Sommaire
Présidence de M. David Assouline
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.
2. Immigration, droit d’asile et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Marie-Pierre de la Gontrie ; M. Roger Karoutchi ; Mme Éliane Assassi ; M. le président.
Amendement n° 449 de M. Alain Richard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 492 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 158 rectifié de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 159 rectifié de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 165, de l’article.
Adoption par scrutin public n° 167.
Article additionnel après l’article 11 A
Amendement n° 52 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
Amendement n° 11 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 69 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 461 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 259 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 260 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 261 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 262 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 263 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 264 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 265 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 11
Amendement n° 462 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Amendement n° 267 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 356 rectifié bis de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 268 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 463 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 270 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 271 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 143 rectifié bis de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 146 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 353 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 12
Amendement n° 272 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 16 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 155 rectifié de M. Sébastien Meurant et 464 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Non soutenus.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 15
Amendement n° 465 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 53 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 54 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 466 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 141 rectifié ter de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 392 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Amendement n° 25 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 274 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 531 rectifié bis de M. Guillaume Arnell. – Rejet.
Amendement n° 432 de M. Arnaud de Belenet. – Non soutenu.
Amendement n° 533 rectifié bis de M. Guillaume Arnell. – Rejet.
Amendement n° 534 rectifié ter de M. Guillaume Arnell. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 532 rectifié de M. Guillaume Arnell. – Retrait.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Adoption par scrutin public n° 168.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
3. Modification de l’ordre du jour
4. Mises au point au sujet de votes
5. Immigration, droit d’asile et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 125 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 537 rectifié de M. Guillaume Arnell. – Rejet.
Amendement n° 275 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 503 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 536 rectifié de M. Guillaume Arnell. – Rejet.
Amendement n° 269 rectifié ter de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 105 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 364 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 283 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 365 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 276 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 282 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 424 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 277 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 279 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 406 rectifié de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 280 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 455 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 70 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 467 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 142 rectifié bis de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 569 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
6. Mise au point au sujet d’un vote
7. Immigration, droit d’asile et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 429 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
8. Mises au point au sujet de votes
9. Immigration, droit d’asile et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 16 ter (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 16 ter
Amendement n° 456 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 13 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 468 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 469 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 72 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 577 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 470 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 14 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 106 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 285 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 373 rectifié bis de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 286 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 287 rectifié bis de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 340 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 289 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 290 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 104 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 567 de M. Alain Richard. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 19
Amendement n° 154 rectifié de M. Sébastien Meurant. – Retrait.
Amendement n° 471 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 341 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 175 rectifié bis de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 291 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 425 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 176 rectifié bis de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 576 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 19 bis
Amendement n° 144 rectifié bis de M. Henri Leroy. – Retrait.
Article 19 ter (supprimé)
Amendement n° 22 de Mme Esther Benbassa. – Rejet par scrutin public n° 169.
Amendement n° 292 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 95 de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 504 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 472 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 19 ter
Amendement n° 366 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Article 19 quater (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 19 quater
Amendement n° 473 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 474 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 475 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 80 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 293 rectifié ter de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 108 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article additionnel avant l’article 20
Amendement n° 367 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 540 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 476 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 390 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Adoption.
Amendement n° 89 de M. Emmanuel Capus. – Non soutenu.
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
Amendement n° 541 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 477 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 510 rectifié de M. Alain Richard. – Rejet.
Amendement n° 110 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 478 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 374 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Rejet.
Amendement n° 391 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Adoption.
Amendement n° 389 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 21
Amendement n° 342 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 21 bis
Amendement n° 109 de Mme Éliane Assassi. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 294 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 73 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 368 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 296 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 297 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
Amendement n° 581 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 161 rectifié de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 371 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Retrait.
Amendement n° 372 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 330 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 480 rectifié de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 298 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 74 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 136 rectifié de M. Gérard Poadja. – Non soutenu.
Amendement n° 299 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
Amendement n° 300 rectifié bis de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Adoption de l’article.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 26 ter
Amendement n° 101 rectifié de Mme Élisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 343 rectifié ter de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. David Assouline
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Immigration, droit d’asile et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (projet n° 464, texte de la commission n° 553, rapport n° 552, tomes I et II, avis n° 527).
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur les articles 16 et 24 de notre règlement.
Ceux d’entre nous qui étaient présents dans cet hémicycle hier ont connu une séance quelque peu complexe, notamment en fin de journée. Cette séance n’a pas pu aller jusqu’à son terme, même si nous avons siégé jusqu’à minuit. En effet, le groupe majoritaire de notre assemblée étant sous-représenté, les scrutins publics se sont révélés, de son point de vue, nécessaires pour chaque vote. Le débat n’a donc pas pu se dérouler dans de bonnes conditions, ce qui est très regrettable au regard de l’importance du sujet dont nous discutons.
Nous avons repris nos travaux à l’instant ; il est prévu que nous siégions toute la journée. Fort bien ! Il n’empêche – c’est sans doute fatal – que le problème de sous-représentation de la majorité sénatoriale semble toujours vivace.
C’est pourquoi je vous interroge, monsieur le président, sur la nécessité de renvoyer ce texte en commission. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
En effet, l’absence de la majorité sénatoriale semble traduire la difficulté qu’elle éprouve à soutenir ce texte tel qu’il est issu des travaux de la commission des lois.
Mme Catherine Di Folco. Il ne faut pas exagérer !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Si tel n’était le cas, le nombre de nos collègues présents en séance aurait permis qu’ils soient majoritaires par rapport aux effectifs, évidemment bien moins importants, de l’opposition.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est que du blabla ! Je demande la parole.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il faut donc étudier ce problème raisonnablement et sans esprit polémique. Je constate que notre collègue Roger Karoutchi a immédiatement demandé la parole pour me répondre. Gardons à l’esprit ma demande. Nous verrons comment se dérouleront nos débats au cours de cette matinée. Interrogeons-nous du moins sur le sens politique de ce qui s’est passé hier, sur le sens politique de l’absence de la majorité sénatoriale sur ce texte, qui est pourtant son texte, puisqu’il a été modifié par la commission des lois, où le groupe Les Républicains détient, comme il se doit, la majorité. Or les élus de ce groupe ne sont pas présents ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il s’agit certes d’un problème interne à la majorité sénatoriale, mais il affecte désormais le Sénat tout entier, puisque nous ne pouvons pas travailler dans des conditions correctes sur ce texte pourtant important.
M. Philippe Pemezec. Le problème, c’est vous, ce n’est pas nous !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement fondé sur l’article…
M. Roger Karoutchi. Sur le même article que le précédent rappel au règlement, monsieur le président. (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Lequel ?
M. Roger Karoutchi. Celui que vous avez cité, ma chère collègue.
Hier soir, notre assemblée – y compris le groupe Les Républicains, je le reconnais – n’a franchement pas donné un spectacle digne du Sénat. J’ai entendu beaucoup de propos, des comparaisons avec les drames des années trente, des horreurs sur tout et rien ; je ne suis pas convaincu que ceux de nos concitoyens qui d’aventure auraient suivi les débats sénatoriaux d’hier soir se soient dit qu’ils étaient équilibrés et exprimaient la dignité la plus extrême !
J’entends bien Mme de la Gontrie, qui s’insurge et y voit la preuve que le groupe Les Républicains ne soutient pas ce texte, alors qu’il détient la majorité à la commission des lois. Ma chère collègue, nous avons la majorité dans toutes les commissions ! Par conséquent, tous les textes sont nos textes, quand ils arrivent dans l’hémicycle ; celui-ci ne l’est pas plus que d’autres, portant sur d’autres sujets !
Certes, je suis le premier à reconnaître et à regretter – moi, j’étais ici ! – que nous avons connu, hier soir, un phénomène absolument extravagant : une majorité insuffisamment mobilisée et un groupe socialiste plus nombreux qu’elle. D’où une cascade de scrutins publics et une série d’interruptions. Je le regrette infiniment, et nous devrons régler ce problème, de manière interne à notre groupe.
Pardonnez-moi de vous le dire, ma chère collègue, mais cela peut arriver à tous les groupes, à tout moment, et sur n’importe quel texte !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Oui !
M. Roger Karoutchi. Nous avons connu hier un problème que je regrette infiniment, mais avouez, ma chère collègue, que si, comme vous le dites, nous ne sommes pas très nombreux ce matin, vous ne l’êtes pas non plus !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais vous êtes majoritaires !
M. Roger Karoutchi. Nous le sommes, et nous allons le prouver ! Le règlement du Sénat autorise, que je sache, les scrutins publics, jusqu’à preuve du contraire. Nous ne l’avons pas modifié sur ce point. Par conséquent, aujourd’hui, nous allons siéger sereinement et nous allons continuer le débat. Si nous pouvions, au-delà des polémiques, nous montrer un peu plus dignes, nous concentrer sur la réalité du sujet qui nous occupe, et éviter des comparaisons plus ou moins oiseuses, ce serait mieux pour tout le monde. Franchement, hier soir, au-delà de ces histoires de scrutins publics et d’interruptions, je n’étais pas très à l’aise à l’écoute de certains propos.
En conclusion, monsieur le président, j’estime que nous pouvons parfaitement continuer l’examen de ce texte.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur les mêmes articles que celle de notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie.
Je ne reviendrai pas sur l’épisode d’hier soir, il a été très bien relaté par ma collègue. Voyez-vous, monsieur Karoutchi, nous respectons tout autant que vous le Sénat et ses débats. En revanche, nous ne cachons pas que nous avons avec vous des désaccords profonds sur un certain nombre de sujets ; nous les exprimons dans l’hémicycle. Convenez quand même que, ce qui nous a retardés, ce n’est pas le débat, c’est la multiplication des scrutins publics !
M. Roger Karoutchi. Et des interventions !
Mme Éliane Assassi. Mon cher collègue, tout comme moi, vous siégez ici depuis un certain nombre d’années. Rappelez-vous que, pour débattre d’un texte d’une telle importance politique, nous disposions auparavant de deux semaines. Or on nous demande à présent d’examiner un texte fondamental en trois jours seulement !
Il existe donc bien un problème par rapport à l’ordre du jour que le Gouvernement propose au Parlement et, en particulier, au Sénat. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Nous en constaterons les conséquences lors de l’examen du projet de loi de révision constitutionnelle et des projets de loi ordinaire et organique qui lui sont associés.
Nous faisons donc face à un problème politique.
En outre, nous savons très bien que, sur des sujets sensibles comme l’asile, l’immigration et l’intégration, il peut y avoir des divergences politiques au sein de certains groupes. L’impossibilité d’exprimer ces divergences peut expliquer l’absence de certains parlementaires.
Pour notre part, nous sommes relativement homogènes sur ce sujet ; nous n’avons pas de soucis politiques. Nous ne voulons pas de ce texte : telle est la teneur de nos interventions et de nos propositions.
Je veux bien, quant à moi, siéger le soir, la nuit ou le week-end. Notre groupe est, proportionnellement à ses effectifs, bien représenté dans les débats parlementaires. Pour autant, il ne faut pas abuser ! La responsabilité de la situation repose à l’évidence, pour une part, sur la majorité sénatoriale, et, pour une autre part, sur le Gouvernement, dans la mesure où il fixe l’ordre du jour parlementaire.
Si nous devons siéger lundi après-midi, lundi soir, voire dans la nuit de lundi à mardi, je demande que, ce soir, notre débat se termine vers vingt heures ou vingt heures trente, afin qu’il puisse reprendre sereinement lundi après-midi.
M. Roger Karoutchi. Je suis d’accord !
M. le président. Mes chers collègues, Mme de la Gontrie demande le renvoi de ce texte à la commission. Aux termes de l’article 44, alinéa 5, de notre règlement, une motion de renvoi en commission sur l’ensemble du texte doit être déposée avant que soit entamé l’examen des articles. Une demande de renvoi en commission peut porter sur les articles restant en discussion ; dans ce cas, il faut déposer une motion à cette fin. Dans la mesure où il s’agit d’un texte inscrit par priorité à l’ordre du jour sur décision du Gouvernement, la commission doit statuer dans la journée, et même en dix minutes si elle le souhaite…
Voilà pour la requête de Mme de la Gontrie.
Mme Assassi, pour sa part, demande que nous puissions continuer nos travaux normalement.
Franchement, mes chers collègues, la balle est dans votre camp ; je vous ai indiqué la procédure nécessaire. Je n’ai été saisi, pour le moment, d’aucune motion de procédure. Nous allons donc continuer nos travaux. Ils se dérouleront sans doute – ce sera annoncé en temps voulu – suivant le schéma souhaité par Mme Assassi : il faudra probablement ouvrir la possibilité de siéger lundi. Ainsi, nous pourrons continuer sereinement, sans que ce soient toujours les mêmes qui s’épuisent.
M. Roger Karoutchi. Ce seront de toute manière les mêmes ! Voilà le désastre !
M. le président. D’ailleurs, quand on travaille dans la journée seulement, et non nuit après nuit, cela évite les dérapages que provoque la fatigue ; c’est donc selon moi la meilleure solution.
Il n’y a pas d’autres observations ?…
Il en est ainsi décidé et nous reprenons, dans la discussion du texte de la commission, l’examen du chapitre Ier au sein du titre II.
TITRE II (suite)
RENFORCER L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Chapitre Ier (suite)
Les procédures de non-admission
Article 10 ter (nouveau)
La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Les mots : « ou qui, ayant » sont remplacés par les mots : « ou qui, soit ayant » ;
2° Après la date : « 19 juin 1990, », sont insérés les mots : « soit ayant été contrôlés à l’occasion du franchissement d’une frontière intérieure en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures prévues au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), » ;
3° Les mots : « ne remplissent pas les conditions d’entrée prévues à l’article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) » sont remplacés par les mots : « ne remplissent pas les conditions d’entrée prévues à l’article 6 dudit règlement ».
M. le président. L’amendement n° 449, présenté par MM. Richard, Amiel, Bargeton, Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Nous demandons la suppression de cet article.
En effet, M. le rapporteur a jugé opportun de tirer les conséquences du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures au sein de l’espace Schengen en étendant aux cas de franchissement des frontières internes la possibilité de relever les empreintes digitales.
Cette possibilité est aujourd’hui limitée aux étrangers en situation irrégulière contrôlés à l’occasion du franchissement de la frontière en provenance d’un pays tiers à l’espace Schengen.
Or, le refus d’entrée visant un étranger se situant hors du territoire national, il apparaît dès lors difficile de justifier l’enregistrement de ses données biométriques, d’autant qu’il peut toujours faire l’objet d’un enregistrement dans une application de police ajustée spécifiquement aux zones d’attente et dédiée à la gestion des étrangers non admis.
Il n’est donc pas nécessaire de prévoir un enregistrement complémentaire dans l’AGDREF, l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France. Cette mesure irait même à l’encontre de l’objectif gouvernemental, l’étranger ayant vocation à retourner rapidement dans son pays de départ.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Cet amendement tend à supprimer l’article 10 ter, qui avait été introduit dans ce texte par la commission des lois.
En l’état du droit, seuls les étrangers en provenance d’un pays tiers à l’espace Schengen et ne remplissant pas les conditions d’entrée peuvent voir leurs empreintes digitales et leur photographie relevées, mémorisées et soumises à un traitement automatisé.
Votre commission a souhaité prendre en compte les conséquences du rétablissement, depuis la fin de l’année 2015, des contrôles aux frontières intérieures au sein de l’espace Schengen, et sécuriser les prises d’empreintes lors des contrôles aux frontières terrestres de la France.
En effet, plusieurs parquets se sont ouverts du problème auprès de votre serviteur ; ils lui ont expliqué qu’il serait particulièrement utile aux forces de police déployées à la frontière terrestre de pouvoir mieux contrôler les personnes qui y font l’objet de procédures dites de « refus d’entrée ».
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 10 ter résulte de l’adoption par la commission des lois d’un amendement visant à renforcer l’efficacité des contrôles dans le cadre des procédures de non-admission à la frontière.
Cet article donne aux forces de l’ordre la possibilité de relever systématiquement les empreintes digitales aux fins de vérification d’identité et de consultation du fichier des personnes recherchées, dans le cadre, j’y insiste, des procédures de non-admission menées depuis le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures à l’espace Schengen.
Dès lors qu’en stricte conformité avec le code frontières Schengen le rétablissement des contrôles d’entrée et de sortie permet des vérifications approfondies, qui incluent des vérifications des empreintes digitales et des consultations des fichiers, les dispositions de cet article ne nous paraissent pas utiles.
En effet, les personnes placées en zone d’attente à la suite des refus d’entrée sont réputées, à l’évidence, ne pas être entrées sur le territoire français. Elles relèvent donc non pas de l’AGDREF, mais d’une application spécifique aux zones d’attente.
Par conséquent, comme cet ajout est inutile, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 ter.
(L’article 10 ter est adopté.)
Article 10 quater (nouveau)
À l’article L. 411-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « dix-huit mois » sont remplacés par les mots : « vingt-quatre mois ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 257 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 422 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 450 rectifié est présenté par MM. Richard, Amiel, Bargeton, Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour défendre l’amendement n° 257 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. La commission a décidé d’allonger de dix-huit à vingt-quatre mois le délai à l’issue duquel un étranger peut solliciter le regroupement familial. Nous nous opposons à cette évolution.
En effet, nous considérons que la possibilité de bénéficier d’un regroupement familial est une condition indispensable pour une bonne intégration dans notre pays, dès lors que la personne étrangère en situation régulière doit vivre et s’installer dans notre pays. Nous ne comprenons donc pas cette disposition, qui est à l’évidence contraire aux conditions d’une bonne intégration.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 422.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de cet article, introduit par la commission des lois, qui durcit les conditions du regroupement familial.
En effet, le Gouvernement ne peut être favorable à l’article 10 quater, qui fait passer de dix-huit à vingt-quatre mois la durée de séjour régulier requise pour déposer une demande de regroupement familial.
La directive du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial prévoit que le demandeur doit pouvoir être rejoint par sa famille au plus tard après deux ans de séjour régulier. L’administration dispose quant à elle d’un délai de six mois pour instruire un dossier de regroupement familial.
Dans ces conditions, le demandeur doit pouvoir être admis à déposer sa demande dès qu’il peut se prévaloir de dix-huit mois de séjour régulier, afin qu’il puisse être rejoint au plus tard après deux ans de séjour régulier, comme l’exige la directive.
Nous vous proposons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de supprimer cet article, qui est manifestement contraire au droit communautaire.
Au demeurant, si les auteurs de cet article ont pour ambition de limiter l’immigration par le biais du regroupement familial, leur démarche, à supposer qu’elle soit possible juridiquement, ne pourrait connaître qu’une efficacité relative. En effet, le regroupement familial ne représentait, en 2017, que 15 000 titres, sur un total de 242 000 titres délivrés.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour présenter l’amendement n° 450 rectifié.
M. Antoine Karam. Nous demandons, nous aussi, la suppression de cet article.
Le délai maximal prévu par la directive 2003/86/CE du 23 septembre 2008 pour être rejoint par sa famille est de vingt-quatre mois. Or l’administration a besoin d’un délai de six mois pour l’instruction de la demande.
L’article 8 de cette directive indique que « les États membres peuvent exiger que le regroupant ait séjourné légalement sur leur territoire pendant une période qui ne peut pas dépasser deux ans, avant de se faire rejoindre par les membres de sa famille ».
Introduire une condition de résidence préalable de vingt-quatre mois excède donc les marges d’appréciation laissées à la discrétion des États membres, sans qu’une justification suffisante soit avancée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission s’était montrée favorable à un amendement déposé, notamment, par M. Retailleau sur la thématique du regroupement familial, qui visait à porter de dix-huit à vingt-quatre mois le délai nécessaire pour que ce regroupement soit possible.
La commission souhaitait en effet, sur ce point comme sur l’ensemble des dispositions de ce texte, ne pas surtransposer les directives européennes et en rester à des standards plus rigoureux, de manière à mieux maîtriser les situations.
Concernant la conformité de cet article au droit européen, l’article 8 de la directive du 23 septembre 2003 dispose que « les États membres peuvent exiger que le regroupant ait séjourné légalement sur leur territoire pendant une période qui ne peut pas dépasser deux ans, avant de se faire rejoindre par les membres de sa famille ».
Cette condition de séjour de deux ans était d’ailleurs applicable en France entre 1993 et 1998. Le Conseil constitutionnel l’avait déclarée conforme à la Constitution dans sa décision du 13 août 1993.
De même, le 27 juin 2006, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que cette condition de séjour de deux ans « n’a pas pour effet d’empêcher tout regroupement familial, mais maintient au profit des États membres une marge d’appréciation limitée en leur permettant de s’assurer que le regroupement familial aura lieu dans de bonnes conditions, après que le regroupant a séjourné dans l’État d’accueil pendant une période suffisamment longue pour présumer une installation stable et un certain niveau d’intégration ».
L’un des enjeux de l’immigration régulière est évidemment de rechercher cette qualité d’intégration nécessaire ; nous souhaitons tous naturellement que cette dernière soit parfaitement réussie.
C’est dans ces conditions que, ne souhaitant pas, je le redis, surtransposer les directives européennes sur l’ensemble de ce texte, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
M. le président. Je présume, madame la ministre, que le Gouvernement est favorable à ces amendements identiques, puisqu’il a déposé l’un d’entre eux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 257 rectifié bis, 422 et 450 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 164 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 196 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 492 rectifié, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 411-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-1. – Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France peut demander, au titre du regroupement familial, à bénéficier du droit à être réuni à son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. Sauf circonstances exceptionnelles, le regroupement familial s’effectue dans le pays d’origine de l’intéressé. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Considérant que le regroupement familial est un droit des hommes à vivre en famille, mais que la France et les Français n’ont aucun devoir d’accueillir l’ensemble des familles des personnes qui souhaitent travailler en France, nous proposons que le regroupement familial se fasse dans le pays d’origine de l’intéressé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ai bien noté que l’amendement n° 492 rectifié n’était pas soutenu. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 158 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable, naturellement. (M. Jean-Yves Leconte applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. C’est une question importante qui se pose dans les mêmes termes que pour les personnes déboutées : la possibilité de retour pour ceux, qui, au final, constateraient qu’ils n’ont pas d’avenir légal en France. Bien évidemment, je maintiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vais intervenir avec le discernement dont nous a demandé de faire preuve M. Karoutchi, et en revenant aux chiffres et à la rationalité, tout en essayant de donner un peu de hauteur à ce débat.
M. Roger Karoutchi. C’est bien!
M. Pierre Ouzoulias. Dans l’objet de votre amendement, monsieur Meurant, vous distinguez immigration de travail et immigration de peuplement. J’ai envie de vous poser une simple question. Il y a aujourd’hui 1,8 million de Français à l’étranger, représentés par des sénateurs au sein de la Haute Assemblée. Ce chiffre croît de plus de 5 % par an. De quelle immigration s’agit-il : de travail ou de peuplement ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Vous me permettrez de dire également un mot sur l’amendement n° 492 rectifié, qui n’a pas été défendu, et, plus globalement, sur la genèse de ce texte. On l’a dit hier, mais on peut le répéter aujourd’hui… (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Excusez-moi, monsieur Karoutchi, mais nous avons aussi le droit de nous exprimer. Nous vous écoutons bien à chaque fois que vous le souhaitez.
M. Roger Karoutchi. Si peu !
M. Rachid Temal. Au début, on nous a expliqué qu’il s’agissait d’un texte dans lequel il y avait de l’humanité. Or on voit bien que, amendement après amendement, discussion après discussion, tout est en train d’être dénaturé, ce qui explique d’ailleurs peut-être l’évolution de la présence en séance de certains de nos collègues.
On a commencé par l’asile et l’immigration, ce qui était déjà problématique, puis, hier, on a eu droit à la proposition de la suppression du droit du sol, et, aujourd’hui, le même collègue d’extrême droite nous propose de supprimer le regroupement familial, tandis que M. Meurant, plus malin, si je puis dire, nous propose, de fait, de limiter ou de réduire ce dernier. Jusqu’où cela va-t-il aller ?
Nous sommes fermement opposés à ce type d’amendement, et nous souhaitons que la part d’humanité annoncée reprenne le dessus. En effet, on en parle beaucoup, mais on ne la trouve pas !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je trouve cet amendement particulièrement cynique. En effet, il revient à dire qu’un ressortissant étranger qui est en France régulièrement, dont on peut donc penser qu’il a un travail et un logement, peut, ô miracle, demander le regroupement familial… mais à Ouagadougou. Franchement, de qui se moque-t-on ? C’est vraiment une proposition particulièrement perverse, que nous ne suivrons évidemment pas. (M. Guillaume Gontard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement nous renvoie à l’amendement précédent, qui n’a pas été défendu, mais qui me semble très modéré par rapport à celui de M. Meurant. C’est quand même incroyable d’imaginer que, dans une institution républicaine, on puisse nous proposer des choses de cette nature. Mais de quoi parle-t-on ? Il s’agit du droit à pouvoir mener une vie familiale normale dès lors que l’on est sur le sol de la République. C’est une condition de l’intégration.
Soit c’est du cynisme, soit c’est à se demander, monsieur Meurant, si vous avez vraiment compris ce que vous nous avez proposé.
Mme Éliane Assassi. Il l’a très bien compris !
M. le président. L’amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
vingt-quatre mois
par les mots :
cinq ans
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il s’agit toujours d’immigration familiale, qui constitue la principale source de l’immigration régulière durable. Selon nous, il n’est pas raisonnable d’ouvrir le droit au regroupement familial en France au bout de simplement dix-huit mois. Nous proposons un délai de cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ai expliqué tout à l’heure que nous ne souhaitions pas surtranscrire les directives européennes. En l’espèce, la directive est claire, tout comme les engagements de la France de respecter cette dernière : le délai maximal dans lequel doit s’opérer le regroupement familial est de deux ans. Il ne peut donc pas être de cinq ans. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Plus de la moitié de l’immigration familiale est constituée par les conjoints et les familles de Français. J’imagine, monsieur Meurant, qu’il vous échappe qu’il puisse y avoir des familles binationales, compte tenu de la nature de votre proposition. Il faut savoir que l’humanité est une.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Vous voulez toucher à un droit fondamental, à savoir le droit de vivre en famille. Comme on vous l’a précisé, monsieur Meurant, bon nombre de nos compatriotes vivent aujourd’hui à l’étranger. Imaginez qu’on leur interdise de vivre avec leur famille. Comme vous l’a rappelé M. Leconte, n’oubliez pas l’ensemble des Français qui ont une femme ou un mari à l’étranger. Vous proposez de leur retirer un droit fondamental. C’est inacceptable ! Il serait bon, mon cher collègue, que vous vous ressaisissiez.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Si on pouvait se passer de leçons de morale, ce serait pas mal. Nous pourrions faire avancer le débat.
On ne se pose par les mêmes questions pour les Français, à l’étranger, lorsqu’ils travaillent. (Pourquoi ? sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Si les Français partent à l’étranger, c’est parce qu’ils y trouvent du travail plus facilement. Le regroupement familial de Français à l’étranger, en Suisse, en Allemagne, aux États-Unis, en Australie – je ne sais pas si vous vous y êtes déjà allés, mes chers collègues –, obéit à des règles de droit beaucoup plus strictes et beaucoup plus respectées.
Si nous en sommes à nous poser des questions sur le regroupement familial, sur l’immigration, c’est que nous sommes dans l’incapacité d’avoir une politique migratoire, au sens large, concrète et réelle. Nous sommes dans la soumission face à un flot de personnes venant sur notre territoire à n’importe quel titre, regroupement familial ou autre. La politique française ne permet pas de contrôler ces entrées. Nous sommes là à discuter d’un sujet qui est en train de faire exploser l’Europe.
Vous êtes nombreux à regretter les votes du peuple, mais ne perdez pas de vue cette notion essentielle : nous sommes en France et nous défendons les intérêts des Français, des familles françaises. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. On a compris !
M. Xavier Iacovelli. Construisons un mur !
M. Sébastien Meurant. Le regroupement familial, tel qu’il est conçu aujourd’hui, est un moyen de détourner les règles fondamentales de la dignité humaine.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 165 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 196 |
Contre | 135 |
Le Sénat a adopté.
Chapitre II
Les mesures d’éloignement
Article 11 A (nouveau)
Après le troisième alinéa de l’article L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice du cinquième alinéa du présent article, le visa de long séjour peut être refusé au ressortissant d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ou ne respectant pas les stipulations d’un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 258 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 453 est présenté par MM. de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard, Amiel, Bargeton, Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 529 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 258 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 11 A fait injonction au Gouvernement de lier les délivrances de visas dans nos ambassades et consulats à l’étranger pour les personnes souhaitant venir en France, en particulier pour des courts séjours, à la manière donc ces pays délivrent les laissez-passer consulaires pour les personnes se trouvant en situation irrégulière sur notre territoire et devant être éloignées.
C’est bien évident, lorsqu’il y a, avec un certain nombre de pays, des difficultés pour obtenir des laissez-passer consulaires, des efforts diplomatiques doivent être mis en œuvre. En revanche, lier, par définition, les délivrances de visas à des individus souhaitant légitimement se rendre en France ou en Europe au comportement du gouvernement de leur pays d’origine me semble particulièrement dangereux.
Hier, M. le ministre d’État nous a parlé de la situation en Afrique, nous donnant à cette occasion toutes les bonnes raisons de ne pas conserver cette disposition dans le projet de loi. En effet, si l’on veut pouvoir lutter contre l’immigration irrégulière, il faut casser le mythe de la réussite systématique en France. Il faut aussi permettre de la mobilité. Or, en liant laissez-passer consulaires et délivrances de visas par nos ambassades et consulats, on fait exactement le contraire : on encourage tous les mouvements à se faire de manière irrégulière.
J’ajoute qu’il est totalement irresponsable, les relations bilatérales de la France avec tous les pays du monde, et, en particulier avec les pays d’Afrique francophone, étant à multiples facettes, de tout lier à la question migratoire. Par exemple, serait-il de bonne diplomatie de lier l’ensemble de la relation avec le Mali à la question migratoire ? Certainement pas ! D’autres éléments ont justifié une intervention au Mali, au-delà de la manière dont le gouvernement malien délivre des laissez-passer consulaires.
On pourrait aussi parler d’autres pays avec lesquels nous avons besoin de coopération en matière de sécurité. Il serait tout aussi irresponsable de conditionner tous nos efforts diplomatiques à la délivrance des laissez-passer consulaires.
L’égalité entre les citoyens du monde exige que leurs demandes de visas pour de courts séjours en France…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. … soient étudiées de manière individuelle.
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter les temps de parole. Il reste encore de nombreux amendements à examiner, et vous aurez largement le temps de vous exprimer.
La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 453.
M. Alain Richard. Il arrive, et nous sommes en train de le vérifier, que l’on présente la même proposition avec des argumentations extrêmement différentes. Je suis en désaccord complet avec tout ce que vient d’expliquer l’orateur précédent. Je crois qu’il est absolument nécessaire et rationnel, si l’on veut avoir une politique de maîtrise des flux migratoires, ce qui est vital pour notre pays et pour l’Europe, d’utiliser les moyens nécessaires, dans les rapports de souveraineté, pour obtenir des pays d’origine des flux migratoires qu’ils assument leurs responsabilités en reprenant leurs ressortissants qui ont été légalement évincés du territoire français. Cela est particulièrement vrai pour les pays avec lesquels nous avons des liens de proximité et de solidarité, mais, qui, sur ce plan, pour des raisons sociales que nous pouvons entendre, s’avèrent non coopératifs, dans des conditions directement contraires aux intérêts de la France.
Cependant, nous souhaitons la suppression de cet article, car il pose des problèmes de séparation des pouvoirs, sujet auquel le Sénat est habituellement attentif. En effet, il présente le caractère d’une injonction au Gouvernement dans ses responsabilités en matière de politique internationale.
Il peut se produire qu’une commission adopte ce que l’on nomme habituellement un amendement d’appel et, du coup, en fasse un article de loi. Mais honnêtement, il ne nous paraît pas du tout rationnel d’utiliser un article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, pour enjoindre au Gouvernement de conduire telle ou telle politique en matière de visas.
À mon sens, une telle politique est nécessaire, et le Gouvernement, d’ailleurs, la mène. S’il peut échanger sur le sujet avec le Parlement, par exemple à la faveur d’un débat annuel, il ne peut y être contraint par un article faussement législatif.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 529 rectifié.
M. Guillaume Arnell. S’il est vrai que l’efficacité des mesures d’éloignement est une question centrale, nous partageons les argumentations et de M. Richard et de M. Leconte pour appuyer notre demande de suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements. Quelques mots d’explication, qui ont d’ailleurs été parfaitement résumés par M. Alain Richard.
Nous savons, et tout le monde en convient, que l’efficacité de notre politique migratoire passe d’abord, en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, par l’obtention de laissez-passer consulaires des pays sources. Je ne vais pas citer la liste des pays qui délivrent le moins de laissez-passer. Tel n’est pas le but. Il s’agit, avec cet article, de réaffirmer un principe. Il n’est pas question d’injonction ; il s’agit de la possibilité pour le Gouvernement de mener une négociation avec les pays sources pour conditionner l’obtention de visas de long séjour à celle de laissez-passer consulaires, c’est-à-dire au fait que ces pays acceptent de reprendre sur leur territoire des ressortissants en situation irrégulière sur le nôtre. Il ne s’agit de rien de plus.
Par ailleurs, cet article est conforme aux dispositions réglementaires et aux conventions internationales.
Je rappelle à cet égard que l’Europe est en train de travailler sur un type de dispositif analogue, notamment pour ce qui concerne les visas de court séjour. Inscrire une telle disposition dans ce projet de loi, tel que la commission le souhaite, permet de fixer clairement les problèmes, sans donner d’injonction au Gouvernement, qui reste, naturellement, et c’est bien normal, libre de faire ce qu’il veut. Ainsi, d’autres amendements tendant à inscrire dans le texte que l’on peut conditionner les laissez-passer consulaires à l’aide au développement n’ont pas été retenus par la commission, car ils empiétaient sur un domaine régalien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. La commission des lois a adopté cet article qui permet de refuser un visa de long séjour à un étranger au motif que l’État dont ce dernier a la nationalité n’est pas suffisamment coopératif pour réadmettre ses ressortissants faisant l’objet en France d’un mesure d’éloignement.
Il est vrai que l’obtention de laissez-passer consulaires est un déterminant de l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière, et, comme vous le savez, le Gouvernement est pleinement mobilisé à cet effet. Je peux en attester personnellement pour avoir travaillé avec des homologues de pays étrangers. Par ailleurs, cette question a fait l’objet d’une discussion lors du dernier conseil européen des ministres de l’intérieur, auquel je me suis rendue.
Cependant, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires ne saurait justifier les dispositions de l’article 11 A selon lesquelles l’autorité administrative pourrait décider de refuser ou non un visa de long séjour à un particulier sans autre critère que sa nationalité. Ces problèmes ô combien essentiels ne sauraient se régler dans le cadre d’un « marchandage » entre des situations individuelles. Ils doivent l’être, comme l’a rappelé Alain Richard, dans le cadre d’une action diplomatique.
À cet égard, le Gouvernement conduit une action résolue pour accroître la délivrance par les pays d’origine de ces documents. Cela passe par l’action diplomatique menée non seulement par le Président de la République et le Gouvernement, mais aussi par l’ambassadeur des migrations, qui intervient auprès des pays d’origine, ainsi que par la mise en place au ministère de l’intérieur d’une task force qui intervient en appui des préfets en cas de difficultés à obtenir des documents.
Cette action porte déjà ses fruits, même si c’est de façon inégale. En 2017, le nombre d’éloignements a augmenté de 14 % par rapport à 2016. C’est encore insuffisant, nous le savons, mais je voulais le signaler. Sur les quatre premiers mois de la présente année, les éloignements ont aussi augmenté de 14 % par rapport à la même période de l’année 2017.
Je donne un avis favorable sur ces trois amendements, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un vrai sujet. Néanmoins, nous pensons qu’il ne relève pas du niveau législatif.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je dois dire que l’article 11 A me laisse dubitatif. Prenons un cas individuel. On propose à un jeune de venir faire des études en France, ce qui est positif pour notre économie. Il pourra arriver que cette personne tombe dans les quotas de refusés. Cette politique ne me paraît pas très intelligente.
J’ajoute que nous avons déjà discuté un certain nombre d’accords avec des pays sources d’immigration. Je pense au Sénégal, au Mali, entre autres. Or ces accords n’ont rien donné. Pour des raisons de politique interne et parce qu’il s’agit de questions complexes, difficiles pour les gouvernements locaux, ces pays, même quand ils ont été engagés dans des accords avec la France – ces accords portent d’ailleurs plutôt sur la politique de coopération et les crédits pouvant être mis à leur disposition : on vous donne plus d’argent si vous nous accordez plus de laissez-passer consulaires –, n’ont pu respecter les termes de ces accords. Selon moi, le système proposé à l’article 11 A donnera les mêmes résultats.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. L’article 11 A est inquiétant, car, au-delà de ce qui vient d’être dit, il fait surtout porter la responsabilité aux ressortissants étrangers des dysfonctionnements de l’administration de leur pays d’origine. Je pense aussi, comme le précise l’objet de l’amendement n° 258 rectifié bis, qu’il est contraire à l’article 1er de la Constitution. C’est pourquoi nous soutiendrons ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. La question de l’éloignement est centrale pour la crédibilité de l’ensemble de la politique migratoire française.
Lors d’un déplacement au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, il nous a été très clairement expliqué que l’éloignement forcé ne concerne, et vous le savez tous, qu’une partie très faible des décisions d’expulsion. Ne repartent que ceux qui veulent repartir. Il y a aussi les personnes qui se sont fait avoir, comme cette personne venant du Maroc, avec qui nous avons discuté : on lui avait promis le mariage et elle repartait parce qu’elle avait une famille chez elle. En revanche, les personnes qui ne veulent pas repartir arrivent à leurs fins, puisque sont utilisés pour les expulsions des avions commerciaux, et non, comme en Allemagne, des avions militaires. Or vous savez très bien qu’une personne faisant du chahut dans un avion commercial est débarquée immédiatement. C’est une des raisons pour lesquelles on expulse peu. Il suffit d’aller écouter ceux qui, au quotidien, sont chargés de cette tâche.
Tous les moyens sont bons à partir du moment où l’on veut véritablement maîtriser nos flux.
Je pense, par ailleurs, qu’il serait sage de lier nos choix à la bonne volonté des États sources d’immigration dans la délivrance des laissez-passer consulaires. Le président du Sénat est actuellement au Maroc, qui n’est pas irréprochable en la matière, et vous savez très bien que de très nombreux autres pays ne délivrent pas ces laissez-passer consulaires, condition indispensable pour renvoyer les personnes chez elles.
Vous devriez applaudir des deux mains toutes les propositions qui vont dans le sens de la maîtrise de ces flux, qu’elles soient législatives ou diplomatiques. M. le ministre d’État parlait hier du Niger : on aimerait bien savoir ce que les discussions ont donné avec d’autres pays sources d’immigration, comme le Mali.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je profite de cette intervention pour dire que je vais retirer l’amendement suivant, ce qui nous fera gagner du temps. D’ailleurs, je propose à tous mes collègues de se concentrer sur les amendements essentiels pour donner un peu de clarté au débat, car nous sommes tous un peu perdus.
Mme Éliane Assassi. C’est surtout vous qui êtes perdus !
M. Roger Karoutchi. Non, madame Assassi, personne ne suit en ce moment, rassurez-vous, les débats du Sénat. Nous nous sommes vraiment discrédités.
La réalité est assez complexe. Je soutiens naturellement la position de la commission.
Madame la ministre, je le sais, nous devons trouver un équilibre.
J’en suis bien conscient, le Royaume du Maroc, par exemple, n’accepte pas facilement les renvois. Et « en même temps » – les termes sont à la mode ! –, il nous aide beaucoup dans la lutte contre le terrorisme. Par conséquent, il y a du négatif et du positif !
Je suis tout aussi conscient que c’est du « cousu main ». On ne peut pas à la fois demander à certains États – le Niger, le Mali ou le Maroc – de faire des efforts pour reprendre des personnes que nous leur renvoyons et solliciter leur aide pour lutter contre le terrorisme et des comportements dramatiques pour nous. C’est dire que tout cela est compliqué !
Pour autant, madame la ministre, on ne peut pas se contenter de 5 % à 7 % de reconductions à la frontière. Sauf à admettre que nos réglementations n’ont pas beaucoup de sens et d’efficacité, on ne peut pas accepter ce chiffre, que nous tenons non d’un organisme de droite ou de n’importe qui, mais de la Cour des comptes.
Il ne faut pas s’étonner que certains de nos concitoyens se demandent ce que cela signifie. Ils comprendraient que, en application des règles, les gens respectueux du droit soient intégrés, tandis que ceux qui l’ont transgressé sont reconduits à la frontière. En respectant les règles, on libère l’esprit et on apaise les consciences. Mais il n’est pas facile d’accepter que tous soient traités de la même façon, quelle qu’ait été leur attitude vis-à-vis du droit.
Pour ma part, je suis sûr que le Gouvernement fait des efforts à l’égard des États susceptibles de reprendre les personnes reconduites. Cette politique, il faut encore la renforcer pour parvenir à un accord global et à un équilibre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je vais, en fait d’explication de vote, présenter une excuse et donner une précision.
Tout à l’heure, je me suis trompé, car j’ai confondu l’article avec une proposition de la Commission européenne sur les visas de court séjour. La Commission envisage en effet de calquer la délivrance de ces visas sur la procédure suivie par certains pays pour la délivrance des laissez-passer consulaires. Je tenais donc à vous prier, mes chers collègues, d’excuser cette confusion, qui ne change toutefois rien à la suite de mon argumentation.
Cela étant, je relève une difficulté supplémentaire s’agissant de visas de long séjour. En effet, on risque de placer en situation d’illégalité, sur le simple fondement de leur nationalité d’origine, des personnes déjà présentes sur le territoire et qui étaient en voie d’intégration.
Donc, au-delà de tout ce qui a pu être dit, je crois vraiment que l’idée de la conditionnalité des visas n’est pas bonne, qu’elle vienne de la Commission européenne ou de l’échelon national.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sans ajouter de longs discours au débat, je rappelle que nous parlons d’accords bilatéraux ou multilatéraux. Qui dit « accord » dit nécessairement discussions. Je pense, comme M. Karoutchi et d’autres, que la négociation d’un accord implique une discussion sur absolument tous les sujets. Il n’est pas question de remettre en cause les relations diplomatiques déjà construites, qui se traduisent par des coopérations dans différents domaines, l’économie comme le renseignement, par exemple. L’enjeu, c’est d’obtenir un accord.
Je parle de mémoire, la France doit avoir conclu 49 accords bilatéraux, dont le dernier remonte, me semble-t-il, à 2009. L’Union européenne en a passé 17, le dernier datant de 2013. Depuis, aucun de ces accords n’a évolué. Aucun ne nous a permis d’améliorer la situation et d’obtenir ce que nous recherchons. Notre but n’est pas d’empêcher les gens d’être en situation régulière sur le territoire ou de bloquer de quelconques coopérations ou situations individuelles. Ce que nous voulons, c’est amener le pays dont ressortissent des personnes qui sont en situation clairement jugée irrégulière à les reprendre sur son territoire, ni plus ni moins ! Je le répète, une fois de plus, il s’agit d’accords ; il n’est pas question d’imposer une mesure.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je veux, d’abord, au risque d’enfoncer une porte ouverte, rappeler qu’aucun étranger n’a droit à un visa. Aucun ! L’attribution d’un visa, c’est une prérogative de souveraineté que la République française exerce, avec un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, il ne faut pas s’étonner que celle-ci puisse décider tout à fait librement de sa pratique en la matière.
J’en viens, ensuite, à un deuxième point. La disposition adoptée par la commission des lois et que plusieurs amendements tendent à supprimer est respectueuse des prérogatives diplomatiques du gouvernement français. Elle ne lui fait aucune injonction. Elle indique simplement que la France peut refuser des visas quand le pays d’origine du demandeur ne remplit pas ses devoirs tels qu’elle les conçoit à son égard, soit qu’il viole les dispositions d’un accord passé avec elle, soit qu’il fasse preuve de mauvaise volonté pour la délivrance, par exemple, de certificats consulaires pour ses ressortissants en instance d’éloignement et que nous ne pouvons pas éloigner tant que nous n’avons pas la confirmation de leur identité et de leur nationalité. C’est l’objet même de ces certificats consulaires.
Il ne faudrait donc pas faire à la disposition adoptée par la commission des lois un excès d’indignité. Elle n’est pas frustratoire de droits qu’exerceraient des étrangers à l’égard de la République ! Elle n’est pas non plus réductrice des pouvoirs du Gouvernement ! Par conséquent, je ne vois pas les raisons pour lesquelles le débat devrait susciter des antagonismes sur ces sujets.
Quand le ministre de l’intérieur va négocier avec un État étranger pour que celui-ci délivre plus facilement des certificats consulaires, il se prévaut de la volonté expresse du Président de la République en ce sens. Eh bien, désormais, si nous gardons la disposition adoptée par la commission des lois, il pourra se prévaloir aussi de la volonté expresse de la représentation nationale ! Nous donnons ainsi plus de force au ministre de l’intérieur pour ces négociations. Et c’est, de mon point de vue, une très bonne chose pour faire progresser la maîtrise des flux migratoires sans frustrer aucun droit d’aucune personne, d’aucun État ni du Gouvernement !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 258 rectifié bis, 453 et 529 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 166 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 196 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 11 A.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Mme Esther Benbassa. Encore ! Cela devient une caricature !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 167 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 195 |
Contre | 135 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l’article 11 A
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, MM. Sol et Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mme Deseyne, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. Gilles, Gremillet, Leleux, Mandelli, Milon, Pierre et Vogel et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 11 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque année, le Gouvernement publie un rapport, pays par pays, sur le nombre de laissez-passer consulaires demandés, délivrés et sur le montant de l’aide publique au développement accordée par la France à chacun des pays.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Retiré !
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié bis est retiré.
Article 11
I. – L’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le 6° du I est ainsi modifié :
a) La référence : « de l’article L. 743-2 » est remplacée par les références : « des articles L. 743-1 et L. 743-2 » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque, dans l’hypothèse mentionnée à l’article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l’étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; »
2° Le 3° du II est ainsi modifié :
a) Le e est complété par les mots : « ou s’il a fait usage d’un tel titre ou document » ;
b) Le f est ainsi rédigé :
« f) Si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l’article L. 611-3, qu’il a altéré volontairement ses empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; »
c) Après le même f, sont insérés des g et h ainsi rédigés :
« g) Si l’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un de ces États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
« h) Si l’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. » ;
3° Le III est ainsi modifié :
a) Les premier à huitième alinéas sont remplacés par neuf alinéas ainsi rédigés :
« III. – L’autorité administrative, par une décision motivée, assortit l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée maximale de cinq ans à compter de l’exécution de ladite obligation :
« 1° Lorsque aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger ;
« 2° Lorsque, un délai de départ volontaire lui ayant été accordé, l’étranger qui ne faisait pas l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire français s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà dudit délai.
« Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative ne prononce pas d’interdiction de retour.
« L’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français de l’étranger disposant d’un délai volontaire de départ d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée maximale de cinq ans à compter de l’exécution de ladite obligation.
« Sauf s’il n’a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l’ordre public, le présent III n’est pas applicable à l’étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l’article L. 316-1 n’a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d’un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre État membre de l’Union européenne, il n’a pas rejoint le territoire de cet État à l’expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire.
« L’étranger à l’encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen, conformément à l’article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l’étranger en cas d’annulation ou d’abrogation de l’interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire.
« Lorsque l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu’il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l’obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l’interdiction de retour poursuit ses effets, l’autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans.
« La durée de l’interdiction de retour ainsi que, dans le cas mentionné au cinquième alinéa du présent III, son prononcé sont décidés par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. » ;
b à f) (Supprimés)
g) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « , selon des modalités déterminées par voie réglementaire, » sont supprimés ;
h) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de constat de la date d’exécution de l’obligation de quitter le territoire français de l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour sont déterminées par voie réglementaire. »
II. – (nouveau) Au deuxième alinéa du I bis de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la référence : « sixième alinéa » est remplacée par la référence : « 2° ».
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Le présent article 11 comporte deux mesures particulièrement problématiques.
Il prévoit, tout d’abord, qu’un étranger qui a déposé une demande d’asile et qui souhaite demander un autre titre de séjour doit effectuer cette seconde démarche en parallèle de la première.
Il précise, ensuite, que, en cas de rejet de la demande d’asile et de la demande de titre de séjour, la délivrance d’une obligation de quitter le territoire français est systématique.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, préalablement à l’étude du présent projet de loi, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et moi-même avons mené plusieurs auditions, afin d’appréhender la situation des exilés femmes et LGBT.
Les associations de défense des droits des gays ont notamment tenu à ce que nous fassions cas des dérives que le présent article pourrait entraîner à l’encontre des personnes issues de ces minorités.
Par exemple, une personne homosexuelle séropositive qui n’aurait pas été bien informée sur la nécessité de formuler ses deux demandes parallèlement et qui se serait vu déboutée de sa demande d’asile, n’ayant pu « prouver » son homosexualité, se verrait signifier une obligation de quitter le territoire français, OQTF, alors même que sa condition sanitaire aurait pu lui permettre d’être éligible à un titre de séjour pour motif de santé.
Ces mesures ont pour effet de limiter de manière significative le droit des exilés à bénéficier d’un titre de séjour. L’article limite également la possibilité pour les requérants de fonder sereinement leurs dossiers. Ces éléments sont particulièrement préoccupants, notamment pour les cas que nous venons de soulever.
Nous ne pouvons accepter la précarisation de populations déjà si fragiles !
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, sur l’article.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je suis, comme tous ceux qui sont présents, ces débats sur l’immigration avec beaucoup d’intérêt. Je m’interroge cependant quand je vois la façon dont les débats se sont déroulés hier, ce qui m’a paru un peu ressembler à des enfantillages.
Au fond, je comprends qu’un certain nombre d’élus de notre sensibilité soient absents. Je ne les excuse pas, mais je justifie leur absence. Je trouve en effet que la réponse qu’on apporte aujourd’hui à cette problématique extrêmement grave qu’est l’immigration est bien en deçà de ce que nous devrions faire.
À voir notre manière de travailler ce texte, corrigeant une virgule, rajoutant un délai ou une signature, j’ai l’impression que nous sommes en train de défricher, avec des ciseaux à ongles, un terrain de la taille d’un stade de football !
Je crois qu’il faudrait arrêter de se raconter des histoires et regarder la réalité ! La vérité, c’est que 100 000 migrants traversent chaque année la Méditerranée ! La réalité, c’est que 3,5 millions de réfugiés sont basés en Turquie et qu’ils y restent par la grâce d’un accord de dupes avec ce pays, lequel peut d’ailleurs très bien ouvrir ses vannes à la première occasion ! Les faits, ce sont surtout – et ce n’est pas moi qui le dis – 20 à 25 millions de migrants potentiels, qui se pressent en Afrique, en bordure de l’Europe. M. le ministre de l’intérieur nous a informés hier soir que deux nouveaux bateaux étaient encore en train de s’approcher de nos côtes.
Alors, on peut continuer ce travail avec nos petits ciseaux au fil de nos petits débats. Comme la taille du stade va doubler tous les ans, on n’est pas sorti de l’auberge !
Que fait-on maintenant, mes chers collègues ? Est-ce qu’on va continuer à s’amuser comme on est en train de le faire depuis un moment ? La réponse pourrait être européenne, mais l’Europe, on l’a bien vu avec l’Aquarius, est aux abonnés absents ! Certains États essaient, chacun à leur niveau, de se défendre comme ils le peuvent. Il y a tous ceux qui sont situés en bordure de l’espace Schengen qui tentent de régler les problèmes et supportent tout le poids des migrants et des immigrés clandestins.
Je pose de nouveau la question : que fait-on ? Veut-on ou non éviter d’assister chez nous à ce qui est en train de se passer en Pologne, en Autriche, en Hongrie, en Italie et maintenant en Allemagne ? Car l’échéance, c’est demain matin, avec des élections européennes qui vont faire le nid de ceux que vous prétendez combattre !
M. le président. Veuillez conclure !
M. Philippe Pemezec. Je pose une question : est-ce qu’on n’aurait pas tout simplement intérêt…
M. le président. Il faut conclure !
M. Philippe Pemezec…. à stopper l’immigration, le temps de poser les bases d’une nouvelle politique fondée sur le codéveloppement ?
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, je ne me suis pas exprimé jusqu’à présent !
M. le président. Mais vous avez dépassé largement votre temps de parole !
M. Philippe Pemezec. Je pense que tous nos efforts devraient être concentrés sur cette problématique de l’immigration.
M. le président. S’il vous plaît, mon cher collègue !
M. Philippe Pemezec. L’Europe devrait être focalisée sur ce sujet parce qu’il y va de notre responsabilité vis-à-vis de nos enfants ! Et je pense que c’est une lourde responsabilité !
M. le président. Mes chers collègues, je le répète, je ne suis pas d’une sévérité extrême. J’admets qu’un orateur puisse dépasser son temps de parole de dix secondes pour terminer son intervention. Mais je n’admets pas que l’on dépasse son temps de trente secondes, dans un premier temps, puis, ayant continué son intervention, de quarante-cinq secondes.
Sachez-le, j’ai un moyen que je n’hésiterai pas à utiliser : je couperai le micro !
M. Richard Yung. Très bien !
M. Philippe Pemezec. J’espère que cela sera pareil pour tout le monde !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. On ne va pas refaire de nouveau la discussion générale.
Oui, d’une certaine façon, vous avez raison : les conventions internationales sur le droit d’asile – il faut les respecter, tout le monde en est d’accord – ont été passées à une époque où les migrations n’étaient pas du tout ce qu’elles sont devenues.
Oui, les inégalités se sont considérablement accrues sur la planète. Les mobilités se sont développées. Aujourd’hui, il est beaucoup plus simple que dans les années soixante de venir depuis un pays d’Afrique de l’Ouest en France ou en Europe. Les changements climatiques génèrent de nouveaux mouvements de populations. Et nous en sommes à discuter pour restreindre les droits relatifs à l’asile, nous en sommes à tripatouiller et à essayer de poser des verrous partout !
Depuis le début de la discussion, sur nos travées, nous le disons, ce projet de loi n’est pas adapté. Il ne résoudra rien du tout ! En plus, nous ne cessons de le dire, il restreint des droits sur un certain nombre de points, ce qui n’est pas digne. On peut partager ce constat et reprendre la discussion générale à tout moment.
On nous présente un projet de loi dont l’objet n’est pas de mieux répondre aux demandeurs d’asile, de faire preuve d’humanité et de fermeté, comme l’étale l’exposé des motifs !
Les mouvements migratoires traduisent la mondialisation qui permet aux populations de prendre beaucoup plus facilement l’avion. Partout sur la planète, ils se développent. On va vers les pays dans lesquels la richesse s’accumule et on quitte ceux qui ont beaucoup plus de mal à se développer pour quantité de raisons, qui relèvent de l’ordre économique, de l’exploitation des données naturelles, de l’organisation politique et de la gouvernance de ces pays…
Bref, nous le constatons tous, les mouvements migratoires mondiaux explosent. Et les barrières que vous essayez de poser dans ce projet de loi sont inutiles, inefficaces et indignes. Ce n’est pas une réponse, mais nous en sommes là ! Donc, nous poursuivons la discussion en nous concentrant sur des amendements qui essaient de limiter les dégâts !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Les mouvements migratoires ne sont pas un problème, ils sont un défi. D’ailleurs, une étude de l’OCDE, publiée il y a quelques jours, corrèle la capacité d’un pays à accueillir des migrants avec sa croissance économique.
Sur des travées où l’on nous a expliqué, pendant des années, que le travail ne se divise pas et qu’il appelle le travail, il est quand même assez étonnant de proposer de construire des barrières et empêcher ainsi que les choses se passent le mieux possible pour les personnes qui veulent venir travailler et s’intégrer.
Les mouvements migratoires sont donc un défi qu’il convient de relever pour faire en sorte que ces migrations soient une chance pour notre pays.
Cela dit, nous faisons notre travail. Oui, de ce côté de l’hémicycle, nous faisons notre travail ! Nous sommes présents, nous essayons de relever, les uns après les autres, les points qui, dans ce projet de loi, nous semblent problématiques. Je suis désolé de vous le dire, mes chers collègues, nous continuerons jusqu’au bout à signaler les interrogations et inquiétudes que suscite en nous ce texte. Et nous le ferons jusqu’à l’examen du dernier amendement !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. M. Pemezec a enfin dit les choses : si ses collègues sont absents, c’est parce qu’ils sont insatisfaits de ce texte, pourtant élaboré par le groupe Les Républicains auquel appartient la majorité des membres de la commission des lois, son rapporteur, comme son président.
Je reviens à ce que j’ai évoqué tout à l’heure. Vous l’avez parfaitement compris, monsieur le président, je ne vous saisissais pas d’une motion de renvoi à la commission. Je vous interrogeais sur la meilleure façon de continuer nos travaux.
J’ai entendu M. Pemezec dire qu’il comprend l’absence de ses collègues parce que le texte ne les satisfait pas. Alors que faisons-nous maintenant ? Allons-nous continuer ainsi ?
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, votre attitude me pose en effet un problème. Vous demandez des scrutins publics sur chaque amendement et sur chaque article, mais êtes-vous sûrs de pouvoir voter, tel que vous le faites, pour vos collègues absents ? Car s’ils ne sont pas là, M. Pemezec l’a dit, c’est justement parce qu’ils ne sont pas d’accord avec ce texte.
M. Roger Karoutchi. Occupez-vous de votre groupe et laissez-nous nous occuper du nôtre !
Mme Catherine Troendlé. Arrêtez ! C’est le b.a.-ba du fonctionnement de notre assemblée !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je dis simplement que, à en croire M. Pemezec, un certain nombre d’entre eux ne sont visiblement pas d’accord avec le texte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Si j’en juge par ce brouhaha, j’ai touché un point sensible !
M. Roger Karoutchi. Chacun est maître chez soi !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je pense vraiment, cher Roger Karoutchi, que travailler de nouveau ce texte en commission permettrait d’élaborer une rédaction qui puisse ensuite être examinée en séance de manière efficace.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, sur l’article.
Mme Catherine Troendlé. Sans vouloir allonger les débats, je veux répondre à Mme de la Gontrie. Nous avons l’habitude de la gestion d’un groupe ! Nous sommes aguerris !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ça ne se voit pas ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Catherine Troendlé. Ne nous donnez pas de leçons ! Cela fait quelques années que je suis au Sénat. Je me rappelle que vous étiez dans la même situation, il y a quelque temps.
M. Roger Karoutchi. Oh oui !
Mme Catherine Troendlé. Vous n’arriviez pas du tout à mobiliser. Vous demandiez scrutin public sur scrutin public et nous n’en faisions pas toute une histoire, comme vous aujourd’hui.
Vous nous demandez si nous sommes certains d’être suivis par l’ensemble de nos collègues lors des scrutins publics. Eh bien, oui ! Oui, madame de la Gontrie, nous le savons,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce n’est pas ce que dit M. Pemezec !
Mme Catherine Troendlé. … parce que notre groupe est organisé de ce point de vue. Nous savons pour qui nous votons. Nous savons aussi quelles personnes souhaitent s’abstenir. Tout cela, c’est une organisation bien rodée. Dans quelques années, quand vous aurez un petit peu plus d’expérience, vous comprendrez comment fonctionne le Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Xavier Iacovelli. Qu’est-ce que ce mépris pour vos collègues plus récents que vous ?
M. le président. On ne va pas recommencer !
M. Alain Richard. Pourtant, c’est bien parti !
M. le président. Avant de donner la parole aux autres orateurs qui souhaitent s’exprimer sur l’article, je veux faire le point une bonne fois pour toutes sur le déroulement des débats. J’appelle chacun à prendre ses responsabilités.
Mme Catherine Troendlé. Voilà !
M. le président. Nous avons examiné dix amendements en une heure et demie, ce qui nous conduit droit dans l’impasse. À ce rythme, puisqu’il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée, nous ne finirons pas l’examen de ce texte lundi soir.
Chacun prend ses responsabilités, mais on ne peut reprocher à la personne qui mène les débats de respecter les droits de chacun, qu’il s’agisse du temps de parole ou du choix du mode de scrutin.
La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je veux revenir sur le fond et faire deux mises au point.
D’abord, si nous en sommes là, c’est parce que, comme Mme Assassi l’a dit, nous examinons le présent projet de loi après engagement de la procédure accélérée, selon un calendrier complètement aberrant, alors que ce texte fondamental.
Ensuite, à chacun de prendre ses responsabilités ! Ce texte est un projet du Gouvernement. Il est mauvais, nous le combattons. Il a été durci par la commission des lois, ce qui le rend encore plus mauvais. C’est la raison pour laquelle nous continuons à le combattre.
Sur le fond, il faut réfléchir ensemble. Depuis le début, on ne cesse d’invoquer l’invasion des migrants, qui seraient à nos portes et feraient peur, donnant lieu à l’expression de fantasmes de tous ordres.
Je vais vous donner un chiffre important : durant les trois dernières années, la France a accueilli au total, au titre du droit d’asile, 78 016 personnes, soit 0,1 % de notre population – je parle bien de l’asile et, en ce qui me concerne, je ne mélange pas avec autre chose… Comment parler, dans ces conditions, d’une invasion ? Et rappelons-nous que la France n’est que le cinquième pays de destination après les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Canada !
Enfin, nul besoin de revenir sur les causes des migrations – mes collègues de gauche en ont parlé – ou sur le fait que les migrants contribuent de manière significative à la croissance économique. La réalité de cette contribution repose sur des chiffres objectifs, pas sur une invention des communistes, des écologistes ou des socialistes !
Notre débat doit s’appuyer sur des chiffres réels, pas sur des fantasmes. C’est une minorité qui agite les peurs, mais malheureusement, elle prend le pouvoir un peu partout en Europe !
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer l’article 11. Je le considère comme défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 69 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin et les membres du , est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 461, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
M. Ravier n’est pas là…
L’amendement n° 259 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Les a, b et c sont abrogés ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à supprimer trois des cas qui caractérisent actuellement un risque de fuite. Il est incontestable que le fait de ne pas solliciter la délivrance d’un titre de séjour ou de se maintenir sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou après l’expiration de son titre de séjour ne peut pas caractériser à lui seul un risque de fuite. En clair, le maintien sur le territoire ne suppose pas en lui-même un risque de fuite.
Monsieur le président, je vous propose de présenter dès maintenant les six amendements suivants, afin d’accélérer notre cadence horaire…
M. le président. Je vous en remercie !
Je vais donc appeler en discussion les amendements nos 260 rectifié bis, 261 rectifié bis, 262 rectifié bis, 263 rectifié bis, 264 rectifié bis et 265 rectifié bis.
L’amendement n° 260 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
tel titre ou document
par les mots :
titre ou document en sachant que ce titre ou document est frauduleux
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement concerne la situation d’un étranger qui accepte un départ volontaire, mais fait l’objet d’une OQTF sans délai en raison de l’usage d’un titre de séjour frauduleux. À notre sens, il faut que la personne concernée ait connaissance du caractère frauduleux du titre de séjour qu’elle utilise ; en effet, nous savons bien que les étrangers se font souvent escroquer par des gens particulièrement mal intentionnés.
M. le président. L’amendement n° 261 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
qu’il a altéré volontairement ses empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement,
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de caractériser une absence de garanties de représentation suffisantes du seul fait que l’étranger aurait « volontairement » altéré ses empreintes digitales. En effet, le caractère volontaire sera très difficile à établir, ce qui réduit sensiblement l’utilité de la mesure, et il n’existe pas de véritable lien entre l’absence de garanties et les empreintes digitales.
M. le président. L’amendement n° 262 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer le mot :
assortit
par les mots :
peut assortir
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement a pour objet de donner une marge d’appréciation au préfet concernant le prononcé d’une interdiction de retour. En effet, l’automaticité d’une telle mesure encourt l’inconstitutionnalité, puisque le Conseil constitutionnel a pris, le 13 août 1993, une décision de censure contre l’interdiction de retour automatique.
M. le président. L’amendement n° 263 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement a pour objet de maintenir à 3 ans la durée maximale de l’interdiction de retour sur le territoire français. L’allongement à 5 ans n’est justifié par aucun élément objectif.
M. le président. L’amendement n° 264 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français pour un étranger faisant l’objet d’une OQTF avec délai dans le cadre d’un départ volontaire.
M. le président. L’amendement n° 265 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à supprimer la disposition qui permet de prolonger l’interdiction de retour sur le territoire au-delà du délai de 5 ans.
M. le président. Je vous remercie de cette présentation synthétique, qui nous permet d’avancer.
Quel est l’avis de la commission sur ces sept amendements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Moi aussi, je vais tenter de dépasser les 80 kilomètres par heure… (Sourires.)
En ce qui concerne l’amendement n° 259 rectifié bis, l’avis de la commission est défavorable, car son adoption limiterait considérablement les moyens des services en charge de l’éloignement.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 260 rectifié bis, qui concerne l’utilisation de documents faux ou falsifiés. En effet, nous sommes favorables à une harmonisation, ce que permet la rédaction de l’article.
L’amendement n° 261 rectifié bis concerne l’altération des empreintes digitales faite volontairement pour empêcher l’enregistrement de la personne concernée. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous êtes défavorable à tout !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Certes, mais je vous donne aussi quelques explications…
L’avis est défavorable sur l’amendement n° 262 rectifié bis. La rédaction de l’alinéa 14 est conforme à la directive Retour.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 263 rectifié bis, car l’objectif de la commission est bien de fixer la durée maximale de l’interdiction de retour à 5 ans, conformément à ce que permet le droit européen.
Enfin, l’avis est défavorable sur les amendements nos 264 rectifié bis et 265 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° 259 rectifié bis, l’avis est défavorable dans la mesure où il prévoit de supprimer trois des cas permettant de révéler un risque de fuite, comme le maintien sur le territoire sans que soit effectuée la moindre démarche en vue de régulariser la situation ou l’absence de demande de renouvellement du titre de séjour dans le mois qui suit son expiration. En tout état de cause, ces comportements témoignent d’une absence de volonté de coopération avec les autorités.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 260 rectifié bis, qui concerne les étrangers qui n’auraient pas connaissance que leur document d’identification ou de voyage est falsifié. Cette situation est peu plausible !
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 261 rectifié bis. La commission des lois a adopté une disposition qui ajoute aux critères permettant d’établir un risque de fuite les cas d’altération volontaire des empreintes digitales aux fins d’empêcher l’enregistrement. Compte tenu de la difficulté de caractériser cette intentionnalité, le Gouvernement préfère retenir comme critère le refus de se soumettre au contrôle, qui peut plus facilement être caractérisé.
En revanche, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 262 rectifié bis, car son adoption serait contraire à la directive Retour.
L’amendement n° 263 rectifié bis vise à ramener de 5 ans à 3 ans la durée maximale de la mesure d’interdiction de retour prise si aucun délai de départ volontaire n’a été accordé ou lorsque l’OQTF n’a pas été respectée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L’avis est défavorable sur l’amendement n° 264 rectifié bis, car son adoption conduirait à restreindre l’application de l’interdiction de retour aux seuls cas où elle est systématique, sous réserve de circonstances particulières.
Enfin, le Gouvernement donne un avis de sagesse sur l’amendement n° 265 rectifié bis.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 259 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 260 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 261 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 262 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 263 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 264 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 265 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
Mme Esther Benbassa. À main levée ? Cela faisait longtemps…
(L’article 11 est adopté.)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 462, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
M. Ravier n’est toujours pas là…
Article 11 bis (nouveau)
L’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au début du dernier alinéa du I, sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l’étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l’Union européenne avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen où il est légalement admissible. Toutefois, lorsqu’il est accompagné d’un enfant mineur ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse dont il assure seul la garde effective, il ne peut être tenu de rejoindre qu’un pays membre de l’Union européenne ou avec lequel s’applique l’acquis de Schengen. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « L’étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d’un délai de départ volontaire de sept jours à compter de la notification de l’obligation de quitter le territoire français. » ;
b) Les deuxième à quatrième phrases sont supprimées.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 266 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 500 est présenté par MM. Richard, Amiel, Bargeton, Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 266 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 500.
M. Alain Richard. Pour des raisons essentiellement pratiques, le groupe La République En Marche est en désaccord avec la commission sur l’article 11 bis. En effet, il est beaucoup plus efficace de maintenir le délai de départ volontaire à 30 jours, ce qui permet de dialoguer avec les personnes concernées et de les convaincre des avantages mutuels de procéder ainsi. Comme l’ont dit certains collègues, un départ volontaire est nettement moins coûteux pour la collectivité. C’est pourquoi il nous semble que raccourcir excessivement ce délai – il passerait à 7 jours – est de nature à faire perdre des ressources et des moyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, parce qu’elle souhaite revenir à la disposition que le Sénat avait adoptée en 2015.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme vient de l’indiquer Alain Richard, le dispositif du départ volontaire est prévu pour que les personnes puissent préparer elles-mêmes leur départ et le délai qui leur est accordé doit être suffisant pour accomplir les démarches nécessaires pour cela.
Je ne comprends pas très bien ce qu’apporte la réduction de ce délai de 30 jours à 7 jours. Une telle réduction constitue plutôt une limite au départ des personnes. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 266 rectifié bis et 500.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 11 bis.
(L’article 11 bis est adopté.)
Article 12
L’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa du I bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La même procédure s’applique lorsque l’étranger conteste une obligation de quitter le territoire fondée sur le 6° du I de l’article L. 511-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment. Dans cette hypothèse, le président du tribunal administratif ou le juge qu’il désigne à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le juge des libertés et de la détention informe sans délai le tribunal administratif territorialement compétent, par tout moyen, du sens de sa décision. La méconnaissance des dispositions de l’avant-dernière phrase du présent alinéa est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé de procédures ultérieures d’éloignement et de rétention. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– à la fin de la première phrase, les mots : « soixante-douze heures à compter de sa saisine » sont remplacés par les mots : « quatre-vingt-seize heures à compter de l’expiration du délai de recours » ;
– au début de l’avant-dernière phrase, les mots : « Sauf si l’étranger, dûment informé dans une langue qu’il comprend, s’y oppose, » sont supprimés ;
c) Le début de la seconde phrase du dernier alinéa est ainsi rédigé : « Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de … (le reste sans changement) ».
M. le président. L’amendement n° 267 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du I bis, la référence : « , 4° » est supprimée ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. L’article 12 du projet de loi a pour objet de modifier l’article L. 512-1 du CESEDA, qui prévoit un régime de recours abrégé dans un délai de 15 jours et selon une procédure à juge unique sans conclusions du rapporteur public contre certaines OQTF.
Monsieur le président, je me propose de présenter dès maintenant les amendements nos 267 rectifié bis, 270 rectifié bis, 271 rectifié bis, 356 rectifié bis et 268 rectifié bis.
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue. Veuillez poursuivre.
Mme Sophie Taillé-Polian. Ces amendements visent en effet à préserver les droits de ceux qui demandent l’asile ou un autre titre de séjour. Nous nous battons pied à pied, amendement après amendement, pour préserver ces droits au nom de nos valeurs et de nos principes. Malgré ce que certains semblent penser, ce n’est pas lorsque les principes sont difficiles à appliquer qu’il faut les remettre en cause. C’est précisément dans ces circonstances qu’ils doivent nous servir de boussole !
L’amendement n° 267 rectifié bis vise à ne pas rendre applicable le régime dérogatoire de l’article L. 512-1 du CESEDA aux étrangers n’ayant pas demandé le renouvellement de leur titre de séjour dans les temps. Rien ne justifie que ces personnes soient sanctionnées une seconde fois par un délai restreint de recours réduit à 2 semaines, alors même que, souvent, elles n’ont pas pu faire autrement.
L’amendement n° 270 rectifié bis vise à supprimer une disposition, dont la conséquence est de priver les requérants de leur liberté pendant une durée plus longue.
L’amendement n° 271 rectifié bis vise à supprimer la possibilité d’organiser une audience par vidéoconférence sans l’accord du requérant.
L’amendement n° 356 rectifié bis vise à supprimer l’absence de conclusions du rapporteur public pour apporter davantage de garanties à la procédure.
L’amendement n° 268 rectifié bis vise à assurer que la mise en œuvre du droit de recours soit pleinement effective et non restreinte. Il faut savoir que 58 % des OQTF sont notifiées en fin de semaine, si bien que le délai de recours empiète sur des jours non ouvrés. Imaginez quand une OQTF est notifiée un vendredi soir ! C’est pourquoi nous proposons d’exprimer le délai de recours en jours ouvrés, et non en heures.
Ces amendements peuvent apparaître comme des détails, mais chacune des mesures en question a des conséquences extrêmement lourdes pour ceux qui demandent l’asile ou un autre titre de séjour.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 267 rectifié bis ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais tout d’abord dire que la réglementation des obligations de quitter le territoire est particulièrement complexe et je crois sincèrement qu’une réforme globale s’impose. Toutefois, ce n’est pas l’objet du projet de loi dont nous sommes saisis.
Sur l’amendement n° 267 rectifié bis, l’avis de la commission est défavorable, car ses auteurs veulent faire passer les OQTF délivrées contre des étrangers n’ayant pas demandé le renouvellement de leur titre de séjour de la procédure rapide à la procédure normale. Cela ne nous paraît pas utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable, monsieur le président. Cet amendement prévoit que l’étranger qui fait l’objet d’une OQTF, parce qu’il n’a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour, bénéficie de la procédure contentieuse longue.
Selon l’objet de cet amendement, l’étranger ne peut pas être sanctionné sur le seul motif qu’il n’a pas pu accéder à temps à la préfecture pour former sa demande de renouvellement. S’il peut en effet arriver que des difficultés d’accès à la préfecture retardent le renouvellement d’un titre de séjour, sachez que le préfet en tient compte dans sa décision.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 267 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 356 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa du I bis, les mots : « sans conclusion du rapporteur public » sont supprimés ;
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Défavorable également, car l’adoption de cet amendement aboutirait à un alourdissement des procédures contentieuses et aggraverait l’engorgement des juridictions administratives.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 356 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du II, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « deux jours ouvrés » ;
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 268 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 463, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
M. Ravier n’est toujours pas arrivé…
L’amendement n° 270 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 270 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 271 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 271 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy et Meurant, Mme Lherbier, MM. Leleux, Paccaud, Charon, Paul, Cardoux et Laménie, Mme Imbert, MM. Sido, Bonhomme, Daubresse, Revet et Danesi, Mme Bories, MM. Ginesta et Gremillet et Mmes Lassarade et Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- après l’avant-dernière phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une audience nécessite un accompagnement des forces de l’ordre, elle se tient dans cette salle et le juge siège au tribunal dont il est membre, relié à la salle d’audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission, dès lors que la juridiction en est dotée. » ;
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Le projet de loi prévoit l’extension de la vidéo-audience devant le juge des libertés et de la détention avec la possibilité de contraindre l’étranger à comparaître par cette voie. C’est une véritable avancée, mais pour être appliquée correctement, elle suppose deux conditions : les juridictions doivent disposer de l’équipement nécessaire, ce qui n’est pas encore le cas partout ; les magistrats doivent accepter cette forme d’audience.
Pour éviter une éventuelle résistance à cette évolution, il serait souhaitable de rendre obligatoire l’utilisation des moyens de communication audiovisuelle, lorsque les juridictions en sont dotées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Je comprends l’intention de nos collègues, qui souhaitent prévenir une éventuelle mauvaise volonté dans la mise en œuvre des vidéo-audiences. Néanmoins, il me semble préférable de laisser une certaine souplesse aux cours et tribunaux concernés, sous le contrôle de leur chef de juridiction, et de ne pas leur imposer le procédé pour l’instant.
M. Alain Richard. L’expression « pour l’instant » n’est pas indispensable…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable. Rendre obligatoire ce dispositif ne permettrait pas de prendre en compte des situations particulières que seul le juge est en mesure d’apprécier.
M. le président. Monsieur Meurant, l’amendement n° 143 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Non, monsieur le président, mais il serait souhaitable d’avoir un retour d’expérience sur le dispositif de vidéo-audience. Il arrive parfois que les pouvoirs publics investissent dans des équipements, qui ne sont pas ou peu utilisés, voire enlevés par la suite – je pense aux parois vitrées qui ont été installées dans certains tribunaux.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 146, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
3° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – En cas de détention de l’étranger, celui-ci est informé dans une langue qu’il comprend, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, qu’il peut, avant même l’introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil.
« Lorsqu’il apparaît, en cours d’instance, que l’étranger détenu est susceptible d’être libéré avant que le juge statue, l’autorité administrative en informe le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné qui statue sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français selon la procédure prévue au III et dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de l’information du tribunal par l’administration. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’article 12 la loi du 7 mars 2016 a prévu que l’étranger placé en détention et ayant fait l’objet d’une OQTF dispose de 48 heures, à compter de la notification de la mesure, pour former un recours, le président du tribunal administratif devant pour sa part statuer dans les 72 heures après sa saisine.
L’objectif du législateur était de permettre à l’autorité administrative de régler la situation d’une personne étrangère détenue avant sa sortie de détention, afin d’éviter le placement en rétention à l’issue de sa libération, ce qui correspondait à la pratique suivie avant l’entrée en vigueur de la loi de 2016.
Cette disposition de la loi du 7 mars 2016 a cependant été récemment déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 1er juin 2018 rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil a jugé qu’elle n’opérait pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi par le législateur.
Le Conseil a notamment retenu que l’étranger disposait d’un délai trop bref, 5 jours au maximum, quelle que soit la durée de la détention, pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci.
Le Conseil a également pris en considération le fait que l’administration devrait, lorsque la durée de la détention le lui permet, procéder à la notification de l’OQTF suffisamment tôt au cours de l’incarcération, afin de laisser plus de temps à la procédure contentieuse.
En conséquence, le Conseil a censuré cette disposition en ce qu’elle fixait les délais impartis à l’étranger détenu pour former un recours et au juge pour statuer sur celui-ci.
Le présent amendement tire les conséquences de cette décision afin de prendre en compte les observations du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle qu’il s’agit d’une disposition inscrite dans la loi du 7 mars 2016.
En premier lieu, il ne sera plus recouru systématiquement à la procédure contentieuse accélérée, mais uniquement en tant que de besoin. En effet, l’objectif de la loi de 2016 était de régler la situation d’une personne détenue, je le rappelle, avant sa sortie de détention.
En conséquence, c’est seulement lorsqu’il apparaîtra que l’étranger détenu va être libéré avant que le juge statue sur l’OQTF que le basculement vers la procédure accélérée sera possible.
Quand le président du tribunal administratif sera informé que la levée d’écrou va intervenir avant l’expiration du délai de jugement prévisible, il disposera alors de 144 heures, soit 6 jours pour statuer. Ainsi, l’étranger disposera désormais a minima de 8 jours, correspondant aux 48 heures du délai de recours en cas de refus du délai de départ volontaire et aux 144 heures allouées au juge pour se prononcer, pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci contre 5 jours auparavant.
Il convient au demeurant de souligner que cette hypothèse de 8 jours constitue un cas extrême, lorsque l’OQTF est notifiée dans les derniers jours de la détention. Dans les autres cas, le délai ouvert à l’étranger sera nécessairement plus long.
M. le président. L’amendement n° 353 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés
…° Le IV est ainsi modifié :
a) Après le mot : « procédure », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « et dans les délais prévus au I bis. » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette notification donne lieu à la remise d’un document à l’étranger, sur lequel sont mentionnés la date de la notification de l’obligation de quitter le territoire français, les voies et délais de recours permettant de la contester, et la mention qu’il a été informé de ses droits à demander l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Contrairement à l’amendement que vient de présenter le Gouvernement, celui que j’ai déposé vise à tirer réellement les conséquences de la décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel.
Le Conseil a censuré les délais de procédure expéditifs de seulement 48 heures pour former un recours contre les OQTF notifiées en détention et de 72 heures accordées au juge pour statuer sur ce recours. Il a donc, sans ambiguïté, déclaré contraire à la Constitution un système qui méconnaissait le droit à un recours effectif.
Si je partage, bien entendu, l’objectif du législateur d’éviter de faire se succéder une période de rétention à une période de détention, ce qui implique que l’administration procède aux diligences nécessaires en notifiant les OQTF suffisamment tôt en amont de la levée d’écrou, je ne peux que contester la rédaction proposée par le Gouvernement dans son amendement n° 146.
En effet, cet amendement, s’il était adopté, ne réglerait rien et ferait toujours encourir un risque d’inconstitutionnalité des dispositions qu’il contient.
Le Gouvernement s’attache à donner davantage de temps au juge pour statuer – 144 heures, soit 6 jours –, mais semble peu regardant quant au délai de recours accordé au détenu pour contester l’OQTF notifiée en détention.
Avec l’amendement n° 353, nous proposons une solution simple, respectueuse du droit à un recours effectif et qui a le mérite d’unifier les procédures, en s’alignant sur les délais prévus au I bis de l’article L.512-1 du CESEDA, à savoir un délai de recours de 15 jours pour contester les OQTF et un délai de 6 semaines laissé au juge pour statuer.
Si toutefois l’administration n’a pas notifié suffisamment tôt l’OQTF et que la date de la levée d’écrou doit intervenir avant la fin du délai de recours, le détenu pourra bénéficier du reliquat du délai restant à la levée d’écrou pour former son recours, sans qu’il soit pour autant « perdu dans la nature ». Bien entendu, il sera alors placé sous le régime du III de l’article L. 512-1 précité et soumis aux délais et procédures applicables aux personnes retenues ou assignées à résidence.
Concrètement, le juge devra alors statuer dans les 72 heures afin d’éviter que ne se prolonge la période de rétention, si elle n’a pu être évitée en raison d’une notification trop tardive de l’OQTF.
En pratique, une majorité des OQTF notifiées en détention le sont du simple fait que leur destinataire se trouve en prison, pour des motifs d’ordre public, et sont soumises au délai de recours de 48 heures pourtant censuré par le Conseil constitutionnel.
Il s’agit donc d’éviter un nouveau risque de censure, mais aussi de permettre un délai raisonnable et respectueux du droit à un recours juridictionnel effectif.
Enfin, il est aussi prévu que l’étranger détenu se verra remettre un document sur lequel figurent la date de la notification de l’OQTF, les voies et délais de recours permettant de la contester et ses droits à demander l’assistance d’un interprète et d’un avocat. C’est essentiel, puisque les détenus ne peuvent pas conserver en cellule de document où figure le motif d’écrou, ce qui est pourtant le cas de la quasi-totalité des OQTF. Il importe donc que la loi prévoie la remise explicite d’un document à cette fin.
La rédaction proposée par le Gouvernement ne résout pas cette difficulté, puisqu’elle ne modifiera pas la pratique actuelle, qui consiste, dans la majorité des cas, à ne communiquer ces informations au détenu qu’oralement.
M. le président. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole de plus de 45 secondes. Cela ne va pas !
M. Jean-Yves Leconte. C’est un sujet important (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui concerne l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel. Cela mérite une argumentation complète !
M. Philippe Pemezec. Incroyable !
M. Alain Richard. Résumer, cela s’apprend !
M. le président. C’est un dépassement extravagant, mon cher collègue ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Une personne étrangère condamnée qui exécute sa peine doit, à la fin de sa peine, être renvoyée dans son pays d’origine. L’administration doit lui notifier une obligation de quitter le territoire français.
Il faut que cette obligation soit délivrée le plus tôt possible pendant la détention, pour que, à l’issue effective de la peine, la personne soit renvoyée directement dans son pays et ne passe pas par la « case rétention » – si vous me permettez l’expression.
Lorsque l’OQTF est notifiée tardivement, la décision qui peut être contestée et la procédure interviennent au moment où la personne doit être libérée. Par conséquent, le détenu en fin de peine doit obligatoirement être placé en rétention dans l’attente de la décision.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cela a deux conséquences. D’une part, ce n’est pas très efficace. D’autre part, de façon pratique, nous savons tous que la présence de détenus ayant purgé leur peine dans un centre de rétention entraîne un certain nombre de difficultés ; je n’entre pas dans le détail.
Deux amendements sont proposés pour résoudre ce problème. Si nous voulons être pratiques, concrets et efficaces, il faut soutenir l’amendement du Gouvernement.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 146 et un avis défavorable sur l’amendement n° 353 rectifié bis, non que ce dernier amendement ne soit pas satisfaisant, mais celui du Gouvernement est meilleur !
Madame la ministre, j’appelle votre attention sur le fait que l’administration pénitentiaire et l’exécutif – évidemment, ce n’est pas vous in persona – doivent absolument faire des efforts pour notifier le plus vite possible les OQTF aux personnes qui exécutent une peine, de manière à ce qu’on ne soit pas confronté à ce type de difficultés.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Le groupe La République En Marche soutiendra l’amendement du Gouvernement, tout en préconisant quelques précautions.
Il est toujours fâcheux pour un gouvernement et une majorité, dont je faisais partie, de voir un dispositif qui se voulait respectueux du droit être déclaré, deux ans après, non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
À la lecture de la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement et même si je ne nie pas l’extrême capacité juridique des services qui préparent ces propositions, je trouve que la réponse retenue est à la bordure, à l’extrême bordure même, des conditions posées par le Conseil constitutionnel. C’est donc une prise de risque.
J’espère qu’une majorité approuvera cet amendement. Toutefois, puisse le petit temps de réflexion qui nous est accordé d’ici à la fin de la navette parlementaire être utile au Gouvernement pour qu’il réduise un peu la part de risque dont il a fait le choix.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Nous nous fixons le même objectif et, comme vient de le souligner notre collègue Alain Richard, il s’agit d’un sujet compliqué.
Nous avons tous la même préoccupation, parce que nous avons vu ce qui se passait dans les centres de rétention. En revanche, notre analyse diffère sur la manière dont il faut faire respecter un droit au recours effectif.
La proposition du Gouvernement me semble susceptible de subir le même sort que le dispositif précédent, pour des raisons très proches de celles qui avaient motivé la décision du Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons envisagé cette solution, sur laquelle j’invite le Gouvernement à travailler d’ici à la conclusion de la commission mixte paritaire pour que le texte n’encoure pas une nouvelle censure.
Encore une fois, il n’y a pas de différence politique, ce sont deux manières d’envisager la situation pour faire respecter un recours effectif.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 353 rectifié bis n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Article additionnel après l’article 12
M. le président. L’amendement n° 272 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase de l’article L. 512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et droit d’asile, les mots : « ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 13
Après la première phrase de l’article L. 512-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette aide au retour ne peut lui être attribuée qu’une seule fois. » – (Adopté.)
Article 14
(Non modifié)
Après le premier alinéa de l’article L. 513-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet étranger peut également être contraint à résider dans le lieu qu’une décision motivée de l’autorité administrative désigne. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l’expiration du délai de départ volontaire. Le premier alinéa du présent article est applicable. L’autorité administrative peut prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l’article L. 611-2. »
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 14 est des plus contradictoires. Il prévoit en effet la possibilité d’assigner à résidence les étrangers qui font l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire.
Mes chers collègues, j’ai beau chercher la cohérence de cet article, je ne la trouve pas ! D’un côté, il est prévu de faire confiance à l’étranger s’étant vu signifier une OQTF, en lui laissant un délai de départ volontaire ; de l’autre, nous lui demandons de rester dans un périmètre qui aura été choisi par l’administration compétente.
Ainsi, deux points me frappent à la lecture de cet article.
En premier lieu, la décision d’assigner à résidence est prise sans considération individuelle, sans tenir compte des situations personnelles et médicales des exilés concernés. En second lieu, une logique insidieuse se glisse une fois de plus au sein de ce projet de loi, en vertu de laquelle les exilés sont des criminels prêts à prendre la fuite.
Jusqu’à présent, ces mesures n’étaient appliquées qu’aux personnes suspectées de terrorisme, dans le cadre de l’état d’urgence. Avec cet article, elles seraient généralisées à tous les exilés.
Quoi que fasse le Gouvernement, pour l’heure et en l’état du droit, être sans papiers n’est pas une infraction à la loi.
Cessons de traiter les exilés comme des tenants du grand banditisme et laissons à ceux qui se sont vu signifier une obligation de quitter le territoire français la possibilité de rendre cette demande de l’administration effective dans le délai qui leur est imparti.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
L’amendement n° 273 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 12.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Il s’agit de supprimer la possibilité d’assigner à résidence un étranger qui fait l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Tout à l’heure, il a été rappelé que, sur les 85 000 mesures prononcées en 2017, seules 15 000 avaient été exécutées, ce qui reste bien évidemment insuffisant, quand bien même ce chiffre est en augmentation de 15 % grâce à l’action déterminée que nous menons.
En la matière, l’une des causes de l’échec de la mise en œuvre des OQTF est la fuite. C’est pourquoi le texte prévoit de désigner aux personnes concernées un lieu de résidence, ce qui permettra d’assurer un meilleur suivi et de les localiser, si elles ne répondent pas aux convocations de l’administration. Ce n’est pas une assignation à résidence. Il s’agit de leur désigner un domicile, absolument pas un périmètre duquel il leur serait interdit de sortir.
Dès lors, la suppression de l’article 14 nuirait à l’effectivité des mesures d’éloignement, ce à quoi le Gouvernement ne peut qu’être défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il y a tout de même un paradoxe ! Si l’on propose qu’une OQTF soit applicable avec un délai de départ volontaire, cela signifie que l’on considère que la personne doit partir, mais a un profil qui lui permet d’obtenir ce statut. Toutefois, ce départ n’est pas vraiment volontaire, car la personne se trouve assignée à résidence et voit sa liberté encadrée.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Alain Richard. La confiance n’exclut pas le contrôle !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 273 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
(Non modifié)
L’article L. 531-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – L’autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision de remise prise en application du premier alinéa du I à l’encontre d’un étranger titulaire d’un titre de séjour dans un autre État membre de l’Union européenne d’une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans.
« Toutefois, cette interdiction de circulation sur le territoire français n’est applicable à l’étranger détenteur d’une carte de résident portant la mention “résident de longue durée-UE” en cours de validité accordée par un autre État membre ou d’une carte de séjour portant la mention “carte bleue européenne” en cours de validité accordée par un autre État membre de l’Union européenne ou à l’étranger et aux membres de sa famille, admis à séjourner sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne et bénéficiant d’un transfert temporaire intragroupe conformément à la directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe que lorsque leur séjour en France constitue un abus de droit ou si leur comportement personnel constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société.
« Le prononcé et la durée de l’interdiction de circulation sont décidés par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
« L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction de circulation. Lorsque l’étranger sollicite l’abrogation de l’interdiction de circulation, sa demande n’est recevable que s’il justifie résider hors de France depuis au moins un an.
« Cette condition ne s’applique pas :
« 1° Pendant le temps où l’étranger purge en France une peine d’emprisonnement ferme ;
« 2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2. »
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit de supprimer l’article 15, qui comprend des dispositions strictes visant à réduire la circulation sur le territoire français pour sanctionner le cas des étrangers non européens bénéficiant d’un titre de séjour valide en France, puisqu’il a été délivré par un autre État membre de l’Union européenne.
Nous notons une contradiction fondamentale du point de vue du droit au sein du traité de Schengen lui-même, puisque ce texte prévoit explicitement l’élargissement de cette interdiction. En effet, l’espace Schengen est censé organiser la libre circulation des travailleurs disposant de titres de séjour tout en prévoyant des dérogations à ce principe.
Ce qui nous pose le plus de problèmes, c’est la discrimination établie sur notre territoire entre deux étrangers disposant chacun d’un titre de séjour, selon que celui-ci est accordé en France ou ailleurs dans l’Union européenne.
L’interdiction de circuler est une mesure très lourde et les sanctions prévues pour son non-respect – assignation à résidence ou placement en rétention administrative – ne sont pas sans conséquence pour la personne concernée et, éventuellement, pour sa famille.
Nous estimons qu’il s’agit là d’une remise en cause trop forte du droit des étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement tend à supprimer l’article 15, lequel, je le rappelle, institue une interdiction de circulation sur le territoire français pour les ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une remise à un autre État membre.
Il s’agit ainsi de garantir l’effet utile des « remises Schengen » et d’éviter qu’une personne éloignée vers un autre pays de l’espace Schengen ne revienne rapidement sur le territoire français, en bénéficiant de la libre circulation. Cette disposition permet d’assurer l’efficacité des mesures d’éloignement.
Pour ces motifs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 155 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 464 rectifié, présenté par MM. Ravier et Masson, n’est pas soutenu.
M. Ravier n’est toujours pas arrivé en séance…
Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 15
M. le président. L’amendement n° 465 rectifié, présenté par MM. Ravier et Masson, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. P. Dominati, Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Cardoux et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue de leur peine de prison, le prononcé d’une expulsion est automatique pour les étrangers condamnés à une peine de prison supérieure ou égale à cinq ans, sauf circonstances exceptionnelles. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Dans le prolongement de ce qu’a dit Mme la ministre, cet amendement a pour objet de rendre automatique l’expulsion des étrangers condamnés à une peine de prison supérieure ou égale à 5 ans, sauf circonstances exceptionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, dont les dispositions sont déjà pleinement satisfaites par le droit actuellement applicable.
La commission des lois a en effet généralisé et systématisé le prononcé des peines d’interdiction du territoire, qui entraînent de plein droit la reconduite du condamné à la frontière. Celles-ci seront désormais prévues pour toute infraction dont l’auteur encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans, voire 3 ans dans de nombreux cas. Elles seront en outre obligatoires en cas de délit commis en récidive légale ou en cas de crimes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 53 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 54 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Cardoux et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l’expulsion est prononcée si la personne concernée est inscrite au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que précédent. Il s’agit d’expulser les personnes concernées inscrites au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement.
Il va de soi que nous partageons le même objectif, protéger les Français contre la menace terroriste. Toutefois, la rédaction de cet amendement n’est pas sans poser problème : sur le fond, le seul fait de figurer dans un fichier de police ou de renseignement ne saurait suffire à fonder une telle mesure ; j’appelle votre attention sur ce point.
Au 1er mars 2018, environ 20 000 individus sont déclarés dans le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. De nombreuses personnes figurent dans ce fichier après dénonciation téléphonique ou internet, dans l’attente de l’évaluation du renseignement. Tous les signalements qui sont faits ne recouvrent pas uniquement des cas de radicalisation, soit parce que les éléments ne sont pas réunis, soit parce que les informations sont incomplètes, voire non pertinentes.
En outre, une difficulté juridique se pose. L’expulsion est une mesure administrative bien définie, qui a juridiquement pour objet de parer à une menace : elle a un caractère préventif et non répressif. Elle constitue non pas une sanction, mais « une mesure de police exclusivement destinée à protéger l’ordre et la sécurité publics ».
Ainsi, l’autorité administrative doit se fonder sur l’ensemble du comportement de l’étranger, sans même avoir besoin de fonder sa décision sur une inscription à un quelconque fichier ou une peine antérieure de prison. La sanction ne saurait donc être automatique sans encourir la censure du Conseil constitutionnel.
Enfin, je rappelle que la commission des lois du Sénat a décidé de créer un groupe de travail sur l’amélioration de l’efficacité des fiches S ; elle a nommé François Pillet rapporteur. Les conclusions qu’il rendra nous seront tout à fait utiles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement au regard des mêmes arguments juridiques.
Pour votre information, monsieur Karoutchi, je précise que, depuis le début de l’année 2017, 197 étrangers inscrits au FSPRT en situation irrégulière et 80 étrangers en situation régulière ont fait l’objet d’une mesure administrative d’expulsion ou d’éloignement, que celle-ci soit exécutée ou en cours d’exécution.
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 54 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Non, je le retire, monsieur le président, d’autant que j’ai entendu sur un média M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, donner son accord pour que soit organisé un débat plus large sur ce que l’on appelle les fichés S, la façon dont ils sont catalogués et ce que doit devenir cet instrument. Ce débat sera l’occasion d’aborder de nombreux sujets.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 466, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu. Son auteur n’est toujours pas arrivé…
L’amendement n° 141 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy et Meurant, Mme Lherbier, MM. Leleux, Paccaud, Charon, Paul, Cardoux et Laménie, Mme Imbert, MM. Sido, Bonhomme, Daubresse, Revet et Danesi, Mme Bories, MM. Ginesta et Gremillet et Mmes Lassarade et Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 522-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les débats peuvent être réalisés par l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Cet amendement a pour objet d’étendre le recours à la vidéo-audience devant la commission d’expulsion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Actuellement, ce dispositif existe uniquement pour Mayotte avec des conditions très strictes. Sur cet amendement visant à l’élargir à tout le territoire, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le recours à des moyens de télécommunications audiovisuelles pour la tenue des commissions départementales d’expulsion est actuellement seulement prévu pour le cas spécifique de Mayotte.
Toutefois, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement, car, en dehors du fait que la nécessité d’une telle disposition n’est pas établie, la rédaction proposée manque de précision et ne prévoit pas les garanties qui doivent entourer le recours à cette technique pour assurer le bon déroulement de la procédure de consultation de la commission. Dès lors, son usage dans ce cadre soulèverait plusieurs difficultés et ne manquerait pas d’être sanctionné par le juge.
Pour ces motifs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Au-delà de la question de fond que soulève cet amendement, il importe de vérifier le contexte juridique de cette disposition.
C’est la raison pour laquelle la commission partage l’analyse du Gouvernement et demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Meurant, l’amendement n° 141 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Mayotte est un cas spécifique, mais il suffisait de reprendre ce qui s’y faisait, en complétant ainsi l’article L. 522-2 : « Les débats peuvent être réalisés par l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. »
J’avoue ne pas bien comprendre pourquoi ce qui se pratique à Mayotte ne pourrait se pratiquer ailleurs et quel problème cela pose. Toujours est-il que je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 141 rectifié ter est retiré.
Article 15 bis (nouveau)
L’article L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État dans le département informe sans délai les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1 du présent code lorsqu’il prend une mesure d’éloignement en application des titres Ier à IV du livre V et du chapitre II du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
M. le président. L’amendement n° 392 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Deseyne, M. P. Dominati, Mmes Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paccaud, Paul, Pemezec, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1 du présent code sont informés conformément à l’alinéa précédent, ils procèdent à la radiation automatique de l’assuré. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement est logique et naturel. Il vise à prévoir que, dès lors qu’une personne fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, une OQTF, elle ne peut plus percevoir d’aides sociales. Cela paraît évident, mais ce n’est pas toujours le cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur, et je vais vous expliquer pourquoi.
Je rappelle que les organismes de sécurité sociale accèdent aux informations contenues dans l’AGDREF, l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, et qu’ils ont ainsi connaissance des mesures par lesquelles les autorités administratives prononcent des éloignements du territoire. Ainsi peuvent-ils mettre fin au versement des prestations ou aides allouées ou prendre toutes les décisions tirant les conséquences de ces informations, dans le respect des réglementations propres à chacune de ces prestations.
Afin de rendre plus efficient l’usage des informations relatives aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement en vue de mettre fin aux versements des prestations ou aides allouées, le Gouvernement souhaite par ailleurs favoriser l’échange des informations avec les organismes précités.
Il n’est en revanche ni nécessaire ni pertinent d’insérer une disposition générale dans le CESEDA, qui n’a pas vocation à contenir les règles d’attribution des prestations sociales et qui ne permettrait pas de prendre en compte les caractéristiques propres à chacune de ces prestations.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement estime que l’objet de votre amendement est déjà satisfait et vous invite à le retirer.
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 392 rectifié est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Oui, monsieur le président.
Madame la ministre, j’ai eu l’occasion de le dire hier, à l’occasion d’un amendement sur lequel le Gouvernement a eu l’amabilité d’émettre un avis favorable : il n’est pas si évident, pour un demandeur d’asile ou pour l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de récupérer l’allocation de demandeur d’asile, l’ADA. L’OFII a essayé en vain de récupérer l’ADA auprès de gens qui faisaient l’objet d’une OQTF depuis des mois, que les intéressés soient encore présents sur le territoire ou déjà partis…
Je comprends qu’on demande des garanties juridiques pour prononcer une OQTF, mais une fois que quelqu’un se voit signifier une obligation de quitter le territoire français, il est tout de même un peu aberrant qu’il puisse continuer à percevoir des aides sociales ! L’automaticité de la radiation me paraît une évidence.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Si je partage le point de vue de notre collègue Karoutchi sur la nécessité de mettre fin au bénéfice de prestations sociales, je tiens tout de même à le rendre attentif à un principe qui a toute sa force dans notre droit : l’indépendance des législations.
Une mesure de police qui déclenche une procédure d’éviction du territoire ne peut pas entraîner la suppression d’une prestation sociale prévue par une autre législation. Si nous faisions cela, nous nous heurterions à des principes juridiques profonds. Comme l’a dit Mme la ministre, il nous faut assurer la coordination entre les organismes publics chargés de l’un et de l’autre – je n’ai aucun mal à croire qu’elle soit encore améliorable –, mais confier à l’autorité de police, qui prend, après instruction, la décision de renvoi du territoire la responsabilité de mettre fin à une prestation sociale, laquelle peut concerner d’autres membres de la famille, serait une irrégularité sérieuse. Il faut maintenir l’indépendance entre les deux législations.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. A contrario, je pense qu’il est essentiel que nos concitoyens puissent comprendre la loi et les différentes mesures qui sont prises. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui, tous nos concitoyens n’étant pas logés à la même enseigne s’agissant des aides sociales. À défaut, il ne faudra pas s’étonner de la montée des extrémismes dans les territoires, car il n’y a pas d’égalité sur ces questions.
C’est la raison pour laquelle il me semble important, au-delà du point pertinent soulevé par notre collègue Alain Richard, de trouver une solution afin qu’il soit clair que ceux qui sont dans la situation que nous évoquons ne peuvent bénéficier des aides sociales.
Rien n’empêche, bien entendu, que les personnes qui sont particulièrement en difficulté soient prises en compte, comme toute personne en difficulté sur notre territoire, mais il faut dire les choses de façon très claire afin d’éviter toute confusion dans l’esprit des gens.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Pour une fois – une fois n’est pas coutume ! –, je suis d’accord avec M. Richard : la seule question qui nous est posée est celle de la légalité, comme il l’a extrêmement bien démontré. Nous pensons donc que cet amendement n’a pas lieu d’être.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 bis, modifié.
(L’article 15 bis est adopté.)
Chapitre II bis
Les garanties encadrant le placement en rétention des mineurs
(Division et intitulé nouveaux)
Article 15 ter (nouveau)
L’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié:
1° Après le premier alinéa du III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« III bis – L’étranger mineur non accompagné d’un représentant légal ne peut être placé en rétention en application des I et II du présent article. » ;
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa du III, la référence: « III » est remplacée par la référence : « III bis ».
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. L’article 15 ter, qui a été introduit par la commission des lois du Sénat, va, une fois n’est pas coutume, dans le bon sens. Il interdit le placement en rétention des mineurs isolés. En effet, comme cela est indiqué dans le rapport, cette interdiction résulte en France d’une combinaison peu lisible de plusieurs dispositions législatives.
Cette combinaison est si peu lisible que, selon une note du Défenseur des droits en date du 25 mai dernier, les placements d’enfants augmentent de façon soutenue en métropole : en 2017, quelque 305 enfants ont été placés en centre de rétention en métropole, soit sept fois plus qu’en 2013.
À Mayotte, 4 325 mineurs ont été enfermés en 2016, contre 2 493 en 2017. Parmi eux, des enfants seuls sont rattachés de manière arbitraire et illégale à un adulte, également en voie d’éloignement, sans que celui-ci exerce sur eux une autorité parentale. Il s’agit de rendre possible leur rétention.
Le rapport de la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, publié il y a quelques jours, le 6 juin, sur la situation des mineurs à la frontière franco-italienne est également éloquent sur ce genre de dérapages parfaitement intolérables : « Les mineurs isolés représentent près d’un tiers des personnes non admises à la frontière franco-italienne (10 434 mineurs ont fait l’objet d’une procédure d’un refus d’entrée à Menton entre janvier et septembre 2017 selon les chiffres fournis par la direction départementale de la police aux frontières), ils ne font pour autant pas l’objet d’un traitement très différent de celui des adultes. » Selon la police aux frontières, les mineurs voyageant à plusieurs ou accompagnés d’adultes de la même nationalité ou parlant la même langue sont considérés comme « faisant famille ».
Or, comme le recommande le Comité européen pour la prévention de la torture, « les enfants non accompagnés ou séparés qui sont privés de liberté doivent obtenir rapidement et gratuitement l’accès à une assistance juridique, ou à une autre assistance appropriée, y compris la désignation d’un tuteur ou d’un représentant légal, qui les tient informés de leur situation juridique et protège effectivement leurs intérêts ».
Si cet article va dans le bon sens, il convient d’être vigilant sur deux points. Tout d’abord, l’article réitère une interdiction qui est censée déjà exister, mais qui est enfreinte au quotidien par les autorités publiques. Ensuite, l’interdiction posée est limitée, hélas, à une catégorie de mineurs, les mineurs isolés, quand ceux-ci ne sont pas rattachés à une famille fictive. Or, nous en avons déjà parlé et nous le verrons dans la suite du débat lors des interventions de mes collègues, il est de notre responsabilité aujourd’hui d’interdire la rétention pour tous les mineurs, sans exception, y compris ceux qui sont accompagnés de leur famille.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 15 ter et le suivant constituent des améliorations notables introduites par la commission des lois. Toutefois, nous souhaitons marquer, par principe, notre opposition à tout placement en centre de rétention de tout mineur isolé, comme l’a décidé la commission, mais aussi de tout mineur accompagné de sa famille.
La Contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu le 14 juin un avis sur ce sujet et a signalé l’atteinte à l’intégrité psychique que représente une incarcération pour des mineurs, quelle que soit leur situation.
La Cour européenne des droits de l’homme, en 2016, a condamné six fois la France sur cette question. L’encadrement proposé par la commission des lois, s’il constitue une amélioration, ne nous semble pas suffisant. C’est la raison pour laquelle nous proposerons une interdiction complète du placement en rétention des mineurs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Disons les choses clairement : votre proposition revient à empêcher l’éloignement de tout mineur en situation irrégulière.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Les deuxième à septième alinéas du III sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mineurs non accompagnés et les familles comprenant un ou plusieurs enfants mineurs ne peuvent être placés en rétention par l’autorité administrative. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je commencerai par adresser une remarque au président Bas. M. Leconte veut que nous interdisions la rétention des mineurs, conformément à la préconisation de Mme Adeline Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
J’en viens à l’amendement n° 25.
Comme je l’ai dit mardi, le Sénat s’honorerait en adoptant un dispositif de protection des mineurs étrangers. Je me permets d’insister de nouveau aujourd’hui sur cette question. Les mineurs ne sont pas des migrants. Ce sont des enfants, et ce jusqu’à leurs 18 ans et une seconde.
Nous avons vu les tensions que font naître les questions éminemment importantes de la protection des femmes qui sont persécutées dans leur pays, de celles qui ne peuvent avorter légalement et de celles qui militent pour leurs droits.
Qu’en est-il aujourd’hui de la protection effective des mineurs, de l’interdiction de les enfermer au seul motif que leur famille est en exil ?
Bien évidemment, nous saluons la volonté du rapporteur de clarifier le droit existant en inscrivant dans l’article 15 ter que « l’étranger mineur non accompagné d’un représentant légal ne peut être placé en rétention ». En revanche, nous regrettons vivement, comme l’a dit Guillaume Gontard, qu’il ne s’agisse que d’une clarification et qu’elle ne s’applique qu’à certains mineurs, les mineurs non accompagnés.
Comment peut-on encore débattre de ce sujet aujourd’hui dans le pays des droits de l’homme ? Il y va du respect de nos principes fondamentaux et des normes supranationales. Nous avons déjà dénoncé toutes les atteintes à ces principes, mais il s’agit d’abord et avant tout d’une question d’humanité.
Pour notre part, nous proposons d’introduire dans notre droit l’interdiction de placer en rétention administrative les mineurs non accompagnés et les familles comprenant un ou plusieurs enfants. Cela ne devrait pas être négociable.
M. le président. L’amendement n° 274 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
non accompagné d’un représentant légal
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Comme je l’ai déjà dit, nous saluons la disposition introduite dans le texte par la commission des lois.
Toutefois, sachant ce que signifie pour un mineur le fait d’être enfermé, alors qu’il n’est en aucun cas responsable de la situation dans laquelle il est, nous souhaitons inscrire dans la loi l’interdiction du placement de tout mineur en centre de rétention, qu’il soit accompagné ou isolé.
C’est l’affirmation d’un principe : la protection de l’enfance. Les séquelles liées à un enfermement ont été largement soulignées par la Contrôleur général des lieux de privation de liberté. L’enfermement des mineurs ne doit pas pouvoir être mis en œuvre dans notre pays.
M. le président. L’amendement n° 531 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° Le III est ainsi modifié :
- au deuxième alinéa, le mot : « , sauf : » est supprimé ;
- les troisième à septième alinéas sont supprimés ;
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant est une des lignes directrices qui ont guidé notre positionnement sur ce texte, comme auparavant lors de l’examen de la proposition de loi Warsmann.
Nous saluons donc la proposition du rapporteur d’inscrire dans la loi l’interdiction de placer en centre de rétention administrative des mineurs non accompagnés. Monsieur le rapporteur, c’est un premier pas !
Mais la situation la plus préoccupante aujourd’hui est celle des mineurs accompagnant leurs parents, eux aussi placés en centre de rétention administrative. Ces placements se sont intensifiés au cours des dernières années. Ainsi, 275 enfants ont été placés en centre de rétention en 2017, soit autant que les quatre années précédentes, de 2012 à 2015. Le rapporteur a souligné que la durée moyenne de placement en centre de rétention des enfants est nettement inférieure à celle des majeurs, soit 4 jours pour les premiers, contre près de 2 semaines pour les seconds.
C’est vrai, mais de notre point de vue, l’assignation à résidence devrait toujours être préférée au placement en centre de rétention administrative, s’agissant de mineurs, accompagnés ou non.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 432, présenté par MM. de Belenet, Amiel, Lévrier et Yung, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 533 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa du III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La décision de rétention, spécialement motivée, expose les éléments justifiant le recours à la rétention administrative plutôt qu’à l’assignation à résidence, ainsi que les diligences particulières nécessaires à respecter, de nature à préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, eu égard à son état sanitaire et psychique. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement de repli vise à contraindre l’autorité préfectorale prononçant une décision de placement en centre de rétention administrative à spécialement motiver sa décision lorsqu’elle concerne le placement de mineurs.
Ces motivations visent à prouver l’examen scrupuleux de la vulnérabilité personnelle de l’enfant, ainsi que la prise de dispositions particulières relativement à sa minorité.
Indirectement, cette disposition devrait contraindre les préfectures à ne recourir au placement d’enfants en centre de rétention administrative que de manière très exceptionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous abordons un sujet important : peut-on ou non placer un enfant mineur en rétention, qu’il soit seul ou accompagnant de sa famille ?
Ni le texte d’origine du Gouvernement ni les débats à l’Assemblée nationale n’ont apporté, de quelque manière que ce soit, de réponse à cette question difficile, car elle est difficile.
Le Sénat et sa commission des lois ont décidé de s’en emparer. De ce fait, nous avons réaffirmé dans le projet de loi, et je tiens à remercier les collègues qui l’ont souligné, qu’un mineur isolé ne peut être placé en rétention. Le principe est désormais clair.
Une seconde question se pose : un mineur accompagnant, c’est-à-dire un mineur avec sa famille, dont le séjour irrégulier a été constaté sur notre territoire et qui doit être renvoyé dans son pays d’origine, peut-il être placé en rétention ?
Le droit actuel permet sa rétention pour une durée de 45 jours. Demain, si le délai de rétention est porté à 90 jours, et si la loi n’est pas modifiée, un mineur pourra être placé en rétention 90 jours. Nous ne voulons pas de cela. La commission des lois a clairement dit que ce n’était pas possible.
En revanche, nous avons souhaité faire preuve de responsabilité. Nous avons entendu le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Mme Hazan, ainsi que les services compétents. Tous nous disent clairement que la durée moyenne de rétention d’une famille est de 4 jours, mais qu’elle peut naturellement être plus ou moins longue.
Nous avons souhaité fixer cette durée maximale à 5 jours. Au-delà, il ne sera pas possible de maintenir une famille avec des enfants en rétention. C’est là une seconde avancée importante, me semble-t-il, de la part de la commission des lois et du Sénat, en responsabilité, car il n’est pas question de ne pas pouvoir éloigner éventuellement des personnes dans cette situation.
Voilà ce que nous avons dit, voilà ce que nous souhaitons. Cette disposition, je le répète, constitue une avancée.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune, car ils visent tous à supprimer, notamment, la possibilité de placer en rétention une famille pendant une durée de 5 jours.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens d’emblée à préciser que le placement des mineurs non accompagnés en rétention n’est actuellement pas autorisé en France. Cette interdiction est déjà inscrite dans la loi. Aucun mineur non accompagné n’a jamais été placé en rétention. Libre à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de réclamer une disposition qui existe déjà, mais je tenais à faire ce rappel en introduction, compte tenu de la gravité et de la sensibilité de ce sujet.
La rétention familiale, c’est-à-dire la rétention des parents avec leurs enfants mineurs, fait l’objet de débats. Nous l’avions d’ailleurs constaté lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi, sur ce sujet dont, encore une fois, je comprends l’extrême sensibilité, je tiens à apporter quelques explications et précisions.
Tout d’abord, je le rappelle, la rétention familiale est une procédure exceptionnelle, qui fait l’objet d’un encadrement strict. Elle est exceptionnelle, car, même si le droit européen l’autorise, nous devons nous assurer que l’intérêt de l’enfant prime et nous devons protéger les mineurs contre tout abus de placement en rétention. C’est ce que nous faisons. En 2017, les mineurs accompagnants en rétention ne représentaient que 1,17 % de l’ensemble des personnes placées en rétention en métropole.
Ensuite, il s’agit d’une procédure strictement encadrée. Elle intervient lorsque la famille s’est déjà soustraite à une procédure d’éloignement, autrement dit, lorsque la famille, placée en assignation à résidence, a fui le domicile ou a placé ses enfants ailleurs pour faire échec à la mesure d’éloignement. Je répète qu’on ne peut pas faire appliquer la mesure d’éloignement si les enfants ne sont pas présents. Elle intervient également si le placement en rétention de l’étranger dans les 48 heures précédant le départ programmé préserve l’intéressé et le mineur qui l’accompagne de certaines contraintes liées à la nécessité de leur transfert.
En outre, je précise que notre droit permet que seuls les parents soient placés en rétention. Les enfants mineurs, pendant ce temps, peuvent être placés en famille d’accueil. Toutes les familles peuvent avoir recours à cette possibilité. Ce n’est que lorsqu’elles la refusent que les mineurs accompagnant leurs parents sont placés en rétention. Beaucoup de parents, et c’est bien normal, je le comprends, préfèrent garder leurs enfants avec eux. Il est toujours extrêmement difficile de séparer les enfants de leurs parents. Vous comprenez à quoi je pense en disant cela…
J’ajoute que nous faisons le maximum pour que la durée de la rétention soit la plus courte possible. Le 12 juillet 2016, la Cour européenne des droits de l’homme, réaffirmant que la durée de rétention des familles doit être la plus courte possible, avait estimé qu’une durée de 18 jours était disproportionnée par rapport au but recherché et constituait en l’espèce une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de leur vie familiale garanti par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. Or, aujourd’hui, la durée moyenne de rétention des familles en France est de 36 heures, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Inscrire dans la loi une durée maximale de rétention très brève poserait en revanche de grandes difficultés, même si je comprends cette proposition d’un point de vue humanitaire. En effet, une durée trop brève pourrait encourager les familles à faire obstacle à leur éloignement,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ne leur donnez pas d’idées !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … puisque, face à une telle demande, l’administration ne pourrait les maintenir en rétention et aurait l’obligation de les libérer.
Face à un refus d’embarquer, il faut prévoir l’organisation d’un nouveau vol, ce qui prend inévitablement quelques jours. Permettre une prolongation de la rétention pour ce faire est donc indispensable.
Les contrôles juridictionnels effectués par le juge des libertés et de la détention permettent pleinement d’assurer le respect de ce cadre juridique.
Strictement encadrée, cette procédure est donc nécessaire et existe aussi chez nos voisins européens. La rétention des mineurs accompagnant leurs parents, pardon des enfants mineurs – un certain nombre d’entre vous tiennent à ce mot, ce que je comprends –, doit rester une possibilité afin de garantir la crédibilité de notre politique d’éloignement.
La Commission européenne a d’ailleurs, dans sa recommandation du 7 mars 2017 visant à rendre les retours plus effectifs, expressément recommandé aux États membres de l’Union européenne de ne pas interdire le placement en rétention des familles, sous peine de priver d’efficacité les politiques d’éloignement. Toute décision contraire priverait d’effet utile la directive Retour et placerait la France dans un cadre qui ne respecterait pas ses obligations communautaires.
Je rappelle que la majeure partie des pays de l’Union européenne tolèrent la rétention familiale sous conditions. C’est le cas du Luxembourg, de la Suède, de la Belgique, de l’Espagne, de la Lettonie, de la Slovaquie, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Hongrie et de l’Autriche.
Enfin, nous avons pris plusieurs engagements concernant les conditions de vie des familles en rétention. Je précise qu’elles sont placées dans des locaux particuliers, les centres de rétention administrative, ou CRA. Conformément au droit français, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un enfant mineur n’est possible que dans un lieu bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l’accueil des familles.
Nous souhaitons accentuer l’attention particulière portée aux familles en rétention. C’est pourquoi nous prévoyons d’améliorer sensiblement leurs conditions de rétention. Les centres de rétention administrative accueillant des familles devront faire l’objet d’une rénovation spécifique. Le Gouvernement le reconnaît, certains centres méritent d’être améliorés. Des financements sont prévus à cet effet, pour la rénovation des centres, mais également pour développer les activités récréatives, notamment à destination des enfants et des familles, à hauteur de 1,5 million d’euros.
Il était utile de vous donner toutes ces informations afin de vous permettre de bien appréhender l’ensemble de ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 274 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 531 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 533 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 534 rectifié ter, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que la présence en France d’une personne placée en rétention constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ou pour l’ordre public, cette personne est placée dans un lieu de rétention adapté, bénéficiant de chambres isolées. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Les centres de rétention administrative accueillent aujourd’hui des étrangers aux profils très divers, certains s’étant simplement rendus coupables d’infractions au droit des étrangers et d’autres, plus dangereux, attendant d’être expulsés en raison de la menace pour l’ordre public que représente leur présence sur le territoire national.
Afin d’assurer la sécurité des personnes les plus vulnérables placées dans ces centres, mais aussi celle du personnel, nous proposons que les placements en centres de rétention administrative soient différenciés en fonction de la dangerosité de l’individu placé.
Bien entendu, nous avons conscience du surcoût que ne manquerait pas d’entraîner la mise en œuvre d’une telle mesure, mais il ne nous semble pas acceptable qu’il soit possible aussi facilement de laisser se mélanger, en ces lieux, des profils si divers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Sans vouloir allonger les débats, j’indiquerai simplement que son adoption entraînerait des difficultés très pratiques et concrètes, sans compter le budget nécessaire à l’aménagement des locaux.
L’amendement est d’ailleurs partiellement satisfait, les services des centres de rétention veillant déjà à mettre à l’isolement les personnes considérées comme particulièrement dangereuses. De plus, l’adoption de l’amendement ferait peser un risque de contentieux assez lourd au regard des problèmes de qualification des faits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Arnell, vos préoccupations sont, bien sûr, tout à fait pertinentes. La sécurité des personnes doit être garantie dans les centres de rétention administrative. Et elle l’est, puisque la surveillance des CRA est confiée à la police nationale. L’article R. 553-2 du CESEDA confie ainsi au chef de centre, placé sous l’autorité du préfet, la mission d’assurer l’ordre et la sécurité dans le lieu dont il a la charge. Il incombe à ce dernier, dans ce cadre, de prendre toutes les mesures utiles et proportionnées pour assurer la sécurité de tous, le cas échéant en séparant déjà ceux qui sont retenus dans les CRA.
À l’évidence, votre amendement est satisfait. Je vous demanderai donc de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Arnell, l’amendement n° 534 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Monsieur le rapporteur, lors de la préparation de ce projet de loi, il nous a semblé utile, à un certain nombre de mes collègues du RDSE et à moi-même, de nous rendre sur place. Nous avons rencontré les personnels, qui nous ont fait part des préoccupations que je viens d’évoquer. Reconnaissant qu’un tri plus au moins partiel était effectué en amont, ils nous ont expressément demandé de porter une telle requête, au regard de l’affluence de plus en plus prononcée de personnes dans ce type de situation.
Dans le centre que nous avons visité, s’il est vrai que la présence de cellules d’isolement permet de gérer des problèmes d’agressivité, elle ne peut être la solution pour les personnes les plus dangereuses.
Madame la ministre, ce type de centres est effectivement placé sous le contrôle et la protection de la police. Mais rappelez-vous qu’en centre de rétention les forces de sécurité ne sont pas armées. Celles-ci doivent faire preuve de beaucoup de tact, de diplomatie et de persuasion pour éviter tout risque d’escalade de la violence.
Notre proposition avait simplement pour objet d’attirer l’attention sur ce type de situations, qui, d’après ce qui nous a été rapporté, semblent se multiplier plus souvent qu’à l’habitude. Nous avons voulu donner l’alerte. C’est chose faite, et l’on ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir porté cette requête. Cela étant dit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous avons examiné un précédent amendement relatif à la notification de l’OQTF dans les centres de détention pour les personnes condamnées. Dans les deux cas, les problèmes sont liés, car ce sont les personnes ayant exécuté leur peine et qui sont placées en rétention avant leur départ qui posent le plus de difficultés. Les services le disent clairement, tout le monde le reconnaît, et vous avez eu tout à fait raison de le souligner, monsieur Arnell.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 ter.
(L’article 15 ter est adopté.)
Article 15 quater (nouveau)
À la première phrase de l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après les mots : « la durée du placement en rétention », sont insérés les mots : « ne peut excéder cinq jours. Elle ».
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Cet article 15 quater, qui vise à « encadrer le placement en rétention des mineurs accompagnant leur famille », est, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues, monsieur le rapporteur, vous qui êtes à l’origine de cet article, au mieux une fausse bonne idée, pouvant même entraîner des dérives.
Certes, ni le Gouvernement ni les députés En Marche n’ont mis fin à la rétention des familles avec mineurs, la loi permettant, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, de les retenir 3 mois dans des lieux totalement inadaptés. Mais inscrire une durée maximale de 5 jours pour la rétention des familles n’apporte pas de protection supplémentaire aux enfants ; cela vient au contraire banaliser cette pratique et, indirectement, donner l’autorisation d’enfermer des familles pendant 5 jours.
Or le traumatisme que représente l’enfermement pour un enfant, qui intervient souvent après un périple épuisant pour arriver en France, ne dépend pas de la durée de rétention. L’UNICEF relève d’ailleurs, quelle que soit cette durée, de graves conséquences sur la santé physique et psychique des enfants enfermés. De nombreuses études récentes, notamment anglo-saxonnes, ont en effet démontré que l’enfermement, même pour une brève période, entraîne chez l’enfant de multiples troubles tels que ceux qui sont observés lors d’un état de stress post-traumatique : anxiété, dépression, troubles du sommeil, importante perte de poids, refus de s’alimenter, troubles du langage et du développement.
Ainsi, et comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 12 juillet 2016, « il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ». Les directives européennes encadrant la rétention des étrangers considèrent à ce titre que les mineurs, qu’ils soient ou non accompagnés, comptent parmi les populations vulnérables nécessitant l’attention particulière des autorités. En effet, les enfants ont des besoins spécifiques dus notamment à leur âge et à leur état de dépendance. Or les conditions d’organisation des centres de rétention ne peuvent qu’avoir un effet délétère sur les enfants. Quand on légifère, il faut penser aux conditions réelles de l’application de la loi.
Par ailleurs, dans une récente décision de juin 2017 concernant deux fillettes maintenues en zone d’attente, le Défenseur des droits a pu mettre en lumière les atteintes au droit et à l’intérêt de ces deux enfants, ce qui plaide ainsi en faveur de plusieurs modifications législatives. Comme je viens de le souligner et tel que notre débat l’a mis en exergue, cet article ne va pas dans le bon sens, tout au contraire.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. L’article 15 quater vient alimenter un droit interne inadapté aux normes supranationales, en introduisant désormais dans la loi l’enfermement des familles avec enfants.
La préservation de l’unité familiale fait partie intégrante de l’intérêt supérieur de l’enfant. Lorsqu’un enfant est avec ses parents, l’administration ne doit pas les séparer. L’argument, souvent avancé sur différentes travées, consistant à dire que certains adultes, accompagnés ou non d’enfants, doivent être enfermés en raison du danger ou de la menace qu’ils représenteraient, est absurde et ne peut être entendu.
Mes chers collègues, un individu représentant un danger ou une menace pour n’importe qui l’est d’abord pour les enfants qui l’accompagnent. Dans ce cas, il va sans dire que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être recherché lorsque la protection du parent est défaillante : il doit relever des services départementaux compétents de l’aide sociale à l’enfance.
Selon la loi en vigueur, tout placement d’une famille en rétention implique que celle-ci a, avant son enfermement, enfreint les conditions de son assignation à résidence ou bien a pris la fuite à l’occasion d’une mesure d’éloignement, la rétention étant alors présentée comme le « dernier recours ». Pour sa part, la Contrôleur général des lieux de privation de liberté « recommande que l’enfermement d’enfants soit interdit dans les centres de rétention administrative », précisant que « seule la mesure d’assignation à résidence [peut] être mise en œuvre à l’égard des familles accompagnées d’enfants ».
Dans la pratique, le placement de familles en rétention est souvent moins une exception qu’un mode de fonctionnement pour certaines préfectures. Les préfectures du Doubs et de la Moselle totalisent 51 % des placements de familles réalisés en 2016. À l’inverse, le centre de rétention de Lille-Lesquin, pourtant habilité à accueillir des familles, y a renoncé depuis la condamnation de la France par la CEDH en 2012. Comme quoi, cela n’est pas impossible.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Peut-on se féliciter que ce projet de loi vienne limiter dans le temps la présence d’enfants dans ces centres, alors même qu’il prévoit le rallongement de la durée de détention pour les autres personnes retenues et que la majorité présidentielle, à l’Assemblée nationale, s’est refusée à proscrire leur présence en CRA ? Non, bien évidemment !
D’une part, déterminer une durée de rétention pour les mineurs exilés dans la loi, c’est légitimer la présence des familles en CRA. D’autre part, la simple idée qu’un enfant puisse se trouver en ces lieux dépasse toute humanité et tout entendement raisonnable.
Ce sont de véritables lieux d’enfermement, gérés, je vous le rappelle, par la police. Des enfants, quelle que soit la situation administrative de leurs parents, n’ont rien à y faire. C’est à la fois l’avis de Mme Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de M. Toubon, Défenseur des droits, mais aussi de nos concitoyens. En atteste la pétition à ce sujet de l’UNICEF, qui a recueilli plus de 100 000 signatures.
Dans son rapport, la Contrôleur général détaille avec horreur l’impact des CRA sur le développement infantile, ce qu’a déjà souligné ma collègue Laurence Cohen : troubles anxieux et dépressifs, perte de poids, sommeil perturbé, troubles du langage et du développement psychique. Avec ces données sanitaires, comment le Gouvernement peut-il refuser d’interdire la présence juvénile au sein des centres de rétention ? Après pas moins de six condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour rétention administrative d’enfants, il est urgent d’y mettre un terme.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 26 rectifié bis est présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin et les membres du .
L’amendement n° 423 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 501 rectifié bis est présenté par MM. de Belenet, Patriat, Amiel et Yung.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.
Mme Esther Benbassa. L’amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 423.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’objet de cet amendement est de supprimer l’article 15 quater, introduit par la commission des lois et qui limite à 5 jours la durée de rétention des familles avec mineurs accompagnés. M’étant déjà longuement expliquée sur ce sujet, je n’insisterai pas.
M. le président. L’amendement n° 501 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 26 rectifié bis et 423 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous nous sommes déjà expliqués ce matin sur le sujet et l’avis de la commission est défavorable sur ces deux amendements. Je rappellerai néanmoins que, dans tous les cas ayant donné lieu à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, les enfants étaient maintenus en rétention pour une durée supérieure à 2 semaines. Effectivement, on peut toujours voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Ne rien faire, supprimer cet article, c’est entériner le maintien dans ces centres d’enfants avec leur famille pendant 45 jours, aujourd’hui, et, d’ici à quelques semaines, une fois le texte promulgué, pendant 90 jours.
Mmes Esther Benbassa et Jacqueline Gourault, ministre. Non !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je le rappelle pour être parfaitement clair, d’après les indications qui nous ont été fournies par les services eux-mêmes, la durée moyenne de rétention est actuellement de 4 jours. Elle peut donc être inférieure, je l’ai dit, mais aussi parfois supérieure, ce qu’a souligné Mme Hazan dans son récent rapport.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a proposé un encadrement du dispositif, pour éviter d’aller trop loin sans complètement l’interdire. Ce délai de 5 jours est prévu pour garantir les droits de chacun.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Faute d’une interdiction totale, qui n’a pu être votée ce matin, et compte tenu du risque d’adoption du texte de la commission, qui ferait passer, sur la proposition du Gouvernement, le délai de rétention de 45 à 90 jours, il est tout de même préférable, à observer le rythme d’augmentation des placements d’enfants en CRA – 172 en 2016, 304 en 2017, et encore plus cette année –, d’accepter tout ce qui permet un encadrement minimal de la procédure.
Préférant le texte de la commission à rien du tout, nous sommes malheureusement conduits à voter contre la suppression de l’article 15 quater.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je le redis, le délai de 5 jours dans le cas où il est nécessaire de planifier un nouveau vol est extrêmement court. Bien évidemment, il faut tenir compte du délai imposé par la CEDH, qui est de 18 jours et que jamais nous ne dépasserons. Mais je rappelle qu’aujourd’hui les durées de rétention sont très brèves, de l’ordre de 36 heures.
Le Gouvernement n’a pas l’intention de se livrer avec la Haute Assemblée à une bataille de chiffres, mais il souhaite, pour que tout soit bien clair, insister sur son objectif de disposer de moyens efficaces pour renvoyer les personnes dans leur pays. À cet égard, sur le plan matériel et des nécessités en termes de réorganisation des plans de vol, le délai de 5 jours nous semble véritablement très court.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la ministre, la commission des lois est coopérative. Elle a conscience des enjeux que représente l’éloignement des étrangers, y compris des étrangers qui vivent en France, en famille, de manière irrégulière. Aussi bien avons-nous permis, par la disposition adoptée en commission, que ces familles soient retenues jusqu’à 5 jours en centre de rétention.
Mais la réponse que vous nous apportez ne peut nous satisfaire, car elle est tirée des seules nécessités de l’action administrative, dans un contexte marqué par l’existence de vingt-quatre centres de rétention, dont aucun n’offre des conditions acceptables pour la rétention des familles.
Le Gouvernement, nous avez-vous dit, va consacrer des crédits à la modernisation de ces centres. J’ai fait un rapide calcul : les crédits que vous mobilisez représentent un tout petit peu plus de 60 000 euros par centre. Cette somme, je peux fort bien me la représenter, surtout lorsque j’ai à faire des travaux dans ma maison. Compte tenu du doublement de la durée de rétention, ces crédits sont d’ores et déjà consommés en totalité.
Pour améliorer la qualité de l’accueil des familles, pour ne pas les exposer à la violence d’un certain nombre d’étrangers sans titre présents dans ces centres de rétention, vous ne vous donnez pas vous-même les moyens qui nous permettraient d’être convaincus de la nécessité de prolonger la durée de rétention.
Nous sommes dans la position de devoir faire la balance entre deux aspects qui paraissent disproportionnés : l’éloignement des familles, nécessaire quand elles sont en situation irrégulière, mais aussi notre devoir d’humanité à l’égard des enfants. J’ai été très sensible à ce qui a été dit. Nous partageons tous cette idée qu’il n’est pas digne de notre République et de notre État de droit de prolonger le séjour d’enfants qui sont, par hypothèse, innocents, même quand ils sont instrumentalisés par leurs parents pour prolonger leur séjour en France. Il n’est pas concevable d’exposer des enfants à de telles conditions de vie, qui, outre qu’elles sont matériellement défavorables, les exposent aussi à la violence.
Madame la ministre, je vous le dis tout net, le Sénat ne peut accéder à votre demande pressante d’annuler cette disposition, somme toute bien modérée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce débat est aussi intéressant qu’important. Cher président de la commission des lois, permettez-moi de vous rappeler que, sur les dix-sept centres de rétention situés en France métropolitaine, cinq accueillent actuellement des familles avec enfants. Le calcul que vous nous avez présenté n’était donc pas exact. Les chiffres que j’ai annoncés sont ceux de cette année et nous allons, bien sûr, apporter des fonds supplémentaires pour l’année prochaine.
Vous êtes nombreux ici, sur différentes travées, à avoir, comme le Gouvernement, déposé un amendement de suppression de cet article, même si nos motivations divergent. Je n’ai aucun doute sur le fait que personne, dans cet hémicycle, n’est indifférent à ce sujet de la rétention des enfants mineurs avec leur famille. Nous le savons tous, il faut améliorer les conditions de vie dans ces centres, étant entendu que l’objectif politique est de rendre effective toute obligation de quitter le territoire français. Nous y sommes très sensibles.
À titre personnel, je suis très favorable à toutes les mesures propres à empêcher la séparation des enfants d’avec leurs parents. Je le dis haut et fort. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas améliorer les conditions de rétention dans les CRA.
Monsieur le président de la commission des lois, je connais l’issue du vote sur ces amendements : nous allons être battus. Mais je tenais à ce que le débat aille à son terme, afin que chacun puisse exprimer son attachement à voir ce sujet traité le plus humainement et le plus généreusement possible.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il est tout à fait possible de faire montre d’humanité sans allonger exagérément le propos. Il me semble simplement que la position retenue par la commission, que je n’avais pas suivie pendant le débat de commission, manque une partie de son objectif.
En effet, comme l’a dit le président Bas à plusieurs reprises, il faut aussi que les mécanismes de reconduite puissent être efficaces. Mme la ministre nous indique que le plafonnement du délai à 5 jours conduirait, en réalité, à annuler un certain nombre d’opérations de reconduite à la frontière et, donc, à des remises pures et simples en liberté.
Puisque le débat porte sur la fixation d’une durée maximale et non d’une durée courante, la commission serait plus conforme à son objectif en adoptant une durée de 10 ou 12 jours. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas son texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques de suppression nos 26 rectifié bis et 423, dont les objets diffèrent, bien évidemment.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, ces amendements, bien qu’identiques, n’ont pas du tout les mêmes motivations. Il est regrettable de devoir les mettre aux voix ensemble !
M. le président. Madame Assassi, le vote porte sur les amendements, pas sur leur objet. C’est la procédure.
Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié bis et 423.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 532 rectifié, présenté par M. Arnell, Mme Costes, MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
deux
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Dans le cadre de la préparation de ce débat, il m’avait semblé utile d’insister sur la question de la durée du placement en rétention. Il faut donc voir cet amendement, non pas comme une forme de persistance ou d’entêtement, mais plutôt comme une volonté forte de sensibilisation. Après avoir écouté les uns et les autres et en tant que premier signataire de cet amendement, je pense pouvoir raisonnablement le retirer.
Je vous demanderai simplement, monsieur le rapporteur, de bien avoir à l’esprit qu’un délai de 5 jours est pour nous quelque peu exagéré. Madame la ministre, puisque vous avez la volonté de réduire les délais et de mieux traiter les demandes, puissiez-vous prendre en considération cet aspect du problème, tant il importe de limiter le plus possible la possibilité de garder des enfants accompagnés en rétention administrative.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 532 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je souhaite apporter quelques explications, car, sur cet article, je ne voterai sans doute pas comme mes collègues du groupe socialiste et républicain.
La mesure que le Sénat s’apprête, sauf coup de théâtre, à voter est un signe de renoncement terrible. Pendant des années, à gauche et aussi, pour certains, à droite – la proposition de M. Buffet en est la preuve –, nous avons tenté d’endiguer ce phénomène absolument odieux qu’est la rétention des enfants.
Au fil des années, nous avons produit des circulaires à cette fin, et nous sommes parvenus à réduire le nombre d’enfants concernés à quelques dizaines par an.
Or, aujourd’hui, nous en venons à considérer la restriction à 5 jours, proposée par M. le rapporteur et adoptée en commission, comme un progrès pour les droits des enfants, au regard de ce que propose le Gouvernement (Mme Esther Benbassa acquiesce.) – et c’est vrai !
Nous nous trouvons donc dans une situation très paradoxale : au fond, nous transigeons sur le principe selon lequel ces enfants ne doivent jamais être placés en rétention. Nous concédons un moindre mal. Voilà pourquoi cet article est, finalement, la traduction de notre renoncement.
Pour ma part, je m’abstiendrai et, comme vous tous, sans doute, je serai traversée de sentiments contradictoires. Finalement, on souhaite que le délai de 5 jours soit accepté, car il est « moins pire » qu’un autre. Mais on se dit aussi que l’on n’a pas été capable de faire autrement ; que l’on n’a pas été capable d’empêcher cette rétention. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.
M. Jacques Bigot. Cette explication de vote n’entrera pas en contradiction avec celle de Mme de la Gontrie.
Face aux difficultés en présence, le Gouvernement veut garder sa liberté d’agir. Mais, de son côté, le Parlement doit pouvoir poser des principes et faire valoir ses exigences.
On peut entendre la difficulté que soulève ce délai de quelques jours. M. Arnell a proposé un délai de 2 jours ; comme l’a expliqué M. Bas, la limitation à 5 jours est un strict maximum.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je n’ai qu’un vœu : c’est que, lors de la commission mixte paritaire, sur ce point au moins, vous ne transigiez pas.
M. Roger Karoutchi. Il y a aussi l’Assemblée nationale !
M. Jacques Bigot. Cette exigence doit être posée comme un principe. On a déjà beaucoup reculé quant aux conditions de rétention des mineurs : en la matière, nous ne devons céder sous aucun prétexte. C’est la raison pour laquelle, afin de vous encourager, je voterai cet article.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout d’abord, je tiens à remercier M. Bigot de l’effort qu’il accomplit, et je suis même tenté d’étendre ces remerciements à Mme de la Gontrie, qui, comme elle l’a annoncé, va s’abstenir sur cet article.
Chers collègues, j’ai bien entendu les propos tenus par les membres du groupe auquel vous appartenez, et je souhaite également saluer le réveil de la conscience socialiste.
En effet, la dernière fois que j’ai vu des membres de votre famille politique défendre l’interdiction de la rétention des enfants, c’était le 14 mars 2012, dans une lettre adressée aux associations par le candidat François Hollande. Ce dernier annonçait que, s’il était élu, dès le mois de mai 2012, plus un seul enfant d’immigré clandestin ne serait retenu, avec ses parents, en centre de rétention.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Donnez les chiffres !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Puis, pendant cinq ans, nous avons connu un long silence. Ce silence est devenu particulièrement assourdissant lorsque nous avons examiné les textes relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers, en 2015 et en 2016.
Le temps a passé, et vous renouez avec vos engagements,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Et vous, que faites-vous ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … avec votre esprit altruiste, votre esprit de générosité, en faveur des enfants de familles d’étrangers en situation irrégulière. Cela méritait d’être souligné.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président de la commission, vos propos sont tout de même un peu perfides… Nous n’avons peut-être pas manifesté, au cours des années passées, cet altruisme dont vous parlez : mais vous auriez pu le reprendre à votre compte.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Absolument !
M. Jean-Yves Leconte. Lors de la discussion de la réforme du CESEDA, en 2016, je n’ai effectivement pas été suivi par mon groupe. Mais plusieurs dizaines de sénateurs socialistes ont tout de même cosigné mon amendement, et vous ne nous avez pas aidés !
Oui, il y a eu des évolutions. Oui, certaines promesses n’ont peut-être pas été complètement mises en œuvre. Mais la conscience était toujours là. La volonté de combattre était toujours présente.
Nous restons dans cette logique et, faute d’une interdiction complète, nous acceptons aujourd’hui ce que vous proposez : un petit progrès est toujours bon à prendre, même si nous aurions préféré l’affirmation d’un principe absolu.
M. le président. Mes chers collègues, afin que chacune et chacun d’entre vous puisse s’organiser, je vous signale que, ce soir, la séance sera levée à vingt heures trente.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. Pour ce qui concerne nos travaux de lundi prochain, les précisions nécessaires vous seront apportées à la reprise de cet après-midi. Il s’agit de l’ordre du jour du Gouvernement, c’est donc à lui de demander cette séance supplémentaire. Toutefois, puisque nous levons la séance, ce soir, à vingt heures trente,…
M. Roger Karoutchi. À vingt heures, ce serait encore mieux…
M. le président. … nous devons impérativement siéger lundi.
Ces précisions étant apportées, je mets aux voix l’article 15 quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 168 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 272 |
Contre | 35 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, l’inscription à l’ordre du jour du lundi 25 juin, l’après-midi et le soir, de la suite de l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, l’ordre du jour du lundi 25 juin 2018 s’établira comme suit :
À quatorze heures trente et le soir :
– Suite du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
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Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Madame la présidente, notre collègue Bernard Delcros souhaite modifier son vote pour certains scrutins publics intervenus lors de l’examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Au titre du scrutin n° 151, il souhaitait voter contre ; au titre du scrutin n° 155, il souhaitait voter pour ; par cohérence, au titre du scrutin n° 156, il souhaitait voter contre ; enfin, au titre du scrutin n° 157, il souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces mises au point, ma chère collègue. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la présidente, au titre du scrutin public n° 168, sur l’article 15 quater du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, je souhaite être comptabilisé comme n’ayant pas pris part au vote, étant donné que je présidais alors la séance.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, pour ma part, au titre du scrutin public n° 168, sur l’article 15 quater du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, je souhaitais m’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Immigration, droit d’asile et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, au chapitre III.
Titre II (suite)
RENFORCER L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Chapitre III
La mise en œuvre des mesures d’éloignement
Article 16
I (nouveau). – À la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours ».
II. – Le titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° A L’article L. 551-1 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Au I, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours » ;
a) Le même I est complété par les mots : « , en prenant en compte son état de vulnérabilité » ;
b) À la première phrase du premier alinéa du II, les mots : « , sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé » sont supprimés ;
c) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Le placement en rétention des personnes en situation de handicap moteur, cognitif ou psychique ainsi que les conditions d’accompagnement dont elles peuvent bénéficier ou non sont prises en compte dans la détermination de la durée de cette mesure. » ;
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 551-2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « délai », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « du fait qu’il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil et d’un médecin ainsi que de communiquer avec son consulat et avec toute personne de son choix » ;
b) La deuxième phrase est supprimée ;
2° L’article L. 552-1 est ainsi modifié :
a) Les deux premières phrases sont ainsi rédigées :
« Le juge des libertés et de la détention est saisi dans les cinq jours suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée. Il statue avant l’expiration du sixième jour de rétention par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l’étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire, après audition du représentant de l’administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l’intéressé ou de son conseil, s’il en a un. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Il informe sans délai et par tous moyens du sens de sa décision le tribunal administratif saisi, le cas échéant, par l’étranger d’un recours dirigé contre la mesure d’éloignement qui le vise. » ;
2° bis (nouveau) À l’article L. 552-3, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours » ;
2° ter (nouveau) Le même article L. 552-3 est complété par les mots : « et pour une nouvelle période d’une durée maximale de quarante jours » ;
3° À la seconde phrase de l’article L. 552-4, les six occurrences des mots : « en vigueur » et les mots : « dont il n’a pas été relevé, » sont supprimés ;
4° À la deuxième phrase de l’article L. 552-5, le mot : « lieu » est remplacé par les mots : « local affecté à son habitation principale » ;
5° À la seconde phrase de l’article L. 552-6 et à la troisième phrase de l’article L. 552-10, le mot : « six » est remplacé par le mot : « dix » ;
6° Le même article L. 552-6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Durant cette période, l’étranger peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter. » ;
7° L’article L. 552-7 est ainsi modifié :
a) Les premier à troisième alinéas sont supprimés ;
ab) (nouveau) Au quatrième alinéa, les mots : « Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, » sont supprimés ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Avant l’expiration de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 552-3, le juge compétent peut, à titre exceptionnel, être à nouveau saisi lorsque, dans les quinze derniers jours, l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement ou présenté, dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande de protection contre l’éloignement au titre du 10° de l’article L. 511-4 ou du 5° de l’article L. 521-3 ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 551-3 et L. 556-1 ou lorsque la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge des libertés et de la détention ait statué. Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, la prolongation court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quarante-cinq jours. » ;
8° À la première phrase de l’article L. 552-12, les mots : « à laquelle l’étranger dûment informé dans une langue qu’il comprend ne s’est pas opposé » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à son arrivée au Sénat, cet article contenait une mesure ubuesque : l’allongement de la durée maximale du temps de rétention administrative.
Rappelons historiquement que, en 1993, Charles Pasqua a porté ce nombre maximal de jours de 7 à 10 ; que Nicolas Sarkozy l’a augmenté à 32 jours en 2003, avant que Brice Hortefeux ne parachève ce travail de durcissement inique de la rétention des étrangers en portant ce nombre à 45 en 2011.
Dans la version initiale du texte, le ministre d’État, Gérard Collomb, accomplissait l’exploit outrancier de doubler la durée maximale de rétention, en la portant à 90 jours, et ce sans la moindre justification légitime.
Alors que la durée moyenne effective de rétention est actuellement de 12,7 jours, selon le rapport de la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur de ce texte, constatant l’inutilité de l’allongement, a décidé, à raison, de maintenir le chiffre déjà bien trop élevé de 45 jours.
Cet article reste malgré tout problématique, par les autres dispositions qu’il contient. Je pense notamment à la possibilité, pour les préfectures, de placer en rétention un étranger soumis au règlement de Dublin refusant de donner ses empreintes, les altérant volontairement ou dissimulant des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes antérieures d’asile.
Mes chers collègues, la manière dont sont traités ceux que l’on appelle les « dublinés » n’est pas acceptable. Les demandeurs d’asile ne sont pas en situation irrégulière, ils exercent un droit fondamental que nous devons leur garantir. Les faire sans cesse passer pour des escrocs et des criminels ne fera pas oublier le manque de courage de ceux qui ne veulent réformer ni les accords du Touquet ni le règlement de Dublin.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Mes chers collègues, cet article est tout à fait important, et il confirme ce que nous avons essayé de démontrer tout au long de nos travaux : ce projet de loi cherche, tantôt à durcir les dispositions en vigueur, tantôt à afficher des durcissements qui n’ont absolument aucun effet.
Tâchons d’être pragmatiques, et voyons de plus près ce dont on parle. Pour avoir régulièrement visité des centres de rétention administrative, nous savons que le constat est toujours le même. À l’heure actuelle, le temps moyen de placement au sein des CRA s’établit à 12,7 jours. Au total, moins de 4 % des personnes concernées y restent jusqu’au terme des 45 jours ; et, en définitive, ces personnes sont libérées quoi qu’il en soit !
Ce sujet a été évoqué plusieurs fois par le Gouvernement : le problème, ce sont les accords avec les gouvernements étrangers en vertu desquels les consulats autorisent le rapatriement de ces personnes.
Tous les professionnels sur le terrain nous le disent : au-delà de 7 jours, 12 jours au maximum, si le retour n’a pas eu lieu, le maintien en rétention est un pur affichage. On sait très bien que, en définitive, il faudra faire sortir ces personnes des centres de rétention administrative. Certains peuvent dénoncer cette réalité, dire qu’il s’agit d’un scandale, mais c’est un fait.
Ainsi, cet affichage de 90 jours ne renvoie à aucune réalité. Le seul effet de cette mesure sera de faire « souffrir » davantage les 4 % de personnes qui atteignent 45 jours, et qui devront attendre 45 jours de plus avant d’être relâchées.
J’ajoute que la rétention administrative n’est pas une incarcération. Dès lors, comment justifier un tel traitement ? S’il s’agissait de délinquants condamnés, cet allongement ne poserait pas problème, mais tel n’est pas le cas.
À l’origine, les centres de rétention ont été créés pour mettre un terme aux camps sauvages qui existaient, notamment, à Marseille. Il fallait raccompagner les personnes concernées en dehors de toute réglementation, et, dans l’intervalle, on ne disposait pas d’un cadre permettant de les garder.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Je donnerai davantage d’explications au titre des amendements qui suivent : en la matière, il faut faire de la pédagogie,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ah !
M. Roger Karoutchi. En effet…
M. David Assouline. … car beaucoup de personnes se font des illusions. Je poursuivrai donc mon argumentation tout à l’heure.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Mes chers collègues, en fait, cette question de délai renvoie essentiellement à la nature de la rétention administrative.
Il faut bien distinguer la rétention de la détention. Or, plus le nombre de jours s’accroît, plus on passe d’une logique de rétention à une logique de détention, ce qui n’est pas du tout la même chose pour les personnes qui sont retenues.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ça, c’est vrai !
M. Bernard Jomier. Nombreux sont certainement ceux qui, dans cet hémicycle, ont eu l’occasion de visiter, pendant quelques heures, des centres de rétention. Nous le savons bien : en rétention, on n’a pas accès aux mêmes activités qu’en détention.
On peut laisser une personne sans aucune activité pendant quelques jours ; elle va le supporter. Mais, au bout de 90 jours, ce ne sera pas du tout la même chose ! En CRA, il n’y a pas de salle de sport ; plus généralement, aucun équipement n’est prévu.
En glissant de la rétention à la détention, sans prendre la mesure de ce changement, on crée donc de grandes difficultés.
J’ai également été marqué par ce que disent les policiers travaillant au sein des CRA. Ils sont en train d’essayer d’inventer un métier. Certains d’entre eux s’habillent en civil, pour, disent-ils, apaiser les tensions. Tout lieu privatif de liberté engendre de la violence – c’est humain –, et les policiers qui doivent gérer ces problèmes essaient de trouver les moyens d’agir au mieux. Mais les policiers ne sont pas des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire. Ils le disent eux-mêmes : ce n’est pas leur travail de garder des personnes privées de liberté pendant des semaines et des semaines – nous savons très bien que l’Assemblée nationale finira par imposer une durée de 3 mois.
Enfin, cette mesure pose des questions d’aménagement des locaux.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Eh oui, il n’y en a pas assez !
M. Bernard Jomier. Mme la ministre nous certifie que le Gouvernement va investir dans les CRA. Mais une directrice de CRA m’a fait savoir que, depuis 2014, elle demandait en vain l’installation d’un équipement permettant aux retenus de se distraire : elle n’a jamais obtenu les crédits nécessaires…
Mme Sophie Primas. On n’a pas de sous !
M. Bernard Jomier. Je doute fort que les CRA deviennent tout d’un coup des lieux adaptés, non à des rétentions, mais, de fait, à des détentions assez longues.
À l’arrière-plan des amendements que nous allons présenter, il y a donc l’idée suivante : quel que soit l’état actuel du texte, on sait très bien que nous allons, potentiellement, vers trois mois de privation de liberté, et que ce changement appelle d’autres dispositions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Mes chers collègues, certains avancent qu’une personne ne peut être expulsée qu’après avoir été placée en rétention, mais c’est un mythe complet !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Qui dit cela ?
M. Jean-Yves Leconte. En la matière, je vous propose de comparer la France et l’Allemagne. En 2016, l’Allemagne a procédé à 26 000 expulsions vers des pays tiers ; la France en a effectué 24 000. Au cours de cette même année, l’Allemagne a totalisé 1 800 placements en rétention ; la France, 9 000. Il est donc possible d’éloigner plus avec moins de placements en rétention.
En outre, sur ce sujet, nous regrettons l’évolution qu’a connue le présent texte en commission des lois. Non seulement la commission a considéré que l’augmentation de la durée maximale de rétention, de 45 jours à 90 jours, pouvait être maintenue, mais elle a restreint le contrôle exercé par le juge des libertés et de la détention !
Jusqu’à présent, ce juge accomplit cinq contrôles ; notre rapporteur n’en propose que deux, et le premier serait effectué 5 jours après l’entrée en rétention. Or, à ce titre, nous sommes face à une très grande hypocrisie. Si l’on retarde ainsi l’intervention du juge des libertés et de la détention, pendant 5 jours, on ne peut pas vérifier si la personne a été placée en rétention dans des conditions correctes ; et, pendant ce temps, cette personne peut être expulsée.
L’efficacité même de ce type de mesures est sujette à caution. Les statistiques le montrent bien : les mesures d’éloignement sont effectuées lors des premiers jours de rétention. Dans tous les cas, cela ne sert à rien d’aller au-delà de 20 jours. En voici la meilleure preuve : depuis que le gouvernement de Nicolas Sarkozy a porté la durée maximale de rétention de 32 jours à 45 jours, en proportion, le nombre d’éloignements a diminué.
Enfin, la police de l’air et des frontières voit son métier changer profondément : elle se transforme petit à petit en administration pénitentiaire, en passant du contrôle des frontières à la gestion de centres de privation de libertés, où les retenus sont appelés à rester de plus en plus longtemps. Or les tensions constatées au sein de ces centres depuis le mois d’octobre dernier sont particulièrement graves, et elles ne pourront pas durer.
Bref, cet allongement de la durée maximale de rétention n’est pas efficace, il n’est pas respectueux des droits et il pose des problèmes au sein des CRA, qu’il s’agisse des conditions de travail ou des conditions de rétention.
Mme la présidente. L’amendement n° 125 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Même avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 537 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - Le placement en rétention des personnes en situation de handicap moteur, cognitif ou psychique ainsi que les conditions d’accompagnement dont elles peuvent bénéficier ou non sont prises en compte dans la détermination de la durée de cette mesure. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’allongement de la durée maximale de placement en centre de rétention administrative est une autre des dispositions phares de ce projet de loi, et certainement l’une des plus contestées.
Selon les chiffres de la direction générale des étrangers en France publiés sur le site du ministère de l’intérieur, lesquels sont, il est vrai, peu actualisés, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires est assez faible. En 2011, le taux de délivrance global était de 32 %, et le taux de délivrance dans les délais de 29,5 %. Or, toujours en 2011, sur les 8 350 laissez-passer demandés, seuls 227 ont été obtenus hors délais, soit seulement 3 % du total.
Cette situation ne laisse pas présager de la grande utilité d’un allongement du temps de placement en CRA.
Sauf à ce que ces résultats aient sensiblement évolué, nous sommes donc opposés à l’allongement proposé, qui pourrait se révéler à la fois coûteux pour le contribuable et dommageable pour les personnes placées, puis relâchées, faute d’obtention de ce fameux laissez-passer.
Les chiffres avancés par notre rapporteur ne semblent pas infirmer la faible efficacité de ces placements en CRA ; et son pari pour renforcer cette efficacité repose uniquement sur une mesure – le fait de conditionner la délivrance de visas à celle de laissez-passer.
En outre, l’état de santé physique et psychologique des personnes placées en CRA, lesquelles sont affectées par la privation de liberté, ne permet pas un placement si long.
Dans ces conditions, ni la solution proposée par le Gouvernement ni celle proposée par le rapporteur ne sont tout à fait acceptables. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’essentiel de cet article, pour en rester au droit en vigueur, à l’exception des dispositions introduites par l’Assemblée nationale visant à mieux protéger les personnes vulnérables placées en centre de rétention administrative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est presque identique au précédent, et la commission émet donc, également, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Certes, le Gouvernement n’est pas favorable à la rédaction issue des travaux de la commission des lois du Sénat. Toutefois, si cet amendement était adopté, l’on en reviendrait à la rédaction actuelle du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, ce que nous ne souhaitons pas non plus. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 275 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1, 4, 13, 14 et 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la présidente, avec votre permission, je présenterai par la même occasion l’amendement n° 269 rectifié ter.
Mme la présidente. Je vous en prie, chère collègue ; veuillez poursuivre.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. L’amendement n° 275 rectifié bis tend à supprimer l’allongement à 5 jours de la première phase de la rétention administrative. En effet, cet allongement reporte au sixième jour l’intervention du juge des libertés et de la détention, ce à quoi nous ne sommes pas favorables.
Quant à l’amendement n° 269 rectifié ter, il vise à porter à 2 jours ouvrés, et non à 48 heures, le délai pour exercer un recours contre une obligation de quitter le territoire français, ou OQTF.
Certains pourraient penser que deux jours ouvrés et 48 heures sont une seule et même chose ; eh bien, pas du tout, monsieur Karoutchi…
M. Roger Karoutchi. Mais je n’ai rien dit ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Pour assurer l’exercice des droits, il est important de savoir exactement comment les délais sont décomptés. En l’occurrence, les 48 heures peuvent inclure un dimanche. Ainsi, la mention des deux jours ouvrés permettra d’exercer ces droits dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. L’amendement n° 503, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
B. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
C. – Alinéa 14
1° Première phrase
Remplacer les mots :
cinq jours
par les mots :
quarante-huit heures
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
avant l’expiration du sixième jour de rétention
par les mots :
dans les quarante-huit heures suivant sa saisine
D. – Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement vise à rétablir à 48 heures la durée de la première phase de rétention administrative que votre commission des lois a portée à 5 jours, ce qui ne répond pas aux objectifs du Gouvernement.
Le séquençage de la rétention doit être efficace dans une action cohérente de lutte contre l’immigration irrégulière et doit garantir en même temps l’accès de l’étranger à un recours effectif.
La directive Retour ne définit pas le délai dans lequel doit intervenir le contrôle juridictionnel de la rétention, toutefois, son article 15 requiert que ce contrôle intervienne « le plus rapidement possible à compter du début de la rétention ». Une telle exigence est, du reste, conforme au paragraphe 4 de l’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme, qui garantit à toute personne privée de sa liberté « le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
La validation constitutionnelle obtenue le 9 juin 2011 sur la loi du 16 juin 2011 qui a reporté l’accès aux juges à l’expiration du cinquième jour ne suffirait pas à justifier un retour à une phase administrative de 5 jours.
Dans le dispositif issu de la loi de juin 2011, l’accès au juge des libertés et de la détention était reporté au cinquième jour à l’occasion de l’audience contradictoire sur la requête aux fins de prolongation de rétention. L’étranger ne disposait pas d’un accès effectif rapide devant un juge compétent pour contrôler à la fois la privation de liberté et la légalité de la décision administrative de placement.
Considérant la possibilité d’exécution de l’éloignement avant que le juge judiciaire ait statué, la Cour européenne des droits de l’homme a ainsi jugé que ces dispositions issues de la loi de juin 2011 n’étaient pas conformes aux exigences de la convention. Dans cette décision, la Cour a cependant pris acte de la réforme intervenue en mars 2016 en ce qu’elle a ouvert un droit de recours à l’étranger devant le juge des libertés et de la détention, suivant la notification de la décision de placement.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à ce retour au délai de 5 jours et plaide en faveur du maintien du délai actuel de 48 heures.
Mme la présidente. L’amendement n° 536 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 1, 4 et 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. La commission des lois a adopté une nouvelle version de l’article 16 qui prévoit la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention 5 jours et non plus 48 heures après le placement en CRA.
Au regard de la restriction de liberté que constitue ce placement, il est proposé de maintenir ce délai à 48 heures, afin que les personnes susceptibles d’obtenir la suspension de leur rétention puissent le faire valoir le plus tôt possible.
Mme la présidente. L’amendement n° 269 rectifié ter, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. - Aux première et seconde phrases du premier alinéa du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « deux jours ouvrés ».
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° 105, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
La personne en rétention ne peut être éloignée du territoire avant que le juge des libertés et de la détention n’ait statué. Tout agent public ayant pris cette décision d’éloignement du territoire alors que le recours devant le juge est suspensif est passible de poursuites sur le fondement de l’article 432-4 du code pénal. Tout agent public ayant eu connaissance, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de tels actes et s’étant abstenu volontairement soit d’y mettre fin si elle en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de provoquer l’intervention d’une autorité compétente, est passible de poursuites sur le fondement de l’article 432-5 du même code.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à protéger le droit au recours des personnes en rétention qui ont saisi le juge des libertés et de la détention.
De nombreuses associations, dont la CIMADE, ont dénoncé des expulsions dites « sauvages » par lesquelles l’étranger est reconduit à la frontière alors même que le juge n’a pas statué sur sa requête.
Ainsi, le collectif « Stop Dublin – Marseille » a publié en janvier dernier quelques témoignages sur les conditions d’arrestations et d’expulsions de demandeurs d’asile dublinés, assignés à résidence dans les PRAHDA de France, ces hébergements issus du programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile.
Le collectif explique, sur sa page Chroniques honteuses, que ces témoignages évoquent tous des agissements illégaux de la police et de la gendarmerie, parfois même contre des décisions de justice : « absence de traductions et d’interprètes à toutes les étapes de la procédure d’expulsion, pressions policières et menaces pour obliger les demandeurs d’asile à signer des papiers dont ils ne comprennent pas le contenu, escortes policières surnuméraires et entraves – menottes, liens pieds et jambes – non conformes à la situation, décisions de la préfecture de maintenir des expulsions alors même que des juges ont ordonné la remise en liberté… »
Sous couvert du règlement de Dublin, les polices pourraient donc aujourd’hui faire abstraction des lois, des décisions juridiques et du droit d’asile, ce qu’aucun d’entre nous ici ne saurait cautionner.
C’est pourquoi nous vous soumettons, par cet amendement, deux propositions.
Premièrement, la personne en rétention ne pourrait être éloignée du territoire avant que le juge des libertés et de la détention ait statué.
Deuxièmement, tout agent public ayant pris une décision d’éloignement du territoire alors que le recours devant le juge est suspensif serait passible de poursuites. De plus, tout agent public ayant eu connaissance, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de tels actes et s’étant abstenu volontairement soit d’y mettre fin, s’il en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de provoquer l’intervention d’une autorité compétente, serait passible des mêmes poursuites.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mes explications seront utiles pour tous les amendements déposés sur cet article, afin de donner de la cohérence à l’ensemble.
La durée de rétention est aujourd’hui de 45 jours. Elle a été modifiée il y a quelques années, puisqu’elle était de 28 jours. Elle est passée à 32 jours, puis, au début des années 2010, à 45 jours. La motivation de cette augmentation était la nécessité d’obtenir plus de laissez-passer consulaires afin de pouvoir s’assurer d’un renvoi vers les pays sources des retenus.
Reconnaissons-le, nous ne disposons pas d’un bilan complet de cette augmentation et nous ne connaissons pas clairement le nombre de laissez-passer consulaires qui ont été obtenus grâce à elle.
En revanche, nous avons pu constater que la réduction du délai maximum d’intervention du juge des libertés et de la détention, le JLD, de 5 jours à 48 heures, a posé des difficultés à l’administration pour défendre valablement son point de vue devant le JLD, voire devant le tribunal administratif. Le nombre de décisions exécutées a ainsi baissé.
Il ne s’agit donc pas de remettre en cause la situation des personnes, mais de permettre à notre administration de défendre correctement son point de vue dans l’exercice de sa mission. Les services préfèrent évidemment disposer d’un délai plus long, c’est normal. Pour être efficaces, nous devons revenir à une intervention du JLD dans un délai de 5 jours.
Rien n’empêche, par ailleurs, la personne retenue de déposer un recours devant le JLD avant l’expiration de ce délai. Les magistrats rendent leur décision le plus rapidement possible et cela offre donc une garantie supplémentaire.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois avait souhaité, en 2016, revenir sur le dispositif en vigueur. Nous avions voté en ce sens, mais le projet n’avait pas prospéré. Nous y revenons à l’occasion de ce texte pour réaffirmer le principe d’une intervention du juge des libertés et de la détention dans un délai de 5 jours.
Une partie des amendements en discussion tendent à contester ce choix, mais il s’agit pour nous d’une question d’efficacité, qui ne remet pas en cause le droit des retenus.
Pour aller au bout du sujet, je rappelle que le JLD peut considérer au bout du cinquième jour que le retenu doit être remis en liberté, mais il peut également décider que la rétention doit continuer. Celle-ci peut alors durer jusqu’à 45 jours. La commission des lois propose de s’en tenir à ce délai actuellement en vigueur.
Nous avons beaucoup réfléchi à prolonger la rétention jusqu’à 90 jours. Le texte initial du Gouvernement imposait d’ailleurs un délai beaucoup plus long. Nous avons entendu certains arguments du Gouvernement, aussi proposons-nous, afin, notamment, de lutter contre d’éventuelles mesures dilatoires, qu’au bout de 45 jours, la rétention puisse être à nouveau reconduite pour la même durée, après intervention du JLD.
Je vous rappelle que la rétention peut être prolongée jusqu’à 6 mois selon le droit actuel, en cas de terrorisme.
Ce qui importe ici, c’est que le JLD interviendra au quarante-cinquième jour et pourra ordonner la poursuite de la rétention pour la même durée ou pour une durée plus courte. En outre, le retenu pourra saisir le JLD à n’importe quel moment de sa rétention.
Le séquençage que propose la commission des lois après avoir entendu certains arguments est donc basé sur le principe d’une rétention de 45 jours, renouvelable jusqu’à 90 jours dans des conditions bien précises.
Au bénéfice de ces explications, l’avis de la commission est donc défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de tous les amendements en discussion commune au profit de celui qu’il a lui-même déposé.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Pour désidéologiser la discussion sur la durée, je souhaite rappeler à notre assemblée la mémoire de ses propres débats, car ce n’est pas la première fois que nous abordons ce sujet.
Alors que nous débattions de la loi Hortefeux-Besson, le Gouvernement avait proposé de faire passer la durée de rétention de 32 jours à 45 jours.
Nous avions alors évoqué un rapport d’information du député Thierry Mariani, publié en 2009, affirmant qu’une augmentation au-delà de 32 jours de la durée de rétention n’était pas nécessaire. « La mission d’information, ajoutait-il, estime que la durée maximum actuelle de 32 jours est suffisante et ne devra pas être augmentée lorsque la directive sera transposée en droit français. »
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’était vrai !
M. David Assouline. Le Gouvernement faisait déjà valoir le fait que la directive autorisait une durée maximale de 6 mois et évoquait la nécessité d’une harmonisation européenne vers une durée plus longue. C’est encore le cas aujourd’hui, le Gouvernement tirant argument des normes européennes pour aller jusqu’à 90 jours.
Pourtant, le rapport de M. Mariani est très clair : « Certes, dans de nombreux cas, il n’est pas possible d’organiser l’éloignement au cours de cette période, notamment à cause de la difficulté à obtenir les laissez-passer consulaires, mais une augmentation de la durée de rétention ne permettrait probablement pas d’améliorer nettement le taux d’éloignement des étrangers placés en rétention. » Il recommandait donc de « maintenir la durée maximale de rétention à 32 jours ». C’était le débat à l’époque.
Chacun était alors dans la prospective. M. Mariani affirmait que si l’objectif était de favoriser l’éloignement, une augmentation de la durée de rétention ne permettrait probablement pas de l’atteindre. Il n’avait alors pas de certitude. Depuis lors, on a mis en application un délai de 45 jours, après la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, dite loi Hortefeux-Besson. Nous sommes en 2018, et le taux d’éloignement n’a pas augmenté.
Le passage de 32 à 45 jours n’a donc pas eu l’effet attendu, mais le Gouvernement ose nous dire aujourd’hui qu’il faut passer à 90 jours. Qu’est-ce que cela veut dire ? À qui vous adressez-vous ainsi ? Vous pensez parler à ceux qui seront contents de vous voir agiter ce chiffon rouge et dont vous espérez qu’ils se félicitent de votre fermeté, mais, en réalité, vous effrayez tout le monde !
Ceux qui sont dans ces centres, notamment les policiers, ont déjà du mal à gérer la situation actuelle. Ils appréhendent de devoir garder plus longtemps la très faible proportion de retenus qu’ils gardaient 45 jours et qu’ils finissent par relâcher dans un état lamentable. Dans quel état seront ceux qu’on libérera après 90 jours de rétention ?
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je voterai naturellement contre ces amendements.
Mme Cohen est sortie, mais je souhaitais l’inviter à faire attention. Ce n’est pas parce qu’une association écrit des choses sur son site que l’on peut affirmer que la gendarmerie et la police ne respectent pas le droit, exercent des pressions, etc.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il a raison !
M. Roger Karoutchi. Comme d’autres ici, j’ai visité beaucoup de centres, j’ai reçu les associations et j’ai reçu les forces de police. Être policier dans un centre de rétention, ce n’est franchement pas de la tarte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. Nous sommes bien d’accord !
M. David Assouline. C’est vrai ! Il ne faut pas alourdir leur tâche !
M. Roger Karoutchi. Gardons-nous des généralisations hâtives. Les forces de police de la République respectent parfaitement les règles. Il existe sans doute des cas discutables, mais il en va de même pour les associations, qui parfois ne respectent pas les règles pour servir les causes qu’elles défendent. Un peu d’équilibre ne nuit pas, mais ne remettons pas en cause la police et la gendarmerie ! (M. Jacques Grosperrin applaudit.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 275 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 269 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 364 rectifié bis, présenté par MM. Jomier et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
, en prenant en compte son état de vulnérabilité
par les mots :
, sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité physique et psychologique de l’intéressé
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Je note que chacun s’accorde à reconnaître, sur les différentes travées ainsi que sur le banc des commissions, de M. Karoutchi à moi-même, que les policiers sont inquiets des évolutions à venir,…
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Bernard Jomier. … du fait de ces nouvelles dispositions législatives relatives à la rétention, qui les conduisent à exercer un métier qui n’est pas le leur. Pourtant, on y va tout de même ! Droit dans le mur, en klaxonnant ! Il y a là quelque chose qui m’échappe.
Il est prévu de prendre en compte l’état de vulnérabilité des personnes placées en rétention, cet amendement vise à ce que cette prise en compte ne soit pas seulement générale et effectuée par catégories en référence à des types d’états de santé, de handicaps ou de troubles psychiques, mais procède bien d’une évaluation individuelle de l’état de vulnérabilité physique et psychique de l’intéressé.
En écho à ce que je disais précédemment, cela me paraît d’autant plus important que la durée de rétention peut être plus longue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable. La commission estime que la rédaction actuelle satisfait largement cette proposition et qu’il n’y a pas de raison de la modifier sur ce point, au risque de surtransposer. La vulnérabilité nous semble parfaitement prise en compte par le droit positif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 364 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 283 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
b) Le II est ainsi modifié :
- à la première phrase du premier alinéa, les mots : « , sur la base d’une évaluation individuelle prenant compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé » sont supprimés ;
- le 5° est abrogé ;
- au 7°, les mots : « de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d’asile » sont supprimés ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à supprimer deux dispositions introduites par la droite sénatoriale lors de l’examen de la loi du 20 mars 2018.
La première prévoit de permettre à la préfecture de placer en rétention un étranger soumis au règlement Dublin et refusant de donner ses empreintes ou les altérant volontairement. Cette disposition revient à permettre le placement en rétention des personnes qui refusent de donner leurs empreintes digitales, sans aucune autre condition et de manière systématique, sur la simple suspicion qu’elles relèveraient de la procédure Dublin III, sans qu’il y ait pour autant de certitude à ce sujet.
La seconde permet le placement en rétention d’une personne ayant dissimulé des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes antérieures d’asile. Le critère permettant le placement en rétention pour dissimulation d’éléments de son parcours migratoire ou de sa situation familiale est flou et inadapté à la situation des demandeurs d’asile qui ont pu subir des traumatismes durant leur parcours. Il paraît dès lors raisonnable de penser qu’ils ne se confieront pas facilement à l’administration sur ces éléments. Par ailleurs, la loi permet de prendre en compte de manière suffisamment large toutes les situations qui constituent un risque non négligeable de fuite, tout en les adaptant à la situation spécifique des demandeurs d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable, car nous avons voté ces critères dans le cadre de la loi Warsmann dont il n’est pas question de remettre en cause ou d’affaiblir le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien que le Conseil constitutionnel ait validé l’ensemble des dispositions de la loi Warsmann, l’Assemblée nationale s’est prononcée contre le maintien de ces deux critères ajoutés par le Sénat.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Pour la deuxième fois au cours de l’examen de ce projet de loi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat alors même qu’il avait pris des engagements clairs dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la loi dite Warsmann. C’est curieux. Je suis un esprit simple et j’essaie de comprendre pourquoi un engagement pris devant l’Assemblée nationale n’est pas tenu ici, puisqu’au lieu de se prononcer, le Gouvernement se contente de s’en remettre à notre sagesse. J’aimerais y voir plus clair.
M. Roger Karoutchi. S’en remettre à notre sagesse, c’est flatteur !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 283 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je n’obtiendrai donc pas de réponse !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 365 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz, Iacovelli et Jomier, Mmes Lepage et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Les I et II du présent article ne sont pas applicables aux personnes en situation de handicap moteur, cognitif ou psychique. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, cet amendement concerne la question délicate des personnes en situation de handicap qui seraient en rétention.
Le docteur Claude Simonnot, cofondateur de Handicap International, assure que « la rétention fabrique du handicap parce qu’elle fragilise mentalement ». Si la rétention est néfaste pour des personnes ne présentant pas initialement de handicap, songeons aux répercussions qu’elle peut avoir sur celles et ceux qui sont, d’ores et déjà, en situation de handicap.
Tout d’abord, à quoi bon retenir dans des centres de rétention des personnes en situation de handicap moteur, cognitif ou psychique, alors que le risque de fuite est bien souvent très faible, pour ne pas dire inexistant ?
À cet égard, dans son rapport de 2007, la CIMADE qualifiait la création de quelques chambres adaptées aux personnes handicapées motrices en CRA « d’acharnement de l’administration ». Il est vrai que retenir des personnes handicapées en CRA apparaît comme une mesure inadaptée, a minima. Ces personnes doivent faire l’objet d’un traitement à part entière, avec des mesures curatives idoines.
Par ailleurs, le personnel n’est pas nécessairement formé à ce public, qui nécessite une attention toute particulière, et les moyens ne sont pas suffisants pour garantir des conditions décentes d’accueil et de soins.
Par parallélisme, rappelons que la France a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitements inhumains ou dégradants, notamment le 4 février 2016 et le 23 février 2012, en raison des conditions de détention d’une personne atteinte de troubles mentaux. Tentons de ne pas encourir à nouveau les mêmes condamnations.
Notre amendement a donc pour objet de proscrire le placement en rétention des personnes en situation de handicap moteur, cognitif ou psychique.
Mme la présidente. L’amendement n° 276 rectifié bis, présenté par MM. Jomier et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« IV. - La vulnérabilité de l’étranger, son état de santé physique ou psychologique, ainsi que, le cas échéant, ses handicaps moteurs ou cognitifs, sont évalués par l’unité médicale dès l’arrivée dans le lieu de rétention. Cette évaluation est prise en compte dans la détermination de la durée de la mesure de placement en rétention et des conditions d’accompagnement dont les personnes bénéficient. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’un amendement de repli, dans l’hypothèse où le précédent ne serait pas adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable sur ces deux amendements. La problématique des personnes en situation de handicap moteur, cognitif ou psychique est déjà prise en compte, naturellement, dans l’évaluation de la vulnérabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons.
Nous avons évidemment étudié de près la question que vous soulevez et nous avons recensé le nombre de personnes placées en rétention qui présentaient une situation de handicap. Il n’y en avait aucune en 2017 et trois en 2018.
Bien entendu, nous prêtons à chacune de ces situations une attention extrême, car dans la prise en considération de la vulnérabilité de la personne, le problème du handicap est évidemment très important.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je suis un peu surpris de la réponse à l’amendement n° 276 rectifié bis, en particulier, qui va au-delà de la question du handicap.
Chaque centre de rétention dispose d’une unité médicale. Cet amendement vise à prévoir, dès l’arrivée dans le centre de rétention, une évaluation, par cette unité, de la personne retenue.
À ma grande surprise, ce n’est pas le cas aujourd’hui. J’ai ainsi récemment trouvé dans un centre de rétention francilien un jeune homme de 18 ans atteint d’une tuberculose contagieuse qui était resté 16 jours avant que cette maladie ne soit dépistée. C’était le 11 mai et il est encore hospitalisé aujourd’hui.
Si cette personne avait été vue par l’unité médicale du centre à son arrivée, le dépistage aurait été beaucoup plus rapide, mais elle a craché du bacille de Koch à la figure de tout le monde, y compris des personnels du centre, pendant bien trop longtemps.
Je reconnais qu’il ne s’agit sans doute pas d’une mesure d’ordre législatif, mais plutôt de bon sens réglementaire. Elle n’exige même pas de moyens supplémentaires, puisque la structure existe. Si M. le ministre me garantissait qu’une circulaire allait être diffusée donnant instruction aux unités médicales des CRA de voir systématiquement les arrivants dans les 24 ou 48 heures, je retirerais volontiers cet amendement.
La situation actuelle est un peu abracadabrantesque ! L’unité médicale est présente, mais j’ai interrogé des personnels de ces unités, on ne leur demande pas de voir les retenus qui arrivent. Cela pose un problème de santé personnelle pour ces retenus, mais également de santé publique pour l’ensemble des personnels.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous discutons des textes, mais le fait d’aller dans des centres de rétention nous permet d’être au plus près de la réalité et d’en faire part au Gouvernement qui peut tenir compte de nos remarques.
Lors de ma dernière visite dans un CRA en février, j’ai été confronté à deux sujets de ce type.
Le premier illustre ce que vient de dire M. Jomier : non seulement on ne dépiste pas systématiquement les pathologies existantes au moyen d’une visite médicale lors de l’admission dans le CRA, mais lorsqu’une pathologie est constatée, ce n’est plus le CRA, mais l’OFII, qui prend la décision de faire hospitaliser ou de faire sortir la personne du centre pour lui permettre de recevoir un traitement. Or l’OFII étant engorgé, il répond parfois un peu tard par rapport au problème, qui, dans certains cas, est un problème médical strict.
J’ai ainsi été confronté au cas d’une personne en situation irrégulière qui, parce qu’elle a été arrêtée, n’a pas pu se rendre à une convocation pour une intervention chirurgicale. Le temps qu’on la laisse sortir, il était déjà trop tard.
Le deuxième cas auquel j’ai été confronté constituait une menace pour la sécurité du centre. En saluant les retenus comme je le fais quand j’entre dans un centre, je remarque, alors que je serre la main de l’un d’entre eux, que l’on me fait les gros yeux. Certains viennent alors me confier que la personne que je viens de saluer est dangereuse, qu’ils en ont peur et qu’ils n’en peuvent plus. Cet individu souffrait d’une pathologie psychique lourde signalée et était à l’origine de plusieurs incidents.
Il fallait pour qu’il sorte du centre et soit placé au sein d’une unité psychiatrique qu’une décision soit prise par l’OFII. Or la décision n’arrivait pas, et chaque heure qui passait, cette personne était avec les autres retenus, y compris dans les dortoirs.
Il y a donc un vrai problème, qui explique d’ailleurs notre souci de ne pas rallonger les délais de rétention dans ces centres où des profils socio-médicaux très différents se côtoient dans une promiscuité absolue. Il ne nous semble pas opportun de prolonger ces situations inextricables pendant 90 jours.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre d’État, j’ai bien entendu votre réponse. Vous reconnaissez que le problème est redoutable et vous dites qu’il va solliciter toute votre attention.
J’ai moi aussi visité des centres de rétention et j’ai vu les conditions concrètes dans lesquelles un nombre important de personnes est retenu.
Or la prise en charge d’une personne en situation de handicap moteur nécessite un ensemble de procédures médicales adaptées. Il est de fait très difficile de gérer des personnes en situation douloureuse, que ce soit à titre psychique ou mental, et il est pratiquement impossible de le faire sur une durée de 90 jours, ou alors il faudrait embaucher durablement des personnels spécialisés.
Nous avons déposé ces amendements pour appeler l’attention. Vous nous dites que votre attention est appelée, monsieur le ministre d’État, mais nous serons très vigilants aux mesures concrètes que vous prendrez, car elles nous apparaissent extrêmement difficiles à mettre en œuvre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 365 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 276 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 282 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à réparer ce qui n’est, je l’espère, qu’un oubli relatif à l’accès de l’étranger placé en centre de rétention à l’information lui permettant de faire valoir ses droits.
Alors que la rédaction précédente prévoyait qu’il pouvait bénéficier de cette information sur ses droits dès son arrivée, cette mention a disparu de la nouvelle rédaction.
Nous souhaitons donc revenir sur cette modification afin que l’étranger placé en rétention puisse bénéficier effectivement de ses droits dès son arrivée dans un centre de rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La rédaction proposée ne nous semble pas modifier fondamentalement le texte proposé par le Gouvernement qui vise, semble-t-il, à répondre au problème des transferts successifs entre centres de rétention.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Des distorsions existant entre les territoires, nous avons voulu préciser les choses de manière à ce qu’il y ait moins de contentieux. Dès que l’étranger arrive au centre de rétention, il peut communiquer avec son avocat, et éventuellement avec les associations qui peuvent l’accompagner.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 282 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 424, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 24 et 25
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
a) Les deuxième et troisième alinéas sont ainsi rédigés :
« Le juge peut également être saisi lorsque la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement.
« Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration du délai de vingt-huit jours mentionné au premier alinéa du présent article et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. » ;
III. – Alinéa 27
1° Première phrase
Remplacer la référence :
à l’article L. 552-3
par les mots :
aux troisième ou quatrième alinéas
2° Troisième phrase
Remplacer les références :
aux articles L. 552-1 et L. 552-2
par la référence :
au présent article
3° Dernière phrase
Remplacer le mot :
quarante-cinq
par le mot :
quinze
4° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Si l’une des circonstances mentionnées à la première phrase du présent alinéa survient au cours d’une période de prolongation ordonnée en application du présent alinéa, le juge peut être à nouveau saisi dans les mêmes conditions. Toutefois, la rétention ne peut être prolongée plus de deux fois en application du présent alinéa et sa durée maximale ne peut excéder quatre-vingt-dix jours ou, par dérogation, deux cent dix jours dans le cas prévu au quatrième alinéa.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. J’ai eu l’occasion de vous dire, mesdames et messieurs les sénateurs, que le temps de rétention administrative était de 160 jours dans de nombreux pays.
Nous avions proposé de porter le temps de rétention à 90 jours de manière à disposer du temps suffisant pour obtenir les laissez-passer consulaires.
Les députés ont souhaité séquencer ce temps de rétention de telle sorte que le juge des libertés et de la détention, le JLD, puisse se prononcer au bout de 2 jours, puis de nouveau au bout de 28 et de 30 jours.
Dans certains cas exceptionnels comme une tentative de fuite ou un refus d’embarquement, ils ont prévu une prolongation supplémentaire de deux fois 15 jours de manière à pouvoir effectuer les éloignements que nous n’arrivons pas aujourd’hui à effectuer.
Le texte que cet amendement vise à rétablir me semble donc particulièrement équilibré.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce n’est pas ce qui est écrit, monsieur le ministre d’État !
Mme la présidente. L’amendement n° 277 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la présidente, si vous le voulez bien, je présenterai les amendements nos 277 rectifié bis, 279 rectifié bis et 280 rectifié bis qui sont en discussion commune.
L’amendement n° 277 rectifié bis vise à supprimer le séquençage de la rétention introduit par la commission des lois qui prévoit une deuxième phase d’une durée de 40 jours. Ce nouveau séquençage, qui a été précisé par le rapporteur, restreint en effet le contrôle du juge des libertés et de la détention au détriment des droits de la personne retenue.
L’amendement n° 279 rectifié bis est un amendement de coordination.
L’amendement n° 280 rectifié bis vise à supprimer l’allongement de la durée de la rétention à 90 jours, cette prolongation étant totalement inefficace.
Le rapporteur a d’ailleurs indiqué, lorsqu’il a rappelé l’historique de son évolution, qu’aucune démonstration de l’utilité de l’augmentation de la durée maximale de rétention n’a jamais pu être faite.
Le ministre d’État lui-même l’avait au fond admis lors de son audition devant la commission des lois, et l’on comprenait que cette mesure visait davantage à faire passer un message général dans le monde aux potentiels candidats à la demande de séjour qu’à répondre à un besoin réel qui n’a jamais été démontré.
Mme la présidente. L’amendement n° 279 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° 406 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme Lienemann, M. Féraud, Mme Conconne, MM. Cabanel et Antiste, Mme Ghali, MM. Temal et Tourenne, Mme Lubin, M. Vallini, Mme Lepage, MM. Manable, Houllegatte et Daudigny, Mmes Jasmin et Artigalas, M. Tissot, Mme Espagnac, MM. Dagbert et Iacovelli, Mme Préville, MM. Magner et Courteau, Mme Meunier, M. Durain et Mme S. Robert, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Aux premier et deuxième alinéas, le mot : « vingt-huit » est remplacé par le mot : « quinze » ;
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à mettre le holà à la course à l’échalote et à changer de logique.
Le projet de loi que nous examinons prévoit de rallonger le délai de rétention à 90 jours. La logique veut que l’opposition, qui est contre cette disposition, propose de maintenir la législation existante.
Or si nous continuons à allonger le délai de rétention sans qu’il y ait aucun gain en termes de taux d’éloignement, c’est parce qu’après nous y être opposés, nous finissons par accepter l’allongement du délai.
Je regrette vraiment que, nous étant opposés au passage à 45 jours au moment de la loi Hortefeux, nous n’ayons pas eu le courage, sous le précédent gouvernement, de revenir à un délai de 32 jours. La conséquence en est que le débat porte maintenant sur un allongement du délai à 90 jours.
Comme je l’ai dit quand vous n’étiez pas encore en séance, monsieur le ministre d’État, le passage de 32 à 45 jours n’a pas permis d’augmenter le taux d’éloignement. La durée moyenne de rétention est de 12,7 jours, et seulement 4 % à 5 % des retenus sont effectivement retenus 45 jours, au bout desquels nous sommes de toute façon obligés de les laisser partir.
Et en termes de moyens d’encadrement et de capacités, comme en termes d’efficacité, c’est une mesure qui ne rime à rien. C’est une mesure d’affichage, dans une société où le Front national donne le ton et demande toujours plus. On ne sait pas jusqu’où il veut aller, mais on ne cesse de se rapprocher de ses exigences, même quand il n’y a aucune raison de le faire, car je répète que la démonstration de l’efficacité de cette mesure n’a pas été faite.
Quand on va sur le terrain et que l’on voit dans quelles conditions les personnes sont retenues, on se dit que c’est du masochisme. En tout cas, ce n’est bon pour personne, ni pour les retenus, ni pour l’administration, ni pour la société !
Mme la présidente. L’amendement n° 280 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 26 et 27
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° 455 rectifié bis, présenté par MM. Jomier, Jeansannetas, Iacovelli, Roger et Houllegatte, Mme Lienemann, MM. Devinaz, Courteau, Vallini, Raynal et Duran, Mme Taillé-Polian, M. Daudigny, Mmes Artigalas, Lubin, Perol-Dumont, Cartron et Espagnac, MM. Assouline, M. Bourquin, Cabanel et Temal, Mme Bonnefoy, M. Tissot et Mmes Blondin et Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase
Supprimer les mots :
, dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande de protection contre l’éloignement au titre du 10° de l’article L. 511-4 ou du 5° de l’article L. 521-3 ou
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement vise à garantir les droits des personnes qui déposent un recours pour des raisons de santé.
L’alinéa 27 répond à la crainte d’une procédure dilatoire en la matière. Or la procédure pour raisons de santé ne peut pas être déclenchée directement par la personne retenue, mais exclusivement par le médecin du centre de rétention via la saisine du médecin de l’OFII. Dans la mesure où elle suppose l’intervention de deux médecins, le risque de manœuvre dilatoire est inexistant.
Cette disposition, comme le souligne le Conseil d’État dans son avis du 15 février 2018, est totalement contraire au droit à la protection de la santé tel qu’il est conventionnellement et constitutionnellement protégé.
De plus, dans la rédaction actuelle le risque est d’entraîner une prorogation de la rétention pour raisons de santé, ce qui est totalement contraire à la demande de la personne, et éventuellement à ses droits.
Cet amendement vise donc à garantir le droit des personnes qui invoquent une demande de protection pour des raisons de santé.
Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin et les membres du , est ainsi libellé :
Alinéa 27, dernière phrase
Remplacer le mot :
quarante-cinq
par le mot :
trente-deux
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. La problématique ayant été amplement développée, je ne vais pas la résumer une nouvelle fois.
Je voudrais simplement saluer le courage et la lucidité de notre commission qui souhaite ramener le délai à 45 jours et qui s’en explique avec des arguments qui sont tout à fait recevables.
Nous aimerions l’aider en proposant de revenir à une durée de rétention de 32 jours, c’est-à-dire à la durée de rétention maximale avant la loi Besson. C’est une façon de conforter la position de la commission et de présenter un terme médian par rapport à la proposition de M. Assouline.
Monsieur le ministre d’État, je ne comprends pas votre argumentation. Pourquoi faudrait-il que nous adaptions notre durée de rétention à celles d’autres pays européens, alors qu’il n’y a aucune coordination entre les centres de rétention ?
Comme l’ont dit certains collègues, les situations et les modalités du recours à la rétention administrative différent suivant les pays. Les chiffres qui ont été cités montrent que l’Allemagne a moins recours à la rétention administrative que la France.
Par ailleurs, je suis tout à fait d’accord avec M. Karoutchi, nous imposons aux forces de police et de gendarmerie de faire un métier qui n’est pas le leur.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Pierre Ouzoulias. Vous avez dit qu’elles étaient épuisées à 45 jours, imaginez leur état d’épuisement si on va jusqu’à 90 jours ! Elles ne sont pas faites pour cela et plus on augmentera la durée de rétention, plus leur situation sera difficile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces sept amendements en discussion commune ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable sur l’ensemble de ces amendements dont les auteurs souhaitent remettre en cause la position de la commission des lois – j’ai exposé celle-ci tout à l’heure, je n’y reviens pas.
L’amendement n° 424 vise à rétablir le séquençage de la rétention adopté par l’Assemblée nationale en instaurant cinq phases et quatre interventions du JLD. La commission a proposé un autre séquençage, compatible à la fois avec l’exercice des droits de la personne retenue et l’intervention des juges.
Les amendements nos°277 rectifié bis, 279 rectifié bis et 280 rectifié bis présentés par nos collègues socialistes tendent à revenir au séquençage actuellement en vigueur.
Les amendements nos 406 rectifié et 70 rectifié, bien que rédigés différemment, visent tous deux à revenir à une durée maximale de rétention de 32 jours, alors que la commission souhaite que cette durée soit au minimum de 45 jours.
Enfin, l’amendement n° 455 rectifié bis tend à affaiblir sensiblement la disposition visant à lutter contre les pratiques dilatoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement est évidemment favorable à l’amendement qu’il a présenté et défavorable à tous les autres. Permettez-moi de rappeler la nécessité des dispositions que l’amendement n° 424 vise à introduire.
Aujourd’hui, nous discutons avec de nombreux ministres, présidents et Premiers ministres des pays concernés. Tous nous disent que nos délais sont insuffisants en raison de l’aller-retour nécessaire entre leurs services consulaires et leurs services centraux. Nous devons donc augmenter la durée de rétention.
L’Assemblée nationale, qui a trouvé la proposition du Gouvernement trop contraignante, a adopté le dispositif que cet amendement vise à rétablir afin d’apporter une garantie aux personnes qui doivent être éloignées tout en rendant cet éloignement possible.
Comme vous le savez, notre politique de l’éloignement est aujourd’hui peu efficace. Pour remédier à cette situation, nous devons prendre des dispositions.
Je rappelle que les éloignements forcés ont augmenté de 10 % au cours des cinq premiers mois de l’année. C’est la conséquence du dialogue que nous menons avec les pays concernés.
Les dispositions que je vous propose d’adopter nous permettront d’être encore plus efficaces et de distinguer véritablement les réfugiés des personnes venues dans notre pays pour d’autres raisons et que nous voulons renvoyer sur leur territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Le séquençage proposé par la commission ne permet pas de garantir un contrôle suffisant du JLD sur la privation de liberté.
Par ailleurs, et c’est plus important, une comparaison avec d’autres pays européens permettrait de casser le mythe selon lequel il ne peut y avoir d’éloignements que par la rétention.
Prenons l’Allemagne. Il y a en Allemagne 400 places de rétention contre 1 823 en France ; 1 850 placements y ont été effectués en 2014 contre 24 000 en 2016 en France…
M. Gérard Longuet. Déjà dit !
M. Jean-Yves Leconte. … et le nombre de retours volontaires y est de 54 000 contre 3 400 en France.
Nous n’arrivons pas à obtenir de retours volontaires en France alors qu’en Allemagne, c’est la politique générale. Il y a bien quelque chose à changer dans notre manière d’aborder l’éloignement, car nous continuons à nous enferrer dans une politique qui à l’évidence est moins efficace que celle de nos voisins d’outre-Rhin.
Mieux vaut changer de politique plutôt qu’aggraver encore la situation, alors même que nous savons que la rétention n’est efficace que dans les premiers jours.
De plus, si l’on rallonge la rétention, au-delà de ce qu’indiquait notre collègue Jomier sur le changement de métier que cela impliquera pour les personnels des centres de rétention, il y aura pour le même nombre de places moins de placements, donc moins d’éloignements potentiels.
Nous devons vraiment changer de logiciel si nous souhaitons éloigner rapidement et efficacement. Cela suppose non pas d’allonger les délais de rétention, mais de se donner les moyens d’une politique de retours volontaires, comme en Allemagne.
Une telle politique coûte certes cinq fois plus cher, mais elle permet des retours volontaires à la fois efficaces et respectueux des droits des personnes.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il me semble que nous devons partir des mêmes données si nous voulons avancer dans le débat.
Monsieur le ministre d’État, vous nous dites qu’il ressort de vos échanges avec les chancelleries que l’allongement du délai de rétention permettrait des retours plus nombreux des consulats, et donc plus d’éloignements. C’est la raison, nous dites-vous, de l’allongement de la durée de rétention à 90 jours.
Les associations qui sont sur le terrain nous disent que la durée moyenne de rétention est de 12,7 jours. Si ce chiffre est faux, pourriez-vous nous donner le vôtre avec l’appui des services qui vous entourent ? Je rappelle que la durée maximale est aujourd’hui de 45 jours, et que vous demandez son allongement à 90 jours.
Par ailleurs, les associations affirment qu’une personne qui n’a pas reçu de réponse positive du consulat au bout de 8 jours n’en recevra pas – 8 jours, alors que vous demandez une durée de 90 jours !
Si ces chiffres sont faux, pourriez-vous nous donner les vôtres ? Aujourd’hui, rien ne prouve qu’en allongeant le délai à 90 jours il y aura plus de retours des consulats.
Le problème n’est d’ailleurs pas le manque de rapidité des consulats, mais, comme cela a été expliqué par M. Karoutchi, leur manque de volonté. Nous savons que le Maroc traîne, et si nous ne nous énervons pas, c’est parce que nous lui demandons autre chose.
Les discussions que vous menez avec les gouvernements des pays concernés nous permettront de négocier des accords, mais leur efficacité ne dépend pas du délai de rétention. L’allongement de ce délai à 90 jours est une mesure négative et inefficace. Je maintiens que c’est de l’affichage, à moins que vous ne soyez en mesure de produire d’autres chiffres susceptibles de me faire changer d’avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur Ouzoulias, je vous remercie de ne pas travestir ce que j’ai dit sur les gendarmes et les policiers en prétendant que j’aurais dénoncé le fait qu’ils soient utilisés dans les centres de rétention ! (Sourires.)
Par ailleurs, je ne comprends pas le débat que nous avons. Depuis la réforme de 2008, nous sommes censés débattre du texte de la commission, or de nombreux orateurs continuent de se référer au texte que le Gouvernement veut rétablir. Discutons plutôt du texte que nous examinons !
Certes, le Gouvernement est présent dans l’hémicycle, mais nous disons « non » à son amendement. Monsieur le ministre d’État, c’est non ! Maintenant que c’est dit, discutons du texte qui est débattu et non de celui dont nous aurions éventuellement pu débattre si la commission n’avait pas existé. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) La commission a travaillé, nous avons un excellent texte, un excellent rapporteur et un excellent président de commission. Donc, réjouissons-nous et débattons du texte de la commission – après tout, c’est encore le plus simple.
Monsieur Leconte, vous nous dites que la politique française de l’éloignement ne marche pas depuis des années, et vous nous accusez de courir après les extrêmes, qui montent malgré tout.
Or vous citez l’Allemagne comme la référence qui réussirait nettement mieux que la France. J’ai pourtant cru comprendre – mais peut-être n’ai-je pas de bonnes lectures ? – que la politique migratoire de la chancelière Merkel la plaçait dans une situation de fragilité extrême, qu’elle n’était pas sûre de pouvoir poursuivre dans cette voie parce que sa propre majorité remettait en cause sa politique migratoire.
J’ai cru comprendre que, ce matin même, les Allemands avaient déclaré que le sommet migratoire qui doit avoir lieu au niveau européen n’aboutirait à rien parce qu’eux-mêmes ne sont pas d’accord sur les évolutions et remettent en cause la politique migratoire qu’elle a menée jusqu’en 2017.
Cela montre bien qu’il n’y a peut-être pas de référence en la matière, et que chacun essaie de trouver des solutions.
J’espère, monsieur le ministre d’État, qu’une solution européenne sera trouvée, à défaut de quoi ce sera du grand n’importe quoi, mais je crois qu’il n’y a pas de référence.
M. Jean-Yves Leconte. On peut quand même regarder point par point les problèmes que pose le texte !
M. Roger Karoutchi. Monsieur Leconte, je ne vous interromps jamais, pourtant Dieu sait que vous parlez beaucoup !
Débattons du texte de la commission sans aller chercher des références qui ne conviennent pas à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je veux dire à MM. Leconte et Assouline, pour qui ces questions sont des matières à conviction forte, que je ne suis pas d’accord avec eux.
Je pense que nous ne devons pas transformer nos juges des libertés et de la détention en bureaucrates devant systématiquement, tous les jours, écluser des dizaines de cas qu’ils ont à peine le temps d’examiner. Ayons un certain égard pour nos magistrats ! Ce dispositif n’est pas efficace pour les étrangers en centre de rétention, car il induit une forme de routine dans le travail du magistrat.
Par ailleurs, il existe un autre dispositif beaucoup plus efficace dont vous vous abstenez de parler, et qui suppose, tout simplement, soit que le juge des libertés prenne l’initiative de contrôles inopinés, soit que l’étranger, parce qu’il rencontre un problème sérieux, saisisse le juge des libertés et de la détention. Il s’agit alors d’un cas signalé, et non d’un dossier administratif qui viendrait s’ajouter à tous ceux qu’il trouve le matin en arrivant à son bureau et auxquels il doit absolument apporter une réponse dans la journée. Cela ne serait pas respectueux du travail d’un magistrat, qui doit se porter sur les difficultés sérieuses et réelles qui lui sont soumises et non entrer dans une routine administrative.
C’est la raison pour laquelle je crois que, pour la protection de l’étranger comme pour le bon fonctionnement de la justice, il faut s’en tenir – je regrette de vous le dire – au texte proposé par la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais répondre à M. Roger Karoutchi…
M. Roger Karoutchi. Non ! Non !
M. Pierre Ouzoulias. Si ! Si ! Au titre de l’amitié altoséquanaise que nous entretenons ! (Sourires.)
Je voulais lui dire ceci : tant que certains pays en Europe – et ils sont de plus en plus nombreux – considèrent que la seule politique migratoire possible, c’est la fermeture hermétique des frontières et un flux zéro, nous ne pourrons pas avoir une politique nationale, française ou allemande, digne de ce nom. Le problème est européen !
Donc je ne crois pas que copier les procédés qui sont en train d’être mis en place à l’est de l’Europe nous permette de régler le problème.
Nous sommes des responsables politiques. Nous savons que l’Europe aura nécessairement, dans les années à venir, un besoin urgent d’étrangers. C’est une nécessité absolue, car nous vivons une crise démographique majeure. L’Italie, avec 1,1 enfant par femme, est un pays mort dans les cinquante ans !
Nous, responsables politiques, devons donc essayer de faire évoluer les mentalités, de faire comprendre que l’immigration et l’étranger peuvent nous apporter quelque chose. Cela s’impose !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Un mot pour tenter, tout de même, de contredire les propos de M. Pierre Ouzoulias, qui me paraissent beaucoup trop absolus et assez peu respectueux des faits.
Premièrement, en France, l’immigration régulière se situe actuellement entre 150 000 et 180 000 personnes par an, du fait des mouvements de regroupement familial. Donc – c’était vrai sous les gouvernements précédents ; ce le sera sous les prochains – nous pratiquons, compte tenu de la structure démographique de nos diasporas d’immigration, une politique d’immigration familiale assez consistante.
Deuxièmement, les affirmations concernant le ralentissement démographique de certains pays européens demandent à être fortement nuancées. Elles sont tout simplement contraires à la réalité s’agissant de la France, qui est en état de renouvellement démographique positif.
Mme Esther Benbassa. Avec un ralentissement, monsieur Richard !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 277 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 279 rectifié bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 280 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 455 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 71 et 278 rectifié bis sont identiques.
L’amendement n° 71 est présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 278 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 71.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous proposons de revenir sur l’augmentation à 10 heures du délai pendant lequel une personne déjà libérée par le juge des libertés et de la détention peut rester à la disposition de la justice, dans l’attente de la décision du parquet.
Cette durée de 10 heures pour convenance de l’administration est, à la fois, injustifiée et excessive, d’autant que ce délai a déjà fait l’objet d’un allongement en 2011. Il a été porté de 4 à 6 heures, au motif, déjà, d’accorder plus de temps au procureur de la République pour solliciter le président de la cour d’appel, afin qu’il suspende la levée de la rétention.
Nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer cette disposition, que nous jugeons totalement inutile et dont le Gouvernement, d’ailleurs, n’a pu démontrer la justesse ni l’efficacité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 278 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Je partage les arguments qui viennent d’être exposés. J’ajouterai que cette disposition pose un petit problème pratique.
Avec un délai porté à 10 heures, si le juge des libertés et de la détention rend sa décision le matin, la personne n’est libérable qu’au cours de la soirée. Or les centres de rétention ne sont pas situés en centre-ville. Leurs personnels risquent donc d’avoir du travail supplémentaire.
En effet, soit on laisse les gens dans la nature, à une heure où ils ne peuvent quitter ou rejoindre le centre en l’absence de moyens de transport, soit c’est aux centres de rétention, eux-mêmes, d’opérer ce transport.
Pour les raisons précédemment indiquées, mais aussi pour des raisons pratiques, un allongement du délai à 10 heures n’a donc pas de sens. Les personnes concernées ne seraient libérées que le soir, vers 22 ou 23 heures.
Mme la présidente. L’amendement n° 467, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable sur les amendements nos 71 et 278 rectifié bis. Il faut permettre, dans toutes ces dispositions, au procureur de la République d’apprécier s’il interjette ou non appel de la décision du juge des libertés et de la détention, afin de demander au premier président de la cour d’appel de surseoir à l’exécution de cette décision de remise en liberté. C’est un délai raisonnable par rapport au délai actuel de 6 heures.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Il est également défavorable. Les auteurs des amendements évoquent l’accroissement du délai en 2011. Je vous signale, mesdames, messieurs les sénateurs, que le nombre de demandeurs d’asile a juste doublé depuis 2011 et que les tribunaux administratifs voient aujourd’hui le nombre de contentieux exploser. Par conséquent, donner un peu de temps au procureur de la République, qui n’est pas obligé de se saisir de cette possibilité, est une mesure évidemment très utile. C’est pourquoi nous vous l’avons proposée !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’ai une petite suggestion à faire au Gouvernement, si je puis me le permettre : augmentez les moyens de la justice !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Donc, lorsque les personnes seront libérables à 23 heures, avec quelques dizaines de kilomètres à parcourir depuis le centre-ville, on peut supposer que ce seront les personnels de la police de l’air et des frontières qui devront les reconduire, car il n’y aura aucun transport disponible. Parce que, en définitive, c’est ce qui va se passer ! Or les procureurs parviennent tout à fait, aujourd’hui, à rendre leur décision dans les temps, ce qui permet de libérer les gens avant la fin de la soirée.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 et 278 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 281 rectifié bis et 565 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 281 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 565 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 28
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 281 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement porte sur la question des vidéoconférences.
Vous connaissez, mes chers collègues, les conditions concrètes de vie dans les centres de rétention, les difficultés rencontrées par un certain nombre de personnes qui y sont retenues.
Dès lors, il nous semble que, s’il est possible d’organiser une audience par vidéoconférence lorsqu’une personne présente un recours contre une décision de prolongation de maintien en rétention, il faudrait que cela fût avec l’accord de la personne. Autrement dit, nous proposons, en l’absence d’accord de la personne, l’établissement d’un contact direct avec le juge des libertés et de la détention.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 565 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Il est prévu dans le projet de loi qu’un étranger placé en rétention ne puisse plus s’opposer à un jugement par vidéo-audience devant le tribunal administratif chargé de se prononcer sur la mesure d’éloignement.
Nous avons dit, tout au long des débats précédents, notre réticence à voir se développer la vidéo-audience de façon constante. Le droit à un procès équitable et le principe de publicité des débats se trouveraient amoindris par le développement de la vidéo-audience, qui fait prévaloir un impératif budgétaire et logistique sur le respect impératif des droits de la défense.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous prévoyons de restaurer la possibilité, pour le requérant, de s’opposer à l’utilisation de la vidéo-audience.
Mme la présidente. L’amendement n° 142 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy et Meurant, Mme Lherbier, MM. Leleux, Paccaud, Charon, Paul, Cardoux et Laménie, Mme Imbert, MM. Sido, Bonhomme, Daubresse, Revet et Danesi, Mme Bories, MM. Ginesta et Gremillet et Mmes Lassarade et Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
8° L’article L. 552-12 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « à laquelle l’étranger dûment informé dans une langue qu’il comprend ne s’est pas opposé » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les audiences prévues au présent chapitre nécessitent un accompagnement des forces de l’ordre, elles se déroulent avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission, dès lors que les juridictions en sont dotées. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. L’objectif de cet amendement est totalement inverse ! Il s’agit de rendre obligatoire la vidéo-audience dans les cas prévus au chapitre II du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur les amendements identiques nos 281 rectifié bis et 565 rectifié, qui tendent à supprimer la possibilité d’organiser une audience par vidéoconférence contre la volonté du requérant, nous nous sommes déjà expliqués sur cette question, notamment hier. La commission n’a pas changé d’avis : celui-ci reste défavorable.
Par ailleurs, elle demande le retrait de l’amendement n° 142 rectifié bis, visant à rendre obligatoire l’utilisation de la vidéo-audience, dans la mesure où les juridictions en sont équipées. Une telle obligation n’est pas envisageable ; il faut laisser aux chefs de juridiction le choix d’utiliser, ou non, ce dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Tout comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements identiques et demande le retrait de l’amendement n° 142 rectifié bis.
M. Sébastien Meurant. Je retire l’amendement n° 142 rectifié bis.
Mme la présidente. L’amendement n° 142 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 281 rectifié bis et 565 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 569, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 555-1, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
6
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, je souhaite revenir sur le résultat du scrutin public n° 168 et l’adoption de l’article 15 quater.
Depuis hier, je dépose des amendements tendant à interdire l’enfermement des enfants. Je ne me vois pas revenir sur cette position ni voter en faveur du passage de 90 à 5 jours pour ce type d’enfermement. J’estime que c’est une avancée, donc je n’aurais pas voté contre, mais je souhaite qu’il soit indiqué au procès-verbal que je me suis abstenu sur ce vote.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
7
Immigration, droit d’asile et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Dans l’examen du texte de la commission, au sein du chapitre III du titre II, nous sommes parvenus à l’article 16 bis.
TITRE II (suite)
RENFORCER L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Chapitre III (suite)
La mise en œuvre des mesures d’éloignement
Article 16 bis
(Non modifié)
L’article L. 553-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il veille aux conditions d’accessibilité universelle des lieux de rétention. »
Mme la présidente. L’amendement n° 429, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il précise les conditions d’accessibilité adaptées aux lieux de rétention. »
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. L’article 16 bis, introduit sur l’initiative de l’Assemblée nationale, inscrit dans la loi l’obligation de veiller aux conditions d’accessibilité universelle des lieux de rétention.
L’attention particulière qui est due aux personnes en situation de handicap renvoie, bien sûr, l’administration au respect du principe de proportionnalité de la procédure dans tous ses aspects, y compris quand elle décide de prendre une mesure de placement en rétention.
Bien évidemment, les exigences de normes pour l’accessibilité des lieux de rétention à des personnes handicapées sont une préoccupation permanente pour le Gouvernement, d’autant qu’au-delà de l’accueil des personnes placées en rétention, les services de l’État, les associations, les équipes sanitaires, ainsi que le public visiteur – famille, avocats – peuvent, eux-mêmes, se trouver en situation de handicap.
C’est pourquoi il est proposé de substituer, à l’amendement adopté par les députés, une précision indiquant que le décret déterminera les conditions d’accessibilité adaptées aux lieux de rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Étant défavorables à la rétention des personnes en situation de handicap, nous voterons, bien entendu, contre cet amendement.
8
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Comme mon collègue Xavier Iacovelli et pour les mêmes raisons, je souhaite qu’il soit indiqué, dans l’analyse du scrutin public n° 168 sur l’adoption de l’article 15 quater, que je me suis abstenu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, je souhaite qu’il soit procédé à la même rectification me concernant.
Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
9
Immigration, droit d’asile et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Dans l’examen du texte de la commission, au sein du chapitre III du titre II, nous sommes parvenus à l’article 16 ter.
TITRE II (suite)
RENFORCER L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Chapitre III (suite)
La mise en œuvre des mesures d’éloignement
Article 16 ter (nouveau)
Après le premier alinéa du I de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même des décisions relatives aux agréments des représentants des personnes morales ayant pour mission, dans les lieux de rétention administrative prévus au chapitre III du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits et des personnes autorisées à y fournir des prestations de loisirs, ainsi que des décisions relatives à l’accès à ces lieux des représentants proposés par les associations humanitaires habilitées à cette fin. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 16 ter.
(L'article 16 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 16 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 456 rectifié bis, présenté par MM. Jomier, Jeansannetas, Iacovelli, Roger et Houllegatte, Mmes Lherbier et Lienemann, MM. Devinaz, Courteau, Vallini, Raynal et Duran, Mme Taillé-Polian, M. Daudigny, Mmes Artigalas, Lubin, Perol-Dumont, Cartron et Espagnac, MM. Assouline, M. Bourquin, Cabanel et Temal, Mme Bonnefoy, M. Tissot et Mmes Blondin et Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
Après l’article 16 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 512-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – En application du 10° de l’article L. 511-4, l’exécution de l’obligation de quitter le territoire est suspendue en cas de saisine en cours pour avis du médecin de l’office français de l’immigration et de l’intégration, que cette saisine soit antérieure ou postérieure à la notification de l’obligation de quitter le territoire, jusqu’à la notification par la préfecture compétente à l’étranger d’une décision fondée sur cet avis, en vue de poursuivre l’éloignement ou de faire application du 11° de l’article L. 313-1. L’étranger qui fait l’objet de cette décision peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, en demander l’annulation au président du tribunal administratif. » ;
2° Le 5° de l’article L. 521-3 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « L’exécution de la mesure d’expulsion est suspendue en cas de saisine pour avis du service médical de l’office français de l’immigration et de l’intégration, que cette saisine soit antérieure ou postérieure à la notification de l’obligation de quitter le territoire, jusqu’à la notification par la préfecture compétente à l’étranger d’une décision fondée sur cet avis. L’étranger qui fait l’objet de cette décision peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, en demander l’annulation au président du tribunal administratif. » ;
3° L’article L. 531-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’exécution de cette remise est suspendue en cas de saisine pour avis du service médical de l’office français de l’immigration et de l’intégration, que cette saisine soit antérieure ou postérieure à la notification de l’obligation de quitter le territoire, jusqu’à la notification par la préfecture compétente à l’étranger d’une décision fondée sur cet avis. Cette décision se fonde sur l’existence ou l’absence d’un traitement approprié dans l’État membre auquel l’étranger peut être remis. L’étranger qui fait l’objet de cette décision peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, en demander l’annulation au président du tribunal administratif. »
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement est relatif, là encore, à la procédure d’expulsion des personnes ayant déposé une demande de protection pour raisons médicales. Il vise à conférer un caractère suspensif à la saisine du médecin de l’OFII.
Je rappelle que cette procédure se déclenche non pas du fait de la personne retenue, mais par une intervention du médecin du centre de rétention et la saisine du médecin de l’OFII.
À l’heure actuelle, un certain nombre de personnes gravement malades se voient mises en situation d’expulsion et sont expulsées, avant même que leur recours ait pu aboutir. Régulièrement, des associations se mobilisent pour prendre la défense de ces personnes et, de façon tout aussi régulière, on assiste, soit à des expulsions, soit à une décision du ministère de l’intérieur qui vient mettre un terme à la procédure et permettre le maintien sur le territoire.
Cette procédure est donc soumise à l’intensité de la mobilisation citoyenne, ce qui, sur le plan de l’égalité, n’est pas juste.
Il serait bien plus juste que la loi garantisse le caractère suspensif de la saisine, d’autant que, j’y insiste, la procédure est enclenchée par un médecin qui, en général, est un médecin hospitalier – les médecins des centres de rétention sont détachés par l’établissement hospitalier voisin – et par le médecin de l’OFII.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur cette question délicate des conditions dans lesquelles les étrangers gravement malades peuvent voir suspendues des mesures d’éloignement les concernant, la commission a souhaité entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. L’avis est défavorable.
La procédure prévoit, tout d’abord, un examen de santé préalable, qui est systématiquement réalisé dans le cadre des décisions préfectorales sur la demande de titre de séjour ou de protection.
Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d’État exige de l’autorité administrative qu’elle apporte, lorsqu’elle n’entend pas suivre l’avis médical, une motivation spéciale à sa décision de poursuivre l’exécution.
Ce dispositif concilie les exigences tenant à l’évaluation effective de l’état de santé et à la nécessité de dissuader le recours aux pratiques dilatoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Sur le dernier point, monsieur le ministre d’État, la pratique dilatoire en la matière est inexistante !
Pour qu’une telle pratique puisse être mise en œuvre, il faudrait que la personne, elle-même, prétende être gravement malade et que sa demande soit manifestement infondée. Mais, dès lors qu’un médecin hospitalier a enclenché la demande et que le médecin de l’OFII a été saisi, il n’y a en réalité aucune possibilité de pratique dilatoire.
C’est l’imprécision de la réglementation actuelle, ou son non-respect, parfois patent, qui est source d’infractions.
Cet amendement permet de clarifier la situation, une bonne fois pour toutes, sans donner cours, pour autant, aux pratiques dilatoires. On ne peut absolument pas avancer cet argument !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 456 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 17
(Non modifié)
Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 513-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable dans le cas prévu au second alinéa de l’article L. 541-3. » ;
2° L’article L. 541-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’ils ne sont plus assignés à résidence en application de l’article L. 561-1 du présent code, les étrangers faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire peuvent être astreints à déclarer l’adresse des locaux où ils résident à l’autorité administrative, aux services de police ou aux unités de gendarmerie et à se présenter, sur convocation, à ces mêmes services en vue des démarches nécessaires aux fins d’exécution de l’interdiction du territoire. Ils doivent également se présenter, lorsque l’autorité administrative le leur demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d’un document de voyage. » ;
3° L’article L. 561-1 est ainsi modifié :
a) Au b, les mots : « le cas d’un étranger faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion en application des articles L. 523-3 à L. 523-5 » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux articles L. 523-3 à L. 523-5 et au 6° du présent article » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative peut également, aux fins de préparation du départ de l’étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. Lorsque l’étranger est assigné à résidence en application des 5° ou 6° ou au titre d’une des mesures prévues aux articles L. 523-3 à L. 523-5 ou si son comportement constitue une menace pour l’ordre public, la durée de cette plage horaire peut être portée à dix heures consécutives par période de vingt-quatre heures. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Le présent article tire les conclusions d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, le 1er décembre 2017.
Cette décision affirmait qu’au-delà d’une durée de 5 ans, le maintien de l’assignation à résidence des étrangers faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire devrait être justifié par des circonstances particulières.
En conséquence, l’article 17 du présent projet de loi propose qu’au-delà d’une durée de 5 ans, la menace pour l’ordre public soit constitutive de circonstances particulières, permettant ainsi le maintien de l’assignation. Il est précisé que cette assignation pourrait être renouvelée tous les 5 ans, sans limitation dans le temps.
S’il est sans aucun doute nécessaire de se questionner sur la constitutionnalité d’une disposition du droit français, l’interprétation qui est faite, ici, de la décision du 1er décembre 2017 me semble, à la fois, fallacieuse et erronée.
En effet, en ne cherchant pas à encadrer vraiment le renouvellement des assignations à résidence, le texte permet, de fait, le renouvellement à perpétuité de ces mesures hautement attentatoires aux libertés individuelles.
Vous le savez comme moi, monsieur le ministre d’État, la privation de liberté à vie n’existe pas en France. En tentant de répondre à une inconstitutionnalité, vous en créez une autre !
Sur une question aussi fondamentale que la liberté d’aller et de venir, nous attendons davantage de rigueur de la part de l’exécutif.
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Les amendements nos 468 et 469, présentés par M. Ravier, ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 72 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin et les membres du , est ainsi libellé :
Alinéa 9, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Sont dispensés de cette obligation les mineurs et leur famille, ainsi que les personnes soumises à un suivi médical.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je veux attirer l’attention de notre Haute Assemblée et du Gouvernement sur l’assignation à résidence, considérée comme l’alternative la plus acceptable à la rétention des familles, et proposer, par cet amendement, des dérogations.
La désignation de plages horaires pouvant aller jusqu’à 10 heures, pendant lesquelles le migrant doit demeurer dans les locaux où il réside, paraît incompatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est notamment ce que défend l’UNICEF.
En effet, mes chers collègues, comment imaginer qu’une famille puisse s’occuper décemment d’un enfant dans ces conditions ? Songez seulement aux obligations scolaires : l’assignation à résidence pourrait tout simplement empêcher des parents d’emmener leurs enfants à l’école !
Par ailleurs, comme le relève l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, de telles plages horaires risquent d’impacter fortement l’accès des personnes malades à leur suivi médical, d’autant plus lorsque l’infrastructure leur procurant les soins est éloignée de leur lieu de domicile.
C’est pourquoi nous souhaitons exclure de l’assignation à résidence de longue durée, à la fois, les mineurs avec leurs familles et les personnes nécessitant un suivi médical journalier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est défavorable. En réalité, le droit positif satisfait déjà cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
Article 17 bis
(Non modifié)
L’article L. 552-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Durant cette période, l’étranger peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter. » – (Adopté.)
Article 17 ter
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 126 est présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 284 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 508 est présenté par MM. Bargeton, Amiel, Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du troisième alinéa du II de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « cent quarante-quatre » sont remplacés par le mot : « quatre-vingt-seize ».
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 126.
Mme Esther Benbassa. Les avancées de ce projet de loi sont assez rares pour être notées. L’une d’elles était l’article 17 ter, introduit à l’Assemblée nationale par la rapporteur du texte, la députée Élise Fajgeles.
Parmi les dispositions de cet article, figurait, effectivement, la suppression d’un élément de la loi du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen, dite loi Warsmann. Je veux parler de l’accroissement, de 4 jours à 6 jours, de la durée de validité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention permettant aux forces de l’ordre d’effectuer des visites domiciliaires dans le cadre des assignations à résidence.
Le groupe CRCE, qui, en mars dernier, s’était fortement opposé à cette modification du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, avait accueilli positivement la rédaction de l’article 17 ter du présent projet de loi.
Toutefois, comme le reste du texte, cet article n’a pas échappé au durcissement auquel la droite sénatoriale a procédé en commission des lois et le texte qui nous est présenté aujourd’hui prévoit donc le maintien des dispositions de la loi Warsmann.
Le présent amendement tend à rétablir l’article 17 ter du projet de loi, c’est-à-dire réduire de 6 à 4 jours la durée de validité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention permettant aux forces de l’ordre d’effectuer des visites au domicile des assignés à résidence.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 284 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Je n’ai rien à ajouter à cet argumentaire : l’amendement est défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 508.
M. Julien Bargeton. L’argumentaire reste identique. J’ajoute simplement que passer de 6 à 4 jours ne réduit en rien, dans les faits, l’opérationnalité de ces visites. Il semble donc opportun de rétablir le texte de l’Assemblée nationale, tel que voulu par la rapporteur Élise Fajgeles. Le délai proposé est suffisant sous l’angle des conditions opérationnelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces trois amendements visent à supprimer des dispositions que le Sénat a votées dans le cadre de la loi d’application des accords de Dublin. Dans ce cadre, nous avions décidé de faire passer de 4 à 6 jours la durée de validité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, afin de permettre aux forces de l’ordre d’effectuer des visites domiciliaires dans le cadre des assignations à résidence.
C’est une mesure utile, laissant plus de temps à nos services pour agir.
Ces amendements ayant pour objet de supprimer le dispositif, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 126, 284 rectifié bis et 508.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 17 ter demeure supprimé.
Article 18
(Non modifié)
I. – Le titre VII du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 571-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 571-4. – I. – Le demandeur d’asile qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion, prise en application des articles L. 521-1, L. 521-2, L. 521-3 ou L. 521-5, d’une peine d’interdiction du territoire, prise en application de l’article L. 541-1 ou d’une interdiction administrative du territoire, prise en application des articles L. 214-1 ou L. 214-2, et dont la demande d’asile est en cours d’examen ou a été présentée postérieurement à la notification de cette mesure, peine ou interdiction peut être assigné à résidence ou placé en rétention le temps strictement nécessaire à l’examen de sa demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité, dans l’attente de son départ.
« Lorsque le demandeur est assigné à résidence, les dispositions de l’article L. 561-2 relatives à la durée maximale et aux modalités de l’assignation à résidence sont applicables.
« Lorsque le demandeur est placé en rétention, les dispositions du titre V du présent livre relatives à la durée maximale et aux modalités du placement en rétention sont applicables. La décision de placement en rétention ne peut être prononcée que pour des raisons impérieuses de protection de l’ordre public ou de la sécurité nationale établies sur la base d’une évaluation individuelle du demandeur, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur.
« II. – À la demande de l’autorité administrative, et sans préjudice des cas prévus aux 5° et 6° de l’article L. 743-2, l’office statue sur la demande d’asile de l’étranger ainsi assigné à résidence ou placé en rétention selon les modalités prévues à l’article L. 723-2 et dans le délai prévu à l’article L. 556-1. Sans préjudice d’autres mesures de surveillance décidées par l’autorité administrative ou l’autorité judiciaire, il est mis fin à la rétention si l’office reconnaît à l’étranger la qualité de réfugié ou lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire.
« III. – En cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité par l’office, l’étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, demander au président du tribunal administratif de suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s’il est statué par ordonnance, jusqu’à la date de la notification de celle-ci. La mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution pendant ce délai de quarante-huit heures ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative ait statué. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans les conditions prévues au III de l’article L. 512-1 du présent code. Il fait droit à la demande de l’étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire durant l’examen de son recours par la cour. La suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement ne met pas fin à l’assignation à résidence ou à la rétention de l’étranger, qui se poursuit dans les conditions et limites prévues au présent livre.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers. »
II. – Après le chapitre VII ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre VII quater ainsi rédigé :
« CHAPITRE VII QUATER
« Le sursis à exécution des mesures d’éloignement visant les demandeurs d’asile
« Art. L. 777-4. – Les modalités selon lesquelles le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il a désigné examine les demandes de sursis à exécution présentées en application du III de l’article L. 571-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou du deuxième alinéa de l’article L. 743-4 du même code par les demandeurs d’asile assignés à résidence ou placés en rétention administrative obéissent aux règles fixées aux mêmes articles L. 571-4 et L. 743-4 et au III de l’article L. 512-1 dudit code. »
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je le répète, les demandeurs d’asile sont, eux aussi, des justiciables. Juridiquement, on ne peut pas leur accorder moins de droits qu’aux justiciables français.
Nous souhaitons vivement que les droits du justiciable étranger ne soient pas restreints par rapport à ceux du justiciable français. La demande d’asile devrait donc suspendre l’application des mesures d’éloignement et de restriction de la liberté de circulation sur le territoire ; à défaut, il s’agirait d’une remise en cause du principe même du droit à l’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable – j’ai failli dire « très défavorable » – à cet amendement de suppression.
L’article 18 vise à ouvrir la possibilité d’assigner à résidence ou de placer en rétention, le temps strictement nécessaire à l’examen de leur demande et sous certaines conditions, des demandeurs d’asile faisant l’objet d’une mesure d’expulsion, d’une peine d’interdiction du territoire français ou d’une interdiction administrative du territoire. J’ajoute qu’une telle mesure est évidemment prévue par le droit européen et qu’elle est strictement et convenablement encadrée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 577, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 541-1
par la référence :
131-30 du code pénal
et, après la référence :
L. 214-2
insérer les mots :
du présent code
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bon amendement ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 470, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
M. David Assouline. M. Ravier n’est toujours pas là !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 18, modifié.
(L’article 18 est adopté.)
Chapitre IV
Contrôles et sanctions
Article 19
I. – (Non modifié) Le livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 611-1-1 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « met l’étranger » sont remplacés par les mots : « procède aux auditions de l’étranger. Sous le contrôle de l’officier de police judiciaire, l’étranger est mis » et les mots : « et procède » sont remplacés par les mots : « . Il est procédé » ;
b) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « L’étranger est aussitôt informé, dans une langue… (le reste sans changement). » ;
b bis) À la dernière phrase du 2°, le mot : « treizième » est remplacé par le mot : « quatorzième » ;
c) À la deuxième phrase du neuvième alinéa, le mot : « seize » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
d) Après le même neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les seules nécessités de la vérification du droit de séjour et de circulation, il peut être procédé, sous le contrôle de l’officier de police judiciaire et en présence de l’étranger, avec l’accord de ce dernier ou, à défaut, après avoir informé par tout moyen le procureur de la République, à l’inspection des bagages et effets personnels de l’étranger et à leur fouille. En cas de découverte d’une infraction, il est établi un procès-verbal distinct de celui prévu au quatorzième alinéa, qui mentionne le lieu et les dates et heures de début et de fin de ces opérations et dont un exemplaire est transmis sans délai au procureur de la République. » ;
e) Le douzième alinéa est ainsi modifié :
– à la fin, les mots : « lorsque celle-ci constitue l’unique moyen d’établir la situation de cette personne » sont remplacés par les mots : « pour établir la situation de cette personne » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les empreintes digitales et photographies sont collectées en vue de l’établissement du droit de circuler ou de séjourner de l’étranger et ne peuvent être mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé en application du deuxième alinéa de l’article L. 611-3 que s’il apparaît, à l’issue de la retenue, que l’étranger ne dispose pas d’un droit de circulation ou de séjour. » ;
f) La deuxième phrase du treizième alinéa est complétée par les mots : « , ainsi que l’inspection visuelle ou la fouille des bagages et effets personnels et les dates et heures de début et de fin de ces opérations » ;
g) Le quinzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce registre peut être tenu sous forme dématérialisée. » ;
2° À la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 611-3, les mots : « et de 3 750 € d’amende » sont remplacés par les mots : « , de 3 750 € d’amende et d’une interdiction du territoire français d’une durée n’excédant pas trois ans » ;
3° Le 2° de l’article L. 621-2 est abrogé.
II. – L’article 441-8 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « voyage », sont insérés les mots : « , un titre de séjour ou tout document provisoire mentionné à l’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile » et les mots : « de l’espace Schengen » sont remplacés par le mot : « français » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « voyage », sont insérés les mots : « , du titre de séjour ou du document provisoire mentionné à l’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Je voudrais m’arrêter sur une disposition qui nous paraît particulièrement dangereuse au sein de l’article 19, à savoir l’allongement de la durée de la retenue administrative de seize à vingt-quatre heures.
Depuis 2012, à la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, le droit européen interdit le recours aux gardes à vue pour les demandeurs d’asile. Or, en augmentant la durée de la retenue administrative, nous l’alignons sur celle du régime de la garde à vue. De fait, celle-ci s’appliquerait aux exilés, sans qu’elle en porte pour autant le nom et, donc, sans que les étrangers puissent bénéficier des garanties juridiques qui lui sont associées dans notre pays.
En délicatesse avec les préconisations légales européennes, cette mesure va également à l’encontre de l’avis que le Conseil d’État a rendu sur ce projet de loi en février 2018. Celui-ci rappelait alors que les demandeurs d’asile ne doivent pas être regardés en tant que tels comme des personnes en situation irrégulière, leur présence sur le territoire étant justifiée par leur besoin de protection.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, en alignant la durée de retenue des réfugiés sur celle de la garde à vue, le Gouvernement défend une vision de la criminalisation des demandeurs d’asile, alors même que ces derniers n’ont pas commis le moindre fait répréhensible au regard de la loi et du droit.
Ces exilés, qui ont parcouru un trajet difficile pour arriver en France, afin d’échapper aux divers bouleversements qu’ils ont subis dans leurs pays d’origine, méritent un traitement plus digne.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 19 concerne la retenue pour vérification du droit de séjour, dont la durée maximale est aujourd’hui de seize heures. Le texte prévoit d’étendre cette durée à vingt-quatre heures. La commission a estimé qu’il s’agissait d’une bonne mesure et a donc émis un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 106 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° L’article L. 611-1-1 est abrogé ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Avec cet amendement, nous souhaitons mettre fin au régime dérogatoire du droit commun qu’est la retenue pour vérification du droit de séjour. Mon propos vient ainsi compléter ceux de ma collègue Esther Benbassa.
Dans son étude d’impact, le Gouvernement reconnaît lui-même qu’il s’agit d’une version dégradée de la garde à vue, puisqu’il y est indiqué que « ce régime est calqué sur celui de la garde à vue alors que les deux mesures répondent à des finalités différentes et donc placent l’intéressé dans une situation juridique sans comparaison ». Cette retenue illustre la volonté du Gouvernement de criminaliser les étrangers.
Le point de départ de cette nouvelle procédure est la remise en cause par la Cour de justice de l’Union européenne de l’application de la procédure de garde à vue durant la vérification de la situation juridique de la personne étrangère. Bien entendu, cette situation n’était pas acceptable du point de vue du respect des droits les plus élémentaires de la personne humaine. Elle introduisait une véritable présomption de culpabilité : l’étranger était gardé à vue sans avoir commis a priori le moindre fait répréhensible. Seul le soupçon fondait l’action de la police ou de la gendarmerie.
Depuis une loi du 31 décembre 2012, une procédure dite de « retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour », quelles que soient les garanties apportées, entraîne des conséquences sanitaires en matière de restriction des libertés.
La lecture de l’étude d’impact est édifiante et surprenante. S’il y est fait référence à plusieurs endroits à la nécessaire préservation des libertés individuelles, instaurée par la Constitution, en particulier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui en fait partie intégrante, la personne étrangère n’est considérée que sous le seul prisme de la répression. Ainsi, l’étranger, l’immigré, par le biais de cette procédure de retenue, est systématiquement considéré comme un délinquant. L’instauration d’un relevé obligatoire des empreintes digitales, dès le début de la procédure, l’atteste.
Notre groupe, comme tous ceux qui se mobilisent aujourd’hui contre le renforcement de la pression sécuritaire à l’encontre des étrangers, est dans une tout autre logique que celle du Gouvernement et de la majorité sénatoriale. Ceux-ci épousent la pensée de plus en plus dominante, qui désigne l’étranger comme un bouc émissaire. Cette logique est totalement opposée à ce que nous défendons.
Mme Sophie Primas. Ça va, les procès d’intention !
Mme la présidente. L’amendement n° 285 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Comme nos collègues du groupe CRCE l’ont rappelé, la procédure de retenue pour vérification du droit de séjour a été mise en place par la loi du 31 décembre 2012, dans la mesure où nos obligations conventionnelles nous ont conduits à ne plus pouvoir considérer la présence irrégulière d’un étranger sur le territoire comme un délit et à ne plus pouvoir mettre en garde à vue une personne se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national.
C’est parce que, en mai 2012, nous avons trouvé une situation dans laquelle il n’était plus possible du tout de mettre en garde à vue ou de retenir une personne en situation irrégulière sur notre territoire que nous avons dû voter cette loi. Nous avons cherché à établir un équilibre entre nos obligations conventionnelles et la nécessité de vérifier la réalité du droit de séjour et, le cas échéant, de déterminer quelles pouvaient être les mesures d’éloignement les plus appropriées. La loi du 31 décembre 2012, qui s’applique depuis six ans, nous a permis de montrer que nous respections nos obligations conventionnelles.
Comme l’ont dit nos collègues du groupe communiste, le projet de loi, en alignant les dispositions de la procédure de retenue sur celles de la garde à vue, nous fait de nouveau courir un risque : nous pourrions nous retrouver dans la même situation qu’en mai 2012, lorsque nous ne disposions plus d’aucun moyen de retenir une personne étrangère pour vérifier la légalité de son séjour, faute d’avoir respecté nos obligations conventionnelles. C’est le risque que font courir ces dispositions qui durcissent le droit en vigueur et ne respectent plus les équilibres trouvés en 2012.
Avec cet amendement, nous proposons plus spécifiquement de supprimer la possibilité désormais laissée à des agents n’ayant pas la qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire d’accomplir certains actes liés à la procédure de retenue.
Mme la présidente. L’amendement n° 373 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au-delà d’une durée de quatre heures, il est informé des motifs justifiant la poursuite de la retenue. » ;
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Tirant les conséquences de la jurisprudence européenne et des décisions de la première chambre civile de la Cour de cassation, la loi du 31 décembre 2012 a supprimé le délit de séjour irrégulier et créé, en lieu et place de la garde à vue, une retenue aux fins de vérification du droit de séjour.
Considérant que la procédure de vérification d’identité prévue à l’article 78-3 du code de procédure pénale, laquelle ne peut excéder quatre heures, était insuffisante pour la vérification du droit de circulation et de séjour, le législateur a décidé de créer un régime privatif de liberté spécifiquement dédié aux étrangers, d’une durée maximale de seize heures – le texte prévoit de l’allonger à vingt-quatre heures. Cette durée permettait d’assurer « un équilibre entre les droits de la personne retenue, tant au regard de la privation de liberté que de la défense de ses intérêts, et les exigences qui s’imposent à l’autorité administrative ».
Partant du principe que ce délai est actuellement excessif, il est essentiel que, au-delà de quatre heures, durée maximale de la garde à vue, des explications soient apportées au procureur de la République quant aux raisons de cette privation de liberté anormalement longue. Dans un régime démocratique, il est tout à fait normal que le procureur de la République puisse obtenir de telles explications en cas de dépassement de cette durée de droit commun.
Mes chers collègues, j’étais très heureux en constatant que la commission avait enfin émis un avis favorable sur l’un de mes amendements. C’était la première fois que ça m’arrivait ! Regardez bien (M. David Assouline brandit son amendement.), il est indiqué que la commission y est favorable ! En voyant ça, je me suis dit qu’après tout il était dans la nature du rapporteur, M. Buffet, d’être attentif aux questions de droits et de ne pas laisser faire n’importe quoi. Or j’apprends à l’instant qu’il s’agit peut-être d’une faute de frappe… (Sourires.) Que ma déception serait grande si tel était le cas !
Mme la présidente. L’amendement n° 286 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au deuxième alinéa, les mots : « ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend, » sont supprimés ;
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Nous souhaitons aborder la question de la langue utilisée pour échanger avec un demandeur d’asile, lorsque celui-ci est informé de ses droits et obligations.
Cet amendement résume toute la philosophie de notre opposition à ce texte. Nous, nous souhaitons obtenir l’assurance que la personne concernée est bien en mesure de défendre ses droits et que la loi lui en apporte la garantie. À nos yeux, l’expression « raisonnable de penser qu’il la comprend », qui figure dans le projet de loi, n’est pas suffisante pour garantir les droits du demandeur d’asile. Nous voulons être sûrs que la langue parlée soit comprise du demandeur.
Mme la présidente. L’amendement n° 287 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la quatrième phrase du 2°, les mots : « , sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, » sont supprimés ;
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cette fois-ci, je le sais, l’avis de la commission sera défavorable : c’est écrit sur mon amendement ! À moins que ce ne soit encore une faute de frappe… (Sourires.)
Cet amendement, dont le dispositif est inspiré de l’avis du 15 mars 2018 du Défenseur des droits, M. Toubon, a pour objet de garantir la présence d’un avocat lors de la retenue pour vérification d’identité.
L’article L. 611-1-1 du CESEDA prévoit que la première audition puisse débuter sans la présence de l’avocat si celle-ci porte uniquement sur la vérification des éléments d’identité. Or c’est précisément l’objet de la retenue pour vérification ! La présence de l’avocat doit, dès lors, être prévue dès la première audition, sans restriction. Ce serait logique ! Cet amendement permet de revenir à une certaine cohérence du droit.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 107 est présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 288 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 538 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini, Guillaume et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 107.
Mme Laurence Cohen. Il a été défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 288 rectifié bis.
M. Rémi Féraud. L’amendement vise à empêcher l’allongement de seize à vingt-quatre heures de la durée maximale de retenue pour vérification du droit de séjour. Sa justification figure dans l’étude d’impact du projet de loi lui-même, qui indique que la mesure instituée par la loi de 2012 est « mise en œuvre dans une proportion tout à fait satisfaisante ». La preuve en est : on a comptabilisé plus de 30 000 mesures de retenue en 2015, alors que, pour le seul premier semestre de l’année 2017, on a dénombré plus de 30 000 mesures de retenue, soit un doublement du rythme observé.
La proposition d’allonger cette durée à vingt-quatre heures est uniquement destinée à des cas exceptionnels. Reste que, si elle est adoptée, cette mesure, nous le savons très bien, sera généralisée, ce qui rapprochera le régime de la retenue de celle de la garde à vue, alors que nous avions souhaité – je crois que c’est une bonne chose – bien distinguer les deux régimes.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 538 rectifié.
M. Guillaume Arnell. L’article 19 modifie le régime de la retenue, qui vise à permettre aux forces de l’ordre de retenir un étranger le temps de contrôler son identité.
Le droit en vigueur prévoit que cette retenue ne peut être prolongée au-delà de seize heures, une durée déjà jugée excessive. Nous rappelons que l’Union syndicale des magistrats suggère, de façon constante, une réduction de ce délai maximal. L’alinéa 6 de l’article 19 prévoit au contraire d’étendre cette durée à vingt-quatre heures, en plus de la possibilité de collecter des empreintes digitales et des photographies, qui seront dans certains cas mémorisées.
S’il peut être légitime de développer des moyens destinés à faciliter l’identification des personnes retenues, l’allongement de la durée de retenue est en revanche excessif. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.
Mme la présidente. L’amendement n° 340 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer les mots :
après avoir informé par tout moyen le procureur de la République
par les mots :
après que le procureur de la République en ait donné l’autorisation
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. À l’évidence, ce n’est pas dans une valise que l’on va trouver les informations permettant de vérifier la légalité du droit de séjour d’un étranger. Si elles s’y trouvaient, je pense que la personne contrôlée les montrerait d’elle-même. Pourtant, cet article prévoit qu’il soit possible d’inspecter ses bagages et effets personnels.
Comme il s’agit d’une disposition un peu particulière, nous proposons, non pas que le parquet soit informé de cette inspection des bagages, comme le prévoit l’article, mais que celle-ci n’ait lieu qu’après accord du procureur de la République. Si une telle fouille est prévue, ce n’est pas simplement pour vérifier le droit de séjour… Il serait donc logique que le procureur de la République donne son avis.
Mme la présidente. L’amendement n° 289 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’alinéa 11 de l’article 19 nous semble dangereux. Il prévoit en effet une collecte systématique des empreintes et photographies recueillies dans le cadre des mesures de contrôle réalisées lors d’une retenue pour vérification du droit de séjour.
La CNIL a émis énormément de réserves sur ce dispositif, qui risque d’entraîner une collecte massive et disproportionnée de données biométriques. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa.
Monsieur le ministre d’État, j’ai également une question à vous soumettre. À partir du moment où les forces de l’ordre constatent qu’un étranger est en situation irrégulière sur notre territoire, elles doivent systématiquement l’enregistrer dans la base de données EURODAC. Je voudrais donc obtenir des assurances : ce fichier ne permettra-t-il pas à la France de s’exonérer de l’enregistrement des étrangers en situation irrégulière dans EURODAC ? Ce serait une manière d’éviter que ces personnes soient renvoyées vers la France en vertu de la procédure Dublin si elles se trouvaient par la suite dans un autre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Tous ces amendements, sans exception, visent à remettre en cause, soit la totalité, soit certains aspects du régime de retenue pour vérification du droit de séjour.
Je rappelle que les diverses modifications procédurales proposées répondent à des besoins opérationnels : elles facilitent la lutte contre certains comportements d’obstruction ; elles permettent d’établir plus facilement la situation d’un étranger qui ne satisfait pas à l’obligation qui lui est faite de présenter les documents l’autorisant à circuler ou à séjourner en France ; enfin, elles permettent d’en tirer les conséquences s’il apparaît qu’il se trouve en situation irrégulière.
Ces amendements tendent à supprimer toutes les garanties et les moyens alloués à nos services. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis que le rapporteur.
Je souhaite simplement apporter une précision à propos de l’augmentation de la durée de retenue.
Comme la durée n’était pas suffisante, il est arrivé dans certains cas, que j’ai, hélas, eu à connaître, que les services relâchent des personnes au milieu de la nuit, faute d’avoir pu procéder aux vérifications à temps. Une telle situation peut évidemment entraîner des problèmes extrêmement importants. Ce fut d’ailleurs ma première expérience au ministère de l’intérieur.
Quant à l’AGDREF, l’application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France, elle nous permet en effet d’enregistrer les données des personnes qui sont en situation irrégulière. Cela me semble tout à fait normal, sinon nous ne pourrions pas savoir si une personne est en situation irrégulière et doit, en conséquence, faire l’objet d’une procédure.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 285 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 373 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 286 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 287 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 107, 288 rectifié bis et 538 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 340 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 289 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre d’État, permettez-moi d’insister : pourriez-vous nous confirmer qu’une personne retenue dont la situation irrégulière sur le territoire a été constatée est systématiquement enregistrée dans EURODAC si elle ne l’était pas auparavant ? Ou bien envisagez-vous d’ajouter les empreintes et les informations biométriques dans ce fichier sans enregistrer ces personnes en situation irrégulière dans EURODAC ? J’aimerais une information plus précise sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. EURODAC sert à enregistrer les demandes d’asile. Ce n’est pas AGDREF.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 289 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 290 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 290 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 104 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Les alinéas que notre amendement vise à supprimer transposent dans le droit du travail l’article 441-8 du code pénal, dont le dispositif n’était mobilisé jusqu’alors que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le Défenseur des droits, M. Toubon, a d’ores et déjà dit combien cette mesure pourrait être pernicieuse.
Nous discutons d’une loi sur l’immigration et l’intégration : le fait de travailler en France, d’avoir un contrat de travail, de payer des droits sociaux n’est-il pas déjà une forme d’intégration poussée, dont certains Français ne bénéficient d’ailleurs même pas ? Quel est l’objectif ? Retirer aux étrangers ce qui permet leur intégration ou accompagner les personnes dans un parcours qui intéresse l’ensemble de notre société ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Défavorable.
Nous examinerons tout à l’heure un certain nombre d’articles relatifs au travail.
Mme la présidente. L’amendement n° 567, présenté par M. Richard, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Au premier alinéa, après les mots : « aux fins d’entrée », sont insérés les mots : « , de circuler » ;
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Nous nous sommes rendu compte que les dispositions du code pénal relatives à l’utilisation frauduleuse de documents appartenant à un tiers ne coïncidaient pas avec les dispositions préventives figurant dans le CESEDA. Nous préconisons donc que le texte de l’article 441-8 du code pénal soit complété par ce type d’infraction.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a trouvé que cet amendement présentait un grand intérêt. Seulement, elle s’interroge sur l’utilité réelle d’étendre la prévention à la notion de circulation, dans la mesure où l’article 441-8 du code pénal, ainsi visé, évoque désormais le « territoire français » et plus l’« espace Schengen ». C’est pourquoi nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. L’article 441-8 du code pénal, comme il a été expliqué, punit l’utilisation d’un document appartenant à un tiers. Or le CESEDA prévoit un contrôle des documents en vertu desquels les personnes de nationalité étrangère sont autorisées à circuler ou à séjourner en France.
Ainsi, en fonction des circonstances dans lesquelles le contrôle est effectué, si l’intention manifeste de la personne contrôlée n’est pas de séjourner sur le territoire, l’incrimination prévue à l’article 441-8 du code pénal pourrait ne pas être mise en œuvre. Ces situations se manifestent avec une particulière acuité à Mayotte.
L’ajout du verbe « circuler » à l’article 441-8 du code pénal est justifié par la nécessité d’assurer la concordance entre les faits incriminés et leur qualification pénale. L’avis du Gouvernement est donc favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. La matière est complexe, et il peut arriver à chacun de commettre des erreurs, tant sont nombreuses les dispositions du CESEDA et du règlement européen qui entrent en jeu. C’est pourquoi, monsieur le ministre d’État, je tiens à préciser que les demandeurs d’asile ne sont pas les seules personnes inscrites dans EURODAC. Nous avons d’ailleurs eu un débat sur cette question et sur le régime Dublin il y a moins de quarante-huit heures. Sur les points de contrôle, les hotspots, de FRONTEX, les personnes sont systématiquement inscrites dans EURODAC. Toute personne trouvée en situation irrégulière en Italie ou en Grèce, pays où FRONTEX intervient, est donc enregistrée dans cette base de données.
De là ma question : une personne qui n’est pas demandeuse d’asile en France, mais qui est trouvée en situation irrégulière lors d’une retenue est-elle systématiquement intégrée à EURODAC ? Le règlement EURODAC prévoit cette intégration, et ce sujet est de ceux que FRONTEX suit particulièrement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 19
Mme la présidente. L’amendement n° 154 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 213-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions du chapitre Ier du titre Ier du livre III et au chapitre Ier du titre II du livre III ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.
« La juridiction pourra, en outre, interdire à l’étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Avant le 1er janvier 2013, le séjour illégal en France constituait un délit au titre de l’article L. 621 du CESEDA. Le présent amendement a pour objet de rétablir ce délit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement pose un problème juridique majeur : il entre très clairement, pour ne pas dire frontalement, en opposition avec le droit européen, auquel nous sommes soumis et que nous devons appliquer sur le territoire national.
Il n’en résulte pas que nous ne pourrions pas, par d’autres voies juridiques, décider d’interdire à quelqu’un de rester sur le territoire national ; on passe par une législation nationale dans le cadre d’infractions commises sur notre territoire.
Nous sollicitons donc le retrait de cet amendement ; s’il est maintenu, nous y serons défavorables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Meurant, l’amendement n° 154 rectifié est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Compte tenu des explications du rapporteur, je le retire, mais il faut que tout le monde prenne conscience des difficultés qu’il y a à maîtriser nos frontières avec une législation européenne extrêmement favorable aux migrations.
Mme la présidente. L’amendement n° 154 rectifié est retiré.
L’amendement n° 471 rectifié, présenté par MM. Ravier et Masson, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 341 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les 4° à 6° de l’article L. 611-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont abrogés.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à retirer de la liste des autorités et personnes privées devant transmettre au préfet les documents et informations nécessaires à ses missions de contrôle les établissements scolaires et d’enseignement supérieur, les fournisseurs d’énergie et services de communications électroniques et les établissements de santé. En effet, la transmission de ces données porte une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée.
Par ailleurs, ce dispositif n’est assorti d’aucune sanction en cas de non-réponse par les organismes visés. De ce fait, il engendre une inégalité entre les personnes contrôlées, selon que les établissements répondent ou non aux demandes formulées par l’autorité administrative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. M. Leconte, qui est allé très vite dans sa présentation, propose en réalité de supprimer des canaux d’information pour les préfectures. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 341 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 175 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Bazin et H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Joyandet, Pellevat, Bonhomme, Courtial, Karoutchi, Panunzi, Frassa et Revet, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Babary et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Meurant, Reichardt, Paccaud, Bascher, Chaize et Laménie, Mme Imbert, MM. Sido, Rapin, Schmitz et Kennel, Mmes Bories, A.M. Bertrand et Deroche, MM. Pierre, Bonne et Poniatowski, Mmes Lamure et Lassarade et MM. Gremillet et Savin, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 624-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement, » sont supprimés.
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Le premier signataire de cet amendement est notre collègue Max Brisson.
En l’état actuel des textes, une sanction pénale en cas d’inexécution d’une obligation de quitter le territoire français est possible uniquement si un placement dans un centre de rétention administrative a été demandé. Or, au regard des taux élevés d’inexécution des décisions d’OQTF, il est indispensable d’élargir cette possibilité de sanction pénale à toute inexécution d’OQTF, avec ou sans placement en centre de rétention administrative, ainsi qu’à toute inexécution d’interdiction du territoire français judiciaire ou d’assignation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à élargir la sanction pénale d’emprisonnement et d’amende en cas d’inexécution d’une obligation de quitter le territoire national à toute inexécution, même sans placement en rétention.
Je rappelle que la Cour de justice de l’Union européenne a jugé en 2011 que la directive Retour s’oppose à une réglementation nationale permettant l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier qui n’a pas d’abord été soumis aux mesures coercitives prévues par la directive et qui, en cas de placement en rétention, n’a pas vu expirer la durée maximale de celle-ci. Ce dispositif n’interdit heureusement pas aux législateurs nationaux de sanctionner pénalement le maintien sur le territoire en dépit d’une mesure d’éloignement, ainsi que le fait de se soustraire à l’exécution d’une telle mesure. Notre code pénal prévoit des dispositions à cet égard, renforcées par d’autres articles du présent projet de loi.
Cet amendement entrant en contradiction avec la législation européenne, je demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer. J’y serai défavorable s’il est maintenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Paccaud, l’amendement n° 175 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Paccaud. Non, madame la présidente, je suis l’avis du rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 175 rectifié bis est retiré.
Article 19 bis A
L’article L. 624-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France, d’une interdiction administrative du territoire, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement. Cette peine est également applicable à l’étranger qui refuse de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.
« Tout étranger qui, expulsé ou ayant fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire, d’une interdiction administrative du territoire, d’une interdiction de retour sur le territoire français ou d’une interdiction de circulation sur le territoire français, pénètre de nouveau sans autorisation en France est puni de trois ans d’emprisonnement. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « même peine » sont remplacés par les mots : « peine prévue au deuxième alinéa du présent article » ;
b) Au début de la deuxième phrase, les mots : « La peine » sont remplacés par le mot : « Elle » ;
3° Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « premier » est remplacée par le mot : « deuxième ».
Mme la présidente. L’amendement n° 291 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Tout étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France, d’une interdiction administrative du territoire, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français est puni de 3 750 € d’amende. La peine est portée à trois ans d’emprisonnement lorsque les faits sont commis alors que la rétention a pris fin sans qu’il ait pu être procédé à l’éloignement de l’étranger.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à mettre l’article 19 bis A en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
L’article 19 bis A prévoit des sanctions en cas de méconnaissance par un étranger d’une mesure d’éloignement. Pourtant, la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation ont jugé qu’on ne peut appliquer une mesure d’emprisonnement à un étranger s’il peut encore être recouru à son égard à la rétention. La directive Retour prévoit en effet que la procédure administrative, c’est-à-dire la rétention, ne peut pas être entravée par une peine d’emprisonnement.
L’article n’est pas conforme à cette jurisprudence, puisque, dans de nombreux cas, la peine d’emprisonnement serait possible quand bien même il pourrait encore être recouru à la rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous sollicitons l’avis du Gouvernement sur cette question juridique précise.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Monsieur Leconte, j’entends bien vos préoccupations sur l’exigence, que le Gouvernement partage, de conformité à la directive Retour.
Toutefois, en l’espèce, il convient de ne pas surinterpréter la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur les exigences résultant de la directive. Celle-ci doit être comprise comme tendant à favoriser la mise en œuvre des mesures d’éloignement, non à l’entraver. Ainsi, lorsque c’est l’obstruction de l’étranger lui-même qui s’oppose à l’exécution de la mesure d’éloignement, par exemple sous la forme d’un refus d’embarquement, son comportement justifie la mise en œuvre d’une procédure judiciaire.
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne reconnaît l’effet utile de sanctions pénales, y compris d’emprisonnement, lorsqu’elles contribuent par leur effet dissuasif à la réalisation des objectifs de la directive Retour.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 291 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19 bis A.
(L’article 19 bis A est adopté.)
Article 19 bis
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le premier alinéa de l’article 131-30 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime, d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à cinq ans ou d’un délit pour lequel la peine d’interdiction du territoire français est prévue par la loi.
« Lorsqu’elle est encourue, le prononcé de la peine d’interdiction du territoire français est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable d’un délit commis en état de récidive légale ou d’un crime. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine prévue par le présent article, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;
1° B (nouveau) Au 5° de l’article 131-30-2, la référence : « 12 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France » est remplacée par la référence : « L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile » ;
1° C (nouveau) Les articles 213-2 et 215-2 sont abrogés ;
1° Le titre II du livre II est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Les articles 221-11 et 221-16 sont abrogés ;
a) Après le mot : « coupable », la fin de l’article 222-48 est ainsi rédigée : « de l’infraction définie à l’article 222-14-1. » ;
b et c) (Supprimés)
d) L’article 222-64 est abrogé ;
e) À l’article 225-21, les références : « 1 bis, 2, » sont supprimées ;
2° Les articles 311-15, 312-14, 321-11, 322-16 et 324-8 sont abrogés ;
3° (nouveau) À l’article 414-6, les mots : « chapitres Ier, II et IV du présent titre et aux articles 413-1 à 413-4, » sont remplacés par le mot : « articles » ;
4° (nouveau) Les articles 431-27, 434-46, 442-12 et 443-7 sont abrogés ;
5° (nouveau) Le dernier alinéa de l’article 435-14 est supprimé.
II. – (nouveau) L’article L. 541-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
Mme la présidente. L’amendement n° 425, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le titre II du livre II est ainsi modifié :
a) Après la référence : « 222-1 », la fin de l’article 222-48 est ainsi rédigée : « à 222-12, 222-14, 222-14-1, 222-14-4, 222-15, 222-15-1, 222-23 à 222-31 et 222-34 à 222-40. » ;
b) La section 7 du chapitre III est complétée par un article 223-21 ainsi rédigé :
« Art. 223-21. – L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’une des infractions prévues à la section 5 du présent chapitre. » ;
c) La section 3 du chapitre IV est complétée par un article 224-11 ainsi rédigé :
« Art. 224-11. - L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’une des infractions prévues au présent chapitre. » ;
2° Le livre III est ainsi modifié :
a) Le titre Ier est ainsi modifié :
- à l’article 311-15, la référence : « 311-6 » est remplacée par la référence : « 311-4-2 » ;
- à la fin de l’article 312-14, les références : « aux articles 312-2 à 312-7 » sont remplacées par la référence : « à la section 1 du présent chapitre » ;
b) À l’article 322-16, la référence : « 322-7 » est remplacée par la référence : « 322-6 ».
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Nous proposons de revenir au texte du Gouvernement. En effet, la mesure adoptée par la commission des lois pourrait avoir un caractère disproportionné. Le retour au dispositif initial évitera un certain nombre de contentieux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
La commission préfère sa rédaction et son interprétation.
Mme la présidente. L’amendement n° 176 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Bazin, H. Leroy, Joyandet, Pellevat, Bonhomme, Courtial, Panunzi, Frassa et Revet, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Babary et Cuypers, Mmes L. Darcos et Bonfanti-Dossat, MM. Meurant, Reichardt, Paccaud, Bascher, Chaize et Laménie, Mme Imbert, MM. Rapin, Schmitz, B. Fournier et Kennel, Mmes Bories, A.M. Bertrand et Deroche, MM. Pierre, Bonne et Poniatowski, Mmes Lamure et Lassarade et MM. Gremillet et Savin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Je présente cet amendement au nom de notre collègue Brisson.
Donner à l’autorité judiciaire la possibilité de prononcer une interdiction judiciaire du territoire français pour tout délit puni d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans, au lieu de cinq, permettrait d’inclure les infractions telles que le vol, le vol avec violences avec une incapacité totale de travail inférieure à huit jours, le recel, l’escroquerie, l’abus de confiance, la contrebande, le travail clandestin, les menaces de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique, les violences aggravées ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours et le refus d’obtempérer aggravé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission considère que l’amendement est satisfait par la rédaction qu’elle a adoptée. En effet, nous avons introduit une disposition-balai, si j’ose dire, pour les délits les plus graves, punis de cinq ans d’emprisonnement, et prévu la possibilité de cette peine en cas de renvoi explicite pour d’autres délits punis de peines moindres. Je sollicite donc le retrait de l’amendement ; j’y serai défavorable s’il est maintenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Darcos, l’amendement n° 176 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 176 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 576, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À l’article L. 541-3 et au 5° de l’article L. 561-1, la référence : « au deuxième alinéa de » est remplacée par le mot : « à » ;
2° Au 3° du I de l’article L. 561-2, la référence : « du deuxième alinéa » est supprimée.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19 bis, modifié.
(L’article 19 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 19 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Meurant, Leleux, Paccaud, Charon, Joyandet, Bonne, Babary, Paul, Cardoux et Laménie, Mme Imbert, MM. Bonhomme, Daubresse, Revet et Danesi, Mmes Bories et Deromedi, M. Ginesta et Mmes Lassarade et Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le début de la première phrase du neuvième alinéa de l’article 78-2 est ainsi rédigé : « Dans les départements ayant une frontière terrestre avec les États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ainsi que dans… (le reste sans changement) » ;
2° L’article 78-2-4 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … - Pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, les officiers de police judiciaire, et sur l’ordre et la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés au 1° , 1° bis et 1° ter de l’article 21, peuvent, dans les départements ayant une frontière terrestre avec les États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ainsi qu’aux abords des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international désignés par arrêté, réaliser les actes mentionnés au 1° et 2° du présent I. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Cet amendement a pour objet d’autoriser les forces de l’ordre à effectuer, en dehors de toute réquisition judiciaire, des contrôles de personnes ou de véhicules dans les départements frontaliers, à l’instar de ce que prévoit l’article 60 du code des douanes.
L’objectif est d’offrir à nos forces de sécurité intérieure une liberté plus grande, afin de lutter efficacement contre l’immigration clandestine, qui va vraisemblablement s’intensifier, puisque l’Italie ne reprendra plus ses clandestins. La police aux frontières, que le Gouvernement vient de renforcer préventivement, va vivre des moments difficiles !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement comprend deux dispositions importantes.
S’agissant de l’extension du contrôle d’identité dit Schengen, le Conseil constitutionnel a jugé de façon très claire qu’un périmètre de quarante kilomètres serait inconstitutionnel. La commission ne souhaite pas que l’on prenne le risque d’une inconstitutionnalité, d’autant que notre droit positif prévoit déjà une possibilité d’agir satisfaisante.
Par ailleurs, l’amendement tend à donner la possibilité aux officiers de police judiciaire et, sous leur responsabilité, aux agents de police judiciaire de procéder à des fouilles de bagages et à des visites de véhicules au sein des départements frontaliers, dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière. Or les dispositions des articles L. 611-8 et L. 611-9 du CESEDA autorisent déjà nos officiers et agents de police judiciaire à procéder à titre préventif, donc sans autorisation préalable de l’autorité judiciaire, à des visites de véhicules dans une bande de vingt kilomètres au-delà de la frontière.
Dans ces conditions, nous sollicitons le retrait de l’amendement. S’il est maintenu, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Meurant, l’amendement n° 144 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Cet amendement a été déposé à la suite d’une demande de nos forces de sécurité intérieure. Néanmoins, je le retire.
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I.- Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 622-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 622-1. – Toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier, d’un étranger en France dans un but lucratif sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.
« Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un État partie à la Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République Fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment, et dans un but lucratif, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à ladite convention.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment, et dans un but lucratif, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;
2° L’article L. 622-4 est abrogé.
II.- L’article 28 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger dans les îles Wallis et Futuna dans un but lucratif sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 3 636 000 CFP.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment, et dans un but lucratif, facilité ou tenté de faciliter l’entrée la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.
« Pour l’application du deuxième alinéa du présent I, la situation irrégulière de l’étranger est appréciée au regard de la législation de l’État partie intéressé. En outre, les poursuites ne pourront être exercées à l’encontre de l’auteur de l’infraction que sur une dénonciation officielle ou sur une attestation des autorités compétentes de l’État partie intéressé.
« Aucune poursuite ne pourra être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite. » ;
2° Le III est abrogé.
III.- L’article 30 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en Polynésie française dans un but lucratif sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 3 636 000 CFP.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment, et dans un but lucratif, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.
« Pour l’application du deuxième alinéa du présent I, la situation irrégulière de l’étranger est appréciée au regard de la législation de l’État partie intéressé. En outre, les poursuites ne pourront être exercées à l’encontre de l’auteur de l’infraction que sur une dénonciation officielle ou sur une attestation des autorités compétentes de l’État partie intéressé.
« Aucune poursuite ne pourra être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite. » ;
2° Le III est abrogé.
IV.- L’article 30 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en Nouvelle-Calédonie dans un but lucratif sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 3 636 000 CFP.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment, et dans un but lucratif, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.
« Cette infraction est punie de dix ans d’emprisonnement et de 9 090 000 CFP d’amende lorsqu’elle est commise en bande organisée.
« Pour l’application du deuxième alinéa du présent I, la situation irrégulière de l’étranger est appréciée au regard de la législation de l’État partie intéressé. En outre, les poursuites ne pourront être exercées à l’encontre de l’auteur de l’infraction que sur une dénonciation officielle ou sur une attestation des autorités compétentes de l’État partie intéressé.
« Aucune poursuite ne pourra être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite. » ;
2° Le III est abrogé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à rétablir l’article 19 ter dans une rédaction acceptable.
D’après ses défenseurs, qui s’en targuaient, le dispositif issu de l’Assemblée nationale aurait abrogé le délit de solidarité. Cette question me tient particulièrement à cœur ; j’ai même déposé une proposition de loi sur le sujet, le 24 janvier dernier, cosignée par des sénatrices et des sénateurs de différentes sensibilités, ce qui n’arrive pas souvent.
En réalité, l’Assemblée nationale n’a fait qu’ajouter à l’article L. 622-1 du CESEDA l’accompagnement linguistique et social de l’étranger, ainsi que tout transport lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif. Cette réforme était tout simplement cosmétique, puisque le transport n’est qu’un moyen de l’aide apportée aux exilés et que le critère du caractère lucratif était déjà prévu par le CESEDA.
Ces maigres avancées n’ont pourtant pas été retenues par la commission des lois du Sénat, qui a supprimé l’article 19 ter.
Cet amendement du groupe CRCE vise à abroger réellement le délit de solidarité. Avec le dispositif que nous proposons, passeurs et solidaires ne seront plus confondus. La preuve de la culpabilité sera désormais à la charge de l’administration, et non plus de ceux qui sont aujourd’hui criminalisés pour leurs actions humanitaires. Il n’est pas normal que des Justes du XXIe siècle, traités de délinquants solidaires, comme Pierre-Alain Mannoni, Cédric Herrou, Martine Landry et d’autres, encourent la garde à vue et les intimidations des autorités !
Mme la présidente. L’amendement n° 292 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz, Iacovelli et Jomier, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le chapitre II du titre II du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 622-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 622-1. – Toute personne qui, dans un but lucratif, lorsque la contrepartie est manifestement disproportionnée, aura intentionnellement facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.
« Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura intentionnellement commis le délit défini au premier alinéa alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura intentionnellement facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura intentionnellement facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnelle à la convention des Nations Unies contre la criminalité organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;
2° L’article L. 622-4 est abrogé.
II. – L’article 28 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Toute personne qui, dans un but lucratif, lorsque la contrepartie est manifestement disproportionnée, aura intentionnellement facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger dans les îles Wallis et Futuna sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 3 636 000 CFP. » ;
2° Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Sera puni des mêmes peines celui qui, dans un but lucratif ou lorsque la contrepartie est manifestement disproportionnée, aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;
3° Le III est abrogé.
III. – L’article 30 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Toute personne qui, dans un but lucratif, lorsque la contrepartie est manifestement disproportionnée, aura intentionnellement facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger en Polynésie française sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 3 636 000 CFP. » ;
2° Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Sera puni des mêmes peines celui qui, dans un but lucratif, lorsque la contrepartie est manifestement disproportionnée, aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;
3° Le III est abrogé.
IV. – L’article 30 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Toute personne qui, dans un but lucratif, lorsque la contrepartie est manifestement disproportionnée, aura intentionnellement facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger en Nouvelle-Calédonie sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 3 636 000 CFP. » ;
2° Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Sera puni des mêmes peines celui qui, dans un but lucratif, lorsque la contrepartie est manifestement disproportionnée, aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;
3° Le III est abrogé.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Les auteurs de cet amendement proposent d’abroger le délit de solidarité, sans affaiblir l’arsenal juridique contre les passeurs, qui font commerce de la détresse des migrants.
En dépit des modifications successives apportées par le législateur, la pénalisation des actions menées par des citoyens à l’égard des migrants dans la détresse demeure.
De fait, la pénalisation de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers a été déviée de sa cible. Elle devait avoir pour objectif de poursuivre et sanctionner les personnes et organisations qui font avec les réfugiés un trafic humain lucratif, exploitant la misère et maintenant dans un état de dépendance les personnes qui souhaitent entrer sur le territoire français pour faire valoir leur droit à l’asile.
Les modifications apportées au dispositif par l’Assemblée nationale ne sont qu’une rustine, qui n’empêchera aucunement les humanitaires, bénévoles et citoyens d’être poursuivis et, le cas échéant, condamnés, alors même qu’ils ont agi sans contrepartie et guidés par le seul désir de porter secours à des hommes, des femmes et des enfants.
Le mécanisme d’exemption prévu à l’article L. 622-4 est complexe et ambigu. Il fait régulièrement la preuve de son inefficacité, en faisant condamner des citoyens qui, de toute évidence, ne sont pas des passeurs. Il faut donc changer de logique : rompre avec une logique d’exemptions et redéfinir globalement l’incrimination d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.
Tel est l’objet de cet amendement, qui intègre deux éléments constitutifs pour qualifier l’infraction. D’une part, le caractère intentionnel de l’acte : il devra être prouvé que les intéressés ont agi dans l’intention de commettre l’infraction. D’autre part, le caractère lucratif, car les actions menées à titre gratuit, sans recherche de profit, signifient qu’elles poursuivent une ambition humanitaire et ne peuvent donc être poursuivies.
En vertu de la rédaction que nous proposons, les passeurs qui agissent avec l’intention de commettre une infraction et dans un objectif de profit continueront à être poursuivis et condamnés. À leur égard, l’État ne doit faire preuve d’aucune indulgence. Cet amendement ne fait preuve d’aucune indulgence à leur endroit. En revanche, nous redéfinissons le cadre, de manière à abroger complètement le délit de solidarité.
Mme la présidente. L’amendement n° 95, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 622-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 622–1. – Toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.
« Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.
« Sera puni des mêmes peines celui qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.
« L’infraction n’est pas constituée lorsque l’acte de facilitation est commis à titre gratuit ou lorsque la contrepartie n’est pas manifestement disproportionnée. » ;
2° Le 6° de l’article L. 622-3 est abrogé ;
3° L’article L. 622-4 est abrogé.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Depuis 2014, les poursuites et condamnations contre des citoyennes et citoyens solidaires avec les personnes étrangères se sont multipliées en France, y révélant la persistance du délit de solidarité.
Alors qu’il était prévu que l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permette de pénaliser les personnes et les organisations qui font du passage illégal des frontières un business hautement lucratif, force est de constater aujourd’hui qu’il sert toujours à poursuivre, voire à condamner, celles et ceux qui, par solidarité, refusent de laisser sur le bord de la route des personnes étrangères démunies.
En 2012, la loi Valls promettait la fin de ce délit de solidarité avec l’extension des critères d’immunité. Dans les faits, les poursuites et les condamnations de citoyens et de citoyennes solidaires se sont multipliées, par exemple dans le Calaisis, à Paris, dans la vallée de la Roya, à Briançon et ailleurs. C’est pourquoi ma proposition prend en considération les contraintes découlant de la directive du 28 novembre 2002, qui oblige les États membres à pénaliser l’aide à l’entrée, au transit et au séjour, sauf but humanitaire ou absence de but lucratif, en maintenant cette qualification spécifique, mais en délimitant beaucoup plus nettement son champ d’application. Plus précisément, il s’agit d’exclure du champ des poursuites, de manière véritablement explicite, les actions purement désintéressées ou qui relèvent de la fourniture normale d’un bien ou d’un service.
De plus, le mécanisme de l’immunité institué à l’article L. 622-4, complexe et ambigu, ayant démontré son inefficacité, la définition de l’infraction serait modifiée, à travers notamment la suppression de la notion d’aide, la notion de circulation, l’interdiction de territoire français et le remplacement de la mention « directe ou indirecte » par le terme « sciemment », figurant dans la directive.
Cet amendement répond donc à l’objet de la directive et permet de redonner tout son sens à l’infraction pénale, qui vise à lutter contre les réseaux de passeurs et l’exploitation subie par les personnes migrantes, tout en excluant de son champ les actes de solidarité à l’égard des personnes étrangères en situation irrégulière.
Mme la présidente. L’amendement n° 504, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « aide », sont insérés les mots : « à la circulation ou » ;
2° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif. » ;
3° Au dernier alinéa, après le mot : « aide », sont insérés les mots : « à la circulation ou ».
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Cet amendement vise à revenir au texte de l’Assemblée nationale.
Le CESEDA comprend déjà un certain nombre de dispositions prévoyant une immunité pour un certain nombre de personnes, pour des actions qui sont précisées. Nous avons décidé d’étendre l’immunité à deux types d’actions : le transport pour des raisons humanitaires et les prestations d’accompagnement social ou linguistique.
S’agissant en revanche des personnes qui, pour des raisons non pas de business, mais, éventuellement, idéologiques, pensent qu’on doit abolir les frontières et agissent pour que des gens puissent entrer en France de manière illégale, il n’est évidemment pas question pour nous de les laisser faire et de ne pas les sanctionner.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par MM. Amiel et Lévrier.
L’amendement n° 539 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante
L’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « aide », sont insérés les mots : « à la circulation ou » ;
2° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l’accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l’acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif. »
L’amendement n° 381 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 539 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Actuellement, la qualité de l’accueil des demandeurs d’asile en France repose essentiellement sur la grande implication d’un tissu de bénévoles très actifs. Leur action se substitue dans bien des cas à celle de l’État. L’engagement de certains d’entre eux les conduit parfois à vouloir faire changer les lignes de la politique d’accueil et pallier les limites du système non coopératif de Dublin. Ils ne sauraient toutefois être assimilés aux passeurs, qui exploitent des vies humaines sans états d’âme. Vis-à-vis de ces passeurs, la réponse devrait être plus ferme qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Dans la perspective d’aider les aidants, la modification de l’article L. 622-4 du CESEDA adoptée par l’Assemblée nationale nous paraît avoir atteint un équilibre acceptable. C’est pourquoi nous proposons de la rétablir.
Mme la présidente. L’amendement n° 472 rectifié, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je note qu’il y a d’abord un problème d’emploi des mots : il ne s’agit pas du délit de solidarité, mais du délit d’aide au séjour irrégulier sur le territoire national. Utilisons les mots justes !
Ce délit permet de poursuivre les réseaux mafieux et ceux qui font commerce de leur mise en place – Dieu sait s’ils sont nombreux –, mais aussi, grâce au discernement des procureurs, de ne pas poursuivre ceux qui, de façon spontanée, généreuse, sans arrière-pensée de réseau à construire ou de bénéfice à retirer, apportent, à un moment ou à un autre, un soutien à un étranger en situation irrégulière. Ce que chacun d’entre nous serait tout à fait capable de faire – et ferait d’ailleurs sans aucun doute.
L’Assemblée nationale a introduit quelques dispositions qui affaibliraient ce délit, notamment l’élargissement de l’aide à la circulation et celle du conseil aux dimensions sociales, linguistiques et autres. En ouvrant ainsi le champ, on affaiblirait le dispositif et on gênerait nos procureurs – il faut dire les choses telles qu’elles sont.
Que disent nos services quand on les interroge ? Globalement, ils souhaitent tous garder le dispositif tel qu’il existe aujourd’hui, qui leur permet de poursuivre ou de ne pas poursuivre, selon les éléments de preuve dont ils disposent sur le comportement des personnes. Sachez, mes chers collègues, que de nombreuses filières ont été démantelées : un peu plus de 275 l’année dernière. En 2016, 764 condamnations ont été prononcées pour aide à l’entrée et au séjour irréguliers et 320 pour infraction aggravée.
C’est là qu’est le sujet ! Qui sont ces passeurs ? Ceux qui, par exemple dans la vallée de la Roya, avec des véhicules qu’on appelle aujourd’hui des SUV, dont ils enlèvent les sièges, transportent dix-sept personnes et touchent 15 000 euros par passage. Ainsi, dans les Hautes-Alpes, nous savons qu’il existe une organisation très puissante entre l’Italie et la France, avec des réseaux extrêmement forts et même des bénévoles qui, manipulés, participent de façon tout à fait involontaire à des réseaux mafieux.
Pour ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur tous les amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. L’avis est défavorable, sauf, bien sûr, s’agissant de l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Permettez-moi de reprendre la parole quelques minutes sur ce sujet éminemment important.
L’état des forces en présence est clair : la gauche souhaite une réelle abrogation du délit de solidarité ; la droite opte pour le maintien du droit existant, et l’exécutif, soutenu par la majorité présidentielle et le RDSE, nous propose une révision en trompe-l’œil du délit de solidarité.
Avant que, toutes et tous, nous nous prononcions en votant sur les différents amendements qui nous sont soumis, il me semble important de vous rappeler, mes chers collègues, qu’il ne s’agit pas ici de polémiquer sur les orientations de la politique migratoire. Il s’agit de montrer le véritable harcèlement dont sont victimes des femmes et des hommes qui font preuve d’humanité envers leurs semblables et d’y mettre un terme.
Ce n’est pas la première fois que, devant l’émotion provoquée par les vagues de poursuites et de condamnations de personnes solidaires, le ministre de l’intérieur en poste prétende abroger cette incrimination indigne. Chevènement, Sarkozy, Besson et Valls, tous ont annoncé, depuis vingt ans, la fin du délit de solidarité. Il n’en a rien été, et nombreux sont ceux qui pourraient en témoigner aujourd’hui.
Ces solidaires, ces aidants, je les ai rencontrés partout en France, et ils sont loin de la caricature que certains veulent bien en faire. Ils sont retraités, infirmières, professeurs ou agriculteurs ; ils ont des valeurs humanistes avant tout, qu’ils soient de gauche ou de droite, et considèrent qu’un migrant est avant tout un être humain.
Vous ne ferez pas exception, monsieur le ministre d’État, le dispositif que vous nous proposez est voué à produire les mêmes effets que les précédents prétendus assouplissements. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, quelles que soient vos convictions en matière d’accueil des exilés, d’envoyer un message fort à nos concitoyens, un message de solidarité et de fraternité en adoptant l’amendement que je propose avec mon groupe.
Pour finir, je tiens à vous dire, monsieur le rapporteur, que vous avez de nouveau fait, probablement exprès, la confusion entre passeurs et solidaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je suis évidemment d’accord avec le rapporteur.
Il existe en France le délit de non-assistance à personne en danger, que chacun d’entre nous, je crois, connaît par cœur. Faire acte d’humanité, c’est éviter de se rendre coupable du délit de non-assistance à personne en danger. Et jamais un procureur ne poursuivra quelqu’un aidant un migrant légal ou illégal qui serait dans une détresse humaine catastrophique !
Avec ce texte de loi, tel que la commission des lois l’a adopté, il s’agit de lutter fermement contre tous ces trafiquants d’humains.
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Jérôme Bascher. C’est contre eux que nous voulons lutter, et c’est le sens de tous les amendements que le Sénat a tenté de porter.
Vous dites que nous durcissons la législation, mais nous ne voulons pas durcir l’accueil du demandeur d’asile ou du migrant économique ; nous voulons casser les esclavagistes modernes,…
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Jérôme Bascher. … ceux qui exploitent la pauvreté partout dans le monde.
Je le répète, chacun de nous connaît le principe de non-assistance à personne en danger, et, sur toutes ces travées, nous le défendrons toujours. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. Ça n’a rien à voir !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce n’est pas ça, la non-assistance à personne en danger !
M. Jérôme Bascher. C’est aussi ça !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame Benbassa, je vous remercie de votre explication de vote, que je voudrais compléter.
Nous sommes tous attachés ici à trouver la bonne définition pour caractériser un délit visant l’activité de l’ensemble des trafiquants. Nous avons essayé, mais certains parquets ont interprété la notion de bénéfices retirés d’une action menée lors d’un passage de frontière de telle façon que des militants ayant secouru des gens qui tentaient de passer la frontière entre l’Italie et la France dans la montagne se sont vu accuser de rechercher un bénéfice militant à leur action. C’est sur ce fondement qu’ils ont été poursuivis, ce qui n’est pas normal. C’est pourquoi on ne peut pas en rester à la définition actuelle.
On pourrait se dire aussi que tout dépend de la manière dont fonctionnent les parquets et, que, finalement, la définition d’un délit bien ciblé sur les passeurs évitant de mener à la condamnation de tout acte solidaire n’est pas évidente. En effet, il y a une palette d’actions ; tout n’est pas blanc ou noir. C’est très compliqué, car cela demande une loi bien ciselée et des parquets qui l’interprètent de manière honorable.
Compte tenu de ce qui s’est passé depuis deux ans, on voit bien que la loi du 31 décembre 2012 n’a pas réussi, contrairement à ce que nous souhaitions, à supprimer le délit de solidarité. Nous proposons donc des évolutions dans la définition de ce délit.
La proposition du Gouvernement, finalement, est un peu dans le même esprit que ce que nous avions fait en décembre 2012 : elle essaie de redéfinir les exemptions. Mais, en inscrivant la notion de « contrepartie directe ou indirecte », on sait d’expérience que les parquets vont continuer à poursuivre un certain nombre de personnes ayant agi pour des motifs de solidarité et non avec des motivations de passeur. Il importe donc de voter l’un de ces amendements. Le nôtre vise à redéfinir le délit de passage.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Les mots ont un sens. Lorsqu’on parle de nouveaux Justes, de qui se moque-t-on ? Les Justes, pendant la guerre – faut-il le rappeler ici ? –, risquaient leur vie pour aider les juifs ou ceux qui étaient persécutés par les nazis.
Employer ces termes aujourd’hui dans cet hémicycle est complètement indigne. Que risquent-ils maintenant ? D’aller à Cannes avec un beau costume et un nœud papillon, de passer au journal de 20 heures comme des stars ?
Une idéologie mortifère pour le pays est à l’œuvre ; elle est en train de déliter la Nation.
Mme Esther Benbassa. C’est honteux !
M. Sébastien Meurant. C’est une chaîne de responsabilités : elle va de l’esclavagiste qui contribue à faire passer la Méditerranée pour 3 000 euros environ jusqu’à ceux qui, en France, en Italie, vont chercher les migrants, les clandestins. Ils ne peuvent pas l’ignorer ! Et on voudrait nous faire croire que ça n’est pas militant ? Ils font partie de la chaîne du trafic d’êtres humains. En se comportant ainsi, ils en sont les complices et, à ce titre, ils doivent être condamnés sévèrement.
Lorsque nous sommes allés, à plusieurs, dans les Hautes-Alpes, nous avons vu, comme je l’ai dit hier soir, des personnes équipées de pied en cap, avec des téléphones. On nous a dit qu’elles étaient prises en charge par des No Border, c’est-à-dire des personnes qui veulent délibérément enfreindre nos lois.
Mme Esther Benbassa. Mais de quoi parlez-vous ?
M. Sébastien Meurant. Ces jeunes sont prêts à dire n’importe quoi. Sont-ils majeurs, sont-ils mineurs ? Il revient à l’État de dire s’ils sont mineurs et ce qu’il faut en faire après.
Ils sont aussi responsables que les autres. Je dirai même plus, parce qu’ils ont conscience de leurs responsabilités. En les défendant, vous mettez en difficulté l’État, dont l’action est déjà entravée par le droit européen et la jurisprudence. Mais ouvrez les yeux sur ce qui se passe en Europe ! L’Europe est en train de craquer sur cette question migratoire, même en Allemagne, même en Italie, deux pays fondateurs de l’Europe. Bientôt viendra le tour de la France, et les Français ne pourront pas le supporter non plus.
Ils sont complices ! En l’occurrence, il ne s’agit pas d’un délit de solidarité, il s’agit de faciliter des infractions ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je veux simplement signaler que mes collègues Amiel et Lévrier avaient déposé un amendement identique à celui de M. Arnell. Aussi, même s’ils n’ont pas pu le défendre aujourd’hui, ils partagent la même position. À titre personnel, je suis plus réservé.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Ne faisons pas d’amalgame. La liberté de penser…
M. Jérôme Bascher. Ce n’est pas la liberté d’agir !
M. Guillaume Arnell. Vous dites ce que vous voulez, mon cher collègue. Pour ma part, j’estime que chacun est libre de penser ce qu’il veut.
L’amendement défendu par le groupe du RDSE a pour objet d’inviter à l’indulgence vis-à-vis de ceux qui aident des personnes dans la détresse, sans s’occuper de savoir s’il s’agit de clandestins ou pas, et de sanctionner beaucoup plus sévèrement qu’aujourd’hui ceux qui vivent de la détresse des uns et des autres. Dieu sait que nous sommes bien placés pour savoir de quoi nous parlons.
Monsieur le ministre d’État, je pensais que notre argumentaire allait dans le même sens que le vôtre. On nous dit parfois que le RDSE ne soutient pas assez le Gouvernement, en tout cas sur ce texte. Souvent, j’ai envie de vous soutenir ; souvent, je tends la main, mais, parfois, j’ai du mal à comprendre les arguments que vous opposez à nos amendements.
Dans ce cas précis, vous avez dit que vous étiez défavorable à tous les amendements, à l’exception du vôtre. Or le RDSE ne demande qu’à rétablir ce que vous avez proposé à l’Assemblée nationale. Alors, je ne comprends pas. À la limite, j’aurais compris que vous me demandiez de retirer notre amendement au profit de celui du Gouvernement…
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Mes chers collègues, on ne peut pas continuer à confondre le bénéfice, l’enrichissement personnel de quelques-uns, que nous dénonçons tous, avec un acte militant, qui ne donne de bénéfice que l’honneur.
Je ne pense pas qu’on puisse qualifier le délit de solidarité de mortifère. Au contraire, ces gens qui prennent le risque d’être confrontés à de graves difficultés face à la justice sauvent l’honneur de notre République, en ces temps où on assiste à des débats extrêmement inquiétants.
On ne peut considérer comme vous le faites, mon cher collègue Bascher, que l’assistance à personne en danger peut être invoquée, parce que, malheureusement, bien souvent, personne n’est là pour voir que telle ou telle personne est dans une situation grave. Si la personne qui peut aider passe son chemin en se disant qu’elle risque de se retrouver devant les tribunaux, il n’y aura plus personne.
M. Jacques Grosperrin. Sortez de votre angélisme !
Mme Sophie Taillé-Polian. Aujourd’hui, je le répète, les gens qui prennent des risques sont l’honneur de notre République. Aussi, nous pensons qu’il est grand temps d’aller plus loin que ce qui avait déjà été fait pour que ces situations cessent.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je vais vous dire comment je vois les choses.
On peut décider de sanctionner une idéologie fondée sur des valeurs humanistes. Il n’y a en effet aucune relation vénale dans les cas dont nous parlons, ce qui fait consensus parmi nous. On parle d’hommes, de femmes, de jeunes qui sont dans une logique non marchande : ils n’organisent pas un marché ou un trafic ; ils ont une idéologie, que l’on peut ou non partager.
M. Roger Karoutchi. Laquelle ?
M. Pascal Savoldelli. Au Sénat, aujourd’hui, nous avons la responsabilité de dire si cette idéologie est ou non contraire à l’esprit républicain. Voilà de quoi il s’agit, et non de pousser des cris d’orfraie. Je le répète, nous devons décider si nous sommes en présence d’une idéologie et si elle est contraire à l’esprit républicain.
M. Jacques Grosperrin. C’est le projet commun qui fait la République !
M. Pascal Savoldelli. Notre réponse laissera une trace dans l’histoire. Souvenons-nous des moments où nous nous sommes rassemblés face à des idéologies contraires à l’esprit républicain. Mais, là, ce n’est pas le sujet : nous sommes en présence de gens qui accompagnent sans relation vénale, sans relation de domination, sans relation d’aliénation et sans relation d’exploitation.
Je pense qu’on pourrait faire preuve de sagesse – un terme qu’on utilise en n’y mettant pas toujours le même sens – et de responsabilité sur le sujet, sans y intégrer d’autres appréciations, d’autres analyses, sur lesquelles nous avons des différences. Même si on peut évoluer devant certaines argumentations, là, franchement, sanctionner des hommes et des femmes qui accompagnent d’autres personnes dans un moment de détresse, c’est une lourde responsabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Ah ! Là, ça va être solennel !
M. Roger Karoutchi. Nous sommes en France et en 2018, pas en 1940.
Nous sommes en France, et c’est une démocratie.
Nous sommes en France, et nous votons.
Nous sommes en France, et il y a un parlement, un gouvernement, des lois. Et ces lois – elles plaisent ou pas ; il y a d’ailleurs des majorités et des minorités – sont l’expression démocratique du peuple français ! C’est la seule expression qui vaille de par le droit.
Quand vous comparez au passé, franchement, vous devriez faire preuve d’un peu de sérénité.
Mme Esther Benbassa. Oh !
M. Roger Karoutchi. Madame Benbassa, je ne vous interromps pas, et, pourtant, vous parlez beaucoup !
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les actes de solidarité s’exprimaient contre les régimes dictatoriaux de Vichy et des nazis, pas face à des démocraties.
Mme Esther Benbassa. C’est le Parlement qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain !
M. Roger Karoutchi. Taisez-vous, madame Benbassa, quand je parle !
Mme Esther Benbassa. Vous n’êtes pas mon instituteur !
M. Roger Karoutchi. Je ne vous interromps pas, ne m’interrompez pas ! Ça suffit maintenant !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Parce que je suis horrifié par certaines comparaisons, comme celle d’hier, où on a sous-entendu que M. le ministre d’État n’était pas digne de sa ville, la ville des Justes. Il y a des moments où il faut raison garder et éviter certaines comparaisons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Abdallah Hassani et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)
Les choses sont claires : nous sommes dans un État de droit ! Je comprends très bien les actes de générosité pour aider des gens. Ce que je ne peux pas accepter, c’est que, dès lors que l’État de droit a caractérisé un délit, on commette ce délit au nom d’une pseudo-solidarité. Si vous heurtez l’État de droit, alors, vous heurtez la République et la démocratie. Ça veut dire que vous ne respectez pas le suffrage universel, que vous ne respectez pas le Parlement, que vous ne respectez pas l’État de droit. À partir de là, il n’y a plus de limites. Si vous voulez changer la loi, faites-le, mais lorsqu’elle est votée, démocratiquement, on la respecte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. J’avoue que je ne comprends pas l’argumentation de Roger Karoutchi sur ce point.
D’abord, il ne s’agit pas de faire une comparaison qui n’aurait pas lieu d’être. Pour notre part, ni explicitement ni implicitement, nous ne l’avons fait.
Ensuite, je reprendrai les propos de Roger Karoutchi lui-même : notre pays est une démocratie, et nous sommes au Parlement. Nous estimons que la discussion parlementaire d’aujourd’hui est l’occasion de proposer et, espérons-le, d’adopter la suppression du délit de solidarité. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Esther Benbassa. Un peu de mémoire, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. Moi, j’en ai !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je veux préciser à M. Arnell qu’il y a deux amendements, celui du groupe La République En Marche et le vôtre, qui sont les mêmes que celui du Gouvernement. Évidemment, j’y suis totalement favorable.
À l’Assemblée nationale, j’ai tenu personnellement à circonscrire ce qui pouvait être un acte de solidarité. Je ne confonds bien évidemment pas cela avec l’aide au franchissement irrégulier des frontières, lequel se fait d’ailleurs dans des conditions parfois extrêmement dangereuses. Par exemple, du côté de Bardonnèche, des migrants se lancent dans la montagne, parce qu’ils croient avoir des numéros de téléphone de personnes bénévoles. Quand le téléphone ne passe pas, ils sont en grand danger.
Nous ne voulons pas d’un tel système organisé. Nous l’avons dit de manière claire : l’idéologie des No Border est contraire aux lois de la République. Demain, une autre majorité pourra décider de changer la loi, mais, aujourd’hui, celle qui est en vigueur doit être appliquée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je partage très largement l’analyse que vient de faire M. le ministre d’État. Je partage également la sainte colère de notre collègue Roger Karoutchi,…
M. Roger Karoutchi. Sainte…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … s’il accepte ce qualificatif. (Sourires.)
M. Jérôme Bascher. Sainte colère laïque !
Mme Esther Benbassa. Il est sexiste !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame Benbassa, nous ne sommes pas là pour émettre des messages forts ou des signaux faibles, mais pour faire la loi. Pardon de le rappeler, mais la commission des lois propose au Sénat de définir des normes, pas de délivrer des messages. Les messages, vous pouvez les envoyer par Twitter ou en faisant des communiqués de presse. La loi, c’est autre chose.
Je me permets de vous signaler, et j’espère ne pas vous mettre en colère, que le délit de solidarité n’existe pas dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Mme Esther Benbassa. Effectivement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suppose que, s’il avait existé, la loi du 31 décembre 2012 proposée par le gouvernement de M. Ayrault l’aurait immédiatement supprimé. Il ne l’a pas fait, et vous ne vous en êtes pas plainte à cette époque, me semble-t-il, mais peut-être corrigerez-vous cette appréciation si elle se révèle inexacte.
En revanche, il existe bien un délit d’aide à l’entrée, la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger. La raison d’être de ce délit a été abondamment rappelée. Je pense que vous partagez vous-même l’objectif : lutter contre une nouvelle forme de traite que constitue le trafic des passeurs, qui font entrer clandestinement, en France et dans d’autres pays d’Europe, des étrangers généralement démunis et vulnérables. C’est donc une assistance aux étrangers eux-mêmes que la répression pénale de notre code apporte avec l’existence de ce délit.
Il est vrai que, dans l’interprétation que les juges font de la réalité de ce délit, il ne faudrait pas qu’il y ait de glissement qui entraînât la mise en cause de Français agissant soit en raison de liens familiaux, soit par pur désintéressement et sens de la fraternité. De ce point de vue, on peut partager votre motivation, à condition qu’elle s’appuie sur la réalité du droit. Or j’ai tenté d’expliquer que le droit n’est pas tel que vous l’avez décrit.
La loi du 31 décembre 2012 a été très précise et elle a posé des garde-fous. Le législateur a considéré que, s’il y a contrepartie apportée par l’étranger en situation irrégulière à la personne qui lui vient en aide, alors, cette personne peut être poursuivie pour un délit. C’est bien naturel, parce que cette contrepartie atteste qu’il ne s’agit pas d’un acte de fraternité. Mais, s’il n’y a pas de contrepartie, les poursuites n’ont pas lieu d’être. Si, par erreur, il y avait quand même des poursuites, le tribunal ne pourrait pas condamner, sinon cette condamnation serait naturellement annulée en appel.
Je trouve que la loi n’est pas si mal faite. Elle prend en considération les préoccupations que vous exprimez. Je pense, par conséquent, qu’il faut la maintenir dans ses grandes lignes, sans lui donner de coups de boutoir, ce qui reviendrait à inciter les passeurs à développer leur coupable commerce au détriment de malheureux qui franchissent les océans au péril de leur vie pour rejoindre l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, je veux intervenir.
M. Roger Karoutchi. Sur quel amendement ?
Mme Esther Benbassa. Je demande que M. Karoutchi, malgré toute l’amitié que je lui porte, me présente ses excuses…
M. Roger Karoutchi. Sûrement pas !
Mme Esther Benbassa. … pour l’attitude sexiste et méprisante qu’il a eue à mon égard. Il m’a crié dessus comme s’il était mon instituteur. C’est scandaleux ! Il n’aurait jamais parlé ainsi à un homme !
Mme Sophie Primas. Nous ne sommes pas des petites choses fragiles, quand même !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous n’êtes pas solidaire !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie !
Je mets aux voix l’amendement n° 22.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 169 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 237 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 292 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 19 ter demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 19 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 366 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 19 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre II du titre II du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est ajouté un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Entrave à l’exercice du droit d’asile et à l’entrée ou au séjour des étrangers
« Art. L. 622-11. – Toute personne qui aura intentionnellement entravé ou tenté d’entraver l’exercice du droit d’asile, l’entrée, ou le séjour d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros.
« Ce délit n’est pas constitué si ces faits sont réalisés, dans le cadre de leurs fonctions, par des agents relevant d’un service de la police nationale ou des douanes, ou d’un service de gendarmerie.
« Art. L. 622-12. – Les personnes physiques coupables de l’un des délits prévus à l’article L. 622-11 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire. Cette durée peut être doublée en cas de récidive ;
« 2° Le retrait temporaire ou définitif de l’autorisation administrative d’exploiter soit des services occasionnels à la place ou collectifs, soit un service régulier, ou un service de navettes de transports internationaux ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit. Les frais résultant des mesures nécessaires à l’exécution de la confiscation seront à la charge du condamné. Ils seront recouvrés comme frais de justice.
« Art. L. 622-13. – Les infractions prévues à l’article L. 622-11 sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende :
« 1° Lorsqu’elles sont commises en bande organisée ;
« 2° Lorsqu’elles sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
« 3° Lorsqu’elles ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie ou de transport incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;
« 4° Lorsqu’elles sont commises au moyen d’une habilitation ou d’un titre de circulation en zone réservée d’un aérodrome ou d’un port ;
« 5° Lorsqu’elles ont comme effet, pour des mineurs étrangers, de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement habituel.
« Art. L. 622-14. – Outre les peines complémentaires prévues à l’article L. 622-12, les personnes physiques condamnées au titre des infractions visées à l’article L. 622-13 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. L. 622-15. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles L. 622-11 et L. 622-13 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues par les 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.
« L’interdiction visée au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. L. 622-16. – En cas de condamnation pour les infractions prévues à l’article L. 622-13, le tribunal pourra prononcer la confiscation de tout ou partie des biens des personnes morales condamnées, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. En l’état du droit actuel, seule l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers est pénalisée dans le CESEDA. En dépit des modifications successives apportées par le législateur, un certain nombre de citoyens qui font preuve de solidarité sont poursuivis.
Dans le même temps, nous constatons que d’autres personnes, souvent animées par des idéologies racistes et xénophobes, participent, en toute impunité, à des actions scandaleuses destinées à entraver l’exercice du droit d’asile. Il apparaît particulièrement inadmissible que de telles actions, parfois d’une extrême violence psychologique ou physique, puissent perdurer sans que leurs auteurs soient inquiétés.
Malheureusement, des exemples récents démontrent que les étrangers sont fréquemment victimes de tels actes malveillants. Ainsi, des personnes physiques ou des groupuscules extrémistes constitués en association montent des opérations visant à empêcher des personnes étrangères d’entrer en France et d’y solliciter l’asile, postant des kilomètres de barrières à la frontière franco-italienne à renfort d’hélicoptères. D’autres leur communiquent de fausses informations ou les empêchent de se rendre auprès des autorités compétentes en vue de déposer une demande d’asile. Ils font tout cela sans être poursuivis et se vantent pourtant de leurs odieux actes sur les réseaux sociaux.
Ces situations ne peuvent rester impunies. Le présent amendement vise donc à créer un délit d’entrave à l’exercice du droit d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement vise à créer un délit d’entrave à l’exercice du droit d’asile et à l’entrée ou au séjour des étrangers, ce qui ne paraît pas nécessaire, loin s’en faut, à la commission des lois. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis que le rapporteur.
Comme je l’ai dit précédemment, nous ferons toujours respecter l’ordre républicain, quelle que soit l’idéologie au nom de laquelle on veut le remettre en cause. Je le dis solennellement au Sénat.
Un certain nombre de gens commettent des actes répréhensibles, d’un côté ou d’un autre, au nom d’idéologies souvent opposées. Nous n’accepterons pas que cela se perpétue, et toutes les personnes qui commettront des actions violentes seront poursuivies. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je veux m’expliquer sur cet amendement, qui est important.
Nous ne sommes pas d’accord avec M. le ministre d’État quand il dit « quelle que soit l’idéologie ». On ne peut pas renvoyer dos à dos, comme si elles étaient équivalentes, des actions d’extrémistes diffusant des idées racistes et le délit de solidarité commis par des personnes qui, pour des motifs politiques qui peuvent être nobles, sont solidaires des migrants franchissant nos frontières.
Nous regrettons que pour justifier un avis défavorable on mette sur un pied d’égalité des choses qui n’ont rien à voir. L’entrave à l’exercice du droit d’asile est gravissime dans ses conséquences comme dans ses motivations.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je ne veux pas que, sur cette question, il y ait de malentendu.
Je ne fais pas de parallèle avec ce qui se passe dans les Alpes. Simplement, il y a des gens qui, au nom d’idéologies diverses, appellent à commettre un certain nombre d’actes violents. J’ai personnellement été victime, dans l’exercice de mes anciennes fonctions, des actions des uns et des autres. Je dis que le respect de la loi républicaine est fondamental, et je ferai en sorte de m’y atteler.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Une fois n’est pas coutume, même si je comprends bien qu’on ne peut pas inscrire dans la loi le délit d’entrave à l’exercice du droit d’asile, je suis assez d’accord avec le texte de l’amendement.
J’ai moi-même assisté à des scènes assez extravagantes visant à empêcher des gens de déposer leur dossier, provoquées par ce que j’appellerai, pour ne citer personne, des « extrémistes ». Autant, précédemment, je n’étais pas sur la ligne du délit de solidarité, autant, sur ce sujet, je trouve que la loi, c’est la loi. Si elle vaut pour les uns, elle vaut forcément pour les autres. Ça implique de sanctionner ceux qui essaient d’empêcher le dépôt des dossiers ou qui font en sorte de bloquer le fonctionnement même du droit d’asile.
Peut-être ne faut-il pas l’écrire dans la loi – je n’en sais rien –, mais, en tout état de cause, il faut que vos services, monsieur le ministre d’État, soient beaucoup plus sévères à l’encontre de ceux qui empêchent le déroulement normal des procédures.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Il se trouve que Génération identitaire est née de Bastion social à Lyon. Je suis donc bien placé pour savoir les actes de violence que peuvent commettre ces personnes. Je le dis une fois encore solennellement : nous ne les tolérerons pas et, chaque fois que de tels actes sont commis, j’appelle à l’engagement de poursuites.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’adopterai le point de vue de Roger Karoutchi.
Je voudrais simplement souligner que le fait de pouvoir donner des instructions aux procureurs généraux, naturellement non personnelles mais collectives, d’engager des poursuites est une nécessité absolue. Nous rencontrons là les limites de ceux qui veulent l’autonomie du parquet.
Nous avons besoin d’un gouvernement qui exprime un projet, lequel doit se traduire par une action publique, notamment en engageant des poursuites contre des actes particulièrement insupportables. Je profite donc de cette occasion pour défendre une conviction républicaine : le parquet doit rester à la disposition du Gouvernement au nom de l’action publique.
M. Alain Richard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je remercie M. le ministre de son engagement, mais il reste nécessaire de créer un délit pour pouvoir qualifier pénalement les faits à la hauteur de leur gravité. C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.
Comme l’a dit mon collègue Rémi Féraud, il me semble quand même un peu difficile de faire un parallèle avec le délit de solidarité. Les exemptions au délit d’aide à l’entrée sur le territoire, communément appelé délit de solidarité, correspondent à l’exercice d’un principe constitutionnel de fraternité. On ne peut donc pas les mettre sur le même plan.
Je le répète : pour pouvoir qualifier les faits constatés, qui ont heureusement été condamnés ici sur toutes les travées, il y a besoin de créer un délit. C’est ce que nous proposons de faire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 366 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 19 quater (nouveau)
Le chapitre VI du titre II du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 626-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 626-2. – Par dérogation à l’article 441-6 du code pénal, le fait d’utiliser une fausse attestation, notamment sur son identité ou son lieu de résidence, en vue d’obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Le fait d’établir une fausse attestation permettant à un étranger de communiquer des renseignements inexacts, notamment sur son identité ou son lieu de résidence, en vue de lui faire obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou de faire obstruction à son éloignement, peut faire l’objet des poursuites pénales prévues à l’article L. 622-1. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 19 quater
Mme la présidente. Les amendements nos 473, 474 et 475, présentés par M. Ravier, ne sont pas soutenus, de même que l’amendement n° 80, présenté par M. Grand.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 293 rectifié ter, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 19 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les trois derniers alinéas de l’article 388 du code civil sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires, ni d’un examen radiologique osseux. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à écarter tout examen de tests osseux aux fins de détermination de l’âge des jeunes, dont la fiabilité est largement critiquée par la communauté scientifique.
Dans son avis relatif à l’évaluation de la minorité d’un jeune étranger isolé, rendu le 23 janvier 2014, le Haut Conseil de la santé publique a notamment indiqué qu’avec la méthode couramment employée, reposant sur une radiographie de la main et du poignet gauche du jeune, laquelle est comparée avec des clichés de référence, il est tout simplement impossible de déterminer avec fiabilité l’âge sur l’intervalle qui nous intéresse : moins de dix-huit ans ou dix-huit ans plus epsilon. C’est la raison pour laquelle, compte tenu des argumentations également développées en 2007 par l’Académie nationale de médecine et les décisions et les propositions du Défenseur des droits, nous proposons une interdiction complète des tests osseux.
Mme la présidente. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli, Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 19 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 388 du code civil est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
- après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;
- sont ajoutés les mots : « , ni à partir d’examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je ne vais pas reprendre l’argumentaire qui vient d’être exposé, je le partage complètement.
Ce que demande la loi, c’est une date exacte, au jour près. Autrement dit, vingt-quatre heures avant d’avoir dix-huit ans, on n’est pas majeur. En tout état de cause, même avec une évolution prochaine et improbable des sciences, les os ne pourront pas indiquer une date aussi précise.
Vous me permettrez de faire rapidement état de mon expérience d’archéologue. Pour avoir manipulé énormément d’os, je peux vous assurer qu’on aurait bien aimé, de temps en temps, avoir cette précision, même à trois ou quatre ans près, mais on en est très loin. Mon collègue Leconte vous l’a dit, aujourd’hui, les processus physiologiques font que certains grandissent mieux et plus vite que d’autres. J’en suis un peu le témoignage vivant. (Sourires.)
Ce qui est important, c’est de fonder des décisions de droit sur des éléments absolument exacts. On ne peut pas laisser dans la loi une telle imprécision. Il faut donc absolument sortir du droit français ces analyses qui ne sont pas fiables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ce sujet, nous en sommes tous d’accord, est délicat, car la déclaration de minorité emporte des droits et des protections spécifiques. Il faut donc pouvoir repérer les enfants mineurs de façon quasi certaine, tout en évitant l’instrumentalisation des dispositifs.
La commission des lois souhaite s’appuyer fortement sur la loi de 2016 relative à la protection de l’enfance, qui semble être parvenue à un équilibre satisfaisant, auquel il convient de se tenir.
Je rappelle que la confirmation de la minorité juridique par les documents d’état civil constitue le premier moyen de vérification. Les examens radiologiques osseux visant à déterminer l’âge ne peuvent être réalisés qu’en second lieu. Ils sont entourés, évidemment, de plusieurs garanties : ils ne sont réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire, après recueil de l’accord de l’intéressé ; les conclusions de ces examens doivent préciser la marge d’erreur et ne peuvent, à eux seuls, permettre de déterminer si l’intéressé est mineur, et le doute lui profite toujours.
Les membres de la commission qui se sont déplacés sur le terrain avant l’examen de ce texte – ils se sont rendus dans les Hautes-Alpes, mais également ailleurs, dans le Rhône, par exemple – ont pu constater que les services départementaux chargés de ce travail prennent beaucoup de précautions et font preuve d’un grand professionnalisme. Une évolution des bonnes pratiques en la matière a eu lieu ces dernières années. Sincèrement, leur responsabilité est importante. Ils agissent avec beaucoup de méticulosité et méritent d’être salués.
L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis que le rapporteur.
En l’état du droit et des pratiques, ces examens sont réalisés avec beaucoup de précautions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 293 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je veux dire à Mme Benbassa que, si je me suis emporté tout à l’heure – le président de la commission a parlé de « sainte colère » –, ce n’est pas trop mon habitude. Je déteste me mettre en colère dans l’hémicycle. Je lui présente donc mes excuses sur la tonalité du propos.
Par ailleurs, puisqu’elle pense que je me suis exprimé ainsi parce qu’elle est une femme, je veux lui dire que la même scène s’est déroulée hier avec David Assouline, qui aurait pu penser que je m’adressais à lui en ces termes parce qu’il est socialiste.
En tout cas, je ne veux pas que la confrontation politique soit indélicate. Je lui présente donc de nouveau mes excuses. (Applaudissements.)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Quelle élégance !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Quelle classe !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que ce genre d’intervention doit normalement se faire en fin de séance. À titre exceptionnel, j’ai souhaité qu’elle puisse avoir lieu le plus rapidement possible.
TITRE III
ACCOMPAGNER EFFICACEMENT L’INTÉGRATION ET L’ACCUEIL DES ÉTRANGERS EN SITUATION RÉGULIÈRE
Chapitre Ier
Dispositions en faveur de l’attractivité et de l’accueil des talents et des compétences
Article additionnel avant l’article 20
Mme la présidente. L’amendement n° 367 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard quinze jours avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2019, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les principes directeurs d’une réforme relative à l’organisation des services des visas au sein de nos postes diplomatiques et consulaires. Elle devra permettre aux services des visas, dans chaque poste diplomatique et consulaire, de disposer de moyens humains et financiers directement proportionnés à l’activité dont ils ont la charge et aux ressources qu’elle engendre. Elle intégrera des dispositifs permettant de faire la promotion des études supérieures en France et consistera également à donner à nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche les moyens dédiés à la sélection des candidats étrangers.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Nous proposons que le Gouvernement nous remette un rapport présentant les principes directeurs d’une réforme relative à l’organisation des services des visas au sein de nos postes diplomatiques et consulaires.
Nos postes diplomatiques et consulaires reçoivent de plus en plus de demandes de visas de court séjour. Plus il y a de visas délivrés, plus l’État perçoit de recettes, mais ces recettes ne reviennent même pas en partie aux services consulaires, dont l’activité est en forte croissance sans être dotés d’un seul moyen supplémentaire.
Il importe, pour permettre aux services consulaires de payer les heures supplémentaires, d’avoir du personnel indispensable à la délivrance des visas, de mettre en place une organisation différente, en particulier en termes financiers. On pourrait envisager la création d’un EPIC ou la constitution de services des visas sous la forme d’établissements dotés d’une autonomie financière, à l’instar des Instituts français. Cela me paraît absolument indispensable pour avoir des effectifs en adéquation avec les besoins à un moment où il leur faut effectuer un travail sérieux, étudiant les demandes avec précision au regard d’un certain nombre d’exigences, notamment sécuritaires.
Dans le même temps, si l’on veut favoriser l’attractivité de notre pays et recevoir en court séjour un maximum de personnes, il est essentiel de permettre aux services consulaires de travailler dans des conditions telles que les délais de délivrance des visas puissent être réduits, ce que les procédures actuelles ne permettent plus. Il est donc important d’engager une réforme affectant aux services consulaires une partie des recettes engendrées par les visas.
Bien entendu, un amendement parlementaire n’est pas le cadre adéquat pour proposer une telle évolution. Du moins ai-je pu expliquer que, dans la perspective de la réforme de l’État, il est absolument indispensable que le Gouvernement s’engage dans cette voie avant la fin de l’année et avant l’examen du projet de loi de finances.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Vous le savez, la commission des lois ne voit pas d’un très bon œil la multiplication des rapports. De plus, il est fait injonction au Gouvernement de mettre en œuvre cette réforme des services des visas. Sans doute n’est-ce pas ainsi qu’il faut procéder.
Je profite de l’occasion pour saluer la mise en place du site France-visas.gouv.fr, qui permet de clarifier et de simplifier les procédures.
Rien n’empêche les assemblées parlementaires de lancer des missions d’information sur le sujet. La commission des finances du Sénat a d’ailleurs publié en 2015 un rapport très précis, sur l’initiative de MM. Yung et Doligé, qui fournit une importante base de travail.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre d’État, je sais bien que votre ministère n’est pas en première ligne dans ce domaine. Votre responsabilité se situe en quelque sorte en back-office.
Reste que je ne pense pas que la situation actuelle soit tenable longtemps. C’est une question d’attractivité, de sécurité et de respect des personnels qui travaillent dans les services consulaires. Il y va aussi de l’image que donne la France aux demandeurs de visas, qui attendent parfois, dans certains pays, pendant de longs mois. Cette réforme est donc absolument indispensable.
Je comprends qu’un rapport n’est jamais la voie royale pour obtenir une réforme, et je sais que cette assemblée n’aime pas voter les demandes de rapport. Pourtant, il est important que nous nous saisissions tous, collectivement, avec l’État, de ce problème. Un certain nombre d’ambassades sont confrontées à une situation très délicate qui ne peut pas perdurer.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 367 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 20
Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 313-20 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° À l’étranger qui :
« a) Soit exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ;
« b) Soit est recruté dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public suivant des critères définis par décret et dont la liste est publiée par le Gouvernement, pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ; »
b) (Supprimé)
c) Le second alinéa du même 4° est supprimé ;
c bis) (nouveau) Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° À l’étranger qui justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public suivant des critères définis par décret et dont la liste est publiée par le Gouvernement ; »
d) Au 10°, après le mot : « établie », sont insérés les mots : « ou susceptible de participer de façon significative au développement économique, patrimonial et culturel au développement de l’aménagement du territoire ou au rayonnement de la France » et, après le mot : « artistique, », il est inséré le mot : « artisanal, » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 313-21 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « à ses enfants » sont remplacés par les mots : « aux enfants du couple » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La même carte est délivrée de plein droit au membre de la famille du chercheur titulaire de la carte mentionnée au 2° du I de l’article L. 313-8, pour une durée identique à la période de validité restant à courir de la carte de séjour de son conjoint ou parent. » ;
3° (nouveau) Est ajoutée une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Les chercheurs suivant un programme de mobilité
« Art. L. 313-27. – I. – La carte de séjour portant la mention « chercheur – programme de mobilité » est délivrée, dès sa première admission au séjour, sans que soit exigé le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 et sous réserve d’une entrée régulière en France, au chercheur étranger qui justifie qu’il :
« 1° Relève d’un programme de l’Union européenne ou d’un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne dont la France ;
« 2° Est titulaire d’un diplôme équivalent au grade de master et mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire dans le cadre d’une convention d’accueil signée avec un organisme public ou privé, situé en France, ayant une mission de recherche ou d’enseignement et préalablement agréé ;
« 3° Dispose de moyens d’existence suffisants et d’une assurance maladie couvrant la durée de son séjour en France.
« II. – La carte de séjour mentionnée au I est d’une durée maximale égale à la durée de la convention d’accueil.
« III. – La carte de séjour portant la mention “chercheur – programme de mobilité (famille)” est délivrée de plein droit, s’il est âgé d’au moins dix-huit ans, au conjoint de l’étranger mentionné au I du présent article ainsi qu’aux enfants du couple entrés mineurs en France, dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou lorsqu’ils entrent dans les prévisions de l’article L. 311-3, sous réserve du respect de la condition prévue à l’article L. 313-2.
« La durée de cette carte de séjour est égale à la période de validité restant à courir de la carte de séjour de leur conjoint ou parent.
« Cette carte de séjour donne droit à l’exercice d’une activité professionnelle.
« Art. L. 313-28. – I. – Lorsqu’un chercheur étranger a été admis au séjour dans un autre État membre de l’Union européenne et est inscrit dans un programme de mobilité conformément à la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, il est autorisé à séjourner en France pour mener une partie de ses travaux de recherche sans délivrance d’un titre de séjour français et sans que soit exigé le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2, à condition que :
« 1° Le chercheur étranger justifie qu’il a signé une convention d’accueil avec un organisme public ou privé, situé en France, ayant une mission de recherche ou d’enseignement et préalablement agréé pour une mobilité de “courte durée” ou de “longue durée” ;
« 2° La durée de son séjour en France n’excède pas :
« a) Cent quatre-vingt jours sur toute période de trois cent soixante jours pour une mobilité de “courte durée” ;
« b) Douze mois pour une mobilité de “longue durée” ;
« 3° Ce séjour soit notifié aux autorités administratives compétentes ;
« 4° Le chercheur étranger justifie qu’il dispose de moyens d’existence suffisants et d’une assurance maladie couvrant la durée de son séjour en France.
« II. – Le conjoint et les enfants du couple sont amis au séjour dans les mêmes conditions que le chercheur étranger. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. J’interviens au nom de Mme Claudine Lepage, qui m’a transmis son texte.
Mes collègues socialistes membres de la commission de la culture et moi-même nous sommes particulièrement intéressés aux articles 20 à 22 de ce projet de loi, car ils concernent le séjour et l’accueil des « talents », c’est-à-dire les chercheurs, créateurs d’entreprise, investisseurs, ceux qui exercent des emplois qualifiés ou des activités sportives ou artistiques, mais aussi le séjour des étudiants et chercheurs qui suivent un programme de mobilité, sans oublier des jeunes au pair.
L’article 20 vise à élargir les critères de délivrance du « passeport talent », que le Gouvernement précédent avait prévu dans la loi du 7 mars 2016. Reconnaissant le succès du dispositif, le projet de loi prévoit, par exemple, d’étendre la possibilité de délivrance d’un « passeport talent » aux salariés de toutes les entreprises innovantes et non plus seulement aux salariés des jeunes entreprises innovantes. Il est également prévu une extension du « passeport talent » à tous les enfants du couple, ce qui permet de reconnaître les familles recomposées.
Transposant la directive du 11 mai 2016 dite « Étudiants-chercheurs », l’article 21 prévoit la création de cartes de séjour pour les étudiants et chercheurs relevant d’un programme de mobilité comme Erasmus Mundus ou Marie-Curie. Il est également prévu de faciliter leur séjour lorsque, à l’issue de leurs études ou recherches, ils souhaitent créer une entreprise ou cherchent un emploi en France.
L’article 22 résultant également de la transposition de la directive de 2016 prévoit un statut pour les jeunes au pair, qui, jusqu’à maintenant, se voyaient délivrer une carte de séjour « étudiant ».
Même si ces mesures étaient inéluctables, puisque résultant d’une directive européenne, Mme Lepage se réjouit des dispositions favorables qui ont été introduites. Elle se réjouit également du choix du Gouvernement de suivre la droite ligne de l’action du gouvernement précédent en ce qui concerne l’accueil des « talents ». Cela lui permet d’affirmer que ce qui est prévu dans les articles 20 à 22 de ce projet de loi va dans le bon sens, ce qui n’est pas le cas de l’ensemble de ce texte.
Mme la présidente. L’amendement n° 540 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au 5°, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « , culturel, sportif, social ou scientifique » ;
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’ajout des critères culturel, sportif, social et scientifique à l’unique critère économique énoncé dans l’actuel projet de loi permettrait de créer un passeport pour tous les talents et de favoriser ainsi pour la France un rayonnement non seulement économique, mais aussi culturel, sportif, social et scientifique. Ces activités sont tout autant des secteurs à privilégier que des domaines porteurs d’innovation, de développement et de progrès.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le « passeport talent » est un dispositif d’attractivité, chacun le sait, qui permet de faciliter la venue en France d’étrangers à fort potentiel. Aujourd’hui, il peut être délivré à l’étranger diplômé qui justifie d’un projet économique de création d’entreprise réel et sérieux.
Cet amendement vise à ajouter les projets culturels, sportifs, sociaux ou scientifiques. En réalité, il est déjà satisfait par un autre critère de délivrance du « passeport talent », qui concerne les projets dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif, artisanal ou sportif. C’est la raison pour laquelle la commission sollicite son retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis que le rapporteur. Ce dispositif est déjà prévu dans la loi.
Mme la présidente. Monsieur Arnell, l’amendement n° 540 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. N’étant pas le premier signataire de cet amendement, je me devais de le présenter. Néanmoins, après avoir entendu les argumentaires, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 540 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je remercie M. Arnell d’avoir retiré cet amendement, qui était effectivement satisfait. Le domaine de la création d’entreprise n’est pas limitatif.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 476, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 390 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary et Bazin, Mme A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme, Bonne, Bouchet et J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta, Gremillet, Guené et Karoutchi, Mmes Lamure et Lanfranchi Dorgal, MM. Laufoaulu, de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mme Lopez, MM. Mandelli et Mayet, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paul, Pierre et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mme Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
après le mot : « établie », sont insérés les mots : « ou susceptible de participer de façon significative au développement économique, patrimonial et culturel au développement de l’aménagement du territoire et au rayonnement de la France » et,
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Cet amendement vise à supprimer, à l’alinéa 11, un certain nombre de mots qui rendent floue la catégorie des titres de séjour proposés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je demande le retrait de cet amendement, car, à mon avis, c’est déjà pris en compte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Pourquoi pas ? Il s’agit surtout de la reprise des termes de l’ancienne carte « compétences et talents », mais il est vrai que, en période de pression migratoire exceptionnelle, peut-être vaut-il mieux ne pas laisser trop de flou.
Mme la présidente. L’amendement n° 89, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 541 rectifié, présenté par MM. Collin et Arnell, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le même 10°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … À l’étranger qui justifie d’un projet de formation ou professionnel reconnu par un organisme public et destiné à lui permettre, à l’issue de son séjour en France, de développer dans son pays d’origine une activité agricole ou technologique innovante et soutenable. » ;
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement d’appel vise à insister sur la nécessité de développer davantage d’outils de codéveloppement entre les pays d’origine et les pays de destination des migrations internationales actuelles.
La formation d’élites économiques aux métiers d’avenir ou aux activités nécessaires au développement soutenable des pays d’origine pourrait recevoir un meilleur accompagnement sous la houlette de l’Agence française de développement.
Le développement de relations d’un nouveau type avec les ressortissants des pays d’origine pourrait être un instrument efficace du rayonnement français à travers le monde. Tel est l’objet de cet amendement.
(M. Thani Mohamed Soilihi remplace Mme Catherine Troendlé au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement, dont j’ai bien noté qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, est en partie satisfait par les cartes de séjour « étudiant », qui permettent déjà de former des étrangers pour qu’ils puissent ensuite participer au développement de leur pays. De même, un « passeport talent » peut déjà être délivré aux entrepreneurs étrangers.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Nous sommes favorables au codéveloppement, mais nous pensons qu’un tel dispositif n’est pas nécessaire, dans la mesure où ce n’est pas à la France de s’emparer de ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Arnell, l’amendement n° 541 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Par ma voix, je crois que le message de mon collègue Yvon Collin a été relayé. Je n’ai par conséquent pas de raison particulière de maintenir cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 541 rectifié est retiré.
L’amendement n° 477, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 20, modifié.
(L’article 20 est adopté.)
Article 21
I. – (Supprimé)
II. – La sous-section 3 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rétablie :
« Sous-section 3
« Dispositions particulières applicables aux étrangers étudiants ou chercheurs prolongeant leur séjour à des fins de recherche d’emploi ou de création d’entreprise
« Art. L. 313-8. – I. – Une carte de séjour temporaire portant la mention “recherche d’emploi ou création d’entreprise” d’une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l’étranger qui justifie :
« 1° Soit avoir été titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention “étudiant” délivrée sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-18 ou L. 313-29 et avoir obtenu dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ;
« 2° Soit avoir été titulaire d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “chercheur” délivrée sur le fondement du 4° de l’article L. 313-20 et avoir achevé ses travaux de recherche.
« II. – La carte de séjour temporaire prévue au I est délivrée à l’étranger qui justifie d’une assurance maladie et qui :
« 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de la carte de séjour temporaire mentionnée au premier alinéa du I, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation ou ses recherches, assorti d’une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné.
« À l’issue de cette période de douze mois, l’intéressé pourvu d’un emploi ou d’une promesse d’embauche satisfaisant aux conditions énoncées au premier alinéa du présent 1° est autorisé à séjourner en France au titre de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux 1°, 2°, 4° ou 9° de l’article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l’article L. 313-10, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi ;
« 2° Soit justifie d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches.
« À l’issue de la période de douze mois mentionnée au premier alinéa du I du présent article, l’intéressé justifiant de la création et du caractère viable d’une entreprise répondant à la condition énoncée au premier alinéa du présent 2° est autorisé à séjourner en France sous couvert de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 5° de l’article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée au 3° de l’article L. 313-10.
« III. – L’autorité administrative ne peut procéder à des vérifications dans les conditions prévues à l’article L. 313-5-1 qu’à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la délivrance de la carte de séjour temporaire.
« IV. – L’étranger qui a obtenu dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret et qui, à l’issue de ses études, a quitté le territoire national peut bénéficier de la carte de séjour temporaire prévue au I, dans un délai maximal de quatre ans à compter de l’obtention dudit diplôme en France. »
III. – (Supprimé)
IV. – (Non modifié) L’article L. 531-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Il en est de même de l’étranger étudiant et de l’étranger chercheur ainsi que des membres de la famille de ce dernier, admis au séjour sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne et bénéficiant d’une mobilité en France conformément à la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, lorsque :
« a) Le titre de séjour a expiré ou a été retiré par l’État membre qui l’a délivré, au cours de la période de mobilité ;
« b) L’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de la mobilité ;
« c) L’autorité administrative compétente n’a pas reçu la notification de l’intention de cet étranger d’effectuer une mobilité sur le territoire français ;
« d) L’autorité administrative compétente a fait objection à la mobilité de cet étranger. »
V (nouveau). – Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Les étudiants suivant un programme de mobilité
« Art. L. 313-29. – I. – Une carte de séjour « étudiant – programme de mobilité » est délivrée, dès sa première admission au séjour, sans que soit exigé le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 et sous réserve d’une entrée régulière en France, à l’étudiant étranger qui justifie :
« 1° Qu’il relève d’un programme de l’Union européenne, d’un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne dont la France, ou d’une convention entre au moins deux établissements d’enseignement supérieur situés dans au moins deux États membres de l’Union européenne dont la France ;
« 2° Qu’il dispose de moyens d’existence suffisants et d’une assurance maladie couvrant la durée de son séjour en France ;
« 3° Qu’il dispose d’une connaissance suffisante de la langue du programme d’études qu’il suivra.
« II. – La carte de séjour mentionnée au I est d’une durée maximale égale à la durée des études prévues dans un établissement d’enseignement supérieur français, sans pouvoir excéder la durée restant à courir du cycle dans lequel est inscrit l’étudiant étranger.
« Elle donne droit à l’exercice, à titre accessoire, d’une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle.
« Art. L. 313-30. – Lorsqu’un étudiant étranger a été admis au séjour dans un autre État membre de l’Union européenne et est inscrit dans un programme de mobilité conformément à la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, il est autorisé à séjourner en France pour effectuer une partie de ses études au sein d’un établissement d’enseignement supérieur sans délivrance d’un titre de séjour français et sans que soit exigé le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2, à condition que :
« 1° La durée de son séjour en France n’excède pas douze mois ;
« 2° Ce séjour soit notifié aux autorités administratives compétentes ;
« 3° L’étranger justifie qu’il dispose de moyens d’existence suffisants et d’une assurance maladie couvrant la durée de son séjour en France.
« L’étudiant étranger qui remplit les conditions énoncées au présent article peut, à titre accessoire, exercer une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. »
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Mon intervention sur l’article vaudra également défense de l’amendement n° 110.
Cet article tend à défendre l’accueil des talents et l’attractivité de la recherche et de l’université françaises. Je tiens à vous dire, en mon nom propre, mais aussi au nom de la communauté scientifique et universitaire, que nous sommes très inquiets, parce que cette attractivité est en baisse. J’aimerais vous le montrer par quelques éléments, sans vous abreuver de statistiques.
Je prendrai simplement l’exemple d’un pays du Maghreb, la Tunisie. Depuis très longtemps, la majorité des étudiants tunisiens viennent étudier en France. Or, aujourd’hui, au terme d’un processus progressif, seuls 50 % viennent en France. Quant aux autres, ils partent notamment en Allemagne, pays qui les accueille pour des cursus en anglais. Je pense que cela ne sert ni notre pays ni la francophonie.
Je voudrais vous citer un autre exemple, celui du Cameroun. Le nombre d’étudiants camerounais qui viennent étudier en France a baissé de près de 25 %, au profit de la Belgique, où le nombre d’étudiants camerounais a augmenté de 157 %, et de l’Allemagne, où cette hausse est de 23 %.
J’aimerais vous préciser aussi que les cursus universitaires incluent de plus en plus une obligation absolue de faire un stage à l’étranger, obligation à laquelle se soumettent bien volontiers les étudiants français. Si nous n’arrivons pas à offrir des capacités d’accueil aux étudiants étrangers, ils iront faire leur stage ailleurs qu’en France. Je pense que nous donnons là une très mauvaise image de la recherche française.
C’est pourquoi nous vous proposerons quelques amendements visant à redonner un petit peu de souplesse et de respiration à un dispositif qui est aujourd’hui beaucoup trop contraint. Ce qui est vraiment en jeu, c’est la francophonie et le rayonnement scientifique et culturel de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. Je dois dire que je partage assez les interrogations de M. Ouzoulias. J’ai récemment fait une étude, si je puis dire, sur l’ensemble des universités parisiennes ; franchement, ce n’est pas très flatteur.
Un établissement – de mémoire, je crois que c’est l’Institut d’études politiques de Paris – pratique une progressivité des frais de scolarité. Dans ce cadre, l’ensemble des étrangers venant faire leurs études à Sciences Po paient le taux maximum. Pardonnez-moi de vous le dire, mes chers collègues, mais ce n’est pas donné !
Je ne comprends pas bien quelle est la politique dans ce domaine du Gouvernement. Je ne mets pas en cause seulement le gouvernement actuel, mais aussi ceux des années précédentes, de gauche comme de droite. En effet, ça fait dix ans que la situation se détériore.
C’est une évidence que la vie est chère pour les étudiants qui veulent fréquenter une université parisienne : le logement est cher, les transports sont tout de même un peu plus chers qu’ailleurs, quoi qu’on en dise, et, au final, il est compliqué d’avoir un niveau de vie correct. Si, en outre, les universités ou les grandes écoles font payer les taux maximums aux étudiants étrangers, aucun d’entre eux ne viendra bientôt plus chez nous ! Ils seront bien plus attirés par les Américains ou les Allemands, qui, eux, offrent des bourses et des facilités de logement ; des associations s’occupent même parfois de trouver des logements aux étudiants étrangers quand ils arrivent. Or quand les étrangers arrivent à Paris, ils doivent se débrouiller : ils vont au rectorat, on leur donne deux ou trois adresses du CROUS, et après, bonsoir chez vous, débrouillez-vous !
Nous n’attirons plus ; il faut le dire. (M. Alain Richard fait un geste dubitatif.) Si, monsieur Richard, du moins nous n’attirons plus les meilleurs talents, parce que les autres les attrapent en leur offrant des conditions financières qui ne sont pas à notre portée.
Certes, monsieur le ministre d’État, là n’est pas votre secteur de compétence, mais ne faut-il pas retrouver, par des mesures spécifiques, la capacité d’attirer des étudiants étrangers ? Il y en a, je ne dis pas le contraire, mais on ne peut nier que les meilleurs partent dans d’autres pays, ce qui n’est pas valorisant pour l’université française.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. L’un des objectifs du rapport que je demandais tout à l’heure était aussi de connaître notre capacité à faire la promotion à l’étranger des études supérieures en France.
Il faut savoir comment nos instituts fonctionnent dans ce domaine. Les espaces Campus France, qui ont a priori vocation à promouvoir les études supérieures en France et à accompagner les étudiants dans leur parcours, sont davantage des structures visant à contribuer à l’autofinancement des divers instituts français à l’étranger qu’à vraiment aider les étudiants à orienter leur projet. L’argent qu’un étudiant doit verser à Campus France ne fait que financer l’institut français, sans participer du tout à cette dynamique, sans offrir des moyens locaux pour la promotion de nos établissements d’enseignement supérieur. Il ne permet pas non plus à ces derniers d’avoir les moyens de faire une sélection parmi les étudiants qui se présentent.
Pis, lorsque, après avoir reçu un accord de l’espace Campus France, quelqu’un se rend au consulat pour demander son visa étudiant, il ne peut savoir si l’espace Campus France a donné un avis favorable ou défavorable à son projet. Il passe des mois à préparer ses papiers pour recevoir son visa, mais, à la fin, on peut lui dire non. Dans ce cas, l’étudiant a perdu une année, parce qu’il ne peut plus alors faire la même démarche auprès d’une université d’un autre pays.
Toute l’organisation de la promotion à l’étranger des études en France est à revoir. La manière dont les instituts français se financent sur le dos des établissements d’enseignement supérieur et de leur promotion à l’étranger est un réel problème. Ces établissements n’ont pas les moyens de faire une sélection correcte, parce que rien de l’argent demandé localement aux candidats ne leur revient. Cela aussi doit être revu.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 510 rectifié, présenté par MM. Richard, de Belenet, Patriat, Amiel, Bargeton, Cazeau, Dennemont, Gattolin, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung, Hassani, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
A) Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – L’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette carte, d’une durée inférieure ou égale à un an et renouvelable une fois, porte la mention “étudiant – programme de mobilité” lorsque l’étudiant relève d’un programme de l’Union européenne, d’un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne ou d’une convention entre au moins deux établissements d’enseignement supérieur situés dans au moins deux États membres de l’Union européenne. » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger ayant été admis au séjour dans un autre État membre de l’Union européenne et inscrit dans un programme de mobilité conformément à la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair peut séjourner en France, après notification de sa mobilité aux autorités administratives compétentes, pour une durée maximale de douze mois, pour effectuer une partie de ses études au sein d’un établissement d’enseignement supérieur, pour autant qu’il dispose de ressources suffisantes, sans que soit exigé le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2. » ;
2° bis Le second alinéa du même I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce même droit est octroyé dans les mêmes conditions à l’étranger qui entre dans les prévisions du deuxième alinéa du présent I. » ;
3° Au dernier alinéa du II, après le mot : « enseignement », sont insérés les mots : « , celles relatives à l’étranger ayant été admis conformément à la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 précitée ».
B) Alinéa 15
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. – La section 3 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :
« Sous-section 7
« La carte de séjour pluriannuelle portant la mention “étudiant – programme de mobilité”
« Art. L. 313-27. – La carte de séjour pluriannuelle portant la mention “étudiant – programme de mobilité” est délivrée, dès sa première admission au séjour, à l’étudiant étranger relevant d’un programme de l’Union européenne, d’un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne ou d’une convention entre au moins deux établissements d’enseignement supérieur situés dans au moins deux États membres de l’Union européenne et qui justifie qu’il dispose de moyens d’existence suffisants. Cette carte est délivrée pour la durée dudit programme ou de ladite convention, qui ne peut être inférieure à deux ans. L’autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l’article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d’une entrée régulière en France. »
C) Alinéas 22 à 35
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. En brève introduction de cette présentation, je voudrais vous suggérer, mes chers collègues, de ne pas trop noircir le tableau de la compétitivité académique de la France. Beaucoup de très bons étudiants sont attirés par les universités ou les établissements de recherche français. S’il fallait insister sur un petit point qui, sans coûter très cher, améliorerait notre compétitivité, ce serait de demander qu’un plus grand nombre d’enseignants-chercheurs acceptent d’enseigner en anglais. Naturellement, je me couvre de honte en disant cela, mais, enfin, j’observe ce qu’il en est des comportements réels.
Mme Sophie Primas. C’est vrai !
M. Alain Richard. J’en viens à notre amendement.
Nous exprimons à travers lui un désaccord avec la position adoptée par la commission. Nous n’en avons pas beaucoup, mais celui-ci est assez affirmé. Nous considérons en effet que l’article 21, tel qu’il a été rédigé par la commission, fusionne de façon malencontreuse les cartes de séjour temporaires et les cartes de séjour pluriannuelles. Or ces deux titres ne répondent pas aux mêmes objectifs et ne s’appuient pas sur les mêmes critères. En outre, dès lors qu’il y a fusion, il aurait fallu, selon nous, établir l’étendue des droits associés à ces cartes de séjour.
Je le répète, ces deux cartes de séjour ne correspondent pas aux mêmes types de séjour universitaire. C’est pourquoi nous préférons, de loin, que subsistent, d’une part, la carte de séjour temporaire pour étudiant, qui convient pour une courte présence académique en France, et, d’autre part, la carte de séjour pluriannuelle, qui correspond à un cycle d’études complet et qui constitue à l’évidence un facteur majeur d’attractivité des universités françaises.
M. le président. L’amendement n° 110, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « et qui justifie qu’il dispose de moyens d’existence suffisants » sont remplacés par les mots : « et qui s’engage à disposer de moyens d’existence suffisants ».
B. – Après l’alinéa 2
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 313-7-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « et qu’il dispose de moyens d’existence suffisants » sont supprimés.
… – L’article L. 313-7-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « , de moyens suffisants » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa du II, les mots : « qui justifie de ressources suffisantes » sont supprimés.
Cet amendement a précédemment été défendu par son auteur.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a estimé que les cartes de séjour visées poursuivaient le même objectif et avaient les mêmes critères. Nous avons donc entrepris avec la commission de la culture un travail de réécriture du dispositif, tout en en respectant, naturellement, les objectifs. Nous avons obéi à deux mots d’ordre.
D’une part, nous voulions aboutir à un dispositif un peu plus lisible en créant des articles spécifiquement dédiés à la mobilité européenne des étudiants étrangers. Le titre mixte ainsi créé s’inspire, par exemple, du titre de séjour des travailleurs en CDD, et il permettra des contrôles effectifs.
D’autre part, la commission a souhaité que l’étudiant mobile justifie d’une connaissance suffisante de la langue de son programme d’études et d’une assurance maladie, comme le permet d’ailleurs la directive du 11 mai 2016.
C’est pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement n° 510 rectifié.
Quant à l’amendement n° 110, il a pour objet de supprimer la condition de ressources pour l’admission au séjour des étudiants et des stagiaires étrangers. Nous y sommes défavorables.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. En réponse aux propos qui ont été tenus à ce sujet, je crois, pour ma part, que la France conserve de très nombreux atouts : la qualité reconnue de son enseignement supérieur, l’attrait de sa langue et de la culture française, ou encore l’existence de formations dispensées en anglais. Elle pourrait également bénéficier d’une prudence accrue des étudiants étrangers vis-à-vis des États-Unis de Donald Trump ou du Royaume-Uni du fait des inquiétudes liées au Brexit.
À l’inverse, il faut quand même ne pas oublier les blocages d’universités qui ont eu lieu ces dernières semaines dans le cadre de la contestation du dispositif Parcoursup. Nous espérons que cela n’aura pas un impact trop négatif sur l’image internationale de l’université française.
Notre rédaction nous semble plus claire et plus proche de la directive européenne en la matière. Du moins a-t-elle été adoptée par la commission des lois et intégrée à son texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 510 rectifié, qui vise à rétablir le texte initial de cet article.
J’insiste sur la distinction que M. Richard a faite entre la carte de séjour temporaire « étudiant – programme de mobilité » et la carte de séjour pluriannuelle « étudiant – programme de mobilité ». Ces deux titres n’ouvrent pas les mêmes droits ; les confondre poserait donc beaucoup de difficultés.
Par ailleurs, M. Richard a raison lorsqu’il souligne que la France n’est pas si mauvaise. Je veux à mon tour donner quelques chiffres.
Nous sommes le deuxième pays d’Europe, après le Royaume-Uni, pour l’accueil des chercheurs : nous accueillons 12 500 chercheurs de pays non membres de l’Union européenne. Nous sommes également le quatrième pays du monde, après les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, pour l’accueil des étudiants : ils sont plus de 310 000. Quant aux étudiants non européens, ils sont 90 000, soit une hausse de 20 %.
Le Gouvernement est par ailleurs défavorable à l’amendement n° 110.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Sur l’amendement n° 510 rectifié, nous souscrivons à ce qui vient d’être dit, y compris par M. le ministre d’État. Nous voterons donc cet amendement.
S’agissant de celui que nous avons déposé et qu’a défendu mon collègue Pierre Ouzoulias, je voudrais vous rappeler, mes chers collègues – M. Karoutchi y a fait allusion –, qu’on demande aux étudiants étrangers qui souhaitent poursuivre un cursus universitaire en France de justifier d’un revenu de 615 euros par mois avant même que ne leur soit remis leur titre de séjour.
Outre le fait que, comme l’a rappelé M. Karoutchi, le coût de l’entrée à l’université est lui-même très élevé, l’étudiant étranger qui veut venir chez nous doit avant tout justifier de ces 615 euros mensuels. Mettons-nous dans la situation de cet étudiant : il faudrait tout simplement lui donner la possibilité d’être salarié, comme le sont beaucoup d’étudiants de nos universités.
Je vous avoue donc que nous sommes assez favorables à ce qu’on fasse un pari qui ne serait ni aveugle ni irresponsable : on conclurait une sorte de contrat de confiance avec cet étudiant étranger, qui s’engagerait à avoir des ressources suffisantes. Tel est l’esprit de notre amendement.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 478, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 374 rectifié bis, présenté par Mme Lepage, M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 313-8. – I. – Une carte de séjour temporaire portant la motion « recherche d’emploi », d’une durée de validité de douze mois, non renouvelable, ou la mention « création d’entreprise », d’une durée de validité de douze mois, est délivrée à l’étranger qui justifie :
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Après notre collègue Leconte, c’est à mon tour de porter la voix de notre collègue Lepage, qui nous propose, avec l’ensemble de notre groupe, d’adopter cet amendement qui a pour objet les étudiants étrangers, mais aussi les chercheurs.
Aujourd’hui, les étudiants étrangers titulaires d’un diplôme de niveau bac+5, d’un doctorat ou d’une licence professionnelle peuvent se voir délivrer une autorisation de séjour d’un an non renouvelable à des fins de recherche d’emploi salarié ou de création d’entreprise. Les chercheurs ne peuvent bénéficier d’une telle autorisation et doivent donc changer de statut pour obtenir un titre de séjour en qualité de créateur d’entreprise ou de salarié.
La directive européenne Étudiants-chercheurs du 11 mai 2016 impose la création d’un titre de séjour spécifique pour permettre aux étudiants et aux chercheurs de rester sur le territoire national à des fins de recherche d’emploi ou de création d’entreprise. Le choix du Gouvernement pour appliquer cette directive a malheureusement été de créer une seule carte de séjour d’un an, non renouvelable, pour la création d’entreprise comme pour la recherche d’emploi. Or ces deux activités sont bien différentes et nécessitent un traitement distinct. En effet, la création d’une entreprise requiert souvent bien plus d’une année.
Cet amendement vise donc à prévoir une distinction des deux situations et une possibilité de renouvellement de la carte de séjour en cas de création d’entreprise.
M. le président. L’amendement n° 391 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Chevrollier, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas, Duranton et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, M. Guené, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, de Nicolaÿ, Paccaud, Paul, Pemezec, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
neuf
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Cet amendement vise à aligner le droit français sur le droit européen. La directive préconise plutôt neuf mois que douze pour l’attribution de la carte de séjour dans ce cadre.
M. le président. L’amendement n° 389 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet et J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Courtial et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne, Dumas, Duranton et Eustache-Brinio, M. Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta, Gremillet, Guené, Huré et Karoutchi, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mme Lopez, MM. Mandelli et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paul, Pemezec, Pierre et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Revet, Saury, Savary, Schmitz, Sido et Sol, Mme Troendlé et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Cet amendement tend à supprimer la disposition permettant à un étudiant étranger qui a quitté le territoire national de revenir dans un délai de quatre ans pour y constituer son entreprise. Notre principe est que, une fois ses études terminées, il peut créer son entreprise sur le territoire, mais immédiatement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que le droit européen permet aux États membres de prévoir un titre de séjour pour les étudiants étrangers et les chercheurs à la recherche d’un emploi ou souhaitant créer une entreprise. Actuellement, ces personnes obtiennent une autorisation provisoire de séjour, ou APS, que le présent projet de loi transforme en carte de séjour temporaire.
L’amendement n° 374 rectifié bis vise à permettre de renouveler ce titre de séjour lorsque l’étudiant ou le chercheur souhaite créer une entreprise. L’avis de la commission est défavorable, parce que ce titre de séjour est par définition de courte durée. Dès que le projet de création d’entreprise est plus avancé, l’étranger peut évidemment solliciter un « passeport talent ».
En revanche, l’avis de la commission est favorable sur les amendements nos 391 rectifié et 389 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. J’ai du mal à comprendre que des directives européennes puissent servir d’excuse. La volonté des auteurs de l’amendement n° 391 rectifié est claire – réduire la durée de la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » –, mais ils se cachent derrière la directive européenne. Mes chers collègues, si vous voulez que la France soit attractive, conservez la durée de douze mois !
L’amendement n° 389 rectifié est encore plus étonnant : on a l’impression qu’il a été rédigé par des nostalgiques de la circulaire Guéant. Son adoption aurait des effets contre-productifs.
Prenons le cas d’un étudiant étranger ayant fait ses études en France qui se dit que, avec ses connaissances, il peut aller créer une entreprise ailleurs. Par la suite, s’il estime avoir besoin de revenir en France, parce qu’il y a conservé des contacts, il a automatiquement la possibilité de revenir. Or vous voulez supprimer cette possibilité. Quel est le risque ? On va perdre un talent ! À la limite, s’il a peur de ne pas pouvoir revenir, il ne partira pas. Lui permettre de tester pendant quatre ans ce qu’il a appris en France et ses nouvelles compétences dans d’autres pays, c’est très bien, mais il faut aussi lui permettre de revenir. Sans cette garantie, je le répète, il ne partira pas.
Les premières années après le passage dans l’enseignement supérieur représentent en fin de compte une part intégrante de la formation. C’est pourquoi il ne faut pas de coupure directe. Au contraire, un filet de sécurité qui permet la mobilité pendant quatre ans, c’est plutôt intéressant. Il ne faut donc pas se priver de ce filet de sécurité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. J’entends ce que dit M. Leconte. Néanmoins, à titre personnel, je tiens à dire que, lorsqu’un étudiant vient en France pendant une année acquérir un ensemble de compétences, il est important qu’il puisse le rendre ensuite à son pays.
On parlait précédemment de codéveloppement. Je pense, pour ma part, qu’il faut que la France cesse d’aspirer des savoirs et des intelligences. Il est bon que cet étudiant revienne dans son pays pour créer son entreprise. À mon avis, les va-et-vient ne lui permettront pas de s’installer dans son pays de manière durable et de le développer.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Monsieur Leconte, concernant l’amendement n° 391 rectifié, vous avez déploré le fait qu’on s’aligne sur la directive européenne. On ne fait pourtant que ça en commission des affaires européennes !
Par ailleurs, rien n’empêchera un chef d’entreprise qui a créé son entreprise à l’étranger de revenir un jour en France pour en créer une autre, dès lors qu’il détiendra toujours son entreprise à l’étranger.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 374 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 391 rectifié.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite en fait répondre à M. le rapporteur pour avis.
Ce débat montre une certaine nostalgie de la circulaire Guéant. On entend les mêmes arguments : il serait bon que, une fois qu’on les a formés, les étudiants repartent dans leur pays… Or, si on dit à un étudiant qu’il n’aura plus sa place en France, on rend notre pays beaucoup moins attractif. Regardez simplement les chiffres et la crédibilité de l’enseignement supérieur français après la circulaire Guéant et les effets qu’elle a eus. Je ne pense pas que ce soit très utile de recommencer ce genre de choses.
En outre, prenons le cas d’une personne qui, après ses études, quitte la France, soit parce qu’elle ne peut pas y rester, soit parce qu’elle veut tenter une carrière dans un autre pays. Si elle ne souhaite pas rester chez elle et qu’on lui répond « non, la France, c’est fini, tu as fait tes études, maintenant c’est terminé », eh bien, elle ira voir ailleurs ! On a exactement le même débat qu’il y a six ans, avec les mêmes arguments et les mêmes lunes.
Les quelques années qui suivent l’enseignement supérieur font réellement partie intégrante du cursus. L’attractivité de la France en matière d’enseignement supérieur ne peut donc pas être séparée de la manière dont elle traitera ces quelques années. On ne peut d’ailleurs pas parler d’attractivité si on renvoie les gens chez eux ! N’oubliez pas que la mobilité aujourd’hui est mondiale ; ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de place pour ces gens en France qu’ils retourneront dans leur pays s’ils ne le veulent pas. Ils iront ailleurs et seront perdus pour nous.
M. le président. Je mets aux voix l’article 21, modifié.
(L’article 21 est adopté.)
Article additionnel après l’article 21
M. le président. L’amendement n° 342 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … À l’étranger résidant de façon habituelle dans un des pays figurant sur une liste définie par décret et inscrit dans un des établissements d’enseignement supérieur dont la liste figure au même décret, sous réserve d’une entrée régulière en France et sans que la condition prévue à l’article L. 313-2 soit exigée ; ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à insérer plusieurs dispositions dans le CESEDA pour permettre à certains étudiants de ne pas avoir à faire leur demande de titre de séjour dans leur pays.
Dans les très grands pays, voyager coûte très cher. Depuis que, pour les visas de long séjour, la prise d’empreintes biométriques est obligatoire, le seul besoin d’un titre de séjour « étudiant » exige du temps et la mobilisation de plusieurs centaines ou milliers d’euros. Cette seule exigence, que nos partenaires européens n’ont pas, conduit un certain nombre d’étudiants à préférer se rendre en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Il est donc important que le ministère de l’intérieur revienne sur sa décision de supprimer les exemptions de biométrie.
Nous proposons qu’il soit établi une liste spécifique d’établissements d’enseignement supérieur sérieux – on peut en effet imaginer qu’il y en ait certains qui fassent trafic de cette possibilité – et de pays. En l’occurrence, je pense au Brésil, aux États-Unis, au Japon, qui n’est pas si grand, mais où les transports sont très chers, à l’Australie ou encore à certains pays où nous n’avons pas de postes diplomatiques et consulaires et où les étudiants ne peuvent pas faire de demandes de visas de long séjour.
Permettre aux étudiants de venir sans visa – les ressortissants de ces pays sont souvent exemptés de visas pour les courts séjours – et de faire leur demande de titre « étudiant » en France est indispensable à notre attractivité dans un certain nombre de pays développés, notamment dans ceux où nous n’avons pas de postes diplomatiques.
Monsieur le ministre d’État, la solution pourrait être une exemption de biométrie pour les visas de long séjour « étudiant », afin d’éviter de demander à ces étudiants de se déplacer dans un poste diplomatique qui se trouve loin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
L’article L. 313-7 du CESEDA précise les hypothèses de délivrance des titres de séjour « étudiant ». La principale hypothèse concerne l’étranger qui a reçu un visa de long séjour, c’est-à-dire supérieur à trois mois, car il est inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur français. Ce système fonctionne, les chiffres en témoignent : depuis dix ans, les admissions d’étudiants étrangers augmentent, atteignant 88 095 en 2017.
Cet amendement vise à introduire une nouvelle hypothèse de délivrance des titres de séjour « étudiant » : pour des pays définis par décret, un étranger pourrait entrer en France avec un visa de court séjour – ce qui correspond le plus souvent à un visa de tourisme –, s’inscrire dans une université française, puis solliciter une carte de séjour « étudiant ».
Ce système pourrait faciliter les détournements. Il convient donc de maintenir l’obligation de disposer d’un visa « étudiant » pour entrer en France. Charge aux services de l’État de faciliter la réalisation et l’obtention des visas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, vous pouvez regarder les chiffres de façon globale. Pour ma part, je vous parle de pays spécifiques et de notre capacité à attirer des personnes qui travaillent dans la Silicon Valley ou à 500 kilomètres de Tokyo et qui veulent venir en France, mais pour qui c’est impossible, compte tenu des exigences.
Monsieur le ministre d’État, vous aussi, vous pouvez regarder les chiffres de façon globale et considérer que tout va bien, mais il faut examiner les situations au cas par cas, pays par pays, et prendre conscience des difficultés qu’un certain nombre de postes diplomatiques rencontrent en termes d’attractivité. Cette attractivité, on pourrait très bien la retrouver sans aller aussi loin que ce que je vous propose – même si c’est à mon avis la meilleure solution. Vous pourriez accepter des exemptions de biométrie pour un certain nombre de pays, notamment ceux que j’ai cités, pour les visas de long séjour « étudiant » et pour les visas « investisseur ».
Nous avons véritablement un problème en Californie, en Australie, au Japon, au Canada. Les postes diplomatiques et consulaires demandent au ministère de l’intérieur d’autoriser à nouveau cette exemption sur laquelle votre ministère est revenu il y a dix-huit mois. Il faut agir !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 342 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 21 bis (nouveau)
L’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« À l’occasion de leur première admission au séjour, les étudiants étrangers suivent la visite médicale prévue au 4° de l’article L. 5223-1 du code du travail. Ils bénéficient ensuite des actions de promotion de la santé prévues aux articles L. 831-1 à L. 831-3 du code de l’éducation. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Dans le droit en vigueur, la responsabilité du « suivi sanitaire préventif » des étudiants étrangers est confiée aux établissements d’enseignement supérieur. Auparavant, en vertu d’une disposition de nature réglementaire, les étrangers, étudiants comme non étudiants, devaient obligatoirement, pour valider leur visa, passer une visite médicale à l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Ainsi, en 2013, l’OFII a fait passer 210 000 visites médicales, dont 60 000 concernaient des étudiants étrangers. Or ledit office, pressé par le Gouvernement de stabiliser ses moyens, souhaitait être déchargé de cette mission pour certaines catégories d’étrangers, notamment les publics éligibles au « passeport talent » ainsi que les étudiants.
S’agissant des étudiants, les débats parlementaires de 2015 et 2016 sur le projet de loi relatif au droit des étrangers ont vu la question évoluer au fil des lectures.
En première lecture, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel qui dispensait de la visite médicale à l’OFII les étudiants étrangers « justifiant d’un suivi médical régulier ». Le Sénat a, quant à lui, supprimé cette disposition sur l’initiative de sa commission des lois au motif qu’elle était de nature réglementaire, notre collègue François-Noël Buffet, alors rapporteur de la commission des lois, ayant rappelé que la visite devant un médecin de l’OFII était pratiquée par des médecins ayant une bonne connaissance des pathologies des populations migrantes et qu’elle était peu coûteuse pour les étudiants étrangers.
Après l’échec de la commission mixte paritaire sur ce texte, l’Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture le texte concerné, aux termes duquel les établissements d’enseignement supérieur sont « responsables du suivi sanitaire préventif des étudiants étrangers », ce qui n’a pas manqué de les inquiéter. Les établissements d’enseignement supérieur se sont ainsi retrouvés dotés d’une nouvelle compétence, sans transfert de moyens et dans l’attente d’une clarification annoncée de leurs responsabilités.
À ce jour, un consensus s’opère au Sénat, ce dont nous nous réjouissons. L’article 21 bis vise ainsi à rétablir la compétence de l’OFII en matière de visite médicale des étrangers étudiants primo-arrivants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Je vais essayer de ne pas me mettre en colère…
Depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, j’interpelle le ministère de l’intérieur sur ce sujet. Nous déposons des amendements, des présidents d’université interpellent le ministère de l’enseignement supérieur, le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’intérieur. Aujourd’hui que vous êtes en séance, monsieur le ministre d’État, nous n’arrivons même pas à obtenir une réponse sur le besoin d’exemption de biométrie pour les visas de long séjour dans un certain nombre de pays !
Il est absolument indispensable que vous reveniez sur l’orientation que le ministère de l’intérieur a prise il y a dix-huit mois. Ce n’est pas vous personnellement qui êtes en cause, et je sais que d’autres sujets très importants occupent le ministère de l’intérieur, mais l’attractivité de la France est ce qui, sur le long terme, nous permettra de rester parmi les nations importantes.
Nous ne pouvons pas continuer à faire semblant d’avoir une attractivité dans les grands pays du monde. Vous ne pouvez pas non plus faire semblant de ne pas entendre chaque fois qu’on vous pose la question des exemptions de biométrie.
Je suis désolé de reprendre la parole sur ce sujet à l’occasion de l’examen de cet article, monsieur le ministre d’État. Je peux comprendre que vous ne soyez pas en mesure de donner des réponses définitives aujourd’hui, mais je souhaite que vous puissiez rapidement nous donner un calendrier de travail sur ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix l’article 21 bis.
(L’article 21 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 21 bis
M. le président. L’amendement n° 436 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, MM. Delcros, Détraigne et Henno, Mme Billon, MM. Moga, Kern et Canevet, Mmes Goy-Chavent, Férat, Vermeillet et Sollogoub, M. Lafon, Mme Morin-Desailly, M. L. Hervé, Mme Gatel et MM. Mizzon et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est ainsi modifié :
1° L’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2018 » ;
2° L’année : « 2018 » est remplacée par l’année : « 2020 ».
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Chacun connaît ici les difficultés auxquelles nous sommes confrontés en termes de démographie médicale. Il faut savoir que, à compter du 1er janvier 2019, plusieurs centaines de praticiens médicaux titulaires de diplômes hors Union européenne présents dans les hôpitaux ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions dans l’attente de l’obtention de l’autorisation d’exercer pleinement leur profession et de leur pleine intégration au système de santé français. Ils devraient de ce fait cesser leurs fonctions.
Il s’agit donc de prévoir la coordination nécessaire au maintien d’un dispositif essentiel au bon fonctionnement de nos hôpitaux, notamment ceux pour lesquels le recrutement de praticiens médicaux se révèle difficile. Ainsi, cet amendement vise à prolonger le dispositif transitoire, autorisant les praticiens concernés à poursuivre leurs fonctions jusqu’au 31 décembre 2020. Ce délai permettra au Gouvernement de proposer des mesures destinées à améliorer l’intégration des praticiens à diplôme hors Union européenne.
M. Vincent Delahaye. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
M. Vincent Capo-Canellas. Ah ! Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 21 bis.
Article 22
La sous-section 4 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rétablie :
« Sous-section 4
« La carte de séjour temporaire portant la mention “jeune au pair”
« Art. L. 313-9. – I. – Une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an renouvelable une fois et portant la mention “jeune au pair” est délivrée à l’étranger qui :
« 1° Est âgé de dix-huit à trente ans ;
« 2° Est accueilli temporairement dans une famille d’une nationalité différente et avec laquelle il ne possède aucun lien de parenté, dans le but d’améliorer ses compétences linguistiques et sa connaissance de la France en échange de petits travaux ménagers et de la garde d’enfants ;
« 3° A apporté la preuve soit qu’il dispose d’une connaissance de base de la langue française, soit qu’il possède un niveau d’instruction secondaire ou des qualifications professionnelles.
« II. – Une convention conclue entre le titulaire de la carte mentionnée au I et la famille d’accueil définit les droits et obligations des deux parties, notamment les modalités de subsistance, de logement et d’assurance en cas d’accident du jeune au pair, les modalités lui permettant d’assister à des cours, la durée maximale hebdomadaire consacrée aux tâches de la famille, qui ne peut excéder vingt-cinq heures, le repos hebdomadaire et le versement d’une somme à titre d’argent de poche.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 109, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La convention retranscrit également les dispositions du code pénal sanctionnant la traite d’êtres humains, les infractions d’exploitation, les droits garantis par la loi à la victime, ainsi que les sanctions pénales encourues par l’employeur. Une liste des coordonnées d’associations spécialisées dans l’assistance aux victimes figure à la fin de l’annexe.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. De plus en plus de jeunes font le choix d’être jeunes au pair. Depuis sa création en 1999, plus de 30 000 jeunes sont passés par l’UFAAP, l’Union française des agences au pair, et 20 000 familles ont fait office de lieu d’accueil.
D’un point de vue statistique, le succès est indéniable. Toutefois, il faut avoir conscience des limites du dispositif. Concrètement, le jeune est dans une situation de totale dépendance vis-à-vis de la famille d’accueil qui l’héberge, le nourrit et lui donne de l’argent de poche pour ses loisirs. Cette dépendance est d’autant plus forte que le jeune en question se trouve dans un pays étranger, où il a logiquement peu de réseaux et peu de relais en cas de problème.
Même si ces cas sont minoritaires, des familles abusent du dispositif pour mettre en place une sorte de traite moderne et, ce qui est pire, elles mettent parfois des jeunes en danger. À ce titre, l’enquête de France Info publiée au mois de mars dernier et mise à jour au mois de mai est édifiante. On peut aussi rappeler que des enquêtes ont été menées dans plusieurs arrondissements parisiens et ont montré de graves abus, au point qu’un certain nombre de députés du groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale ont voté l’amendement identique proposé par ma collègue Marie-George Buffet, ce dont je me félicite.
Ici, des jeunes transformés en esclaves domestiques ; là, des jeunes jetés à la rue sans raison ; là encore, des cas de harcèlement sexuel : tous les abus existent, au point que, face à leur récurrence, certaines agences ont arrêté de placer de jeunes étrangers en France…
La plupart des cas observés sont légalement répréhensibles. Encore faut-il que les jeunes soient en position d’engager des poursuites et se trouvent accompagnés. C’est la raison pour laquelle nous reprenons une préconisation du Comité contre l’esclavage moderne, en incluant dans la convention une annexe avec les coordonnées des associations d’accompagnement et un rappel du droit en vigueur. Certes, l’article 22 comporte des avancées notables, mais il est essentiel d’instaurer des règles plus protectrices des jeunes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Cet amendement a pour objet de définir le contenu de la convention d’accueil des jeunes au pair, qui devra prévoir un rappel des dispositions législatives en vigueur et une annexe précisant les coordonnées des associations spécialisées. Nous comprenons tout à fait la logique qui sous-tend cet amendement, mais nous ne sommes pas convaincus qu’il faille définir avec autant de précision le contenu de cette convention.
En outre, je rappelle que la commission des lois a déjà adopté un amendement de la commission de la culture pour rappeler les obligations de la famille d’accueil, M. le rapporteur pour avis en parlera sans doute.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Il est vrai que la commission de la culture a beaucoup discuté de cette question.
Monsieur Savoldelli, la mesure que vous proposez va dans le bon sens. Toutefois, elle ne définit pas assez bien le contrôle des familles d’accueil.
Moi aussi, j’ai été extrêmement émue par les dernières affaires, notamment celle de Londres. Les jeunes au pair doivent avoir un nombre précis d’heures pendant lesquelles ils pourront étudier plutôt que d’avoir avant tout à « servir » la famille qui les accueille en faisant du baby-sitting, mais aussi du ménage, ce qui revient quasiment à de « l’esclavage domestique ».
Le rapporteur pour avis précisera certainement dans un instant que la commission de la culture a fixé certaines règles et aussi prévu des contrôles des familles d’accueil.
En tout cas, mon cher collègue, je vous remercie d’avoir déposé cet amendement, qui devrait tous nous sensibiliser sur ces questions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. La transposition des dispositions relatives aux jeunes au pair de la directive Étudiants-chercheurs de 2016 était optionnelle. Il nous a semblé légitime de les transposer en droit français, afin d’offrir un véritable statut à ces jeunes adultes loin de chez eux pendant une période parfois assez longue.
La pratique des jeunes gens au pair est bien souvent une expérience formidable pour la découverte de notre pays, notre langue et notre culture. Reste qu’il était important de prévenir tout risque de détournement du dispositif par des employeurs peu scrupuleux, à la recherche d’une main-d’œuvre peu onéreuse et particulièrement dépendante. La commission de la culture a donc adopté un amendement de clarification rédactionnelle.
En outre, il semblait important que la convention conclue entre les deux parties définisse non seulement les droits et obligations du jeune au pair, mais également ceux de la famille d’accueil ; c’est bien ce qu’a prévu la commission.
Il nous semble plus intéressant d’inscrire les dispositions prévues par cet amendement dans un décret plutôt que dans la loi.
M. le président. Monsieur Savoldelli, l’amendement n° 109 est-il maintenu ?
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez raison : je me suis moi-même demandé si cette disposition relevait de la loi ou du décret.
Comme je constate que ce sujet retient votre attention, mes chers collègues, je vous ai évité les récits : on ne fait pas une loi sur un récit,…
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est vrai !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis d’accord !
M. Pascal Savoldelli. … quand bien même cela nous est arrivé de temps en temps, de part et d’autre, dans cet hémicycle.
Néanmoins, tous, ici, nous avons eu connaissance de calvaires horribles, qui ne peuvent laisser personne indifférent.
Nous allons maintenir cet amendement, non pas pour qu’il passe, non pas pour qu’il nous divise, mais parce que, si nous voulons qu’un décret soit un jour publié, il nous faut bousculer un peu l’histoire.
J’appelle l’attention de M. le ministre d’État : il ne s’agit pas de renvoyer à plus tard cette mesure, il faut faire en sorte que l’État de droit s’exerce quand certains transgressent le droit. Et Dieu sait si, malheureusement, de nombreux calvaires sont relatés ! Il s’agit donc d’un amendement d’alerte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Nous arrivons à la fin des dispositions relatives aux étudiants, et nous allons de nouveau nous pencher sur les questions relatives à l’asile, et ce dès l’article 23.
Je veux dire ma frustration sur cette partie du projet de loi. Ce que nous devons retenir, c’est que l’apport majeur du Sénat se résume à ceci : les nostalgiques de la circulaire Guéant ont gagné. Pourtant, lorsque celle-ci a été prise – c’était sous le gouvernement Fillon –, je me rappelle la réaction du Sénat, y compris sur les travées du groupe Les Républicains. Je me rappelle les positions de Jean-Pierre Raffarin. Or c’est l’esprit de cette circulaire qui est de retour aujourd’hui.
Concernant l’attractivité et les besoins spécifiques de certains pays, je regrette aussi d’avoir eu le sentiment que cette question n’apparaisse pas comme essentielle et que le Gouvernement la traite avec nonchalance. Heureusement, nous allons maintenant revenir à des sujets sérieux : l’asile, l’immigration, etc. Nous aurions pourtant eu besoin de l’engagement du ministère de l’enseignement supérieur, de celui du ministère de l’intérieur sur les questions de visa et d’attractivité de la France. Je regrette la désinvolture que j’ai perçue au cours du débat sur ce chapitre.
M. le président. Je mets aux voix l’article 22, modifié.
(L’article 22 est adopté.)
Chapitre II
Mesures de simplification
Article 23
L’article L. 311-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-6. – Lorsqu’un étranger a présenté une demande d’asile qui relève de la compétence de la France, l’autorité administrative, après l’avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l’absence de demande sur d’autres fondements à ce stade, l’invite à indiquer s’il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l’affirmative, l’invite à déposer sa demande dans un délai de deux mois. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, et sans préjudice de l’article L. 511-4, il ne pourra, à l’expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 18 est présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 479 est présenté par M. Ravier.
L’amendement n° 566 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 18.
M. Pascal Savoldelli. L’article 23 dispose qu’un étranger qui a déposé une demande d’asile et qui souhaite solliciter par ailleurs un titre de séjour pour un autre motif doit effectuer cette seconde démarche parallèlement à sa demande d’asile.
Selon l’association d’avocats du droit d’asile ELENA, ce droit existe déjà, même si, en pratique, nombre de guichets refusent illégalement d’enregistrer ces doubles demandes et exigent que la procédure d’asile soit terminée pour accepter une demande de titre de séjour pour un autre motif. Nous pourrions presque parler de millefeuille administratif… (Sourires.)
Nous l’avons déjà dit, ce texte porte atteinte aux droits de certaines catégories de demandeurs d’asile. Aussi, lesdits « dublinés » n’auraient pas à être informés de ce droit dont ils disposent pourtant aujourd’hui, et le dépôt de la demande de titre de séjour serait encadré dans un délai qui serait fixé ultérieurement par décret en Conseil d’État.
Les personnes qui souhaiteraient former une demande au-delà du délai devraient justifier de « circonstances nouvelles », notion qui permet de ne pas tenir compte du délai imparti. Cela peut concerner la demande de réexamen, la découverte d’une pathologie, un changement de situation ouvrant de nouvelles possibilités de solliciter un titre de séjour. Toutefois, cette notion nous paraît particulièrement floue et nécessiterait d’être concrètement définie. Une nouvelle fois, il s’agit d’être rigoureux lorsqu’il y va du sort de femmes et d’hommes dont l’avenir est suspendu à une décision de l’administration.
En outre, cet article pose la question des contours des demandes d’asile et des demandes de titre de séjour.
Depuis le début de l’examen du projet de loi, nous avons beaucoup entendu dans cet hémicycle qu’il y aurait deux catégories d’étrangers. Il faut éviter ce genre de propos, qui ne grandissent pas ceux qui pensent qu’il y a des bons et des mauvais étrangers et nuisent à l’image du Sénat.
Mes chers collègues, les choses sont loin d’être si simples et nos débats l’ont montré : les souffrances économiques et l’extrême pauvreté ne sont pas plus enviables que les persécutions politiques. Le champ est extrêmement varié et ne peut être traité de façon simpliste.
Il s’agit pour l’enceinte dans laquelle nous débattons de propos bien ambitieux, mais je vous laisse réfléchir à la question de l’éventuel tri que nous effectuons entre les exilés. Encore une fois, je vous le dis : je ne pense pas – je ne suis pas le seul – que l’exil est choisi par plaisir, il l’est par nécessité.
M. le président. L’amendement n° 479 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 566 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ai déjà exprimé la position de la commission hier et cet après-midi sur l’article 23 nouveau de ce projet de loi. Nous pensons qu’il clarifie une disposition qui existe déjà, tout en l’encadrant davantage. Nous souhaitons donc le conserver. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis.
L’article 23 consacre explicitement le droit pour tout étranger demandeur d’asile de solliciter parallèlement son admission au séjour pour un autre motif. Par conséquent, le demandeur disposera d’une information – ce qui n’est pas le cas actuellement – et d’un délai suffisant pour déposer son dossier. En revanche, au-delà de ce délai, il ne pourra plus, sauf circonstances nouvelles, déposer de nouvelles demandes.
Cet article constitue donc un réel progrès pour le demandeur, qui verra sa situation examinée de manière globale, dans un délai déterminé. Il permet de faciliter le travail de l’administration. Enfin, il contribue à améliorer la lutte contre des demandes dilatoires.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 566 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 294 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au début de l’article L. 311-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un étranger a présenté une demande d’asile qui relève de la compétence de la France, l’autorité administrative, après l’avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée, l’invite à indiquer s’il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l’affirmative, l’invite à déposer sa demande. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Avec cet amendement, nous abordons la possibilité pour un demandeur d’asile de solliciter l’octroi d’un titre de séjour, sans que cette demande ait obligatoirement lieu dans le même temps. Nous avons relevé – le Sénat l’a constaté hier – que la confusion entre titre de séjour et demande d’asile était néfaste. Pourtant, c’est un peu ce qui se passe aujourd’hui.
Il est très difficile pour une personne qui demande l’asile, qui l’espère réellement et qui pense pouvoir l’obtenir de savoir sur quel fondement elle peut appuyer sa demande de titre de séjour. En outre, comme l’a dit notre collègue Savoldelli, la notion de « circonstances nouvelles » reste assez floue, et donc un peu inquiétante. C’est pourquoi elle nous préoccupe.
J’en viens aux étrangers malades, sujet qui a été évoqué rapidement. On le sait – ce chiffre provient d’une association –, environ 70 % à 80 % des pathologies sont découvertes après, c’est-à-dire au moment de l’accès aux soins. En d’autres termes, la personne qui aurait potentiellement pu demander un titre de séjour au titre de la maladie ne pourrait plus le faire, puisqu’elle ne l’aurait pas fait en même temps que sa demande d’asile. Elle se trouverait paradoxalement dans une situation que l’on pourrait qualifier de « ni-ni » : ni régularisable ni expulsable. En effet, elle ne pourrait plus être éloignée du territoire en vertu de l’article L. 511-4.
Par conséquent, nous demandons tout simplement qu’une information explicite soit donnée à l’étranger, non seulement qu’il doit demander le titre à ce moment-là, mais aussi qu’il aura la possibilité de le faire ultérieurement, si nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable, parce que laisser la possibilité de faire une demande de séjour à n’importe quel moment ou à tout moment irait à l’encontre de ce que l’article 23 propose et qui constitue une avancée, comme nous avons eu l’occasion de le souligner.
Je précise que les problèmes de santé peuvent toujours faire l’objet d’une demande au titre des « circonstances nouvelles ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis d’accord : pouvoir est une avancée ; mais il est dommage qu’il faille devoir. L’étranger risque d’imaginer que c’est au titre de l’asile qu’il doit d’abord faire une demande. Qui plus est, est-il nécessaire de déposer plusieurs demandes qui suivront chacune leur cours, alors que nous savons que les services de l’État sont déjà très sollicités et que, souvent, il y a plusieurs files d’attente, quelle que soit la nature du titre, dans les préfectures et à l’OFPRA ?
Nous saluons le fait que ce soit possible, mais nous ne souhaitons pas que ce soit obligatoire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 294 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 73 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 311-6. – Lorsqu’un étranger présente une demande d’asile qui relève de la compétence de la France, l’autorité administrative, après l’avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée, l’invite à indiquer s’il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l’affirmative l’invite à déposer sa demande concomitamment à sa procédure d’asile. La sollicitation de la délivrance d’une carte de séjour peut se faire tout au long de la procédure d’asile et après le rejet définitif de sa demande s’il remplit l’ensemble des conditions prévues par le présent code.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. le président. L’amendement n° 368 rectifié bis, présenté par MM. Jomier et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
après le mot :
délai
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
fixé par décret en Conseil d’État qui ne peut être inférieur à deux mois.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 73 rectifié, pour les raisons que j’ai exposées précédemment. Elle a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 368 rectifié bis : la commission des lois a déjà fixé le délai réclamé à deux mois.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 368 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 23.
(L’article 23 est adopté.)
Article 24
(Non modifié)
La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigée :
« Section 2
« Documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs
« Art. L. 321-3. – Le titulaire du document de circulation pour étranger mineur prévu à l’article L. 321-4 peut être réadmis en France, en dispense de visa, sur présentation de ce titre accompagné d’un document de voyage en cours de validité.
« Le document de circulation pour étranger mineur délivré par le représentant de l’État à Mayotte ne permet la réadmission de son titulaire, en dispense de visa, qu’à Mayotte, sur présentation de ce titre accompagné d’un document de voyage en cours de validité. Le mineur ressortissant d’un pays tiers figurant sur la liste annexée au règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation qui réside à Mayotte et qui souhaite se rendre dans un autre département doit obtenir un visa. Ce visa est délivré dans les conditions prévues à l’article L. 832-2.
« Art. L. 321-4. – Un document de circulation pour étranger mineur est délivré de plein droit à l’étranger mineur résidant en France :
« 1° Dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident ou, à Mayotte, à l’étranger mineur né sur le territoire français dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident ;
« 2° Qui est l’enfant étranger d’un ressortissant français ou un descendant direct d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l’article L. 121-1 ou qui est l’enfant à charge d’un ressortissant d’un de ces mêmes États satisfaisant aux conditions énoncées au 3° du même article L. 121-1 ;
« 3° Qui est un descendant direct à charge du conjoint d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° dudit article L. 121-1 ;
« 4° Dont au moins l’un des parents a acquis la nationalité française ;
« 5° Qui relève, en dehors de la condition de majorité, des prévisions du 2° bis de l’article L. 313-11 ;
« 6° Qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié ou s’est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;
« 7° Qui est entré en France sous couvert d’un visa d’une durée supérieure à trois mois en qualité d’enfant de Français ou d’adopté ;
« 8° Qui est entré en France avant l’âge de treize ans sous couvert d’un visa d’une durée supérieure à trois mois délivré en qualité de visiteur et qui justifie avoir résidé habituellement en France depuis ;
« 9° Qui, né à l’étranger, est entré à Mayotte, hors regroupement familial, avant l’âge de treize ans sous couvert des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur et dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident.
« Le document de circulation pour étranger mineur est délivré dans des conditions fixées par décret.
« Art. L. 321-5. – I. – Le document de circulation pour étranger mineur a une durée de validité de cinq ans.
« Il est renouvelé dans les mêmes conditions.
« II. – Par dérogation au I, la durée de validité du document de circulation pour étranger mineur peut être inférieure à cinq ans lorsqu’au moins l’un des parents est titulaire d’un document de séjour délivré sur les fondements des articles L. 313-6, L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2, L. 313-8, du 2° de l’article L. 313-10, du 11° de l’article L. 313-11 ou des articles L. 313-24 ou L. 316-1.
« La durée de validité est égale à celle restant à courir du document de séjour du parent dont la date d’expiration est la plus lointaine, sans pouvoir être inférieure à un an.
« Art. L. 321-6. – Si l’étranger cesse de remplir l’une des conditions pour la délivrance d’un document de circulation pour étranger mineur, ce document peut lui être retiré. La décision de retrait ne peut intervenir qu’après que le représentant légal du mineur a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l’administration. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 32 est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Hassani.
L’amendement n° 295 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Abdallah Hassani, pour présenter l’amendement n° 32.
M. Abdallah Hassani. Cet amendement vise à supprimer la restriction de circulation concernant les mineurs étrangers admis au séjour à Mayotte.
Actuellement, le document de circulation pour étranger mineur, le DCEM, permet la réadmission du mineur sur l’ensemble du territoire français.
L’article 24 prévoit désormais que les DCEM délivrés par le préfet de Mayotte ne permettront une réadmission de leur titulaire que sur le territoire de Mayotte.
Ce régime dérogatoire viendra accentuer la pression sur un territoire qui ne parvient déjà plus à gérer le défi migratoire. En effet, les capacités d’absorption de celui-ci sont atteintes depuis longtemps. Cette situation crée un trouble manifeste à l’ordre public, engendrant la prolifération de bidonvilles, la saturation des services publics de la santé, de l’éducation nationale, des réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement ou encore la dégradation accélérée de l’environnement et du lagon. C’est l’ensemble des politiques publiques de rattrapage du territoire le plus pauvre de France qui est mis en échec par l’augmentation de la démographie induite par l’immigration.
Il est donc proposé que les titres de séjour délivrés par l’État à Mayotte permettent l’accès à l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 295 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, hier, vous avez témoigné de la situation à Mayotte auprès de notre assemblée. Or il semble que l’alinéa 5 de l’article 24 conduira une partie des étrangers qui seraient en situation régulière à Mayotte à ne plus pouvoir circuler sur l’ensemble du territoire français et à être confinés sur l’île. C’est tout de même incroyable, compte tenu de ce que vous nous avez expliqué.
Je ne comprends pas : tout le monde se déclare prêt à se mobiliser pour répondre à l’urgence que vous nous avez décrite et, dans le même temps, le projet de loi tend à aggraver la situation. Que l’on nous explique !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur le fond, nous comprenons parfaitement la volonté et les objectifs des auteurs des amendements. Nous connaissons aussi la situation mahoraise, qui est très particulière. Hier, nous avons d’ailleurs modifié les critères du droit du sol de façon spécifique.
Cependant, en la circonstance, la commission des lois a sollicité le retrait des deux amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis que la commission : retrait ou, à défaut, défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je ne retirerai évidemment pas l’amendement.
J’aurais tout de même souhaité quelques explications. Pourquoi aggrave-t-on la pression d’ores et déjà existante ? Comment un document qui permet de se déplacer à Mayotte ne permettrait-il pas de circuler dans l’ensemble de l’Hexagone ? Ne veut-on pas résoudre la situation ?
On est prêt à renoncer au droit du sol, alors que cela ne changera rien, et on va, par une mesure concrète, aggraver la situation… au profit de l’Hexagone, bien entendu !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 295 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer la première occurrence du mot :
parents
par les mots :
titulaires de l’autorité parentale
II. – Alinéa 10
Remplacer le mot :
parents
par les mots :
titulaires de l’autorité parentale
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, je pense que ce n’est plus la peine de défendre des amendements et de développer des arguments, compte tenu de la désinvolture complète qui nous est opposée et de l’absence de réponses de la part du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement vise à remplacer le terme de « parent » par l’expression « titulaire de l’autorité parentale ». La commission, préférant en rester à la rédaction d’origine, a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Voyons comment les sénateurs sont traités dans la Haute Assemblée quand ils soulèvent des problèmes !
Monsieur le rapporteur, cet amendement, que je veux exposer maintenant, fait suite à l’audition que nous avons menée en vidéoconférence avec les préfectures de Mayotte et de Guyane. Vous savez parfaitement que, d’après ce que nous avons pu entendre, on fait semblant que ces mineurs sont accompagnés, alors qu’ils ne le sont pas, pour pouvoir les éloigner. Voilà comment les choses se passent dans notre République aujourd’hui ! Il me semble indispensable de mettre un terme à cette pratique.
Nous souhaitons débattre d’un certain nombre de problèmes, mais nous n’obtenons pas de réponses à nos questions. Voilà comment notre parlement fonctionne aujourd’hui !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je m’abstiendrai sur cet amendement, comme je me suis abstenu précédemment sur les deux amendements identiques.
Notre collègue Leconte a raison. Je ne partage pas ses convictions, et il le sait, mais je pense qu’un sujet aussi important que le statut de Mayotte et la possibilité que cette île ne soit pas un territoire de droit commun associé à la République méritaient une petite réponse. Je n’attendais pas un discours ni une leçon d’agrégation, mais une prise de position qui nous aurait permis de comprendre ce que le Gouvernement souhaite engager en la matière.
Monsieur le ministre d’État, je comprends très bien que le débat soit long et fatigant. Moi aussi, j’ai l’impression qu’on n’en finira jamais. Cependant, sur ce sujet majeur, je vous aurais d’autant plus volontiers soutenu que vous nous auriez apporté de vraies réponses, en lieu et place d’un simple « défavorable ».
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 296 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 297 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
ou, à Mayotte, à l’étranger mineur né sur le territoire français dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident
Monsieur Leconte, cet amendement est défendu, je suppose ?
M. Jean-Yves Leconte. Soit !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement vise à supprimer une disposition dérogatoire prévue à Mayotte s’agissant de la délivrance de documents de circulation pour étranger mineur, ou DCEM.
La condition selon laquelle le mineur ne peut se voir délivrer un DCEM que s’il est né en France, lorsque l’un de ses parents est titulaire d’un titre de séjour, est justifiée par la situation particulière de Mayotte. C’est la raison pour laquelle l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis que le rapporteur.
L’article 24 prévoit que seuls les mineurs étrangers nés à Mayotte peuvent, lorsqu’ils y résident habituellement avec leurs parents, dont l’un au moins est en séjour régulier, prétendre à la délivrance de plein droit d’un DCEM, la condition relative à la naissance en France étant notamment de nature à garantir une meilleure authentification des actes d’état civil.
Les mineurs nés à l’étranger qui résident habituellement à Mayotte peuvent néanmoins se voir délivrer un DCEM. En ce cas, la seule condition tenant au séjour régulier de leurs parents ne peut suffire : ces mineurs doivent également justifier d’une entrée régulière sur le sol français et être entrés avant l’âge de treize ans.
La présentation d’un passeport revêtu d’un visa permet de lutter efficacement contre la fraude.
La condition de l’entrée en France avant l’âge de treize ans est, elle, cohérente avec les conditions d’admission au séjour à la majorité de l’intéressé, l’objectif étant de prévoir la délivrance de DCEM aux mineurs qui ont vocation à obtenir un titre de séjour à la majorité.
Aussi, à Mayotte, le mineur ne doit pas nécessairement être né en France pour pouvoir bénéficier de la délivrance d’un DCEM. S’il est né à l’étranger, il devra remplir des conditions supplémentaires, notamment celle de l’entrée en France sous couvert d’un visa. Cette mesure dérogatoire participe pleinement à la maîtrise des flux migratoires dans le contexte spécifique de Mayotte, où le détournement des dispositifs légaux peut conduire à l’instrumentalisation d’enfants à des fins migratoires et de fraude à l’état civil.
J’ai essayé de vous faire la réponse la plus complète possible.
M. Gérard Longuet. Merci, monsieur le ministre d’État !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. J’aurais aimé avoir autant d’explications sur les amendements précédents… Peut-être les aurai-je en deuxième lecture !
Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 297 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 581, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
de durée
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 24, modifié.
(L’article 24 est adopté.)
Article 25
I. – L’article L. 212-2 du code des relations entre le public et l’administration est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les visas délivrés aux étrangers. »
II (nouveau). – Au IX de l’article 73 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 3° ». – (Adopté.)
Article 26
I. – L’article L. 5223-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au début du 4°, les mots : « Au contrôle médical » sont remplacés par les mots : « À la visite médicale » ;
1° bis Le même 4° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette visite médicale permet un repérage des troubles psychiques ; »
1° ter Le 5° est complété par les mots : « depuis le territoire national ou depuis les pays de transit » ;
2° Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Office français de l’immigration et de l’intégration comprend un service médical. »
II (nouveau). – La limite d’âge mentionnée à l’article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public est portée, à titre transitoire et jusqu’au 31 décembre 2022, à soixante-treize ans pour les médecins engagés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration en qualité de contractuels et exerçant les missions définies aux 4° et 7° de l’article L. 5223-1 du code du travail.
Les médecins contractuels en fonction au 31 décembre 2022 et âgés de plus de soixante-sept ans à cette date peuvent poursuivre ou renouveler l’exécution de leur contrat jusqu’à l’âge de soixante-treize ans. – (Adopté.)
Article 26 bis A
L’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans révolus et qui souhaite s’y maintenir durablement s’engage dans un parcours personnalisé d’intégration républicaine. Ce parcours a pour objectifs la compréhension par l’étranger primo-arrivant des valeurs et principes de la République, l’apprentissage de la langue française, l’intégration sociale et professionnelle et l’accès à l’autonomie.
« Il comprend notamment : » ;
2° Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Un conseil en orientation professionnelle et un accompagnement destiné à favoriser son insertion professionnelle, en association avec les structures du service public de l’emploi. Cet accompagnement est subordonné à l’assiduité de l’étranger et au sérieux de sa participation aux formations prescrites au titre des 1° et 2° ; »
3° Le septième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La formation mentionnée au 2° du présent article comprend un nombre d’heures d’enseignement de la langue française suffisant pour permettre à l’étranger primo-arrivant d’occuper un emploi et de s’intégrer dans la société française. Elle donne lieu à une certification standardisée permettant d’évaluer le niveau de langue de l’étranger.
« Les éléments mentionnés aux 1° à 3° sont pris en charge par l’État. Ils peuvent être organisés en association avec les acteurs économiques, sociaux et citoyens, nationaux ou locaux. » ;
4° Le huitième alinéa est complété par les mots : « et dispositifs d’accompagnement et à respecter les principes et valeurs de la République ».
M. le président. L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 371 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, M. Iacovelli, Mme de la Gontrie, MM. Leconte, Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, M. Devinaz, Mmes Lepage et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
par l’éducation, la culture et le sport
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Lors du discours qu’il a prononcé l’été dernier à Orléans, le Président de la République a insisté sur le rôle essentiel que jouent la culture et l’éducation dans l’intégration des primo-arrivants. Naturellement, l’apprentissage de la langue et la connaissance des valeurs de la République, qui impliquent de faire un détour par l’histoire de France, sont fondamentaux. Néanmoins, l’intégration passe aussi par l’accès à la culture, l’éducation et le sport.
Si l’éducation renvoie en partie à l’acquisition de savoirs, la culture et le sport suscitent un éveil de nature différente. En effet, la pratique culturelle et sportive fait entrer en jeu le lien social : alors que l’apprentissage de la langue ou des principes républicains peut se révéler solitaire, les activités culturelles et sportives se déroulent bien souvent en groupe. Elles conduisent le primo-arrivant à avoir des rapports autres que ceux qu’il a pu connaître depuis son arrivée, des rapports qui, par exemple, ne sont pas marqués par les devoirs qu’il a envers l’administration – tout simplement, des rapports humains !
Les interactions et échanges qui naissent sous ce jour favorisent le partage et l’intégration des primo-arrivants. Dans nos territoires, nous connaissons tous des associations culturelles ou sportives qui œuvrent en ce sens. Nous savons leur importance pour l’intégration des primo-arrivants. N’oublions pas que, pour ces derniers, la pratique culturelle et sportive est parfois une échappatoire vitale à leur quotidien ou à l’expérience qui a précédé leur arrivée en France.
En ce qui concerne plus spécifiquement la culture, sans faire de grand discours sur le sujet, je crois qu’il faut au moins rappeler à quel point il s’avère indispensable de la partager, afin d’intégrer dignement et réellement tous les facteurs de compréhension de notre pays et de ses habitants. C’est un vecteur d’intégration important.
D’après Jean Vilar, « la culture, ce n’est pas ce qui reste quand on a tout oublié, mais au contraire, ce qui reste à connaître quand on ne vous a rien enseigné. » Nombreux sont les exilés à qui beaucoup de choses ont été enseignées ; là ne réside pas la question. En revanche, cette idée que la culture est tout autant une conquête de l’espoir à s’approprier résonne profondément avec la vie des exilés à leur arrivée chez nous. C’est pourquoi il est proposé d’étendre les finalités du parcours d’intégration républicaine en prévoyant qu’il donne accès à la culture, à l’éducation et au sport dès le début.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous comprenons bien évidemment l’idée de fond qui sous-tend cet amendement. En revanche, il est compliqué de faire figurer une liste dans la loi, car les listes ne sont jamais exhaustives, surtout sur de tels dossiers. Pourquoi ne pas ajouter l’autonomie par le travail ou encore la participation à la vie associative ? La commission sollicite donc le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis que la commission. Le but est louable, l’expression l’est moins.
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 371 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 371 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 372 rectifié bis, présenté par M. Iacovelli, Mmes S. Robert et de la Gontrie, MM. Leconte, Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, M. Devinaz, Mmes Lepage et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Le 3° est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’État met notamment à disposition de l’étranger une information sur les projets associatifs locaux culturels et sportifs. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’amendement est retiré.
M. le président. L’amendement n° 372 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 26 bis A.
(L’article 26 bis A est adopté.)
Article 26 bis B (nouveau)
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le 1° du I de l’article L. 313-17, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Il justifie d’un niveau de langue lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d’évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats ; »
2° Le premier alinéa de l’article L. 314-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d’État » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette connaissance lui permet au moins de comprendre des conversations suffisamment claires, de produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et d’exposer succinctement une idée. »
II. – Le premier alinéa de l’article 21-24 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’intéressé justifie d’un niveau de langue lui permettant au moins de comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, de communiquer avec spontanéité, de s’exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets. »
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2020.
M. le président. L’amendement n° 330 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement tend à supprimer une disposition qui fige dans la loi le niveau linguistique exigé pour les étrangers primo-arrivants. Sans que nous soyons absolument en désaccord avec celle-ci, il ne nous semble ni vraiment utile ni efficace d’inscrire dans la loi les attendus en matière d’acquisition de la langue française. Nous savons que la langue s’apprend quand on la parle.
Une telle disposition relève plutôt du pouvoir réglementaire. Au demeurant, ne pas tout figer dans la loi permet de conférer un peu plus de marge de manœuvre et de souplesse aux pouvoirs publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est défavorable à cet amendement.
Voulant progresser sur ce sujet, elle a souhaité élever le niveau d’apprentissage de la langue, pour permettre une bonne intégration. À cet égard, elle a estimé qu’un niveau A1 à l’issue du contrat d’intégration n’était pas suffisant.
De surcroît, nous avons prévu une évaluation de notre dispositif pour permettre un apprentissage de plus grande qualité. La commission ne souhaite pas revenir sur un apport qu’elle a inscrit dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Les niveaux de langue exigés pour l’obtention d’un titre de séjour long et l’acquisition de la nationalité, qui sont normalement déterminés au niveau réglementaire, ont été introduits à l’article 26 bis B du projet de loi et ont été relevés par rapport à ceux qui sont actuellement demandés. Or ces derniers ont déjà été rehaussés récemment – en 2016 pour la carte de séjour pluriannuelle et en 2018 pour la carte de résident. Il n’est pas opportun d’augmenter encore ces niveaux.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 330 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 26 bis B.
(L’article 26 bis B est adopté.)
Article 26 bis
Le premier alinéa de l’article L. 744-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° A (Supprimé)
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, le mineur non accompagné qui bénéficie des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail et qui dépose une demande d’asile est autorisé à poursuivre son contrat pendant la durée de traitement de la demande. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Dans ce cas, » sont supprimés ;
3° (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 480 rectifié, présenté par MM. Ravier et Masson, n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 298 rectifié bis, présenté par MM. Leconte et Iacovelli, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, M. Devinaz, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 744-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 744–11. – Les actions de formation professionnelle continue mentionnées à l’article L. 6313-1 du code du travail sont proposées au demandeur d’asile lors de l’introduction de sa demande.
« L’accès au marché du travail peut être autorisé au demandeur d’asile dès l’introduction de sa demande. Dans ce cas, le demandeur d’asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail.
« L’accès au marché du travail est autorisé au demandeur d’asile lorsque l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, et le cas échéant la Cour nationale du droit d’asile, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, n’a pas statué dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement est fondamental. Il vise à nous mettre en conformité avec la directive européenne dite « Accueil » en ce qui concerne le droit au travail des demandeurs d’asile.
Quel que soit le statut des demandeurs d’asile et quels que soient leurs droits, il est important de faire en sorte qu’ils puissent acquérir une autonomie le plus vite et le mieux possible. Mes chers collègues, il n’est pas raisonnable de considérer qu’un demandeur d’asile doive « faire le légume », si vous me permettez l’expression, le temps que l’administration travaille sur son dossier. S’il a des compétences, qu’il les mette à disposition de la société ! S’il est prêt à apprendre le français, qu’il l’apprenne ! Il importe que nous nous dotions de telles dispositions le plus vite possible.
En tout état de cause, la directive Accueil précise que, au bout de six mois, le demandeur d’asile qui n’a pas obtenu de réponse de l’OFPRA et de la CNDA doit bénéficier d’un droit effectif au travail. Cet amendement vise à faire respecter cette obligation.
Aujourd’hui, le demandeur d’asile peut, au bout de neuf mois, demander une autorisation de travail à la DIRECCTE. Or n’importe quel étranger qui veut venir travailler en France peut déposer une telle demande. Le droit effectif au travail, que la directive nous impose de respecter, n’est donc pas garanti.
Il est essentiel que nous avancions sur ce sujet. C’est aussi ce que souhaite M. Aurélien Taché dans le rapport qu’il a remis au Gouvernement simultanément au dépôt du présent projet de loi.
Il importe que toutes les personnes qui arrivent sur notre territoire puissent être autonomes le plus vite possible, en particulier lorsqu’elles demandent l’asile. De cette manière, même si un refus est opposé à leur demande, cela n’aura pas été du temps perdu.
En tout état, de cause, nous proposons de mettre en place, sur ce sujet, une transposition de la directive Accueil qui soit complète et conforme au droit européen. Aujourd’hui, nous ne sommes même pas en mesure d’établir la non-conformité, dans la mesure où les demandeurs d’asile, que l’on décourage à l’avance en leur disant que c’est trop difficile, ne demandent même pas d’autorisation d’emploi auprès de la DIRECCTE. Ils sont incités à ne disposer que de l’ADA, même s’ils ont des compétences qui pourraient être utiles à la société.
M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article L. 744-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur d’asile, n’a pas statué sur la demande d’asile dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande, le demandeur d’asile accède au marché du travail dans les conditions prévues à l’article L. 314-4.
« Selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, le mineur non accompagné qui bénéficie des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail et qui dépose une demande d’asile est autorisé à poursuivre son contrat pendant la durée de traitement de la demande. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. L’amendement a été très bien défendu par mon collègue. Il porte sur le délai de neuf mois pour accéder au marché du travail.
Le demandeur d’asile doit remplir de nombreuses conditions. Il doit avoir introduit sa demande d’asile auprès de l’OFPRA dans un délai de vingt et un jours et avoir accepté les conditions matérielles d’accueil proposées par l’OFII, lesquelles sont toujours plus restrictives, comme nous l’avons vu à l’article 9.
Ainsi, de nombreux réfugiés ou exilés se trouvent maintenus dans des conditions de dénuement qui nous semblent contraires à la dignité humaine et susceptibles de caractériser des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme.
Aussi, l’amendement que nous défendons vise à faciliter l’intégration des demandeurs d’asile en leur donnant la possibilité d’accéder à l’emploi six mois après l’introduction de leur demande.
Je pense que le Gouvernement pourrait suivre notre amendement, qui a été rédigé en lien étroit avec les recommandations du rapport d’Aurélien Taché, ce dernier souhaitant impulser une nouvelle politique des étrangers vivant en France.
Nous faisons souvent référence à l’Europe ; nous l’avons encore fait tout à l’heure. En l’occurrence, les demandeurs d’asile peuvent travailler trois mois après le dépôt de leur demande en Allemagne, en Suède, au Portugal ou en l’Italie. Nous ne sommes pas nécessairement obligés de nous aligner sur les standards les plus bas !
Pour terminer, je veux faire part de mon expérience. Durant plusieurs années, j’ai présidé une agence de développement dans mon département. Je me suis parfois retrouvé dans des situations paradoxales, défendant des « sans-papiers » – comme on les appelait alors – en activité et devant répondre à des patrons qui me demandaient comment contourner les lenteurs administratives et obtenir l’autorisation de les embaucher. Des démarches ont été menées avec le préfet de l’époque, dont beaucoup ont été concluantes.
Le présent amendement doit aussi nous inciter à examiner cette question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
Dans le droit positif, un demandeur d’asile peut travailler à compter d’un délai de neuf mois. L’amendement vise à faire passer ce délai à six mois.
À la limite, le délai n’a pas beaucoup d’intérêt, si je puis me permettre cette expression : il faut l’apprécier en fonction du délai d’appréciation de la demande d’asile elle-même.
Si nous sommes capables de traiter une demande d’asile en moins de neuf mois, le délai actuel de neuf mois convient parfaitement, puisque celui qui n’aura pas obtenu de réponse pourra alors éventuellement travailler.
Si le délai pour pouvoir travailler passe à six mois, il faut à tout prix que l’OFPRA et la CNDA soient capables de rendre une décision sur la demande d’asile dans un délai inférieur à cette durée, pour que les choses soient parfaitement cohérentes.
Très concrètement, que le délai soit de six ou de neuf mois, le risque est de donner une autorisation de travail à un demandeur d’asile dont la demande de statut de réfugié sera, au bout du compte, définitivement rejetée. Quelles seront les conséquences juridiques d’une telle situation ? En pratique, comment fera-t-on ? Va-t-on dire à celui qui se sera vu refuser le statut de réfugié qu’il n’a plus non plus le droit de travailler et qu’on doit le raccompagner à la frontière ? Je rappelle que, entre-temps, il aura été obligé de demander un autre titre dans un délai de deux mois et de faire un choix. Je n’entrerai pas dans le détail du système, qui est complexe.
C’est la raison pour laquelle, tant que nous n’avons pas la certitude que l’OFPRA et la CNDA sont en mesure de rendre une décision dans un délai inférieur à celui qui est fixé pour trouver un travail, nous émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Sur cette question, le Gouvernement soutiendra les amendements déposés par M. Capus et par M. Amiel, qui reprennent des propositions faites à l’Assemblée nationale. Je demande donc aux auteurs des deux amendements qui viennent d’être présentés de s’y rallier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, vous m’inquiétez énormément si vous estimez que le droit positif est respecté aujourd’hui. Quand je pense au nombre de fois où vous avez fait référence au droit positif depuis le début de ce débat…
De fait, le droit positif n’est absolument pas respecté. La directive évoque un droit « effectif » au travail, et pas simplement le droit de demander une autorisation à la DIRECCTE.
Je vous passe la lecture des trois pages du Cerfa qui établit la liste des documents à fournir pour déposer une demande à la DIRECCTE. Dix prises de parole n’y suffiraient pas…
Le droit au travail n’est absolument pas un droit effectif aujourd’hui. Doit-on, dans vos propos, monsieur le rapporteur, entendre le droit positif comme étant le non-droit ?
Sur le fond, il me semble qu’il n’y a pas d’outil plus puissant pour l’intégration que le travail. Il n’y a pas plus utile pour la société que les personnes qui arrivent dans notre pays avec des talents et qui peuvent les exprimer aussi vite que possible. Permettre aux demandeurs d’asile de travailler renforcerait notre société et sa capacité à intégrer les nouveaux arrivants.
Je reconnais qu’une difficulté peut apparaître si la demande est, au final, rejetée. Il me semble toutefois que, si la personne concernée a énormément de talent, on peut résoudre cette difficulté. Quoi qu’il en soit, une telle mesure permettrait de se dispenser d’un certain nombre de procédures dont nous avons malheureusement longuement parlé aujourd’hui.
Des raisons de coût plaident également en faveur de la disposition que je défends : si un demandeur d’asile est immédiatement capable de vivre par son travail, pourquoi le logerait-on ? Pourquoi lui donnerait-on une allocation spécifique ?
On m’a expliqué que l’Allemagne n’était pas un modèle à imiter. Pour ma part, je ne cherche pas de modèle, mais je considère qu’il y a, dans tous les pays, des mesures positives que l’on ferait bien de reprendre. Or il se trouve que, en Allemagne, par exemple, l’équivalent de l’OFPRA réalise un bilan de compétences des demandeurs d’asile. Il ne serait pas inutile que nous fassions de même !
Vraiment, monsieur le ministre d’État, si l’on ne veut pas que la demande d’asile soit un poids pour la société, comme vous l’avez à de nombreuses reprises appelé de vos vœux depuis deux jours, il faut permettre aux demandeurs d’asile d’exercer leurs talents.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Premièrement, je précise que, en Allemagne, en Suède, au Portugal et en Italie, un demandeur d’asile peut accéder au marché du travail soit dès le dépôt de sa demande, soit à partir de trois mois.
Deuxièmement, monsieur le rapporteur, j’ai arrêté les mathématiques après le baccalauréat, mais je me rappelle de ce qu’on appelle, dans cette matière, « raisonnement par l’absurde ». Que le délai soit de trois, six , neuf, douze ou vingt-quatre mois, votre raisonnement ne peut pas tenir !
Je m’interroge, après avoir écouté l’avis du ministre d’État, sur les raisons pour lesquelles l’amendement n° 88 de notre collègue Emmanuel Capus n’a pas été discuté en même temps que celui de notre collègue Leconte et le nôtre. Préférant le mieux-disant au moins-disant, nous nous rangerons à l’avis exprimé et voterons l’amendement n° 88. Il n’est pas tout à fait identique au nôtre, mais il faut aussi savoir privilégier un esprit de rassemblement pour aller vers le mieux-disant.
M. le président. Monsieur Savoldelli, retirez-vous l’amendement n° 74 ?
M. Pascal Savoldelli. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 74 est retiré.
Monsieur Leconte, retirez-vous l’amendement n° 298 rectifié bis ?
M. Jean-Yves Leconte. Non, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 298 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 88 est présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
L’amendement n° 382 rectifié est présenté par MM. Amiel, Yung et Lévrier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Rétablir le 1° A dans la rédaction suivante :
1° A À la première phrase, le mot : « neuf » est remplacé le mot : « six » ;
II. – Alinéa 5
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Toutefois, l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de deux mois à compter de la réception de la demande d’autorisation de travail pour s’assurer que l’embauche de l’étranger respecte les conditions de droit commun d’accès au marché du travail. À défaut de notification dans ce délai, l’autorisation est réputée acquise. Elle est applicable pour la durée du droit au maintien du séjour du demandeur d’asile. »
L’amendement n° 88 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié.
M. Martin Lévrier. Cet amendement vise à rétablir la version de l’Assemblée nationale.
L’article 26 bis permettait de réduire de neuf à six mois l’accès au marché du travail par le demandeur d’asile en cas de non-réponse de l’administration. Il paraît très important de permettre à un étranger ayant fait des démarches en ce sens et n’ayant pas obtenu de réponse de l’administration dans un délai raisonnable d’accéder au marché du travail après six mois et non neuf. Nous le savons tous, le travail est un outil majeur pour favoriser l’intégration.
M. le président. L’amendement n° 136 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et MM. Henno et Kern, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 299 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1°A dans la rédaction suivante :
1°A À la première phrase, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « six » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, qui ont le même objet. Nous nous en sommes déjà expliqués, et la commission des lois a pu exposer sa façon de concevoir les choses et se prononcer sur la stratégie et les choix à tenir.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je demande le retrait de l’amendement n° 299 rectifié bis au profit de l’amendement n° 382 rectifié, que je soutiens.
Monsieur le rapporteur, nous faisons, c’est vrai, le pari que l’OFPRA puisse donner sa réponse en six mois. C’est tout l’objet du projet de loi que nous présentons, et nous allons essayer de gagner ce pari.
M. Jean-Yves Leconte. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 299 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 382 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 300 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
le mineur non accompagné
par les mots :
l’étranger
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Si cet amendement était rejeté, un mineur en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation qui dépose une demande d’asile pourrait poursuivre son contrat le temps de l’examen de sa demande, ce qui ne serait pas autorisé pour un majeur pourtant dans la même situation. L’objet de cet amendement est donc d’étendre une telle possibilité aux majeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 300 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 300 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 26 bis.
(L’article 26 bis est adopté.)
Article 26 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 331 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 511 est présenté par MM. Bargeton, Amiel, Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 543 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette autorisation est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, sous réserve de la présentation d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 331 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 26 ter, supprimé par la commission des lois, concernant la délivrance de plein droit d’une autorisation de travail au mineur isolé étranger qui a été confié à l’ASE.
La suppression de l’article proposée par le rapporteur, au motif que cette disposition est déjà satisfaite par les textes en vigueur, ne nous paraît pas apporter les garanties suffisantes, dans la mesure où la circulaire du 25 janvier 2016, qui fixe les modalités de délivrance de l’autorisation provisoire de travail, distingue, en réalité, en s’appuyant sur les dispositions de l’article R. 5221-22 du code du travail, les mineurs isolés étrangers selon qu’ils ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant ou après l’âge de seize ans.
Par cet amendement, nous souhaitons au minimum que le Gouvernement nous apporte une clarification sur le droit en vigueur, notamment sur la portée de la circulaire de janvier 2016.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 511.
M. Martin Lévrier. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 543 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement a toute son importance, puisqu’il a pour but de rétablir la seule mesure du texte qui était consacrée aux mineurs non accompagnés en contrat d’apprentissage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission estime que ces trois amendements identiques sont en réalité satisfaits. Ils tendent à rétablir l’article 26 ter, supprimé en commission, qui réaffirmait le principe selon lequel l’autorisation de travail est accordée de droit aux mineurs non accompagnés s’agissant d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Or cette disposition est déjà prévue par le droit positif. L’article L. 5221-5 du code du travail précise, à son deuxième alinéa : « L’autorisation de travail est accordée de droit à l’étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. » Ainsi, les mineurs isolés étrangers ne sont nullement exclus de cette disposition.
C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé le Conseil d’État dans une décision rendue par voie d’ordonnance le 15 février 2017. Il rappelle très clairement que les mineurs isolés étrangers confiés au service de l’ASE entre l’âge de seize et dix-huit ans « doivent être regardés comme autorisés à séjourner en France […] lorsqu’ils sollicitent, pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée, une autorisation de travail. Par suite, cette autorisation de travail doit leur être délivrée de plein droit. » Le Conseil d’État ajoute que ne peuvent y faire obstacle ni les conditions d’opposabilité de la situation de l’emploi, définies par l’article R. 5221-22 du code du travail, ni l’examen de la demande au regard des conditions posées par l’article L. 313-5 du CESEDA relatif à la délivrance d’un titre de séjour à un mineur étranger devenu majeur.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a considéré que ces trois amendements étaient déjà satisfaits par le droit en vigueur. Elle en demande donc le retrait. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Sur le plan strictement juridique, il me semble que M. le rapporteur a raison, puisque les trois amendements ne visent à inscrire dans la loi que la transcription d’une interprétation jurisprudentielle, au demeurant déjà appliquée par les préfets. Pour autant, ces amendements ont le mérite de la clarté. Sagesse.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. En ces circonstances, il faut bien regarder ce qui se passe sur le terrain. Pour les jeunes âgés de plus de seize ans qui arrivent sur le territoire, le regard posé sur eux est différent. La circulaire Valls leur impose de justifier suivre depuis au moins six mois une formation initiale pour pourvoir poursuivre leur cursus établi avec l’aide des services de l’ASE.
J’ai publié sur ce sujet un rapport d’information avec l’un de nos anciens collègues, Jean-Pierre Godefroy. Nous avions tous deux pu remarquer combien les départements recevaient de la part des préfectures, des DIRECCTE et des juridictions des réponses différentes, dues à des interprétations divergentes.
Nombreux sont évidemment les mineurs non accompagnés de plus de seize ans à n’avoir pas eu le temps de suivre une formation initiale de six mois. Souvent, d’ailleurs, ils sont inscrits à des cours de français organisés dans le cadre de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, lesquels ne sont pas considérés comme de la formation initiale.
Je veux donc mettre en avant ce problème, pour alerter sur la réalité vécue sur le terrain. Si ces amendements ne connaissent pas une issue favorable, je vous demande, monsieur le ministre d’État, de vraiment vous intéresser à ce qui se passe sur le terrain, afin de garantir une égalité de traitement pour l’ensemble des mineurs non accompagnés présents sur le territoire.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Malgré la démonstration juridique solide faite par le rapporteur, je me rangerai à l’avis du ministre. Certes, au terme d’un raisonnement juridique impeccable, le Conseil d’État arrive à conclure que l’interprétation du texte en vigueur aboutit à reconnaître une autorisation d’office de ces contrats d’apprentissage. Mais je crois vraiment que la rédaction que nous proposons au travers de ces amendements identiques rend le texte beaucoup plus lisible et permet justement de répondre à l’observation faite par Mme Doineau, à savoir qu’aujourd’hui les services compétents sont dans l’hésitation.
Il n’y a pas de débordements à craindre au regard des droits accordés à ces jeunes. Nous entendons simplement que soient appliqués les principes en vigueur, et il vaut mieux que le code du travail les précise explicitement.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je rejoins Mme Doineau, parce que j’ai vécu ce problème sur le terrain voilà moins d’un an encore, lorsque je m’occupais d’un CFA. Ces jeunes font face à de grandes difficultés. Il faut donc faire très attention à leur situation, et la clarification proposée est vraiment nécessaire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 331 rectifié bis, 511 et 543 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. En conséquence, l’article 26 ter demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 26 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Bonnecarrère, Louault, Henno, Kern et Janssens, Mmes Gatel, Guidez, Vullien et Loisier, MM. Moga et Poadja, Mme Vermeillet, MM. Luche et Vanlerenberghe, Mme Létard, MM. Delcros et Détraigne et Mme C. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 26 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« . .. À l’étranger qui a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de l’enseignement et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Le cas est moins fréquent, mais il arrive que certains mineurs non accompagnés veuillent suivre un cursus universitaire. Cet amendement vise donc à faciliter l’attribution de la carte de séjour temporaire mention « étudiant » aux mineurs non accompagnés, dont la sensibilité les porte vers la poursuite d’études universitaires et à qui n’est attribué le titre temporaire de séjour qu’à la condition du suivi d’une formation professionnelle.
M. le président. L’amendement n° 343 rectifié ter, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 26 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« .. Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation scolaire, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigé. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Que de regrets, une nouvelle fois, mes chers collègues ! Dès lors qu’une mission d’information sénatoriale transpartisane reconnaît, dans le cadre de ses conclusions, qu’il existe un certain nombre de difficultés et que nous entendons des témoignages sur la manière dont les choses se passent sur le terrain, et ce malgré le fait que les principes en vigueur devraient être respectés par la jurisprudence, il eût été bien mieux d’inscrire ces principes dans la loi.
Cela vaut aussi pour ces amendements. En l’état actuel du droit, aucune carte de séjour n’est délivrée de plein droit aux jeunes confiés à l’ASE entre l’âge de seize et dix-huit ans, y compris s’ils sont scolarisés ; seuls les étrangers confiés avant l’âge de seize ans peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de plein droit d’une carte de séjour temporaire pourtant la mention « vie privée et familiale ». Nous rejoignons donc les préoccupations exprimées par Mme Doineau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de ces amendements. À défaut, elle y sera défavorable.
Ces amendements tendent à ajouter un cas de délivrance de la carte de séjour mention « étudiant » aux mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans et qui poursuivent des études supérieures à leur majorité.
Aujourd’hui, la situation de chacun de ces mineurs est régie par les dispositions de l’article L. 313-11 du CESEDA, qui prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » lui est délivrée de plein droit, sous réserve que soient respectés trois critères : le caractère réel et sérieux du suivi de la formation ; la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine ; et l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française.
La circulaire Valls laisse déjà une certaine souplesse en la matière, en permettant la délivrance de cartes de séjour « étudiant » dans des cas très spécifiques. Les amendements sont donc partiellement satisfaits. En outre, leurs auteurs souhaitent supprimer le critère de la nature du lien du mineur avec la famille restée dans le pays d’origine. Or l’analyse des liens familiaux est essentielle pour statuer sur le cas d’un mineur isolé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. L’amendement n° 101 rectifié nous semble également satisfait, dans la mesure où les mineurs non accompagnés placés à l’ASE avant l’âge de seize ans bénéficient de plein droit d’une carte de séjour « vie privée et familiale », qui leur permet de suivre des études ou de travailler. Il n’est pas plus intéressant pour eux d’obtenir la carte « étudiant ». Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.
Sur l’amendement n° 343 rectifié ter, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Madame Doineau, l’amendement n° 101 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Doineau. Si j’interviens sur ce sujet, c’est qu’il y a réellement urgence à constater, sur le terrain, la non-harmonisation des interprétations qui sont données des textes, et ce dans tous les domaines.
Je sais, monsieur le ministre d’État, qu’une mission bipartite, lancée par le Gouvernement, réunissant les inspections générales et l’Assemblée des départements de France, a rendu son travail. Il est désormais impératif que tout ce que cette mission a pu relever comme difficultés sur le terrain, s’agissant notamment des erreurs d’interprétation, soit corrigé. Il conviendrait de mettre en place un comité interministériel en vue de remettre l’ensemble de ces dispositions à niveau. On ne peut pas laisser les préfectures réagir, sur des situations analogues, dans un sens ou dans le sens contraire.
Je retire mon amendement, mais, en l’occurrence, j’attends du Gouvernement qu’il prenne vraiment conscience de la nécessité de ne pas laisser les choses en l’état et d’agir.
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié est retiré.
Monsieur Leconte, l’amendement n° 343 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
On nous a expliqué que ce n’était pas la peine de maintenir ces amendements, parce que leur objet était déjà satisfait et pris en compte dans une circulaire. Je pense que le rapporteur est suffisamment fin pour savoir qu’une mention figurant dans une circulaire peut donner lieu à des interprétations variées selon les endroits. Inscrire un tel principe dans la loi aurait son utilité pour harmoniser et imposer une même norme sur l’ensemble du territoire national, car cela s’avère indispensable dans un certain nombre de cas.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 343 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Bonnecarrère, Louault et Henno, Mme Vérien, MM. Kern et Janssens, Mmes Gatel, Guidez, Vullien, Loisier et Férat, MM. Moga et Poadja, Mme Vermeillet, MM. Luche et Vanlerenberghe, Mme Billon, MM. Capo-Canellas et Delahaye, Mme Létard, M. Détraigne et Mme C. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 26 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Cette évaluation peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés mentionnés aux articles L. 611-6 et L. 611-6-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle est menée simultanément à la vérification de l’authenticité des documents d’identité détenus par la personne, diligentée par le préfet de département sur demande du président du conseil départemental. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. L’évaluation de la situation d’un mineur non accompagné est vraiment le moment clé pour établir les conditions de sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. Effectivement, le rapporteur l’a rappelé, nous nous référons à des critères qui ont été notamment revus dans le cadre de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.
En la matière, il y a également des difficultés, chaque département n’ayant pas les mêmes moyens pour faire les investigations nécessaires. Cet amendement a pour objet de rendre l’évaluation de minorité des jeunes migrants non accompagnés plus efficace pour les services chargés de l’effectuer et, surtout, de réduire le temps de l’évaluation. Il tend à autoriser les conseils départementaux à recourir au fichier VISABIO, ainsi qu’au fichier prévu par l’amendement proposé par notre rapporteur, et ce afin de rendre plus rapide la recherche de renseignements sur les jeunes en cours d’évaluation. Par ailleurs, il vise à inscrire dans la loi le caractère simultané de l’évaluation sociale et de la vérification documentaire, qui est une réalité sur le terrain. Cela permettrait ainsi de rompre avec le nomadisme : ces jeunes font d’abord l’objet d’une évaluation dans un département, mais on les retrouve ensuite dans un autre. Cela limiterait aussi la multiplication des évaluations pour un même mineur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur le fruit de ses expériences de terrain, la commission émet un avis favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement redoute que des dispositions du même type ne se multiplient. Lundi prochain, nous examinerons ainsi l’amendement n° 395 rectifié portant article additionnel après l’article 26 quater et relatif aux conditions d’établissement du fichier informatisé prévu en ce domaine. Plutôt que d’inscrire ces dispositions un peu partout dans des codes différents, ce qui serait source de complications, mieux vaudrait les unifier dans le cadre du CESEDA, conformément à la volonté déjà exprimée. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 26 ter.
L’amendement n° 100 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Bonnecarrère, Louault et Henno, Mme Vérien, MM. Kern et Janssens, Mmes Gatel, Guidez, Vullien, Loisier et Férat, MM. Moga et Poadja, Mme Vermeillet, MM. Luche et Vanlerenberghe, Mme Billon, MM. Capo-Canellas et Delahaye, Mme Létard, MM. Delcros et Détraigne et Mme C. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 26 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article 375-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le mineur se trouvant dans cette situation se voit attribuer un tuteur sans délai. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 390 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle s’ouvre également à l’égard du mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, dans les conditions mentionnées au troisième alinéa de l’article 375-5. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. En préambule, je souhaite préciser que cet amendement doit être apprécié comme étant une invitation à une plus grande collaboration entre le juge des enfants et le juge des tutelles. Je n’ai aucunement la prétention d’interférer sur les attributions des uns et des autres, mais je tenais à signaler cette difficulté particulière que nous avions également repérée.
Lorsque l’évaluation de la minorité donne un résultat positif et que l’isolement du mineur est constaté, la tutelle doit être assurée par le conseil départemental. Mais plusieurs difficultés liées au problème de la dualité entre le juge des enfants et le juge des tutelles font obstacle à cette évidence. Ainsi, alors que la minorité et l’isolement sont évalués par le conseil départemental et, éventuellement, d’ailleurs, par le juge des enfants, le transfert de la tutelle, qui devrait directement en découler, ne peut être décidé que par le juge des tutelles. Un jeune peut alors se retrouver sans tutelle pendant plusieurs mois.
C’est pourquoi cet amendement vise à prévoir l’attribution d’une tutelle sans délai aux mineurs non accompagnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je ferai la même remarque qu’à l’instant. L’objet visé par cet amendement est sans lien avec le présent projet de loi. Il y est proposé des dispositions qui modifient le code civil et s’appliquent aussi bien aux étrangers qu’aux Français.
Une discussion sur les MNA est en cours entre le Premier ministre et les départements. Je préférerais que ces propositions soient étudiées dans un cadre global.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre d’État, vous évoquez une discussion en cours entre les départements et le Gouvernement sur les MNA. Le vrai problème, vous le savez bien, c’est que le dossier n’avance pas.
M. Jérôme Bascher. L’Assemblée des départements de France voit ici et là apparaître des sommes considérables pour les MNA. Rien que dans mon département, les montants alloués ont doublé en seulement deux ans et demi, passant de 10 millions à 20 millions d’euros.
M. Jérôme Bascher. Tout cela, sans que le Gouvernement ait réellement avancé.
Monsieur le ministre d’État, un tel débat, qui existe depuis plus de deux ans, ne peut être continuellement repoussé.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 26 ter.
Mes chers collègues, nous avons examiné 174 amendements au cours de la journée ; il en reste 122.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 25 juin 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018) ;
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 552, 2017-2018) ;
Avis de M. Jacques Grosperrin, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 527, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 553, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD