Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission reste favorable à cet amendement sur le principe.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6 (supprimé)

Article 5

(Suppression maintenue)

Chapitre IV

Amélioration de la lutte contre la diffusion de contenus haineux en ligne

Article 5
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Article 6 bis AA (nouveau)

Article 6

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Au 8 du I de l’article 6, les mots : « , à défaut, à toute personne mentionnée » sont supprimés ;

2° Après l’article 6-1, il est inséré un article 6-4 ainsi rédigé :

« Art. 6-4. – Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu relève des infractions prévues au I de l’article 6-2 de la présente loi, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, peut demander aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi, et pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par celle-ci, d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant le contenu du service visé par ladite décision en totalité ou de manière substantielle.

« Dans les mêmes conditions, l’autorité administrative peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne.

« Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement desdits services en application des deux premiers alinéas du présent article, l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus de ces services. »

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Il s’agit d’un débat à la fois intéressant et important.

À l’origine, la proposition de loi contenait une disposition relative aux sites « miroirs », qui a d’ailleurs été modifiée après le passage du texte devant le Conseil d’État.

Nous sommes confrontés à un problème. Prenons l’exemple, souvent évoqué, du site Démocratie participative, qui promeut des thèses d’extrême droite, voire nazies. À la suite d’un long parcours judiciaire, la justice en avait ordonné le déréférencement et le blocage. Lorsque le site a été déréférencé, son adresse avait une extension « .fr ». Le lendemain, il était de nouveau en ligne avec une extension « .ru ». Chaque fois, après des mois de parcours judiciaire pour déréférencer un site, celui-ci est de nouveau en ligne aussitôt après, avec exactement les mêmes outrances, mais sous une autre extension.

Le Gouvernement souhaite donc, une fois le déréférencement d’un site ordonné par la justice, que l’autorité administrative puisse intervenir en cas d’apparition d’un site similaire. L’objectif est de ne plus avoir besoin de passer par le processus judiciaire, qui dure chaque fois des mois, voire des années, et de pouvoir agir immédiatement.

Bien entendu, cela soulève des questions. Qu’est-ce qu’un site similaire ? Nous avons entendu les commentaires de la commission des lois. Je reconnais qu’il y a une difficulté, mais nous avons également une exigence d’efficacité. Nous proposons donc de réintroduire le dispositif de lutte contre les sites miroirs.

Compte tenu des critiques qui ont été formulées par la commission des lois, nous sommes revenus sur la rédaction proposée pour définir de manière exacte et, nous semble-t-il, appropriée les prérogatives de l’autorité administrative : cibler correctement les acteurs concernés, en excluant notamment les fournisseurs de noms de domaine, et en précisant que le blocage ou le déréférencement portent bien sur des sites, et non sur des contenus.

Le dispositif nous paraît donc mieux calibré et de nature à répondre à une véritable demande : quand la justice met plusieurs mois à se prononcer sur le déréférencement d’un site qui est de nouveau en ligne le lendemain simplement parce que son extension a changé, les Français sont en droit de se poser des questions sur l’efficacité de notre action. Nous avons reprécisé les choses pour essayer de répondre aux craintes de la commission. J’espère que notre amendement recueillera un avis favorable.

Mme la présidente. L’amendement n° 45, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 6-… ainsi rédigé :

« Art. 6-. – Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée interdit la reprise totale ou partielle d’un contenu relevant des infractions prévues au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, demande aux personnes mentionnées au 1 du même I ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine de bloquer l’accès aux contenus jugés illicites par ladite décision et rediffusés en ligne sur tout site, tout serveur ou au moyen de tout autre procédé électronique.

« Dans les mêmes conditions, l’autorité administrative peut également demander à tout moteur de recherche ou tout annuaire de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces contenus.

« Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement des contenus en application des deux premiers alinéas, l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces contenus.

« Le fait de ne pas procéder au blocage ou au déréférencement des contenus en application des deux premiers alinéas est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6.

« Un décret fixe les modalités selon lesquelles sont compensés, le cas échéant, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées au premier alinéa du présent article. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous proposons également de rétablir l’obligation mise à la charge des plateformes d’empêcher la réapparition de contenus haineux illicites identiques. Il s’agit donc d’un amendement contre la technique du site « miroir », qui est souvent utilisée pour contourner un blocage.

Ainsi, l’autorité administrative demandera aux opérateurs de plateformes, fournisseurs de noms de domaine et moteurs de recherche ou annuaires de retirer ou déréférencer, le cas échéant, des contenus relevant du champ d’application de la nouvelle loi dont la reprise totale ou partielle a été précédemment interdite par décision judiciaire passée en force de chose jugée.

Lorsque l’opérateur ne se conforme pas à la demande administrative de retrait ou de déréférencement, l’autorité judiciaire peut être saisie en référé ou sur requête pour ordonner toutes mesures destinées à faire cesser l’accès à ces contenus.

Nous avons déjà entamé ce débat en présentant notre amendement n° 44 à l’article 2 de la proposition de loi. Le législateur connaît déjà bien ce problème, qui perturbe gravement l’efficacité des mesures de retrait. Actuellement, s’il existe plusieurs possibilités de blocage de contenus illicites sur internet, il n’est pas prévu de droit de suite lorsque les mêmes contenus haineux réapparaissent. Ces derniers sont considérés comme des contenus distincts et leur retrait exige d’enclencher une nouvelle procédure judiciaire pour obtenir le blocage alors que le nouveau site reprend à l’identique ces contenus.

Le présent amendement s’appuie sur la récente jurisprudence établie par la Cour de justice de l’Union européenne. Dans son arrêt du 3 octobre 2019, celle-ci ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un État membre puisse enjoindre à un hébergeur de supprimer les informations qu’il stocke et dont le contenu est identique à celui d’une information déclarée illicite précédemment ou de bloquer l’accès à celle-ci, quel que soit l’auteur de la demande de stockage de ces informations. Nous sommes précisément dans ce cas, l’autorité administrative agissant dès lors qu’elle a été habilitée à le faire dans la décision judiciaire.

Enfin, nous avons veillé à rendre le dispositif compatible avec l’exigence constitutionnelle de ne pas faire peser des charges indues sur une entreprise privée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission avait supprimé l’article 6, qui semblait à la fois juridiquement incertain et inutile au regard du droit existant. La nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement est bien plus précise et mieux adaptée à l’objectif. La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 54.

Par conséquent, nous suggérons le retrait de l’amendement n° 45 au profit de l’amendement n° 54. Nous partageons évidemment les objectifs que M. Assouline a évoqués, mais le dispositif proposé paraît trop large par rapport à ce que permet la jurisprudence européenne.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Je sollicite également le retrait de l’amendement n° 45 au profit de notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Le Gouvernement ayant déposé un amendement tendant à rétablir l’article dans une rédaction qui semble faire consensus et être plus sécurisée, je retire notre amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 45 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 est rétabli dans cette rédaction.

Article 6 (supprimé)
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Article 6 bis A

Article 6 bis AA (nouveau)

Le vendeur d’espace publicitaire communique à l’annonceur publicitaire un compte rendu de la liste des domaines et des sous-domaines sur lesquels l’annonceur publicitaire a diffusé des publicités. Un commissaire aux comptes atteste, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, que l’annonceur publicitaire est en possession de cette liste. Cette liste doit être conservée pendant une durée minimale de cinq ans à compter de la date de diffusion des annonces publicitaires.

En cas de manquement de l’annonceur publicitaire à cette obligation, l’autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant prend en considération la gravité des manquements commis et, le cas échéant, leur caractère réitéré, sans pouvoir excéder 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent.

Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Pellevat et Danesi, Mmes Lassarade et de Cidrac, MM. Bizet, Cambon et H. Leroy, Mme Imbert, MM. Savary, Lefèvre, Milon et Laménie, Mme Deroche et M. Brisson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. L’article 6 bis AA prévoit que le vendeur d’espace publicitaire communique à l’annonceur publicitaire un compte rendu de la liste des domaines et sous-domaines sur lesquels l’annonceur a diffusé des publicités. En outre, un commissaire aux comptes doit attester que l’annonceur publicitaire est en possession de cette liste.

Cependant, le dispositif proposé est déjà en place et n’a pas besoin de faire l’objet d’une nouvelle disposition. En effet, le décret n° 2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale prévoit déjà que le compte rendu communiqué par le vendeur d’espace publicitaire à l’annonceur précise la date et les emplacements de diffusion des annonces, ainsi que le prix global de la campagne et le prix unitaire des espaces publicitaires facturés.

En outre, le dispositif proposé part d’un postulat erroné. En effet, la fourniture d’une liste de sites n’a d’intérêt que si ces sites sont illicites. Or aucun annonceur soucieux de sa réputation ne souhaite diffuser des publicités sur des sites haineux, car cela risque de porter atteinte à sa marque alors qu’il consent des investissements importants pour la valoriser.

Par ailleurs, les vendeurs d’espace s’engagent déjà à ne pas afficher de publicités sur des sites illicites ou susceptibles de porter atteinte à la marque de l’annonceur, car c’est une garantie attendue des annonceurs.

Nous proposons donc la suppression d’un tel mécanisme, qui n’aura aucun effet sur la lutte contre le financement des sites haineux. C’est pourquoi le présent amendement vise à supprimer l’article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les critiques formulées par les auteurs de cet amendement sont fondées. Nous pouvons les partager.

Cependant, l’amendement n° 47 de notre collègue Thani Mohamed Soilihi et des membres du groupe La République En Marche y répond avec un dispositif permettant d’agir sur le financement des sites haineux.

Je sollicite donc le retrait du présent amendement au profit de l’amendement n° 47.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. À l’instar de M. le rapporteur, je partage les préoccupations des auteurs de cet amendement sur le sujet. Mais j’invite également Mme Darcos à le retirer au profit de l’amendement n° 47.

La réflexion s’est poursuivie après une initiative prise par le député Éric Bothorel à l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Madame Darcos, l’amendement n° 59 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laure Darcos. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié est retiré.

L’amendement n° 47, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les annonceurs publient en ligne et tiennent à jour au minimum mensuellement les informations relatives aux emplacements de diffusion de leurs annonces qui leur sont communiquées par les vendeurs d’espace publicitaire sur Internet en application de l’article 23 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Le fait de ne pas respecter l’obligation définie au premier alinéa du présent article est puni de la peine prévue au 1° de l’article 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée et dans les conditions prévues au même article 25.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je souhaite d’abord remercier Mme Darcos d’avoir bien voulu retirer son amendement au profit du nôtre.

Lors de l’examen en commission, le rapporteur a bien voulu considérer notre rédaction d’appel visant à tarir la source du financement de sites faisant commerce de leur haine en ligne en faisant jouer le dommage réputationnel pour les annonceurs publicitaires. La disposition ainsi adoptée à l’article 6 bis AA vise à prévoir qu’un commissaire aux comptes atteste que l’annonceur publicitaire est bien en possession de la liste des domaines et sous-domaines internet sur lesquels le vendeur d’espaces publicitaires a diffusé des publicités.

En cas de manquement de l’annonceur à cette obligation, l’autorité administrative pourrait prononcer une sanction pécuniaire ne pouvant pas excéder 4 % du chiffre d’affaires.

L’amendement que nous présentons en séance vise à parfaire l’écriture juridique du dispositif, en la réencastrant dans le cadre légal de la loi Sapin telle qu’elle a été modifiée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il prévoit ainsi que les annonceurs publient en ligne et tiennent à jour, au minimum mensuellement, les informations relatives aux emplacements de diffusion de leurs annonces qui leur sont communiquées par des vendeurs d’espace publicitaire. En cas de manquement à cette obligation, une amende administrative de 30 000 euros est prévue sous le contrôle des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 63, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Amendement n° 47, alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque la publicité est diffusée sur un site d’information, au sens de l’article 14 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, les informations relatives aux autres emplacements de diffusion de l’ensemble des annonces figurant sur les espaces publicitaires en ligne de ce site sont accessibles depuis ce même site.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Le phénomène est à présent bien connu : la publication de contenus clivants attire davantage les utilisateurs de plateformes en ligne que celle de contenus modérés.

Or le modèle économique des plateformes et des sites en ligne s’articule souvent autour de la location d’espaces publicitaires dont les revenus sont établis en fonction du nombre de fréquentations. Cela peut donc entraîner ces plateformes ou sites à promouvoir des contenus clivants potentiellement illicites pour s’assurer une fréquentation, donc des revenus minimaux. L’objectif de l’article 6 bis AA et de l’amendement n° 47, qui tend à le réécrire, est de lutter contre ce biais en renforçant la transparence sur toute la chaîne de publicité en ligne.

Le sous-amendement que nous proposons s’inscrit dans le même esprit, en se concentrant sur les sites d’information, qui, eux aussi, se financent en partie par la publicité. Compte tenu de l’importance de ces sites pour le débat public, nous proposons de rendre obligatoire la publication d’un lien sur leur site, afin de permettre au lecteur de s’informer sur les sources de financement publicitaire de ces sites d’information.

Tel est l’objet du présent sous-amendement et de l’amendement n° 29 rectifié, que je présenterai peut-être.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission confirme son avis favorable sur l’amendement n° 47 et suivra l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 63, qu’elle n’a pas pu examiner.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Comme je l’ai indiqué, nous sommes effectivement très favorables à l’amendement n° 47.

Aujourd’hui, une partie des sites qui promeuvent de faux vaccins ou défendent des thèses extrêmes se financent ainsi. De grandes marques très connues se retrouvent parfois avec des publicités sur ces sites sans le savoir.

L’amendement n° 47 vise à faire en sorte que les grands annonceurs puissent savoir, via les régies, sur quels sites leurs publicités sont diffusées. Cela les oblige à s’y intéresser. S’ils ne s’y intéressent pas, certaines organisations, j’en suis certain, se pencheront sur le sujet et les alerteront. Cela assèchera une partie du financement des sites extrêmes que nous souhaitons voir disparaître.

Je n’ai pas eu suffisamment de temps pour examiner le sous-amendement n° 63. Mais j’ai une réserve assez instinctive sur le sujet. D’abord, il vise les sites d’information. Surtout, mon sentiment est qu’il faut cibler ceux qui donnent l’argent, c’est-à-dire les annonceurs. Je peux prendre l’engagement que le Gouvernement étudie cette question, par exemple dans le cadre du futur texte sur l’audiovisuel. Mais, à ce stade, je préfère rester prudent.

Je sollicite donc le retrait de ce sous-amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. Madame Costes, le sous-amendement n° 63 est-il maintenu ?

Mme Josiane Costes. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 63 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 bis AA est ainsi rédigé, et l’amendement n° 29 rectifié n’a plus d’objet.

Chapitre IV bis

Renforcement de l’efficacité de la réponse pénale à l’égard des auteurs de contenus haineux en ligne

Article 6 bis AA (nouveau)
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Article 6 bis B

Article 6 bis A

Après l’article 15-3-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-3 ainsi rédigé :

« Art. 15-3-3. – Un tribunal de grande instance désigné par décret exerce une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52 et 382 du présent code pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus au 6° du III de l’article 222-33 du code pénal, lorsqu’ils sont commis avec la circonstance aggravante prévue à l’article 132-76 du même code, et au 4° de l’article 222-33-2-2 dudit code, lorsqu’ils sont commis avec la circonstance aggravante prévue à l’article 132-76 ou 132-77 du même code, lorsqu’ils ont fait l’objet d’une plainte adressée par voie électronique en application de l’article 15-3-1 du présent code. » – (Adopté.)

Article 6 bis A
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Article 6 bis C

Article 6 bis B

I. – (Non modifié) Après le 9° de l’article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un 9° bis ainsi rédigé :

« 9° bis Ne pas adresser de messages à la victime, de façon directe ou indirecte, par tout moyen, y compris par voie électronique ; ».

II. – L’article 132-45 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est complété par un 26° ainsi rédigé :

« 26° L’interdiction d’adresser des messages à la victime, de façon directe ou indirecte, par tout moyen, y compris par voie électronique. »

III. – Le dernier alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est complété par une phrase ainsi rédigée : « La juridiction peut également soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues aux articles 132-44 et 132-45. »

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Les alinéas 1 à 4 sont superfétatoires. Ils prévoient l’ajout de mesures pouvant être prononcées par le juge dans le cadre du contrôle judiciaire ou de la mise à l’épreuve. Il s’agit, dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, de l’interdiction pour l’intéressé d’adresser des messages à la victime, de manière directe ou indirecte, par tout moyen, y compris par voie électronique.

Le 9° de l’article 138 du code de procédure pénale prévoit déjà la possibilité pour le juge d’enjoindre à l’intéressé de s’abstenir de « recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ».

Le 13° de l’article 132-45 du code pénal prévoit la possibilité pour le juge d’enjoindre à l’intéressé de s’abstenir « d’entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l’exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ».

Dans ces conditions, les alinéas 1 à 4 semblent sans objet et doivent être supprimés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. M. Malhuret note à juste titre que la peine complémentaire d’interdiction d’entrer en communication avec la victime, déjà existante, couvre l’interdiction de communications électroniques. Nous avons cependant maintenu cette précision en pensant qu’elle pouvait gagner à être explicitée. À ce stade, nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement, auquel nous nous rangerons.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de ces dispositions, qui complètent selon nous tout à fait utilement la proposition de loi.

Il est tout à fait opportun d’instituer dans le cadre du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve, qui deviendra sursis probatoire au mois de mars 2020 en l’application de la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice, une nouvelle interdiction, celle d’adresser des messages à la victime, notamment par voie électronique. Cela constitue notamment une réponse particulièrement appropriée aux faits de cyberharcèlement.

Une telle interdiction est plus précise et plus ciblée que l’interdiction générale d’entrer en relation avec la victime, prévue par le 9° de l’article 138 du code de procédure pénale et le 13° de l’article 132-45 du code pénal. Il est en effet primordial que les personnes astreintes à une interdiction d’entrer en relation avec la victime dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve puissent percevoir la pleine portée des obligations et interdictions qui leur sont applicables.

Il convient de rappeler que le non-respect d’une interdiction du contrôle judiciaire peut entraîner le placement en détention provisoire d’une personne mise en examen et que le non-respect d’une interdiction prévue dans le cadre d’une mise à l’épreuve peut conduire à l’incarcération d’un condamné.

Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de ces clarifications particulièrement utiles.