langue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, laquelle a retenu, en adoptant un amendement présenté par notre collègue Jérôme Durain, une position d’équilibre : elle a prévu que les ressortissants étrangers, hors Union européenne, devront justifier de trois années de séjour régulier sur le territoire national pour pouvoir prétendre à une carte professionnelle.
Cette durée de trois ans nous paraît concilier efficacement deux impératifs : disposer d’un peu de recul pour apprécier les antécédents judiciaires du candidat, mais aussi ne pas fermer pendant trop longtemps l’accès aux métiers de la sécurité aux ressortissants étrangers, qui trouvent souvent dans ce secteur une porte d’entrée vers le marché du travail.
La suppression pure et simple de l’article 10 romprait avec cette position d’équilibre. Nous ne pouvons donc qu’y être défavorables et nous demandons le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Marie, l’amendement n° 198 rectifié est-il maintenu ?
M. Didier Marie. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 198 rectifié est retiré.
L’amendement n° 335, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 12
Rétablir le a) dans la rédaction suivante :
a) Après le mot : « équivalent », la fin du 1° est supprimée ;
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’exigence d’un bulletin n° 2 du casier judiciaire vierge pour l’obtention d’une carte professionnelle, car la question de la moralité des personnes embauchées dans la sécurité se pose.
Un certain nombre de travaux ont été menés à ce sujet par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat.
Votre commission, si j’ai bien compris, a considéré qu’il fallait en revenir à la rédaction actuelle du code de la sécurité intérieure. Toutefois, les commissions locales du Cnaps comme les juridictions administratives qui jugent des recours portent, selon les territoires, des appréciations différentes sur les documents que doivent fournir les agents de sécurité privés.
Si nous imposions, par la loi, la fourniture d’un bulletin n° 2, la jurisprudence serait alors identique sur l’ensemble du territoire national, ce qui me paraît être de bonne politique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Le droit actuel permet de s’adapter à la situation subjective de chaque individu et de chaque dossier et de prendre une décision en connaissance de cause. Tout mécanisme automatique poserait des difficultés.
Je ne méconnais pas les difficultés que vous évoquez, monsieur le ministre, mais elles sont le lot commun de toutes les juridictions sur le territoire national. On sait ainsi que l’on ne juge pas de la même manière à Marseille ou à Tourcoing, où l’on trouve, sinon un tribunal administratif, du moins un tribunal judiciaire.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il y a donc partout des risques de localisme. J’entends votre argument, mais je ne peux le faire mien, monsieur le ministre.
Mon avis sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, M. Retailleau, Mme Demas, MM. Tabarot, H. Leroy, Genet, C. Vial, Le Gleut et Le Rudulier, Mmes Schalck, Pluchet et Garnier, M. Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, MM. J.B. Blanc, Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Courtial, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Dumont, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud, Gruny et Joseph, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre et Mandelli, Mme Micouleau, M. Piednoir, Mme Raimond-Pavero et M. Somon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 1° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° S’il a été condamné en application des articles 433-5 et 433-6 du code pénal ; »
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Les personnes qui souhaitent exercer des missions de sécurité privée ne peuvent décemment être connues des services pour des actes de rébellion ou d’outrage aux forces de l’ordre.
Cet amendement vise donc à corriger cette incohérence. Il est en effet impensable pour nos forces de l’ordre que des agents de sécurité privée puissent avoir été condamnés pour des actes répréhensibles à leur égard.
Plus qu’une interdiction de bon sens, cet amendement tend à imposer une juste limite à l’accès aux missions de sécurité, publique ou privée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission n’a pas été convaincue par la démarche consistant à inscrire dans la loi une liste d’infractions incompatibles avec l’exercice des métiers de la sécurité privée.
Elle a préféré conserver le système actuel, qui laisse au Cnaps le soin d’apprécier si l’infraction est compatible ou non avec l’exercice de ces métiers. Il serait, en effet, étrange d’inscrire dans la loi une interdiction attachée à cette infraction de rébellion ou outrage, sans viser explicitement des infractions encore plus graves, d’homicide ou de viol, par exemple.
Chers collègues, je vous invite en outre à être cohérents avec l’amendement que nous venons de rejeter.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. J’entends bien l’argumentaire de notre rapporteur, mais j’avoue avoir hésité à voter l’amendement du Gouvernement, car nous avons besoin de certitudes sur l’histoire personnelle des personnes concernées. J’ai finalement suivi le rapporteur.
En revanche, il faut montrer un signe avec cet amendement. Nous pourrons en reparler au moment de la commission mixte paritaire ; je présente donc mes regrets à notre rapporteur, mais je considère qu’il est important de renvoyer ce sujet à la CMP.
Je voterai donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, je me permets de vous indiquer que, en mettant aux voix l’amendement précédent, vous n’avez pas appelé ceux qui souhaitaient s’abstenir. C’était mon cas, et je n’ai pu voter. Pourriez-vous vous assurer de prendre en compte ces votes, s’il vous plaît ?
Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre demande.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je souhaite répondre à notre collègue Philippe Mouiller.
Certains font des comparaisons entre le régime de la sécurité privée et le droit de la fonction publique, en particulier en ce qui concerne le mode de recrutement des policiers nationaux. Il ne faudrait pas, toutefois, que l’on en vienne à créer des mécanismes automatiques plus drastiques dans le domaine de la sécurité privée qu’en matière de recrutement des fonctionnaires de police.
Si nous avions adopté ici une logique d’automatisme, en considérant que toute infraction inscrite au bulletin n° 2 devait entraîner ipso facto l’interdiction d’exercer ce métier, nous aurions pu faire de même s’agissant de beaucoup d’autres domaines de la vie économique du pays, y compris dans la fonction publique.
Si telle est votre logique, elle nous conduirait beaucoup plus loin que le simple vote de l’amendement que nous avons déjà rejeté ; l’amendement en discussion est plus symbolique, puisqu’il vise une infraction spécifique, non un mécanisme général.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 109, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La nouvelle rédaction de cet article, issue de la commission des lois, réduit la durée de détention d’un titre de séjour de cinq ans à trois ans pour les ressortissants étrangers souhaitant exercer une fonction de sécurité privée.
Elle supprime également la condition imposée aux ressortissants étrangers souhaitant exercer cette activité de surveillance de justifier d’une connaissance des valeurs de la République, et la remplace par un apprentissage des principes de la République, à destination de l’ensemble des agents de sécurité privée.
Si la commission des lois a tenté, par ces nouvelles dispositions, d’améliorer le texte, ces dernières ne sont, pour autant, pas acceptables pour nous.
Le présent amendement a pour objet de supprimer le conditionnement de la délivrance de la carte professionnelle d’agent de sécurité privée à un ressortissant étranger à un titre de séjour d’une antériorité de plus de trois ans, comme, pour l’ensemble des agents de sécurité privée, à une connaissance des principes de la République.
La première condition peut constituer une discrimination fondée sur la nationalité, contraire aux engagements internationaux pris par la France ; la seconde est superfétatoire à l’exercice de la profession d’agent de sécurité privée.
Mme la présidente. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Notre collègue Esther Benbassa vient d’avancer une argumentation qui nous est commune, et je souhaite aller vers ce sur quoi nous achoppons. Il est vrai que nous sommes passés de cinq à trois ans de possession de titre, mais comment justifie-t-on de choisir trois, quatre, cinq, deux ans, voire une seule année ?
Vous le savez bien, monsieur le ministre de l’intérieur, le code de la sécurité intérieure dispose actuellement que la simple possession d’un titre ouvre droit à l’exercice de la fonction.
J’ai suivi les échanges à l’Assemblée nationale : les raisons avancées étaient liées au problème du contrôle des antécédents judiciaires, qui ne serait pas aisé en dehors de l’Union européenne. Il faut entendre cet argument. Dès lors, toutefois, pour éviter cet écueil, créons les conditions pour renforcer les contrôles et donnons-nous les moyens de les opérer en dehors de l’Union européenne !
Ensuite, s’agissant des problèmes légaux auxquels nous nous exposerions, la Défenseure des droits souligne : « En posant une telle condition en matière d’emploi, exigible des seuls étrangers, ces modifications législatives sont susceptibles de constituer une discrimination fondée sur la nationalité contraire aux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques et sociaux, à la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail. »
Pour résumer notre état d’esprit, nous considérons qu’il faut rétablir le droit de travailler de toutes ces personnes, à partir du moment où elles ont fourni ce justificatif.
Nous ne voyons pas pourquoi ou comment l’on pourrait imposer des critères de durée – trois ans, quatre ans, deux ans, un an et demi… – et nous ne comprenons pas à quoi cela pourrait correspondre.
Enfin, s’il faut faire des contrôles en dehors de l’Union européenne, faisons-les !
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 368, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 14
Remplacer la référence :
L. 121-1
par la référence :
L. 233-1
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Une nouvelle version du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le Ceseda, entre en vigueur le 1er mai prochain, ce qui implique de mettre à jour la référence figurant à l’article 10 de la présente proposition de loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 275 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 14
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Dans la même veine que les dispositions précédentes, le présent amendement vise à modifier l’article 10 en réduisant la durée de détention d’un titre de séjour de trois à deux ans pour l’étranger souhaitant exercer une fonction de sécurité privée.
La commission des lois a ramené ce délai de cinq à trois ans, ce qui représente une avancée. Il n’en demeure pas moins que, à nos yeux, ce délai demeure excessif.
D’une part, ainsi que le souligne la Défenseure des droits, « en posant une telle condition en matière d’emploi, exigible des seuls étrangers, ces modifications législatives sont susceptibles de constituer une discrimination fondée sur la nationalité contraire aux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques et sociaux, à la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail ».
D’autre part, les fonctions de sécurité privée sont l’un des vecteurs d’intégration des étrangers sur le marché du travail français. Une durée de deux ans semble, dès lors, suffisante et, surtout, proportionnée à l’objectif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 109, présenté par Mme Benbassa, je me suis expliqué à plusieurs reprises devant la commission sur la durée de trois ans de présence régulière sur le territoire national. Cette durée est issue d’un amendement de compromis entre une absence de délai, ce qui nous paraît trop court, et cinq ans, délai qui nous paraît trop long, porté par M. Durain.
Cela permet de trouver un équilibre, alors que nous essayons de réglementer le secteur. Sans méconnaître les arguments avancés par Mme la Défenseure des droits, une telle durée nous paraît plus sécurisée et plus acceptable.
Par ailleurs, je suis en désaccord radical avec vous sur la notion d’apprentissage des principes de la République. Il nous est d’abord apparu préférable de faire référence aux « principes » de la République, plutôt qu’à ses « valeurs », qui nous a semblé être une notion plus difficile à définir ; nous l’avons inscrit dans la formation initiale prévue pour les agents de sécurité privée. Cela s’adresse donc à tous les agents, nationaux ou travailleurs étrangers.
Il nous a semblé préférable de procéder ainsi, en impliquant l’ensemble de la profession. Il est utile que ces jeunes agents, qui sont amenés à avoir des contacts avec le grand public et avec des autorités, soient en mesure de maîtriser les rudiments des principes de notre fonctionnement républicain.
S’agissant de l’amendement n° 76 rectifié, visant à supprimer l’exigence de trois années de présence régulière sur le territoire, je rappelle que cette durée est issue d’un amendement de compromis au sein de la commission auquel, personnellement, je tiens beaucoup.
Enfin, l’amendement n° 275 rectifié, visant à fixer cette durée à deux ans, est également contraire à la position de la commission.
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je commence par l’amendement de coordination juridique déposé par M. le rapporteur. Si je comprends son souhait, l’avis sera toutefois défavorable.
Le nouveau Ceseda entrera en vigueur le 1er mai 2021 ; j’ai d’ailleurs défendu ce matin en conseil des ministres l’une de ses grandes parties. Nous n’avons pas de désaccord sur le fond, mais il me semble un peu prématuré d’adopter cet amendement.
En revanche, je suis très défavorable sur le fond aux amendements qui visent à réduire ou à supprimer la condition des trois ans de présence régulière. Le Gouvernement considère déjà que passer de cinq à trois ans n’était pas souhaitable, mais il se résout à suivre la commission des lois du Sénat.
Il faut du temps pour s’assurer de l’honorabilité des personnes qui se trouvent sur notre sol et qui ne sont pas de nationalité française. La consultation des fichiers de police, l’échange de documents avec les pays étrangers prennent parfois de longs mois. Trois ans, c’est pour nous une durée encore sécurisante ; une durée moins longue nous semblerait trop limitée.
Permettez d’ajouter un mot sur les expressions que j’ai entendues dans la bouche de certains parlementaires. On a le sentiment qu’être français ou ne pas l’être, c’est pareil. Avec le Gouvernement, je considère, quant à moi, qu’être français confère effectivement des droits supplémentaires, différents de ceux dont jouissent ceux qui n’ont pas la nationalité française. C’est assez logique : à défaut, ce ne serait pas la peine de la demander !
Il existe, bien sûr, un principe de non-discrimination dans les traités internationaux, nous le comprenons très bien, mais il est heureux que le droit international reconnaisse aussi le principe de nationalité des citoyens d’une Nation. À défaut, il n’y aurait aucun intérêt, en effet, à distinguer dans le droit les nationaux de ceux qui ne le sont pas.
À ce titre, contrairement à ce que l’on a pu entendre, s’agissant notamment de la critique de Mme la Défenseure des droits, le Gouvernement a légitimement le droit de proposer des différences entre ses nationaux et les autres. Ces derniers ont évidemment accès au travail, lorsqu’ils sont présents régulièrement sur le territoire national, mais il n’y a pas de honte à indiquer que l’on peut jouir de droits particuliers si l’on est Français.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les quatre amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je formulerai une remarque à l’attention de M. le ministre : je ne vois ni pourquoi les étrangers auraient moins de droits (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), ni quels seraient les droits supplémentaires des Français.
Mme Esther Benbassa. Certes, mais ils sont probablement de futurs Français. Vous utilisez une expression qui me semble un peu gênante… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. On ne va pas se lancer maintenant dans un cours de droit constitutionnel…
Mme Esther Benbassa. Monsieur le rapporteur, cela peut ne pas vous plaire, mais j’ai encore le droit de m’exprimer !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Mais bien sûr !
Mme Esther Benbassa. J’aimerais d’ailleurs que vous m’expliquiez la différence que vous faites entre les « valeurs » et les « principes » de la République.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Elle est pourtant assez claire !
Mme Esther Benbassa. Je ne la vois pas. J’attends votre réponse, car, savez-vous, je suis encore capable de réfléchir.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ma chère collègue, ce n’est pas le lieu d’entamer un débat sémantique. Le projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui est présentement devant la commission, nous offrira le loisir de discuter de la différence entre valeurs et principes.
À mon sens, la notion de principes est juridiquement plus robuste que celle de valeurs, laquelle se rattache plutôt à un catéchisme. La notion de principes me semble, quant à elle, liée à un corpus de textes juridiques. (Mme Françoise Gatel approuve.)
La différence est de cet ordre : l’une est plus philosophique, plus évanescente, l’autre est plus juridique, faisant référence aux principes généraux du droit et aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Je ne vais pas m’engager ce soir dans une discussion de droit constitutionnel, mais, à mon sens, le mot « principes » correspond mieux à notre rôle de législateurs. La commission des lois est très attentive à utiliser des mots correspondant à des réalités tangibles. En l’espèce, le mot « principes » me paraît beaucoup plus adapté.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Il est toujours difficile d’être vigilant face aux parades des uns et des autres dans ces débats, mais en l’occurrence, monsieur le ministre, vous avez essayé de détourner l’objet des amendements. Vous nous avez fait dire ce que nous n’avions pas dit, et cela peut déboucher sur des incompréhensions ou des dérapages.
D’ailleurs, si vous le faites ici, dans l’hémicycle, vous le faites aussi dans des émissions télévisées à l’occasion de faux duels, cela arrive… On peut tous se tromper de mots.
La question que nous vous posions n’est pas de savoir si la nationalité française et la nationalité étrangère étaient à égalité sur tous les principes républicains ; je partage la moitié de ce que dit le rapporteur à ce sujet.
Nous vous demandions pourquoi le code de sécurité intérieure dispose aujourd’hui que la simple possession d’un titre ouvre droit à l’exercice de la fonction. Il ne s’agit pas de savoir si l’on met à égalité, dans une démarche fusionnelle, nationalité française et nationalité étrangère. Mais pourquoi ce qui est vrai aujourd’hui devrait être caduc demain ?
Écoutez nos arguments. J’en ai avancé un, au moins : je comprends qu’il y ait des difficultés pour mener les contrôles concernant les ressortissants de pays non européens. Je vous ai dit qu’il fallait trouver un mode d’organisation pour les multiplier. Débattons donc avec des arguments rigoureux, au lieu de dévier vers d’autres sujets, qui pourraient donner lieu à des glissements.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je me suis expliqué. Vous n’avez pas souhaité entendre mon argument, mais connaître l’honorabilité d’un étranger présent sur le sol national, savoir si cette personne n’a pas été condamnée dans son pays, cela ne se fait pas automatiquement.
On met de longues semaines, parfois de longs mois – il m’est même arrivé de constater que cela avait pris de longues années –, pour savoir si la personne qui concourt à telle ou telle fonction a, ou non, dans son pays, un casier judiciaire ou un passé criminel, ou a fait l’objet d’une radicalisation – nous en parlerons tout à l’heure si vous le souhaitez.
Tous les états civils ne sont pas tenus comme le nôtre, tous les systèmes judiciaires ne sont pas identiques au nôtre. Nous avons donc besoin de ce temps-là pour déterminer l’honorabilité de ces personnes, s’agissant des questions de sécurité privée. C’est un défaut de la loi de la République que de ne pas l’avoir prévu avant aujourd’hui.
J’ai donc répondu à votre argument, mais Mme Benbassa elle-même a repris la parole pour indiquer qu’elle ne voyait pas la différence entre les nationaux et les étrangers. Bien sûr qu’il y a des différences, à commencer par le droit de vote ou par la possibilité d’être fonctionnaire de la République !
Mesdames, messieurs les parlementaires, vous avez souhaité vous-mêmes, ou vos prédécesseurs ont souhaité, que la charge que vous exercez soit réservée aux nationaux.
Heureusement qu’il y a une différence entre les gens qui sont de nationalité française et ceux qui ne le sont pas ! La préférence nationale, que nous combattons, consisterait, par exemple, à interdire l’accès à ces emplois aux étrangers. Tel n’est pas notre intention ; nous permettons à tout le monde d’avoir accès à ces postes, mais nous devons nous assurer de l’honorabilité des postulants.
Pour les Français, cela peut se faire très vite, parce que notre système judiciaire le permet. Pour les étrangers, ce n’est pas le cas ; c’est la raison pour laquelle cette disposition a été introduite dans le texte. Cela n’a rien de discriminatoire.
Je vous fais remarquer, et ce n’est en rien un glissement, que nous n’avons manifestement pas la même conception de ce qu’est l’identité ou la nationalité. Comme ministre de la République, je ne puis laisser dire qu’être étranger ou français, c’est la même chose.
Il y a des Français, il y a des étrangers, ils sont égaux en droit, évidemment. Toutefois, le Gouvernement de la République est légitime à souligner que la nationalité française apporte des droits particuliers, ainsi, sans doute, que des devoirs. Si tel n’était pas le cas, pourquoi tant de gens aimeraient-ils avoir la nationalité française ?
Mme la présidente. L’amendement n° 199 rectifié bis, présenté par MM. Marie, J. Bigot, Bourgi, Cardon, Jacquin, P. Joly et Kerrouche, Mmes Lepage et Lubin et MM. Stanzione, Tissot et Todeschini, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après le mot :
sécurité
insérer les mots :
qui implique des contacts prolongés avec des publics
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Pardonnez-moi de prolonger quelque peu le débat sur ce sujet, mais je n’ai pas reçu de réponse à la question que je posais, et je souhaiterais que vous leviez une incertitude, monsieur le ministre.
Au sein de l’Union européenne, l’un des principes gravés dans le marbre est celui de la libre circulation des personnes. Or, dans le cadre de la directive relative aux travailleurs détachés, un certain nombre d’entreprises installées sur le sol français peuvent répondre à des appels d’offres lancés par des personnes de droit public – ce sera certainement le cas pour les grandes manifestations sportives que j’évoquais précédemment –, tout en faisant appel à des sociétés d’autres pays européens. La condition de la maîtrise de la langue française sera-t-elle imposée aux salariés de ces sociétés sous-traitantes, en contradiction avec les règles européennes en vigueur ?
Par ailleurs, la maîtrise de la langue française est-elle absolument indispensable dans tous les métiers de la sécurité privée, notamment quand une partie des missions consiste à rester derrière un écran et visionner des images ou à faire du gardiennage statique ?
J’ai déposé le présent amendement afin de restreindre la condition de maîtrise de la langue française pour les ressortissants étrangers, qu’ils soient issus d’un pays membre de l’Union européenne ou non, aux seules activités qui impliquent des contacts prolongés avec le public. En effet, pour les autres activités privées de sécurité, je considère qu’il n’est pas nécessaire de maîtriser notre langue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il nous paraît indispensable d’avoir une bonne maîtrise de la langue française pour exercer un métier de la sécurité, non seulement pour communiquer avec le public, mais aussi pour comprendre les consignes de l’encadrement ou donner l’alerte auprès de la police et de la gendarmerie en cas de problème.
Il serait donc très imprudent, comme le proposent les auteurs de cet amendement, de réserver l’exigence de maîtrise du français aux seuls agents qui sont en contact prolongé avec le public. J’estime au contraire que l’ensemble des agents de sécurité privée doivent maîtriser les rudiments, et même davantage que les rudiments, de notre belle langue. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, il est tout à fait essentiel, pour un agent de sécurité privée, de connaître et de maîtriser la langue française.
En effet, ces agents sont souvent les primo-intervenants : en cas de problème, ce sont eux qui alertent la police, les pompiers ou le chef d’entreprise. Je saluais hier, à la tribune, l’agent de sécurité qui était posté à l’entrée du Stade de France et a empêché le terroriste d’y entrer ; il aurait pu être conduit à prévenir d’autres intervenants, comme peuvent l’être les agents qui sont derrière un écran ou qui effectuent du gardiennage statique. Il me paraît donc normal que tout agent de sécurité privée maîtrise la langue française.
Je ne vois aucune incompatibilité entre une telle disposition et les traités communautaires. Par définition, la libre circulation n’empêche pas qu’un certain nombre de conditions nationales soient requises – et c’est heureux –, telles que la maîtrise de la langue ou le respect des règles internes. C’est ce qu’on appelle la subsidiarité.
J’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 199 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 227 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 336 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la fin du 2° des articles L. 612-7 et L. 622-7 du code de la sécurité intérieure, les mots : « , pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions » sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 227.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous souhaitons rétablir l’article 11 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. En effet, il nous paraît plutôt sain de conditionner l’obtention d’un agrément de dirigeant à l’absence de condamnation pour motif incompatible avec l’exercice de ces fonctions. Un tel agrément nous semble même nécessaire, dans le sens où il permet d’encadrer un secteur pourvu de prérogatives grandissantes en matière de sécurité publique.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 336.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit d’un amendement miroir de l’amendement n° 335 relatif au bulletin n° 2 du casier judiciaire, dit B2, que nous venons d’examiner.
Il vise à rétablir les conditions d’obtention d’un agrément de dirigeant pour les entreprises privées de sécurité. Je signale d’ailleurs au Sénat qu’en France il faut être de nationalité française pour diriger une telle entreprise – le législateur a donc bien prévu une différence entre les nationaux et les étrangers…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je constate la convergence des luttes entre le groupe CRCE et le Gouvernement… (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Une fois n’est pas coutume !
M. Loïc Hervé, rapporteur. … et j’admire cette belle concorde. (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, nous avons déjà eu ce débat au sujet des salariés des entreprises de sécurité privée. J’attire l’attention des juristes présents dans cet hémicycle sur le risque d’inscrire dans la loi des mécanismes automatiques qui empêcheraient tout examen de la situation individuelle d’un salarié ou d’un chef d’entreprise.
Toute la question est de savoir si le Cnaps – le Gouvernement nous demande d’ailleurs l’autorisation de le réformer par ordonnance, nous y reviendrons sans doute tout à l’heure – peut étudier la situation personnelle d’un chef d’entreprise de sécurité privée de manière à déterminer au regard du dossier, si une infraction inscrite au B2 du casier judiciaire entraîne ou pas une incompatibilité avec l’exercice de son métier.
Nous devons rester raisonnables. C’est pourquoi la commission propose un mécanisme permettant d’étudier les situations individuelles.
Nous évoquions précédemment le grand nombre d’entreprises unipersonnelles que compte ce secteur. Dans de telles entreprises, les statuts de chef d’entreprise et de salarié se confondent. Nous devons être en mesure de proposer une analyse objective des situations pour l’ensemble de ces très petites entreprises implantées sur nos territoires.
Le Cnaps est composé de représentants des entreprises et de l’État ; ce n’est pas un organisme paritaire, mais les cultures de l’entreprise de sécurité privée et de l’État cohabitent en son sein. Par conséquent, la commission des lois estime que ses membres sont tout à fait capables d’apprécier, en toute responsabilité, si le métier de chef d’entreprise de sécurité privée est compatible ou pas avec une condamnation pénale inscrite au B2 du casier judiciaire.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 227 ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la présidente, pour que la convergence des luttes soit parfaite, je retire mon amendement au profit de celui qui a été présenté par Mme Cohen. (Rires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 336 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 227.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 11 est rétabli dans cette rédaction.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est la lutte finale, camarades !
Article 11 bis
I. – Le livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 612-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut diriger ou gérer un établissement secondaire autorisé dans les conditions fixées à l’article L. 612-9 s’il n’est titulaire de l’agrément prévu au premier alinéa du présent article. » ;
2° L’article L. 612-7 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « État », la fin du 7° est supprimée ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque ces personnes exercent effectivement les activités mentionnées à l’article L. 611-1 du présent code, elles doivent également être titulaires de la carte professionnelle mentionnée à l’article L. 612-20. » ;
3° Au 2° de l’article L. 612-16, après le mot : « morale », sont insérés les mots : « ou à l’établissement secondaire » ;
4° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 612-17, après le mot : « morale », sont insérés les mots : « ou de l’établissement secondaire » ;
5° L’article L. 612-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, nul ne peut diriger ou gérer le service interne de sécurité de la personne morale mentionnée au premier alinéa du présent article s’il n’est pas titulaire de l’agrément mentionné à l’article L. 612-6. » ;
6° L’article L. 617-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 617-3. – Est puni de trois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende :
« 1° Le fait d’exercer à titre individuel, en violation des dispositions des articles L. 612-6 à L. 612-8, une activité mentionnée à l’article L. 611-1 ;
« 2° Le fait de diriger ou gérer, en violation des articles L. 612-6 à L. 612-8, une personne morale exerçant une activité mentionnée à l’article L. 611-1, ou d’exercer en fait, directement ou par personne interposée, la direction ou la gestion d’une telle personne morale, en lieu et place de ses représentants légaux ;
« 3° Le fait de diriger ou gérer, en violation des articles L. 612-6 à L. 612-8, un établissement secondaire autorisé à exercer une activité mentionnée à l’article L. 611-1 dans les conditions prévues à l’article L. 612-9 ;
« 4° Le fait de diriger ou gérer, en violation de l’article L. 612-25, le service interne de sécurité d’une personne morale chargé d’une activité mentionnée à l’article L. 611-1. » ;
7° L’article L. 622-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut diriger ou gérer un établissement secondaire autorisé dans les conditions fixées à l’article L. 622-9 s’il n’est pas titulaire de l’agrément prévu au premier alinéa du présent article. » ;
8° L’article L. 622-7 est ainsi modifié :
a) Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Justifier d’une aptitude professionnelle dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. » ;
b) Après le même 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque ces personnes exercent effectivement l’activité mentionnée à l’article L. 621-1, elles doivent également être titulaires de la carte professionnelle mentionnée à l’article L. 622-19. » ;
9° Au 2° de l’article L. 622-14, après le mot : « morale », sont ajoutés les mots : « ou à l’établissement secondaire » ;
10° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 622-15, après le mot : « morale », sont insérés les mots : « ou de l’établissement secondaire » ;
11° L’article L. 624-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 624-4. – Est puni de trois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende :
« 1° Le fait d’exercer à titre individuel, en violation des dispositions des articles L. 622-6 à L. 622-8, l’activité mentionnée à l’article L. 621-1 ;
« 2° Le fait de diriger ou gérer, en violation des articles L. 622-6 à L. 622-8, une personne morale exerçant l’activité mentionnée à l’article L. 621-1, ou d’exercer en fait, directement ou par personne interposée, la direction ou la gestion d’une telle personne morale, en lieu et place de ses représentants légaux ;
« 3° Le fait de diriger ou gérer, en violation des articles L. 622-6 à L. 622-8, un établissement secondaire autorisé à exercer l’activité mentionnée à l’article L. 621-1 dans les conditions prévues à l’article L. 622-9. »
II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur dix-huit mois après la publication de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 203 rectifié bis, présenté par MM. Wattebled et Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéas 13 et 28
Après le mot :
trois
insérer le mot :
ans
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11 bis, modifié.
(L’article 11 bis est adopté.)
Article 11 ter
(Supprimé)
Article additionnel après l’article 11 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 191 rectifié, présenté par MM. Babary, Karoutchi, Savary et Bascher, Mmes Gruny et Joseph, MM. Le Gleut, Burgoa, Courtial, Saury, Lefèvre et Chatillon, Mme Raimond-Pavero, M. Bouchet, Mme Lassarade, MM. Gremillet et D. Laurent, Mme Deromedi, M. Longuet, Mme Schalck, MM. Cuypers, Laménie, Husson et Belin, Mme Imbert et M. Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 11 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 612-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 612-2-…. – Les personnes morales agréées exerçant une activité mentionnée au 1° de l’article L. 611-1 sont autorisées, par dérogation à l’article L. 612-2, à réaliser, à titre accessoire, toute prestation de service en lien avec l’activité principale de surveillance des biens meubles et immeubles et des personnes qui s’y trouvent. »
La parole est à M. Serge Babary.
M. Serge Babary. Cet amendement vise à assouplir le principe d’exclusivité prévu par l’article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure applicable aux activités de surveillance, afin d’autoriser les entreprises de sécurité privée à proposer des activités accessoires d’assistance, par exemple des prestations de relevage pour les personnes âgées.
À ce jour, les sociétés de surveillance dont le client, en l’occurrence une personne âgée, a chuté sont obligées de contacter le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) pour procéder à son relevage. En effet, le cadre d’intervention des sociétés de surveillance est pour l’instant strictement limité aux atteintes à la personne et à la surveillance ou au gardiennage. Ces sociétés ne peuvent donc proposer d’activités accessoires.
Élargir le champ d’activité des intervenants sécuritaires à des prestations d’assistance aux personnes à domicile permettrait de renforcer le secteur de l’intervention sur alarme et de soulager les SDIS, déjà particulièrement sollicités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Par cet amendement, il est prévu que les entreprises de surveillance humaine et de gardiennage, ainsi que les entreprises qui gèrent des systèmes de surveillance électronique puissent proposer toute prestation de service en lien avec leur activité principale de surveillance.
Si cette évolution peut paraître séduisante, la rédaction de cet amendement est inspirée par une entreprise qui gère des alarmes – je tairai son nom – afin de « rentabiliser » davantage la plateforme qui gère les alertes, en autorisant les salariés à répondre à des demandes variées : venir en aide à une personne âgée qui a du mal à se relever, mais aussi, pourquoi pas, intervenir en appelant un plombier, en cas de fuite d’eau, ou un chauffagiste, si la chaudière tombe en panne. On glisserait ainsi de la sécurité privée vers un métier qui se rapprocherait davantage de la conciergerie. De telles entreprises se développent d’ailleurs sur nos territoires.
Actuellement, les entreprises de sécurité ne peuvent pas se diversifier de la sorte, car le code de la sécurité intérieure prévoit qu’elles exercent leur activité à titre exclusif. Une telle évolution nous emmènerait très loin et introduirait une véritable brèche. C’est pourquoi j’estime qu’il n’est pas opportun de l’inclure dans ce texte.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 191 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12
(Non modifié)
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 4° des articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, il est inséré un 4° bis A ainsi rédigé :
« 4° bis A Sur une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du code de la sécurité intérieure dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ; »
2° Au 4° ter des mêmes articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, après la référence : « , 4° », est insérée la référence : « , 4° bis A » ;
3° Après le 7° desdits articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, il est inséré un 7°bis ainsi rédigé :
« 7° bis Par une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du code de la sécurité intérieure dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ; »
4° L’article 433-3 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est punie des mêmes peines la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l’encontre d’une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du code de la sécurité intérieure dans l’exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur. » ;
b) Au troisième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « au premier ou au deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « aux trois premiers alinéas ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 77 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 113 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 77.
M. Pascal Savoldelli. Défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 113.
Mme Esther Benbassa. Si l’existence de circonstances aggravantes retenues dans le cadre d’atteintes physiques à l’encontre d’agents de la police et de la gendarmerie nationales se comprend et se justifie par le fait qu’ils exercent des missions de sécurité publique, le renforcement des sanctions encourues en cas de violence, menace ou acte d’intimidation à l’encontre des personnes exerçant une activité de sécurité ne peut pas trouver pareille justification.
Cette disposition participe de la confusion des compétences et des statuts entre les différences forces de sécurité.
Légalement, certaines garanties existent déjà : le code pénal prévoit plus d’une dizaine de circonstances aggravantes pouvant s’appliquer à l’ensemble des faits de violence, notamment à l’encontre des personnes particulièrement exposées aux faits de délinquance.
De plus, rappelons qu’à la différence des agents de sécurité publique les agents de sécurité privée ne sont pas investis de prérogatives de puissance publique, ni en général de pouvoirs de police. La sécurité privée ne doit pas être considérée comme un prolongement du service public. Il n’est donc pas justifié que les agents de ces services puissent bénéficier des mêmes circonstances aggravantes que les agents publics.
Par conséquent, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression du présent article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission a adopté l’article 12 sans modification. Elle est donc défavorable à ces deux amendements de suppression.
Les agents de sécurité privée sont particulièrement exposés à un risque d’agression du fait de leurs fonctions. L’article 12 tient compte de cette réalité et tend à rendre la sanction pénale plus dissuasive, en créant une circonstance aggravante.
Je précise que, lors de la table ronde réunissant les organisations syndicales organisée au mois de janvier, aucune critique n’a été formulée contre cet article. Les représentants des salariés de la sécurité privée jugent la mesure opportune.
Sur le fond, je ne crois pas que la création de cette circonstance aggravante puisse entraîner une confusion entre agents de sécurité privée, d’une part, et policiers et gendarmes, d’autre part. Leurs attributions sont bien différentes et ils portent des tenues qui permettent de les distinguer.
J’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. L’article 12 comme le suivant et un certain nombre d’autres que nous avons déjà examinés indiquent une direction générale. Je comprends que vous ne soyez pas d’accord, monsieur le rapporteur, mais c’est ainsi que nous le ressentons.
Ainsi, un certain nombre de prérogatives de la force publique, qu’il s’agisse de la gendarmerie ou de la police, sont peu à peu transférées à des polices privées. Autrement dit, encore une fois, le public devient privé. Or, dans ce cas, cela concerne la sécurité, ce qui nous paraît très dangereux et très grave.
Si j’étais taquin, je dirais à M. Darmanin que nous avons bien compris qu’il existait une différence entre être Français et ne pas l’être, et que nous défendons, de même, l’existence de différences entre être agent de la police ou de la gendarmerie et être un salarié d’une milice privée.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 et 113.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
I. – Le titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° La première phrase des articles L. 613-4 et L. 613-8 est complétée par les mots : « sur laquelle est apposé de façon visible un numéro d’identification individuel et comprenant un ou plusieurs éléments d’identification communs, selon des modalités déterminées par arrêté du ministre de l’intérieur » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 614-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La tenue, sur laquelle est apposé de façon visible un numéro d’identification individuel, comprend un ou plusieurs éléments d’identification communs, selon des modalités déterminées par arrêté du ministre de l’intérieur. »
II. – La sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est complétée par un article L. 613-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-6-1. – Le port d’une tenue particulière n’est pas obligatoire pour les agents exerçant des activités de surveillance à distance des biens meubles ou immeubles lorsqu’ils ne sont pas au contact du public. »
Mme la présidente. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Au-delà de la question anecdotique de la tenue vestimentaire, cet article prévoit d’imposer dans l’espace public une tenue commune aux agents de sécurité. Ces derniers sont pourtant issus de diverses entreprises du secteur privé et dépendent donc d’employeurs et de systèmes de hiérarchie différents. Ils n’ont pas nécessairement suivi les mêmes formations et ne relèvent pas toujours de la même déontologie. C’est pourquoi nous estimons qu’il y a « tromperie sur la marchandise » !
Tel est le sens de cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission a adopté l’article 13 qui prévoit que des éléments d’identification doivent figurer sur les tenues des agents privés de sécurité.
Cet article vise à renforcer le sentiment d’appartenance des salariés à leur profession, en prévoyant que leur tenue comportera, en plus du logo de leur entreprise, des éléments d’identification communs. Il s’agit d’accorder à ces salariés une forme de reconnaissance symbolique. Je suis donc surpris que vous vous y opposiez, madame la sénatrice.
Je rappelle que la tenue que portent les agents de sécurité privée ne doit pouvoir entraîner aucune confusion avec l’uniforme des policiers ou des gendarmes, comme le précise l’article L. 613-4 du code de la sécurité intérieure.
Une telle disposition permettra d’éviter que les agents de sécurité privée se procurent leurs tenues dans des surplus militaires ou sur des sites internet, où ils achètent tout et n’importe quoi sans aucune cohérence, ce qui rend très difficile de les reconnaître. Le fait de réglementer la tenue permettra d’éviter que les uns portent un treillis, les autres un jean et les derniers un quelconque pantalon, tout cela dans des couleurs variables.
De plus, instaurer une cohérence dans la tenue des agents permettra au client entrant dans un magasin d’identifier l’agent de sécurité privée en tant que professionnel formé. Cela contribuera également à la reconnaissance de cette profession.
La standardisation des tenues des agents de sécurité privée me paraît être une très bonne évolution. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je vous remercie, madame la présidente. Je sais que vous êtes très attentive aux sollicitations des sénateurs, mais, tout à l’heure, j’ai déjà demandé la parole et vous ne m’avez pas vue.
Mme la présidente. Je suis simplement très myope, madame Gatel ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel. C’est pour cela que j’ai précisé que j’étais certaine que vous étiez très attentive, madame la présidente.
Quoi qu’il en soit, je souscris pleinement aux propos de notre collègue Loïc Hervé : une telle mesure relève à la fois de la sécurité et de la visibilité.
Les agents de sécurité privée doivent maîtriser la langue française – nous en avons parlé –, mais il me paraît tout aussi important qu’ils soient visibles. En effet, ils exercent un métier de prévention et, à ce titre, il faut qu’ils soient aisément repérables par les personnes qui ont besoin de les solliciter, mais aussi dès lors que survient un mouvement de foule ou quelque agitation.
Mes chers collègues, une telle mesure me paraît aller de pair avec votre souci, que je partage, de professionnalisation, de formation et d’identification. Elle me semble donc très positive.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 13 bis
(Supprimé)
Article 14
(Non modifié)
Au second alinéa de l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « et effractions » sont remplacés par les mots : « , effractions et actes de terrorisme ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 79 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 276 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 79.
M. Pascal Savoldelli. Compte tenu de l’importance du sujet, permettez-moi de revenir sur notre argumentation.
Cet article permet aux agents chargés d’activités de surveillance et de gardiennage d’exercer des missions de surveillance pour prévenir, à titre exceptionnel et sur autorisation du préfet, la survenue d’actes terroristes sur la voie publique. Le sujet est donc sérieux.
Il s’agit en réalité d’une conséquence de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, du 30 octobre 2017 qui a institué les périmètres de protection.
Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE sont opposés, comme ils l’étaient en 2017, à cette extension de prérogatives en matière de lutte contre le terrorisme, car s’il est un domaine qui doit rester exclusivement dans le giron de la police et de la gendarmerie nationales, et ainsi au cœur des missions régaliennes, c’est bien l’antiterrorisme, sujet ô combien important.
Nos concitoyens et les élus locaux de toutes sensibilités – un tel sujet n’est la propriété de personne en particulier – se posent beaucoup de questions et nombreux sont ceux qui ont exprimé des inquiétudes. Le rapport de la commission des lois indique d’ailleurs qu’« elles se sont inquiétées, plus généralement, de la tendance consistant à confier aux salariés de la sécurité privée des missions plus étendues de surveillance de la voie publique, au risque d’entraîner une confusion avec les responsabilités qui incombent aux forces de l’ordre ».
Le groupe communiste citoyen républicain et écologiste ne saurait mieux dire que la commission des lois ! Sur un sujet aussi grave que la lutte contre le terrorisme, il nous faut prendre nos responsabilités et faire preuve de raison.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 276 rectifié bis.
M. Jérôme Durain. Madame la présidente, je ne saurais mieux dire que M. Savoldelli, je vais simplement essayer de compléter l’argumentaire.
Le présent article accentue la brèche ouverte par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui permet aux agents de surveillance et de gardiennage d’exercer leurs missions dans les périmètres de protection créés par cette même loi.
Au sein desdits périmètres, ces agents peuvent assister les membres de la force publique afin de réaliser des inspections et fouilles de bagages, ainsi que des palpations de sécurité, sous l’autorité d’un officier de police judiciaire.
La proposition de loi prévoit un cran supplémentaire, au motif que le plan Vigipirate a été porté au niveau « urgence attentat » sur l’ensemble du territoire, ce qui nécessite une intense mobilisation des forces de sécurité intérieure. Dans ce contexte, l’association des forces privées de sécurité déjà sur place, et donc opérationnelles, offrirait une opportunité pour accomplir des missions de surveillance ou lever un doute. Leur intervention serait très encadrée et soumise à l’autorisation exceptionnelle du préfet pour assurer la constitutionnalité du dispositif.
Il n’en demeure pas moins que la lutte contre le terrorisme est au cœur des missions régaliennes de l’État et qu’elle ne peut pas être déléguée au secteur privé, même dans ce cadre très restreint. L’article 14 place sur le même plan la lutte contre les vols, les dégradations et les effractions et la lutte contre les actes de terrorisme qui est pourtant un champ de compétences très particulier et d’action exclusive de l’État, de ses services de renseignement, de la police et de la gendarmerie nationales.
En outre, cette mesure entretient la confusion entre les missions des forces de l’ordre régaliennes et celles, nécessairement plus limitées, dévolues aux agents privés de sécurité. Les forces de sécurité intérieure doivent conserver le monopole de la surveillance générale de la voie publique. L’inscription de cette autorisation dans la loi ouvre la voie à de possibles dérives sur les missions régaliennes.
Au terme d’un débat qui nous a conduits à encadrer l’activité de ce secteur par un certain nombre de réserves – sous-traitance, qualification, maîtrise de la langue, équipement, etc. –, il nous paraît extrêmement inquiétant d’avancer dans cette direction, ce que par ailleurs nous ne souhaitons pas, avant d’avoir stabilisé la situation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Permettez-moi de rendre hommage à notre collègue Savoldelli qui, en se référant aux travaux de la commission des lois, nous fait le plaisir de citer les grands auteurs. (Sourires.) Toutefois, le passage cité reprend la position des organisations syndicales : ce sont bien ces organisations qui s’inquiètent…
En ce qui me concerne, je recours plutôt à la méthodologie du doute : je me suis donc posé de nombreuses questions sur cet article, mais je me suis finalement rallié à la rédaction qui vous est proposée. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à sa suppression.
L’article 14 de cette proposition de loi que vous proposez de supprimer, mes chers collègues, autorise les agents de surveillance et de gardiennage à exercer sur la voie publique, à titre exceptionnel et sur autorisation du préfet, des missions de surveillance contre les actes de terrorisme.
Je comprends d’autant mieux le doute exprimé par nos collègues que, comme je viens de l’indiquer, je me suis moi-même interrogé. À la réflexion, j’ai cependant estimé que cet article était utile et acceptable compte tenu de sa portée, en réalité très limitée, et eu égard à la situation sécuritaire actuelle de notre pays.
Il s’agit simplement d’autoriser la surveillance des abords immédiats d’un bâtiment – concrètement, en faire le tour. À la demande du client, l’agent de sécurité sera autorisé à surveiller ce qui se déroule à proximité immédiate du lieu dont il a la garde – sur le trottoir ou le parking – de manière à appeler l’attention des forces de l’ordre, s’il aperçoit par exemple une personne armée ou un colis suspect.
Il ne s’agit évidemment pas de demander aux agents de sécurité de se substituer aux forces de police ou de gendarmerie dans la lutte antiterroriste, mais simplement de prolonger la mission de surveillance au-delà du périmètre strictement limité à la propriété privée, dont ils ont la garde.
La dérogation au principe, selon lequel les agents de sécurité privée ne doivent pas s’aventurer sur la voie publique, est donc ponctuelle et contrôlée. Il serait surprenant de la refuser dans le cadre d’une menace terroriste identifiée, alors qu’elle est permise en cas de risque d’effraction ou de dégradation.
Alors que l’actualité nous montre régulièrement que la menace terroriste demeure élevée, il serait vraiment dommage de se priver de la possibilité de surveiller de manière plus efficace les abords de certains lieux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. L’examen de cet article nous ramène à la philosophie générale de cette proposition de loi qui opère un glissement progressif de responsabilité de l’État vers des tiers, que ce soit les polices municipales ou, en l’occurrence, les sociétés de sécurité privée.
Au fur et à mesure, le texte ouvre des brèches et crée de petits interstices qui, indépendamment les uns des autres, ne semblent pas poser de problème exceptionnel. Néanmoins, avec une vision d’ensemble, on voit clairement que ce texte prépare le terrain à des glissements plus importants.
C’est la raison pour laquelle nous devons nous opposer à cet article, tout comme nous l’avons fait pour d’autres auparavant.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Les deux rapporteurs de la commission des lois ont travaillé sur des sujets extrêmement sensibles. Je porte sans doute un regard plus neutre qu’eux sur l’article 14, et pourtant je comprends que celui-ci suscite des interrogations, dont celles qu’ont exprimées les auteurs de ces amendements.
La lutte contre le terrorisme est un combat collectif, même si elle relève des missions régaliennes de l’État. Elle implique l’ensemble des services de sécurité intérieure qui sont placés dans les départements sous l’autorité des préfets et des sous-préfets. Les militaires interviennent eux aussi, notamment dans le cadre de l’opération Sentinelle.
Quant aux forces de sécurité privée, le rapport de la commission des lois indique clairement que, si leur participation reste limitée, elle n’en est pas moins particulièrement utile.
Encore une fois, la lutte contre le terrorisme est un travail collectif. Chacun a un rôle à jouer. Les services de l’État et les services de sécurité privée doivent travailler ensemble.
Je suivrai donc l’avis du rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Nous ne devons pas perdre de vue les conséquences qu’aura cette loi, si elle est adoptée. Ayons bien en tête que les mesures qui portent sur la montée en compétences, la qualification, la maîtrise de la langue ou l’équipement des agents de sécurité n’ont pas encore produit leurs effets.
Imaginez alors qu’un de ces agents se trouve confronté à un acte de terrorisme aux abords d’un bâtiment. Il est en treillis, il n’exerce pas ses fonctions depuis longtemps, à cause du turn-over important que pratiquent les entreprises, il ne connaît pas bien son patron, il est sous-qualifié et ne maîtrise pas bien le français. Serait-il bien sérieux que le préfet décide tout à coup de l’appeler pour lui demander de participer à une mission antiterroriste ?
Cet exemple, aussi caricatural soit-il, montre qu’il n’est pas possible d’étendre à ce point les compétences des entreprises de sécurité privée, quand bien même on approuverait la finalité du projet. Autoriser cet élargissement avant même que les autres dispositions du texte aient produit leurs effets ne serait pas raisonnable !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 et 276 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article additionnel après l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 384 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Constatation des infractions visant les immeubles à usage d’habitation surveillés
« Art. L. 614-6. – Les agents mentionnés à l’article L. 614-2 et commissionnés par leur employeur sont habilités à constater par procès-verbal, dans l’exercice de leur mission, les contraventions qui portent atteinte aux immeubles ou groupes d’immeubles à usage collectif d’habitation au sein desquels ils assurent des fonctions de surveillance et de gardiennage, dès lors qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête.
« Un décret en Conseil d’État fixe la liste des contraventions mentionnées au premier alinéa ainsi que les conditions dans lesquelles ces agents sont agréés par le représentant de l’État dans le département et assermentés.
« Les procès-verbaux qu’ils établissent sont transmis au procureur de la République par l’intermédiaire des officiers de police judiciaire territorialement compétents. Cette transmission doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les cinq jours suivant celui de la constatation du fait, objet de leur procès-verbal. »
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. L’amendement du Gouvernement vise à ce que les agents de surveillance employés par les bailleurs d’immeubles puissent constater certaines contraventions.
Il a le même objectif que les amendements identiques nos 100 et 285 rectifié déposés respectivement par M. Bargeton et Mme de La Gontrie, dont la rédaction est cependant différente.
Il répond à une problématique qui concerne notamment la Ville de Paris et il a été élaboré en concertation avec les représentants de cette collectivité.
La commission a rendu un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai déposé un amendement qui a effectivement le même objectif que celui du Gouvernement, même si les deux rédactions sont légèrement différentes.
En 2004, la Ville de Paris a créé une structure d’intervention sur l’ensemble des immeubles des bailleurs sociaux. Quelque cent cinquante mille logements sont concernés et bénéficient ainsi de systèmes de surveillance, de rondes effectuées par les agents de cette structure et de divers autres dispositifs.
Or, de manière paradoxale, les personnes qui travaillent dans ladite structure n’ont pas les mêmes compétences que les gardiens d’immeubles qui peuvent par exemple dresser des procès-verbaux – il faut toutefois noter que cette compétence est délicate à exercer pour les gardiens, dans la mesure où ils résident aussi dans l’immeuble en question. Les brigades d’intervention n’ont pas cette compétence.
Par ailleurs, leurs agents souhaiteraient être mieux équipés, en disposant notamment de bombes lacrymogènes.
Les échanges que nous avons eus avec le ministère de l’intérieur, la préfecture de police, le groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS), la structure analogue qui existe à Toulouse et la Ville de Paris ont été fructueux et ont abouti à la rédaction de l’amendement que j’ai déposé.
Néanmoins, l’adoption de l’amendement du Gouvernement nous satisferait, même si je ne peux évidemment pas m’exprimer au nom de M. Bargeton qui a déposé l’amendement n° 100, mais qui est absent à cet instant.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 14, et les amendements identiques nos 100 et 285 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 15
Après le I de l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ainsi qu’au deuxième alinéa de l’article L. 84 et à l’article L. 85 du présent code, les revenus perçus à l’occasion de l’exercice d’une activité mentionnée à l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure peuvent être entièrement cumulés avec la pension s’agissant des personnels des services actifs de police qui peuvent être admis à la retraite dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police. » – (Adopté.)
Article 16
(Non modifié)
Après l’article L. 625-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 625-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 625-2-1. – Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l’article L. 625-1 s’il a fait l’objet d’un retrait de carte professionnelle dans les conditions prévues à l’article L. 612-20 ou d’une interdiction temporaire d’exercice de l’activité privée de sécurité en application de l’article L. 634-4. » – (Adopté.)
Article 16 bis
(Supprimé)
Article 17
(Non modifié)
Le livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 612-22 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et les ressortissants de pays tiers doivent également justifier d’une connaissance de la langue française suffisante pour l’exercice d’une activité privée de sécurité mentionnée à l’article L. 611-1, selon les modalités définies par décret en Conseil d’État.
« Pour l’accès à une formation en vue d’acquérir l’aptitude professionnelle à exercer les activités qui relèvent de l’article L. 6342-4 du code des transports et dont l’exercice requiert une certification au titre du règlement d’exécution (UE) 2015/1998 de la Commission du 5 novembre 2015 fixant des mesures détaillées pour la mise en œuvre des normes de base communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile ou pour l’accès à une formation à l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 du présent code lorsque celle-ci est exercée au sein de certains périmètres définis par décret en Conseil d’État, l’autorisation préalable mentionnée au premier alinéa du présent article est en outre subordonnée à la production d’une lettre d’intention d’embauche se rapportant à l’une de ces activités, émise par une entreprise titulaire de l’autorisation d’exercice mentionnée à l’article L. 612-9 ou par la personne morale mentionnée à l’article L. 612-25 et exerçant ces activités. » ;
2° L’article L. 622-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et les ressortissants de pays tiers doivent également justifier d’une connaissance de la langue française suffisante pour l’exercice d’une activité d’agence de recherches privées mentionnée à l’article L. 621-1, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
Article 18
(Non modifié)
Le chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 613-2, les mots : « , spécialement habilitées à cet effet et agréées par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, » sont supprimés ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 613-3, les mots : « , agréées par la commission d’agrément et de contrôle territorialement compétente dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, » sont supprimés.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 80 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 145 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 277 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié.
Mme Laurence Cohen. Nous nous opposons à ce que disparaisse l’habilitation ou l’agrément délivré par le préfet aux agents de sécurité privée pour qu’ils procèdent à des palpations de sécurité.
Les palpations de sécurité ne sont pas des actes simples. Elles nécessitent une formation – le rapport de la commission souligne d’ailleurs que celle-ci est inégale. Elles portent atteinte à l’intimité des personnes. De plus, elles interviennent dans un contexte qui peut être tendu, voire dangereux.
Il est donc de bon sens que le représentant de l’État garantisse aux personnes présentes, aussi bien qu’aux agents, un niveau de sécurité et de protection minimal.
L’argument de la réduction d’une charge de travail non négligeable pour le Cnaps ne tient pas, puisque c’est précisément son rôle. Certes, il n’est pas simple d’assurer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens, mais les simplifications administratives que vous proposez risquent d’entraîner des dérives.
Les sociétés et groupes d’influence se réjouissent déjà de cette suppression, en arguant de la réactivité du dispositif et en soulignant que la carte professionnelle suffit à garantir que l’agent est au-dessus de tout soupçon de faute.
La réalité nous apparaît différemment : le secteur de la sécurité privée est extrêmement morcelé, avec un taux d’entreprises unipersonnelles très élevé, un fort turn-over, un recours fréquent aux CDD, ainsi qu’une habitude de sous-traitance en cascade – nous en avons parlé lors de l’examen de l’article 7.
De plus, la multiplication des domaines d’intervention et le contexte sécuritaire nous invitent à mettre en place un encadrement particulièrement strict et un suivi rigoureux. Avec quinze mille agréments donnés chaque année, le nombre d’agents habilités atteint des sommets et il faut pouvoir garder leur trace.
En revanche, comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes tout à fait enclins à envisager l’embauche de fonctionnaires et l’augmentation des effectifs du service public, partout où des difficultés seraient relevées.
Tels sont les arguments qui justifient cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 145 rectifié.
M. Guy Benarroche. L’examen successif de ces amendements a le mérite de dessiner, trait par trait, le profil de ce que cette proposition de loi veut faire de la sécurité dans notre pays.
Les compétences des agents de sécurité privée sont déjà très importantes. Cerise sur le gâteau, cet article prévoit de supprimer une habilitation permettant explicitement à ces agents de procéder à des palpations de sécurité ! Cela reviendrait à généraliser une possibilité originellement dévolue à la seule puissance publique.
L’exigence d’un agrément par le préfet et d’une habilitation par la commission d’agrément et de contrôle pour qu’un agent puisse procéder à des palpations de sécurité reste une garantie. La suppression de ces habilitations, dans un but de simplification administrative et pour faciliter l’association des agents privés de sécurité aux opérations de contrôle en cas de grandes manifestations publiques ou quand un danger a été identifié, est une fausse bonne idée. Là encore, le texte s’oriente vers une simplification dans le but de multiplier les contrôles.
Depuis les attentats de 2015, toutes les mesures initialement prévues pour s’exercer dans un cadre restreint et en cas de faits graves dérivent inexorablement jusqu’à s’appliquer de manière bien plus large. Or les palpations et les fouilles peuvent aussi servir, dans un usage dévoyé, à contrôler les mouvements sociaux.
Enlever cette mission aux policiers est très problématique. Le rapport sur l’application de la loi SILT a montré que, dans le cadre du contrôle des périmètres de protection, plus de 80 % des palpations étaient effectuées par des agents de sécurité privée.
Pourtant, le Conseil constitutionnel a réaffirmé clairement, dans sa décision du 29 mars 2018, l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique nécessaire à la garantie des droits.
Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite la suppression de cet article pour en rester, a minima, à un système d’habilitation.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 277 rectifié bis.
M. Jérôme Durain. L’article 18 supprime plusieurs garanties, lorsque des agents effectuant des activités privées de surveillance et de gardiennage sont associés à la réalisation de palpations de sécurité en cas de menace grave pour la sécurité publique ou dans le cadre d’un périmètre de protection. Dans ce cas précis, les agents peuvent procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages, avec le consentement de leurs propriétaires. Ils peuvent aussi pratiquer des palpations de sécurité. Pour cela, le droit en vigueur exige une habilitation spéciale des agents et un agrément par le préfet ; cet article prévoit de supprimer cette exigence.
L’article 18 modifie aussi les conditions d’exercice des agents qui effectuent des activités privées de surveillance et de gardiennage pour contrôler l’accès à l’enceinte de manifestations sportives, récréatives ou culturelles. Là encore, ces agents doivent avoir été agréés par la commission d’agrément et de contrôle territorialement compétente ; le texte supprime cette garantie.
Pourtant, lorsqu’en 2003 le législateur avait autorisé les agents de sécurité privée à procéder à de telles palpations, le Conseil constitutionnel avait jugé ces dispositions conformes à la Constitution, parce qu’elles prévoyaient une stricte procédure d’agrément en vue d’habiliter des personnels de sécurité privée à participer à des opérations de contrôle.
Supprimer ces procédures revient à ôter les garanties qui assurent que l’on recoure uniquement à des professionnels formés.
Non seulement les compétences des entreprises de sécurité privée seront étendues, comme on l’a constaté précédemment, mais les garanties relatives à l’activité de leurs agents seront parallèlement réduites.
La nécessité d’augmenter le contingent des agents de sécurité privée dans les années à venir, notamment pour gérer les grands événements sportifs, incite à assouplir leur mode de recrutement. Cependant, cette mesure de simplification administrative aura des conséquences lourdes. Les palpations de sécurité n’ont rien d’anodin, de sorte qu’elles doivent être rigoureusement encadrées. Il importe de nous protéger collectivement d’éventuelles dérives.
Par conséquent, il serait inopportun et dangereux de supprimer ces garanties qui sont indispensables au bon exercice du métier d’agent de sécurité privée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ces trois amendements identiques sont contraires à la position de la commission, car ils visent à maintenir l’actuelle procédure d’agrément pour la réalisation des palpations de sécurité par un agent de sécurité privée.
Je me suis moi-même interrogé sur la pertinence de cette procédure d’agrément, mais elle occasionne incontestablement une charge de travail non négligeable pour le Cnaps qui a dû rendre quinze mille décisions à ce titre en 2019.
Les palpations de sécurité touchent à l’intégrité physique de la personne sur laquelle elles sont pratiquées, de sorte qu’il est parfaitement légitime d’entourer leur exercice de garanties.
Il apparaît toutefois que la formation des agents de sécurité inclut un chapitre sur les techniques de palpation ; il serait superflu de prévoir un agrément spécifique, alors même que tous les agents doivent être formés à ces techniques.
Cet agrément spécifique n’avait de sens qu’à l’époque où la formation n’intégrait pas cette dimension. Désormais, cette formalité n’a plus de valeur ajoutée.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 80 rectifié, 145 rectifié et 277 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je voudrais compléter l’excellente démonstration de M. le rapporteur, en précisant que la longue présentation qui a été faite de cet article n’est pas conforme au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Il n’est pas question de retirer un quelconque agrément à ceux qui sont appelés à réaliser cet acte bien particulier que constitue la palpation de sécurité. En fait, comme M. le rapporteur l’a indiqué, ces techniques ont été intégrées dans la formation initiale que les agents doivent valider pour obtenir leur carte professionnelle. L’agrément est donc devenu superfétatoire.
Le cadre juridique prévoit l’obligation pour les agents de sécurité d’obtenir une carte professionnelle pour exercer leur activité. D’ailleurs, comme cela a été indiqué précédemment, la commission mixte paritaire devra évoquer la question des sanctions pour ceux qui ne respecteraient pas cette obligation.
Or, je le répète, aucun agent de sécurité privée ne peut obtenir cette carte sans avoir été formé aux techniques de palpation de sécurité.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les trois amendements de suppression de cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 80 rectifié, 145 rectifié et 277 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 254 rectifié ter, présenté par MM. Allizard, Pellevat, del Picchia, Reichardt et de Nicolaÿ, Mme Belrhiti, MM. D. Laurent et Bascher, Mmes Imbert et Thomas, MM. Lefèvre et Burgoa, Mme Richer, M. Cambon, Mmes Lassarade et Deromedi, MM. Saury et Savin, Mmes Deseyne et Deroche, M. Le Gleut, Mmes Gruny et Schalck, MM. Laménie, Duplomb et Bouchet, Mme Bellurot, MM. Favreau et Meurant, Mme de Cidrac, MM. Cuypers et Gremillet et Mme Joseph, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dans le prolongement des arguments que je viens d’avancer.
Nous sommes sensibles, notamment à l’approche des grands événements sportifs de 2023 et 2024, à la nécessité que les agents soient parfaitement formés pour pratiquer des palpations de sécurité.
En effet, les agents qui exercent un contrôle dans un aéroport ou à l’entrée d’un stade pouvant accueillir entre quarante mille et cinquante mille spectateurs ne procèdent pas exactement de la même manière. Ils doivent maîtriser des techniques différentes.
Ils doivent aussi être formés à un code de conduite qui prend en compte la relation aux personnes, sur lesquelles ils pratiqueront ces palpations.
Malgré l’avis défavorable de la commission, je souhaite que le Gouvernement prenne bien en compte la nécessité pour les entreprises de sécurité privée de dispenser aux agents qui interviendront notamment lors des grands événements sportifs une formation adaptée aux différentes techniques de palpation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Bascher, l’amendement n° 254 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jérôme Bascher. Non, je le retire, madame la présidente. M. Allizard, qui est à l’origine de cet amendement, souhaitait justement insister sur la nécessité de professionnaliser les métiers de la sécurité privée.
Mme la présidente. L’amendement n° 254 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’article 18.
(L’article 18 est adopté.)
Article additionnel après l’article 18
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Capus, Menonville, Médevielle, Wattebled et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Guerriau et Chasseing.
L’amendement n° 26 rectifié bis est présenté par Mme L. Darcos, MM. Sol, Détraigne, Piednoir, Burgoa et Vogel, Mmes Dumont et Lassarade, MM. Courtial et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. D. Laurent et Babary, Mme Deroche, MM. Savary, Bascher et Levi, Mme Dindar, MM. Mandelli, Husson, Saury, Chauvet, Cambon et Milon, Mme Gruny, MM. Longeot, J.B. Blanc, Brisson, Genet, Charon, Belin et C. Vial, Mme Saint-Pé et MM. Longuet, Gremillet, Tabarot et Laménie.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 613-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 613-6-…. – Les personnes physiques ou morales effectuant la surveillance à distance de biens meubles ou immeubles peuvent, pour la sécurité des personnes et avec leur consentement exprès, prolonger l’exercice de leurs activités à l’extérieur de ces biens meubles et immeubles pour exploiter les systèmes de détection de signaux d’alarme et effectuer la levée de doute à distance.
« Elles ne peuvent en aucun cas procéder à une intervention physique sur le domaine public de quelque manière que ce soit, ni capter ou enregistrer des images ou des sons, directement ou par l’intermédiaire de la personne ayant déclenché le signal d’alarme, à l’exception de l’échange téléphonique nécessaire à la levée de doute. »
La parole est à M. Daniel Chasseing pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement, dont mon collègue Emmanuel Capus est le premier cosignataire, a pour objet d’étendre la protection des personnes hors du domicile.
Les entreprises de télésurveillance pourraient, dans le prolongement des prestations qu’elles offrent au domicile, avec les mêmes garanties de qualité et sans aucune difficulté d’ordre technique, proposer à leurs clients d’utiliser via leur smartphone un bouton d’alarme dans une situation de danger, et ce quelle qu’en soit la raison.
L’entreprise de télésurveillance mettrait alors à leur disposition une aide adaptée, en prévoyant notamment la réception de l’appel en toute circonstance, la levée de doute et la mise en œuvre d’une action en lien avec les forces de l’ordre ou les services de secours.
La télésurveillance offre la possibilité d’une intervention professionnelle garantissant davantage de sécurité aux utilisateurs. Pour les forces de l’ordre et les services de secours, elle constitue aussi un filtre que les autres dispositifs de sécurité ne proposent pas forcément.
Cette intervention hors du cadre domestique serait strictement limitée à la détection à distance et à la mise en relation avec les forces de l’ordre ou les services de secours. Elle n’est envisagée que dans un cadre strict pour les entreprises concernées et sans intervention physique sur la voie publique.
En outre, aucun enregistrement de son ou d’image ne sera possible, ni directement par le télésurveilleur, ni indirectement par l’intermédiaire de la personne protégée. Seul l’échange téléphonique strictement nécessaire à la levée de doute pourra être enregistré.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.
Mme Laure Darcos. Les chiffres du ministère de l’intérieur indiquent que 710 000 personnes ont déclaré avoir été victimes de violences physiques en 2018. Dans près de 40 % des cas, ces violences se sont déroulées dans la rue. En 2019, près de 6 millions de personnes déclaraient se sentir en insécurité dans leur quartier ou leur commune et elles étaient presque aussi nombreuses à affirmer renoncer à sortir seules pour cette raison.
Voilà pourquoi mon amendement a pour objet d’autoriser l’extension des activités de surveillance à distance à la protection des personnes hors de leur domicile. L’intérêt pour la personne protégée, qu’elle soit âgée, vulnérable, seule, menacée ou accidentée, serait de pouvoir entrer en relation avec une structure qu’elle connaît et qui dispose de données permettant de l’identifier et de la localiser rapidement. Une telle solution existe déjà en Espagne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ces deux amendements sont inspirés par l’activité d’une entreprise que nous avons auditionnée officiellement et dont le nom figure dans le rapport. Elle exploite des systèmes d’alarme et souhaite proposer de nouveaux services à ses clients.
Lorsqu’une alarme se déclenche chez un client, une plateforme de surveillance reçoit une alerte et les salariés de l’entreprise effectuent une levée de doute. S’il apparaît qu’une infraction a été commise, ils appellent les forces de l’ordre pour qu’elles interviennent au domicile du client.
L’idée serait d’étendre le service offert afin que le client, quand il quitte son domicile, puisse déclencher une alerte en cas de malaise ou d’agression, à partir de son téléphone portable par exemple. La levée de doute serait effectuée à distance. Les forces de l’ordre, le SAMU ou les pompiers seraient appelés le cas échéant.
Ces amendements, même si j’en comprends le raisonnement, posent des questions de principe. En effet, les entreprises de surveillance électronique assurent aujourd’hui la protection des biens meubles et des immeubles. Leur mission changerait complètement de nature, si on leur confiait aussi la charge de la sécurité des personnes.
De plus, les entreprises de sécurité privée ne peuvent pas assurer la surveillance générale de la voie publique, car cette mission incombe exclusivement aux forces de police et de gendarmerie. Or, si ces amendements étaient adoptés, les entreprises qui gèrent ces systèmes d’alarme joueraient un rôle de surveillance à distance et d’interface, en intervenant dans le cadre d’incidents survenus sur la voie publique.
Je m’interroge aussi sur la valeur ajoutée d’un tel service. En cas d’agression, ne vaut-il pas mieux composer le 17 pour la police ou le 15 pour les secours ? L’intervention de la plateforme d’entreprise ne va-t-elle pas faire perdre un temps précieux ? Ces amendements n’auront-ils pas pour conséquence de créer un intermédiaire supplémentaire entre la personne qui rencontre une difficulté et les services de secours ou de police ?
Pour toutes ces raisons, et parce que le sujet excède le champ de notre débat, la commission a rendu un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis également très défavorable à ces amendements dont l’objet nous ferait clairement basculer dans ce que les groupes socialiste, communiste et écologiste dénoncent.
Le trait a été exagéré sur les dispositions précédentes qui s’inscrivaient toutes dans la continuité de dispositifs existants pour les améliorer. Ici, les auteurs de ces amendements nous invitent à enfreindre la règle, selon laquelle la sécurité privée est en charge des biens, mais pas des personnes ou de la voie publique.
La logique poursuivie est celle d’une extension du champ de la sécurité privée, avec le risque que chacun finisse par devoir payer des sociétés pour garantir sa tranquillité. Un basculement s’opérerait, puisque ces sociétés interviendraient à la place de la police et de la gendarmerie nationales.
Pour ces raisons de principe, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Madame Darcos, l’amendement n° 26 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, madame la présidente. J’entends les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. Il me semblait que les gens se sentiraient davantage en sécurité, dès lors qu’ils connaîtraient les personnes susceptibles de leur porter secours.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié bis est retiré.
Monsieur Chasseing, l’amendement n° 18 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, madame la présidente. Cependant, je précise que cet amendement ne vise pas des interventions physiques sur la voie publique.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.
Article 19
(Supprimé)
Article additionnel après l’article 19
Mme la présidente. L’amendement n° 369, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° À prévenir les risques d’incendie dans les bâtiments. »
II. – Le présent article entre en vigueur douze mois après la publication de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. À la différence des agents de sécurité privée, les agents de sécurité incendie ne relèvent pas, actuellement, du livre VI du code de la sécurité intérieure. Leur activité n’est donc pas subordonnée à la délivrance d’un agrément et leur embauche n’est précédée d’aucun contrôle de leurs antécédents judiciaires et de leur honorabilité.
Je remercie Muriel Jourda de m’avoir alerté sur cette inégalité qui fait qu’interviennent dans les mêmes enceintes, d’une part, des agents de sécurité privée relevant d’un cadre extrêmement rigide que nous tentons encore de renforcer, d’autre part, des agents de sécurité incendie qui, en tant que pompiers privés, échappent à tout contrôle.
Il existe pourtant des similarités. Ainsi, les métiers de la sécurité privée et de la sécurité incendie dépendent de la même convention collective. En pratique, ces salariés sont amenés à intervenir dans les établissements recevant du public ou dans les immeubles de grande hauteur, parfois seuls et de nuit. Ils assument des missions essentielles pour assurer la sécurité des personnes et des biens.
Il est donc légitime de s’interroger sur le bien-fondé d’une évolution de la législation dans ce domaine pour soumettre les professionnels de la sécurité incendie aux dispositions du livre VI du code de la sécurité intérieure.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 19.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, lors du scrutin n° 88 du 11 mars 2021 sur l’amendement n° 2 rectifié tendant à supprimer l’article 1er de la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, M. Yves Détraigne a été comptabilisé comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il voulait voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
9
Sécurité globale
Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale.
Article 19 bis
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 611-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-3. – Les agents mentionnés à l’article L. 611-1 peuvent utiliser des moyens radioélectriques, électroniques ou numériques permettant la détection, aux abords des biens dont ils ont la garde, des aéronefs circulant sans personne à bord susceptibles de représenter une menace pour la sécurité de ces biens et des personnes qui s’y trouvent. Ils peuvent exploiter et, si besoin, transmettre les informations recueillies aux services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 228 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 259 rectifié bis est présenté par MM. Durain et Devinaz, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Dagbert et Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mmes Lubin, Préville et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mme Monier, M. Pla et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 228 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 259 rectifié bis.
M. Jérôme Durain. Selon le Gouvernement, qui a pris l’initiative d’introduire cette mesure, l’article 19 bis s’inscrit dans le dispositif de sécurisation des sites sensibles et dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Il s’agit de faciliter la collecte de preuves en cas de survol illégal et de permettre aux agents de sécurité privée et aux gestionnaires des sites protégés d’être plus réactifs en cas de menace. La mesure prévue contribuerait également à mieux protéger les sites sensibles contre le risque d’espionnage industriel.
Cet article nous permet une nouvelle fois d’observer la dérive que constitue l’évolution des compétences des agents de sécurité privée dans le cadre du continuum de sécurité, fil rouge de nos interventions.
Ces agents ne disposeraient que d’un pouvoir de détection des drones, alors qu’en réalité, en exploitant les informations recueillies, ils sont déjà impliqués dans la procédure de constatation d’une infraction possible, ce qui représente un premier acte d’enquête qui outrepasse, à notre sens, leurs compétences.
C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Cet amendement vise à supprimer l’article 19 bis, qui autorise les agents de sécurité à détecter les drones circulant aux abords des biens dont ils ont la garde.
Outre le fait que, depuis le début de l’examen de ce texte, la commission est par principe hostile aux amendements de suppression des articles, qui constituent le corps même de cette proposition de loi et qui vont nous permettre d’engager le débat avec nos collègues députés en vue de la commission mixte paritaire, les agents de sécurité privée n’auraient vocation ni à neutraliser des drones ni à en actionner eux-mêmes. Ils pourraient simplement les détecter et prévenir les forces de l’ordre, s’ils perçoivent une menace.
Il faut certes prendre des précautions, mais on doit tout de même permettre à ces professionnels de s’adapter aux évolutions technologiques, lorsqu’ils exercent leur métier.
La commission est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 259 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 19 bis.
(L’article 19 bis est adopté.)
Article 19 ter
(Non modifié)
I. – Le titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 612-20 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « État », la fin du 5° est supprimée ;
b) La seconde phrase du huitième alinéa est complétée par les mots : « ou s’il ne satisfait pas au contrôle régulier de ses compétences en application de l’article L. 613-7-1 A » ;
2° La sous-section 5 de la section 1 du chapitre III est complétée par un article L. 613-7-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 613-7-1 A. – Sans préjudice de l’article L. 733-1 et sous réserve d’avoir fait l’objet d’une certification technique et de satisfaire au contrôle régulier de leurs compétences, les agents exerçant l’activité de surveillance mentionnée à l’article L. 611-1 peuvent utiliser un chien afin de mettre en évidence l’existence d’un risque lié à la présence de matières explosives.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’exercice de cette mission ainsi que les conditions de formation, de certification technique et de contrôle des compétences applicables aux agents et aux chiens mentionnés au premier alinéa. Il prévoit également les règles propres à garantir la conformité des conditions de détention et d’utilisation des chiens aux exigences des articles L. 214-2 et L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Les agents mentionnés au premier alinéa du présent article ne peuvent exercer simultanément cette mission et les prérogatives mentionnées aux articles L. 613-2 et L. 613-3 du présent code. Cette mission ne peut s’exercer sur des personnes physiques.
« Les chiens mentionnés au présent article ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’identification d’un risque lié à la présence de matières explosives.
« Le présent article ne s’applique pas aux activités de détection d’explosifs mentionnées au 12.9.2 de l’annexe au règlement d’exécution (UE) 2015/1998 de la Commission du 5 novembre 2015 fixant des mesures détaillées pour la mise en œuvre des normes de base communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile, qui font l’objet de dispositions particulières. » ;
3° L’article L. 617-1 est complété par des 5° à 7° ainsi rédigés :
« 5° Le fait d’utiliser un chien mentionné à l’article L. 613-7-1 A à une autre fin que la mise en évidence de l’existence d’un risque lié à la présence de matières explosives en violation du même article L. 613-7-1 A ;
« 6° Le fait d’exercer l’activité mentionnée audit article L. 613-7-1 A sans remplir les conditions de formation, de certification technique et de contrôle prévues au même article L. 613-7-1 A ou d’utiliser un chien n’ayant pas satisfait à ces conditions en violation du même article L. 613-7-1 A ;
« 7° Le fait d’exercer la mission mentionnée au même article L. 613-7-1 A sur des personnes physiques en violation du même article L. 613-7-1 A. » ;
4° L’article L. 617-7 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Le fait d’employer une personne ne remplissant pas les conditions de formation ou ne justifiant pas de la certification technique prévues à l’article L. 613-7-1 A, en vue de la faire participer à la mission prévue au même article L. 613-7-1 A, en violation de celui-ci. »
II. – Le chapitre IV du titre III du livre VI de la première partie du code des transports est complété par un article L. 1634-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 1634-4. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende :
« 1° Le fait de recourir à une équipe cynotechnique mentionnée à l’article L. 1632-3 à une autre fin que la mise en évidence de l’existence d’un risque lié à la présence de matières explosives ou dans un autre domaine que celui des transports ferroviaires ou guidés en violation de cet article ;
« 2° Le fait, pour un agent des services internes de sécurité de la SNCF ou de la Régie autonome des transports parisiens mentionnés à l’article L. 2251-1, d’exercer l’activité mentionnée à l’article L. 1632-3 sans que l’équipe cynotechnique ne remplisse les conditions de formation et de qualification ou ne justifie de la certification technique prévues au même article L. 1632-3 en violation dudit article L. 1632-3 ;
« 3° Le fait, pour un agent des services internes de sécurité de la SNCF ou de la Régie autonome des transports parisiens mentionnés à l’article L. 2251-1, d’exercer l’activité mentionnée à l’article L. 1632-3 sur une personne physique en violation du même article L. 1632-3. »
III. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 325 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice de la mission prévue au présent article, dans un lieu déterminé et pour une durée donnée, est conditionné à une déclaration préalable au représentant de l’État dans le département par la personne titulaire de l’autorisation mentionnée à l’article L. 612-9 employant ces agents.
II. – Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
les conditions d’exercice
insérer les mots :
et les modalités de déclaration préalable
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le dernier alinéa de l’article L. 1632-3 du code des transports est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’exercice de la mission prévue au présent article, dans un lieu déterminé et pour une durée donnée, est conditionné à une déclaration préalable au représentant de l’État dans le département par l’employeur de l’équipe cynotechnique.
« Les conditions de formation, de qualification et d’exercice des équipes cynotechniques, les conditions de délivrance et de contrôle de la certification technique prévue au premier alinéa ainsi que les modalités de la déclaration préalable prévue au troisième alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 19 ter, introduit à l’occasion de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, encadre utilement les conditions dans lesquelles les agents de sécurité privée peuvent exercer une activité cynotechnique de prédétection d’explosifs. L’activité privée permet en effet d’accroître le nombre d’équipes susceptibles d’intervenir dans ce domaine, en sus des équipes étatiques.
Il semble toutefois nécessaire de tirer pleinement les conséquences de cette mesure, en posant les conditions d’une coordination entre les équipes cynotechniques privées et les services de l’État.
Afin de fluidifier l’exercice de l’activité cynotechnique de prédétection d’explosifs, notre amendement tend à organiser un régime de déclaration préalable auprès du préfet. Il est toutefois prévu que cette déclaration s’applique à un lieu et selon une durée donnée, afin qu’une nouvelle déclaration ne soit pas exigée chaque fois que l’intervention d’une équipe est nécessaire.
L’amendement vise donc à rendre pleinement opérant l’article 19 ter, sans en complexifier ou en alourdir la mise en œuvre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement a pour objet de compléter très utilement le dispositif : la commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 19 ter, modifié.
(L’article 19 ter est adopté.)
Article 19 quater
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant :
1° À adapter les modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité, afin notamment de modifier la composition de son collège et les missions des commissions d’agrément et de contrôle et d’étendre les pouvoirs exécutifs du directeur de l’établissement public et les prérogatives de ses agents de contrôle ;
2° À étendre, le cas échéant dans le respect des règles de partage de compétence prévues par la loi organique, l’application des dispositions prévues au 1°, selon les cas à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna avec les adaptations nécessaires.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I du présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 216 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 278 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 216.
M. Pascal Savoldelli. Nous souhaitons la suppression de l’article 19 quater, car il habilite le Gouvernement – il faut reconnaître que ce dernier est coutumier de ce mode de fonctionnement – à légiférer par ordonnances sur plusieurs sujets, ne laissant plus au législateur que la tâche d’en définir les contours.
Le Gouvernement serait donc seul à décider des modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Il pourrait par exemple modifier la composition de son collège et les missions des commissions d’agrément et de contrôle et étendre les pouvoirs exécutifs du directeur de l’établissement public, ainsi que les prérogatives de ses agents de contrôle.
La proposition de loi élargit considérablement le pouvoir des agents de sécurité privée. Or nous pensons qu’un tel enjeu de sécurité publique relève du pouvoir régalien. Il est à nos yeux inconcevable et particulièrement grave que les modalités de fonctionnement et d’organisation des missions du Cnaps ne soient pas définies par le Parlement.
En outre, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont été particulièrement choqués d’entendre, au cours des débats à l’Assemblée nationale, que cette habilitation serait légitime, parce que l’organisation du Cnaps serait un sujet trop complexe à comprendre pour le législateur. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’esclaffe.)
Je vous avoue que ces propos m’ont semblé un peu arrogants. Dont acte, on ne va pas se braquer ! Mais on a tout de même perçu une sorte de mépris vis-à-vis du législateur, dont il conviendrait de s’excuser. Rester attentif au fait de se respecter les uns les autres permettrait de maintenir les débats à la hauteur des enjeux.
Nous estimons que les parlementaires ne doivent pas se faire confisquer leurs attributions, c’est-à-dire le vote de la loi au terme d’une véritable discussion et le contrôle de l’action du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 278 rectifié bis.
Mme Laurence Harribey. Notre amendement est identique à celui que vient de défendre notre collègue.
Je veux simplement souligner que, si nous comprenons la nécessité de rendre le fonctionnement du Cnaps plus efficient – nous sommes parfaitement conscients que cela correspond à la volonté exprimée par l’ensemble de la profession –, il n’empêche que la démarche consistant à procéder par voie d’ordonnances ne nous semble pas judicieuse. Par principe, le Parlement devrait être saisi de cette réforme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Vous connaissez les précautions, voire l’hostilité générale du Sénat à l’encontre des habilitations à légiférer par ordonnances, même si nous avons été amenés à y consentir à de nombreuses reprises au cours des derniers mois.
Je crois cependant que, en l’espèce, cette demande d’habilitation est acceptable au regard du caractère technique de la matière traitée et de la nécessité d’avancer rapidement sur ce dossier en prévision des grands événements qu’accueillera notre pays en 2023 et 2024. De plus, les orientations annoncées paraissent de nature à améliorer le fonctionnement du Cnaps.
Avec mon collègue rapporteur Marc-Philippe Daubresse, nous nous intéresserons de près à la rédaction de ces ordonnances, dès que cela sera possible. Cela étant, le sujet est, je le répète, d’une telle technicité et a des conséquences tellement négligeables sur le plan législatif qu’il ne mérite pas que nous passions des heures à en débattre.
La commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, il ne fallait voir dans les propos que vous avez évoqués nulle attaque contre les parlementaires de la Nation. Si vous l’avez compris de cette façon, je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses, que j’adresse aussi bien volontiers à l’ensemble des représentants du peuple.
Pour autant, il ne faut pas voir malice dans ce qui constitue tout de même un grave dysfonctionnement que la Cour des comptes a elle-même relevé à plusieurs reprises.
Comme l’a dit lui-même M. le rapporteur, puisqu’il a utilisé ce terme – j’espère qu’il n’est pas insultant –, le débat est technique. Surtout, rappelons cet argument massue que nous sommes pris par le temps, notamment du fait de l’accueil des jeux Olympiques et de la Coupe du monde de rugby. Cela justifie que nous ayons recours aux ordonnances, procédure que tous les gouvernements ont utilisée en leur temps ; nous devons disposer d’une filière professionnalisée et contrôlée d’ici à 2023 et 2024.
Pour terminer, je ne reviendrai évidemment pas ici sur les modalités du contrôle que le Parlement peut opérer, en amont comme en aval, sur les ordonnances, car vous les connaissez mieux que moi.
Vous l’avez compris, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. À titre personnel – je n’engage pas mon groupe –, si l’on m’avait expliqué que, pour des raisons exceptionnelles, du fait des deux événements internationaux dont vous venez de parler, il fallait prendre un certain nombre de mesures elles aussi exceptionnelles, je les aurais approuvées.
Le problème est que nous faisons la loi. Vous évoquez deux événements internationaux, qui recouvrent des enjeux extrêmement importants pour notre pays. Seulement, la loi s’appliquera indifféremment à tous les événements, si vous voyez ce que je veux dire, monsieur le ministre.
Si ces dispositions n’étaient prises qu’à titre exceptionnel et si elles n’étaient mises en œuvre que pour deux événements internationaux, pourquoi pas. Mais, encore une fois, les différents dispositifs dont nous discutons depuis plusieurs heures et qui visent à étendre le domaine des polices privées au détriment de ce qui relève des fonctions régaliennes de l’État vont s’appliquer à l’ensemble des événements se déroulant sur le territoire français.
Ce que je dis est sérieux, monsieur le ministre, il est inutile de faire non de la tête. Je pourrais développer davantage, mais je n’ai pas envie de prolonger les débats à l’infini. Je le répète, nous aurions pu trouver un accord sur les deux événements internationaux qu’accueille la France, peut-être même un consensus, mais il aurait fallu circonscrire le dispositif.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 216 et 278 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 192 rectifié, présenté par MM. Babary, Karoutchi, Savary et Bascher, Mmes Gruny, Berthet et Joseph, MM. Le Gleut, Burgoa, Courtial, Saury, Lefèvre et Chatillon, Mme Raimond-Pavero, M. Bouchet, Mme Lassarade, MM. Gremillet et D. Laurent, Mmes Deromedi et de Cidrac, MM. Bonne et Longuet, Mme Schalck, MM. Cuypers, Laménie, Husson, Bouloux et Belin et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
Constitution,
insérer les mots :
et après consultation des organisations professionnelles du secteur,
La parole est à M. Laurent Burgoa.
M. Laurent Burgoa. L’amendement de notre collègue Serge Babary a pour objet de s’assurer que les ordonnances prévues à cet article sont adoptées après consultation des organisations professionnelles du secteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Préciser dans la loi qu’il est nécessaire de consulter les organisations professionnelles laisse en suspens la question de savoir s’il s’agit seulement des organisations représentant les employeurs ou s’il s’agit aussi des syndicats de salariés.
J’ajoute que les clients devraient également être associés à la réflexion sur l’évolution du Cnaps.
C’est pourquoi la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, faute de quoi elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Burgoa, l’amendement n° 192 rectifié est-il maintenu ?
M. Laurent Burgoa. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 192 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 19 quater.
(L’article 19 quater est adopté.)
Articles additionnels après l’article 19 quater
M. le président. L’amendement n° 215 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 19 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article L. 632-2 du code de sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Du Défenseur des droits ou de l’un de ses délégués. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli, à qui je rappelle qu’il convient de porter correctement son masque.
M. Pascal Savoldelli. Merci pour ce rappel à l’ordre, monsieur le président. (Sourires.)
L’amendement vise à prévoir la présence obligatoire du Défenseur des droits ou de l’un des délégués qu’il désignerait dans le collège administrant le Conseil national des activités privées de sécurité.
En effet, le Cnaps, en tant qu’établissement public dont la tutelle est exercée au nom du ministre par le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, est chargé de veiller à l’application des textes en vigueur, et ce dans une démarche partenariale.
La composition de ce collège a été conçue dans cet esprit, puisqu’elle permet de s’appuyer sur des membres dont les compétences sont solides et les capacités d’expertise complémentaires.
Le Cnaps contribue aussi à l’élaboration des réflexions relatives à l’évolution des métiers et du cadre légal de la sécurité privée. De plus, ses missions de contrôle et de conseil en font un acteur majeur des relations entre les forces de sécurité et l’État, au vu du développement rapide et des prérogatives sans cesse étendues du secteur privé, que nous ne cessons de dénoncer tout au long de ces débats.
Le contexte actuel est marqué par l’apparition, dans une partie de la population, d’une défiance envers toutes les forces de sécurité, qu’elles soient privées ou publiques d’ailleurs. De plus, les organismes de défense des libertés appellent de manière récurrente au respect des procédures.
Il nous apparaît donc nécessaire de doter le conseil chargé de la déontologie des agents de sécurité privée de moyens supplémentaires. C’est pourquoi nous proposons de mobiliser le Défenseur des droits, autorité indépendante chargée de veiller au respect des règles de déontologie par les professionnels de la sécurité publique comme privée, dont le sérieux et l’utilité ne sont plus à prouver.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je formulerai deux observations.
La première, qui est une remarque d’opportunité, est que nous venons de décider il y a quelques instants d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer le Cnaps. Il me semble donc inopportun, au stade où nous en sommes, d’entamer un débat sur sa composition.
La deuxième porte sur le fond. Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante qui, par définition, doit rester en retrait par rapport aux décisions prises par le Cnaps. Ce dernier prend des dizaines de milliers de décisions chaque année ; il ne faut pas imposer au Défenseur des droits un rôle qui n’est pas le sien.
En outre, si l’on en venait à inclure le Défenseur des droits dans tout un tas d’instances comme celle-ci, il serait présent quasiment partout, ce qui poserait une vraie difficulté.
Le législateur doit protéger l’impartialité du Défenseur des droits pour qu’il demeure une autorité administrative indépendante et, donc, encourager celui-ci à prendre la distance nécessaire à l’égard de telles instances.
La commission est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 292 rectifié ter, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 19 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article L. 632-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des représentants des salariés des secteurs de la sécurité, nommés sur proposition des organisations syndicales à proportion de leur représentativité au niveau national interprofessionnel, en nombre égal au nombre de personnes prévues au 2° du présent article. Ces représentants ne sont pas rémunérés au titre de leur fonction au sein du collège des administrateurs du Conseil national des activités privées de sécurité. »
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Il ne peut y avoir de représentation efficace des professions de sécurité au sein du Cnaps sans une participation des représentants des salariés.
C’est pourquoi nous proposons d’inclure, dans le collège du Cnaps, des représentants des salariés à parité avec les personnes issues des activités privées de sécurité. Cette mesure permettrait une « concrète participation de tous à la construction et à la mise en œuvre d’un dispositif où chacun est mobilisé en vue de l’objectif commun » – je reprends les propres termes des rapporteurs de la proposition de loi.
Les modalités de désignation de ces représentants reposeraient sur la représentativité des organisations syndicales au niveau national et interprofessionnel, dans la mesure où deux branches sont concernées par le champ des missions du Cnaps.
La présence des représentants de salariés au sein du collège du Cnaps permettra d’éclairer les décisions prises par cette instance, notamment celles qui ont trait aux agréments des salariés et à l’appréciation des organismes de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je vais reprendre l’argumentaire que je viens de développer concernant la modification de la gouvernance du Cnaps : nous venons d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances.
Ce n’est donc pas le moment de transformer le Cnaps en un organisme de type paritaire. Une telle évolution peut évidemment faire partie des pistes de réforme que le Gouvernement pourra reprendre à son compte, s’il le souhaite, quand il sera appelé à légiférer par ordonnances en la matière.
En attendant, la commission est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 292 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 19 quinquies
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant :
1° À modifier, d’une part, les modalités de formation à une activité privée de sécurité relevant du livre VI du code de la sécurité intérieure ainsi que les modalités d’examen et d’obtention des certifications professionnelles se rapportant à ces activités et, d’autre part, les conditions d’exercice et de contrôle des activités de formation aux activités privées de sécurité ;
2° À étendre, le cas échéant dans le respect des règles de partage de compétence prévues par la loi organique, l’application des dispositions prévues au 1°, selon les cas à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna avec les adaptations nécessaires.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I du présent article.
M. le président. L’amendement n° 217, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Vous avez bien compris que notre groupe ne votera pas cette proposition de loi. Cela étant, il serait intéressant de faire le bilan du sort réservé à nos amendements depuis le début de l’après-midi : ils ont tous été rejetés, alors même qu’ils ont été défendus sans esprit polémique et qu’ils étaient fondés sur une argumentation solide.
Par exemple, tous les amendements sur la sous-traitance ont été repoussés, même les amendements de repli, et je fais le pari devant vous, mes chers collègues, qu’il y aura du travail dissimulé – il faudra en assumer politiquement les conséquences !
Monsieur le ministre, j’ai recensé le nombre d’ordonnances prises par votre gouvernement : j’en étais à deux cent quatre-vingt-sept, mais peut-être suis-je moins studieux et moins compétent que vous, ce dont je ne doute pas.
Et voilà qu’on examine une nouvelle fois un article d’habilitation : non modifié par la commission, il prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relative aux modalités de formation, d’examen et d’obtention des certifications professionnelles et aux conditions d’exercice et de contrôle des activités de formation. Dont acte !
Notre amendement ne sera pas adopté, mais je vous le dis de manière un peu solennelle : on assiste à une dépossession du Parlement ! Voilà ce à quoi aboutit le recours aux ordonnances sur des sujets qui sont pourtant essentiels. Même si nous sommes en désaccord sur la question de l’extension du périmètre de l’activité des polices privées, nous aurions tout de même pu, en tant que législateurs, fixer des garde-fous.
Eh bien non ! On préfère légiférer par ordonnances et confier toute la responsabilité au Gouvernement. Je parle de ce gouvernement, mais pour être honnête, cela pourrait en être un autre, quelles que soient ses orientations politiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression.
Le débat autour du Cnaps et de ses modalités de gouvernance a déjà eu lieu en commission des lois, lors des auditions, puis au moment de l’examen du texte. Il a de nouveau lieu ce soir : il y a donc bien un débat sur les questions relatives à la sécurité privée.
S’agissant du recours aux ordonnances, nous avons une divergence avec le Gouvernement sur un enjeu important, celui de la vidéoprotection et de la manière dont elle doit être mise en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD).
A contrario, sur des questions qui touchent à la formation et au contrôle, il ne nous paraît absolument pas anormal d’habiliter le Gouvernement à procéder ainsi.
Je vais prendre à témoin notre collègue Catherine Di Folco avec laquelle j’ai été corapporteur, il y a quelques mois maintenant, d’un texte relatif à la transformation de la fonction publique. À cette occasion, nous avons autorisé le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances sur un certain nombre de sujets, parce qu’il était nécessaire de les aborder sur un plan strictement technique. Le Parlement français légifère beaucoup : il n’est pas en mesure de tout faire tout le temps.
En l’espèce, le recours aux ordonnances est la meilleure solution : cette procédure permettra de concilier les différents enjeux que nous évoquons ce soir.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je me permets d’intervenir après notre collègue Savoldelli pour témoigner que notre assemblée se plaignait encore, il n’y a pas si longtemps, du recours trop fréquent aux ordonnances.
En outre, soyez rassuré, monsieur le rapporteur : vous pouvez compter sur une ratification très rapide, puisque nous avons l’habitude d’agir très vite en la matière… Je conclurai donc comme mon collègue Savoldelli : je vous donne rendez-vous très prochainement !
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
vingt-quatre
par le mot :
douze
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. L’article 19 quinquies prévoit une réforme de l’offre de formation, qu’il s’agisse de son contenu ou des structures qui la dispensent.
À cette fin, il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure concernant les modalités de formation, d’examen et de certification et les conditions d’exercice et de contrôle des activités des organismes de formation dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la publication de la loi.
Bien que cet article conduise à mettre le Parlement à l’écart de l’élaboration de dispositions législatives relatives à la qualité et à la fiabilité des formations des agents de sécurité privée, le sujet est d’une nature moins sensible que l’habilitation prévue à l’article 19 quater.
Cette habilitation serait justifiée par la nécessité de rationaliser l’offre de formation aux métiers de la sécurité, afin de les professionnaliser davantage, en assurant des enseignements correspondant aux critères attendus et un contrôle homogène de l’évaluation des candidats. L’ampleur de la réforme proposée expliquerait le recours à cette délégation. En outre, l’enjeu de la formation est stratégique et urgent.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de réduire le délai de l’habilitation à douze mois, durée similaire à celle que prévoit l’article 19 quater.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement tend à réduire la durée de l’habilitation prévue à l’article 19 quinquies, en la ramenant de vingt-quatre à douze mois, soit la même durée que celle qui est prévue à l’article 19 quater.
Je comprends la démarche de nos collègues, mais je crois, à la lumière de nos auditions, que le travail de réflexion et de concertation est moins avancé s’agissant de la formation, d’autant que cette réforme revêt de multiples aspects. Cela explique qu’un délai plus important puisse être demandé.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 19 quinquies.
(L’article 19 quinquies est adopté.)
Article additionnel après l’article 19 quinquies
M. le président. L’amendement n° 310 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 19 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’intérêt de transformer le Conseil national des activités privées de sécurité en une direction du ministère de l’intérieur.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Dès le début de l’examen de cette proposition de loi, nous avons évoqué l’importance du rôle de nos vingt-deux mille policiers municipaux dans le maintien de l’ordre.
Aujourd’hui, on dénombre également cent soixante mille agents de sécurité privée, qui offrent de nouvelles possibilités pour renforcer le continuum de sécurité dans notre pays, mais qui doivent être encadrés de la manière la plus efficace par l’État qui dispose seul de la compétence régalienne en termes de sécurité.
L’État a tenté d’organiser le secteur de la sécurité privée et de contrôler ses agents avec la création du Conseil national des activités privées de sécurité, le Cnaps. Toutefois, comme l’a souligné la Cour des comptes, la création de ce conseil n’a pas permis d’opérer une véritable sélection à l’entrée de la profession ni de l’assainir par des contrôles efficaces. La Cour conclut à la nécessité pour l’État, à tout le moins, d’accroître son rôle au sein du Cnaps en vue d’accentuer les efforts de régulation.
Malgré le refus systématique de la commission des lois du Sénat de demander des rapports au Gouvernement, j’attire votre attention sur l’intérêt de celui-ci. Avec cet amendement d’appel, nous proposons que le Cnaps soit remplacé par une direction pleinement intégrée au ministère de l’intérieur, sur le modèle de ce qui existe déjà en Espagne. Cette direction, comme celles qui existent déjà pour d’autres secteurs, associerait étroitement les professionnels du secteur.
L’ambition de cette proposition de loi relative à la sécurité globale nécessite de prendre en compte les nouveaux défis que le secteur de la sécurité privée doit relever. Pour obtenir une véritable légitimité, les défis sont nombreux.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement, qui ne relève pas d’une posture, mais qui constitue une véritable mesure de mise à plat en matière de contrôle et d’organisation du secteur de la sécurité privée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Vous connaissez la jurisprudence quasi constante de la commission au sujet des demandes de rapport. Nous sommes donc défavorables à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous allons évidemment voter contre cet amendement, mais pas uniquement parce que c’est une demande de rapport. C’est aussi parce qu’il vise à transformer le Cnaps en une direction du ministère de l’intérieur. C’est une question de fond que pose notre collègue Ravier : il propose en fait un projet de société qui, je peux vous le dire, est loin d’être le nôtre !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 310 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE III
VIDÉOPROTECTION ET CAPTATION D’IMAGES
Article 20
Le chapitre II du titre V du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 252-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « de l’autorité publique » sont supprimés ;
b) Après le mot : « gendarmerie », la fin est ainsi rédigée : « nationales et des services de police municipale ainsi que par les agents individuellement désignés et dûment habilités mentionnés aux articles L. 531-1, L. 532-1 et L. 533-1. » ;
2° L’article L. 252-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ainsi que des douanes et des services d’incendie et de secours » sont remplacés par les mots : « , des douanes, des services d’incendie et de secours, des services de police municipale ainsi que les agents individuellement désignés et dûment habilités mentionnés aux articles L. 531-1, L. 532-1 et L. 533-1 » ;
b) À la troisième phrase, les mots : « ainsi que des douanes et des services d’incendie et de secours » sont remplacés par les mots : « , des douanes, des services d’incendie et de secours, des services de police municipale ainsi qu’aux agents individuellement désignés et dûment habilités mentionnés aux articles L. 531-1, L. 532-1 et L. 533-1 » ;
3° (nouveau) L’article L. 255-1 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, après le mot : « mentionnés », sont insérés les mots : « au second alinéa de l’article L. 252-2 et », et, après le mot : « enregistrements » la fin est ainsi rédigée : « pour les seuls besoins de leur mission, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données personnelles auxquelles ils doivent satisfaire pour être habilités. » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce même décret précise les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 81 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 293 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement de suppression confirme notre opposition au rapprochement entre police nationale et police municipale.
L’article 20 offre la possibilité aux agents de police municipale de visionner les images des systèmes de vidéosurveillance installés sur la voie publique ou dans des lieux publics.
Or le visionnage des images doit être rigoureusement encadré dans le respect des libertés privées et individuelles des citoyennes et des citoyens. Ces garanties impliquent que ces images ne tombent pas entre les mains de n’importe quel agent et ne soient pas utilisées dans n’importe quel but.
Aujourd’hui, seuls les agents des services de police ou de gendarmerie peuvent en être destinataires, car ils ont un statut et une formation appropriés à cette prérogative. D’ailleurs, la CNIL n’a pas manqué de rappeler son inquiétude quant à l’élargissement du nombre de personnes pouvant visionner ces images.
Les garanties apportées par la commission des lois demeurent, je suis désolée de le dire, très faibles. (M. le rapporteur hausse les épaules.). Nous demandons la suppression de cet article afin d’en rester au cadre légal actuel, d’une part, pour ne pas atténuer la frontière entre polices municipale et nationale, car nous estimons qu’elles représentent des entités aux missions et à la composition bien distinctes, d’autre part, pour sauvegarder les libertés et protéger la vie privée.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 293 rectifié bis.
Mme Laurence Harribey. Cet amendement a été rédigé dans le même esprit et vise le même objectif que le précédent.
L’article prévoit une extension très importante de l’accès aux images de vidéoprotection. Or nous estimons que la nécessité d’une telle mesure n’est pas démontrée, alors que le droit en vigueur limite strictement le nombre de personnes habilitées à accéder à ces visionnages.
Rien dans l’exposé des motifs de la proposition de loi comme dans le rapport de l’Assemblée nationale ne justifie un tel dispositif, qui conduit à ce que les images collectées au moyen de dispositifs de vidéoprotection soient visionnées par un nombre beaucoup plus élevé de personnes.
Les rapporteurs de l’Assemblée nationale soulignent qu’il s’agit non pas d’un élargissement de la collecte d’images, mais uniquement d’une extension de la liste des personnes habilitées à les visionner, sans plus de précision. En outre, Mme Assassi vient de l’indiquer, la formation n’est pas au rendez-vous.
Enfin, je veux indiquer à notre rapporteur, qui a rappelé la nécessité d’être en phase avec les textes européens, que le visionnage de ces images doit être entouré de certaines précautions, car il est susceptible de porter préjudice au droit à la vie privée, et qu’il ne doit jamais être une fin en soi. Pour être autorisé, il doit être justifié par un but déterminé.
Voilà pourquoi nous demandons, au travers de cet amendement, la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je le rappelle, l’article 20 du texte vise à étendre aux policiers municipaux l’accès aux images de certaines caméras installées sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public.
Cette nouvelle faculté ouverte aux policiers municipaux nous paraît légitime, mais elle doit évidemment être encadrée. C’est pourquoi la commission a inscrit, dans la proposition de loi, plusieurs garanties suggérées par la CNIL au travers de l’avis que celle-ci a rendu au Sénat, après la saisine de M. le président de la commission des lois, François-Noël Buffet.
Ainsi, l’accès aux enregistrements de vidéoprotection doit être soumis au strict respect du « besoin d’en connaître » ; une exigence de formation minimale s’impose au personnel habilité ; la conservation des enregistrements doit répondre à certaines exigences de sécurité ; la traçabilité des accès doit permettre de connaître l’historique des consultations réalisées par les agents autorisés.
Ces mesures techniques, dont il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser le détail, permettront une meilleure effectivité des contrôles exercés par la CNIL ou par les commissions départementales.
Je veux insister sur l’utilité qu’il y a à présenter, dans le texte adopté par le Sénat, une version de l’article prévoyant ces garanties. En effet, si nous voulons convaincre nos collègues députés d’insérer un certain nombre de garanties dans le texte final, il ne faut pas que nous supprimions, dans notre mouture, ces avancées et garanties – elles vous paraissent peut-être mineures ou insuffisantes, mais elles nous permettront d’avoir un débat en commission mixte paritaire.
Si nous opposons une page blanche au texte de l’Assemblée nationale, alors Marc-Philippe Daubresse et moi-même, ainsi que les sénateurs qui siégeront au sein de la commission mixte paritaire, aurons le plus grand mal à argumenter et à faire avancer les choses en faveur de garanties étendues.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’article 20 et les suivants qui sont relatifs à l’image susciteront sans doute un débat – il est légitime. Néanmoins, je veux dire à quel point les propos que j’ai entendus en défense des amendements me paraissent décalés par rapport aux principes mêmes du droit que nous devons produire pour les collectivités locales et ceux qui utilisent les images de vidéoprotection.
En premier lieu, je vous ferai remarquer que les caméras de protection relèvent de la compétence du maire – cela montre d’ailleurs que celui-ci s’inscrit bien dans le continuum de sécurité – et que l’usage de cet outil est extrêmement encadré par plusieurs dispositifs législatifs, mais que l’adoption du dernier de ces dispositifs date, mesdames, messieurs les sénateurs, de 1995 !
M. Jérôme Bascher. Les choses ont quelque peu changé depuis lors !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela fait donc plus de vingt-cinq ans que nous n’avons pas légiféré sur la question des images de vidéoprotection.
M. Pascal Savoldelli. Et qui était ministre de l’intérieur à l’époque ?
M. Alain Richard. Charles Pasqua !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne dirai pas qui était ministre de l’intérieur à l’époque, mais j’ai entendu votre réponse, monsieur le sénateur Richard… (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. On a le droit de changer !
M. Gérald Darmanin, ministre. Bref, cela ne nous rajeunit pas et, surtout, les technologies ont largement évolué depuis cette époque.
Ainsi, chacun le sait, il y a aujourd’hui, dans la plupart de nos communes, des caméras à zoom contrôlable ; on peut le constater, en visitant les centres de supervision urbaine. Ces caméras peuvent zoomer pour permettre, par exemple, de lire une plaque d’immatriculation au bout d’une rue. Or cela n’est pas prévu par la législation.
Autre exemple, la caméra dôme, qui filme à 360 degrés. On en voit, elles sont partout, tout le monde en installe, quel que soit le bord politique de la municipalité, mais elles non plus ne sont pas prévues par la législation.
Par conséquent, cette proposition de loi n’aborde pas des sujets qui seraient complètement orwelliens. Au contraire ! Il s’agit d’encadrer ce qui est pratiqué par les collectivités locales, notamment dans les centres de supervision urbaine, sans être régi par les lois de la République, ce qui – convenons-en – pose quelques difficultés par rapport aux libertés publiques et à l’accès aux images…
En second lieu, indépendamment des évolutions technologiques, le droit européen a avancé. J’ai été interpellé précédemment à propos du droit européen sur d’autres sujets ; eh bien, le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données, le fameux RGPD que vous avez vous-même transposé, représente plutôt une garantie pour les citoyens qu’un pas vers une société de contrôle.
De même, la directive (UE) 2016/680 du même jour relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, dite Police, justice, a fait naître des dispositions européennes qui devraient s’appliquer à notre droit.
Enfin, M. le rapporteur, qui est membre de la CNIL, sait que de très nombreuses modifications ont été apportées à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour ce qui concerne l’accès aux fichiers, sans jamais concerner les images des caméras de vidéoprotection.
Ainsi, non seulement les dispositions de l’article 20, qu’il ne faut surtout pas supprimer, sont importantes pour l’action des forces de police – tant pour la sécurité publique que pour la police judiciaire – et des maires, qui doivent s’inscrire dans le bon cadre légal, mais elles sont même demandées par la CNIL ! M. le rapporteur l’a lui-même indiqué : la CNIL relève notamment que les dispositions relatives à la vidéoprotection contenues dans les articles de la proposition de loi « ne permettent […] pas aux responsables de traitement de connaître l’état réel de leurs obligations en la matière ni aux personnes concernées de savoir de quelle manière exercer leurs droits. »
On peut donc être contre les caméras de vidéoprotection et contre la proposition de loi relative à la sécurité globale, mais on ne peut pas faire dire aux articles de ce texte ce qu’ils ne disent pas ! En particulier, l’article 20 constitue un encadrement des pratiques, il assure une meilleure transparence, il permet aux maires et aux agents chargés du visionnage des images de vidéoprotection de regarder la réalité en face et il adapte notre droit tant aux règlements et directives européens qu’aux technologies.
Bref, cet article ne mérite pas le procès que l’on vient de lui faire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. La vidéoprotection fait l’objet d’un éternel débat, mais, M. le ministre et M. le rapporteur l’ont indiqué, la technologie a évolué et il ne faudrait pas rester dans l’idée que l’on visionne les images a posteriori.
Aujourd’hui, dans nos villes, les forces de police municipale, en lien avec la gendarmerie, disposent de tablettes, fournies par la commune, et, quand il y a un problème majeur, les caméras transmettent leurs images directement aux tablettes de la police municipale et des gendarmes, de façon à pouvoir suivre les délinquants et les criminels. Ainsi, de caméra en caméra, on peut arriver à bloquer les agissements de ces derniers. On le fait même à l’échelle intercommunale, notamment pour les voitures volées.
Les choses ont donc évolué et il faut en tenir compte. Si l’on encadre les pratiques, tant mieux, mais tout cela fonctionne déjà de façon très rigoureuse, la déontologie étant ancrée dans l’esprit des policiers municipaux – ce sont des employés de la commune.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Vaste débat que nous abordons là !
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considère qu’il y a deux glissements dans ce texte. Le premier est relatif au continuum de sécurité ; nous ne sommes pas d’accord avec cette évolution et nous l’avons dit. Le second a trait aux rapports entre police et population.
Il faut peut-être revenir au Livre blanc de la sécurité intérieure, très documenté, publié en novembre dernier, qui consacre quatorze pages aux questions technologiques avec l’ambition de porter « le ministère de l’intérieur à la frontière technologique » – rien que cela – ; c’est Kennedy avec un képi…
M. Jérôme Bascher. Très drôle !
M. Jérôme Durain. Ce document fait un peu peur : quand on lit la partie intitulée « Expérimenter la reconnaissance du visage dans l’espace public » ou que l’on découvre les nombreuses références à l’intelligence artificielle, on se rend compte que la technologie a effectivement évolué.
On peut sans doute admettre le niveau d’ambition de votre ministère qui transparaît dans ce Livre blanc, rédigé par un certain nombre de personnes qui réfléchissent à notre sécurité et à la technologie, mais il nous semble, et nous ne sommes pas les seuls à le penser, que ce n’est pas le bon véhicule législatif pour apporter toutes ces modifications.
M. Jérôme Durain. Veuillez excuser cette formule quelque peu triviale, mais nous sommes en train d’adopter sur un coin de table des mesures qui sont de nature à changer profondément les rapports entre la police et la population.
M. Jérôme Durain. Ah, je raconte n’importe quoi ? Je vous remercie ! Quelle belle preuve de mépris !
Je raconte peut-être n’importe quoi, mais, dans ce cas, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dit également « n’importe quoi », quand elle « s’inquiète de l’accroissement sans précédent de ces dispositifs techniques de captation et de traitement d’images à des fins de poursuites d’infraction et de gestion des foules » ! La CNCDH raconte encore « n’importe quoi », quand elle « rejoint la CNIL et l’Union européenne sur l’importance de mener un débat démocratique et éthique en la matière » et qu’elle « déplore qu’une proposition de loi ayant des conséquences aussi graves sur l’exercice des droits et libertés fondamentaux soit adoptée dans l’urgence, alors que rien ne justifie une telle précipitation » !
Je m’étonne que vous vous permettiez de dire, monsieur le ministre, qu’un parlementaire raconte n’importe quoi, quand bien même ses arguments sont également ceux de la CNCDH, de la CNIL et des défenseurs des libertés fondamentales – ils doivent donc raconter n’importe quoi eux aussi ! Il me semble que nous devrions faire preuve d’un minimum de respect les uns envers les autres et nous abstenir de nous envoyer à la figure ce genre de remarque ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, vous me semblez avoir tendance, depuis hier, à exagérer nos propos ou à « déporter » les débats. Personne, ici, n’a prétendu tenir un débat pour ou contre les caméras ; nous en avons déjà parlé hier soir.
Je ne suis pas sûre que les maires appartiennent à telle ou telle formation politique – ils sont avant tout responsables devant leur population –, mais, vous avez raison de le rappeler, quelles que soient leurs convictions personnelles, on retrouve des caméras de vidéosurveillance dans une grande diversité de communes de notre pays – personne ne le nie. Finalement, la question que vous essayez de soulever relève plutôt, me semble-t-il, de l’ancien monde que du nouveau…
La question que nous posons, au travers de cet amendement de suppression défendu par Mme Assassi, est de savoir, dans le contexte de la généralisation de la vidéosurveillance, qui visionne ces images et entre les mains de qui elles tombent. Voilà ce que nous demandons.
Or cet article, tel qu’il est rédigé, n’apporte pas suffisamment de garanties. Que nous disent les maires – vous et moi en rencontrons quotidiennement –, indépendamment de leurs sensibilités politiques ? Lorsqu’ils ont installé une caméra, ils affirment avoir répondu – je ne reviendrai pas sur le débat d’hier – à un sentiment d’insécurité, mais ont-ils réellement réglé, avec cette caméra, la question de l’insécurité ? Parfois, ils la déplacent ; parfois, ils y répondent ; parfois, ils satisfont leur population.
En tout cas, les élus, quelle que soit leur sensibilité, s’interrogent surtout sur l’utilisation des images et sur les personnes habilitées à les visionner. En outre, quels services de police peuvent les récupérer pour instruire leurs dossiers ?
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je vais me permettre de faire un résumé rapide de l’histoire politique de ce sujet.
M. le ministre le rappelait, le support juridique de la vidéoprotection publique réside dans une loi de 1995, qui a mis longtemps à être adoptée – j’en ai quelques souvenirs – et dont le promoteur était Charles Pasqua.
M. Philippe Mouiller. L’excellent Charles Pasqua !
M. Alain Richard. Cela donnait une certaine coloration au débat, chacun se souvenant, notamment ici, de l’éloquence de Charles Pasqua. Le moment n’est d’ailleurs pas si mal choisi de dire que, lorsque le temps a passé, la perception que l’on a de certaines personnalités s’élargit.
M. Bruno Retailleau. Quand elles sont mortes…
M. Alain Richard. Deux autres moments, situés juste après cette date, me reviennent en mémoire. Le premier remonte à 1997, avec un changement de majorité politique et l’arrivée d’un gouvernement dans lequel l’ensemble des formations de gauche était en responsabilité. Pendant les cinq années de cette législature, personne n’a envisagé de toucher à cette loi.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai, vous réécrivez l’histoire !
M. Alain Richard. Mais si, c’est vrai, j’en ai un souvenir assez précis. (Mme Éliane Assassi proteste.) Du reste, j’essaie d’écouter les autres et je suis sûr que vous êtes également capable, madame Assassi, d’écouter quelqu’un qui n’est pas de votre avis.
Second moment : en 2001, un nouveau maire a été élu à Paris, avec une majorité politique très large. Il a déclaré, dès son entrée en fonction, qu’il développerait la vidéoprotection dans sa ville.
Ainsi, quand on considère les choses avec un peu de recul, on constate que cette confrontation autour des dangers ou des menaces que représente la vidéoprotection a très substantiellement disparu.
Ajoutons à cela le renforcement du rôle de la CNIL – une nouvelle loi a par exemple été adoptée en ce sens en 2004. Ce sujet relève d’elle depuis la première loi et aujourd’hui aucune forme de vidéoprotection ou de vidéosurveillance de l’espace public ne peut être mise en place par quiconque sans respecter les instructions et limites posées par la CNIL, jusque dans ses modalités les plus détaillées.
Par conséquent, il me semble qu’il existe un léger décalage entre les propos tenus ce soir et la réalité.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Pour une fois, je vais être d’accord avec l’ancien ministre Alain Richard ; nous avons parfois des désaccords – il le sait bien –,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. De moins en moins… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Bascher. … mais, sur ce point, je le rejoins.
En effet, il y a moins d’un an, une vice-présidente du Sénat appartenant au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dont je tairai le nom par charité, me disait combien elle avait pu évoluer sur le sujet de la vidéoprotection.
Mme Éliane Assassi. Nous aussi !
M. Jérôme Bascher. Elle me disait que, comme les maires de tous les bords, même si elle-même n’a jamais occupé cette fonction, elle était devenue favorable à la vidéoprotection. C’est un sujet important, une avancée majeure – Jean-Pierre Grand l’a rappelé.
Qui, de nos jours, a peur de la vidéoprotection sur la voie publique ? Qui détruit ces caméras ? Ce sont les délinquants, les trafiquants en tout genre, contre lesquels – je n’en ai aucun doute – nous voulons tous, ici, lutter.
Par conséquent, puisque nous voulons tous lutter contre le même fléau – cette délinquance de tous les jours sur la voie publique, celle qui embête tous les Français, tous nos compatriotes honnêtes –, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas adapter une loi de 1995, quand bien même elle est le fruit du travail d’un grand sénateur et d’un grand ministre de l’intérieur, l’un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre.
Pour ma part, je me félicite de toutes les avancées que le Gouvernement a promues, à l’Assemblée nationale, en matière de vidéoprotection. Vous avez rappelé dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, les progrès que permettra cette proposition de loi : souvent, de petites communes, comme dans le département de l’Oise, sont intéressées par la vidéoprotection, mais elles ne peuvent pas la mettre en place ; il doit alors revenir à de plus grandes institutions, comme le département ou la région, de le faire. La possibilité pour de grandes institutions de contribuer à la surveillance de l’espace public fait partie des mesures positives de cette proposition de loi pour nos campagnes.
Il ne faut donc pas rester dans l’ancien temps. Certains craignent les mesures dictatoriales et je les comprends, parce que nous sommes, au Sénat, attachés aux libertés publiques – Philippe Bas le rappelle souvent.
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. Jérôme Bascher. Ces libertés publiques, nous sommes là pour les protéger, je suis d’accord, mais nous sommes également là pour lutter, avec les moyens modernes, contre la délinquance, celle qui embête tous les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Attention à la sémantique, mes chers collègues ! Nous sommes à côté du débat suscité par l’article 20 ! Cet article ne pose pas la question de savoir si l’on est pour ou contre la vidéosurveillance (M. Jérôme Bascher s’exclame.), que certains continuent d’appeler vidéoprotection. Ce n’est pas le sujet !
Cécile Cukierman l’a bien précisé, des maires de tendances politiques diverses, y compris au sein de ma famille politique, installent des caméras de vidéosurveillance dans leur commune et mettent en place une police municipale. Certains maires communistes ont même, dans leur ville, une police municipale armée. Que cela vous plaise ou non, c’est ainsi ! C’est un débat d’idées, un débat avec la population, un débat démocratique.
Par conséquent, ne tombons pas dans des excès de langage et ne nous égarons pas de l’objet de cet article.
Que disons-nous ? Simplement que le visionnage de ces images doit être rigoureusement encadré, dans le respect des libertés privées et individuelles des citoyennes et des citoyens, et nous refusons que cette possibilité soit donnée aux polices municipales, point barre !
Nous ne sommes pas en train de dire qu’il ne faut pas de vidéosurveillance, mais nous avons des réserves quant à la possibilité, pour la police municipale, de visionner les images. Revenons-en au sujet ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Pour travailler de manière efficace, il faut avant tout – c’est ce que j’ai personnellement appris à faire – lire l’énoncé. En l’occurrence, le dispositif de cet article ne soulève pas le débat « pour ou contre » la vidéoprotection ou la vidéosurveillance ; il pose simplement la question des personnes qui peuvent visionner les images.
M. Jérôme Bascher. Et qui jette des cailloux ?
Mme Éliane Assassi. Mais ce n’est pas le sujet !
Mme Laurence Harribey. Relire le texte éviterait de faux procès, de faux débats. Surtout, cela apporterait un peu de calme et de compréhension mutuelle.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Voilà un sujet hautement sensible et qui fait réagir ; on peut le comprendre.
Pour ma part, je n’ai jamais visionné de telles images, je ne suis pas habilité à le faire et je ne sais d’ailleurs pas qui l’est. (Sourires.) Cela dit, s’il faut reconnaître l’utilité de la vidéoprotection, cet article porte bien sur l’habilitation des agents de police municipale à visionner les images. Donc, ne faisons pas de hors sujet.
En tout cas, il est important de disposer de ces images dans le cadre des enquêtes de police ou de gendarmerie, car elles permettent de comprendre le déroulement d’événements dramatiques. Les caméras de surveillance ont quand même leur utilité.
Ensuite, il faut faire confiance aux personnes habilitées à les consulter. Il y a, heureusement, des caméras un peu partout – sur les quais de gare, sur les parkings, dans nombre de lieux publics – et elles ont une réelle utilité. Donc, faisons confiance au personnel habilité à visionner ces images, dans l’intérêt de la sécurité des personnes et des biens.
Je suivrai l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. En premier lieu, monsieur le sénateur Durain, il n’y a pas, d’un côté, les défenseurs de la liberté, de l’autre, ses ennemis. D’ailleurs, je suis ministre des libertés publiques. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Eh oui, c’est le ministre de l’intérieur qui est chargé des libertés publiques !
Là où nous différons, c’est que, selon moi, d’un certain ordre naît la liberté, parce que, sans l’ordre et la sécurité, il ne peut pas y avoir de liberté, notamment pour les plus faibles ; « Ordre et progrès », comme dit la belle devise d’Auguste Comte qui orne le drapeau brésilien. Par conséquent, ne prétendez pas avoir le monopole de la liberté. Chaque élu républicain, ici, partage cette valeur.
En deuxième lieu, j’entends bien ce que dit Mme la présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. L’article 20 ne traite pas du débat « pour ou contre » la vidéoprotection ; de toute façon, le débat a été tranché et ceux qui étaient contre ont eu tort devant l’histoire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est un peu sommaire…
M. Gérald Darmanin, ministre. Peut-être, mais c’est rapide et efficace, puisque la vidéoprotection a démontré sa grande utilité, même si, évidemment, ces caméras ne résolvent pas 100 % des problèmes – cela se saurait…
Cela dit, le sujet n’est pas non plus celui de la reconnaissance faciale. M. Durain citait précédemment le Livre blanc – c’est à ce sujet que j’affirmais que vous racontiez n’importe quoi, monsieur le sénateur, d’autant que vous participez aux travaux du ministère de l’intérieur, ce qui constitue une circonstance aggravante. Ce document est une proposition, que j’ai rendue publique, faite par des spécialistes et dont chacun pourra se saisir, notamment au Sénat et à l’Assemblée nationale, pour préparer le prochain projet de loi de sécurité intérieure. Vous évoquiez la reconnaissance faciale à propos des amendements sur l’article 20, monsieur le sénateur, mais cela n’a rien à voir avec notre débat, rien à voir ! Vous en conviendrez aussi, madame Assassi…
Cela a d’autant moins à voir avec notre débat que le Gouvernement a exclu la reconnaissance faciale du texte de l’Assemblée nationale et que votre commission est également allée dans ce sens. C’est donc pousser assez loin le débat sur l’article 20…
M. Jérôme Durain. C’était une mise en perspective !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’en viens, en troisième lieu, au débat sur l’accès des policiers municipaux aux images de vidéoprotection. Mais dans quel monde vivez-vous ?
Monsieur Laménie, j’ai, pour ma part, été maire et je peux partager mon expérience en la matière, qui est la même que celle de tous les maires. Qui regarde les images de vidéoprotection aujourd’hui ? Pardon de vous l’apprendre – je vais vous donner un scoop –, mais ce sont déjà les policiers municipaux ! (Bien sûr ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Donc peut-être que nous, les maires – vous me pardonnerez de m’inclure dans cet ensemble – sommes depuis des années, sans le savoir, des délinquants, quel que soit notre bord politique – vous avez eu raison de souligner ce point, madame Assassi.
Ce sont des agents assermentés qui consultent ces images, au premier rang desquels se trouvent les policiers municipaux. Or qu’essaient de faire les maires, lorsqu’ils veulent organiser correctement les choses ? Ils tâchent de mettre moins de policiers municipaux – personnel formé, armé et sportif – devant ces images, afin de les envoyer sur le terrain, et d’y placer plutôt des agents de surveillance de la voie publique (ASVP) ou du personnel administratif, titulaire d’une qualification spécifique et assermenté par le préfet. Je le redis, les policiers municipaux consultent déjà ces images !
Par ailleurs, monsieur Durain, sans vouloir vous vexer inutilement, vous avez encore émis une contre-vérité : la CNIL elle-même nous demande de légiférer sur ce point.
La CNIL, dont votre rapporteur est lui-même membre, a rendu un avis après sa saisine par le président de la commission des lois du Sénat, lequel, à ma connaissance, ne participe pas activement aux travaux gouvernementaux au sein de la majorité. (Sourires.) Or, dans cet avis, elle précise justement que nous devons légiférer, parce qu’il existe, dans notre pays, des pratiques non prévues par la loi, qui date de 1995 : les caméras qui permettent de zoomer, les caméras à 360 degrés, le non-respect du RGPD ou encore le visionnage par des policiers municipaux.
Du reste, il y a pire que les images de vidéoprotection qui sont regardées par des policiers municipaux : celles qui ne sont visionnées par personne ! On le sait tous, la première chose que demandent les élus est la mutualisation des moyens pour pouvoir regarder ces images. Quant aux habitants, ils constatent l’installation d’une caméra, mais ils ne savent pas si ses images sont visionnées – vous connaissez tous ce débat, relancé mille fois par la population…
Donc, en effet, madame Assassi, ne faisons pas d’idéologie autour de l’article 20. Il ne dit pas autre chose que ce qu’il dit, il ne parle pas de reconnaissance faciale, il n’est pas orwellien, il n’apporte pas d’éléments nouveaux, il ne donne pas de nouvelles compétences à des personnes tierces. Au contraire, il met enfin les faits en conformité avec le droit et, à ce titre, il conforte les libertés publiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 rectifié et 293 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Kern, Janssens, Levi, Canevet, Hingray, Prince, Lafon, Cigolotti, Le Nay et Longeot, Mmes Guidez, Morin-Desailly, Billon et Perrot et MM. Détraigne, Bonnecarrère, P. Martin et Chauvet, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le 4° de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « et aux règles de prise en charge des clients dans le cadre des prestations de transport public particulier, définies à l’article L. 3120-2 du code des transports ».
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Après ce débat, je veux revenir sur l’utilité concrète que peut avoir la vidéoprotection pour lutter contre des délits et des infractions.
Chacun mesure combien les démarchages, dans les gares et les aéroports, pour la prise en charge illégale de clients par des transporteurs non habilités porte un préjudice aux voyageurs qui tombent dans ce panneau, souvent des étrangers, et à l’image de notre pays en matière d’accueil des touristes.
Cela constitue en outre une concurrence illicite et inacceptable pour les transporteurs habilités ; je pense en particulier aux taxis.
Le présent amendement a donc pour objet de permettre l’utilisation des images issues des caméras de vidéoprotection pour participer au constat des infractions aux règles de démarchage et de prise en charge illégale de clients par les transporteurs publics particuliers, afin de renforcer les moyens de lutte contre ces pratiques – un fléau – qui se sont malheureusement développées dans les gares et les aéroports, en particulier, mais pas exclusivement, en Île-de-France.
Cette pratique trouble l’ordre public et porte, je le disais, une atteinte importante à l’image de la France auprès des touristes internationaux arrivant sur le territoire national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Notre collègue Vincent Capo-Canellas a bien expliqué son amendement et je rejoins sa préoccupation.
Toutefois, je note que figure déjà dans le droit, parmi les finalités autorisées de la vidéoprotection, la « constatation des infractions aux règles de la circulation » ; je m’interroge donc sur l’opportunité d’ajouter une finalité encore plus précise.
Par conséquent, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Capo-Canellas, je peux comprendre votre volonté. Seulement, ce serait donner une finalité supplémentaire aux caméras de vidéoprotection gérées par les communes, alors qu’il ne s’agit pas d’un trouble à l’ordre public en tant que tel.
Dès lors, afin de ne pas retomber dans le débat précédent, l’avis du Gouvernement ne peut être que défavorable : nous ne sommes pas là pour ajouter des finalités qui viendraient toucher au cœur de ce que devait être la vidéoprotection selon ses pères fondateurs, si vous me permettez cette expression, à savoir lutter contre les troubles à l’ordre public.
Cela n’empêche pas que les caméras de surveillance des transporteurs – vous évoquez les transports publics – peuvent servir à la lutte contre la fraude. Tel n’est cependant pas le cas, au vu de ce que nous avons décidé, des caméras de vidéoprotection gérées par les communes.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je propose à M. Capo-Canellas de retirer cet amendement.
En effet, le Parlement devra se pencher sur cette question dans les mois qui viennent, puisque nous avons bon espoir – l’Assemblée nationale a déjà pris position en ce sens – que la commission mixte paritaire refuse l’habilitation demandée par le Gouvernement pour procéder par ordonnance à la mise en conformité de la législation relative à la vidéoprotection avec le droit européen.
Dès lors, nous devrons avoir, dans les mois qui viennent, je le redis, un véritable débat sur la question de la vidéoprotection. Ce sera l’occasion d’envisager de nouvelles finalités.
M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 125 rectifié est-il maintenu ?
M. Vincent Capo-Canellas. Je vais le retirer, puisque je constate que le sujet n’est pas mûr.
Pour autant, il ne s’agit pas, dans mon esprit, de permettre aux policiers municipaux de visionner les images issues des caméras de vidéoprotection des aéroports, mais de permettre aux agents habilités qui gèrent ces caméras de faire usage des images, quand ils constatent des pratiques manifestement illicites de bandes organisées visant à capter les touristes qui, à leur arrivée, pensent de bonne foi avoir affaire à des taxis, mais se retrouvent dans un traquenard et doivent s’acquitter pour leur course de sommes mirifiques, à supposer qu’on les amène bien à leur destination et qu’ils ne se trouvent pas pris au piège !
Tel est l’objet de mon amendement ; visiblement, il n’a pas été compris : il conviendra donc peut-être de le réécrire.
M. le président. L’amendement n° 125 rectifié est retiré.
L’amendement n° 126 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Kern, Janssens, Levi, Canevet, Hingray, Cigolotti, Prince, Lafon, Le Nay, Chauvet, P. Martin, Bonnecarrère et Longeot, Mmes Saint-Pé, Morin-Desailly, Billon et Perrot et M. Détraigne, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le 11° de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigés :
« …° La régulation des flux de personnes dans les lieux publics particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol, ou d’attaques terroristes, comme les parties accessibles au public des aérogares. »
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement a pour objet de permettre aux mêmes catégories d’agents que dans le précédent – là encore, pas aux policiers municipaux, mais bien aux agents des aéroports habilités à visionner les images de vidéoprotection – de s’en servir pour réguler les files d’attente dans les aéroports. Chacun est bien conscient que ces files d’attente constituent un risque très élevé en cas d’attaque terroriste.
Cet amendement vise à étendre l’utilisation des images issues des caméras de vidéoprotection dans les aéroports à la gestion des zones d’attente des passagers, de manière à ce que ces caméras, aujourd’hui mises en place par les exploitants d’aéroport, répondent pleinement aux finalités prévues par le code de la sécurité intérieure, notamment à la régulation des flux de personnes.
Actuellement, ce code ne permet pas l’usage des images pour réguler les flux de passagers en aérogare. Les exploitants d’aéroports ne peuvent donc pas utiliser les images, dont ils disposent, pour réguler les attroupements qui se forment, notamment en amont des contrôles de sécurité. Il s’agit de remédier à cette situation afin de faire face aux menaces terroristes et d’éviter une exposition à ces attaques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Dans la suite de la réflexion que nous avons eue autour de l’amendement précédent, il nous semble que le droit en vigueur permet déjà d’utiliser la vidéoprotection pour assurer la sécurité des personnes et des biens, lorsque des lieux et établissements ouverts au public sont particulièrement exposés à certains risques.
Je vous invite donc, mon cher collègue, à retirer cet amendement ; ce sujet pourra être évoqué lors de l’examen d’un texte ad hoc de mise en conformité du droit interne avec le droit européen.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?
M. Vincent Capo-Canellas. J’ai bien noté l’invitation de notre rapporteur à revenir sur ce débat à l’occasion d’un futur texte de transposition du droit européen – j’en prends acte.
Les exploitants d’aéroports considèrent aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas, en droit, utiliser ces images pour l’usage que j’ai indiqué. Nous devrons donc revenir sur cette question.
Cela dit, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 358, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. L’amendement n° 300 rectifié ter, présenté par MM. Wattebled, Malhuret, Menonville et A. Marc, Mme Mélot, M. Lagourgue, Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Capus, Rietmann, Perrin, de Belenet, Houpert et Ravier, Mmes Garriaud-Maylam et Saint-Pé, M. Longeot, Mme Dumont, M. Laménie, Mme Herzog, M. Hingray, Mmes Drexler et Guillotin et M. Guiol, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase, après les mots : « après avis de la Commission nationale de la vidéoprotection », sont insérés les mots : « et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » ;
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. L’article 20 prévoit qu’un décret pris après avis de la Commission nationale de la vidéoprotection fixe les modalités de la vidéoprotection.
Des améliorations ont été intégrées dans la rédaction de l’article 20 par la commission à l’initiative des rapporteurs, notamment en matière de sécurité des enregistrements et de traçabilité de leur consultation.
Dans la continuité de ces améliorations, cet amendement a pour objet d’inclure la CNIL parmi les entités consultées avant la prise de ce décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. L’amendement n° 358 du Gouvernement tend à supprimer un certain nombre d’éléments que la commission a souhaité ajouter au texte pour traduire in concreto les préconisations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, pour laquelle « il importe que, d’une part, des garanties fortes soient mises en œuvre pour que seul le personnel dûment habilité puisse effectivement visionner ces images dans le strict besoin de leur mission et que, d’autre part, des mesures de sécurité adéquates soient mises en œuvre, notamment en matière de traçabilité des accès ».
Nous avons évoqué tout à l’heure la nécessité de maintenir dans le texte ces garanties. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
En revanche, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 300 rectifié ter qui vise à prévoir une consultation préalable de la CNIL sur les projets de décrets visant à appliquer les dispositions législatives relatives au régime de la vidéoprotection. Cela va mieux en le disant et en l’écrivant !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 300 rectifié ter ?
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Nous voterons contre l’amendement du Gouvernement et pour celui de M. Wattebled. La question des garanties est essentielle.
Je regrette que l’on ramène le débat à une opposition un peu étriquée entre liberté et sécurité, entre ceux qui seraient pour l’une et ceux qui seraient pour l’autre. Je pense que le diable se cache dans les détails : si le débat de ce soir sur les images se résume à prendre acte du fait que la technologie a évolué et à faire croire qu’en mettant des caméras dans les rues et des gens dans des salles de supervision pour appuyer sur des boutons la sécurité est assurée, on passe sans doute à côté de l’essentiel.
Je veux remercier très sincèrement notre rapporteur, Loïc Hervé, pour son travail : il a cherché à approfondir les garanties sur ces sujets.
En revanche, je suis surpris que M. le ministre veuille nous interdire de réfléchir au-delà de ce texte qui serait très bon, même magnifique, et qui ne poserait aucun problème… N’avons-nous pas le droit de chercher une perspective théorique différente et adaptée, et de déterminer quelles visions de la sécurité et de la liberté et du rapport de la police à la population nous voulons ?
Quand on participe au Beauvau de la sécurité et que l’on cite le Livre blanc de la sécurité intérieure – une lecture qui n’est pas toujours facile ! –, c’est aussi pour comprendre quelle philosophie irrigue votre action politique, monsieur le ministre : ce n’est pas une action empirique et spontanée, qui se ferait au jour le jour ; il y a quelque chose qui structure votre vision de la sécurité et qui a inspiré ceux qui ont tenu la plume pour vous, en écrivant cette proposition de loi.
C’est pourquoi j’estime très sincèrement que prendre garde aux garanties des différentes procédures mises en place rend service à la sécurité comme à la liberté.
Vendredi dernier, j’étais en déplacement dans un commissariat de mon département ; lundi, j’avais rendez-vous avec un gendarme. Ce sont des sujets dont on connaît la difficulté et je ne suis pas ignorant du fait qu’existe en ce moment une vraie tension entre la population et les forces de l’ordre. On a bien compris qu’il y avait des refus d’obtempérer, un défi lancé à l’autorité ; des gens se comportent mal, parce qu’ils sont tendus. Le sujet du rapport de la police avec la population est donc central ; or, au sein de ce sujet, la question des images est déterminante.
Permettez-nous, monsieur le ministre, de réfléchir un peu au-delà des articles et des amendements qui nous sont soumis et d’aller chercher quelques éléments théoriques. Patientez un peu : l’examen de ce texte est bientôt fini !
M. le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.
(L’article 20 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 20
M. le président. L’amendement n° 341, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier le régime juridique de la vidéoprotection prévu par le code de la sécurité intérieure, en vue :
1° De procéder à une mise en conformité de ce régime avec le droit applicable en matière de protection des données à caractère personnel ;
2° De simplifier et moderniser les conditions d’autorisation, de mise en œuvre et de contrôle des systèmes de vidéoprotection ;
3° De mettre en cohérence avec les dispositions ainsi modifiées les autres codes et lois qui les mentionnent ;
4° D’abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet ;
5° D’étendre, le cas échéant dans le respect des règles de partage de compétence prévues par la loi organique, l’application des dispositions prévues au 1°, selon les cas à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna avec les adaptations nécessaires et de procéder si nécessaire à l’adaptation des dispositions déjà applicables dans ces collectivités.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I du présent article.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Même si le dispositif et l’exposé des motifs de cet amendement sont longs, je serai bref, parce que l’idée générale est simple : il s’agit de mettre en conformité le droit français de la vidéoprotection avec le règlement général sur la protection des données (RGPD). J’ai déjà exposé à l’occasion de l’examen des amendements de suppression de l’article 20 les arguments qui justifient le dépôt de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Si tant est qu’on puisse l’être, je suis très défavorable à cet amendement du Gouvernement qui entend être habilité à réformer par ordonnance l’ensemble du régime juridique de la vidéoprotection.
Il s’agit de dispositions particulièrement sensibles pour les libertés publiques et il serait inconcevable que le législateur délègue au Gouvernement une refonte aussi importante de notre droit. Il ne s’agit nullement d’une législation technique. Nous avons admis de manière indirecte les conséquences du RGPD sur le droit interne et le Parlement a déjà examiné un texte ad hoc il n’y a pas si longtemps, ce qui a d’ailleurs donné lieu à un débat extrêmement intéressant.
Nous avons en outre évoqué il y a quelques instants, à l’occasion d’amendements déposés par notre collègue Vincent Capo-Canellas, plusieurs sujets qui se posent quant à l’évolution du champ de la vidéoprotection.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais même la majorité présidentielle de l’Assemblée nationale n’a pas voulu vous octroyer une telle habilitation et l’a rejetée, lorsque le Gouvernement a essayé de se la voir octroyée par voie d’amendement. Le Sénat ne va tout de même pas être moins-disant que les députés de votre majorité !
En appui de sa demande, le Gouvernement cite la CNIL qui l’invite à refondre le droit de la vidéoprotection. Il est évident qu’il faut procéder à une telle refonte, mais à aucun moment la CNIL n’a exigé, ni même suggéré, que cela se fasse par ordonnance.
De manière générale, la multiplication du recours aux ordonnances devient préoccupante. Nous avons admis cette procédure pour la réforme du Cnaps et la formation des agents de sécurité privée. Cent vingt-cinq ordonnances ont été publiées l’an dernier – un nombre record –, dont quatre-vingt-dix-neuf liées à la gestion de la crise sanitaire.
Enfin, je vous renvoie aux travaux en cours pour réformer les méthodes de travail du Sénat : menés sous l’autorité du président de notre assemblée, M. Gérard Larcher, ils nous appellent, à l’inverse de cette tendance, à reprendre la main.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 330 rectifié bis est présenté par M. Richard.
L’amendement n° 359 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le ministre de l’intérieur peut mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatifs aux systèmes de vidéosurveillance des chambres d’isolement des centres de rétention administrative et des cellules de garde à vue. Ces traitements ont pour finalités :
1° Le contrôle par vidéosurveillance des lieux mentionnés au premier alinéa du présent I, lorsque qu’il existe des motifs raisonnables de penser que la personne concernée pourrait tenter de s’évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui ;
2° La collecte de preuves dans le cadre des procédures judiciaires ou administratives pour des faits survenus lors de la retenue ou de la garde à vue.
II. – Le placement de la personne retenue ou placée en garde à vue sous vidéosurveillance est décidé par le chef du service responsable de la sécurité des lieux concernés, pour une durée de quarante-huit heures, renouvelable.
Cette décision est notifiée à la personne concernée, qui est informée des recours hiérarchique et juridictionnel qu’elle peut exercer. La personne concernée est également informée des droits dont elle bénéficie en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception du droit d’opposition prévu par l’article 110 de cette même loi, qui ne s’applique pas aux traitements mentionnés au I du présent article.
Le procureur de la République territorialement compétent est informé de la mesure et peut y mettre fin à tout moment.
L’avis écrit du médecin intervenant dans l’établissement peut être recueilli à tout moment, notamment avant toute décision de renouvellement de la mesure.
III. – Le système de vidéosurveillance permet un contrôle en temps réel de la personne retenue ou placée en garde à vue. Un pare-vue fixé dans la chambre d’isolement ou la cellule de garde à vue garantit l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées. L’emplacement des caméras est visible.
Est enregistré dans ces traitements l’ensemble des séquences vidéo provenant de la vidéosurveillance des cellules concernées.
Il n’y a ni transmission ni enregistrement sonore.
Aucun dispositif biométrique n’est couplé avec ces traitements de vidéosurveillance.
Les images enregistrées faisant l’objet de ces traitements sont conservées sur support numérique pendant un délai d’un mois.
Le chef de service ou son représentant peut consulter les images du système de vidéosurveillance pendant un délai de sept jours à compter de l’enregistrement. Au-delà de ce délai de sept jours, les images ne peuvent être visionnées que dans le cadre d’une enquête judiciaire ou administrative.
Au terme du délai d’un mois, les données qui n’ont pas fait l’objet d’une transmission à l’autorité judiciaire ou d’une enquête administrative sont effacées.
IV. – Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 330 rectifié bis.
M. Alain Richard. Il est ici question de la sécurité qu’il convient de réinstaurer dans les centres de rétention administrative (CRA), à savoir les lieux où sont retenus pendant quelques jours ou semaines les personnes qui sont en voie de reconduite à la frontière – nous parlons de reconduite forcée. Ces personnes ont d’ailleurs démontré par leur comportement antérieur qu’elles souhaitaient échapper à la reconduite prononcée à leur encontre.
Ces centres sont des lieux de tension et de danger. Les incidents y sont relativement fréquents : on y relève des tentatives de suicide, des automutilations ou encore des agressions entre personnes détenues ou contre les agents de surveillance et de sécurité.
De fait, les services chargés de ces centres se sont efforcés d’instaurer des systèmes de vidéosurveillance visant à prévenir de tels incidents ou situations d’agression. Aujourd’hui, ces installations ne répondent à aucune norme légale ; il me semble qu’il est temps, comme cela a été fait en milieu pénitentiaire dans les cas où cela était justifié, de prévoir un système de vidéosurveillance inscrit dans le cadre légal, avec l’ensemble des garanties que cela implique.
Les garanties prévues dans cet amendement sont multiples : la durée de conservation des images est limitée à un mois ; le procureur est avisé, dès que la surveillance est déclenchée ; des dispositifs de floutage permettent la protection de l’intimité de la personne ; enfin, ces images ne pourront être utilisées que dans le cadre d’une enquête. Les modalités d’application de ce dispositif devraient évidemment être fixées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 359.
M. Gérald Darmanin, ministre. M. Richard a très bien défendu l’esprit de ces amendements qui sont identiques.
M. le président. Le sous-amendement n° 370, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement 359
1° Alinéa 8
a) Après le mot :
informé
insérer les mots :
sans délai
b) Après le mot :
mesure
insérer les mots :
ainsi que de son renouvellement
2° Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
3° Alinéa 13
Après le mot :
biométrique
insérer les mots :
ou de captation du son
4° Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
5° Alinéa 15, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
pour les seules finalités mentionnées au I et s’il existe des raisons sérieuses de penser que la personne détenue présente des risques de passage à l’acte suicidaire ou d’évasion
6° Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
7° Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images.
8° Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
Ce décret précise les dispositifs permettant de préserver l’intimité des personnes retenues ou gardées à vue ainsi que les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un sous-amendement de précision qui vise à renforcer plusieurs garanties prévues par le nouveau régime de vidéosurveillance des personnes retenues ou gardées à vue proposé dans ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 330 rectifié bis et 359 ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 370 ?
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Avant d’envisager d’installer la vidéosurveillance dans les CRA, j’aimerais bien que l’on y change les conditions de rétention ! Les membres de mon groupe et moi-même nous y rendons régulièrement, partout dans le pays : nous connaissons les traitements qu’y subissent les personnes retenues et leurs conditions de vie.
Peut-être faudrait-il d’abord se demander pourquoi ces personnes tentent de se suicider, pourquoi elles se révoltent, pourquoi, chaque fois que nous visitons un CRA, elles nous parlent des mauvaises conditions médicales et des traitements cruels qu’elles subissent parfois. Elles vivent dans des cellules couvertes de graffiti, où les toilettes ne fonctionnent pas : posons-nous d’abord ces questions !
La vidéosurveillance ne changera absolument rien à la situation dans les CRA ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faudrait que vous alliez en visiter, mes chers collègues : on y apprend beaucoup !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je peux partager avec Mme Benbassa l’idée que les conditions peuvent être largement améliorées dans les centres de rétention administrative, comme dans les prisons françaises, voire dans les locaux de garde à vue ou de dégrisement – chacun le sait. Néanmoins, beaucoup de travail est fourni pour améliorer la situation dans ces locaux.
En ce qui concerne les CRA ou les maisons d’arrêt, tout le monde souhaite évidemment améliorer l’accueil des personnes retenues ou détenues – vous avez raison, madame la sénatrice, c’est notre devoir –, mais encore faut-il que les élus acceptent l’installation de tels établissements sur leur territoire ! Lorsqu’on annonce la création de nouveaux CRA ou de nouvelles maisons d’arrêt, peu de personnes lèvent la main pour que l’installation se fasse sur leur territoire – je vois que même M. Retailleau ne lève pas la main. (Sourires.)
N’hésitez pas, mesdames, messieurs les sénateurs ! Je suis tout à fait d’accord pour débloquer des crédits – nous avons d’ailleurs de l’argent pour construire des CRA. (Plusieurs sénateurs du groupe GEST se manifestent.) Je prendrai les coordonnées des volontaires avec grand plaisir ! Encore faut-il que les élus accompagnent le mouvement. Même si je l’ai fait sous forme de boutade, les difficultés de construction sont réelles.
Cela dit, madame Benbassa, vous avez raison : nous devons un traitement digne à tous les êtres humains, y compris lorsque nous les reconduisons à la frontière – c’est bien naturel. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai souhaité, dans le cadre de l’épidémie de covid-19, qu’il n’y ait pas de surpopulation dans les centres de rétention administrative et qu’on y applique correctement les règles de distanciation sociale.
Pour autant, madame Benbassa, je ne peux pas vous laisser dire qu’il y a des traitements cruels dans les CRA.
Mme Esther Benbassa. Dans certains, si !
M. Gérald Darmanin, ministre. De tels traitements constitueraient des actes de torture ou de barbarie : cela voudrait dire que des agents de la police aux frontières, notamment, pourraient avoir des comportements contraires à la dignité de la personne humaine.
Mme Esther Benbassa. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est une accusation extrêmement grave. Dans ce cas, madame la sénatrice, n’hésitez pas à me communiquer où, selon vous, de tels traitements ont lieu !
Lorsqu’il s’avère que des personnes ont commis des dérives, elles sont poursuivies et condamnées par la justice de notre pays. Pour autant, les signalements sont extrêmement peu nombreux.
À cet égard, la présence de caméras nous aidera, à l’instar de ce qui s’est passé pour les locaux de garde à vue : tous ces locaux font maintenant l’objet d’une telle surveillance, comme l’avait demandé Mme Adeline Hazan, alors Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Les installer dans les CRA sera de ce point de vue une avancée.
En tout cas, ne laissons pas dire que la police se livre à des traitements cruels sur les étrangers dans les centres de rétention administrative : c’est à tout le moins un procès scandaleux ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, je ne crois pas que quiconque ici ait affirmé que le problème des CRA était qu’il n’y en avait pas assez ! Vous demandez qui est candidat pour accueillir un CRA, mais ce n’est pas le sujet !
Le sujet, ce sont les conditions dans lesquelles les personnes sont aujourd’hui retenues, alors qu’elles restent, parfois jusqu’à quatre-vingt-dix jours, dans des cellules où il n’y a rien à faire, dans un état de désœuvrement total et de dénuement. Ces conditions de vie sont extrêmement dures ; je dirai même qu’il y a dans ces lieux, de manière globale, une forme de cruauté institutionnelle. C’est très clair, cela se voit quand on les visite et vous le savez très bien !
Par conséquent, améliorer les conditions de vie dans ces lieux est absolument indispensable, d’autant que, comme nous le disons tous, ces personnes ne sont pas détenues, mais retenues.
Mme Valérie Boyer. Ce sont surtout des obligations de quitter le territoire non exécutées !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Si je peux me permettre, mes chers collègues, ne nous trompons pas, à nouveau, de sujet ! Les amendements dont nous débattons ne nous invitent pas à nous prononcer pour ou contre les centres de rétention administrative.
Personnellement, je suis pour la disparition totale de ces centres. Je l’ai même écrit dans un rapport que j’ai commis avec François-Noël Buffet qui n’était pas alors président de la commission des lois. J’y ai émis un avis personnel : je suis défavorable aux centres de rétention. Que cela vous plaise ou non, monsieur le ministre, il y a des gens qui s’opposent à l’existence de certaines structures synonymes d’enfermement, d’autant que les conditions de cet enfermement n’y sont pas toujours complètement… acceptables, pour le dire gentiment.
Encore une fois, être pour ou contre les centres de rétention, ce n’est pas le sujet ce soir. Ce qui nous est proposé par ces amendements, c’est de créer les conditions d’une captation d’images dans ces lieux. Pourquoi pas ? Cela peut avoir un avantage en termes de prévention.
En revanche, ce que je reproche aux auteurs de ces amendements, c’est qu’ils ne vont pas au bout de ce qu’ils pensent vraiment. On nous dit que cela permettrait de diminuer, notamment, les risques de suicide, d’automutilation, d’agression ou d’évasion. Mais il n’y a pas que cela : les gens qui sont retenus dans les CRA n’ont pas tous envie de se mutiler, de se suicider, d’agresser les autres ou de s’évader. Il faut aussi poser la question des conditions de rétention.
Si des caméras peuvent permettre de révéler à la France tout entière les conditions de rétention dans ces centres – je ne les qualifierai pas ici ce soir, pour éviter que tout le monde se lève en poussant des cris d’orfraie, je dirai simplement qu’elles peuvent s’avérer indignes –, pourquoi pas ? Mais il serait bon d’aller au bout de la logique, sans en rester à la seule motivation de protéger des personnes retenues contre le risque de suicide.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 330 rectifié bis et 359, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 20.
Article 20 bis A
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° A (nouveau) À l’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre III du livre Ier, après le mot : « intercommunale », sont insérés les mots : « et des syndicats mixtes » ;
1° L’article L. 132-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 132-14. – I. – Lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de l’accord de la commune d’implantation, autorité publique compétente au sens de l’article L. 251-2, d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de vidéoprotection.
« Il peut mettre à disposition des communes concernées du personnel pour visionner les images.
« II. – Un syndicat mixte défini à l’article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales composé exclusivement de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts, peut décider, sous réserve de l’accord de la commune d’implantation, autorité publique compétente au sens de l’article L. 251-2 du présent code, d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de vidéoprotection.
« Il peut mettre à disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés du personnel pour visionner les images.
« III. – Un syndicat mixte défini à l’article L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales composé exclusivement de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance et d’un ou deux départements, lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts, peut décider, sous réserve de l’accord de la commune d’implantation, autorité publique compétente au sens de l’article L. 251-2 du présent code, d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de vidéoprotection.
« Il peut mettre à disposition des communes, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ou du ou des départements concernés du personnel pour visionner les images.
« IV. – Dans les cas prévus aux I à III du présent article, une convention conclue entre l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte et chacun de ses membres concernés fixe les modalités d’acquisition, d’installation, d’entretien et de mise à disposition des dispositifs de vidéoprotection et les modalités de mise à disposition du personnel chargé du visionnage. » ;
2° Il est ajouté un article L. 132-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-14-1. – Les agents des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes mentionnés respectivement aux I, II et III de l’article L. 132-14 peuvent être chargés du visionnage des images dans les conditions prévues à l’article L. 251-5, dès lors que ce visionnage ne nécessite pas de leur part d’actes de police judiciaire.
« Pendant le visionnage des images prises sur le territoire d’une commune, ces agents sont placés sous l’autorité exclusive du maire de cette commune. Pendant le visionnage des images prises sur le domaine public départemental, les agents des syndicats mixtes mentionnés au III de l’article L. 132-14 sont placés sous l’autorité exclusive du président du conseil départemental. » ;
3° (nouveau) Après le premier alinéa de l’article L. 252-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de la compétence des agents mentionnés à la première phrase de l’article L. 252-3, les agents des autorités publiques compétentes chargés du visionnage des images prises sur la voie publique au moyen d’un dispositif de vidéoprotection dont la mise en œuvre est prévue à l’article L. 251-2 sont agréés par le représentant de l’État dans le département. L’agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l’État après consultation de l’autorité publique compétente ainsi que, le cas échéant, de l’autorité d’emploi. Toutefois, en cas d’urgence, l’agrément peut être suspendu sans qu’il soit procédé à cette consultation. »
M. le président. L’amendement n° 338, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 4 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité intérieure est ainsi modifiée :
1° L’article L. 132-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 132-14. – I. – Lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de l’accord de la commune d’implantation, autorité publique compétente au sens de l’article L. 251-2, d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de vidéoprotection.
« Il peut mettre à disposition des communes concernées du personnel pour visionner les images, dans les conditions prévues à l’article L. 512-2 s’agissant des agents de police municipale, et dans les conditions prévues à l’article L. 132-14-1 s’agissant des autres agents.
« II. – Lorsqu’un syndicat mixte défini à l’article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales est composé exclusivement de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de leur accord, d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de vidéoprotection.
« Il peut mettre à disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés du personnel pour visionner les images, dans les conditions prévues à l’article L. 132-14-1 du présent code.
« III. – Lorsqu’un syndicat mixte défini à l’article L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales est composé exclusivement de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance et d’un ou deux départements limitrophes, il peut décider, sous réserve de leur accord, d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de vidéoprotection.
« Il peut mettre à disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés du personnel pour visionner les images, dans les conditions prévues à l’article L. 132-14-1 du présent code.
« Dans ce cas, par dérogation aux dispositions de l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales, il est présidé par le maire d’une des communes ou par le président d’un des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres.
« IV. – Dans les cas prévus aux I à III du présent article, une convention conclue entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou le syndicat mixte et chacun de ses membres concernés fixe les modalités d’acquisition, d’installation, d’entretien et de mise à disposition des dispositifs de vidéoprotection et les modalités de mise à disposition du personnel chargé du visionnage.
« Dans le cas prévu au III, une convention conclue entre le syndicat mixte et chacun de ses membres concernés fixe les modalités d’acquisition, d’installation, d’entretien et de mise à disposition des dispositifs de vidéoprotection. » ;
2° Il est ajouté un article L. 132-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-14-1. – Sans préjudice de la compétence des agents de police municipale, les agents des communes et les agents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des syndicats mixtes mentionnés respectivement aux I, II et III de l’article L. 132-14 peuvent être chargés du visionnage des images prises sur la voie publique au moyen d’un dispositif de vidéoprotection dont la mise en œuvre est prévue par l’article L. 251-2, dès lors que ce visionnage ne nécessite pas de leur part d’actes de police judiciaire.
« Ils sont agréés par le ou les représentants de l’État dans le ou les départements concernés. L’agrément peut être retiré ou suspendu par le ou les représentants de l’État après consultation du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou du président du syndicat mixte. Toutefois, en cas d’urgence, l’agrément peut être suspendu sans qu’il soit procédé à cette consultation.
« Pendant le visionnage des images prises sur le territoire d’une commune, ces agents sont placés sous l’autorité exclusive du maire de cette commune. »
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement. Le Gouvernement propose de rétablir l’article 20 bis A dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, en y intégrant la possibilité de mutualisation au niveau d’un syndicat mixte dont le territoire s’étendrait sur deux départements limitrophes.
Cela supprimerait toutefois les possibilités existantes de mutualisation des dispositifs de vidéoprotection au niveau des syndicats de communes, ainsi que la nécessité d’un accord de la commune d’implantation. Le syndicat mixte concerné ne pourrait pas non plus mettre du personnel à la disposition du président du département afin de surveiller le domaine public départemental. Enfin, cela rétablirait l’obligation pour un syndicat mixte ouvert restreint qui mettrait en œuvre ce dispositif de mutualisation d’être présidé par un maire ou un président d’EPCI, ce qui serait en opposition, de notre point de vue, avec le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le principe de libre administration des collectivités territoriales n’est pas extensible à l’infini ! Il est d’ailleurs précisé à l’article 72 de la Constitution qu’il s’exerce « dans les conditions prévues par la loi ». Je veux le dire à l’assemblée qui représente les collectivités territoriales et, singulièrement, les maires de France : le pouvoir de police appartient au maire ; les présidents de département et de région n’ont pas de pouvoir de police.
Je le dis avec la simplicité de celui qui, comme vous l’aurez compris, monsieur le rapporteur, essaie de trouver les meilleures mutualisations possible ; il n’y a pas là de position doctrinale du ministère de l’intérieur. J’essaie de vous le dire en tant qu’élu : je crois que ce serait un grand danger, si le Parlement ouvrait la voie à ce que d’autres personnes que le maire exercent le pouvoir de police.
L’amendement du Gouvernement vise à redonner au maire son pouvoir de police, qu’il peut éventuellement déléguer ensuite, bien évidemment.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Mais non !
M. Gérald Darmanin, ministre. Si ! Nous entendons remettre dans le texte cette précision : le maire et le préfet disposent d’un pouvoir de police administrative générale, leur permettant d’assurer la surveillance générale de la voie publique, mais il ne peut pas y avoir d’autre élu que le maire qui dispose de ce pouvoir de police.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Une fois n’est pas coutume, je vais être d’accord avec le Gouvernement ! M. le ministre le sait bien, parce que l’idée qui est à l’origine de cet amendement vient assez largement du département de l’Oise.
Nous avons besoin de pouvoir transférer aux syndicats mixtes un certain pouvoir, mais il est vrai que le pouvoir d’officier de police judiciaire, dont nous avons beaucoup parlé, relève du maire.
Je le dis très simplement, cela ne m’arrange pas ; cela n’arrange pas non plus le département de l’Oise qui est à l’origine de cet amendement gouvernemental. En effet, le président actuel du syndicat mixte n’est pas maire et je ne l’étais pas, lorsque j’occupais cette fonction.
Il me semble vraiment logique et nullement problématique – je suis obligé de le dire et de le défendre devant vous – que de réserver ce pouvoir aux maires : il s’en trouve assez dans les instances des conseils généraux et régionaux pour qu’on puisse trouver une solution.
M. le président. En conséquence, l’article 20 bis A est ainsi rédigé, et les amendements nos 371, 173 rectifié et 345 n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 20 bis A
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Maurey, Canevet, Laugier, Kern et Levi, Mme Dindar, M. Delahaye, Mme Billon, M. Détraigne, Mme Doineau, MM. Le Nay, Henno et Longeot, Mmes Herzog et Jacquemet, MM. Lafon, Chauvet, J.M. Arnaud et Duffourg et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 253-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 253-… ainsi rédigé :
« Art. L. 253-…. – Les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment, sur présentation de leur carte d’identité professionnelle, les locaux dédiés au visionnage des images provenant de la vidéoprotection. »
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Les débats que nous avons eus ont montré que la vidéoprotection suscite un certain nombre de réserves et même, parfois, de fantasmes.
À cet égard, il me paraît important de se projeter dans l’avenir. Aujourd’hui, la vidéoprotection est ce qu’elle est ; demain, elle sera certainement différente, ne serait-ce que du fait des outils modernes qui sont déjà utilisés dans certains pays – je pense notamment à la reconnaissance faciale.
Dès lors, mettre en place des garde-fous ou des éléments de contrôle démocratique constitue une avancée éminemment positive.
Le dispositif de cet amendement se suffit à lui-même pour expliquer son objet : « Les députés et les sénateurs, ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment, sur présentation de leur carte d’identité professionnelle, les locaux dédiés au visionnage des images provenant de la vidéoprotection. »
En fait, il s’agit de donner un nouveau droit aux parlementaires, à l’instar de ce qui a été fait par la loi du 15 juin 2000 qui nous donne, en tant que parlementaires, le droit de visiter les centres de rétention administrative et les lieux de détention.
L’extension de cette possibilité, comme je le propose, peut constituer un élément important pour l’avenir. Certes, nous n’utilisons pas tous les jours ce droit de visiter les prisons et les centres de rétention administrative, mais le seul fait que les personnes qui gèrent ces établissements savent qu’à tout moment un parlementaire peut venir…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Folliot. … est utile. Étendre ce droit représenterait une avancée éminemment positive pour l’ensemble des parlementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Monsieur Folliot, vous avez présenté de manière exhaustive votre amendement. Votre proposition est séduisante, en ce qu’elle permet de se rapprocher du régime déjà appliqué aux lieux privatifs de liberté.
Ma seule réserve tient au fait que les lieux dont il est question ici sont souvent à la main des maires et des collectivités territoriales, si bien que la comparaison n’est pas totalement pertinente.
Je m’en remets à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends l’interrogation de M. Folliot ; la question, au fond, est celle du contre-pouvoir.
Je dois d’abord dire que les parlementaires utilisent avec parcimonie leur droit de visite des lieux de privation de liberté, même si je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne les prisons. Cela fait maintenant huit mois que je suis ministre de l’intérieur, et pas un seul parlementaire n’a demandé à visiter un local de garde à vue dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie. En général, le ministre de l’intérieur est informé le lendemain d’une visite de ce type et, je le redis, cela n’est pas arrivé depuis ma nomination. C’est donc un droit peu usité – je le sais bien, ayant moi-même été parlementaire.
Ensuite, c’est le procureur de la République qui est à même de contrôler les images de caméras de vidéoprotection et leur exploitation. C’est d’ailleurs lui qui autorise la venue dans les centres de supervision urbaine des personnes non assermentées et qui demande les réquisitions et la revue de ces images.
Quant à la CNIL, elle exerce, très périodiquement, des contrôles sur place et sur pièces ; tous les maires peuvent témoigner du fait que ses représentants interviennent d’une manière respectueuse du droit à l’information des usagers et des règles concernant la conservation des fichiers.
Je ne vois pas bien en quoi un parlementaire exerçant son droit de visite pourrait vérifier les assermentations des agents qui visionnent les images de surveillance, le respect des règles relatives à la durée de conservation des images ou des modalités de floutage ou encore la manière dont sont exploitées les réquisitions.
Ce droit donné aux parlementaires aurait finalement peu de consistance, alors que, lorsqu’ils visitent un local de garde à vue ou une prison, ils peuvent constater de visu les conditions de salubrité – songez plutôt à ce qu’a affirmé Mme Benbassa sur les centres de rétention administrative ! Je ne vois pas bien ce que les parlementaires auraient à contrôler lors d’une visite d’un centre de supervision urbaine.
Cette disposition ne me paraît donc pas représenter un réel contre-pouvoir. Ce rôle est déjà exercé par le procureur de la République et la CNIL : laissons-les continuer !
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Ce sujet me semble important. Chaque fois que l’on donne un pouvoir supplémentaire aux parlementaires, c’est une avancée démocratique ! Nous verrons bien, au fur et à mesure, la façon dont les choses se passeront.
Il y a quelque chose de plus que symbolique dans ce droit de visite. Les parlementaires doivent s’en saisir, et je suis convaincu qu’ils l’utiliseront, s’il existe.
Bien que ce droit n’ait pas vocation à être exercé tout le temps, de la même manière que pour la visite des CRA et des centres de détention, le simple fait qu’il existe serait déjà une très bonne chose, notamment parce que les gestionnaires des centres de vidéoprotection garderaient à l’esprit que des visites peuvent avoir lieu.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Pour une fois, je suis d’accord avec M. le ministre sur le fait que les parlementaires risquent d’être comme une poule devant un couteau face aux ordinateurs et aux moniteurs des centres de supervision.
Cependant, mon groupe est très favorable à cet amendement, car tout ce qui est de nature à mieux faire comprendre l’activité de terrain contribue à rapprocher les parlementaires, représentants du peuple, de ceux qui assurent la sécurité.
Je me suis déplacé dans un commissariat, vendredi dernier, on m’a montré les cellules de garde à vue et le travail réalisé par les agents de la police technique et scientifique – même si je n’ai pas forcément compris tout ce que ces agents faisaient, j’ai pu avoir accès à l’information.
Tout cela favorise une acculturation qui permet de nous familiariser avec les problématiques ; en outre, nous constatons directement les besoins en termes de moyens financiers. C’est une bonne méthode et un pas vers une nouvelle approche des questions de sécurité.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié octies, présenté par Mme Noël, MM. Sol, Piednoir, Courtial, Pellevat, Vogel, D. Laurent, Bouchet, Mouiller et Bouloux, Mmes Dumont, Deromedi et Deroche, M. Savary, Mmes Primas et Malet, MM. Bascher, Bonhomme, Reichardt et J.B. Blanc, Mme Drexler, MM. Mandelli, Burgoa, Husson, Bazin, Cambon, Segouin et Houpert, Mme Gruny, MM. de Nicolaÿ et Bonne, Mme Raimond-Pavero, M. Savin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Genet, Somon, H. Leroy, Boré et Guené, Mme Ventalon, MM. Charon et Rojouan, Mmes Belrhiti et Thomas, M. Chatillon, Mmes Lassarade, Joseph et Garriaud-Maylam, M. Babary, Mme Schalck, MM. Duplomb et Laménie, Mme Micouleau, M. Cuypers, Mme Bellurot, MM. Meurant, Klinger et Tabarot, Mme Bourrat et MM. Sido et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 121-3 du code de la route, il est inséré un article L. 121-… ainsi rédigé :
« Art. L. 121-…. – Le dépôt sauvage d’ordures est ajouté à la liste des infractions où le titulaire d’un certificat d’immatriculation est redevable pécuniairement d’une amende.
« Cette infraction peut être verbalisable par constatation par un agent assermenté ou toute autre personne mentionnée à l’article L. 541-44 du code de l’environnement, ou encore par un système de vidéo-verbalisation.
« Toutefois, lorsque le conducteur a agi en qualité de préposé, le tribunal pourra, compte tenu des circonstances de fait et des conditions de travail de l’intéressé, décider que le paiement des amendes de police prononcées en vertu du présent code est, en totalité ou en partie, à la charge du commettant si celui-ci a été cité à l’audience.
« Un décret précise l’ajout de cette infraction à la liste exposée à l’article R. 121-6 du présent code, le montant de l’amende encourue pour ce type d’infraction, et les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Depuis plusieurs années, nous remarquons la multiplication des systèmes de vidéosurveillance dans les communes françaises : ils ont montré leur efficacité à bien des endroits et dans de nombreuses affaires.
Nous sommes nombreux à ressentir une véritable exaspération face aux images de déchets abandonnés en pleine nature, qui, d’une part, gâchent la pureté des paysages, d’autre part, polluent les lieux dans un contexte où le traitement des déchets est une priorité.
L’image du maire de Signes, décédé dans l’exercice de ses fonctions, en tentant d’interpeller deux individus en train de déposer illégalement des ordures, est insoutenable pour les élus.
Si la loi du 24 juillet 2019 a permis une grande avancée en matière de surveillance à distance de ces dépôts illégaux, en autorisant la transmission d’images de vidéosurveillance aux autorités publiques en vue de prévenir l’abandon d’ordures, rien à ce jour ne permet la verbalisation à distance de ces infractions grâce à ce type de système.
Cet amendement vise à étendre le champ de la vidéoverbalisation aux dépôts sauvages de déchets.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Avant de rendre un avis sur l’amendement de notre collègue Sylviane Noël, que Philippe Mouiller vient de présenter, je veux appeler l’attention du Gouvernement sur les conséquences de l’adoption de l’amendement n° 338, il y a quelques minutes, notamment sur l’organisation actuelle des collectivités territoriales.
En effet, la nouvelle rédaction de l’article 20 bis A issue de l’adoption de cet amendement supprime la possibilité de mutualiser les dispositifs de vidéoprotection entre syndicats de communes, ce qui existe aujourd’hui sur le territoire. Si le droit est modifié en ce sens, il conviendrait, d’ici à la commission mixte paritaire, d’en mesurer les conséquences en termes de dissolution pour les dispositifs existants. Cela pose en outre la question de la faculté pour nos collègues élus de s’organiser librement.
J’aurais dû réagir plus tôt, mais nous nous sommes empressés de voter l’amendement. Je ne reviens pas sur le reste du débat, étant respectueux, bien évidemment, du choix qui a été fait par la Haute Assemblée, mais j’insiste sur ces conséquences, qui pourraient avoir un effet de bord extrêmement fâcheux vis-à-vis de nos collègues élus.
J’en reviens à l’amendement n° 21 rectifié octies qui vise à autoriser la vidéoverbalisation des dépôts sauvages d’ordures. Comme l’amendement n° 20 rectifié nonies, qui sera présenté ensuite, mais qui concerne le même sujet, il s’agit d’un amendement d’appel visant à ce que le Gouvernement modifie la liste prévue à l’article R. 121-6 du code de la route, c’est-à-dire un article relevant du pouvoir réglementaire.
Surtout, comme le Gouvernement l’a rappelé dans sa réponse à une question écrite de Mme Noël, les infractions relatives au dépôt illégal de déchets ne résultent pas de l’usage d’un véhicule : il peut donc y avoir une absence de lien entre l’infraction commise et le véhicule qui apparaît sur l’image. Cela constitue un obstacle majeur à l’extension de la liste des infractions à la salubrité publique constatables sans interception, puisque l’amende est envoyée au titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule.
En conclusion, il revient au Gouvernement de se prononcer sur cette évolution, qui relève du domaine réglementaire, et il n’est pas souhaitable d’adopter ces amendements – monsieur le président, je me permets de donner l’avis de la commission sur les deux amendements, même si le second n’a pas encore été présenté – qui constituent une injonction au Gouvernement et sont, par nature, inconstitutionnels.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, il me semble que le dispositif que vous évoquez est le droit de la République, certes depuis peu de temps.
La loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, votée sur l’initiative de Sébastien Lecornu, et la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, défendue par Brune Poirson, contiennent des dispositions complémentaires de ce point de vue. J’ai été particulièrement attentif à la rédaction de ce second texte, car je souhaitais comme vous que les caméras de vidéoprotection puissent faciliter la verbalisation des individus qui laissent des déchets dans des dépôts sauvages ou les y jettent directement depuis leur véhicule.
Le problème qu’évoque M. le rapporteur peut être résolu par l’intervention de l’agent assermenté qui regarde les images transmises par les caméras de vidéoprotection. En tout cas, les dispositions combinées de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique et de la loi AGEC permettent de satisfaire l’objectif de votre amendement.
Cependant, un texte réglementaire doit encore être pris pour l’application de la loi AGEC en la matière ; il relève de la compétence de la ministre de la transition écologique que j’ai très récemment relancée.
Indépendamment du fait que ce sujet relève du domaine réglementaire et des questions que pose le rapporteur – selon moi, il faut faire confiance aux agents assermentés –, je pense que l’amendement est déjà largement satisfait.
M. le président. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 21 rectifié octies est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Non, je le retire, monsieur le président.
D’une façon générale, nous sommes tous d’accord sur l’objectif, mais malgré les deux textes de loi, rien n’est opérationnel pour le moment ! On le voit bien, une fois encore, l’enjeu, c’est le décalage entre le moment où on adopte la loi et celui où sont effectivement mis en place sur le terrain les dispositifs d’application.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié octies est retiré.
L’amendement n° 20 rectifié nonies, présenté par Mme Noël, MM. Piednoir, Courtial, Pellevat, Vogel, D. Laurent, Bouchet, Mouiller et Bouloux, Mmes Dumont, Deromedi et Deroche, MM. Savary, Bascher, Bonhomme, Reichardt et J.B. Blanc, Mme Drexler, MM. Mandelli, Burgoa, Husson, Bazin, Cambon, Segouin et Houpert, Mme Gruny, MM. de Nicolaÿ et Bonne, Mme Raimond-Pavero, M. Savin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Genet, Somon, H. Leroy et Boré, Mme Ventalon, MM. Charon et Rojouan, Mmes Belrhiti et Thomas, M. Chatillon, Mmes Joseph et Garriaud-Maylam, MM. Babary, Duplomb et Laménie, Mme Micouleau, M. Cuypers, Mme Bellurot, MM. Meurant, Klinger et Tabarot, Mme Bourrat et MM. Sido et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils ont pouvoir pour constater les infractions liées au dépôt sauvage d’ordures par vidéoverbalisation dans les quarante-huit heures suivant leur commission. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Je le retire également, monsieur le président, puisqu’il s’agit du même sujet que l’amendement précédent.
M. le président. L’amendement n° 346, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 126-1-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes » sont remplacés par les mots : « en cas d’occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des habitants ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux » ;
b) À la deuxième phrase, après les mots : « ni l’entrée », sont insérés les mots : « , les balcons, les terrasses et les fenêtres » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « et est strictement limitée au temps nécessaire à » sont remplacés par les mots : « , dès que les circonstances l’exigent en vue de » ;
3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’urgence, la transmission des images peut être décidée par les services de la police ou de la gendarmerie nationales ou, le cas échéant, par les agents de la police municipale, à la suite d’une alerte déclenchée par le gestionnaire de l’immeuble. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est un amendement important, il tend à autoriser la transmission par les bailleurs d’habitations à loyer modéré (HLM) au centre de supervision urbaine des images de surveillance captées grâce aux caméras installées dans le hall de leurs immeubles. Cela contribuerait au continuum de sécurité dont nous parlons depuis le début de l’examen de ce texte.
De telles caméras ne sont pas installées partout, mais c’est souvent le cas dans les immeubles récents. Ce n’est pas une obligation légale, mais elles s’avèrent très utiles pour lutter contre le harcèlement et les détériorations diverses de biens communs, tels que les boîtes à lettres, les cages d’escalier ou les ascenseurs, et pour détecter les points de trafic de stupéfiants – les trafiquants s’installent souvent dans le hall des HLM –, ainsi que les squats.
Je rappelle au Parlement qu’il a voté des dispositions concernant les amendes forfaitaires délictuelles, qui sont au nombre de cinq. La première a été mise en place en septembre dernier sur la consommation de stupéfiants. En octobre, j’ai eu l’occasion d’annoncer l’application de l’amende forfaitaire délictuelle pour l’occupation illicite de terrains par des caravanes.
Une amende forfaitaire délictuelle sera également mise en place pour sanctionner le délit d’occupation illicite de hall d’immeuble, mais ce délit est très difficile à caractériser. Elle sera notamment utile pour lutter contre les problèmes de voisinage et les points de deal.
La transmission des images captées par les caméras de vidéosurveillance des offices HLM aux centres de supervision urbaine, combinée aux amendes forfaitaires délictuelles, permettra de résoudre une grande partie des problèmes liés au squat des halls d’immeuble et au trafic de stupéfiants qui s’y déroulent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’article 20 bis, supprimé par la commission des lois.
Nul besoin de préciser que la lutte contre les incivilités urbaines est un enjeu dont les parlementaires, les sénateurs en particulier, sont tout à fait conscients. D’ailleurs, des dispositions pénales spécifiques pour lutter contre l’occupation des halls d’immeubles, les dégradations et les tapages ont été introduites dans notre droit, ces dernières années, avec la pleine approbation du Sénat – il y a quelques semaines seulement, nous débattions ici même d’un texte sur les squats.
Si la commission a supprimé l’article 20 bis, c’est que le dispositif voulu par le Gouvernement ne tient pas la route juridiquement. En effet, le Conseil constitutionnel a censuré en 2010 une disposition qui autorisait la police à accéder aux images de caméras de halls d’immeuble, dès lors que surviennent des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention de la police ou de la gendarmerie.
Le législateur a ensuite revu sa copie et a prévu des garanties jusqu’alors manquantes : premièrement, la transmission des images n’est déclenchée qu’en réponse à un risque caractérisé ; deuxièmement, elle ne doit durer que le temps de l’intervention de la police.
Le Gouvernement, en voulant rétablir l’article 20 bis, cherche à supprimer toutes ces garanties opérationnelles qui sont à nos yeux indispensables. La transmission serait élargie aux simples cas, mal définis, de « nuisance à la tranquillité » ; elle serait même permise en cas d’urgence sur l’initiative des forces de sécurité.
Manifestement contraire à la Constitution, en particulier au grand principe de protection de la vie privée que nous devons défendre, cet article n’a pu être que supprimé par la commission des lois, laquelle reste défavorable à son rétablissement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’insiste sur l’importance de cette disposition.
Je ne pense pas que le Gouvernement propose une rédaction qui ne soit pas correcte juridiquement – je constate d’ailleurs que vous n’avez pas proposé de l’amender.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous l’avons supprimée !
M. Gérald Darmanin, ministre. En revanche, le Gouvernement prend toujours acte des dispositions ayant fait l’objet de censures constitutionnelles.
Il s’agit, par cet article, de pouvoir réellement caractériser le délit d’occupation illicite de hall d’immeuble. Tout le monde sait bien que ce délit est bien plus qu’une nuisance : les trafiquants procèdent parfois à des contrôles d’identité à l’entrée des immeubles – ils se comportent alors comme de véritables milices privées !
Il est très difficile de caractériser ce délit, car en attendant que les forces de police arrivent et le temps d’obtenir les clés de ces immeubles – encore faut-il avoir celles de tous les bailleurs, y compris les clés électroniques dont le code change régulièrement… –, les délinquants sont partis. Ils se cachent parfois non pas dans les parties communes, mais dans les appartements. Souvent, les habitants, menacés, ne portent pas plainte, ce qui empêche de qualifier le délit : moins de deux poursuites ont été engagées en trois ans sur la base de ce délit.
Je pense qu’il faut enfin tirer les conséquences de cette impuissance publique ! Les caméras de vidéoprotection sont souvent installées à la demande des départements, des agglomérations et des communes, qui, en échange de la réduction des taxes foncière pour la construction d’immeubles HLM, prennent des engagements en matière de sécurité.
Si ces caméras ne sont surveillées par personne, les citoyens ne peuvent pas comprendre à quoi elles servent…
Ces images de surveillance seraient transmises non pas à un organisme privé, mais au centre de supervision urbaine d’une collectivité locale. Une telle transmission aiderait utilement à la lutte contre ces milices privées, qui empêchent les honnêtes gens, souvent dans des quartiers populaires, de vivre correctement.
La rédaction proposée par le Gouvernement, inspirée du travail à la fois juridique et politique que nous menons collectivement, devrait permettre au Sénat d’adopter cet amendement de bon sens.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Pour ma part, je voterai votre amendement, monsieur le ministre, car il va dans le bon sens. Lorsqu’on est élu local, on se rend compte que ces problèmes sont réels et que nos concitoyens attendent de nous de la fermeté.
Ce soir, monsieur le ministre, vous allez dans la bonne direction : vous semblez retrouver vos racines politiques ! (M. le ministre sourit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je sens qu’un climat est en train de se diffuser au sein de cette assemblée, laissant croire que la commission des lois serait laxiste et n’irait pas assez loin, en termes de mesures répressives, sur un certain nombre de sujets.
La commission des lois a simplement dit le droit ; elle s’est bornée à expliquer que les mesures contenues dans l’amendement du Gouvernement ont déjà été censurées par le Conseil constitutionnel – il y a de fortes chances qu’elles le soient de nouveau !
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Si nous voulons avancer, il faut se donner le temps, d’ici à la commission mixte paritaire, de réfléchir au dispositif proposé, à condition que le Gouvernement accepte d’intégrer à son amendement les garanties fixées par le Conseil constitutionnel. C’est à cette seule condition que les choses seront parfaitement régulières !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement ne s’amuse pas, monsieur le président de la commission des lois, à proposer des dispositions qui seraient à coup sûr censurées !
D’ailleurs, ce n’est pas tout à fait sur ce point que la censure du Conseil constitutionnel portait ; elle concernait l’article 5 du projet de loi de l’époque, qui prévoyait d’intégrer dans le code de la construction et de l’habitation un article L. 126-1-1 disposant que, lorsque des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention des services de police ou de gendarmerie ou, le cas échéant, des agents de la police municipale se produisent dans les parties communes des immeubles collectifs à usage d’habitation, le propriétaire, l’exploitant de ces immeubles ou leur représentant peut rendre ces services ou ces agents destinataires des images des systèmes de vidéosurveillance qu’ils mettent en œuvre dans les parties communes.
Le Conseil constitutionnel a censuré cet article, car le projet de loi concernait non pas la sécurité publique, mais le logement. Il a demandé au législateur de corriger un certain nombre de points et c’est ce que fait le présent amendement : il n’organise pas le même dispositif que celui qui avait été proposé jadis par un précédent gouvernement.
Notre amendement n’a jamais été jugé en droit et n’a rien à avoir, selon nous, avec la censure prononcée par le Conseil constitutionnel en 2010.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. J’ai tout à l’heure frémi, en entendant parler de bon sens : si nous devions uniquement nous appuyer sur lui, nous n’aurions besoin finalement ni de Parlement, ni de Conseil constitutionnel, ni de commission des lois…
Je ne suis pas toujours d’accord avec les rapporteurs et le président de la commission des lois, mais force est de reconnaître qu’ils ont réalisé un travail extrêmement sérieux et étayé sur ce texte pour apporter un certain nombre de garanties, et mon groupe s’en remet à cette expertise en ce qui concerne cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Naturellement, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur cet amendement, mais la situation était similaire et le problème posé de même nature. Il n’y a pas de raison qu’il revienne sur sa décision, dès lors que ce qui nous est proposé aujourd’hui est la même chose qu’à l’époque, certes dite de manière différente.
Néanmoins, je le redis, je fais une ouverture : si d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons la possibilité d’intégrer des garanties au dispositif, nous y serons alors favorables sans aucune difficulté.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Si l’on suit le raisonnement du président Buffet, il nous faut un texte support pour améliorer le dispositif.
Or nous sommes à la fin de la première lecture, soit le dernier moment où nous pouvons introduire une disposition sur ce point. En tout état de cause, celle-ci pourra être améliorée à l’occasion du débat en commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture, en cas de désaccord.
Si, en revanche, nous n’adoptons rien ce soir, la commission mixte paritaire ou la nouvelle lecture ne sera pas en état d’approuver une disposition améliorée.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes devant un problème d’interprétation du droit – Dieu sait que c’est souvent le cas !
Pour notre part, la seule chose que nous souhaitons, c’est garantir la sécurité et la tranquillité à nos concitoyens.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Nous aussi !
M. Bruno Retailleau. Je comprends parfaitement le rapporteur et le président de la commission des lois, lorsqu’ils nous font observer qu’un problème d’interprétation de la décision du Conseil constitutionnel peut se poser.
Je propose que, d’ici la réunion de la commission mixte paritaire, un travail entre le Gouvernement et la commission soit mené. Cependant, pour que les choses soient claires, nous devrions adopter l’amendement à titre conservatoire.
Je demande à M. le ministre et à M. le président de la commission des lois d’engager ce dialogue dans un esprit positif, afin de trouver une solution. Dans cette attente, notre groupe votera l’amendement du Gouvernement.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Pour répondre à Alain Richard et à Bruno Retailleau, comme l’article a été voté à l’Assemblée nationale, il restera ouvert à la discussion lors de la réunion de la commission mixte paritaire et il n’est pas nécessaire d’adopter maintenant cet amendement pour cette seule raison de procédure.
Si celui-ci était toutefois adopté, l’article ne serait pas conforme, dans la mesure où le Gouvernement a apporté des modifications, mineures, à sa rédaction – ainsi, il propose de modifier une phrase de l’article L. 126-1-1 du code de la construction et de l’habitation pour ajouter une référence aux balcons, terrasses et fenêtres. Là aussi, l’article resterait donc ouvert à la discussion.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous discutons de la surveillance non pas de la voie publique, mais d’espaces privés. Les garanties apportées au dispositif doivent être d’autant plus importantes ! J’imagine aisément que certains d’entre vous seraient hostiles à la mise en place d’un système de vidéoprotection dans l’entrée de leur immeuble, pour des raisons de sécurité publique…
C’est bien pour cela que le Conseil constitutionnel est vigilant : il a déjà censuré de telles dispositions et il pourrait le faire de nouveau ! Je ne cherche pas à faire peur, mais c’est une question qui touche directement au respect de la vie privée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est évidemment disposé à saisir la main que M. Retailleau lui tend et nous serons à la disposition de la commission des lois pour travailler avec elle en vue de la commission mixte paritaire.
J’ajoute quelques éléments de fond. L’amendement prévoit que la transmission des images de surveillance se fait à la demande du bailleur. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est donc pas la police qui d’un seul coup décide de les récupérer !
Par ailleurs, je note que la mise en place de caméras dans des lieux privés existe déjà chez les riches… Ici, il s’agit d’immeubles HLM : par définition, c’est à l’État ou à la collectivité locale d’y assurer la sécurité – c’est bien ce que nous disons depuis tout à l’heure, monsieur le rapporteur.
Le dispositif prévoit que le propriétaire, c’est-à-dire le bailleur, peut librement s’engager par convention à transmettre les images de surveillance ; jamais un maire ne pourra l’obliger à signer une telle convention.
Le locataire qui subit les nuisances, s’il habitait dans un logement de standing, ferait lui-même installer des caméras de vidéoprotection…
Il est toujours possible de revoir l’écriture du texte dans un sens conforme à la décision du Conseil du constitutionnel, si un doute juridique subsiste. Mais je précise, de nouveau, que jamais le Conseil constitutionnel n’a censuré ce que nous proposons.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je note d’abord que nous discuterons de ce sujet en commission mixte paritaire, quel que soit le vote qui sera réservé ce soir à cet amendement.
Sur le fond, je veux dire que ce sont les cages d’escalier des immeubles HLM qui voient se dérouler des trafics, bien plus que celles des immeubles de rapport, comme on disait au XIXe siècle.
Ce sont souvent les présidents et les directeurs des offices HLM qui cherchent à démanteler ces trafics, dont les journaux télévisés font fréquemment état. Je le constate dans l’Oise à travers les sollicitations de l’office public d’aménagement et de construction (OPAC).
D’ailleurs, si des émeutes éclatent dans certains quartiers sensibles, c’est parce que les bailleurs et les services de police ou de gendarmerie tentent de démanteler les trafics qui s’y déroulent.
Je considère que la mesure prévue dans cet amendement est nécessaire pour tous ceux qui désirent vivre tranquillement dans les immeubles HLM. Les personnes qui ne bénéficient pas d’une habitation de grand luxe ont, elles aussi, le droit au calme et à la sécurité publique et il serait dommage de priver les bailleurs des moyens de parvenir à cet objectif.
Il nous faut trouver, monsieur le rapporteur, un compromis équilibré entre les différentes exigences auxquelles nous sommes soumis, ainsi que la bonne écriture – c’est un véritable sujet. Mais je vous fais observer que nous parlons d’offices publics au financement desquels participent les impôts, même s’il s’agit – je le reconnais – d’un domaine privé.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Exactement !
M. Jérôme Bascher. Les résidents des immeubles HLM ont bien le droit à la tranquillité. Et les trafics, ils n’en veulent plus !
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. J’entends bien ce qui est dit concernant l’enjeu de sécurité dans les quartiers populaires, notamment dans le secteur HLM, qu’il s’agisse d’un office, d’une coopérative ou d’un autre type de structure.
Mais il faut aussi entendre les arguments de notre rapporteur. Les textes votés par le législateur ont une portée générale, et non spécifique.
Or l’amendement du Gouvernement pose un certain nombre de problèmes en termes de libertés publiques. Ainsi, il ne concerne pas les voies publiques, mais les lieux privés à usage commun. Concrètement, des tiers auront demain la possibilité de voir à quelle heure les gens rentrent chez eux et avec qui. Il y a tout de même de quoi être inquiet.
Le rapporteur fait bien d’attirer notre attention sur cet aspect et sur la nécessité de rester prudent. C’est pourquoi je me rallie à sa position, ainsi qu’à celle du président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je vous prie de m’excuser d’être un peu ferme, même si je parle avec calme. Pendant vingt ans, j’ai été maire d’une collectivité qui ne comptait pas un grand nombre d’immeubles de rapport, comme vous dites, et j’ai passé de nombreuses nuits sur le terrain à m’occuper de problèmes tels que ceux que nous évoquons ce soir. Je ne suis donc pas complètement hors sol, quand il est question de problématiques de ce genre.
Évidemment, je ne suis pas contre le fait que nous puissions collectivement avancer pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Toutefois, il est de ma responsabilité de donner un cadre juridique solide à cet article, pour qu’il soit efficient.
M. le président. En conséquence, l’article 20 bis demeure supprimé.
Article 20 ter
Après l’article L. 2251-4-1 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2251-4-2. – I. – Dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens mentionnés à l’article L. 2251-1 peuvent, lorsqu’ils sont affectés au sein de salles d’information et de commandement relevant de l’État et sous l’autorité et en présence des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale, visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans ces salles depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs relevant respectivement de leur compétence, aux seules fins de faciliter la coordination avec ces derniers lors des interventions de leurs services au sein desdits véhicules et emprises.
« II. – Afin de visionner les images dans les conditions prévues au I, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens doivent être individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l’État dans le département.
« III. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. Ce dernier précise les conditions d’exercice des agents affectés au sein de la salle de commandement, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données personnelles auxquelles ils doivent satisfaire pour être habilités. Il précise également les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 82 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 294 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Tissot, Temal, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 82.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement s’inscrit dans la logique de nos amendements précédents. C’est pourquoi je le considère comme défendu.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 294 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. L’article 20 ter ouvre la faculté de visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmis au sein des salles de commandement de l’État aux agents des services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF.
Cette mesure à visée uniquement opérationnelle serait justifiée par la volonté de renforcer la coordination des services de police et de gendarmerie et des services de sécurité internes précités dans la perspective de la création d’un futur centre de coordination opérationnelle de la sécurité dans les transports d’Île-de-France.
Cependant, une telle disposition conduirait à allonger une fois de plus la liste des personnels habilités à visionner des images et enregistrements de vidéoprotection. Voilà qui soulève une difficulté d’application de la mesure au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en raison de la nature privée du statut des agents de sécurité de la RATP et de la SNCF.
Malgré les garanties introduites par la commission des lois, la finalité principale de l’article 20 ter consistant à renforcer la coordination des interventions des forces de police nationale et des agents de sécurité des transports revient à déléguer à ces derniers une compétence de police administrative et d’intervention sur la voie publique. En effet, on n’imagine pas que, dans l’exercice de leurs missions, il leur soit possible de s’en tenir exclusivement à de la coordination. Or l’exercice des prérogatives de puissance publique est réservé aux seuls agents publics des forces de sécurité.
C’est pourquoi le dispositif ne semble pas suffisamment proportionné. Ainsi que le souligne la CNIL, la transmission en temps réel de ces images, en dehors de toute réquisition judiciaire, ne devrait être justifiée que dans des cas précisément définis et présentant un degré de gravité suffisant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet article permet aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de visionner, au sein des salles de commandement de l’État, des images de systèmes de vidéoprotection captées depuis les véhicules et emprises relevant de leur compétence.
La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression. En effet, elle a là aussi apporté plusieurs garanties complémentaires à ce dispositif. Les agents privés auront vocation à n’être destinataires que des seules images captées sur leurs emprises respectives. La consultation des images aura lieu uniquement sous l’autorité et en présence d’agents des forces de police ou de gendarmerie, avec pour finalité exclusive la coordination des interventions avec lesdites forces.
Enfin, l’article rappelle la nécessité de garanties techniques – formation des personnels habilités, exigences de sécurité entourant la conservation des enregistrements, obligation de pouvoir retracer l’historique des consultations effectuées par les agents autorisés –, dont il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser le détail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 294 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 360, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
sous l’autorité et en présence
par les mots :
sous le contrôle
2° Supprimer les mots :
depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs relevant respectivement de leur compétence
3° Remplacer les mots :
la coordination avec ces derniers lors des interventions de leurs services au sein desdits véhicules et emprises
par les mots :
les interventions de leurs services au sein des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs concernés
II. – Alinéa 4, deuxième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer tous les apports de la commission à l’article 20 ter. Il s’agit pourtant de garanties encadrant la possibilité de visionnage des images de vidéoprotection dans les centres de l’État par des agents privés des services de la RATP et de la SNCF – j’ai mentionné ces garanties lors de la discussion des amendements précédents, je ne les rappelle donc pas.
La rédaction de cet article issue des travaux de l’Assemblée nationale autorisait le placement d’agents privés dans le centre de commandement de l’État, en leur permettant d’accéder aux images de vidéosurveillance. Concrètement, il s’agissait d’une délégation à des personnes privées d’une mission de surveillance de la voie publique, ce qui est bien entendu contraire à la Constitution.
Au regard des enjeux financiers et de sécurité, la commission a fait son possible pour rendre cette construction juridique moins baroque et plus conforme aux principes constitutionnels qui ont été rappelés.
Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 20 ter.
(L’article 20 ter est adopté.)
Article 21
Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le chapitre unique devient le chapitre Ier et son intitulé est ainsi rédigé : « Caméras individuelles » ;
2° L’article L. 241-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le quatrième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les caméras sont fournies par le service et portées de façon apparente par les agents et les militaires. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur.
« Lorsque la sécurité des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention.
« Lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions, les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une intervention. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lorsqu’il y est procédé dans le cadre de l’intervention. » ;
c et d) (Supprimés)
3° L’article L. 241-2 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le quatrième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les caméras sont fournies par le service et portées de façon apparente par les agents. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le maire de chaque commune sur le territoire de laquelle ces agents sont affectés.
« Lorsque la sécurité des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention.
« Lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions, les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une intervention. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lorsqu’il y est procédé dans le cadre de l’intervention. » ;
c et d) (Supprimés)
e) Au dernier alinéa, après le mot : « article », sont insérés les mots : « , notamment les informations transmises au ministère de l’intérieur par les communes mettant en œuvre des caméras individuelles, ».
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Si nous comprenons que, depuis les attentats de 2015, la stratégie du maintien de l’ordre en France a évolué, je le dis d’emblée, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose fermement à la généralisation de la vidéosurveillance que prévoient les articles 21, 22 et 22 bis.
Nous y sommes opposés d’abord par principe, car ces dispositions portent atteinte, à de nombreux égards, à l’exercice des droits et libertés fondamentales comme le respect de la vie privée, mais également la liberté de manifester – ce dernier point concerne spécifiquement les drones.
Nous y sommes opposés ensuite du fait de l’utilisation prévue de ces technologies hautement intrusives. En effet, nous estimons que la vocation première des caméras-piétons est d’être un outil de contrôle du comportement de l’agent. Nous regrettons que cette précision n’ait pas été introduite dans le texte. Nous regrettons également qu’aucune disposition ne vienne expliciter leur utilité, notamment lors de procédures à l’encontre de l’agent. Par ailleurs, l’accès qui serait donné à ce dernier aux images limiterait cette capacité de contrôle, en permettant d’adapter les discours aux faits, ainsi que le relève la CNCDH.
En outre, nous contestons que, dans la pratique, notamment du fait du manque d’autonomie des batteries utilisées par ces caméras, ce soit l’agent lui-même qui déclenche cet outil. On doute qu’il la déclenche en pleine commission d’une infraction…
Enfin, en ce qui concerne les caméras embarquées, quid des lieux d’habitation ? Quelle protection ce texte prévoit-il ?
De manière générale, les garanties sont lacunaires. C’est pourquoi, parce que nous nous opposons à toute forme de surveillance abusive des Français, nous tenterons d’amender le texte.
M. le président. L’amendement n° 295 rectifié bis, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Je salue le travail des rapporteurs sur cet article et les améliorations qui ont été imaginées pour corriger la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, notamment sur le sujet un peu épineux de la « guerre » des images – c’est la question de l’utilisation des images filmées par les caméras-piétons pour en faire un outil de contribution au débat public.
Les caméras-piétons ont une autre vocation : elles servent à apaiser la relation entre la police et la population, à documenter les incidents et les altercations et, finalement, à les éviter. Elles peuvent aussi servir à nourrir les réflexions et à corriger les procédures à la suite de difficultés opérationnelles.
Pour autant, des garanties nous semblent encore faire défaut, ainsi que l’ont souligné un certain nombre d’observateurs, comme la CNCDH. Les magistrats font par exemple remarquer qu’il faut bien prendre garde à ce que les images ne soient ni altérées ni modifiées.
Pour toutes ces raisons, nous avons déposé cet amendement de suppression. Il s’agit d’un amendement de principe, qui ne nous empêche pas de relever les progrès accomplis dans la rédaction de l’article à l’initiative des rapporteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Inutile de dire combien j’apprécie le satisfecit de notre collègue ! (Sourires.) Reste que, quand bien même il souligne les améliorations apportées par la commission des lois, il propose la suppression de l’article dans la rédaction à laquelle elle est parvenue…
Cela montre en tout cas que nous avons essayé, autant que faire se peut, en travaillant avec l’ensemble des membres de la commission des lois, de trouver des voies de passage, parfois un peu étroites. Les montagnards que nous sommes tous deux savent de quoi je parle : il n’est pas toujours simple de se faufiler et de trouver des solutions. (Nouveaux sourires.)
Il me semble que l’équilibre trouvé par la commission, qui a ajouté plusieurs précisions au texte, est désormais satisfaisant.
Concernant la possibilité de consultation des images lors des interventions, la commission a précisé les conditions opérationnelles justifiant cette consultation immédiate – par exemple, faciliter la recherche d’auteurs d’infraction, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions – et ajouté une exigence de traçabilité des consultations ainsi réalisées, pour avoir la garantie que les images ne puissent pas être supprimées sur l’appareil lui-même.
Quant à la transmission en temps réel, elle semble pleinement justifiée, dès lors qu’elle est limitée aux cas de danger.
Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur une visite que vous avez faite voilà quelques semaines dans mon département, plus précisément à Annemasse. Elle a donné lieu à un temps d’échange nourri avec les forces de sécurité du commissariat de police de cette commune, au cours duquel nous avons discuté des nouveaux matériels en cours d’acquisition et de l’utilité opérationnelle que pourrait avoir la faculté de revisionner immédiatement les images, sans avoir à retourner au poste de police pour les décharger et les visionner sur un ordinateur. Il s’agit là d’une dimension pratique manifeste.
Je pense que, sur ces questions, le Sénat a trouvé une voie médiane, qui permettra de répondre aux souhaits de nos policiers et gendarmes.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 295 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 110, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’utilisation de caméras individuelles portées par les agents de la police nationale et les militaires a pour objectif premier la diminution des cas de recours illégal à la force, la prévention des violences policières et, en ce sens, le contrôle a posteriori de l’action de ces agents.
« Les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises aux autorités compétentes, lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la preuve d’infractions commises par un agent lors de l’exercice de ses fonctions, dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire l’impliquant.
« Dans le cadre d’une procédure judiciaire à l’encontre d’un agent, ces images seront transmises au parquet sous scellé, dès l’ouverture de la procédure. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La vidéosurveillance présente un risque d’atteinte à la vie privée et son utilisation doit donc être strictement nécessaire et proportionnée pour atteindre un objectif légitime.
Nous estimons qu’il ne peut pas être laissé trop de latitude à la définition de l’utilisation des caméras individuelles, technologie de contrôle intrusif : si elles doivent être déployées, nous souhaitons à tout le moins y associer des garanties liées au respect du droit à la vie privée.
Il apparaît donc essentiel qu’à ces mêmes articles la loi affirme clairement que l’utilisation de ces caméras individuelles a pour objectif premier la diminution des cas de recours illégal à la force et la prévention des violences policières.
N’oublions pas que l’une des vocations des caméras-piétons est d’être un outil de contrôle du comportement du fonctionnaire de police ou du gendarme. En ce sens, elles représentent un atout dans le contrôle a posteriori de l’action des agents, notamment par la transmission des images captées aux autorités judiciaires, administratives ou disciplinaires dans le cadre d’une mise en cause d’un agent pour une infraction commise pendant l’exercice de ses fonctions. Dans le cadre d’une procédure judiciaire à l’encontre d’un agent, ces images devront être transmises sous scellé pour en assurer l’authenticité.
Cet amendement a pour objet d’ajouter ces garanties dans la loi.
M. le président. L’amendement n° 245, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Les finalités d’utilisation des caméras mobiles pour les policiers, gendarmes et agents de police municipale sont strictement limitées à lutter contre le recours illégal à la force, la prévention des violences policières et au contrôle de l’action des agents. » ;
II. – Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’analyse des images issues de ces caméras individuelles au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale est prohibée, ainsi que les interconnexions, rapprochements ou mises en relation automatisée des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je reconnais moi aussi que la commission a tenté d’améliorer cet article. Pour autant, je rappelle que l’utilisation des caméras mobiles par les forces de l’ordre a été permise dans le souci d’apaiser les relations entre les forces de l’ordre et la population.
C’est ce principe que vise à réaffirmer cet amendement. Il a également pour objet de lutter contre les violences policières et d’interdire le couplage des caméras individuelles avec des dispositifs de reconnaissance faciale pour des questions évidentes de dérive, dont il a déjà été largement question dans les médias.
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont prohibées l’analyse des images issues de ces caméras individuelles au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale, ainsi que les interconnexions, rapprochements ou mises en relation automatisés des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Parce qu’ils traitent tous du déploiement et de l’intensification de la vidéosurveillance mouvante, il aurait été utile de traiter les articles 21, 22 et 22 bis ensemble, puisqu’ils disposent respectivement des caméras-piétons ou caméras individuelles, des caméras aéroportées ou drones et des caméras embarquées.
Nous regrettons que la commission des lois, qui a amendé les dispositions de l’article 22 ayant trait aux drones pour y ajouter des garanties relatives à la reconnaissance faciale et au fichage – ce que, bien sûr, nous saluons –, n’ait pas pris la peine d’apporter ces mêmes garanties pour les caméras individuelles. Or, pour celles-ci, ces garanties nous paraissent d’autant plus importantes que ces instruments seront les plus présents dans l’espace public et dans le quotidien des Français.
Il s’agit donc, par cet amendement, d’interdire l’utilisation de logiciels de reconnaissance faciale et les interconnexions automatisées de données qui peuvent être effectuées lors de l’analyse des images des caméras individuelles. Le recours à cette technique semble devenu systématique, tout en ne reposant sur aucun contrôle du principe de proportionnalité propre à garantir le respect des droits et libertés fondamentales des individus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est sans doute pour nous interpeller ou par provocation que vous voudriez limiter l’usage des caméras mobiles à la seule prévention des violences dites policières. Or ces caméras visent évidemment à lutter contre d’autres faits de délinquance !
Mes chers collègues, je ne vous ferai pas l’affront de vous demander, si vous avez déjà manipulé les caméras dont sont aujourd’hui équipés les policiers, les gendarmes, les policiers municipaux et certains pompiers pour comprendre comment cela fonctionne concrètement et les capacités somme toute limitées qui peuvent en résulter, en raison soit de la qualité des images, soit de la durée d’utilisation de la batterie, soit tout simplement du prix qui a été consenti pour l’achat de ces matériels – je parle des caméras les plus anciennes. Ce sont des GoPro à peine améliorées ! (M. Guillaume Gontard brandit un smartphone.) Oui, c’est beaucoup moins puissant que nos téléphones, mon cher collègue ! Gardons cela en tête.
Je proposerai tout à l’heure, au nom de la commission, une interdiction expressis verbis de la reconnaissance faciale et de la captation de sons par les drones. En effet, je mesure que les sauts technologiques que permettent les drones et la dimension massive d’une captation en altitude posent une difficulté. En revanche, en ce qui concerne les caméras mobiles des policiers et des gendarmes en intervention, je vous le redis : regardez de quoi on parle !
C’est la raison pour laquelle je souhaite que l’on en reste à la rédaction actuelle. La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je partage évidemment les attendus et les considérations de M. le rapporteur, mais, sans allonger nos débats, je ne peux pas ne pas dire un mot sur les diverses interventions relatives à cet article.
Oui, il y a des problèmes de batterie sur ces caméras-piétons ! C’est d’ailleurs pour cela que nous avons lancé un nouvel appel d’offres, pour lequel nous attendons la promulgation de cette proposition de loi, puisque, selon les dispositions que vous voterez, il contiendra des options différentes.
J’ai eu l’occasion d’indiquer au cours de la discussion générale que j’acceptais bien volontiers que, comme l’a souligné Jérôme Durain, l’on ne retienne pas la troisième finalité, c’est-à-dire l’utilisation publique des images. Pourtant, on pourrait s’interroger sur l’utilisation sauvage des autres images, mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler…
Reste qu’il faut que les caméras puissent être activées pendant les six ou sept heures d’intervention d’une brigade. Demain, ce sera totalement le cas, puisque plusieurs sociétés ont déjà répondu à cet appel d’offres et, dans le cadre d’une procédure tout à fait normale, nous choisirons le modèle de caméra qui pourra être utilisé le temps effectif de la patrouille – cela fait partie des critères du cahier des charges.
Madame Benbassa, vous déclarez que les policiers ou les gendarmes n’appuient pas toujours sur le bouton, lorsque des faits surviennent. Ce n’est pas tout à fait vrai. Si vous les aviez rencontrés, ils vous auraient appris deux choses.
D’une part, la caméra filme quelques dizaines de secondes avant que l’on appuie sur le bouton. C’est même le principe des caméras-piétons. On peut en effet comprendre que, pris par un problème, dans la tension, parce que quelqu’un est agressé ou dans le cadre d’une intervention, dans la nuit, dans la férocité – la situation n’est pas toujours facile –, le policier ou le gendarme oublie de déclencher sa caméra. D’ailleurs, celle-ci filme également quelques dizaines de secondes après, si jamais il venait à la couper un peu trop tôt – c’est aussi un point que nous améliorons pour éviter toute subjectivité de sa part.
D’autre part, il est une règle qui handicape les policiers et les gendarmes et que seule la police de la République applique dans toute l’Union européenne, celle de l’enregistrement du numéro référentiel des identités et de l’organisation, aussi appelé RIO, avant d’actionner la caméra. C’est d’ailleurs là que se situait le principal problème technique : le policier ou le gendarme devait entrer ce numéro par avance pour pouvoir enclencher la caméra. Or, en procédant ainsi, il vidait la batterie ; c’est un peu comme si vous mettez en permanence votre téléphone en mode caméra : vous en épuisez la batterie.
Toutes ces dispositions techniques sont résolues par le nouvel appel d’offres que nous avons lancé, indépendamment des finalités évoquées par M. le rapporteur.
Certes, on peut discuter de la pertinence des caméras-piétons. Pour ma part, je pense que c’est très bien : cela permet de savoir ce que fait l’agent, de calmer la personne qui est en face, d’avoir de meilleurs rapports et de meilleures procédures pénales, donc de meilleures poursuites, mais aussi de résoudre des enquêtes, comme l’a très bien indiqué M. le rapporteur. En effet, on pourra le faire pendant l’action sans jamais – et c’est un point très important – modifier les images.
La généralisation des caméras-piétons au 1er juillet prochain attend beaucoup de ce texte et de cet appel d’offres.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je ne comprends pas tout à fait la logique du rapporteur à propos de l’amendement n° 114.
La commission a accompli un très bon travail sur l’article 22, en interdisant la reconnaissance faciale par les drones. Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué que la technologie de ces appareils évoluerait et se développerait. Pourtant, n’importe quel smartphone est déjà équipé de la reconnaissance faciale ! En fait, les logiciels d’analyse et de reconnaissance faciale existent déjà. Cette possibilité est donc déjà effective.
Le drone n’étant rien d’autre que l’appareil qui transportera le dispositif qui prendra la photo, c’est exactement la même chose.
Nous sommes certainement à peu près tous d’accord ici pour reconnaître qu’il faut être très prudent et même se préserver de la reconnaissance faciale. Autant l’inscrire très clairement dans le texte, comme vous l’avez fait à juste titre sur les drones, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis étonnée par les réponses du rapporteur et du ministre. Quand l’opposition n’est pas d’accord, on lui rétorque qu’elle ne connaît pas le sujet ou, comme l’a fait M. le ministre, qu’elle n’a jamais vu de caméra-piéton. Nous serions donc hors sol, nous vivrions enfermés – il est vrai que c’est le cas depuis un moment ! (Sourires.) – dans cet hémicycle sans rien connaître, quand vous seuls connaîtriez tout.
Il faut en finir avec les réponses de ce type : vous n’êtes pas plus sachants que les autres. Si nous déposons des amendements, nous avons nos raisons pour le faire et nous n’inventons rien.
Monsieur le ministre, vous racontez très bien l’histoire – hier, vous avez fait de longs développements historiques. Toutefois, je tiens à vous préciser, concernant les marchés publics que vous passerez pour les caméras-piétons, que vous êtes tenu par un marché public qui dure jusqu’en 2025 et qui prévoit la fourniture de caméras dotées de batteries qui ne durent pas assez longtemps ! La presse en a longuement parlé. Arrêtez donc de nous raconter des histoires à ce sujet !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Benbassa, j’espère que vous ne prendrez pas comme une insulte que je vous informe que nous changeons de marché public. Le nouvel appel d’offres est d’ailleurs consultable sur le site du ministère de l’intérieur – n’hésitez pas à vous y référer.
Ce n’est pas attaquer l’opposition de vous le dire. Je me suis attelé à ce sujet dès mon arrivée au ministre de l’intérieur. Ce ne sont pas des histoires, c’est la réalité et chacun peut s’en féliciter, parce qu’il y avait bien un problème de batterie – tout le monde en convenait. Je vous ai expliqué que c’était dû à des raisons techniques, mais aussi à des raisons d’usage.
Monsieur le sénateur Gontard, le Gouvernement a indiqué qu’il ne souhaitait pas que soient introduites dans ce texte des dispositions relevant de la reconnaissance faciale. Il n’y a donc pas de débat. Toutefois, vous avez souligné que la reconnaissance faciale était déjà possible sur les téléphones. Pour éclairer ce débat intéressant, le Gouvernement envisage d’ailleurs de confier une mission à un parlementaire. En effet, si la reconnaissance faciale n’est pas utilisée par les pouvoirs publics, elle l’est par de nombreux acteurs, notamment des entreprises privées, à commencer par les fabricants de téléphones.
Il ne faut pas confondre identification et authentification. Ce n’est pas la même chose. Nous utilisons par exemple déjà la reconnaissance faciale dans le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) utilisé par la police judiciaire, qui recense quinze à vingt millions de personnes ; la CNIL a accepté ce fichier : des photos y sont enregistrées, elles permettent d’identifier les personnes. Cela diffère de la reconnaissance faciale de la caméra, qui, comme dans les films ou dans le métro de Londres, permet par exemple d’authentifier Alain Richard à 97 % ! (Sourires.)
M. Alain Richard. Avec le masque ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Avec le masque, c’est évidemment moins facile… (Nouveaux sourires.)
La reconnaissance faciale regroupe la famille de l’authentification et celle de l’identification. À cette dimension extrêmement technique s’ajoutent de nombreuses considérations éthiques, dans lesquelles je n’entrerai pas ce soir, d’autant que le Gouvernement ne souhaite pas inscrire de telles dispositions dans ce texte, je le répète.
Le débat est extrêmement complexe et ce n’est pas parce que votre téléphone permet l’identification qu’il s’agit d’une authentification. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Notre débat s’est un peu apaisé, mais M. le ministre relance certaines des questions que nous nous sommes posées tout à l’heure. Je ne le taquinerai pas sur les caméras-piétons, pour avoir déjà eu l’occasion de constater qu’il était extrêmement compétent sur le sujet.
Monsieur le rapporteur, vous considérez que les drones constituent un sujet à part, parce qu’ils sont extrêmement puissants. Or nous avons tendance à légiférer sur ces questions à technologie constante, au regard des outils du moment, alors qu’il nous faut fixer des principes. Pour ma part, je ne sais pas ce que permettront les caméras-piétons dans deux ou trois ans ; peut-être le savez-vous, si vous êtes en lien avec les industriels. Cette remarque d’ordre général n’appelle pas de commentaire particulier.
C’est pourquoi, sur la question des images, nous recommandons de prendre le temps et d’avoir une vue très large, sans rester sur des objectifs opérationnels étroits. C’est important, parce que nous sommes parfois piégés par nos connaissances technologiques du moment. C’est pour cette raison que nous avons voulu déposer des amendements de principe, en nous appuyant sur les finalités et sur des rapports qui posent des questions éthiques.
Il n’est pas inutile, de temps en temps, de laisser la réflexion décanter.
M. le président. Mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger un peu notre séance, afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à minuit, est reprise le jeudi 18 mars 2021, à zéro heure cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
L’amendement n° 372, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer les mots :
de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 174 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Requier et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
peuvent être transmises
par les mots :
sont transmises
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. L’article 21 vise à faciliter le recours aux caméras mobiles par les agents de la police et de la gendarmerie nationales, ainsi que par ceux de la police municipale. Nous nous réjouissons de la position de la commission des lois et des modifications adoptées à l’initiative de nos rapporteurs. Cela a été souligné, l’usage des vidéos n’a pas une vocation illustrative ni polémique, mais doit servir les agents dans leurs interventions, le maintien de l’ordre et la sécurité de nos concitoyens.
Toutefois, une disposition peut paraître étonnante : il est question que, lorsque la sécurité des agents ou celle des biens et des personnes est menacée, les images captées au moyen de caméras individuelles puissent être transmises en temps réel au poste de commandement. Elles le « peuvent », ce n’est donc pas une obligation. Cette transmission devrait justement être obligatoire, et non pas une simple possibilité offerte aux agents intervenants. L’objet de cet amendement est de procéder à une modification en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Monsieur le sénateur, ôtez-moi d’un doute : si cet amendement était adopté, nous rendrions obligatoire la transmission en direct des images au centre de commandement en cas de danger. C’est le policier ou le gendarme en situation qui endosserait la responsabilité de devoir transmettre, s’il éprouve un danger.
Sur un plan technique, tout d’abord, toutes les caméras ne sont pas à même de transmettre les images en direct. Vous imaginez la différence de coût entre une caméra qui enregistre simplement et une caméra équipée du matériel permettant la transmission au centre de commandement !
Quant à l’agent dans le feu de l’action, si l’on peut lui reprocher de ne pas avoir appuyé sur un bouton pour transmettre les images au moment où il éprouve un danger, cela crée deux difficultés, l’une technique, l’autre juridique, qui me poussent à vous demander de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Roux, l’amendement n° 174 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Roux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 174 rectifié est retiré.
L’amendement n° 361, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous y sommes défavorables, monsieur le président, parce que cet amendement vise à supprimer les remontées d’informations au ministère de l’intérieur concernant l’emploi des caméras individuelles des agents de police municipale.
Cet amendement est curieux, parce que je trouve au contraire intéressant que le ministère de l’intérieur dispose de remontées d’informations statistiques fiables sur l’emploi des caméras-piétons par nos polices municipales.
Dans son récent rapport thématique, la Cour des comptes critique pourtant sévèrement le ministère au sujet du manque de données fiables sur la vidéoprotection lato sensu, en particulier en ce qui concerne les dispositifs piétons.
M. le président. Je mets aux voix l’article 21, modifié.
(L’article 21 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 21
M. le président. L’amendement n° 248, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de l’article 21 de la présente loi, est complété par un article L. 241-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-…. – Dans l’exercice de l’une des activités mentionnées à l’article L. 611-1, les entreprises peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
« L’enregistrement n’est pas permanent.
« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des agents des entreprises exerçant des activités mentionnées au même article L. 611-1, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves, la formation et la pédagogie des agents ainsi que l’information du public sur les circonstances de l’intervention.
« Lorsque la sécurité des agents de sécurité privée ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention.
« Les caméras sont portées de façon apparente par les agents. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements lorsqu’ils sont consultés dans le cadre de l’intervention.
« Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.
« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement vise à adapter aux agents de sécurité privée le dispositif concernant les images. Nous voyons bien l’apport des images pour des agents désormais armés.
Cependant, certaines dispositions diffèrent pour les sociétés privées et la police, notamment en ce qui concerne l’équipement des armes. Certaines armes possèdent des caméras adaptées directement, comme les Tasers. Or, apparemment, les agents de sécurité privée ne peuvent pas utiliser certaines armes actuellement commercialisées.
Cet amendement a pour but de rendre une cohérence à la législation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Quand je vois le temps qu’il a fallu pour mener les expérimentations préalables à l’équipement des policiers municipaux, des sapeurs-pompiers, des gendarmes ou des policiers, je suis plus que réservé sur cette proposition.
Les agents de sécurité privée seraient autorisés à filmer en tous lieux, alors même qu’en l’état du droit les autorités publiques ne peuvent filmer que la voie publique. Les finalités proposées relèvent en fait de la police judiciaire, alors que ces agents n’en ont pas du tout le statut.
Par ailleurs, la durée de conservation de six mois est bien trop longue et même déraisonnable, alors qu’elle n’est que de trente jours pour la police…
Le régime porterait une atteinte excessive à la vie privée et constituerait une véritable délégation de prérogatives de puissance publique à des personnes privées, qui bénéficieraient à bien des égards de droits plus étendus que les policiers ou les gendarmes.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Dominati, l’amendement n° 248 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 248 est retiré.
L’amendement n° 364, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental, dans l’exercice de leurs missions de police des campagnes, les gardes champêtres peuvent être autorisés, par le représentant de l’État dans le département, à procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
L’enregistrement n’est pas permanent.
Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des gardes champêtres, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
Les caméras sont portées de façon apparente par les agents. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.
L’autorisation mentionnée au premier alinéa est subordonnée à la demande préalable du maire.
Lorsque l’agent est employé dans les conditions prévues au second alinéa du I et au premier alinéa du II de l’article L. 522–2 du code de la sécurité intérieure, cette demande est établie conjointement par l’ensemble des maires des communes où il est affecté.
Les modalités d’application du présent I et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
II. – L’expérimentation prévue au I du présent article s’applique pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au dernier alinéa du même I, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.
L’expérimentation est éligible au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance défini à l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à expérimenter l’usage des caméras individuelles pour les gardes champêtres.
M. le président. Le sous-amendement n° 386, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 364
1° Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
sont
insérer les mots :
fournies par le service et
2° Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
3° Alinéa 9
Remplacer les mots :
au second alinéa du I et au premier alinéa du II de
par le mot :
à
4° Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les observations des collectivités territoriales et établissements publics participant à l’expérimentation sont annexées au rapport.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 364.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel. S’il était adopté, il permettrait à la commission d’émettre un avis favorable sur l’amendement que M. le ministre vient de présenter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 386 ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 21.
L’amendement n° 231, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, le 30 juin 2021, un rapport détaillant l’équipement en aéronefs du ministère de l’intérieur. Ce rapport étaye le choix des fournisseurs et l’origine de fabrication des engins, ainsi que leurs caractéristiques techniques précises.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. le président. L’amendement n° 231 est retiré.
Article 22
Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord
« Art. L. 242-1. – Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions dans lesquelles les autorités publiques mentionnées aux articles L. 242-5 et L. 242-6 peuvent procéder au traitement d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote.
« Sont prohibés la captation du son depuis ces aéronefs, l’analyse des images issues de leurs caméras au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale, ainsi que les interconnexions, rapprochements ou mises en relation automatisés des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
« Art. L. 242-2. – Lorsqu’elles sont mises en œuvre sur la voie publique, les opérations mentionnées aux articles L. 242-5 et L. 242-6 sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
« Les images captées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.
« Art. L. 242-3. – Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. Une information générale du public sur l’emploi de dispositifs aéroportés de captation d’images est organisée par le ministre de l’intérieur.
« Art. L. 242-4. – La mise en œuvre des traitements prévus aux articles L. 242-5 et L. 242-6 doit être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention, pour une durée adaptée auxdites circonstances et qui ne peut être permanente. Elle ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données personnelles strictement nécessaires à l’exercice des missions concernées et s’effectue dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
« Les enregistrements peuvent être utilisés à des fins de pédagogie et de formation des agents.
« Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
« Art. L. 242-5. – I. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote dans le cas :
« 1° De crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à cinq ans ;
« 2° D’autres infractions, lorsque des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif.
« L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du procureur de la République territorialement compétent qui s’assure du respect des dispositions du présent chapitre. Elle détermine le périmètre et la période pour lesquels elle est valable, ainsi que les infractions concernées.
« II. – Dans l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de la sécurité publics, les services mentionnés au I peuvent également être autorisés à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote aux fins d’assurer :
« 1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou rétablir l’ordre public, lorsque les circonstances font craindre des troubles à l’ordre public d’une particulière gravité, ou lorsque des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif ;
« 2° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ;
« 3° La régulation des flux de transport ;
« 4° La surveillance des frontières en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;
« 5° Le secours aux personnes.
« L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du représentant de l’État dans le département et, à Paris, du préfet de police, qui s’assure du respect des dispositions du présent chapitre. Elle détermine le périmètre et la période pour lesquels elle est valable, ainsi que ses finalités.
« III. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, les services de l’État concourant à la défense nationale peuvent procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote dans le but d’assurer la protection des intérêts de la défense nationale et des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense.
« Art. L. 242-6. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours, les personnels des services de l’État et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile ou les membres des associations agréées de sécurité civile au sens de l’article L. 725-1 peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images aux fins d’assurer :
« 1° La prévention des risques naturels ou technologiques ;
« 2° Le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie ;
« 3° (Supprimé)
« Art. L. 242-7. – Les modalités d’application du présent chapitre et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 83 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 111 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 296 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 83.
M. Pascal Savoldelli. Cet article ouvre un cadre juridique à l’emploi des drones. Il encadre l’usage des caméras disposées sur les drones afin de veiller au respect de l’ordre public et de soutenir l’action des forces de l’ordre en opération. La collecte d’images par des drones serait autorisée, y compris - est-ce l’objectif ? - lors de manifestations sur la voie publique.
Bien que l’article ait été réécrit en partie par la commission, qui a effectué un travail de vigilance et d’alerte, il reste selon nous dangereux.
Ainsi, il prévoit que les personnes surveillées par drone en seront informées. Si vous nous garantissez vraiment, monsieur le ministre, que toutes celles et tous ceux qui seront ainsi surveillés en seront informés, nous pourrions peut-être retirer notre amendement… (Sourires.)
Vous êtes un fin technicien de l’image et de la communication et vous nous expliquez que les drones circulant au-dessus des manifestations informeront quasi mécaniquement ceux qui seront visionnés – cela devrait m’arriver assez souvent, soit dit en passant… Je vous avoue qu’à mon avis l’argument ne tient pas trop la route !
La Quadrature du Net, dans son analyse de la proposition de loi, estime que les personnes surveillées par drone ou caméra mobile ne pourront pas véritablement être informées. Or il s’agit d’une exigence constitutionnelle, monsieur le ministre, mais c’est aussi, pour ajouter une couche au millefeuille, une exigence du droit européen.
Nous vous demandons donc de faire œuvre de sagesse et de responsabilité, en acceptant la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 111.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 296 rectifié bis.
M. Thierry Cozic. L’article 22 prend l’apparence d’une disposition utile, puisqu’il vient combler un vide juridique, en proposant de définir le cadre légal d’utilisation des caméras aéroportées.
La nécessité d’inscrire dans notre droit un régime dédié à l’utilisation de cette technologie s’imposait d’autant plus que le Conseil d’État avait pointé une atteinte « grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée » à l’occasion de son utilisation par les forces de sécurité.
Néanmoins, en dépit des modifications apportées par la commission des lois, comme l’interdiction de la captation des sons, de la reconnaissance faciale et des interconnexions automatisées de données, les garanties censées assurer le respect de la vie privée sont insuffisantes et inappropriées.
En effet, l’article 22 ne précise pas comment il sera possible de rendre compatible l’usage des drones avec la condition impérative de ne pas visualiser les images de l’intérieur des domiciles et de leurs entrées.
De plus, les modalités de l’information du public ne sont pas précisées, sauf à se satisfaire de la formulation « par tout moyen approprié ».
En outre, ces protections sont aléatoires, car elles se trouvent conditionnées par des réserves qui les rendront le plus souvent inapplicables.
D’ailleurs, sur ce sujet, la commission des lois n’a pas apporté de réponse. Il n’est pas acceptable que le Parlement ne se prononce pas sur cette condition minimale, en se déchargeant sur le pouvoir réglementaire par un renvoi à un décret d’application.
Le périmètre servant de support est trop lâche en raison de la multiplicité et de la diversité des motifs susceptibles d’être invoqués pour justifier le recours aux drones à des fins de captation et d’enregistrement. À cet égard, la mobilisation de caméras aéroportées, notamment pour l’encadrement des manifestations, ne va pas sans soulever de fortes craintes sur le risque d’atteinte au droit de manifester.
Enfin, l’on ne saurait traiter ce sujet dans le cadre d’une simple proposition de loi.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Thierry Cozic. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 22.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous pourrions finalement décider d’en rester au droit actuel et de ne pas créer, alors que la CNIL et le Conseil d’État l’exigent, une base juridique pour l’utilisation des drones par les forces de sécurité intérieure et les services de secours, autrement dit interdire leur usage.
Mme Sophie Taillé-Polian. Exactement !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les appareils déjà acquis seront revendus sur eBay (Sourires.) ou sur une autre plateforme au choix ; ils ne seront plus utilisés pour les secours en montagne et dans les très nombreuses situations où il est utile de mettre la technologie au service de la sécurité des forces, mais aussi des citoyens.
Ce n’est pas la vision retenue par la commission. Nous pensons, comme nos collègues députés, qu’il faut donner un cadre juridique robuste à l’utilisation des drones, encadrer aussi les évolutions technologiques qui ne manqueront pas de se produire dans les années à venir et les mettre au service de nos forces.
Le progrès technique est aussi là pour rendre plus faciles, plus simples un certain nombre de missions, y compris de service public.
Par conséquent, je ne puis rendre qu’un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 22. Je vous invite plutôt à compléter le travail de la commission des lois, ce que certains d’entre vous n’ont pas manqué de faire, puisque nous nous apprêtons à examiner leurs amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne reviendrai pas sur les excellents arguments de M. le rapporteur et sur la nécessité de légiférer.
Pour répondre au défi de M. Savoldelli, quand une manifestation est déclarée, son parcours est connu : il est donc tout à fait envisageable d’informer les participants via des panneaux que cette manifestation est surveillée par drones, comme cela se passe dans les communes équipées de dispositifs de vidéoprotection – dans ces communes, des panneaux vous expliquent même comment récupérer les vidéos et faire valoir votre droit à l’image.
Par ailleurs, les manifestations ont lieu dans une commune ou un département donné. Une information pourrait tout à fait figurer sur le site internet de la préfecture du lieu concerné. Par exemple, le site de la ville de Tourcoing ou celui de la préfecture du Nord pourrait annoncer : « Manifestation du Parti communiste français à Tourcoing : cette manifestation autorisée sera vidéoprotégée par drones. » Il existe de nombreuses façons d’informer la personne concernée. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Je ne vois pas en quoi c’est incompatible, bien au contraire !
Enfin, il faut savoir que tous les pays occidentaux emploient des drones, sans cadre légal pour certains, comme l’a relevé M. le rapporteur. Certains pays utilisent même l’information vocale, par exemple au début, au milieu et à la fin de la manifestation.
Il y a donc plusieurs moyens, monsieur Savoldelli, d’informer les personnes vidéosurveillées ou vidéoprotégées par drones : vous pouvez donc tenir votre pari et retirer votre amendement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Si l’on veut protéger les manifestants et défendre leurs libertés constitutionnelles, il faut pouvoir repérer ceux qui viennent pour provoquer des débordements. Les équipements modernes le permettent. Par conséquent, autorisons leur utilisation dans un cadre contrôlé : ce serait sans doute une erreur de ne pas légiférer, comme vient de nous le rappeler Loïc Hervé. Il s’agit de protéger les personnes qui viennent manifester pacifiquement.
Rappelez-vous, lors de manifestations dites des gilets jaunes, combien de fois l’Assemblée nationale et le Sénat ont été attaqués. Nous avons été confinés un samedi, alors que nous examinions un projet de loi de finances. Souvenez-vous aussi des Black Blocs ! Ceux qui veulent casser la démocratie utilisent les avancées de la technologie ; utilisons des moyens modernes pour la défendre.
Nous, gardiens des libertés, légiférons convenablement, comme nous y invitent le rapporteur et le ministre.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je ne suis pas un spécialiste des drones, mais le rapport de la commission des lois est éclairant sur cet article 22.
Les caméras embarquées sur les drones peuvent être utilisées pour des usages variés et indispensables : reconstitution d’accidents graves, lutte contre les catastrophes naturelles, sécurité des biens et des personnes, etc. Dans le cadre de manifestations ou du maintien de l’ordre public, il y va de l’intérêt général : ne voyons pas le mal partout et faisons confiance pour essayer de progresser.
J’irai donc dans le sens de la commission des lois.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Au début de cette discussion, monsieur le ministre, vous disiez qu’on reprochait au Gouvernement de se rapprocher d’Orwell, alors qu’il serait plutôt du côté des libéraux ou de Tocqueville. Mais aujourd’hui, le libéralisme peine à assumer sa facette « libertés individuelles » et se restreint de plus en plus aux libertés économiques. Ce système économique conduit à tellement d’inégalités, de souffrances et d’injustices qu’il est contesté et provoque des mouvements sociaux.
Le nouveau monde qu’on nous fait miroiter depuis 2017 reflète justement ce libéralisme étriqué, réduit au libéralisme économique, et une certaine vision orwellienne.
Nous le voyons bien avec cette proposition de loi, avec les restrictions des libertés, avec le recours aux drones dans les manifestations, mais aussi avec l’usage de la novlangue dont parlait Orwell. Quand j’entends que les manifestations seront « vidéoprotégées », j’en rirais, si je ne me sentais pas de moins en moins protégée dans les manifestations en raison de l’usage des gaz lacrymogènes à tous les coins de rue ou du système de la nasse, de laquelle on ne peut plus sortir !
Avec ces pratiques, le droit de manifester est battu en brèche. Beaucoup de Françaises et de Français hésitent à manifester, parce qu’ils ont peur, non seulement en raison de la présence de Black Blocs – je ne nie pas qu’ils sont parfois présents –, mais aussi en raison de l’escalade dans la façon dont le maintien de l’ordre est mis en œuvre, qui s’apparente malheureusement plus à une escalade de désordre.
Donc oui, ces propositions d’utilisation de drones vont à l’encontre de la liberté de manifester, cela a été dénoncé notamment par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), et il faut s’y opposer fermement !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je ne prendrai pas le même point de départ que ma collègue Sophie Taillé-Polian ; il n’en reste pas moins que la disposition relative aux drones fait l’objet de nombreuses réserves, de la part notamment de la CNCDH, du Conseil d’État et de la Défenseure des droits.
Pour tout dire, il existe deux usages des drones : le maintien de l’ordre, et tout le reste. L’essentiel des arguments développés ce soir concerne le maintien de l’ordre. Or je ne suis pas persuadé, monsieur le ministre, que l’obligation d’information soit si facile à mettre en œuvre – j’aurais pu lancer le même pari que mon collègue Savoldelli… Hélas, je ne pense pas que cela soit possible.
L’Union syndicale des magistrats (USM) a souligné en audition la très grande latitude laissée aux forces de sécurité intérieure dans l’usage des drones. Le saut technologique, les capacités de captation, la facilité d’utilisation des drones changent tout de même le paradigme des images dans le maintien de l’ordre.
Si nous avions été rassurés par des garanties sérieuses, solides et robustes, nous aurions peut-être abordé cet article 22 avec une autre perspective.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je formulerai trois observations.
Première observation : oui, monsieur le ministre, telle organisation politique, syndicale ou associative déclarant en préfecture une manifestation a la responsabilité de celle-ci, mais la question soulevée par les drones est celle des libertés individuelles. (M. Jean-Pierre Grand proteste.) Tout individu peut participer à une manifestation sans s’identifier auprès de ses organisateurs – ce n’est jamais la manif du PCF, des Républicains, des Verts, du PS, etc. La majorité des Français ne se réclame d’aucune étiquette politique ou syndicale, mais ils ont le droit de conserver leurs libertés !
Deuxième observation : pour avoir participé à de nombreuses manifestations, notamment sur la loi El Khomri, et d’autres que moi l’ont vérifié, ne nous vendez pas les drones en nous parlant des Blacks Blocs, monsieur le ministre, car j’ai observé du laxisme. Nul besoin de drones pour identifier des pratiques, des identités vestimentaires et comportementales situées hors du champ de l’intérêt de la manifestation. Le problème était d’isoler ceux qui n’avaient rien à faire avec cette manifestation. Ce n’est pas une question de drones, mais de volonté politique ! (M. le ministre lève les yeux au ciel.) Ce que je vous dis ne vous plaît peut-être pas, mais c’est mon expérience ! (Marques d’approbation sur des travées du groupe GEST.)
Troisième observation : la CNIL a indiqué à la commission des lois du Sénat que l’usage de drones était dangereux, sur un critère autre que celui des libertés. Cela vaut tout de même le coup d’être examiné et de ne pas balayer d’un revers de main tous les arguments qui sont avancés dans l’hémicycle ! Par exemple, la CNIL s’inquiète de la miniaturisation et des capacités techniques des drones. Réfléchissons-y plutôt que de balayer l’argument avec des histoires d’organisation de manifestation à tel endroit ou à tel moment.
Nous sommes en train d’organiser la société : c’est un sujet sérieux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Nous sommes en train de vivre un moment assez exceptionnel.
Tout d’abord, je me réjouis d’entendre notre collègue regretter l’époque où le parti communiste était suffisamment puissant pour organiser et encadrer des manifestations dans les conditions que nous connaissions. Nous pouvons nous rejoindre sur ce point.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean-Pierre Grand. Mais ce que vous voudriez aujourd’hui, mes chers collègues, ce sont des manifestations sans policiers, sans drones, sans caméras. Or ce n’est plus possible ! Les manifestations ont changé de nature. Les militants qui défilent sont violents, et les Black Blocs qui se joignent aux cortèges le sont encore plus. La République et la démocratie doivent répondre à cette violence !
Les drones servent à faire de la régulation et à donner des indications sur les événements en cours. Je ne vois pas en quoi ce serait attentatoire à la démocratie. D’ailleurs, toutes les démocraties européennes font de même, car ceux qui cassent ne sont ni des démocrates ni des républicains.
M. Jérôme Bascher. Exactement !
M. Jean-Pierre Grand. Or nous sommes ici pour défendre la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je suis désolée, mais certains des excès de langage, auxquels nous assistons encore ce soir, sont inadmissibles. Je ne peux pas accepter d’entendre certains collègues amalgamer Black Blocs et militants qui défilent dans la rue pour défendre leurs droits !
M. Jean-Pierre Grand. Des militants communistes, il n’y en a plus !
Mme Éliane Assassi. Faisons attention à ce qui se dit ce soir dans l’hémicycle ! Un tel amalgame est honteux !
Monsieur Grand, je ne suis pas une Black Bloc ! Je suis une républicaine, et je manifeste avec d’autres pour défendre mes droits.
M. Jean-Pierre Grand. Je n’ai jamais dit le contraire !
Mme Éliane Assassi. Si ! Vous relirez le compte rendu de nos débats !
M. Jean-Pierre Grand. J’ai rendu hommage aux communistes !
Mme Éliane Assassi. La citoyenne que je suis veut que ses droits soient respectés.
Et, en effet, nous n’acceptons pas l’utilisation de drones, quand il s’agit de surveiller nos libertés et y porter atteinte, même si ces outils sont par ailleurs très utiles pour réaliser des films ou de jolis documentaires vus du ciel…
Comme le soulignait à l’instant Pascal Savoldelli, il y a des gens qui manifestent pacifiquement et qui n’ont pas envie d’être surveillés.
Le dispositif proposé est totalement contre-productif. Vous allez créer les conditions pour qu’à terme plus personne ne puisse manifester dans notre pays. Faisons bien attention : les temps peuvent changer. Et croyez bien que nous essayons d’œuvrer pour qu’ils ne changent pas dans le sens de l’avènement d’un régime que ni vous ni nous ne souhaitons.
M. Jean-Pierre Grand. Vous allez faire élire Mme Le Pen !
Mme Éliane Assassi. Je viens de dire exactement le contraire, monsieur Grand ; essayez de réfléchir un peu !
Faisons attention : il est des mesures que l’on croit justes, mais qui se révèlent à terme dangereuses !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je souscris aux propos de Mme Assassi. Comme elle, il m’arrive de participer en tant que simple citoyenne à des manifestations, ce fut le cas pour celle du 1er mai 2019 à Paris.
Or, lors de cette manifestation, qui était pacifique, bon enfant – nous avons défilé pendant quelques heures avec des personnes âgées et des poussettes –, nous avons à un moment vu au loin des gaz lacrymogènes. La foule a reflué et tout le monde a voulu quitter le cortège. Ce n’était pas possible ; nous étions nassés. J’ai voulu sortir avec ma fille et une amie ; à chaque rue adjacente, il y avait des CRS casqués. J’ai dû montrer ma carte de sénatrice, car j’avais peur et je voulais partir. Et c’est ainsi que l’on m’a laissé sortir avec quelques personnes.
Est-ce normal ? Quid des autres, qui voulaient faire comme nous et avaient peur d’être bousculés ? Car la foule refluait : tout le monde avait peur et souhaitait partir. On a tout de même le droit de manifester dans ce pays !
En tant que citoyenne, je n’ai pas du tout envie d’être filmée ! Pour moi, si un drone passe au-dessus des manifestants pour leur dire avec un haut-parleur qu’ils sont filmés, c’est que nous sommes passés dans un autre monde !
J’ajoute une dernière chose : les Black Blocs sont très peu nombreux. On peut sûrement les identifier et trouver un moyen de régler le problème, sans empêcher la grande majorité des manifestants d’exercer leur droit, comme ils le font depuis longtemps dans notre pays.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83, 111 et 296 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 348, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Caméras aéroportées
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote
III. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 9
1° Première phrase
Remplacer le mot :
et
par le mot :
à
et le mot :
auxdites
par les mots :
à ces
2° Seconde phrase
Remplacer le mot :
personnelles
par les mots :
à caractère personnel
V. – Alinéas 13 à 23
Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 242-5. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique et de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images aux fins d’assurer :
« 1° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants ;
« 2° Lorsque les circonstances font craindre des troubles à l’ordre public, la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public ;
« 3° La prévention d’actes de terrorisme ;
« 4° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;
« 5° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ;
« 6° La régulation des flux de transport ;
« 7° La surveillance des littoraux et des zones frontalières ;
« 8° Le secours aux personnes.
VI. – Alinéa 24
Supprimer la mention :
III. –
et les mots :
circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote
VII. – Alinéa 25
Supprimer les mots :
circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’article 22 – je pense que nous aurons des divergences avec la commission – afin de rétablir celle qui résultait des travaux de l’Assemblée nationale.
Nous voulons notamment supprimer le régime d’autorisation administrative préalable, qui complexifierait grandement, selon nous, l’utilisation des drones.
Il a été beaucoup question d’ordre public, mais les drones ont bien d’autres usages. Ils sont par exemple précieux dans la lutte contre le trafic de stupéfiants ou l’insécurité galopante, lorsque les caméras sont dégradées ou détruites – Jérôme Bascher y a fait référence –, voire lorsque l’on ne peut tout simplement pas en installer du fait de l’impossibilité de faire passer la fibre ou de problèmes de hauteur.
Vous comprenez bien que cela va singulièrement compliquer le travail de nos forces de l’ordre, s’il faut une autorisation préalable à chaque utilisation de drones par la police ou la gendarmerie.
Notre désaccord avec la commission porte donc non pas sur le fond, mais sur la forme. Il n’en est pas moins important, car la mesure envisagée alourdit sensiblement les tâches administratives et judiciaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. M. le ministre vient de souligner la différence d’approche entre le Gouvernement et nous.
Depuis le vote du texte à l’Assemblée nationale, il s’est passé des choses. Je pense en particulier à la saisine pour avis que le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, a adressée à la CNIL avec l’accord du président du Sénat. La CNIL a donc délibéré, et sa présidente, Marie-Laure Denis, est venue nous présenter ses conclusions lors d’une audition, à laquelle nombre de sénateurs commissaires aux lois ont assisté. C’est un avantage considérable du bicamérisme à la française. Je me réjouis à cet égard de la disposition législative adoptée en 2018 qui permet désormais à un président de commission permanente d’une des deux assemblées de saisir pour avis une autorité administrative indépendante comme la CNIL sur un texte en discussion – c’est une évolution très importante.
L’adoption de cet amendement, auquel je suis évidemment défavorable, conduirait le Sénat à tirer un trait sur l’ensemble des nouvelles garanties que nous proposons. Celles-ci sont très variées.
Nous avons recentré le nouveau régime juridique sur les seuls drones, c’est-à-dire des appareils n’ayant pas de pilote, pour bien faire la distinction avec d’autres régimes plus souples dont nous discuterons plus tard, comme celui qui s’applique aux caméras embarquées dans les hélicoptères.
Nous voulons mieux encadrer les finalités justifiant l’usage de drones, en le réservant à certaines circonstances où ces appareils sont particulièrement adaptés : les infractions graves ou les lieux difficiles d’accès ou exposant les agents à des dangers particuliers.
Nous souhaitons aussi prévoir un régime souple d’autorisation par le préfet ou le procureur, selon les cas, lorsque les drones sont utilisés dans le cadre d’opérations de police administrative ou judiciaire.
Pour avoir moi-même installé trente et une caméras dans la commune de Haute-Savoie dont j’ai été maire, je puis en témoigner : l’encadrement de la CNIL est extrêmement dur – M. Richard l’a évoqué – et le regard du représentant de l’État dans le département l’est tout autant, qu’il s’agisse de l’accompagnement en amont des maîtres d’ouvrage, avec le conseil de la police ou de la gendarmerie, ou de l’arrêté préfectoral, qui est circonstancié.
Nous avons également introduit des interdictions expresses sur la reconnaissance faciale, les interconnexions automatisées de données et la captation de sons. Un vote du Parlement serait évidemment nécessaire pour revenir sur ces interdictions.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je souhaite obtenir une précision.
Si j’entends les arguments de M. le rapporteur sur le contrôle, j’entends également ceux de M. le ministre sur la simplification. Toute la difficulté est de trouver un juste équilibre entre la nécessité de pouvoir justifier des actions et celle d’être opérationnel. Dans cette perspective, je ne souhaite pas que les procédures soient excessivement lourdes.
Comment pouvons-nous garantir une réactivité et une capacité d’action, tout en répondant aux différentes questions que le dispositif soulève ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il est absolument nécessaire d’apporter des garanties chaque fois qu’il y a un risque d’atteinte à une liberté publique. C’est le sens de la position de la commission des lois – François-Noël Buffet l’a dit.
Personnellement, je considère que le préfet, en matière de police administrative, et le procureur, en matière de police judiciaire, ont intérêt à avoir connaissance des matériels, dont les forces disposent pour mener des opérations.
Mais j’entends les arguments des uns et des autres. Ils permettront de nourrir le débat avec nos collègues députés en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. En pratique, certaines interventions seront empêchées à cause des démarches administratives à mener, quand d’autres seront autorisées. Le problème se pose déjà en matière judiciaire : certains procureurs autorisent des actions dans des caves ou des halls d’immeubles, tandis que d’autres, plus sourcilleux, les refusent.
Nous risquons donc d’être confrontés à des distorsions dans les interventions judiciaires et administratives, même si le ministère de l’intérieur peut donner des consignes générales.
Monsieur le rapporteur, je ne fais pas la même lecture que vous de l’avis de la CNIL. Il ne m’a pas semblé que l’autorisation administrative préalable de l’usage du drone devait être érigée en obligation générale.
Et, de toute façon, même s’il ne m’appartient pas de dire au Parlement comment il doit faire la loi – lorsque j’étais député, j’étais très sourcilleux sur le respect du pouvoir parlementaire –, je ne considère pas que l’avis d’une autorité administrative doive nécessairement engager le législateur. Si c’était le cas, nous risquerions de nous retrouver dans une situation où des contraintes formulées par les autorités administratives finiraient par entraver l’action.
Certes, les avis de la CNIL sont éclairés et utiles, ils nous aident à avancer, mais il est aussi des circonstances où on peut peut-être provoquer le destin.
Je crois que les drones seront très efficaces, comme c’est le cas chez nos voisins européens. Que ce soit en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni ou en Belgique, leur utilisation est généralisée de longue date.
Aujourd’hui, le ministère de l’intérieur ne fait plus voler de drones, parce que la CNIL a réclamé un encadrement législatif ; nous sommes en train de le mettre en place. En attendant, il n’est plus possible d’en faire voler, sauf en cas d’attaque terroriste – et encore, nous ne sommes pas tout à fait certains que la législation le permette.
Pendant ce temps, partout autour de nous, nos voisins font voler des drones pour lutter contre le trafic de stupéfiants ou les violences urbaines.
L’amendement du Gouvernement vise également à permettre la captation et l’enregistrement d’images par les hélicoptères et les ballons captifs, comme cela existe déjà. La commission des lois du Sénat s’y oppose ; nous nous en étonnons, car nous estimons que la prise d’images par les hélicoptères ou les ballons captifs facilite les interventions.
Ainsi, hier soir, à Blois, l’utilisation d’hélicoptères a permis de rétablir l’ordre public dans un quartier – certes, il a tout de même fallu envoyer quelques centaines de gendarmes sur le terrain –, car nous n’avions pas forcément « les yeux » pour voir ce qui se passait. Il eût sans doute été plus économe en effectifs et plus efficace en termes de maintien de l’ordre public de pouvoir disposer d’une retransmission d’images.
D’ailleurs, face aux feux de forêt, nous utilisons des drones et des hélicoptères pour faciliter l’intervention des pompiers. Il n’y a aucune raison qu’en France tout le monde puisse utiliser de tels appareils, sauf la police ou alors dans des conditions extrêmement compliquées.
Je maintiens évidemment l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Nous sommes sur une ligne de crête. Nous savons tous qu’il faut améliorer l’efficacité de la police et de la gendarmerie dans le maintien de l’ordre.
Mais notre Haute Assemblée a une spécificité, monsieur le ministre. Depuis plusieurs années, le Gouvernement restreint – hélas ! – les libertés publiques, par exemple face à la crise du covid. Or, au Sénat, nous sommes particulièrement chatouilleux sur ces questions ; nous souhaitons que le Gouvernement revienne régulièrement devant nous pour savoir s’il peut confiner le pays.
Vous comprendrez que, face à cette offensive qui tend à restreindre les libertés publiques, nous ayons quelques réticences.
Pour autant, il est également vrai – mon collègue et ami sénateur de l’Hérault l’a très bien souligné – que certaines forces sont à l’œuvre pour détruire la démocratie. Il est important d’avoir cela en tête.
Nous devons donc trouver un juste équilibre. Ce sera le rôle de la commission mixte paritaire.
La France est passée à côté des drones militaires, par méfiance envers les appareils sans pilote. Nous avons été en retard d’une bataille, comme en 1940. Ne passons pas à côté des drones civils pour la protection de nos concitoyens !
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 116 amendements au cours de la journée ; il en reste 126.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 18 mars 2021 :
À dix heures trente, quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale (texte de la commission n° 410, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 18 mars 2021, à zéro heure quarante-cinq.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mme Françoise Dumont, MM. Mathieu Darnaud, Loïc Hervé, Hussein Bourgi, Patrice Joly et Thani Mohamed Soilihi ;
Suppléants : Mmes Muriel Jourda, Catherine Belrhiti, Catherine Di Folco, MM. Hervé Marseille, Jérôme Durain, Stéphane Artano et Mme Éliane Assassi.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER