Sommaire
Présidence de M. Pierre Laurent
Secrétaires :
MM. Jacques Grosperrin, Joël Guerriau.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
covid et annulation des dettes fiscales et charges sociales des entreprises
M. Hervé Marseille ; M. Jean Castex, Premier ministre.
situation de la culture après un an de crise sanitaire
M. Pierre Ouzoulias ; Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture.
M. Xavier Iacovelli ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
journée internationale des droits des femmes
Mme Annie Le Houerou ; Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
M. Henri Cabanel ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; M. Henri Cabanel.
Mme Esther Benbassa ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Emmanuel Capus ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics ; M. Emmanuel Capus.
situation dans les universités
M. Pascal Allizard ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; M. Pascal Allizard.
organisation des centres de vaccination dans les communes
Mme Christine Lavarde ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Christine Lavarde.
situation des travailleurs des plateformes numériques
M. Olivier Jacquin ; M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail ; M. Olivier Jacquin.
Mme Annie Delmont-Koropoulis ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
situation en nouvelle-calédonie
Mme Jocelyne Guidez ; M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer ; Mme Jocelyne Guidez.
lutte contre la violence chez les jeunes
Mme Céline Boulay-Espéronnier ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur ; Mme Céline Boulay-Espéronnier.
M. Gilbert Roger ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Isabelle Raimond-Pavero ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; Mme Isabelle Raimond-Pavero.
Suspension et reprise de la séance
3. Modifications de l’ordre du jour
4. Service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer
Mme Françoise Dumont, rapporteure de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Amendement n° 3 de Mme Victoire Jasmin. – Adoption.
Amendement n° 9 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 6 de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Amendement n° 2 de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 7 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 4 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° 11 rectifié de M. Guy Benarroche. – Retrait.
Amendement n° 13 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 10 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 5 de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Article 3 (suppression maintenue)
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
6. Fonction de directrice ou de directeur d’école. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports
M. Julien Bargeton, rapporteur de la commission de la culture
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 21 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Max Brisson. – Devenu sans objet.
Amendement n° 3 rectifié de M. Max Brisson. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 44 rectifié de M. Jacques Grosperrin. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié quinquies de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 45 rectifié de M. Jacques Grosperrin. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié ter de M. Max Brisson. – Adoption.
Amendement n° 46 rectifié de M. Jacques Grosperrin. – Adoption.
Amendement n° 7 rectifié ter de M. Max Brisson. – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
8. Fonction de directrice ou de directeur d’école. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Article 2 (suite)
Amendement n° 34 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié quater de M. Pierre-Jean Verzelen. – Non soutenu.
Amendement n° 50 de Mme Nadège Havet. – Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 27 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié ter de M. Max Brisson. – Adoption.
Amendement n° 10 rectifié ter de M. Max Brisson. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendements identiques nos 40 rectifié de Mme Nathalie Delattre et 48 rectifié de M. Jacques Grosperrin. – Devenus sans objet.
Amendement n° 31 rectifié de Mme Sonia de La Provôté. – Devenu sans objet.
Amendement n° 11 rectifié ter de M. Max Brisson. – Adoption.
Amendement n° 41 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 42 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Devenu sans objet.
Amendement n° 25 de Mme Marie-Pierre Monier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 36 de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 43 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 14 rectifié ter de M. Cédric Vial. – Rejet.
Amendement n° 29 de Mme Céline Brulin. – Adoption.
Amendement n° 26 de Mme Marie-Pierre Monier. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 7 (suppression maintenue)
Adoption, par scrutin public n° 87, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Laurent Lafon, président de la commission
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Pierre Laurent
vice-président
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous prie d’excuser l’absence du président du Sénat, retenu aux obsèques d’un ancien sénateur.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, tant celui des orateurs que celui du temps de parole.
covid et annulation des dettes fiscales et charges sociales des entreprises
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Marseille. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Les conséquences économiques de la pandémie seront dévastatrices. Pour l’instant, les aides en masquent l’ampleur, mais lorsque cessera la perfusion, le choc risque d’être terrible. Dans le seul secteur de la restauration, les professionnels s’attendent à environ 30 % de faillites.
Dans ce contexte, si l’étalement des charges sur trois ans pour les entreprises faisant l’objet d’une obligation de fermeture administrative a bien entendu été salutaire, il est certain que cette mesure ne suffira pas. Certaines entreprises resteront fermées plus d’un an, et lorsqu’elles rouvriront, la reprise de leur activité sera très progressive. Leur appliquer des charges passées en plus des charges régulières durant cette période de reprise reviendrait à leur porter le coup de grâce, si bien que beaucoup renonceront à rouvrir.
À terme, il paraît difficile de ne pas accorder des annulations au moins partielles de charges. C’est d’ailleurs ce que vous avez fait en exonérant les entreprises de charges sociales durant le second confinement, entre le 1er septembre et le 30 novembre 2020.
À nos yeux, ce dispositif devra inévitablement être élargi. Dès avril dernier, mon groupe avait proposé d’annuler les charges des PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 %, cela afin de cibler la mesure sur les entreprises les plus affectées et de limiter son impact sur les finances publiques.
On nous avait répondu à l’époque qu’un tel dispositif serait encore trop lourd pour le budget de l’État et de la sécurité sociale. Nous pouvons l’entendre. Pour autant, monsieur le Premier ministre, à l’occasion de l’un des derniers comités de contrôle et de liaison, j’avais déjà attiré votre attention sur ce sujet et vous m’aviez répondu que vous aviez ce dossier dans le viseur. Je suis donc tenté de vous demander aujourd’hui : quand allez-vous tirer ? (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, monsieur le président Marseille, je vous remercie de votre question qui me donne l’occasion de souligner après vous l’impact extrêmement fort de la crise sanitaire sur les acteurs économiques, qu’il s’agisse des entreprises, des salariés ou des travailleurs indépendants, et de rappeler – vous l’avez d’ailleurs reconnu dans votre question – que le Gouvernement et le Parlement ont déployé des moyens d’accompagnement extrêmement massifs qui, en termes comparatifs, sont reconnus comme tels, au bénéfice des entreprises, de leurs salariés et des travailleurs indépendants depuis le début de cette crise qui dure.
Ces moyens massifs ont été adaptés. Ainsi, au fur et à mesure que le temps passait, nous avons su rehausser le niveau de nos interventions pour un certain nombre de secteurs encore plus affectés que d’autres. Je ne reviens ni sur les prêts garantis par l’État (PGE), ni sur le fonds de solidarité, ni sur les exonérations de charges qui ont été décidées et qui sont toujours à l’œuvre.
Le premier élément de réponse, monsieur le président, est qu’avant même de connaître les conditions dans lesquelles nous « débrancherons » les aides le moment venu – pardonnez-moi l’expression –, nous avons la lucidité politique de les prolonger tant que la crise dure.
Nous examinerons, notamment dans le cadre de la conférence du dialogue social que je réunirai la semaine prochaine, un certain nombre de ces dispositifs au regard de la situation économique et sociale.
Vous m’avez interrogé plus particulièrement sur la question des dettes fiscales et sociales des entreprises. Permettez-moi de rappeler au Sénat que, sur le plan fiscal, ce sont près de 25 milliards d’euros qui n’ont pas été prélevés auprès des entreprises, qu’il s’agisse de reports ou de remboursements accélérés de créances, et que nous avons mis en place des plans de règlement long – vous l’avez souligné – sur une durée pouvant aller jusqu’à trois ans.
Sur le plan social, le soutien est historique puisque les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs les plus touchés ont bénéficié de mesures d’exonération qui ont donc acquis un caractère définitif. Ce sont ainsi près de 8 milliards d’euros de charges sociales qui ont été annulés sur la seule année 2020. Ainsi que je l’indiquais il y a un instant, ce dispositif reste actif.
Nous avons également permis les reports que vous avez évoqués. Ces facilités de trésorerie consenties depuis le printemps de l’année dernière par les Urssaf s’élèvent à près de 12 milliards d’euros pour près de 900 000 entreprises, et à 13 milliards d’euros pour les travailleurs indépendants.
Les remboursements de cette dette fiscale et sociale seront bien entendu adaptés à la situation de chaque entreprise. Au-delà du « débranchement » qui – je le répète – n’est pas encore d’actualité, nous devrons mettre en œuvre des mesures au cas par cas. Au total, un effort considérable aura été réalisé, permettant de ne pas déclencher des plans d’apurement de manière anticipée en tenant compte de la situation des entreprises et en lissant au maximum les remboursements de dettes. Nous poursuivrons notre action dans la même logique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation de la culture après un an de crise sanitaire
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le Premier ministre, regardez cet hémicycle : un fauteuil sur deux est libre.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Pierre Ouzoulias. Sous la haute autorité du président Larcher, nous respectons en ce lieu les normes sanitaires, et le Sénat n’est pas un foyer épidémique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, INDEP, UC et Les Républicains.)
Dans le respect des mêmes normes sanitaires, soit la vacance d’un fauteuil sur deux, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous autoriser la réouverture des salles de cinéma, des salles de spectacle et des salles de concert ? (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
En 2020, votre gouvernement a consacré près d’un milliard d’euros pour garantir les droits aux allocations des intermittents du spectacle. Cet argent aura été dépensé en pure perte si votre gouvernement ne met pas en place maintenant des aides spécifiques pour accompagner les artistes dans la reprise de leur activité.
Or votre gouvernement, dans le cadre général d’une réforme de l’assurance chômage que nous dénonçons, a lancé une mission de réflexion sur le régime de l’intermittence et a souhaité notamment que soit étudiée sa convergence avec le régime général tel qu’il sera réformé pour « ne pas générer d’inégalités supplémentaires entre ceux-ci ».
Le monde de la culture, avec d’autres, a été durement touché par la pandémie. Les artistes ont besoin d’un fort soutien de la Nation, maintenant, et ils ont besoin d’être rassérénés par l’assurance de la pérennité d’un régime qui garantit leur existence.
Monsieur le Premier ministre, la culture n’est pas accessoire, secondaire ou subalterne ; elle est essentielle, car elle constitue l’essence même de notre Nation. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre question, Pierre Ouzoulias, vous qui connaissez bien le monde de la culture, est l’occasion pour moi de rappeler quelques points de contexte.
Premièrement – Olivier Véran y reviendra certainement en détail dans quelques instants –, la pandémie continue de toucher durement notre pays et l’Europe. (Exclamations ironiques.)
Deuxièmement, les lieux culturels et les lieux de spectacle sont fermés pour 85 % des citoyens européens parce qu’on mène en Europe une politique de prévention.
Troisièmement, dans aucun pays européen, dans aucun pays du monde on ne soutient le monde de la culture comme on le soutient dans notre pays ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Tels sont les éléments de contexte.
Nous travaillons à maintenir les droits des intermittents. La ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et moi-même avons confié une mission à M. André Gauron, qui rendra dans quelques jours ses conclusions. En aucune façon nous ne reviendrons sur les droits des intermittents. Au contraire, nous les protégerons, car c’est absolument indispensable. Nous travaillons même à améliorer le dispositif, en particulier pour les primo-entrants, parce qu’il faut protéger nos jeunes.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Une réunion aura lieu demain à Matignon. Nous ferons des annonces importantes pour le monde de la culture, car nous voulons le protéger.
Quoi qu’il en soit, permettez-moi d’insister sur un point très important : l’occupation des lieux de culture n’est pas le bon moyen d’agir. Nous connaissons les difficultés que rencontre le monde de la culture, mais ces manœuvres sont inutiles et même dangereuses, car elles menacent des lieux patrimoniaux fragiles. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. David Assouline. Ils ne sont en rien menacés !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je le répète, nous protégeons les artistes et nous continuerons à les protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. André Reichardt applaudit également.)
reste à charge zéro
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, nombre de nos concitoyens doivent renoncer à se soigner et sont ainsi privés de la possibilité de voir ou d’entendre correctement, parfois même de sourire. Ces difficultés d’accès aux soins entraînent chaque fois des drames individuels, comme le rappelait le Président de la République lors du 42e congrès de la Mutualité française.
Lorsque les Français, faute de moyens, renoncent à une nouvelle paire de lunettes ou à un appareil auditif, c’est notre pacte social qui est abîmé. C’est pourquoi, dès 2019, le Gouvernement a mis en place la réforme du « 100 % santé ». Après les soins dentaires et l’optique l’an dernier, les aides auditives sont désormais prises en charge à 100 % depuis le 1er janvier 2021.
Permettre aux Français, notamment les plus fragiles, d’accéder à des soins de qualité : telle est l’ambition de cette réforme de justice sociale. Nous en avons désormais la certitude : cette réforme porte ses fruits. Demain, jeudi 11 mars, paraîtra une étude Harris Interactive pour l’UFC-Que choisir et le réseau Santéclair montrant que 50 % des ventes d’appareils auditifs réalisées en janvier et en février de cette année ont porté sur des offres sans reste à charge.
Cette réforme bénéficie à tous : aux Français, bien sûr, en premier lieu, mais aussi aux assureurs, aux mutuelles et aux professionnels, car tout en préservant la clientèle existante, un nouveau public accède désormais à des produits sans reste à charge.
Depuis le début de la crise, le Président de la République fait du made in France en matière de santé une priorité absolue. Il s’agit de soutenir davantage nos PME françaises, mais également de faciliter les approvisionnements et de les rendre plus responsables.
Il s’agit aussi de défendre notre souveraineté sanitaire, qui passera par un soutien à la production française de ces dispositifs médicaux qui sont désormais parfois le quotidien des Français. La création d’un label visant à mieux informer nos concitoyens et à les éclairer dans leurs choix constituerait à cet égard une piste de réflexion intéressante.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre (Exclamations ironiques et applaudissements.)…
Elle arrive ! Je sais que cela vous dérange !
Monsieur le ministre, comment rendre cette réforme plus lisible pour que les Français s’en saisissent pleinement tout en favorisant la production française et en soutenant nos PME ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et marques d’amusement sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Iacovelli, votre question porte sur un sujet absolument fondamental pour notre pays, car il se trouve à la croisée des chemins entre le sanitaire et les solidarités.
La réforme du « 100 % santé » a été mise en place par ma prédécesseure sur l’initiative du Président de la République. Il s’y était engagé dans son programme, et cet engagement a été tenu. Cela fait deux ans que cette réforme est mise en œuvre de manière progressive, et depuis 1er janvier 2021, elle s’applique pleinement avec des résultats spectaculaires.
Le renoncement aux soins pour raisons financières concernait 10 % des Français s’agissant des soins optiques et 17 % des Français en matière de soins dentaires. De plus, seulement 35 % des personnes souffrant de problèmes auditifs se faisaient prescrire une audioprothèse. Notre objectif majeur était de lutter contre ce renoncement aux soins.
Nous avons plafonné les tarifs des prothèses, puis nous avons mis en place un début d’offre « 100 % santé » entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Depuis le 1er janvier 2021, le panier dentaire « 100 % santé » a été élargi à 57 nouvelles prothèses, et l’offre en audiologie est désormais garantie sans reste à charge.
Concrètement, en 2018, le reste à charge pour une aide auditive s’élevait à 1 700 euros ; ce montant s’élevait à 800 euros en 2020 ; il est de zéro euro en 2021.
Comme vous l’avez indiqué, les résultats sont déjà au rendez-vous : malgré la crise sanitaire, 48 % des prothèses dentaires posées entre janvier et septembre 2020 sont incluses dans le panier « 100 % santé » sans reste à charge pour les Français.
Vous avez évoqué les entreprises françaises. Parmi les prothèses proposées, certaines sont d’origine française. Les verres sont traités antirayures, antireflets et amincis. Il ne s’agit absolument pas de matériel low cost ou au rabais.
Les Français sont déjà très nombreux à bénéficier de cette offre « 100 % santé ». J’ai la conviction qu’ils seront plus nombreux demain, et davantage encore dans quelques mois, si bien que, dans quelque temps, nous aurons peut-être oublié ce qu’était le renoncement aux soins pour bien voir, bien manger, bien entendre et bien parler. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
journée internationale des droits des femmes
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le Premier ministre, le lundi 8 mars, nous avons célébré la journée internationale des droits des femmes. Il y a 110 ans, en mars 1911, Clara Zetkin et l’Internationale socialiste des femmes célébraient cette journée pour la première fois. Elles revendiquaient la fin des discriminations au travail.
En 2021, dans la société française, les inégalités liées au travail sont bien réelles. L’écart salarial brut entre les hommes et les femmes est de 28 %. À l’heure de la retraite, les femmes perçoivent en moyenne une pension inférieure de 41 % à celle des hommes. Tel est le triste résultat des inégalités professionnelles et des carrières précarisées des femmes.
Celui-ci s’explique par les temps partiels subis, par le fait que 80 % des familles monoparentales sont portées par les femmes, par l’accès réduit aux postes d’encadrement. La crise du covid a révélé ces inégalités avec force.
Les femmes sont en première ligne pour nous soigner : 97 % des infirmières et 87 % des aides-soignantes sont des femmes. Elles sont en première ligne pour prendre soin de nos aînés et des personnes vulnérables, puisque 97 % des aides à domicile sont des femmes. Elles sont majoritaires dans les métiers de l’éducation, de la grande distribution, dans le secteur de la propreté, métiers dits « essentiels ».
Revalorisons ces métiers et nous ferons coup double : nous réduirons l’écart de rémunération et nous sortirons des préjugés et des stéréotypes existant sur ces métiers en tension qui intéressent aussi les hommes.
Vous avez fait un premier pas avec le Ségur de la santé en revalorisant les carrières des professionnels de santé rattachés aux hôpitaux, mais vous en avez exclu, par exemple, les sages-femmes et tout le champ du social et du médico-social, dont les aides à domicile.
Monsieur le Premier ministre, les premières de corvée sont-elles les oubliées des premiers de cordée qui forment le cabinet présidentiel ? Êtes-vous prêt à revaloriser les métiers du social et du médico-social, qui représentent plus de 1 million de salariés, dont 175 000 postes à pourvoir à l’échelle nationale d’ici 2025 ? Donnez les moyens aux gestionnaires de ce secteur, quel que soit leur statut, de relever ce défi ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, les chiffres que vous venez de partager sont édifiants.
J’ajoute que, dans notre pays qui est celui des droits de l’homme et de la femme, seulement 2 % des entreprises atteignent la parité parfaite en 2021. Aujourd’hui, encore 13 % de nos entreprises n’augmentent pas le salaire des femmes qui rentrent de congé maternité, alors même que c’est une obligation. Il est d’autant plus urgent d’agir que je suis convaincue que l’émancipation des femmes passera aussi par leur indépendance économique.
Notre gouvernement agit. Le Ségur de la santé, que vous avez cité, est une étape extrêmement importante, mais il faut la compléter. Nous avons créé l’index de l’égalité salariale femmes-hommes. La France est ainsi l’un des pays qui agissent le plus en faveur de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, non seulement au niveau européen, mais aussi au niveau mondial. Cela étant, nous ne devons pas nous arrêter là.
C’est pourquoi nous avons également créé le congé paternité. Nous en avons longtemps parlé dans notre pays ; ce gouvernement l’a mis en place parce qu’une meilleure répartition des tâches dans les foyers est nécessaire pour que les femmes se sentent plus libres d’avancer dans leur vie.
L’émancipation économique des femmes passe aussi par la lutte contre les précarités qui touchent souvent les familles monoparentales, dont 85 % sont portées par des femmes. C’est pourquoi nous avons créé un nouveau service public qui permet aux femmes de toucher les pensions alimentaires directement via les caisses d’allocations familiales. En effet, il est très difficile pour ces femmes de subir une baisse de 20 % de leur budget.
Vous avez également évoqué la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne. Élisabeth Borne mène en ce moment en concertation avec les partenaires sociaux une revalorisation des métiers dits « de la deuxième ligne » : les hôtes et hôtesses de caisse, les éboueurs, les agents d’entretien, les aides à domicile, qui se sont tous mobilisés de manière exceptionnelle durant cette pandémie. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. En conclusion, madame la sénatrice, pour réaliser cette égalité économique entre les femmes et les hommes, nous devons mener des politiques très volontaristes. Une proposition de loi a été déposée en ce sens à l’Assemblée nationale, et je m’en réjouis. (Mêmes mouvements.) Le chemin vers l’égalité est encore long,…
M. le président. Il faut vraiment conclure, madame la ministre.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. … mais je suis à votre disposition pour mener ce combat.
Je tiens d’ailleurs à souligner le travail exceptionnel réalisé par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur ce sujet.
stratégie vaccinale (i)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le message envoyé le dimanche 7 mars par la direction générale de la santé à propos de l’interruption des livraisons de vaccins pour une semaine aux généralistes au profit des officines a suscité la stupéfaction des médecins, de leurs patients, mais aussi des pharmaciens.
Les personnes qui devaient être vaccinées la semaine prochaine dans les cabinets voient donc leur rendez-vous annulé, sans même savoir si les pharmaciens prendront le relais. À vouloir multiplier les vaccinateurs sans coordination, on ne multiplie ni les vaccins ni les vaccinés.
Les enjeux définis sont la santé publique et son efficacité. Multiplier les acteurs et les centres de vaccination est évidemment un objectif louable. La vaccination s’est incontestablement accélérée, et c’est un point fort. Il est important de stabiliser l’organisation en place pour monter en puissance ensuite, car les professionnels et les citoyens ne comprennent plus ces changements de cap.
Il y a un réel problème de méthode dans la gestion de cette crise sanitaire. Il ne s’agit pas de critiquer pour critiquer, mais de comprendre les décisions pour gagner en acceptabilité. Pourquoi ne pas passer par une organisation territoriale, comme vous l’avez fait pour les confinements avec l’appui des élus locaux, en permettant aux pharmaciens de vacciner, tout comme les infirmiers et les sages-femmes, dans les territoires dépourvus de médecins ou lorsqu’il n’y a pas assez de médecins volontaires, et non pas à leur place ?
Cette décision va démobiliser les médecins engagés qui ont fait acte de citoyenneté en se mobilisant à vos côtés pour accélérer la vaccination.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer les motivations qui vous ont conduit à prendre cette décision ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Henri Cabanel, je vous remercie de votre question qui va me permettre de clarifier les choses. En effet, en vous écoutant, je comprends que cela est nécessaire, d’autant que j’admets tout à fait que, sur la forme, un communiqué de quelques lignes introduit à la fin d’un document important envoyé un dimanche soir ait pu susciter quelque émoi.
Monsieur le sénateur, je souhaite revenir sans attendre sur un point : vous avez indiqué que les vaccinations organisées par les médecins libéraux la semaine prochaine devaient être annulées. Je vous réponds sans aucune hésitation que c’est faux. (Protestations sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)
La totalité des doses de vaccins commandées la semaine dernière par des milliers de médecins généralistes qui arrivent cette semaine, soit 765 000 doses, leur seront fournies à partir de jeudi et vendredi, et pourront donc être utilisées pour vacciner leurs malades comme cela était prévu la semaine prochaine. Je souhaite lever cette ambiguïté, car, comme vous, j’ai été contacté par de nombreux médecins qui s’alarment de ne pas avoir leurs doses.
En revanche, nous avons indiqué aux médecins que, pour la semaine suivante, les livraisons du laboratoire AstraZeneca seront réduites à peau de chagrin – et je le déplore –, puisque, en lieu et place des 765 000 doses livrées sur notre territoire cette semaine, nous n’aurons la semaine prochaine que quelque 260 000 ou 280 000 doses de vaccin.
Nous avons donc informé les nombreux médecins volontaires que nous n’aurons pas assez de vaccins pour leur fournir des doses en conséquence la semaine suivante. Ils pourront récupérer leurs doses comme prévu cette semaine et vacciner la semaine prochaine, mais ils ne pourront pas commander pour la semaine prochaine parce que nous n’avons pas assez de doses.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous y serez sensibles, je remercie les médecins libéraux qui sont très nombreux à se mobiliser pour vacciner, mais la moitié d’entre eux n’a pas encore passé de commande. De ce fait, la moitié des Français ne peut toujours pas se faire vacciner dans son cabinet de ville.
Nous avons donc considéré qu’en plus des médecins, il fallait permettre aux pharmaciens de commencer à vacciner pour permettre à tous les patients sur tout le territoire national de bénéficier des vaccins.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. En l’espace de deux jours, sur les 20 000 pharmaciens de notre pays, quelque 15 000 se sont portés volontaires. C’est une bonne nouvelle, car il y a de la place pour tout le monde. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Mesdames et messieurs les sénateurs, je remercie les médecins pour leur engagement dans les centres et dans leur cabinet,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Olivier Véran, ministre. … mais il n’y aurait pas de sens à priver les pharmaciens de cette possibilité de vacciner. Ils ont encore 1,2 million de doses à utiliser. Ils le feront, et je les en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Il s’agit d’un problème de communication, monsieur le ministre, parce qu’apparemment, les médecins ne vous ont pas compris ; ils ont compris ce que j’ai indiqué.
Je reviens sur la méthode : il faut arrêter d’infantiliser les Français. Sans explication des enjeux, ils ne peuvent pas comprendre les mesures. Comment comprendre qu’ils peuvent aller en Espagne ou en Italie et y manger au restaurant alors qu’en France, ces derniers sont fermés depuis six mois ? Comment comprendre qu’ils peuvent prendre le métro, le RER, le TGV et l’avion, mais qu’ils ne peuvent aller ni au cinéma ni au théâtre ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)
situation des ouïghours
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, dès 2014, la Chine accuse les Ouïghours, minorité musulmane du Xinjiang, de radicalisme politique et religieux et construit des camps dit « de rééducation » pour les y enfermer de manière préventive.
Entre 1 et 3 millions d’Ouïghours sont déportés arbitrairement dans ces camps de concentration et de travail. Les enfants sont éloignés de leurs parents, les couples séparés. Les détenus doivent renoncer à leur langue et à leur religion.
On y pratique stérilisations et avortements forcés. Les tortures et les viols sont le lot quotidien. L’objectif des autorités chinoises est d’éradiquer l’identité ouïghoure.
Le 17 décembre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution visant à sanctionner les responsables chinois à l’origine de ce nettoyage ethnique. Vous-même, monsieur le ministre, en février 2021, avez dénoncé « un système de répression institutionnalisé » devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Selon une étude australienne, des dizaines de milliers d’Ouïghours ont été transférés dans des usines appartenant à 83 grandes marques internationales, où ils sont en situation d’esclavage.
Hier, au Conseil de Paris, le groupe écologiste déposait un vœu relatif à l’oppression des Ouïghours. Aujourd’hui, c’est le groupe écologiste du Sénat qui vous demande d’user avec d’autres membres de l’Union européenne de votre pouvoir de pression économico-diplomatique, si puissante que puisse sembler la Chine.
Que comptez-vous faire ? Oserons-nous dire demain que nous ne savions pas ou que nous ne pouvions rien ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous avez évoqué avec justesse les pratiques injustifiables qui se déroulent au Xinjiang. Les faits que vous mentionnez sont attestés, qu’il s’agisse des stérilisations forcées, des abus sexuels dans les camps, des disparitions, des détentions massives, du travail forcé, de la destruction du patrimoine culturel, à commencer par les lieux de culte, ou encore de la mise sous surveillance de la population.
C’est la raison pour laquelle, comme vous avez bien voulu le rappeler, j’ai dit, au nom de la France, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, qu’il s’agissait d’un système de surveillance et de répression institutionnalisée à grande échelle. Je l’ai dit en ces termes devant les Nations unies, il y a quelques jours, et je le redis aujourd’hui devant le Sénat.
Je voudrais réitérer mon appel insistant pour qu’une mission impartiale, indépendante et transparente d’experts internationaux puisse se rendre dans le Xinjiang le plus vite possible, sous la responsabilité de la haute-commissaire aux droits de l’homme, Mme Bachelet.
Je tiens aussi à rappeler la responsabilité des entreprises françaises, qui doivent exercer la plus grande vigilance possible, y compris en tant que sociétés mères, sur les risques liés à la chaîne de valeur et sur la nécessité de prévenir des atteintes graves aux droits fondamentaux des Ouïghours. C’est indispensable.
Lors de la négociation de l’accord sur les investissements entre l’Union européenne et la Chine, la France a mis sur la table l’obligation de souscrire à la convention de l’Organisation internationale du travail. Nous entendons la faire respecter.
Enfin, madame la sénatrice, nous travaillons avec nos collègues européens à définir une position commune : après avoir documenté les faits, nous les expertisons, de manière à prendre en conséquence les initiatives adéquates. Vous avez en partie évoqué celles qui ont été mises en œuvre à la suite du vote du Parlement européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
entretien du réseau cuivre
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. J’entends parfois certains s’inquiéter du déploiement de la 5G dans les grandes villes. Pour être honnête, monsieur le ministre Olivier Dussopt, j’entends plus souvent des maires et des citoyens réclamer une meilleure couverture internet de nos territoires.
Partout dans nos campagnes, sur le bord des routes, nous voyons des poteaux abîmés et des lignes téléphoniques à même le sol. Les élus locaux sont démunis face à cette dégradation du réseau.
Le plan France Très haut débit porte certes l’ambition d’un déploiement rapide de la fibre, qui doit progressivement remplacer le réseau cuivre.
Cependant, d’ici là, il faut composer avec l’existant. Pour nombre de nos concitoyens, le principal moyen de connexion à internet reste encore le réseau cuivre.
Monsieur le ministre, ma question concerne donc la maintenance de ce réseau. De nombreux élus locaux nous font part de situations déplorables, voire dangereuses, qui attestent le manque d’entretien du réseau en zone rurale. J’imagine que l’Ardèche n’y échappe pas.
En Maine-et-Loire, dans Les Hauts d’Anjou, il a fallu la mobilisation des élus locaux pour que l’opérateur entretienne correctement le réseau.
Monsieur le ministre, avez-vous dressé un état des lieux de la situation ? Quel suivi comptez-vous mettre en œuvre pour garantir la maintenance du réseau cuivre jusqu’à sa disparition complète ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Capus, les élus, mais également nos concitoyens, sont en effet nombreux à s’inquiéter de la maintenance du réseau cuivre pour la téléphonie. Il s’agit de Françaises et de Français qui vivent dans des zones mal couvertes, ou qui, par manque d’habitude, ne pratiquent ni la téléphonie mobile ni l’accès à internet.
Ce que nous appelons le réseau cuivre doit s’éteindre en 2030 pour être remplacé par un réseau fibre. D’ici là, il est essentiel d’assurer son entretien. Nous avons tous et toutes pu constater, notamment dans les départements ruraux, des difficultés qui sont liées à l’entretien du réseau par l’opérateur historique, ou bien à des délais de réparation parfois extrêmement longs, en particulier après des épisodes climatiques ou des incidents qui mettent à mal le réseau : vous avez rappelé que les poteaux pouvaient être en très mauvais état.
Nous devons nous saisir du sujet. La transition vers le réseau fibre et le haut débit est une nécessité, mais l’entretien et le bon fonctionnement du réseau cuivre est une condition essentielle à sa réussite.
Nous travaillons actuellement avec les opérateurs et avec l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) pour établir une cartographie et un plan d’action. Nous nous appuyons aussi sur les travaux récents qui ont été confiés à la députée de la Drôme, Mme Célia de Lavergne. Les conclusions de la mission qu’elle a menée à l’Assemblée nationale ont été rendues le 10 février dernier. D’ici à la fin du mois de mars, M. Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique, devrait annoncer un plan d’action avec les principaux opérateurs.
Celui-ci permettra de préciser, à partir d’une cartographie des zones les plus endommagées, la manière dont les réparations doivent être faites et dont le réseau doit être entretenu. Il posera les bases du futur service public universel intégrant le haut débit. Il fixera un calendrier et une carte de déploiement des travaux pour assurer l’entretien et l’accès à un réseau cuivre de qualité.
Cela ne doit pas nous empêcher de continuer à travailler, tout particulièrement dans le cadre du plan de relance, sur le déploiement du très haut débit. Nous avons prévu des crédits supplémentaires à la fois pour les réseaux de fibre optique, mais aussi pour le déploiement de nouveaux pylônes, de façon à permettre un accès en tous lieux et dans de bonnes conditions à une solution de téléphonie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour la réplique.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le ministre, comme vous l’avez compris, dans cette période sanitaire spéciale, les territoires les plus à l’écart et les femmes et les hommes les plus fragiles se retrouvent doublement isolés, alors que les services publics sont de plus en plus numérisés. Il est donc extrêmement important de veiller, durant les dix prochaines années, à maintenir un entretien effectif du réseau cuivre, avant sa disparition totale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
situation dans les universités
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Madame la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, depuis plusieurs semaines, la France est rattrapée par des polémiques à propos d’événements, à mon sens inquiétants, survenus dans l’enseignement : essor de la cancel culture, orientation politique des recherches, recul de la laïcité, mise en cause des professeurs, à Paris, à Grenoble et ailleurs.
Le débat se focalise sur l’influence que peut avoir la convergence de l’islamisme radical et de l’extrême gauche, que certains qualifient d’« islamo-gauchisme », sur la vie quotidienne et les études dans les établissements d’enseignement supérieur.
La simple utilisation de ce terme « islamo-gauchisme » pour décrire, même imparfaitement, un phénomène réel vous expose déjà, madame la ministre, à des procès en sorcellerie.
Vous avez pris le parti – et c’est courageux – de vous saisir du problème, et vous avez commandé un bilan de la recherche, demande aussitôt qualifiée par des chercheurs et syndicats de « menace de répression intellectuelle ».
Je note qu’une partie de l’exécutif a pris ses distances avec votre initiative, évoquant « l’attachement absolu du président de la République à l’indépendance des enseignants-chercheurs ».
Ma question est simple : peut-on faire du « en même temps » sur ces sujets graves ? Quelle est la véritable doctrine du Gouvernement en la matière ? D’ailleurs, y en a-t-il une ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur, les événements, les faits et les polémiques que vous mentionnez ne peuvent qu’appeler une réponse commune de l’ensemble du Gouvernement et du Président de la République. Notre priorité restera toujours la même sur ces sujets : il s’agit de protéger les personnels et de garantir la liberté académique ainsi que la pluralité des sujets de recherche, pour tous, dans le respect des lois.
Chacun doit pouvoir exercer librement sa mission de recherche et d’enseignement, et doit pouvoir choisir librement ses sujets d’étude. Toute tentative de pression ou d’intimidation, ainsi que toute menace ou injure, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur des établissements, doit être condamnée.
C’est pourquoi nous ne pouvons admettre les propos affichés sur les murs de l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble ou sur les réseaux sociaux.
Vous m’avez entendue défendre sans cesse la liberté de la recherche, que ce soit lors du débat en deuxième lecture du projet de loi de bioéthique ou lors des débats sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Je n’ai jamais dit autre chose que ce que je viens de vous répéter.
La mission d’inspection que j’ai sollicitée à l’IEP de Grenoble permettra, j’en suis sûre, d’identifier toutes les responsabilités et de rétablir la sérénité. Je procéderai de la même manière, chaque fois que cela sera nécessaire.
L’université est, et doit rester, le lieu de débats qui peuvent être parfois vifs, parfois contradictoires, mais « toujours respectueux » – vous reconnaîtrez la formule.
Débattre, ce n’est pas s’opposer stérilement. Débattre, c’est la vocation de l’université. La violence verbale n’y a pas sa place, et encore moins la violence physique. Vous m’avez toujours entendue le dire.
Quelle proportion de colloques annulés, quelle quantité d’universitaires empêchés, quelle réelle pluralité sur les sujets de recherche ? C’est en affrontant ces questions que nous préserverons la liberté académique de tous, ce qui est essentiel pour moi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. L’enseignement – je le crois, et je pense que nous en sommes tous convaincus – est, et doit rester, le creuset de la République et de la Nation. On ne peut pas accepter sans réagir qu’il devienne l’incubateur du séparatisme, non plus que de voir des enseignants placés sous protection policière.
La laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire. C’est aussi cantonner la religion, quelle qu’elle soit, à la sphère privée, sans jamais la placer au-dessus des lois de la République.
Selon une étude de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), un nombre élevé de lycéens juge que les textes relatifs à la laïcité sont discriminatoires envers les musulmans. On mesure bien les effets concrets et délétères sur des citoyens en devenir de tous ces discours. C’est très inquiétant pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
organisation des centres de vaccination dans les communes
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. La semaine dernière, mon collègue Jean-François Husson interrogeait le Gouvernement sur les délais de remboursement partiel des masques achetés par les collectivités. Force est de constater que, dans mon département, 25 % des communes sont toujours en attente.
Je souhaite nous donner l’occasion, cet après-midi, d’anticiper sur le remboursement des charges liées aux centres de vaccination.
Dans mon département, l’agence régionale de santé (ARS) a envoyé un questionnaire aux collectivités et leur a indiqué qu’elles étaient désormais opérationnelles pour mettre en place un conventionnement reposant sur un cofinancement. Ce dernier pourrait atteindre un montant de 50 000 euros pour six mois, selon une circulaire de la direction générale de la santé (DGS).
Monsieur le ministre, quelles seront les modalités du remboursement de l’État aux collectivités ? Le montant de 50 000 euros me semble en effet complètement déconnecté de la réalité des coûts supportés par la collectivité. En outre, dans quel délai les sommes seront-elles versées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, votre question me donne l’occasion de remercier l’ensemble des élus qui sont mobilisés, comme nous avons pu le constater, le week-end dernier, avec le Premier ministre, ainsi qu’avec le ministre de l’intérieur, dans son département.
Les centres de vaccination se sont montés, dans notre pays, à une vitesse remarquable et avec inefficacité redoutable, au bon sens du terme. Chaque fois que je me rends dans l’un d’entre eux, je rencontre des sénateurs et sénatrices de tous bords, et le constat est unanime : « Cela fonctionne bien ! » (Marques de dénégation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela fonctionne bien grâce à la mobilisation de tous, qu’il s’agisse des agences régionales de santé, des préfets, des élus, des agents des collectivités territoriales, des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des sages-femmes, des retraités ou des étudiants. Il faut le dire.
Vous connaissez tous la formule consacrée du « quoi qu’il en coûte ». Elle s’applique aussi au fonctionnement des centres. Nous adapterons le soutien financier aux municipalités, de manière à les accompagner dans la durée, et encore plus dans la phase d’accélération de la vaccination.
Pour être factuel, madame la sénatrice, l’assurance maladie prend déjà directement en charge la plupart des dépenses, notamment le paiement direct des professionnels et des établissements qui sont déjà référencés, comme les médecins en activité ou les hôpitaux. Les professionnels de santé à la retraite sont aussi pris en charge dans ce cadre, en lien avec la structure à laquelle ils sont rattachés.
Pour les dépenses qui ne peuvent pas être directement prises en charge par l’assurance maladie, par exemple celles qui sont liées au fonctionnement général des centres, nous avons débloqué dès le 18 février dernier une enveloppe de 60 millions d’euros à destination des agences régionales de santé, par le biais du fonds d’intervention régional (FIR). Celles-ci pourront ainsi financer les dépenses les plus urgentes des 1 300 centres ouverts sur le territoire national.
Nous travaillons à l’élargissement et à l’assouplissement du financement que nous apportons aux structures qui ne sont pas encore labellisées.
Ces 60 millions d’euros ne correspondent pas à un solde de tout compte, madame la sénatrice, mais ils sont une amorce importante. Ils seront réabondés autant que nécessaire. Le financement des centres n’est pas, ne sera pas et ne devra pas être, à aucun moment, un facteur bloquant dans la campagne de vaccination, à laquelle tout le monde œuvre avec beaucoup de courage sur tout le territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Je reste très attentive au fait qu’une large partie des coûts, si j’ai bien compris, sera compensée par des crédits délégués par l’État.
Il faudra sans doute faire mieux que pour les masques ! Pour l’instant, dans mon département, un quart des communes n’ont toujours pas été remboursées, et l’on me dit que c’est parce que l’État n’a pas assez de crédits. Or certaines dépenses ont été exposées au mois de juillet !
Les centres de vaccination représentent des coûts très élevés, bien au-delà des 50 000 euros prévus dans la note de la DGS, quand bien même l’on mobiliserait le fonds d’intervention régional.
Par exemple, la ville de Boulogne-Billancourt y a consacré 985 000 euros sur six mois, celle d’Asnières 457 000 euros, celle de Clichy 714 000 euros. À défaut de pouvoir parcourir toute la France, j’ai interrogé un certain nombre de maires : en Meurthe-et-Moselle, celui de la ville de Saint-Max ne savait même pas que sa commune avait droit à un soutien de l’ARS. Il suffit de voir la liste des locaux et des personnels mis à disposition pour comprendre que les coûts dépasseront le montant de 50 000 euros sur six mois.
Les collectivités ne peuvent pas présenter un budget de fonctionnement déficitaire. Peut-être faudrait-il s’inspirer de ce qui avait été fait lors de l’épidémie de grippe H1N1, en prévoyant un remboursement différencié pour les différents postes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des travailleurs des plateformes numériques
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Olivier Jacquin. Madame la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, vous avez indiqué récemment être une femme de gauche avec la justice sociale chevillée au corps. Je souhaite donc vous interroger sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques, particulièrement dans le domaine des transports.
En 2018 et 2019, le Conseil constitutionnel a censuré par deux fois vos chartes facultatives, sur l’initiative du groupe parlementaire socialiste.
Le 4 mars 2020, la Cour de cassation a requalifié un chauffeur Uber en salarié, qualifiant sa situation d’« indépendance fictive » !
Le 30 novembre 2020, le rapport Frouin, que vous avez commandé, a enterré l’idée d’un tiers statut.
Pendant ce temps, les conditions de travail de ces travailleurs se sont considérablement dégradées, et nous constatons une explosion des pratiques illégales de certaines plateformes.
L’intersyndicale nationale des voitures de transport avec chauffeur (INV), vous a régulièrement alertée sur cette situation. Leur avocat, maître Giusti, vous a écrit au mois d’octobre dernier pour que vous saisissiez l’inspection du travail et que vous contrôliez Uber. Face à votre silence, la semaine dernière, 168 chauffeurs de VTC ont saisi le tribunal administratif afin que la justice vous contraigne à solliciter l’inspection du travail. Mais où est donc passé l’État de droit ?
Madame la ministre, allez-vous enfin saisir l’inspection du travail pour protéger ces travailleurs plutôt que les plateformes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le sénateur Jacquin, je connais votre intérêt pour le sujet des plateformes numériques, et la qualité du travail que vous menez plus globalement sur les relations qu’elles entretiennent avec les travailleurs qui contribuent à leur activité.
La situation est complexe : vous avez cité un certain nombre de décisions de justice, mais aussi – reconnaissez-le – quelques rapports qui ont contribué à faire avancer le débat.
Vous avez raison, il faut réguler, car si la grande majorité de ces travailleurs ont fait le choix de l’indépendance, il est indéniable que leur relation avec les plateformes est trop déséquilibrée.
Il était essentiel que ces acteurs puissent trouver les voies de sortie que vous appelez de vos vœux, dans le cadre d’un dialogue social structuré.
C’est la raison pour laquelle la ministre du travail, que vous avez citée à de nombreuses reprises, a nommé trois personnes qualifiées pour mener des concertations avec ces acteurs. Comme vous connaissez parfaitement l’actualité, vous devez savoir que cette mission rendra ses conclusions vendredi prochain. Ces travaux serviront de base à la rédaction d’une ordonnance qui sera publiée à la fin du mois d’avril.
Par ailleurs, la ministre du travail réunira les partenaires sociaux, vendredi prochain, pour aborder ce sujet dans le cadre du groupe de travail paritaire de l’agenda social sur les formes particulières d’emploi.
Enfin, vous avez mentionné le rôle de l’inspection du travail. Elle est effectivement compétente, mais pour contrôler l’application du droit du travail dans le cadre d’un contrat établissant un lien de subordination entre l’employeur et l’employé. Cela étant, elle peut aussi intervenir dans le cas où il y aurait un travail salarié dissimulé. Elle transmettra alors au procureur de la République un certain nombre de procédures à la suite de ces contrôles, comme elle l’a fait à plusieurs reprises depuis 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de votre réponse. Cependant, au nom du droit, il vous faut arrêter avec cette fable de l’indépendance ! Nous venons de déposer une proposition de loi. Saisissez-vous-en ! Elle vous permettra de requalifier en masse par actions de groupe, et de rendre enfin l’algorithme transparent.
Ces travailleurs ne sont pas de second rang et les plateformes ne peuvent pas rester des zones de non-droit social. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
stratégie vaccinale (ii)
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, après l’année terrible que nous avons vécue, l’arrivée de vaccins contre le virus laisse entrevoir un espoir, celui d’un retour à la vie normale que les Français, malgré leur discipline, leur solidarité et leur remarquable patience, n’en peuvent plus d’attendre.
Tous nos soignants se sont mobilisés pour protéger la population, et parmi elle les personnes les plus fragiles. Pour ma part, j’ai œuvré dans un centre de vaccination pour personnes handicapées, le week-end dernier ; et je me suis réjouie de constater, comme partout ailleurs sur le territoire, une nette augmentation des capacités de vaccination.
Je crains néanmoins, à la lumière de ce qui a suivi, que les événements de ce week-end ne soient qu’une accélération en trompe-l’œil.
L’implication générale de tous les acteurs tranche avec l’image que renvoient la DGS et son directeur, qui n’a cessé d’enchaîner les imprécisions et les décisions contestables et contestées.
Parmi les dernières en date, il y a celle de l’impossibilité faite aux médecins généralistes de commander des doses de vaccin, la semaine du 8 mars, car il faut les livrer aux officines pharmaceutiques.
Après avoir été sollicités pour assurer une partie des vaccinations des patients à risque, voilà maintenant les pharmaciens contraints de déprogrammer les rendez-vous prévus. L’un de nos collègues, médecin de profession, peut témoigner de l’annulation de 200 rendez-vous !
Il s’agit, au mieux, d’un couac qui ne sera pas le premier dans la gestion de cette épidémie. À chaque jour sa nouvelle stratégie : c’est insupportable !
Monsieur le ministre, nous n’avons tous qu’un seul souhait : celui que la campagne de vaccination s’accélère. Nous disposons d’une force de frappe considérable qui ne demande qu’à être sollicitée, au premier rang de laquelle les médecins, mais aussi les pharmaciens et les pompiers, dont la mobilisation pourrait permettre de multiplier par dix les capacités de vaccination.
Aussi, je vous le demande, monsieur le ministre : pourquoi avoir laissé la DGS infliger un tel camouflet aux médecins généralistes, si ce n’est pour masquer une nouvelle pénurie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, j’ai répondu tout à l’heure au sujet des annulations de rendez-vous. Il serait dommage qu’elles soient effectives, parce que les doses sont bien livrées cette semaine. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui importe c’est de protéger les Français. Cette nouvelle devrait tous nous satisfaire, quels que soient notre bord et les enjeux politiques du moment.
Laissez-moi faire un calcul : les médecins libéraux qui se sont déclarés candidats pour vacciner sont à peu près 40 000, soit un peu moins de la moitié des médecins libéraux, ce qui est très bien. Ils ont reçu une livraison de 350 000 vaccins, puis une autre de 500 000, soit 850 000 vaccins depuis la semaine dernière. Sur ce total, nous avons la trace de 450 000 vaccinations, ce qui signifie qu’il reste 400 000 vaccins qui n’ont pas été injectés aux patients et qui ont été reçus il y a déjà une semaine.
Madame la sénatrice, vous êtes prompte, avec raison, à nous signifier que lorsqu’un vaccin arrive sur le territoire, il ne faut pas le laisser dans un frigo, mais le donner immédiatement à un malade, ce en quoi je suis d’accord avec vous.
La semaine dernière, les médecins ont commandé 760 000 vaccins supplémentaires, qui doivent arriver dans les officines de tout le pays, jeudi et vendredi prochains. Ils sont destinés aux médecins qui les ont commandés, portant ainsi à 1,6 million le nombre de vaccins commandés par des médecins libéraux en vue d’être injectés à leurs malades pour les protéger.
Si je fais le calcul avec vous, sur ces 1,6 million de vaccins qui auront été reçus à date de vendredi soir, environ 450 000 auront été injectés, de sorte qu’il restera 1,1 million de vaccins à injecter en l’espace de quinze jours avant la prochaine commande ouverte aux médecins.
Madame la sénatrice, certains dans cet hémicycle m’ont dit : « Les médecins peuvent vacciner les patients, mais quand laisserez-vous les pharmaciens le faire ? Cette situation n’est pas normale. » Ils ont raison, et c’est pour cela que nous avons prévu, la semaine prochaine, une livraison faible de vaccins – ce n’est pas de mon fait ; c’est celui du laboratoire –, soit 280 000 vaccins qui serviront d’amorce pour la campagne de vaccination des pharmaciens.
Compte tenu des stocks de doses dont les médecins bénéficient à date, et qui leur permettent de ne procéder à aucune annulation de rendez-vous, ce dont je les remercie, car il est très important qu’ils puissent vacciner, nous faisons en sorte que les pharmaciens commencent à vacciner, en plus des médecins, et non pas à leur place.
Si je ne l’avais pas fait, madame la sénatrice, il y aurait eu au moins une question au Gouvernement, sinon deux, voire trois, pour demander : « Quand permettrez-vous aux pharmaciens de vacciner ? » Il faut que tout le monde vaccine, médecins comme pharmaciens, dans l’intérêt général et dans l’intérêt de notre pays. Faisons passer les bons messages aux Français et aux soignants mobilisés, c’est l’essentiel ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
situation en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Ma question s’adresse à M. le ministre des outre-mer. Je la pose au nom de mon collègue Gérard Poadja, sénateur de la Nouvelle-Calédonie.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, la Nouvelle-Calédonie est actuellement en proie à une série de crises.
Crise institutionnelle et politique, après le renversement du gouvernement il y a un mois. L’actuel gouvernement ne parvient pas à se trouver un président, à la veille d’une probable demande de troisième référendum sur l’indépendance.
Crise budgétaire, puisque le territoire doit voter son budget avant le 31 mars, sous peine d’être placé sous tutelle de l’État.
Crise industrielle et économique, avec un cours du nickel à son étiage et le conflit relatif à la vente de l’usine du Sud, qui heureusement semble aujourd’hui résolu.
À cela s’ajoute la catastrophe naturelle liée au passage du cyclone Niran.
Enfin, la crise est aussi sanitaire, avec la détection des premiers cas de covid dans ce territoire qui jouissait jusque-là de son statut privilégié de zone covid free, et qui se retrouve entièrement confiné depuis lundi.
L’impression générale qui se dégage est alarmante. Ce sont les dix plaies d’Égypte !
Monsieur le ministre, la France n’est pas seulement l’Hexagone ; c’est aussi la Nouvelle-Calédonie. Face à cette situation exceptionnelle, les réponses de l’État sont-elles à la hauteur ? Avez-vous pris la mesure de la crise que traverse le territoire néo-calédonien ? Quelle est votre stratégie pour y remédier ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, à travers vous je m’adresse aussi à M. le sénateur Gérard Poadja, qui est actuellement sur le Caillou.
Vous avez listé les nombreux défis auxquels la Nouvelle-Calédonie est confrontée. Au sujet de l’usine du Sud, pour commencer, le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre et du ministre de l’économie et des finances, se félicite que les différentes parties soient parvenues à un accord. L’État s’est en effet largement investi dans la gestion du calendrier de la reprise, mais aussi dans les expositions financières extraordinaires que le Parlement a bien voulu concéder pour cette usine du Sud. L’effort, il faut le rappeler, est collectif et national.
Le nouvel enjeu est sanitaire, comme vous l’avez dit. Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie étaient, en mauvais français, covid free. Ce n’est plus le cas depuis la fin de la semaine dernière. Là encore, la solidarité nationale est à l’œuvre, tant pour le confinement général mis en place que pour le renfort sanitaire qui se déploiera dans les temps qui viennent, notamment à Wallis et Futuna, où la situation est encore plus difficile qu’en Nouvelle-Calédonie.
Nous apporterons aussi un soutien économique et financier, car le confinement général va donner lieu à un certain nombre de fermetures administratives d’activités économiques, touristiques et commerciales : nous serons au rendez-vous.
Enfin, nous sommes confrontés au défi du calendrier politique lié à la formation du nouveau gouvernement, une affaire dans laquelle il n’appartient pas au Gouvernement de la République française de s’ingérer.
Cela étant, nous souhaitons que ce gouvernement puisse se constituer le plus rapidement possible pour poursuivre le travail, notamment sur les implications du « oui » et du « non ».
La date à laquelle le Congrès de la Nouvelle-Calédonie pourra réclamer ce troisième référendum approche. Je l’ai dit il y a quelques jours : le Gouvernement est bien sûr prêt à discuter, y compris d’un nouvel accord, puisque nous savons très bien qu’il faut désormais écrire les lendemains de l’accord de Nouméa.
Voilà, en quelques mots et en deux minutes, ma réponse aux dix plaies d’Égypte que vous avez évoquées pour la Nouvelle-Calédonie, pour le Caillou. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je connais votre engagement pour les outre-mer, mais la situation générale de la Nouvelle-Calédonie est dramatique.
J’aimerais simplement vous dire qu’il est primordial qu’un nouveau problème ne s’ajoute pas à ceux qui existent, en l’occurrence celui des doses de vaccin attendues.
Aujourd’hui, il en faudrait 10 000 par semaine. Or le compte n’y est pas. Je compte donc sur vous et vous demande d’être vigilant à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
lutte contre la violence chez les jeunes
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Si les affrontements entre groupes de jeunes existent depuis longtemps, nous sommes en train d’assister à une explosion inédite de la délinquance de rue et de la violence juvénile. Rien que cette semaine, plusieurs jeunes de moins de 15 ans ont été grièvement blessés. Et c’est tous les jours que l’on assiste à un événement dramatique !
Cette nuit encore, à la veille de cette séance de questions d’actualité au Gouvernement, en plein cœur du XVIe arrondissement de Paris, dans un quartier pourtant réputé calme, des affrontements violents ont eu lieu.
M. David Assouline. Le XVIe arrondissement tremble ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Il est hors de question de s’abandonner à la fatalité ni de laisser s’installer une sorte de résignation collective. Laisser croire que l’on a tout essayé n’est pas acceptable !
Monsieur le ministre, malgré vos efforts, vous n’arrivez pas à rétablir l’ordre. Les policiers sont épuisés et héroïques, mais on a le sentiment qu’il est plus facile pour la préfecture de police d’évacuer les berges de la Seine que de lutter contre la délinquance de rue.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Le 27 janvier dernier, j’ai informé votre préfet par courrier que la tension montait, notamment à la porte de Saint-Cloud, où j’ai assisté à des heurts. Un mois et demi après, toujours pas de réponse ! Lorsque vous le croiserez, monsieur le ministre, n’hésitez pas à lui remettre ce courrier (Mme Céline Boulay-Espéronnier brandit une lettre.), que je tiens à votre disposition.
En matière de police et de justice, la solution consiste non pas à répondre au coup par coup, mais à mettre en place une véritable politique sérieuse et cohérente.
Cette semaine, vous vous êtes déplacé avec M. le Premier ministre à Beauvais et à Lyon pour constater l’escalade de la violence.
Ma question est simple : quelles mesures opérationnelles comptez-vous mettre en œuvre immédiatement pour que les villes ne deviennent pas le terrain d’affrontements systématiques de jeunes armés jusqu’aux dents, sur fond de revendication de territoires et de réseaux sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, bien entendu, cette question me touche en tant que ministre de l’intérieur, mais s’agissant d’enfants de 11, 12 ou 13 ans – vous venez de parler d’enfants de moins de 15 ans –, je ne vois pas très bien ce que la police ou la gendarmerie peut faire de plus que les parents ou que le suivi éducatif d’un certain nombre d’entre eux.
Que voulez-vous que nous fassions de plus ? Mettre en prison des enfants de 12 ans, que vous dites armés jusqu’aux dents ? Madame la sénatrice, cela n’est pas raisonnable ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela relève de la politique de la jeunesse !
M. Gérald Darmanin, ministre. Dans les rixes que l’on observe en Essonne ou sur la plaque parisienne, on trouve effectivement des enfants de 11, 12 ou 13 ans pourvus d’armes blanches, fréquemment des petits couteaux de cuisine ou des Opinel, le plus souvent ce qu’ils trouvent sur la voie publique. Ce n’est pas ce que j’appelle être armé jusqu’aux dents !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Certains étaient équipés de marteaux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ne confondons pas les événements qui se sont déroulés devant ce lycée du XVIe arrondissement, qui sont évidemment à déplorer, avec les violences urbaines et les règlements de comptes sur fond de trafic de drogue qui ont lieu à Beauvais, Tourcoing, Roubaix ou Marseille. Cela n’a rien à voir ! Il faut savoir distinguer les choses et tenir des propos plus équilibrés.
Ce qui est certain, madame la sénatrice, c’est que les réseaux sociaux et les messageries cryptées – j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer – empêchent aujourd’hui la police de réaliser le travail qu’elle faisait hier ou avant-hier. (Brouhaha sur les travées des groupes CRCE et SER.)
D’ici à quelques semaines, nous allons examiner le projet de loi Renseignement dans cet hémicycle : j’espère que le Sénat – la majorité sénatoriale au premier chef –, nous aidera à prendre des mesures facilitant les interventions et permettant aux services de renseignement, au renseignement territorial et à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, en particulier, de surveiller les réseaux sociaux – Snapchat, notamment, mais aussi Telegram, WhatsApp ou Signal, dont les contenus ne sont pas aujourd’hui accessibles aux services de police.
Nous allons également discuter dans quelques jours du projet de loi Sécurité globale, madame la sénatrice. J’aimerais que le Sénat, puisqu’il vote la loi, autorise les policiers municipaux – et pourquoi pas à Paris aussi ? – à infliger des amendes forfaitaires délictuelles aux mineurs de moins de 18 ans. Malheureusement, la Haute Assemblée a préféré supprimer cette disposition en commission.
M. Yannick Vaugrenard. Elle a bien fait !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis d’accord pour travailler avec vous, mais ne confondons pas les violences urbaines sur fond de règlements de comptes et ce qui peut se passer, et qui est effectivement tout à fait déplorable, pour des enfants de 11 ou de 12 ans.
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour la réplique.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Si je parle de jeunes armés jusqu’aux dents, c’est parce que l’on me dit que, hier soir, ils avaient des marteaux et des couteaux dans leurs poches, pardonnez-moi du peu !
Je ne pense pas que l’État doive se décharger en permanence de ses responsabilités en évoquant les parents et les réseaux sociaux. Nous devrons avoir ces discussions, bien sûr, mais la réponse doit être ferme et immédiate, parce que les Parisiens et les Français ne peuvent pas être constamment pris en otage par les auteurs de ces violences, qui sont inacceptables et qui marquent l’opinion publique tous les jours que Dieu fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
mécanisme covax
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert Roger. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, l’Afrique du Sud et l’Inde ont pris l’initiative de proposer un texte accordant une dérogation temporaire à certaines obligations découlant de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce, l’ADPIC, afin que tous les pays puissent produire des vaccins anti-covid sans en détenir les brevets.
En effet, la grande majorité des 225 millions de doses de vaccins ont été administrées dans quelques pays riches et producteurs de vaccins, tandis que la plupart des pays à revenus faibles ou intermédiaires attendent encore.
Je me félicite de ce que, à la suite de l’appel lancé par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et relayé par le Président de la République Emmanuel Macron, les pays du G7 se soient engagés à partager une partie de leurs vaccins et à verser des sommes importantes pour financer le mécanisme Covax.
Sur ce point, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer précisément quel est le décaissement réel effectué par la France sur sa contribution financière aux différents programmes de vaccins destinés aux pays du Sud ?
Je souhaiterais également vous interroger sur un autre point, pour clarifier la position française.
Alors que, officiellement, la France fait le maximum pour que les pays les plus pauvres disposent de vaccins contre la covid-19, à l’OMC, l’Union européenne, à laquelle appartient notre pays, s’oppose formellement à une dérogation temporaire à la protection des brevets sur les produits médicaux.
Aussi, monsieur le ministre, afin de mettre ses actes en conformité avec ses déclarations et d’amplifier l’ambition du mécanisme Covax, le gouvernement français est-il prêt à soutenir l’initiative indo-sud-africaine pour une levée des barrières protégeant les brevets des vaccins anti-covid-19 ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, vous avez raison, la solidarité internationale contre l’épidémie de covid-19 n’est pas uniquement une affaire morale. Il s’agit certes d’une exigence morale, mais aussi d’une exigence en termes d’efficacité collective, pour vaincre la pandémie.
À cet égard, il existe un instrument que nous portons et qui fonctionne, à savoir le mécanisme Covax. Cette initiative a été lancée à la demande de la France et de l’Allemagne, avec le soutien de l’Union européenne. Elle profite maintenant de la collaboration de la quasi-totalité des pays du monde.
Nous souhaitons, comme vous, faire en sorte que le vaccin devienne un bien public mondial. C’est la raison pour laquelle nous avons mobilisé plus de 2 milliards de dollars au sein du Covax.
Nous voulons permettre aux 92 pays identifiés comme les plus faibles d’avoir accès immédiatement aux vaccins – pas quand on sera en mesure de créer des unités de production en Inde ou en République sud-africaine, mais tout de suite ! –, grâce aux laboratoires qui auront passé un contrat avec l’Organisation mondiale de la santé.
Je parle de vaccins très clairement identifiés, pour ce qui concerne tant leur traçabilité que leur sécurité. Ce n’est donc pas une vue de l’esprit, monsieur le sénateur.
Puisque vous souhaitiez des chiffres, je vous indique que les divers financements permettront aux pays les plus en difficulté d’obtenir gratuitement plus de 2 milliards de doses de vaccins avant la fin de l’année. Ces doses seront financées par la communauté internationale : il s’agit donc d’un bien public mondial. Ce ne sont pas des vœux pieux ; c’est la réalité !
Très concrètement, de premières doses de vaccins sont arrivées au Nigeria, au Ghana ou en Côte d’Ivoire, par exemple. Je puis énumérer la liste de tous les pays en précisant le nombre de doses livrées : 600 000 doses au Ghana, 504 000 à la Côte d’Ivoire, 4 millions au Nigeria, 300 000 au Sénégal, etc.
Cette opération engagée sur l’initiative de la France fonctionne, ce qui prouve que, lorsque nous affirmons vouloir faire du vaccin un bien public mondial, nous sommes au rendez-vous.
J’ajoute que nous le faisons aussi pour notre propre sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
situation dans les prisons
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le ministre de la justice, on dénombre aujourd’hui plus de 60 000 détenus dans nos prisons, avec une densité carcérale qui frôle les 120 % dans les maisons d’arrêt sur le plan national. Vous vous en êtes vous-même inquiété.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que le nombre de détenus a connu une chute historique, qui n’est malheureusement pas liée à une baisse de la délinquance, mais au double effet du quasi-arrêt des juridictions pendant le confinement et des mesures de libération exceptionnelles prises pour limiter le risque épidémique.
Cette surpopulation carcérale chronique aboutit à ce constat : 700 détenus – c’est vous-même qui le dites – couchent sur des matelas posés à même le sol dans leurs cellules.
M. Jean-Pierre Sueur. Ils sont 840 !
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Dans certaines maisons d’arrêt, le taux de suroccupation est affolant : il atteint 193 % à Nîmes, 170 % à Toulouse-Seysses, 150 % à Villepinte. Comment s’étonner, dès lors, que la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France en utilisant les mots « dégradant » et « inhumain » ?
Monsieur le ministre, cette situation n’honore pas notre pays. Nous avons bien compris que votre souhait est d’instaurer un numerus clausus carcéral et que, pour vous, malgré l’augmentation de la délinquance, c’est le quantum des peines qui devra s’adapter au nombre de places de prison.
Le Président de la République avait promis la création de 15 000 places de prison pendant son quinquennat. Si les objectifs annoncés avaient été tenus, on ne parlerait peut-être pas de surpopulation carcérale en France.
Comment expliquez-vous que, durant ce quinquennat, nous serons passés de 15 000 places annoncées à 2 000 ou à 3 000 places nouvelles, dont la création avait d’ailleurs été pour partie décidée par le prédécesseur d’Emmanuel Macron ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Raimond-Pavero, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue garde des sceaux, qui est actuellement retenu à l’Assemblée nationale, mais qui aurait aimé, j’en suis sûr, pouvoir vous répondre.
Il s’agit en effet d’un sujet qui, comme vous le savez, le mobilise tout particulièrement et sur lequel il est très engagé, tout comme, je le sais, le Sénat, puisqu’un texte sur ce thème a été adopté ici même lundi dernier.
Je constate que cette question revient régulièrement dans le débat lors des séances de questions d’actualité au Gouvernement, et cela sur l’ensemble des travées. C’est une marque de l’engagement particulier du Sénat sur ce sujet.
Vous l’avez dit, il s’agit d’un défi de société. Nous sommes dans une situation de surpopulation carcérale qui crée des situations indignes. Cela fait un certain nombre d’années que cette situation s’aggrave. Aussi, oui, il faut prendre des mesures.
M. François Bonhomme. Allez-y ! C’est vous le ministre !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. C’est la raison pour laquelle le Président de la République s’était effectivement engagé à lancer un programme de 15 000 places supplémentaires.
Près de 7 000 places ont été créées. Il en reste donc 8 000, que le garde des sceaux a promis d’ouvrir d’ici à la fin du quinquennat. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce sera fait, et le ministre de la justice communiquera au printemps sur les sites retenus dans le cadre de son plan.
Toutefois, vous le savez, la question n’est pas seulement celle du nombre de places. L’enjeu est aussi celui des alternatives à l’incarcération. C’est pourquoi nous renforçons les travaux d’intérêt général et l’ensemble des mesures favorisant une alternative à la prison, mesures qui se sont d’ailleurs développées depuis plusieurs années, parce que nous avons fait ce choix.
Oui, la situation est actuellement très difficile. Encore une fois, nous nous y attaquons en créant des places et en favorisant les mesures alternatives à l’incarcération. Nous allons poursuivre dans cette voie, car nous portons une ambition extrêmement forte dans ce domaine.
Je sais que le Sénat sera au rendez-vous de cette mobilisation, car, je le répète, il s’agit d’un défi de société qui doit collectivement nous réunir. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Prenez garde à l’augmentation de la délinquance dans notre pays : s’il n’y a ni moyens suffisants ni volonté de construire de nouvelles places de prison,…
M. François Patriat. Le secrétaire d’État vient de dire le contraire !
Mme Isabelle Raimond-Pavero. … la France continuera d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 17 mars 2021, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Modifications de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 2 mars 2021, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, demande l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sous la forme d’une discussion générale sur le thème « Quelles perspectives de reprise pour une pratique sportive et populaire, accessible à tous ? ». Ce débat pourrait être inscrit le mercredi 24 mars 2021, le soir.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par lettre en date du 5 mars 2021, M. Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, demande l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sous la forme d’une série de questions-réponses sur le thème « Véolia, Suez : quel rôle doit jouer l’État stratège pour protéger notre patrimoine industriel ? ». Ce débat pourrait être inscrit le jeudi 25 mars 2021 à quatorze heures trente, l’examen de la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels étant de ce fait reporté à l’issue de ce débat.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, nous pourrions avancer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance sur cette proposition de loi, initialement prévu à l’ouverture de la discussion générale, au même jour à quatorze heures trente.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
4
Service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe (proposition n° 318, texte de la commission n° 395, rapport n° 394).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux avant toute chose saluer cette initiative portée avec courage et détermination par le sénateur Dominique Théophile et la députée Justine Benin, qui se font les porte-voix des Guadeloupéennes et des Guadeloupéens. Je sais qu’ils sont tous deux présents et je les salue.
Soyons honnêtes, en tant que sénateurs et élus locaux pour une grande majorité d’entre vous, vous pourriez être circonspects face à une proposition de loi qui prévoit de réorganiser une compétence locale. Vous le savez, je suis moi-même un fervent défenseur de la décentralisation et des libertés locales.
Je n’ai nul besoin de vous le rappeler ici : la compétence en matière d’eau et d’assainissement relève depuis la fin du XIXe siècle du bloc communal, responsable du bon fonctionnement de ce service. Pourquoi le législateur devrait-il intervenir sur cette question ?
Comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi est indispensable. Pour reprendre les expressions entendues lors de la réunion de votre commission des lois la semaine dernière, nous faisons face à une « situation inacceptable », un « dossier dramatique », « insupportable ». Nous sommes confrontés au « désarroi » et à la « colère », à la « souffrance », à des « conditions de vies très dégradées », et à l’« urgence ». Ces mots résument, s’il le fallait encore, tout le bien-fondé de ce texte.
Nous sommes en 2021. Certains de nos concitoyens subissent encore des coupures régulières et sont touchés par des « tours d’eau ». Dans un archipel, la Guadeloupe, où les ressources en eau ne manquent pas et sont même abondantes, cette réalité n’est plus acceptable.
Nous devons prendre notre part de responsabilité, sans stigmatiser ni politiser. N’oublions pas que, à tous les échelons, il y a naturellement de l’humain.
Je sais que cela ne plaira peut-être pas à certains, mais je le rappelle : l’État n’est pas compétent. Toutefois, il est présent et prend sa part, tant dans les réparations d’urgence – près de 6 millions d’euros ont été mobilisés rien que l’année dernière pour résorber plus de 4 000 fuites – que dans les investissements lourds, qui ont représenté 90 millions d’euros entre 2014 et 2020, et qui devraient s’élever à 30 millions d’euros pour 2021 et 2022.
L’État est également présent pour accompagner la mise en place de ce nouveau syndicat unique, mais j’y reviendrai.
Les opérateurs de l’État prennent aussi leur part, notamment l’Agence française de développement, l’AFD, et la Caisse des dépôts et consignations avec les Aqua Prêts.
La vérité, c’est que l’argent ne suffira pas à bâtir un service public de l’eau et de l’assainissement qui fonctionne sans une gouvernance adéquate.
Ce texte n’a pas pour objet de priver les élus locaux de leurs prérogatives, mais bien de construire les bases saines d’une nouvelle gouvernance de l’eau dans un milieu insulaire et de poser la première brique pour offrir à nos concitoyens un service de qualité, sans oublier les attentes en la matière sur le plan écologique.
Ce texte a bien pour objet de suivre le chemin tracé par les élus locaux, notamment ceux des EPCI, qui s’accordent depuis plus de cinq ans sur le principe de la création d’une structure unique. Ils me l’ont d’ailleurs tous confirmé lors de nos échanges, que ce soit par courrier, en visioconférence ou lors de mon déplacement en Guadeloupe à la fin de l’année dernière.
La commission départementale de la coopération intercommunale de la Guadeloupe, qui s’est réunie le 4 mars dernier, a une nouvelle fois témoigné de cette volonté des élus, mais certains sujets ne font toujours pas consensus.
Je veux ici être clair et transparent : les deux initiatives, l’initiative parlementaire que nous discutons ici et l’initiative locale, ne sont ni en concurrence ni en contradiction. Jamais la question de la gouvernance de l’eau en Guadeloupe n’a autant avancé que depuis ces derniers mois. Il s’agit ici de valeurs cardinales, qui doivent guider l’action des élus que nous sommes : la justice, l’égalité et la solidarité.
Permettez-moi à présent de revenir sur le fond de cette proposition de loi et sur les différents enjeux qu’elle soulève.
Le texte a pour objet de créer un syndicat unique de l’eau, synonyme de solidarité. Pendant plusieurs années, la gouvernance de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe n’a pas été à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Environ 100 000 usagers sont régulièrement victimes de « tours d’eau ». Les syndicats compétents sont pour la plupart dans des situations difficiles, qui ne leur permettent ni d’effectuer les travaux d’urgence, ni de faire les investissements nécessaires à l’amélioration et l’entretien du réseau, ni de payer leurs fournisseurs.
Cette structure unique aurait pour objet de répondre à ces défaillances en mettant tout le monde autour de la même table, au nom de l’intérêt général. Cette démarche est synonyme de mutualisation des capacités d’investissement et de fin des conflits autour de la gestion des ressources.
La proposition de loi prévoit donc de créer le syndicat unique que nous appelons tous de nos vœux, élus locaux, parlementaires et Gouvernement. Je le répète, cette structure est une condition nécessaire, mais elle n’est qu’une première étape.
Les collectivités devront pleinement s’emparer de ce nouvel outil, pour qu’il puisse réellement répondre aux attentes des Guadeloupéennes et des Guadeloupéens. Que les choses soient claires : les élus locaux restent compétents en la matière.
Les travaux de l’Assemblée nationale ont notamment permis d’ajouter aux compétences du syndicat celle de la gestion des eaux pluviales urbaines, créant ainsi un bloc de compétences cohérent en matière d’eau et permettant de coordonner la gestion des petit et grand cycles de l’eau.
Autre évolution, les usagers trouvent toute leur place dans ce nouveau schéma de gouvernance avec la création d’une commission de surveillance. Nous le savons, il s’agissait d’une demande forte des usagers de l’eau : être davantage associés à cette gouvernance.
Je crois en la démocratie représentative. En ce sens, celui qui décide est responsable. Il est donc élu. La loi Engagement et proximité, que j’ai défendue ici même en 2019, a d’ailleurs eu l’occasion de réaffirmer ce principe, en réservant par exemple aux seuls élus la possibilité de participer aux délibérations des comités syndicaux.
Ainsi, les parlementaires ont prévu de créer une commission de surveillance, qui rassemblera la société civile – les chambres consulaires, les représentants d’associations de protection de l’environnement –, les élus locaux – votre rapporteur y a veillé – et, bien sûr, les usagers, qui devront être majoritaires. Ce schéma, précisé et renforcé par les deux assemblées, permettra d’associer durablement ces derniers dans la gouvernance. Il prévoit une commission de surveillance aux pouvoirs étendus, tout en conservant leur indépendance.
Le président de la commission de surveillance pourra également participer aux travaux du comité syndical, avec voix délibérative.
La création du syndicat mixte unique est évidemment une étape nécessaire. Je sais que des interrogations persistent sur la mise en place de ce syndicat, notamment à propos des personnels ou encore des dettes.
Une préfiguration de l’organisation du nouveau service doit être expérimentée à l’échelon local. Les premières réflexions sur le modèle de ce syndicat unique ont été conduites dès 2018, avec un accompagnement financier de l’État. La préfiguration doit poursuivre ses travaux ; l’État est prêt à l’accompagner financièrement et à s’impliquer dans la réflexion.
J’ai d’ailleurs eu de premiers échanges sur ce sujet – ils étaient épistolaires, pour la plupart – avec le président du conseil régional, Ary Chalus, et la présidente du conseil départemental, Josette Borel-Lincertin.
Selon moi, il existe plusieurs préalables à cette préfiguration, et ce afin d’avancer dans les meilleures conditions possible.
La préfiguration doit être portée par une structure jugée légitime par tous au niveau de l’ensemble du périmètre concerné. Elle doit en outre être menée en recherchant le consensus.
C’est pourquoi j’ai la conviction qu’il faut que la coordination opérationnelle de la préfiguration soit assurée par des tiers, qui ne soient pas chargés de la gestion de l’eau en Guadeloupe, et ce pour proposer des solutions avec un regard neuf. Nous ne pouvons pas repartir comme avant, au risque que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Pour être très clair, car je sais que cela a peut-être été mal compris, cela signifie-t-il que les cadres actuels doivent être exclus des travaux ? La réponse est naturellement non.
Cela signifie-t-il que les coordinateurs doivent nécessairement être issus de l’extérieur, c’est-à-dire ne pas être issus de la Guadeloupe ? Évidemment non. La Guadeloupe dispose d’une expertise locale, de compétences et de talents qui ont tout leur rôle à jouer dans ce combat sociétal qu’est devenu l’accès à l’eau. Et je ne doute pas que les usagers de l’eau en seront satisfaits.
La préfiguration doit enfin associer l’État, qui pourra notamment mettre en œuvre ses compétences dans plusieurs domaines.
En parallèle, il est évidemment nécessaire d’anticiper la question de la prise en charge des dettes auprès des fournisseurs. À l’Assemblée nationale, vos collègues députés ont adopté un amendement du Gouvernement tendant à transférer à la nouvelle structure unique les dettes bancaires, et uniquement celles-ci, afin de ne pas compromettre la viabilité de la nouvelle structure.
Ainsi, les dettes non réglées aux fournisseurs, de même que les créances, ont vocation à rester dans les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ou au sein du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, mieux connu sous l’acronyme de Siaeag.
Je me suis engagé, et je m’y engage de nouveau, à ce que cette dette demeure soutenable pour les EPCI qui auront évidemment un rôle primordial dans la nouvelle structure.
Deux solutions s’ouvrent à nous.
La première est évidemment de mobiliser les créances dues par les clients, afin de rembourser les dettes non réglées aux fournisseurs, qui concernent le plus souvent – je le rappelle – des entreprises locales. Se pose alors la question de la facture, parfois aberrante – parce que le compteur tourne dans le vide – ou inexistante.
L’objectif est d’aider à recouvrer les dettes des créanciers publics, comme les casernes ou les lycées, qui ont provisionné les fonds, mais aussi d’accompagner les nombreux usagers privés, qui souhaitent payer leur facture pour se mettre en règle et être tranquille d’esprit, mais qui en contestent le montant. L’État s’est d’ailleurs engagé à financer la pose de nouveaux compteurs d’eau dans l’un des EPCI, à sa demande.
Sous le contrôle de Dominique Théophile, je tiens ici à saluer le travail courageux du président du Siaeag nouvellement élu, Ferdy Louisy, qui a lancé une opération de recouvrement et de règlement à l’amiable des factures des usagers publics et privés, avec l’appui du Trésor public.
Cette initiative commence à porter ses fruits, comme il l’a expliqué le 5 mars dernier : le taux de recouvrement à l’amiable était de 27 % il y a six mois ; il atteint aujourd’hui 47 %, quand l’objectif final est fixé à 70 %.
La seconde solution consiste à développer des solutions innovantes, au cas par cas, pour les EPCI qui le souhaitent, avec les financeurs publics, l’AFD et la CDC, qu’il s’agisse d’un moratoire sur des prêts bancaires ou encore de la transformation de la dette due aux fournisseurs en dette bancaire.
Enfin, je veux rassurer les personnels dont la situation actuelle suscite des inquiétudes légitimes. Je l’ai dit et je le répète, une solution sera trouvée pour chaque personne.
À l’issue du dialogue social conduit avec les EPCI et le Siaeag, les personnels des services de l’eau actuellement en poste ont vocation, soit à être repris par le syndicat unique, soit à rester dans les EPCI, soit à partir pour ceux qui sont volontaires au départ, notamment à la retraite.
Un état des lieux approfondi des ressources humaines a été conduit en 2019 et 2020. En ce qui concerne le Siaeag, soit 138 agents, un audit spécifique a été financé par l’État pour faciliter le reclassement des agents ou l’accompagnement des agents volontaires au départ.
Par ailleurs, des entretiens et ateliers ont été menés avec les équipes du Siaeag, des EPCI et les organisations syndicales en janvier 2021.
Il est également important que le nouveau syndicat dispose d’une masse salariale en adéquation avec ses besoins, afin notamment de ne pas peser trop fortement sur la facture d’eau payée par les usagers.
Vous le voyez, avec cette proposition de loi et les initiatives locales, nous tous, État, parlementaires, élus locaux, usagers, faisons un pas vers l’avenir.
Un long travail reste à faire sur le terrain. Je sais pouvoir compter sur toutes les bonnes volontés, au Parlement ou au niveau local, pour nous rassembler autour d’un objectif commun auquel les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens aspirent avec force, parfois aussi avec colère et souffrance : en 2021, avoir accès à l’eau potable et à un service d’assainissement digne de ce nom. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Françoise Dumont, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de répondre à une situation proprement inacceptable : nos compatriotes guadeloupéens n’ont pas la garantie d’un accès régulier et convenable à l’eau potable, et cette situation dure depuis de nombreuses années.
La Guadeloupe, parfois surnommée « l’île aux belles eaux », dispose d’une ressource abondante et diversifiée en eau ; mais la piètre qualité du réseau d’adduction rend très difficile l’accès à cette ressource essentielle.
Face à un problème d’une telle gravité, l’action des pouvoirs publics est impérieuse : nous ne pouvons pas tolérer que nos compatriotes soient soumis à une telle indignité. Dommageable pour le tissu économique local, source de difficultés majeures de fonctionnement pour les services publics, génératrice pour nos concitoyens d’une détresse bien compréhensible, cette situation n’a que trop duré.
Il est d’autant plus intolérable de laisser perdurer le statu quo que le nœud du problème est connu de tous les acteurs du dossier : il s’agit de la gestion, éclatée et défaillante, des services publics d’eau et d’assainissement.
De ces difficultés de gestion me semblent découler l’ensemble des difficultés que connaissent les Guadeloupéens dans leur accès à une eau potable de qualité.
Ainsi, le réseau, qui court sur le territoire de plusieurs autorités gestionnaires, est mal connu, mal entretenu et partant de piètre qualité. En résultent des pertes massives. La gestion financière, qu’il est difficile de qualifier autrement que de catastrophique, obère toute capacité d’investissement et de remise en état de ce réseau.
Enfin, la multiplicité des modes de gestion et des autorités gestionnaires empêche ces dernières de bénéficier d’économies d’échelle permises par la mutualisation des coûts.
La solution à ce problème aux multiples causes est donc connue de longue date : il est impératif d’unifier la gouvernance de la gestion des services publics d’eau et d’assainissement. Les auditions que j’ai conduites m’ont d’ailleurs permis de constater le large consensus qui s’est construit autour du principe de cette unification en matière de gouvernance.
Je comprends que les modalités pratiques de cette opération constituent, depuis plusieurs années, un point d’achoppement. Néanmoins, l’esprit de solidarité et de consensus doit prévaloir sur ce sujet, dont la gravité nous oblige.
Cette proposition de loi traduit une volonté d’apaisement, de concertation et de confiance dans l’intelligence du terrain : c’est d’ailleurs dans cette dynamique que j’ai souhaité inscrire mes travaux.
Le présent texte me semble ainsi apporter une solution pragmatique à ce problème persistant. Par son article 1er, il crée un syndicat mixte dit « ouvert », associant la région de Guadeloupe, le département de la Guadeloupe et les cinq communautés d’agglomération que compte la Guadeloupe continentale.
Doté de missions étendues et cohérentes, ce syndicat mixte verrait le jour le 1er septembre 2021. Cette échéance m’a paru constituer un point d’équilibre satisfaisant entre l’exigence de célérité pour une structure trop longtemps attendue et le temps nécessaire aux préparatifs de préfiguration du syndicat mixte.
Les statuts du syndicat mixte seraient arrêtés par le préfet de la Guadeloupe, après avis des organes délibérants des futurs membres. Je sais la méfiance que peut susciter une telle procédure. Elle me semble nécessaire, cependant, en ce qu’elle manifeste la nécessité d’une impulsion de l’État sur ce sujet épineux. Néanmoins, elle ne doit pas se traduire par un défaut d’association des élus locaux, et je sais combien notre assemblée sera, à juste titre, vigilante sur ce point.
Lors de son examen en commission des lois, l’article 1er de cette proposition de loi a par ailleurs fait l’objet d’assouplissements qui me semblent bienvenus : la création d’une procédure ad hoc d’adhésion au syndicat mixte, conditionnée à l’autorisation expresse du préfet de département et à l’accord unanime des membres préexistants, me semble opportune afin que nous ne soyons pas contraints, à l’avenir, de modifier la loi pour entériner un consensus local.
De même, la possibilité pour le comité syndical de décider, à l’unanimité de ses membres, de déroger à la répartition des contributions financières me paraît de nature à faciliter et à fluidifier le fonctionnement de la future structure.
La principale originalité de cette proposition de loi réside dans la création, par son article 2, d’une commission de surveillance ayant pour mission de formuler des avis et propositions sur l’activité du syndicat mixte nouvellement créé.
Je sais la profonde défiance des Guadeloupéens envers leurs services publics d’eau et d’assainissement : les auditions que j’ai menées m’ont permis de constater le vif mécontentement qu’expriment les usagers de ces services. Trop longtemps tenus à l’écart d’une situation qui affecte pourtant leur quotidien, ils doivent être associés, autant que faire se peut, au fonctionnement du nouveau syndicat mixte.
La composition de la commission de surveillance garantit à leurs représentants, non seulement la majorité au sein de cet organe, mais la présidence de ce dernier. Elle permettra, je le crois, une juste représentation de leurs intérêts et leur pleine association aux décisions du syndicat mixte.
L’examen de cet article en commission a été l’occasion de parfaire la composition et le fonctionnement de ladite commission de surveillance.
Ainsi, la présence des parlementaires guadeloupéens en son sein ne me semblait pas nécessaire. Nos collègues guadeloupéens, Victoire Jasmin, Victorin Lurel et Dominique Théophile, étaient d’ailleurs du même avis. Nous avons préféré assurer une meilleure représentation des élus municipaux.
Par ailleurs, nous nous sommes attachés à renforcer les prérogatives du président de cette commission de surveillance, qui, je l’ai dit, sera un représentant d’usagers.
L’équilibre trouvé entre la représentation adéquate des intérêts des usagers et le fonctionnement fluide de la nouvelle structure me semble dès lors satisfaisant.
Ainsi modifiée, cette proposition de loi apporte une solution pragmatique, efficace et durable à un problème qui, de l’avis général, n’a que trop duré. Mais elle n’est en aucun cas la panacée, tant les questions qui resteront à régler sont nombreuses. Je déplore en particulier l’inertie de l’État sur ce sujet.
Monsieur le ministre, je sais bien que l’État n’est pas resté passif : il a multiplié les interventions ponctuelles pour répondre à des situations de crise.
Pourtant, comment se satisfaire de cette succession d’initiatives quand le problème structurel de la gestion défaillante des services était connu de tous, et de si longue date ? Comment ne pas regretter que l’on n’ait pas construit davantage cette solution, qui arrive tard, avec les acteurs de terrain, en accompagnant ces derniers, notamment sur le plan financier ?
À cet égard, cette proposition de loi n’a pas vocation à résoudre définitivement des questions comme le transfert au syndicat mixte des dettes, des ressources humaines et des biens nécessaires à l’exercice de ses compétences. Ce chantier exigera un dialogue particulièrement nourri entre l’ensemble des parties prenantes.
Toutefois, ces questions auraient gagné à être résolues en amont, ce qui aurait grandement favorisé l’acceptabilité de la création du syndicat mixte unique. Monsieur le ministre, l’État doit donc se montrer à la hauteur de l’enjeu et jouer pleinement le rôle de facilitateur qui lui incombe. Vous pouvez compter sur notre vigilance.
Nonobstant ces remarques de méthode, le présent texte est urgemment nécessaire. Il résulte au demeurant d’un large effort de concertation avec les acteurs locaux. En particulier, je remercie chaleureusement Mme Justine Benin, rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, et M. Dominique Théophile pour la qualité du travail accompli en commun, en Guadeloupe comme à Paris, pour sensibiliser sur la gravité de ce sujet et formuler des pistes de solution.
Je ne doute pas que ces pistes recueilleront, à travers l’adoption de cette proposition de loi, une large adhésion, au Sénat comme à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cette après-midi concourt à répondre à un problème crucial : celui de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe.
L’île se trouve en effet confrontée à des coupures d’eau fréquentes et à de multiples incidents sur le réseau. Parfois aléatoires, ces coupures sont aussi organisées sur certaines parties du territoire sous la forme de « tours d’eau » suscitant colère et exaspération.
Les prestations servies aux usagers guadeloupéens ont de multiples conséquences sociales, économiques et environnementales.
Cette situation est d’autant plus difficile à accepter qu’elle ne résulte pas de causes naturelles propres à la Guadeloupe, où la ressource en eau est abondante – M. le ministre l’a rappelé.
L’un des principaux problèmes réside dans le caractère éclaté de la gestion des services d’eau et d’assainissement, qui fait obstacle à la gouvernance d’ensemble dont la Guadeloupe a impérieusement besoin.
L’article 1er de la proposition de loi prévoit la création, au 1er septembre 2021, d’un établissement public régi pour l’essentiel par les dispositions applicables aux syndicats mixtes ouverts. Ses membres comprendraient, outre les cinq communautés d’agglomération de Guadeloupe continentale, le conseil départemental et le conseil régional.
Les statuts du syndicat mixte ouvert seraient établis par le préfet, après avis des organes délibérants des collectivités territoriales et groupements concernés.
Cette instance serait dotée d’un bloc de compétences cohérent, axé sur la gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement des eaux usées, du service de défense extérieure contre l’incendie et des eaux pluviales urbaines. Elle serait administrée par un comité syndical doté de vingt-huit délégués, soit quatre par membre.
L’article 2 de ce texte prévoit la constitution d’une commission de surveillance auprès du syndicat mixte, chargée de l’organisation des procédures de transparence et d’association des usagers aux mesures prises par le service public de l’eau en Guadeloupe.
La commission des lois a renforcé la solidité juridique du dispositif, en apportant des simplifications et améliorations rédactionnelles au texte. Nous pouvons nous en féliciter.
Je me réjouis également de l’apport, par la commission des lois, d’un certain nombre d’assouplissements.
Ainsi, alors que l’article 1er instaure une répartition rigide des contributions financières aux investissements consentis par le syndicat mixte ouvert, la commission a-t-elle prévu la possibilité pour les membres de décider, à l’unanimité, de déroger à la clé de répartition de ces contributions.
De surcroît, la composition du syndicat mixte pouvant être appelée à évoluer à long terme, la commission a prévu la possibilité de l’élargir, avec l’autorisation expresse du préfet et l’accord unanime de ses membres.
Elle s’est également attachée à fluidifier le fonctionnement de la commission de surveillance.
Elle a par ailleurs jugé utile de compléter les obligations du comité syndical à l’égard de la commission de surveillance, en imposant à celle-ci une audition annuelle du président du comité syndical.
Enfin, elle a souhaité renforcer le rôle du président de la commission de surveillance en prévoyant qu’il pourrait, sur sa seule initiative, solliciter l’inscription d’une question à l’ordre du jour du comité syndical et qu’il disposerait d’un pouvoir de proposition d’audition à la commission de surveillance.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi constitue un premier pas vers la résolution d’une situation complexe et inacceptable pour les Guadeloupéens. Il paraît primordial d’élaborer rapidement une réponse concrète et pragmatique. Les élus du groupe Les Indépendants voteront ce texte, amélioré par la commission.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de l’eau en Guadeloupe est un problème à bien des égards : citoyens sujets à de nombreuses coupures d’approvisionnement, dépenses trop importantes, gaspillage de la ressource en eau, non-entretien du réseau, dette abyssale des structures gestionnaires, tarification et facturation opaques, etc.
Le constat de carence du système actuel est dressé par les acteurs institutionnels locaux et par l’ensemble des habitants, même si l’ambition de résilience climatique qu’il devrait appeler l’est peut-être moins.
Pour ma part, je saisis cette occasion pour mettre en avant les travaux du groupe régional d’experts sur le climat, ou GREC, de la Guadeloupe, qui, en novembre dernier, a mis en lumière l’immense gâchis de l’eau : « En 2016 le volume d’eau consommée était de 26,4 millions de mètres cubes, alors que 73,1 millions de mètres cubes étaient produits. » Les pertes représentent donc 177 % de la consommation en eau !
Les conclusions de ces experts sont sans appel : pour un litre d’eau consommé en Guadeloupe, un litre et demi d’eau est perdu, ce qui entraîne bien entendu un stress trop important sur les ressources comme les eaux souterraines du Nord Grande-Terre. Surtout, la qualité de l’eau est « inquiétante », en raison « du très mauvais niveau d’assainissement et de l’utilisation historique de polluants » comme le chlordécone.
Le GREC a aussi pointé de possibles problèmes de sécheresse en se fondant sur les prévisions d’évolution des précipitations : ces dernières devraient diminuer dans une large partie des zones habitées.
Aussi, il est urgent de réagir au bénéfice des usagers, qu’il s’agisse de lutter contre le gaspillage de l’eau ou d’améliorer véritablement la qualité de celle-ci.
Certes, plusieurs initiatives se sont succédé afin de résoudre les difficultés, mais, à ce jour, rien n’a permis de pérenniser l’amélioration d’un système dont les problèmes sont d’ordre structurel. Pour surmonter l’échec des tentatives passées, cette proposition de loi refond la gouvernance du service public de l’eau.
Ce travail est certes nécessaire, mais il n’est pas suffisant. Il ne s’agira que d’un premier pas, important, vers une gestion durable de l’eau en Guadeloupe. Les précédents orateurs l’ont rappelé : aujourd’hui, pas moins de cinq autorités organisatrices coexistent, en dehors de toute logique de bassins hydrographiques.
Cela étant, cette proposition de loi a d’autres ambitions que de simples économies d’échelle.
L’article 1er prévoit la mise en place d’une seule autorité, sous une forme proche d’un syndicat mixte dirigé par un comité syndical. Reste à espérer que cette unification soit soutenue par l’ensemble des acteurs politiques locaux : la représentation des différentes communautés d’agglomération ou des conseils départementaux et régionaux va dans ce sens.
Toutefois, nous proposerons un amendement visant à permettre la présence de personnes qualifiées et de représentants d’usagers au sein même du comité syndical.
Les graves problèmes qu’a subis la population appellent une implication forte des représentants des usagers au sein de cette nouvelle entité. Ces derniers doivent pouvoir, au même titre que des personnes qualifiées, non seulement observer, mais participer pleinement aux décisions prises par la nouvelle institution.
Je note aussi que l’article 1er prévoit le transfert des dettes actuelles des organismes défaillants au nouveau syndicat mixte.
Les membres de notre groupe appellent à la plus grande vigilance à cet égard. S’il apparaît essentiel de ne pas grever cette nouvelle structure dès le départ, une attention particulière devra être apportée au volume des dettes transférées et de celles qui resteraient à la charge des entités actuelles.
L’article 2 prévoit quant à lui la constitution d’une commission de surveillance, dans un souci de dialogue et de transparence avec l’ensemble des acteurs concernés. J’y insiste : selon nous, ce progrès n’est pas suffisant, mais il mérite d’être salué.
Si la commission a permis des apports, notamment le renforcement des obligations du comité syndical, avec l’audition obligatoire annuelle de son président, nous souhaitons que cette instance puisse faire davantage que suggérer l’inscription d’une question à l’ordre du jour. À cette fin, je présenterai dans quelques instants un amendement d’équilibre.
Mes chers collègues, en dehors des discussions relatives à la situation actuelle, à la forme que doit prendre cette nouvelle gouvernance et aux modalités de transition entre les deux systèmes, je reste à la fois enthousiaste et prudent.
Oui, cette réforme est plus que nécessaire, et elle est vivement attendue. Oui, l’enjeu de l’eau doit être au cœur des réflexions de nos politiques publiques en général. Mais ce vaste travail nécessitera un engagement financier fort de l’État. Qu’en est-il des intentions de notre gouvernement à ce sujet ?
Avec ce point de vigilance primordial en tête, les élus du groupe écologiste voteront ce texte.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons cette après-midi rénove la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe.
La situation, vous la connaissez : ce sont des fuites à répétition et un réseau de distribution vétuste, qui demande d’importants travaux de renouvellement ; ce sont des coupures et des « tours d’eau » qui lassent, voire exaspèrent, alors même que cette ressource est abondante dans notre territoire.
Pour ne citer que quelques chiffres, rappelons que le potentiel d’eau disponible par habitant y est d’en moyenne 7 000 mètres cubes, contre 3 000 dans les départements européens. Pourtant, l’eau ne coule pas toujours : la faute en revient à un réseau dont le rendement est largement inférieur à 50 %.
Des pans entiers de l’économie s’en trouvent fragilisés, au premier rang desquels figurent l’agriculture et le tourisme. Des services publics sont menacés. Des hôpitaux, des cliniques et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou Ehpad, se retrouvent sous tension.
Ce que je propose, avec ma collègue députée Justine Benin, c’est de poser les bases d’un retour progressif à la normale ; c’est de reconstruire nos services publics d’eau et d’assainissement, en donnant corps à une revendication ancienne des Guadeloupéens, relayée par les élus locaux et les forces vives de notre territoire.
Cette revendication, c’est la création d’une structure unique consacrée à la gestion de l’eau potable et de l’assainissement, qui réunisse l’ensemble des communautés d’agglomération de Guadeloupe continentale, le département et la région.
Cette structure, qui prendra la forme d’un syndicat mixte ouvert, est évidemment un préalable à la remise en état du système de distribution d’eau potable en Guadeloupe. Elle permettra d’en finir avec une organisation devenue progressivement trop complexe pour être efficace et trop atomisée pour apporter une réponse à la crise.
C’est aussi la condition sine qua non pour sortir – enfin ! – de l’impasse dans laquelle les erreurs et les manquements du passé nous ont conduits.
Mes chers collègues, le texte qui vous est proposé aujourd’hui est le fruit d’un travail de longue haleine. Il prend ses racines dans la mobilisation des citoyens et des élus qui ont saisi ce sujet à bras-le-corps. Il a trouvé sa forme au cours de l’audition des élus, des représentants d’associations et de collectifs d’usagers, ainsi que des nombreux acteurs impliqués dans ce dossier.
À l’Assemblée nationale, divers amendements ont permis d’améliorer et de préciser son dispositif. La création d’une commission de surveillance, en lieu et place de la commission consultative envisagée, garantira par exemple la juste représentation des usagers et permettra de restaurer une confiance perdue.
Au Sénat, le travail de Mme la rapporteure, Françoise Dumont, et de ses collègues de la commission des lois a permis d’aboutir – j’en suis persuadé – à un texte équilibré, solide juridiquement et qui fera date. Je les en remercie.
Ma collègue députée Justine Benin et moi-même avons réellement souhaité dépassionner ce débat. Nous avons voulu l’aborder avec une hauteur de vue qui privilégie la technicité et le dialogue, en nous débarrassant des contingences politiciennes qui ont trop souvent fait obstacle.
Nous saluons tous ceux qui ont compris et favorisé cette démarche.
Nous tenons également à saluer l’engagement du ministre des outre-mer dans ce dossier et sa volonté sans cesse renouvelée d’aller vite, qui est aussi la nôtre. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » : aussi, nous attendons de l’État un accompagnement financier qui réponde aux enjeux.
Mes chers collègues, étant donné l’urgence de la situation et la qualité du travail mené à l’Assemblée nationale et au Sénat, je vous invite donc chaleureusement à adopter en l’état cette proposition de loi, pour offrir enfin aux Guadeloupéens des services publics d’eau potable et d’assainissement à la hauteur de leurs attentes ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gestion du service public de l’eau potable en Guadeloupe est plus que jamais préoccupante et elle ne nous fait pas honneur.
Il est inacceptable que, en 2021, dans l’un des territoires de la République, nos concitoyens aient des difficultés d’accès à l’eau potable, à cause notamment d’un réseau en mauvais état et d’une gestion désastreuse. Cette réalité, qui est leur quotidien, n’a que trop duré. Elle ne résulte pas de la crise du covid, bien que la pandémie l’ait amplifiée.
Quand les Guadeloupéens sont invités à témoigner, voici leurs mots : « Chez nous, l’eau est un accident. » Il est inadmissible qu’un tel degré d’imprévision soit encore possible pour un besoin essentiel.
Certes, l’État a pu apporter quelques premières réponses, dans l’urgence. En 2014, le préfet a coordonné l’élaboration d’un plan de sécurisation de l’alimentation en eau potable, lequel fut complété en 2016 par une seconde tranche de travaux d’urgence. Mais ces efforts restent insuffisants.
M. le ministre l’a rappelé : nous défendons tous le principe de libre administration des collectivités territoriales, tout particulièrement au Sénat. Néanmoins, sur ce sujet, il faut regretter la carence des acteurs publics : le législateur doit la combler pour assurer une gestion exemplaire du service de l’eau.
De ce point de vue, le présent texte offre de nombreuses satisfactions, tout comme les ajustements qui ont été apportés lors de son examen en commission.
Ainsi, le diagnostic auquel il faut répondre n’est que trop simple : la gestion de l’eau potable en Guadeloupe souffre actuellement d’être plurielle et disparate. Au début des années 2010, pas moins de treize entités assuraient l’exercice des compétences « eau potable » et « assainissement ». Cet éparpillement est la source de désaccords entre les acteurs du service public. En résultent des dysfonctionnements pour les usagers.
Il est donc proposé d’instituer un syndicat mixte ouvert, qui regroupera les cinq communautés d’agglomération de Guadeloupe continentale, chacune membre aux côtés du département et de la région. Il s’agit d’une nécessité, même si ce choix nourrit un regret : il implique de contourner le principe de libre administration des collectivités territoriales, en passant par la loi.
Toutefois, certains ajustements apportés au texte, notamment par notre rapporteure, devraient permettre d’assouplir le dispositif, afin que celui-ci se rapproche davantage du droit commun des syndicats de gestion de l’eau.
Au regard de ces éléments, le syndicat devrait permettre une unification et une mutualisation du service public de l’eau potable. Ainsi, l’on pourra espérer une meilleure gestion, appelée à connaître d’autres améliorations dans les années à venir.
En outre, le texte que nous examinons crée une commission consultative auprès du syndicat mixte, qui sera chargée de l’organisation des procédures de transparence et d’association des usagers aux mesures prises par le service public de l’eau en Guadeloupe.
Nous comptons évidemment sur tous les acteurs de ce dispositif, afin de garantir une gouvernance efficace du syndicat mixte ouvert.
Si l’on s’appuie sur les analyses de certains rapports d’expertise, il faudra atteindre progressivement trois objectifs pour revenir à une situation acceptable : tout d’abord, être capable, en période normale, d’alimenter en permanence l’ensemble des usagers ; ensuite, être en mesure d’assurer la distribution normale des usagers dans un contexte d’indisponibilité temporaire de la ressource ; enfin, être à même d’assurer l’alimentation en eau face à un aléa exceptionnel.
En conclusion, il faut rapidement mettre en place tous les dispositifs nécessaires, afin de répondre à la situation, particulièrement préoccupante, de l’accès à l’eau potable en Guadeloupe. Aussi, mes collègues du RDSE et moi-même voterons ce texte et demeurerons particulièrement attentifs au suivi de cette crise. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. Bernard Fournier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « c’est simple, soit l’eau n’arrive jamais dans nos robinets, soit elle arrive, mais n’est pas potable ». Ces mots du président du comité de défense des usagers de l’eau en Guadeloupe résument la situation dramatique qui se déroule dans ce territoire.
Dans notre République, pour certains l’eau est un « accident ». La Guadeloupe s’est habituée aux défaillances du service public de l’eau : la vétusté de ce réseau alimente des coupures quotidiennes, aléatoires ou planifiées en vertu du système dit « des tours d’eau », de douze à vingt-quatre heures chaque semaine.
On compte jusqu’à 60 % de pertes d’eau : ces fuites entraînent une surproduction qui porte atteinte à la biodiversité.
Parmi les dix-huit plus grandes stations d’assainissement de l’île, seules cinq sont conformes aux normes. Des rejets toxiques polluent l’eau et menacent la santé des habitants. Rappelons que 90 % des Guadeloupéens ont été empoisonnés par le chlordécone et que la plainte pour mise en danger de la vie d’autrui est menacée de prescription, alors que la toxicité de ce produit est connue depuis les années 1960.
En parallèle, le prix de l’eau en vigueur dans ce territoire est le plus élevé de France : il est de 6,17 euros au mètre cube, contre 3,58 euros, par exemple, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la région PACA.
Ce cercle vicieux de services défaillants, impliquant des coûts plus élevés, mais insuffisants pour remédier aux problèmes de fond, suscite un ras-le-bol légitime au sein de la population.
Le tableau s’est encore obscurci avec la pandémie, face à laquelle le plus basique des gestes barrières exige un accès à l’eau.
L’eau est un bien commun universel ; l’accès à cette ressource est reconnu dans notre code de l’environnement et par l’ONU comme un droit fondamental essentiel au plein exercice du droit à la vie. Ces mots ne peuvent se cantonner dans le domaine de la théorie. D’ailleurs, nous défendrons prochainement nos convictions à cet égard, en présentant une proposition de loi introduisant la gratuité des premiers litres d’eau.
La solution ici proposée impose une nouvelle gouvernance face aux échecs des négociations entre élus locaux. Le législateur viendrait créer un syndicat en rendant l’adhésion des collectivités obligatoire.
Nous partageons l’ambition de remettre sur pied un service public en faillite et reconnaissons les améliorations apportées pour renforcer le rôle des associations d’usagers. Mais nous regrettons le choix d’imposer cette organisation, qui plus est en passant par la loi.
Le consensus local des collectivités et une concertation citoyenne sont essentiels au bon fonctionnement et à la transparence de la structure. Cette intrusion dans l’exercice des compétences peut être vue comme un ultimatum par les Guadeloupéens.
Pour notre part, nous défendons une conception volontariste des transferts de compétences, conformément à la libre administration des collectivités.
Nous craignons surtout que ce cadre législatif ne soit qu’une coquille vide, qu’il ne réponde ni aux défaillances du système de distribution de l’eau ni aux questions soulevées par la création d’un nouveau syndicat.
L’enjeu de la dette insoutenable des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, n’est pas réglé, puisque le syndicat se voit transférer la seule dette bancaire : qu’en est-il des dettes fournisseurs ?
Le coût de la remise en état des réseaux de distribution est évalué à près de 1 milliard d’euros. Puisqu’il s’est résigné à s’introduire dans la gestion locale, le Gouvernement aurait pu apporter un soutien financier pour réaliser ces investissements.
Le présent texte pose un cadre institutionnel sans apporter de garanties. Quel est l’avenir des personnels en grève ? Qu’en sera-t-il de leur salaire et, tout simplement, de leur emploi ? Allons-nous risquer que des intérêts privés ne s’emparent de ce service public alors qu’une régie permettrait de faire baisser le prix de l’eau ? Rappelons que Veolia s’est signalé par une gestion désastreuse, jusqu’à son départ pour cause de déficit ! Les usagers ne sauraient assumer cet héritage.
Certes, les membres de notre groupe approuvent l’objectif fixé. Mais nous ne pensons pas que cette proposition de loi trop verticale et dépourvue de garanties suffisantes soit la bonne solution. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste, qui bénéficie de l’expertise de collègues de La Réunion, de Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, connaît bien ce sujet, mais il avait moins eu l’occasion de se poser la question de la situation guadeloupéenne en matière d’eau et d’assainissement.
C’est dire si les éléments dont j’ai pris connaissance ont suscité mon étonnement ; je n’avais pas imaginé, en particulier, la pratique des « tours d’eau ». Il ne me semblait pas que de telles situations puissent exister dans notre pays !
Toutefois, monsieur le ministre, j’ai bien entendu, dans votre présentation, votre appel à ne pas stigmatiser. Vous avez été très précis sur ce point, et nous avons aisément saisi ce que vous vouliez dire.
Je comprends également que vous passiez par la voie législative. L’un de mes collègues m’interrogeait sur ce point il y a quelques minutes : « Pourquoi une loi pour évoquer l’eau et l’assainissement ? »
L’ensemble de dispositions dérogatoires aux règles habituelles de nos intercommunalités qui est mis en place justifie un texte législatif. Le recours à la loi est d’autant plus légitime qu’une atteinte est portée à la règle, que chacun de nous connaît, selon laquelle « l’eau paie l’eau », puisque, à l’article 1er, vous autorisez, sur décision du conseil syndical, le recours à la fiscalité à hauteur de 25 % de la dépense, ce qui ne constitue pas un faible montant.
Je dirai quelques mots sur le constat, encore une fois sans stigmatiser. Mme la rapporteure a eu la courtoisie de joindre à son rapport un certain nombre d’annexes, parmi lesquelles on trouve le lien du rapport de l’Observatoire de l’eau pour 2020.
J’avoue avoir découvert avec stupéfaction, dans ce document, que l’indice de connaissance et de gestion patrimoniale des réseaux, dont la moyenne nationale est 96 sur 120, n’atteint en Guadeloupe que 31 sur 120, qu’il y a 61 % de pertes, avec des fuites, certes, mais aussi des compteurs bloqués et des piquages clandestins, et, enfin, que les impayés atteignent 33 %, ce qui paraît considérable, alors qu’ils oscillent entre 1 % et 2 %, dans nos collectivités.
De plus, ce chiffre doit être lu différemment : ceux qui ont l’habitude des budgets de l’eau savent, en effet, que l’eau est réglée à parts égales par les particuliers et par les structures collectives.
Je veux espérer que l’hôpital de Guadeloupe, les maisons de retraite, les communes, pour la bonne gestion de leurs écoles ou de leurs gymnases, paient l’eau. J’imagine donc que ces 33 % d’impayés ne concernent que l’enveloppe de 50 %, mais peut-être suis-je un peu naïf. Cela reviendrait à dire que les factures d’eau ne seraient majoritairement pas honorées par les particuliers… Pourtant, l’eau est disponible.
Dernier élément intéressant selon moi dans ce rapport : il ne s’agit pas du débat autour de l’utilisation de l’eau entre l’agriculture et nos concitoyens, débat qui peut être lourd dans certaines régions de France, puisque le taux de consommation par l’agriculture reste très raisonnable. Autant dire qu’il y a un chemin considérable à parcourir.
Le groupe Union Centriste va voter cette proposition de loi, puisque tout le monde semble être d’accord, que l’on nous présente un consensus complet, que tout le monde est heureux et que chacun se satisfait de l’évolution proposée ! (Sourires.) Ce choix est motivé par la perspective d’une structure unique, laquelle fait l’objet d’un consensus ancien, d’économies d’échelles, d’une organisation plus structurée du réseau, de possibilités d’interconnexion et de logiques de bassin hydrologique.
Permettez-moi toutefois d’avancer quelques observations et de relever ce qui est absent de ce texte. Tout d’abord, cette structure unique aura, parmi ses membres, les cinq communautés d’agglomération, le conseil départemental et le conseil régional, et j’ai constaté que ses statuts seraient rédigés par l’État. En d’autres termes, cette maison n’aura pas de patron, pas de direction. Je veux espérer que les choses iront mieux, je n’en doute pas, mais ce point de départ me laisse un peu perplexe, dans la mesure où il n’y a pas de référent.
Ensuite, le bloc de compétences est, nous dit-on, cohérent, mais j’aurais tendance à relativiser cette appréciation : les eaux pluviales urbaines étant, à mon avis, liées à la voirie, c’est un autre sujet.
Enfin, il n’y a rien sur les modalités de compensation par l’État des charges qui resteraient aux collectivités, ce texte ne contient pas d’impact financier, pas de plan de financement, pas de chiffres, rien sur les systèmes d’information géographique qui permettront de faire fonctionner l’ensemble. On nous dit, en outre, que les ressources humaines seront gérées selon les règles de droit commun, c’est-à-dire par l’article L. 5211-4-1 du code des collectivités territoriales.
Tout cela est cependant soumis à des décisions conjointes des communes ou des intercommunalités de la nouvelle structure. Quels seront les éléments de ces décisions ? Nous n’en savons strictement rien. Bien entendu, on ne nous dit rien non plus de la police administrative de l’eau qui sera pratiquée.
Tel qu’est rédigé le texte, la brave structure unique créée ici n’aura, à mon sens, aucun moyen de s’assurer, sur le terrain, des conditions de branchement, non plus que des modalités de police administrative et d’apurement de la situation.
Les circonstances justifient une approbation, mais, comme l’ont relevé mes prédécesseurs, le chemin à parcourir est encore long. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Madame la rapporteure, je vous remercie de votre introduction, qui correspond aux échanges que nous avons eus.
Mes chers collègues, je suis très heureuse de prendre la parole après M. Bonnecarrère, qui a exprimé des inquiétudes qui sont également les miennes. En effet, en 2021, les Guadeloupéens, en dépit d’une ressource en eau abondante, se retrouvent à vivre un quotidien pénible, rythmé par les coupures et les « tours d’eau ». Il est grand temps de garantir à tous un accès continu à l’eau potable à un prix acceptable. Plus que d’un service public, il s’agit d’une question vitale et d’une question de dignité.
Le Sénat avait d’ailleurs déjà pris en compte cette urgence. Je tiens ainsi à rappeler qu’il s’était prononcé, dès 2018, en adoptant à l’unanimité mon amendement au projet de loi de finances visant à prévoir une majoration de 20 millions d’euros du plan Eau-DOM 2019.
Ce montant n’aurait pas résolu tous les problèmes, mais aurait opportunément permis d’augmenter les financements de la réhabilitation des réseaux d’eau, pour lesquels chaque euro est crucial.
Aussi est-il regrettable que, à l’époque, le Gouvernement, représenté par Mme Girardin, ainsi que l’Assemblée nationale, singulièrement la députée auteure de ce texte, n’aient pas eu la présence d’esprit de poursuivre, dans le cadre du bicamérisme, le travail commencé au Sénat. Ici, toutes les travées avaient adopté cet amendement. Malheureusement, voilà où nous en sommes. Que de temps perdu !
Pourtant, face à une situation locale complexe, voire chaotique, les élus locaux et les usagers n’ont eu de cesse de se mobiliser. Ainsi, le 4 mars dernier, les collectivités locales de la Guadeloupe – le conseil départemental, le conseil régional et des EPCI – ont adopté les statuts d’un syndicat mixte ouvert.
L’initiative parlementaire est un droit, et la loi est souveraine. Pourtant une question fondamentale, de principes, se pose : la loi doit-elle contraindre les libertés locales ou les protéger ? Nous sommes dans une démocratie !
De plus, les élus régionaux et départementaux se sont réunis en congrès, et certains discours ont insisté sur la nécessité d’offrir plus de libertés locales et plus de responsabilités au niveau local. Certes, l’exemple de l’eau n’est pas le meilleur, mais la volonté existe, et les discours tenus à Paris et en Guadeloupe doivent être cohérents.
Si nous partageons tous les bonnes intentions des deux parlementaires de Guadeloupe à l’origine de ce texte, ceux-ci ont pourtant fait le choix de proposer ce précédent législatif au risque – assumé ! – de discréditer le travail des acteurs locaux. C’est dommage.
Aujourd’hui, fort heureusement, ce n’est pas forcément le cas. Je porterai un certain nombre d’amendements dont vous jugerez de la pertinence ; je forme le vœu que vous les adoptiez, mes chers collègues.
Le texte que nous examinons entend apporter une réponse ambitieuse à la situation de l’eau en Guadeloupe, mais il ne propose pas de régler tous les problèmes. Il fait, en effet, l’impasse sur d’autres points essentiels, comme les questions de personnel ou la représentation des usagers dans les organes de décision.
M. Sébastien Lecornu est venu en Guadeloupe en 2018, avec sa prédécesseure, Mme Girardin, et M. Darmanin, ils ont rencontré les usagers à la préfecture, sur l’initiative de l’ancien préfet, monsieur Maire. Le Président de la République, M. Emmanuel Macron, s’est, lui aussi, déplacé en Guadeloupe, il a fait un show au Cinestar devant l’ensemble des usagers, qui lui ont dit qu’ils attendaient une autre considération et une voix délibérative.
Mme Victoire Jasmin. Peut-être s’agissait-il seulement d’une action de communication, d’un déplacement au soleil ?… Les usagers n’ont pas été compris, ils n’ont pas été entendus, alors que tous ceux qui sont venus indiquent unanimement avoir entendu en deux occasions différentes leurs souffrances.
Chacun sait que, dans les conditions actuelles, le principe selon lequel « l’eau paie l’eau » ne pourra jamais s’appliquer, car les montants sont exorbitants. Nous payons, en Guadeloupe, l’eau la plus chère de France.
Ajoutez à cela la réalité financière des collectivités locales de la Guadeloupe, qui nous commande d’appeler, avec lucidité, à un accompagnement massif de l’État. Sans cette aide, comment garantir la viabilité financière de ce projet, sans que les usagers paient au prix fort les investissements à faire sur les réseaux ?
Oui, l’État doit prendre ses responsabilités. Comme l’a proposé à maintes reprises notre collègue Victorin Lurel, le Gouvernement devrait accepter de créer des mécanismes exceptionnels de financement des collectivités locales.
Plusieurs options sont possibles, passant par le biais du plan de relance, par la création de structures de défaisance, ou, mieux encore, par une garantie d’État, sur trente ans, d’au moins 500 millions d’euros de prêts aux collectivités locales, avec un différé d’amortissement minimal de trois ans. Il s’agit véritablement de reconstruire au plus vite et de manière durable les réseaux d’eau et d’assainissement de la Guadeloupe.
Monsieur le ministre, nous sommes toujours dans l’attente d’un engagement tangible de votre part dans cette direction. Les termes et les conditions évoqués dans le contrat de préfiguration que vous avez dicté au président du conseil régional de la Guadeloupe sont purement désobligeants envers les élus de la Guadeloupe dans leur ensemble. Nous ne saurions les accepter.
La loi doit accompagner et protéger les termes de la discussion locale, non la maîtriser ou la forcer. Nous sommes encore en démocratie ! Notre volonté est de soutenir les démarches en cours pour assurer au plus tôt l’accès à l’eau potable en Guadeloupe.
Je tiens à indiquer que l’État porte une responsabilité dans cette situation, parce qu’il n’a pas opéré les contrôles de légalité qui lui revenaient…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Victoire Jasmin. … et qu’il a choisi des délégataires grassement payés, qui n’ont pas fait leur travail et nous ont mis dans la situation où nous sommes aujourd’hui ! (M. Julien Bargeton s’exclame.)
Voilà la vérité ! Je n’ai pas travaillé dans les services de l’eau en Guadeloupe, mais dans la santé, mais vous savez très bien que l’État porte cette responsabilité.
Je ne voterai pas ce texte en l’état ; je tiendrai compte du sort réservé aux amendements que je présenterai.
Mes chers collègues, je souhaite que vous m’aidiez,…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Victoire Jasmin. … afin que la population guadeloupéenne comprenne que nous avons le devoir de représenter notre territoire ici. Si mes amendements ne sont pas adoptés, je m’abstiendrai. (M. Victorin Lurel et Mme Martine Filleul applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’eau donne toujours lieu à des débats passionnés et passionnants. C’est normal, car l’eau, c’est la vie.
Monsieur le ministre, vous savez combien, ici, nous sommes attachés à défendre une certaine liberté s’agissant de la gestion de l’eau et combien nous étions attachés à la gestion communale. Peut-être faudra-t-il donner de nouveau une forme d’agilité locale pour éviter des situations comme celle que vit aujourd’hui la Guadeloupe – je sais que mon collègue des Hautes-Alpes y est, lui aussi, sensible.
Le texte 4D pourrait offrir l’occasion de revenir sur ces sujets. J’y insiste, parce que c’est important : l’eau est une compétence singulière et unique, dont on mesure jour après jour combien il est important qu’elle soit gérée par nos collectivités, quelles qu’elles soient.
L’initiative de nos collègues députés a pour objectif de réunir les conditions d’une amélioration durable de la qualité de ces services publics essentiels en Guadeloupe, comme partout ailleurs dans l’Hexagone ou en outre-mer.
Or, cela a déjà été souligné par les précédents intervenants, la situation guadeloupéenne est, à cet égard, particulièrement préoccupante. C’est d’autant plus paradoxal que ce territoire bénéficie d’abondantes ressources en eau. Celles-ci sont, certes, concentrées dans les régions montagneuses et occidentales de l’île de Basse-Terre, mais cette raison, à elle seule, ne justifie aucunement les difficultés récurrentes du service public de l’eau.
En effet, la combinaison d’un réseau insuffisamment équipé et entretenu avec l’existence de difficultés de gestion administrative et financière récurrentes a créé une situation inacceptable. Les usagers sont victimes de pénuries ponctuelles, voire de coupures récurrentes, rendues nécessaires pour réguler l’approvisionnement défaillant : les fameux « tours d’eau ».
S’y ajoute un prix de l’eau largement supérieur aux moyennes nationales, y compris en comparaison d’autres territoires ultramarins. Cela suscite des impayés, qui fragilisent encore plus la santé financière du système, créant ainsi un cercle vicieux.
Cette situation n’a pas seulement pour effet de compliquer la vie quotidienne des Guadeloupéens. Elle crée aussi des perturbations de l’activité économique et constitue une source de risques sanitaires substantiels. Alors que la crise du covid-19 se poursuit et que le CHU de Pointe-à-Pitre se remet encore des suites d’un grave incendie, il est donc important de s’atteler dès que possible à réduire les facteurs de risques dans ce domaine.
Il ne revient pas au législateur de débattre des infrastructures à installer ou à rénover dans telle ou telle partie de l’archipel guadeloupéen. Cependant, avant de songer à la réfection de canalisations et à l’installation de pompes, le premier pas pour résoudre le problème semble surtout de rénover le cadre institutionnel.
Les tentatives locales pour trouver une solution pérenne n’ont malheureusement pas entièrement abouti, malgré de premiers pas encourageants ces dernières années. Nos collègues députés ont jugé utile de prendre une initiative législative et d’organiser une forme de sortie par le haut, en créant, dans la loi, un établissement public local de pilotage du service public de l’eau.
Compte tenu de la situation locale que je viens de vous décrire, le présent texte me paraît donc opportun. Le syndicat mixte qu’il crée permettra d’assurer une gouvernance unifiée de l’eau dans la quasi-intégralité du territoire guadeloupéen et sera accompagné d’une commission de surveillance.
La commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, notre collègue Françoise Dumont, dont je salue le travail important, a approuvé les grandes orientations de la proposition de loi, tout en adoptant certains amendements bienvenus, qui visent à opérer des ajustements au dispositif voté par l’Assemblée nationale. Ces derniers sont destinés à renforcer l’efficacité de la nouvelle structure, par exemple sur la répartition des contributions financières, ou en ce qui concerne la possible future inclusion de l’île de Marie-Galante dans le syndicat. C’est là un aspect important pour donner le plus de souplesse possible à cet établissement public.
La commission a également amendé le texte afin de renforcer la place des élus locaux et des usagers dans la gouvernance de l’eau, en assurant leur présence au sein de la commission de surveillance placée auprès du nouvel organisme. Grâce à cette disposition, cette structure pourra pleinement contribuer à restaurer la confiance des Guadeloupéens en leur service public de l’eau, comme nous l’espérons tous.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe votera cette proposition de loi, ainsi enrichie par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en guadeloupe
Article 1er
I. – Il est créé, le 1er septembre 2021, un établissement public local à caractère industriel et commercial dénommé « Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe ».
Sous réserve des dispositions de la présente loi, l’établissement mentionné au premier alinéa du présent I est un syndicat mixte régi par le chapitre Ier du titre II du livre VII de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales.
Après avis des organes délibérants des membres du syndicat mixte mentionnés au II du présent article, les statuts du syndicat mixte sont arrêtés par le représentant de l’État en Guadeloupe. À défaut de délibération des organes délibérants dans un délai d’un mois à compter de la notification du projet de statuts, l’avis est réputé favorable.
Le syndicat mixte est constitué pour une durée illimitée.
II. – Sont membres du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe :
1° Les communautés d’agglomération CAP Excellence, Grand Sud Caraïbe, Nord Grande-Terre, Riviera du Levant et Nord Basse-Terre ;
2° La région de Guadeloupe ;
3° Le département de la Guadeloupe.
En cas de modification du périmètre, par fusion ou partage, d’une communauté d’agglomération mentionnée au 1° du présent II, le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en résultent deviennent automatiquement membres du syndicat mixte.
À sa demande, une personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales peut, après autorisation expresse du représentant de l’État en Guadeloupe et avec l’accord des membres exprimé à l’unanimité des délégués du comité syndical mentionné au V du présent article, adhérer au syndicat mixte. Les modalités de son adhésion sont précisées par les statuts du syndicat mixte.
III. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe détient l’ensemble des prérogatives attachées aux missions dévolues aux services publics de l’eau et de l’assainissement telles qu’elles sont déterminées par la loi.
Il garantit l’exercice de ces missions en vue de la satisfaction des besoins communs de ses membres. Il veille à la continuité du service public dans un objectif de qualité du service rendu aux usagers et de préservation de la ressource en eau. Il assure la gestion technique, patrimoniale et financière des services publics de l’eau et de l’assainissement et réalise tous les investissements nécessaires au bon fonctionnement et à la modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement, dans un objectif de pérennité des infrastructures. Il exerce, à ce titre, de plein droit, en lieu et place des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres, les compétences suivantes :
1° Eau, assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues aux articles L. 2224-7 à L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;
2° Service public de défense extérieure contre l’incendie, au sens de l’article L. 2225-2 du même code ;
3° Gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l’article L. 2226-1 dudit code.
Le syndicat mixte assure la gestion d’un service d’information, de recueil et de traitement des demandes des usagers des services publics mentionnés aux 1° à 3° du présent III.
III bis. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe produit des études et analyses visant à :
1° (Supprimé)
2° Intégrer les politiques d’eau potable et d’assainissement dans les enjeux de développement durable du territoire ;
3° Participer à l’élaboration des schémas stratégiques relatifs aux politiques d’eau potable et d’assainissement à l’échelle du territoire ;
4° Conduire une réflexion globale sur la gestion de la ressource en eau et de l’assainissement sur le territoire.
III ter. – En cas de rupture de l’approvisionnement des usagers, le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe prend toute mesure propre à garantir un droit d’accès régulier à l’eau potable.
IV. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe exerce, en lieu et place du département de la Guadeloupe et de la région de Guadeloupe, la compétence en matière d’étude, d’exécution et d’exploitation de tous les travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence visant les missions prévues au I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, hors celles mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 8° du même article L. 211-7 relevant de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.
V. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe est administré par un comité syndical qui comprend des délégués de ses membres.
Chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du syndicat mixte est représenté par quatre délégués au sein du comité syndical. La région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe sont chacun représentés par quatre délégués. Le président de la commission de surveillance mentionnée à l’article 2 de la présente loi participe aux travaux du comité syndical avec voix consultative.
Le comité syndical se dote d’un bureau. Chaque membre du syndicat mixte désigne celui de ses délégués au comité syndical appelé à y siéger.
VI. – Les biens, équipements et services publics nécessaires à l’exercice de ses compétences par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe sont mis à sa disposition par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres dans les conditions prévues à l’article L. 5721-6-1 du code général des collectivités territoriales.
Par dérogation au premier alinéa du I du même article L. 5721-6-1, les droits et obligations rattachés aux biens, équipements et services publics mis à disposition du syndicat mixte lui sont transférés, dans les conditions prévues à l’article L. 1321-2 du même code, dans un délai d’un an.
Par dérogation à la deuxième phrase du troisième alinéa du même article L. 1321-2, à défaut d’accord entre les parties au terme du délai mentionné au deuxième alinéa du présent VI, le transfert est prononcé par décret en Conseil d’État, pris après avis d’une commission dont la composition est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et des outre-mer et qui comprend des représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres du syndicat mixte.
Les transferts prévus au présent VI sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu à aucun versement ou honoraires, ni à aucune indemnité ou perception de droit ou taxe.
VI bis. – Les dettes financières des établissements publics de coopération intercommunale exerçant les compétences mentionnées au III et relatives aux investissements nécessaires à l’exercice de celles-ci sont transférées au Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe.
Les autres dettes exigibles et les créances des établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au premier alinéa du présent VI bis ne sont pas transférées au syndicat mixte.
VII. – Les activités industrielles et commerciales exercées par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe sont financées dans les conditions prévues aux articles L. 2224-12-1 à L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales.
Dans les conditions prévues à l’article L. 2224-2 du même code, les membres du syndicat mixte peuvent prendre en charge des dépenses au titre des services publics de l’eau et de l’assainissement, par décision motivée du comité syndical mentionné au V du présent article. Dans ce cas, les contributions des membres du syndicat mixte sont ainsi réparties :
1° La région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe contribuent chacun à hauteur de 25 % ;
2° Les contributions restantes sont réparties entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres au prorata du nombre d’abonnés situés dans leur périmètre géographique respectif, en distinguant les contributions dues au titre du service public de l’eau et celles dues au titre du service public de l’assainissement.
À l’unanimité de ses membres, le comité syndical mentionné au V du présent article peut décider de déroger à la répartition des contributions décrite aux 1° et 2° du présent VII lorsqu’un projet d’investissement le nécessite.
Ces contributions ont un caractère obligatoire.
VIII. – L’adhésion des membres mentionnés au II du présent article vaut retrait des syndicats auxquels ces membres appartiennent pour les compétences mentionnées aux III à IV.
IX. – Toute modification des statuts du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe est prononcée par arrêté du représentant de l’État en Guadeloupe, dans les conditions fixées par les statuts de l’établissement ou, à défaut, dans les conditions fixées à l’article L. 5721-2-1 du code général des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, sur l’article.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er crée une structure unique, un syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement, le 1er septembre prochain.
Il s’agit, vous le savez, d’un projet évoqué dès le début de l’année 2015 par le groupe de travail dirigé, à l’époque, par le sous-préfet de Pointe-à-Pitre. Cette initiative n’a pas prospéré, mais elle a, depuis lors, fait l’objet de nombreux échanges et, surtout, d’un accord de principe entre les élus locaux et les parlementaires guadeloupéens.
Les modalités de cette unification n’ont jamais fait consensus, ce qui a privé jusqu’à présent la Guadeloupe d’une nouvelle gouvernance des services publics d’eau et d’assainissement.
J’aimerais, par ailleurs, rappeler une évidence : cet article n’entrave en rien le principe de la libre administration des collectivités. Il concrétise, au contraire, une initiative commune, qui ne peut rester bloquée indéfiniment.
C’est pourquoi il me semble important de préciser que les statuts de ce syndicat seront arrêtés par le préfet après avis des organes délibérants du syndicat mixte ouvert, le SMO, à savoir les cinq communautés d’agglomération de Guadeloupe continentale, Grand Sud Caraïbe, Nord Grande-Terre, Riviera de Levant, Nord Basse-Terre et CAP Excellence, le conseil départemental et le conseil régional.
Le SMO proprement dit sera placé sous la vigilance d’un conseil syndical que nous avons souhaité le plus équilibré et le plus représentatif possible ; il garantira un meilleur accès à l’eau et à la continuité des services publics d’eau potable et d’assainissement ; il engagera les investissements nécessaires et préservera la ressource ; il assurera, enfin, la gestion de service d’information, de recueil et de traitement des demandes des usagers pour tenter de restaurer une confiance aujourd’hui perdue.
Bien sûr, cet article 1er n’entend pas, à lui seul, résoudre l’ensemble des problèmes d’eau et d’assainissement en Guadeloupe, dont les causes et les facteurs sont trop nombreux, mais nous nous accordons tous sur un fait : il faut un début. Cette structure unique est une première étape, qui nous permettra de reconstruire des services publics à la hauteur des attentes des Guadeloupéens.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avoue que ce texte me pose beaucoup de problèmes.
Je souscris aux propos de ma collègue Victoire Jasmin, plutôt qu’à ceux de notre collègue Dominique Théophile, selon lequel ce texte ne violerait pas la libre administration territoriale, ce dont je doute.
J’imagine, compte tenu du consensus dégagé à l’Assemblée nationale et, peut-être, au Sénat, même si le groupe socialiste est plutôt enclin à s’abstenir, que ce texte ne sera pas présenté au Conseil constitutionnel. Nous ne sommes toutefois pas à l’abri d’une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC.
Je ne comprends pas l’articulation entre cette proposition de loi, issue d’une initiative du Gouvernement et portée par un parlementaire – je n’ai pas encore vu l’apport de mon collègue Théophile, sinon, peut-être, dans les amendements qui seront discutés tout à l’heure –, et l’initiative locale, qu’elle concurrence.
Le préfet a reçu des instructions du Gouvernement et a fait adopter en commission départementale de la coopération intercommunale, ou CDCI, le 4 mars dernier, un syndicat mixte ouvert. Il y en a donc deux : celui qui nous est soumis aujourd’hui et celui qui a été adopté récemment avec, on le sait, l’opposition de CAP Excellence.
Le ministre a bien voulu envoyer un courrier qu’il a présenté comme une feuille de route imposée aux élus, en particulier au président de région, indiquant que son texte n’était « qu’une préfiguration ». Nous gagnerions sans doute à entendre le ministre expliquer l’articulation entre ces deux textes.
On le sait, les élus ne se sont pas entendus depuis des décennies et, singulièrement, depuis 2015. En cela, j’avoue que je comprends l’initiative, même si je désapprouve sa méthode. C’est un peu « en même temps », disons-le, mais je comprends qu’il faille avancer.
J’ai déposé quelques amendements en commission, que je n’ai pas repris en séance publique, pour ne pas retarder l’adoption du texte. En l’état, nous attendons la discussion, mais nous sommes plutôt enclins à nous abstenir. Je dirai tout à l’heure un petit mot en faveur de la commission des lois, qui a fait un excellent travail de rédaction et de légistique.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Des modalités de sortie des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres du syndicat mixte peuvent être prises à la majorité des membres du conseil syndical.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Il me semble nécessaire d’équilibrer l’article 1er de cette proposition de loi, lequel, dans sa rédaction initiale, risque de faire peser sur certains EPCI non volontaires une obligation de regroupement, avec des exigences, notamment financières, disproportionnées au regard de leur poids dans la gouvernance de la structure.
Cet amendement vise donc à prévoir des possibilités d’entrée et de sortie du SMO ; à défaut, la libre administration des collectivités serait menacée, ainsi que cela vient d’être dit.
Je souhaite que nous ne prenions pas le risque d’une QPC et que nous permettions donc aux EPCI d’entrer et de sortir librement de ce SMO.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement tend à s’inscrire en contradiction frontale avec l’objet de la présente proposition de loi, laquelle vise précisément à unifier la gouvernance des services publics d’eau et d’assainissement.
Au regard de la gravité de la situation, il me semble relever de la responsabilité du législateur d’agir en procédant à cette unification.
Au demeurant, le présent amendement tend à prévoir des modalités particulièrement allégées de sortie, à la majorité simple. Une disposition aussi dérogatoire pourrait, plutôt que de favoriser le bon fonctionnement de la structure unique, lui faire courir un risque permanent de démantèlement, donc favoriser les blocages au sein de sa gouvernance.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il me semble très difficile de prétendre, dans l’enceinte de la Haute Assemblée, que le fait qu’une loi vienne régler une difficulté locale poserait un problème démocratique…
On peut certes regretter qu’il n’y ait pas d’accord entre les élus locaux et qu’il faille en passer par la loi, mais on ne peut pas affirmer que le fait que des députés ou des sénateurs s’emparent d’un sujet local pour essayer de le régler par la loi pose un problème démocratique ! Nous devons faire attention à ce que nous disons sur ce terrain.
L’objectif du Gouvernement est assez simple : nous voulons qu’il y ait de l’eau au robinet. Nous voyons bien que cette affaire dure depuis trop longtemps et que, désormais, nous devons avancer.
Comme Mme la rapporteure, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à prévoir des modalités de sortie. Cette proposition, au même titre que l’adhésion facultative au syndicat, ne ferait que prolonger le statu quo que la présente proposition de loi entend précisément dépasser.
L’entité que nous proposons de créer se doit, en effet, d’être durable et de ne pas dépendre de jeux politiques.
C’est un sujet douloureux, et l’on sent beaucoup d’atermoiements, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale, mais l’on entend aussi un bruit de fond que je ne saurais expliquer. Ce que nous souhaitons, c’est qu’il y ait de l’eau au robinet et que cela se passe bien, dans l’union et la solidarité.
Tel est l’esprit qui doit nous guider, et non de petites attaques à peine voilées. Nous devons garder l’objectif de trouver les voies et moyens pour y parvenir. S’il existait une solution, cela se saurait, mais la problématique de l’eau date, fondamentalement, de 2007.
Les canalisations sont arrivées dans le pays cinquante ans après, en 1946, après la guerre grâce aux établissements Gibault. Elles doivent à présent être rénovées dans leur totalité puisque leur durée de vie est précisément de cinquante ans. Nous sommes donc aujourd’hui à la croisée des chemins, face à une responsabilité.
Notre rôle de parlementaires, plus particulièrement de parlementaires guadeloupéens, dans la périphérie, est justement de faire la loi, de contrôler le Gouvernement. Nous sommes donc dans notre rôle de législateur, que cela plaise ou non !
Nous sommes heureux que ce soit des parlementaires guadeloupéens qui portent une loi concernant les Guadeloupéens : c’est toute notre fierté, que je vais partager avec l’ensemble de mes compatriotes guadeloupéens, ici et ailleurs !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je me sens presque obligé de demander la parole après les propos de notre ministre et l’intervention de mon collègue Théophile.
Je ne comprends pas que l’on veuille, si j’ose dire, porter atteinte à la liberté d’un parlementaire de dire ce qu’il pense, à savoir que nous avons du mal à légiférer. Il existe des contraintes, et l’on nous empêche de dire le fond de notre pensée.
Victoire Jasmin a défendu un amendement, estimant que la liberté d’administration est attaquée ; c’est aussi ce que je crois fondamentalement. Ce n’est pas parce qu’il y a une situation de fait qu’il n’existe qu’une seule solution pour forcer les élus à s’entendre. Mon collègue connaît parfaitement le problème, puisqu’il est l’un des acteurs de ce secteur, ou qu’il l’a été : ce n’est pas une attaque que de le dire.
Toutefois, comment peut-on empêcher un parlementaire d’exprimer le fond des choses ? Mme Jasmin est libre d’exprimer sa pensée. Je le dis au ministre, une telle proposition n’est pas une contradiction au sein de l’assemblée qui est la garante des libertés des collectivités territoriales. On fait le job aussi, de ce côté de l’hémicycle !
Personnellement, je partage un certain nombre de choses qui ont été dites. Je n’ai jamais eu, moi non plus, à gérer l’eau, et je comprends qu’il faille faire avancer le dossier. Il est vrai que le texte ne règle pas grand-chose, si ce qu’il permet de forcer une agglomération. Tout le reste n’est pas réglé.
Deux syndicats mixtes ouverts, ou SMO, vont s’affronter. Nous avons 193 millions d’euros de dettes fournisseurs et 81 millions d’euros de dettes bancaires. Le ministre, dans sa déclaration à l’Assemblée nationale, n’a voulu en considérer que 44 millions, mais le syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, le Siaeag, enregistre à lui seul 34 millions d’euros de dettes bancaires : ce n’est pas réglé !
Par ailleurs, 563 personnes sont concernées, dont 130 ou 140 personnes au Siaeag : rien n’est réglé ! Ce n’est pas porter atteinte à je ne sais quelle liberté d’initiative du Gouvernement que de le dire.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Étudier la faisabilité d’une tarification sociale de l’eau pour les usagers les plus modestes.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. La situation a été parfaitement décrite par les uns et par les autres. Nous savons tous que certaines personnes paient des factures exorbitantes.
Voilà pourquoi je propose de permettre d’inscrire dans la loi, si loi il y a, une tarification sociale de l’eau en Guadeloupe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Le présent amendement tend à prévoir que le syndicat mixte comptera, parmi les analyses et réflexions qu’il lui reviendra de mener, une mission d’étude sur la faisabilité d’une tarification sociale de l’eau pour les usagers les plus modestes.
Je partage pleinement l’intention des auteurs de cet amendement, le prix de l’eau étant un problème particulièrement aigu en Guadeloupe. J’ai d’ailleurs développé ce point dans mon rapport. Au regard de la situation, l’étude de faisabilité d’une tarification sociale de l’eau semble donc une mesure de bon sens.
Je rappelle que l’article 15 de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a pérennisé la possibilité d’une tarification sociale de l’eau. Celle-ci est par ailleurs pleinement applicable au syndicat mixte créé par la présente proposition de loi. Il reviendra donc aux membres du syndicat mixte de s’approprier, une fois sa faisabilité étudiée, cette possibilité.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice, votre propre groupe avait déjà introduit dans la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique cette possibilité, qui s’applique donc déjà de plein droit en Guadeloupe.
Mme Victoire Jasmin. Non, c’est une expérimentation ! Cela n’a rien à voir !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous assure, madame la sénatrice, que la base légale existe déjà !
Votre amendement est satisfait, mais ses dispositions vont dans le bon sens. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il comprend également deux personnes qualifiées ainsi que deux représentants d’associations d’usagers des services publics de l’eau.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet la composition du comité syndical.
Nous avons tous décrit les carences structurelles du passé. Il existe une perte de confiance en Guadeloupe par rapport aux différents gestionnaires. Il nous semble aujourd’hui opportun d’adjoindre, dans la composition du comité syndical même, aux représentants des collectivités territoriales, des représentants des usagers, ainsi que des personnes qualifiées.
Le texte présenté vise seulement, à la suite des travaux de la commission des lois, à les introduire dans la commission de surveillance. Nous demandons, nous, qu’ils interviennent directement dans l’organe décisionnel, à savoir le comité syndical.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement tend à prévoir en effet que deux représentants d’usagers et deux personnalités qualifiées siègent au sein du comité syndical.
Or un tel ajout pose trois difficultés.
Tout d’abord, il nuit à la lisibilité et à la cohérence de la gouvernance du syndicat mixte. Les usagers et personnalités qualifiées qui sont représentés au sein de la commission de surveillance pourraient voir leur rôle de contrôle au sein de cette commission brouillé par une telle disposition.
Ensuite, il pose une difficulté juridique, en ce qu’il associerait à la direction d’un syndicat mixte des personnalités qui n’en sont pas membres. Or un syndicat mixte a vocation à agir en fonction des choix de ses membres.
Enfin, sur le plan technique, le présent amendement ne vise à prévoir aucune procédure de nomination de ces personnalités qualifiées et de ces représentants.
En l’état de sa rédaction, l’amendement ne pourrait en tout état de cause être adopté. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est défavorable pour les mêmes raisons que la commission. Je renvoie également aux précisions que j’ai apportées lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je formulerai deux remarques.
En réponse à la première objection formulée par Mme la rapporteure, je précise que nous avons déposé un autre amendement, pour le cas où celui-ci serait adopté, tendant à supprimer la présence des personnalités qualifiées et des représentants d’usagers dans le comité de surveillance.
Quant à la difficulté liée au fait que la nomination n’est pas clairement définie, cette objection vaut également pour le comité de surveillance. Je comprends l’argument, mais il n’est pas recevable, car il s’applique aussi au reste du texte.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Alinéa 25, dernière phrase
Remplacer le mot :
consultative
par le mot :
délibérative
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Les dispositions de cet amendement vont dans le sens de ce qui a été proposé par M. Benarroche à l’instant, compte tenu de l’implication des usagers et des associations d’usagers.
M. le ministre, qui était secrétaire d’État à l’époque, a rencontré un certain nombre de personnes. Emmanuel Macron, lui-même, a rencontré ces mêmes usagers au Cinestar. Des promesses ont été faites. Peut-être s’agissait-il d’un show médiatique ?…
Quoi qu’il en soit, les usagers dénoncent depuis longtemps la situation, sont très impliqués et disposent d’une certaine expertise. Il est donc très important qu’ils fassent partie de ce syndicat, avec voix délibérative, et soient au cœur du système.
Même si des ajouts ont été introduits dans la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, il faudrait une loi d’exception pour la Guadeloupe. Il importe que cette loi soit exceptionnelle pour les Guadeloupéens : les usagers font partie des personnes exceptionnelles qui ont dénoncé une telle situation !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement, qui tend à doter le président de la commission de surveillance d’une voix délibérative au comité syndical, a été rejeté en commission.
La modification proposée me semble au surplus excessive et problématique sur le plan juridique. Par définition, le comité syndical, qui a la charge de l’administration du syndicat mixte unique, doit être composé de délégués des membres.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice, de grâce, ne parlons pas de show médiatique !
Le sujet est suffisamment difficile pour nos concitoyens pour que nous ne fassions pas de politique politicienne. C’est un peu comme si je vous suspectais d’être engagée dans la campagne des élections régionales en Guadeloupe… Personne ne le croirait ! (Sourires sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
Ne nous renvoyons donc pas la balle sur un éventuel calendrier électoral des uns et des autres, ou j’y perdrais mon latin, pour ne pas dire mon créole !
Sur le fond, et pour les mêmes raisons que la commission, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La commission de surveillance mentionnée à l’article 2 de la présente loi est représentée au sein du comité syndical par quatre délégués titulaires et quatre délégués suppléants.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Je ne suis pas dans la politique politicienne : je suis au cœur du système, je vis en Guadeloupe et je connais les réalités de terrain !
En 2018, alors que j’étais jeune sénatrice depuis septembre 2017, j’avais défendu un amendement ayant pour objet la problématique de l’eau en Guadeloupe, amendement qui a été voté ici au Sénat, comme je l’ai rappelé dans la discussion générale.
La problématique de l’eau n’est pas une question de politique politicienne, c’est une réalité. C’est parce qu’il existe des souffrances et parce que les usagers ont dénoncé cette situation que je souhaite vraiment inscrire cette préoccupation au cœur du système !
Cet amendement vise à donner quatre sièges de titulaires et quatre sièges de suppléants aux usagers au sein de la commission.
Il est important – je le répète – qu’il y ait dans cette commission des représentants d’usagers. Nous nous inscrivons dans une démarche de démocratie participative. À l’heure où le Gouvernement interroge 150 citoyens pour le climat et 35 citoyens pour la vaccination, même si ce n’est pas avec voix délibérative, cette démarche de coconstruction me paraît importante.
Il est essentiel que nous puissions entendre les usagers que vous avez vous-même rencontrés, monsieur le ministre. À quoi bon venir en Guadeloupe pour rencontrer des personnes qui vous disent leur souffrance, si ce n’est pas pour leur donner une place dans le dispositif ?
Si nous voulons une loi d’exception, et puisque le système de droit commun le permet déjà, faisons en sorte que ce texte soit vraiment exceptionnel !
Je le répète, je ne m’inscris pas dans une démarche politicienne. Il s’agit d’une proposition de bon sens, car je suis une mère de famille et je connais très bien la situation en Guadeloupe, mieux que vous, ou mieux que beaucoup d’entre vous, en tout cas ! Puisque vous avez si bien décrit les choses, vous devez savoir que je ne défends pas une certaine politique : je défends tout simplement le droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement tend à octroyer quatre sièges à la commission de surveillance au sein du comité syndical. J’en comprends certes l’intention, mais il me semble inopportun.
La gouvernance du syndicat, telle qu’elle résulte de la rédaction actuelle de la proposition de loi, est claire : le comité syndical administre la commission de surveillance et la commission de surveillance contrôle ses actes. Placer des représentants auprès du comité syndical brouillerait cette gouvernance en la mettant en situation d’être à la fois juge et partie. Comment contrôler efficacement un organe que l’on contribue à diriger ?
Il semble préférable de conserver une répartition des tâches bien établie. Je rappelle, au surplus, que la commission des lois a renforcé le rôle de la commission de surveillance en prévoyant une procédure d’audition réciproque par le comité syndical et la commission de surveillance.
Par ailleurs, un tel ajout au comité syndical serait déséquilibré sur le plan juridique. Un syndicat mixte ne doit être administré au sein du comité syndical que par ses membres. Ouvrir davantage cet organe de direction semble donc particulièrement problématique pour la cohérence juridique de la proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Dumont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 28
Remplacer la référence :
L. 1321-2
par la référence :
L. 1321-1
II. – Alinéa 29
Remplacer la référence :
L. 1321-2
par la référence :
L. 1321-1
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Il s’agit d’un amendement visant à corriger une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Remplacer les mots :
du nombre d’abonnés situés
par les mots :
de la population située
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à définir une répartition proportionnelle des contributions restantes de chaque EPCI membre du syndicat selon la taille de leur population, et non plus en fonction du nombre de compteurs, c’est-à-dire d’usagers.
L’un de nos collègues a souligné qu’il n’existait pas de système d’information géographique. Au moment où nous votons ce texte, nous ignorons combien il y a de compteurs dans de nombreuses agglomérations.
Compte tenu de l’opposition affirmée par un EPCI, ma proposition semble moins défavorable. La population est d’à peu près 110 000 habitants pour la communauté d’agglomération CAP Excellence et d’environ 80 000 habitants pour le Sud Basse-Terre. La différence, en termes de volume et de participation à cette dépense, serait moins importante.
Adosser la répartition à la population me semble une mesure d’équité pour les agglomérations, même si je comprends la rédaction actuelle du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement vise à prévoir que les contributions des EPCI à fiscalité propre sont réparties proportionnellement à leur population.
Le texte, tel qu’il est rédigé, prévoit déjà qu’une telle répartition s’effectue proportionnellement au nombre d’usagers situés sur le territoire de chaque EPCI. Une telle rédaction, plus précise, semble préférable. Il est donc proposé de la conserver.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Je comprends le raisonnement de M. Victorin Lurel, mais je préfère que nous nous en tenions à la version initiale du texte.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lurel, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la soutenabilité financière et économique de la structure unique et son impact sur le coût de l’eau en Guadeloupe.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Il s’agit d’une demande de rapport, car nous ne disposons d’aucune d’étude d’impact financier concernant ces textes.
Je sais que ce n’est pas toujours évident, mais il faudrait que, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport, afin que nous disposions de données chiffrées. Il est important de savoir où nous allons. Aujourd’hui, nous sommes dans l’incertitude la plus complète, ce qui est regrettable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement tend à demander au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur la soutenabilité financière et économique de la structure unique et son impact sur le coût de l’eau en Guadeloupe.
Je comprends, naturellement, l’importance des sujets financiers pour la pérennité de la structure nouvellement créée. Néanmoins, conformément à une position constante de la commission des lois et du Sénat, les demandes de rapport sont systématiquement rejetées.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis défavorable à l’amendement, mais intéressé par la proposition de Mme Jasmin.
Une étude d’impact à trois mois n’aurait pas de sens, car tout cela va dépendre du choix des élus locaux : certes, c’est le législateur qui crée le syndicat, mais les décisions prises au sein du SMO relèvent, elles, de nos collègues élus locaux.
En revanche, madame la sénatrice, pourquoi ne pas envisager, au bout d’un an, de réaliser une évaluation concrète, afin de déterminer où nous en sommes ? Le Parlement, singulièrement le Sénat, peut tout à fait se saisir de cette question en créant une mission d’évaluation. En tout état de cause, le Gouvernement sera à la disposition de celles et de ceux qui le souhaiteront.
Je demande donc le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission, car un rapport au bout de trois mois ne me semble pas souhaitable. En revanche, je retiens votre idée d’évaluer et de documenter la soutenabilité de la structure unique, mais au bout d’un an d’existence ; l’ensemble des services du ministère se tiendra à votre disposition pour aller dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’ai moi-même déposé en commission des amendements dans ce sens. J’ai été sensible à la teneur des débats.
La réponse faite par notre rapporteure correspond à la culture du Sénat. Mais cela soulève un vrai problème, comme M. le ministre le reconnaît lui-même, car cette proposition de loi n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact.
Après les excellents travaux réalisés par l’office de l’eau en Guadeloupe, qui a examiné le status quaestionis, l’état de la question, que faire de 193 millions d’euros de dettes fournisseurs ? Que faire des 81 millions d’euros de dettes bancaires, même si vous avez bien voulu reprendre 44 millions d’euros de dette au 31 décembre 2019 ?
Sans aller plus avant, j’aimerais, dans la continuité de ce qui a été dit, et même si nous ne voterons pas cette demande de rapport contraire à la culture du Sénat, que le Gouvernement, conformément à ce que je demandais en commission, prenne des engagements formels et, si j’ose dire, sonnants et trébuchants, peut-être dans le cadre du plan de relance, en matière financière et sur la situation des personnels avant le 1er septembre, date d’entrée en vigueur du texte.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, je suis d’accord avec votre proposition. J’ai proposé un timing contraint dans la mesure où un SMO a été adopté il y a quelques jours par les autres EPCI et où proposition prendra effet au mois de septembre. Il faut donc des données chiffrées, afin de bien cerner la situation et les moyens à mettre en œuvre.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.
Article 2
I. – Une commission de surveillance est placée auprès du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe mentionné au I de l’article 1er. Elle comprend :
1° Des représentants des membres du syndicat mixte, désignés selon les règles fixées dans ses statuts ;
2° Des représentants d’associations d’usagers des services publics de l’eau et de l’assainissement ;
2° bis Des représentants d’associations de protection de l’environnement ;
3° Des représentants de la chambre de commerce et d’industrie des îles de Guadeloupe, de la chambre d’agriculture de la Guadeloupe et de la chambre de métiers et de l’artisanat de la région de Guadeloupe ;
4° (Supprimé)
5° Le président de l’association des maires de Guadeloupe et des représentants des communes ;
6° (nouveau) Des personnalités qualifiées, choisies en raison de leur compétence en matière d’eau et d’assainissement.
Les membres de la commission de surveillance mentionnés aux 2°, 2° bis et 6° du présent I sont nommés par le représentant de l’État en Guadeloupe, après avis du président du syndicat mixte. Les membres mentionnés au 2° représentent au moins la moitié des membres de la commission.
Les membres de la commission de surveillance mentionnés au 3° sont nommés par le représentant de l’État en Guadeloupe, sur proposition des présidents des chambres consulaires concernées.
Les membres de la commission de surveillance mentionnés au 5° sont nommés par le représentant de l’État en Guadeloupe, sur proposition de l’association des maires de Guadeloupe.
Les nominations sont faites pour six ans. Les membres sortants sont rééligibles. Leurs fonctions sont exercées à titre gratuit.
La commission de surveillance élit son président parmi les membres mentionnés au 2°. Lors des délibérations de la commission de surveillance, en cas d’égalité lors d’un vote, la voix du président est prépondérante.
II. – La commission de surveillance formule des avis sur l’exercice de ses compétences par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, en particulier sur :
1° Le projet stratégique du syndicat mixte et ses projets d’investissements ;
2° La politique tarifaire et la qualité des services publics d’eau et d’assainissement ;
3° Le service public de défense extérieure contre l’incendie, au sens de l’article L. 2225-2 du code général des collectivités territoriales ;
4° La gestion de la ressource en eau ;
5° La satisfaction des usagers du service public de l’eau.
Les avis de la commission de surveillance sont transmis au comité syndical mentionné au V de l’article 1er de la présente loi.
III. – La commission de surveillance examine chaque année, sur le rapport du président du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, les rapports mentionnés à l’article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales.
Elle est consultée pour avis par le comité syndical mentionné au V de l’article 1er de la présente loi sur les projets mentionnés à l’article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales.
IV. – La commission de surveillance peut formuler des propositions au comité syndical mentionné au V de l’article 1er de la présente loi. À l’initiative de son président ou à la demande de la majorité de ses membres, elle peut également solliciter, en fonction de l’ordre du jour du comité syndical, l’inscription à celui-ci de toute question en lien avec ses compétences.
IV bis. – En fonction de l’ordre du jour, la commission de surveillance peut, sur proposition de son président ou à la demande de la majorité de ses membres, procéder à l’audition de toute personne susceptible de lui apporter des informations utiles à l’exercice de sa mission. Le président du comité syndical mentionné au V de l’article 1er de la présente loi est auditionné annuellement par la commission de surveillance.
V. – Le président de la commission de surveillance présente chaque année avant le 1er juillet au comité syndical mentionné au V de l’article 1er un état des travaux réalisés au cours de l’année précédente.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, sur l’article.
M. Dominique Théophile. La défaillance des services publics d’eau et d’assainissement et l’institutionnalisation de ce que l’on appelle les « tours d’eau » sont à l’origine de la défiance des Guadeloupéens. C’est ce qu’a pu constater Mme la rapporteure lorsqu’elle a auditionné pas moins de dix associations et collectifs d’usagers.
Face à ce climat de défiance, l’article 2 tend à créer une commission de surveillance placée auprès du syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe. Celle-ci sera composée des usagers du service public, des représentants des membres du SMO, des représentants de la chambre de commerce et d’industrie, la CCI, de la chambre d’agriculture, de la chambre de métiers et de l’artisanat, du président de l’association des maires de Guadeloupe et des personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences.
Elle sera présidée par un président des associations d’usagers, sera chargée de veiller à la transparence des services publics d’eau et d’assainissement et associera les usagers aux mesures qui seront prises.
Le contrôle de la commission de surveillance par les représentants des associations d’usagers est donc doublement garanti. Tout d’abord, parce que la moitié des sièges leur sera réservée. Ensuite, parce que la présidence de la commission leur reviendra, et qu’ils auront ainsi une voix prépondérante en cas d’égalité de vote.
Cette proposition suit ainsi les préconisations des rapports et des audits menés sur ce sujet et pose les bases d’une nouvelle gouvernance plus transparente et responsable devant les usagers.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement précédent, qui a été rejeté.
Il s’agissait de faire en sorte que les personnes qualifiées et les représentants d’associations d’usagers ne fassent plus partie de la commission de surveillance puisque nous demandions qu’ils soient intégrés au comité syndical.
Comme l’amendement n° 9 rectifié n’a pas été adopté, je retire cet amendement, monsieur le président, car nous souhaitons que ces personnes continuent à faire partie de la commission de surveillance.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
L’amendement n° 13, présenté par Mme Dumont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cet avis est réputé favorable s’il n’a pas été rendu, par écrit, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de nomination faite par le représentant de l’État en Guadeloupe.
II. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cet avis est réputé favorable s’il n’a pas été rendu, par écrit, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de nomination faite par le représentant de l’État en Guadeloupe.
III. – Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cet avis est réputé favorable s’il n’a pas été rendu, par écrit, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de nomination faite par le représentant de l’État en Guadeloupe.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement vise à clarifier la procédure de nomination à la commission de surveillance sur proposition du représentant de l’État en Guadeloupe, après avis, en fonction des membres, soit du président du syndicat mixte, soit des chambres consulaires de Guadeloupe, soit de l’association des maires de Guadeloupe.
Pour ce faire, il tend à prévoir les modalités de transmission de l’avis au préfet par les personnes consultées sur la proposition de nomination. Ces dernières disposeront d’un délai d’un mois afin de rendre par écrit leur avis au préfet. À défaut, celui-ci sera réputé favorable, afin de ne pas paralyser les procédures de nomination à la commission de surveillance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À la deuxième sollicitation d’inscription d’un sujet, l’inscription est de droit.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Puisque mon amendement précédent a été rejeté, les usagers ne peuvent faire partie du comité syndical et sont donc représentés au sein de la commission de surveillance.
Or le texte prévoit que la commission de surveillance ne peut que suggérer l’inscription à l’ordre du jour des différents points. Le présent amendement vise donc à prévoir l’obligation de l’inscription à l’ordre du jour dès la deuxième demande, afin que puisse être débattue une question que la commission de surveillance trouverait particulièrement importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. L’amendement n° 10 rectifié de mon collègue Benarroche vise à rendre obligatoire l’inscription à l’ordre du jour du comité syndical d’une question dès la deuxième sollicitation de la commission de surveillance.
La commission des lois a précisé la procédure d’inscription à l’ordre du jour du comité syndical d’une question de la commission de surveillance en trouvant ainsi un nouvel équilibre.
Si cette question doit avoir un lien avec l’ordre du jour, elle peut désormais être inscrite à la demande de la majorité des membres ou sur proposition du seul président de la commission.
M. Benarroche souhaite aller plus loin et imposer l’inscription d’une question dès la deuxième demande par la commission de surveillance. Il me semble difficile d’adopter un tel amendement, dès lors que celui-ci tend à figer la procédure de sollicitation et à engorger l’ordre du jour du comité syndical.
Je propose de nous en tenir à la voie médiane trouvée par la commission, c’est-à-dire à une possibilité d’inscription à l’ordre du jour, en parallèle d’une possibilité d’émettre des avis et propositions sur tout sujet relevant de la compétence du syndicat mixte.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends l’esprit de l’amendement. J’émettrai donc un avis de sagesse.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Comme notre collègue Mme Jasmin l’a souligné à plusieurs reprises, il est tout à fait important et utile de sécuriser les citoyens et de faire en sorte que les associations d’usagers considèrent qu’elles ont réellement un rôle à jouer, maintenant. Il faut regagner leur confiance.
L’adoption de cet amendement, qui n’est pas très contraignant, permettrait de le faire. Les usagers qui ne sont pas dans le comité syndical, mais qui siègent au sein du conseil de surveillance, verraient ainsi qu’ils peuvent effectivement jouer un rôle actif dans la gestion de l’eau en Guadeloupe.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il présente, à cette occasion, un rapport faisant état des travaux réalisés et des emprunts contractés au cours de l’année précédente, des investissements programmés et de l’évolution de la politique tarifaire des services publics d’eau potable et d’assainissement.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Le président du comité syndical ayant le pouvoir de décision – le directeur général est, quant à lui, ordonnateur – et disposant des informations, il me semble de bon sens de lui demander de présenter à la commission de surveillance un rapport faisant état des travaux réalisés, des emprunts contractés au cours de l’année précédente, des investissements programmés et de l’évolution de la politique tarifaire du service public d’eau potable et des services d’assainissement.
Informer sur les investissements programmés est particulièrement important, car les EPCI étaient quelque peu inquiets quant à leur répartition.
Il convient donc, pour des raisons de réciprocité et de symétrie, que le président du comité syndical se présente devant la commission de surveillance. Encore une fois, c’est du bon sens !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Je ne puis que partager l’objectif de cet amendement ayant pour objet que le comité syndical présente à la commission de surveillance un rapport sur l’état financier du syndicat mixte. Cela permettra, me semble-t-il, de renforcer l’information des associations d’usagers sur les finances de ce syndicat et de parfaire leur contrôle.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est une bonne proposition que vient de présenter M. le ministre Lurel.
J’émets donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le syndicat mixte créé en application de l’article 1er peut réclamer à toutes les entreprises qui ont été délégataires du service public de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe et dont les manquements ont été avérés la restitution d’une partie des rémunérations indûment perçues.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. En Guadeloupe, il y a eu des carences à tous les niveaux – nous l’avons constaté, dit et redit –, c’est-à-dire à celui de l’État, de certains élus locaux et des délégataires du service public d’eau et d’assainissement. Ces derniers ont, en outre, bénéficié gracieusement et grassement de l’argent public, mais aussi de l’argent des usagers, lesquels sont pourtant privés d’eau, comme vous le savez désormais toutes et tous.
Cet amendement vise tout simplement à ce que ces opérateurs, délégataires du service public choisis par les services de l’État, restituent une partie des montants qu’ils ont perçus indûment. Cela concerne les différents syndicats, même si l’on ne sait plus lesquels sont viables…
Je demande solennellement, avec insistance, que des décisions soient prises, afin que les délégataires ayant bénéficié indûment de l’argent de l’État, des contribuables et de personnes en difficulté – ce sont en effet bien souvent les centres communaux d’action sociale, les CCAS qui ont payé pour certains de nos concitoyens –, restituent une partie des sommes perçues.
En effet, il s’agit ni plus ni moins d’une « profitation », comme on dit en créole !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Je comprends naturellement l’intention de l’auteur de cet amendement, qui tend à prévoir que les entreprises délégataires du service public d’eau et d’assainissement ayant commis des manquements reversent les rémunérations indûment perçues.
Cet amendement me semble néanmoins inopportun.
Premièrement, son objet semble relever davantage de la compétence du juge que de celle du législateur. Il ne revient ainsi pas à ce dernier de se prononcer sur la nature des manquements avérés mentionnés, pas plus que sur l’étendue des rémunérations indûment perçues.
Si les personnes publiques attributaires de la compétence et délégantes se considéraient lésées dans les modalités d’exécution des contrats passés avec les entreprises délégataires, il leur reviendrait de saisir le juge administratif.
Deuxièmement, l’amendement semble juridiquement problématique et dépourvu d’effets concrets, faute de prévoir une procédure précise de recouvrement des sommes concernées.
Par ailleurs, une telle disposition placerait le syndicat mixte unique nouvellement créé dans la position de réclamer des sommes à des délégataires avec lesquels il n’a jamais contracté, les cocontractants étant les EPCI exerçant aujourd’hui la compétence.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. À l’occasion de l’essentiel de ce dernier amendement déposé sur ce texte, je souhaite redire devant la Haute Assemblée que le principe du contrôle de légalité consiste à s’assurer que les actes sont conformes à la loi de la République que vous votez.
En aucun cas les préfets ne peuvent se servir du contrôle de légalité pour contrôler des choix politiques d’opportunité. Si tel était le cas, il faudrait contrôler l’action du Gouvernement pour que les instructions soient données dans le bon sens.
Vous dites qu’il y a eu des carences de l’État au niveau du contrôle de légalité. Ce n’est pas exact.
Certes, il y a eu des carences de l’État par ailleurs. M. le ministre Lurel, qui a occupé les fonctions qui sont aujourd’hui les miennes, sait ainsi que le recouvrement des créances relève des compétences du Trésor public. Or on sait que les choses n’ont pas été faites comme il aurait fallu… Mon rôle est de défendre les agents du service public, mais aussi de reconnaître qu’il y a eu des problèmes lorsque tel a été le cas, ce que je fais sereinement et simplement.
Ce n’est pas via le contrôle de légalité en tant que tel qu’il convenait d’interroger certains modes de gestion de l’eau, sur lesquels il conviendra en effet de se pencher. Sans relancer le débat sur le sujet, je tenais à le redire.
Lors de la discussion générale, Mme Varaillas, sénatrice du groupe CRCE, a évoqué différentes entreprises. En vérité, il n’y a pas aujourd’hui une seule entreprise privée qui ait envie de venir en Guadeloupe pour assurer ces missions !
La situation y est à ce point dramatique et difficile que l’on se trouve plutôt en position d’interroger exclusivement la puissance publique. C’est ce que nous faisons à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. À cet égard, le modèle de régie ne démérite pas, comme on dit en Normandie… Telles sont les précisions que je voulais donner sur ce sujet.
En ce qui concerne cet amendement, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, je ne résiste pas au plaisir de vous répondre,…
M. Victorin Lurel. … non pour entrer en confrontation, mais pour m’étonner.
Au travers de l’amendement présenté par notre collègue, c’est un vrai problème qui est posé. Je n’oublie pas qu’il y a eu un procès, au cours duquel un acteur important – mais c’est l’arbre qui cachait la forêt – n’a pas hésité à me nommer, disant que, lorsque j’étais ministre, j’avais donné des instructions au représentant de l’État, donc au préfet de région, pour payer des travaux qui n’avaient pas été réalisés, donc en l’absence de service fait.
On a trouvé des avocats pour plaider cela ! Il est vrai que l’on reconnaît la liberté d’expression des avocats au sein des prétoires… Cela a tout de même fait débat en Guadeloupe, je tenais à le dire.
Les dispositions de cet amendement recueillent donc deux avis défavorables… Pour autant, nous avons une véritable chance : le député guadeloupéen Olivier Serva a été nommé rapporteur de la commission d’enquête parlementaire relative à la mainmise sur l’eau par les intérêts privés, laquelle concerne non pas, bien sûr, la situation en Guadeloupe, mais l’eau en tant que bien de la Nation.
Cette commission d’enquête disposant de moyens d’investigation, peut-être faudra-t-il s’interroger dans ce cadre, au-delà des éventuelles défaillances du contrôle de légalité, sur les actes graves qui ont été commis et qu’il sera intéressant de mettre au grand jour.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Nous l’avons dit, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’en tiendra à une abstention constructive.
Pourquoi l’abstention ? À l’Assemblée nationale, nos collègues socialistes ont en effet voté le texte, mais il est vrai que, au Sénat, nous sommes davantage sensibles aux atteintes portées à la libre administration des collectivités territoriales et à l’article 72 de la Constitution. Nous pensons fondamentalement, au sein de notre groupe, qu’il y a là une atteinte de cette sorte.
Cela étant, je suis du pays et, dans mon territoire, il commence à y avoir des problèmes d’eau, alors que tel n’était pas le cas auparavant…
Dans le cadre de mon mandat exécutif régional, j’ai vu des élus qui ne parvenaient pas à s’entendre. Au-delà de ce que nous reprochons au texte, notamment sa brutalité – monsieur le ministre, des actes quelque peu comminatoires ont récemment été adressés à un exécutif territorial… –, nous comprenons la méthode, mais nous ne l’approuvons pas.
Cependant, il faut être réaliste : c’est la seule solution pour obliger les élus à s’entendre. Pour cette seule raison, mon groupe s’abstiendra. En effet, je l’avoue, ce texte contribue à faire avancer les choses, certes en recourant à une méthode, encore une fois, quelque peu brutale – pour ne pas dire brutaliste, comme on dit en peinture ou en architecture.
Monsieur le ministre, j’attends du Gouvernement qu’il prenne des engagements fermes avant le 1er septembre prochain, date que vous avez vous-même fixée pour dissoudre le Siaeag, et faire entrer en vigueur vos textes.
Le Gouvernement doit nous dire très clairement qu’il accompagnera le plan de plus de 1 milliard d’euros consacrés à la Guadeloupe ; 10 millions d’euros ont été versés jusqu’à présent, alors qu’il nous faudrait entre 700 et 800 millions d’euros.
Des formules existent, et je me suis épuisé à faire des propositions. Il serait par exemple possible de prévoir une subvention pendant cinq ans ; à raison de 40 millions d’euros par an, cela représenterait 200 millions. Ou peut-être faudrait-il un prêt à long terme, avec amortissement sur trente ans, garanti par l’État, qui serait accordé par l’une ou l’autre des institutions financières – je ne les nomme pas ; on les connaît, et elles ont l’habitude de faire cela.
Encore une fois, mon groupe s’abstiendra sur la proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour un rappel au règlement.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Le Gouvernement a demandé, hier, que la suite de l’examen de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école soit inscrite à l’ordre du jour de ce mercredi 10 mars, à l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI, et éventuellement le soir, en vertu de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution. Cette initiative inédite, me semble-t-il, pose question.
Nous demandons que l’article 48 de la Constitution soit examiné avec la plus grande précision. Son alinéa 3 donne un grand pouvoir au Gouvernement pour enclencher l’ordre du jour prioritaire, mais son alinéa 4 accorde une compétence exclusive à l’assemblée concernée pour organiser l’ordre du jour des séances consacrées à l’initiative parlementaire, dit « ordre du jour réservé ».
Permettez-moi d’en donner lecture : « Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée, à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée, ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. »
La conférence des présidents a fait le choix de ne pas recourir à la soirée de ce jour de séance réservée à l’initiative parlementaire. Ce n’est pas pour autant que le Gouvernement peut l’utiliser à sa guise. L’alinéa 4 l’interdit même expressément.
Par ailleurs, nous estimons que cette intervention du Gouvernement rompt l’égalité de traitement entre les groupes. En effet, ceux qui ne soutiennent pas le Gouvernement ont un espace limité à quatre heures et ceux – je devrais plutôt dire celui, en l’occurrence – qui le soutiennent ont droit à une rallonge. L’esprit de la Constitution est bafoué !
M. Gérard Lahellec. Tout à fait !
Mme Céline Brulin. Le Gouvernement a déjà trop souvent pris l’habitude d’utiliser les propositions de loi, non soumises à l’avis du Conseil d’État et dépourvues d’étude d’impact, comme véhicules législatifs. Aujourd’hui, il en vient à utiliser les espaces réservés aux groupes !
Nous suggérons que cette proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école poursuive son chemin législatif sous une forme plus claire et, je dirais même plus honnête : celle d’un projet de loi. Parce que c’est en réalité ce qu’elle est ! Nous demandons également l’application stricte de l’article 48, alinéa 4 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Il sera transmis à la conférence des présidents, qui en débattra si nécessaire.
6
Fonction de directrice ou de directeur d’école
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (proposition n° 566 [2019-2020], texte de la commission n° 406, rapport n° 405).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux que soit présentée aujourd’hui au Sénat la proposition de loi de Mme la députée Cécile Rilhac.
Cette proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école est l’occasion pour moi de rappeler une nouvelle fois, devant la représentation nationale, l’engagement remarquable de ces directeurs depuis le début de la crise sanitaire.
Si nous pouvons afficher aujourd’hui une maîtrise des chaînes de contamination dans les écoles, et ce depuis plusieurs mois, avec un nombre de cas de contamination stable et un nombre très bas de fermetures de classes et d’écoles, ciblées par territoire, et si nous pouvons nous enorgueillir que notre pays soit l’un des seuls au monde à laisser les écoles ouvertes, nous le devons à tous nos professeurs, et tout particulièrement aux directrices et directeurs d’école.
Ceux-ci ont en effet eu un comportement remarquable depuis un an, que ce soit pendant la période de confinement, lorsqu’il fallait aller à la rencontre des familles, durant le déconfinement, quand il était nécessaire de s’adapter, ou encore aujourd’hui, pour que se poursuive l’instruction des élèves.
C’est en effet grâce à eux et à nos professeurs que nous pouvons proposer un modèle, celui de l’école de la République, qui correspond à nos racines les plus profondes. C’est un motif de fierté collective et de gratitude envers nos professeurs, nos directrices et nos directeurs d’école.
Ces directeurs, dès l’annonce de la fermeture des écoles en mars dernier, se sont mobilisés pour maintenir le lien avec les familles. Ce sont encore eux qui, dès le 11 mai dernier, ont permis à nos écoles de rouvrir, en respectant l’exigence du protocole sanitaire qui s’appliquait.
Ce sont eux aussi qui, depuis septembre, veillent à l’application de l’ensemble des mesures sanitaires et mettent en œuvre les mesures d’accompagnement personnalisé qui s’imposent pour beaucoup d’élèves. Il y aurait mille et un exemples à donner de l’ampleur de leur travail et de leur engagement de chaque jour. Les parents d’élèves le savent, qui les voient agir au quotidien.
D’année en année, les missions et les responsabilités des directrices et directeurs d’école se sont considérablement accrues. Aujourd’hui plus qu’hier, ils doivent dialoguer avec les parents d’élèves, les collectivités, porter le cadre de l’institution et le garantir, accompagner les évaluations nationales et les évolutions pédagogiques.
Ces évolutions exigent des compétences plus importantes au quotidien, un positionnement plus fort dans notre institution, des responsabilités plus grandes et mieux reconnues.
Ces évolutions sont nécessaires. Et cette conviction, mesdames, messieurs les sénateurs, a toujours été la mienne.
Depuis mon arrivée au Gouvernement, vous le savez, j’ai fait de l’école primaire la priorité de mon ministère. Malgré la baisse constante des effectifs dans les classes – moins 195 000 élèves depuis 2017, ce qui doit, je le dis souvent, nous alerter sur les enjeux démographiques –, ce sont 7 500 postes qui ont été créés dans le premier degré depuis quatre ans, et 2 616 lors de la dernière rentrée.
Dès l’été 2019, j’ai souhaité que le chantier de l’amélioration de la situation des directrices et des directeurs d’école fasse partie de l’agenda social du ministère. Comme vous le savez, nous avons ainsi conduit une phase de diagnostic qui a reposé, pour partie, sur une consultation en ligne à laquelle les deux tiers des directeurs ont répondu.
Nous avons rendu publics les résultats de cette consultation, qui nous a permis de mesurer l’ampleur de l’attente de nos directrices et directeurs d’école. Les travaux ont été engagés, et les premières réponses ont été apportées. Depuis septembre dernier, en effet, plusieurs évolutions permettent d’améliorer l’exercice de leurs missions. J’en évoquerai les principales.
En premier lieu, afin de leur donner plus d’autonomie dans l’exercice de leur métier et d’alléger leurs tâches administratives, j’ai souhaité qu’ils aient la pleine responsabilité de la programmation et de la mise en œuvre des 108 heures annuelles de service dans le cadre réglementaire existant.
Cette mesure s’est accompagnée d’une rationalisation du nombre et du calendrier des enquêtes, ainsi que d’une recherche d’amélioration de leurs outils numériques de gestion. Tout cela contribue à alléger le carcan administratif et à redonner aux directeurs d’école les marges de manœuvre nécessaires, pour leur permettre de se recentrer sur l’essentiel, à savoir le pilotage de leur école.
En deuxième lieu, j’ai souhaité que les directrices et directeurs d’école soient plus et mieux entourés, afin qu’ils ne se sentent plus isolés dans leur travail quotidien.
Nous avons ainsi augmenté les aides administratives, et 2 500 nouveaux jeunes en service civique sont désormais mobilisés pour les épauler. S’y ajoutent 900 nouveaux contrats de préprofessionnalisation signés ou en cours de signature. Ces contrats permettent à des jeunes qui se destinent au métier de professeur de s’y préparer, tout en renforçant les capacités d’encadrement de l’école.
En complément de ces appuis précieux, sinon indispensables, et dans l’attente du vote de la proposition de loi, nous expérimentons depuis la dernière rentrée une fonction de référent pour les directrices et directeurs d’école.
Placés auprès des directions des services départementaux de l’éducation nationale, ces référents leur apportent écoute et conseils dans l’exercice de leurs missions. Cet accompagnement vient compléter les deux journées de formation minimum désormais accordées aux directrices et directeurs.
Dès la mi-octobre, j’ai confié à Jean-Michel Coignard, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, une mission de suivi sur la mise en place des mesures annoncées à la rentrée 2020.
En troisième et dernier lieu, une indemnité exceptionnelle de 450 euros a été versée à l’automne aux directeurs d’école afin de reconnaître leur rôle fondamental dans la gestion de la crise sanitaire. Il y a quelques jours, cette indemnité de 450 euros a été pérennisée et a fait l’objet d’une publication, ce qui marque une étape supplémentaire, mais non définitive, pour la juste reconnaissance des conditions d’exercice de ces professionnels. Dans le cadre du Grenelle de l’éducation, nous continuerons à revaloriser cette fonction.
Pour en venir aux travaux qui sont encore sur le métier, j’évoquerai la question des décharges et celle des délégations de compétences.
À la rentrée de 2021, comme je m’y étais engagé, un nouveau régime des décharges sera installé. J’ai d’ores et déjà annoncé que 600 emplois supplémentaires seraient consacrés au renforcement des décharges des directrices et directeurs d’école, leur répartition ayant fait l’objet d’une large concertation avec les organisations représentatives.
Enfin, en ce moment même, nous travaillons avec les partenaires sociaux sur la possibilité d’une délégation de compétences des inspecteurs de l’éducation nationale. Comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, j’y suis favorable ; nous en reparlerons sans doute. Les directeurs bénéficieraient alors de marges de manœuvre beaucoup plus grandes, dans une juste adéquation avec leur niveau de responsabilité réel.
Ces réflexions ont été portées dans le cadre du Grenelle de l’éducation. Elles visent à mieux identifier et mieux reconnaître les responsabilités des directeurs d’école.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les évolutions qui sont déjà réalisées et celles qui sont à venir. Je veux croire que cet exposé vous aura montré combien notre ministère a pris à bras-le-corps cette question, dont les enjeux sont intimement liés à la réussite de nos élèves.
L’étape d’aujourd’hui est très importante. La proposition de loi de Mme la députée Cécile Rilhac, que je salue, a pour objet de consacrer, sinon de renforcer, par la loi la plupart des mesures que je viens de vous présenter, qu’il s’agisse de la reconnaissance nécessaire de la fonction de directrice ou directeur d’école, de l’autonomie de ces professionnels, de l’accompagnement matériel et humain auquel ils pourront prétendre et du nouveau régime de décharges dont ils bénéficieront.
Je tiens encore une fois à rendre hommage au travail de Mme Rilhac, qui n’a pas été seulement d’élaboration, mais aussi de concertation. Ces sujets complexes méritent en effet d’être mûris grâce aux discussions avec l’ensemble des acteurs de terrain, auxquels je souhaite m’adresser par votre intermédiaire, mesdames, messieurs les sénateurs ; je veux leur dire notre gratitude et notre reconnaissance, mot que j’utilise dans son sens le plus fort.
Le présent débat et les votes qui vont intervenir sont en effet une manière de rappeler que cette fonction est essentielle et de prévoir les moyens juridiques et matériels qui correspondent à cette reconnaissance.
Cette proposition de loi assied ainsi la place légitime que nous devons donner aux directrices et directeurs d’école dans notre institution, au bénéfice de tout notre système éducatif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais à quel point vous êtes attachés à cette question, sur laquelle certains d’entre vous ont beaucoup travaillé. Des concertations ont également eu lieu au sein du Sénat, et je veux vous en remercier.
Cette proposition de loi peut déboucher sur une loi qui traduirait un consensus : la reconnaissance de cette fonction, exprimée avec force par la représentation nationale. J’accueille favorablement ce texte, que je vous invite à adopter largement à l’issue de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Julien Bargeton, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’un côté, « polyvalence », « responsabilité », « sens du relationnel », « tâches administratives », « disponibilité », et, de l’autre, « surcharge de travail », « stress » et « fatigue » : telle est la dichotomie qui caractérise, en réalité, le rôle des directrices et directeurs d’école.
Ces mots, ils les ont eux-mêmes utilisés pour définir l’exercice de leurs fonctions, lors de la consultation organisée par le ministère de l’éducation nationale en décembre 2019.
Les 45 000 directrices et directeurs d’école de notre pays sont un maillon essentiel du bon fonctionnement des écoles. Ils sont des figures identifiées et connues, mais pas assez reconnues ; nous devons y remédier aujourd’hui. Ils sont des interlocuteurs privilégiés des familles, des élus locaux et de la hiérarchique académique.
Il convient de leur rendre ici hommage, ainsi qu’à leur travail, et cela d’abord et avant tout dans le cadre de la crise sanitaire sans précédent que nous vivons. Cela a été rappelé, ils ont joué dans ces circonstances un rôle essentiel, et ils continuent de le faire.
Il y a un an, au moment du premier confinement, c’est naturellement vers les directeurs d’école que les parents se sont tournés pour obtenir des informations, connaître les démarches à suivre, savoir comment les cours allaient être assurés. Ces directeurs se sont fait le relais des informations transmises par la hiérarchie académique, ils ont fait remonter les demandes, ils sont partis à la recherche des familles dont l’école n’avait plus de nouvelles, ils ont épaulé leurs collègues pour mettre en place une continuité pédagogique.
Puis est venu le temps du déconfinement. Ils ont, là encore, joué un rôle essentiel, en lien étroit avec les maires, pour rassurer ou répondre à l’impatience des familles.
Ces tâches se sont ajoutées à leurs missions habituelles, comme la préparation administrative du passage au collège des élèves de CM2, les démarches à faire pour la prochaine rentrée, mais aussi leur propre charge d’enseignement. N’oublions pas que 94 % des directeurs d’école cumulent charge de classe et direction d’école ; seuls 6 % d’entre eux sont entièrement déchargés.
La poursuite de la pandémie, avec l’évolution des protocoles sanitaires, la gestion des suspicions de covid et des cas de covid avérés continuent de souligner l’ampleur de leurs responsabilités.
Cette crise met en lumière le changement des missions des directeurs d’école du fait de l’évolution de la société, de la modification des relations entre les parents et l’école, ou encore du développement de l’école inclusive, dont nous nous réjouissons. Mais, si les responsabilités ont augmenté, les textes juridiques, eux, n’ont pas évolué. Le statu quo juridique, administratif et humain est devenu intenable.
La commission de la culture, au travers du rapport très juste de nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde, avait identifié les cinq besoins des directeurs d’école : un cadre juridique adapté, un besoin de temps, un besoin de formation, une redéfinition des tâches, une aide administrative ou matérielle.
Le présent texte, proposé par notre collègue députée Cécile Rilhac, qui assiste à notre débat depuis les tribunes et que je salue, apporte, me semble-t-il, les premières réponses à ces besoins.
Nous vivons un moment de convergence : un rapport du Sénat dénonçant un statu quo intenable ; une proposition de loi de nos collègues députés ; les premières annonces gouvernementales importantes à l’été 2020, que M. le ministre a rappelées : la prime, les mesures pour lutter contre la solitude, les jours de décharge supplémentaires pour les directeurs d’école de moins de quatre classes. Les astres sont alignés ! Le moment est donc venu pour mettre en cohérence la situation juridique des directeurs d’école.
Cette proposition de loi permet plusieurs avancées.
Elle renforce la base juridique des actions des directeurs d’école. Elle permet, pour la première fois, la reconnaissance dans la loi du principe de la décharge. Elle prévoit la possibilité de délégations de compétences de l’inspecteur de l’éducation nationale au directeur d’école. Elle vise également à préciser les modalités de nomination, d’avancement et de formation des directeurs d’école, précisions qui étaient attendues.
Les modifications apportées par la commission à cette proposition de loi sont nombreuses, mais j’aimerais insister sur trois grands changements.
Tout d’abord, nous avons débattu du rôle de directeur d’école, mais avons maintenu dans le texte l’équilibre fondamental qui existe aujourd’hui sur ce point. Ainsi, nous ne consacrons ni l’absence ni l’existence d’une autorité hiérarchique.
Néanmoins, qu’en est-il de l’autorité fonctionnelle ? Nous avons décidé de mettre à profit la semaine entre l’examen du texte en commission et son passage en séance pour continuer à travailler sur ce sujet. Et la commission a décidé d’apporter un avis favorable à des amendements de nos collègues Max Brisson et Sonia de La Provôté.
Après l’autorité fonctionnelle, le deuxième sujet qui nous a occupés est celui du délai laissé aux directeurs d’école pour développer des projets.
Le texte prévoyait un délai d’un an, que la commission a souhaité étendre à deux, afin de donner un temps plus long au dialogue entre le directeur d’école et l’inspection d’académie et ainsi permettre de mieux évaluer la façon dont les projets ont été menés et examiner d’éventuels changements. Je le redis, une durée de deux ans nous paraît plus pertinente pour l’évaluation de ces missions.
Le troisième grand sujet – il y en a eu d’autres, mais je n’aborde que quelques thèmes –, ce sont les problèmes de nomination des directeurs d’école. Un débat a eu lieu, et nous estimons tous qu’un directeur d’école doit être formé pour assurer ses fonctions et que cette formation doit intervenir avant la prise de poste. J’insiste sur le fait qu’un consensus s’est dégagé sur ce point.
En revanche, une discussion s’est engagée en commission – nous débattrons encore de ce sujet ce soir – sur la possibilité d’instaurer une obligation. Fixer un cadre trop rigide pourrait, me semble-t-il, méconnaître une réalité : de nombreux directeurs font fonction et des postes sont vacants. Une procédure trop stricte et rigide de nomination risquerait de conduire à des écoles sans directeur.
Voilà trois des sujets que nous avons abordés parmi d’autres, qui émailleront nos débats.
Pour faire une synthèse, je relève que la proposition de loi permet de consolider la base juridique de l’action des directeurs d’école, qu’elle prévoit des mesures pour favoriser l’exercice de leurs missions sans remettre en cause l’équilibre tel qu’il existe aujourd’hui – il est important d’insister sur ce point – et qu’elle apporte des réponses aux besoins exprimés par les directeurs et directrices d’école eux-mêmes, qui avaient été notamment rappelés dans le rapport de Max Brisson et Françoise Laborde.
Tels sont les objectifs de cette proposition de loi que le Sénat peut adopter aujourd’hui. J’espère que nous aurons un débat riche sur le fond. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi créant la fonction de directrice et directeur d’école a été déposée à l’Assemblée nationale en mai 2020 dans un contexte très particulier.
Le 29 septembre 2019, Christine Renon s’est suicidée dans son école de Pantin. Les courriers qu’elle avait adressés à ses collègues, ainsi qu’à l’éducation nationale, ont fait ressortir le malaise grandissant des directrices et directeurs d’école.
Le constat est simple. Les directrices et directeurs dénoncent un manque de reconnaissance, une charge de travail trop lourde, avec trop peu de décharges de classe et quasiment aucune aide administrative, ainsi qu’un manque de revalorisation salariale.
En 2018, selon le rapport d’information de la commission de la culture du Sénat présenté par Max Brisson et Françoise Laborde, près de 60 % d’entre eux déclaraient être en situation de burn-out. La fonction de directrice et directeur d’école attire de moins en moins les enseignants, car elle relève davantage d’un sacerdoce que d’une promotion valorisante. D’ailleurs, selon les syndicats, près de 4 000 postes de directeur seraient vacants, ce qui représente 9 % des écoles.
Face à cette situation, peu de choses ont été faites, monsieur le ministre, à part le dépôt de cette proposition de loi par la députée de votre majorité Cécile Rilhac.
Vous avez ensuite lancé, en décembre 2019, une grande consultation des directrices et directeurs d’école, qui ont été très nombreux à répondre. Les résultats sont parlants : quelque 75 % d’entre eux consacrent une grande partie de leur temps aux tâches administratives, et 62 % disent que ces tâches sont les plus pénibles.
Vous avez concédé une augmentation de 600 postes destinés aux décharges de direction, ainsi qu’une prime de 450 euros brut par an, dont vous avez annoncé qu’elle serait pérennisée. C’est malheureusement bien loin d’être suffisant ! Et que représentent 600 postes, alors que la France compte plus de 44 000 écoles publiques et qu’une majorité de leurs directeurs disent manquer de temps ?
Le contexte s’est aggravé en 2020 avec la période inédite de la crise sanitaire, qui a placé les équipes enseignantes dans un environnement dégradé. Celles-ci ont été, et sont toujours, particulièrement exposées. Elles font face à l’isolement et à une charge de responsabilité accrue. Je tiens aujourd’hui à les féliciter, à leur rendre hommage et à souligner leur professionnalisme à toute épreuve et leur engagement sans faille.
Quelles sont les demandes ?
Les directrices et directeurs d’école veulent une aide administrative pérenne, assurée par des permanents et non par des jeunes en service civique, qui changent tous les ans et ont besoin d’être formés à chaque rentrée. Ils réclament également une augmentation significative du temps de décharge, sans mission supplémentaire, et non plus seulement en fonction du nombre de classes.
Dans l’état actuel des choses, cette proposition de loi ne répond pas aux attentes de la profession. Certes, pour le moment, la création d’un emploi fonctionnel a été retirée du texte à l’Assemblée nationale, ce qui est une bonne chose. Mais cette proposition va revenir.
Nous tenons à saluer la volonté de reconnaître et d’augmenter les possibilités de décharge, mais il faudrait clarifier les choses.
Le risque de créer une hiérarchie entre le directeur et les enseignants est toujours présent. Les syndicats et la majorité des enseignants que nous avons interrogés s’accordent pourtant sur ce point : il faut conserver le fonctionnement collégial des écoles. De plus, différentes mesures laissent craindre une augmentation de la charge de travail des directrices et directeurs, notamment la création d’une mission de formation, ce qui va à contresens de leurs demandes.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera donc pas cette proposition de loi en l’état.
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « surcharge de travail administratif », « manque de reconnaissance », « solitude » : les directeurs et directrices d’école expriment bien souvent par ces mots les difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur métier.
Dans un rapport d’information de grande qualité, notre collègue Max Brisson et notre chère Françoise Laborde ont présenté de nombreux témoignages illustrant cette réalité, qui n’est pas sans conséquence sur les vocations. Chaque année, ce sont en effet près de 4 000 postes de directeur qui restent vacants.
Le rôle de directeur d’école est pourtant essentiel au fonctionnement de l’école au regard des nombreuses missions qu’il occupe. Je ne vais pas les énumérer, car cela a été fait. Je rappellerai seulement que ces missions se sont progressivement renforcées au gré des défis auxquels notre société est confrontée. La pandémie actuelle en fait partie.
Plus que jamais, ce grand défi sanitaire a mis en lumière la mobilisation extraordinaire des directions scolaires.
En 2020, le Gouvernement a accéléré l’agenda social, avec la nécessité impérieuse de soutenir cette catégorie. Le texte qui nous est proposé va dans ce sens. On y retrouve de nombreuses propositions du rapport du Sénat que j’ai évoqué au début de mon propos.
Oui, il est nécessaire de reconnaître, à l’article 2, que le directeur dispose d’un emploi de direction et que doivent être attachées à ce rôle des gratifications à la hauteur de son investissement et de la grande disponibilité qu’impliquent ses missions croissantes. En effet, presque tous les directeurs et directrices dépassent leur temps de travail hebdomadaire.
Au-delà de leur statut, les directeurs réclament aussi davantage de moyens humains pour faire fonctionner l’école. La mise en place d’une assistance administrative et matérielle, prévue par l’article 2 bis, est une bonne chose.
Toutefois, il faut faire attention à ne pas trop solliciter les collectivités locales. Ce ne sont pas nos communes et nos départements qui alourdissent les charges incombant aux directeurs.
L’État doit en particulier assumer les nouvelles responsabilités qu’il impose aux directeurs au travers de ses politiques nationales. Je pense aux plans de sécurité renforcés depuis les attentats de 2015, mais aussi au développement de l’école inclusive. Bien entendu, on ne peut que souscrire au développement de ces politiques fondamentales, mais les moyens doivent suivre sur le terrain.
L’article 1er, qui octroie une délégation de compétences de l’autorité académique aux directeurs, est également une avancée, que mon groupe partage. Le directeur a besoin d’une respiration pour prendre des initiatives sans devoir toujours se justifier. Cependant, j’observe que, à ce niveau du texte, se pose la question de l’autorité fonctionnelle.
Au vu des amendements déposés, ce point va faire débat. Est-il utile, comme l’ont fait les députés en première lecture, de préciser que le directeur n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école ?
La commission a supprimé cette mention. Il faut en effet trouver un équilibre qui ne remette pas en question la place de chacun dans l’école. L’indépendance des professeurs et leur liberté pédagogique sont consubstantielles à notre système éducatif. Dans le même temps, le directeur doit avoir les moyens de son rôle, car il s’est progressivement transformé en un véritable chef d’établissement.
Mes chers collègues, le groupe du RDSE aborde ce texte avec bienveillance, mais il faudra sans doute faire encore plus, car l’école de Jules Ferry a bien changé.
Sur certains territoires, elle est devenue le réceptacle de nombreuses fractures sociales que les directeurs et directrices tentent de colmater avec leur énergie, leur temps et leur humanité. Ceux-ci méritent à ce titre notre admiration et, surtout, tout notre soutien pour leur large contribution au pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mal-être des directeurs et des directrices d’école est connu, tout comme l’est leur surcharge de travail, particulièrement en ces temps d’épidémie.
Or je crains que le texte dont nous débattons aujourd’hui n’apporte peu de réponses à ce problème et que même, au contraire, il ne ravive un mécontentement exprimé à plusieurs reprises quant à la nature des réponses à prévoir.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, quelques avancées bienvenues : je pense aux décharges, par exemple, en regrettant que ces dernières ne concernent qu’une minorité des directeurs et directrices d’école, qui se voient confier en parallèle de nouvelles missions. Les postes qui sont créés pour compenser cette mesure sont très insuffisants, alors que l’on manque déjà tellement de remplaçants.
La pérennisation de la prime exceptionnelle de 450 euros est une bonne nouvelle, même si elle est encore loin de permettre de rattraper les écarts de rémunération avec les autres pays de l’OCDE.
Depuis des années, les tâches administratives des directeurs et directrices d’école augmentent sans qu’une aide efficace leur soit apportée, et ce n’est évidemment pas les jeunes en service civique qui pourront y répondre. Ce problème se pose avec plus de force encore en ces temps de crise sanitaire, où la mise en œuvre de protocoles, les injonctions parfois contradictoires et les délais contraints pèsent jusqu’à l’épuisement.
Les directeurs et les directrices sont au croisement des exigences des parents, des enseignants, des autorités académiques et parfois des communes ; et le soutien hiérarchique leur manque quelquefois cruellement. Souhaitons que le « référent direction d’école » créé dans chaque direction des services départementaux de l’éducation nationale par l’article 3 apporte une réponse à cette difficulté.
J’en viens à ce qui sera sûrement un point de discussion majeur de la proposition de loi : la place qu’occupent les directeurs et les directrices d’école maternelle et élémentaire dans l’organisation scolaire. Il y a un an, une directrice d’école déclarait à notre commission : « Pour être efficaces, nous avons besoin de continuer à être enseignants. Notre voix sera plus forte si nous vivons les mêmes problèmes que nos collègues. »
Il faut entendre cette volonté, tenir compte de la consultation que vous avez lancée, monsieur le ministre, et dont la conclusion est la même.
En effet, la crainte est grande d’aller vers des directeurs uniquement gestionnaires, comme le deviennent parfois les principaux de collèges et les proviseurs de lycées, ou encore les directeurs hospitaliers. La crise sanitaire met en lumière, je le crois, combien l’organisation hospitalière est de plus en plus déconnectée de sa mission première, avec une organisation dans laquelle les considérations de gestion et d’administration développent de la technocratie et conduisent à l’immobilisme.
Cette nouvelle offensive pour modifier le statut des directeurs d’école intervient en même temps que des pressions fortes pour regrouper les écoles de proximité dans de super-établissements. Comment ne pas faire le lien ?
Pendant la crise, c’est le collectif qui a permis que les écoles tiennent, m’ont expliqué des directeurs et des directrices d’école. Ni l’autorité hiérarchique ni le concept quelque peu « fumeux » – vous m’excuserez, mes chers collègues, de ce qualificatif – d’« autorité fonctionnelle » ne permettront d’améliorer la situation de ces fonctionnaires, actuellement débordés, qui demandent du soutien, de l’assistance administrative, de la reconnaissance à tous points de vue, des outils modernes et efficaces, et non pas d’être soumis à davantage de responsabilités dans un contexte déjà difficile, ce qui risquerait au contraire d’accroître la crise de recrutement.
Dernier point, plusieurs aspects de ce texte sont inquiétants pour les communes. Celles-ci risquent d’être sollicitées plus encore pour assurer le fonctionnement et la mise à disposition de personnels et de moyens pour les écoles. Ce n’est pas juste sur le fond et, là encore, ce n’est vraiment pas le moment, alors qu’elles ont toutes dû déployer bien des moyens pour faire face à la crise sanitaire et assurer la mise en œuvre des protocoles.
Notre groupe ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a renforcé de manière indéniable le rôle primordial des directeurs d’école. Ceux-ci ont en effet été les piliers, avec les enseignants, de la continuité pédagogique, mettant en place en urgence des outils numériques, organisant l’accueil des enfants du personnel soignant et maintenant le lien entre les enseignants, les parents, les élèves et les mairies. Ils ont accompagné la mise en œuvre des protocoles itératifs.
Et voilà que s’ajoutent les tests salivaires : la hiérarchie attend des directeurs qu’ils fassent tout pour que ces tests soient réalisés, ce qui va être – vous pouvez me croire, monsieur le ministre – très compliqué !
Au-delà de cette crise, les directrices et directeurs sont bien un maillon essentiel du bon fonctionnement des écoles, dans leur dimension sociale et sociétale : ils sont les interlocuteurs de la hiérarchie académique, des élus locaux et des services municipaux, et des familles. Ils sont aussi membres à part entière de l’équipe éducative, a fortiori quand ils enseignent encore.
Ces constats sont un hommage qui est rendu à ces directrices et directeurs ; mais, en creux, ils mettent aussi en lumière toutes les missions qui leur incombent : ils sont, pour utiliser une expression certes prosaïque, de véritables « couteaux suisses » de l’école de la République sur le terrain.
En effet, l’évolution de la société et de l’école a conduit à un renforcement de leurs responsabilités, à une complexification de leurs tâches et à une augmentation du temps qu’ils doivent consacrer à celles-ci. Or, le cadre législatif de leur action n’a pas connu de modifications majeures depuis 2005.
Dans leur rapport remis en juin dernier, nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde avaient fait plusieurs constats.
Tout d’abord, ils avaient rappelé que la fonction de directeur attire moins. Entre 4 000 et 5 000 postes de directeurs seraient vacants chaque année, soit 9 % des écoles, et 13 % des directeurs d’école indiquaient ne pas avoir demandé à exercer cette fonction, ce phénomène touchant les écoles rurales comme les plus grosses structures urbaines.
Ensuite, ils avaient relevé que la profession était marquée par un profond malaise. En 2018, plus de la moitié des directeurs d’école considérait que leurs conditions de travail s’étaient dégradées ces dernières années. Ces dégradations mènent parfois à des drames humains, que l’on a tous tristement en mémoire.
Le statu quo étant devenu intenable, il était vital que l’emploi de directrice ou de directeur soit traité de manière autonome.
Le texte qui nous réunit aujourd’hui s’inscrit dans une volonté commune du législateur et de l’exécutif : celle d’améliorer la situation et la reconnaissance des directeurs d’école. Le travail effectué par le rapporteur, Julien Bargeton, a vraiment permis d’aller en ce sens.
Le premier point du texte que je souhaite aborder est celui de l’autorité du directeur sur les enseignants. Le directeur est un « pair parmi ses pairs », comme le veut la formule consacrée. La question de l’autorité hiérarchique doit être évacuée : nombreux sont ceux qui préfèrent une autorité fonctionnelle, car elle évite, entre autres, l’écueil des évaluations des collègues. Nous avons donc souhaité déposer un amendement en ce sens.
L’autorité fonctionnelle pour les directeurs favorise le bon fonctionnement de l’école et permet la réalisation des missions qui leur sont confiées ; c’est une délégation de compétence de l’autorité administrative.
En dehors de ce rôle, il n’y a pas d’autorité hiérarchique nécessaire : l’autorité est donc confiée dans les limites du cadre de leur mission.
C’est la reconnaissance aussi que l’emploi de directeur d’école est un sujet à part entière dans l’organisation de l’éducation nationale : les directeurs sont devenus absolument indispensables.
Le second point essentiel est celui de la décharge. Si nous regrettons que le texte de l’Assemblée aille moins loin que la proposition de loi initiale, le texte inscrit pour la première fois « en dur » le principe de la décharge : nous ne pouvons que nous en féliciter.
Un amendement de Max Brisson tend à préciser ce système de décharge en prévoyant qu’un bilan en soit fait chaque année en conseil départemental de l’éducation nationale, ou CDEN. Nous avons souhaité le compléter, afin que ce bilan mentionne les motifs pour lesquels les décharges ont été utilisées. En effet, le texte de l’Assemblée nationale ne prévoit que des raisons structurelles pour déterminer la décharge, à savoir le nombre de classes et les spécificités de l’école.
Ces motifs sont trop théoriques et trop rigides. Il existe en pratique des situations imprévisibles, conjoncturelles, qui échappent à l’arithmétique pure et nécessitent l’utilisation d’heures de décharge : prises en charge de handicaps complexes, conflits internes par exemple. Le temps qui leur est consacré peut déborder largement le cadre de la décharge initialement prévue.
Un autre point important est celui de la formation. L’article 2 de la proposition de loi pourra être complété lors de notre débat par l’inscription de la nécessité d’une formation initiale sur le rôle, les responsabilités et les missions du directeur d’école, ainsi que par une formation continue adaptée une fois en fonction. En effet, les auditions ont montré que le besoin est réel, notamment en matière de gestion de crise, d’animation et de pilotage.
Enfin, le financement de l’accompagnement administratif et matériel à l’exercice de direction pose question. L’État ne doit pas laisser la charge financière peser uniquement sur les communes et leurs groupements.
Nous avons donc souhaité déposer un amendement visant à ce que l’État prenne à sa charge ce financement. Toutes les communes n’ont pas les moyens d’assurer aux directeurs d’école un appui technique et humain en matière administrative. C’est réellement au ministère d’assurer ce rôle : il s’agit à la fois d’une question d’équité et d’une mission de l’éducation nationale.
Ce texte est un premier pas vers la reconnaissance du rôle des directeurs et directrices d’école. Ceux-ci sont des piliers qui font fonctionner nos écoles, et leurs missions sont extrêmement variées, souvent complexes et très lourdes.
Mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même estimons que certains points sont à clarifier ou à améliorer, ce que notre débat permettra de faire. Néanmoins, nous saluons l’esprit de ce texte, qui était attendu et qui est donc bienvenu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jean-Pierre Decool et Max Brisson applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école.
Je me réjouis que nous ayons ainsi l’occasion d’évoquer la situation de ces femmes et de ces hommes qui sont des rouages indispensables de nos écoles du premier degré, encore mis à l’épreuve par la gestion récente de la crise sanitaire.
La disparition tragique en 2019 de Christine Renon, directrice d’école à Pantin, avait jeté une lumière crue sur une réalité trop longtemps ignorée : accumulation des tâches administratives jusqu’à l’épuisement, carences matérielles, turnover incessant des remplaçants, accompagnement insuffisant de l’académie. Autant de points sur lesquels l’éducation nationale peut et doit s’améliorer, particulièrement dans ses pratiques quotidiennes.
Alors que nous étions mobilisés lundi autour de la journée du 8 mars, je souhaite rappeler que 71 % des postes de direction d’école sont occupés par des femmes, majoritaires comme dans bien d’autres champs de l’éducation nationale. Il est plus que temps de reconnaître à leur juste valeur leur travail et leur engagement.
Si nous nous rejoignons toutes et tous sur la nécessité de mieux reconnaître et valoriser les directeurs et directrices d’école dans l’exercice de leurs missions, nous différons en revanche sur la meilleure façon d’y parvenir.
Les directeurs et directrices d’école n’ont de cesse de dire qu’ils manquent avant tout de temps de décharge, d’aide administrative et de formation. Nous estimons, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que c’est par de tels leviers que nous pourrons répondre à leurs attentes, et non par l’affirmation d’une position d’autorité, dont ils ne sont pas demandeurs, sur leurs collègues.
L’école du premier degré s’inscrit en effet dans une vision collective incarnée par le conseil des maîtres, dont fait partie le directeur ou la directrice d’école. Son appartenance au corps enseignant est un atout, car elle constitue un gage de sa bonne compréhension des ressorts du métier.
Les amendements que nous avons déposés sur l’article 1er de cette proposition de loi qui vise à délimiter le rôle du directeur d’école tendent à réaffirmer cette vision, en énonçant explicitement que le directeur d’école n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école et en délimitant la portée de la délégation de compétences par l’inspecteur d’académie.
Les directeurs ne souhaitent pas non plus que leur soient dévolues de nouvelles missions ne relevant pas du cadre actuel de leur fonction. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de retrait de la mention des « missions de formation » évoquées à l’article 2.
Nous avons souhaité préciser dans ce même article 2, qui traite de la fonction des directeurs d’école, le rôle du directeur en matière de projet pédagogique.
Nous aurions aimé profiter de l’examen de cette proposition de loi pour faire avancer concrètement les conditions matérielles d’exercice de la fonction de directeur, notamment sur la question des décharges. Nous sommes malheureusement freinés dans cette ambition par l’article 40 de la Constitution. Il est cependant essentiel d’affirmer l’importance de ces temps de décharge et la nécessité de garantir qu’ils sont bien ouverts et effectifs pour l’ensemble des directeurs.
L’aide administrative est une autre question charnière pour les directeurs d’école. Nous regrettons, à ce titre, la formulation ambiguë de l’article 2 bis, qui comporte le risque d’entraîner un désengagement de l’État en la matière.
Nous saluons en revanche la création d’un « référent direction d’école » dans chaque direction des services départementaux de l’éducation nationale introduite par l’article 3. Nous espérons que ce nouvel interlocuteur sera en mesure de jouer un rôle d’appui auprès des directeurs qui font état d’une certaine solitude dans l’exercice de leurs missions.
Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de circonscrire le cadre de ces missions et de ne pas alourdir la charge de travail des directeurs par de nouvelles prérogatives.
À cet égard, la possibilité, prévue à l’article 4, pour les directeurs et directrices d’être chargés de l’organisation du temps périscolaire nous paraît ouvrir une brèche dangereuse, alors que cette organisation revient aujourd’hui aux collectivités qui les financent.
Le texte suspend certes cette possibilité au consentement du directeur, mais il est facile d’imaginer un scénario où il se retrouverait contraint d’endosser cette responsabilité, sans même évoquer les difficultés matérielles et juridiques soulevées par une telle évolution. Les collectivités, qui financent ce temps périscolaire, sont aguerries à cette organisation qui relève d’abord d’une question de gestion de personnels. C’est la raison pour laquelle nous défendrons la suppression de cet article.
Nous ferons par ailleurs preuve de prudence quant à la possibilité, introduite par l’Assemblée nationale, pour le directeur d’école de recourir à un scrutin par voie électronique lors des élections des représentants des parents d’élèves. Si cette modalité d’organisation apparaît souhaitable, nous devons en effet nous poser la question de l’accès de l’ensemble des parents à un tel scrutin, d’autant que la crise sanitaire nous a démontré à quel point la fracture numérique demeure vivace.
J’aimerais en conclusion saluer l’avancée positive que constitue l’article 6 : celui-ci prévoit que l’élaboration du plan particulier de mise en sûreté, le PPMS, relève du ressort de l’autorité académique et des personnels compétents en matière de sécurité, ce qui permettra de soulager les directeurs de cette tâche très chronophage.
Vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain salue quelques petites avancées introduites par ce texte ; en revanche, il reste très dubitatif sur sa capacité à répondre dans son ensemble aux nombreuses attentes. Nous craignons de surcroît que la rédaction du texte ne franchisse la ligne de crête quant au rôle et aux missions du directeur à l’égard de ses pairs enseignants et de l’inspecteur d’académie.
L’école est un creuset républicain, un vecteur d’émancipation pour l’ensemble de notre société. Soutenons les directeurs et directrices, qui en sont le cœur battant, et offrons-leur des moyens à la hauteur de cette ambition ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a déjà été largement souligné, avec Françoise Laborde, pour laquelle j’ai une pensée amicale, j’avais identifié dans un rapport remis voilà moins d’un an quelque 16 propositions pour « mettre fin à un statu quo intenable, celui de directeur d’école ».
Ces propositions étaient adoptées par notre commission en juin 2020, au moment même où la proposition de loi qui nous rassemble ce jour était déposée à l’Assemblée nationale par notre collègue Cécile Rilhac, que je salue en tribune.
Hasard du calendrier, nos travaux se sont croisés, et loin d’en prendre ombrage, je crois que cette volonté commune d’améliorer la situation des directeurs d’école crée des conditions favorables pour répondre à leurs nombreuses attentes.
Dans ce contexte, je veux saluer également les travaux de notre rapporteur, Julien Bargeton, qui nous ont permis de mieux cerner encore les points de convergence qui émergent, ainsi que les éléments dont nous avons encore à débattre.
Tout le monde est d’accord pour dire que sur les directeurs d’école reposent des charges croissantes, de plus en plus complexes. Ces charges proviennent d’une administration toujours plus demanderesse de rapports, de statistiques et d’évaluations.
Elles proviennent également de parents de plus en plus exigeants, qui attendent toujours davantage d’une institution dont le directeur est, comme le maire, « à portée d’engueulade », pour reprendre l’expression du président Larcher.
Enfin, ces charges croissantes sont amplifiées par les règles et protocoles, toujours plus nombreux à mettre en œuvre, dans un contexte sécuritaire et sanitaire de plus en plus anxiogène.
Face à ces charges croissantes, les directeurs réclament, depuis bien longtemps, plus de temps pour exercer leurs missions.
Ils demandent aussi plus d’aide administrative, alors que les contrats aidés ont disparu et que le numérique, loin d’avoir réduit la soif des remontées en tout genre, l’a au contraire amplifiée.
Ils exigent par ailleurs plus de formation, d’autant que nombre de jeunes professeurs des écoles sont « bombardés » directeurs sans être passés par l’inscription sur la liste d’aptitude et sans aucune formation préalable.
Enfin, ils réclament plus de reconnaissance, indemnitaire, bien entendu, mais surtout institutionnelle.
Si personne ne demande un statut et encore moins la création d’un corps, beaucoup souhaitent que l’emploi de directeur soit reconnu comme un emploi fonctionnel, nécessitant davantage de temps et de moyens.
Mes chers collègues, voilà ce qui fait consensus ; il est grand temps d’y donner corps. En effet, si le suicide de Christine Renon a permis l’émergence d’une prise de conscience et si les données chiffrées portant sur le moral des directeurs d’école nous renseignent sur l’ampleur du malaise – 83 % d’entre eux estimaient, en 2018, que leurs conditions de travail s’étaient dégradées, et 60 % des directeurs souffrent de syndromes liés à l’épuisement professionnel –, tous attendent que l’on passe du constat aux actes. C’est la raison de l’agenda social que vous avez ouvert et dont vous nous avez précisé les contours et les objectifs, monsieur le ministre.
Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui établit enfin, dans le code de l’éducation, que le directeur d’école occupe un emploi de direction, doté d’une délégation de compétences de l’autorité académique. En un mot, mes chers collègues, un directeur est fait pour diriger ; voilà ce qu’affirme cette proposition de loi.
Toutefois, les choses ne sont pas si simples, car là s’arrête peut-être le consensus et commence le débat.
Certes, donner une autorité hiérarchique à un jeune directeur d’une école de deux ou trois classes n’a pas grand sens, j’en conviens. Mais en va-t-il de même lorsque l’école compte vingt classes ou plus et près de 450 élèves et que son directeur est déchargé de tout enseignement ? Tout le monde s’accorde à le dire, dans cette situation, celui qui exerce cette responsabilité doit pouvoir disposer des moyens et de la formation nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
Tel est le sens des amendements que le groupe Les Républicains a déposés. Ceux-ci tendent à créer une autorité fonctionnelle, liée aux missions administratives et organisationnelles des directeurs. Cette autorité dépendrait non de leur personne ou de leur statut, mais de leurs missions, ce qui permettrait que le directeur demeure « un pair parmi ses pairs ».
Si nous n’ouvrons pas le débat sur l’autorité hiérarchique, nous donnons à l’inverse de la cohérence à la délégation de compétences, qui est la clé de voûte de ce texte ; une délégation de compétences sans autorité, voilà ce qui serait fumeux.
Mes chers collègues, je mesure combien nous touchons à un sujet sensible. Je mesure également à quel point les attentes des directeurs d’école sont vives et combien nous devons trouver le point d’équilibre. Nous y réussirons en refusant toute position dogmatique, coupée du fonctionnement quotidien réel de nos écoles, dont nous avons déjà eu quelques belles illustrations précédemment.
C’est de cette manière que le groupe Les Républicains appréhende l’examen de cette proposition de loi, qui est utile et que nous voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école était très attendue.
À la fois responsables du pilotage pédagogique et du fonctionnement de l’école, tout en jouant un rôle de facilitateurs entre les différents acteurs, les directeurs d’école connaissent une forte augmentation de leurs responsabilités et de leur charge de travail. Pourtant, leur mission reste peu valorisée et, par voie de conséquence, peu attractive.
Dans un contexte sanitaire et sécuritaire dégradé, nous devons lutter contre la solitude du directeur d’école. Je pense aux drames survenus dans les écoles de Pantin et de Saint-Laurent-du-Var ; je pense également au mal-être de nombreux directeurs d’école, situés en première ligne pour honorer le service public d’éducation, malgré l’épidémie actuelle.
En réponse aux difficultés que ces professionnels rencontrent, il nous appartient d’affirmer, dans la loi, la reconnaissance de leur fonction et de leur octroyer de nouveaux moyens qui soient à la hauteur des enjeux.
Je tiens à saluer le travail du rapporteur, Julien Bargeton, et de la commission de la culture. Je souhaite que les débats en séance soient aussi riches que les discussions en commission, avec cet esprit d’ouverture qui anime la Haute Assemblée.
L’article 1er du texte prévoit d’accorder davantage de responsabilités au directeur d’école, en instaurant une délégation de compétences de l’autorité académique. Cette délégation permettrait un fonctionnement plus souple des écoles, sans pour autant revenir sur le lien hiérarchique avec le corps enseignant, qui relève de l’inspection de l’éducation nationale.
L’article 2 fixe les conditions de nomination, d’exercice, d’avancement et de formation des directeurs d’école.
Ainsi, il est proposé de renforcer les décharges de temps d’enseignement au profit des missions de direction. Une décharge totale est prévue pour les établissements à partir de huit classes, contre, actuellement, quatorze classes en élémentaire et treize en maternelle. En complément, les directeurs d’école seront libérés des trente-six heures consacrées chaque année aux activités pédagogiques complémentaires. J’appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur les risques de surcharge de travail pour les directeurs en cas de regroupement d’écoles.
En matière de recrutement, la commission de la culture du Sénat a souhaité maintenir la possibilité de recourir à des enseignants volontaires ne figurant pas sur la liste d’aptitude, en cas de vacance du poste de directeur et en l’absence de candidature. Dans la mesure où une formation adaptée sera mise en place pour l’ensemble des directeurs d’école, nous sommes favorables à cette disposition visant à remédier de façon ponctuelle aux difficultés de recrutement.
Toutefois, je voterai pour l’amendement de notre collègue Sonia de La Provôté tendant à faire en sorte que l’assistance administrative et matérielle ne relève que de l’État, et non des collectivités, car cela creuserait les inégalités entre les écoles, selon les moyens des communes.
L’article 4 propose au directeur de contribuer à l’organisation du temps périscolaire, après avoir passé un accord avec la collectivité compétente. J’y suis favorable, dans la mesure où il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation, tant pour la commune que pour les directeurs d’école.
Dans son ensemble, cette proposition de loi contribuera à l’amélioration des conditions de travail des directeurs d’école et à l’attractivité de cette fonction. Ces professionnels sont les premiers garants du bon fonctionnement des écoles et ils méritent cette reconnaissance spécifique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Julien Bargeton, sénateur de Paris, de son travail comme rapporteur de ce texte.
Évidemment, je remercie également Cécile Rilhac, députée du groupe La République En Marche, qui est à l’origine de la présente proposition de loi, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.
Je salue aussi l’engagement de Françoise Laborde et de Max Brisson, auteurs, en 2020, d’un rapport sénatorial sur la question, lequel soulignait – cela a été rappelé – que le statu quo était « intenable » pour les directeurs d’école.
Cette proposition de loi, qui crée la fonction de directeur d’école, constitue une étape importante pour la reconnaissance de cette profession et pour l’attractivité de ses missions, en offrant un cadre juridique renforcé, qui conforte leur légitimité et donne une assise claire à leurs décisions.
Pour avoir été, durant douze ans, adjointe aux affaires scolaires dans une commune de 2 000 habitants, j’ai pu pleinement mesurer ce que représente l’investissement, au quotidien, de ces professionnels ; par conséquent, je mesure les attentes fortes de ces derniers, légitimes, mais non satisfaites dans le passé.
Le présent texte précise les missions du directeur d’école et établit que celui-ci dispose d’un emploi de direction et bénéficie d’une indemnité spécifique, ainsi que d’un avancement accéléré.
Il fixe les conditions dans lesquelles le directeur d’école peut bénéficier d’une décharge totale ou partielle d’enseignement. Il crée en outre un « référent direction d’école » et apporte des précisions sur le rôle du directeur dans l’élaboration du plan de chaque école visant à parer aux risques majeurs liés à la sûreté des élèves et du personnel.
Il s’agit d’avancées incontestables, et cette attention est encore plus urgente, indispensable, dans la période de crise sanitaire que nous connaissons depuis déjà un an.
Vous avez rendu hommage, monsieur le ministre, à ces professionnels, dont l’engagement remarquable a permis à notre pays d’assurer la continuité de la scolarité des enfants. Qu’ils en soient remerciés, de même que l’ensemble des équipes enseignantes de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur.
Ce texte n’est qu’une étape, mais c’est une étape attendue, que nous devons franchir, ce soir, au Sénat.
Monsieur le ministre, nous saluons les mesures prises depuis 2017 : la mise en place d’un système d’accompagnement, le versement d’une prime de rentrée, l’amélioration des décharges dans les écoles de petite taille et le renforcement du rôle pivot du directeur dans le pilotage pédagogique. Une première réponse a été apportée aux besoins d’aides dans le cadre des parcours de préprofessionnalisation ; il faudra continuer d’avancer sur cette question essentielle.
Notre commission a par ailleurs apporté un certain nombre de modifications. Elle a notamment voulu éviter l’émergence de tensions entre directeurs d’école et enseignants, en supprimant toute référence à l’absence d’une autorité hiérarchique des premiers sur les seconds.
Au travers d’un amendement, il est proposé d’instituer une autorité fonctionnelle des directrices et directeurs d’école. J’ai eu l’occasion de bénéficier d’une autorité fonctionnelle de ce type, lorsque j’étais cadre à Pôle emploi, où, dans un premier temps, notre autorité était fonctionnelle et non hiérarchique. Le groupe RDPI se prononcera en faveur de cette proposition, que nous estimons équilibrée.
Pour finir, je remercie le Gouvernement d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de ce soir. Cela permettra, d’une part, d’envisager l’adoption de la proposition de loi et, d’autre part, de démontrer, là encore, sa volonté d’avancer sur le sujet. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends la parole au nom de Jacques Grosperrin, qui assiste cette après-midi, en compagnie du président Larcher, aux obsèques du sénateur honoraire du Doubs, Georges Gruillot, qui siégea sur nos bancs de 1988 à 2008.
Pour le recteur Jean-François Chanet, le directeur d’école n’a jamais été, légalement parlant, un chef d’établissement. L’approche historique de la fonction démontre une évolution continue, jalonnée de nombreux textes, mais dans un cadre réglementaire encore inabouti à ce jour, tenant insuffisamment compte, entre autres choses, des contrastes entre ville et campagne.
Le directeur d’école ne figure ni dans la loi Guizot de 1833 ni dans la loi Falloux de 1850. Les termes d’« instituteurs » et d’« adjoints » sont en revanche présents dans la loi Duruy de 1867, signe de l’existence déjà établie de cette hiérarchie. L’article 10 de la loi Ferry de 1882 indique ce qui est dès lors la première raison d’être de la fonction : « Lorsqu’un enfant manque momentanément l’école, les parents ou les personnes responsables doivent faire connaître au directeur ou à la directrice les motifs de son absence », principe qui reste d’actualité.
En 2010 – le rapport de Frédéric Reiss intitulé Quelle Direction pour l’école du XXIe siècle ? nous le rappelle –, on comptait plus de 47 000 directeurs d’école, dont 28 000 déchargés en partie de leur enseignement. Pour mémoire, les femmes représentaient alors 81,5 % des enseignants du premier degré et 73,2 % des directeurs.
Plus récemment encore, en 2020, Max Brisson et Françoise Laborde nous ont proposé, au travers de leur excellent rapport, souvent cité, de « mettre fin à un statu quo intenable » et ont émis seize préconisations visant à améliorer la situation des directeurs d’école, afin de revoir un système de responsabilités sans reconnaissance ni moyens.
Le directeur est un cadre intermédiaire indispensable, qui a su progressivement prendre sa place, mais qui n’a jamais été un chef d’établissement. Jusqu’à présent, sa fonction administrative se surajoutait à sa fonction d’enseignement, avec une formation quasi inexistante et considérée comme superflue.
Le choix se portant sur des instituteurs et professeurs des écoles chargés d’une mission supplémentaire de direction, les inspecteurs choisissaient principalement des enseignants à la réussite pédagogique évidente, auxquels l’on ne proposait pas de formation spécifique ; était-ce une raison valable ? Il aura fallu attendre une note de service du 17 mars 1997 pour que soit véritablement souligné le besoin d’une formation au cours de la première année d’exercice.
Tout cela a conduit, pendant trop longtemps, à une forme de solitude, souvent invoquée dans des conditions matérielles d’exécution difficiles. On surveillait les directeurs davantage que l’on ne les aidait, sans prendre en compte leur complexe polyvalence des tâches.
Il nous faut donc aller plus loin, aujourd’hui, en définissant cette fonction, devenue un réel emploi, et en l’adaptant à son contenu fonctionnel et à sa position hiérarchique intermédiaire.
C’est l’organisation générale de notre enseignement primaire qui est en jeu au travers de ce texte, lequel doit répondre, en même temps, au mal-être trop souvent constaté de nos directrices et directeurs. Les objectifs du texte et de nos amendements sont donc clairs et volontaristes : renverser, positionner et conforter.
Il faut renverser la perspective entre enseignants et directeur, en créant un emploi à part entière et non plus en recourant à un enseignant qui doit diriger.
Il convient de positionner une fonction désormais incontournable pour nos écoles.
Il est nécessaire enfin de conforter un statut et des missions, en rassurant les uns et les autres et en stabilisant les rôles propres à chacun. À ce titre, il nous semble inutile de créer une nouvelle instance, comme le conseil de la vie écolière ; les conseils d’école sauront s’adapter de façon souple.
Il faut prévoir des conditions strictes et cohérentes d’accès à cette fonction, avec un avancement corrélé à un nombre minimal d’années et avec de l’expérience, ainsi qu’une formation en amont et en aval du recrutement. Bien entendu, il faut aussi une rémunération et une indemnité correspondantes. Cela implique des moyens, notamment numériques, conséquents, avec une répartition des engagements entre l’État, les communes et les groupements de communes.
Pour conclure, je souhaite rendre un hommage particulier à l’ensemble de la communauté éducative et aux directeurs d’école, qui ont su, pendant la pandémie, honorer leur mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier tous les orateurs, parce que l’on voit déjà de grandes lignes directrices se dégager de leurs propos.
Il s’agit tout d’abord, évidemment, de reconnaître le rôle éminent des directeurs et des directrices d’école. Peu de parents d’élèves savent, en les voyant travailler tous les jours, que ces professionnels n’ont en réalité pas de statut et que le titre de « directeur d’école » ne recouvre pas vraiment une fonction de direction.
Il y a également un consensus pour affirmer que nous devons certainement conserver ce qu’il y a d’excellent dans leurs manières de pratiquer leurs fonctions aujourd’hui. Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice Brulin, quand vous indiquez que nous ne devons pas nous diriger vers une conception gestionnaire de ce rôle. Nombre de directeurs d’école nous disent, au travers d’enquêtes, qu’ils veulent garder le contact avec l’élève – être professeur, tout simplement –, et je pense qu’ils ont raison.
Aussi, ce que nous sommes en train de faire ne doit pas abîmer cette magnifique dimension de leur mission : être professeur et directeur. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas, parfois, prévoir des décharges complètes, parce que, lorsque l’école est très grande, la tâche est tellement immense qu’il faut avoir du temps, mais cela doit rester très souple.
Cela me semble d’ailleurs constituer un deuxième élément important, parmi ce que, les uns et les autres, vous avez dit, à savoir le pragmatisme. Nous devons considérer qu’il existe des écoles rurales et des écoles urbaines, qu’il y a des écoles petites, moyennes et grandes, que des écoles ont des difficultés particulières quand d’autres ont des atouts spécifiques.
Ainsi, nous avons l’unité de l’école de la République et, en même temps, une très grande diversité de situations. La fonction doit donc probablement s’adapter à chaque école, notamment à sa dimension, mais également à d’autres de ses caractéristiques. Et il faut le faire en tenant compte de la diversité des acteurs : il y a non seulement l’institution de l’éducation nationale, mais aussi les collectivités locales et les interlocuteurs sociaux de tous ordres, dont les partenariats nourrissent l’école.
Il est essentiel d’avoir cette vision complète et, pour ma part, je la perçois dans chacun de vos discours, que vous ayez été, ou non, critiques à l’égard de cette proposition de loi ou du Gouvernement.
En effet, il est très important que nous ayons une claire conscience de ce que nous avons là une fonction magnifique, qui atteint aujourd’hui des limites dans sa pratique quotidienne, une sorte de surmenage. Par conséquent, nous devons reconnaître tant ce qu’il y a de positif dans la trajectoire de cette fonction depuis plus d’un siècle que ce qui doit nécessairement changer.
En effet, prenons garde d’être, sous prétexte des difficultés que cette proposition de loi soulève, dans le statu quo, dans l’immobilisme. Il serait paradoxal de s’opposer à une évolution qui résulte de concertations très importantes, au nom de ces difficultés, car cela reviendrait à pérenniser celles-ci.
D’où l’importance des débats que nous allons avoir maintenant, afin de déterminer, point par point, comment nous allons résoudre ces difficultés. Cela dit, même si nous le faisons point par point, nous devons garder la vision d’ensemble qui s’exprimait dans vos propos et qui consiste à donner, à chaque directeur d’école et à l’équipe qui l’entoure, plus de possibilités d’agir, au service des élèves.
Enfin, dans la lignée de tout ce qui s’est dit dans le cadre du Grenelle de l’éducation et qui apparaît clairement dans un document que je vous incite à lire – le rapport intitulé Quels Professeurs au XXIe siècle ?, qui procède de concertations et de travaux scientifiques –, la formule qui domine, finalement, c’est l’esprit d’équipe.
Telle est la clé pour l’école primaire comme pour l’enseignement secondaire, et c’est également la clé pour remédier à certaines faiblesses de notre pays, notamment à un certain individualisme qui préside dans le travail quotidien, tant des enfants que des adultes, alors que nous avons besoin d’insuffler un esprit de coopération.
Or le directeur d’école est aussi quelqu’un qui permet à l’esprit d’équipe, entre professeurs, de vivre. Je suis donc très attentif aux propos qui s’expriment pour demander que l’on ne nuise pas à l’esprit d’équipe, qui peut être renforcé. À mes yeux, c’est ce que fait la proposition de loi de la députée Rilhac – je veux, à mon tour, rendre hommage à cette dernière, qui est présente dans les tribunes du Sénat –, et c’est ce que font certaines de vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs.
C’est dans cet état d’esprit que je participerai à nos débats sur ce texte. Je pense vraiment que ce qui en résultera constituera un progrès juridique, administratif et organisationnel pour l’école.
Bien évidemment, ce texte devra s’accompagner d’autres dispositions, qui ne sont pas d’ordre législatif, et il ne servirait à rien de préciser que certaines mesures sont inutiles si d’autres ne sont pas prises ; celles-ci soit sont en train d’être prises, soit le seront prochainement ; je pense par exemple à ce qui a trait aux décharges ou au soutien administratif des directeurs d’école.
En tout cas, pour ce qui concerne le domaine législatif, nous avons ce soir une très belle occasion de faire avancer une cause à laquelle – vous l’avez montré – vous êtes, au fond, unanimement attachés.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école
Article 1er
L’article L. 411-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° A À la première phrase, après le mot : « maternelle », il est inséré le mot : « , primaire » ;
1° B (nouveau) La deuxième phrase est supprimée ;
1° Après le mot : « éducative », la fin de la troisième phrase est ainsi rédigée : « , entérine les décisions qui y sont prises et les met en œuvre. » ;
2° Après la même troisième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Il organise les débats sur les questions relatives à la vie scolaire. Il bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. »
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il peut être chargé de délégation de compétences spécifiques par le représentant de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement tend à préciser le dispositif de cet article, qui prévoit que le directeur d’école bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour assurer le bon fonctionnement de l’école.
Certes, il me semble important de préciser que cette délégation ne concerne que le fonctionnement de l’école. Néanmoins, on ne comprend pas bien comment cette délégation sera déclenchée ni quels en seront les impacts concrets pour la communauté éducative.
Cette solution permettra aux directeurs de disposer d’un pouvoir de fait sur les enseignants, dans le simple cadre de leurs fonctions au sein de l’établissement, pour assigner à ces derniers des missions nécessaires au bon fonctionnement de l’école, mais, en cas de refus d’un enseignant d’obéir au pouvoir délégué du directeur, désormais renforcé par la loi, que se passera-t-il ?
Par ailleurs, le texte est muet sur la durée, la fréquence et l’amplitude de cette délégation : sera-t-elle permanente ? Sera-t-elle accordée au cas par cas ? S’appliquera-t-elle à toutes les questions de fonctionnement ? Sera-t-elle fondée sur un accord tacite ou sur des accords contractuels entre le directeur et l’autorité académique ? Le ministère aura-t-il son mot à dire ? Nombre de questions se posent sur cette délégation de compétences…
En tout cas, il convient, à ce stade, de circonscrire sa portée, en précisant que cette délégation de compétences ne sera pas automatique et de droit, et qu’il s’agira d’une simple possibilité.
Notre amendement a donc pour objet de rendre la délégation de compétences de l’inspecteur d’académie vis-à-vis du directeur d’école dérogatoire, optionnelle et limitée dans son objet et dans sa durée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. Telle qu’elle est prévue, la délégation est bien spécifique à chaque école, donc l’amendement est satisfait. Un certain nombre de choses seront précisées par la suite, bien évidemment, mais il s’agit d’une relation entre l’inspecteur et le directeur de chaque école.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Monier, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre Monier. Je ne comprends pas bien en quoi mon amendement est satisfait et je n’ai pas eu de réponse à mes questions, que se posent également d’ailleurs certains enseignants.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 33 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 39 est présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 20.
Mme Marie-Pierre Monier. Nous sommes opposés à la modification apportée au texte, lors de son examen en commission, sur proposition de notre rapporteur, qui a consisté à supprimer la mention selon laquelle le directeur « n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école ».
Notre rapporteur nous a affirmé, lors de l’examen en commission, que cette précision serait de nature à jeter le doute, alors que la question des rapports entre directeurs et enseignants n’était pas abordée dans le texte.
Or, à peine l’examen du texte en commission achevé, nous avons assisté au dépôt de plusieurs amendements visant à permettre au directeur d’exercer, selon diverses modalités, une « autorité fonctionnelle » sur les enseignants ! Comprenez donc nos doutes, d’autant que cette vision correspond à celle qui était initialement promue par l’auteure de ce texte…
Par conséquent, il nous paraît essentiel de réaffirmer cette absence de lien hiérarchique entre le directeur et ses collègues, qui constitue la condition sine qua non pour que ce dernier puisse exercer ses fonctions de façon apaisée. Le directeur ne doit pas se placer au-dessus de l’équipe pédagogique ; il reste « un pair parmi ses pairs ».
Les directeurs d’école sont d’ailleurs, dans leur quasi-totalité, très attachés à la notion de collectif et ont affirmé, à de nombreuses reprises, qu’ils ne souhaitaient pas un statut spécifique, question qui se profile derrière celle de l’autorité hiérarchique.
Ce n’est pas en ouvrant une telle brèche que nous parviendrons à résoudre le sentiment de solitude et d’impuissance qui affecte souvent les directeurs d’école, ainsi que leurs difficultés à assumer l’ensemble de leurs missions.
C’est pourquoi nous souhaitons que figure noir sur blanc dans la loi, la précision selon laquelle le directeur d’école, lui-même issu du corps enseignant, n’exerce aucune autorité sur les autres enseignants de son école, même dans le cadre de sa délégation fonctionnelle de compétences de l’inspecteur d’académie, comme cela a été voté très majoritairement à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 33.
Mme Monique de Marco. Cet amendement est identique au précédent ; il se justifie par son texte même. Je souligne seulement que cette précision nous paraît primordiale.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 39.
Mme Céline Brulin. L’article 1er du texte indique qu’il y a une délégation de compétences de l’autorité académique, en faveur du directeur, « pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige », ce qui recouvre tout de même un domaine assez vaste…
L’autorité académique a un lien hiérarchique sur les enseignants – c’est parfaitement légitime –, donc on peut comprendre que, par voie de conséquence, ce lien hiérarchique s’applique aussi, par délégation de compétences, pour le directeur, ce que refuse la quasi-totalité des directeurs.
Tout le monde ici affirme que ce n’est pas ce que l’on veut faire : eh bien, écrivons-le clairement ! Cela permettra de délimiter le périmètre du cadre réglementaire qui s’appliquera à cette délégation de compétences. Cela permettra également à l’autorité académique de continuer de s’exercer sur la totalité des enseignants. Cela apaisera le débat, ce qui n’est pas forcément un luxe.
En outre, ma collègue l’a indiqué, il s’agit de la réécriture pure et simple de ce qui a été adopté à l’Assemblée nationale, donc cela peut parfaitement susciter un consensus, même ici.
Nombre de nos collègues ont parlé, à juste titre, de la recherche d’un point d’équilibre ; eh bien, nous y sommes, justement ! Si l’on ne réintègre pas cette mention, alors les choses seront considérablement déséquilibrées et risquent de bousculer la vie des écoles et l’esprit d’équipe.
Je vous rejoins, monsieur le ministre, l’esprit d’équipe qui doit régner dans les écoles est un outil extraordinaire et il faut le conforter, non l’abîmer.
Or, pour que ce travail d’équipe puisse avoir lieu, pour qu’il puisse être complètement exploité, il y a besoin – c’est sur ce point que doit porter l’essentiel des évolutions – de décharger les directeurs de leur travail administratif, trop lourd aujourd’hui, afin qu’ils puissent reconquérir du temps en faveur de ce travail en équipe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car elle est attachée au respect de l’équilibre actuel. Aussi, il ne nous semble pas opportun de mentionner l’autorité hiérarchique, que ce soit pour en affirmer l’existence ou pour en proclamer l’absence.
Nous aurons, par la suite, le débat sur l’autorité fonctionnelle, mais il nous a semblé que c’était l’affaiblir que de nier l’autorité hiérarchique et que c’était aller dans une autre direction que de dire qu’il y a une autorité hiérarchique.
La commission a eu ce débat et elle a décidé de ne pas maintenir la mention de l’autorité hiérarchique, dans un sens ou dans l’autre. C’est d’ailleurs le souhait de l’Association nationale des directeurs d’école.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ce débat sur l’autorité hiérarchique est très ancien et il a parfois été paralysant, empêchant de faire évoluer les choses.
On voit bien les arguments que l’on peut donner dans un sens comme dans l’autre : j’entends ceux qui craignent les inconvénients d’une affirmation trop forte de la direction, tout comme ceux qui, aujourd’hui, constatant les limites de ce qui se passe dans l’école, voudraient que la direction ait une plus forte possibilité d’agir, comme dans toute équipe.
De ce point de vue, je reprends à mon compte les arguments du rapporteur : il y a une ligne de crête, qui consiste à ne pas affaiblir le directeur en lui déniant toute autorité hiérarchique, mais à conserver un système différent de celui du second degré.
Il s’agit donc de conserver les avantages de la situation actuelle tout en allant vers quelque chose qui permette au directeur ou à la directrice d’avoir une véritable autorité concrète. Nous verrons ce point, je pense, lors de la discussion des autres articles et amendements.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. J’avais déjà entendu le Gouvernement faire du « en même temps », mais pas encore faire du « ni-ni » !
Or tel est, en définitive, le sens des propos du rapporteur : on supprime cet alinéa pour ne surtout pas frapper les esprits en disant qu’il y a tout de même un chef, même si on ne parle pas de chef…
Je pense que, depuis de très nombreuses décennies, le directeur d’école s’est toujours caractérisé – j’ai assumé cette fonction un certain nombre d’années – comme un chef d’équipe ; on pourrait dire un capitaine dans le domaine sportif. En effet, il est là pour faire du lien et engager des projets, mais pas pour commander.
Il y a, dans cet hémicycle, une différence d’appréciation de ce qu’est être responsable. Il n’est pas besoin d’avoir quelqu’un qui commande pour lancer des projets, travailler ou fédérer. Aussi, pourquoi la majorité gouvernementale, à l’Assemblée nationale, a-t-elle cru bon d’ajouter par un amendement que le directeur n’est pas un supérieur hiérarchique ? Je ne comprends pas bien…
La gauche propose, dans cet hémicycle, de rétablir, selon moi à bon escient, la version initiale. Je sais bien qu’il y a des arrière-pensées et qu’un amendement sera bientôt proposé pour parler d’« autorité fonctionnelle ». On cache, derrière les mots, un certain nombre de mauvaises pensées pour l’avenir. Mais qu’il ne soit pas dit que nous ne nous opposons pas, aujourd’hui, à cette façon de faire.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20, 33 et 39.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Brisson, Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Burgoa, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacques, Joseph et M. Jourda, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier et M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, M. Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Rapin, Mme Richer, MM. Rietmann, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Segouin, Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et Vogel.
L’amendement n° 32 rectifié bis est présenté par Mme de La Provôté, MM. Mizzon, Henno et Kern, Mme Sollogoub, M. Maurey, Mme Loisier, MM. Duffourg et P. Martin, Mmes Jacquemet, Billon et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées.
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
M. Max Brisson. Mes chers collègues, c’est sans arrière-pensée que je vous présente cet amendement, qui tend à proposer un point d’équilibre, en conférant aux directeurs d’école une autorité fonctionnelle.
Cette autorité leur serait confiée dans le cadre limité de leur mission. Elle dépendrait non pas de leur personne, mais bien de la mission particulière qu’ils assument. Ainsi, elle serait limitée aux missions administratives et organisationnelles.
Cette préconisation résulte du rapport que j’avais déposé avec Françoise Laborde et que nous avons approuvé en commission. Nous demandions à mettre fin à un système de responsabilité accrue, car c’est bien de cela qu’il s’agit, sans réel cadre administratif. Cette préconisation résulte également d’échanges avec les représentants des organisations syndicales et avec le collectif des directeurs, car les lignes bougent.
Tous constatent que le statu quo n’est plus tenable. Certains appellent même à la création d’un emploi fonctionnel de directeur d’école, et tous demandent une définition claire des missions que ce dernier assume.
Cette disposition, qui modifie une organisation traditionnelle dont le besoin d’évolution fait pourtant consensus, fait écho à la réalité du fonctionnement quotidien d’une école.
Un directeur d’école fait face, aujourd’hui, à des responsabilités croissantes, en particulier dans le champ de la sécurité. Il doit donc avoir les moyens de ses responsabilités et pouvoir les exercer en toute sérénité. Tel est le sens de cet amendement.
Il n’y a aucune autre arrière-pensée ici que de permettre à un directeur d’école d’assumer des responsabilités liées au protocole sanitaire ou aux missions de sécurité. Sans être caricatural, il s’agit, lorsque l’on demande que la porte soit fermée à dix-huit heures, que ce soit non pas une décision collective, mais une décision qui s’impose. Il faut bien, dans ce cas de figure, que quelqu’un ait les moyens de prendre ses responsabilités.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié bis.
Mme Sonia de La Provôté. Nous avons souhaité faire porter ces deux amendements identiques par nos groupes respectifs. Comme le disait Max Brisson, il faut, à un moment donné, mettre fin au statu quo, ce que permet cette proposition de loi.
En réalité, notre proposition revient à coller au fonctionnement actuel de l’école. Je dis « actuel », car la crise est passée et qu’ont déjà été identifiées, notamment grâce au rapport de nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde, la complexité du rôle des directeurs et des directrices d’école, leur responsabilité dans bien des situations et leur obligation de décider, parfois dans l’urgence.
Tout cela a été révélé au grand jour lors de la crise que nous avons traversée : accueil en urgence des enfants des soignants, protocoles à gérer – parfois un peu longs à lire et ardus à comprendre – et protocoles itératifs, qui font évoluer le fonctionnement. Tout cela nécessite que les choses soient clarifiées.
Cette autorité fonctionnelle désigne une autorité au moment où l’on exerce les missions de directeur d’école et quand on est dans cette fonction. Comme le dit si bien mon collègue Max Brisson, à un moment, il faut pouvoir prendre des décisions sans passer par le fonctionnement collégial, parce que l’urgence, c’est l’urgence.
Nous parlons des urgences conjoncturelles dans le cas de la crise, mais une école fait face à des urgences permanentes, que ce soit des prises en charge d’enfants complexes, des situations de risque ou des problématiques variées.
Il s’agit donc de permettre au directeur d’être pair parmi ses pairs, d’être considéré comme un membre à part entière de l’équipe et parmi son équipe, ainsi que d’exercer sa fonction particulière dans de meilleures conditions, tout en étant reconnu par sa hiérarchie académique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Drexler et Dumont, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacques, Joseph et M. Jourda, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier et Lefèvre, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, M. Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, M. Rapin, Mme Richer, MM. Rietmann, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans les écoles où le directeur bénéficie d’au moins une demi-décharge de son temps d’enseignement, celui-ci dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement de repli dépend de l’avis du rapporteur et du ministre sur mon amendement précédent.
Il s’agit de tendre la main à M. le ministre : s’il n’était pas enclin à nous suivre sur l’autorité fonctionnelle pour toutes les écoles, nous préciserions au moins celle-ci pour les écoles de huit classes et plus dont le directeur bénéficie d’une demi-décharge, ainsi que pour les écoles de treize classes et plus dont le directeur a une décharge entière.
Toutefois, si j’ai le plaisir de voir adopté par le Sénat l’amendement n° 1 rectifié, qui est plus général, cet amendement n’aura plus d’objet.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Brisson, Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier et Courtial, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacques, Joseph et M. Jourda, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier et Lefèvre, Mmes Lherbier et M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, M. Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, M. Rapin, Mme Richer, MM. Rietmann, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans les écoles où le directeur bénéficie d’une décharge d’enseignement à temps plein, celui-ci dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Là encore, il s’agit d’un amendement de repli. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. Cette autorité fonctionnelle permettrait de faciliter le travail quotidien des directrices et directeurs d’école.
La commission émet donc un avis favorable sur les amendements nos 1 rectifié et 32 rectifié bis, dont l’adoption rendrait sans objet les deux amendements suivants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je comprends que le sénateur Brisson avait non pas des arrière-pensées, mais des solutions de repli ! (Sourires.) Je pense néanmoins que ces dernières ne seront pas nécessaires, car je suis assez convaincu par ses arguments.
Ils sont dans la droite ligne de ce que nous avons eu l’occasion de dire à l’Assemblée nationale, mais aussi de tous les échanges, extrêmement nombreux, que nous avons eus avec les uns et les autres depuis plusieurs années, notamment ces derniers mois, pour trouver la bonne formule, en tenant compte des arguments de tous.
Nous avons une certaine expérience de cette notion d’autorité fonctionnelle. Il a été rappelé tout à l’heure à la tribune que le concept existe dans d’autres contextes et porte ses fruits, de manière finalement très pragmatique. D’ailleurs, cette notion induit l’idée que le directeur ou la directrice, sur certains sujets, est en situation d’avoir une autorité pour jouer son rôle de responsable, au plein sens de ce mot, dans l’exercice de ses fonctions.
La notion d’autorité fonctionnelle me paraît donc adaptée et pragmatique. Par ailleurs, nous serons amenés, dans les temps à venir et dans le dialogue social, à définir précisément la réalité qu’elle revêt, tout en étant pragmatiques dans la prise en compte des différences entre les écoles.
Je suis, en tout cas, favorable à cette notion d’autorité fonctionnelle, et c’est pourquoi j’émets un avis favorable sur les deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur Brisson, je m’adresse tout particulièrement à vous, car j’aimerais comprendre ce que vous entendez exactement par « autorité fonctionnelle »… L’expression n’est pas définie par le code de l’éducation, si ce n’est, dans sa partie réglementaire, par trois références qui ne renvoient pas du tout à la situation que vous nous proposez.
Ce que j’entends, moi, par « autorité fonctionnelle », c’est quelque chose qui pourrait emporter le rapport hiérarchique et le pouvoir de notation. (Protestations sur les travées du groupe UC.) On peut parfaitement considérer que, au titre de l’autorité fonctionnelle, le responsable d’établissement pourrait noter et avoir, de ce fait, un rapport hiérarchique sur les enseignants. D’où l’utilité de l’amendement précédent que vous avez rejeté.
M. Jacques-Bernard Magner. Bien sûr !
M. Pierre Ouzoulias. Si vous n’introduisez pas, dans l’autorité fonctionnelle, la nécessité du rapport hiérarchique, pourquoi nous avoir empêchés, tout à l’heure, d’indiquer clairement que cela ne faisait pas partie de ce que vous accordiez aux responsables d’établissement ?
M. Jacques-Bernard Magner. Eh oui !
M. Pierre Ouzoulias. La ligne de crête définie par M. le rapporteur n’est plus suivie un amendement plus tard. On a basculé dans un système dans lequel vous instituez le chef d’établissement dans un rapport hiérarchique avec ses administrés que sont les membres de l’équipe enseignante. Il serait donc plus sage de revenir à la proposition de l’Assemblée nationale, parce que nous dérivons vers quelque chose qui n’a plus rien à voir.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. On voit bien que le terme « autorité » devait bien apparaître quelque part, d’où votre expression d’« autorité fonctionnelle »…
Ce n’est pas étonnant : nous avons l’habitude ici, depuis de nombreuses années, des débats sur l’école, et nous savons comment certains d’entre vous, chers collègues, veulent organiser cette dernière. Mais nous ne voyons pas les choses de la même façon.
Pourquoi, dans ce cas, ne pas prévoir une délégation fonctionnelle pour les directeurs d’école ? En effet, chers collègues, le directeur d’école actuel n’a pas les mains liées, et contrairement aux arguments que vous nous avez donnés, il agit déjà sans autorité fonctionnelle. Le fera-t-il plus avec un terme supplémentaire dans le code de l’éducation ?
Je suis surpris, monsieur le ministre, que vous acceptiez aussi facilement d’enfoncer un coin dans quelque chose qui existe et fonctionne depuis 1908, et plutôt bien, si l’on considère l’esprit d’équipe qui règne dans les écoles. Le directeur ne peut se prévaloir d’avoir une autorité fonctionnelle ou autre ; en effet, les textes sont une chose, mais la réalité des gens en est une autre.
J’ai connu, dans ma carrière d’enseignant, des directeurs qui étaient de véritables chefs d’équipe, de véritables lanceurs d’idées ou de projets. J’en ai connu d’autres qui auraient bien aimé être les directeurs que vous êtes en train de dépeindre aujourd’hui. Et je puis vous dire que c’est avec les premiers que l’on travaille le mieux et que les seconds paralysent le fonctionnement de l’école.
Voilà où, selon moi, vous êtes en train de nous mener aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. J’ai entendu, dans nos débats, qu’il fallait mettre un terme au statu quo et clarifier les choses, comme si, finalement, l’organisation collégiale que tout le monde a saluée tout à l’heure et qui est spécifique au premier degré – nous ne sommes pas dans le modèle du second degré – n’était pas efficace et empêchait même le directeur de remplir ses missions.
Or, cher Max Brisson, le directeur peut tout de même fermer la porte à dix-huit heures aujourd’hui !
M. Jacques-Bernard Magner. Oui, c’est un mauvais exemple !
Mme Sylvie Robert. Il n’y a aucun problème à cet égard.
J’observe également, et c’est plus préoccupant encore, que l’autorité fonctionnelle n’est pas définie. Le sera-t-elle via des circulaires, qui nous feront découvrir précisément ce que recouvre cette notion ?
J’aimerais obtenir des précisions, parce que j’ai l’impression que, dans ce débat, on ne veut pas dire les choses et que l’on tourne autour du pot. J’aimerais, cher Max Brisson, que vous nous disiez en quoi l’autorité fonctionnelle va apporter un plus à ce qui existe déjà dans la collégialité des établissements et dans la mission d’animation et de coordination des directeurs et directrices d’école.
Nous sommes dans un débat où personne ne veut véritablement afficher ce qu’il pense. Alors que l’Assemblée nationale a été claire, nous ne le sommes pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je voudrais, tout d’abord, remercier le ministre et le rapporteur de leur avis favorable sur mon amendement.
Je ne suis pas l’auteur, tout seul dans mon coin, de cette notion d’autorité fonctionnelle, que j’ai beaucoup entendue réclamée par des directeurs.
M. Jacques-Bernard Magner. Lesquels ? Nous n’avons pas entendu les mêmes !
M. Max Brisson. Il faut aussi les écouter ! Nous sommes tous d’accord pour dire que le statu quo est intenable, mais, dès que l’on veut bouger une ligne, il y a opposition ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert. C’est trop facile !
M. Max Brisson. Dans ce cas, assumons notre clivage ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylvie Robert. Quelle caricature !
M. Max Brisson. En quoi y a-t-il différence avec l’autorité hiérarchique ? En ce que le directeur n’évaluera pas le professeur.
M. Jacques-Bernard Magner. Alors, écrivez-le dans la loi !
M. Max Brisson. En ce que l’autorité fonctionnelle qu’il détiendra sera liée non pas à son corps ou à son statut, mais aux missions de la délégation de compétences de l’autorité académique.
Puisque vous me posez des questions, madame Robert, je vais, à mon tour, vous interroger.
M. Roger Karoutchi. Non, ne relançons pas le débat ! (Sourires.)
M. Max Brisson. Que signifie la délégation de compétences de l’autorité académique sans les moyens de l’exercer ?
La délégation de compétences par l’autorité académique est nouvelle et constitue l’élément fort de la proposition de loi de Cécile Rilhac. Il faut, me semble-t-il, y apporter de la cohérence.
Or il serait incohérent d’envisager sans autorité fonctionnelle une délégation de compétences de l’autorité académique pour des sujets qui sont, aujourd’hui, essentiels, comme la sécurité sanitaire ou la sécurité tout court ; nous ne sommes pas dans le même contexte que dans le passé, auquel vous tenez tant.
Nous disons donc très simplement qu’il faut donner aux directeurs les moyens d’exercer la délégation de compétences de l’autorité académique. La plupart des maires que je rencontre sont bien persuadés que le directeur de leur école est – horrible expression ! – le supérieur hiérarchique des professeurs.
Mme Sonia de La Provôté. Exactement !
M. Max Brisson. La plupart des parents pensent également que le directeur, de par l’institution, a les moyens d’exercer une mission difficile et de plus en plus complexe.
Le statu quo serait de ne pas tenir compte de cette complexité croissante de leur mission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jacques-Bernard Magner. Vos arrière-pensées, vous les avez exprimées !
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Je ne peux pas ne pas réagir sur un sujet qui me concerne, puisque j’ai été seize ans directrice d’école, que j’ai été confrontée, l’année dernière, à la mise en place du protocole de la crise sanitaire et que je rejoins parfaitement les propos de mon collègue Max Brisson sur la fonctionnalité.
M. Jacques-Bernard Magner. Normal, vous êtes de droite ! (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. J’ai conduit une équipe de quatorze personnes et onze classes en demi-décharge ; je sais donc ce que c’est que d’avoir une classe en responsabilité et d’assumer les fonctions de directeur d’école. Je sais, en outre, que les enseignants, surtout durant cette crise, sont des êtres humains ayant chacun leur façon de penser en ce qui concerne la gestion de l’établissement, le port du masque, etc.
Il est parfois extrêmement difficile de gérer tout cela, notamment face à des parents qui sont de plus en plus exigeants, qui attendent de l’école, non seulement qu’elle instruise leurs enfants, mais qu’elle les éduque à leur place, et qui sont, d’ailleurs, les premiers à porter plainte pour des raisons plus ou moins futiles.
En somme, le directeur d’école se voit confronté à de très nombreuses situations complexes, et il est vrai qu’il se retrouve parfois bien seul pour gérer tout cela.
Enfin, nous n’avons pas mis en avant la dimension humaine de la gestion des enseignants : si l’on veut disposer d’une équipe soudée, la direction doit être attentive aux problèmes que soulèvent les enseignants et être à leur disposition.
Pour toutes ces raisons, je soutiens et voterai cet amendement de Max Brisson, dont les dispositions vont dans le sens des attentes des directeurs d’école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Pour ma part, je ne fais pas partie des initiés de la commission de la culture et de l’éducation, mais je voudrais livrer un point de vue qui est celui de nombre de collectivités et d’élus.
Je pense que l’école, qui est au milieu du village, si j’ose dire, est également faite pour les familles et les enfants, avec l’appui des collectivités. Des décisions en matière de sécurité et d’organisation d’un certain nombre de services liés à l’école sont prises de concert entre le directeur de l’école et le maire.
Aujourd’hui, la plupart des directeurs exercent ces fonctions. Pourtant, nous sommes gênés à l’idée d’inscrire dans la loi qu’ils détiennent une autorité fonctionnelle, tout en ne mentionnant pas l’autorité hiérarchique.
Mes chers collègues, j’entends que, dans les écoles, il y aurait des équipes d’enseignants formidables, où tout le monde s’entendrait et où la parole du directeur serait naturellement prise en compte.
Toutefois, ces équipes d’enseignants tout à fait remarquables sont aussi des équipes d’êtres humains ; il peut parfois être nécessaire qu’un arbitre portant une responsabilité en matière d’inscription dans les classes ou de sécurité soit reconnu. Je soutiens donc les amendements proposés par nos collègues Sonia de La Provôté et Max Brisson, dont l’adoption, me semble-t-il, apportera une reconnaissance aux directeurs d’école.
Je n’ai aucune arrière-pensée et je trouve dommage que vous nous en prêtiez, chers collègues, en craignant que ce que nous disons clairement ne soit qu’un masque cachant d’autres idées.
Je crois que tout cela permettra un meilleur fonctionnement de l’école, dans le respect des uns et des autres. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 32 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 86 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 2 rectifié bis et 3 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L. 411-2 du code de l’éducation est ainsi rétabli :
« Art. L. 411-2. – I. – Le directeur d’école maternelle, élémentaire ou primaire dispose d’un emploi de direction.
« II. – Les enseignants nommés à l’emploi de directeur d’école bénéficient d’une indemnité de direction spécifique ainsi que d’un avancement accéléré au sein de leur corps dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Le directeur d’école est nommé parmi les personnes inscrites sur une liste d’aptitude établie dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ne peuvent être inscrits sur cette liste d’aptitude que les instituteurs et professeurs des écoles justifiant de trois années d’exercice dans ces fonctions et ayant suivi une formation à la fonction de directeur d’école.
« Les professeurs des écoles et les instituteurs figurant déjà sur liste d’aptitude et les directeurs déjà en poste y sont automatiquement inscrits.
« Dans le cas d’emplois de directeurs d’école vacants, des instituteurs et professeurs des écoles non inscrits sur la liste d’aptitude peuvent être nommés à leur demande dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Ils bénéficient d’une formation à la fonction de directeur d’école dans les meilleurs délais.
« III bis. – Le directeur d’école propose à l’inspecteur de l’éducation nationale, après consultation du conseil des maîtres, des actions de formation spécifiques à son école.
« IV. – Le directeur d’école peut bénéficier d’une décharge totale ou partielle d’enseignement. Cette décharge est déterminée en fonction du nombre de classes et des spécificités de l’école dont il assure la direction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le directeur participe à l’encadrement du système éducatif. Lorsque sa mission de direction est à temps plein, il peut être chargé de missions de formation ou de coordination. Il peut en outre être chargé de missions d’enseignement dans l’école dont il a la direction lorsque sa mission n’est pas à temps plein. L’ensemble de ces missions est défini à la suite d’un dialogue tous les deux ans avec l’inspection académique.
« V. – Le directeur administre l’école et en pilote le projet pédagogique. Il est membre de droit du conseil école-collège défini à l’article L. 401-4. Il ne participe pas aux activités pédagogiques complémentaires de son école, sauf s’il est volontaire.
« V bis. – Une offre de formation dédiée aux directeurs d’école leur est proposée tout au long de leur carrière, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« VI. – Un décret en Conseil d’État fixe les responsabilités des directeurs d’école maternelle, élémentaire ou primaire ainsi que les modalités d’évaluation spécifique de la fonction.
« VII. – Le directeur d’école dispose des outils numériques nécessaires à sa fonction. »
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur une disposition de cette proposition de loi : la liste d’aptitude ne peut comporter que des instituteurs et des professeurs des écoles justifiant de trois années d’exercice dans des fonctions d’enseignement et ayant suivi une formation à la fonction de directeur d’école.
Cette disposition, à laquelle je souscris, emporte néanmoins des conséquences importantes pour l’enseignement privé sous contrat. Ainsi, il pourrait ne plus y avoir de direction unique pour une école primaire ou un collège. Un enseignant du second degré pourrait ne plus pouvoir diriger une école primaire privée sous contrat, ce qui existe dans les écoles privées sous contrat.
Monsieur le ministre, je sais que ce sujet a été évoqué brièvement à l’Assemblée nationale et que vous aviez souligné qu’il relève du domaine réglementaire.
Toutefois, sans assurance publique de votre part sur les conséquences de ces principes sur les directeurs d’école sous contrat, les craintes de l’enseignement privé continuent de grandir. Il me semble essentiel que vous apportiez une réponse claire à cette conséquence de la proposition de loi. Comment s’appliquera cette disposition pour les établissements privés sous contrat ?
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.
M. Cédric Vial. Monsieur le ministre, mon intervention est en réalité une demande de clarification concernant l’alinéa 12 de cet article, et j’espère pouvoir compter sur votre réponse. Cet alinéa dispose que « le directeur d’école dispose des outils numériques nécessaires à sa fonction ».
Cette affirmation simple semble frappée au coin du bon sens. Elle appelle néanmoins deux types de questions.
Premièrement, quels sont ces outils, et qui doit les définir ? Cette question n’est pas anodine, puisqu’il est inscrit dans la loi que l’absence de fourniture de ces outils numériques créerait une situation d’illégalité. Une telle situation pourrait, a minima, faire considérer au directeur qu’il n’est pas en capacité d’exercer ses fonctions, donc qu’il n’est plus tenu de le faire.
Est-ce lui-même qui jugera du matériel nécessaire ? Est-ce la collectivité ? Est-ce sa hiérarchie ? Est-ce une circulaire ? Encore une fois, la réponse à cette question n’est pas anodine.
Deuxièmement, la dotation en nouveaux outils numériques est susceptible de créer une charge supplémentaire. Ma question est simple : à qui cette charge doit-elle incomber ?
Si les textes en vigueur sont suffisamment clairs concernant les réseaux informatiques, les biens immobiliers ou le matériel pédagogique, qui relèvent de la collectivité chargée de la compétence scolaire, il s’agit ici de fournir un équipement personnel à un fonctionnaire d’État dans le cadre de ses fonctions de direction et non de ses fonctions pédagogiques. L’intervention de la collectivité ne semble donc pas être indiquée. Au contraire, cet équipement devrait relever du ministère de tutelle, chargé de l’enseignement scolaire.
Si l’on juge nécessaire que le directeur d’école dispose d’un téléphone portable ou d’une tablette, ainsi que des abonnements personnels dédiés, afin, notamment, de pouvoir travailler chez lui, à qui reviendrait la charge, l’entretien, le remplacement et la responsabilité de ce matériel ?
En l’état, cet alinéa, que j’approuve sur le fond, crée une confusion juridique plus qu’il ne clarifie une situation. J’avais déposé un amendement de clarification, mais nous n’aurons pas l’occasion d’en débattre, car il a été écarté, à mon sens à tort, au titre de l’article 40.
Monsieur le ministre, à quels types d’outils numériques auxquels le directeur d’école n’avait pas déjà accès cette nouvelle disposition fait-elle référence ? Qui décidera du caractère nécessaire de cet équipement, ce qui impliquera qu’il devra être fourni obligatoirement ? Enfin, à qui en incombera la charge ?
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Grosperrin, Karoutchi, Bascher et Bouchet, Mmes de Cidrac, Deromedi, Dumont et Gosselin, MM. Husson, Laménie, Mandelli, Mouiller, Paccaud, Panunzi, Piednoir, Savary et Savin et Mmes Schalck et Ventalon, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ainsi que d’un avancement accéléré
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement de notre collègue Jacques Grosperrin vise à supprimer du texte la notion d’« avancement accéléré », qui pourrait entraîner une rupture d’égalité au sein du corps des professeurs des écoles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. Il serait dommage de supprimer la notion d’« avancement accéléré », qui est un facteur important d’attractivité pour les directeurs d’école.
Au reste, la commission a d’ores et déjà supprimé les mesures de contingentement qui auraient pu poser un problème pour l’avancement des professeurs d’école. Elle n’a donc pas souhaité modifier l’équilibre trouvé, qui lui semble satisfaisant. En conséquence, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié est retiré.
L’amendement n° 4 rectifié quinquies, présenté par MM. Brisson, Husson et Tabarot, Mme Deromedi, M. Genet, Mme Joseph, MM. Pellevat et Sido, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Eustache-Brinio et F. Gerbaud, M. Piednoir, Mmes Thomas et Lassarade, MM. Daubresse, D. Laurent, Burgoa et Bonhomme, Mmes Goy-Chavent, Raimond-Pavero, Gosselin, Puissat, Berthet, Jacques, Delmont-Koropoulis, Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Bonne et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Rapin, Bascher, Anglars, Paccaud, Courtial et Sol, Mmes Chauvin, L. Darcos et Gruny, M. Darnaud, Mmes Noël et Imbert, MM. Savin, Mouiller et Frassa, Mme Borchio Fontimp, MM. Rietmann, Perrin, J.M. Boyer, Duplomb, Le Gleut et Saury, Mme Lavarde, MM. Cardoux et Savary, Mmes Deroche, Drexler, Di Folco, Ventalon et M. Mercier, MM. Lefèvre et Hugonet, Mme Belrhiti, MM. Bazin et Bouloux, Mme Dumas, MM. Babary, C. Vial et Belin, Mme Schalck, M. Sautarel et Mme Bourrat, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les conditions d’avancement, de grade et d’échelon à l’intérieur du corps des professeurs des écoles, pour les directeurs d’école bénéficiant d’une décharge d’enseignement à temps plein, sont déterminées par décret en Conseil d’État sans qu’aucune mesure de contingentement ne puisse être opposée à leur avancement de grade.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Je pense que cet amendement rencontrera moins de succès, mais je le défendrai néanmoins.
Tout le monde s’accorde à dire que les directeurs doivent avoir une reconnaissance salariale compte tenu de leur charge de travail croissante. Cette reconnaissance doit être indemnitaire, mais aussi indiciaire.
Le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait que tous les directeurs bénéficieraient d’un avancement accéléré, aucune mesure de contingentement ne pouvant être opposée à leur avancement de grade.
Notre commission, sur proposition de notre rapporteur, a justement supprimé cette disposition, qui risquait de créer une réelle embolie dans la promotion des professeurs des écoles, compte tenu du nombre de directeurs, le risque étant que seuls les directeurs puissent bénéficier d’avancement de grade.
Cet amendement a pour objet de reprendre le dispositif voté par nos collègues députés en le réservant aux seuls directeurs des écoles de treize classes et plus, à savoir ceux qui bénéficient d’une décharge totale, soit 6 % de l’ensemble des directeurs.
Il s’agit de prendre en compte la diversité des écoles et des directeurs et de trouver un juste équilibre entre revalorisation indiciaire des directeurs et mouvement de promotion des professeurs, qu’il ne faudrait pas bloquer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Je comprends la préoccupation de Max Brisson : de fait, les écoles de plus de treize classes sont parfois aussi grandes, voire plus grandes qu’un collège.
Cependant, si elle était adoptée, cette mesure créerait des catégories au sein des directeurs d’école, en instaurant une différenciation dans l’avancement au profit de ceux qui dirigent des écoles de plus de treize classes. Surtout, au-delà de l’impact financier, des discussions sont en cours sur ce sujet au sein du ministère.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, tout en entendant la préoccupation qui le sous-tend.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. J’entends tout à fait la proposition de notre collègue Max Brisson, qui pose toutefois un problème d’équité.
La mission des directrices et directeurs d’école est reconnue. Rien ne justifie que seuls certains d’entre eux bénéficient de cette disposition.
Le fait de considérer que la décharge complète est l’alpha et l’oméga ou en tout cas le seuil de mise en place de cette mesure me paraît inadapté.
Je pense qu’il faut proposer un dispositif qui prenne en compte le niveau de décharge, qui n’est pas le même pour tous les directeurs : ce n’est pas la même chose de diriger une école de deux ou de treize classes – nous en convenons tous –, mais ce n’est pas rien d’être directeur ou directrice d’école ! Il faut donc réfléchir à un dispositif gradué, en fonction de la réalité de la mission et de la charge.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je voulais évoquer la question de la revalorisation non seulement indemnitaire, mais aussi indiciaire.
Je mesure bien que ma proposition n’est pas la plus judicieuse, mais je pense que la question doit véritablement être posée si l’on veut contribuer à l’attractivité de la fonction de directeur et ne pas être obligé demain de nommer des directeurs quasiment contre leur gré, comme c’est souvent le cas dans de petites écoles.
Il faut trouver le moyen de rendre la fonction de directeur plus attractive.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié quinquies est retiré.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Grosperrin, Karoutchi, Bascher et Bouchet, Mmes de Cidrac, Deromedi, Dumont et Gosselin, MM. Husson et Laménie, Mme Lavarde, MM. Mandelli, Mouiller, Paccaud, Panunzi, Savary et Savin et Mmes Schalck et Ventalon, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement, qui a été déposé par notre collègue Jacques Grosperrin, vise à porter de trois à cinq ans la durée de l’expérience professionnelle requise pour prétendre aux fonctions de directeur. Une expérience de trois ans dans l’enseignement paraît effectivement un peu courte pour assurer cette fonction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. Nous comprenons la préoccupation de Jacques Grosperrin : il faut de l’expérience pour devenir directeur d’école.
Toutefois, cette proposition créerait de la rigidité et provoquerait des difficultés de recrutement alors même que de nombreux postes de directeur d’école sont d’ores et déjà vacants. C’est pourquoi la commission n’a pas souhaité étendre la durée d’expérience requise pour devenir directeur d’école.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Husson et Tabarot, Mme Deromedi, M. Genet, Mme Joseph, MM. Pellevat et Sido, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Eustache-Brinio et F. Gerbaud, M. Piednoir, Mmes Thomas et Lassarade, MM. Daubresse, D. Laurent, Burgoa et Bonhomme, Mmes Goy-Chavent, Raimond-Pavero, Gosselin, Puissat, Berthet, Jacques, Delmont-Koropoulis, Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Bonne et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Rapin, Bascher, Anglars, Paccaud, Courtial et Sol, Mmes Chauvin, L. Darcos et Gruny, M. Darnaud, Mmes Noël et Imbert, MM. Savin, Mouiller et Frassa, Mme Borchio Fontimp, MM. Rietmann, Perrin, J.M. Boyer, Duplomb, Le Gleut et Saury, Mme Lavarde, MM. Cardoux et Savary, Mmes Deroche, Drexler, Di Folco, Ventalon et M. Mercier, MM. Lefèvre et Hugonet, Mme Belrhiti, MM. Bazin et Bouloux, Mme Dumas, MM. C. Vial, Babary et Belin, Mmes Schalck et Bourrat et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une formation certifiante est nécessaire pour prendre la direction d’une école dont le directeur bénéficie d’une décharge complète d’enseignement.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Le besoin de renforcer la formation des directeurs d’école est régulièrement soulevé et fait l’objet, je pense, d’un consensus dans cet hémicycle. Cette proposition de loi consacre d’ailleurs la nécessité d’une formation avant de prendre en charge cette fonction de plus en plus complexe.
Pour autant, la faiblesse des dispositifs de formation se fait particulièrement sentir lorsqu’un directeur prend ses fonctions dans des écoles de grande taille, c’est-à-dire de plus de treize classes, fonctions auxquelles il consacre alors la totalité de son temps.
Dans ce contexte, cet amendement a pour objet d’instaurer une formation certifiante pour les directeurs des écoles de treize classes et plus. En revanche, la formation des autres directeurs ne revêtirait pas de dimension certifiante afin de ne pas réduire le nombre de professeurs pouvant postuler à cette fonction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. L’avis est favorable. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Le dispositif de cet amendement paraît pertinent : lorsque nous les avons rencontrés, les directeurs d’école ont exprimé d’importants besoins de formation, notamment sur les réformes en cours, mais également sur le pilotage. Ils expriment fréquemment de tels besoins.
Certaines situations particulières justifient l’attention que Max Brisson porte à la formation.
La commission, je le répète, a donc émis un avis favorable. (Très bien ! sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je comprends parfaitement l’esprit de cet amendement. Je rappelle toutefois que les directeurs d’école bénéficient d’ores et déjà d’une formation importante.
Si je partage la préoccupation de fond, je pense que cette mesure relève plutôt du domaine réglementaire et que son inscription dans la loi pourrait créer une sorte de rigidité.
Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat. (Très bien ! sur les travées du groupe UC.)
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Grosperrin, Karoutchi, Bascher et Bouchet, Mmes de Cidrac, Deromedi, Dumont, F. Gerbaud et Gosselin, MM. Husson, Laménie, Mandelli, Mouiller, Paccaud, Panunzi, Piednoir, Savary et Savin et Mmes Schalck et Ventalon, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
nationale
insérer les mots :
en prenant en compte les orientations de la politique nationale
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. À mon tour de me faire le porte-voix de Jacques Grosperrin !
Le présent amendement est un amendement de précision rédactionnelle. Il vise à préciser que le directeur d’école, qui est un fonctionnaire d’État, doit faire ses propositions à l’inspecteur de l’éducation nationale « en prenant en compte les orientations de la politique nationale ». C’est la moindre des choses.
Le directeur d’école doit agir en cohérence avec les orientations de son ministre. J’imagine que vous ne pourrez qu’aller dans mon sens, monsieur le ministre !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. J’émets un avis favorable – et non parce que M. Grosperrin a changé de porte-parole, monsieur Karoutchi ! (Sourires.)
Cet amendement de précision est le bienvenu, car il apporte un plus.
M. Roger Karoutchi. M. le rapporteur prend des risques…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je comprends bien ce qui motive cet amendement, comme le précédent, mais son adoption risquerait d’entraîner une certaine rigidité. Sur ce sujet, nous ne partons pas de zéro.
Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement également.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, C. Vial, Piednoir, Husson, Tabarot et Genet, Mmes Deromedi et Joseph, MM. Pellevat et Sido, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Eustache-Brinio, F. Gerbaud, Thomas et Lassarade, MM. Daubresse, D. Laurent, Burgoa et Bonhomme, Mmes Goy-Chavent, Raimond-Pavero, Gosselin, Puissat, Berthet, Jacques, Delmont-Koropoulis, Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Bonne et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Rapin, Bascher, Anglars, Paccaud, Courtial et Sol, Mmes Chauvin, L. Darcos et Gruny, M. Darnaud, Mmes Noël et Imbert, MM. Savin, Mouiller et Frassa, Mme Borchio Fontimp, MM. Rietmann, Perrin, J.M. Boyer, Duplomb, Le Gleut et Saury, Mme Lavarde, MM. Cardoux et Savary, Mmes Deroche, Drexler, Di Folco, Ventalon et M. Mercier, MM. Lefèvre et Hugonet, Mme Belrhiti, MM. Bazin et Bouloux, Mme Dumas, MM. Babary et Belin, Mmes Bourrat et Schalck et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Alinéa 8, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle doit lui permettre de remplir de manière effective l’ensemble de ses fonctions.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement vise à préciser l’objectif de la décharge pour les directeurs d’école.
Si l’organisation effective des temps de décharge relève du décret, de nombreuses inquiétudes se sont fait jour lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale sur les objectifs de ce décret.
Il convient de préciser dans la loi l’objectif auquel doit répondre le décret fixant l’organisation effective des temps de décharge, cette question étant centrale pour rendre attractive la fonction de directeur d’école.
Voilà pourquoi il vous est proposé d’inscrire dans la loi que cette décharge doit permettre au directeur d’école de remplir de manière effective l’ensemble de ses fonctions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, contre l’avis de votre rapporteur.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’objectif de l’attribution d’un temps de décharge aux directeurs d’école est de leur permettre d’assurer leurs fonctions de façon entière et effective.
À mes yeux, l’amendement est donc satisfait, raison pour laquelle j’en sollicite le retrait.
M. le président. Monsieur Brisson, l’amendement n° 7 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vingt heures trente. Nous arrivons au terme des quatre heures de l’espace réservé au groupe RDPI.
Je vous rappelle que le Gouvernement a demandé, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, l’inscription de la suite de l’examen de la proposition de loi à l’issue de l’espace réservé et, éventuellement, ce soir.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures, pour la suite de l’examen de ce texte.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
8
Fonction de directrice ou de directeur d’école
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant la fonction de directrice ou de directeur d’école.
Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l’amendement n° 8 rectifié quinquies, au sein de l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié quinquies, présenté par MM. Brisson, Husson et Tabarot, Mme Deromedi, M. Genet, Mme Joseph, MM. Pellevat et Sido, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Eustache-Brinio, F. Gerbaud, Thomas et Lassarade, MM. Daubresse, D. Laurent, Burgoa et Bonhomme, Mmes Goy-Chavent, Raimond-Pavero, Gosselin, Puissat, Berthet, Jacques, Delmont-Koropoulis, Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Bonne et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Rapin, Bascher, Anglars, Paccaud, Courtial et Sol, Mmes Chauvin, L. Darcos et Gruny, M. Darnaud, Mmes Noël et Imbert, MM. Savin, Mouiller et Frassa, Mme Borchio Fontimp, MM. Rietmann, Perrin, J.M. Boyer, Duplomb, Le Gleut et Saury, Mme Lavarde, MM. Cardoux et Savary, Mmes Deroche, Drexler, Di Folco, Ventalon et M. Mercier, MM. Lefèvre et Hugonet, Mme Belrhiti, MM. Bazin et Bouloux, Mme Dumas, MM. Piednoir et Belin, Mmes Bourrat et Schalck et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Alinéa 8, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Avant le 30 juin de chaque année, lors d’une réunion du conseil départemental de l’éducation nationale, l’autorité compétente en matière d’éducation rend compte de l’utilisation effective lors de l’année scolaire en cours des décharges d’enseignement pour exercice de l’emploi de direction des écoles maternelles et élémentaires.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Les directeurs ont besoin de temps pour exercer leurs missions. La question est sensible pour les petites écoles, où les décharges se comptent en jours. Dans ces écoles, faute de remplaçants, une partie du temps de décharge ne bénéficie pas aux directeurs. Cette situation contribue à rendre plus compliqué l’exercice de leurs missions, puisqu’ils ne sont pas suffisamment déchargés de leur temps d’enseignement.
La question des temps de décharge est pourtant centrale pour rendre attractive la fonction de directeur.
Cet amendement vise à organiser une fois par an une présentation de la politique du directeur académique en matière de décharges de temps scolaire et des moyens qu’il mobilise pour que celles-ci soient réellement mises en œuvre tant dans les petites écoles que dans celles qui sont confrontées à des spécificités entraînant une charge de travail supplémentaire pour les directeurs.
M. le président. Le sous-amendement n° 30 rectifié bis, présenté par Mme de La Provôté, MM. Lafon, Détraigne et Kern, Mme Férat, M. Laugier, Mme Saint-Pé, M. Moga, Mme Vérien, M. Longeot, Mmes Morin-Desailly, Jacquemet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Amendement n° 8, alinéa 3
Après le mot :
enseignement
insérer les mots :
et de leurs motifs
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. L’amendement de mon collègue Max Brisson tend à prévoir la présentation d’un bilan de l’utilisation des décharges d’enseignement avant la fin de chaque année civile lors d’une réunion du conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN).
Le présent sous-amendement vise à prévoir que doivent également être indiqués les critères ayant justifié ces décharges. Si les décharges d’enseignement sont attribuées selon des critères structurels, tels que le nombre de classes ou le nombre d’élèves, en pratique, des raisons conjoncturelles peuvent justifier l’utilisation exceptionnelle d’heures de décharge supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Le présent amendement vise à permettre de faire le point, dans chaque département, sur l’utilisation des décharges.
La commission est favorable à cet amendement, ainsi qu’au sous-amendement et à la précision qu’il tend à apporter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Comme d’autres avant lui, cet amendement vise à donner une valeur législative à une pratique ayant déjà cours, de manière souple.
Cette inscription dans la loi risque d’entraîner une rigidification. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement et au sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 30 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié quinquies, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 8, quatrième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement vise à supprimer l’ajout des missions de formation et de coordination des directeurs d’école.
Le but de l’article 2 est de faciliter la décharge des directeurs et directrices d’école, qui dénoncent par ailleurs un alourdissement de leur charge administrative. Or, ici, on leur ajoute des missions supplémentaires, ce qui va encore accroître leur charge de travail.
De plus, la mission de formation est extérieure au fonctionnement de l’école.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié quater n’est pas soutenu.
L’amendement n° 50, présenté par Mme Havet, est ainsi libellé :
Alinéa 8, quatrième phrase
Remplacer les mots :
est à temps plein
par les mots :
n’est pas à temps plein
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8, quatrième phrase
Remplacer les mots :
de missions de formation ou de coordination
par les mots :
de mission de coordination
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Le texte qui nous est soumis prévoit que, lorsque le directeur exerce sa fonction à temps plein, il peut être chargé de missions de formation ou de coordination.
La mission de formation ne relève aucunement d’un directeur d’école. Nous venons tous de répéter que le directeur était noyé sous des tâches sans cesse plus nombreuses. Ne lui ajoutons pas la formation : le directeur n’est pas un inspecteur.
Il doit d’abord se consacrer aux missions de gestion de son école, lesquelles sont multiples et surviennent souvent de façon inopinée : assurer le lien entre les membres de la communauté éducative, gérer les urgences, les mécontentements, les blessures des élèves, les locaux hors d’état, la sécurité, la paperasse… Et la liste n’est pas exhaustive.
Ne trouve-t-on pas que les directeurs ont assez à faire, dans des conditions de décharge et d’exercice de leurs missions souvent très contestables ?
Ne chargeons donc pas la barque en leur confiant une nouvelle mission, qui ne relève pas de leurs attributions et qui risque de les placer en porte-à-faux vis-à-vis des enseignants, au corps desquels ils appartiennent.
Les directeurs doivent s’occuper de leur école. Cela leur suffit !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements, qui visent à revenir sur les votes intervenus en commission.
Lors de la consultation lancée par le ministère en décembre 2019, plus de deux tiers des directeurs – 68 % exactement – ont déclaré avoir envie d’être associés au pilotage pédagogique et à l’élaboration des actions mises en place à l’échelon de leur circonscription.
Par ailleurs, il nous paraît intéressant que des directeurs d’écoles de grande taille puissent former de futurs directeurs, notamment d’écoles équivalentes. Cette disposition répond à une demande.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je souscris à tous les arguments de M. le rapporteur.
J’en profite pour dire que les objectifs de cette proposition de loi sont de conforter le directeur d’école, de lui permettre d’assurer le pilotage de son établissement, de le décharger des tâches superfétatoires et de lui assurer un réel pouvoir pour faire avancer son école. Parmi ces éléments de pouvoir figure évidemment le pouvoir de formation.
À cet égard, nous avons déjà pris des mesures de nature réglementaire afin de donner aux directeurs la maîtrise des 108 heures de formation. Ce faisant, nous allons au plus près du terrain.
Lorsqu’on débat des pouvoirs du directeur, on a parfois l’impression que l’on va retirer du pouvoir à la base pour le donner au directeur. Or, très souvent, il s’agit plutôt d’octroyer au directeur un pouvoir qui relevait d’un échelon supérieur, afin de lui permettre de faire des choix pertinents pour les élèves, au plus près du terrain, en l’occurrence au travers de la formation des enseignants.
Il s’agit donc d’un enjeu important. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, défini par le conseil d’école
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Notre amendement tend à préciser que c’est le conseil d’école qui définit le projet pédagogique, et non le directeur, à qui incombe la mission d’assurer ensuite son pilotage.
Les attributions du conseil d’école sont prévues dans des articles à valeur infralégislative du code de l’éducation. L’article D. 411-2 définit ainsi ses compétences, dont l’établissement du projet d’organisation pédagogique de la semaine scolaire et l’association à l’élaboration du projet d’école, sur proposition du directeur d’école.
Nous souhaitons clarifier le texte, qui est quelque peu confus, puisqu’il évoque le pilotage du projet pédagogique par le directeur.
Notre amendement vise ainsi à rappeler que, s’il est appliqué par le directeur au quotidien, ce projet, quel qu’il soit, est initialement défini par le conseil d’école.
Un pilote est chargé de prendre des initiatives qui dépassent celles que doit prendre un directeur d’école, pour qui le projet pédagogique est cadré au préalable par le conseil d’école.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. Je comprends et partage la demande de Mme Monier. Le rôle du conseil d’école est effectivement déterminant dans la définition du projet pédagogique, mais l’amendement est déjà satisfait, puisque l’article L. 401-1 du code de l’éducation prévoit qu’un projet d’école est élaboré dans chaque école avec les représentants de la communauté éducative. Le projet est adopté, pour une durée comprise entre trois et cinq ans, par le conseil d’école, sur proposition de l’équipe pédagogique de l’école pour ce qui concerne sa partie pédagogique.
Par conséquent, si nous sommes d’accord sur le rôle fondamental du conseil d’école, celui-ci est déjà consacré dans le code de l’éducation.
Dans ces conditions, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Monier, l’amendement n° 27 est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre Monier. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Babary, C. Vial, Piednoir, Husson et Tabarot, Mme Deromedi, M. Genet, Mme Joseph, MM. Pellevat et Sido, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Eustache-Brinio, F. Gerbaud, Thomas et Lassarade, MM. Daubresse, D. Laurent, Burgoa et Bonhomme, Mmes Goy-Chavent, Raimond-Pavero, Gosselin, Puissat, Berthet, Jacques, Delmont-Koropoulis, Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Bonne et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Rapin, Bascher, Anglars, Paccaud, Courtial et Sol, Mmes Chauvin, L. Darcos et Gruny, M. Darnaud, Mmes Noël et Imbert, MM. Savin, Mouiller et Frassa, Mme Borchio Fontimp, MM. Rietmann, Perrin, J.M. Boyer, Duplomb, Le Gleut et Saury, Mme Lavarde, MM. Cardoux et Savary, Mmes Deroche, Drexler, Di Folco, Ventalon et M. Mercier, MM. Lefèvre et Hugonet, Mme Belrhiti, MM. Bazin et Bouloux, Mme Dumas, M. Belin, Mme Schalck et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
tout au long de leur carrière
insérer les mots :
et obligatoirement tous les cinq ans
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement est très simple.
Tout le monde insiste sur le fait que la formation des enseignants – non seulement la formation initiale, mais aussi la formation tout au long de la carrière – pour exercer les fonctions de directeur est importante.
Cet amendement tend à prévoir que, pour les directeurs d’école en poste, cette formation ait lieu au moins tous les cinq ans – cela peut bien sûr être plus souvent, monsieur le rapporteur –, pour permettre une réactualisation régulière des connaissances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. L’avis de la commission est favorable.
À titre personnel, si je comprends la demande et si je suis d’accord sur la nécessité de former le directeur au moins tous les cinq ans, il me semble qu’inscrire une durée dans la loi est de nature à rigidifier le cadre. Prévoir des délais conduit toujours à ajouter des contraintes. Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je souscris à l’idée qui sous-tend cet amendement : il faut une formation des directeurs et celle-ci doit être régulière.
En réalité, les textes réglementaires vont d’ores et déjà plus loin, des formations étant proposées chaque année aux directeurs.
D’ailleurs, ce délai de cinq ans, qui apparaît comme un plafond, pourrait être considéré comme un plancher si on lisait mal la loi.
Je partage le point de vue personnel de M. le rapporteur (Sourires) et j’émets en conséquence un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je n’ai aucun doute sur le fait que le ministère lira très correctement la loi dans sa plénitude ! (Sourires.)
Par conséquent, j’invite la Haute Assemblée à suivre ma proposition, qui n’entravera pas la formation des maîtres.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, C. Vial, Piednoir, Husson et Tabarot, Mme Deromedi, M. Genet, Mme Joseph, MM. Pellevat et Sido, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Eustache-Brinio, F. Gerbaud, Thomas et Lassarade, MM. Daubresse, D. Laurent, Burgoa et Bonhomme, Mmes Goy-Chavent, Raimond-Pavero, Gosselin, Puissat, Berthet, Jacques, Delmont-Koropoulis, Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Bonne et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Rapin, Bascher, Anglars, Paccaud, Courtial et Sol, Mmes Chauvin, L. Darcos et Gruny, M. Darnaud, Mmes Noël et Imbert, MM. Savin, Mouiller et Frassa, Mme Borchio Fontimp, MM. Rietmann, Perrin, J.M. Boyer, Duplomb, Le Gleut et Saury, Mme Lavarde, MM. Cardoux et Savary, Mmes Deroche, Drexler, Di Folco, Ventalon et M. Mercier, MM. Lefèvre et Hugonet, Mme Belrhiti, MM. Bazin et Bouloux, Mme Dumas, M. Belin, Mme Schalck et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’ensemble des missions associées à l’emploi de direction d’une école sont prises en compte dans la formation initiale des professeurs des écoles.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Dès lors que la création d’un emploi de direction n’engendre pas la création d’un corps – tout le monde est d’accord sur ce point – et qu’il s’agit bien d’une fonction que peuvent exercer tous les professeurs des écoles au cours de leur carrière, il semble utile qu’un module sur la fonction de directeur soit proposé lors de la formation initiale des professeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. C’est une bonne idée ! Ce module, aujourd’hui absent des formations initiales, permettrait de susciter des vocations et de faire connaître le fonctionnement des écoles aux futurs professeurs.
La commission est très favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
Lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient, l’État et les communes ou leurs groupements peuvent, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettre à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l’assistance administrative et matérielle de ces derniers.
M. le président. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme de La Provôté et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient, l’État met à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l’assistance administrative et matérielle de ces derniers.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement, présenté par Sonia de La Provôté et les membres du groupe Union Centriste, vise à affiner la rédaction de l’article 2 bis.
Au vu de leurs très nombreuses tâches et responsabilités, les directeurs d’école doivent pouvoir être assistés par un ou plusieurs agents administratifs.
Ces tâches relevant de la compétence de l’éducation nationale, c’est bien à l’État, et non aux communes ou à leurs groupements, de les prendre en charge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
À titre personnel, je regrette que le dispositif proposé ne permette plus aux collectivités territoriales de mettre en place cette assistance administrative et matérielle volontaire et facultative. L’adoption de cet amendement nous apporterait donc moins de souplesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je suis en désaccord profond avec cet amendement, pour les raisons que vient d’évoquer, à titre personnel, le rapporteur.
La réalité, aujourd’hui, c’est qu’une mixité est possible : ce sont l’État et les communes, soit un spectre ouvert, qui aident les écoles et tout le monde est content. Limiter cette possibilité ne me semble pas opportun et constituerait une grave erreur.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Monsieur le ministre, je vous ai interrogé voilà quelques instants sur les moyens alloués aux outils numériques et sur l’affectation des charges.
Je profite de cet amendement, qui évoque de nouveau la question de la répartition des charges entre les collectivités et l’État, pour vous demander une réponse…
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Vial, vous avez tout à fait droit à une réponse et je vais vous la donner. Je comprends l’esprit de votre question.
À droit constant, le numérique est une compétence des collectivités territoriales : des communes pour les maternelles et l’école primaire, des départements pour les collèges et des régions pour les lycées. Nous n’allons pas modifier ces règles.
Comme vous le savez, en pratique, l’État soutient fortement les communes. Il est très fréquent que des communes aident les écoles à se doter de tableaux numériques interactifs ou les directeurs d’école à s’équiper en matériel numérique, même à titre personnel, sur une base très souple.
À travers le plan de relance et le programme d’investissements d’avenir, nous continuons de venir en appui aux collectivités, notamment aux communes rurales.
Nous voulons donc à la fois maintenir la compétence de principe des collectivités locales et faire preuve de toujours plus de volontarisme afin de permettre à l’État de soutenir les collectivités et de compenser les inégalités de richesse entre communes, notamment au profit des plus rurales.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Si l’on veut être très attentif à la situation des communes rurales, il faut laisser l’État prendre ces questions en charge !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Souvenez-vous, monsieur le ministre, vous étiez venu sur place lors de l’incendie de Lubrizol : nous avions alors constaté, avec un peu d’inquiétude, que nous n’étions pas capables de joindre les directeurs d’école du périmètre concerné, car ils n’avaient pas de portable professionnel.
La question de l’équipement numérique, à laquelle j’associe celle de l’équipement téléphonique, est un véritable enjeu qui ne peut bien évidemment pas être à la charge des collectivités territoriales.
M. le président. En conséquence, l’article 2 bis est ainsi rédigé, et les amendements identiques nos 40 rectifié et 48 rectifié ainsi que l’amendement n° 31 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 3
(Non modifié)
Un référent direction d’école est créé dans chaque direction des services départementaux de l’éducation nationale. Un décret précise les missions et les modalités de recrutement de ce référent, qui doit déjà avoir exercé des missions de direction.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Babary, C. Vial, Husson et Tabarot, Mme Deromedi, M. Genet, Mme Joseph, MM. Pellevat et Sido, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Eustache-Brinio, F. Gerbaud, Thomas et Lassarade, MM. Daubresse, D. Laurent, Burgoa et Bonhomme, Mmes Goy-Chavent, Raimond-Pavero, Gosselin, Puissat, Berthet, Jacques, Delmont-Koropoulis, Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Bonne et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Rapin, Bascher, Anglars, Paccaud, Courtial et Sol, Mmes Chauvin, L. Darcos et Gruny, M. Darnaud, Mmes Noël et Imbert, MM. Savin, Mouiller et Frassa, Mme Borchio Fontimp, MM. Rietmann, Perrin, J.M. Boyer, Duplomb, Le Gleut et Saury, Mme Lavarde, MM. Cardoux et Savary, Mmes Deroche, Drexler, Di Folco, Ventalon et M. Mercier, MM. Lefèvre et Hugonet, Mme Belrhiti, MM. Bazin et Bouloux, Mme Dumas, M. Belin, Mme Schalck et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Première phrase
Remplacer les mots :
Un référent
par les mots :
Un ou plusieurs référents
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Le ministre nous a demandé à plusieurs reprises d’introduire plus de souplesse dans le texte. Cet amendement vise justement à permettre la nomination de plusieurs référents par département, et non plus d’un seul comme le prévoyait le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Je suis persuadé que la lecture que feront les services du ministère de ce dispositif sera tout à fait conforme à la volonté du législateur. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je vais être constant dans ma demande de souplesse et émettre un avis favorable sur cet amendement. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Le référent direction d’école existe déjà dans certains départements.
Cet amendement vise à supprimer le renvoi au décret pour la définition et les modalités de recrutement du référent. Un décret risquerait de créer un cadre rigide ne permettant pas de prendre en compte la diversité des situations existantes.
En effet, les missions du référent doivent pouvoir être adaptées selon les spécificités de l’école et les réalités locales. En outre, définir ces missions par décret, c’est prendre le risque d’en oublier certaines.
Le dispositif doit rester souple dans ses contours et ferme dans sa finalité : efficience pédagogique et aide aux directeurs d’école, le tout avec pragmatisme et responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. Le travail du référent doit bien évidemment être adapté au territoire. Nous ne cessons de rappeler l’importance du principe de souplesse.
Pour autant, le décret permet d’avoir un socle et d’harmoniser les missions et les conditions de nomination. Sa suppression a semblé contre-productive à la commission. Il s’agit non pas de mettre tout le monde sous la même toise, mais d’avoir une base commune.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Pantel, l’amendement n° 41 rectifié est-il maintenu ?
Mme Guylène Pantel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
I. – Le directeur d’école mentionné à l’article L. 411-1 du code de l’éducation peut être chargé, en sus de ses fonctions et sous réserve de son accord, de l’organisation du temps périscolaire par convention conclue avec la commune ou le groupement de communes dont relève l’école.
II. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 12 rectifié quater est présenté par M. C. Vial, Mmes L. Darcos et Ventalon, MM. Sautarel, Brisson et Darnaud, Mme Schalck, MM. Savary et Savin, Mme Gatel, MM. Husson et Cambon, Mmes Procaccia et Pluchet, M. Somon, Mmes F. Gerbaud et Bourrat, M. Segouin, Mmes de Cidrac et Malet, M. Laménie, Mmes Muller-Bronn, Jacques et Raimond-Pavero, MM. Saury et Bouchet, Mme Bellurot, M. Bascher, Mme Deromedi, M. Pellevat, Mme Gruny, MM. Lefèvre, Piednoir, D. Laurent et Paccaud, Mme Dumont, M. Regnard, Mme Joseph et M. Genet.
L’amendement n° 17 rectifié ter est présenté par MM. Kern, Levi, Détraigne, Longeot, Laugier, Mizzon, Janssens, P. Martin, Canevet et Duffourg, Mme Doineau, M. L. Hervé et Mmes Jacquemet, de La Provôté et Morin-Desailly.
L’amendement n° 28 est présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 37 est présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cédric Vial, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié quater.
M. Cédric Vial. Il s’agit d’un amendement de suppression, mais aussi de clarification.
La gestion du temps périscolaire relève de la responsabilité des collectivités territoriales. L’article 4, qui prévoit la possibilité pour le directeur d’école de gérer ce temps périscolaire, sous réserve de son accord, avec la collectivité, entraîne une confusion dans la répartition des compétences et des responsabilités qui en découlent entre les collectivités territoriales et l’éducation nationale.
Sur ces temps éducatifs périscolaires, la responsabilité reste celle de la collectivité territoriale compétente, y compris si un agent de l’État participait à cette organisation. La collectivité territoriale compétente peut d’ailleurs être différente pour la gestion de l’école et du périscolaire, ce que ne prévoit pas l’article.
L’état actuel du droit n’interdit pas aux enseignants, et a fortiori aux directeurs d’école, de contribuer, de façon contractuelle, à l’organisation et à la mise en œuvre des temps périscolaires. Cette nouvelle inscription dans la loi irait à l’encontre de la bonne organisation de ces activités à l’échelon local.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié ter.
M. Claude Kern. Cet article, qui prévoit la possibilité pour le directeur d’école de gérer le temps périscolaire en accord avec la collectivité, est en l’état susceptible de brouiller encore plus les frontières entre l’éducation nationale et la collectivité et d’aller à l’encontre de la bonne organisation de ces activités à l’échelon local.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 28.
Mme Marie-Pierre Monier. L’organisation des activités périscolaires relève actuellement de la collectivité, même si elles se déroulent parfois dans les locaux de l’école.
La clarification proposée dans la proposition de loi n’est que partielle : plusieurs régimes d’organisation des activités périscolaires coexisteront selon qu’une convention aura été passée, ou non, entre la commune et le directeur d’école.
Quel sera le périmètre de cette organisation ? Avec quels matériels et quels personnels ? Jusqu’où la responsabilité de l’établissement, du directeur et, par ricochet, de l’État, pourra-t-elle être engagée en cas de problème ou d’accident ?
Le consentement obligatoire du directeur est un point positif. Toutefois, nous nous interrogeons sur la surcharge de travail et de responsabilité que constitue l’organisation des activités périscolaires, notamment pour des directeurs assumant aussi des fonctions autres, désormais légalement autorisées, que la proposition de loi amplifie encore.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 37.
Mme Céline Brulin. Cet article engage encore un peu plus la responsabilité des collectivités, qui font déjà beaucoup pour le périscolaire et qui ne souhaitent pas forcément suppléer davantage l’éducation nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces amendements de suppression.
À titre personnel, et même si mes arguments ont peu de chance de prospérer au regard du nombre de signataires de ces amendements et des groupes concernés, je défendrai tout de même mon point de vue.
De nombreux directeurs sont demandeurs : ils souhaitent pouvoir gérer le temps global de présence de l’enfant dans l’école. Je parle rarement de mon territoire, mais j’ai été saisi de ces questions par des directeurs d’écoles parisiennes, notamment du XVe arrondissement, qui souhaitent un encadrement de cette pratique, qui n’est pas que parisienne. Cet article offre un encadrement juridique à même de rassurer, de stabiliser des pratiques en cours dans des villes comme Paris ou d’autres.
J’entends les préoccupations exprimées en ce qui concerne les collectivités. Toutefois, je trouverais dommage de se priver d’une simple faculté. Les conditions dans lesquelles les choses se passent aujourd’hui rendent nécessaire ce cadre juridique. Il s’agit d’une avancée.
Je regrette que la Haute Assemblée s’oriente vers la suppression de cet article. J’aurai au moins essayé de plaider la cause de mon territoire parisien et des directeurs d’école qui m’ont saisi.
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez bénéficié de la générosité de la présidence ! Permettez-moi de vous rappeler que le temps de parole accordé à la commission est destiné à la présentation des arguments de la commission, non ceux du rapporteur à titre personnel.
M. Julien Bargeton, rapporteur. Je n’ai jusqu’à présent pas beaucoup abusé de mon temps de parole, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il s’agit là d’un sujet important.
Nous savons tous combien il est important de disposer d’une vision complète du temps de présence de l’enfant à l’école et d’instaurer une complémentarité entre temps scolaire, périscolaire et extrascolaire. C’est tout le sens de mon ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, du plan Mercredi et du plan Vacances apprenantes. Dans la plus belle des traditions républicaines, les professeurs des écoles s’impliquent dans ces deux derniers dispositifs sur la base du volontariat.
Qui est mieux placé que le directeur d’école pour comprendre l’importance du périscolaire, pour comprendre que faire de la gymnastique ou de la musique le mercredi après-midi rétroagit positivement sur les savoirs fondamentaux ? Il est très important de décloisonner et d’apporter de la souplesse. Il faut laisser cette possibilité aux directeurs d’école. Il s’agit d’un enjeu de fond.
Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur, ces pratiques existent déjà. Attention aux dégâts que pourraient entraîner ces amendements sur des dynamiques positives.
Cette discussion est l’occasion de prendre du recul sur ce que nous sommes en train de faire. Le renforcement du rôle de directeur d’école revêt plusieurs dimensions.
Tout d’abord, dans son article 1er, cette proposition de loi reconnaît juridiquement la fonction de directeur. Ensuite, les directeurs bénéficient d’une reconnaissance financière, sous forme d’une prime de 450 euros – nous irons plus loin dans le cadre du Grenelle de l’éducation. Nous nous efforçons également de soulager le directeur d’école dans sa vie quotidienne grâce aux décharges et à un appui administratif – d’autres avancées réglementaires sont à venir. Enfin, nous devons donner du pouvoir concret aux directeurs d’école, notamment des leviers pour agir au quotidien. Nous mettons justement en œuvre les Cités éducatives pour donner de l’argent à des acteurs de l’éducation – le plus souvent à un principal de collège, mais ce peut être aussi un directeur d’école – afin d’agir sur les facteurs sociaux de la réussite éducative.
Si le texte créait une sorte d’obligation, un impératif, je pourrais comprendre vos objections. Mais ce n’est pas le cas : cet article offre une simple possibilité, qui me semble très importante.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Au risque d’être un peu seul, je ne voterai pas ces amendements qui comptent un grand nombre de signataires, par cohérence avec mon action lorsque j’étais maire.
La ville dont j’avais l’honneur d’être l’élu avait mis en place ce système voilà quelques années, sur mon initiative et non à la demande de l’inspection d’académie ou de directeurs d’école. Nous avions, dans certaines écoles, un problème d’organisation du temps de restauration. Nous étions alors bien contents de pouvoir nous appuyer sur les directeurs dans un système gagnant-gagnant pour la ville et les directeurs d’école, qui percevaient un complément de rémunération dont ils étaient demandeurs.
Rien ne me choque dans la rédaction de cet article. Comme l’ont souligné le rapporteur et le ministre, il offre simplement une possibilité. On ne change pas le système, on apporte un peu de souplesse aux communes en leur permettant de passer des conventions avec les directeurs d’école.
Par cohérence avec mon action en tant que maire – pour une fois que la banlieue faisait la même chose que Paris –, je ne voterai pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Cosignataire de l’amendement de Cédric Vial, je rappellerai le dicton populaire : « Qui trop étreint, mal embrasse. »
Nous insistons depuis le début de notre discussion sur la lourdeur de la charge de travail des directeurs d’école et on veut encore l’accroître ! Ce n’est pas particulièrement cohérent.
M. Julien Bargeton, rapporteur. C’est facultatif !
M. Olivier Paccaud. M. le rapporteur nous dit avoir rencontré beaucoup de directeurs d’école demandeurs de cette mesure. À Paris, peut-être, mais tous ceux que j’ai rencontrés dans l’Oise ne sont pas demandeurs, pas davantage que les maires concernés. Paris est une ville importante, mais Paris n’est pas la France !
M. Julien Bargeton, rapporteur. C’est facile !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Et Vincennes ?
M. Olivier Paccaud. C’est une fausse bonne idée, qui part certainement d’une confusion des lieux, l’école étant souvent le lieu du périscolaire. Vous faites une erreur d’autant plus importante que la loi n’empêche pas de conclure des conventions avec le directeur, comme l’a fait Laurent Lafon à Vincennes. Pourquoi créer non pas un cadre, mais ce qui pourrait devenir un carcan particulièrement préjudiciable pour de nombreux directeurs d’école et maires ? Ne mettons surtout pas le doigt dans cet engrenage.
L’article 4 ouvre effectivement une possibilité avec le terme « peut ». Mais l’usage du verbe « pouvoir » suppose qu’il y aura un décret et Dieu sait ce que les décrets peuvent parfois produire de dangereux !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec Olivier Paccaud, car je pense que cet article part d’une bonne idée. Le ministre a raison : les enfants passent une grande partie de leur temps à l’école sous la responsabilité des maires et une autre sous celle de l’éducation nationale.
Toutefois, si plusieurs groupes défendent ces amendements de suppression, c’est que se pose un problème de confiance. C’est une bonne idée, mais elle arrive trop tôt. Les choses ne sont pas mûres.
Cet article pose la question des relations entre les collectivités et l’éducation nationale dans un contexte difficile. Il y a une peur – cela vous rappellera quelques souvenirs, monsieur le ministre – de mise sous tutelle des écoles primaires et des petites écoles, une peur de « secondarisation » de l’organisation.
Si l’on veut tenir compte de la réalité du fonctionnement de l’école, c’est la question de son organisation même qu’il faut poser. Et si l’on veut demain donner plus de liberté aux écoles pour s’organiser, il faut aussi poser la question de la fluidité des relations entre collectivités et éducation nationale. Le seul exemple que l’on ait, c’est celui des établissements du second degré. Or les maires ne veulent pas de ce mode de fonctionnement, ce qui explique leur crispation. Je crois qu’il faut les entendre.
Cet article 4 comporte de bonnes idées, mais trop précoces et pas assez travaillées. Quand il y a un problème de confiance, il ne faut jamais essayer de passer en force. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné l’amendement de M. Vial, que je voterai, même si je comprends les propos de Laurent Lafon et de Julien Bargeton.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Mon collègue Paccaud a cité un dicton populaire ; je ferai comme lui : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. »
Nous ne voulons pas supprimer une liberté qui existe. Cet article ne crée pas de nouvelle liberté ni de nouveau droit. Vous venez de démontrer, monsieur le président de la commission, que cette possibilité existe déjà.
En revanche, cet article instille un doute, crée un flou sur la responsabilité qu’évoquait Max Brisson entre le temps scolaire et le temps périscolaire : même si on ne change pas de bâtiment ni de personnel, on change bien de responsabilité. C’est la collectivité qui est responsable du temps périscolaire, quelle que soit la personne organisatrice.
Si le directeur d’école veut collaborer à l’organisation du temps périscolaire, grand bien lui fasse ! Mais il le fera sous l’autorité hiérarchique et fonctionnelle de la collectivité locale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Decool. Je ne voterai pas ces amendements de suppression.
L’article 4 précise, clarifie et simplifie en instaurant une unité de décision et de lieu. Établir une continuité de regard sur les enfants est un réel progrès. L’article prévoit non pas une obligation, mais une possibilité. Je ne pense pas qu’il y ait un loup derrière cette proposition…
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Permettez-moi de vous faire part de mon expérience.
J’ai eu à mettre en place la réforme des rythmes scolaires et le passage à la semaine de quatre jours. Dans mon ancien établissement, il en a résulté une prise en charge de sept heures du matin, avec une garderie, jusqu’à dix-huit heures. Si cet article était adopté, le directeur d’école devrait donc passer sur place onze heures par jour.
On a souvent tendance à comparer l’école de la République à une vaste garderie. Rendre les directeurs responsables de la « garderie » risquerait de leur faire perdre toute crédibilité. Enseigner, ce n’est pas seulement rester six heures dans une école. Cela suppose tout un travail de préparation et de prise en charge de la différenciation scolaire pour accueillir tous les enfants dans de bonnes conditions et leur offrir une éducation à la hauteur de leurs attentes.
Par respect pour les enseignants et leur travail, faisons la part des choses et laissons aux collectivités tout ce qui concerne la garderie afin de permettre aux enseignants de se recentrer sur l’éducation.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je voterai ces amendements.
Le temps périscolaire est très bien organisé par les collectivités locales. C’est un temps différent du temps scolaire. Tout le monde a bien conscience de son importance et les communes mettent tout en œuvre pour qu’il soit réussi, avec du personnel compétent.
Comme l’a dit M. Paccaud, Paris n’est pas la France ! Je ne comprends pas l’intérêt de cet article. Vous avez tous démontré que c’est déjà possible. Pourquoi modifier ce qui existe déjà, sauf à vouloir le généraliser ? Dans ce dernier cas, tout retomberait bien évidemment sur les directeurs d’école, et il n’en est pas question.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le texte permet de répondre à l’impératif de souplesse qui est le nôtre.
Menacer les situations positives qui existent aujourd’hui, pas seulement à Paris, mais aussi à Vincennes, par exemple, et dans bien d’autres communes, serait un recul.
Ce texte nous donne l’occasion d’illustrer un point extrêmement important, celui de la cohérence entre l’enjeu scolaire et l’enjeu périscolaire.
On a reproché aux temps d’activités périscolaires (TAP) de conduire à un cloisonnement plus important entre scolaire et périscolaire, de créer des murs entre ceux qui s’en occupent, alors qu’on a justement besoin de communication.
Cela ne signifie pas que le directeur aura l’obligation de s’occuper du périscolaire et encore moins qu’il devra être physiquement présent de sept heures du matin à dix-huit heures. Cette possibilité permettra une cohérence d’ensemble de la politique éducative. Monsieur Vial, il ne s’agit pas d’obliger la commune : si elle en est d’accord avec le directeur, ce dernier pourra jouer un rôle majeur – et je sais combien de nombreux directeurs et directrices en ont envie.
La rédaction actuelle permet de consacrer cette situation, in fine au service de l’élève. Nous avons besoin d’avoir une vision complète du temps de présence de l’enfant, particulièrement pour les plus défavorisés, et de disposer d’outils.
Je suis particulièrement défavorable à ces amendements : la suppression de ce dispositif n’enverrait pas un très bon signal.
Notre objectif n’est pas de charger la barque au quotidien des directeurs d’école, encore moins de déresponsabiliser les collectivités locales, mais, comme l’a très bien exposé M. Decool, de permettre des partenariats souples, selon les territoires, au service des élèves.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié quater, 17 rectifié ter, 28 et 37.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 4 est supprimé.
Article 4 bis
(Non modifié)
Le directeur d’école peut mettre en place un conseil de la vie écolière, constitué à parité d’élus élèves, de représentants de l’administration et des parents, qu’il préside.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par MM. C. Vial, Lefèvre, Regnard, Sautarel et Bascher, Mmes Bellurot, Gruny et Dumont, MM. Paccaud et Cambon, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Ventalon et Deromedi, MM. Piednoir, Savin, Bouchet et Saury, Mmes Pluchet, Raimond-Pavero, Jacques et Muller-Bronn, M. Laménie, Mme Malet, M. Savary, Mme Schalck, M. Pellevat, Mmes de Cidrac et F. Gerbaud, M. Somon, Mme Procaccia, MM. Segouin, D. Laurent et Babary, Mmes Bourrat et Joseph et M. Genet.
L’amendement n° 49 rectifié bis est présenté par MM. Grosperrin et Karoutchi, Mme Gosselin, M. Husson, Mme Lavarde et MM. Mandelli, Mouiller et Panunzi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cédric Vial, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.
M. Cédric Vial. Monsieur le ministre, vous connaissez mon engagement en faveur du développement des instances de participation des jeunes et de la prise en compte de la parole et de l’engagement des jeunes.
Je défends, avec trente-sept collègues cosignataires, un amendement de suppression de l’article 4 bis, qui instaure la possibilité de créer un conseil de la vie écolière sur un modèle apparemment proche des conseils de la vie lycéenne ou collégienne, mais dans une école, qui n’est pas un établissement.
La volonté de faire toujours plus va parfois à l’encontre de la nécessité de faire bien. Notons-le, la création de ce type d’instance n’était pas interdite avant ce texte et ne sera pas obligatoire après. Cet article ne constitue en fait qu’une recommandation ne créant aucun droit nouveau. Simplement, il tend à rigidifier une composition. On peut donc légitimement se demander s’il est d’ordre législatif.
Par ailleurs, la composition prévue intègre les représentants de l’administration dans une école qui n’en comporte pas et oublie la représentation de la commune, qui est responsable des bâtiments, des aménagements, du périscolaire et du temps méridien. Si ce conseil n’aborde pas ces questions, à quoi s’intéressera-t-il ? De cela, pas un mot dans le texte !
Ce conseil de la vie écolière est en fait une mauvaise idée, dissimulée derrière une bonne intention.
Évoquons quelques conséquences de cette éventuelle création. C’est une structure lourde à installer et à animer, une triple élection devant être organisée, sans administration pour le faire. Ce travail reposera donc de fait sur les seules épaules du directeur d’école.
Ce conseil créera une confusion avec les missions et les rôles des autres instances existantes, notamment le conseil d’école. La multiplication des instances et des réunions, qui va à l’encontre de la volonté de renforcer la participation des parents dans les conseils d’école, créera des contraintes pour les parents, qui devront venir chercher leurs enfants à l’issue des réunions, en particulier dans les zones desservies par les transports scolaires.
Ce conseil créera également une concurrence avec les conseils d’enfants ou les conseils municipaux de jeunes, qui pourraient difficilement subsister en parallèle, sauf à créer une situation de cumul des mandats dès la maternelle ! (Rires.) Pourtant, ces instances sont beaucoup plus adaptées pour recueillir la parole des enfants. En effet, dans une instance composée pour les deux tiers d’adultes, l’expression des enfants ne serait ni aisée ni libre.
Sur le fond, un tel conseil ne paraît pas approprié par rapport aux attentes éducatives liées à l’âge des enfants en école maternelle ou élémentaire. L’école primaire et maternelle est un lieu d’apprentissage des savoirs fondamentaux de base. Ces savoirs sont un prérequis indispensable à la participation active à une structure telle que celle qui nous est proposée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Cédric Vial. La création de ce conseil pourrait aller à l’encontre de l’objectif visé. Dans une logique éducative, nous devons respecter un certain nombre d’étapes d’apprentissage ; c’est le b.a.-ba ! Cet article acte de les brûler.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis n’est pas défendu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 13 rectifié bis ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Je note tout d’abord, mon cher collègue, votre charge, au sein de la Haute Assemblée, contre le cumul des mandats ! (Sourires.)
Le conseil de la vie écolière est d’un outil intéressant dans l’apprentissage du débat et du vivre-ensemble, de la construction démocratique. Certes, il existe des conseils municipaux d’enfants, qui sont des structures un peu différentes, dans la mesure où ils s’inscrivent dans un cadre communal, alors que le conseil de la vie écolière se fera à l’échelle de l’école.
Lorsque les enfants sont très jeunes, ce type de structure n’a évidemment pas de sens. Faisons confiance aux directeurs pour organiser cette instance quand elle se justifie.
Cet article vise à consacrer dans la loi une telle possibilité. La commission, qui n’a pas voulu se déjuger, a souhaité maintenir la création de ce conseil, qui se distingue des instances créées par les collectivités.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 4 bis est supprimé, et les amendements nos 42 rectifié et 25 n’ont plus d’objet.
Article 5
L’élection des représentants des parents d’élèves au conseil d’école peut se faire par voie électronique sur décision du directeur d’école, après consultation du conseil d’école.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.
M. Cédric Vial. Je souhaite compléter et éclairer mon intervention précédente sur l’article 2. L’article 5 prévoit la possibilité d’organiser les élections aux conseils d’école par voie électronique.
Ce vote électronique nécessite un certain nombre de prérequis, notamment la capacité à respecter le secret du suffrage, l’unicité du vote et, donc, la sincérité du scrutin. Il requiert également des outils informatiques dont ne disposent pas les écoles. Jusqu’à présent, ce sont les collectivités qui fournissent les urnes et les bulletins. Si la responsabilité d’une telle organisation devait revenir à la collectivité, il s’agirait d’une charge supplémentaire pour elle. Cela entraînerait des différences de traitement, voire un risque de vicier un certain nombre de scrutins.
Sur ce point, nous souhaiterions que le Gouvernement s’engage à fournir les outils logiciels ou informatiques aux personnels qui décideraient d’une telle organisation.
De nouveau, une décision prise par le directeur d’école entraînera des conséquences pour les collectivités. Dans les plus petites d’entre elles, l’organisation posera un véritable problème.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Au-delà des outils logiciels et informatiques qui seraient nécessaires, le vote est à nos yeux un geste citoyen très important. Il n’est pas souhaitable qu’il puisse se faire par voie électronique, car ce mode de scrutin soulève plusieurs problèmes.
Il y aurait tout d’abord une rupture d’égalité dans l’accès au vote pour les personnes qui n’auraient pas d’ordinateur ou internet ou qui souffrent l’illectronisme. On a pu constater durant la crise du Covid-19 les difficultés que rencontrent certains parents avec l’outil informatique.
Ensuite, l’indépendance du vote se fera plus difficilement derrière un ordinateur, à la maison, que dans un isoloir.
Par ailleurs, ce type de vote risque d’accentuer le désintérêt des parents pour cette élection.
Enfin, pour l’équipe éducative, l’opportunité qu’offre l’élection des représentants des parents d’élèves de recréer, parfois, un lien avec certains parents n’existera plus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Elle rappelle qu’il s’agit d’une faculté offerte. Le directeur jugera opportun ou non de mettre en place dans son école le vote électronique.
Selon moi, une telle disposition est plutôt de nature à inciter la participation plutôt qu’à la décourager. Il s’agit d’un mécanisme introduisant une certaine souplesse, qui est laissé à la libre appréciation de chaque école.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après le mot :
consultation
insérer les mots :
pour avis
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Cet amendement tend à préciser que, si le directeur consulte le conseil d’école, il reste le décisionnaire de la mise en place du vote électronique pour l’élection des représentants des parents d’élèves.
Eu égard aux débats souvent clivants sur la question du vote électronique, le directeur doit consulter le conseil d’école, mais ne pas être lié par son avis. Parce qu’il connaît bien la sociologie de son école, le directeur est le mieux placé pour juger de l’opportunité de mettre en œuvre le vote par voie électronique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement. Il est en effet satisfait par la rédaction actuelle du texte, qui prévoit une « consultation », soit, par définition, un avis facultatif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Guylène Pantel. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de l’éducation est complété par un article L. 411-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-4. – Chaque école dispose d’un plan pour parer aux risques majeurs liés à la sûreté des élèves et des personnels. Ce plan est établi par l’autorité académique, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du bâtiment et les personnels compétents en matière de sûreté. Le directeur le complète en fonction des spécificités de son école. Pour cela, il peut consulter les personnels compétents en matière de sécurité. Il assure la diffusion de ce plan auprès de la communauté éducative et le met en œuvre. Il organise les exercices nécessaires au contrôle de son efficacité. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14 rectifié ter, présenté par MM. C. Vial et Brisson, Mme L. Darcos, MM. Sautarel, Regnard et Bascher, Mmes Bellurot, Gruny et Dumont, MM. Lefèvre, Paccaud, D. Laurent et Cambon, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mme Deromedi, MM. Piednoir, Savin, Bouchet, Pellevat et Saury, Mmes Pluchet, Raimond-Pavero, Jacques et Muller-Bronn, M. Laménie, Mme Malet, M. Savary, Mmes de Cidrac et F. Gerbaud, M. Somon, Mmes Procaccia et Joseph et MM. Genet et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 411-4. – Chaque école dispose d’un plan pour parer aux risques majeurs liés à la sûreté des élèves et des personnels. Ce plan est établi par l’autorité académique, ou par le directeur d’école par délégation, en lien avec la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale gestionnaire des bâtiments ou exerçant la compétence scolaire et périscolaire et les personnels compétents en matière de sûreté. Il en assure la diffusion auprès de la communauté éducative et le met en œuvre. Il organise les exercices nécessaires au contrôle de son efficacité et rend compte devant le conseil d’école. »
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Cet amendement rédactionnel vise à réintroduire l’obligation pour le directeur de rendre compte de la mise en œuvre du plan particulier de mise en sûreté (PPMS) devant le conseil d’école, une telle précision ayant disparu dans la rédaction proposée pour cet article, et à renforcer la coopération entre le directeur d’école et la mairie à cet égard.
Le PPMS vise à faire face à trois types de risques majeurs, soit d’origine naturelle – tempête, inondation, submersion marine, séisme, mouvement de terrain –, soit technologique – nuage toxique, explosion, radioactivité –, soit liés à des situations d’urgence particulière, comme l’intrusion de personnes étrangères ou des attentats. Ces risques sont susceptibles de causer de graves dommages aux personnes et aux biens.
Les directeurs d’école complètent déjà ce PPMS, en lien avec les collectivités compétentes, en fonction des spécificités de l’établissement scolaire, que les inspecteurs et le personnel académique vérifient puis valident.
Afin de ne pas introduire une défiance à l’encontre de l’organisation existante, il est nécessaire de maintenir ce travail de préparation commun, qui permet de faire face à tous ces types de situations d’urgence, prévisibles ou non.
Cet amendement vise ainsi à garantir un travail plus collaboratif entre le directeur d’école agissant au nom de l’autorité académique et les collectivités concernées. De même, l’information du conseil d’école semble être conforme au rôle et aux missions de cette instance, qui réunit la communauté éducative.
L’adoption de l’article dans sa rédaction actuelle aurait pour conséquence de laisser le directeur d’école seul capable de modifier un document préparé en amont. Nous voulons recréer du lien et redonner au directeur d’école son rôle fonctionnel, par délégation de l’autorité académique.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Deuxième phrase
Après le mot :
établi
insérer les mots :
et validé conjointement
2° Troisième phrase
Remplacer les mots :
le complète en fonction
par les mots :
donne son avis et peut faire des suggestions de modifications au regard
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à prendre en compte, dans le cadre de l’élaboration des PPMS, la double autorité de la collectivité ou de ses regroupements et de l’éducation nationale, tout en précisant que le directeur d’école émet son avis, qui est essentiel. Ce dernier peut, au besoin, consulter les services compétents sur des sujets graves, tels que les inondations ou les risques technologiques.
Toutefois, le directeur n’est pas seul responsable de ces PPMS. Objectivement, il ne peut l’être au regard des responsabilités qui lui sont confiées.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, quatrième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. À l’heure actuelle, le PPMS n’a aucune base légale. Une circulaire oblige le directeur à le mettre en place, en faisant appel, le cas échéant, à une personne ressource des services académiques.
La proposition de loi vise à en confier la responsabilité à l’autorité académique, à la commune, aux personnels compétents, le directeur étant chargé de le compléter.
La commission a souhaité que le directeur puisse de nouveau faire appel à des personnes compétentes et expertes. Tout cela est bien compliqué ! En effet, pourquoi prévoit-on la consultation par les directeurs d’école de personnels compétents en matière de sécurité pour les aider à compléter le plan ? Des personnels compétents en matière de sécurité seront déjà associés à l’établissement du plan par les autorités, en vertu de la deuxième phrase de l’alinéa que nous examinons.
Il s’agit donc d’une consultation a priori redondante. Surtout, la consultation de personnels compétents en matière de sécurité par le directeur aura vraisemblablement un coût. En outre, le financement de cette charge supplémentaire n’est pas prévu aux termes de la loi. Qui s’en acquittera ? La commune ? L’école ? Sur quel budget ?
Nous préférons, compte tenu de ces incertitudes, proposer la suppression de la mention permettant au directeur de consulter des personnels compétents en matière de sécurité, puisque ce sera déjà fait au début de l’élaboration du PPMS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 29 de Mme Brulin, qui synthétise la situation, et demande le retrait des amendements nos 14 rectifié ter et 26.
L’idée était que le directeur puisse, à partir de préconisations générales, adapter son plan de sécurité à certaines spécificités. Comme cela pouvait être un peu compliqué, un travail a été mené et il a été précisé que le directeur d’école lui-même pourrait s’appuyer aussi sur des experts en matière de sécurité afin d’adapter le plan de sécurité aux spécificités de son école. Il y avait là, c’est vrai, deux niveaux.
Il me semble que la rédaction proposée par Mme Brulin répond à l’ensemble des questions soulevées, puisque son amendement décline clairement le rôle de chacun, qu’il s’agisse de l’autorité académique, de la commune ou des experts de sécurité, en associant le directeur pour avis. L’amendement n° 29 tend donc à simplifier et à résumer le texte, ce qui était nécessaire à l’issue de ce processus itératif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié ter est-il maintenu, monsieur Vial ?
M. Cédric Vial. Si mon amendement et celui de Mme Brulin vont dans le même sens, je maintiens toutefois le mien, car il tend à prévoir l’information du conseil d’école et la délégation par l’autorité académique au directeur, ce qui correspond à un objectif de cette proposition de loi.
S’il n’était pas adopté, je voterais bien évidemment l’amendement n° 29 de Mme Brulin.
M. le président. L’amendement n° 26 est-il maintenu, madame Monier ?
Mme Marie-Pierre Monier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 26 est retiré.
La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote sur les amendements restant en discussion.
M. Max Brisson. J’invite mes collègues à rallier la position de M. le rapporteur et à adopter l’amendement de Mme Brulin.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 6 bis
(Supprimé)
Article 7
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je tiens à saluer le travail de M. le rapporteur, notre collègue Julien Bargeton, et de la commission présidée par Laurent Lafon. Le Sénat a été au rendez-vous pour améliorer cette proposition de loi.
Les avancées retenues sont attendues par les directeurs et les directrices d’école. Nous avons progressé s’agissant de la reconnaissance, renforcé le cadre juridique, facilité la gestion du temps et la formation. Ces avancées font écho aux travaux de Max Brisson et de notre ex-collègue Françoise Laborde.
Le groupe Union Centriste votera bien entendu cette proposition de loi modifiée.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Pour compléter ce que vient de dire Annick Billon, je pense que nous avons progressé en un an, si l’on se réfère aux débats que nous avions eus dans le cadre de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance. C’est la preuve que la maturation, les échanges et le dialogue nous permettent d’évoluer dans le bon sens.
Nous avons créé un emploi de direction, dont il est fait mention dans le code de l’éducation, doté de compétences transférées par l’autorité académique. Le directeur d’école aura une autorité fonctionnelle et non pas hiérarchique. Il pourra rester un pair parmi ses pairs pour piloter le projet pédagogique et aura les moyens d’assumer les fonctions d’organisation de l’école, en particulier avec ses partenaires.
Cette proposition de loi pose un symbole. Il vous restera, monsieur le ministre, dans le cadre du champ réglementaire, à améliorer les décharges, pour que les directeurs disposent de plus de temps. Par ailleurs, la question de l’aide administrative, dont ils ont également besoin, reste posée.
En outre, nous avons eu des débats, marqués, parfois, par une certaine incompréhension, sur les relations avec les communes et la manière dont le temps de l’école est organisé, dans un partenariat de confiance entre l’éducation nationale et les collectivités.
Le travail entamé par Cécile Rilhac à l’Assemblée nationale, qui était d’ailleurs en osmose avec le travail que j’ai effectué avec Françoise Laborde au même moment, ainsi que l’agenda social ouvert, fait que, sur ces questions, il faut bien le reconnaître, des progrès ont été enregistrés.
Le groupe Les Républicains votera donc cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Pour ma part, je suis déçue ! Pourquoi nous sommes-nous penchés sur le travail et la fonction de directeur ? Nous l’avions tous souligné, face à une surcharge de travail, ils ont besoin d’être aidés. Résultat des courses, ils auront des missions supplémentaires de formation et de coordination : c’est écrit noir sur blanc !
Des interrogations subsistent pour les directeurs des écoles de moins de quatre classes, qui ne bénéficient d’aucune décharge, dans la mesure où ceux qui les remplacent font partie du corps des remplaçants, dont le nombre est insuffisant. C’est justement la variable d’ajustement au regard de la carte scolaire ! Par conséquent, rien n’est résolu pour eux.
Les directeurs craignaient que ce texte ne crée une autorité hiérarchique. Le rapport Brisson-Laborde évoquait en effet la création d’un emploi fonctionnel. Mais le mot « emploi » a disparu, et l’« autorité fonctionnelle » des directeurs sème le doute, l’autorité hiérarchique étant sous-jacente.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera donc pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Le débat de ce soir aura eu au moins le mérite de mettre en lumière le travail des directeurs et des directrices d’école. Tous, sur ces travées, nous avons salué leur travail, notamment dans le contexte d’épidémie que nous connaissons.
Je l’ai dit lors d’un rappel au règlement, nous ne savons pas très bien, à l’heure actuelle, si ce texte est une proposition de loi ou un projet de loi. Je plaide pour qu’il devienne un projet de loi, ce qu’il est de fait. Travailler dans la clarté et l’honnêteté ne fait jamais de mal.
Des conceptions différentes du rôle, de la fonction et du « statut » des directeurs et directrices d’école se sont affrontées, dans le bon sens du terme. Je veux saluer la grande cohérence de certains propos défendus avec brio, notamment par Max Brisson. On peut déjà apercevoir ce qui se prépare pour la suite, toujours dans la même cohérence.
Pour notre part, nous considérons que ce texte n’est pas de nature à répondre aux problématiques douloureusement identifiées par les directeurs d’école, au premier rang desquelles figure la surcharge de travail administratif, à laquelle nous n’avons pas vraiment apporté de réponse.
Au terme de notre débat, nous n’avons pas trouvé d’équilibre en la matière. Pour cette raison, nous ne voterons pas ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Ce texte fait suite au travail déjà engagé avec la loi pour une école de la confiance. C’est un premier pas vers la reconnaissance d’une fonction indispensable au fonctionnement de nos écoles.
Je remercie de leur travail M. le rapporteur et la commission, mais aussi le Gouvernement, qui nous a permis d’étudier ce texte jusqu’au bout. Le groupe RDPI votera pour ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 87 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 251 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je tiens simplement à remercier les uns et les autres de la qualité du travail effectué. On peut se réjouir, me semble-t-il, de la façon dont ce débat s’est déroulé.
Même si ce texte nous vient de l’Assemblée nationale, il s’inscrit totalement dans la continuité du travail effectué par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.
En effet, voilà un peu moins d’un an, Max Brisson et Françoise Laborde présentaient leur rapport, réalisé à la demande de Catherine Morin-Desailly. À l’époque, il s’agissait de répondre au malaise ou au mal-être des directeurs d’école. Moins d’un an après, un texte de loi circule. Il correspond également, monsieur le ministre, aux problématiques sur lesquelles vous avez travaillé, notamment dans le cadre du Grenelle de l’éducation.
Certes, nous ne sommes pas tous d’accord sur ce texte. Quoi qu’il en soit, nous pouvons nous féliciter de la qualité du débat, chacun ayant pu faire valoir ses idées.
J’achèverai mon propos en remerciant la majorité sénatoriale de son sens de la responsabilité sur ce texte et des apports importants qui ont pu être faits. Je remercie également M. le rapporteur de la qualité de son travail, ainsi que de son esprit de dialogue. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 11 mars 2021 :
De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
Proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, présentée par Mme Marie-Pierre de La Gontrie et plusieurs de ses collègues (texte n° 131, 2020-2021) ;
Proposition de loi visant à lutter contre le plastique, présentée par Mme Angèle Préville et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 412, 2020-2021).
De seize heures à vingt heures :
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
Proposition de loi visant à la création d’une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d’époque, présentée par M. Jean-Pierre Moga et plusieurs de ses collègues (texte n° 174, 2020-2021) ;
Proposition de loi tendant à appliquer vingt-quatre mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales, présentée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 414, 2020-2021).
À l’issue de l’espace réservé au groupe UC :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République (texte n° 397, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER