Sommaire
Présidence de Mme Françoise Cartron
Secrétaires :
MM. Philippe Adnot, François Fortassin.
2. Désignation d’un sénateur en mission temporaire
3. Dépôt d’un avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie
4. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux propositions de loi
5. Communications du Conseil constitutionnel
6. Liberté de la création, architecture et patrimoine. – Discussion d’un projet de loi en deuxième lecture dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture
Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 24 de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Adoption de l’article.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
Amendement n° 137 de Mme Marie-Christine Blandin. – Retrait.
Amendement n° 75 de M. Patrick Abate. – Rejet.
Amendement n° 76 de M. Patrick Abate. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 188 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 136 de Mme Marie-Christine Blandin. – Adoption.
Amendement n° 78 de M. Patrick Abate. – Rejet.
Amendement n° 77 de M. Patrick Abate. – Rejet.
Amendement n° 26 de M. David Assouline. – Rectification.
Amendement n° 26 rectifié de M. David Assouline. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 27 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 79 de M. Patrick Abate. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 28 rectifié de M. David Assouline. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Amendement n° 29 rectifié de M. David Assouline. – Rejet par scrutin public.
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
Amendement n° 210 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 80 de M. Patrick Abate. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 191 du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 82 rectifié de M. Patrick Abate. – Rejet.
Amendement n° 31 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 32 de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 83 de M. Patrick Abate. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 34 de M. David Assouline. – Rectification.
Suspension et reprise de la séance
Demande de réserve des articles 7 ter et 7 quater AA. – La réserve est ordonnée.
Amendement n° 36 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 37 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 38 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 39 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 192 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 10 quinquies (suppression maintenue)
Article 10 sexies (suppression maintenue)
Amendement n° 40 de M. David Assouline. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
7. Communication d’un avis sur un projet de nomination
8. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
9. Dépôt d’un avis de l’assemblée de la Polynésie française
10. Liberté de la création, architecture et patrimoine. – Suite de la discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 7 ter (suite) (précédemment réservé)
Article 7 quater AA (précédemment réservé)
Amendement n° 35 de M. David Assouline. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles 10 septies et 10 octies (suppression maintenue)
Article 10 decies (suppression maintenue)
Amendement n° 86 de M. Patrick Abate. – Retrait.
Amendement n° 232 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 41 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 42 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 13 bis A (suppression maintenue)
L’article demeure supprimé.
Articles 13 bis, 13 ter, 14 D et 14 E – Adoption.
Adoption de l’article.
Article 17 AA (suppression maintenue)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Amendement n° 189 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 43 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 44 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 90 de M. Patrick Abate. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 177 rectifié bis de M. Jean-Claude Luche. – Adoption.
Amendement n° 138 de Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.
Amendement n° 45 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 92 de M. Patrick Abate. – Retrait.
Amendement n° 91 de M. Patrick Abate. – Retrait.
Amendement n° 237 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 47 de M. David Assouline. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 93 de M. Patrick Abate. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 18 bis AA (suppression maintenue)
Articles 18 bis, 18 sexies et 19 ter – Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 19 mai 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Désignation d’un sénateur en mission temporaire
Mme la présidente. Par courrier en date du 19 mai 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. David Assouline, sénateur de Paris, en mission temporaire auprès de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et de M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports. (Applaudissements.)
Cette mission portera sur les préconisations susceptibles d’améliorer l’accès du public à la diffusion d’événements sportifs d’importance majeure et le renforcement médiatique de disciplines sportives ou de pratiques émergentes.
Acte est donné de cette communication.
3
Dépôt d’un avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, par lettre en date du 20 mai 2016, un avis sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015.
Acte est donné de cette communication.
4
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux propositions de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 18 mai 2016 ; pour l’examen de la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 23 mai 2016.
5
Communications du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 mai 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 228 du livre des procédures fiscales (Poursuites pour fraudes fiscales « verrou de Bercy ») (2016-555 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 mai 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 1729 et 1741 du code général des impôts (Sanctions pénales et fiscales pour fraude fiscale) (2016-556 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
6
Liberté de la création, architecture et patrimoine
Discussion d’un projet de loi en deuxième lecture dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n° 495, texte de la commission n° 589, rapport n° 588).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Je rappelle les grands enjeux de ce texte : affirmer la liberté de création et, de façon corollaire, la liberté de diffusion et de programmation ; promouvoir la transparence et la concertation dans les filières culturelles ; favoriser la qualité architecturale et encourager l’amélioration de notre cadre de vie ; clarifier les dispositifs et affirmer la responsabilité scientifique de l’État dans le domaine du patrimoine.
Cependant, l’ambition de cette loi dans les domaines de la création, de l’architecture et du patrimoine est bien plus vaste. Il s’agit de réaffirmer la nécessité d’une politique publique partagée entre l’État et les collectivités, d’accompagner le développement de l’accès à la culture et le renforcement de la formation artistique en direction de la jeunesse, de consolider le soutien aux professions de la culture et la protection des artistes.
Nous avons engagé ensemble ce travail législatif au mois de février dernier, travail au terme duquel le Sénat a déjà largement amendé et renforcé le texte.
C’est ainsi que trente-sept nouveaux articles sont venus enrichir le projet de loi initial, avec pas moins de 850 amendements déposés, entre les travaux en commission et les travaux en séance publique.
L’apport du Sénat est incontestable. Il a permis de nourrir le texte sur plusieurs sujets relatifs notamment à la musique, au livre, à la propriété intellectuelle, au soutien à la création, à la réforme des espaces protégés au titre du patrimoine.
Parallèlement, vous aviez adopté sans modification près de trente articles, dont l’article 1er, relatif à la liberté de la création artistique, qui est la pierre angulaire du texte.
L’Assemblée nationale a, elle aussi, su travailler à un rapprochement en rejoignant les positions exprimées par la Haute Assemblée sur pas moins de vingt-quatre articles, relatifs notamment au livre, au cinéma, à la musique, à la propriété intellectuelle, à l’emploi et à la formation des professionnels de l’art et de la culture, au patrimoine et à l’architecture.
Bien sûr, il reste encore du chemin à parcourir avant que ne se dégage un consensus sur chacun des sujets. Je n’ignore pas que les points de vue des deux assemblées doivent se rapprocher encore davantage, notamment pour conforter la place de la création et l’indépendance des artistes et auteurs. Je n’ignore pas non plus que des équilibres doivent être trouvés s’agissant de l’archéologie préventive ou du patrimoine par ailleurs. C’est pourquoi je présenterai un certain nombre d’amendements qui, je l’espère, participeront à faire naître ce consensus entre les deux assemblées.
À l’article 2, votre commission a souhaité rétablir une partie de la rédaction adoptée en première lecture en supprimant la qualification de « service public », au bénéfice d’une « construction en concertation » avec les acteurs de la création artistique.
Pour ma part, je n’exclus pas l’un de l’autre. Je suis bien sûr attachée à la diversité des acteurs du secteur associatif ou du secteur privé. Pour autant, l’affirmation du caractère de service public de la politique menée par l’État en faveur de la création artistique me semble essentielle pour guider l’action des pouvoirs publics, les artistes, les professionnels et les citoyens. C’est un choix qui renforcera le modèle français, reconnu dans le monde entier. C’est l’honneur de la France que de porter haut cette conception.
De la même manière, à l’article 3, relatif à la labellisation des lieux de spectacles, votre commission a souhaité limiter l’agrément du ministère de la culture aux salles majoritairement financées par l’État. Je pense que le maintien de l’agrément ne doit pas être vu au travers du seul prisme financier : il témoigne de la reconnaissance, par l’État, d’un projet artistique et culturel défendu par son directeur ou sa directrice.
Par ailleurs, votre commission a souhaité supprimer la référence au renouvellement des générations et à la diversité, deux principes qu’il est à mon avis essentiel de maintenir dans le texte. Ils sont en effet nécessaires pour que la création soit réellement le reflet de la diversité de notre société. Sur ce sujet, nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir collectivement.
J’en viens au volet du projet de loi portant sur la propriété intellectuelle, en particulier dans le domaine de la musique enregistrée. En matière de rémunération des artistes-interprètes, le Gouvernement est attaché à la dynamique engagée en vue d’une garantie de rémunération minimale négociée en contrepartie de l’exploitation numérique des enregistrements. Cette garantie de rémunération est subordonnée à une négociation collective, qui a déjà commencé ses travaux. À défaut d’un accord dans un délai de douze mois après la promulgation de la présente loi, le texte prévoit que cette rémunération sera fixée par une commission administrative paritaire.
Dans la même logique, pour le secteur de la musique, le Gouvernement souhaite maintenir l’interdiction des cessions de créances de l’artiste-interprète à un producteur incluant les sommes issues de la rémunération équitable et de la rémunération pour copie privée, et ce dans l’intérêt même de nos artistes.
Sur l’article 7 bis AA relatif aux enregistreurs personnels dans le « nuage », il s’agit d’assurer le développement de ce service innovant qu’est l’enregistrement dans le nuage dans des conditions qui garantissent un haut niveau de protection des programmes et une coexistence harmonieuse des différents types de services. Il ne faut pas entraver le développement de ces services lorsqu’ils sont substituables aux modalités actuelles de copies effectuées par les consommateurs sur le disque dur de leur appareil.
En revanche, il nous faut prendre des précautions et avancer de façon mesurée compte tenu des capacités de stockage digitales dans le nuage et de leur impact éventuel sur la consommation à la demande, qui pourrait se faire au détriment des services des éditeurs de télévision. C’est pourquoi des garanties sur les modalités d’assujettissement des services d’enregistrement dans le nuage à la copie privée doivent être précisées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission a exprimé cette préoccupation. Nous discuterons les modalités de détermination des garanties à apporter aux éditeurs et distributeurs de télévision, sur lesquelles je formulerai une proposition.
L’article 11 ter a trait aux quotas de chansons francophones à la radio. Comme je m’y étais engagée, une concertation a été menée pour concilier l’objectif de quotas effectifs et réellement appliqués, alors qu’ils étaient jusqu’à présent parfois détournés, avec la diversité éditoriale des radios. Le résultat de ce travail me permet de vous présenter un amendement dont l’adoption répondra, je l’espère, aux interrogations exprimées par la filière, notamment par les artistes. Je proposerai de mieux définir les cas où des engagements au titre de la diversité peuvent justifier des modulations limitées aux quotas, qui seront désormais pleinement effectifs. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion de cet article.
Je souhaite évoquer un sujet qui, je le sais, tient à cœur à la présidente de la commission de la culture, celui des conservatoires. Je n’ignore pas que la commission n’a pas été convaincue par la rédaction de l’Assemblée nationale, alors même que celle-ci a recherché un consensus et que l’État a envoyé un signal fort de réengagement financier en faveur de l’enseignement artistique dans les conservatoires.
Aujourd’hui, nous devons porter une attention particulière à la diversité du recrutement, aussi bien pour l’enseignement spécialisé que pour l’enseignement professionnel initial artistique.
Un des axes du réengagement de l’État dans le financement des conservatoires fait justement de la diversité du recrutement une priorité. Dans la logique des lois de décentralisation, qui ont confié aux régions la compétence en matière de formation professionnelle, un engagement plus volontaire de celles-ci dans l’organisation et le financement des classes préparatoires qui donnent accès à l’enseignement artistique supérieur me semblerait un signal positif en même temps qu’un équilibre acceptable.
Sur le volet relatif au patrimoine et à la promotion de l’architecture, le bilan des deux lectures reste plus contrasté, même si je me réjouis des rapprochements opérés entre vos deux assemblées sur la réforme des espaces protégés et sur les conditions d’élaboration des « plans de sauvegarde et de mise en valeur » et des « plans de valorisation de l’architecture et du patrimoine ». De la même manière, les dispositions relatives à l’architecture correspondent, dans leur globalité, à des positions médianes.
Restent néanmoins des divergences sur la place de l’architecte dans le permis d’aménager. Il n’est pas ici question d’exclure la compétence des autres professionnels qui concourent à l’aménagement du cadre de vie ; il s’agit de veiller à ce que les architectes puissent œuvrer à l’aménagement de l’espace, tant celui-ci est lié à la qualité architecturale, et ce avec l’apport nécessaire des compétences d’autres professionnels de l’urbanisme et du paysage.
Dans le domaine du patrimoine, en première lecture, nous avons réfléchi ensemble à une appellation plus pertinente que celle de « cités historiques » qui était alors proposée. Au terme des débats à l’Assemblée nationale, l’appellation de « sites patrimoniaux remarquables » a fait consensus. Votre commission l’a conservée et je m’en réjouis. Je pense que nous avons trouvé la bonne expression.
Bien sûr, ces rapprochements ne me font pas oublier qu’il reste du chemin à faire, notamment en matière d’archéologie préventive, sur les missions de la Commission nationale et des commissions régionales du patrimoine et de l’architecture, et sur la commission locale du site patrimonial remarquable, que votre commission souhaite rendre obligatoire, alors que l’Assemblée nationale et le Gouvernement préfèrent qu’elle soit facultative, ce qui paraît plus souple.
Dans le même temps, nous avons vu se dénouer des solutions sur un certain nombre de sujets, ce dont nous pouvons collectivement nous satisfaire tant nous avons, chacun à notre place, œuvrer à les faire aboutir.
Je pense à la question des accords sur les obligations des chaînes de télévision en matière d’investissements dans la production d’œuvres audiovisuelles. Une adaptation est nécessaire.
La volonté de votre rapporteur, M. Leleux, de voir modifié l’équilibre entre production audiovisuelle indépendante et production intégrée s’est exprimée fortement lors des débats. Comme je l’ai alors souligné, je reste convaincue que le soutien à la production audiovisuelle indépendante, par l’investissement des chaînes de télévision, est une garantie fondamentale du dynamisme et de la créativité de notre production audiovisuelle. Cela n’exclut pas des modifications pour accompagner les évolutions du marché, des usages et des stratégies des acteurs économiques du secteur.
Dès lors que l’État fixe ces principes, souvent par la loi, les acteurs me semblent en revanche les mieux placés pour déterminer les nouveaux équilibres par la voie d’accords négociés sur des points parfois très techniques. Ils en sont capables et l’ont démontré ce matin même en signant au ministère de la culture et de la communication, en présence de nombreux sénateurs, un accord, qui me semble historique, entre le groupe TF1 et l’ensemble des représentants des producteurs indépendants.
Huit ans après le précédent accord, cet accord marque une nouvelle étape dans les relations entre les parties, confirmant l’engagement dans la production d’œuvres audiovisuelles françaises et européennes du groupe TF1, tout en donnant un cadre plus souple à ses investissements. Il préserve, en l’adaptant, l’encadrement des droits acquis par le groupe et favorise la diversité et la vitalité de la production audiovisuelle.
Cet accord fait suite aux deux accords qui ont d’ores et déjà été signés respectivement par France Télévisions et par Arte. Ensemble, ils permettent de couvrir plus de 70 % des investissements dans les œuvres audiovisuelles en France. J’espère que d’autres groupes privés participeront à cette dynamique collective qui va dans le sens de l’intérêt général.
Des accords sur la transparence et sur les mandats de distribution des œuvres ont également été trouvés. Là encore, nous pouvons tous nous en réjouir.
Ces accords démontrent la capacité des organisations professionnelles à dialoguer sous l’égide des pouvoirs publics au service des grands objectifs que le législateur a fixés. Je forme le vœu que cette démarche puisse s’étendre à d’autres secteurs. Elle a trouvé, comme vous le savez, une application récente dans le secteur du dialogue social, sur le régime spécifique d’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle, grâce à l’accord du 23 avril dernier, qui viendra pérenniser un modèle dont notre pays peut s’enorgueillir et qui permet aux professionnels du spectacle de vivre de leur métier et de travailler à la vitalité de la création artistique française. Toutes les organisations professionnelles compétentes l’ont signé.
Pour la première fois, les organisations représentatives du spectacle ont eu les clés de la négociation. Elles ont su trouver un équilibre entre des droits qu’il a fallu créer, car ils étaient en déshérence depuis plus de dix ans, tout en contribuant à l’équilibre économique global de l’assurance chômage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
J’ai par ailleurs réuni la semaine dernière le Conseil national des professions du spectacle pour échanger sur les conditions de mise en œuvre d’un fonds pour l’emploi dans le spectacle, doté de 90 millions d’euros, qui sera un levier puissant pour réduire le recours à l’assurance chômage lorsqu’il n’est pas justifié, mais qui permettra aussi de mieux accompagner les entreprises du spectacle dans leur développement et pour la consolidation de leurs projets.
Autre bel exemple de ce qui peut être fait, sans nécessairement recourir à la force de la loi, mais en faisant confiance au sens de la responsabilité des professionnels, l’accord signé le 13 mai dernier, lors du festival de Cannes, par l’ensemble des organisations professionnelles du cinéma – exploitants de salles de cinéma, distributeurs, producteurs – pour favoriser l’accès de tous les films indépendants aux moyennes et grandes salles et permettre une meilleure diffusion des plus porteurs dans les zones rurales et les villes de moins de 50 000 habitants.
C’est une réponse fine et adaptée, que seuls les professionnels pouvaient élaborer, pour que puissent se rencontrer le public et les films dans toute leur diversité. Vous le savez, la diversité n’est pas spontanée : il faut l’organiser et la protéger de façon volontariste. Dans tous les domaines de la culture, la diversité est constitutive de la formation du regard, de l’ouverture à l’autre et de la richesse de la création.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons devant nous plusieurs jours de débats qui seront, j’en suis sûre, fructueux. J’espère qu’ils permettront d’aboutir à un consensus entre les deux assemblées au terme de cette deuxième lecture. C’est en tout cas mon objectif.
Si la France a la chance d’avoir une offre culturelle de grande qualité, c’est parce que l’État, les collectivités locales, le Parlement travaillent ensemble, sans relâche, pour maintenir son attractivité à travers le soutien à la création, l’accès à l’éducation artistique, la mise en valeur et la sauvegarde de notre patrimoine. C’est notre mission collective et notre devoir envers les générations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce n’est un secret pour personne : le texte qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a suscité au sein de notre commission ni enthousiasme démesuré, ni espoirs inconsidérés, ni déceptions excessives. Il conserve ses faiblesses originelles liées à l’absence de véritables lignes directrices pour rénover notre politique en faveur de la création artistique.
À trop vouloir réaffirmer des principes sur le rôle de l’État en matière culturelle, ce projet de loi donne aussi parfois le sentiment de céder à une « recentralisation rampante » au détriment des collectivités territoriales et à une certaine bureaucratisation, du fait d’une multiplication des contraintes qui ne peut que nuire aux créateurs.
Je me réjouis néanmoins que le nombre des divergences entre nos deux assemblées se soit réduit.
C’est ainsi que, fidèle à sa volonté d’avancer, notre commission n’a rétabli qu’avec parcimonie et mesure la rédaction du Sénat en privilégiant ses positions les plus significatives. C’est le cas aux articles 2 et 3, à l’article 10 quater, où nous avons jugé essentiel de conserver le dispositif introduit en première lecture à destination des photographes. C’est également le cas à l’article 17 A relatif aux conservatoires : nous avons souhaité maintenir la région comme chef de file des enseignements artistiques sur nos territoires.
Sur de nombreux sujets, nous avons fait la preuve de notre esprit d’ouverture et de conciliation.
Sur la production audiovisuelle, j’ai de nouveau reçu au début du mois de mai les diffuseurs et les producteurs pour les inciter à s’entendre dans le cadre d’un accord qui était d’ailleurs imminent. Signé ce matin au ministère, celui-ci répond à nos attentes. J’ai la faiblesse de penser qu’il n’aurait pas été possible sans la mobilisation du Sénat pour responsabiliser les différents acteurs et pour leur fixer une échéance.
Soucieux de reconnaître et de sécuriser les pratiques artistiques amateurs, j’ai par ailleurs proposé à la commission d’adopter sans modification la rédaction de l’Assemblée nationale.
De même, permettez-moi de vous rappeler, madame la ministre, qu’en première lecture j’ai accepté la création du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, le CNESERAC, à l’article 17 B, alors même qu’il me semble préférable qu’à terme toutes les questions d’enseignement supérieur français soient traitées par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et soumises au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, sans qu’il soit besoin de créer de « sous-CNESER » thématiques.
Je regrette toutefois que, en dépit de la bonne volonté affichée par notre commission, les rapprochements n’aient pas été plus nombreux. Je pense ainsi à l’article 7 bis AA sur lequel les échanges ont été insuffisants pour parvenir en l’état à un compromis satisfaisant, même si chacun semble aujourd’hui convenir que des garanties d’application sont nécessaires. Nous en reparlerons, car le Gouvernement a déposé un amendement qui pourrait déboucher sur un accord.
Sur la filière musicale, trois sujets occuperont l’essentiel de nos débats. J’espère que nous aboutirons à une position équilibrée partagée par les différents acteurs, même si, au regard des amendements déposés par le groupe socialiste et républicain et par le Gouvernement, je suis surpris par le peu de cas qui a été fait de nos propositions.
À l’article 5, la commission souhaite maintenir la distinction, existant d’ores et déjà en droit des contrats, entre artistes-interprètes et musiciens d’accompagnement s’agissant des rémunérations qui pourraient être tirées des exploitations non prévues ou non prévisibles d’une œuvre. Nous sommes, en outre, opposés – comme le fut votre prédécesseur en première lecture, madame la ministre – à l’interdiction des cessions de créances. Les artistes ont tout à y perdre selon nous.
À l’article 6 bis relatif à l’application du régime de licence légale aux webradios, nous prônons une solution de compromis qui consiste à accepter le maintien de la disposition que nous avions rejetée en première lecture sous réserve d’une définition plus encadrée de son champ d’application.
À l’article 11 ter, qui a trait aux quotas radiophoniques, nous souhaitons nous en tenir à un dispositif d’encadrement du nombre de diffusions, à l’exclusion de tout assouplissement des quotas eux-mêmes, dont la gestion s’apparente à une véritable usine à gaz.
Enfin, sur la rémunération pour copie privée, que traitent les articles 7 bis à 7 quater, l’Assemblée nationale est revenue sur l’intégralité de nos apports, qui avaient pourtant tous pour objectif d’améliorer la transparence d’un mécanisme souvent critiqué. Comment justifier le refus des députés de voir publier le règlement de la commission de la copie privée au Journal officiel, de soumettre les membres de cette instance à une déclaration d’intérêts, de lui adjoindre trois hauts magistrats, d’agréer les organismes de recouvrement, d’encadrer les études d’usage, aujourd’hui controversées, par des cahiers de charges et les faire réaliser par un organisme indépendant ?
Ces positions semblent pourtant partagées par le Gouvernement. Nous ne nous expliquons donc pas la position de l’Assemblée nationale, d’autant que les garanties de transparence et d’indépendance que nous apportons à la rémunération pour copie privée sont gages de la légitimité de la commission de la copie privée et constituent la réponse nécessaire aux détracteurs de ce dispositif.
Sur tous ces sujets, j’espère que nous trouverons ensemble la voie de la sagesse et du compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a été abordé dans un esprit constructif au Sénat en première lecture, esprit que nous souhaitons conserver en deuxième lecture, en dépit du bilan contrasté du sort de nos propositions lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. Si celui-ci est en effet très positif sur le volet du patrimoine, il se révèle très décevant sur le volet de l’archéologie préventive.
Nous ne pouvons que nous féliciter du rapprochement des positions avec l’Assemblée nationale sur les questions relatives au patrimoine. La chambre basse n’est pas revenue sur les principales modifications que nous avions apportées au nouveau régime d’espaces protégés, qu’il s’agisse du rôle accru de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, de l’inscription des dispositions relatives à la protection du patrimoine dans un règlement annexé au plan local d’urbanisme ou encore de la coconstruction des plans de sauvegarde et de mise en valeur.
Cela étant, je ne peux cacher que quelques points de désaccord subsistent entre nos deux assemblées.
Premièrement, les députés ont rendu facultative la création de la commission locale sur le périmètre des sites patrimoniaux remarquables.
Deuxièmement, la mise en place d’un régime d’autorisation encadrant l’implantation des éoliennes pour des motifs patrimoniaux nous paraît essentielle.
Troisièmement, dans le cadre du contrôle de l’aliénation des monuments historiques appartenant à l’État, il nous paraît incohérent de refuser l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, alors même qu’elle devrait être amenée à se prononcer sur la cession de certains biens situés à l’étranger !
Sur les dispositions relatives à l’architecture, les députés sont largement revenus sur les modifications que le Sénat avait apportées en première lecture. Par conséquent, en dépit de la bonne volonté dont nous avions fait preuve sur un certain nombre d’articles, des désaccords subsistent.
C’est le cas à l’article 26 quater relatif au permis d’aménager un lotissement, pour l’élaboration duquel les députés souhaitent instaurer le recours obligatoire au seul architecte, ou encore à l’article 26 duodecies.
Sur les dispositions relatives à l’archéologie préventive, les profonds désaccords observés en première lecture entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui ont été confirmés à l’issue de la deuxième lecture du projet de loi par les députés, ont paru pratiquement insurmontables jusqu’à une date très récente.
M. David Assouline. Ah !
Mme Françoise Férat, rapporteur. Soit nous allions dans le mur, soit il fallait changer de méthode. Nous avons donc décidé de reprendre le dialogue de zéro avec le Gouvernement, dans le but d’analyser de nouveau chacune des dispositions, de lever les éventuelles ambiguïtés et de trouver une rédaction consensuelle. Je regrette que ce dialogue ait été lancé si tardivement, mais je tiens à remercier l’implication de votre cabinet, madame la ministre. Tous les points de blocage sont loin d’être levés, mais les résultats obtenus sont encourageants.
Je commencerai par les points positifs.
Ainsi, la maîtrise d’ouvrage scientifique de l’État sur les opérations de fouilles est transformée en maîtrise scientifique, ce qui élimine les risques juridiques qu’aurait entraînés une maîtrise d’ouvrage partagée entre les aménageurs et l’État, tout en confiant à ce dernier le soin de s’assurer de la qualité des opérations de fouilles, objectif que nous partageons tous.
Un compromis se dessine également en ce qui concerne le délai accordé aux collectivités territoriales pour décider de se saisir ou non d’un diagnostic sur le contenu de la convention que les collectivités territoriales doivent signer avec l’État pour obtenir l’habilitation de leur service archéologique ou sur la manière d’interpréter la régulation économique et financière du service public de l’archéologie par l’État.
Sur d’autres sujets, nos positions sont en train de se rapprocher, même si nous ne pourrons peut-être pas nous mettre d’accord en séance publique. Il s’agit par exemple de l’obligation faite à l’aménageur de payer l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, pour la reprise d’un marché à la suite de la défaillance d’un opérateur. Le Gouvernement a complété son dispositif en soumettant le prix proposé par l’INRAP pour ses services à l’avis de l’État. C’est un premier pas. Nous souhaiterions néanmoins avoir votre engagement, madame la ministre, que ces prestations ne feront plus l’objet d’une subvention pour charge de service public.
Il reste cinq désaccords importants à ce stade de la discussion : la limitation géographique de l’habilitation accordée aux services archéologiques des collectivités territoriales, le monopole de l’INRAP sur les opérations de fouilles sous-marines, la multiplication des contrôles auxquels sont soumis les opérateurs privés, la procédure d’examen des offres retenue par l’Assemblée nationale, la suppression de l’éligibilité des dépenses de recherche dans le cadre d’un contrat de fouilles.
J’ose espérer que ces divergences, parfois sérieuses, ne nous empêcheront pas de trouver une entente à l’occasion de la commission mixte paritaire, si la volonté d’aboutir à un accord l’emporte sur l’affirmation de nos différences. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. « La crise ne rend pas la culture moins nécessaire, elle la rend au contraire plus indispensable. La culture n’est pas un luxe dont, en période de disette, il faudrait se débarrasser. La culture, c’est l’avenir, le redressement, l’instrument de l’émancipation.
« C’est aussi le meilleur antidote à tous les racismes, antisémitismes, communautarismes et autres pensées régressives sur l’homme. »
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est en ces termes que notre ancien collègue, mon ami Jack Ralite, s’est adressé au Président de la République dans une lettre ouverte en février 2014 et l’a interpellé sur la politique conduite dans le domaine de la culture.
Ces mots soulignent à quel point ce texte est attendu. Il doit représenter le signal fort de l’engagement de ce gouvernement en faveur de la culture et des arts.
Certes, ce texte marque des avancées.
Nous saluons tout d’abord la réaffirmation du rôle de l’État et des collectivités dans le domaine de la protection de la création.
De même, l’intégration dans le texte de la liberté de diffusion complète utilement l’article 1er du projet de loi.
Enfin, certaines dispositions permettent une plus grande protection des artistes et un meilleur partage de la valeur créée, notamment dans le cadre des défis de la révolution numérique.
La partie sur l’excellence architecturale est un autre point positif du texte.
Le groupe CRC partage l’ambition de reconnaître le rôle majeur des architectes dans la constitution d’un patrimoine immobilier et de zones d’habitation qui soient des lieux de vie et non des dortoirs.
Par ailleurs, le groupe CRC salue les dispositions, hélas trop rares, allant dans le sens d’une meilleure protection du patrimoine. Je pense à la réforme du régime de propriété des biens découverts ou à la mise en sécurité auprès de l’État de biens culturels appartenant à des États étrangers en situation de guerre ou de catastrophe naturelle.
Toutefois, de nombreux points de désaccord subsistent, en premier lieu dans le titre Ier.
Si nous souscrivons à l’ambition de reconnaître et de valoriser la pratique amateur, l’article 11 A pose question. En effet, tel qu’il est actuellement rédigé, cet article organise la mise en concurrence des amateurs et des professionnels et fait courir le risque de voir se développer le travail dissimulé.
Le groupe CRC s’oppose également à la fragmentation effectuée dans le texte en matière d’enseignement supérieur et de recherche, car elle isole de fait des structures d’excellence, détériore les conditions de vie de la majorité des étudiants des arts et de la culture, et affaiblit les filières universitaires, dont la qualité est pourtant reconnue.
Comme je l’ai déjà dit, la partie du texte consacrée à l’architecture est la plus aboutie, des avancées ayant été obtenues. Toutefois, nous regrettons la disparition, dans le texte voté en commission, des délais incitatifs lorsqu’un architecte a été sollicité.
De la même manière, le renvoi à la fin de la procédure d’une phase de dialogue entre les candidats et le jury dans le cadre des concours d’architecture nous semble préjudiciable.
Nos critiques se concentrent sur le volet relatif au patrimoine. J’évoquerai tout d’abord l’archéologie préventive.
Alors que l’ouverture sauvage à la concurrence en 2003 a durablement fragilisé le secteur, le projet de loi ne remet en cause qu’à la marge ce choix politique.
Or l’autorisation de la sous-traitance, couplée à la mise en concurrence des services territoriaux entre eux, ne peut conduire qu’à un nouvel affaiblissement du service public de l’archéologie préventive, d’autant que ce dernier ne pourrait même plus se prévaloir du monopole sur les fouilles sous-marines, contrairement à ce qu’avait prévu l’Assemblée nationale.
Ainsi, la volonté affichée de réaffirmer le rôle de l’État en la matière nous semble bien trop diluée.
Nous défendrons donc de nouveau la réintroduction de l’article 20 bis afin de clarifier l’usage du crédit impôt recherche par les entreprises privées et d’exclure du dispositif les opérations de fouilles assimilables à des processus de production.
Sur la protection du patrimoine bâti, le groupe CRC s’oppose à la réforme des abords, car elle fait des abords à la carte la règle et du périmètre des 500 mètres l’exception. Cette mesure participe d’une logique urbanistique censée libérer toujours plus de sols constructibles, au mépris d’une logique patrimoniale. À nos yeux, le patrimoine ne doit pas être une variable d’ajustement en période de crise du logement.
Nous regrettons que la réforme des régimes de protection marque un nouveau désengagement de l’État, laissant toujours plus de marges de manœuvre aux maires et aux présidents d’intercommunalités, pourtant juges et parties, dans la définition des zones de protection.
Enfin, nous déplorons que cette réforme porte en creux le procès des 120 architectes des bâtiments de France.
Le groupe CRC va donc poursuivre, lors de cette deuxième lecture, son travail d’enrichissement. Il a déposé une quarantaine d’amendements portant notamment sur l’emploi des artistes et la sécurisation de leurs conditions de travail et d’existence.
Je veux ici réaffirmer notre soutien aux intermittents du spectacle en lutte pour leurs droits. Un accord de branche a été trouvé sur leur régime d’assurance chômage. Il contient des avancées significatives. Reste à savoir ce que fera le MEDEF, qui, dans sa lettre de cadrage, exigeait de ce régime une réduction des dépenses de 185 millions d’euros. C’est une nouvelle attaque, alors même que les intermittents ne représentent que 4 % des allocataires !
Je rappelle donc au Gouvernement l’engagement qu’il a pris l’année dernière de préserver le principe de la solidarité interprofessionnelle en inscrivant dans la loi les annexes 8 et 9.
Une grande ambition pour les arts et la culture exige un budget de l’État à la hauteur. Or nous sommes arrivés à l’os !
Réorganisation en treize grandes régions, baisse des dotations aux collectivités pour financer l’effort d’austérité, arbitrages politiques : le désengagement des collectivités dans le financement de la politique publique de la culture est une réalité. L’assèchement culturel et la précarisation accrue des artistes font leur œuvre !
Le groupe CRC réitère donc l’appel à l’audace lancé par Pierre Laurent en première lecture. Mes chers collègues, madame la ministre, il n’est pas trop tard… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean-Louis Carrère et Mme Corinne Bouchoux applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de réaffirmer l’importance de ce qui a émergé depuis la première lecture : ce texte, indépendamment du peu d’attention que les médias ou nous-mêmes, dans cet hémicycle, lui avons portée, est tout à fait essentiel.
Nous constatons tous les jours le rôle primordial de la création et de la culture dans la consolidation de notre pacte républicain. Elles donnent sens à presque tout ce que nous faisons et nous rassemblent. Et, aujourd'hui, ce qui rassemble est plus important qu’auparavant, tant la violence des rapports sociaux, la violence tout court, qu’elle soit physique ou verbale, et l’intolérance, y compris à l’égard d’œuvres artistiques, envahissent la sphère publique, et pas uniquement en France !
Ce projet de loi est donc tout à fait important et n’est pas juste destiné à donner un supplément d’âme à d’autres travaux que l’on jugerait plus sérieux par ailleurs.
En deuxième lecture, nous avons le choix entre laisser chacun réaffirmer ses positions, auquel cas l’Assemblée nationale décidera à notre place en troisième lecture,…
M. Jean-Louis Carrère. C’est le risque !
M. David Assouline. … et rapprocher nos points de vue afin de permettre à la commission mixte paritaire d’aboutir, auquel cas, cela a déjà été souligné, notamment par les rapporteurs, les apports du Sénat seront conservés dans la version définitive du texte.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. David Assouline. Le choix repose donc entre nos mains, il se fera au cours de notre discussion. Pour sa part, le groupe socialiste et républicain souhaite, sans aucune arrière-pensée, parvenir à des rapprochements afin que la CMP puisse aboutir.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. David Assouline. Nous n’y sommes certes pas obligés, mais si, comme je l’ai dit, la culture rassemble, nous nous devons d’être le plus possible rassemblés sur un texte ayant trait à la culture et à la création. Cela signifie non pas que nous devions être d’accord sur tout, mais que nous devons être capables d’envoyer un message commun sur l’essentiel. La culture, je le répète, n’est pas un supplément d’âme. Elle est l’âme de notre Nation et de notre pacte républicain.
Des rapprochements sont possibles, Mme la ministre, les rapporteurs l’ont dit. Mes collègues du groupe socialiste et républicain, Sylvie Robert et Marie-Pierre Monier, détailleront les dispositions restant en discussion dans des domaines précis.
Cependant, la principale divergence avec M. Leleux continue à reposer sur le fait qu’il considère que trop de régulation ou de réglementation, trop d’affirmation du rôle de l’État ou du service public – le désaccord est même d’ordre sémantique – ne font qu’alourdir, compliquer les choses et que cela empêche l’innovation ou la créativité.
Nous avons un point de vue totalement inverse. Défendre la culture, contrairement à d’autres domaines de l’économie et de la vie sociale, c’est prôner l’exception culturelle, c'est-à-dire la régulation, voire parfois des règles un peu tatillonnes. Parce que la culture n’est pas une marchandise, notre rôle en tant que législateurs est de la protéger, parfois de façon très précise, afin que le geste créatif et sa diffusion puissent être préservés.
Il en va de même s’agissant du patrimoine et de l’archéologie préventive. Sur ces sujets également, nous pouvons aboutir à un rapprochement à condition de réaffirmer fortement le rôle de l’État, en particulier en termes de qualité et de maîtrise scientifique du processus, ce qui n’empêchera pas d’avancer avec les collectivités territoriales, et même avec des agents privés.
Pour conclure, réaffirmer le rôle de l’État dans le domaine culturel n’est pas un acte jacobin ou la marque d’un amour de la règle pour la règle. C’est préserver l’exception culturelle à l’échelon français, européen, international, comme la France l’a toujours fait avec force dans le monde.
Je tiens enfin à remercier Mme la ministre, car les accords de branche qui viennent d’être signés, ainsi que le climat de nos discussions ici, doivent beaucoup à son style et portent sa marque de fabrique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous mesurons, avec l’évolution du texte, le rôle fécond de la navette. Nous l’apprécions d’autant plus que la culture porte des enjeux fondamentaux en ces temps de doute, de mutation et de tension.
Les premières auditions au Sénat nous avaient troublés tant elles reflétaient des rivalités corporatistes : géomètres contre architectes, archéologues de l’INRAP contre archéologues des collectivités, compositeurs contre interprètes, musiciens contre éditeurs phonographiques, tandis que certains, comme d’habitude, passaient à la trappe, comme les paysagistes et les plasticiens.
Les grands absents de ces tables rondes étaient le sens, les gens, les territoires, les questions fondamentales sur le ferment démocratique qu’est la culture. Heureusement, la suite du débat nous a élevés, si l’on fait exception de quelques blocages régressifs…
C’est du bien commun que nous débattons lorsque nous sommes attentifs à la création, à la diffusion, à toutes les formes d’expression, des plus reconnues aux milliers d’initiatives artistiques et culturelles qui fleurissent sur les territoires. Ce bien commun en perpétuelle fabrication fait lien, citoyenneté et, se référant aux droits culturels, s’enrichit de la reconnaissance de l’égale dignité de chacun.
Il doit y avoir de la place pour tous : la sécurisation de la participation des amateurs, des bénévoles, dans un cadre ne mettant pas à mal les artistes professionnels, est une avancée attendue.
C’est du bien commun que nous débattons en choisissant comment va agir le ministère, comment vont intervenir les collectivités, comment seront soutenues les initiatives, quelles seront les obligations, qu’il s’agisse de mémoire à révéler, avec les fouilles, à conserver, avec le patrimoine ou le dépôt légal, de vécu à transmettre et à faire vivre, avec le cinéma, le spectacle vivant, ou de créations à soutenir dans toutes les disciplines.
Demain, c’est du bien commun que nous serons comptables dans le projet de loi de finances afin que nos propos sur le soutien aux pratiques des habitants soient en accord avec les arbitrages financiers. Permettez-moi de faire ici, à titre d’exemple, une piqûre de rappel sur la pauvreté du soutien aux musiques actuelles.
Bercy aussi sera comptable. Et, puisqu’une majorité s’accorde à faire perdurer le crédit impôt recherche pour les entreprises de fouilles archéologiques, nous exigeons un contrôle rigoureux de la réalité des recherches associées aux sites explorés. Nous ne partageons pas le point de vue de Mme la rapporteur, qui met en balance l’appui de l’État à l’INRAP avec le CIR. Le CIR n’est ni une bouée de sauvetage ni une variable d’ajustement pour boucler le budget d’un chantier ou faire baisser un devis.
Mme Françoise Férat, rapporteur. L’INRAP non plus !
Mme Marie-Christine Blandin. Les écologistes ne résument pas la culture aux industries culturelles, comme c’est souvent le cas à Bruxelles, et se réjouissent que, en France, la culture ne soit pas vue sous l’unique prisme de l’économie. Ils sont attentifs au secteur non lucratif, à l’économie sociale et solidaire, à ce que le lien, l’épanouissement de chacun, la richesse du tissu dans chaque territoire passent avant la comptabilité des entrées ou l’éphémère visibilité internationale, qui ne saurait être le but premier.
La garantie de la liberté d’expression culturelle, désormais proclamée à l’article 1er – « la création artistique est libre » –, n’est pas un luxe en ces temps de populisme, alors que certains élus n’ont plus honte de modifier une programmation, de supprimer une subvention, ou d’anéantir une structure au prétexte qu’une esthétique n’est pas la leur ou qu’une perturbation intellectuelle les bouscule dans leurs certitudes.
Mais la liberté d’expression culturelle, c’est aussi l’acceptation du mouvement, de la fluidité, des fragiles ébauches hors critères, des disciplines de traverses hors guichets et hors labels. C’est pourquoi les écologistes ont pris l’initiative de déposer un amendement tendant à ouvrir la possibilité de conventionnement pour favoriser ces naissances d’intérêt public.
Nous savons aussi l’importance des régulations économiques, des couvertures sociales spécifiques comme celles de l’intermittence, des mécanismes vertueux comme ceux du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, du partage de la valeur, qui reste le grand chantier à peine ébauché du numérique. À ce sujet, nous continuerons de plaider pour que cesse le scandale de la spoliation des photographes. Au pays des droits d’auteur, la photographie n’a jamais eu la chance de la musique, de la littérature ou du cinéma, sans doute parce qu’aucune industrie de distribution n’a greffé sa source de bénéfices sur cette activité, et parce que, au contraire, les éditeurs de presse, dont la majorité des ventes reposent sur l’image, ne se voient jamais contraints de respecter le code de la propriété intellectuelle.
Je terminerai par l’impression contrastée que nous laisse le sort fait à ce texte au Sénat.
Nous avons apprécié, madame la ministre, votre sens de l’écoute, ainsi que le climat de dialogue qui s’est instauré avec la commission, mais nous restons consternés devant quelques amendements revanchards anti-éoliens, certains confondant la navette avec une troisième mi-temps où se rejouerait le match de la transition énergétique. (Sourires.)
Il faut cesser de défaire en mai 2016 ce qui fut voté de façon consensuelle en juillet 2015 ! Choisir entre une lointaine covisibilité et les énergies renouvelables, c’est nier que l’avenir de l’humanité se fera dans le respect non dissociable de sa culture, qui rend le monde vivable, comme de la nature, qui rend le monde viable. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans sa postface aux Conquérants, André Malraux écrit, à propos de la « création réelle d’une culture démocratique », qu’« il s’agit d’ouvrir le domaine de la culture à tous ceux qui veulent l’atteindre. »
Notre politique culturelle doit encore et toujours mettre fin à l’inégalité d’accès à la culture qui demeure aujourd’hui. Elle doit nécessairement promouvoir la création et la production, mais également se réengager pour soutenir les structures intermédiaires, l’éducation populaire, l’enseignement supérieur artistique, le milieu associatif culturel et les amateurs. Ce sont ces acteurs de la culture qui construisent les ponts entre la culture « savante » et les autres cultures dans nos territoires.
Donner un cadre législatif à la politique de labellisation menée par le ministère de la culture et de la communication permet de soutenir des réseaux, comme les centres culturels de rencontre, qui, depuis quarante ans, mettent en œuvre dans les territoires ruraux une politique transversale de développement à partir de la culture. Ces initiatives locales, qui fédèrent l’engagement d’artistes, de centres d’arts visuels, d’associations, de structures itinérantes, doivent être reconnues à l’échelon national afin que les partenariats se développent et redonnent vie aux territoires ruraux, de la même manière que les pratiques amateurs sont une chance inouïe pour dynamiser nos territoires. Ainsi, l’article 11 A du projet de loi, tel qu’il est actuellement rédigé, constitue une avancée majeure en termes de sécurisation de la pratique amateur.
L’implication du système audiovisuel public pour familiariser une part importante de la population aux arts et à la culture doit être plus grande. Alors que la collectivité publique finance largement les chaînes de télévision et de radiodiffusion publiques et permet l’utilisation des fréquences hertziennes, on assiste à un recul inquiétant de la diversité musicale, notamment aux heures de grande écoute, et des émissions traitant du monde de la culture. Face à la domination des critères d’audience, le débat engagé va nous permettre, je l’espère, de trouver un équilibre salutaire pour promouvoir la diversité musicale et la chanson francophone à la radio.
Enfin, les techniques de l’information et de la communication d’aujourd’hui permettent aux individus d’avoir accès légalement à un réservoir toujours plus riche de contenus culturels, qu’il faut accompagner. Il est intéressant à ce titre d’encourager le développement des services radiophoniques diffusés sur internet en leur appliquant le régime de la licence légale afin d’étendre les catalogues auxquels ont accès ces webradios.
Sur les questions relatives à l’archéologie, des oppositions demeurent néanmoins. Comme en première lecture, la commission est revenue sur l’ensemble des mesures visant à confier la maîtrise d’ouvrage scientifique sur les opérations archéologiques à l’État. Selon notre rapporteur, il s’agit de lutter contre une « reconcentration » qui ne dit pas son nom entre les mains de l’INRAP. Nous pensons, à l’inverse, que l’opérateur historique a un rôle de premier plan à jouer, notamment parce qu’on ne fait pas de la recherche archéologique comme on fait le commerce de n’importe quelle marchandise. Je le répète, l’archéologie n’est pas un simple bien commercial : c’est un bien commun à notre histoire et à notre patrimoine.
Dans ce domaine, nous sommes donc soucieux de préserver la qualité scientifique des fouilles, ce qui passe notamment par un contrôle rigoureux des opérateurs privés soumis à l’agrément. Il faut en effet veiller au respect de certaines exigences et faire en sorte que le renouvellement de l’agrément de ces opérateurs en dépende afin que ceux-ci puissent pleinement, mais dans le respect de certaines règles, participer aux opérations d’archéologie préventive.
Nous proposerons donc un amendement visant à renforcer les conditions d’obtention et de renouvellement de l’agrément pour les opérateurs privés, suivant ainsi l’une des recommandations du livre blanc de l’archéologie préventive.
Par ailleurs, afin de ne pas fausser la concurrence entre les différents acteurs du secteur, nous déposerons également un amendement visant à exclure du dispositif du crédit impôt recherche les contrats de fouilles archéologiques qui ne répondent pas à la logique du dispositif.
Nous sommes satisfaits des rapprochements opérés entre l’Assemblée nationale et le Sénat, en particulier sur la disposition clé du projet de loi portant sur la réforme des espaces protégés. Les craintes des collectivités territoriales concernant la gestion de ces espaces ont été entendues par Mme la ministre, ce dont notre groupe ne peut que se réjouir.
Il est par ailleurs positif que le rôle accru de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture ait été confirmé.
Quelques interrogations subsistent toutefois, en particulier sur le nom. Si nos deux chambres semblent s’accorder sur l’appellation « sites patrimoniaux remarquables », cette dénomination n’en suscite pas moins des réticences, en particulier de la part des grands sites inscrits dans le code de l’environnement. J’ai ainsi été alertée par le grand site Sainte-Victoire, près d’Aix-en-Provence, lequel redoute une confusion avec les sites classés. Je ne doute pas que nous aurons un débat sur ce sujet en séance.
Sur l’architecture, je souscris à la rédaction adoptée par notre commission concernant le projet architectural, paysager et environnemental à l’article 26 quater. En revanche, je suis favorable au maintien du seuil dérogatoire tel que l’a évoqué Mme la ministre à l’Assemblée nationale.
Vous l’aurez compris, nombre des mesures de ce projet de loi recueillent notre assentiment. Nous resterons toutefois attentifs à quelques dispositions qui font encore débat.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas sans une certaine déception que nous accueillons ce texte en deuxième lecture.
En effet, si l’Assemblée nationale a conservé des avancées que nous avions proposées en première lecture, force est de constater que nous restons en désaccord sur des questions essentielles. Je pense en particulier à la réforme de l’archéologie préventive. Je commencerai d’ailleurs mon intervention sur ce sujet qui préoccupe particulièrement les élus locaux que nous représentons.
En première lecture, vous nous aviez rassurés, madame la ministre, quant à la volonté du Gouvernement de rapprocher les points de vue sur l’archéologie préventive, mais l’Assemblée nationale a rétabli la plupart des dispositions que nous avions rejetées.
Le contrôle de l’État reste démesuré, et le texte multiplie les mesures écartant toute intervention extérieure à l’INRAP, aussi bien publique que privée.
Concernant les collectivités, nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement, avec une obstination presque vexatoire, veut imposer de nouvelles contraintes à des services qui fonctionnent correctement et sont déjà soumis au contrôle de l’État.
Vous limitez le délai dont les collectivités disposent pour prendre la décision de confier les diagnostics à leurs propres services. Vous conditionnez l’octroi de l’habilitation à la signature d’une convention avec l’État. Vous soumettez les services territoriaux à un contrôle financier et limitez leur champ territorial.
Nous regrettons également l’hostilité affichée à l’encontre des opérateurs privés, exclus du bénéfice du crédit impôt recherche.
Toutes ces dispositions semblent tournées vers un seul objectif : rétablir un monopole au bénéfice de l’INRAP, monopole d’ailleurs clairement énoncé pour les fouilles sous-marines. Or, je rappelle les difficultés de gestion de l’organisme, relevées par la Cour des comptes, et qui ont nécessité par le passé l’intervention d’autres acteurs. Nous vous alertons sur le danger qu’il y aurait à privilégier cet opérateur public par rapport à d’autres, en espérant, madame la ministre, que vous serez, cette fois, sensible aux arguments de notre rapporteur, Mme Férat.
Alors que nous sommes parvenus à des rédactions communes avec l’Assemblée nationale, il serait dommage de conserver un point de désaccord aussi important dans le projet de loi.
Le Gouvernement a notamment su infléchir sa position sur la protection du patrimoine, qui, dans la rédaction initiale, dépendait d’un plan local d’urbanisme trop mouvant. Une réécriture de l’article 24 a été faite par le Sénat, réécriture qui ne bouleverse pas les anciens régimes de protection, au grand soulagement des protecteurs du patrimoine.
Sur le volet création, notre rapporteur, M. Leleux, a pu se réjouir de l’adoption par les députés de certaines de nos propositions, telles que l’aménagement du droit de suite qui augmentera les marges de manœuvre des fondations, ou encore de la création d’une commission « culture » au sein des conférences territoriales de l’action publique.
Des désaccords subsistent cependant ici aussi, et nous allons examiner des amendements du Gouvernement allant d’ores et déjà à l’encontre du texte de la commission.
Tel est le cas, dès le début du projet de loi, avec la référence à la mission de service public de la politique en faveur de la création artistique, dont nous souhaitons la suppression, car elle conduirait à ignorer l’action des acteurs privés.
Je citerai également, au nombre des dispositions proposées par la commission auxquelles nous tenons particulièrement la distinction entre artistes-interprètes et musiciens pour la perception de certaines rémunérations, l’autorisation des cessions de créances, la juste rémunération de l’exploitation des œuvres d’art visuelles, ou le chef de filat de la région sur la question des enseignements artistiques.
Par ailleurs, il est difficilement compréhensible que le Gouvernement souhaite voir supprimées des dispositions que le Sénat a introduites à des fins de transparence. Nous vous écouterons attentivement, madame la ministre, pour comprendre pourquoi vous vous opposez aux garanties d’indépendance que nous avons données à la commission de la copie privée.
Je regrette également que plusieurs dispositions aient été introduites par la majorité gouvernementale sans la prudence nécessaire, c’est-à-dire sans aucune étude d’impact et sans même de concertation.
Ainsi, la légalisation de la copie numérique dans le nuage, qui s’avère fort compliquée, a été décidée par le Gouvernement. Nous y voyons certes un gage de modernité, mais encore faut-il qu’elle ne remette pas en cause les équilibres économiques existants. La rédaction de notre commission rendant nécessaire l’accord des diffuseurs est une solution d’attente qui permet l’ouverture de négociations.
Il n’y a pas eu non plus d’étude sur la problématique des droits d’auteur et du développement des webradios. Il me semble ici aussi infiniment plus sage de suivre la rédaction de compromis du Sénat, qui définit un champ d’application précis, que de suivre le Gouvernement dans une application aveugle du dispositif de licence légale.
D’ailleurs, est-il opportun de légiférer aussi rapidement sur de tels sujets, alors que ce projet de loi est censé être le fruit d’une longue réflexion et a déjà connu de nombreux reports pour améliorer sa rédaction ? Pourquoi ajouter des sujets sans aucune préparation ?
Enfin, en tant que fervent défenseur de la francophonie, j’évoquerai un dernier point de désaccord. Il s’agit de la modulation des quotas de diffusion de la chanson française, présentée fort tardivement à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, qui vient d’ailleurs de nous soumettre, ces derniers jours, une nouvelle rédaction.
La modulation envisagée revient à diminuer de 5 % les quotas de chaque catégorie de radio, ce qui est assez étonnant puisque l’article d’origine a été introduit par les députés précisément pour faire respecter les quotas de manière plus rigoureuse.
L’article 11 ter se trouve finalement écartelé entre deux conceptions différentes des obligations de diffusion. Comme l’a rappelé notre commission, les quotas représentent une contrainte qui est la juste contrepartie de l’utilisation gratuite des fréquences hertziennes. De longues années de résistance à la puissance du marché anglo-saxon témoignent de leur utilité. Remettre en cause ces règles reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore.
Tout se passe finalement comme si le Gouvernement voulait saisir l’occasion de cette dernière fenêtre législative pour faire passer certains messages, dans une certaine précipitation.
Nous nous écartons donc un peu plus de l’esprit qui devrait gouverner cette loi pour aboutir finalement à un ensemble de réponses à des demandes sectorielles.
Notre groupe espère que les nombreux rectificatifs apportés par le Sénat seront préservés, et c’est uniquement dans cette perspective que nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien malin qui pourrait, à ce stade de nos travaux, dégager une logique d’ensemble du présent projet de loi !
Cette logique pourrait être, à nos yeux, celle d’un État garant et stratège : garant de la liberté de création, de la sauvegarde du patrimoine et de la qualité du bâti ; stratège en étant apte à articuler la politique de la création autour d’axes forts, et ce afin de fixer un cadre préservant le plus de marges de manœuvre aux collectivités et aux acteurs privés.
Cette conception serait finalement celle d’un État qui trouve sa juste place entre le désengagement et l’ingérence culturelle, ou du moins une approche administrative de la culture, deux écueils que n’évitait pas, hélas, la première mouture du texte.
Non, chers collègues, l’État ne jouerait plus son rôle de garant en décentralisant le régime des secteurs protégés, de même qu’en ne garantissant pas la qualité du bâti, en particulier sur la question des lotissements, quelle qu’en soit la taille.
À l’opposé, l’État se rendrait coupable d’ingérence en recentralisant le dispositif de l’archéologie préventive, largement évoqué par mes prédécesseurs.
En deuxième lecture, où en sommes-nous ?
Le texte a indéniablement évolué dans le bon sens. Il a, en particulier, été amélioré au Sénat, sous la houlette de nos rapporteurs, Jean-Pierre Leleux et Françoise Férat, dont je salue, une fois encore, l’implication et la rigueur du travail, sous l’égide bienveillante de Mme la présidente Catherine Morin-Desailly. La navette s’est effectuée dans un esprit constructif puisque, sur de nombreux points d’importance, l’Assemblée nationale a conservé les équilibres déterminés par notre Haute Assemblée.
Le progrès le plus net pour notre groupe concerne, bien sûr, le volet patrimoine, pour lequel nous avons inscrit les dispositions de protection dans un règlement annexé au plan local d’urbanisme, le PLU, et non dans le PLU lui-même, une modification clé puisqu’elle sanctuarise ces dispositions, qui auraient pu être plus sensibles à des modifications des plans locaux d’urbanisme.
De même, nous ne pouvons que saluer les convergences de vues en matière architecturale.
En revanche, il est regrettable que demeure une opposition en ce qui concerne les lotissements.
Nous soutenons, bien sûr, la rédaction issue des travaux de notre commission, qui supprime tel ou tel recours obligatoire pour se concentrer sur le projet architectural, paysager et environnemental du lotissement.
L’article est ainsi mieux équilibré. Il permet l’intervention de professionnels variés, en fonction de la situation de chaque lotissement, tout en nous aidant à nous assurer de la qualité du bâti de tous les lotissements. Vous le savez, chers collègues, par vos expériences publiques : l’urbanisme est toujours transversal.
J’en viens maintenant au point qui demeure le plus problématique, l’archéologie préventive, sur lequel, malgré toutes les bonnes volontés, la commission mixte paritaire aura probablement le plus de difficulté à aboutir. Ici encore, nous ne pouvons que soutenir la position de notre commission.
De même qu’il ne fallait pas décentraliser à l’excès le régime de protection des secteurs sauvegardés, symétriquement, il ne faut pas vouloir étatiser l’archéologie préventive.
Le bilan de la réforme de 2003 a été plutôt positif. Nous en débattrons lors de l’examen des articles. Je formule simplement le souhait qu’une position de compromis puisse être trouvée.
Pour aborder en quelques mots le volet création du texte, j’ai, dès le départ, regretté notre incapacité à assigner à la politique de la création un petit nombre d’objectifs très clairs. À vouloir tout faire, on ne fait plus rien, car, si tout objectif est défini dans la loi comme prioritaire, il n’en est, en réalité, aucun.
Nous avons, à mon sens, vous l’avez compris, manqué à notre devoir de faire de l’État un stratège en la matière.
J’admets cependant bien volontiers que la navette aura été constructive, que des positions de consensus ont pu se dégager sur des sujets aussi importants que la production audiovisuelle, le droit de suite en faveur des musées ou le médiateur de la musique.
En conclusion, le texte qui nous est soumis peine à présenter une ligne directrice. Très administratif dans son approche, généreux en contraintes supplémentaires, il cantonne la liberté et la création à son titre. C’est davantage un service public de la culture, pour reprendre une expression qui fut largement employée, qui nous est proposé.
Chers collègues, la vitalité de la culture contemporaine mérite, à mon sens, plus de liberté, plus de confiance dans ses valeurs comme dans ses acteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la culture a besoin d’un soutien politique affirmé. Aux incertitudes économiques et systémiques pesant de plus en plus sur le dialogue et le partenariat entre les collectivités territoriales, les acteurs culturels et parfois l’État, aux inquiétudes liées au désengagement croissant de certains financeurs, à la remise en cause des principes mêmes de la création artistique, doit répondre une volonté politique sans failles.
À l’aune de l’examen en deuxième lecture du présent projet de loi, il en est de notre responsabilité collective. D’ailleurs, cette volonté s’exprime tout particulièrement dans les premiers articles du texte, qui posent des jalons essentiels en proclamant solennellement que la création et la diffusion artistiques sont libres.
À ce sujet, le groupe socialiste proposera de conférer une portée plus normative à ces dispositions fondamentales, en prévoyant une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création ou à la liberté de diffusion artistiques, sur le même modèle que ce qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.
Alors que le Festival de Cannes vient de se terminer, n’oublions pas que très récemment plusieurs films, pourtant internationalement reconnus par la critique, ont vu leur visa d’exploitation être annulé en France, à la suite de la plainte d’associations aux visées clairement rétrogrades. Et que dire des arts visuels, voire des arts vivants, régulièrement ciblés ?
La volonté politique que j’évoquais précédemment aboutit à combattre cette idéologie qui voudrait retirer de la création tout ce qui serait contraire à une pensée dominante ou moralisatrice.
Le mérite de la création artistique, mes chers collègues, n’est pas de plaire ; il est d’exister et d’être accessible. Vouloir interdire la diffusion d’une œuvre qui n’est aucunement condamnable au regard de la loi, c’est s’attaquer à l’ensemble et au principe même de la liberté de la création.
Dans ce contexte, je me réjouis donc que le Gouvernement ait confirmé son attachement aux principes fondateurs de la création artistique, en les réaffirmant dès l’incipit du projet de loi.
Cependant, la création ne s’arrête pas aux arts vivants. Comme le rappelle l’intitulé du projet de loi, elle concerne aussi l’architecture. En la matière, l’engagement politique est tout aussi primordial, et les collectivités territoriales doivent s’emparer davantage des instruments à leur disposition afin d’endiguer un phénomène qu’un hebdomadaire qualifiait, il y a quelques années, de « France moche ». Cette question des formes urbaines et architecturales participe aussi de notre manière de vivre ensemble et est donc plus que jamais d’actualité.
Parmi ces instruments figure le « 1 % », malheureusement de moins en moins utilisé par les collectivités. L’article 26 bis du projet de loi vise à améliorer le fonctionnement de ce dispositif. C’est essentiel artistiquement et économiquement pour les arts visuels, les plasticiens. Je regrette que cet article ait été supprimé en commission par la majorité sénatoriale. Le signal envoyé n’est pas favorable à la stimulation et à la défense de la création. C’est pourquoi le groupe socialiste du Sénat soutiendra avec vigueur son rétablissement.
Dans la perspective d’une meilleure qualité architecturale, outre l’article 26 portant sur la labellisation des immeubles présentant un intérêt architectural, je tiens à saluer l’avancée que constitue le « permis de faire » à l’article 26 undecies. Devant l’uniformisation du cadre bâti, le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats pour la réalisation d’équipements publics ouvre un champ des possibles que les professionnels de l’aménagement et du cadre de vie attendaient depuis longtemps.
Pouvoir déroger à certaines normes applicables à la construction est une innovation majeure qui aura un impact visible et évident sur l’environnement urbain ainsi que sur la physionomie de nos édifices publics. À terme, cette expérimentation sera également de nature à simplifier les normes, en éliminant celles qui paraîtront superflues.
Par-delà ce projet de loi, je crois que le recours à l’expérimentation et la validation par l’expérience sont des démarches très intéressantes pour innover et assurer aux acteurs, qu’ils soient publics ou privés, une certaine liberté pour atteindre l’objectif fixé. Le développement de l’expérimentation devrait selon moi s’intégrer au renouveau de nos politiques publiques.
Enfin, j’espère que cette responsabilité collective et cet engagement politique en faveur des arts et de la culture, que j’appelle de mes vœux, se manifesteront au cours de nos débats. En première lecture, nous étions souvent parvenus à un point d’accord, à un compromis, à une position équilibrée, ce qui a favorisé l’émergence d’avancées notables, à l’image de l’article 26 quater sur le recours aux professionnels de l’aménagement et du cadre de vie pour les demandes de permis d’aménagement des lotissements. Je tiens, à ce moment de mon propos, à remercier les deux rapporteurs et la présidente de la commission, qui y ont contribué.
En deuxième lecture, je souhaite que nous continuions dans cette voie et que nous nous retrouvions le plus souvent possible autour des valeurs et de l’intérêt général. La culture, que nous invoquons si souvent face aux tribulations de notre monde, doit occuper une place majeure dans notre société. Elle a besoin de celles et ceux qui y croient, qui défendent les libertés et notre vivre-ensemble, et ce plus que jamais. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons donc pour la deuxième lecture de la loi qui marquera le quinquennat dans le domaine de la culture.
D’abord, ce texte poursuit l’objectif politique de l’émancipation de tous par la culture et le décline dans ses différents volets : création, architecture et patrimoine.
Ensuite, le travail parlementaire que nous avons réalisé sur ce texte a permis de l’améliorer, de le préciser et de rapprocher les points de vue sur la très grande majorité des sujets. Le doublement du nombre d’articles au cours de la navette est le reflet de ce travail, dont nous pouvons être collectivement fiers. C’est aussi cette recherche de compromis qui conduit aux grandes lois !
Pour ce qui concerne le patrimoine, il s’agissait de redonner un élan à la conservation, la mise en valeur et la protection du patrimoine auquel nos concitoyens sont très attachés.
Le défi était de parvenir à simplifier les procédures et à rendre plus lisibles les dispositifs, tout en conservant un haut niveau de protection.
Nous pouvons dire que nous avons relevé ce défi. Depuis la première lecture, nous avons avancé sur de nombreux points, notamment parce que l’Assemblée nationale a validé les dispositions que nous avions adoptées au Sénat.
En particulier, l’extension des compétences et le renforcement des facultés de proposition confortent le poids de la Commission nationale et des commissions locales du patrimoine et de l’architecture.
Un périmètre intelligent pourra être déterminé pour les abords des monuments historiques.
Les sites patrimoniaux remarquables – sites ou espaces, nous en débattrons ultérieurement – pourront bénéficier d’un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine, ou PVAP, au lieu du simple PLU à volet patrimonial initialement prévu.
Les collectivités territoriales seront associées plus étroitement à l’État dans l’élaboration des documents d’urbanisme, mais aussi dans le plan de gestion et dans la délimitation de la zone tampon pour le patrimoine mondial.
La place des communes sera valorisée dans la définition et la mise en valeur de leur patrimoine.
Plus largement, via l’architecte des Bâtiments de France, l’ABF, la participation, le contrôle et l’accompagnement de l’État seront renforcés au sein des sites patrimoniaux remarquables.
Reste, bien sûr, le point épineux de l’archéologie préventive, sur lequel nous avons, madame la rapporteur, chers collègues de la majorité sénatoriale, quelques difficultés à nous entendre.
Je crois tout de même utile de rappeler que la politique publique de l’archéologie préventive en France a d’abord été une archéologie de sauvetage, née de la prise de conscience des destructions irrémédiables causées par les grands travaux de la reconstruction d’après-guerre.
L’INRAP et l’archéologie préventive systématique sont l’aboutissement de la nécessité avérée de concilier les exigences de la recherche et de la conservation du patrimoine avec les besoins du développement économique et social.
Nul ne peut nier que cette politique a été efficace, tant du point de vue de l’organisation du secteur que de celui des résultats scientifiques remarquables qui ont été obtenus. On sait combien l’archéologie favorise l’accès à un savoir individuel et collectif fondé scientifiquement au lieu de l’histoire fantasmée qui nourrit les tensions, les peurs et les manipulations.
Pour autant, sous le poids des critiques concernant généralement les délais et les coûts d’intervention, bien souvent imputables au côté scientifique des opérations, la loi de 2003 a ouvert le domaine des fouilles au secteur privé et accordé la maîtrise d’ouvrage aux aménageurs, sans mesurer les conséquences en termes de concurrence.
C’est pourquoi, dans le seul but de maintenir une politique publique efficace de l’archéologie, nous devons rétablir un équilibre, pacifier des relations tendues et gommer les dysfonctionnements provoqués par cette loi et mis en évidence, notre collègue Mireille Jouve l’a rappelé, dans le livre blanc de l’archéologie préventive de mars 2013 et dans le rapport de la députée Martine Faure de mai 2015.
Pour cela, il n’est pas question, comme nous l’entendons trop souvent, de privilégier les uns au détriment des autres, mais, au contraire, de rassembler tous les acteurs de l’archéologie en permettant à l’État de contrôler la qualité scientifique et d’éviter tout dumping.
Vous l’avez dit à plusieurs reprises, madame la rapporteur, vous êtes disposée au compromis. Le groupe socialiste et républicain sera attentif à ce que vous proposerez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous remercier pour la tonalité de cette discussion générale, dans laquelle chacun a fait preuve d’écoute, de volonté de compromis, de celle d’avancer dans le cadre de la séance publique, voire, à défaut, de la commission mixte paritaire.
Je reviendrai ensuite sur quelques-uns des points sectoriels qui ont été évoqués, sans prétendre à l’exhaustivité tant la discussion a été riche.
En ce qui concerne la conception générale de la politique publique en matière culturelle, je ne pense pas, partageant en cela l’opinion du sénateur David Assouline, qu’il faille opposer l’intervention des pouvoirs publics et la vitalité ou la créativité du secteur culturel. Je crois au contraire que l’encadrement par la loi, la réglementation et parfois la régulation qui existent en France ont largement fait leurs preuves au vu de la situation de notre pays et de celle des autres pays européens, pour rester dans des domaines comparables.
Les accords que j’ai signalés dans mon propos liminaire me semblent illustrer parfaitement la complémentarité et la dynamique entre l’intervention du législateur, parfois du pouvoir réglementaire, des autorités de régulation, et les forces « spontanées » du marché. Toutefois, nous savons bien que ces forces du marché, si on les laisse fonctionner seules, sans cet accompagnement, ne produisent pas de diversité. Or la diversité est la richesse même de notre création.
Sur la copie privée et le stockage dans le nuage, je me réjouis de la volonté qui a été exprimée de trouver un compromis. Nous pourrons, je crois, y parvenir, car nous partageons la même préoccupation, qui est de permettre des avancées dans le cadre de l’évolution des technologies, tout en étant suffisamment prudents pour ne pas déstabiliser les forces qui sont à l’origine du financement de la création.
Sans doute des compromis doivent-ils également être réalisés de notre côté en matière de transparence, vos demandes me semblant tout à fait légitimes.
Pour ce qui est des quotas de diffusion des chansons francophones à la radio, je récuse l’argument selon lequel notre dispositif serait moins protecteur de la francophonie que celui de votre commission. Le texte issu de la commission reprend une partie du dispositif en limitant la rotation des mêmes titres pour satisfaire aux quotas, mais ouvre des possibilités de modulation de cet objectif bien plus fortes. Nous proposons que les quotas soient effectifs et que la modulation ne puisse s’obtenir que dans le cadre d’engagements pris en faveur de la diversité de façon quantifiée, mesurée et transparente.
S’agissant du patrimoine, sujet qui va nous occuper largement, je souhaite préciser que le texte de l’Assemblée nationale ouvre des perspectives de compromis. Je me réjouis notamment que vous ayez déjà trouvé des positions communes sur la propriété publique des vestiges. Pour autant, je ne crois pas que l’on puisse qualifier le bilan de la loi de 2003 d’aussi positif que le fait dans son rapport, qui vient d’être cité, Mme Martine Faure.
En matière d’archéologie, je tiens à souligner que le projet de loi permet, sur l’initiative du Gouvernement, une avancée majeure en transformant l’agrément commun aux collectivités territoriales et aux opérateurs privés valable uniquement pendant cinq ans en une habilitation spécifique. C’est une mesure de simplification pour les collectivités territoriales.
S’agissant du crédit d’impôt recherche, la position du Gouvernement a toujours été sans ambiguïté : nous avons demandé à disposer d’éléments de contrôle et d’informations sur la mise en place du CIR, pour lesquels mes collègues en charge des finances et de la recherche se mobilisent actuellement.
Au sujet de l’architecture, je me réjouis des propos qui ont été prononcés sur le rôle des architectes dans notre société.
À propos du regret qui a été exprimé concernant la disparition de la disposition relative au délai en cas de recours à l’architecte, je souhaite vous indiquer qu’un appel à manifestation d’intérêt auprès des collectivités locales vient d’être publié pour expérimenter une proposition en ce sens avec une collectivité volontaire.
En ce qui concerne la pratique amateur, il me faut réaffirmer devant vous l’objectif qui est le nôtre : il s’agit de sécuriser la possibilité de développer des pratiques amateurs qui sont forces de diversité et de démocratisation de la culture, mais sans ouvrir la brèche à une dissimulation de travail illégal. Des inquiétudes se sont fait jour sur certains termes de la rédaction que nous avions proposée. Aussi vous présenterai-je un amendement visant à lever toute ambiguïté en conservant l’équilibre général du dispositif initial.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous indiquer à titre principal.
Un dernier mot : le plan relatif aux scènes de musiques actuelles, mis en œuvre depuis 2012, vient d’être abondé de 2 millions d’euros pour 2016, afin de développer plus encore ces scènes, sans oublier le crédit d’impôt à venir, qui va également favoriser l’émergence de nouveaux talents.
Sur tous ces sujets, je me réjouis des mots d’équilibre et de compromis qui ont été prononcés. Ils nous permettront très certainement d’avancer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la liberté de création artistique
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 1er bis
La diffusion de la création artistique est libre. Elle s’exerce dans le respect des principes encadrant la liberté d’expression et conformément à la première partie du code de la propriété intellectuelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, sur l’article.
Mme Françoise Laborde. Il est important de reconnaître et de réaffirmer la liberté de diffusion de la création artistique, car c’est à l’occasion de la diffusion des œuvres auprès du public, et non lors de leur création dans l’ombre des ateliers, qu’elles sont attaquées. Cette disposition vise à rappeler aux élus locaux, qui se trouvent souvent assez dépourvus devant des demandes d’annulation d’exposition ou de spectacle, que les collectivités publiques doivent veiller à la diffusion de la création artistique. Il nous faut certes proclamer la liberté de diffusion, mais, en parallèle, il convient d’engager des actions concrètes de politique culturelle sur les plans national et local pour diffuser ces œuvres au public le plus large possible.
Jean Vilar a montré qu’une réflexion sur ce qui se situe autour de l’offre théâtrale proprement dite, qu’il s’agisse des espaces d’accueil, de l’information ou des services, permet de cibler les publics peu coutumiers de ce type de pratiques culturelles. Il faut encourager les nombreuses initiatives locales qui s’en inspirent.
À l’échelon des territoires, il nous faut soutenir les acteurs intermédiaires – éducation populaire, associations, amateurs – et les partenariats avec les institutions qui assurent un meilleur maillage culturel dans les espaces ruraux. À ce titre, je salue le nouveau cadre législatif de la politique de labellisation, qui permet de soutenir des réseaux, comme les centres culturels de rencontre, qui œuvrent dans les milieux ruraux pour organiser des événements culturels ou accueillir en résidence des artistes.
Je soutiens également les dispositions qui encouragent les pratiques amateurs, lesquelles constituent un axe de travail concret pour élargir les publics des institutions culturelles. À nous, législateur, de veiller toutefois à ce que la sécurisation des pratiques amateurs n’engendre pas de concurrence avec les pratiques artistiques professionnelles.
Je suis donc convaincue que les dispositions portées par le volet création du projet de loi favoriseront la création artistique, leur diffusion, mais aussi l’accès à la culture dans les territoires, et contribueront ainsi à élargir les publics.
Je me réjouis donc de cette deuxième lecture.
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mme S. Robert, M. Assouline, Mmes Blondin et Monier, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 431-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d’entraver la liberté de création artistique ou la liberté de la diffusion de la création artistique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « aux alinéas précédents ».
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. « Le domaine de la création artistique, parce qu’il est le fruit de l’imaginaire du créateur, est soumis à un régime de liberté renforcé afin de ne pas investir le juge d’un pouvoir de censure qui s’exercerait au nom d’une morale nécessairement subjective de nature à interdire des modes d’expression, souvent minoritaires, mais qui sont aussi le reflet d’une société vivante et qui ont leur place dans une démocratie. »
En une seule phrase, les juges de la cour d’appel de Versailles ont apporté, dans leur arrêt du 18 février dernier, une réponse claire, nette et sans ambiguïté au débat qui nous anime cet après-midi.
De ces quelques lignes, il ressort que la création artistique doit être protégée des velléités de censure, de plus en plus nombreuses, d’acteurs ou de collectifs divers.
Quand ils parviennent à leurs fins, comme ce fut encore le cas récemment, cette infime minorité prive alors une large majorité d’avoir accès à une œuvre, en s’attaquant aux fondements mêmes de la création et de la diffusion artistiques. Nous ne pouvons céder sur ce point, à moins de concéder implicitement qu’il existerait un art moralement acceptable et un art moralement répréhensible. Les juges de vertu sont d’un autre temps, et le seul art condamnable est celui qui ne respecte pas la loi.
Ainsi, dès lors que la spécificité de la liberté de la création est établie, et s’il est nécessaire d’y adjoindre un « régime de liberté renforcé », comme le font observer les magistrats de la cour d’appel de Versailles, il faut que celui-ci passe non seulement par la reconnaissance de la singularité de la liberté de création et de diffusion artistiques, mais aussi par la normativité de ces principes essentiels à l’existence, au développement et au rayonnement des arts et de la culture dans notre pays.
C’est pourquoi, pour conférer une normativité à ces principes, nous proposons de créer une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création et de diffusion artistiques, analogue à celle qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.
J’ajouterai que, par syllogisme, il serait incohérent de convenir du caractère particulier et même unique de la liberté de création et de diffusion, comme nous venons de le faire, et de vouloir les assimiler, pénalement, à la liberté d’expression. Ces libertés sont bien distinctes et méritent donc une caractérisation pénale en cas d’entrave.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Nous avons déjà discuté de ce thème lors de la première lecture, et les avis n’ont pas changé depuis.
Cet amendement, dont je comprends l’objectif, vise à prévoir une sanction pénale en cas de non-respect de la liberté de création artistique et de la liberté de la diffusion de la création artistique.
La sanction prévue s’inspire du premier alinéa de l’article 431-1 du code pénal, qui concerne notamment les entraves à la liberté d’expression. Toutefois, le parallélisme s’arrête là, car l’article 431-1 prévoit que l’entrave à la liberté d’expression doit être caractérisée par une double condition : une concertation et des menaces. Cette double condition n’est pas reprise dans l’amendement n° 24, ce qui crée, me semble-t-il, un risque juridique important, en particulier s’agissant de la proportionnalité de la peine et du respect de la cohérence de notre droit pénal.
Je suggère donc aux auteurs de cet amendement de retravailler sa rédaction, mais, en l’état, l’avis est défavorable, au nom du droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je partage avec vous, chère Sylvie Robert, le souci de garantir le plus fermement possible la liberté de création et de diffusion. Les sanctions pénales que vous proposez vont dans ce sens.
En la matière, le plus grand risque qui nous menace est celui de l’autocensure, qui découle d’atteintes à la liberté non sanctionnées.
J’entends les arguments du rapporteur sur la caractérisation insuffisante du délit qui serait ici sanctionné. Il me semble toutefois nécessaire de prévoir un dispositif de sanction différent de celui qui prévaut pour la liberté d’expression, afin d’être cohérents avec les dispositions qui ont été adoptées à l’article 1er.
La rédaction de cet amendement mérite peut-être d’être retravaillée. Je me dois cependant, me semble-t-il, d’y être favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 24.
M. David Assouline. Cet article 1er bis est issu d’un amendement que nous avions proposé, que l’Assemblée nationale avait partiellement supprimé et que M. Leleux a accepté de rétablir.
L’amendement présenté par Mme Robert n’entre pas en contradiction avec le cadre de cet article. Le rapporteur souhaiterait une rédaction plus précise, mais il me semble qu’elle l’est déjà.
Nous sommes, au Sénat, d’accord sur le fond du sujet.
Le seul enjeu de cette discussion est de savoir si les grands principes, dans un domaine où il peut être parfois suffisant de les affirmer, ont été appliqués.
En cas d’atteinte caractérisée et concertée à la diffusion d’une œuvre, dont nous connaissons de multiples exemples aujourd’hui, le tribunal a-t-il pu, en s’appuyant sur ces grands principes, prononcer de réelles sanctions ? Aujourd’hui, la réponse est négative !
Certes, nous ne devons pas légiférer en détail sur tous les sujets. Mais, parfois, le faire fait la force du législateur qui veut être utile et concret. Dans le climat social actuel, de tels faits vont se reproduire, sans doute de façon exponentielle. Les gens qui, par intolérance, veulent interdire par la violence ou la dissuasion une représentation doivent savoir, non seulement qu’ils violent des principes énoncés dans la loi, mais aussi qu’ils seront sanctionnés pénalement.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’inscrire ce dispositif dans la loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 2
L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que leurs établissements publics définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels des personnes énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005, une politique en faveur de la création artistique construite en concertation avec les acteurs de la création artistique.
Cette politique poursuit les objectifs suivants :
1° Soutenir l’existence et le développement de la création artistique sur l’ensemble du territoire, en particulier la création d’œuvres d’expression originale française et la programmation d’œuvres d’auteurs vivants, et encourager l’émergence, le développement et le renouvellement des talents et de leurs modes d’expression ;
1° bis A Favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la création artistique ;
1° bis Garantir la diversité de la création et des expressions culturelles, en mobilisant notamment le service public des arts, de la culture et de l’audiovisuel ;
1° ter Garantir la liberté de diffusion artistique en développant l’ensemble des moyens qui y concourent ;
2° Favoriser la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d’expression artistique ;
3° Favoriser, notamment au travers des initiatives territoriales, les activités de création artistique pratiquées en amateur, sources de développement personnel et de lien social ;
4° Garantir, dans le respect de l’équité territoriale, l’égal accès des citoyens à la création artistique et favoriser l’accès du public le plus large aux œuvres de la création, dans une perspective d’émancipation individuelle et collective, et mettre en valeur ces œuvres dans l’espace public par des dispositifs de soutien adaptés, dans le respect des droits des auteurs et des artistes ;
4° bis A Favoriser le dynamisme de la création artistique sur les plans local, national et international, ainsi que le rayonnement de la France à l’étranger ;
4° bis Mettre en œuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d’éducation artistique et culturelle permettant l’épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l’égalité d’accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en œuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle mentionné à l’article L. 121-6 du code de l’éducation et en favorisant l’implication des artistes dans le cadre de leur activité professionnelle ;
4° ter Favoriser une politique de mise en accessibilité des œuvres en direction du public en situation de handicap et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives et indépendantes visant à favoriser l’accès à la culture et aux arts pour les personnes en situation de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle ;
4° quater Favoriser l’accès à la culture dans le monde du travail ;
5° Soutenir les artistes, les auteurs, les professionnels, les personnes morales et les établissements de droit public ou de droit privé, bénéficiant ou non d’un label, qui interviennent dans les domaines de la création, de la production, de la diffusion, de l’enseignement artistique et de la recherche, de l’éducation artistique et culturelle, de l’éducation populaire et de la sensibilisation des publics et, à cet effet, s’assurer, dans l’octroi de subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs ;
5° bis A Garantir la transparence dans l’octroi des subventions publiques à des personnes morales publiques et privées intervenant en faveur de la création artistique et une évaluation régulière et partagée des actions menées ;
5° bis Contribuer au développement et au soutien des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires et indépendants, les acteurs de la diversité culturelle et de l’égalité des territoires ;
5° ter (Supprimé)
6° Encourager les actions de mécénat des particuliers et des entreprises en faveur de la création artistique et favoriser le développement des actions des fondations reconnues d’utilité publique qui accompagnent la création ;
7° Promouvoir la circulation des œuvres sur tous les territoires, la mobilité des artistes et des auteurs ainsi que la diversité des expressions culturelles, et favoriser les échanges et les interactions entre les cultures, notamment par la coopération artistique internationale ;
7° bis (Supprimé)
8° Contribuer à la formation initiale et continue des professionnels de la création artistique, à la mise en place de dispositifs de reconversion professionnelle adaptés aux métiers artistiques ainsi qu’à des actions visant à la transmission des savoirs et savoir-faire au sein des et entre les générations ;
9° Contribuer au développement et à la pérennisation de l’emploi, de l’activité professionnelle et des entreprises des secteurs artistiques, au soutien à l’insertion professionnelle et à la lutte contre la précarité des auteurs et des artistes ;
9° bis A Participer à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art ;
9° bis Favoriser une juste rémunération des créateurs et un partage équitable de la valeur, notamment par la promotion du droit d’auteur et des droits voisins aux niveaux européen et international ;
10° Entretenir et favoriser le dialogue et la concertation entre l’État, l’ensemble des collectivités publiques concernées, les organisations professionnelles, le secteur associatif, les acteurs du mécénat et l’ensemble des structures culturelles et leurs publics ;
11° et 12° (Supprimés)
Dans l’exercice de leurs compétences, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que leurs établissements publics veillent au respect de la liberté de programmation artistique.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. La rédaction de cet article 2, qui fixe les objectifs de la politique en faveur de la création artistique, est l’une de celles qui nous ont apporté le moins de satisfaction. La liste des objectifs est tellement longue et confuse que toute idée de priorité et de vision pour la création en est quasi exclue. C’est une liste à la Prévert, qui vise à satisfaire toutes les catégories sans en oublier une seule.
Compte tenu des avancées obtenues à l’Assemblée nationale, qui a maintenu les références introduites par le Sénat en matière de soutien au mécénat et sur la nécessité d’assurer la transparence dans l’attribution des subventions, je n’ai pas souhaité poursuivre les échanges sur ces dispositions de l’article 2, afin de favoriser le rapprochement des points de vue entre nos deux assemblées. Nous avons presque le même texte désormais, et toute nouvelle modification risquerait d’accentuer nos divergences avec les députés et de rendre tout rapprochement plus complexe.
Il demeure donc un différend avec l’Assemblée nationale concernant la caractérisation de cette politique en faveur de la création – de nombreux orateurs ont évoqué ce point dans la discussion générale.
Dans le texte du projet de loi initial, cette politique n’était pas caractérisée. C’est l’Assemblée nationale qui a voulu la qualifier de politique de « service public », au cours d’un débat qui a donné un tour quelque peu idéologique à cet ajout.
Le Sénat a supprimé cette mention qui lui a semblé à la fois inutile et réductrice. J’observe même une certaine contradiction à faire, dans le même article, référence à une politique de service public et à encourager le mécénat des particuliers et des entreprises.
Loin de moi toutefois l’idée de remettre en cause la responsabilité des collectivités publiques et de l’État dans la mise en œuvre d’une politique publique en faveur de la création artistique. Mais nous estimons réducteur de vouloir la limiter au service public, qui n’a ni le monopole des initiatives artistiques ni celui de leur financement.
Compte tenu des avancées obtenues à l’Assemblée nationale, qui a maintenu les références introduites par le Sénat, je propose donc de ne pas modifier cet article, qui fait désormais peu ou prou consensus entre les deux chambres.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l’article.
M. Patrick Abate. Vous comprendrez, monsieur le rapporteur, que nous ne partagions pas votre analyse.
L’article 2 a fait l’objet d’une navette intéressante, un peu complexe au demeurant. On peut parler d’inventaire à la Prévert, c’est vrai, mais, justement, caractériser la politique en faveur de la création artistique par cette ambition de service public nous semble, d’une part, fondamental et, d’autre part, nullement exclusif de partenariats, mécénats ou autres sources de création et de diffusion.
Cet article nous semble presque acceptable en l’état. Nous proposerons simplement trois amendements : le premier vise à affirmer la dimension de service public ; le deuxième s’attache à faire valoir le rôle des comités d’entreprise dans une politique culturelle ; le dernier tend à faire valoir l’importance de l’aide à la recherche.
Nous espérons que ces amendements, qui ne viennent pas contredire l’esprit du texte, feront l’objet d’une discussion attentive.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 74 et 156 sont identiques.
L’amendement n° 74 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 156 est présenté par Mme Laborde, M. Mézard, Mme Jouve, MM. Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier, Vall et Amiel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après le mot :
politique
insérer les mots :
de service public
La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l’amendement n° 74.
M. Patrick Abate. M. Leleux a argué que le terme de service public était trop restrictif et qu’il excluait de fait les mécènes et les entreprises. C’est parfois le cas, en effet.
Il me semble toutefois qu’une confusion s’opère sur l’enjeu de cet article 2. Ce dernier détermine bien les missions que l’État et les collectivités territoriales doivent remplir en matière culturelle et artistique, en vue du développement de ce secteur.
De fait, cette rédaction exclut nécessairement du champ strict de l’article les acteurs cités par M. Leleux. Il ne s’agit pas de considérer que les mécènes et les entreprises n’ont pas leur place dans le développement de la culture, mais que la puissance publique est chef de file de la lutte pour la démocratisation de la culture et des arts. Cela ne gêne personne de parler du service public des transports, alors même que de nombreux acteurs privés opèrent dans le monde du transport.
Il n’a jamais été aussi nécessaire d’inscrire la liberté de création artistique dans le champ des services publics, et donc de ses principes fondateurs. La situation difficile que vivent actuellement les créateurs et le public nous oblige à réaffirmer cette revendication avec force. Les créateurs sont malheureusement souvent empêchés de jouir de leur liberté d’activité. Des pans entiers de la société n’ont ni les moyens, ni les clés de compréhension, ni la capacité physique et financière d’accéder aux arts et à la culture.
Selon nous, il est du rôle de l’État et des collectivités d’assurer à tous un accès à la création, dans tous ses champs et à toutes ses étapes. Il est tout aussi essentiel de l’instituer en tant qu’activité d’intérêt général contrôlée par une personne publique, c'est-à-dire en tant que service public.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 156.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement est identique au précédent, mais je voudrais insister sur quelques points.
Il a pour objet de rétablir la notion de politique de service public en faveur de la création artistique, supprimé par la commission de la culture du Sénat. Au cœur de cette notion réside la question de l’accès de tous à la culture, la création artistique ou l’éducation artistique et culturelle, quels que soient le lieu de résidence ou les revenus de nos concitoyens.
En effet, la politique de l’État et des collectivités territoriales en faveur de la création artistique est une politique de service public, y compris lorsqu’il s’agit pour l’État et les collectivités d’encourager les actions du privé en faveur de la création.
Mme la présidente. Les amendements nos 25 et 187 sont identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 187 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
en faveur de la création artistique construite en concertation avec les acteurs de la création artistique
par les mots :
de service public en faveur de la création artistique
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 25.
M. David Assouline. J’ai écouté l’argumentation de M. Leleux en préambule à la discussion de l’article 2. Il y a parfois entre nous des incompréhensions qui se répètent, malgré nos échanges…
Il est inutile de surjouer les postures classiques d’une droite qui s’oppose au « tout public » et voit ses adversaires de gauche comme des étatistes voulant mettre la culture en coupe réglée. Dans ce domaine, il faut beaucoup de liberté et d’émulation créatrices. L’État ne peut pas tout et, parfois, il vaut mieux qu’il ne s’en mêle pas.
Toutefois, la tendance est plutôt au désengagement de l’État et des collectivités territoriales, parce que les financements se raréfient.
L’article 2 ne traite pas en général du financement de la création, mais précise les missions de l’État et des collectivités. Vous savez bien, monsieur le rapporteur, qu’une mission de service public peut être exercée par d’autres acteurs que la fonction publique. Ainsi, dans le milieu créatif, ce sont souvent des associations qui remplissent ces missions de service public.
N’engageons donc pas de faux débats. Certaines missions de service public doivent être réaffirmées en tant que telles. C’est une nécessité collective. Il ne s’agit pas aujourd’hui de brider le sponsoring ou d’autres sources de financement. Mais il ne faut pas pour autant que les collectivités ou l’État se désengagent au motif qu’il y aurait suffisamment de fonds privés et de donateurs de bonne volonté.
Je suis d’accord avec vous, monsieur Leleux : la tendance actuelle – enfin pour notre pays, par rapport aux États-Unis ! – est plutôt de considérer le mécénat et le sponsoring comme des sources de financement, mais cela ne doit pas servir d’argument pour un désengagement de l’État et des collectivités.
Nous sommes d’accord sur le fond, mes chers collègues, alors ne nous sentons pas obligés de camper sur nos postures traditionnelles pour trois mots de différence.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 187.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Les termes du débat ont été exposés. La mention de caractère de service public de la politique menée en faveur de la création artistique est en effet nécessaire et fondamentale pour marquer l’action de la puissance publique dans la politique culturelle.
L’inscription législative marquera sans ambiguïté que le soutien à la culture, de même que l’éducation nationale ou d’autres politiques qui ont été citées, est un service public, dans toutes ses dimensions, toutes ses composantes, sans pour autant avoir pour effet de diminuer le rôle joué par le secteur associatif ou privé, l’idée étant plutôt d’affirmer et de conforter le caractère d’intérêt général des actions de politiques publiques en matière de création artistique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je partage l’avis de David Assouline : ne restons pas cantonnés dans des positions doctrinales historiques opposant la droite et la gauche. Ces clivages conservent toutefois leur importance, et c’est bien à cause d’eux que nous sommes un peu bloqués sur cet article ! (Sourires.)
Dans mon préambule, je n’ai pas caché que j’étais pleinement conscient de l’importance d’une politique publique culturelle en faveur de la création artistique, et je n’ai pas nié l’influence et l’importance des collectivités publiques et de l’État dans le domaine. J’ai simplement dit qu’il s’agissait d’une vision un peu réductrice.
Dans le rapport de la commission, j’avais ouvert une possibilité, en évoquant l’idée de « politiques publiques en faveur de ». L’expression n’est pas exactement identique à celle de « service public », mais elle pourrait peut-être constituer une voie de compromis pour la suite du cheminement législatif du texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait des amendements nos 74 et 156. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Je sollicite également le retrait de l’amendement n° 25 au profit de l’amendement identique n° 187, présenté par le Gouvernement.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Oui, madame la présidente.
J’ai bien compris, monsieur Leleux, que, lorsque vous avez proposé la formulation « politiques publiques », vous cherchiez le rapprochement.
Toutefois, en matière de création et de diffusion d’œuvres, toute politique peut être caractérisée de « publique », puisque nous parlons précisément de représentations ouvertes au public. Cette expression ne recouvre donc pas le sens que nous voulons donner au rôle de l’État et des collectivités, en particulier à travers l’article 2.
Ces amendements identiques seront donc votés ou battus ensemble, mais je note toutefois que le désaccord n’est peut-être pas si irrémédiable dans la perspective de la CMP.
Mme la présidente. Monsieur Abate, l'amendement n° 74 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. J’ai une interrogation sur l’amendement du Gouvernement. Il reprend le terme de « service public », qui nous convient parfaitement, mais il supprime aussi la partie de l’alinéa qui fait référence à la création artistique construite en concertation avec les acteurs de celle-ci. Nous n’en ferons pas un sujet de bataille, mais la suppression de cette possibilité de coconstruction nous semble regrettable.
Ensuite, l’expression de « politiques publiques », même si elle n’est pas identique à celle de « service public », constitue néanmoins une avancée et pourrait représenter une piste pour la CMP.
Nous aurions donc plutôt tendance à maintenir notre amendement, mais nous souhaiterions avoir une explication du Gouvernement, sur son amendement et sur celui de notre collègue David Assouline, puisque ce sont les mêmes. Mais, au pire, les choses pourront en effet être réglées en CMP.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 et 156.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 187.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
(M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
des actions d'éducation artistique et culturelle
insérer les mots :
, de médiation
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Au sein de l’article 2, l’alinéa 11, qui fait partie des nombreux alinéas dont la présence était déplorée par M. le rapporteur, mentionne l’éducation artistique et culturelle. Il fait référence au parcours d’éducation artistique et culturelle qui est inscrit dans le code de l’éducation.
Cependant, l’expression « éducation artistique » devrait couvrir tous les champs et âges de la vie, sans se limiter à l’école. C’est pourquoi nous proposons de compléter cet alinéa par les termes « de médiation ».
En effet, les artistes sont de plus en plus amenés à intervenir auprès des personnes de tous âges, dans des environnements autres que scolaires, comme à l’hôpital, en prison, ou encore dans le champ social.
Il s’agit non pas seulement d’éducation ou d’acquisition d’un savoir, mais plutôt de rencontres d’artistes avec des publics, au cours desquelles l’expérience sensible et la relation sont au premier plan.
De plus, les identités professionnelles – artiste, pédagogue, éducateur ou médiateur – doivent être mises non pas en concurrence, mais en complémentarité.
La démocratisation, nous la poursuivons tous, quels que soient les ministres successifs, depuis Malraux jusqu’à Jack Lang, entre autres, mais elle recule au fur et à mesure que nous nous en approchons…
Je pense que la médiation est utile. Monsieur le rapporteur, j’ajoute non pas un item, mais deux mots dans un item…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Dans la présentation que j’ai faite de l’article 2, j’ai donné la position globale de la commission. J’ai préféré ne pas modifier cet article, en dehors de son premier alinéa, afin de limiter les points de désaccord potentiels avec l’Assemblée nationale et de faciliter les choses en vue de la commission mixte paritaire.
On pourrait toujours ajouter des points à la liste prévue à cet article ! S’il y avait cinq ou dix lectures, on y reviendrait autant de fois… À cet égard, voyez, mes chers collègues, le cheminement du présent texte depuis le début de son examen.
En l’espèce, les actions d’éducation artistique et culturelle constituent nécessairement des actions de médiation avec les œuvres. On peut donc considérer que cet amendement est satisfait non pas totalement, mais partiellement. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Madame la sénatrice, je comprends votre souci d’afficher tous les objectifs et toutes les dimensions de l’action culturelle, mais je souhaiterais, moi aussi, ne pas trop m’éloigner du texte actuel et revenir le plus possible à celui que l’Assemblée nationale a adopté.
Les dispositions du projet de loi relatives à l’éducation artistique et culturelle me semblent suffisamment larges et permettent d’englober l’ensemble des dimensions des actions culturelles. Vous avez évoqué les expériences sensibles, qui sont une autre forme de rencontre que la médiation.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Blandin, l’amendement n° 137 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je vais le retirer, monsieur le président, pour des raisons fonctionnelles liées à la navette… Néanmoins, je souligne que l’alinéa 11 évoque la mise en œuvre d’actions « à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture ». Vous comprenez bien, mes chers collègues, que dire à ces personnes que l’on va les éduquer n’a pas le même effet que de leur parler de médiation avec les œuvres.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 137 est retiré.
L’amendement n° 75, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
par le biais des comités d’entreprise, des comités d’œuvres sociales et des comités d’activités sociales et culturelles quand une de ces structures existe
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Cet amendement vise à faire en sorte que les comités d’entreprise soient partie intégrante de la politique culturelle.
Il serait paradoxal que le premier alinéa du présent article pose le principe d’une coconstruction des politiques publiques – ce point a été maintenu dans le texte –, sans intégrer les comités d’entreprise.
Nous sommes convaincus depuis très longtemps que les comités d’entreprise et les structures proches, qui ont fait preuve d’une réelle ambition en termes de démocratisation de la culture et des arts dans les entreprises, sont des partenaires à part entière.
Le comité d’entreprise est le seul organe paritaire compétent pour développer des plans et des programmes culturels dans le monde du travail.
Il s’agit, par le biais de cet amendement, d’envoyer un message important, qui va dans le sens de la concertation et de la responsabilité partagée entre employeurs et employés.
Le groupe CRC estime essentiel d’ajouter ce point à l’alinéa 13, ce qui ne serait que reconnaître le rôle que remplissent les comités d’entreprise en matière culturelle et artistique depuis des décennies. À cet égard, il suffit de voir la multiplication des voyages culturels, des billets de spectacle ou de cinéma, des chèques destinés à acheter des livres ou des disques que les comités financent ou remboursent.
Souvent, ces actions constituent, pour les salariés, des portes d’entrée dans le monde de la culture, en particulier pour les plus précaires d’entre eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été invoquées tout à l’heure, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. La commission n’a pas souhaité, dans un but de convergence avec l’Assemblée nationale, modifier la liste prévue à cet article. En outre, un amendement similaire a déjà été rejeté en première lecture.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je comprends le souhait d’intéresser les salariés, notamment par le biais des comités d’entreprise, à la politique culturelle menée sur le lieu de travail. L’alinéa que vous souhaitez modifier, monsieur le sénateur, le prévoit déjà de manière globale.
Le fait d’indiquer que favoriser l’accès à la culture dans le monde du travail passe par de telles structures, quand elles existent, peut finalement restreindre le champ de cet accès. En effet, il peut en exister d’autres formes, comme on l’a vu récemment avec le programme « 1 immeuble, 1 œuvre ».
C’est pourquoi je m’en préfère la rédaction actuelle de l’alinéa 13 et donne un avis défavorable sur le présent amendement.
M. le président. Monsieur Abate, l’amendement n° 75 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Il ne s’agit pas de restreindre l’activité culturelle à ce que le comité d’entreprise pourrait imaginer. Effectivement, il existe d’autres sources. Nous proposons de faire en sorte que ces structures soient parties prenantes.
Je comprends l’éloignement qui résulterait de l’adoption de cet amendement par rapport au texte de l’Assemblée nationale et le risque que cela entraîne, mais c’est une importante question de principe qui a déjà été évoquée, en première lecture, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Par conséquent, je ne retire pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Sur le fond, le groupe socialiste et républicain est favorable à cet amendement. Il fut un temps où les comités d’entreprise étaient des passerelles très importantes entre les entreprises, le monde du travail et le monde culturel dans sa globalité. Leur redonner du sens et faire de nouveau en sorte qu’ils puissent être des vecteurs de médiation et de relation entre les salariés et les arts me semble constituer, plus que jamais, une voie à développer.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. On nous reproche d’inscrire trop de mesures dans la loi, et il est vrai que certaines ne sont pas utiles, en particulier quand les choses se font déjà… En l’espèce, les comités d’entreprise réalisent beaucoup d’actions en faveur de la culture, et chacun en est conscient. On peut évidemment faire figurer cette précision dans la loi, au nom des principes, comme vous le disiez, mon cher collègue, mais cela me paraît superfétatoire.
Cela mérite d’être dit : on a parfois l’impression de perdre du temps pour rien !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vais évidemment soutenir cet amendement.
Il s’agit non pas seulement de préciser un point, mais surtout de réaffirmer le rôle que les comités d’entreprise jouent pour la démocratisation de l’accès à la culture.
Je pense en particulier à l’accès des femmes à la culture. Bien souvent, elles sont confrontées à des vies extrêmement trépidantes, posant la question de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale. On sait que le développement du temps partiel subi que l’on connaît aujourd’hui laisse peu de temps à l’accès à la culture.
Ensuite, ne pas adopter cet amendement serait ignorer le rôle joué par les comités d’entreprise dans l’économie, y compris pour l’emploi qualifié. J’en connais un particulièrement bien, celui d’EDF-GDF, comme on l’appelait encore il y a quelques années.
M. le président. L’amendement n° 76, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Favoriser et soutenir le développement de la recherche dans le domaine artistique et culturel en matière de production et de diffusion des œuvres ;
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Il est assez difficile de définir la recherche en art et en culture. Toutefois, comme nous le verrons lorsque nous débattrons de l’article 17, il nous semble que cette recherche est déjà bien présente et bornée.
Selon l’alinéa 9 de l’article 17, les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques « conduisent des activités de recherche en art, en assurent la valorisation et participent à la politique nationale de recherche ».
Cette ambition vis-à-vis de la recherche en art a déjà progressé et nous proposons, par le biais de cet amendement, de la réaffirmer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, j’émets un avis défavorable, afin de ne pas déstructurer l’ensemble de l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Monsieur le sénateur, vous proposez d’ajouter, au nombre des objectifs de la politique publique en faveur de la culture, le développement de la recherche en art en matière de production et de diffusion des œuvres.
Cet objectif rejoint une politique importante menée par le ministère de la culture, la recherche en art étant effectuée par les artistes.
À cet égard, le débat sur la spécificité des écoles d’art a été esquissé lors de la discussion générale. La recherche en art se distingue de la recherche universitaire et, bien souvent, les écoles d’art en ont été à l’avant-garde.
Aujourd’hui, les artistes inventent de nouveaux langages, de manière souvent transdisciplinaire et en interaction avec d’autres domaines de recherche, que ce soit les sciences humaines ou les nouvelles technologies. C’est pourquoi la préoccupation que vous exprimez est importante. Sans supports de production, canaux de diffusion ou mise en contact de l’œuvre avec le public, la recherche ne trouve pas son aboutissement.
Je souscris donc à votre proposition de favoriser et de soutenir le développement de la recherche dans le domaine artistique et culturel en matière de production et de diffusion des œuvres et d’accompagner les artistes dans ce champ, encore nouveau à bien des égards.
Il faut aussi que ces travaux soient visibles pour le grand public, et j’ai le plaisir de vous annoncer que nous lancerons cet automne une « nuit de la radio sur la recherche en art » pour valoriser les travaux des artistes, des écoles d’art et des laboratoires universitaires et pour mieux faire comprendre à nos concitoyens ce qu’est la recherche en matière artistique.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Cet amendement de nos amis communistes va dans le bon sens. Aujourd’hui, avec les innovations technologiques et la place qu’elles prennent dans la création artistique, la recherche en art est sensiblement plus importante que par le passé et, si nous connaissons des retards en la matière, nous risquons de perdre en créativité.
Ce travail particulier doit aussi être mis en valeur, lorsqu’on réfléchit à la manière d’amener les jeunes vers la culture et la création artistique, notamment dans les quartiers les plus défavorisés. Nous sommes en effet dans une situation particulière, où des formes d’accès à l’art deviennent de plus en plus éloignées des jeunes.
L’un des accès les plus importants à l’art pour la nouvelle génération viendra de l’appropriation par le numérique et les nouvelles technologies. Une recherche spécifique doit être faite dans ce sens. Cela recouvre d’ailleurs des réflexions et des propositions plus globales.
La jeunesse regorge de créativité, que l’on ne connaît pas encore. Les potentialités sont gigantesques.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Dans toute production intellectuelle, la recherche est absolument essentielle, si l’on souhaite que la France continue d’avoir une créativité et une attractivité très fortes.
En raison du croisement de nombreuses disciplines entre elles, de nouveaux langages artistiques apparaissent et se développent, et pas seulement dans le secteur numérique.
Les jeunes générations sont en train d’inventer un nouveau vocabulaire. À cette fin, elles ont besoin d’aide en matière de recherche.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 3
Le ministre chargé de la culture peut attribuer des labels aux structures, aux personnes morales de droit public ou de droit privé ou aux services en régie d’une collectivité territoriale qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques.
Cet intérêt s’apprécie au regard d’un cahier des missions et des charges, qui fixe des objectifs de développement et de renouvellement artistique, de coopération entre établissements, d’engagement au service de la diversité artistique, de démocratisation culturelle par des actions de médiation, dont celles concernant l’éducation artistique et culturelle, de traitement équitable des territoires, d’éducation artistique et culturelle ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.
Le dirigeant d’une structure labellisée est choisi à l’issue d’un appel à candidatures validé par l’instance de gouvernance de la structure, associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l’État. Ceux-ci veillent à ce que les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. La nomination du dirigeant est validée par l’instance de gouvernance de la structure et, lorsque l’État est le principal financeur, fait l’objet d’un agrément du ministre chargé de la culture.
Un décret en Conseil d’État fixe la liste des labels et définit les modalités de mise en œuvre du présent article, notamment les conditions d’attribution et, le cas échéant, de suspension ou de retrait du label qui ne peuvent intervenir qu’après consultation des collectivités territoriales concernées, et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée, qui doivent respecter les principes de transparence et d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux responsabilités.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 188, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le ministre chargé de la culture peut également conventionner dans la durée, après avis des collectivités territoriales concernées, avec des structures du spectacle vivant ou des arts plastiques, personnes morales de droit public ou de droit privé, auxquelles il garantit la liberté de création artistique. Ce conventionnement concerne les structures qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique et le développement de la participation à la vie culturelle.
II. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
Cet
par les mots :
Dans le cadre de l’attribution d’un label ou d’un conventionnement, l'
III. – Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer les mots :
, lorsque l'État est le principal financeur,
IV. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, de renouvellement des générations et de diversité
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. L’article 3 est d’une importance majeure, car il pose, pour la première fois, un cadre législatif clair à la politique publique menée en soutien des organismes de la création artistique.
Le présent amendement vise à la fois à fixer un cadre de soutien pour les structures non labellisées et à affirmer les éléments de politique publique nationale au soutien des structures labellisées.
Les points I et II reprennent la proposition faite par Mmes les sénatrices Blandin et Bouchoux et les membres du groupe écologiste par le biais de leur amendement, et visent à inscrire le principe du conventionnement durable, en lien avec les collectivités territoriales, pour les structures qui ne bénéficient pas d’un label.
En effet, la politique nationale de soutien en direction de ces organismes de création, de production et de diffusion ne se réduit pas à la politique de labellisation ; il est important d’en souligner les différentes modalités possibles. C’est ce qui a permis à l’État de soutenir près de cent vingt scènes conventionnées, en partenariat avec les collectivités territoriales.
Les points III et IV de l’amendement tendent à sécuriser les axes majeurs de la politique nationale conduite, depuis plus de cinquante ans, en faveur des structures labellisées.
Le point III a pour objet de rétablir le principe d’un agrément de l’État pour ce qui concerne la désignation des dirigeants.
L’agrément du ministre chargé de la culture doit, à mon sens, non pas être lié au degré de financement par l’État de la structure, mais être un point d’aboutissement du processus de labellisation mené en concertation avec les collectivités territoriales.
Il incarne la reconnaissance, par l’État, du projet artistique et culturel de la structure labellisée, de référence nationale, soutenu par son dirigeant.
Le point IV vise à rétablir l’obligation de favoriser le renouvellement des générations et la diversité, pour que la création soit réellement le reflet de la diversité de notre société, domaine dans lequel nous avons des progrès à faire.
Je rappelle, s’il en est besoin, qu’il existe aujourd’hui près de trois cents structures labellisées, qui constituent un réseau de référence nationale, tout en étant pleinement ancrées dans les territoires et en développant un travail remarquable en direction des publics concernés.
Dans le contexte que nous connaissons – la création artistique fait l’objet d’attaques, cela a été dit –, la sécurisation juridique de cette politique publique nationale majeure est une nécessité.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’adopter cet amendement, ce qui stabilisera le solide maillage d’institutions qui remplissent leurs missions sur l’ensemble du pays. Elles ont permis l’émergence de plusieurs générations d’artistes de talent, dont la renommée dépasse largement nos frontières, et travaillent en permanence à la démocratisation au profit de tous les publics.
M. le président. L’amendement n° 136, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le ministre chargé de la culture peut également conventionner dans la durée, après avis des collectivités territoriales concernées, avec des structures du spectacle vivant ou des arts plastiques, personnes morales de droit public ou de droit privé, auxquelles il garantit la liberté de création artistique. Ce conventionnement concerne les structures qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique et le développement de la participation à la vie culturelle.
II. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
Cet
par les mots :
Dans le cadre de l’attribution d’un label ou d’un conventionnement, l’
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le texte initial du Gouvernement prévoyait que, vis-à-vis des structures culturelles, le ministère scelle son soutien et ses exigences par le biais des seuls labels. Une telle disposition donne visibilité et sécurité aux lieux de création et de diffusion.
L’un de nos amendements retenus par la commission visait d’ailleurs à ajouter qu’un dialogue s’instaurerait avec les collectivités en cas d’éventuel retrait de label.
L’amendement n° 136 tend à ajouter un moyen de soutien, qui peut être plus léger, éphémère ou ciblé : le simple conventionnement, sans label.
La grande diversité des initiatives pour un projet qui relève de l’intérêt général ou l’émergence de nouvelles pratiques qui ne s’inscrivent pas toujours dans les guichets traditionnels appellent une souplesse, mais aussi des signaux positifs de l’État, dans le cadre d’un bon dialogue avec les collectivités.
Cette possibilité, si elle était retenue, éviterait une curieuse hiérarchie : d’une part, la noblesse du label décerné par l’État, d’autre part, le repli sur le seul soutien local par conventionnement.
De plus, cela montrerait un ministère attentif aux pépites, qui fleurissent dans le foisonnement artistique et culturel. L’amendement que vient de présenter Mme la ministre montre que le message a été entendu…
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
concourent à
par le mot :
assurent
2° Troisième phrase
Supprimer les mots :
, lorsque l’État est le principal financeur,
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à modifier l’article 3 sur deux points, qui paraissent problématiques.
Le premier concerne, une nouvelle fois, la question de l’égalité entre les sexes.
Alors que le constat, que nous avons évoqué lors de l’examen de l’un de nos précédents amendements, montre clairement la sous-représentation des femmes dans le domaine de la culture et des arts, le problème nous semble trop sérieux pour se permettre de ne fixer, en matière de gouvernance, qu’une obligation de bonne volonté.
Ainsi, l’usage du verbe « concourir » laisserait penser qu’on impose uniquement aux structures de faire des efforts minimes en vue de rechercher une juste représentation des femmes dans les instances de gouvernance.
Nous proposons d’y substituer le verbe « assurer », ce qui impliquerait une obligation de résultat en la matière. Pour ce faire, l’instauration de « tickets paritaires » pourrait être une bonne solution, comme cela peut exister dans certaines structures culturelles ou entreprises.
Je veux vous citer un exemple : plus d’une trentaine de théâtres ont lancé, voilà plus de trois ans, les saisons « Égalité femmes-hommes » – je préfère cet ordre-là… Il s’agit de travailler sur des propositions visant à lutter contre les discriminations sexuelles dans le théâtre.
Le second point que je souhaite aborder concerne la question de l’agrément de la nomination d’un dirigeant de structure qui s’ajoute à la labellisation.
Le texte qui nous est soumis prévoit que cet agrément n’est possible que si l’État est le principal financeur de la structure. Cela ne nous paraît pas opportun, dans la mesure où on risquerait de se retrouver dans une situation où l’État s’engagerait, au moins symboliquement, à soutenir des structures en les labellisant, sans qu’il puisse, ensuite, assurer un contrôle des actions menées.
Or il semble essentiel que l’État puisse s’assurer que le dirigeant réponde au mandat qui lui a été confié par la structure labellisée, dont les missions ont permis une reconnaissance par l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. La commission ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 188, qui tend finalement à rétablir un droit de veto de l’État sur les nominations des structures labellisées, y compris lorsque les collectivités territoriales en sont les principaux financeurs. À ce stade, ce point nous choque.
Il vise aussi à rétablir la notion de diversité dans les nominations, notion qui, à notre sens, n’est pas assez définie.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 136, le Sénat avait été favorable, en première lecture, à cette démarche de conventionnement qui n’a toutefois pas été retenue par l’Assemblée nationale.
Dans son amendement n° 188, le Gouvernement propose, aux paragraphes I et II, de réinsérer une telle démarche. Il y a donc une jonction partielle entre ces deux amendements.
Par cohérence avec le choix du Sénat en première lecture et compte tenu du fait que cette disposition fait aujourd’hui l’objet d’un accord, la commission est favorable à l’amendement n° 136.
Enfin, l’amendement n° 78 vise à durcir l’application du principe de parité lors des nominations des dirigeants des structures labellisées, ce qui ne semble pas opportun du fait de du caractère décentralisé de ces dernières, qui exclut un pilotage centralisé des nominations.
Par ailleurs, cet amendement a pour objet le rétablissement du droit de veto par l’État sur l’ensemble des nominations.
La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 136 et 78 ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Pour ce qui concerne l’amendement n° 136, comme j’ai défendu tout à l’heure ce point, je souscris, madame Blandin, à votre proposition d’inscrire le principe du conventionnement durable, en lien avec les collectivités territoriales, pour les structures qui ne bénéficient pas de label.
Il me semble que l’amendement du Gouvernement répond à votre proposition, mais, dans le cas où il serait rejeté, je serai favorable au vôtre.
Quant à l’amendement n° 78, il comporte deux points distincts.
Je l’ai dit, je suis favorable au premier, qui consiste à restaurer l’agrément du ministre chargé de la culture pour toutes les structures labellisées.
Pour ce qui concerne le second point, je comprends, madame Prunaud, votre proposition d’instaurer une obligation de présélection paritaire pour les nominations des dirigeants des structures labellisées.
Comme l’ensemble du Gouvernement, je suis très attachée au respect de la parité, qui est un objectif général d’ores et déjà inscrit dans la circulaire de 2010 qui régit les structures labellisées.
Ce principe préside également à la procédure de sélection des dirigeants ; des dispositions seront précisées par décret en Conseil d’État sur les différents types de labels.
L’objectif de parité est-il suffisamment garanti par ces dispositions, sans qu’il soit besoin de le renforcer ? Je n’en suis pas sûre. Je m’interroge en effet sur un point.
Malheureusement, nous sommes très souvent confrontés à l’insuffisance de candidatures féminines. Nous essayons de rechercher des candidates féminines, mais pas toujours avec succès. Des appels à proposition pourraient donc être infructueux, parce que non paritaires.
Cette interrogation me conduit à m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur votre amendement, et s’il n’était pas adopté, je tiendrais compte de votre préoccupation dans le cadre des décrets d’application.
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Après les mots :
démocratisation culturelle
insérer les mots :
, d’égal accès entre les femmes et les hommes aux domaines culturel et artistique
2° Remplacer les mots :
et des auteurs
par les mots :
, des auteurs et des techniciens
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Il nous semble essentiel d’ajouter deux nouveaux éléments dans le cahier des missions et des charges élaboré par les structures culturelles et artistiques sollicitant de l’État une labellisation.
Cette dernière, gage de qualité et d’intérêt d’un projet, devrait en premier lieu faire de l’égalité entre les sexes dans le domaine de la culture et des arts une priorité absolue – nous y revenons !
On le voit bien, la question de la parité est aujourd’hui insuffisamment traitée. Le Laboratoire de l’égalité, l’UNESCO, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, pour ne citer qu’eux, font un constat inquiétant, pour ne pas dire alarmant : moins de 30 % des musées nationaux sont dirigés par des femmes ; les œuvres de ces dernières représentent à peine un quart de celles qui sont exposées ; à peine 35 % des intervenants à la télévision sont en fait des intervenantes ; en 2013-2014, seuls 3 % des concerts programmés dans les théâtres et opéras français étaient dirigés par des femmes ; enfin, on compte une femme pour cinq hommes travaillant dans le domaine du cinéma. Ces remarques rejoignent, madame la ministre, celles que vous venez de nous présenter.
Ces chiffres donnent le vertige. Ils démontrent à quel point est long et difficile le chemin qui reste à parcourir pour que le monde de la culture et des arts soit à la pointe de la lutte contre les discriminations sexuelles. Inscrire l’égalité entre les sexes dans le cahier des missions et des charges des structures labellisées ne revient donc pas à durcir un texte législatif, mais peut permettre de mener cette bataille essentielle.
Par ailleurs, nous proposons que la prise en compte des actions en matière de professionnalisation des structures souhaitant la labellisation englobe l’ensemble des acteurs de la création artistique et culturelle, y compris les techniciens. En effet, alors que le texte actuel se limite à évoquer les artistes et les auteurs, il omet de mentionner les techniciens, qui sont pourtant les « petites mains de l’ombre » nécessaires à la création. Sans éclairagistes, sans monteurs son, par exemple, il est impossible de créer.
Ainsi, il semble normal que l’on juge l’intérêt et la justesse d’un projet artistique et culturel à l’aune des efforts réalisés pour professionnaliser les artistes, mais aussi ces techniciens sans qui rien ne serait possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Le respect du principe de parité, objectif auquel nous souscrivons, figure en bonne place dans l’ensemble du projet de loi. Il est mentionné aux alinéas 3 et 4 de l’article 3.
Nous n’estimons pas nécessaire de l’inscrire une nouvelle fois à l’alinéa 2, alors qu’une telle mention pourrait, à cet alinéa, entrer en contradiction avec le respect du principe de la liberté de création.
Les auteurs de l’amendement prévoient également de faire référence aux techniciens, ce qui ne semble pas non plus très opportun.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Madame la sénatrice, votre amendement vise un double objectif.
Sur le premier point, le principe d’égal accès des femmes et des hommes à la tête des institutions culturelles, il me semble que vous trouvez satisfaction à l’alinéa 4 de l’article 3, qui fixe, parmi les conditions, le respect des principes de transparence et d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités. Cette exigence permettra, dans le cahier des charges de chaque type de label, de favoriser la parité dans l’accès aux programmations et aux moyens de production. Votre attente me paraît donc sur ce point satisfaite.
Pour ce qui concerne le second point, vous souhaitez étendre l’objectif de professionnalisation des structures labellisées aux techniciens de la création artistique, alors que le texte actuel ne vise effectivement que les artistes et les auteurs.
Je comprends là aussi votre souhait, mais je tiens à rappeler que la politique des labels est avant tout une politique en faveur des artistes et de la création artistique. La logique d’élargissement de l’objectif de professionnalisation supposerait d’ajouter l’ensemble des personnels qui concourent à la création, notamment les personnels administratifs.
Je crois que nous ne devons pas nous disperser sur cette question et ne pas éloigner les établissements labellisés de leur mission en faveur de la professionnalisation des artistes.
Dans le même esprit, j’ai souhaité mobiliser des moyens nouveaux en 2016 en faveur de l’indépendance artistique et de l’association entre des artistes et des établissements culturels, en modernisant la circulaire relative aux résidences d’artistes, afin de favoriser, par exemple, les résidences d’artistes associés sur la longue durée, ainsi que les résidences de jeunes créateurs.
Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
, qui
par les mots :
ainsi que les modalités de renouvellement des labels et de création de nouveaux labels, en élargissant leurs champs disciplinaires. Ils
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Nous n’avions pas pu présenter cet amendement en première lecture, puisqu’un amendement de réécriture globale de l’article 3 avait été adopté.
Cela étant, le présent projet de loi reconnaît, par exemple, le marionnettiste comme artiste. Il conviendra désormais de reconnaître son travail au même titre que celui des autres artistes, et la politique de labellisation va y participer.
En premier lieu, notre amendement a pour objet de favoriser l’émergence de nouveaux labels et de nouveaux champs de labellisation.
En second lieu, l’étude d’impact fait apparaître la portée insuffisante des textes réglementaires encadrant l’attribution des labels pour un véritable contrôle par les pouvoirs publics des conditions de labellisation. Il semble donc nécessaire de mieux encadrer ce processus et de prévoir que le pouvoir réglementaire fixera, notamment, les conditions de renouvellement et de création des labels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent que l’article 3 prévoie également les modalités de création de nouveaux labels.
Une telle précision n’est pas inutile, mais nous pensons peu pertinent de prévoir a priori qu’il conviendra d’élargir leurs champs disciplinaires, comme je l’ai dit ce matin lors de la réunion de la commission. Si cette extension ne doit pas être exclue et doit rester libre, elle ne saurait constituer un objectif en soi, puisque cela pourrait revenir in fine à réduire inévitablement les moyens pour les champs d’activité les plus légitimes au bénéfice des nouveaux champs qu’il deviendrait ainsi obligatoire de consacrer.
J’invite donc Mme Robert à rectifier son amendement en supprimant les mots « en élargissant leurs champs disciplinaires ». À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je soutiens totalement l’objectif de renouvellement des labels et de création de nouveaux labels que vous défendez, madame la sénatrice. Cette volonté est compréhensible au regard de l’évolution des pratiques, de l’émergence de nouvelles esthétiques, ainsi que de ces champs que les artistes, souvent précurseurs, nous invitent à défricher et qui sont parfois issus du croisement nouveau de certaines disciplines.
C’est d’ailleurs ainsi que nous entendions travailler sur le nouveau décret d’application, puisque ce dernier, élaboré en concertation, fait référence à une liste de labels qui pourrait évoluer dans le temps.
Ce sujet peut être pris en compte au niveau réglementaire. L’affirmer au plan législatif serait un atout supplémentaire et je m’en remets à la sagesse de votre assemblée sur ce point.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Si l’on s’en remet à ce qu’ont dit Sylvie Robert et Mme la ministre, on peut considérer que la création de nouveaux labels comprend la notion d’élargissement des champs disciplinaires. Si tel est bien l’intention exprimée par M. le rapporteur dans sa demande de rectification, je n’y vois pas d’objection à titre personnel – ma collègue dira ce qu’elle en pense.
Sur le fond, nous ne voulons pas considérer que les labellisations interviennent dans un cadre fermé, comme a semblé le suggérer M. le rapporteur – auquel cas, les marionnettistes eux-mêmes n’auraient pas pu être reconnus. De nouvelles disciplines doivent pouvoir être labellisées. M. le rapporteur a semblé dire qu’il fallait conserver un cadre fermé, sinon les moyens risquaient d’être réduits pour les disciplines artistiques déjà labellisées. Je suis en désaccord avec cette approche.
Malgré ces divergences d’appréciation, nous pouvons considérer que la rédaction rectifiée de cet amendement permet l’élargissement des champs disciplinaires.
M. le président. Madame Robert, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?
Mme Sylvie Robert. Pour prolonger le débat, le rapporteur a considéré que la notion d’élargissement des champs disciplinaires complétait la création de nouveaux labels. Dans notre esprit, il s’agissait simplement de préciser ce que pouvait recouvrir la création de nouveaux labels, c’est-à-dire l’ouverture à de nouvelles esthétiques, comme l’a expliqué Mme la ministre.
J’accepte la rectification suggérée par M. le rapporteur, à partir du moment où nous sommes tous d’accord sur le fait que la création de nouveaux labels prend en compte les nouvelles esthétiques dans un esprit d’ouverture – le décret futur y fera référence. Les nouveaux labels ne se substitueront pas aux labels actuels, mais ils accompagneront l’évolution de la création vers les esthétiques de demain.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
, qui
par les mots :
ainsi que les modalités de renouvellement des labels et de création de nouveaux labels. Ils
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Puisque cela m’a été demandé, je précise qu’il n’était pas dans mon intention d’empêcher l’élargissement des champs disciplinaires. Pour moi, cette notion est couverte par la possibilité de créer de nouveaux labels. C’est une évidence et si Mme la ministre confirme ce point de vue, supprimons la mention « en élargissant leurs champs disciplinaires » qui est superfétatoire.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Les explications qui viennent d’être données me conviennent. Je précise cependant que je n’aurais pas voté en faveur de cet amendement dans sa rédaction initiale. Bien sûr, j’aurais voté une rédaction faisant référence à de « nouvelles esthétiques » ou à des labels « élargis » ou « actualisés ».
En effet, la mention « en élargissant leurs champs disciplinaires » correspond tout à fait à une situation réelle, celle d’une direction régionale des affaires culturelles qui fait pression sur une scène nationale pour qu’elle « avale » la scène musicale « musiques actuelles » et la dissolve. On peut lire cette rédaction de manière paranoïaque en y voyant un encouragement à la concentration. Certes, telle n’était pas l’intention des auteurs de l’amendement, mais je voterai de bon cœur cet amendement, maintenant qu’il a été rectifié. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de mettre en place un dispositif permettant à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de consacrer 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l’espace public.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à rétablir l’article qui prévoyait la remise d’un rapport sur la mise en place d’un éventuel dispositif de taxation de 1 % sur les travaux publics de l’État et des collectivités locales dans l’espace public, pour financer des projets artistiques.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le « 1 % artistique » est de moins en moins utilisé par les collectivités territoriales. Ce rapport devrait évaluer les possibilités de financer mieux plus de projets et permettre aux artistes de développer leur création.
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’état de l’application du dispositif de décoration des constructions publiques, sur les difficultés rencontrées par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics à l’origine de l’opération immobilière dans la mise en application du dispositif et sur l’opportunité de le rendre contraignant.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Cet amendement vise également à demander un rapport, mais pas dans le même esprit.
Tout comme en première lecture, mon groupe considère qu’il n’est pas pertinent d’ouvrir les conditions du « 1 % artistique » en étendant son assiette à l’ensemble des travaux publics et, surtout, en incluant le spectacle vivant parmi ses destinataires.
S’agissant de l’extension de ce prélèvement à l’ensemble des travaux publics, quid de l’accompagnement financier, dans une période où les collectivités locales rencontrent les difficultés que l’on connaît ? Certes, on pourrait trouver intéressant d’élargir ainsi l’« assiette ».
Dans le même temps, on augmenterait le nombre des bénéficiaires. C’est là qu’apparaît l’idée de l’ouverture au spectacle vivant qui, à notre sens, reviendrait à asséner un coup mortel aux artistes plasticiens, déjà suffisamment touchés par la précarité.
Nous sommes un certain nombre, dans cet hémicycle, à être élus locaux, maires et nous savons donc quelle va être la tentation des élus. Par manque de moyens, ou par facilité, parfois – il faut le reconnaître ! –, ils vont accompagner leurs inaugurations par des spectacles vivants en lieu et place de ce qui aurait dû être une œuvre artistique. Prendre un tel risque nous semble donc mériter réflexion, car l’ouverture au spectacle vivant, par définition ponctuel, peut conduire, à notre sens, à la disparition des œuvres exposées de manière pérenne dans l’espace public, par commodité, comme je l’ai expliqué.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons pas souscrire à ces orientations.
Cela dit, il nous semble primordial de travailler aujourd’hui sur la question du « 1 % artistique », dispositif essentiel de la diffusion de la culture et des arts. De nombreuses collectivités locales ne respectent pas, aujourd’hui, leurs obligations et il nous paraît important qu’un rapport soit établi, mais sur la situation actuelle, sur les difficultés actuelles rencontrées dans la mise en place de ce dispositif avant de se préoccuper de son élargissement au « goudron », comme on dit pour simplifier, et au spectacle vivant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. La commission de la culture et son rapporteur ne sont pas sectaires. Cependant, comme vous le savez, il y a deux choses que le Sénat n’aime pas : la multiplication des demandes de rapports au Gouvernement et l’insertion de l’adverbe « notamment » dans le texte des articles, qui introduit un flou.
Ces deux amendements visent à obtenir du Gouvernement un rapport sur la création d’un dispositif « 1 % travaux publics » au bénéfice de projets artistiques et culturels dans l’espace public et des arts de la rue.
La commission a supprimé cette disposition qui ne lui paraît pas opportune. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Pour ce qui concerne l’amendement n° 27, même si je comprends la préoccupation exprimée par M. le rapporteur de ne pas multiplier les rapports remis au Parlement, l’espace public est devenu depuis plusieurs années un lieu intéressant et déterminant pour l’accès à la culture comme pour la revitalisation du lien social. L’institution d’une telle mesure pourrait concerner des opérations tout à fait justifiées. C’est dans cet esprit que le ministère de la culture avait lancé la Mission nationale pour l’art et la culture dans l’espace public, dont les réflexions rejoignent cette approche.
C’est pourquoi je suis, en l’espèce, favorable à l’élaboration d’un rapport qui permettra le débat avec la représentation nationale sur les moyens de mettre à profit l’expérience du « 1 % » sur les constructions publiques et d’envisager, éventuellement, d’autres voies pour développer la présence artistique et les projets culturels dans l’espace public.
Cette démarche doit-elle passer par un objectif chiffré, dont je sais qu’il suscite les interrogations de nombreuses collectivités territoriales ? Rien n’est moins sûr. C’est la raison pour laquelle j’estime que ce rapport nous permettra de mieux nous déterminer.
J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 27.
En revanche, pour ce qui concerne l’amendement n° 79, l’avis du Gouvernement est défavorable. En effet, ses auteurs proposent l’élaboration d’un rapport sur l’application du « 1 % artistique » actuel, pour lequel les informations existent et sont déjà largement diffusées. Ainsi, dans les Chiffres clés du ministère de la culture et de la communication – une publication annuelle – figurent les éléments relatifs à l’exécution du « 1 % artistique ». Ces données sont également restituées dans les réponses aux questions écrites que les parlementaires veulent bien poser au Gouvernement. La communication et la pédagogie constituent des outils importants pour inciter à la réalisation de ces projets.
J’ajoute, enfin, que le ministère pilote, depuis 2014, les Journées du 1 % artistique, organisées en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu’avec le ministère de l’agriculture. Cette opération mobilise chaque année des centaines d’établissements d’enseignement en France et contribue à rappeler tout l’intérêt que présente ce dispositif pour le soutien à la création dans le champ des arts plastiques.
M. le président. En conséquence, l’article 3 bis demeure supprimé.
Chapitre II
Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 4 B
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences qu’il entend tirer de la concertation sur l’amélioration de la transparence dans les relations entre auteurs et éditeurs du secteur du livre, initiée en 2015 entre les organisations représentatives de ces acteurs.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. M. le rapporteur nous répète souvent la même motivation, mais j’aimerais qu’il en change, en l’espèce.
Certes, le Sénat n’est pas favorable à la multiplication des rapports. J’ai personnellement combattu cette tendance du Parlement lorsque je présidais la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois qui a existé pendant trois ans dans cette assemblée, et a été bien utile. À ce titre, je suis souvent intervenu pour rappeler qu’il fallait éviter de demander un rapport chaque fois que l’on voulait échapper à l’application de l’article 40 de la Constitution.
J’ajoute que, lorsque nous contrôlions l’application effective de ces dispositions, nous constations que ces rapports n’étaient produits que très rarement. D’ailleurs, si ces rapports devaient vraiment être rédigés, les administrations ne feraient plus que cela !
Je suis donc tout à fait d’accord avec M. Leleux lorsqu’il explique qu’il ne faut pas en abuser.
Cependant, dans le cas qui nous occupe, le rapport que nous demandons a une utilité - certains rapports peuvent être utiles ! Nous souhaitons par conséquent rétablir l’article 4 B. En effet, un accord a été conclu entre le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains sur le contrat d’édition à l’heure du numérique qui a été concrétisé par une ordonnance du 12 novembre 2014.
Ce rapport nous permettrait d’apprécier la mise en œuvre des dispositions de l’ordonnance et de l’arrêté d’extension, ainsi que les résultats de la suite du dialogue entamé depuis l’automne 2015 entre les organisations représentatives des éditeurs et des titulaires des droits d’auteur.
Beaucoup de sujets restent à régler pour procéder au partage des rémunérations dans le secteur du livre numérique et pour garantir la transparence : fréquence de la reddition des comptes, organisme gérant le compte d’exploitation, modalités de l’information de l’auteur, conditions de l’encadrement des provisions sur retour, champ de compétence du médiateur du livre.
Pour que ce chantier avance, nous avons besoin d’évaluer les mesures déjà prises et leurs effets. Très souvent, dans les domaines touchés par une révolution technologique et par de nombreuses modifications, un rapport nous aide à bien légiférer et à mieux réglementer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Vous avez admis, mon cher collègue, que les assemblées devaient faire un effort pour essayer d’alléger la loi, afin qu’elle ne soit pas aussi bavarde que nous pouvons le constater depuis quelques années.
Madame la ministre, j’ai bien écouté votre intervention lors de la discussion générale. Vous avez été parfaite ! Vous avez dit, presque textuellement, que la loi devait présenter un cadre et qu’il fallait laisser les organisations professionnelles s’insérer dans ce cadre. Je souscris totalement à vos propos.
En l’espèce, il s’agit de demander au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport concernant le bilan des négociations en cours entre auteurs et éditeurs. Selon les dernières informations que nous détenons, ces négociations avancent bien : des points de blocage existent, comme dans toute négociation, mais il faut laisser les choses évoluer.
Malgré une rédaction allégée par rapport à celle qui a été introduite en première lecture par l’Assemblée nationale, cet amendement demeure une demande de rapport, procédé auquel la commission est un peu rétive.
Sans méconnaître l’intérêt de dresser un tel bilan, il convient de rappeler que de multiples moyens sont d’ores et déjà à la disposition du Parlement pour qu’il soit informé par le Gouvernement : questionnaires budgétaires, questions écrites ou orales, auditions constituent autant de solutions. A contrario, les rapports, trop fréquemment demandés dans les textes de loi, sont rarement remis au Parlement ou avec un tel retard que leur utilité devient incertaine – vous n’y êtes pour rien, madame la ministre, puisque vous venez de prendre vos fonctions !
Il n’y a pas d’opposition entre nous sur le fond. Nous savons que les négociations interprofessionnelles se déroulent. Je préfère donc que nous évitions de demander au Gouvernement un rapport sur ce sujet. Je propose en revanche à Mme la présidente de la commission de la culture de procéder prochainement à des auditions des auteurs et des éditeurs pour savoir où ils en sont. Enfin, madame la ministre, vous pouvez vous engager devant le Parlement à rendre ce rapport, sans qu’il soit besoin de l’inscrire dans la loi.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je voudrais revenir sur les propos que j’ai tenus sur l’articulation entre la négociation professionnelle, le législateur et le pouvoir exécutif. En fait, mesdames, messieurs les sénateurs, les professionnels vous aiment tant qu’ils apprécient que vous fixiez les grands cadres et les objectifs des politiques publiques et qu’ils en négocient les modalités, mais ils aiment aussi qu’il vous soit rendu compte de l’aboutissement de ces négociations.
En l’espèce, les organisations professionnelles sont demandeuses de cette visibilité offerte à la représentation nationale sur l’avancée des négociations. C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable, si la représentation nationale le souhaite, à ce que le Gouvernement soit invité à produire un tel rapport. Cette solution me semble cohérente avec la méthode à laquelle nous adhérons tous – définition de grands objectifs, négociation et reddition des comptes –, afin que la représentation nationale puisse aussi peser sur la négociation professionnelle et l’aiguillonner.
J’émets donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il est très rare que les parlementaires demandent un rapport, que le Gouvernement veuille remettre ce rapport et rendre compte, mais que le rapporteur s’y oppose !
Monsieur le rapporteur, nous sommes bien d’accord pour reconnaître qu’il faut éviter la multiplication des rapports – pour ma part, il ne s’agit pas de pures déclarations, je l’ai prouvé concrètement en étant l’un des sénateurs les plus en pointe dans la lutte contre le foisonnement des rapports jamais remis, contre les lois bavardes, etc.
En l’espèce, il s’agit d’une démarche concrète, demandée par les professionnels, qui ont besoin de la visibilité conférée par la loi. On ne parle pas beaucoup du livre; or il ne s’agit pas seulement du problème du Gouvernement ou de quelques spécialistes. Les professionnels veulent que les efforts qu’ils ont consentis et les problèmes qui restent à régler soient reconnus par la loi. Il est important pour eux que les représentants du peuple s’emparent de ces questions.
Bien sûr, nous pouvons organiser des auditions, travailler dans le cadre des commissions, mais la portée symbolique n’est pas la même. Si la loi dispose que le Gouvernement doit rendre un rapport, cela signifie que, à un moment, défini par la loi, notre assemblée est interpellée et se penche sur la problématique de ce secteur.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je trouve très curieux que, depuis quelque temps, les demandes de rapport au Parlement se multiplient. Le cas s’est présenté déjà à l’occasion de l’examen plusieurs textes.
En ce qui me concerne, je m’inscris dans une logique de séparation des pouvoirs. L’exécutif et le législatif doivent, chacun pour sa part, exercer leurs prérogatives. Évidemment, ils peuvent être amenés à collaborer, ou à engager un travail de coconstruction de la loi, comme nous nous y prêtons aujourd’hui.
Nous comprenons tout à fait que les professionnels aient besoin d’une reconnaissance et de ce travail de suivi effectué par le Gouvernement. D’ailleurs, notre débat sur ce texte sera l’occasion de faire écho à leurs demandes et à leurs souhaits.
Faut-il pour autant prévoir un tel rapport dans la loi ? Je ne le pense pas, car tel n’est pas son objet.
En tout cas, sur l’initiative du rapporteur, la commission s’engage bien entendu à suivre ce sujet de manière très précise en vous auditionnant, madame la ministre, une fois que vos services auront fait leur travail de leur côté, et également en entendant les parties prenantes en tant que de besoin.
M. le président. En conséquence, l'article 4 B est rétabli dans cette rédaction.
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 5
Le chapitre II du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes
« Art. L. 212-10. – (Non modifié)
« Art. L. 212-11. – La cession des droits de l’artiste-interprète mentionnés au présent code est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans le contrat conclu avec le producteur de phonogrammes et que le domaine d’exploitation de ces droits soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
« Toute clause qui tend à conférer le droit d’exploiter la prestation de l’artiste-interprète sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de signature est expresse et stipule, au bénéfice des artistes-interprètes dont les contrats prévoient le paiement direct par le producteur d’une rémunération proportionnelle aux recettes de l’exploitation, une participation corrélative auxdites recettes.
« La cession au producteur de phonogrammes de droits de l’artiste-interprète autres que ceux mentionnés au présent code est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention expresse distincte dans le contrat.
« Art. L. 212-12 et L. 212-13. – (Non modifiés)
« Art. L. 212-13-1. (Non modifié) – I. – La mise à disposition d’un phonogramme de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative, dans le cadre des diffusions en flux, fait l’objet d’une garantie de rémunération minimale.
« II. – Les modalités de la garantie de rémunération minimale prévue au I et son niveau sont établis par un accord collectif de travail conclu entre les organisations représentatives des artistes-interprètes et les organisations représentatives des producteurs de phonogrammes.
« Cet accord peut être rendu obligatoire par arrêté du ministre chargé du travail.
« III. – À défaut d’accord collectif dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la garantie de rémunération minimale versée par le producteur aux artistes-interprètes prévue au I est fixée de manière à associer justement les artistes-interprètes à l’exploitation des phonogrammes, par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en outre, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les artistes-interprètes et, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les producteurs de phonogrammes.
« Art. L. 212-14. – (Non modifié) »
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
, au bénéfice des artistes-interprètes dont les contrats prévoient le paiement direct par le producteur d’une rémunération proportionnelle aux recettes de l’exploitation, une participation corrélative auxdites recettes.
par les mots :
une participation corrélative aux profits d’exploitation
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Il est inéquitable de priver ces artistes d’accompagnement d’une possible rémunération pour les exploitations non prévisibles des phonogrammes. Aussi, il serait juste de rémunérer les musiciens dits « secondaires », ces artistes participant, au même titre que l’artiste principal, au succès d’un enregistrement. N’ayant ni la même exposition ni la même notoriété, il convient justement de leur faire profiter du succès de l’exploitation d’une œuvre, et non de les marginaliser et de paupériser encore davantage leur situation.
Nous souhaitons donc rétablir le dispositif prévu par l’Assemblée nationale, auquel le rapporteur ne veut pas souscrire, afin que les artistes secondaires, c’est-à-dire les musiciens accompagnant les artistes-interprètes, puissent se prévaloir du bénéfice de clauses contractuelles prévoyant une rémunération pour exploitation non prévisible des phonogrammes.
J’ai entendu M. le rapporteur dire plusieurs fois qu’on ne pouvait pas les mettre au même niveau que les autres artistes-interprètes, mais tel n’est pas l’objet de notre proposition. Nous souhaitons juste les considérer à leur juste niveau, en reconnaissant leur apport. Notre amendement revient à dire qu’il existe des interprètes secondaires, par exemple les musiciens situés derrière le chanteur, qui ne doivent pas être marginalisés ni paupérisés, car l’interprète principal ne serait rien sans eux. En effet, il serait réduit à être un soliste ou un chanteur a cappella.
Monsieur le rapporteur, je le répète, il s’agit non pas de dire que tous les artistes sont sur le même plan, mais d’aller contre la tendance consistant à considérer que ces artistes secondaires n’existent pas. Eux aussi doivent pouvoir vivre de leur art, car ils sont essentiels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Vous reconnaissez tout de même, mon cher collègue, qu’il s’agit de deux métiers différents; or cet amendement vise à traiter de manière indistincte artistes-interprètes et musiciens d’accompagnement pour ce qui concerne, je le précise, les rémunérations liées aux exploitations non prévisibles ou non prévues d’une œuvre. Le contexte est donc différent de celui que le droit encadre actuellement.
Outre le fait que les deux métiers sont différents, les rémunérations afférentes ne répondent pas aux mêmes règles dans les contrats actuels et dans les conventions collectives. Les musiciens secondaires reçoivent un cachet pour une opération, tandis que les artistes-interprètes bénéficient d’une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation. Le droit actuel prévoit donc deux façons distinctes de rémunérer les artistes, et ce en considération des techniques actuelles de diffusion.
Pour ma part, je ne vois aucune raison pour que cette distinction ne s’applique pas aux rémunérations non prévisibles ou non prévues au contrat. Il n’y a pas lieu, à mon sens, de prévoir une rémunération proportionnelle pour les artistes d’accompagnement dans ces cas en plus des modes de rémunération en cours.
De mon point de vue, votre amendement n’est pas mûr ou, à tout le moins, il n’est pas clair.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement vise à apporter certaines garanties à tous les artistes-interprètes, qu’ils soient principaux ou de second plan, notamment les musiciens, sur les nouvelles formes d’exploitation des œuvres qui pourraient apparaître postérieurement à la conclusion des contrats.
À quoi sert cette rémunération ? Il s’agit de la contrepartie de la possibilité donnée au producteur de s’assurer qu’il détiendra, même si la mention n’est pas explicite dans le contrat initial, les droits sur le phonogramme pour d’autres exploitations.
C’est une garantie offerte aux artistes, mais, en réalité, c’est surtout une sécurité pour le producteur. Il me semble en conséquence que la rémunération doit être calculée pour l’ensemble des artistes concernés, sans opérer de distinction, afin d’assurer à la fois la chaîne des droits la plus complète, la rémunération des artistes et la sécurité du producteur, qui pourra exploiter les œuvres sur l’ensemble des modes d’exploitation, même non initialement prévus.
C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le rapporteur, vous êtes bloqué sur les artistes secondaires, mais vous oubliez que cet amendement, s’il est adopté, sécurisera les producteurs eux-mêmes, y compris sur les exploitations non prévisibles.
Pour moi, cette évolution par rapport à ce qui existe s’effectue selon le principe du donnant-donnant.
Faites un effort pour voir concrètement ce que cette mesure signifie. Un cachet peut suffire, mais si une œuvre rencontre un succès extraordinaire, il n’est pas normal que l’artiste secondaire n’en profite pas et que tout le bénéfice en revienne à l’artiste principal.
Pour tout vous dire, je ne pensais pas qu’il y aurait des clivages aussi importants sur des questions touchant une filière qui réclame ces évolutions. Cette protection est destinée aux moins nantis, et, en même temps, nous assurons aux producteurs un cadre stable et sécurisé.
Aussi, je vous demande de bien vouloir revoir votre position ou, à tout le moins, de faire preuve d’un peu plus de sagesse dans les préconisations que vous adressez à notre assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous soutiendrons cette proposition, qui est vraiment salutaire. Depuis des décennies, ces artistes secondaires, au motif qu’ils ne sont pas sur le devant de la scène, voient leurs droits systématiquement bafoués par des éditeurs phonographiques, vidéos, ou par des personnes qui mettent en ligne sur des plateformes de téléchargement.
On pense toujours à ceux qui sont visibles, qui ont les moyens pour se défendre, mais ces groupes de musiciens, qui sont réunis ponctuellement, ne sont pas conviés à la table des négociations et sont souvent oubliés par les conventions.
Cet amendement tend donc à réparer une injustice.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Dans le cadre du droit conventionnel actuel, il y a deux métiers différents : les artistes-interprètes, qui bénéficient de la rémunération de base au cachet, mais également d’une rémunération proportionnelle ; les artistes de complément, pour lesquels j’ai le plus profond respect, quel que soit l’instrument qu’ils pratiquent, qui sont, eux, rémunérés au cachet, parce qu’on estime qu’ils peuvent cumuler plusieurs prestations donc plusieurs cachets dans une même soirée.
Il ne s’agit donc pas, je le répète, du même métier.
Mon cher collègue, vous souhaitez que, dans le cas d’une exploitation non prévue ou non prévisible, ces artistes secondaires puissent bénéficier, comme les artistes-interprètes, d’une rémunération proportionnelle. Il y aurait alors deux poids, deux mesures entre ce qui se passe actuellement et ce qui se passerait en cas d’exploitation non prévue, puisqu’on resterait sur deux modalités de rémunération différentes, sauf pour les exploitations non prévues ou non prévisibles.
Vraiment, je ne comprends pas cette dichotomie.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Malgré les explications de M. le rapporteur, que j’ai écouté avec attention, je vais me ranger à l’avis de mes collègues qui sont favorables à cet amendement, le RDSE défendant toujours avec conviction les artistes-interprètes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 230 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Mme Françoise Cartron remplace M. Jean-Pierre Caffet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. L'amendement n° 210, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’artiste-interprète cède à un producteur de phonogrammes une créance sur les rémunérations provenant d’exploitations à venir de sa prestation en contrepartie d’une avance consentie par ce dernier, cette cession ne peut porter sur les rémunérations mentionnées aux articles L. 214-1 et L. 311-1. Toute clause contraire est nulle.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le mécanisme des cessions de créances n’est pas contestable en lui-même. En revanche, il le devient, me semble-t-il, car il dévie alors de son objet, lorsqu’il permet à un producteur de se faire verser la part de la rémunération pour copie privée et de la rémunération équitable due aux artistes pour recouper une avance qui leur a été consentie. En effet, celle-ci ne devrait normalement être recoupée et remboursée que sur les seules recettes d’exploitation des phonogrammes, pour les droits qui lui ont été cédés par contrat.
Cet amendement a donc pour objet de conforter la protection que la loi de 1985 a entendu consacrer aux artistes en interdisant les cessions de créances portant sur la rémunération pour copie privée et la rémunération équitable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je me suis opposé à un amendement similaire en première lecture, comme, je le rappelle, l’avaient fait avant moi le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, mais également votre prédécesseur, madame la ministre… (Sourires.)
Les ministres changent et les avis peuvent différer – je ne vous en fais pas le procès –, mais Mme Fleur Pellerin s’était aussi opposée à l’interdiction de la pratique des cessions de créances.
Cette disposition, si elle était adoptée, créerait non seulement des difficultés pour les artistes étrangers, mais conduirait en outre les producteurs à limiter d’autant la pratique des avances – pourtant devenue indispensable pour de nombreux artistes – et à en réduire sensiblement les montants. Cela mettrait en danger l’équilibre financier de l’ensemble du système, alors même que les abus constatés demeurent extrêmement rares.
Je m’interroge enfin sur la constitutionnalité de la mesure proposée au regard du principe d’égalité des citoyens devant la loi. Les cessions de créances sont en effet autorisées, pour les producteurs d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques comme pour les éditeurs.
En l’état, j’émets donc à regret un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 210.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 231 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 80, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette dernière peut s’accompagner d’une rémunération proportionnelle au flux généré par l’écoute et la diffusion du phonogramme.
II. – Alinéa 10
1° Après le mot :
minimale
insérer les mots :
et de la rémunération proportionnelle au flux généré par l’écoute et la diffusion d’un phonogramme
2° Remplacer les mots :
prévue au I et son niveau
par les mots :
prévues au I et leur niveau
III. – Alinéa 12
1° Après le mot :
minimale
insérer les mots :
ainsi que la rémunération proportionnelle au flux généré par l’écoute et la diffusion d’un phonogramme
2° Remplacer les mots :
versée par le producteur aux artistes-interprètes prévu au I est fixée
par les mots :
versées par le producteur aux artistes-interprètes prévues au I sont fixées
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Le présent article, dont nous approuvons l’esprit général, prévoit une garantie de rémunération minimale lorsqu’un phonogramme est mis à disposition du public sur internet.
Avec cet amendement, nous proposons d’améliorer encore le dispositif en prévoyant qu’il est possible d’ajouter à cette garantie de rémunération minimale une rémunération proportionnelle aux écoutes.
Il nous paraît en effet normal d’aller jusqu’au bout de la logique de partage de la valeur créée, dans la mesure où les plateformes peuvent engranger des recettes très importantes, notamment publicitaires, par le biais des connexions à la page.
Il s’agit aussi d’accompagner au maximum les évolutions technologiques du secteur de la musique, tout en promouvant le principe de neutralité technologique. Il semble donc peu pertinent que le principe de redevance s’applique à toutes les exploitations, mais exclue les écoutes sur internet, qui sont évidemment en plein essor.
En adoptant cet amendement, nous ouvririons la possibilité d’une redevance négociée par accord professionnel, comme cela vient de se faire au mois de mars aux États-Unis, où les artistes ont pu récupérer 21 millions de dollars de Spotify.
Cet amendement, s’il était adopté, compléterait utilement le dispositif prévu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par le droit actuel, puisque la rémunération proportionnelle au nombre d’écoutes est déjà en vigueur dans les contrats passés entre artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes.
J’en sollicite donc le retrait, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Les auteurs de cet amendement proposent de préciser que la garantie de rémunération minimale prévue pour les mises à disposition à la demande dans le cas des diffusions en flux peut être accompagnée d’une rémunération proportionnelle à ces mêmes diffusions en flux.
Nous avons prévu de renvoyer la discussion sur l’effectivité de cette garantie à une négociation collective qui vient de commencer en commission mixte paritaire dans le cadre de la branche. Il me semble que c’est une bonne méthode et le bon niveau pour préciser les modalités de cette rémunération éventuelle proportionnelle à la diffusion en flux.
Votre amendement m’apparaissant satisfait par cette méthode, monsieur Laurent, je vous invite à le retirer, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Laurent, l’amendement n° 80 est-il maintenu ?
M. Pierre Laurent. Cet amendement a pour objet non pas de préciser les modalités éventuelles, mais de rendre possible cette rémunération proportionnelle.
Son adoption s’analyserait comme un encouragement à aller dans le sens de la négociation que vous avez évoquée, madame la ministre. Je préfère donc le maintenir.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 6 bis A
(Non modifié)
Après le premier alinéa de l’article 30 de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Il gère un observatoire de l’économie de l’ensemble de la filière musicale. Les actions de cet observatoire sont financées par des contributions versées par des personnes publiques ou privées et conduites sous l’autorité d’un comité d’orientation.
« L’observatoire recueille les informations nécessaires à sa mission auprès des personnes morales de droit public ou de droit privé de l’ensemble de la filière musicale.
« La composition et les modalités de fonctionnement du comité d’orientation ainsi que les catégories d’informations nécessaires sont définies par voie réglementaire. » – (Adopté.)
Article 6 bis
Le chapitre IV du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 214-1 est ainsi modifié :
a) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° À sa communication au public d’un service de radio, au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dès lors que ce service ne diffère des services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre que par son mode de diffusion et à l’exclusion :
« a) des services comportant des fonctions interactives ;
« b) des services dont les programmes sont constitués à la demande d’un ou de plusieurs auditeurs ;
« c) des services dont les programmes sont majoritairement constitués de phonogrammes d’un même artiste, d’un même auteur, d’un même compositeur ou issus d’une même publication phonographique ;
« d) des services dont l’écoute est suggérée à l’ensemble du public ou à une catégorie de public par des systèmes automatisés de recommandations mis en place par les éditeurs des services concernés ;
« e) des services associés à une marque, autre que celle d’une entreprise de communication radiophonique ;
« f) des services destinés à la sonorisation de lieux publics. » ;
b) Au sixième alinéa, la référence : « et 2° » est remplacée par les références : « , 2° et 3° » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 214-3 et L. 214-4, la référence : « et 2° » est remplacée par les références : « , 2° et 3° ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 191, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 10
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° À sa communication au public par un service de radio, au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à l’exclusion des services de radio dont le programme principal est dédié majoritairement à un artiste-interprète.
« Dans tous les autres cas, il incombe aux services de communication au public par voie électronique de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins dans les conditions prévues aux articles L. 212-3, L. 213-1 et L. 213-2. Il en va ainsi des services ayant mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d’influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. L’extension du système de la licence légale aux webradios facilitera leur accès aux catalogues des producteurs de phonogrammes, et permettra donc le développement de ce marché.
Cette extension vise à traiter de la même façon les différents services de radio, qu’ils soient diffusés par la voie hertzienne ou sur internet. Toutefois, nous devons être vigilants pour que soient bien visés des services comparables et non pas différents.
Cette assimilation connaît une limite tenant à l’interactivité que l’on trouve parfois avec certains services, et il ne faudrait pas que l’application de la licence légale soit possible lorsque le service proposé n’est pas comparable, soit parce qu’il permet à l’utilisateur d’influencer le programme en vue d’écouter telle chanson ou telle émission qu’il choisit, soit qu’il s’agisse de services de webradios qui sont consacrés exclusivement à tel ou tel artiste, qu’il faudrait exclure du champ de la licence légale et garder sous le régime des droits exclusifs. De tels services spécialisés constituent en effet une forme de contournement de l’exercice du droit exclusif, puisqu’ils permettent aux internautes d’accéder au moment voulu au répertoire d’un artiste.
À mon sens, il nous faut à la fois avancer vers la neutralité technologique en étendant la licence légale aux webradios comparables aux radios que nous connaissons et prendre les précautions nécessaires pour ne pas détourner cet amendement de sa finalité.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 81 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
, dès lors que ce service ne diffère des services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre que par son mode de diffusion et à l’exclusion :
II. – Alinéas 5 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 30.
M. David Assouline. Notre amendement va dans le même sens. Nous avons tous conscience que la licence légale constitue un régime dérogatoire aux droits d’auteur et aux droits voisins classiques.
Il me semble donc primordial d’assujettir à celle-ci les webradios, afin de permettre aux artistes de percevoir la juste rémunération qui leur est due au titre de l’exploitation de leurs œuvres.
Les artistes-interprètes et les producteurs bénéficient d’une rémunération équitable pour exploitation de leurs œuvres et phonogrammes par les radios, rémunération qui a été étendue aux diffusions par les radios numériques.
L’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.
Dans le texte que notre amendement tend à rétablir, le périmètre de la licence légale n’est étendu qu’aux radios diffusées sur internet en flux continu et aux webradios qui offrent aux internautes la possibilité d’accéder au moment voulu à un enregistrement sans pouvoir choisir leur programmation. Il s’agit donc bien du même usage que celui qui est proposé par les radios hertziennes. Le principe de neutralité technologique des supports est par conséquent parfaitement respecté.
Après avoir entendu les explications de Mme la ministre, qui tendrait plutôt à lever les réticences qu’avait le rapporteur à l’égard de mon amendement, je considère que le Gouvernement avance une solution de compromis susceptible de nous convenir à tous les deux.
Dans ces conditions, je suis prêt à retirer mon amendement si l’amendement du Gouvernement est adopté.
Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
, dès lors que ce service ne diffère des services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre que par son mode de diffusion et à l’exclusion :
II. – Alinéas 5 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Au travers de cet amendement, nous entendons rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’article 6 bis.
Cela profiterait d’abord aux artistes-interprètes, qui, grâce à l’extension du régime de la licence légale à ces radios en ligne, pourraient obtenir une rémunération au titre de l’exploitation de leurs œuvres. Être rémunéré pour son travail est bien la moindre des choses.
Cela profiterait ensuite aux radios numériques elles-mêmes. En effet, si leur chiffre d’affaires, bien inférieur à celui des radios hertziennes, représente aujourd'hui quelques centaines de milliers d’euros seulement par an, leur intégration dans le champ du régime de la licence légale devrait leur permettre d’accéder de manière plus aisée aux catalogues des producteurs, et ce en toute sécurité juridique. C’est donc une véritable chance de développement qui leur est offerte par le biais de ce dispositif, dont l’adoption leur donnerait la possibilité de tirer profit de la révolution numérique et de bénéficier du soutien du secteur musical.
Par ailleurs, le mécanisme même de licence, certes plus contraignant, pourrait se révéler bien plus pérenne que la voie contractuelle usuellement choisie à l’heure actuelle.
Enfin, cette ouverture ne serait qu’une reconnaissance de l’activité de ces radios en ligne, qui seraient placées sur un pied de neutralité technologique avec les radios hertziennes.
J’ajoute que la mesure ne concerne que les radios en ligne, c'est-à-dire les radios qui diffusent de la musique sans que l’utilisateur choisisse ce qui est diffusé. La précision est essentielle pour distinguer ce qui relève de la radio en ligne des services de musique à la demande.
Justice, reconnaissance, aide au développement : l’extension du mécanisme de licence légale à ces radios en ligne est une mesure à la hauteur des enjeux actuels en termes de diffusion de la création.
Malheureusement, la rédaction de l’article issue des travaux de la commission crée de trop nombreuses dérogations, qui, à terme, de notre point de vue, délégitimeront le recours à une licence légale pour ces radios en ligne et affaibliront le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. En première lecture, la commission avait considéré que l’élargissement du régime de la licence légale aux webradios n’était pas assorti de précisions suffisantes. Nous avions alors exprimé notre crainte de voir les webradios se multiplier, le développement de celles-ci n’étant pas, comme celui des radios hertziennes, limité par le nombre de fréquences exploitables. Avec des moyens très réduits, il est possible de constituer en une après-midi plusieurs centaines de webradios.
Il importe donc d’aborder la question de la neutralité technologique avec précaution. Faute de disposer de précisions et d’analyses suffisantes sur ce sujet, nous avions supprimé l’article 6 bis en première lecture.
L’amendement n° 191 du Gouvernement limite désormais l’extension du régime de la licence légale aux web radios à ce que l’on peut appeler le simulcasting, c’est-à-dire aux services qui ne sont pas dédiés à un artiste unique. Le risque est en effet de voir se créer des radios consacrées à un seul artiste, ce qui mettrait en péril toute une chaîne économique, du streaming jusqu’à la vente de CD.
Après analyse, la commission a estimé que d’autres secteurs étaient menacés par une multiplication des webradios. C’est pourquoi nous avons cherché à encadrer davantage le dispositif. Si le Gouvernement a limité l’extension du régime de la licence légale à un certain type de webradios, nous avons pour notre part prévu que seraient exclus du champ des dispositions de l’article les services comportant des fonctions interactives, les services dont les programmes sont constitués à la demande des auditeurs, les services dont l’écoute est suggérée au public par des systèmes automatisés de recommandations mis en place par les éditeurs desdits services, les services dont les programmes sont majoritairement constitués de phonogrammes d’un même artiste ou issus d’une même publication phonographique.
S’il constitue une avancée, l’amendement du Gouvernement devrait, à mon sens, prévoir quelques restrictions supplémentaires : l’extension du régime de la licence légale aux services que je viens d’évoquer présente des risques.
Madame la ministre, j’aimerais que vous puissiez apaiser nos craintes sur ces sujets, voire proposer un encadrement de nature à répondre à nos préoccupations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 30 et 81 ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je comprends parfaitement les préoccupations exprimées par M. le rapporteur, dont nous ont d’ailleurs également fait part des organisations professionnelles à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Peut-être n’ai-je pas été assez claire tout à l’heure, mais je crois que nous avons essayé d’y répondre. Par notre amendement, nous entendons exclure du champ du régime de la licence légale non seulement les services de radio diffusés par internet qui seraient consacrés exclusivement à un artiste, mais aussi les « services ayant mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d’influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication ».
Quant aux services qui, par le biais d’algorithmes ou d’autres fonctionnalités, seraient, en réalité, des services à la demande, ils n’entrent absolument pas dans le champ des services radiophoniques et ne relèvent pas du régime de la licence légale.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je crois que Mme la ministre vient d’apporter des réponses très précises à vos préoccupations, monsieur le rapporteur.
La rédaction proposée au travers de l’amendement du Gouvernement ne se borne pas à exclure du champ du régime de la licence légale les radios en ligne dédiées à un seul artiste –les y inclure constituerait une forme de détournement et nuirait à l’industrie musicale –, mais constitue un dispositif complet, prenant en compte les restrictions souhaitées par la commission. Si vous pensez, monsieur le rapporteur, qu’il faut encore ajouter une précision, je vous invite à faire dès maintenant une proposition en ce sens. En tout état de cause, les points de vue se sont tellement rapprochés qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement constituerait un retour en arrière.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. On avance !
M. Jean-Louis Carrère. C’est un peu lent…
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. J’entends vos arguments, madame la ministre, et je propose de sous-amender votre amendement afin d’ajouter, après les mots « dont le programme principal est dédié majoritairement à un artiste-interprète », les mots « un même auteur, un même compositeur ou issu d’une même publication phonographique ». Une telle rédaction, qui viserait l’ensemble d’un répertoire, serait de nature, me semble-t-il, à recueillir l’unanimité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. La « publication phonographique » n’a pas de définition dans le droit de la communication audiovisuelle. Mieux vaudrait, d’un point de vue juridique, écrire « d’un même phonogramme ».
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je suis d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous sommes très satisfaits de cette avancée et retirons l’amendement n° 30 au profit de celui du Gouvernement. Je tiens à remercier M. le rapporteur de son esprit d’ouverture, qui se confirme au fil du débat.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 est retiré.
Mes chers collègues, je vais suspendre la séance quelques instants, afin de laisser à la commission le temps de parfaire la rédaction de son sous-amendement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie d’un sous-amendement n° 234, présenté par M. Leleux, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Amendement n°191
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d'un même phonogramme
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 81 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.
(L'article 6 bis est adopté.)
Article 7
Le chapitre IV du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 214-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-6. – I. – Sans préjudice du droit des parties de saisir le juge, le médiateur de la musique est chargé d’une mission de conciliation pour tout litige relatif à l’interprétation ou à l’exécution :
« 1° De tout accord entre les artistes-interprètes dont l’interprétation est fixée dans un phonogramme, les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication en ligne mettant à disposition des œuvres musicales ;
« 2° D’un engagement contractuel entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes ;
« 3° D’un engagement contractuel entre un producteur de phonogrammes et un éditeur de services de communication au public en ligne mettant à disposition des œuvres musicales ;
« 4° D’un engagement contractuel entre un producteur de phonogrammes et un producteur de spectacles.
« Dans le cadre de sa mission, le médiateur peut être saisi par tout artiste-interprète, par tout producteur de phonogrammes, par tout producteur de spectacles ou par tout éditeur de services de communication au public en ligne mettant à disposition des œuvres musicales. Il peut également être saisi par leurs mandataires ou par toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée, ainsi que par le ministre chargé de la culture.
« Pour l’exercice de sa mission, il invite les parties à lui fournir toutes les informations qu’il estime nécessaires, sans que puisse lui être opposé le secret des affaires, et peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
« Le médiateur de la musique exerce sa mission dans le respect des compétences de l’Autorité de la concurrence. Lorsque les faits relevés par le médiateur apparaissent constitutifs de pratiques anticoncurrentielles mentionnées aux articles L. 420-1 à L. 420-7 du code de commerce, le médiateur saisit l’Autorité de la concurrence. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d’une procédure d’urgence, conformément à l’article L. 464-1 du même code. Le médiateur peut également saisir pour avis l’Autorité de la concurrence de toute question de concurrence en application de l’article L. 462-1 dudit code. L’Autorité de la concurrence peut consulter le médiateur sur toute question relevant de sa compétence et lui communiquer, à cette fin, toute saisine entrant dans le champ de cette compétence.
« Lorsque le litige dont il est saisi relève du champ de compétence d’une autre instance de conciliation créée par une convention ou un accord collectif de travail, le médiateur saisit cette instance pour avis. Il se déclare incompétent si cette instance lui en fait la demande.
« Le médiateur de la musique favorise ou suscite toute solution de conciliation aux litiges qui lui sont soumis. Lorsqu’il constate un accord entre les parties, il rédige un procès-verbal de conciliation précisant les mesures à prendre pour le mettre en œuvre. À défaut d’accord entre les parties, le médiateur peut émettre une recommandation proposant des mesures tendant à mettre fin au litige. Il peut rendre publique la décision de conciliation ou la recommandation, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.
« II. – Le médiateur de la musique peut faire au ministre chargé de la culture toute proposition que lui paraît appeler l’accomplissement de ses missions. Il met en œuvre toute mesure de nature à favoriser l’adoption de codes des usages entre les organismes professionnels et les sociétés de perception et de répartition des droits représentant les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes, entre les producteurs de phonogrammes et les producteurs de spectacles ou entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication au public en ligne mettant à disposition des œuvres musicales.
« Le médiateur de la musique adresse chaque année un rapport sur son activité au ministre chargé de la culture. Ce rapport est public. Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la culture.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le médiateur de la musique favorise ou suscite toute solution de conciliation aux litiges qui lui sont soumis. Il rédige un procès-verbal qu'il rend public, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires. En l'absence d'accord entre les parties, il joint au procès-verbal des recommandations tendant à mettre fin au litige.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’instauration du médiateur de la musique permettra, de notre point de vue, de mieux défendre les travailleurs de la musique en accélérant les procédures de conciliation, tout en n’empêchant aucunement le recours à la justice.
Cet amendement vise à généraliser la publication des procès-verbaux établis par le médiateur de la musique, qu’il y ait ou non accord entre les parties. Plusieurs éléments motivent notre proposition, dont je n’ignore pas qu’elle fait débat !
Tout d’abord, il ne nous apparaît pas pertinent de limiter la transparence de la procédure de conciliation au motif du secret des affaires, dans la mesure où rien n’empêche le médiateur de la musique de rédiger un procès-verbal épuré, mais tout à fait utile. La publication d’un procès-verbal est d’ailleurs déjà prévue en cas d’accord, sans que cela pose problème. Ainsi, il faudrait protéger le secret des affaires lorsqu’il y a désaccord et, potentiellement, judiciarisation d’un conflit.
Notre crainte est que la procédure de conciliation ne soit si opaque que, au final, elle desserve toutes les parties. En effet, la réalisation et la publication d’un procès-verbal doivent aussi permettre d’établir un faisceau de preuves en cas de judiciarisation d’un litige.
Il nous semble plus pertinent de faire en sorte que le médiateur de la musique rende public, qu’il y ait accord ou non, un procès-verbal de la réunion de conciliation. Cela peut très bien se faire dans le respect du secret des affaires et sans que le conflit de droit soit irrémédiable.
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11, dernière phrase
Remplacer les mots :
publique la décision
par les mots :
public le procès-verbal
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. M. le rapporteur – par souci, dit-il, de la préservation du secret des affaires – a réduit la publicité des actes du médiateur de la musique aux seules décisions de conciliation et recommandations. Ainsi, seules les conclusions pourraient être rendues publiques, pas l’ensemble du procès-verbal, alors que celui-ci contient une multitude de détails du plus grand intérêt tant pour les différentes catégories de représentants de la profession que pour les pouvoirs publics. Il me semble aller de soi que les délibérations respecteront le secret des affaires – au demeurant parfois invoqué à mauvais escient, notamment à l’échelon européen –, tel qu’il est prévu par les lois actuelles.
Je ne vois pas pourquoi M. le rapporteur, qui est très attaché à la transparence, s’opposerait à un tel amendement. De toutes parts, des voix s’élèvent pour dénoncer le manque de transparence. En tant qu’élus, nous sommes bien placés pour savoir que celle-ci, quand elle est utile, permet de dissiper les rumeurs et de prévenir les procès d’intention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 82 rectifié, outre que la rédaction proposée ne m’apparaît pas des plus heureuses et comporte quelques ambiguïtés, elle constitue un recul. En effet, si cet amendement prévoit que le procès-verbal soit rendu public, il n’y est pas fait mention des décisions ni des recommandations du médiateur de la musique.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.
L’amendement n° 31 va dans le même sens. Certes, nous sommes tous favorables à la transparence, mais, dans la mesure où les documents en question peuvent concerner plusieurs artistes et faire état d’informations pouvant relever du secret des affaires, je ne suis pas favorable à un tel niveau de publicité. Je préfère limiter celle-ci aux décisions et aux recommandations du médiateur, qui sont au fond seules utiles en termes de jurisprudence.
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 31.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. L’amendement n° 82 rectifié vise la publication des procès-verbaux du médiateur de la musique, et pas uniquement celle des décisions et recommandations. Il va toutefois au-delà, puisqu’il prévoit de systématiser la rédaction de ces procès-verbaux et de rendre leur publication obligatoire, alors que, aujourd'hui, c’est une simple faculté offerte au médiateur.
Je suis sensible au souci de transparence qui anime les auteurs des amendements, mais je le suis aussi aux préoccupations exprimées par M. le rapporteur s’agissant de la protection du secret des affaires.
De plus, je ne suis pas certaine que le médiateur souhaitera que la publication de ses décisions soit systématique.
Quant à l’amendement n° 31, qui tend à rétablir la rédaction initiale du texte, il ouvre la possibilité de rendre publics les procès-verbaux de conciliation. Le médiateur de la musique n’aura pas de pouvoir d’injonction. Son pouvoir d’influence réside avant tout dans la possibilité qui lui est offerte de rendre publics les résultats de sa médiation, qu’elle ait ou non abouti à un accord. Faut-il aller jusqu’à prévoir la publication des procès-verbaux ? Il s’agit non d’une obligation, mais d’une simple possibilité. Comme je l’ai indiqué au sujet de l’amendement n° 82 rectifié, je suis aussi sensible à la protection du secret des affaires qu’à la transparence.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis AA
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
2° bis (nouveau) Après le 2° de l’article L. 211-3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé d’une personne physique et non destinées à une utilisation collective, lorsque ces reproductions sont réalisées strictement dans les conditions et par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 311-4. Un accord professionnel entre les éditeurs de radio ou de télévision et les distributeurs définit préalablement les fonctionnalités et modalités de mise en œuvre de ces moyens de reproduction et de leurs espaces de stockage distant. À défaut d’accord avant le 1er janvier 2017, les fonctionnalités et modalités de ces moyens de reproduction et de leurs espaces de stockage distant sont fixés par décret en Conseil d’État ; »
3° L’article L. 311-4 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette rémunération est également versée par l’éditeur d’un service de radio ou de télévision ou son distributeur, au sens de l’article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui met à la disposition d’une personne physique un espace de stockage à distance sur lequel sont conservées les reproductions d’œuvres réalisées par cette personne physique pour son usage privé à partir d’un programme diffusé de manière linéaire par cet éditeur ou son distributeur avec lequel il a établi une relation contractuelle au sens du même article 2-1, à partir ou à l’aide d’un dispositif fourni par l’éditeur ou le distributeur de ce service de radio ou de télévision, sous réserve que chaque reproduction soit mise en œuvre par cette personne physique avant la diffusion du programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante. » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou, dans le cas mentionné au deuxième alinéa, du nombre d’utilisateurs du service de stockage proposé par l’éditeur ou le distributeur du service de radio ou de télévision et des capacités de stockage mises à disposition par cet éditeur ou ce distributeur » ;
c) La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « et, dans le cas mentionné au deuxième alinéa, des capacités de stockage mises à disposition par un éditeur ou un distributeur d’un service de radio ou de télévision » ;
d) À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « support », sont insérés les mots : « ou une capacité de stockage mise à disposition par un éditeur ou un distributeur de service de radio ou de télévision » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l'article.
M. Pierre Laurent. Cet article vise à étendre l’assujettissement à la rémunération pour copie privée aux éditeurs et aux distributeurs permettant l’enregistrement à distance des programmes, le NPVR ou network personal video recorder. Cette mesure ne fait, en définitive, que prendre en compte les évolutions des jurisprudences européenne et nationale depuis 2010 et le rapport d’octobre 2012 du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
Il nous semble que légiférer aujourd’hui sur cette question est un message fort envoyé aux créateurs et aux ayants droit quant à la survie de la rémunération pour copie privée, et aux citoyens quant à leur légitime droit à regarder un programme télévisé en direct, mais aussi en différé par le biais de l’enregistrement.
Certains arguent que cela pourrait mettre à mal les systèmes de replay. Or considérer que l’enregistrement tuera la télévision de rattrapage, c’est oublier que là où le NPVR a été mis en place, par exemple aux Pays-Bas, cela a permis au contraire une montée en puissance de la télévision de rattrapage, coupant notamment l’herbe sous le pied à la reproduction illégale sur internet.
D’autres considèrent que cela aura pour conséquence de tuer la vidéo à la demande par abonnement et que les gens se constitueront des stocks énormes d’enregistrements. Nous pensons que, bien que le risque existe, ce phénomène ne peut être que minoritaire ou transitoire, comme on l’a vu pour les VHS, et il ne semble par ailleurs pas confirmé par les études d’usage menées à l’étranger. En tout état de cause, il sera toujours possible, le cas échéant, d’élaborer un accord limitant les flux d’enregistrement.
À ce stade, il nous paraît important de légiférer pour donner le feu vert à l’extension de l’assujettissement à la rémunération pour copie privée à ces nouvelles pratiques d’enregistrement, quitte à ce que des négociations soient menées sur ce sujet entre éditeurs et distributeurs.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 214, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette rémunération est également versée par l’éditeur ou le distributeur d’un service de radio ou de télévision, au sens de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui fournit à une personne physique, par voie d’accès à distance, la reproduction à usage privé d’œuvres à partir d’un programme diffusé de manière linéaire par cet éditeur ou ce distributeur, sous réserve que cette reproduction soit demandée par cette personne physique avant la diffusion du programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante. » ;
III. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 331-9 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’un distributeur d’un service de radio ou de télévision met à disposition un service de stockage mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 311-4, une convention conclue avec l’éditeur de ce service de radio ou de télévision définit préalablement les fonctionnalités de ce service de stockage.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou un distributeur des services de tout différend relatif à la conclusion ou à l’exécution de la convention mentionnée à l’avant-dernier alinéa et rendre une décision dans les conditions définies par l’article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cette question de l’assujettissement des pratiques de copie dans le nuage à la rémunération pour copie privée soulève d’importants et légitimes débats parmi les acteurs concernés et au sein de la représentation nationale. Comme cela a été dit lors de la discussion générale, il convient, sur ce point, de légiférer avec prudence.
Il faut cependant bien avoir à l’esprit que la rémunération pour copie privée, dispositif vertueux, a toujours permis d’assurer un équilibre entre l’aspiration de tous à accéder aux œuvres culturelles ou artistiques et la juste et nécessaire préservation de la rémunération des ayants droit qui sont à l’origine de cette création.
Ce dispositif ne pouvait pas ignorer les évolutions techniques et a déjà su s’adapter aux nouveaux modes de copie, sur disques durs externes ou internes, mémoire intégrée dans les téléphones portables, etc. Il en est de même aujourd'hui, dans le principe, avec le développement de l’informatique en nuage. Le dispositif de copie privée doit s’adapter à cette évolution technologique tout en conservant son caractère d’exception.
Le dispositif de l’article 7 bis AA est particulièrement mesuré. Il ne vise pas à assujettir à la rémunération pour copie privée l’ensemble des services dans le nuage, mais seulement ceux qui sont offerts par les éditeurs et distributeurs de services de télévision et de radio linéaires : il s’agit des possibilités de copie qui sont vouées à se substituer aux modalités actuelles de copie effectuée par les consommateurs sur ce que l’on appelle aujourd'hui les « box », qui sont des disques durs localisés.
Les principales craintes exprimées tiennent à ce que le développement incontrôlé de ces nouveaux services, du fait notamment de capacités de stockage sans commune mesure avec ce que l’on connaît aujourd'hui, pourrait entraîner une modification de la consommation à la demande, au détriment des services proposés par les éditeurs de télévision.
S’agissant de l’anticipation de nouveaux services et de nouveaux usages, il est très difficile de déterminer de façon définitive et certaine si ces craintes sont fondées. Par conséquent, il nous semble sage de répondre aux inquiétudes en apportant des garanties sur les modalités d’assujettissement de ces services au régime de la copie privée, quitte à y revenir par la suite.
À cet égard, le projet de loi apporte déjà des garanties aux éditeurs de services, puisque seuls seront assujettis les services qui permettent aux utilisateurs d’obtenir la copie d’un programme de télévision ou de radio au moment de sa diffusion.
Le présent amendement tend à introduire une garantie supplémentaire, en précisant que les chaînes de télévision et les éditeurs devront passer des accords avec les distributeurs de leurs programmes afin de définir les fonctionnalités des espaces de stockage distants. En cas de litige, le Conseil supérieur de l’audiovisuel aura vocation à intervenir à la demande de l’une des parties.
Ces accords auront principalement pour objet de définir la capacité de copie de ces services, ainsi que de préciser les conditions de sécurisation des programmes copiés. Je fais donc pleinement confiance aux partenaires pour assurer le développement de ce service innovant, mais dans des conditions qui garantissent un haut niveau de protection des programmes et une coexistence harmonieuse des différents types de services de vidéo en ligne.
Les dispositions que vise à introduire cet amendement peuvent paraître mesurées, mais elles me semblent à la fois équilibrées et de nature à ouvrir la voie au développement de ces nouveaux services.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 229, présenté par M. Leleux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 214
A. – Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – Alinéas 3 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
2° bis Le 2° de l’article L. 122-5 est ainsi rédigé :
« 2° Les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ; »
B. – Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’alinéa 4
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 2° de l’article L. 122-5, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé d’une personne physique et non destinées à une utilisation collective, lorsque ces copies ou reproductions sont réalisées strictement dans les conditions et par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 311-4 ; »
…° Après le 2° de l’article L. 211-3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé d’une personne physique et non destinées à une utilisation collective, lorsque ces reproductions sont réalisées strictement dans les conditions et par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 311-4. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet article a déjà une longue histoire. Il est né à la veille de votre arrivée au Gouvernement, madame la ministre, d’un amendement de notre collègue David Assouline, probablement rédigé au ministère…
M. David Assouline. Je vous interdis de telles spéculations !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. J’ai dit « probablement » ! Quoi qu’il en soit, il était bon d’ouvrir ce débat et d’entériner le principe, parce que l’on ne peut pas ignorer une évolution technologique de cette nature. Il est toutefois très vite apparu qu’il fallait prendre des précautions et ne pas aller trop vite.
J’avais préconisé la conclusion d’un accord professionnel global permettant d’instaurer une règle générale. Madame la ministre, au travers de votre amendement, vous privilégiez des accords bilatéraux. Ces derniers pourraient d’ailleurs s’inscrire dans le cadre des accords existant déjà en matière d’autorisation de distribution, en les élargissant à la possibilité de copie privée. Je souscris à votre proposition, qui reprend le dispositif de l’amendement de M. Assouline.
Je propose toutefois deux sous-amendements. Si vous y donnez un avis favorable, madame la ministre, la commission émettra un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement.
Le sous-amendement n° 229 tend à définir le périmètre de l’exception de copie privée de manière identique pour les auteurs et pour les titulaires de droits voisins. L’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle visé par l’amendement du Gouvernement traite, en effet, de la définition des redevables, mais pas du périmètre de la copie.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 228, présenté par M. Leleux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 214, alinéa 5
1° Remplacer les mots :
ou le distributeur d’un service de radio ou de télévision
par les mots :
d’un service de radio ou de télévision ou son distributeur
2° Remplacer les mots :
ce distributeur
par les mots :
son distributeur
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Le sous-amendement n° 228 tend à préciser que le distributeur visé est celui avec lequel la chaîne a défini par voie conventionnelle les fonctionnalités du NPVR. Il s’agit simplement d’une précaution.
Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette rémunération est également versée par l’éditeur ou le distributeur d’un service de radio ou de télévision au sens de l’article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui fournit à une personne physique, par voie d’accès à distance, la reproduction à usage privé d’œuvres à partir d’un programme diffusé de manière linéaire par cet éditeur ou ce distributeur, sous réserve que cette reproduction soit demandée par cette personne physique avant la diffusion du programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, un accord entre les éditeurs de services audiovisuels et les distributeurs définit préalablement les fonctionnalités des espaces de stockage distant. » ;
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je ne peux pas laisser dire que j’écrirais sous la dictée du Gouvernement ! S’il m’arrive, comme vous monsieur Leleux, de consulter ses services pour parvenir à la rédaction la plus satisfaisante sur le plan juridique quand les sujets sont aussi techniques, je ne défends que ce que je considère juste.
Je tenais à le dire, monsieur Leleux, car vous vous étiez déjà permis une telle boutade en première lecture et cela avait suscité quelques articles dans la presse. Mais peut-être ne s’agissait-il pas d’une simple boutade, puisque vous y revenez…
J’ai ouvert le débat, comme vous l’avez reconnu, parce que nous assistons à une évolution qu’il faut à la fois accompagner et encadrer, s’agissant notamment de l’élargissement des possibilités de copie privée et de la défense des droits des auteurs.
Mon amendement est presque identique à celui du Gouvernement, mais, sur un sujet éminemment technique, la rédaction de ce dernier me paraît plus sécurisée sur le plan juridique.
Monsieur Leleux, la négociation de l’accord professionnel que vous préconisez prendrait à peu près deux ans, or les évolutions techniques sont tellement rapides dans ce domaine que, dans deux ans, nous devrons sans doute imaginer un nouveau dispositif. Je pense donc préférable de privilégier des accords bilatéraux.
Je conclurai en soulignant que le dispositif du sous-amendement n° 229 me semble de nature à créer une confusion avec les droits voisins qui risque de rendre tout le système caduc. Il s’agit ici de l’exception de copie privée.
Mme la présidente. L'amendement n° 83, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Il convient d’ouvrir la voie à l’élargissement du régime de la copie privée au dispositif NPVR sans attendre la conclusion d’un accord professionnel, qui peut nous faire perdre un temps considérable. Des négociations devront bien sûr être menées, mais il importe d’affirmer clairement et dès maintenant le principe de la continuité technologique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 32 et 83 ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. L’amendement n° 32 vise à prévoir des accords entre diffuseurs et distributeurs pour déterminer les fonctionnalités du NPVR, ce qui constitue un point d’accord avec la commission. Toutefois, la rédaction ne précise pas clairement s’il s’agit d’un accord professionnel ou d’accords bilatéraux. Je pense que M. Assouline sera amené à retirer cet amendement au profit de celui du Gouvernement.
Concernant l’amendement n° 83, la commission, très attachée à la conclusion d’un accord professionnel pour accompagner le développement du NPVR, ne souhaite pas la suppression des alinéas 3 et 4. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement°?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je suis très sensible à l’état d’esprit positif qui prévaut pour l’élaboration d’un dispositif à la fois complexe, sensible et novateur.
Concernant le sous-amendement n° 228, l’amendement du Gouvernement préserve des relations contractuelles entre éditeurs et distributeurs. À ce titre, seuls les distributeurs autorisés par les éditeurs, en application de l’article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986, pourront proposer un service de copie dans les nuages entrant dans le champ de l’exception de copie privée. Le Gouvernement propose par ailleurs de renforcer cette relation contractuelle que vous appelez de vos vœux en imposant la conclusion d’une convention bilatérale visant à définir les fonctionnalités du service de copie dans les nuages.
Ce sous-amendement me semble aller dans le même sens, celui de la nécessité d’une autorisation expresse de l’éditeur pour que le distributeur puisse reprendre les programmes et proposer un service de copie dans les nuages, en apportant une précision utile. J’y suis donc favorable.
Le sous-amendement n° 229 a pour objet de définir le périmètre de l’exception de copie privée de manière identique pour les auteurs et pour les titulaires de droits voisins. Il est difficilement acceptable, dans la mesure où il fait entrer les logiciels et les copies d’œuvres d’art dans le champ de la copie privée.
Par ailleurs, il me semble contredire la directive européenne de 1991 sur la protection des logiciels, qui ne permet pas de soumettre ce type d’œuvres protégées à l’exception de copie privée.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur le sous-amendement n° 229.
S’agissant de l’amendement n° 32, il me semble satisfait par l’amendement du Gouvernement.
S’agissant enfin de l’amendement n° 83, monsieur Laurent, l’introduction d’un mécanisme octroyant aux partenaires le droit de saisir le CSA en cas de conflit tenant à la négociation ou à l’exécution des accords bilatéraux prévus me semble de nature à répondre à votre crainte d’un frein au développement d’un service qu’il faut effectivement permettre.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Madame la ministre, vous avez fait un pas dans notre direction en acceptant le sous-amendement n° 228. Les consultations que nous avons menées me portent à croire que, à défaut de l’adoption du sous-amendement n° 229, des problèmes juridiques se poseront probablement. Cela étant, dans un esprit de compromis, je retire ce sous-amendement et j’émets un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 228.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 229 est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. L’amendement du Gouvernement ayant été déposé après le mien, on pourrait, au rebours de ce que disait le rapporteur, soupçonner le Gouvernement d’écrire sous ma dictée ! (Sourires.)
Monsieur Leleux, je me réjouis que vous retiriez le sous-amendement n° 229, dont l’adoption risquait de créer une confusion avec les droits voisins. Je salue cette avancée, car il s’agissait d’un vrai point de divergence, qui avait suscité de nombreux débats assez durs lors de la première lecture, en commission comme en séance publique.
Je retire l’amendement n° 32, que l’adoption de l’amendement du Gouvernement aurait de toute façon rendu sans objet.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 est retiré.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. J’ai bien entendu les explications de Mme la ministre. Nous pourrions effectivement retirer notre amendement, mais j’insiste pour que l’extension du dispositif soit favorisée et que l’on veille à éviter des blocages tels que ceux que l’on a pu connaître à propos de la TNT, par exemple. Nous devons être vigilants si nous ne voulons pas que la France prenne du retard dans un domaine extrêmement important.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 83 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 7°bis°AA, modifié.
(L'article 7 bis AA est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 7 bis
L’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État, un magistrat de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation. Ils participent aux travaux de la commission avec voix consultative. Le président et les membres de la commission transmettent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de deux mois suivant leur désignation, une déclaration d’intérêts telle que prévue au III de l’article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le règlement intérieur de la commission et ses modifications font l’objet d’une publication au Journal officiel. »
Mme la présidente. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Trois représentants des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation participent aux travaux de la commission, avec voix consultative. Le président et les membres de la commission transmettent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de deux mois suivant leur nomination, une déclaration d’intérêts telle que prévue au III de l’article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Le rapporteur a voulu remplacer, au sein de la commission de la copie privée, les trois représentants des ministères concernés par des hauts magistrats. Nous sommes en désaccord avec lui sur ce point.
En revanche, j’ai rectifié cet amendement afin d’y intégrer des éléments relatifs à la transparence qui figuraient dans la proposition de M. Leleux et qui ne me posaient pas de problème. Il prévoit ainsi désormais que tous les membres de la commission de la copie privée devront déposer une déclaration d’intérêts. J’espère que le rapporteur fera à son tour un pas dans notre direction…
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n°33
Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement intérieur de la commission et ses modifications font l’objet d’une publication au Journal officiel de la République Française. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Ce sous-amendement vise à assurer la publicité la plus large possible à ce règlement intérieur, dont je note qu’il est proposé de le modifier de manière consensuelle, à la suite de la reprise, au travers de l’amendement n° 33, des travaux de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. La commission souhaitait que trois éléments figurent dans la loi : l’obligation, pour l’ensemble des membres de la commission de la copie privée, et pas uniquement pour son président, de transmettre une déclaration d’intérêts ; la publicité du règlement intérieur de la commission ; la participation de trois magistrats, et non de trois représentants des ministères de tutelle des trois collèges, aux travaux de la commission.
J’accepte de renoncer à cette dernière exigence, sous réserve de la prise en compte des deux premières, et donc, en particulier, de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement, tendant à imposer la publicité du règlement intérieur. Nous pourrons ainsi parvenir à un consensus sur cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 bis est ainsi rédigé.
Article 7 ter
L’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-6. – I. – La rémunération prévue à l’article L. 311-1 est perçue pour le compte des ayants droit par un ou plusieurs organismes mentionnés au titre II du présent livre, agréés conjointement à cet effet par les ministres chargés de la culture et de l’industrie.
« L’agrément est délivré pour cinq années en considération :
« 1° De la représentation paritaire des membres de la commission mentionnée à l’article L. 311-5 au sein des organes dirigeants de l’organisme ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants de l’organisme ;
« 3° Des moyens que l’organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la perception des droits.
« II. – La rémunération prévue à l’article L. 311-1 est répartie entre les ayants droit par les organismes mentionnés au I du présent article, à raison des reproductions privées dont chaque œuvre fait l’objet.
« III. – Une part ne pouvant excéder 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée est affectée par les organismes mentionnés au I du présent article au financement des enquêtes d’usage réalisées par l’autorité mentionnée à l’article L. 331-12, sur le fondement de cahiers des charges rédigés par la commission mentionnée à l’article L. 311-5. »
Mme la présidente. L'amendement n° 34, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une part ne pouvant excéder 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée est affectée par ces organismes au financement des enquêtes d’usage réalisées, en application du troisième alinéa de l’article L. 311-4, par la commission mentionnée à l’article L. 311-5. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Afin de garantir l’indépendance des enquêtes sur les usages des supports d’enregistrement qui permettent de fixer le montant des redevances à acquitter par les fabricants ou importateurs, le projet de loi prévoit l’affectation d’une part de 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée au financement de ces enquêtes. La question essentielle est de savoir quel sera l’organisme le plus à même et le plus incontesté pour réaliser ces enquêtes : la commission de la copie privée ou la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la Hadopi ?
Le rapporteur persiste à penser que la Hadopi serait l’autorité idoine. Lui attribuer cette nouvelle tâche serait pour le moins surprenant, car les missions de cette autorité publique administrative sont de trois types : promouvoir le développement de l’offre légale et observer l’utilisation licite et illicite des œuvres sur internet ; protéger les œuvres à l’égard des atteintes aux droits qui leur sont attachés dans le cadre de la réponse graduée ; réguler l’usage des mesures techniques de protection.
Au regard de ces missions, on ne comprend pas bien pourquoi la Hadopi, qui a déjà beaucoup à faire à surveiller les pratiques de téléchargement et le piratage sur internet, serait en plus chargée de réaliser les enquêtes d’usage à la place de la commission de la copie privée, cette mission étant précisément le cœur de métier de celle-ci et découlant naturellement de ses attributions. Nous préférons donc en revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture.
Par ailleurs, nous sommes extrêmement réticents à l’idée d’octroyer un agrément quinquennal à la société chargée de collecter les sommes issues de la rémunération pour copie privée, en l’occurrence Copie France. Les compétences et l’intégrité de cet organisme ne me semblent pas avoir jamais été remises en cause. Or le dispositif proposé par notre rapporteur fait d’emblée peser un soupçon sur cet organisme, même si je ne pense pas que c’était là son intention.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Madame la présidente, je sollicite une brève suspension de séance.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Madame la présidente, la commission souhaiterait que l’examen de l’article 7 ter et de l’article 7 quater AA soit réservé jusqu’à la reprise de la séance après la suspension du dîner.
Mme la présidente. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme la présidente. La réserve est ordonnée.
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 7 quater
L’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « vivant », sont insérés les mots : « , au développement de l’éducation artistique et culturelle » ;
2° Les deux premières phrases du dernier alinéa sont remplacées par trois phrases ainsi rédigées :
« Les sociétés de perception et de répartition des droits établissent et gèrent une base de données électronique unique recensant, avec le nom de leurs bénéficiaires, le montant et l’utilisation de ces sommes. Cette base est régulièrement mise à jour et mise à disposition gratuitement, sur un service de communication au public en ligne, dans un format ouvert et librement réutilisable. Le commissaire aux comptes vérifie la sincérité et la concordance avec les documents comptables de la société des informations contenues dans cette base de données. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’aide au développement de l’éducation artistique et culturelle s’entend des concours apportés par des auteurs ou des artistes-interprètes aux actions mentionnées au 4° bis de l’article 2 de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. »
Mme la présidente. L'amendement n° 36, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, en particulier les sommes utilisées à des actions d’aide à la jeune création
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L’un des fondements de la rémunération pour copie privée est de permettre, par une mutualisation des fonds, de financer la création, notamment en vue d’aider à l’émergence de nouveaux talents.
Notre amendement procède donc non pas d’une position de principe, mais d’une véritable préoccupation envers la jeune création.
Il me semble primordial que la nouvelle base de données mise en ligne à disposition du public, qui fera état de l’utilisation, par les SPRD, les sociétés de perception et de répartition des droits, des sommes non répartissables issues de la copie privée, aborde spécifiquement les actions d’aide à la jeune création. Il importe de préciser expressément quelles sommes sont dévolues par les SPRD à leur action culturelle, à la formation ou à l’insertion des jeunes artistes, au soutien aux nouveaux talents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Nous le savons, 25 % du produit de la rémunération pour copie privée est destiné au financement d’actions culturelles. Le présent amendement vise à préciser que la base de données retraçant l’ensemble des bénéficiaires et des actions financées par ce biais fera en particulier état des sommes allouées aux jeunes créateurs.
J’estime qu’une telle précision n’a strictement aucune utilité dans la mesure où, du fait de l’adoption, en première lecture, d’un amendement de notre collègue Françoise Laborde, nous avons spécifié que cette base de données serait exhaustive.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, dont le dispositif nous semble de nature à appeler l’attention sur la jeune création. Une telle incitation est nécessaire, car la jeune création est souvent oubliée dans nos dispositifs d’aides.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Certes, la base de données a un caractère exhaustif, mais nous voulons mettre en lumière la jeune création, qui ne l’est pas suffisamment aujourd'hui. Il s’agit non pas de faire une loi bavarde, mais d’envoyer un signal sur un vrai sujet.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7 quater.
(L'article 7 quater est adopté.)
Article 8
Après le chapitre III du titre Ier du livre II du code du cinéma et de l’image animée, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III BIS
« Transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée
« Section 1
« Transparence des comptes de production
« Sous-section 1
« Obligations des producteurs délégués
« Art. L. 213-24. – (Non modifié) Tout producteur qui, en sa qualité de producteur délégué, a pris l’initiative et la responsabilité financière, artistique et technique de la réalisation d’une œuvre cinématographique de longue durée, admise au bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée et dont il a garanti la bonne fin doit, dans les huit mois suivant la date de délivrance du visa d’exploitation cinématographique, établir et transmettre le compte de production de l’œuvre aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il a conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée, dès lors qu’il a conclu avec ces auteurs ou éditeurs un contrat leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le compte de production est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production. Lorsqu’il existe une convention collective ou un accord spécifique rendu obligatoire sur le fondement de l’article L. 212-8 du même code prévoyant, au profit des artistes-interprètes, une rémunération conditionnée à l’amortissement du coût de production de l’œuvre, le producteur délégué transmet le compte de production à ces derniers ou à une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes mentionnée au titre II du livre III de la première partie dudit code désignée à cet effet. Lorsqu’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre est déterminé en fonction de l’amortissement de certains éléments du coût de production, le producteur délégué transmet ces éléments, ainsi que le coût de production, au bénéficiaire de l’intéressement.
« Le compte de production comprend l’ensemble des dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la postproduction de l’œuvre, en arrête le coût définitif et indique les moyens de son financement.
« Art. L. 213-25. – (Non modifié)
« Art. L. 213-26. – (Non modifié) Le contrat de coproduction, le contrat de financement ainsi que les contrats conclus avec les auteurs et avec toute autre personne physique ou morale bénéficiant d’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production ou déterminé en fonction de l’amortissement de certains éléments de ce coût, comportent une clause rappelant les obligations résultant de l’article L. 213-24.
« Sous-section 2
« Audit des comptes de production
« Art. L. 213-27. – (Non modifié) Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut, dans les trois ans suivant la date de délivrance du visa d’exploitation cinématographique, procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte de production mentionné à l’article L. 213-24. Cet audit a pour objet de contrôler la régularité et la sincérité du compte.
« Le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au producteur délégué qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au producteur délégué, aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles le producteur délégué a conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée, dès lors qu’il a conclu avec ces auteurs ou éditeurs un contrat leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet également le rapport d’audit définitif à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production. Lorsqu’il existe une convention collective ou un accord spécifique rendu obligatoire sur le fondement de l’article L. 212-8 du même code prévoyant, au profit des artistes-interprètes, une rémunération conditionnée à l’amortissement du coût de production de l’œuvre, le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le rapport d’audit définitif à ces derniers ou à une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes mentionnée au titre II du livre III de la première partie dudit code désignée à cet effet. Lorsqu’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre est déterminé en fonction de l’amortissement de certains éléments du coût de production, le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet les informations relatives à ces éléments et au coût de production au bénéficiaire de l’intéressement.
« Lorsque le rapport d’audit révèle l’existence d’une fausse déclaration pour le bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée, celui-ci peut procéder au retrait de l’aide attribuée après que le bénéficiaire a été mis à même de faire valoir ses observations. En outre, lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1 du présent code, celui-ci est constaté et sanctionné dans les conditions prévues au livre IV du même code.
« Section 2
« Transparence des comptes d’exploitation
« Sous-section 1
« Obligations des distributeurs
« Art. L. 213-28. – Tout distributeur qui, en sa qualité de cessionnaire ou de mandataire, dispose de droits d’exploitation pour la commercialisation d’une œuvre cinématographique de longue durée admise au bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée doit, dans les six mois suivant la sortie en salles, puis au moins une fois par an pendant la durée d’exécution du contrat conclu avec le producteur délégué, établir et transmettre à ce dernier le compte d’exploitation de cette œuvre.
« Art. L. 213-29. – (Non modifié) La forme du compte d’exploitation ainsi que la définition des encaissements bruts, des coûts d’exploitation et des frais généraux d’exploitation sont déterminées par accord professionnel conclu entre les organisations représentatives des producteurs d’œuvres cinématographiques de longue durée, les organisations professionnelles représentatives des distributeurs de ces œuvres, les organismes professionnels d’auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs mentionnées au titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle. L’accord peut être rendu obligatoire pour l’ensemble des intéressés du secteur d’activité concerné par arrêté de l’autorité compétente de l’État.
« À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la forme du compte d’exploitation ainsi que la définition des encaissements bruts, des coûts d’exploitation et des frais généraux d’exploitation sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 213-30 et L. 213-31. – (Non modifiés)
« Sous-section 2
« Obligations des producteurs délégués
« Art. L. 213-32 à L. 213-34. – (Non modifiés)
« Sous-section 3
« Audit des comptes d’exploitation
« Art. L. 213-35. – (Non modifié) Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte d’exploitation. Cet audit a pour objet de contrôler la régularité et la sincérité du compte.
« Le distributeur ou, le cas échéant, le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au distributeur ou au producteur délégué dans le cas prévu à l’article L. 213-33 du présent code, qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au distributeur, au producteur délégué, aux autres coproducteurs, aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée porte également à la connaissance de toute personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat conférant à cette personne un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre les informations relatives à cet intéressement.
« Lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1, celui-ci est constaté et sanctionné dans les conditions prévues au livre IV.
« Art. L. 213-36 et L. 213-37. – (Non modifiés) »
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« Le compte d’exploitation doit notamment indiquer :
« 1° Le montant des encaissements bruts réalisés ;
« 2° Le prix payé par le public lorsqu’il est connu par le distributeur ;
« 3° Le montant des coûts d’exploitation, ainsi que des droits et taxes non récupérables ;
« 4° Le montant de la commission éventuellement retenue ;
« 5° L’état d’amortissement des coûts d’exploitation et des minima garantis éventuellement consentis ;
« 6° Le montant des recettes nettes revenant au producteur.
« Le montant des coûts d’exploitation ainsi que l’état d’amortissement de ces coûts mentionnés aux 3° et 5° ne sont indiqués que lorsqu’ils sont pris en compte pour le calcul du montant des recettes nettes revenant au producteur.
« Le compte fait mention des aides financières perçues par le distributeur, à raison de l’exploitation de l’œuvre. Il indique la part des frais généraux supportés par le distributeur se rapportant à l’œuvre.
« Les éléments mentionnés aux 1° à 4° , ainsi que ceux mentionnés aux 5° et 6° lorsqu’ils sont individualisables, sont fournis pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre en France ainsi que pour chaque territoire d’exploitation de l’œuvre à l’étranger.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous souhaitons, par cet amendement, rétablir la liste minimale des mentions obligatoires qui devront figurer dans les comptes d’exploitation des œuvres cinématographiques.
L’introduction de ces différentes précisions répond aux préoccupations exprimées par les professionnels lors des assises du cinéma, organisées sous la houlette de René Bonnell, qui se sont conclues en janvier 2014 et sont d’ailleurs à l’origine de l’ensemble du dispositif de cet article.
Ces précisions ne sont nullement anecdotiques, puisqu’il s’agit notamment du montant des encaissements bruts réalisés, du prix payé par le public, du montant de la commission, du montant des recettes nettes revenant au producteur. Ce dispositif vise à accroître la transparence, si chère à notre rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser le contenu du compte d’exploitation des œuvres cinématographiques.
Or l’article 8 prévoit, à l’alinéa 25, que les différentes catégories figurant au compte d’exploitation seront déterminées par accord professionnel ou, à défaut, fixées par décret. Comme l’a relevé précédemment Mme la ministre, la loi établit le cadre dans lequel s’inscrivent les accords interprofessionnels ou professionnels.
Les précisions que souhaitent introduire les auteurs de cet amendement sont donc du ressort de la négociation entre les parties. Il ne revient pas au législateur d’anticiper. En outre, la commission n’aime guère inscrire l’adverbe « notamment » dans la loi.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui permet de maintenir au niveau de la loi un encadrement minimal du contenu des comptes d’exploitation, lequel doit faire l’objet d’un accord.
Les différents items composant le contenu minimal des comptes d’exploitation résultent en effet d’une négociation professionnelle menée sous l’égide des pouvoirs publics, dans le prolongement du rapport Bonnell. Les professionnels concernés y sont attachés.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 9 quater
Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° Le livre II est complété par un titre V ainsi rédigé :
« TITRE V
« EXERCICE DES PROFESSIONS ET ACTIVITÉS DE LA PRODUCTION ET DE LA DISTRIBUTION AUDIOVISUELLES
« CHAPITRE UNIQUE
« Transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres audiovisuelles
« Section 1
« Transparence des comptes de production
« Sous-section 1
« Obligations des producteurs délégués
« Art. L. 251-1. – Tout producteur qui, en sa qualité de producteur délégué, a pris l’initiative et la responsabilité financière, artistique et technique de la réalisation d’une œuvre audiovisuelle appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création ou de l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant, admise au bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée et dont il a garanti la bonne fin doit, dans les six mois suivant la date d’achèvement de l’œuvre audiovisuelle, établir et transmettre le compte de production de l’œuvre aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il a conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, aux éditeurs de services de télévision qui ont contribué au financement de la production de l’œuvre ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée, dès lors qu’il a conclu avec ces auteurs ou éditeurs un contrat leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le compte de production est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le compte de production comprend l’ensemble des dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la postproduction de l’œuvre, en arrête le coût définitif et indique les moyens de son financement.
« Art. L. 251-2. – La forme du compte de production, la définition des différentes catégories de dépenses, la nature des moyens de financement ainsi que les modalités d’amortissement du coût de production sont déterminées par un ou plusieurs accords professionnels conclus entre les organisations professionnelles représentatives des producteurs d’œuvres audiovisuelles et, ensemble ou séparément, les organisations professionnelles représentatives des distributeurs de ces œuvres, les organisations professionnelles représentatives des éditeurs de services de télévision, ou un ensemble d’éditeurs de services de télévision représentatifs, les organismes professionnels d’auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs mentionnées au titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle. Les accords peuvent être rendus obligatoires pour l’ensemble des intéressés des secteurs d’activité concernés par arrêté de l’autorité compétente de l’État.
« À défaut d’accords professionnels rendus obligatoires dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la forme du compte de production, la définition des dépenses de préparation, de réalisation et de postproduction d’une œuvre, la nature des moyens de financement ainsi que les modalités d’amortissement du coût de production sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 251-3. – Le contrat de coproduction, le contrat de financement ainsi que les contrats conclus avec les auteurs et avec toute autre personne physique ou morale bénéficiant d’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production, comportent une clause rappelant les obligations résultant de l’article L. 251-1.
« Sous-section 2
« Audit des comptes de production
« Art. L. 251-4. – Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut, dans les trois ans suivant la date d’achèvement de l’œuvre audiovisuelle, procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte de production mentionné à l’article L. 251-1. Cet audit a pour objet de contrôler la régularité et la sincérité du compte.
« Le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au producteur délégué, qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au producteur délégué, aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles le producteur délégué a conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, aux éditeurs de services de télévision qui ont contribué au financement de la production de l’œuvre ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée, dès lors qu’il a conclu avec ces auteurs ou éditeurs un contrat leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet également le rapport d’audit définitif à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production.
« Lorsque le rapport d’audit révèle l’existence d’une fausse déclaration pour le bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée, celui-ci peut procéder au retrait de l’aide attribuée après que le bénéficiaire a été mis à même de faire valoir ses observations. En outre, lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1 du présent code, ce manquement est constaté et sanctionné dans les conditions prévues au livre IV.
« Section 2
« Transparence des comptes d’exploitation
« Sous-section 1
« Obligations des distributeurs
« Art. L. 251-5. – Tout distributeur qui, en sa qualité de cessionnaire ou de mandataire, dispose de droits d’exploitation pour la commercialisation d’une œuvre audiovisuelle appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création ou de l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant et admise au bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée doit, dans les trois premiers mois de l’année qui suit celle de la première diffusion de l’œuvre par un éditeur de services de télévision, puis au moins une fois par an pendant la durée d’exécution du contrat conclu avec le producteur délégué, établir et transmettre à ce dernier le compte d’exploitation de cette œuvre.
« Art. L. 251-6. – La forme du compte d’exploitation, la définition des encaissements bruts et des coûts d’exploitation ainsi que les conditions dans lesquelles est négociée la commission opposable sont déterminées par un ou plusieurs accords professionnels conclus entre les organisations représentatives des producteurs d’œuvres audiovisuelles et, ensemble ou séparément, les organisations professionnelles représentatives des distributeurs de ces œuvres, les organisations professionnelles représentatives des éditeurs de services de télévision ou un ensemble d’éditeurs de services de télévision représentatifs, les organismes professionnels d’auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs mentionnées au titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle. Les accords peuvent être rendus obligatoires pour l’ensemble des intéressés des secteurs d’activité concernés par arrêté de l’autorité compétente de l’État.
« À défaut d’accords professionnels rendus obligatoires dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la forme du compte d’exploitation, la définition des encaissements bruts et des coûts d’exploitation ainsi que les conditions dans lesquelles est négociée la commission opposable sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 251-7. – Le contrat de cession de droits d’exploitation ou le contrat de mandat de commercialisation comporte une clause rappelant les obligations résultant de l’article L. 251-5.
« Art. L. 251-8. – Les obligations résultant de l’article L. 251-5 ne sont pas applicables aux éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande au titre des acquisitions de droits de diffusion ou de mise à disposition du public sur les services qu’ils éditent réalisées en contrepartie d’un prix forfaitaire et définitif.
« Sous-section 2
« Obligations des producteurs délégués
« Art. L. 251-9. – Le producteur délégué transmet le compte d’exploitation qui lui est remis en application de la sous-section 1 de la présente section aux autres coproducteurs, aux entreprises auxquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle ainsi que, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée. Pour les auteurs, cette transmission tient lieu de la fourniture de l’état des recettes prévue à l’article L. 132-28 du même code.
« Le compte d’exploitation est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre.
« Art. L. 251-10. – Lorsque, pour un ou plusieurs des modes d’exploitation, le producteur délégué exploite directement une œuvre audiovisuelle, il établit le compte d’exploitation correspondant conformément à la sous-section 1 de la présente section.
« Dans les délais prévus à l’article L. 251-5 du présent code, le producteur délégué transmet le compte d’exploitation aux autres coproducteurs, aux entreprises auxquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle ainsi que, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée. Pour les auteurs, cette transmission tient lieu de la fourniture de l’état des recettes prévue à l’article L. 132-28 du même code.
« Le compte d’exploitation est également transmis à toute autre personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat lui conférant un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre.
« Sous-section 3
« Audit des comptes d’exploitation
« Art. L. 251-11. – Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte d’exploitation. Cet audit a pour objet de contrôler la régularité et la sincérité du compte.
« Le distributeur ou, dans le cas prévu à l’article L. 251-10, le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au distributeur ou, dans le cas prévu au même article L. 251-10, au producteur délégué, qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au distributeur, au producteur délégué, aux autres coproducteurs, aux éditeurs de services de télévision qui ont contribué au financement de la production de l’œuvre, aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle ainsi que, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle d’une œuvre imprimée.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée porte également à la connaissance de toute personne physique ou morale avec laquelle le producteur délégué a conclu un contrat conférant à cette personne un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre les informations relatives à cet intéressement.
« Lorsque le rapport d’audit révèle un manquement mentionné à l’article L. 421-1, celui-ci est constaté et sanctionné dans les conditions prévues au livre IV.
« Art. L. 251-12. – Lorsqu’il existe un accord professionnel rendu obligatoire sur le fondement de l’article L. 132-25-1 du code de la propriété intellectuelle prévoyant notamment la définition du coût de production d’une œuvre audiovisuelle appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création ou de l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant, des modalités de son amortissement et des recettes nettes, le Centre national du cinéma et de l’image animée peut procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte d’exploitation établi par le producteur délégué en application de cet accord.
« Le producteur délégué transmet au Centre national du cinéma et de l’image animée ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.
« Le Centre national du cinéma et de l’image animée transmet le projet de rapport d’audit au producteur délégué, qui présente ses observations. Le rapport d’audit définitif est transmis au producteur délégué ainsi qu’aux auteurs énumérés à l’article L. 113-7 du même code.
« Art. L. 251-13. – Un décret fixe les conditions d’application du présent chapitre. » ;
2° Après le 10° de l’article L. 421-1, sont insérés des 10° bis et 10° ter ainsi rédigés :
« 10° bis Des dispositions de l’article L. 251-1 relatives à l’établissement et à la transmission du compte de production, des dispositions des articles L. 251-5, L. 251-9 et L. 251-10 relatives à l’établissement et à la transmission du compte d’exploitation ainsi que des dispositions des articles L. 251-4, L. 251-11 et L. 251-12 relatives à la transmission des documents et pièces utiles à la réalisation des audits ;
« 10° ter Des stipulations d’un accord professionnel rendu obligatoire dans les conditions prévues aux articles L. 251-2 et L. 251-6 ou des dispositions des décrets en Conseil d’État mentionnés aux mêmes articles L. 251-2 et L. 251-6 ainsi que des stipulations d’un accord professionnel rendu obligatoire mentionné à l’article L. 251-12 ; ».
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« Le compte d’exploitation doit notamment indiquer :
« 1° Le montant des encaissements bruts réalisés ;
« 2° Le prix payé par le public lorsqu’il est connu par le distributeur ;
« 3° Le montant des coûts d’exploitation ainsi que des droits et taxes non récupérables ;
« 4° Le montant de la commission éventuellement retenue ;
« 5° L’état d’amortissement des coûts d’exploitation et des minima garantis éventuellement consentis ;
« 6° Le montant des recettes nettes revenant au producteur.
« Le montant des coûts d’exploitation ainsi que l’état d’amortissement de ces coûts mentionnés aux 3° et 5° ne sont indiqués que lorsqu’ils sont pris en compte pour le calcul du montant des recettes nettes revenant au producteur.
« Le compte fait mention des aides financières perçues par le distributeur à raison de l’exploitation de l’œuvre.
« Les éléments mentionnés aux 1° à 4°, ainsi que ceux mentionnés aux 5° et 6° lorsqu’ils sont individualisables, sont fournis pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre en France ainsi que pour chaque territoire d’exploitation de l’œuvre à l’étranger.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Par parallélisme des formes, nous souhaitons spécifier dans cet article, à l’instar de ce que nous avions proposé pour l’article 8, les mentions obligatoires qui devront apparaître dans les comptes d’exploitation des œuvres audiovisuelles, notamment le montant des encaissements bruts réalisés, le prix payé par le public, le montant de la commission, le montant des recettes nettes revenant au producteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Pour les mêmes raisons que précédemment, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 421-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° – Toute personne physique ou morale peut saisir le Centre national du cinéma et de l’image animée d’un manquement aux obligations visées aux 6° ter, 6° quater, 10° bis et 10° ter dont elle a connaissance. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à compléter le dispositif prévu à l’article 9 quater en matière de transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres audiovisuelles, introduit au Sénat en première lecture par le biais de l’adoption d’un amendement du groupe socialiste et républicain.
Il s’agit de donner la possibilité aux organisations professionnelles d’auteurs, de scénaristes et de réalisateurs, ainsi qu’aux sociétés de perception et de répartition des droits d’auteurs, de saisir le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, de tout manquement dont ils pourraient avoir connaissance en matière de transparence des redditions de comptes à l’égard des auteurs.
Cette disposition appuierait utilement la volonté de mettre en œuvre des audits des comptes d’exploitation, auxquels le CNC pourra procéder ou faire procéder.
Ceux par qui la création arrive doivent avoir un droit de regard sur les accords conclus entre producteurs, éditeurs et diffuseurs. J’espère, monsieur le rapporteur, que vous soutiendrez cet amendement, qui va dans le sens de cette transparence que vous prônez ou pas selon le cas…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Il est déjà largement possible de saisir une personne morale de droit public en cas de non-respect de ses obligations. J’émets un avis défavorable sur cet amendement, à mon sens inutile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Les manquements aux obligations de transparence peuvent faire l’objet de sanctions administratives. Il est donc cohérent que le CNC, dont les agents assermentés sont chargés de vérifier le respect de ces obligations et qui procédera à des audits des comptes de production et d’exploitation afin d’en contrôler la régularité et la sincérité, puisse, le cas échéant, être alerté d’éventuels manquements par toute personne concernée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 quater.
(L'article 9 quater est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
I. – A. – L’article L. 212-32 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° Au 1°, le mot : « billet » est remplacé par le mot : « droit » ;
2° Le 3° est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Ils communiquent également cette déclaration de recettes aux distributeurs et à une société de perception et de répartition des droits relevant du titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle chargée des droits musicaux lorsqu’il existe un accord entre une telle société et les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ou leurs représentants. Toutefois, le Centre national du cinéma et de l’image animée peut se charger, en lieu et place des exploitants, de la transmission de la déclaration de recettes, sous quelque forme que ce soit, aux distributeurs et, le cas échéant, à la société de perception et de répartition des droits précitée ; »
3° Sont ajoutés des 4° à 6° ainsi rédigés :
« 4° Les fabricants, les importateurs ou les marchands de billets d’entrée déclarent au Centre national du cinéma et de l’image animée la livraison de ces billets aux établissements de spectacles cinématographiques ;
« 5° Les constructeurs et les fournisseurs de systèmes informatisés de billetterie font homologuer ces systèmes par le Centre national du cinéma et de l’image animée, sur la base de leur conformité à un cahier des charges, et déclarent au Centre national du cinéma et de l’image animée la livraison de ces systèmes aux établissements de spectacles cinématographiques ;
« 6° Les installateurs de systèmes informatisés de billetterie déclarent au Centre national du cinéma et de l’image animée l’installation de ces systèmes dans les établissements de spectacles cinématographiques. Ils déclarent également, ainsi que les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, l’état des compteurs de numérotation lors de toute mise en service, de tout changement de lieu d’implantation et de toute modification technique nécessitant l’intervention du constructeur ou du fournisseur. »
B. – La section 7 du chapitre II du titre Ier du livre II du même code est complétée par des articles L. 212-33 à L. 212-34 ainsi rédigés :
« Art. L. 212-33. – Le droit d’entrée à une séance de spectacles cinématographiques organisée par un exploitant d’établissement de spectacles cinématographiques est individuel. Sa tarification est organisée en catégories selon des modalités fixées par voie réglementaire.
« Sauf dérogation, il ne peut être délivré de droits d’entrée non liés à un système informatisé de billetterie en dehors des établissements de spectacles cinématographiques.
« Le droit d’entrée est conservé par le spectateur jusqu’à la fin de la séance de spectacles cinématographiques.
« Art. L. 212-33-1. – Le fait, pour un exploitant d’établissement de spectacles cinématographiques, d’offrir à un spectateur, quelles que soient les modalités de l’offre, la vente d’un droit d’entrée à une séance de spectacle cinématographique :
« 1° Soit associée, avec ou sans supplément de prix, à la remise d’un bien ou à la fourniture d’un service ;
« 2° Soit dans le cadre d’un service de vente ou de réservation en ligne,
« ne peut avoir pour effet d’entraîner une diminution de la valeur de ce droit d’entrée par rapport au prix de vente du droit d’entrée qui aurait été remis au spectateur, dans les mêmes conditions et pour la même séance, s’il n’avait pas choisi cette offre ou n’en avait pas bénéficié, ce prix constituant dans tous les cas l’assiette de la taxe prévue à l’article L. 115-1 et l’assiette de la répartition des recettes prévue à l’article L. 213-10.
« Art. L. 212-34. – Les modalités d’application de la présente section sont fixées par voie réglementaire. »
II. – (Non modifié) – (Adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 10 quater
I. – Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par des chapitres VI et VII ainsi rédigés :
« CHAPITRE VI
« Dispositions applicables à la recherche et au référencement des œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques
« Art. L. 136-1. – On entend par service automatisé de référencement d’images, au sens du présent chapitre, tout service de communication au public en ligne dans le cadre duquel sont reproduites et mises à la disposition du public, à des fins d’indexation et de référencement, des œuvres plastiques, graphiques ou photographiques collectées de manière automatisée à partir de services de communication au public en ligne.
« Art. L. 136-2. – I. – La publication d’une œuvre d’art plastiques, graphiques ou photographiques à partir d’un service de communication au public en ligne emporte la mise en gestion, au profit d’une ou plusieurs sociétés régies par le titre II du livre III de la présente partie et agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture, du droit de reproduire et de représenter cette œuvre dans le cadre de services automatisés de référencement d’images. À défaut de désignation par l’auteur ou par son ayant droit à la date de publication de l’œuvre, une des sociétés agréées est réputée gestionnaire de ce droit.
« II. – Les sociétés agréées sont seules habilitées à conclure toute convention avec les exploitants de services automatisés de référencement d’images aux fins d’autoriser la reproduction et la représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques dans le cadre de ces services et de percevoir les rémunérations correspondantes fixées selon les modalités prévues à l’article L. 136-4. Les conventions conclues avec ces exploitants prévoient les modalités selon lesquelles ils s’acquittent de leurs obligations de fournir aux sociétés agréées le relevé des exploitations des œuvres et toutes informations nécessaires à la répartition des sommes perçues aux auteurs ou à leurs ayants droit.
« Art. L. 136-3. – L’agrément prévu au I de l’article L. 136-2 est délivré en considération :
« 1° De la diversité des associés ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants ;
« 3° Des moyens humains et matériels qu’ils proposent de mettre en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques par des services automatisés de référencement d’images.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la délivrance et du retrait de cet agrément.
« Art. L. 136-4. – I. – La rémunération due au titre de la reproduction et de la représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques par des services automatisés de référencement d’images est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4.
« Le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont fixés par voie de convention entre les sociétés agréées pour la gestion des droits des œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques et les organisations représentant les exploitants des services automatisés de référencement d’images.
« La durée de ces conventions est limitée à cinq ans.
« II. – À défaut d’accord conclu dans les six mois suivant la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 136-3, ou si aucun accord n’est intervenu à la date d’expiration d’un précédent accord, le barème de la rémunération et ses modalités de versement sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en nombre égal, d’une part, de représentants des sociétés agréées conformément au même article L. 136-3 et, d’autre part, des représentants des exploitants des services automatisés de référencement d’images.
« Les organisations amenées à désigner les représentants membres de la commission, ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner, sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.
« La commission se détermine à la majorité des membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.
« Les décisions de la commission sont publiées au Journal officiel.
« CHAPITRE VII
« Dispositions applicables à la recherche et au référencement des productions des agences de presse
« Art. L. 137-1. – On entend par service automatisé de référencement d’images, au sens du présent chapitre, tout service de communication au public en ligne dans le cadre duquel sont reproduites et mises à la disposition du public, à des fins d’indexation et de référencement, des productions des agences de presse, collectées de manière automatisée à partir de services de communication au public en ligne.
« Art. L. 137-2. – I. – La publication d’une production d’une agence de presse, à partir d’un service de communication au public en ligne emporte la mise en gestion, au profit d’une ou plusieurs sociétés régies par le chapitre unique du titre II du livre III et agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture, du droit de reproduire et de représenter cette production dans le cadre de services automatisés de référencement d’images. À défaut de désignation par l’agence de presse à la date de la publication de la production, une des sociétés agréées est réputée gestionnaire de ce droit.
« II. – Les sociétés agréées sont seules habilitées à conclure toute convention avec les exploitants de services automatisés de référencement d’images aux fins d’autoriser la reproduction et la représentation des productions des agences de presse, dans le cadre de ces services et de percevoir les rémunérations correspondantes fixées selon les modalités prévues à l’article L. 137-4. Les conventions conclues avec ces exploitants prévoient les modalités selon lesquelles ils s’acquittent de leurs obligations de fournir aux sociétés agréées le relevé des exploitations des productions des agences de presse ainsi que toutes informations nécessaires à la répartition des sommes perçues aux agences de presse.
« Art. L. 137-3. – L’agrément prévu au I de l’article L. 137-2 est délivré en considération :
« 1° De la diversité des associés ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants ;
« 3° Des moyens humains et matériels qu’ils proposent de mettre en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des productions des agences de presse par des services automatisés de référencement d’images.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la délivrance et du retrait de cet agrément.
« Art. L. 137-4. – I. – La rémunération due au titre de la reproduction et de la représentation des productions des agences de presse par des services automatisés de référencement d’images est assise sur les recettes de l’exploitation ou à défaut, évaluée forfaitairement, notamment, dans les cas prévus à l’article L. 131-4.
« Le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont fixés par voie de convention entre les sociétés agréées pour la gestion des droits des productions des agences de presse et les organisations représentant les exploitants des services automatisés de référencement d’images.
« La durée de ces conventions est limitée à cinq ans.
« II. – À défaut d’accord conclu dans les six mois suivant la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 137-3, ou si aucun accord n’est intervenu à la date d’expiration d’un précédent accord, le barème de la rémunération et ses modalités de versement sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en nombre égal, d’une part, de représentants des sociétés agréées conformément au même article L. 137-3 et, d’autre part, des représentants des exploitants de services automatisés de référencement d’images.
« Les organisations amenées à désigner les représentants membres de la commission, ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner, sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.
« La commission se détermine à la majorité des membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.
« Les décisions de la commission sont publiées au Journal officiel. »
II. – Les chapitres VI et VII du livre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle, tels qu’ils résultent du I du présent article, s’appliquent à compter de la publication des décrets en Conseil d’État mentionnés respectivement au dernier alinéa de l’article L. 136-3 et au dernier alinéa de l’article L. 137-3 du même code et, au plus tard, six mois après la date de promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l'article.
M. Patrick Abate. Cet article 10 quater, qui a connu un cheminement un peu compliqué, nous ramène à bien des égards du débat que nous avons eu voilà quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique, au sujet de la liberté de panorama.
En effet, il vise dans un premier temps à corréler la reproduction d’œuvres d’art plastique sur des plateformes de référencement à une rémunération liée. Cette mesure reprend concrètement la disposition que nous avions adoptée sur la liberté de panorama, à ceci près qu’elle est adaptée aux réalités de plateformes comme Google Images. Interdire aux moteurs de recherche de reproduire des œuvres d’art plastique n’aurait pas de sens, car cela conduirait forcément à la mort du dispositif, limiterait la diffusion des œuvres des créateurs et nuirait, en définitive, à l’accès à ces dernières pour tous les citoyens.
Toutefois, il ne faut pas oublier que Google, Amazon, Facebook ou Apple engrangent des recettes publicitaires par ce biais et abusent largement de leur position dominante.
Cet article va dans le sens d’un rééquilibrage du partage de la valeur en faveur des auteurs d’œuvres d’art graphique ou plastique. Même si nous ne méconnaissons pas, madame la ministre, sa « fragilité » au regard du droit communautaire, il nous paraît important de réaffirmer notre intérêt pour ce sujet. En la matière, l’audace peut être salutaire !
Mme la présidente. L'amendement n° 192, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Nous entamons ici un débat de principe.
Sur le fond, le Gouvernement souscrit évidemment pleinement à l’objectif d’apporter une réponse au bouleversement du partage de la valeur dans l’environnement numérique, qui s’opère aujourd'hui au détriment de ceux qui prennent le risque de la création, qu’il s’agisse des artistes plasticiens, des photographes, des agences de presse ou de bien d’autres créateurs encore.
Pour autant, faut-il adopter ici une disposition qui ne sera pas, on le sait, conforme à nos engagements communautaires ? Telle est la véritable question.
Sur le fond, nous devons aujourd'hui aborder une problématique urgente, celle de la responsabilité et du traitement juridique des plateformes que vous avez évoquées, monsieur Abate. Ces plateformes sont considérées par le droit communautaire comme de simples hébergeurs, sans responsabilité au regard de la rémunération de la reproduction des œuvres protégées par le droit d’auteur. Ce statut date et n’est plus conforme au rôle qu’elles jouent dans l’accès aux œuvres et la distribution de programmes, de photographies, d’informations. Et je n’évoque même pas la question de la fiscalité…
Nous avons ce débat pour chacun des secteurs professionnels concernés par l’action de ces hébergeurs ; récemment encore, lors du Festival de Cannes ou devant la Commission européenne, nous avons abordé la question de la responsabilité de ces plateformes dans le financement et la distribution de la création.
Grâce à des prises de position particulièrement dynamiques, la France, d’abord isolée, puis rejointe par d’autres pays, a obtenu de la Commission européenne le lancement, le 23 mars dernier, d’une consultation sur la place de ces plateformes dans la chaîne de valeur, qui devra permettre de réaffirmer notre objectif.
Vos collègues de l'Assemblée nationale viennent d’exprimer leur soutien à ce dernier en adoptant une proposition de résolution européenne sur la protection du droit d’auteur dans l’Union européenne. Ce texte préconise « un meilleur partage de la rémunération au sein de la chaîne de valeur culturelle, par une plus grande contribution des plateformes qui tirent un profit de la distribution des contenus en ligne ».
C’est pourquoi je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en partageant l’objectif qui le sous-tend, de supprimer l’article 10 quater, car son dispositif serait en réalité inopérant. Nous devons traiter ce problème au niveau où la norme est posée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Comme en première lecture, le Gouvernement nous propose de supprimer l’article 10 quater, qui vise à assurer la rémunération des photographes et des plasticiens ou des agences de presse dont les œuvres ou les productions sont publiées par les services automatisés de référence d’images sur internet sans autorisation.
Cet article revêt une importance considérable pour ces professions, victimes d’une précarité croissante. La rédaction en a justement été remaniée pour éviter tout risque de contradiction avec le droit européen, sachant que la Commission européenne mène une réflexion sur le sujet.
Pour faire avancer les choses, j’estime que nous devons inscrire ce dispositif dans la loi française. Le sujet est si complexe que des obstacles se feront peut-être jour à l’échelon européen. La question est tellement importante pour les professions concernées qu’il faut à mon sens maintenir cet article. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je suis d’accord avec le rapporteur.
Le Gouvernement partage, je le sais, notre souci d’éviter toute spoliation des agences de presse, des artistes plasticiens, des photographes.
Certes, cet article n’est peut-être pas tout à fait conforme au droit européen, mais nous avons déjà montré à plusieurs reprises que les votes que nous émettons pouvaient faire évoluer les choses. Je pense en particulier au maintien du taux de TVA de 2,1 % sur le livre numérique, qui a été un long combat : à ce propos aussi, on m’avait d’abord objecté que ce n’était pas conforme au droit européen, avant que l’Europe ne s’aligne sur ce que nous avions décidé…
Certaines professions sont spoliées par les moteurs de recherche. Par exemple, les petites agences de presse indépendantes ne bénéficient d’aucune rémunération au titre des images captées par ceux-ci.
J’entends que le Gouvernement ne puisse pas facilement s’émanciper de ce qu’il considère être les règles européennes en vigueur, mais, en votant contre la suppression de cet article, nous allons l’aider à défendre des positions justes à Bruxelles.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. J’abonde dans le sens de M. le rapporteur et de M. Assouline, au sujet d’une question que, au Sénat, nous connaissons bien. En effet, dans le contexte des bouleversements liés à la mutation numérique, nous nous interrogeons sur l’opportunité de légiférer.
Comme David Assouline l’a rappelé, notre commission, présidée à l’époque par Jacques Legendre, a mené un travail important à propos de la TVA sur le livre numérique. On nous expliquait que nos propositions étaient contraires au droit européen, mais nous avons néanmoins fait avancer les choses : le Sénat a été l’aiguillon de la réflexion. Il en a été de même, par la suite, en ce qui concerne l’alignement des taux de TVA applicables à la presse numérique et à la presse papier.
La lenteur désespérante de la Commission européenne fait que, à moment donné, on doit s’emparer des sujets à l’échelon national, l’objectif étant de défendre l’exception culturelle.
Madame la ministre, vous avez mentionné la proposition de résolution adoptée par l’Assemblée nationale. Au Sénat, Gaëtan Gorce et moi-même en avons déposé deux allant dans le même sens, mais, jusqu’à présent, rien ne bouge !
Vous avez évoqué la nécessité de légiférer en vue d’assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée. Je regrette que, à la faveur de l’examen du projet de loi pour une République numérique, nous n’ayons pas été plus loin dans ce domaine, et que l’amendement adopté à l’unanimité par le Sénat au sujet des moteurs de recherche, qui ont leurs spécificités, l’ait été contre l’avis de Mme la secrétaire d’État chargée du numérique, alors que nos propositions allaient dans le sens de vos propos.
Nous devons absolument pousser la réflexion sur ces sujets, sachant que certains moteurs de recherche – je ne nommerai pas une entreprise qui, aujourd’hui, fait l’objet d’une perquisition pour fraude fiscale – persistent à abuser de leur position dominante en dépit de la notification des griefs de la Commission européenne. Nous devons afficher un cap : c’est ainsi que la situation pourra progressivement évoluer ! (M. Guy-Dominique Kennel applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je crois que nous sommes tous très conscients, dans cette enceinte, de l’impérieuse nécessité de défendre une profession sinistrée. Artistes publiant des photos ou photojournalistes, tous sont malmenés : ils ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois, perdent leur carte de presse, leurs revenus ne sont plus d’origine salariale, ils changent de régime fiscal… Ce qui leur arrive est proprement ahurissant !
Or, dans ce contexte, il ne se trouve que le Sénat, droite et gauche confondues, pour prendre leur défense, avec quelques associations. Notre assemblée peut en être très fière !
Sur Facebook, où plus de la moitié des enfants de moins de deux ans ont déjà leur photo, les gens ne cochent pas, au bout de la vingt-cinquième page, la case signifiant l’interdiction d’utiliser les photos affichées. Cela signifie que Nestlé peut racheter à Facebook la photo de votre petit-fils pour la mettre sur des affiches 4 par 3 faisant la publicité d’un lait maternisé en Afrique… Ces entreprises se livrent à une spoliation de l’intime !
Sur Google Images, c’est la spoliation des professionnels de l’image qui a cours. Imaginez que, demain, quelqu’un prenne les baguettes d’un boulanger pour les mettre à la libre disposition du public sur le trottoir : l’auteur d’un tel acte, de toute évidence, encourrait des sanctions ! Eh bien il devrait en aller de même avec les images !
Dans l’objet de votre amendement, madame la ministre, il est écrit que l’article 10 quater « soulève la question délicate du rôle que le droit de la propriété intellectuelle est susceptible d’occuper s’agissant des opérations de référencement d’œuvres ». Si référencer les œuvres signifie les offrir à tous les voleurs, il y a un problème !
Les associations de photographes précisent que quiconque peut utiliser une photo pour un usage personnel, par exemple pour constituer un fond d’écran ; il n’y a, dans ce cas, aucune spoliation. En revanche, s’il s’agit de les vendre pour en faire des cartes postales ou illustrer des livres, ils ne sont pas d’accord !
Imaginez, madame la ministre, que quelqu’un scanne les livres de sa bibliothèque et les mette à la libre disposition de tous sur internet : le syndicat des éditeurs vous solliciterait aussitôt et vous seriez d’ailleurs la première à monter au créneau. Imaginez qu’un autre individu fasse de même avec sa collection de disques : cela s’appellerait du peer to peer, et le Gouvernement en appellerait à la Hadopi pour protéger les musiciens !
En revanche, quand il s’agit des photographes, personne ne bouge, hormis le Sénat unanime ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Madame la ministre, je ne suis pas sûr que la directive européenne sur les droits d’auteur et les droits voisins soit aussi imperméable que vous semblez le penser à l’exception que nous proposons de créer. Peut-être celle-ci ne sera-t-elle pas facile à promouvoir, mais c’est notre tâche que d’y travailler.
Nous voterons bien entendu contre l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10 quater.
(L'article 10 quater est adopté.)
Article 10 quinquies
(Suppression maintenue)
Article 10 sexies
(Suppression maintenue)
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le 2° de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :
« 2° Les modalités permettant d’assurer la contribution au développement de la production d’œuvres audiovisuelles en tenant compte des accords conclus entre l’éditeur de services et une ou plusieurs organisations professionnelles de l’industrie audiovisuelle en concertation avec les auteurs, s’agissant notamment de la durée des droits ; ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à associer davantage les auteurs aux discussions entre les producteurs et les services audiovisuels hertziens portant sur la fixation des obligations conventionnelles des chaînes. En effet, longue est la liste des négociations au cours desquelles l’intérêt des auteurs n’a pu être défendu, faute que ceux-ci soient représentés.
L’exemple le plus récent, à cet égard, est sans doute le plus frappant : le syndicat des producteurs de films d’animation a négocié avec Gulli un accord accroissant le financement de la production indépendante par la chaîne et réduisant la durée des droits de diffusion. La contrepartie en a été une demande de modification de la convention de la chaîne, actuellement soumise au CSA, dont l’acceptation aboutirait à une diminution importante de la diffusion d’œuvres d’animation d’expression originale française, que les auteurs comme le CSA ont évaluée à environ 600 heures par an.
Ainsi, une discussion portant initialement sur le partage des droits et la production indépendante aboutit à l’adoption de mesures extrêmement pénalisantes pour les auteurs et pour la création en général.
Je pourrais parler aussi des accords conclus ces dernières années entre France Télévisions et les producteurs, en particulier en ce qui concerne l’animation, la fiction et le spectacle vivant. Hors de toute présence des auteurs dans les discussions, ces accords ont fixé les niveaux d’engagement financier de France Télévisions pour chacun de ces genres, que la production soit indépendante ou non, et déterminé des règles relatives à la diffusion des œuvres. Ce sont là autant d’engagements concertés qui auraient justifié la présence de représentants des auteurs autour de la table de négociation.
Je tiens à souligner que nous ne proposons pas que les auteurs soient signataires des accords. Nous demandons seulement que les discussions sur les parties des accords concernant les auteurs se déroulent en concertation avec ceux-ci, afin qu’ils puissent faire valoir leur point de vue.
Je suis disposé à accepter une formulation plus douce que « en concertation avec », mais je veux que les auteurs aient une place dans le dispositif !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Nous avons débattu en commission de la recevabilité de cet amendement. Devant votre insistance et pour ne pas vous faire de peine, monsieur Assouline, j’ai accepté qu’il soit examiné, mais je reste persuadé qu’il est irrecevable au titre de l’article 48 du règlement du Sénat.
M. David Assouline. Vous êtes charitable…
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Probablement, mais il n’en demeure pas moins que cet amendement n’a rien à voir au fond avec l’article que nous avions introduit en première lecture. Le sujet mérite néanmoins que l’on s’y intéresse.
Nous souhaitons tous défendre les auteurs, dont nous avons reçu des représentants. Aujourd’hui, ils sont associés aux négociations entre diffuseurs et producteurs par le biais des discussions et des accords qui se nouent entre eux et les producteurs. En effet, chaque accord signé entre les producteurs et les diffuseurs fait ensuite l’objet d’un accord spécifique avec les auteurs. Il n’est donc aucunement nécessaire d’associer de droit les auteurs à la négociation globale.
Sans doute des négociations entre les producteurs et les diffuseurs peuvent-elles avoir des répercussions sur les auteurs, s’agissant notamment des engagements ou de la durée des droits, mais il y a un lien privilégié entre producteurs et auteurs. Ce qui me gêne, c’est que, par cet amendement, on voudrait, en somme, rendre les accords tripartites.
M. David Assouline. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. C’est du moins ainsi que je le comprends.
M. David Assouline. Je viens d’expliquer le contraire !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Or je pense que si l’on introduit un troisième partenaire dans les négociations, il deviendra très compliqué d’aboutir à un résultat.
Ce matin même, à votre aimable invitation, madame la ministre, nous avons assisté à la signature de l’accord entre TF1 et les représentants des producteurs, pour la négociation duquel le Sénat a joué, à un certain moment, un rôle d’impulsion. Cette négociation aurait-elle pu aboutir dans les délais avec une partie prenante supplémentaire ? Pour ma part, je ne le pense pas et je considère que le mieux est souvent l’ennemi du bien.
Certes, un vrai problème se pose, qu’il faut traiter, mais le dispositif proposé me paraît trop dur en l’état. Je sollicite donc le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le régime de contribution à la production audiovisuelle des chaînes de télévision fait l’objet d’accords interprofessionnels. Ces accords sont conclus entre, d’une part, les chaînes de télévision ou des groupes de chaînes, et, d’autre part, les organisations de producteurs. Il s’agit bien, en effet, des obligations de production.
Dans la pratique, des représentants des auteurs sont associés aux discussions portant sur des sujets qui concernent directement ceux-ci, comme le niveau de contribution des chaînes à la production d’œuvres patrimoniales ou les modalités de diffusion des œuvres ; des accords distincts sont alors signés. Cette pratique est pleinement justifiée, et même absolument nécessaire. Elle n’est nullement remise en cause.
L’adoption de l’amendement n° 40 dans la rédaction proposée aurait pour conséquence de rendre obligatoire la participation des représentants des auteurs à la négociation de tous les accords conclus en matière de contribution à la production audiovisuelle, ce que le Gouvernement, à l’instar de la commission, ne juge pas souhaitable.
Je ne puis donc pas être favorable à l’amendement dans sa rédaction actuelle, quelque légitime que soit la question posée. Je suggère que la formulation en soit retravaillée et, dans l’immédiat, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. En aucun cas je ne demande que les accords soient tripartites. Il devrait aller de soi que les intérêts des auteurs soient pris en compte dans le cadre des accords entre producteurs et chaînes de télévision, mais il est arrivé que la conclusion de tels accords entraîne, par exemple, la suppression de centaines d’heures de programmes, sans que les auteurs aient été consultés ; d’où le dépôt de cet amendement. Je pense à l’accord signé par Gulli, que j’ai déjà mentionné, mais aussi à celui signé par TF1.
Ma proposition est au demeurant très prudente : il s’agit simplement de prévoir que ces accords soient élaborés en concertation avec les auteurs, afin que ceux-ci puissent veiller à la prise en compte de leurs intérêts, sans être pour autant signataires ni disposer d’aucun pouvoir de blocage. Je suis disposé, je l’ai dit, à accepter une formulation encore plus douce, si le mot de concertation éveille la suspicion de certains.
Je suis constant dans mes positions : je pense que, dans la chaîne de la création, les diffuseurs sont fondamentaux et les producteurs irremplaçables, mais que ni les uns ni les autres n’existeraient sans auteurs et sans créateurs. Je défends les auteurs, parce que cela répond à ma conception de notre mission au service de la culture !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 sexies demeure supprimé.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. J’indique à mes collègues que la commission de la culture se réunira pendant la suspension de la séance pour examiner un certain nombre d’amendements.
7
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un vote favorable - vingt-quatre voix pour - à la nomination de M. Patrick Jeantet aux fonctions de président délégué du directoire de la SNCF.
8
Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du mardi 24 mai 2016, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le permis de visite et l’autorisation de téléphoner durant la détention provisoire (n° 2016-543 QPC).
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Dépôt d’un avis de l’assemblée de la Polynésie française
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l’Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 13 mai 2016, un avis sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015.
Acte est donné de cette communication.
10
Liberté de la création, architecture et patrimoine
Suite de la discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en revenons, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’article 7 ter, précédemment réservé.
TITRE IER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE
Chapitre II (suite)
Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique
Article 7 ter (suite) (précédemment réservé)
L’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-6. – I. – La rémunération prévue à l’article L. 311-1 est perçue pour le compte des ayants droit par un ou plusieurs organismes mentionnés au titre II du présent livre, agréés conjointement à cet effet par les ministres chargés de la culture et de l’industrie.
« L’agrément est délivré pour cinq années en considération :
« 1° De la représentation paritaire des membres de la commission mentionnée à l’article L. 311-5 au sein des organes dirigeants de l’organisme ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants de l’organisme ;
« 3° Des moyens que l’organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la perception des droits.
« II. – La rémunération prévue à l’article L. 311-1 est répartie entre les ayants droit par les organismes mentionnés au I du présent article, à raison des reproductions privées dont chaque œuvre fait l’objet.
« III. – Une part ne pouvant excéder 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée est affectée par les organismes mentionnés au I du présent article au financement des enquêtes d’usage réalisées par l’autorité mentionnée à l’article L. 331-12, sur le fondement de cahiers des charges rédigés par la commission mentionnée à l’article L. 311-5. »
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I - L’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-6. – I. – La rémunération prévue à l’article L. 311-1 est perçue pour le compte des ayants droit par un ou plusieurs organismes mentionnés au titre II du présent livre, agréés à cet effet par le ministre chargé de la culture.
« L’agrément est délivré pour cinq années en considération :
« 1° De la qualification professionnelle des dirigeants de l'organisme ;
« 2° Des moyens que l'organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la perception des droits.
« II. - La rémunération prévue à l'article L. 311-1 est répartie entre les ayants droit par les organismes mentionnés au I du présent article, à raison des reproductions privées dont chaque œuvre fait l'objet.
« III. - « Une part ne pouvant excéder 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée est affectée par ces organismes au financement des enquêtes d’usage réalisées, en application du troisième alinéa de l’article L. 311-4, par la commission mentionnée à l’article L. 311-5, qui en rédige les cahiers des charges préalables. »
II. - Le I de l’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous avons estimé tout à l’heure qu’il nous fallait davantage de temps pour négocier avec le rapporteur une rédaction de l’article 7 ter qui puisse recueillir l’assentiment général. Cet amendement tend à prévoir l’affectation d’une part limitée à 1 % des sommes issues de la rémunération pour copie privée au financement des enquêtes sur les usages des supports, afin de garantir l’indépendance de ces enquêtes. Il vise en outre à confier à la commission de la copie privée – et non à la Hadopi – le soin de procéder à ces enquêtes.
L’amendement n° 35, qui viendra ensuite en discussion, vise à la suppression de l’article 7 quater AA. Il s’agit d’un amendement de coordination avec celui que je viens de défendre.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 235, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 34 rectifié
Après le cinquième alinéa il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° De la diversité des associés de la société.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Ce sous-amendement a pour objet de préciser les conditions d’agrément de la ou des sociétés chargées de percevoir la rémunération pour copie privée.
Cette ou ces sociétés doivent représenter l’ensemble des bénéficiaires de la rémunération pour copie privée : les auteurs, les artistes, les producteurs et les éditeurs. On retrouve ce critère de représentation de la diversité des associés dans tous les cas où le code de la propriété intellectuelle prévoit un agrément.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Comme l’a indiqué M. Assouline, l’amendement n° 34 rectifié résulte de la discussion que nous avons eue tout à l’heure. Il porte notamment sur l’agrément du ou des organismes chargés de percevoir la rémunération pour copie privée, ainsi que sur les cahiers des charges des enquêtes d’usage.
L’avis de la commission est favorable, de même que sur le sous-amendement n° 235 du Gouvernement.
M. Hubert Falco. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. J’approuve le sous-amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 ter est ainsi rédigé.
Article 7 quater AA (précédemment réservé)
Le titre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 311-4 est complétée par les mots : « réalisées dans les conditions fixées au III de l’article L. 311-6 » ;
2° L’article L. 331-31 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle fournit à la commission mentionnée à l’article L. 311-5 les enquêtes sur les usages de l’exception de copie privée réalisées en application de l’article L. 311-6. »
Mme la présidente. L'amendement n° 35, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 quater AA est supprimé.
Nous revenons au cours normal de la discussion des articles.
Articles 10 septies et 10 octies
(Suppression maintenue)
Chapitre II bis
Soutien à la création artistique
Article 10 nonies
I. – L’article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 123-7. – I. – Après le décès de l’auteur, le droit de suite mentionné à l’article L. 122-8 subsiste au profit de ses héritiers et, pour l’usufruit prévu à l’article L. 123-6, de son conjoint, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes.
« Sous réserve des droits des descendants et du conjoint survivant non divorcé, l’auteur peut transmettre le droit de suite par legs.
« En l’absence d’héritier et de legs du droit de suite, ce dernier revient au légataire universel ou, à défaut, au détenteur du droit moral.
« II. – En l’absence d’ayant droit connu, ou en cas de vacance ou de déshérence, le tribunal de grande instance peut confier le bénéfice du droit de suite à une société régie par le titre II du livre III de la présente partie, agréée à cet effet par arrêté du ministre chargé de la culture. Le tribunal peut être saisi par le ministre chargé de la culture ou par la société agréée.
« Les sommes perçues par la société agréée sont affectées à la prise en charge d’une fraction des cotisations dues par les auteurs des arts graphiques et plastiques au titre de la retraite complémentaire.
« La gestion du droit de suite prévue au premier alinéa du présent II prend fin lorsqu’un ayant droit justifiant de sa qualité se fait connaître auprès de la société agréée.
« III. – L’agrément des sociétés prévu au II est délivré en considération :
« 1° De la diversité des associés ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants ;
« 3° De l’importance de leur répertoire et de la représentation des auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques bénéficiaires du droit de suite, au sens de l’article L. 122-8, au sein des organes dirigeants ;
« 4° Des moyens humains et matériels qu’ils proposent de mettre en œuvre pour permettre la prise en charge du droit de suite prévue au deuxième alinéa du II du présent article.
« IV. – Les modalités d’application du présent article, notamment de la délivrance et du retrait de l’agrément prévu au II, sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est applicable aux successions ouvertes à compter de la publication de la présente loi. Il est également applicable aux successions ouvertes avant la publication de la présente loi, y compris celles qui auraient été réglées à cette date, lorsqu’il n’existe aucun héritier régulièrement investi du droit de suite en application des règles de transmission en vigueur au jour du décès. – (Adopté.)
Chapitre II ter
(Suppression maintenue de la division et intitulé)
Article 10 decies
(Suppression maintenue)
Chapitre III
Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle
Article 11 A
(Non modifié)
I. – Est artiste amateur dans le domaine de la création artistique toute personne qui pratique seule ou en groupe une activité artistique à titre non professionnel et qui n’en tire aucune rémunération.
L’artiste amateur peut obtenir le remboursement des frais occasionnés par son activité sur présentation de justificatifs.
II. – La représentation en public d’une œuvre de l’esprit effectuée par un artiste amateur ou par un groupement d’artistes amateurs et organisée dans un cadre non lucratif, y compris dans le cadre de festivals de pratique en amateur, ne relève pas des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail.
Par dérogation à l’article L. 8221-4 du même code, la représentation en public d’une œuvre de l’esprit par un artiste amateur ou par un groupement d’artistes amateurs relève d’un cadre non lucratif, y compris lorsque sa réalisation a lieu avec recours à la publicité et à l’utilisation de matériel professionnel.
Le cadre non lucratif défini au deuxième alinéa du présent II n’interdit pas la mise en place d’une billetterie payante. La recette attribuée à l’artiste amateur ou au groupement d’artistes amateurs sert à financer leurs activités, y compris de nature caritative, et, le cas échéant, les frais engagés pour les représentations concernées.
III. – Toute personne qui participe à un spectacle organisé dans un cadre lucratif relève des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail et reçoit une rémunération au moins égale au minimum conventionnel du champ concerné.
Toutefois, par dérogation aux mêmes articles, les structures de création, de production, de diffusion et d’exploitation de lieux de spectacles mentionnées aux articles L. 7122-1 et L. 7122-2 du même code dont les missions prévoient l’accompagnement de la pratique amateur et la valorisation des groupements d’artistes amateurs peuvent faire participer un ou plusieurs artistes amateurs et des groupements d’artistes amateurs, constitués sous forme associative, à des représentations en public d’une œuvre de l’esprit sans être tenues de les rémunérer, dans le cadre d’un accompagnement de la pratique amateur ou d’actions pédagogiques et culturelles.
La mission d’accompagnement de la pratique amateur ou de projets pédagogiques, artistiques ou culturels ou de valorisation des groupements d’artistes amateurs est définie soit dans les statuts de la structure, soit dans une convention établie entre la structure et l’État ou les collectivités territoriales ou leurs groupements.
Un décret précise la possibilité de faire appel à des artistes amateurs ou à des groupements d’artistes amateurs prévue au deuxième alinéa du présent III en fixant, notamment, les plafonds concernant la limite d’un nombre annuel de représentations et la limite d’un nombre de représentations par artiste amateur intervenant à titre individuel.
La part de la recette des spectacles diffusés dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent III attribuée à l’artiste amateur ou au groupement d’artistes amateurs sert à financer ses frais liés aux activités pédagogiques et culturelles et, le cas échéant, ses frais engagés pour les représentations concernées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
Mme Christine Prunaud. Il est heureux que la problématique des artistes amateurs soit présente dans le texte, grâce à un ajout de nos collègues députés qui permet la prise en compte d’une partie non négligeable des acteurs faisant vivre nos manifestations culturelles et artistiques. C’est un message fort envoyé tant aux structures culturelles et artistiques qu’aux artistes amateurs eux-mêmes.
Nous ne pouvons que souscrire à la rédaction des premiers paragraphes de l’article 11 A, qui ne dénie pas la qualité d’artistes à ces amateurs, reconnaissant de fait le rôle de ces derniers l’acte de création. Cela avait fait débat dans cette enceinte en première lecture. Nous nous réjouissons que M. le rapporteur ait pu être convaincu.
Le respect pour ces artistes amateurs se manifeste aussi par la possibilité qui leur est offerte de se faire rembourser leurs frais de déplacement, de répétition et de représentation. Il s’agit d’une mesure non seulement utile pour assurer la pleine reconnaissance du rôle des artistes amateurs, mais aussi nécessaire : en effet, combien de jeunes et de moins jeunes se trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité de poursuivre leur activité artistique parce que cela constitue pour eux un gouffre financier ? Ce dispositif doit contribuer à une véritable démocratisation de l’accès à la pratique artistique.
En revanche, la rédaction de la fin de l’article est lourde, à nos yeux, d’un grave danger, celui de favoriser le travail dissimulé au prétexte de la valorisation des pratiques amateurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l'article.
Mme Maryvonne Blondin. Nous évoquons les pratiques amateurs depuis près d’une décennie. Un travail a été engagé voilà plus de deux ans pour rechercher le nécessaire équilibre entre respect du travail des professionnels et valorisation des pratiques amateurs, qui concernent environ 12 millions de Français.
Il faut souligner que ces pratiques amateurs participent à la richesse et à la diversité culturelle de nos régions, dont certaines sont, à cet égard, un peu plus riches que d’autres. Je pense en particulier à ma région, la Bretagne. Elles contribuent également à cette démocratisation de l’accès à l’art dans nos territoires que nous appelons tous de nos vœux.
Nos collègues députés sont parvenus à une rédaction équilibrée de l’article, qui respecte les règles des pratiques professionnelles tout en sécurisant les pratiques amateurs, individuelles et collectives. Je salue leur travail, ainsi que l’évolution tout à fait positive de la position de M. le rapporteur, qui a accepté de conserver la notion d’« artiste amateur ».
M. Hubert Falco. Tout à fait !
Mme Maryvonne Blondin. Le travail de l’Assemblée nationale a notamment porté sur la difficile distinction entre secteur lucratif et activités non lucratives. Mme la ministre a sûrement des précisions à nous donner à ce sujet, car le groupe socialiste et républicain était tout à fait disposé à voter l’article tel qu’issu de l’Assemblée nationale, cette rédaction convenant aux artistes amateurs. Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, quels motifs vous ont conduite à vouloir modifier celle-ci. Il faut veiller à bien sécuriser le statut des uns tout en respectant les autres. (M. Daniel Raoul applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 86, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Comme je le disais à l’instant, la rédaction de la fin de l’article 11 A est insatisfaisante à nos yeux. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression des alinéas 7 à 10, dont le dispositif dérogatoire pose selon nous trois problèmes.
Tout d’abord, il organise une mise en concurrence des artistes professionnels et amateurs. Dans un cadre budgétaire contraint, il est illusoire de penser que beaucoup de structures hésiteront à préférer un artiste se produisant à titre gracieux à un artiste qu’il faut rémunérer.
Ensuite, à l’inverse de ce qui est prôné, la valorisation de la pratique amateur passerait par l’exploitation des artistes amateurs, qui ne seraient pas « légitimes » – comprenez assez compétents – à percevoir une rémunération.
Enfin, quid des enfants artistes, dont la rémunération est automatique ?
Par ailleurs, les deux garde-fous prévus nous semblent trop limités pour être efficaces.
En effet, quoi de plus simple que de changer les statuts d’une structure ? Il suffit d’organiser une assemblée générale pour inscrire dans ceux-ci que la structure contribue à la valorisation de la pratique amateur !
En outre, pour éviter le recours systématique aux artistes amateurs, vous prévoyez la fixation par décret d’un nombre plafond de représentations par artiste amateur. Nous pourrions accepter une telle disposition, mais elle ne règle pas le problème du travail dissimulé, pour deux raisons.
Premièrement, si le plafond est fixé à quinze ou trente représentations, comme proposé, cela peut représenter pour certaines structures, parfois largement bénéficiaires, une saison complète.
Deuxièmement, rien n’empêchera les structures concernées de changer d’artistes amateurs une fois les plafonds atteints.
Mme la présidente. L'amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
soit dans les statuts de la structure, soit
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Tout d’abord, je voudrais dire que l’Assemblée nationale a trouvé un bon équilibre. Sa rédaction permet de valoriser et de sécuriser la pratique amateur, qui est essentielle à la démocratisation culturelle dans notre pays.
L’amendement du Gouvernement ne revient pas sur cet équilibre. Il vise à apporter des précisions à propos d’une situation qui a pu susciter des inquiétudes. Je vais m’efforcer d’être très claire, pour ne pas en créer de nouvelles.
Cet amendement ne concerne pas les cas – nombreux – où des groupements et associations d’artistes amateurs sont à l’origine de la tenue d’une représentation en public dans un cadre non lucratif. Ce cadre fait l’objet du II du texte de l’Assemblée nationale.
En revanche, il vise à mieux encadrer le recours à la pratique amateur dans le cadre professionnel et lucratif, tel qu’il est défini au III.
Les dernières séquences de concertation avec les associations d’artistes amateurs et les organisations professionnelles ont montré que la rédaction de cette partie de l’article pouvait être source de confusion.
Or ce III est essentiel pour sécuriser la pratique amateur dans un cadre professionnel aujourd’hui exposé à une insécurité juridique et à un risque fort de requalification. Il n’en demeure pas moins que son périmètre doit être clair et sa rédaction exempte de tout risque d’interprétation abusive. À défaut, cela pourrait donner à penser que l’on permet, voire que l’on encourage, le travail illégal, ce qui n’est évidemment pas l’objectif !
C’est pourquoi le Gouvernement propose de supprimer du texte la possibilité de se limiter à une simple mention dans les statuts de la structure professionnelle voulant recourir à des amateurs. Cette mention déclarative dans les statuts ne suffit pas à garantir la réalité d’un engagement au profit des artistes amateurs. Je propose de prévoir que cet engagement devra être spécifié dans une convention passée avec l’État ou une collectivité territoriale.
Cette modification du dispositif du III vise à prévenir tout recours abusif aux amateurs dans les spectacles professionnels organisés dans un cadre lucratif, tout en maintenant la sécurisation de la pratique amateur dans tous les autres cas.
Ainsi rédigé, l’article me semble propre à permettre le développement de la pratique amateur dans un cadre sécurisé et sans préjudice pour l’emploi artistique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je voudrais rappeler la genèse de ce débat sur les pratiques amateurs.
Il s’agissait au départ de lever la présomption de salariat qui pesait sur l’ensemble des artistes amateurs. Toutes les pratiques amateurs étaient, à ce titre, menacées par les directions départementales du travail. On a beaucoup avancé sur le sujet.
L’amendement n° 86 vise à supprimer toute possibilité, pour les artistes amateurs, de participer à des représentations payantes. La commission ne peut pas y être favorable, car il va à l’encontre de notre volonté de reconnaître et de sécuriser les pratiques amateurs, y compris dans un cadre lucratif.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 232, qui apporte une précision importante.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 86 ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je demande le retrait de cet amendement, qui a pour objet de supprimer les alinéas de l’article précisant les conditions de participation des artistes amateurs à des spectacles professionnels : ces alinéas sont essentiels à la valorisation et à la sécurisation de la pratique amateur.
Il me semble du reste que l’adoption de l’amendement du Gouvernement permettrait de répondre aux craintes que vous avez exprimées, madame Prunaud.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. L’amendement du Gouvernement, dont nous n’avons eu connaissance que très récemment, suscite de fortes interrogations parmi les artistes amateurs. Il nous est difficile d’évaluer les effets d’un tel dispositif dans un délai aussi réduit.
Il peut arriver qu’un organisateur de spectacles fasse appel à la fois à des professionnels et à des amateurs. Cela sera-t-il toujours possible, ou tout travail croisé entre artistes professionnels et amateurs sera-t-il au contraire exclu à l’avenir ? Je parle bien ici de véritables amateurs, qui ne bénéficient d’aucune rémunération, tout au plus d’un défraiement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Il faut distinguer deux cas. Si l’on se place dans un cadre non lucratif, l’amendement du Gouvernement n’apporte aucune modification au dispositif adopté par l’Assemblée nationale. En revanche, si l’on se place dans un cadre lucratif, il vise à supprimer la possibilité, prévue dans la rédaction actuelle du texte, de se limiter à une simple mention de la mission d’accompagnement et de valorisation de la pratique amateur dans les statuts de la structure, pour ne retenir que la définition de cette mission dans une convention passée entre celle-ci et l’État ou des collectivités territoriales. Il s’agit de garantir qu’un véritable travail soit mené au service de la pratique amateur et de la démocratisation culturelle, l’objectif étant d’éviter que le recours à des artistes amateurs serve simplement à économiser des rémunérations.
Le travail croisé que vous avez évoqué, madame la sénatrice, sera donc toujours possible.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter quelques précisions supplémentaires sur cette convention : quelle forme revêtira-t-elle ? Qui l’élaborera ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Encore une fois, il s’agit ici des spectacles organisés dans un cadre lucratif, commercial. Cette convention sera conclue entre la structure et une autorité publique, par exemple une direction régionale des affaires culturelles, et définira le travail accompli avec les artistes amateurs. Cela permettra de justifier le recours à ces derniers.
Mme la présidente. Madame Prunaud, l'amendement n° 86 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 86 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 232.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 A, modifié.
(L'article 11 A est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 11 bis
Après le troisième alinéa de l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport rend également compte du respect par les éditeurs de services de radio des dispositions du 2° bis de l’article 28 et du 5° de l’article 33 relatives à la diffusion d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France, de la variété des œuvres proposées au public et des mesures prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour mettre fin aux manquements constatés. »
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que des raisons pour lesquelles il n’a, le cas échéant, pas pris de telles mesures
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement procède lui aussi d’un souci de transparence.
La nouvelle obligation, pour le CSA, de rendre compte dans son rapport annuel du respect des quotas de diffusion de chansons d’expression française par les radios va de pair avec le dispositif prévu à l’article suivant, qui module les obligations de quotas en fonction du format des radios, mais les rend désormais incontournables.
Il sera très intéressant, au vu de ce nouvel arsenal juridique, que le CSA s’empare annuellement de ce sujet. Nous souhaitons que soit abordée dans son rapport non seulement la question du respect des quotas de chansons d’expression française et celle des sanctions administratives qu’il a été amené à prendre pour les faire respecter, mais aussi les raisons pour lesquelles, le cas échéant, il n’a pas jugé bon de sanctionner un opérateur. Il nous semble effectivement important de savoir pourquoi le CSA pourrait décider de ne pas sanctionner un manquement aux obligations légales visant à assurer une bonne exposition aux artistes français et francophones.
Aux termes de la rédaction actuelle du texte, si le CSA doit motiver les sanctions qu’il prend, il n’est pas tenu d’exposer les raisons pour lesquelles il choisit de ne pas en prononcer. Or il peut être très intéressant de connaître le détail des délibérations du CSA et les motifs pour lesquels il juge bon de ne pas sanctionner un éditeur de services de radio qui n’a pas respecté les obligations légales en matière de diffusion. L’absence de transparence en la matière peut alimenter des spéculations et des rumeurs…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à obliger le CSA à se justifier, dans son rapport annuel, de mesures qu’il n’aurait éventuellement pas prises en cas de non-respect des quotas de diffusion de chansons d’expression française par une ou plusieurs radios.
J’ai déjà eu à plusieurs reprises l’occasion de m’exprimer sur ce point et je persiste à estimer que descendre à ce niveau de détail dans la loi ne se justifie pas et que poser une telle exigence nuirait à l’indépendance du régulateur.
La commission a pris cette position en première lecture, puis l’a réaffirmée lors de l’examen en commission, le 30 mars dernier, de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, dont l’article 8 prévoyait d’imposer au CSA de se justifier dans le cas où il ne prendrait pas de mesures contre des éditeurs de services de communication audiovisuelle ne respectant pas les principes d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information et des programmes. Nous avons supprimé cette disposition, au motif qu’« il serait préjudiciable à l’esprit même d’une démarche de régulation d’obliger le CSA à rentrer dans le détail des différentes affaires qu’il aura pu examiner. Le rôle du régulateur n’est, en effet, pas prioritairement de sanctionner les manquements, mais, au travers de démarches de conciliation, de faire évoluer les pratiques, la sanction n’intervenant qu’en dernier ressort. »
La commission émet un avis défavorable sur le présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Nous sommes tous conscients que la question des quotas donne lieu à d’importantes tensions entre la filière musicale et les radios. Celles-ci portent à la fois sur la façon dont les radios appliquent les quotas – nous en reparlerons – et sur les mesures prises par le CSA à l’égard de celles qui ne respectent pas ceux-ci.
Renforcer la transparence me paraît de nature à apaiser ces tensions. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu, depuis le début des travaux parlementaires, la disposition donnant au CSA l’occasion de rendre compte du respect des quotas par les radios et de décrire les mesures qu’il a prises pour remédier aux manquements constatés.
Cet amendement vise à imposer au régulateur d’expliquer aussi pourquoi il peut ne pas aller jusqu’à prendre une sanction. En effet, l’autorité de régulation ne pratique pas de sanction systématique ; la sanction est un dernier recours, elle doit être appliquée avec discernement et au terme d’une procédure bien établie.
Cependant, je suis consciente de l’incompréhension que cette mention a pu provoquer chez certains membres de la représentation nationale, qui ont cru y voir une autorisation donnée au CSA de ne pas appliquer la loi, ce qui n’est évidemment pas le sens de cette disposition. Il me semble que la rédaction actuelle du texte permet déjà au CSA de rendre compte des cas où il ne prendrait pas in fine de sanction, mais ce n’est pas explicite. L’amendement vise à préciser expressément ce point : je ne sais pas si cela est nécessaire en droit, mais, en tout cas, je partage l’objectif de transparence qui le sous-tend.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Certes, monsieur le rapporteur, le CSA a pour vocation première non pas de sanctionner, mais de réguler, et s’il peut éviter de prononcer des sanctions, cela est bien.
Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que le CSA doit exposer, dans son rapport, les raisons qui l’ont conduit à prononcer une sanction. Pour ma part, je souhaite valoriser le fait que le CSA puisse, je cas échéant, décider de ne pas infliger de sanction, en prévoyant qu’il devra expliciter les motifs d’une telle décision.
Dans ce domaine, il peut être difficile d’apprécier les situations : dans certains cas, des sanctions tombent, cependant que, dans d’autres, a priori similaires, aucune sanction n’est prononcée. Cela donne lieu à des spéculations, à des incompréhensions, certains soupçonnant l’autorité d’appliquer deux poids, deux mesures. C’est pourquoi j’estime préférable, pour le CSA lui-même, de prévoir qu’il devra exposer les raisons d’une éventuelle absence de sanction en cas de manquement d’une radio à ses obligations.
J’ai un immense respect pour le CSA et je n’ai jamais hésité à approuver un renforcement de ses pouvoirs quand je jugeais cela nécessaire. L’expertise du CSA est irremplaçable et nous aurions du mal à travailler sans pouvoir nous appuyer sur ses rapports et ses études. Loin de moi donc l’idée de lui chercher des poux dans la tête en défendant cet amendement : au contraire, je sais que sa crédibilité se trouvera renforcée s’il explique pourquoi il a choisi de ne pas prononcer de sanction dans tel ou tel cas, pourquoi il a estimé que procéder autrement était préférable. Cela montrera que la sanction n’est pas toujours nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. J’entends bien vos arguments, mon cher collègue, mais il serait à mon avis quelque peu désobligeant, à l’égard du CSA, de lui imposer par la loi de s’expliquer sur des sanctions qu’il n’a pas prises.
Il ne me semble pas souhaitable d’inscrire une telle disposition dans la loi. Le président et les membres du CSA auront certainement suivi avec attention ce débat et je ne doute pas que les éléments que vous demandez figureront dans leur rapport. Je maintiens mon avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 bis.
(L'article 11 bis est adopté.)
Article 11 ter
Le 2° bis de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France se concentre sur les dix œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France les plus programmées par un service, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ou n’intervenant pas à des heures d’écoute significative ne sont pas prises en compte pour le respect des proportions fixées par la convention pour l’application des quatre premiers alinéas du présent 2° bis. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut autoriser un service de radio à déroger à ce seuil, en contrepartie d’engagements en faveur de la diversité musicale ; ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par MM. Assouline et Sueur, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 2° bis de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« – soit, pour les radios spécialisées dans la découverte musicale qui diffusent au moins mille titres différents sur un mois donné dont la moitié au moins sont des nouvelles productions, chacun de ces titres n’étant pas diffusé plus de cent fois sur cette même période : 10 % de nouvelles productions francophones ou de nouveaux talents francophones.
« Pour l’application des premier, troisième et quatrième alinéas du présent 2° bis, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut également ramener la proportion minimale de titres francophones, respectivement, à 35 %, 55 % et 30 % pour les radios qui prennent des engagements en matière de diversité musicale tenant notamment au nombre de titres et d’artistes diffusés, à la diversité des producteurs de phonogrammes et au nombre de rediffusions d’un même titre. Les modalités de ces engagements sont fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel après consultation publique et avis du comité d’orientation de l’observatoire prévu à l’article 30 de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.
« Dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France se concentre sur les dix œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France les plus programmées par un service, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ou n’intervenant pas à des heures d’écoute significative ne sont pas prises en compte pour le respect des proportions fixées par la convention pour l’application du présent 2° bis ; ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement constitue l’aboutissement d’un travail entamé en première lecture et que la navette a permis de compléter et d’améliorer. Il tend à faire appliquer strictement la règle des quotas radiophoniques de diffusion d’œuvres d’expression française tout en respectant la diversité du paysage radiophonique et la spécificité des formats et des programmations.
La richesse du paysage radiophonique français est une chance, pour les auditeurs, les diffuseurs et les artistes. Il existe ainsi des radios spécialisées, dont certaines ont vocation à diffuser tout autre chose que de la chanson française : du jazz, de la musique techno ou électronique, des musiques du monde. Imposer des quotas de diffusion de chansons d’expression française à ces dernières n’a donc pas de sens au regard de leur vocation.
Ces radios nous ont indiqué que le respect des quotas reviendrait pour elles à renoncer à leur identité propre et serait donc source de problèmes.
Notre amendement vise donc à préciser les règles s’appliquant en matière de quotas de diffusion d’œuvres musicales d’expression française par les radios, notamment en indiquant quels critères s’appliqueront à un nouveau format de « découverte musicale » ainsi défini : au moins 1 000 titres différents diffusés par mois, dont une moitié de nouvelles productions ; pas plus de 100 diffusions de ces titres ; 10 % de nouvelles productions ou de nouveaux talents francophones.
Nous espérons que la fixation de ce pourcentage très modeste permettra à toutes les radios de rentrer dans le cadre légal des quotas. Il nous semble adapté à la réalité de la situation des radios spécialisées.
M. le rapporteur jugera sans doute une nouvelle fois non souhaitable de descendre à ce niveau de détail dans la loi. Je lui répondrai par avance que l’on sait très bien que, dans un secteur soumis à régulation, si les règles ne sont pas clairement précisées, les mêmes titres seront diffusés toute la journée sur toutes les radios, au détriment de la chanson d’expression française.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Assouline !
M. David Assouline. En même temps, il faut tenir compte de la diversité des radios et de la spécificité de certaines d’entre elles, dont la chanson française n’est pas la spécialité. C’est pourquoi il est nécessaire d’être très concret et précis. Je vous demande d’accepter ce compromis, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente. L'amendement n° 212, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 2° bis de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« - soit, pour les radios spécialisées dans la découverte musicale qui diffusent au moins mille titres différents sur un mois donné dont la moitié au moins sont des nouvelles productions, chacun de ces titres n’étant pas diffusé plus de cent fois sur cette même période : 15 % de nouvelles productions francophones ou de nouveaux talents francophones.
« Pour l’application des premier et quatrième alinéas du présent 2° bis, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, diminuer la proportion minimale de titres francophones, en tenant compte de l’originalité de la programmation et des engagements substantiels et quantifiés pris par la radio en matière de diversité musicale, sans que cette proportion puisse être inférieure respectivement à 35 % et 30 %. Ces engagements, applicables à l’ensemble de la programmation musicale du service aux heures d’écoute significative, portent sur le taux de nouvelles productions, qui ne peut être inférieur à 45 %, le nombre de rediffusions d’un même titre, qui ne peut être supérieur à cent cinquante par mois, ainsi que sur le nombre de titres et d’artistes diffusés et sur la diversité des producteurs de phonogrammes. Les modalités de ces engagements sont fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans une délibération prise après consultation publique.
« Dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France se concentre sur les dix œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France les plus programmées par un service, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ou n’intervenant pas à des heures d’écoute significative ne sont pas prises en compte pour le respect des proportions fixées par la convention pour l’application du présent 2° bis ; ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Avant de présenter cet amendement, je voudrais rappeler un certain nombre de points et répondre à certaines interprétations à mon avis erronées qui ont pu se faire jour sur ce sujet.
J’ai déjà eu l’occasion de rappeler mon attachement plein et entier à la création musicale francophone, dont je veux saluer la vitalité et le rayonnement, et au système des quotas, qui, depuis plus de vingt ans, a fait la preuve de son efficacité, au-delà même du seul secteur de la musique.
Le dispositif que je vous présente au travers de cet amendement ne marque aucunement un retrait à cet égard ; au contraire, il vise à rendre ce système pleinement effectif.
Je relève d’abord que la quasi-totalité des représentants de la filière musicale – auteurs, artistes et producteurs – ont publiquement exprimé leur soutien à cet amendement de compromis, en soulignant qu’il permettrait d’améliorer la diversité de l’offre musicale tout en « présentant une ambition forte pour la francophonie ».
Mais, ne voulant pas m’en tenir à cet argument d’autorité, je souhaite vous convaincre, sur le fond, que cet amendement est inspiré par un unique objectif : renforcer le dispositif en assurant son application effective, de sorte que la création musicale francophone, dans toute sa diversité, soit mieux exposée.
Renforcer les quotas, c’est faire en sorte qu’ils ne puissent être dévoyés par une concentration excessive des titres diffusés pour satisfaire à cette obligation.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu, depuis le début des travaux parlementaires, le plafonnement des rotations introduit à l’article 11 ter. Cette disposition vise à empêcher qu’une radio puisse remplir les deux tiers, voire les trois quarts de ses quotas avec les dix mêmes titres.
Cette disposition a été modifiée par votre commission, qui a autorisé le CSA à y déroger, sans encadrer en aucune façon cette possibilité. Il serait donc paradoxal de reprocher au Gouvernement de vouloir affaiblir les quotas, alors que l’amendement adopté par votre commission peut être considéré comme un recul à cet égard dans la mesure où, faute d’encadrement, la mise en œuvre de son dispositif les fragiliserait.
Je vous propose donc de revenir sur cet amendement, qui risque de vider de sa substance le plafonnement des rotations. Je rappelle que ce dispositif, voté en des termes identiques par les deux assemblées, a pour objet de mieux exposer la création musicale francophone dans toute sa diversité.
Renforcer les quotas, c’est aussi permettre leur application effective, en les adaptant à la diversité des formats qui font la richesse de notre paysage radiophonique. C’est l’objet des deux dispositions introduites, sur l’initiative du Gouvernement, en seconde lecture à l’Assemblée nationale.
La première – je n’y reviens pas au travers de cet amendement – instaure un régime dérogatoire pour les radios spécialisées dans la « découverte musicale ». Ce régime concernera un petit nombre de radios, qui répondent à des critères exigeants et sont indispensables à la richesse et à la diversité du paysage radiophonique français. Le format de ces radios est très spécifique et caractérisé par une très grande diversité de programmation ; le système actuel de quotas n’y est pas pleinement adapté. Je propose donc de rétablir ce régime dérogatoire que votre commission a supprimé.
La seconde disposition, qui a également été supprimée par votre commission, concerne la faculté de modulation des quotas.
Je veux rappeler que c’est ici même, en première lecture, que la possibilité d’une modulation a été pour la première fois discutée. Cette disposition a ensuite été reprise par l’Assemblée nationale, dans une version mieux encadrée. Votre commission a souhaité supprimer cette faculté de modulation, au motif qu’elle porterait en elle le risque d’un affaiblissement généralisé des quotas. Or il n’en est rien : la modulation, dès lors qu’elle est clairement définie et précisément encadrée, vise au contraire à les rendre plus efficaces, tout en incitant les radios à mieux exposer la diversité de la création musicale. Elle est donc le complément naturel du plafonnement des rotations de titres.
Tel est le sens de l’amendement que je vous présente ce soir : encadrer plus clairement le champ d’application de la modulation, qui sera réservée aux seules radios musicales, en fonction de l’originalité de leur programmation ; clarifier l’encadrement de l’utilisation par le CSA de cette faculté de modulation, qui sera plafonnée à cinq points et proportionnée en fonction des engagements de diversité musicale souscrits –les critères seront définis dans une délibération du CSA, prise après consultation publique ; enfin, et cela répond à une demande très forte de la filière musicale, fixer par la loi deux critères quantifiés précis, s’agissant du taux de nouvelles productions et du taux de rotation maximal. Nous avons trouvé avec les acteurs de la création une solution à une situation, dénoncée depuis plus d’une quinzaine d’années, d’insuffisante prise en compte de la diversité musicale. Je pense que nous pouvons nous en féliciter.
En conclusion, je vous demande de ne pas affaiblir les quotas en vidant de sa substance le plafonnement des rotations. Le texte du Gouvernement permettra de renforcer les quotas par le rétablissement du plafonnement effectif des rotations et de promouvoir la diversité musicale par une modulation précisément encadrée, assortie de critères objectifs. Mais la modulation, ne l’oublions pas, n’est pas un objectif en soi, et les radios qui ne souscriraient pas aux engagements se verront simplement appliquer les quotas actuels, qui seront désormais effectifs.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 215, présenté par M. Gattolin, Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Amendement n° 212, alinéa 3
Remplacer le pourcentage :
15 %
par le pourcentage :
10 %
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Ce sous-amendement, auquel tient beaucoup notre collègue André Gattolin, tend à abaisser de 15 % à 10 % le quota de nouveautés francophones imposé aux radios spécialisées dans la découverte musicale, c’est-à-dire celles qui diffusent au moins 1 000 titres différents par mois, chacun de ceux-ci étant diffusé moins de cent fois.
Le quota qui leur est appliqué ne concerne donc que les nouveautés, et non pas les titres francophones en général. Compte tenu de la situation actuelle du marché de la création, remplir ce quota de 15 % de nouveautés francophones pourra se révéler difficile. On assistera alors à une rediffusion en boucle des mêmes titres.
Alors même que ce quota est conçu pour préserver la spécificité des radios qui parviennent à maintenir la diffusion d’un très grand nombre de titres différents, il aurait pour effet paradoxal de réduire cette diversité dans certains cas. L’abaisser à 10 %, comme nous le proposons, constituerait un bon compromis : cela permettrait de contenir à un niveau raisonnable l’augmentation des rediffusions pour les radios spécialisées dans la découverte musicale et ainsi d’éviter une trop grande uniformisation de l’offre radiophonique selon un seul modèle purement commercial.
En effet, un très petit nombre de radios seulement satisfont aux critères d’éligibilité à ce quota spécial ; ramener ce quota de 15 % à 10 % ne menacerait donc en rien la prévalence de la musique francophone dans le paysage radiophonique. Notre rapporteur le reconnaissait d’ailleurs un peu en creux lorsqu’il dénonçait, dans son amendement présenté en commission, une disposition conçue pour « une seule radio ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Il va être difficile de rapprocher les points de vue sur cet article 11 ter…
Nous sommes tous favorables, bien entendu, à la diversité de la programmation des radios privées et à la promotion de la diffusion d’œuvres en langues française et régionales.
Les auteurs de l’amendement n° 42 souhaitent revenir intégralement à la rédaction de l’Assemblée nationale.
M. David Assouline. Non !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je rappellerai les arguments qui nous ont conduits, voilà quinze jours, à rejeter cette rédaction.
D’abord, initialement contraignant pour les radios s’agissant du respect effectif de leurs obligations en matière de quotas de chansons francophones, le dispositif de cet article est devenu, au cours de la navette, un instrument d’assouplissement desdits quotas.
Au départ, il s’agissait uniquement de combattre l’exploitation concentrée d’un certain nombre de titres en très peu de temps, mais on en arrive maintenant à un assouplissement des quotas eux-mêmes ! D’une règle générale assortie de deux dérogations possibles, on passe à un système beaucoup plus compliqué.
Compte tenu de l’utilité de cette règle pour la promotion de la création musicale française, ce retournement ne nous a pas semblé acceptable, d’autant que si les quotas constituent une contrainte de programmation pour les radios, ils représentent aussi la juste contrepartie de l’utilisation gratuite des fréquences hertziennes.
Ensuite, l’ampleur de cet assouplissement – cinq points pour chaque catégorie de radios – nous est apparue démesurée.
Enfin, nous avons regretté le choix de légiférer ad hominem, avec l’introduction d’un alinéa 2 destiné à satisfaire Radio Nova, au moyen d’un dispositif que l’on peut qualifier de « sur mesure ».
Ces raisons demeurent, d’autant que, non contents de rétablir un assouplissement des quotas de chanson francophone et en langues régionales, les auteurs de l’amendement n° 42 prennent la peine de satisfaire un peu plus Radio Nova en réduisant son quota de diffusion à 10 %, au lieu de 15 % dans la version du texte issue de l’Assemblée nationale.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 212 du Gouvernement reprend la rédaction adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, exception faite du troisième alinéa, relatif à l’assouplissement des quotas, qu’il tend à mieux encadrer.
Ainsi, la modulation prévue doit maintenir un taux minimal de 45 % de nouvelles productions et les titres francophones ne pourront pas être diffusés plus de 150 fois par mois chacun.
Ces précisions constituent un progrès par rapport au dispositif adopté par les députés. Néanmoins, je redis mon opposition à un assouplissement des quotas pour les radios, sur lequel les acteurs de la filière musicale n’ont, contrairement à ce que vous avez affirmé, madame la ministre, et d’après les informations dont je dispose à ce jour, pas encore réussi à ce stade à trouver un accord.
Depuis 1996, l’obligation de diffusion à l’antenne d’un taux minimal de titres francophones ou en langues régionales constitue en effet un instrument essentiel au service de la diversité de la production musicale française ; en modifier les critères de cette manière – et en créant, à mon avis, une véritable usine à gaz – ne me semble pas opportun.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Le sous-amendement n° 215 vise à fixer à 10 %, au lieu de 15 %, le taux minimal de nouvelles productions ou de nouveaux talents francophones diffusés sur les radios spécialisées dans la découverte musicale. Ce taux est très –trop – largement inférieur à ce que prévoit le droit commun des quotas et son application pourrait créer de véritables distorsions de concurrence entre radios musicales. La commission émet un avis défavorable.
Si l’on devait recenser l’ensemble des contraintes imposées aux radios privées, des dérogations possibles et des conditions d’application de tel ou tel critère, on aboutirait à un dispositif inextricable et extrêmement difficile à mettre en œuvre au quotidien.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission, permet de déroger sans encadrement à ce que nous considérons tous comme un élément essentiel, à savoir le plafonnement du taux de rotation pour satisfaire aux quotas de chansons françaises diffusées sur les antennes radio.
M. David Assouline. Tout à fait !
Mme Audrey Azoulay, ministre. Une porte est ainsi grand ouverte à l’affaiblissement de l’effectivité de ces quotas, puisque rien n’est prévu pour encadrer cette possibilité de dérogation accordée, aux termes du texte de la commission, « en contrepartie d’engagements en faveur de la diversité musicale ».
Par ailleurs, la modulation pour les radios avait été introduite pour la première fois en première lecture au Sénat, en faisant référence à des radios de « genre identitaire », expression qui nous avait gênés. Nous proposons ici d’encadrer, de limiter spécifiquement les cas où les modulations sont possibles, sans revenir sur l’élément essentiel, à savoir le plafonnement du taux de rotation pour satisfaire aux quotas.
S’agissant de l’amendement n° 42 et du sous-amendement n° 215, je préférerais que nous en restions à l’équilibre qui a été trouvé, en maintenant le taux proposé au travers de l’amendement du Gouvernement, qui me semble déjà suffisamment dérogatoire, atteignable pour les radios qui pratiquent une forte diversité musicale et cohérent avec le dispositif d’ensemble.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 42 et sur le sous-amendement n° 215.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le rapporteur, vous rendez le dispositif incompréhensible afin de pouvoir le dire tel…
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. C’est difficile à comprendre ! (Sourires.)
M. David Assouline. Il s’agit en fait de savoir si nous sommes ou non favorables à l’instauration de quotas pour préserver la chanson française. Aujourd’hui, nous constatons des abus, des dérives, certaines grandes radios diffusant toujours les mêmes titres et maltraitant la chanson d’expression française. Il aurait été préférable de pouvoir faire respecter la loi par d’autres moyens, mais nous savons aujourd’hui qu’il est nécessaire de légiférer.
Par ailleurs, certaines petites radios spécialisées, par exemple, dans le jazz, ont fait valoir que leur imposer des quotas de chansons francophones est en contradiction avec leur vocation. Nous avons donc fait de la dentelle pour définir des dérogations à cette règle des quotas, que nous jugeons néanmoins pertinente.
Là est l’essentiel. Notre amendement diffère de celui du Gouvernement sur le seul taux : nous n’allons pas nous déchirer sur ce chiffre. Je n’ai toujours pas compris pourquoi M. le rapporteur a émis un avis défavorable,…
Mme la présidente. Il vous faut conclure, monsieur le sénateur !
M. David Assouline. … car cela va à l’encontre de ce qu’il affirme être son objectif.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 215.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 160 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 87.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à supprimer la dernière phrase de l’article 11 ter. À notre sens, la question des quotas musicaux pour les services de radiodiffusion, loin d’être anecdotique; sous-tend une véritable problématique : quelle programmation, pour quel public et dans quel but ?
À notre sens, les quotas musicaux déjà imposés par la loi et renforcés par le présent texte, loin de contrevenir à la liberté de programmation, permettent au contraire d’assurer le respect des missions de service public des stations de radios qui, pour privées qu’elles soient, bénéficient de fréquences publiques. Mieux, ce dispositif est un atout pour toutes et tous : pour les artistes non reconnus, moins concernés que d’autres par le « ras-le-bol » auditif déjà évoqué, pour les artistes en devenir, susceptibles de bénéficier de davantage d’audience, pour les auditeurs, en termes de confort d’écoute et de diversité musicale, pour les stations de radio elles-mêmes, enfin, moins menacées de la fuite d’auditeurs exaspérés d’entendre le même morceau rediffusé à quarante-cinq minutes d’intervalle.
En première lecture au Sénat, puis en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, un ensemble de dispositions est venu modifier cet article 11 ter, ouvrant plus ou moins les vannes aux dérogations. De fait, il faut reconnaître que la version présentée par M. Leleux est encore celle qui limite le moins les dérogations.
Toutefois, il faudrait, à nos yeux, aller plus loin, au risque d’affaiblir un dispositif essentiel pour le maintien de la diversité musicale. En effet, la sécurité que le législateur a jusque-là inscrite dans le texte, à savoir l’obligation d’un conventionnement entre le CSA et le service de radio, nous semble trop fragile et floue. Quel type d’engagements cela recouvre-t-il ? Quel contrôle a posteriori sera-t-il exercé? Quelles sanctions seront prononcées en cas d’infraction à l’égard des engagements pris ? Quelle sera la procédure ?
Trop de questions restent en suspens, ce qui nous amène forcément à douter de l’efficacité d’un tel système de dérogation fondé sur le bon vouloir d’éditeurs de programmes qui ne se sont pas privés de nous contacter avant l’examen du texte pour nous dire tout le mal qu’ils pensaient des quotas musicaux…
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n° 160 rectifié.
Mme Mireille Jouve. Ce texte introduit un dispositif de seuil pour favoriser la diversité dans la diffusion des œuvres musicales d’expression française. Il permet de limiter la part des dix titres francophones les plus diffusés à la moitié de la programmation francophone à la radio. Au-delà de ce seuil, les diffusions ne sont plus prises en compte au titre des quotas de chansons francophones. L’objectif est d’obtenir un accroissement de la diversité des œuvres musicales françaises diffusées en empêchant que les radios s’acquittent de leurs obligations en matière de diffusion de chansons francophones en passant en boucle les mêmes titres musicaux.
Or, un amendement adopté en commission au Sénat a affaibli la portée de ce dispositif, en prévoyant d’accorder au CSA la possibilité de permettre à un service de radio de déroger à ce seuil, en contrepartie d’engagements trop vagues en faveur de la promotion de la diversité musicale.
Cette possibilité de dérogation semble problématique, dans la mesure où la nature de ces engagements n’est pas définie. En outre, le contrôle du respect de ces engagements n’est pas prévu et paraît difficile à mettre en œuvre.
Le présent amendement tend à supprimer la possibilité, pour le CSA, de permettre à un service de radio de déroger au plafonnement des rotations, afin de redonner toute sa portée à ce dispositif en faveur de la diversité des œuvres musicales d’expression française diffusées sur les ondes radio.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Ces amendements visent à interdire tout assouplissement, par le CSA, du dispositif de rotations minimales de titres francophones imposées aux radios. Je comprends l’objectif, mais une telle mesure est, à mon sens, inadaptée à la diversité des radios. Il s’agit bien sûr d’endiguer les abus constatés en matière de fréquence de diffusion de certains titres à l’antenne. Toutefois, maintenir la possibilité offerte au CSA d’assouplir les nouvelles obligations imposées dans ce cadre aux radios en contrepartie d’engagements en faveur de la diversité musicale me semble indispensable.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Ces amendements tendent à supprimer la possibilité offerte au CSA d’accorder des dérogations au plafonnement des rotations, en contrepartie d’engagements non définis en faveur de la diversité musicale.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, mais il me semble essentiel de le redire : la modification introduite par la commission, qui permet au CSA d’attribuer des dérogations au seuil de 50 % pour la part des dix titres les plus diffusés prévu par le texte, risque d’affaiblir la portée de cette disposition, qui avait pourtant été adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
En l’espèce, aucune limite n’est fixée au pouvoir de dérogation accordé au CSA et aucune définition des engagements en faveur de la diversité musicale que les radios devraient souscrire pour bénéficier d’une dérogation n’est fournie.
Je préfère donc, à cette disposition, des modulations précisément définies et encadrées. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé, au travers d’un amendement, de rétablir la version initiale du dispositif de plafonnement des rotations. Cet amendement n’ayant pas été adopté, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87 et 160 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 ter.
(L'article 11 ter est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 13 bis A
(Suppression maintenue)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 88 est présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 153 est présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 131-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les livres édités sous une forme numérique font l’objet d’une obligation de dépôt légal. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 132-1 est complété par les mots : « , ou pour les livres édités sous forme numérique, à la transmission d’un fichier » ;
3° Après le i de l’article L. 132-2, il est inséré un j ainsi rédigé :
« j) Celles qui éditent des livres sous forme numérique. »
La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l’amendement n° 88.
M. Patrick Abate. Il s’agit de rétablir l’article 13 bis A, introduit par le Sénat en première lecture et relatif à l’obligation de dépôt légal pour les livres exclusivement numériques. L’obligation de dépôt légal pour les livres a été instaurée par François Ier en 1538. Il serait dommage, en ce XXIe siècle, de ne pas mettre ce dispositif à jour, en visant les livres numériques.
La législation comporte aujourd’hui un angle mort en la matière, ce qui risque de conduire à la disparition de nombreuses œuvres : je veux parler de l’absence d’obligation de dépôt légal pour l’éditeur d’un livre numérique. Rien n’empêche bien entendu ce dernier de procéder à dépôt légal, mais cela reste aujourd’hui particulièrement aléatoire. La loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information a intégré les livres numériques dans la constitution patrimoniale du web. Des organismes dépositaires peuvent collecter des contenus numériques sur celui-ci pour les préserver, mais combien passent au travers des mailles de ce filet et disparaissent de ce fait ?
Les livres numériques prennent bien sûr des formes variées, ce qui peut compliquer un peu les choses, mais il semble tout de même que la définition d’un éditeur donnée par la Bibliothèque nationale de France devrait permettre de circonscrire correctement le champ des œuvres numériques soumises à l’obligation de dépôt légal.
Enfin, sauf erreur de ma part, la BNF mène actuellement des expérimentations en matière de collecte des livres numériques au moyen de robots-chercheurs, en vue d’éviter aux éditeurs les affres, si l’on peut dire, d’un dépôt légal. Cependant, on sait qu’une partie non négligeable de ces livres numériques, notamment ceux qui relèvent du régime du DRM, pour digital rights management, sont placés sous un verrou informatique empêchant leur collecte et leur reproduction et échappent ainsi à la BNF. De ce fait, c’est tout un pan de la littérature du XXIe siècle qui risque de disparaître, ce qui serait regrettable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 153.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement est identique au précédent, mais nos arguments sont quelque peu différents.
Nous avions soulevé cette question voilà deux ans au travers du rapport fait au nom de la mission commune d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques, qui était présidée par Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement vise à rétablir une véritable obligation de dépôt légal pour les livres numériques. Cette question intéresse la constitution de patrimoine, et non pas seulement le champ numérique.
Nous proposons simplement que les livres édités sous forme numérique soient soumis à une obligation de dépôt légal. Cette obligation existe déjà pour les exemplaires papier, mais la BNF a instauré un système de dépôt des fichiers correspondant aux livres numériques qui est seulement facultatif, ce que l’on peut regretter.
Le dépôt légal existe depuis 1537. Aux termes de l’ordonnance dite « de Montpellier », il visait à « faire retirer, mettre et assembler en notre librairie tous les livres dignes d’être vus, qui ont été ou qui seront faits, compilés, amplifiés, corrigés et amendés de notre temps pour avoir recours auxdits livres si, de fortune, ils étaient cy après perdus de la mémoire des hommes ».
Nous pensons que le dépôt légal doit s’adapter aux évolutions technologiques, et donc impérativement prendre en compte les livres numériques. Le projet de loi dont nous débattons nous semble être le meilleur véhicule pour faire évoluer notre réglementation en la matière. Voulons-nous que nos étudiants, nos doctorants soient obligés de se tourner vers des universités américaines pour se procurer des ouvrages qu’ils ne trouveront pas à la BNF ? Nous comptons sur vous, mes chers collègues !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. L’objectif des auteurs de ces amendements est tout à fait louable, car il est absolument indispensable qu’un jour les œuvres numériques fassent partie du patrimoine conservé et soient soumises à une obligation de dépôt légal. Cela viendra, c’est certain. Pour autant, le dispositif proposé est-il mûr en l’état ? Est-il opportun de le mettre en place, sans encadrement particulier, eu égard au foisonnement d’œuvres numériques sur le web ?
Pour intéressante que soit cette initiative, sa mise en œuvre constituerait aujourd’hui une charge très importante pour la BNF et ses personnels, charge qui pourrait encore s’alourdir si les auteurs d’autres œuvres numériques, par exemple de jeux vidéo, souhaitaient bénéficier d’un dispositif identique, ce qui serait assez légitime.
Aujourd’hui, comme vous l’avez dit, monsieur Abate, un dispositif expérimental est mis en œuvre par la BNF. À mon sens, il faudra un jour délimiter le champ des œuvres ressortissant au dépôt légal. Pour l’heure, je vous propose d’attendre de connaître les résultats de l’expérimentation de la BNF. À ce stade, je préférerais que ce dispositif ne soit pas inscrit dans la loi.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le Gouvernement partage pleinement l’objectif de soumettre les livres exclusivement numériques aux obligations de dépôt légal qui pèsent sur les supports physiques.
Toutefois, ces amendements ne me semblent pas opportuns, car le législateur, dans sa grande sagesse, a déjà pris en compte cette question. En effet, par la loi du 1er août 2006, il a étendu l’obligation de dépôt légal au livre numérique comme partie d’un tout : l’article 131-2 du code du patrimoine, qui codifie ce texte, énonce sans ambiguïté que « sont également soumis au dépôt légal les signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication au public par voie électronique ».
Par conséquent, une base législative existe déjà. Peut-être est-elle trop large, mais le livre numérique est bien soumis à l’obligation de dépôt légal, au même titre que le livre physique.
Cela étant, la préoccupation des auteurs des amendements reste tout à fait légitime, dans la mesure où la mise en œuvre de la loi s’est révélée pour le moins décevante, compte tenu à la fois des méthodes choisies, la BNF étant contrainte de collecter elle-même ce qui est publié, alors que la démarche inverse eût été peut-être plus opérante, et des normes techniques retenues, qui ne sont pas satisfaisantes pour l’ensemble des publications numériques.
L’amélioration du processus de dépôt exige une réforme du décret d’application qui a été pris en 2011. Cette réforme fait l’objet d’une concertation depuis le début de cette année avec l’ensemble des professionnels, éditeurs mais aussi acteurs d’autres secteurs culturels concernés par cette obligation de dépôt légal.
L’angle mort que vous avez évoqué existe bien, monsieur Abate, mais il est réglementaire, et non législatif. Il me revient donc de travailler à cette question.
Voilà pourquoi, même si je souscris à l’objectif, je suis défavorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous maintenons notre amendement, en dépit de l’argumentation très pertinente de Mme la ministre. Les quelques votes favorables qu’il recueillera accéléreront peut-être la réforme annoncée du décret…
Il convient en effet de prendre le temps de mettre au point le meilleur système, eu égard aux précédents des logiciels Socrate, pour la gestion des réservations de la SNCF, ou Louvois, destiné à gérer la paie des militaires… (Sourires.)
Chacun connaît les conditions que doit remplir un bon système de dépôt légal numérique : accepter tous les formats, offrir des volumes importants en octets, prévoir les champs IPTC des images, permettre un chargement rapide et une inscription simple de l’ouvrage et de son auteur, comporter un emplacement spécifique pour la couverture.
En attendant, on ne peut pas se résigner à ce que, pour des raisons techniques, la collecte de la création littéraire ne se fasse pas. Si une panne informatique affectait demain le système d’information des notaires, les actes authentiques dressés pendant ce temps ne seraient pas pour autant annulés ! De même, si une inondation touchait la BNF, on déplacerait les livres papier du dépôt légal.
Par conséquent, nous estimons que l’obligation de dépôt légal pour les livres numériques doit être inscrite dans la loi. Ce dépôt pourrait, dans l’attente de la mise au point d’un système plus satisfaisant, s’opérer sur des disques durs provisoires, qui seraient réexploités plus tard.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Nous maintenons également notre amendement. Nous n’avons pas de désaccord de fond sur ce sujet avec la commission et le Gouvernement, mais nous estimons que, si la loi ne réglera certes pas les problèmes techniques, son silence ne le fera pas davantage.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.
M. Vincent Eblé. Mme Blandin a évoqué une hypothétique inondation de la Bibliothèque nationale de France : je signale que les archives, à Fontainebleau, sont bel et bien sous l’eau, et je ne sache pas que l’on soit parvenu à les déplacer…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 88 et 153.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 13 bis A demeure supprimé.
Article 13 bis
(Non modifié)
L’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 132-27. – Le producteur est tenu de rechercher une exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle, conforme aux usages de la profession.
« Le champ et les conditions de mise en œuvre de cette obligation ainsi que, le cas échéant, les dispositions convenues entre le producteur et ses cessionnaires ou mandataires sont définis par voie d’accord professionnel conclu entre, d’une part, les organismes professionnels d’auteurs ou les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III de la présente partie et, d’autre part, les organisations représentatives des producteurs d’œuvres audiovisuelles, les organisations représentatives des éditeurs de services de communication audiovisuelle ou un ensemble d’éditeurs de services de communication audiovisuelle représentatifs ainsi que, le cas échéant, un ensemble d’éditeurs de services de communication au public en ligne représentatifs et les organisations représentatives d’autres secteurs d’activité. L’accord peut être rendu obligatoire pour l’ensemble des intéressés des secteurs d’activité concernés par arrêté du ministre chargé de la culture. À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, le champ et les conditions de mise en œuvre de cette obligation sont fixés par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
Article 13 ter
(Non modifié)
I. – L’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-3. – Le Centre national du cinéma et de l’image animée peut porter plainte et se constituer partie civile devant le juge d’instruction à raison des faits constitutifs du délit de contrefaçon, au sens de l’article L. 335-3 du présent code, d’œuvres audiovisuelles qui emportent pour lui un préjudice quant aux ressources qui lui sont affectées en application des articles L. 115-1 à L. 116-5 du code du cinéma et de l’image animée pour l’accomplissement de ses missions prévues à l’article L. 111-2 du même code.
« Il peut également exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de contrefaçon, au sens de l’article L. 335-3 du présent code, d’œuvres audiovisuelles et le délit prévu à l’article L. 335-4 s’agissant des droits des artistes-interprètes d’œuvres audiovisuelles et des producteurs de vidéogrammes, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »
II. – (Non modifié) – (Adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Chapitre IV
Développer et pérenniser l’emploi et l’activité professionnelle
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 14 D
(Non modifié)
L’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La liste prévue au premier alinéa ne préjuge pas du statut professionnel des personnes exerçant l’une des activités y figurant. Elles peuvent donc être aussi, notamment, des salariés d’entreprises artisanales ou de toute autre personne morale ayant une activité de métiers d’art, des professionnels libéraux, des fonctionnaires ou des artistes auteurs. » – (Adopté.)
Article 14 E
(Non modifié)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur la situation des arts visuels en termes d’économie, d’emploi, de structuration et de dialogue social. – (Adopté.)
Article 14
(Non modifié)
L’article L. 7121-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 10°, après les mots : « metteur en scène », sont insérés les mots : « , le réalisateur et le chorégraphe » et le mot : « sa » est remplacé par le mot : « leur » ;
2° Sont ajoutés des 11° à 13° ainsi rédigés :
« 11° L’artiste de cirque ;
« 12° Le marionnettiste ;
« 13° Les personnes dont l’activité est reconnue comme un métier d’artiste-interprète par les conventions collectives du spectacle vivant étendues. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il n’était pas évident de trouver l’occasion, dans la discussion de ce projet de loi, d’évoquer la situation particulière des intermittents du spectacle.
Nous savons tous ici que ce secteur d’activité, qui crée pourtant aujourd’hui plus d’emplois que l’industrie automobile, se trouve dans une situation catastrophique.
Les réformes successives du régime et du droit d’entrée dans celui-ci, conjuguées à la multiplication des annulations d’événements culturels et artistiques du fait de la fragilité des finances locales, n’ont fait qu’accroître la précarisation des intermittents du spectacle. Madame la ministre, nous saluons votre soutien à ces derniers et votre volonté que l’accord conclu voilà un mois entre les organisations représentatives des salariés et celles représentant les employeurs s’applique au plus vite.
Toutefois, nous restons perplexes : comment faire appliquer un accord qui s’inscrit en dehors du champ de l’inacceptable lettre de cadrage imposée par le MEDEF, que vous qualifiez vous-même de provocation ? Comment éviter un blocage lors des négociations interprofessionnelles, d’autant que le MEDEF et la CGPME recourent à une stratégie scandaleuse de chantage pour obtenir une loi relative au travail « sur mesure » ?
Vous le voyez, les questions sont légion. Nous espérons obtenir des réponses, tant dans cet hémicycle qu’au-dehors, les actes devant évidemment suivre. Les choses ne se présentent pas forcément sous les meilleurs auspices puisque, mercredi dernier, le comité d’expertise et de chiffrage a repoussé à une date indéterminée la remise de son rapport, en raison de formulations floues, pour les uns, de pressions du MEDEF, qui n’en est certes pas à son coup d’essai, pour les autres. En tout état de cause, la mise en œuvre de l’accord est repoussée, alors que la situation devient de plus en plus urgente.
Enfin, est-il pertinent que l’État prenne en charge une partie de ce qui incombe au patronat ? Au fond, c’est bien d’un désengagement des employeurs à l’égard de leur obligation de cotisation dans le cadre d’un modèle solidaire et intergénérationnel qu’il s’agit.
La hausse des cotisations patronales est certes acceptée du bout des lèvres par la Fédération des syndicats patronaux des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma, mais cela ne saurait faire oublier des décennies de baisse.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 16
(Non modifié)
I. – Les entrepreneurs de spectacles vivants détenant une licence en application de l’article L. 7122-3 du code du travail mettent à la disposition du ministre chargé de la culture les informations contenues dans les relevés mentionnés aux articles 50 sexies B et 50 sexies H de l’annexe 4 du code général des impôts, y compris pour les spectacles dont ils confient la billetterie à des tiers, en précisant, d’une part, les informations sur le prix global payé par le spectateur ou, s’il y a lieu, la mention de la gratuité définie au 4° du III de l’article 50 sexies B de la même annexe et, d’autre part, le nom du spectacle, le domaine, la localisation et le type de lieu de chaque représentation.
I bis. – Le ministre chargé de la culture peut conclure avec ses établissements publics ou les sociétés de perception et de répartition des droits relevant du titre II du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle des accords pour définir les modalités et les conditions de communication à ces établissements et sociétés des informations mentionnées au I.
II. – Les modalités d’application du I sont précisées par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Chapitre V
Enseignement artistique spécialisé, enseignement supérieur de la création artistique et de l’architecture
Article 17 AA
(Suppression maintenue)
Article 17 A
Le titre Ier du livre II de la première partie du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du 3° du I de l’article L. 214-13, les mots : « le cycle d’enseignement professionnel initial dispensé par les établissements d’enseignement artistique » sont remplacés par les mots : « l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant » ;
2° L’article L. 216-2 est ainsi modifié :
aa) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , à vocation professionnelle ou amateur » ;
a) Après le mot : « proposer », la fin du même premier alinéa est ainsi rédigée : « un enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. Ils peuvent délivrer un diplôme national. Leur mission est également la formation des amateurs et le développement de leur pratique ; à ce titre ces établissements peuvent apporter, avec leurs enseignants, leur concours aux actions conduites en matière d’éducation artistique et culturelle. » ;
a bis) (Supprimé)
a ter A) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’État et les collectivités territoriales garantissent une véritable égalité d’accès aux enseignements artistiques, à l’apprentissage des arts et de la culture. Cette politique s’exprime notamment par le financement de l’enseignement artistique spécialisé au travers des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique. Ces derniers sont ouverts à toutes et tous et sont des lieux essentiels pour l’initiation, l’éducation et le perfectionnement artistique et culturel. » ;
a ter) À la fin de la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « le schéma départemental » sont remplacés par les mots : « les schémas régional et départemental » ;
a quater) À la deuxième phrase du quatrième alinéa, après les mots : « communes concernées », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, avec leurs groupements » ;
b) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« La région organise l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. Elle participe à son financement dans des conditions précisées par convention avec les collectivités gestionnaires des établissements, après concertation dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique. Elle adopte un schéma régional de développement des enseignements artistiques, en concertation avec les collectivités concernées et après avis de la conférence territoriale de l’action publique. » ;
c) À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa, après le mot : « définit », sont insérés les mots : « un schéma national d’orientation pédagogique dans le domaine de l’enseignement public spécialisé de la musique, de la danse et de l’art dramatique ainsi que » ;
d) Le même avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il coordonne, au plan régional ou interrégional, l’organisation des examens du diplôme national prévu au présent article et délivre ledit diplôme. ».
3° (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer très largement les conservatoires en première lecture. Nous avions alors abouti à un texte équilibré, à mon sens, permettant de tracer enfin des perspectives satisfaisantes pour ces établissements d’enseignement artistique qui constituent un maillage extrêmement précieux pour l’ensemble de notre territoire.
Madame la ministre, aujourd’hui, les conservatoires se trouvent réellement à la croisée des chemins. Leur avenir dépend de la décision que nous allons prendre. Vous savez la crise institutionnelle, de reconnaissance et de financement que vivent ces établissements. Le temps est venu, après des années de tergiversations et d’expérimentations heureuses dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes, de mettre définitivement en œuvre le dispositif de la loi de 2004, amélioré par une proposition de loi que nous avions déposée à l’époque et qui a été reprise sous forme d’amendements, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Madame la ministre, dans le cadre de la décentralisation promue par la loi de 2004, le texte d’équilibre auquel nous étions parvenus en première lecture confiait aux régions un chef de filat leur permettant de s’impliquer dans le financement des troisièmes cycles, sachant que les communes et les départements interviennent eux aussi, à leur niveau de compétence.
Bien entendu, la loi de 2004 prévoyait un transfert de crédits de l’État. Or nous nous apercevons, à l’occasion de cette deuxième lecture, que ces crédits, sur lesquels je vous avais d’ailleurs interrogée lors de la première lecture, sont appelés à être purement et simplement supprimés.
Cette situation est gravissime et met en péril l’existence même des conservatoires. En effet, si ces crédits sont supprimés, les régions ne s’impliqueront pas dans le financement. Tous les niveaux de collectivités sont concernés, au premier chef les nouvelles grandes régions, qui ont vu leurs compétences renforcées en matière d’enseignement ou d’aménagement du territoire. Le bien-fondé du dispositif de la loi de 2004, qui, je le répète, a pourtant été expérimenté avec succès, se trouve remis en cause. À cet égard, que se passera-t-il dans la nouvelle région Grande Aquitaine, qui inclut l’ancienne région Poitou-Charentes, où cette expérimentation a été menée ? Il faudra harmoniser par le haut, et non par le bas !
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la présidente.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je tenais à alerter la Haute Assemblée sur le fait que les conservatoires sont à la croisée des chemins. Nos débats sont suivis avec attention : de nos décisions dépend l’avenir de l’enseignement artistique en France !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 189, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La région organise et peut participer au financement, dans le cadre du contrat de plan mentionné à l’article L. 214-13, de l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. » ;
III. – Alinéa 16
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° L’article L. 216-2-1 est abrogé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Avant tout, je tiens à insister sur l’important réengagement financier de l’État auprès des conservatoires. Cet effort doit se déployer en plusieurs étapes. Il est encore accentué cette année. Il a pour contrepartie des engagements pris par les conservatoires en matière de diversification de leur recrutement.
Par ailleurs, il est également important, pour le Gouvernement, de préserver l’équilibre de la répartition des compétences et des missions entre les différents niveaux de collectivités territoriales et, même si des expérimentations ont été menées, de procéder par étapes.
Dans sa première partie, le présent amendement tend à supprimer le chef de filat confié aux régions pour l’ensemble des cycles d’enseignement artistique et spécialisé. En revanche – j’insiste sur ce point –, il vise à confirmer leur rôle d’organisation de l’enseignement préparant à l’entrée au sein des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. À mon sens, cela est cohérent avec la compétence attribuée aux régions en matière de formation professionnelle.
En effet, un engagement plus volontaire des régions pour l’organisation et leur participation au financement des « classes préparatoires » donnant accès à cette branche de l’enseignement supérieur constitueront un signal très positif. Ce sera en outre cohérent, le code de l’éducation prévoyant d’ores et déjà que les régions doivent définir un schéma de développement de la formation professionnelle initiale, incluant l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. Ainsi, rien n’interdit aux régions de discuter de ce schéma au sein des conférences territoriales de l’action publique, les CTAP, qui sont présidées par les présidents de région.
Le II de l’amendement tend à supprimer les schémas régionaux. Cette disposition est cohérente avec la suppression du chef de filat pour les régions.
Enfin, le III de l’amendement vise à abroger la disposition de l’article L. 216-2-1 du code de l’éducation prévoyant le transfert aux départements et aux régions des concours financiers de l’État concernés, disposition qui n’a jamais été mise en œuvre. Il ne serait pas cohérent de procéder à un tel transfert de crédits, alors que le réengagement de l’État dans le financement des établissements spécialisés, au côté des collectivités territoriales, qui en ont la responsabilité première, vient d’être décidé.
Mme la présidente. L'amendement n° 43, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La région organise et peut participer au financement, dans le cadre du contrat de plan mentionné à l’article L. 214-13, de l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant. » ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Le présent amendement rejoint dans une certaine mesure celui du Gouvernement.
Nous sommes réticents à confier d’emblée le chef de filat aux régions pour les enseignements artistiques. Douze ans après le vote de la loi de 2004, prendre une telle mesure et donc, de fait, faire reposer sur les régions le financement des cycles d’enseignement artistique, sans année de référence ni étude d’impact budgétaire, nous paraît hasardeux.
En outre, au cours des douze années écoulées, des conférences territoriales de l’action publique ont été mises en place. Ces instances, présidées par les présidents de région, devraient à mon sens être mises à contribution pour organiser les schémas des enseignements artistiques. Dans ce cadre, les régions qui le souhaiteraient pourraient participer au financement.
Quoi qu’il en soit, dans l’état actuel des choses, il me semblerait important de prévoir une concertation préalable avec les présidents de région.
En conclusion, évitons de figer le dispositif, d’alourdir d’emblée la charge financière des régions. Faisons surtout en sorte de mettre en place, au sein des CTAP, une démarche associant l’ensemble des collectivités territoriales et l’État et permettant que les régions s’engagent intelligemment, par étapes.
Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° L’article L. 216-2-1 est abrogé.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le précédent, l’article L. 216-2-1 du code de l’éducation prévoyant le transfert des crédits de l’État vers les régions et les départements pour financer les conservatoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer le chef de filat de la région pour les enseignements artistiques et le transfert des crédits de l’État vers les régions et les départements tel que prévu par la loi de 2004.
Mme la présidente de la commission, dont on sait l’engagement sur ce sujet, l’a très bien dit : nous souhaitons que la région soit le chef de file pour les enseignements artistiques. Comme pour toute politique, il faut que le pilote, l’organisateur, le fédérateur soit situé au bon échelon territorial.
Par ailleurs, si l’État souhaite que les régions s’engagent dans le financement des classes préparatoires, le transfert de crédits prévu en 2004 doit être effectivement opéré à leur profit.
Madame la ministre, je prends note du réengagement financier de l’État en la matière. Sans le minorer, je tiens à rappeler que les crédits de l’État consacrés aux conservatoires étaient de 27 millions d’euros en 2012. Ils ont certes doublé en 2016 par rapport à 2015, mais ils ne s’élèvent qu’à 13,5 millions d’euros, soit la moitié de leur montant quatre ans plus tôt : le compte n’y est donc pas encore !
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur les trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 43 et 44 ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Tout d’abord, je souligne que la loi de 2004 a trouvé finalement assez peu à s’appliquer. Mme la présidente de la commission a évoqué deux cas concrets : seules les anciennes régions Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes ont mis en œuvre des protocoles de décentralisation en application de cette loi.
Peut-être faudra-t-il revenir sur ce sujet avec la montée en charge des métropoles, mais, d’ici là, il me semble que les CTAP permettront aux régions qui le souhaitent d’avancer.
Les amendements nos 43 et 44 me paraissent satisfaits par celui du Gouvernement. Je demande donc leur retrait au profit de ce dernier.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Mme la présidente de la commission défend depuis longtemps cette position, mais je pense qu’elle surjoue et dramatise un peu l’enjeu, comme si l’existence même des conservatoires dépendait de notre vote. Il ne faut tout de même pas exagérer ! Elle sait très bien que tel n’est pas le sujet.
Pour ma part, je considère que l’avenir des conservatoires est lié à la diversification de leur recrutement, un enjeu que Mme la ministre a évoqué. Si l’on persiste à refuser de se pencher sur les moyens de promouvoir cette diversification, de plus en plus de conservatoires se momifieront et finiront par disparaître, comme tout ce qui n’est pas dynamique. Voilà un véritable sujet !
En tout état de cause, les deux expérimentations évoquées par Mme la ministre et Mme la présidente de la commission ne prouvent pas qu’il faille procéder à leur généralisation.
Quoi qu’il en soit, je ne crois pas qu’il s’agisse là d’un point dur en vue de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Il ne faut pas partir du principe que le chef de file est celui qui commande, qui ordonne : son rôle est d’animer et de fédérer. À preuve, la CTAP, créée par la loi MAPTAM, est convoquée et présidée par le président du conseil régional, qui fixe l’ordre du jour de sa réunion.
Pour ce qui concerne les conservatoires, confier le chef de filat aux régions permettrait simplement de coordonner un développement harmonieux et raisonné de la politique des enseignements artistiques sur un vaste territoire. La loi de 2004 l’énonce très clairement : chaque échelon de collectivités intervient à son juste niveau, au moyen des crédits transférés par l’État.
Monsieur Assouline, vous faites montre d’un certain mépris pour les expérimentations qui ont été menées.
M. Claude Kern. C’est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je vous invite à interroger Christophe Duchêne, ancien directeur du conservatoire à rayonnement régional de Lille, aujourd’hui en poste au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, qui a conduit l’expérimentation dans la région Nord-Pas-de-Calais, Véronique Chatenay-Dolto étant à l’époque la directrice régionale des affaires culturelles. Il vous dira tout ce qu’a apporté cette expérimentation réussie, dont tous les directeurs de conservatoire attendent la généralisation et qui s’accompagnait d’une réforme pédagogique, madame la ministre, visant à organiser les classes d’orientation professionnelle des cycles d’enseignement professionnel initial, les CEPI, que vous souhaitez rebaptiser « classes préparatoires », et à ouvrir les conservatoires aux pratiques amateurs et collectives.
Or, la non-application de la loi de 2004 confine ces établissements dans l’élitisme et les empêche de se développer, à contre-courant de ce qu’il faudrait faire à la suite de la création des grandes régions.
Concernant le réengagement financier de l’État, Jean-Pierre Leleux a bien démontré que, en matière de crédits, l’on reste loin du compte ! En outre, les critères de ce réengagement – application du quotient familial pour la fixation des tarifs, ouverture aux musiques actuelles, etc. – restent très opaques pour les conservatoires, qui ont considérablement évolué ces dernières années.
Mme la présidente. Madame la présidente de la commission, il faut conclure.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Les critères imposés par l’État sont donc vécus comme des contraintes supplémentaires par des établissements qui n’ont toujours pas vu leurs financements stabilisés, dans un juste partage des responsabilités entre toutes les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je soutiens la position de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission.
Personne, dans cet hémicycle, ne saurait affirmer que la situation actuelle est satisfaisante.
M. David Assouline. C’est pour cela qu’il faut une réforme !
M. Bruno Retailleau. Voilà des années que ce débat perdure. On ne peut pas s’en remettre aux conférences territoriales de l’action publique ou aux schémas, sauf à vouloir laisser les choses aller au fil de l’eau.
Par ailleurs, force est de le constater, la grande époque de la décentralisation est derrière nous. On ne croit plus aujourd’hui en la décentralisation !
Que l’on ait voté pour ou contre, on doit le reconnaître, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République consiste en une simple redistribution des cartes entre les collectivités. En termes de décentralisation, on y trouve finalement peu de chose. Je pense notamment à la politique de formation et à l’emploi.
Aujourd’hui encore, que constate-t-on ? On s’effarouche dès lors qu’il s’agit de confier de nouvelles responsabilités aux régions. Catherine Morin-Desailly en a très bien parlé. Évidemment, cela doit s’accompagner d’un transfert de moyens financiers.
Nous vivons dans un monde complexe. L’actualité nous montre clairement que l’État est de moins en moins en mesure de garder la main dans la plupart des domaines. Au reste, le veut-il seulement ? C’est la grande question. Notre pays a cultivé, tout au long de son histoire, une obsession de l’unité. François Furet l’a parfaitement démontré. Cela étant, aujourd’hui, nous pouvons très bien vivre unis dans la diversité.
À cet égard, les grandes collectivités matures que sont les régions sont à même d’assumer cette nouvelle mission en matière d’enseignement artistique. Dans cette perspective, je vous invite, mes chers collègues, à relire le compte rendu des débats que nous avons consacrés aux lycées il y a quelques années.
Mme la présidente. Monsieur Retailleau, il faut conclure !
M. Bruno Retailleau. Le moment est venu d’entreprendre une nouvelle étape de la décentralisation ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En tant qu’outils d’initiation aux arts et à la culture, les conservatoires ont toujours tenu une place importante dans le projet de société que nous prônons.
À nos yeux, il est légitime que l’État souhaite reprendre la main dans ce domaine. En effet, il est le garant d’un bon maillage territorial des conservatoires : seul son réengagement financier permettra de développer ces structures dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire. Cet enjeu, celui de l’égalité d’accès, est primordial.
Toutefois, madame la ministre, encore faut-il savoir en quoi consiste ce réengagement de l’État. À l’heure actuelle, l’État assure à peine 6 % du financement des 440 établissements classés. Que devons-nous attendre de ce réinvestissement ? Une véritable reprise en main ou un financement à la marge ?
Bien sûr, on ne peut que saluer l’augmentation massive des fonds alloués au plan « conservatoires » au titre de la loi de finances pour 2016. Leur hausse de 8 millions à 13,5 millions d’euros devrait permettre de rattraper une partie du recul enregistré depuis 2012. Néanmoins, nous doutons que cet effort soit suffisant, tant les économies exigées du ministère les trois années précédentes, et même auparavant, ont été lourdes.
Ainsi, les écoles de musique associatives ont vu leurs subventions purement et simplement supprimées en 2010. Les conservatoires départementaux et régionaux ont vu leurs dotations être amputées de 35 % en 2014, puis disparaître totalement en 2015. Et, malheureusement, ce n’est pas l’évolution des dotations aux collectivités territoriales qui permettra à celles-ci d’assurer une compensation massive !
Si nous sommes, sur le principe, d’accord avec l’octroi du chef de filat à l’État, nous ne pouvons que rester dans l’expectative. À quoi rimerait une telle reprise en main par l’État si la situation budgétaire des conservatoires devait encore s’aggraver ?
M. Alain Vasselle. Allez, on vote !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Pour ma part, contrairement à mes collègues de gauche, je salue, forte de l’expérience nordiste, ce qui a pu être fait grâce à la loi de 2004 et, de manière plus générale, ce qui peut être accompli quand les régions prennent la main.
M. Retailleau m’a devancée en évoquant l’exemple, fort pertinent, des lycées. Nous avions hérité de 200 établissements bourrés d’amiante.
Mme Corinne Bouchoux. Eh oui !
Mme Marie-Christine Blandin. C’est l’argent et le pilotage de la région qui ont permis de remédier à la situation. Je ne peux manquer d’évoquer également l’action exemplaire des régions pour les trains express régionaux, les TER.
En définitive, nous sommes toujours dans le même schéma. Aux termes de l’objet de l’amendement du Gouvernement, « il ne paraît pas opportun d’organiser un chef de filat de la région sur l’enseignement artistique » : le pouvoir, c’est l’État ! Plus loin, on lit que, « en revanche, […] un engagement plus volontaire des régions pour l’organisation et sa participation au financement […] sera un signal très positif »… En d’autres termes, le pilotage revient à l’État, et la région assure le financement !
Parlons donc du financement. On nous déclare que l’État engage 15 millions d’euros. Certes, mais ce montant est à répartir entre les conservatoires, les orchestres Démos et l’enseignement supérieur artistique : en réalité, 8 millions d’euros seulement sont destinés aux conservatoires.
À mon sens, les dispositions de la loi de 2004 mériteraient de trouver davantage à s’appliquer. (Mme Corinne Bouchoux, M. Claude Kern et M. Guy-Dominique Kennel applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. La loi de 2004 n’a donné lieu qu’à deux expérimentations. Cela montre que les régions n’ont pas manifesté l’enthousiasme exprimé avec éloquence et sincérité par certains d’entre vous pour les possibilités offertes par cette loi, dont les dispositions, c’est un fait, n’ont guère été mises en application.
Peut-être la situation évoluera-t-elle avec la mise en place des grandes régions et la montée en puissance des métropoles. Les CTAP permettent d’ores et déjà d’avancer. Vous l’avez rappelé, ce sont bien les présidents de région qui en fixent l’ordre du jour.
Je tiens maintenant à relever deux inexactitudes dans les arguments qui ont été avancés.
Premièrement, les critères du réengagement financier de l’État auprès des conservatoires ont fait l’objet d’une concertation, qui a débouché sur la fixation de quatre critères très clairs. Ceux-ci ont été communiqués aux DRAC par voie de circulaire, puis transmis aux conservatoires. À cet égard, il n’y a donc plus d’ambiguïté.
Deuxièmement, pour ce qui concerne les financements, les chiffres que j’ai cités concernent bien les seuls conservatoires.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17 A.
(L'article 17 A est adopté.)
Article 17 B
(Non modifié)
Le titre III du livre II de la première partie du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le chapitre IX est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IX
« Les autres instances consultatives
« Section unique
« Les instances consultatives en matière d’enseignement supérieur et de recherche dans les domaines relevant du ministre chargé de la culture
« Art. L. 239-1. – Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels est placé auprès du ministre chargé de la culture.
« Il est consulté sur les orientations générales de la politique du ministre chargé de la culture en matière d’enseignement supérieur et de recherche dans les domaines de la création artistique, de l’architecture et du patrimoine.
« Il a notamment pour mission d’assurer la cohérence des formations et de la recherche dans ces domaines au regard des enjeux des secteurs professionnels concernés.
« Il donne un avis sur l’accréditation des établissements assurant des formations supérieures dans les domaines susmentionnés relevant du ministre chargé de la culture, à l’exception de celle prévue à l’article L. 752-1.
« Il peut être également consulté sur les projets de textes législatifs ou réglementaires relatifs à l’enseignement supérieur et à la recherche dans les domaines susmentionnés. Il peut faire des propositions au ministre chargé de la culture sur toute question relative à son domaine de compétence.
« Il comprend notamment des représentants élus des personnels et des étudiants de ces établissements ainsi que des représentants des secteurs professionnels principalement concernés. Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche prévu à l’article L. 232-1 désigne son représentant, qui siège avec voix consultative.
« Un décret précise les attributions, la composition et les règles de fonctionnement du conseil, ainsi que les conditions de nomination ou d’élection de ses membres, notamment les conditions dans lesquelles est assurée la parité entre les femmes et les hommes. » ;
2° Au début de la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 232-1, sont ajoutés les mots : « Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels prévu à l’article L. 239-1 du présent code, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 90, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les formations supérieures dans les domaines de l’art et de la culture sont spécifiques à bien des égards. Personne ne le conteste.
Cela étant, il ne nous semble pas souhaitable de cloisonner l’enseignement supérieur. Malgré tous ses défauts, la loi de 2013 pour l’enseignement supérieur et la recherche, ou loi ESR, avait au moins le mérite de permettre une avancée vers l’unification du service public de l’enseignement supérieur. Or voici que se profile un recul, au travers d’adaptations visant à isoler des écoles d’art et d’architecture du reste de l’enseignement supérieur.
Ce dispositif est calqué sur le modèle du CNESER dédié au domaine agricole, agroalimentaire et vétérinaire. Or, dans un récent rapport, la Cour des comptes dresse un bilan particulièrement sévère de dix ans de tutelle du ministère de l’agriculture sur les filières agronomiques et vétérinaires.
Nous défendrons, aux articles 17 B et 17, une série d’amendements tendant à prévoir que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche soit sollicité, de même que le CNESER, à propos de l’ensemble des accréditations et des habilitations.
Le CNESER doit jouer, à notre sens, un rôle de régulation tous domaines confondus, en partenariat avec les ministères concernés.
La défense de l’unicité de l’enseignement supérieur et de la recherche répond clairement à l’un des principes fondateurs du service public : l’égalité d’accès et de traitement.
Comment justifier que, aujourd’hui, un étudiant en école d’art ne dispose pas des mêmes conditions d’études et des mêmes droits qu’un étudiant d’une filière universitaire d’art ? Devons-nous rappeler qu’il existe plus de 260 cursus de licence dans les domaines artistiques, de l’histoire de l’art et de l’archéologie ? S’y ajoutent, en master, les sciences de l’art et la médiation culturelle.
Le présent article tend à créer un régime à deux vitesses, à rebours des annonces du Gouvernement, de ses actions passées et des principes mêmes du service public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. On verra, dans la suite du débat, que la commission propose d’adopter une position équilibrée. Elle accepte l’idée de la création d’un conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistique et culturelle, ou CNESERAC, tout en émettant le souhait que, à terme, un unique CNESER gère l’ensemble de l’enseignement supérieur.
Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à supprimer le CNESERAC.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le présent amendement vise à supprimer le CNESERAC, au profit d’un élargissement du champ de compétence du CNESER et du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Nous avons déjà débattu de ce sujet. Je l’affirme une nouvelle fois : il importe, pour le ministère, de se doter d’un lieu de débat et d’élaboration à même d’incarner pleinement la singularité de l’enseignement supérieur en matière culturelle.
Ce domaine présente de réelles spécificités. De nombreux enseignants sont des artistes et des professionnels en activité. Les méthodes pédagogiques sont fortement liées aux pratiques professionnelles artistiques. Quant à la recherche en matière artistique, elle est tout à fait spécifique.
Or le CNESER ne représente pas ces différents professionnels de l’art et de la culture, et il n’a pas vocation à le faire, à moins d’une complexification de sa composition, peut-être peu pertinente.
À l’inverse, la composition du CNESERAC pourra rendre compte de cette diversité et de cette richesse, pour mieux faire dialoguer les acteurs comme les disciplines.
Cette instance n’aura pas pour objet de diviser l’enseignement supérieur. Au contraire, elle aura vocation à parfaire l’inscription dans ce dernier de l’enseignement supérieur dédié à la culture, en favorisant l’harmonisation entre les différents domaines artistiques et culturels et en facilitant leur mise en cohérence avec les évolutions récentes du service public de l’enseignement supérieur. Je pense par exemple à la stratégie nationale de l’enseignement supérieur et, bien sûr, à la stratégie nationale de la recherche.
Les travaux du CNESERAC s’articuleront d’autant plus aisément et parfaitement avec ceux du CNESER que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sera représenté en son sein. Réciproquement, un système de représentation croisée sera mis en place entre le CNESERAC et le CNESER.
Pour l’ensemble de ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement n° 90 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17 B.
(L'article 17 B est adopté.)
Article 17
Les chapitres IX et X du titre V du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation sont ainsi rédigés :
« Chapitre IX
« Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques
« Art. L. 759-1. – (Non modifié) I. – Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques concourent à la réalisation des objectifs et des missions du service public de l’enseignement supérieur, pour ce qui concerne la création dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques, et aux stratégies nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ils peuvent participer aux regroupements d’établissements d’enseignement supérieur mentionnés au 2° de l’article L. 718-3. Ils ont pour mission d’assurer la formation initiale ou continue tout au long de la vie ainsi que la validation des acquis de l’expérience, avec un personnel enseignant composé notamment d’artistes et de professionnels de la création, dans les métiers :
« 1° Du spectacle, notamment ceux d’artiste-interprète, d’auteur, d’enseignant et de technicien dans les domaines de la musique, de la danse, du théâtre et du cirque ;
« 2° De la création plastique et industrielle, notamment ceux d’artiste et de designer.
« II. – Dans l’exercice de leur mission, les établissements mentionnés au I :
« 1° A Forment à la transmission, notamment en matière d’éducation artistique et culturelle ;
« 1° Conduisent des activités de recherche en art, en assurent la valorisation et participent à la politique nationale de recherche ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Participent à la veille artistique, scientifique et technique et à l’innovation dans ses différentes dimensions, notamment pédagogique ;
« 4° Contribuent à la vie culturelle, économique, sociale et environnementale du territoire en développant des partenariats, notamment avec les institutions culturelles, les collectivités territoriales, les associations, les entreprises, les autres établissements d’enseignement supérieur et l’ensemble des établissements d’enseignement, notamment dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle ;
« 5° Concourent au développement de la coopération artistique, culturelle, scientifique, technique et pédagogique internationale ;
« 6° Veillent au respect de la diversité artistique, professionnelle et culturelle.
« Art. L. 759-2. – Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques sont accrédités par arrêté du ministre chargé de la culture, après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, pour la durée du contrat pluriannuel signé avec l’État. L’arrêté emporte habilitation de l’établissement à délivrer des diplômes d’école et les diplômes nationaux, autres que ceux définis à l’article L. 613-1, dont la liste est annexée à l’arrêté. Pour les établissements publics nationaux, les modalités d’accréditation sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture, après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels.
« Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques sont habilités, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, à délivrer, dans leurs domaines de compétences, seuls ou conjointement avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, des diplômes nationaux définis à l’article L. 613-1.
« L’organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités de l’évaluation des formations dans les disciplines du spectacle vivant et des arts plastiques sont fixées par voie réglementaire.
« Art. L. 759-3 à L. 759-5. – (Non modifiés)
« CHAPITRE X
« Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle
« Art. L. 75-10-1. – (Non modifié) Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle sont accrédités par arrêté du ministre chargé de la culture, après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, pour la durée du contrat pluriannuel signé avec l’État. L’arrêté emporte habilitation de l’établissement à délivrer des diplômes d’école et les diplômes nationaux, autres que ceux définis à l’article L. 613-1, dont la liste est annexée à l’arrêté. Pour les établissements publics nationaux, les modalités d’accréditation sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture, après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels.
« Les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle sont habilités, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, à délivrer, dans leurs domaines de compétences, seuls ou conjointement avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, des diplômes nationaux définis à l’article L. 613-1.
« L’organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités de l’évaluation des formations dans les disciplines du cinéma et de la communication audiovisuelle sont fixées par voie réglementaire. »
Mme la présidente. L’amendement n° 177 rectifié bis, présenté par MM. Luche, Bonnecarrère, Cigolotti, Capo-Canellas, Lasserre, Canevet, Roche, Tandonnet et Kern, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
Forment
par les mots :
Peuvent former
La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. La formation à la transmission apparaissait initialement comme une mission optionnelle pour les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique.
Si nous ne souhaitons pas revenir sur les autres missions devenues obligatoires, bien que le CNESER ait toujours validé le texte faisant état de missions optionnelles, il nous paraît primordial de rendre à la transmission son caractère optionnel. Rien n’oblige, en effet, dans le dispositif LMD ou dans le code de l’éducation, que les écoles d’art forment spécifiquement à la médiation, ni même à la transmission.
Inscrire dans la loi qu’il s’agit d’une mission obligatoire revient à affirmer que l’artiste, l’auteur ou le designer doit impérativement s’acquitter d’une mission sociale, ce qui contrevient à l’esprit du projet de loi, qui défend la liberté de création, la liberté de diffusion, bref, tout simplement la liberté de l’artiste.
Par ailleurs, une telle évolution pourrait entraîner des malentendus chez certains élus, en suscitant des attentes vis-à-vis des écoles d’art. Par exemple, une école d’art risquerait d’être instrumentalisée sur un territoire en devenant une école de la médiation ou de la transmission.
Si les intentions qui ont présidé à l’introduction de la formation à la transmission comme mission obligatoire des écoles d’art sont sans doute louables, il importe de prendre garde à ses conséquences néfastes.
Ces écoles d’art peuvent, certes, amener leurs étudiants au désir de transmettre. Si elles suscitent chez certains des vocations dans la transmission ou dans la médiation, c’est tant mieux ! Toutefois, sauf à considérer la loi comme une maquette pédagogique, l’inscription de ce terme n’a pas plus de sens que la mention des autres composantes des enseignements : l’histoire de l’art, la philosophie, l’anglais, etc.
Cet amendement vise donc à rendre son caractère optionnel à la formation à la transmission dans les écoles d’art.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement visant à rendre optionnelle la mission de transmission des écoles d’art est conforme à notre position en première lecture.
La commission y est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. La formation à la transmission est au nombre des missions essentielles des établissements d’enseignement supérieur.
Il ne me semble pas possible d’opposer liberté de l’artiste et formation à la transmission. Dans les écoles d’art, on sait bien que l’œuvre d’art naît autant de l’artiste que de celui qui le regarde. Par ailleurs, ce terme figure dans le référentiel des diplômes délivrés. Il ne me semble pas souhaitable de rendre cette mission optionnelle.
Le Gouvernement ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 138, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après le mot :
transmission
insérer les mots :
et à la médiation
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L’article 17 est consacré à la formation supérieure des artistes. Nous proposons, par cet amendement, d’ajouter au terme « transmission », qui vient de devenir optionnel, celui de « médiation », qui le complète. En effet, le terme « transmission » est principalement utilisé dans le milieu artistique pour désigner la pédagogie et l’apprentissage de techniques et des répertoires.
Or la formation à la médiation est un enjeu important en matière d’emploi et de pratique, notamment par la demande de plus en plus forte de projets avec les publics, au travers des résidences, par exemple. Pour mener cela à bien, les artistes ont besoin d’acquérir des outils, un savoir-faire et une réflexion sur la médiation.
La rencontre avec les publics fait partie de la mission de service public, à laquelle un nombre significatif de sénatrices et de sénateurs s’est montré particulièrement attaché. Il est donc essentiel que les artistes soient préparés à cela par leurs formations respectives.
Mme la présidente. L’amendement n° 45, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 2° Forment aux activités de médiation dans les métiers ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement est proche de celui que vient de présenter Mme Blandin. Je forme le vœu que nous distinguions la transmission et la médiation. Cette dernière ne doit pas être optionnelle. Au contraire, elle doit bien faire l’objet d’un enseignement obligatoire, afin que la rencontre entre artistes et public se fasse dans les meilleures conditions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Ces amendements visent à insérer la mission de médiation au sein des missions des écoles d’art. Estimant que la référence à la transmission est suffisamment large, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Ces amendements visent à rétablir la médiation parmi les missions des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion de l’amendement précédent, seule la compétence en matière de transmission figure dans les référentiels métiers. La formation à la transmission est ainsi inscrite dans le référentiel des diplômes établis par les partenaires sociaux.
Toutefois, la notion de médiation, qui n’y figure pas, peut être entendue comme incluse dans la transmission, dont le sens apparaît plus large. Je comprends pourtant l’objectif que vous poursuivez par ces amendements. Comme la transmission, la médiation me semble absolument essentielle aux formations dans les écoles d’art.
Sur ces deux amendements, le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Alain Vasselle. C’est uniquement pour faire plaisir à leurs auteurs !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Luche. L’Assemblée nationale avait assoupli cette disposition en remplaçant la médiation par la transmission, revenant ainsi au terme initial. Mme la ministre s’était alors montrée favorable à l’amendement par lequel ce changement avait été introduit.
Le terme « transmission » est déjà employé dans l’article 17 bis à propos des écoles d’architecture. Il semble donc plus cohérent de le conserver ici.
Par ailleurs, la transmission est plus large que la médiation. Elle implique toutes les pratiques avec et envers les publics, au-delà de la seule médiation, qui désigne pour sa part une activité en lien avec une visite d’exposition ou une présentation d’œuvre.
Le terme « transmission » permet de recouvrir toutes les actions de l’éducation artistique et culturelle, mais aussi les projets collaboratifs réa1isés avec les populations sur les territoires. Il me semble donc indispensable de le conserver. Je voterai donc contre ces amendements et j’appelle le Sénat à se rallier à la position de la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Il existe une différence entre transmission et médiation. Affirmer que le premier terme englobe nécessairement le second n’est pas exact, du moins si j’en crois l’expérience que j’ai acquise durant dix années de travail avec les services des musées impliqués dans la médiation.
Un décodage est peut-être nécessaire. Comme à propos de la photographie, les visions concurrentes de différents groupes professionnels apparaissent en filigrane dans ce débat, d’un côté celle des plus acharnés à se faire entendre, notamment les arts vivants, et de l’autre, celle des arts visuels, dont les lobbys sont peut-être moins efficaces… Je souhaite que nous allions au bout de cette logique en sachant qui est derrière quels enjeux.
En tout état de cause, il est faux de dire que médiation et transmission ont le même sens.
Mme la présidente. L’amendement n° 92, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase, et alinéa 21, première phrase
Après les mots :
accrédités par arrêté
insérer les mots :
conjoint du ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement tend à décliner, logiquement, la position que nous avons déjà exprimée : nous sommes favorables à l’unification de l’enseignement supérieur.
La loi ESR de 2013 a introduit la notion de tutelle unique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur tous les établissements publics du supérieur, et la participation de ce dernier à l’accréditation de toutes les formations supérieures.
Encore une fois, il s’agit pour nous de défendre le principe d’égalité de traitement et d’accès au service public. Il nous semble en effet ubuesque de créer ainsi une frontière entre les étudiants des écoles d’arts et d’architecture et ceux des autres filières, plus particulièrement les étudiants en filières universitaires d’arts et d’architecture.
Cela ne peut que conduire à voir disparaître les passerelles entre les deux structures, à remettre en cause le principe de cadrage national unique des diplômes et à précariser une partie des étudiants. Les étudiants de ces écoles sont déjà exclus de certains dispositifs de bourses et peinent à utiliser les passerelles vers les filières universitaires. Ce rapprochement des établissements spécialisés et des filières traditionnelles constituerait donc un atout pour les deux.
Les structures spécialisées, tout d’abord, verraient leur intégration dans le système traditionnel de l’enseignement et de la recherche renforcée. De nouvelles chances s’ouvriraient donc à elles.
Les filières universitaires, ensuite, verraient leurs compétences mieux reconnues grâce à leur apport aux domaines des arts et de la culture. Leur légitimité en serait renforcée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cet amendement vise à faire de l’arrêté d’accréditation des établissements d’enseignement supérieur artistiques et culturels un texte conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture. La commission y est défavorable, car cela remettrait en cause l’équilibre atteint pour le CNESERAC, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, dont nous parlerons dans quelques instants.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement a pour objet d’étendre le rôle du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche dans l’accréditation des écoles de la création artistique, dans les domaines des arts plastiques, du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel.
Le projet de loi prévoit déjà la cosignature du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour les accréditations relatives aux diplômes nationaux conférant les grades et titres universitaires, comme la licence ou le master.
L’extension ici proposée conduirait ce ministère à être également cosignataire des arrêtés d’accréditation pour les diplômes dits « sans grade ou titre universitaire », comme les diplômes spécifiques aux écoles d’art.
Or le code de l’éducation distingue les diplômes sans grade ou titre universitaire et les diplômes nationaux conférant des grades et titres universitaires, lesquels sont coordonnés directement par le ministère.
Ainsi, en conformité avec le code de l’éducation et dans le plein respect des rôles respectifs des deux ministères, nous avons élaboré conjointement la rédaction actuelle du mécanisme d’accréditation. En effet, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne souhaite pas aller au-delà des dispositions du code de l’éducation et ne demande pas à coordonner les diplômes sans grade ou titre universitaires, reconnaissant pleinement la légitimité du ministère de la culture à les accréditer dans son champ de compétence.
C’est pourquoi, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’en solliciterai le rejet.
Mme la présidente. Madame Brigitte Gonthier-Maurin, l’amendement n° 92 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 92 est retiré.
L’amendement n° 91, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première et dernière phrases, alinéa 16, alinéa 21, première et dernière phrases, et alinéa 22
Remplacer les mots :
Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels
par les mots :
Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche prévu à l’article L. 232-1
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. En cohérence avec l’amendement n° 90 des mêmes auteurs, qui visait à supprimer le CNESERAC, cet amendement tend à substituer le CNESER au CNESERAC dans ses missions à l’égard des établissements d’enseignement supérieur culturels et artistiques.
La commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Brigitte Gonthier-Maurin, l’amendement n° 91 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 91 est retiré.
L’amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 16 et 22
Remplacer le mot:
habilités
par le mot
accrédités
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement vise à corriger une erreur de rédaction, afin de rendre ce texte conforme au code de l’éducation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 204, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 18, dernier alinéa de l’article L. 759-5 (non modifié)
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les élèves inscrits dans les établissements agréés du domaine des arts plastiques bénéficient des aides aux étudiants, des œuvres universitaires, de la santé et de la protection sociale des étudiants prévues aux articles L. 821-1 à L. 832-2 du présent code.
« Les élèves des classes d’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique agréés par l’État dans le domaine du spectacle vivant, bénéficient des aides aux étudiants, des œuvres universitaires, de la santé et de la protection sociale des étudiants prévues aux articles L. 821-1 à L. 832-2 du présent code dès lors qu’ils sont titulaires d’un baccalauréat ou d’une équivalence. Les élèves inscrits qui ne sont pas titulaires d’un baccalauréat ou d’une équivalence peuvent bénéficier d’aides individuelles contingentées.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le présent amendement vise à sécuriser la situation sociale des élèves des classes préparatoires de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques.
Ainsi, les élèves des classes préparatoires en art plastique et ceux du spectacle vivant qui sont titulaires du baccalauréat ou d’une équivalence pourront bénéficier de l’ensemble des garanties sociales accordées aux étudiants, ainsi que des aides individuelles contingentées.
Je précise que les élèves non visés par ces deux alinéas, c’est-à-dire les élèves des classes préparatoires qui ne seraient pas titulaires du baccalauréat ou d’une équivalence, bénéficient d’une autre protection sociale lorsqu’ils sont collégiens et lycéens. Ils peuvent également se voir accorder des aides individuelles sous condition de ressources par le ministère de la culture.
Cet amendement me semble important. Il vise à permettre à l’ensemble des élèves concernés par l’enseignement artistique de se consacrer dans les meilleures conditions à leur préparation à l’entrée dans les établissements concernés. Cette mesure rejoint des préoccupations exprimées tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à minuit et demi, afin d’avancer dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Le sous-amendement n° 236, présenté par Mme D. Gillot, M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 204
1° Alinéa 3
Remplacer les mots :
bénéficient des aides aux étudiants, des œuvres universitaires, de la santé et de la protection sociale des étudiants prévues aux articles L. 821-1 à L. 832-2 du présent code
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
sont également inscrits dans une formation proposée par un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ayant conclu une convention avec l’établissement agréé, selon des modalités précisées par décret. Cette inscription emporte paiement des droits d’inscription prévus à l’article L. 719-4
2° Alinéa 4
a) Première phrase
Remplacer les mots :
bénéficient des aides aux étudiants, des œuvres universitaires, de la santé et de la protection sociale des étudiants prévues aux articles L. 821-1 à L. 832-2 du présent code
par les mots :
sont également inscrits dans une formation proposée par un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ayant conclu une convention avec l’établissement agréé, selon des modalités précisées par décret
b) Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette inscription emporte paiement des droits d’inscription prévus à l’article L. 719-4.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Les dispositions de l’amendement du Gouvernement vont dans le sens de l’une de nos propositions, mais elles restent incomplètes.
Le présent sous-amendement vise à conférer un réel statut étudiant aux élèves des classes préparatoires des établissements agréés du domaine des arts plastiques et du spectacle vivant titulaires d’un baccalauréat, en leur donnant également accès aux services de documentation, d’orientation et d’insertion professionnelle, d’activités physiques et sportives et bien sûr culturelles des EPSCP.
Il tend, en outre, à maintenir le dispositif d’aides individuelles contingentées prévu par le Gouvernement pour les élèves non bacheliers.
En poursuivant le combat qu’a mené avec force Mme Gillot, nous entendons donc apporter une précision qui nous semble avoir sa place dans cet amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. L’amendement n° 204 répond à une préoccupation apparue en première lecture, mais que nous n’avions pas pu résoudre en raison de l’article 40. La solution devait donc venir du Gouvernement. Cet obstacle ayant levé, c’est avec plaisir que la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 236 déposé par M. Assouline et les membres de son groupe, je souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 236 ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je comprends que, par ce sous-amendement, vous souhaitez que les élèves des classes préparatoires s’inscrivent dans une université pour bénéficier du statut d’étudiant et des droits associés.
Il me semble que l’amendement du Gouvernement leur confère précisément ce statut d’étudiant et leur accorde la jouissance de l’ensemble des droits afférents. Il vise également à régler la situation d’élèves qui ne pourraient pas s’inscrire à l’université parce qu’ils seraient, par exemple, encore lycéens.
Par ailleurs, les diplômes de l’enseignement supérieur en arts plastiques emportent grade universitaire. Par conséquent, votre souhait de nouer des liens étroits avec l’université me semble également satisfait. Mon ministère, avec les établissements d’enseignement supérieur de la création, y travaille concrètement.
Il me semble donc que les objectifs de votre sous-amendement sont atteints. Je vous demande donc de le retirer, monsieur Assouline.
Mme la présidente. Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je demande à mon tour à M. Assouline de retirer ce sous-amendement.
Mme la présidente. Monsieur David Assouline, le sous-amendement n° 236 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Le problème est complexe. Nous n’avons pas la même lecture de l’amendement n° 204. Je n’ai pas reçu de confirmation claire qu’il s’agissait bien ici de conférer un statut social étudiant à l’ensemble des élèves de ces classes préparatoires, qu’ils soient bacheliers ou non, afin qu’ils bénéficient d’un égal accès aux avantages que ce statut confère en matière de protection sociale. Notre sous-amendement visait à préciser ce point.
Madame la ministre, je vous demande vraiment de nous expliquer expressément en quoi cette demande est déjà satisfaite par l’amendement n° 204 du Gouvernement. Je ne souhaite pas introduire de redondance, mais il ne me semble pas que cela soit le cas. Si ses explications me convainquent, nous retirerons cet amendement. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, nous avons débattu toute la journée dans un état d’esprit de compréhension commune, afin d’obtenir des votes susceptibles de permettre à la commission mixte paritaire d’aboutir.
Pour certains ici, qui ne se sont pas complètement impliqués dans ces débats (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.), une telle demande apparaît peut-être excessive à ce moment de la soirée. Pourtant, elle ne l’est pas. Nous avons connu durant la journée des suspensions de séance, pour parvenir à des accords ! Nous n’en sommes même pas là maintenant ; je ne demande qu’une précision à Mme la ministre. Si je l’obtiens, je retirerai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je précise simplement que l’amendement n° 204 du Gouvernement tend bien à permettre aux étudiants bacheliers de bénéficier de toutes les aides prévues : les œuvres universitaires, la santé et la protection sociale des étudiants.
Monsieur Assouline, votre sous-amendement vise peut-être les élèves qui ne sont pas encore bacheliers. Des étudiants peuvent en effet être inscrits dans ces classes préparatoires en étant encore lycéens ; c’est un cas qui se rencontre. Notre amendement vise à leur garantir, en plus de la protection sociale classique qui concerne les collégiens et les lycéens, des aides individuelles sous condition de ressources, attribuées par le ministère de la culture.
Il s'agit là d’une amélioration, dans la mesure où les réponses que nous apportons concernent des élèves qui ne peuvent pas être considérés comme étudiants.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, qu’en est-il du sous-amendement n° 236 ?
M. David Assouline. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 236 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 204.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17, modifié.
(L’article 17 est adopté.)
Article 17 bis
(Non modifié)
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 752-1 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 613-2 » est remplacée par la référence : « L. 613-1 » ;
b) Les références : « L. 952-1, L. 952-3 » sont remplacées par les références : « L. 952-1 à L. 952-3 » ;
2° Le chapitre II du titre V du livre VII de la troisième partie est complété par un article L. 752-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 752-2. – Les écoles nationales supérieures d’architecture concourent à la réalisation des objectifs et des missions du service public de l’enseignement supérieur pour ce qui concerne l’architecture et participent aux stratégies nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu’aux regroupements d’établissements d’enseignement supérieur mentionnés au 2° de l’article L. 718-3. Elles veillent au respect de la diversité architecturale et culturelle et ont pour mission d’assurer la formation initiale et continue tout au long de la vie des professionnels de l’architecture, de la ville, des territoires et du paysage.
« Dans l’exercice de leur mission, les écoles mentionnées au premier alinéa du présent article :
« 1° Conduisent des activités de recherche en architecture, en assurent la valorisation et participent aux écoles doctorales ;
« 2° Forment à la transmission en matière d’éducation architecturale et culturelle ;
« 3° Participent à la veille artistique, scientifique et technique et à l’innovation dans ses différentes dimensions, notamment pédagogique ;
« 4° Assurent, par des cours obligatoires au sein des écoles d’architecture, la maîtrise d’au moins une langue étrangère au niveau professionnel ;
« 5° Organisent une meilleure communication, recourant à des méthodes innovantes, autour de réalisations et de concours d’architecture pour les étudiants ;
« 6° Contribuent à la vie culturelle, économique, sociale et environnementale du territoire en développant des partenariats, notamment avec les institutions culturelles, les collectivités territoriales, les associations, les entreprises, les autres établissements d’enseignement supérieur et l’ensemble des établissements d’enseignement, notamment dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle ;
« 7° Concourent au développement de la coopération architecturale, culturelle, scientifique, technique et pédagogique internationale ;
« 8° (Supprimé) » ;
3° (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 47, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Délivrent des enseignements permettant de s’adapter aux exigences professionnelles internationales ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement tend à affirmer la vocation de formation de niveau international des ENSA. Cela concerne à la fois la mobilité des étudiants, leur inscription dans les programmes Erasmus, voire l’accueil des enseignants étrangers.
Il nous paraît vraiment important d’adapter nos écoles nationales supérieures d’architecture aux exigences internationales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Afin de finir en beauté d’examen du titre Ier, j’émets un avis favorable sur cet amendement (Sourires.), dont la rédaction m’apparaît meilleure que celle du texte proposé par la commission.
Mme Sylvie Robert. Je vous remercie, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Aujourd’hui, les écoles nationales supérieures d’architecture doivent déjà assurer cette formation professionnelle adaptée aux exigences internationales. Cette nécessité ne fait aucun doute ; c’est pourquoi elles s’y emploient déjà. Cela peut être rappelé en complétant leur mission.
Devant cette concordance d’avis, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat, dont je pressens qu’elle va s’exercer pleinement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17 bis, modifié.
(L’article 17 bis est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU PATRIMOINE CULTUREL ET À LA PROMOTION DE L’ARCHITECTURE
Chapitre Ier
Renforcer la protection et améliorer la diffusion du patrimoine culturel
Article 18 A
(Non modifié)
L’article L. 1 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il s’entend également des éléments du patrimoine culturel immatériel, au sens de l’article 2 de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée à Paris le 17 octobre 2003. » – (Adopté.)
Article 18 B
(Non modifié)
Le livre Ier du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 111-7 est supprimé ;
2° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par des articles L. 111-8 à L. 111-11 ainsi rédigés :
« Art. L. 111-8. – L’importation de biens culturels appartenant à l’une des catégories prévues à l’article 1er de la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, faite à Paris le 17 novembre 1970, en provenance directe d’un État non-membre de l’Union européenne et partie à cette convention est subordonnée à la production d’un certificat ou de tout autre document équivalent autorisant l’exportation du bien établi par l’État d’exportation lorsque la législation de cet État le prévoit. À défaut de présentation dudit document, l’importation est interdite.
« Art. L. 111-9. – Sous réserve de l’article L. 111-10, il est interdit d’importer, d’exporter, de faire transiter, de transporter, de détenir, de vendre, d’acquérir et d’échanger des biens culturels présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique lorsqu’ils ont quitté illicitement le territoire d’un État dans les conditions fixées par une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies adoptée en ce sens.
« Art. L. 111-9-1. – Les biens culturels saisis en douane en raison de leur sortie illicite d’un État non-membre de l’Union européenne peuvent être déposés dans un musée de France en vue de leur conservation et de leur présentation au public pour le temps de la recherche, par les autorités compétentes, de leur propriétaire légitime.
« Art. L. 111-10. – Dans le cas où les biens culturels se trouvent dans une situation d’urgence et de grave danger en raison d’un conflit armé ou d’une catastrophe sur le territoire de l’État qui les possède ou les détient, l’État peut, à la demande de l’État propriétaire ou détenteur ou lorsqu’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies a été prise en ce sens, mettre provisoirement à disposition des locaux sécurisés pour les recevoir en dépôt et en informe l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.
« L’État rend les biens culturels à l’État propriétaire ou détenteur après cessation de la situation ayant occasionné leur mise à l’abri ou à tout moment, à la demande de ce dernier.
« Les biens culturels accueillis dans les conditions prévues au présent article sont insaisissables pendant la durée de leur séjour sur le territoire national.
« Pendant leur mise en dépôt sur le territoire national, des prêts peuvent être consentis, après accord de l’État qui les a confiés, pour faire circuler ces biens culturels dans le cadre de l’organisation d’expositions nationales ou internationales destinées à faire connaître ce patrimoine en danger. En cas de sortie du territoire national, l’État qui accueille l’exposition garantit l’insaisissabilité des biens concernés pendant la durée de l’exposition.
« Art. L. 111-11. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
3° L’article L. 114-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Est puni des mêmes peines le fait, pour toute personne, d’importer un bien culturel en infraction à l’article L. 111-8.
« III. – Est puni des mêmes peines le fait, pour toute personne, d’importer, d’exporter, de faire transiter, de vendre, d’acquérir ou d’échanger un bien culturel en infraction à l’article L. 111-9.
« Les auteurs des infractions aux interdictions définies à l’article L. 111-9 encourent, en outre, la confiscation des biens en cause. » ;
4° Le titre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Annulation de l’acquisition d’un bien culturel en raison de son origine illicite
« Art. L. 124-1. – La personne publique propriétaire d’un bien culturel appartenant au domaine public mobilier, au sens de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, peut agir en nullité de la vente, de la donation entre vifs ou du legs de ce bien lorsqu’il lui est apporté la preuve qu’il a été volé ou illicitement exporté après l’entrée en vigueur, à l’égard de l’État d’origine et de la France, de la convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, faite à Paris le 17 novembre 1970.
« La personne publique propriétaire demande, en outre, au juge d’ordonner la restitution du bien à l’État d’origine ou au propriétaire légitime s’il en a fait la demande.
« La personne publique propriétaire a droit au remboursement du prix d’acquisition par le vendeur.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
Mme la présidente. L'amendement n° 93, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
1° Supprimer les mots :
ou à tout moment, à la demande de ce dernier
2° Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
« L’État propriétaire ou détenteur peut cependant demander le rendu des biens déposés auprès de l’État. Ce dernier les rend après autorisation de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. »
II. – Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
qui les a confiés
insérer les mots :
ou de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à préciser deux dispositions de l’article 18 B.
Si le groupe CRC souscrit à l’esprit de l’article, guidé par la préservation du patrimoine issu de zones de conflits ou en situation de catastrophe naturelle, il estime qu’il convient d’intégrer plus fortement l’UNESCO dans les dispositifs de rendu des biens aux pays d’origine.
Je le précise, il ne s’agit en aucun cas d’encourager la captation par l’État de biens culturels sur lesquels il n’aurait aucune légitimité. Il s’agit bien au contraire de s’assurer que le dépôt et le rendu se fassent dans des conditions de sécurité optimales.
De fait, il serait préférable de sécuriser les transferts de biens culturels prévus à l’article 18 B en intégrant les situations d’États faillis, qui ne peuvent, de fait, demander le retour de leurs biens culturels sur leur territoire, quand bien même ce dernier serait stable, et les situations d’États dont le régime est instable et potentiellement source de danger pour les biens culturels.
C’est dans ce cadre que nous proposons que l’UNESCO soit consulté sur l’ensemble de ces questions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Cet amendement vise à faire intervenir l’UNESCO dans la décision de rétrocession des œuvres à un État propriétaire, pour prendre en compte le cas des États faillis.
Madame la ministre, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce point, car l’objet de l’amendement paraît justifié, même si sa mise en œuvre pourrait se révéler difficile. J’avoue ne pas en mesurer la complexité. L’UNESCO est-elle habilitée à formuler ce type d’avis ? Si oui, dans quel délai ?
C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement vise à prévoir un contrôle de l’UNESCO sur les biens culturels confiés à la France par un État étranger. Il vise les cas prévus à l’article 18 B, qui organise les modalités de mise à l’abri, sous la forme d’un dépôt temporaire, des biens menacés par une situation d’urgence ou par de graves dangers, en raison d’un conflit armé ou d’une catastrophe naturelle.
Je comprends la préoccupation des auteurs de cet amendement dans le cas des États faillis, qui ne seraient pas en mesure de demander à récupérer leurs biens ou à en autoriser la circulation pendant ce temps d’exil de leur patrimoine. Je sais aussi le rôle précieux et incontestable de l’UNESCO et son engagement dans la protection du patrimoine de l’humanité, notamment ces temps derniers au Moyen-Orient, où règne la situation dramatique que nous connaissons.
Cependant, conditionner à une autorisation de l’UNESCO le retour des biens culturels menacés, qui auraient été pris en refuge, ou leur mouvement pour une exposition pourrait être interprété comme un frein par les États susceptibles d’utiliser ce dispositif.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas notre objectif !
Mme Audrey Azoulay, ministre. Ces États pourraient y voir le risque d’être privés de la capacité de décider du sort de leur patrimoine. Ils pourraient même prendre cette démarche pour une ingérence internationale, au-delà de la convention qu’ils auraient passée avec la France qui accueille ses biens.
De fait, cela pourrait compromettre le sens de la mesure voulue par le Gouvernement, qui est de proposer des refuges à ce patrimoine en danger, dans une relation de confiance mutuelle entre deux États souverains, le pays qui formule cette demande pour éviter la destruction ou le pillage de ses biens, et la France qui s’engage à protéger ceux-ci, dans une démarche de solidarité désintéressée.
Je ne pense pas que l’UNESCO ait à intervenir dans cette relation bilatérale. Il lui incombe bien plutôt de favoriser l’élargissement de ce type de mesures aux États membres de l’UNESCO, d’en faire le bilan et la promotion, et non de s’immiscer dans cette relation de confiance au service de la culture.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Brigitte Gonthier-Maurin, l'amendement n° 93 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18 B.
(L'article 18 B est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 18 bis AA
(Suppression maintenue)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 3 rectifié est présenté par Mmes Mélot et Duchêne, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Doligé et Milon, Mme Cayeux, MM. Lefèvre et Cambon, Mme Lopez, M. Mandelli, Mmes Primas, Micouleau et Hummel, M. Dufaut, Mme Di Folco, MM. Trillard, Panunzi, B. Fournier, Mouiller et Pointereau, Mme Deromedi, M. Laménie, Mme Canayer et MM. Vasselle, Allizard, Chasseing, Revet, Charon, Husson, Savin et Commeinhes.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, MM. Guillaume, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 159 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand, Castelli, Collombat et Fortassin, Mme Malherbe, MM. Requier, Vall, Guérini et Amiel et Mme Jouve.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 111-2 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le propriétaire desdits biens envisage de les céder dans le cadre d'une vente publique dans un délai d'un an à compter de la délivrance du certificat mentionné au premier alinéa du présent article, celui-ci est délivré sous condition de réalisation de la vente publique ou de la vente de gré à gré au sens de l'article L. 321-9 du code de commerce sur le territoire de l'Union européenne. Un décret en Conseil d'État fixe la liste des catégories de biens, qui, eu égard à leur importance particulière pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie, relèvent du champ d'application du présent alinéa. »
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
Mme Patricia Morhet-Richaud. La place de la France sur le marché mondial de l’art ne cesse de décroître, au profit de Londres, New York ou Hong Kong. Les grandes maisons délocalisent les ventes d’œuvres d’art découvertes sur le territoire national, et ce pour un montant estimé à 500 millions d’euros par an.
Cette situation a des conséquences financières lourdes pour notre pays : perte d’emploi et de valeur de la filière, manque à gagner fiscal, dévalorisation de Paris face à la concurrence, affaiblissement du droit de préemption de l’État…
Tenant compte des remarques formulées lors des précédents débats, ce nouvel amendement de compromis a pour objet de redynamiser le marché de l’art sur la place de Paris et de permettre une avancée dans la défense du droit de préemption.
Pour répondre à l’argument juridique qui avait été avancé sur la conformité au droit communautaire, cette nouvelle rédaction limite l’interdiction de délocalisation des œuvres les plus importantes uniquement en dehors des pays membres de l’Union européenne.
Elle fixe également une durée raisonnable et limitée d’un an à compter de la délivrance du certificat ; au-delà de cette période, le vendeur ne sera plus tenu à aucune obligation.
Elle prévoit enfin de laisser un droit de regard à l’État qui pourra définir précisément par décret quelles œuvres les plus importantes seront concernées par la disposition.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour présenter l'amendement n° 48.
Mme Maryvonne Blondin. Nous avons déjà tenté de remédier, par un amendement en première lecture, à la situation préoccupante du marché de l’art français et de la chute de la place de Paris, qui occupe désormais la cinquième place mondiale, avec 6 % de parts de ce marché.
Je rappelle que l’exercice du droit de préemption de l’État sur toute vente publique d’œuvre d’art ou sur toute vente de gré à gré a permis le maintien dans le patrimoine français d’œuvres célèbres et a participé à l’enrichissement de nos musées.
Pour essentiel qu’il soit, le dispositif mis en place n’est pas suffisamment efficace. En effet, lorsque la vente d’une œuvre d’art est réalisée à l’étranger, le droit de préemption ne peut s’appliquer. L’établissement de la vente à l’étranger rend donc totalement inopérant l’exercice du droit de préemption par l’État.
Ce phénomène de délocalisation des ventes d’œuvres d’art à l’étranger, notamment à New York et à Hong Kong, s’est accéléré ces dernières années, jusqu’à atteindre environ 500 millions d’euros par an. Il a des conséquences économiques, fiscales et sociales directes pour le secteur des maisons de ventes, mais aussi pour l’État.
C’est pourquoi cet amendement vise un double objectif : d’une part, mettre la France en conformité avec le droit communautaire, et, d’autre part, permettre une véritable avancée dans la défense du droit de préemption et du marché de l’art français. Il s’agit de permettre à Paris de jouer à armes égales avec New York et Hong Kong.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 159 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Comme il est tard, je considère que cet amendement identique est défendu, madame la présidente ! (Marques de satisfaction sur plusieurs travées.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Par rapport à l’amendement que nous avions examiné en première lecture, la rédaction qui nous est maintenant proposée n’entre plus en contradiction avec le droit européen ; c’est une avancée ! Ainsi, le propriétaire sera autorisé à vendre son bien dans n’importe quel pays de l’Union européenne, et plus uniquement en France.
Toutefois, en ouvrant cette possibilité, le dispositif a perdu une grande partie de son efficacité.
D’une part, l’objectif initialement avancé par les auteurs en première lecture, qui consistait à faciliter l’exercice du droit de préemption de l’État, ne pourra plus être atteint dès que l’œuvre sera vendue dans un autre pays de l’Union européenne.
D’autre part, compte tenu de l’importance de la place de Londres dans le domaine du marché de l’art, cette rédaction autorise les biens à être vendus à Londres plutôt qu’à Paris, ce qui n’est guère satisfaisant.
Si je suis sensible à votre préoccupation concernant la dégradation de la situation des professionnels du marché de l’art dans notre pays, j’estime que l’outil proposé n’est pas approprié, tant il risque de se révéler totalement inefficace. Il s’agit, au mieux, me semble-t-il, d’un pis-aller.
Par ailleurs, je rappelle que Mme la ministre a indiqué à l’Assemblée nationale que le dispositif soulevait des problèmes d’équité entre les demandeurs de certificat, selon qu’ils déclareraient ou non envisager de céder les biens hors de l’Union européenne ou non. La rédaction n’a pas été revue pour répondre à ce problème. Sur ce sujet, il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Ces amendements identiques tendent à rétablir, avec des modifications, l’article adopté par la Haute Assemblée en première lecture et supprimé par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.
Cet article crée une obligation nouvelle qui concernerait une catégorie spécifique de biens culturels dont la mise en vente publique éventuelle devrait impérativement s’effectuer dans l’Union européenne pendant une période d’une année après la délivrance du certificat d’exportation.
J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, je partage l’objectif, qui est d’apporter une réponse à la préoccupation des professionnels et des pouvoirs publics quant au marché de l’art français, face au constat de la délocalisation de certaines ventes d’œuvres d’art présentes à l’origine sur notre territoire.
Cependant, tel qu’il est proposé, le dispositif, y compris après son élargissement à l’Union européenne, ne semble pas le plus efficace pour atteindre ce but légitime et pose des problèmes juridiques, qui viennent d’être rappelés, notamment des problèmes d’équité entre les demandeurs de certificat, selon qu’ils déclarent, ou non, envisager de céder leurs biens hors de l’Union européenne.
Je suis en revanche très attachée à rendre au marché de l’art français le rang mondial qu’il a connu et qu’il n’a plus.
C’est la raison pour laquelle je suis en relation avec la mission d’information parlementaire sur la place du marché de l’art français présidée par le député Michel Herbillon, dont le rapporteur est le député Stéphane Travert. J’alimenterai les travaux de cette mission par des pistes de réflexion permettant de déterminer les outils les plus appropriés pour répondre aux objectifs que nous partageons tous, éventuellement en revenant, quitte à l’adapter, sur le dispositif ici proposé, ou peut-être sur d’autres instruments plus à même d’atteindre efficacement cet objectif.
Dans l’attente de ce travail, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. J’ai bien entendu les arguments de la commission et du Gouvernement. Néanmoins, je maintiens cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Blondin, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?
Mme Maryvonne Blondin. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Laborde, l'amendement n° 159 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Oui, je le maintiens également, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié, 48 et 159 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 18 bis AA est rétabli dans cette rédaction.
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 18 bis
(Non modifié)
À l’article L. 211-1 du code du patrimoine, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « , y compris les données ». – (Adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 18 sexies
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – Les 1° et 3° de l’article L. 211-4 du code du patrimoine, dans leur rédaction résultant du I du présent article, s’appliquent à compter du 1er mai 2009. – (Adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 19 ter
(Non modifié)
Après l’article L. 451-11 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 451-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 451-12. – Des pôles nationaux de référence peuvent être créés pour rassembler, conserver et valoriser des collections publiques non présentées dans le musée de France qui en est propriétaire, selon des thématiques précises définies préalablement dans un projet scientifique et culturel.
« L’État reconnaît, par une labellisation spécifique, les musées de France candidats qui, après avis du Haut Conseil des musées de France et en lien avec les grands départements patrimoniaux dont ils relèvent, se constituent en pôle national de référence.
« Le label de pôle national de référence est déterminé par l’histoire et la nature particulière des collections du musée candidat. La dénomination et la répartition des pôles relèvent du ministre chargé de la culture.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » – (Adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 68 amendements au cours de la journée ; il en reste 151.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 25 mai 2016, à quatorze heures trente et le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (n° 606 rectifié, 2015-2016) ;
Rapport de M. Michel Mercier, rapporteur pour le Sénat, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 605, 2015-2016).
Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 495, 2015-2016) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 588, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 589, 2015-2016).
Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias (n° 446, 2015-2016), en examen conjoint avec la proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions (n° 416, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 518, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 519, 2015-2016) ;
Avis de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 505, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 25 mai 2016, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD