Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
Mme Catherine Tasca, M. Bruno Gilles.
2. Conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire. – Discussion d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution européenne
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques
3. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
4. Conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire. – Suite de la discussion d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) :
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
6. Conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) :
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution européenne
Adoption de la proposition de résolution européenne dans le texte de la commission.
7. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
8. Mise au point au sujet d’un vote
M. André Gattolin ; M. le président.
9. Accès au logement social. – Rejet d'une proposition de loi
Discussion générale :
M. Michel Le Scouarnec, auteur de la proposition de loi
M. Philippe Dallier, rapporteur de la commission des finances
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Clôture de la discussion générale.
Rejet de l’article.
M. Philippe Dallier, rapporteur
Rejet de l’article.
Rejet de l’article.
Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Suspension et reprise de la séance
11. Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes. – Adoption d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés
Discussion générale commune :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Clôture de la discussion générale commune.
Amendement n° 1 de M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° 5 rectifié bis de M. Roland Courteau. – Rejet.
Amendement n° 2 de M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. – Adoption.
Adoption de l’ensemble de l’article et de son annexe, modifié.
Amendement n° 17 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 10 rectifié de M. Alain Richard. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 8, 9 et 9 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 18 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 16 de M. Alain Richard. – Adoption.
Amendement n° 11 de M. Alain Richard. – Rejet.
Amendement n° 19 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 23
Amendement n° 6 de M. Yves Pozzo di Borgo. – Retrait.
Amendement n° 3 de M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° 20 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 27
Amendement n° 28 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 21 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 22 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 13 rectifié de M. Richard Yung. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié de M. Richard Yung. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 34
Amendement n° 29 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 23 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 24 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 25 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 43
Amendement n° 30 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 31 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 26 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Amendement n° 2 rectifié de M. Alain Richard. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 4
Amendement n° 1 de M. Yves Pozzo di Borgo. – Retrait.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
12. Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
13. Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Tasca,
M. Bruno Gilles.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire
Discussion d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, présentée, en application de l’article 73 quinquies du règlement, par M. Michel Billout et plusieurs de ses collègues (proposition n° 115, rapport et texte de la commission des affaires économiques n° 270, rapport et texte de la commission des affaires européennes n° 201).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution.
M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion, au sein de cet hémicycle, de débattre des accords de libre-échange, et plus particulièrement du projet de partenariat de commerce et d’investissement avec les États-Unis.
Au cours de la discussion d’une précédente proposition de résolution européenne, je vous avais alerté sur les conséquences dramatiques de l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans ce projet de partenariat. Nous avions alors émis un certain nombre de réserves, d’exigences et de propositions alternatives.
Cette proposition est devenue, par un vote unanime, une résolution du Sénat, et j’espère qu’il pourra en être de même aujourd’hui.
C’est en effet dans le même esprit – définir une position française dans le contexte d’une négociation internationale complexe – que mes collègues du groupe communiste, républicain et citoyen et moi-même avons présenté cette nouvelle proposition de résolution européenne, portant cette fois sur les conséquences du projet de traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
Je souhaite tout d’abord évoquer de façon globale la question des accords de libre-échange.
Les États-Unis se sont lancés, au début de ce siècle, dans une politique plus active d’accords bilatéraux et plurilatéraux. Ainsi, les négociations du Trans-Pacific Partnership, le TPP, conduites depuis 2008 ont abouti à la signature, la semaine dernière en Nouvelle-Zélande, d’un accord entre 12 pays. Les membres du Trans-Pacific Partnership représentent 40 % de l’économie mondiale.
La principale caractéristique de ces nouveaux accords commerciaux est que leur périmètre comprend non seulement les sujets classiques du commerce international, comme les droits de douane, mais également les obstacles au commerce « derrière les frontières », par exemple le développement durable, les services, les marchés publics, l’investissement, la propriété intellectuelle, la coopération réglementaire, les procédures douanières, la concurrence.
Les accords bilatéraux et plurilatéraux de libre-échange viennent ainsi compléter le multilatéralisme commercial, et sont susceptibles, à terme, d’ouvrir la voie à une extension de son champ, par la fixation de standards qui peuvent ensuite être repris dans des accords multilatéraux – sujet fort intéressant, qui mériterait très certainement d’être étudié de plus près.
De ce point de vue, il me paraît utile d’écouter le président Obama évoquer la signature récente du TPP : « Le TPP permet aux États-Unis – et non à des pays comme la Chine – de rédiger la feuille de route du XXIe siècle, ce qui est particulièrement important dans une région aussi dynamique que l’Asie-Pacifique. [C’est un] nouveau genre d’accord commercial qui donnera la priorité aux salariés américains. […] Tout simplement, il renforcera notre leadership à l’étranger et soutiendra les emplois ici, aux États-Unis. »
Vous avouerez que nous sommes bien loin, dans l’esprit du président des États-Unis, de la conception d’un accord gagnant-gagnant.
Quelques mots maintenant pour vous rappeler la situation du commerce extérieur de la France. Selon les chiffres communiqués par le secrétariat d’État, la France est le sixième exportateur mondial de biens et le quatrième exportateur mondial de services.
Le commerce extérieur est une composante importante de l’économie française : il représente près de 30 % de notre produit intérieur brut. Au total, en France, un quart des salariés travaillent pour une entreprise exportatrice.
La France dispose, à l’export, de plusieurs forces traditionnelles. Ces domaines, dans lesquels elle occupe souvent les premiers rangs mondiaux, comprennent notamment le secteur aéronautique et spatial – premier excédent sectoriel, à 24 milliards d’euros en 2014 –, les produits agricoles et agroalimentaires, la pharmacie, la chimie, les parfums et cosmétiques. Les produits français sont également bien positionnés dans différents domaines du luxe. Le commerce de l’armement, quant à lui, est essentiel dans la balance commerciale de la France ; il se porte plutôt bien.
L’Union européenne représente près de 60 % des échanges de la France, à l’export comme à l’import. Cette concentration, qui s’observe également chez nos grands partenaires européens, est liée aux facteurs traditionnels de développement des échanges commerciaux – proximité géographique et taille du marché –, amplifiés en Europe par l’existence d’un marché unique.
L’Allemagne est, de loin, notre premier partenaire : le commerce franco-allemand représente 17 % de nos échanges. Les flux avec nos autres principaux partenaires – Belgique, Italie, Espagne, États-Unis et Chine – représentent chacun entre 6 et 8 % de notre commerce extérieur. Les cinq premiers marchés de la France, tous européens, concentrent près de la moitié de nos exportations : il s’agit de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume-Uni.
Notre pays, aujourd’hui, échange donc déjà beaucoup avec le reste du monde, et les États-Unis sont déjà un partenaire commercial privilégié de l’Union.
D’une manière générale, on ne peut donc pas dire que les barrières tarifaires ou autres protections douanières, relativement faibles au demeurant, constituent actuellement des obstacles au commerce entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde.
Néanmoins, les échanges au sein de l’Union européenne stagnent, et les marchés des pays émergents sont parfois versatiles. C’est là la motivation principale des projets de traités entre l’Union européenne et, respectivement, le Canada et les États-Unis.
Aux yeux des partisans de ces traités d’un nouveau genre, ces derniers sont les moyens incontournables d’un nouveau et fabuleux développement économique de l’Europe.
Comme d’autres accords bilatéraux signés récemment ou en cours de négociations – notamment l’accord UE-Canada – le TTIP ne se contentera pas d’abolir les barrières douanières. Il s’étendra aussi aux « barrières non tarifaires ».
Le TTIP vise au démantèlement, ou à l’affaiblissement, de toutes les normes qui limitent les échanges. Tous les secteurs, marchands et non marchands, absolument sans exception – y compris, et en particulier, l’agriculture –, subiront a priori les effets de ce traité.
Or l’agriculture est un secteur économique essentiel pour notre pays. Depuis plusieurs années, elle connaît des difficultés croissantes et récurrentes. Différentes filières ont traversé, et traversent encore, de graves crises.
Autrefois deuxième exportateur mondial derrière les États-Unis, la France est passée au cinquième rang, devancée par l’Allemagne, les Pays-Bas et le Brésil.
Aujourd’hui, la filière de l’élevage se trouve dans une situation particulièrement critique, près de 10 % des exploitations se trouvant au bord du dépôt de bilan. La filière lait, notamment, est confrontée aux conséquences de la disparition des quotas.
Cette situation est d’autant plus inquiétante que l’agriculture est déterminante pour la cohésion territoriale de la France. Dans les zones rurales fragiles, les difficultés des exploitations menacent la pérennité d’activités économiques qui leur sont liées, comme les abattoirs, les services vétérinaires, les entreprises de transformation des produits, mais aussi celle de services de proximité tels que les écoles, la présence postale ou les petits commerces.
C’est donc le devenir de nombreuses communes rurales qui est en jeu, de même que la préservation de l’équilibre des paysages et des territoires, avec le risque d’extension des friches ou des forêts.
Or le volet agricole du projet de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est susceptible d’aggraver fortement ces difficultés déjà très lourdes.
La filière de l’élevage, en particulier la production de viande bovine, serait en effet probablement le secteur le plus touché par la conclusion d’un tel accord. Le marché européen est celui où les prix sont les plus élevés, ce qui en fait une destination privilégiée pour les exportateurs de viande bovine.
Les modes de production, les caractéristiques de la filière et les normes de sécurité sanitaire sont source de distorsions de concurrence entre les États-Unis et l’Union européenne. Il en est de même du système de soutien à l’agriculture par le biais de subventions ou d’aides.
L’ouverture commerciale pourrait aussi remettre en question les préférences collectives européennes, et notamment les restrictions concernant les OGM ou la non-utilisation de farines animales, des hormones de croissance et des antibiotiques non thérapeutiques.
Le risque est celui d’une industrialisation des fermes, donc d’une augmentation importante du foncier agricole dans les zones concernées, d’une concentration géographique par spécialisation et, en définitive, d’une désertification et d’une dégradation de nombreux territoires ruraux, avec à la clef, vraisemblablement, de lourdes conséquences environnementales.
La Commission européenne a certes, dans le cadre des négociations, classé la viande bovine comme « produit sensible ».
Toutefois, par l’accord signé avec le Canada, l’UE a ouvert son marché à un contingent de 65 000 tonnes de viande bovine canadienne, et ce traité comporte une dérogation aux règles d’origine. Si le TTIP est ratifié, et en cas d’utilisation partielle du contingent canadien, ce dernier pourra être fusionné avec le contingent états-unien, s’ajoutant ainsi au contingent tarifaire à droit nul de 45 000 tonnes de viande bovine de haute qualité dont bénéficient déjà les États-Unis, depuis un accord signé en 2009.
Autre situation particulièrement alarmante : celle de la filière lait. Celle-ci risque d’être confrontée à une harmonisation des normes sanitaires sur un modèle hygiéniste insoutenable pour des filières produisant de petits volumes.
L’affaiblissement des productions différenciées et de petit volume, fondées sur le lien au terroir, serait une perte de richesse patrimoniale et de valeur ajoutée pour les territoires ruraux. Dans ces conditions, la question de l’avenir du lait cru et de ses produits dérivés peut également se poser.
En outre, le secteur laitier est concerné au premier chef par la question de la protection des signes de qualité. Les appellations d’origine protégée laitières sont nombreuses en Europe, de même que les indications géographiques protégées, et la France, en la matière, compte pour 30 % du total européen. Or l’industrie laitière américaine produit de nombreux fromages sous une dénomination européenne, parfois enregistrée comme marque.
La Commission européenne affiche sa détermination sur ce sujet, mais, au vu de la diversité des intérêts couverts par le TTIP, le risque existe de voir cette détermination fléchir dans le cours des négociations.
Je n’ai pris que deux exemples, mais ils me semblent assez symboliques de la situation de l’agriculture dans notre pays, et, de façon plus générale, en Europe. Si nous ne nous en inquiétons pas dès à présent, les conséquences pourraient être dramatiques.
La défense des préférences collectives des Européens en matière alimentaire ou des normes de bien-être animal, la protection de l’environnement et une occupation de l’espace sont autant d’objectifs maintes fois réaffirmés qui se trouvent menacés.
Les négociations en cours pourraient conduire à une profonde remise en cause de notre schéma agricole et à des changements économiques majeurs. D’ailleurs, le Sénat attend toujours que lui soit fournie l’étude d’impact permettant d’apprécier, par secteur d’activité, les effets pour la France de différents scénarios de négociation, demandée au Gouvernement dans la résolution européenne n° 164 du 9 juin 2013.
Pour conclure, je tiens à remercier les rapporteurs de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, qui ont respecté l’orientation de cette proposition et ont su l’enrichir.
Je regrette simplement que la demande de retrait du volet agricole de ce projet d’accord, au cas où celui-ci ne satisferait pas à l’ensemble des conditions posées par cette résolution, n’ait pas été maintenue.
Nous sommes aujourd’hui confrontés, à plusieurs égards, à un choix de société ; il n’est pas acceptable qu’un choix aussi lourd de conséquences ne fasse pas l’objet d’un débat démocratique, et que les négociations n’aient pas lieu dans la plus totale transparence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et au banc des commissions. – MM. François Marc, Joël Labbé et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis n’est pas un traité commercial comme les autres.
Ses conséquences, si les négociations aboutissaient, seraient déterminantes, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, s’agissant de la fixation de normes et de standards qui protègent aujourd’hui le consommateur européen. Ceux-ci, compte tenu du volume des échanges transatlantiques, pourraient devenir des normes de portée internationale.
Ce partenariat serait important, car il permettrait de fixer de nouvelles règles douanières plus favorables qui, au-delà même de l’économie agricole et agroalimentaire, seraient susceptibles d’ouvrir aux pays de l’Union européenne l’accès à de nouveaux marchés de biens et de services, dans une période où tous les États membres cherchent des relais de croissance par l’exportation – d’où l’attention particulière, par exemple, de l’Italie ou des pays de l’Est à l’aboutissement des négociations actuelles.
Vous l’avez compris : le texte de cette résolution n’est pas a priori dirigé contre le principe d’un traité transatlantique.
La présente proposition de résolution, adoptée le mois dernier par la commission des affaires économiques, sur l’initiative de notre collègue Michel Billout, est en réalité l’expression d’une très vive inquiétude des parlementaires.
Cette inquiétude porte essentiellement sur deux points : d’une part, la transparence de ces négociations et, d’autre part, les conséquences de cet accord sur le volet agricole, et en particulier sur le secteur de l’élevage, dont personne ici n’ignore les difficultés structurelles et conjoncturelles.
Je rappelle que le Sénat suit très attentivement le cheminement de ce traité et que nous avons, d’ores et déjà, adopté deux résolutions : l’une, dès juin 2013, pour demander un traitement spécifique du volet agricole, et l’autre, en février 2015, exhortant à davantage de transparence dans les négociations et demandant la révision du volet relatif au règlement des différends entre investisseurs et États par la voie d’arbitrages privés.
Les enjeux agricoles du traité, si l’on s’en tient aux seuls chiffres, paraissent somme toute limités : l’Europe achète pour 13 milliards de dollars de produits agricoles des États-Unis et nous exportons vers ce pays pour 20 milliards de dollars de produits agricoles européens.
C’est bien moins que les échanges industriels ou de services, mais la question agricole reste extrêmement sensible des deux côtés de l’Atlantique : chacun souhaite développer ses exportations, mais aussi veiller à ne pas déstabiliser son économie agricole, pour notre part en offrant des garanties de qualité au consommateur.
La position de la commission des affaires économiques se concentre sur trois éléments essentiels.
Tout d’abord, nous considérons fermement que la libéralisation des échanges entre Europe et États-Unis constitue une menace directe et puissante pour notre élevage allaitant français qui, avec quatre millions de bêtes, représente le tiers du total européen.
Notre modèle agricole européen, comparativement au modèle outre-Atlantique, est surtout celui de la petite exploitation avec des animaux essentiellement nourris à l’herbe, alors que le maïs génétiquement modifié constitue la ration de base des bovins aux États-Unis. Notre système est à la fois plus vertueux au plan environnemental, pourvoyeur d’emplois, et il contribue à l’occupation des territoires ruraux – vous l’avez dit, monsieur Billout.
Au total, l’Europe est presque autosuffisante en viande bovine, tout comme les États-Unis. Cependant, les Américains consomment davantage de morceaux issus des avants, pour l’énorme industrie du steak haché, délaissant l’aloyau et les pièces nobles. C’est, bien entendu, l’inverse en Europe.
Or l’importation massive en Europe des pièces nobles surnuméraires venant des États-Unis ferait considérablement chuter les prix, déséquilibrant définitivement notre filière élevage, qui n’a pas besoin de cela.
Certes, conjoncturellement, en raison de la baisse de l’euro, le prix du bœuf est plus élevé aux États-Unis qu’en Europe, mais structurellement, la filière de production de viande de bœuf américaine dispose d’avantages importants sur la filière européenne : la taille importante des élevages et des abattoirs permet des économies d’échelle, les normes applicables sont moins contraignantes. Enfin sont utilisés outre-Atlantique des accélérateurs de croissance, comme des hormones, des antibiotiques. Quant à l’attention au bien-être animal, elle y est bien moindre que de ce côté-ci de l’Atlantique.
Une ouverture totale des marchés serait donc une menace majeure pour les producteurs européens. Voilà pour ce qui est du risque principal.
Deuxième point défendu par notre commission : l’Europe et la France ont des « intérêts offensifs » dans le secteur agricole.
L’Europe et la France exportent, d’ores et déjà, avec succès des vins et spiritueux. Nos attentes sont ici de mieux protéger nos indications géographiques, alors que nos partenaires américains ne reconnaissent que les marques. C’est un point très sensible et très difficile des négociations.
Enfin, les produits laitiers, et en particulier les fromages, sont également des produits qui pourraient bénéficier de cet accord, à la condition de lever aussi les barrières en matière d’indications géographiques et d’appellations d’origine contrôlée, mais également les barrières non tarifaires.
La troisième remarque de la commission concerne, bien sûr, la méthode de négociation.
Nos partenaires américains ont consenti un effort important en apparence, en acceptant une suppression des droits de douane beaucoup plus large qu’au début des négociations, sur 97 % des lignes tarifaires. Nous craignons qu’en contrepartie de cette situation qui paraît favorable, les États-Unis ne souhaitent exporter des produits agricoles génétiquement modifiés sans devoir le mentionner, ce qui se heurte aux « préférences collectives » des consommateurs européens.
De plus, quelles sont les garanties de l’Europe de la levée des barrières non tarifaires opposables à nos produits, en particulier dans le secteur laitier, mais aussi dans le secteur des services ? Et quelles sont les garanties que, dans l’hypothèse où ces barrières non douanières soient levées au niveau fédéral, chaque État ne reviendrait pas individuellement sur cette position ?
Enfin, s’agissant du calendrier, 2016 sera une année décisive avec le douzième « round » de négociation, en mars. Or les questions agricoles, qui sont un point de blocage, ont été mises de côté et le risque de sacrifier l’agriculture à l’urgence nous semble, plus l’échéance de la fin de l’administration du président Obama se rapproche, extrêmement fort. Cela est d’autant plus inquiétant que les craintes sont très concentrées sur notre élevage, ce qui est une particularité française, et que certains États membres souhaitent parvenir très rapidement à la conclusion de cet accord. L’Europe résistera-t-elle à la tentation du sacrifice de l’agriculture ?
La proposition de résolution européenne que nous vous demandons d’adopter juge inacceptable ce sacrifice.
Sans préconiser le retrait du volet agricole des négociations, elle indique que tout accord doit être subordonné au maintien d’un haut niveau de sécurité sanitaire pour les consommateurs, et à la préservation du secteur de l’élevage en France, ce qui implique plus de transparence et une étude d’impact plus précise, que nous appelons de nos vœux. Pour lever les doutes et les inquiétudes légitimes, il nous paraît indispensable de continuer à classer la viande dans la liste des secteurs sensibles protégés par des droits de douane et des contingents.
Autant dire que cette proposition de résolution européenne cadre parfaitement avec les positions prises depuis plusieurs années par notre commission des affaires économiques, tous groupes politiques confondus.
Au final, nous préconisons beaucoup de fermeté. Nous savons que vous n’en manquez pas, monsieur le secrétaire d’État. Faute de réciprocité, mieux vaut pas d’accord du tout plutôt qu’un mauvais accord au détriment des intérêts européens, et particulièrement des intérêts français.
Tel est le sens de cette proposition de résolution européenne que nous soumettons à l’approbation du Sénat, dans la rédaction issue des travaux de notre commission des affaires européennes, et qui, nous l’espérons, monsieur le secrétaire d’État, doit vous permettre de montrer la détermination du Parlement français de ne pas ratifier un accord ne correspondant pas aux intérêts français. (Applaudissements.)
M. Daniel Raoul. Très bien !
3
Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation conduite par le ministre de la justice de la République démocratique populaire Lao, Son Excellence M. Bounkeut Sangsomsak. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État se lèvent.)
Il est accompagné par M. Vincent Eblé, président du groupe d’amitié France-Cambodge et Laos, Mme Catherine Tasca, présidente déléguée pour le Laos, et des membres de ce groupe.
Nous nous félicitons des liens étroits que tissent nos deux pays grâce à ces rencontres croisées. Ainsi, M. Vincent Eblé, Mme Catherine Tasca et Mme Marie-Annick Duchêne ont participé récemment aux cérémonies du vingtième anniversaire de l’inscription de la ville de Luang Prabang à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Votre visite d’étude, monsieur le ministre, s’inscrit dans le cadre du programme de soutien du ministère des affaires étrangères et du développement international pour la mise en œuvre du schéma directeur de la justice au Laos, dont l’objectif est d’approfondir l’État de droit.
Accompagnée par Mme Claudine Ledoux, ambassadrice de France à Vientiane, la délégation a un programme d’auditions et d’entretiens à Paris, puis se rendra à l’École nationale de la magistrature à Bordeaux.
Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, un séjour et des échanges fructueux, en formulant le vœu que cette session de travail contribue à la réforme de la justice au Laos.
Nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État applaudissent.)
4
Conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire
Suite de la discussion d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’agriculture est un secteur stratégique, singulièrement en France.
La proposition de résolution européenne qui vous est soumise aujourd’hui est importante, car les agricultures européenne et française ont des dimensions économiques, sociales et culturelles essentielles. Les dispositions qui les concerneront dans le cadre d’un futur accord commercial ne doivent pas être les variables d’ajustement de concessions obtenues sur d’autres secteurs, comme l’ont excellemment exprimé les deux précédents orateurs.
Notre collègue Daniel Raoul et moi-même avons rapporté cette proposition devant la commission des affaires européennes, en ayant en tête le fait que le solde de nos exportations sur nos importations vis-à-vis des États-Unis était positif de 7 milliards d’euros et que la crise de l’élevage français, qui affleure largement notre débat, est, par définition, préalable aux éléments d’un éventuel accord.
Nous avons souhaité insister sur trois points, et conclurons en vous demandant, monsieur le secrétaire d’État, de nous donner des garanties quant au rôle du Parlement français, si l’accord devait être signé.
Premier point : dans certains secteurs agroalimentaires, la suppression négociée des droits de douane se fait dans un climat de compétitivité déséquilibrée entre l’Union européenne et les États-Unis.
Aujourd’hui, les droits de douane moyens appliqués aux produits agricoles et agroalimentaires dans l’Union européenne sont supérieurs à ceux des États-Unis. La négociation en cours a pour but de les réduire au maximum, voire de les supprimer. Pour autant, certains produits « sensibles » ne seront pas concernés par la réduction immédiate des tarifs douaniers. Pour la France, mais pas seulement pour elle, il s’agit notamment de la viande de bœuf, de porc et de la volaille. Le sort de ces produits sensibles est déterminé souvent en fin de négociation et peut aboutir à l’octroi au partenaire d’un contingent limité, à droit réduit ou nul.
L’accès de certains produits agricoles européens au marché des États-Unis est freiné par un fort écart de compétitivité. Les données ayant déjà été présentées, je serai bref.
Le secteur de la viande bovine est particulièrement exposé, tant sont différentes les pratiques respectives dans nos systèmes d’élevage. Elles placent l’Europe, mais plus singulièrement la France, dans une posture défensive.
En France, vous le savez, l’essentiel des aliments de troupeau bovin est produit sur l’exploitation. La ration de base est majoritairement composée d’herbe.
Je relève également que les États-Unis et le Canada bénéficient déjà de contingents d’exportation de viande bovine vers l’Union européenne, sans hormones ni accélérateurs de croissance. Mais ces deux pays n’utilisent à ce jour qu’assez peu lesdits contingents…
Enfin, des embargos interdisent encore l’exportation européenne des viandes bovine, ovine et caprine vers les États-Unis à la suite de l’épidémie dite d’encéphalite spongiforme bovine. Les États-Unis n’ont récemment levé cet embargo que pour les seules viandes d’Irlande et de Lituanie.
Deuxième point : les intérêts offensifs de la filière laitière.
Les professionnels français du secteur considèrent que le développement de la production laitière passe par l’exportation, notamment vers les États-Unis. Mais il y a au moins deux obstacles.
Le premier est tarifaire. Les droits américains sur les produits laitiers dépassent le niveau des droits moyens.
Le second obstacle concerne les règles sanitaires. Les États-Unis ont des exigences extrêmement strictes, assimilables à des barrières non tarifaires, qui imposent des contrôles plus rigoureux encore que dans l’Union européenne. Les exportations de fromages européens pâtissent évidemment de cette situation.
Les régulateurs de l’Union européenne et des États-Unis ont bien sûr en commun le souci de la protection des consommateurs. Mais les démarches respectives pour y aboutir sont très différentes et la disparité des normes freine les échanges. Côté américain, une approche « basée sur la science » ; côté européen, le principe de précaution, conforme à des choix sociétaux et culturels regroupés sous les termes de « préférences collectives ». Ainsi, les promoteurs de croissance, les OGM, la décontamination chimique des viandes et le clonage animal sont un enjeu majeur.
Les négociateurs doivent prendre en compte, en complément de l’évaluation scientifique, les choix exprimés par les consommateurs européens. L’accord ne devra donc pas remettre en cause la capacité de l’Union et de ses États membres à faire respecter ces choix collectifs.
Je rappelle d’ailleurs que le mandat de négociation confié à la Commission indique explicitement que, dans l’accord éventuel, les États-Unis et l’Union européenne devront respecter de hauts niveaux de protection de l’environnement et des consommateurs, « conformément à l’acquis de l’Union européenne et à la législation des États membres ».
Troisième point : les indications géographiques sont pour nous un enjeu central.
Notre système d’indications géographiques s’oppose au système américain des marques commerciales. L’indication géographique est ancrée dans un territoire ; elle n’est pas transférable. Elle est liée à un savoir-faire, à un mode de production, défendus et entretenus par les fabricants mais aussi, bien entendu, par les producteurs.
La marque ne répond pas aux mêmes critères. Elle peut avoir une durée limitée et être vendue, tous éléments que l’on ne peut bien sûr retrouver pour une indication géographique.
La France a donc un intérêt offensif majeur à faire reconnaître et protéger une liste ciblée d’indications géographiques dans le cadre de l’accord. S’il n’était pas reconnu dans le traité transatlantique, il ne figurerait à l’évidence dans aucun des autres accords commerciaux à venir : c’est bien un sujet stratégique.
Vous le savez, mes chers collègues, la discussion de cette proposition de résolution européenne tombe à point nommé, au moment où les négociations entre la Commission et ses interlocuteurs américains devraient entrer, avec le douzième round, dans le vif du sujet.
Je voudrais conclure en évoquant une question à laquelle je faisais référence dans l’introduction de mon propos.
Nous savons que, le moment venu, il reviendra successivement au Conseil, et donc aux gouvernements nationaux, puis au Parlement européen et surtout enfin – espérons-le ! – aux parlements nationaux d’évaluer le contenu du traité, avant de le ratifier ou non.
Monsieur le secrétaire d'État, c'est sur ce point que je souhaiterais vous interroger pour que le Sénat ait une réponse, mais surtout pour que nos concitoyens sachent avec certitude si le traité sera ou non soumis à examen.
En effet, nous ne savons toujours pas aujourd’hui si les accords conclus avec le Canada ou avec Singapour seront ou non considérés comme des accords mixtes, c’est-à-dire intégrant des éléments de la compétence commerciale exclusive de la Commission ou relevant de compétences partagées entre elle et les États membres. Nous ne savons donc pas ce qu’il en irait du traité transatlantique s’il devait être conclu.
C’est une véritable interrogation puisque de la réponse à cette question dépendra la saisine, ou non, des parlements nationaux pour autoriser leur ratification.
En attendant la décision que devrait enfin rendre la Cour de justice sur l’accord avec Singapour et la jurisprudence qu’elle établira, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer les critères qui, pour la France, gouvernent la qualification d’accord mixte ? Qu’adviendrait-il si un tel accord était rejeté par au moins un parlement national ? Serait-il applicable pour les dispositions relevant de la compétence exclusive de la Commission, lesquelles sont souvent les plus importantes ?
Pour être plus direct, monsieur le secrétaire d'État, quelles garanties pouvez-vous nous donner que l’éventuelle signature du TTIP donnera lieu à une approbation préalable par notre Parlement ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier la Haute Assemblée pour l’engagement dont elle fait preuve dans le suivi des négociations transatlantiques, qui sont majeures à bien des égards.
J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec vous à de très nombreuses reprises sur ce sujet, notamment à l’occasion de l’examen, l’an passé, d’une proposition de résolution européenne sur les questions d’arbitrage, mais aussi en répondant aux convocations des commissions compétentes du Sénat. Je me tiens bien évidemment toujours à votre disposition pour débattre de ces questions avec vous.
L’intérêt que vous portez aux négociations en cours, et tout spécialement aux conséquences potentielles sur notre agriculture, nous permet de poursuivre ici un indispensable travail de fond. Tout au long de l’année 2015, je me suis engagé, au nom de la France, pour que vous ayez le meilleur degré d’information possible. Je poursuivrai évidemment dans cette voie.
Voilà maintenant plus de deux ans et demi que les négociations ont commencé. Fin février s’ouvrira la douzième session de négociation : après Miami l’année dernière, celle-ci se tiendra à Bruxelles. Deux autres suivront avant l’été. Des contacts de haut niveau entre la Commission et le négociateur américain auront lieu. Le gouvernement français suivra bien sûr très attentivement ces négociations.
Vous le savez, 2016 est une année de campagne électorale aux États-Unis, ce qui aura aussi un impact sur le cours des choses. Dans cette situation, certains estiment que les négociations transatlantiques devront être conclues à tout prix cette année, sans quoi la perspective d’un accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis serait repoussée de plusieurs années, voire indéfiniment. Ce n’est ni mon analyse ni la position de la France.
Certains ajoutent également, et il en a été question dans plusieurs interventions, que l’aboutissement des négociations sur le partenariat transpacifique devrait là aussi accélérer les choses et nous inviter à hâter le pas. Je ne partage pas non plus ce point de vue, en particulier parce qu’il repose sur une erreur de raisonnement. Sur le TPP, plus de trente cycles de négociations ont été tenus et les négociations ont duré plus de cinq années, elles ont commencé avant celles du traité transatlantique. On ne voit donc pas bien au nom de quelle logique la conclusion de négociations entamées avant celles du partenariat transatlantique devrait automatiquement conduire à la conclusion des négociations sur ledit partenariat.
Le gouvernement français aborde les négociations transatlantiques en respectant un principe simple, que nombre d’entre vous ont mis au cœur de leur intervention : seul un bon accord, c'est-à-dire un accord ambitieux, équilibré et mutuellement bénéfique, serait acceptable. Cela a pour nous des implications très claires. Le contenu de l’accord sera pour la France le seul critère d’appréciation au regard duquel nous déciderons s’il faut approuver ou rejeter le texte final. C’est précisément cette position que j’ai exprimée publiquement, au nom de notre pays, en septembre 2015, partant du constat que, sur le fond, le compte n’y est pas aujourd'hui pour la France.
On n’aborde pas une négociation en voulant la conclure à tout prix et dans la précipitation. Ceux qui seraient tentés par cette approche font, là aussi, une erreur d’appréciation – c'est en tout cas notre analyse. La France défendra ses intérêts, ses valeurs et une conception exigeante de l’intérêt général tant national qu’européen.
Cette résolution est très importante. Elle permet aussi de faire un point sur ce que nous avons appelé, avec Stéphane Le Foll, « la diplomatie des terroirs » : il s’agit de défendre notre agriculture dans les instances européennes et internationales où sont prises des décisions très importantes, qui ont souvent un impact direct sur la vie de nos territoires. Je sais que vous êtes toutes et tous ici particulièrement sensibles et attentifs à la réalité de ce qui se passe dans les territoires de France.
L’agriculture est stratégique pour notre pays. Négocier dans ce domaine, ce n’est pas seulement discuter de chiffres ou de normes techniques, c'est aussi défendre des règles et des méthodes de production conformes à nos traditions, à la capacité d’innovation de notre agriculture et à nos valeurs. C'est parler d’alimentation, de choix de production et de consommation, et de souveraineté alimentaire.
Les négociations transatlantiques font apparaître des conceptions pour le moins différentes en matière d’agriculture. Je le redis ici devant vous, comme j’ai pu le dire à nos partenaires américains et à nos partenaires de l’Union européenne, rien ne saurait remettre en cause les règles qui traduisent les préférences collectives des citoyens européens.
L’agriculture européenne est en particulier caractérisée par une recherche de qualité, par l’exigence qu’ont nos agriculteurs dans leur manière de produire, et par des contrôles très forts « de la ferme à l’assiette » pour réduire les risques sanitaires. Notre approche est clairement préventive. Aux États-Unis, l’accent est mis sur le traitement final des produits pour garantir leur qualité sanitaire. Ce sont deux manières différentes d’envisager l’agriculture et la protection du consommateur. Je le redis, il n’est pas envisageable de remettre en cause nos préférences collectives, comme l’interdiction de la viande traitée aux hormones, la décontamination chimique des viandes ou encore notre réglementation en matière d’OGM.
Je souligne également les divergences transatlantiques dans la gestion des risques : les États-Unis insistent sur la mobilisation de preuves scientifiques pour procéder à l’interdiction de certaines pratiques de production, alors qu’en Europe c’est le principe de précaution qui joue un rôle déterminant. Chacun doit être en mesure de gérer le risque à sa manière. Chaque approche est légitime, mais chacun est aussi légitime à définir l’approche qu’il choisit. Plusieurs des vœux formulés dans la présente proposition de résolution européenne vont en ce sens. Sachez que le Gouvernement tout entier est mobilisé pour s’assurer du respect du mandat de négociation confié par les États membres à l’Union européenne et, donc, à la Commission.
Ne nous méprenons pas : le maintien d’une agriculture européenne fidèle à nos traditions et à nos valeurs nécessite une mobilisation politique de chaque instant, non seulement dans le cadre des négociations sur la convergence réglementaire – il en a été question –, mais aussi dans celui plus classique des négociations tarifaires.
La résolution que vous proposez mentionne, à raison, ce point en évoquant le cas du secteur de l’élevage qui connaît, nous le savons tous, une crise aiguë. Le ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, mon collègue Stéphane Le Foll, est totalement mobilisé sur ce sujet aux niveaux tant national qu’européen et international. Pour ce qui est des négociations transatlantiques, la France a obtenu le classement en produits sensibles des viandes de bœuf, de porc et de volaille. Au-delà du secteur de l’élevage, qui est particulièrement sensible, j’ajoute que d’autres produits agricoles font l’objet de ce type de traitement. Il s’agit par exemple du maïs doux, des petits légumes, des produits amylacés – contenant donc de l’amidon –, de l’éthanol, le sucre, du rhum ou des ovoproduits – les sous-produits des œufs.
Il est désormais exclu de faire des concessions significatives supplémentaires en matière agricole. La France comme l’Europe ont multiplié, via la Commission européenne, les offres. Nous considérons que c’est maintenant aux Américains de faire mouvement et de présenter des propositions. Le Gouvernement restera attentif à la poursuite des négociations sur l’ensemble de ces sujets, avec pour objectif de ne pas déstabiliser plus encore nos secteurs agricoles, qui traversent des situations très difficiles en termes tant économiques qu’humains. De nombreuses situations dramatiques sont là, semaine après semaine, pour nous le rappeler.
Votre proposition de résolution européenne aborde également avec justesse la nécessaire reconnaissance de la protection des indications géographiques. Il en a été question dans les interventions. Comme vous le savez, l’Union européenne et les États-Unis ont des systèmes très différents pour protéger les productions agroalimentaires. En Europe, nous nous appuyons sur l’origine régionale et sur le respect d’un certain nombre de règles de fabrication. Le système américain repose, lui, beaucoup plus largement sur un système de marques, même si les deux peuvent bien sûr coexister.
Une fois de plus, ce sont deux conceptions différentes de l’agriculture qui se font face ici. L’une se concentre sur les caractéristiques de nos produits de terroir, l’autre davantage sur le droit de propriété, avec souvent une déconnexion entre les modes de production, les terroirs et le produit finalement réalisé et consommé. Dans le cadre des négociations commerciales, l’enjeu est d’obtenir un haut niveau de protection pour les appellations et indications françaises. C’est vrai pour les vins et spiritueux et pour toutes les productions agricoles de notre pays. Nous souhaitons aussi l’abandon des dénominations semi-génériques – je pense en particulier au champagne de Californie. Un certain nombre d’appellations proches de « champagne » usurpent en réalité la qualité de cette appellation à travers le monde. Nous sommes, là aussi, mobilisés.
On pourrait prendre malheureusement de très nombreux autres exemples qui, en la matière, faussent les choses. C’est d’ailleurs l’esprit qui présidait à l’accord sur le commerce de vins de 2006 signé par les États-Unis. La France a proposé des listes très ambitieuses d’indications géographiques, à l’image de ce qui a été fait pour la négociation avec le Canada. Ce pays a en effet reconnu, dans le cadre du CETA, Comprehensive Economic and Trade Agreement, de très nombreuses indications géographiques françaises, en particulier des produits laitiers et charcutiers, après la reconnaissance déjà très exigeante des vins et spiritueux dans l’accord sur ce sujet au début des années 2000.
Cela fixe clairement un haut degré d’ambition et nous souhaitons atteindre des résultats comparables dans les négociations transatlantiques en cours ; du point de vue de l’étalonnage, il est très intéressant de le rappeler. Nous souhaitons que les choses avancent sur ce sujet ; ce n’est pas le cas aujourd’hui, l’honnêteté nous force à l’admettre.
Nos demandes sont très précises, cohérentes et étayées. De fait, la coexistence entre un système de marques et un système d’indications géographiques est possible ; l’exemple canadien le démontre. Là encore, c’est désormais à nos partenaires américains de prouver qu’ils souhaitent avancer à ce sujet mais, en ce qui concerne les indications géographiques, croyez à la détermination totale du Gouvernement pour faire avancer les choses et en faire l’une des conditions absolues de ratification d’un accord.
À ce stade, les négociateurs américains n’ont pas du tout souhaité aborder ces sujets et ils ont clairement signifié que les négociations seraient ardues. Nous restons toutefois convaincus qu’il existe une solution : d’abord parce que la négociation est loin d’être terminée, ensuite parce que la question des indications géographiques peut faire l’objet des sujets abordés tout à la fin, et enfin parce que les producteurs américains souffrent parfois de difficultés comparables à celles de l’Union européenne avec le système des marques et qu’ils font entendre leur voix ; c’est un point d’appui pour nous. J’ajoute que le partenariat transpacifique, dont on se sert souvent comme référence, comprend la protection des indications géographiques. À ce sujet, une priorité pour la France, la balle est, je le répète, dans le camp des États-Unis.
La reconnaissance des indications géographiques n’est pas notre seule demande ; nous souhaitons aussi la levée de barrières sanitaires et phytosanitaires qui continuent d’être opposées à nos produits. Aujourd’hui, le marché américain du bœuf est de facto fermé du fait de l’épidémie dite « de la vache folle » des années 1990. Pourtant cela n’est plus d’actualité ; d’ailleurs, notre pays s’est vu attribuer le meilleur statut en matière de sécurité relative à l’encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB, par l’Organisation internationale de la santé animale. À l’unanimité, le statut de risque négligeable en la matière nous a été décerné. Cela doit donc logiquement se traduire par la levée des embargos ; là encore, nous sommes totalement mobilisés.
Je pourrais multiplier les exemples à l’envi : ainsi, la législation « Grade A » nous empêche d’exporter de nombreux produits laitiers comme les yaourts, la crème ou le lait ; nos exportations de pommes ont repris, mais restent très compliquées du fait notamment de doubles contrôles souvent identiques de part et d’autre de l’Atlantique ; les États-Unis ont activé le 5 octobre dernier des mesures de sauvegarde contre le beurre européen, déjà très frappé par la situation russe.
Face à cela, nous avons mené des travaux techniques très approfondis, identifiant précisément chacune des barrières en matière agricole et agroalimentaire. Cela vient à l’appui des demandes européennes, notamment la reconnaissance du système sanitaire européen – comme demandé dans la résolution examinée aujourd’hui – ou encore la garantie d’une transparence et de délais raisonnables dans le traitement des dossiers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture, parce qu’elle nous nourrit, qu’elle aménage nos paysages et qu’elle a des effets sur notre santé et traduit des modes de vie hérités de notre histoire, occupe une place particulière dans la négociation du TTIP. J’ai rappelé les lignes rouges que nous défendons et les évolutions que nous recherchons.
Je souhaite ajouter que la position du gouvernement français est fondée non seulement sur un attachement à nos valeurs, mais aussi sur une analyse économique extrêmement précise, rigoureuse et exigeante. J’en veux pour preuve la parution en décembre dernier d’un rapport directement issu de l’organisme de recherche du ministère fédéral de l’agriculture des États-Unis. Cette étude américaine porte sur les conséquences de la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires. On peut en retenir de nombreux points, notamment qu’une réduction significative des droits de douane agricoles aurait des effets délétères pour l’Union européenne, avec un déséquilibre qui serait très largement en notre défaveur.
Mme Sophie Primas, rapporteur. Si même eux le disent…
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Oui, madame la sénatrice, c’est bien une étude américaine qui l’affirme. Elle a été publiée sur internet – j’ignore si c’est par des voies directes ou indirectes – et c’est évidemment un objet à verser au débat.
Vous demandez à la Commission européenne de réitérer auprès du gouvernement américain ses demandes en matière d’ouverture et de transparence. Je partage pleinement cette préoccupation et j’en ai fait, vous le savez, l’un des axes de mon action. Aujourd’hui, notamment grâce à des demandes répétées de la France, nous avons enfin accès aux documents consolidés dans une salle de lecture d’une administration française, à Paris.
M. David Rachline. C’est bien aimable !
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Cela met fin à la mascarade inacceptable qui consistait à proposer aux États membres de l’Union européenne de consulter ces documents cruciaux soit à Bruxelles, soit dans une salle des ambassades américaines des différents États membres (M. David Rachline s’esclaffe.). C’était, pour tout membre du gouvernement ou tout parlementaire d’un État souverain, évidemment inacceptable ; je l’ai d’ailleurs indiqué en ces termes à nos partenaires européens, qui étaient souvent d’accord, à la Commission européenne et au représentant du président Obama pour le commerce, l’ambassadeur Froman. Il y a donc eu un progrès important en la matière, et tant l’ambassadeur Froman que la Commission européenne se sont engagés en ce sens.
Il manque toutefois encore beaucoup de choses et, en matière de transparence, nous n’en sommes qu’au début. La transparence des négociations commerciales internationales est l’un des enjeux du siècle qui commence – il est déjà bien entamé. Les négociations commerciales modernes ne pourront plus se faire en cachette,…
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. … à l’abri des regards, eu égard en particulier aux sujets désormais abordés. Il ne s’agit plus de négociations tarifaires classiques ; de nombreux sujets concernant potentiellement la vie de tous les jours sont évoqués. Le regard citoyen ainsi que le contrôle démocratique et parlementaire sont donc indispensables à la légitimité de ces négociations et de tout accord.
Nous souhaitons en particulier que les États membres aient accès aux offres américaines, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Les États-Unis refusent pour le moment que les États de l’Union, qui sont pourtant directement concernés par les négociations, aient accès aux offres qui sont adressées à la Commission européenne de manière détaillée, chapitre par chapitre. C’est un manque qui nuit gravement à notre capacité d’assurer une information parfaite de tous – Parlement, Gouvernement et citoyens – et d’agir efficacement. J’ai adressé des messages répétés à ce sujet et je continuerai de le faire. Ce n’est là que l’un des aspects de la transparence en la matière.
Je veux dire quelques mots de la nature juridique de l’accord, puisque, notamment, M. Bonnecarrère en a parlé. La France considère que le TTIP est un accord mixte, j’ai eu l’occasion de le dire devant les deux chambres du Parlement, c’est-à-dire appelant une ratification aux niveaux européen et national, qui, dans notre pays, se déroulerait selon nos procédures constitutionnelles, avec le vote du Parlement. C’est aussi la position unanime de tous les États membres de l’Union européenne. La Commission reste à ce stade plus prudente ; elle ne s’est jamais clairement exprimée sur ce point. Cela est peut-être dû à la procédure pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le projet d’accord entre l’Union et Singapour.
Je vais répondre très précisément à votre question, monsieur le sénateur. Pour la France, plusieurs éléments relèvent de la compétence des États membres et justifient ainsi la mixité nationale et européenne de cet accord. Il s’agit notamment d’éléments relatifs à la propriété intellectuelle, aux investissements et au transport.
En cas de vote négatif, que vous avez évoqué, une phase d’incertitude s’ouvrirait ; distinguons l’analyse juridique de l’analyse politique. Du point de vue juridique, l’état du droit prévoit la juxtaposition de stipulations qui continueraient à vivre même en cas de vote négatif et de stipulations qui tomberaient. Néanmoins, en la matière, c’est évidemment l’analyse politique qui doit primer. Ma conviction personnelle, qui correspond à la position du Gouvernement, est qu’un rejet d’un accord TTIP par le Parlement français conduirait nécessairement à la remise en cause de l’ensemble de l’accord.
Que ce soit dans l’hypothèse de la non-mixité de l’accord – s’il en était ainsi décidé à l’échelon européen – ou dans celle d’un accord mixte qui ferait l’objet d’un vote négatif, cela équivaudrait, selon moi, à un coup d’État démocratique. La France n’acceptera ni l’hypothèse où cet accord serait déclaré purement communautaire sans intervention du Parlement européen, ni l’hypothèse du rejet d’un projet qui vous serait soumis mais entrerait en vigueur. Une telle hypothèse ferait trop de mal à notre conception de la démocratie et au projet européen. Telle est la position du gouvernement français sur ce sujet majeur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et au banc des commissions. – Mme Éliane ainsi que MM. Joël Labbé et René Danesi applaudissent également.)
M. Daniel Raoul et Mme Sophie Primas, rapporteur. Très bien !
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture est et restera au cœur des débats du TTIP et elle exige un degré important de transparence. Il est indispensable à la poursuite de nos objectifs ; la rapporteur Mme Primas a aussi insisté sur ce point. Réciprocité, défense de nos préférences collectives, attention portée aux secteurs sensibles et à l’ensemble des secteurs de l’agriculture française, ambition et détermination dans la levée des obstacles au commerce avec les États-Unis – en particulier l’accès au marché – : voilà quelques-uns des piliers de la position de la France en matière agricole. Ils correspondent totalement, je crois, à l’esprit de la proposition de résolution européenne qui est soumise aujourd’hui à votre appréciation et dont le Gouvernement partage tant l’esprit que la lettre.
Je vous remercie de votre engagement sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC, sur quelques travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – MM. Joël Labbé et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
6
Conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire intervient dans le contexte très sensible de la crise de l’élevage, dont l’acuité n’a échappé à personne. En effet, que ce soit dans les secteurs du lait, de la viande de porc, des canards, des oies ou des bovins, la chute des prix a déclenché la colère bien légitime des agriculteurs, qui ne voient pas la fin du tunnel malgré les plans d’urgence qui se succèdent.
Aussi, comme l’indique l’alinéa 12 du texte, il faut « faire en sorte qu’une conclusion éventuelle du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement préserve les modèles agricoles européen et français dans toute leur diversité d’activités ». C’est en effet bien la moindre des choses. Nos agriculteurs, plongés dans les difficultés que je viens d’évoquer, n’ont vraiment pas besoin d’une enclume supplémentaire au-dessus de leur tête.
En effet, même si aucune étude d’impact n’a été réalisée pour évaluer les effets du traité transatlantique sur l’agriculture, on doit faire preuve de vigilance et veiller à ce que les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne s’engagent dans le sens de l’équilibre et de la réciprocité. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur, la question agricole est sensible des deux côtés de l’Atlantique. Parmi les secteurs qui pourraient être les plus exposés au traité, la filière bovine concentre toutes les craintes. Il suffit de se remémorer le dossier du bœuf aux hormones ou celui de la vache folle pour mesurer combien chacun cherche, à tour de rôle, à tirer la couverture à lui et avantage de la situation.
Si l’agriculture n’emploie que 2 % de la population active en France, 5 % dans l’Union européenne des Vingt-Huit et 3 % aux États-Unis, la population rurale est encore partout significative. Elle représente un sixième de la population de notre pays et 18 % des Américains vivent en milieu rural. Nous le savons tous ici, l’agriculture contribue à l’aménagement du territoire et, dans certains départements, elle est un vecteur essentiel du dynamisme économique local.
D’ailleurs, il suffirait d’imaginer ce que pourraient devenir les campagnes dans notre pays si l’agriculture venait sinon à disparaître, du moins à régresser considérablement !
Alors, comment aboutir à un traité acceptable pour toutes les parties ? Comment prémunir nos agriculteurs et nos territoires des conséquences de l’écart de compétitivité entre les modèles agricoles européens notamment français, et américain ? Comment concilier les différents modes de production, illustrés, chez nous, s’agissant de l’élevage, par la ferme limousine familiale et, de l’autre côté de l’Atlantique, par la ferme texane aux 100 000 vaches ?
La proposition de résolution issue des travaux de la commission des affaires économiques pose quelques principes fondamentaux auxquels nous ne pouvons qu’adhérer.
Oui, en effet, il faut que les négociations garantissent une réciprocité dans les trois domaines concernés, que ce soit l’accès aux marchés à travers les barrières douanières, la levée des obstacles non tarifaires et, enfin, les règles de concurrence.
Le deuxième domaine est celui qui pose le plus de difficultés, car la levée des obstacles non tarifaires touche à des acceptations collectives très différentes, en matière sanitaire, phytosanitaire ou réglementaire, selon que l’on soit européen ou américain. Pour être plus précis, c’est le principe de précaution contre la preuve par la science. C’est le fromage au lait cru, qu’un très grand nombre de mes collègues apprécient tout particulièrement (Sourires.),…
Mme Sophie Primas, rapporteur. Nous l’apprécions tous !
M. François Fortassin. … contre les savons en pâte fondue ! (Nouveaux sourires.) C’est le poulet fermier contre le poulet aux hormones,…
M. Jean-Claude Requier. Voilà !
M. François Fortassin. … qui a pour caractéristiques de n’avoir pas de goût et d’être porteur de tous les vices et de toutes les maladies possibles : en en mangeant, on court les plus grands risques sur les plans médical et sanitaire… ce qui n’en empêche pas une consommation importante.
Dans ces conditions, il est bien évident que les négociations risquent de buter. Pour autant, il n’est pas envisageable de renoncer aux standards qui sont les nôtres et vers lesquels convergent les agriculteurs européens.
C’est pourquoi la proposition de résolution européenne va dans le bon sens en invitant le Gouvernement à œuvrer pour la préservation de ces préférences collectives.
Je partage aussi le principe consistant à garantir le système européen de qualité, notamment les indications géographiques, qui sont un élément fort de la valorisation des produits européens, en particulier français.
À ce propos, je dois dire que la meilleure défense que nous aurons consistera à mettre en valeur la qualité des produits français issus de notre agriculture. Nous devons aussi balayer devant notre porte, si je puis dire : si, globalement, les produits issus de l’agriculture française sont d’excellente qualité, il n’en reste pas moins vrai qu’il peut y avoir, ici ou là, quelques productions défaillantes, qui plombent le reste de la production. Nous devons être très vigilants, car ce n’est pas en multipliant les chaînes de restauration qui délivrent, au mieux, de quoi étancher sa soif, mais certainement pas ce que j’appelle, moi, de la nourriture – je souhaite bon appétit à ceux qui fréquentent ces restaurants, où je ne mets que très peu les pieds – que les choses s’arrangeront ! De toute façon, c’est un modèle qui est très défavorable à l’agriculture traditionnelle.
Enfin, le texte n’oublie pas la forme des négociations du traité transatlantique, en invitant notamment à plus de transparence sur le contenu des discussions. C’est une bonne chose. Au mois de novembre dernier, le Premier ministre s’était dit inquiet de voir l’opinion croire à une « négociation cachée ». Si l’on ne veut pas alimenter la méfiance, il faut ouvrir encore davantage ce qui est ouvrable, sans, bien sûr, méconnaître les impératifs de confidentialité.
Mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne invite le Gouvernement à prendre en compte les intérêts européens et donc français. C’est la raison pour laquelle les membres de mon groupe du RDSE, à l’unanimité, l’approuveront. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
M. Daniel Raoul. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des conséquences d’un partenariat de commerce et d’investissement avec les États-Unis sur l’agriculture, ainsi que sur l’aménagement de notre territoire.
À l’heure où les agriculteurs de notre pays se mobilisent pour défendre leurs emplois et, surtout, une juste rémunération de leur travail, soyons très vigilants et prenons en compte leur détresse et leur désespoir, car beaucoup d’entre eux travaillent dur pour ne rien gagner.
L’ensemble des filières est touché. Notre agriculture est déstabilisée. Ce sont des milliers d’emplois et de vies qui sont menacés. En Bretagne, par exemple, 25 % des producteurs de porc sont en liquidation !
Les causes sont bien connues : démantèlement des outils de régulation, libéralisation des marchés, dumping social, concentration de l’agriculture au profit des géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution.
Il faut s’attaquer aux véritables causes de la situation, en concertation avec l’ensemble des producteurs et des professionnels. La solidarité nationale doit s’exprimer par une intervention publique, pour sauver les producteurs des logiques de marchés et d’une concurrence dévastatrice.
Les agriculteurs ne doivent pas être les victimes de la chaîne de commercialisation. De nouvelles règles doivent être instituées afin de leur garantir des revenus dignes, de manière à assurer, sur nos territoires, une production alimentaire de qualité.
Parallèlement, c’est à l’échelle de l’Europe qu’il est nécessaire d’intervenir, pour que cessent les logiques de concurrence exacerbée et leurs conséquences sociales, économiques et environnementales.
Mes chers collègues, comment voulez-vous que je ne sois pas encore plus inquiet pour le devenir du monde agricole quand je vois une machine de guerre comme le TTIP en préparation ?
Nous savons que ce traité va être une voie royale pour les multinationales, remettant en cause les droits sociaux et environnementaux de l’ensemble des citoyens européens et américains.
Au travers de cet accord, ce n’est pas tant la baisse des droits de douane qui est recherchée que la suppression des barrières commerciales non tarifaires, laquelle se traduira par une révision à la baisse des normes dans tous les domaines, ce qui aura clairement des conséquences importantes sur notre santé, sur l’environnement, sur le développement durable et sur la condition animale.
Une étude menée par le département de l’agriculture américain met en évidence que les États-Unis seraient les grands gagnants de ce traité, notamment grâce à deux éléments : premièrement, l’abolition des droits de douane, qui rapporterait 5,5 milliards de dollars aux États-Unis, là où l’Union européenne ne gagnerait que 800 millions de dollars, soit sept fois moins ; deuxièmement, l’ajout de la suppression des mesures non tarifaires, qui ferait gagner 10 milliards de dollars aux États-Unis, contre 2 milliards de dollars, soit cinq fois moins, à l’Union européenne.
Cette même étude montre que les États-Unis n’auraient rien à gagner dans cet accord si les citoyens privilégiaient la qualité et la sécurité sanitaire en en faisant des priorités. Les autorités états-uniennes expliquent que les consommateurs se tourneraient alors vers la production locale. Dans un tel cas, le TTIP n’aurait aucun intérêt pour eux.
Une autre étude, menée par l’association allemande UnternehmensGrün, qui défend plutôt l’économie verte, montre que l’agriculture européenne ne sortira pas indemne de cet accord. On peut y lire que « personne ne peut produire des produits tels que les céréales à un coût aussi bas qu’aux États-Unis », ou encore que « les fermiers européens sont, économiquement parlant, désarmés… cela signifierait la chute automatique de pans entiers du secteur agricole ». Cette enquête conclut que « le TTIP, en sa forme actuelle, renforce les positions des grandes entreprises agroalimentaires ». Ainsi, l’existence réelle de 99 % des petites et moyennes entreprises serait ignorée par la Commission européenne.
Cette disproportion entre les gains potentiels dans le domaine agricole, que l’on peut qualifier de « déséquilibre astronomique », aurait de lourdes conséquences pour notre agriculture. En effet, cette nouvelle concurrence risque de faire plonger les prix européens et donc de conduire à un grand nombre de faillites.
De plus, il existe une différence totale de conception des deux côtés de l’Atlantique. L’Union européenne organise la protection des animaux « de la ferme à l’assiette », c’est-à-dire sur l’ensemble des étapes de la production – élevage, transport, abattage. Elle interdit les hormones de croissance et elle est nettement moins tolérante avec les aliments génétiquement modifiés et les antibiotiques que les États-Unis.
En revanche, la législation états-unienne sur le transport des animaux date de 1873 ! Outre-Atlantique, le contrôle de la ferme à l’assiette n’existe pas. Désinfecter une carcasse une fois la bête abattue n’y pose donc aucun problème. Mais quelle garantie aurons-nous pour notre sécurité alimentaire ? Aucune.
Mes chers collègues, comment voulez-vous que l’Union européenne et les États-Unis arrivent à conclure un accord équitable, respectueux d’un certain nombre de principes fondamentaux pour nous, citoyens, quand on sait que le Conseil national des producteurs de porc des États-Unis déclare que le TTIP ne devrait permettre aucune restriction des importations européennes fondée sur le bien-être animal ? On sait aussi que ces mêmes producteurs utilisent la ractopamine, qui est juste interdite dans l’Union européenne et dans un peu plus de cent cinquante pays au monde pour ses effets secondaires…
Pourtant, l’Union européenne, dans son mandat de négociation, indiquait souhaiter « préserver le droit de chaque partie à protéger la vie humaine, animale ou végétale sur son territoire ». Mais cette intention était oubliée dès le point suivant, aux termes duquel « les mesures sanitaires et phytosanitaires ne devront pas créer de barrières inutiles au commerce ».
Continuer dans ce sens, c’est prendre beaucoup de risques. Il y va de l’avenir de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, de la souveraineté alimentaire et, si l’on considère les choses plus globalement, du devenir de notre territoire.
L’agriculture ne peut servir de variable d’ajustement dans les négociations de l’accord. L’enjeu est trop important pour qu’on laisse notre agriculture en proie à l’ultralibéralisation du secteur agricole !
Non, l’agriculture n’est pas une marchandise comme les autres.
Mme Sophie Primas, rapporteur. C’est vrai !
M. Michel Le Scouarnec. Elle doit faire partie d’un projet de société plus global. À cet égard, il est tout à fait possible de développer un commerce international sur la base de solutions alternatives, respectueuses de l’homme et de l’environnement. Cela ne peut évidemment se faire en cachette ; cela doit se faire au grand jour ! C’est pourquoi nous voterons cette proposition de résolution européenne des deux mains. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Joël Labbé et Jean-François Longeot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne nous permet de débattre une nouvelle fois des négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, le PTCI – pour ma part, je préfère le sigle français à celui de TTIP.
Le texte proposé par notre collègue Michel Billout nous permet de préciser notre position sur les questions d’agriculture et d’aménagement du territoire, sujets particulièrement sensibles dans les discussions, à la veille du douzième cycle de négociations, qui s’ouvriront du 22 au 26 février prochain et seront essentiellement consacrées aux questions agricoles.
Pour commencer, monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer une nouvelle fois l’amélioration continue de la transparence des négociations que vous avez engagée.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, et Mme Sophie Primas, rapporteur. C’est vrai !
M. Daniel Raoul. Jamais les parlementaires n’ont autant suivi les négociations commerciales conduites par l’Union européenne. Je pense notamment au comité de suivi des négociations, qui associe la société civile et les parlementaires.
Cependant, la transparence des négociations doit encore progresser et le contrôle parlementaire doit s’exercer pleinement. C’est une nécessité au vu des enjeux économiques de l’accord – ils ont été évoqués –, ainsi que de la diversité des économies nationales et des structures du PIB des pays européens. Je pense évidemment à la part que représente l’agriculture en Allemagne – 0,9% du PIB –, laquelle pourrait être tentée de s’en servir comme variable d’ajustement vis-à-vis de son industrie.
Le combat mené par la France au niveau européen pour une plus grande transparence des négociations favorise une meilleure association des parlementaires nationaux et européens et de la société civile. J’y vois la chance de donner un rôle plus important aux parlementaires dans la préservation et la promotion des valeurs qui sont les nôtres, et ce quel que soit le jugement que rendra Cour de justice de l’Union européenne concernant le caractère mixte de l’accord conclu avec Singapour.
Le travail engagé par la France au niveau européen va également dans le sens de la primauté des valeurs économiques, sociales, environnementales et sociétales, qui sont considérées aujourd’hui comme non négociables. La menace de stopper les négociations si les États-Unis ne jouaient pas le jeu et si le contenu de l’accord s’avérait insatisfaisant, menace que vous avez vous-même brandie à l’automne dernier, monsieur le secrétaire d’État, doit être lue en ce sens. Elle était tout à fait légitime et nous y adhérions !
Ce travail a permis une évolution et une inflexion de la stratégie commerciale européenne, plus exigeante désormais en matière d’équité et de réciprocité.
L’agriculture est un secteur stratégique sur le plan économique et commercial, spécifiquement en France, premier pays agricole d’Europe. L’agriculture ne doit pas servir de variable d’ajustement ; nous ne pourrions l’accepter.
De plus, les enjeux de société et d’environnement font de ce secteur un élément essentiel des négociations du traité transatlantique.
Notre collègue Michel Billout présente de nouveau une proposition de résolution européenne liée aux négociations transatlantiques, cette fois sur leur volet agricole. Il s’agit d’une bonne proposition que M. Bonnecarrère et moi-même avons voulu renforcer sur plusieurs points. Peut-être M. Billout a-t-il fait preuve de timidité ? Nous y sommes allés un peu plus fort, ce qui a permis à cette proposition d’être adoptée à l’unanimité par nos deux commissions.
D’abord, je souhaiterais vous dire l’importance d’avoir des garanties, dans le cadre de la négociation, sur le respect des normes les plus hautes. La protection des consommateurs doit rester l’une de nos préoccupations. En France et en Europe, beaucoup a été fait pour répondre au risque sanitaire, mais les mesures prises sur notre continent sont très différentes de celles des Américains.
Alors que le principe de précaution – hélas ! – fait office de leitmotiv – je le dis à l’intention du président Bizet – de notre réglementation en la matière, les Américains n’y font quasiment aucune référence.
La Commission doit absolument préserver notre travail en la matière dans le cadre de la négociation relative aux harmonisations réglementaires ou à une reconnaissance d’équivalence. Rien ne serait plus dommageable que de céder sur ce point indispensable à notre responsabilité collective.
À cet égard, je salue aussi la proposition française, dorénavant reprise par la Commission européenne, encadrant l’éventuelle convergence réglementaire. Beau travail, monsieur le secrétaire d’État !
J’attire également l’attention du Gouvernement sur l’importance de préserver notre agriculture. Aussi, je reprends à mon compte cette proposition des députés européens qui souhaitent que soit établie une « liste exhaustive » des « produits agricoles et industriels sensibles » pouvant être exemptés de la libéralisation des échanges afin de préserver nos productions locales.
Les indications géographiques, vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, doivent être préservées. C’est la nature même de nos produits et la qualité de nos terroirs qui sont en jeu. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous y êtes attaché – vous l’avez encore rappelé voilà quelques instants.
Je me souviens, pour illustrer mon propos, de votre intervention lors des questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale : « S’agissant de l’agriculture, je mène avec Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, la diplomatie des terroirs non seulement pour accéder aux marchés publics américains, mais aussi pour obtenir de l’équité et de la réciprocité dans le commerce international. C’est la position de la France, qui conditionne, pour nous, la poursuite de ces négociations ». Ces propos, monsieur le secrétaire d’État, je les fais miens, et je pense que nous pouvons tous les faire nôtres.
La fin progressive des droits de douane, objectif du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, se fait dans un contexte de compétitivité déséquilibrée entre l’Union européenne et les États-Unis.
Globalement, les droits de douane appliqués aux produits agricoles et agroalimentaires dans l’Union européenne sont deux fois supérieurs à ceux qui sont appliqués aux États-Unis : 12,2 % en moyenne, contre 6,6 %.
Des deux côtés sont aussi appliqués des pics tarifaires élevés : dans l’Union européenne, pour certains produits sensibles ; aux États-Unis, pour quelques produits européens – 112 % sur le lactosérum, par exemple, ou encore 39 % sur certains fromages, principalement les fromages au lait cru, comme le soulignait notre collègue François Fortassin.
Certains produits déclarés sensibles compte tenu de leur fragilité économique ou commerciale, et dont vous avez rappelé la liste, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas concernés par la réduction des droits de douane. Ces produits devront relever d’un traitement spécifique à la fin de la négociation, ce qui pourrait aboutir à l’octroi au partenaire d’un contingent à droit réduit ou nul.
À cet égard, les premières informations que j’ai pu recueillir évoquent la négociation d’un contingent de 150 000 tonnes de viande bovine. Ne pourrait-on imaginer que ce contingent soit fongible avec le contingent canadien ?
Quand on y ajoute les marqueurs infranchissables du mandat de négociations tels que les règles phytosanitaires, cela montre que, contrairement à ce que certains rapports américains, relayés par la presse, cherchent à faire valoir, un accord n’est pas forcément préjudiciable à notre secteur agricole. En tous les cas, il ne doit pas l’être, nous ne l’accepterons pas !
En conclusion, je vous propose de voter en faveur de cette proposition de résolution européenne adoptée par nos deux commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier Michel Billout d’avoir présenté cette résolution au nom du groupe communiste, républicain et citoyen. Il s’agit d’un débat nécessaire. Je voudrais également saluer la rapporteur de la commission des affaires économiques, Mme Primas, et le président de la commission des affaires européennes.
Madame Primas, si vous n’aviez pas été rapporteur et si vous aviez appartenu au groupe communiste, on aurait parlé d’anti-américanisme primaire tellement les arguments à charge contre ce traité – vous les avez écrits avec objectivité – sont forts.
Nous vivons vraiment une drôle d’époque. Si le traité transatlantique n’était pas signé – M. le secrétaire d’État nous parle d’incertitude… –, la Terre s’arrêterait-elle de tourner ? Pour ma part, je pense qu’elle tournera mieux – et j’emploie à dessein le temps futur et non le temps conditionnel.
Notre assemblée est particulièrement préoccupée par ces négociations, qui suscitent de lourdes inquiétudes sur toutes les travées de cet hémicycle. Dans ce que l’on appelle « le monde agricole », seuls les tenants de l’agriculture industrielle et de l’agro-industrie sont intéressés à la signature de ce traité.
Les exportations de vin seront-elles stoppées par les barrières douanières ? Non, notre vin de qualité continuera de s’exporter. Regardons d’abord vers le marché européen.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de « mascarade » à propos de ces négociations. Elles sont effectivement bien mal engagées. À l’heure où la France a joué un rôle clé dans la conclusion d’un accord ambitieux pour le climat à travers la COP 21, la Commission européenne négocie en dehors de tout cadre démocratique un traité qui va entraîner un accroissement des échanges avec des partenaires situés à plus de 10 000 kilomètres de notre continent, alors que les impératifs climatiques commandent de privilégier la relocalisation de l’alimentation.
L’OMC et la FAO ? Plutôt que de permettre la conclusion de ce genre d’accord bilatéral, il faut mettre en œuvre une gouvernance mondiale de l’alimentation. C’est un besoin vital !
Le volet « agriculture » de ces négociations vise à remettre en cause nos normes sanitaires, nos normes de qualité, nos indications géographiques protégées, nos savoir-faire, la plus-value de nos terroirs. C’est pratiquement la remise en cause de notre modèle de société. Et si j’ai du respect pour les Américains, leur modèle de société n’en est pas un à mes yeux ! (Mme la rapporteur s’exclame.)
Aujourd’hui, les jeunes générations travaillent sur l’alimentation de proximité, l’agriculture en ville, la permaculture, l’agriculture organique et biologique… Tout cela est également en train d’émerger en Amérique, ne l’oublions pas.
Mme Sophie Primas, rapporteur. Vive l’Amérique, alors !
M. Joël Labbé. Permettez-moi de citer votre rapport, madame Primas : « D’après une récente étude de l’Institut de l’élevage, les exploitations d’engraissement américaines ont des coûts 40 % moins élevés que les ateliers d’engraissement français ». Tout est dit !
Encore faut-il comparer ce qui est comparable, et en l’occurrence c’est absolument incomparable. Je cite de nouveau votre rapport : « […] la fragilisation de l’élevage bovin constituerait une menace pour la survie de nombreux élevages [de notre pays]. On le sait ! Dès lors, faudra-t-il multiplier les « 1 000 vaches », les « 1 000 taurillons », les « 150 000 poulets » et autres ? Nous lutterons contre cette logique qui n’est pas la nôtre, et nous lutterons debout !
Au final, la production de viande bovine est beaucoup plus compétitive aux États-Unis qu’en Europe. Le différentiel calculé par l’Institut de l’élevage entre la France et les États-Unis est estimé, dans une étude récente, à 1,83 euro par kilo de carcasse. Nous ne jouons pas dans la même cour !
D’ailleurs, dans les négociations, monsieur le secrétaire d’État, on parle de « rounds ». Nous approcherions du dernier round. Or, en sport, il y a des règles du jeu, qui sont connues de tous. Ici, l’opacité qui règne fait qu’il n’y a pas de règle du jeu. Par ailleurs, à faire tellement plus valoir nos arguments défensifs que nos arguments offensifs, il me semble que, veuillez me pardonner cette expression, nous sommes véritablement « mal barrés » dans ce match.
Notre rapporteur estime que la France ne devrait pas hésiter à refuser un accord conclu dans la précipitation, s’il devait s’agir d’un mauvais accord pour l’agriculture et les produits alimentaires.
Si cette proposition de résolution européenne nous convient, elle ne va pas assez loin. Vous l’avez déjà dit, monsieur le secrétaire d’État, en cas de désaccord, la partie agricole devra être retirée. Aussi, pour ma part, je l’ai décidé cette nuit, au nom des écologistes, que je n’ai pas pu consulter (Exclamations amusées.),…
M. Roger Karoutchi. Mais que se passe-t-il ?
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Ce n’est pas très démocratique !
Mme Sophie Primas, rapporteur. Quid de la démocratie participative ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. Je vais conclure…
M. le président. … démocratiquement. (Sourires.)
M. Joël Labbé. Il semblerait que cette bonne proposition de résolution européenne, qui ne va pas suffisamment loin, fasse l’unanimité dans les rangs de notre assemblée. Or, vous le savez, j’apprécie en général l’unanimité. Pour ne pas la compromettre, et parce que je veux aller plus loin, je ne prendrai pas part au vote. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, rapporteur. Quel dommage !
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je le répète : ce n’est pas démocratique !
M. le président. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce traité transatlantique établi entre l’Union européenne et les États-Unis ressemble à un coup de grâce pour le monde agricole.
Il souhaite abaisser, voire supprimer, les barrières tarifaires. Pour le secteur agricole, ce serait tout simplement catastrophique.
Au vu des différences de structures entre les exploitations agricoles européennes – 12 hectares en moyenne – et américaines – 169 hectares en moyenne –, on imagine les conséquences du rapprochement des deux modèles : accélération de la désertification des campagnes, dégradation de l’environnement et de la biodiversité, baisse de la qualité des produits.
Les filières lait, viande et sucre, notamment, qui ont des droits de douane plus importants, seraient à la merci de la production américaine beaucoup plus productive grâce à ses grandes exploitations. Cela parachèverait la nouvelle agriculture mondialiste, ultralibérale, hors sol, coupée de toute racine. Le paysan devient un simple exploitant obéissant à deux urgences : la productivité et la rentabilité. Nous avons perdu de vue l’essentiel, que le philosophe Pierre Rabhi a résumé ainsi : « L’agriculture n’est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir ».
En matière de normes, leur abaissement ou leur suppression, comme le prévoit le traité, seraient dramatiques, car celles-ci sont beaucoup moins protectrices aux États-Unis qu’en Europe. Or, face aux États-Unis, nous ne faisons pas le poids : les normes américaines seront très probablement adoptées, donnant l’avantage aux groupes industriels américains.
Spécificité de ce traité, un mécanisme de règlement des différends entre les multinationales et les États sera basé sur une justice privée nous empêchant de changer nos méthodes agricoles et nos normes alimentaires. Les multinationales américaines auraient tout pouvoir contre la France si une mesure prise était de nature à porter atteinte à leurs profits actuels ou même espérés dans le futur. Il s’agit d’un abandon de souveraineté absolument inimaginable.
Concernant les marchés publics, ceux-ci devront être complètement ouverts à tous les niveaux. Il s’agirait, en réalité, de consolider le degré de libéralisation le plus élevé déjà atteint avec l’impossibilité de réserver les marchés publics français aux groupes français, ce que nous appelons de nos vœux.
George Friedman, spécialiste américain de géostratégie et d’intelligence économique, insiste dans ses travaux sur la nécessité, pour les États-Unis, de mettre en œuvre le Grand Marché Transatlantique, instrument évident de vassalisation de l’Union.
Nous le voyons bien, ce traité est contraire aux intérêts de la France. Il est dangereux pour notre économie, et particulièrement pour notre agriculture.
Le parti communiste a raison de dénoncer le traité transatlantique. Je voterai cette proposition de résolution. Je tiens néanmoins à souligner, mes chers collègues, que ce traité n’est que le fruit de la construction européenne que vous soutenez et appelez de vos vœux depuis trente ans.
À aucun moment, vous ne remettez en cause l’Union européenne. Or, de toute évidence, nous faisons face à une crise structurelle. Sans changements radicaux, notre monde agricole, qui s’effondre, ne se relèvera pas. Il faut le dire et le répéter, si nous ne changeons pas de modèle en profondeur, les mesures prises ressembleront à de la morphine, qui, loin de guérir l’agonisant, ne fait que rendre moins douloureuse sa disparition.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter de la tenue de ce débat sur le traité transatlantique. Il me semble fondamental que le Sénat reste attentif à l’avancée des discussions et qu’il se saisisse régulièrement de la question en séance publique, ce qu’il fait aujourd’hui pour la quatrième fois depuis le lancement des négociations. Je remercie donc l’auteur de cette proposition de résolution européenne, M. Michel Billout, ainsi que le rapporteur, Mme Sophie Primas, et le rapporteur pour avis, M. Philippe Bonnecarrère, de s’être penchés sur cette question.
La proposition de résolution européenne qui nous est soumise se concentre sur un secteur qui cristallise tout particulièrement les inquiétudes de nos concitoyens. En effet, le TTIP est un accord de nouvelle génération. Comme tout accord commercial, il vise, certes, un abaissement des tarifs douaniers, mais il a surtout pour ambition d’aboutir à un rapprochement des normes et des règles des deux côtés de l’Atlantique.
Or, dans le secteur agricole et alimentaire, les normes ont, plus que dans d’autres domaines, un poids politique fort. Bien que parfois trop lourdes ou inadaptées, elles sont l’expression de préférences collectives auxquelles nos concitoyens sont très attachés et sur lesquelles ils n’accepteront pas de transiger.
Il me semble toutefois important de rappeler le contexte dans lequel s’inscrivent ces négociations. À ce jour, l’Europe et les États-Unis représentent près de 50 % du PIB mondial et environ 30 % des échanges commerciaux. Cette « position dominante » n’est cependant pas nécessairement appelée à durer indéfiniment, et nous constatons chaque jour un peu plus le glissement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie.
La Chine, malgré ses difficultés actuelles, se lance ainsi à la conquête du monde. Songeons par exemple au projet particulièrement ambitieux lancé par Pékin et surnommé « une ceinture, une route ». Celui-ci prévoit des centaines de milliards de dollars d’investissement dans une soixantaine de pays d’Europe, d’Asie et d’Afrique, afin de constituer des routes terrestres et maritimes organisant le commerce de cette gigantesque zone autour de l’économie chinoise.
Face à cette nouvelle réalité qui se fait jour, nous devons regarder les choses en face et comprendre la loi de la mondialisation, dans laquelle nos économies sont aujourd’hui pleinement insérées. En clair, sans vouloir vous choquer, mes chers collègues, celui qui maîtrisera la norme maîtrisera le marché.
Dans ce contexte, la recherche d’une cohérence réglementaire, sans doute par la voie des reconnaissances d’équivalence plutôt que par l’harmonisation, est une entreprise particulièrement stratégique. Un accord équilibré constituerait un avantage décisif dans la compétition internationale et contribuerait à préserver l’Atlantique comme centre de gravité de l’économie mondiale.
Pour autant, nous devons nous garder de toute naïveté. La négociation du TTIP n’est pas différente de celle de tout autre accord commercial. Elle est le théâtre d’une confrontation d’intérêts, dont peuvent résulter autant d’opportunités que de risques.
La situation du secteur agricole et agroalimentaire de notre pays en est une parfaite illustration. La France dispose en effet de formidables atouts à faire valoir sur les marchés mondiaux, et certaines de nos filières ont des intérêts clairement offensifs dans ces négociations. Je pense par exemple à la filière fromagère ou à celle des vins et spiritueux, qui bénéficieraient grandement de la levée des diverses barrières non tarifaires américaines.
Pour concrétiser les opportunités de développement qui s’offrent à elles, la reconnaissance et la protection juridique sur le territoire américain de nos indications géographiques seront cependant un préalable incontournable, auquel nous ne pourrons en aucun cas renoncer, même si nos interlocuteurs semblent toujours totalement fermés sur ce sujet. Le président Jean-Claude Lenoir et moi-même avons rencontré voilà quarante-huit heures, à Paris, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OMC, M. Michael Punke. Nous avons été sur ce point extrêmement fermes.
A contrario, d’autres filières sont structurellement beaucoup plus vulnérables à la libéralisation des échanges avec les États-Unis. Je pense tout d’abord, bien évidemment, au secteur bovin, et tout particulièrement au cheptel allaitant. Comme le souligne à juste titre la proposition de résolution, des clauses de sauvegarde semblent indispensables pour ne pas mettre davantage en péril une filière déjà très durement touchée par la crise agricole actuelle.
La revendication de ces nécessaires mécanismes de protection ne doit toutefois pas nous exonérer d’une réflexion profonde sur l’orientation et l’organisation de ces secteurs aujourd’hui vulnérables.
Ceux-ci doivent bien sûr gagner encore en compétitivité, mais ils doivent également repenser leur position sur des marchés marqués par des habitudes de consommation ayant profondément évolué. La France est associée dans le monde à la très haute qualité agroalimentaire. Aux yeux des consommateurs et sur les marchés, cette identité fait l’objet d’une valorisation élevée.
Les secteurs aujourd’hui en difficulté doivent s’engager pleinement dans la voie de la très haute qualité. Ils devront également revoir l’organisation de leurs filières, souvent épuisées, notamment pour bâtir des stratégies offensives à l’export, par exemple autour d’une appellation commune clairement identifiable par les consommateurs étrangers.
M. Alain Vasselle. Et partager la valeur ajoutée !
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d’État, mon groupe n’est pas opposé par principe à la négociation du TTIP et il soutiendra la proposition de résolution européenne très équilibrée qui nous est proposée. Mais il fera dans le même temps preuve d’une extrême vigilance sur le contenu d’un éventuel accord, et ce tout particulièrement dans le secteur agricole, qui fait littéralement partie de l’ADN de notre pays.
Je souhaitais évoquer, en guise de conclusion, quelques points de méthode qui me semblent importants, mais je n’irai pas plus loin, car le temps qui m’a été imparti est révolu. Monsieur le secrétaire d’État, comme l’ont dit un certain nombre de nos collègues, nous sommes ouverts, plutôt réceptifs, mais, vous le savez très bien, nous ne voterons pas n’importe quoi, n’importe comment, n’importe quand. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé l’importance de cet accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, ses enjeux en termes de marché, tant pour nos exportations que pour nos importations, et ce dans tous les secteurs qu’il concernera, en particulier pour l’agriculture.
Le traité transatlantique constitue une chance pour l’ouverture vers de nouveaux marchés. Les attentes sont immenses de chaque côté de l’Atlantique. Nous espérons en Europe un gain économique de plusieurs centaines de milliards d’euros grâce à cet accord, soit, pour donner un ordre de grandeur, un montant comparable au plan d’investissement lancé par la Commission européenne.
Ce traité suscite aussi et légitimement de nombreuses craintes. L’objet de cette proposition de résolution européenne est bien de pointer du doigt ces craintes et de donner au Gouvernement notre point de vue sur les conditions dans lesquelles un accord serait acceptable, ou non, avec nos partenaires américains. Le Sénat, une fois encore, doit pouvoir jouer son rôle d’aiguillon du Gouvernement, un aiguillon bienveillant quand il le faut.
La proposition de résolution européenne que nous examinons attire notamment notre attention sur la préservation du système européen des signes de qualité, et insiste sur la reconnaissance et la protection juridique des indications géographiques. Ce système de qualité garantit aux consommateurs des produits de qualité et constitue un avantage certain pour nos filières. En cela, le partenariat transatlantique de commerce pourrait représenter une chance de développement économique. Le rapport de nos collègues Bonnecarrère et Raoul souligne d’ailleurs qu’une telle opportunité serait encore plus importante pour la filière laitière.
Je suis élu d’un département très riche en produits labellisés AOC, en particulier pour le fromage. Pour vous allécher, je peux citer le mont d’Or, le Morbier et, bien sûr, le Comté. Ce dernier représente la première AOC fromagère française en tonnage.
Avec près de 64 000 tonnes produites en 2015, soit 2 % de plus que l’année précédente, cette production augmente chaque année, ainsi que le prix du Comté. C’est donc une très bonne nouvelle pour tous les acteurs de la filière.
Ce très beau résultat provient d’une organisation originale, qui a besoin d’être confortée et, surtout, qui ne doit pas être déstabilisée, puisque tout le monde y trouve son compte. Le point fort de cette filière c’est qu’elle se tourne vers le consommateur. Les producteurs ont confiance et investissent pour l’avenir ; les jeunes agriculteurs s’engagent – dans le Doubs, le taux d’installation est exceptionnel avec une arrivée pour un départ dans la zone de production du Comté – ; les fruitières s’organisent et les affineurs développent toujours plus leur capacité.
Toutefois, comme je le disais, ce cercle agricole et économique, s’il est vertueux, ne doit pas être déséquilibré. Les craintes concernent les modes de production, la qualité des fromages et même les « copies » qui pourraient être fabriquées. Cette dernière question n’est pas anodine, puisque ce risque existe déjà, des sociétés comme Sodiaal cherchant à récupérer la bonne image de ce produit pour en faire une nouvelle source de chiffre d’affaires. Il est probable que, demain, avec un accord de libre-échange encore plus important conclu entre l’Europe et les États-Unis, ce type de tentation soit encore plus grand. Dans le cas de la filière du Comté, ce sont quelque 10 000 emplois qui sont en jeu.
Si je me suis attardé sur cet exemple précis et local, c’est que les enjeux de cet accord commercial sont primordiaux. Ils auront également un impact sur nos territoires. Il appartient donc au Sénat d’alerter le Gouvernement sur ces problématiques.
Pour exercer pleinement notre rôle – cela a déjà été rappelé de nombreuses fois, mais je souhaite y insister –, il est nécessaire non pas d’améliorer, mais d’assurer la transparence des négociations. Les différents rapports ont souligné ce point. Le Sénat en avait déjà fait l’objet d’une résolution au mois de février dernier. Toutefois, le sentiment que les négociations se poursuivent sans que cet aspect ait été pris en compte s’accentue.
Le libre-échange, pour être économiquement efficace, demande la confiance. Or cette fameuse confiance, indispensable à toute transaction, ne peut prospérer sur notre sol dans l’opacité des négociations, qui engendre craintes et suspicions.
Quelques avancées ont été obtenues par le Gouvernement en la matière. Cependant, un supplément d’efforts est nécessaire, du fait même de la nature particulière de ces accords. Jamais, dans l’histoire, la France ne s’est engagée dans un processus d’une telle ampleur sans négocier elle-même son destin commercial.
Le Premier ministre lui-même s’en est inquiété au mois de novembre dernier. Il a estimé qu’un vrai débat dans la société sur ce traité était nécessaire. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez la capacité d’organiser cette transparence au sein de notre pays ; vous avez la capacité de consulter les parlementaires que nous sommes ; vous avez la capacité et la responsabilité de le faire.
Le mandat que le Conseil a donné à la Commission ne saurait être un blanc-seing. Nous sommes tous responsables devant nos concitoyens, et notre premier devoir envers eux est celui de l’information, donc de la transparence. Elle permettrait, d’abord, de mesurer les axes qui sont pris et, ensuite, soit de rassurer le terrain, soit de faire remonter au niveau des négociateurs l’impact de leurs décisions.
Pour finir – c’est le corollaire du manque actuel de transparence –, j’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous rassuriez s’agissant du contenu actuel du traité. En effet, certains élus européens se sont fait l’écho d’un rapport du département américain de l’agriculture laissant penser que notre agriculture serait la grande perdante de cet accord, notamment au regard de l’abolition des droits de douane et de la suppression des mesures non tarifaires.
Ces dispositions feraient s’effondrer les prix européens et ne seraient pas du tout adaptées à notre politique agricole commune. Par la proposition de résolution européenne de ce jour, il vous est demandé de sauvegarder notre modèle, or ces mesures viendraient l’entraver.
Enfin, la question de l’étiquetage de nos produits doit être portée au niveau européen. Si les États membres ne sont pas unis sur cette question, importante en matière de santé publique et d’information du consommateur, nos produits de qualité ne résisteront pas à un accord transatlantique.
Ce sujet revient régulièrement dans nos débats, tant au moment de l’examen de textes que lors des différentes crises qui ont touché le secteur agroalimentaire. Traçabilité et étiquetage complet restent les meilleurs moyens de laisser le choix au consommateur.
En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe UDI-UC soit favorable à l’adoption de cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe CRC. – M. Michel Magras applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame le rapporteur, mes chers collègues, les marchés anciens s’effritent et les marchés nouveaux se dérobent, il faut se rendre à l’évidence, 2016 est bien l’année de tous les dangers. Les bonnes perspectives annoncées se sont envolées.
La question qui se pose à nous désormais est la suivante : souhaitons-nous que le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis porte le coup de grâce aux agriculteurs européens ?
Ce risque existe, il est parfaitement explicité par nos collègues Michel Billout, Philipe Bonnecarrère et Daniel Raoul. L’opportunité de la proposition de résolution européenne ne fait aucun doute. Celle-ci s’inscrit dans le prolongement des précédentes résolutions adoptées par le Sénat.
Sur la forme, je partage tout d’abord vos inquiétudes et vos demandes d’une plus grande transparence et d’une meilleure association des parlements nationaux au processus de négociation de ce traité.
Il est en effet inacceptable pour les secteurs d’activités concernés qu’aucune étude d’impact, ni au niveau national ni au niveau européen, n’ait été fournie. Plus généralement, le manque de transparence – je pense notamment à l’absence de publication des offres américaines – contribue largement à alimenter la méfiance des professionnels et des élus, comme le souligne notre excellente collègue Sophie Primas dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques. Il est toujours plus douloureux de se cogner la nuit qu’en plein jour !
Cette méfiance est renforcée par le peu d’études réalisées sur la question, d’autant que la plupart d’entre elles prédisent, hélas, un avenir relativement sombre aux agriculteurs européens. Je parle bien des agriculteurs européens, car – il faut le rappeler de temps en temps – la France n’est pas une île isolée.
Selon une étude du Parlement européen réalisée en 2014, le traité entraînerait en effet une diminution de 0,5 % de la valeur agricole au sein de l’Union européenne, contre une augmentation de 0,4 % outre-Atlantique. Des constats similaires émanent du département de l’agriculture des États-Unis. Au vu de ces conclusions, je ne peux que m’associer aux doutes liés au risque d’un accord déséquilibré au détriment de l’Europe.
Permettez-moi d’insister sur la filière laitière, pour laquelle l’échéance du traité commercial transatlantique est évidemment cruciale. Peut-être même en sous-estime-t-on les conséquences.
Monsieur le président de la commission des affaires européennes, vous m’aviez demandé de réaliser un rapport sur le lait, d’une façon plus générale. J’ai remis ce rapport en juin 2015. J’avais auditionné de nombreuses personnes, en particulier la Fédération nationale de l’industrie laitière, qui m’avait, à l’époque, alerté sur les transformations de la concurrence internationale et plus précisément sur le réveil du géant américain, ancienne puissance laitière qui s’exprime peu, pour le moment, mais qui est dotée d’un outil de production très important – plus de 50 % du lait est issu de fermes de plus de 10 000 vaches. Le traité d’échange est un signe clair de la volonté américaine de revenir sur le marché mondial.
Enfin, dans la confrontation entre le droit des marques, étendard des Américains, et les indications géographiques, apanage des Européens, ainsi que Jean-François Longeot vient de l’illustrer à partir de l’exemple d’une région où les AOP sont importantes, notre formidable système de protection pourrait se voir très affaibli.
L’industrie laitière américaine produit en effet de nombreux fromages européens, créés sans usurpation, mais simplement à partir de notre propre savoir-faire au cours des siècles passés. Elle estime que certains termes sont devenus génériques : feta, gouda, emmental, gruyère… Notez qu’il en va de même pour les couteaux : aujourd’hui, on peut se procurer un laguiole pour pas cher ! Cette industrie refuse, dès aujourd’hui, d’être freinée par un système d’indications géographiques qui l’empêcherait de fabriquer, par exemple, du munster – dont notre collègue Gremillet est un spécialiste – : 74 000 tonnes en sont fabriquées aux États-Unis, alors que nous en exportons 20 tonnes à destination de ce pays. Les négociateurs parviendront-ils à protéger chaque type de fromage comme une spécialité ?
« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté », a écrit Winston Churchill.
Appartenant à la seconde catégorie, je rappelle que les négociations ne sont pas terminées et qu’il est donc difficile d’imaginer exactement les conséquences du partenariat. Je souligne également que le TTIP a vocation à donner aux producteurs européens l’opportunité d’accéder au marché américain. Plus grande sera la qualité d’un produit – La France est renommée dans ce domaine ! –, plus ses perspectives de vente seront prometteuses aux États-Unis.
Je suis conscient des enjeux industriels, régionaux et nationaux et de la sensibilité politique du sujet, mon optimisme a donc des limites.
M. le président. Le temps qui vous est imparti, également ! (Sourires.)
M. Michel Raison. C’est pourquoi je réitère la position que j’avais exprimée devant la commission des affaires européennes, partageant ainsi pleinement les conclusions formulées par la commission des affaires économiques : une absence d’accord est préférable à un mauvais accord pour l’agriculture et les produits alimentaires.
La substance doit primer le calendrier. Aller vite, c’est prendre le risque de sacrifier nos intérêts défensifs, d’abattre certaines filières, la filière bovine en particulier, et de céder sur nos défenses, sans rien gagner sur nos intérêts offensifs ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Michel Billout et le groupe CRC, qui sont à l’origine de cette proposition de résolution européenne. Au-delà de ses conséquences sur l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, nous considérons que le TTIP nécessite de la part de la représentation nationale une attention et une vigilance particulières, eu égard aux enjeux économiques, démocratiques, sanitaires et sociétaux qu’il engendre.
Quels sont les enjeux chiffrés de cette question ?
Pour l’agriculture et les industries agroalimentaires françaises, l’enjeu de ce traité est de l’ordre de 2 milliards d’euros, soit 18 % du solde positif du commerce extérieur avec les États-Unis, qui atteint 11 milliards d’euros. Le TTIP va-t-il nous permettre d’accroître ce solde positif avec les États-Unis, ou pas ? Telle est la question !
Un rapport du département américain de l’agriculture sur les conséquences du TTIP, rapport évoqué par M. le secrétaire d’État il y a quelques instants, permet de faire un constat sans appel : en cas d’abolition des droits de douane, les États-Unis gagneraient 5,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 2 % de leurs exportations agricoles, quand, dans le même temps, l’Union européenne enregistrerait une baisse de ses exportations de 0,25 %.
Pire, en cas d’abolition des droits de douane couplée à la suppression des mesures non tarifaires, les États-Unis gagneraient presque 10 milliards de dollars, contre 2 milliards de dollars pour l’Union européenne, avec, une nouvelle fois, des exportations en hausse pour les États-Unis et en baisse pour l’Union européenne.
Toutefois, ce rapport américain précise que si l’Union européenne obtenait gain de cause sur les questions sanitaires et de qualité, alors les États-Unis ne tireraient pas réellement de bénéfices de l’accord, ce qui, bien évidemment, ne les encouragerait pas à le voter dans ces termes.
En tout état de cause, et particulièrement au vu de ces données, agriculture et agroalimentaire ne doivent pas être, comme cela a été dit à de nombreuses reprises, les variables d’ajustement de ce traité qui, on le sait, ne concerne pas seulement l’agriculture.
Pour notre groupe, un certain nombre de points doivent absolument être pris en compte dans la négociation. Je développerai plus particulièrement trois d’entre eux.
Le premier concerne les préférences collectives relatives aux normes sanitaires, phytosanitaires, environnementales et à la protection des consommateurs, qui doivent rester un point incontournable.
Des obstacles sanitaires à l’exportation de nos produits sont maintenus aux États-Unis. En effet, les règles sanitaires américaines ne permettent pas l’exportation de nos productions de lait cru et de fromages qui en sont issues, en raison de la non-reconnaissance des normes de pasteurisation européennes. Cette situation a conduit les États-Unis, dans les négociations, à classer comme produits sensibles les fromages ou le beurre.
Dans ce cadre, la question de l’harmonisation des réglementations européenne et américaine est donc centrale, ainsi que la reconnaissance d’équivalence, notamment en matière de systèmes de contrôle. Si nous voulons sécuriser nos consommateurs et préserver nos producteurs, des accords doivent être trouvés. Ce point devrait constituer un préalable aux négociations de volume.
Le deuxième point s’attache à la reconnaissance et à la protection des indications géographiques de type AOP, AOC, etc., essentielles pour le fleuron de nos exportations que sont les vins et spiritueux. La diplomatie des terroirs que permet l’indication géographique vise à reconnaître nos spécificités et nos savoir-faire.
Aujourd’hui, le système des indications géographiques européen s’oppose au système américain des marques. Une marque a une durée de vie limitée et peut être vendue, alors qu’une indication géographique a, par définition, vocation à perdurer.
L’un des objectifs prioritaires de l’Union européenne doit être la reconnaissance et la protection du plus grand nombre possible d’indications géographiques. À cet égard, le refus des États-Unis de constituer un groupe à haut niveau, comme l’avait proposé la Commission européenne en amont du onzième tour de négociation en octobre 2015, est révélateur.
Troisième et dernier point : la sauvegarde des produits classés sensibles est essentielle, avec l’enjeu majeur pour la France de préserver notre filière bovine et ses 50 000 emplois. À cette fin, il ne faut pas accorder aux États-Unis des contingents tarifaires à droits réduits ou nuls.
Le contexte du marché américain est aujourd’hui caractérisé par une forte demande en viande hachée, des producteurs américains ont donc tout intérêt à se spécialiser dans les morceaux nobles pour l’exportation. Or c’est justement le secteur dans lequel l’activité française est la plus rentable et la plus réputée.
La compatibilité de nos modes de production pose question. En France, 90 % des aliments de troupeau bovin sont produits sur l’exploitation et 80 % de la ration de base est composée d’herbe. L’alimentation du cheptel bovin aux États-Unis se fait à base d’additifs alimentaires, de maïs OGM, de farines animales, d’antibiotiques, de traitements aux hormones pour activer la croissance, de traitement à l’acide lactique des carcasses avant export. Les deux tiers des bovins sont engraissés dans des feedlots, des espaces artificiels pouvant contenir jusqu’à 30 000 bêtes. En outre, la réglementation en matière de bien-être animal est bien moins exigeante aux États-Unis qu’en Europe.
Ces barrières non tarifaires constituent donc un obstacle de taille pour le secteur bovin français. C’est pourquoi, dans le cadre des négociations, la Commission européenne a classé la viande bovine comme produit sensible, compte tenu des difficultés économiques du secteur. Ce classement permet aux produits de ne pas être concernés par la réduction des droits de douane. À l’heure actuelle, il permet surtout à chaque partie de protéger ses intérêts.
En parallèle, les États-Unis ont choisi, je l’ai dit, de classer sensibles les produits présentant un intérêt offensif pour l’Union européenne : fromage, beurre, sucre, vin, huile d’olive, etc.
Filière bovine, filière laitière, indications et signes géographiques de provenance, les enjeux de cette négociation sont considérables pour nos agriculteurs, nos transformateurs et nos metteurs en marché.
Sur le fond et pour conclure, l’analyse fine des conséquences possibles sur les différentes filières agricoles et agroalimentaires de ce traité se heurte à l’absence de données chiffrées résultant des différentes hypothèses de négociation. Faute d’étude d’impact, nous sommes dans l’impossibilité d’apprécier les effets de la levée, progressive ou non, des barrières non douanières.
Libéraliser les échanges apparaît ici comme une fin en soi. Ce principe n’est pas le nôtre !
Certaines filières de notre pays ont des intérêts offensifs, comme celles des produits laitiers et des vins et spiritueux, d’autres doivent absolument se défendre, comme celle de la viande.
À ce stade donc, on peut craindre que la filière agricole ne soit la variable d’ajustement de cette négociation, ce qu’il faut bien entendu éviter.
Je tiens à saluer l’investissement personnel du secrétaire d’État au commerce extérieur, Matthias Fekl, qui s’est fortement engagé sur ces sujets.
Nous avons, nous parlementaires, comme nos concitoyens, besoin de connaître tous les éléments de contexte et de problématique de cette négociation, afin de soutenir notre agriculture, ses emplois et les territoires ruraux, qui en sont grandement dépendants.
Cette proposition de résolution européenne s’inscrit dans cette ambition nationale et c’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain la soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les agriculteurs sont en train d’agoniser dans nos départements et qu’ils manifestent leur désarroi un peu partout en France, le « hasard » du calendrier législatif nous fait examiner ce matin les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire. Autant dire que le hasard fait parfois bien les choses !
On mesure facilement les enjeux de ce débat et le poids des responsabilités de nos gouvernants, responsabilités qui sont aussi les nôtres, à en juger par la force des cris de nos agriculteurs dans les rues depuis plusieurs jours.
Nous le voyons bien, la question agricole n’est pas gérée au plan national, ni même à l’échelle européenne. C’est dans ce contexte que nous devons nous prononcer aujourd’hui sur un accord international qui fixe les règles avec le géant américain !
En bonne montagnarde, j’ai toujours appris qu’il était essentiel de bien sécuriser son ascension, sous peine de se retrouver brutalement au pied de la pente dans un bien triste état.
S’il est important pour l’agriculture française de pouvoir se positionner sur la scène internationale, nous devons faire preuve de vigilance et tenter de mesurer toutes les conséquences d’un tel traité, en nous attardant un instant sur la spécificité de notre agriculture.
Comme vous le savez, l’agriculture ne se résume pas à des volumes de viande et de lait à consommer ou à exporter. L’agriculture, c’est notre histoire ; elle est intrinsèquement liée à notre mode de vie. L’agriculture, ce sont aussi nos savoir-faire, la tradition du goût et le souci du travail bien fait.
La gastronomie française a été inscrite au patrimoine immatériel culturel de l’humanité de l’UNESCO. L’achat des produits, locaux de préférence, contribue notamment à l’art du « bien manger », que nous envie le monde entier.
L’agriculture française est très diverse. En tant qu’élue d’un territoire de montagne, je ne me risquerai pas à comparer les volumes de viande porcine produits dans les Hautes-Alpes avec ceux qui sont produits dans le Finistère. Cette agriculture diverse se caractérise par un souci permanent de qualité dans la production et dans la transformation.
Par exemple, les circuits courts, qui sont encouragés localement, sont très prisés par les consommateurs, qui voient là un moyen de soutenir l’économie locale, mais aussi d’être rassurés quant à la qualité des produits consommés.
C’est notamment le cas pour la filière viande, qui, malgré les crises – on l’a vu encore récemment, avec la grippe aviaire –, réussit à survivre en fidélisant le consommateur et en étant très exigeante sur la traçabilité et la qualité de ses produits. On sait qui produit, et où !
Notre agriculture ne se résume évidemment pas seulement aux circuits courts. Le traité aura des conséquences négatives pour l’ensemble du pays s’il n’est pas équilibré et s’il ne respecte pas les attentes de nos territoires.
Les exigences de sécurité sanitaire et alimentaire – faut-il le rappeler ici ? – ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve en Europe ou aux États-Unis.
Vous l’avez compris, les enjeux économiques sont importants, notamment pour l’élevage bovin, qui pourrait être le plus durablement frappé si un traité non négocié devait intervenir avec le premier producteur mondial de viande bovine sans que ce volet soit classé comme sensible.
Quelles en seraient les conséquences en matière de santé publique, où il faut parfois plusieurs décennies pour mesurer les effets de certaines substances sur les organismes ?
Les intérêts et la sécurité des consommateurs doivent être prioritaires. L’harmonisation des règles entre l’Union européenne et les États-Unis ne doit pas affecter la santé des consommateurs, pas plus qu'elle ne doit mettre en cause les normes exigibles de qualité des produits importés commercialisés dans l’Union européenne.
La diversité de l’agriculture française repose également sur celle de ses territoires. Dans un département de montagne comme le mien, l’agriculture est aussi synonyme d’aménagement et de développement durable du territoire, où l’élevage permet d’entretenir l’espace, de prévenir les risques d’érosion et de se préserver de leurs conséquences. L’agriculture de montagne est extensive. Ses handicaps, liés notamment au climat et à l’altitude, en font les spécificités. La production locale, par exemple le lait, n’a pas le même goût qu’ailleurs. Les produits fabriqués, comme les fromages, ont la saveur particulière du terroir.
Nous devons donc être très vigilants sur ce qui caractérise nos produits et protéger les indications géographiques, qui n’ont peut-être pas de sens à l’échelle du continent américain, mais qui veulent dire beaucoup de choses au pays des 1 200 fromages ! (Sourires.)
Aussi, dans le contexte actuel, il est urgent d’attendre. Je partage l’avis de Mme la rapporteur Sophie Primas : le contenu doit l’emporter sur le calendrier !
Au demeurant, l’étude d’impact secteur par secteur qui avait été demandée au Gouvernement en 2013 n’a toujours pas été réalisée à ce jour. Il est donc difficile, voire impossible de mesurer les conséquences du traité à ce stade.
Par conséquent, nous ne pouvons pas y être favorables en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat a été très riche. Je souhaite répondre aux différents orateurs qui viennent de s’exprimer.
Monsieur Fortassin, vous avez fait part d’un certain nombre de préoccupations, notamment sur la transparence, où des insuffisances demeurent, malgré les progrès réalisés. Comme je l’ai indiqué, je partage ce point de vue.
Vous avez aussi évoqué beaucoup d’exemples, notamment sur le fromage. Cette question est au cœur de la diplomatie des terroirs que nous menons ; nous continuerons à la mener. De même, nous poursuivons nos travaux sur la qualité et le soutien aux différents secteurs en crise ; je pense évidemment en particulier à l’élevage.
Monsieur Le Scouarnec, vous avez rappelé la situation en Bretagne. Vous connaissez la mobilisation du ministre de l’agriculture et de tout le Gouvernement sur ce dossier, qui pose évidemment des difficultés particulières. Nous partageons vos préoccupations sur la transparence, l’avenir de notre agriculture et la préservation de la qualité. Nous continuerons d’œuvrer en ce sens.
Toutefois, je vous invite, et cela vaut pour chacun, à ne pas préjuger dès à présent de la teneur de l’accord. J’y insiste, car c’est important. Pour l’heure, il n’y a pas d’accord. Des négociations sont en cours.
Certes, je ne suis pas forcément de ceux qui pensent que tout est satisfaisant et qu’il faudra signer l’accord quoiqu’il arrive ; je dis même le contraire ! Mais nous ne pouvons pas nous opposer à un accord qui n’est pas finalisé en l’état ! Il faut donc suivre les négociations, mettre la pression, indiquer ce qui ne va pas et défendre très clairement nos intérêts. La France jugera sur pièces et décidera en fonction de ce qui aura été obtenu, ou non, au cours des différentes négociations.
M. Alain Vasselle. Il faut être ferme !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Monsieur Raoul, je vous remercie de vos propos élogieux quant à notre travail sur la transparence, sur la convergence réglementaire, ainsi que sur la diplomatie des terroirs.
Comme vous êtes, avec d’autres, l’un des membres assidus du comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale, je profite de l’occasion pour vous indiquer que la prochaine réunion aura lieu le 17 février. Cette instance réunit régulièrement des parlementaires et des représentants de la société civile au Quai d’Orsay pour faire le point sur l’ensemble des avancées, ou d’ailleurs des absences d’avancée, et pour échanger sur le sujet. C’est un exercice de transparence démocratique indispensable. Je partage votre souhait que l’agriculture ne soit pas la variable d’ajustement des différentes négociations. Comme je l’ai souligné, pour nous, c’est un critère absolu.
Vous avez posé une question très précise sur le bœuf. À ce stade, il n’y a pas de discussion sur des contingents chiffrés ; nous n’en sommes pas là dans les négociations.
Vous avez également abordé la fongibilité des contingents. Je comprends parfaitement votre préoccupation : à un moment où sont négociés de très nombreux accords commerciaux avec de nombreuses régions du monde, il est effectivement important de prendre en compte la situation des contingents globaux. Le Gouvernement souhaite que les différents contingents qui s’ajoutent accord après accord soient raisonnables, supportables, et qu’ils ne viennent pas déséquilibrer des secteurs connaissant déjà de grandes difficultés.
Nous sommes donc attentifs à ce qui arrive sur les marchés français et européen. Ce qui intéresse nos agriculteurs, c’est la situation générale et le contexte dans lequel s’exerce la concurrence à laquelle ils font face, et non la provenance de tel ou tel produit.
Monsieur Labbé, je le répète, il n’y a pas encore de traité. Certes, la Terre ne s’arrêterait pas de tourner en l’absence de ratification. Mais je vous invite à regarder les faits et à suivre attentivement les négociations.
Je partage totalement votre souhait d’avoir des règles mondiales. Vous connaissez l’attachement de la diplomatie française, au-delà même des alternances, au multilatéralisme ; c’est une constante en matière tant commerciale que politique. Nous souhaitons que l’Organisation mondiale du commerce soit davantage le lieu de définition et de mise en œuvre des règles mondiales.
C’est dans cet état d’esprit bien précis que j’ai engagé un travail – j’ai d’ailleurs été le premier membre d’un gouvernement à m’exprimer devant le Sénat à cet égard – sur la cour de justice commerciale internationale que nous voulons instituer. À la mondialisation de l’économie doivent correspondre la mondialisation des règles et, surtout, leur publicité. Les groupes privés ne peuvent pas édicter des règles dans leur coin hors de toute décision publique, politique, démocratique.
L’enjeu est absolument fondamental pour la période qui s’ouvre. Je sais que les différents groupes politiques représentés aujourd’hui y sont extrêmement attentifs. À l’économie mondiale doivent correspondre des règles mondiales, édictées de manière transparente et ouverte, sous le contrôle des parlements nationaux et des citoyens du monde entier.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Voilà qui m’offre une transition pour répondre à certains propos de M. Rachline sur la justice privée.
Encore une fois, la France, l’Allemagne et un certain nombre d’autres États européens ont été parmi les premiers à proposer des mesures concrètes. Il est inacceptable que de grands groupes viennent attaquer devant des tribunaux privés des règles démocratiques validées par les parlements nationaux et les citoyens !
Lorsque la France a proposé la création d’une cour de justice commerciale internationale voilà un peu plus d’un an, nous étions seuls, ou presque, en Europe. Aujourd’hui, cette idée fait l’objet d’un consensus européen. La Commission européenne n’a, certes, pas repris l’ensemble de ce que nous préconisions ; mais les grandes lignes y sont.
Je veillerai personnellement à ce que nous n’en restions pas au stade des propositions, et que de telles mesures soient reprises dans les négociations transatlantiques, et même dans l’ensemble des négociations commerciales. Nous souhaitons que cette cour de justice commerciale internationale devienne progressivement compétente pour tous les accords commerciaux existants. La France est signataire d’une centaine d’accords avec des mécanismes d’arbitrage, et l'on dénombre environ 3 500 accords de ce type dans le monde. Il faut que les règles soient fixées en commun.
Je note que M. Rachline votera en faveur d’une résolution dans laquelle la conclusion éventuelle d’un partenariat transatlantique est envisagée. Voilà une évolution très importante par rapport au discours général de cette famille politique, qui s’oppose par principe, souvent avec des accents complotistes, aux négociations ! Je constate donc avec intérêt que ce parti regarde désormais l’évolution des faits et la réalité du déroulement des négociations pour se prononcer. C’est, me semble-t-il, une bonne nouvelle à porter à l’attention de nos concitoyens. De même, M. Rachline s’apprête à voter une résolution qui souligne les actions d’information d’ores et déjà engagées par le Gouvernement ; nous l’en remercions. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
En revanche, je me dois de répondre à votre approche générale antieuropéenne, monsieur le sénateur. Très sincèrement, prétendre que ce serait l’Europe qui mettrait l’agriculture française en difficulté, c’est lancer un mensonge à la face de tous les agriculteurs de France ! Qui peut croire que l’agriculture française ait un avenir en dehors de l’Union européenne ?
Certes, il reste des progrès à accomplir. Il faut de la simplification. Il faut que les dossiers soient moins compliqués à monter et qu’il y ait moins de paperasse. Tout le monde le dit, à commencer par M. le ministre de l’agriculture !
Mais qui peut croire que l’agriculture française, l’un des grands excédents commerciaux de notre pays, pourrait avoir un avenir dans le repli sur soi et l’enfermement ? Ce n’est pas sérieux ! Vous surfez sur la grande détresse qui existe aujourd’hui dans nos campagnes en proférant des mensonges ! Les lendemains seraient encore plus durs. La sortie de l’euro, la sortie de l’Union européenne, ce serait évidemment cataclysmique pour l’agriculture française ; c’est l’élu d’un territoire rural, agricole et agroalimentaire qui vous le dit ! Certes, il faut effectivement demander à l’Europe d’apporter de la simplicité à nos agriculteurs. Mais que l’on cesse d’entretenir des chimères, comme c’est trop souvent le cas !
De même, comment peut-on affirmer – je cite vos propos – que nous ne faisons « pas le poids » face aux États-Unis ?
M. David Rachline. À cause des règles que vous avez instaurées !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Quelle vision étriquée de la France ! La France est un grand pays, qui compte dans le monde ! C’est un membre permanent du Conseil de sécurité. Nous sommes entendus, y compris sur les sujets agricoles, à l'échelon européen ; nous continuerons à l’être. Nous pouvons être fiers de notre agriculture.
M. David Rachline. Qui est en train de mourir à cause de vous !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Elle emporte la conviction dans le monde entier, grâce à sa qualité et à ses indications géographiques protégées. Ce n’est certainement pas en promettant une agriculture repliée sur elle-même que nous réglerons les problèmes, par ailleurs très importants, de notre pays.
Monsieur Bizet, vous êtes également un membre très assidu du comité de suivi. Vous avez raison de souligner l’importance des normes. Si nous négocions, ce n’est pas pour le plaisir, qui est d’ailleurs assez restreint… Le contexte actuel exige d’être là où se décideront les normes de demain. Le raisonnement ne tient que si les négociations aboutissent à un bon accord.
M. Alain Vasselle. Il faut une harmonisation mondiale !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Il faut des normes et des standards de sécurité élevés. Si nous ne voulons pas que les normes soient élaborées ailleurs, soyons là où elles s’édicteront et faisons en sorte qu’elles soient conformes aux intérêts et aux visions de la France ! Je pense que nous partageons ce point de vue.
Oui, nous défendrons nos intérêts dans ces négociations ! Nous comptons aussi sur la vigilance du Parlement, qui est un aiguillon très important pour les travaux du Gouvernement et pour le contrôle démocratique.
Monsieur Longeot, vous avez pointé les progrès, mais aussi les insuffisances de la transparence. Il est essentiel de souligner les deux aspects et de faire preuve d’objectivité à cet égard. Comptez sur moi pour continuer à maintenir la pression, afin d’obtenir le maximum de transparence possible envers non seulement les parlementaires, mais également nos concitoyens, ainsi que les organisations non gouvernementales, les syndicats, les fédérations professionnelles ; tous ont le droit de savoir ! C’est le sens du travail qui est engagé au sein du comité de suivi ; je vous renvoie à la page spécialement créée à cet effet sur le site www.diplomatie.gouv.fr.
Je serai auditionné le 8 mars prochain par les commissions compétentes du Sénat pour évoquer les négociations transatlantiques et faire le point sur le rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne. Ce rapport, que j’ai présenté à l'Assemblée nationale et que je présenterai pour la première fois devant le Sénat – cet exercice a été demandé par le Parlement –, constitue la feuille de route française à l’export.
Monsieur Raison, j’ai déjà répondu sur la transparence.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, nous considérons que les études réalisées aujourd'hui ne font pas foi. Certes, beaucoup d’études sont réalisées, notamment en France par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales, CEPII, qui a fourni un travail très sérieux sur le traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, et au niveau européen. La Commission européenne doit publier avant l’été une étude sur les aspects relatifs au développement durable de l’accord tel qu’il pourrait aboutir. Nous prenons acte de toutes ces études. Mais, je le répète, aucune ne fait foi. Il est nécessaire de réaliser des études complémentaires. Il importe que, sur ce sujet, puissent s’exprimer toutes les écoles de pensée économique, et pas seulement celles qui font tourner depuis trente ans des modèles au demeurant souvent largement contestables !
Nous sommes particulièrement offensifs sur la question du lait, un sujet que vous connaissez bien. La législation Grade A, en vigueur aux États-Unis, empêche aujourd'hui nombre d’exportations, en particulier de produits laitiers français ; c’est vrai pour les yaourts, la crème et le lait. Mme Morhet-Richaud a également évoqué cette problématique. C’est l’un des points particuliers sur lesquels le gouvernement français est offensif. Je le répète, les avancées obtenues dans le cadre du CETA, pour Comprehensive Economic and Trade Agreement, avec les Canadiens témoignent d’un très haut degré d’exigence et d’ambition pour une filière emblématique française, qui connaît aussi des difficultés très importantes.
Monsieur Montaugé, je vous remercie de vos propos, notamment sur la diplomatie des terroirs, à laquelle je crois que nous sommes tous très attachés ici. Je confirme que les préférences collectives font partie des points sur lesquels nous sommes vigilants. Il est hors de question qu’un accord ou ses modalités d’application – je pense en particulier à la question de la saisine des tribunaux privés – viennent remettre en cause des choix décidés collectivement par les Français et les Européens.
Cela vaut également pour les indications géographiques protégées. Elles sont très nombreuses et font partie, au meilleur sens du terme, de l’identité de la France, une identité complexe, variée, qui ne se laisse d’ailleurs pas enfermer dans des schémas réducteurs. Elles sont une fierté pour nous tous et pour vous, qui représentez ici les différents territoires de la France et en portez haut et fort toutes les productions.
Je note une large convergence de vues sur le sujet. Il s’agit d’un débat majeur pour notre pays. Il est fondamental qu’il y ait un contrôle démocratique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez continuer à vous impliquer à la fois comme vous le faites depuis le début, tant dans les débats en séance publique que dans les travaux, plus techniques, en commission : beaucoup de sujets sont éminemment techniques. Je veux vous assurer de la totale mobilisation, implication et vigilance du Gouvernement sur ce thème et de ma totale disponibilité pour vous en rendre compte chaque fois que vous le souhaiterez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean-Marc Gabouty et Roger Karoutchi applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de résolution européenne
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Considérant que la Constitution, dans son préambule et à son article 3, consacre les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ; qu’elle précise, à son article premier, que la France est une République « démocratique et sociale » ; que l’article 10 de la Charte de l’environnement de 2004 dispose que celle-ci « inspire l’action européenne et internationale de la France » ;
Considérant que les négociations d’un Partenariat transatlantique pour le commerce et l’Investissement (PTCI) équilibré devrait être l’occasion d’améliorer l’accès au marché des États-Unis de certaines productions européennes et françaises à vocation exportatrice telles que les fruits et légumes, le vin et autres productions à forte valeur ajoutée sur lesquels les producteurs ont un intérêt offensif ;
Prenant acte des engagements de la Commission et des directives de négociations qui lui ont été données le 9 octobre 2014, selon lesquelles les parties s’efforceront de « garantir (…) le respect des normes (…) tout en favorisant de hauts niveaux de protection (…) des consommateurs, conformément à l’acquis de l’Union européenne et à la législation des États membres » ;
Considérant que, dans le cadre d’un accord équilibré, la suppression des barrières non tarifaires, l’allègement des charges administratives et la mise en place de mécanismes de reconnaissance d’équivalence pourraient libérer les échanges dans l’intérêt de plusieurs secteurs agricoles européens et français ;
Considérant que les négociations menées en vue d’un partenariat transatlantique avec les États-Unis (PTCI), malgré l’importance des enjeux, sont menées sans que soient suffisamment mis en œuvre les principes d’ouverture et de transparence posés à l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, par voie de conséquence, sans que soit assuré un contrôle démocratique approfondi tant à l’échelon européen qu’à l’échelon national ;
Considérant que les intérêts et la sécurité des consommateurs doivent être la priorité des négociations du PTCI et que l’harmonisation des règles entre l’Union européenne et les États-Unis ne doit pas affecter la santé des consommateurs ni mettre en cause les normes de qualités exigibles des produits importés commercialisés dans l’Union européenne ;
Considérant que le Sénat est toujours dans l’attente de l’étude d’impact sur la France par secteur d’activité qu’il a demandée au Gouvernement dans sa résolution européenne n° 164 du 9 juin 2013 ;
Considérant que si les négociations doivent être menées de bonne foi par les deux parties avec une volonté d’aboutir à un accord ambitieux et équilibré, elles ne doivent pas être contraintes par des exigences de calendrier qui risqueraient d’interférer négativement sur le contenu de l’accord ;
Invite le Gouvernement à utiliser toutes les possibilités dont il dispose pour :
– faire en sorte qu’une conclusion éventuelle du PTCI préserve les modèles agricoles européen et français dans toute leur diversité d’activités ;
– veiller à ce que le traitement qui serait accordé aux produits classés comme sensibles, en particulier l’octroi de contingents tarifaires à droits nuls ou réduits n’aboutisse pas à une aggravation de la situation d’un secteur de l’élevage déjà extrêmement fragilisé en France ;
– obtenir le maintien de normes de haute qualité aussi bien au niveau de la production que de la transformation ;
– préserver impérativement le système européen de signes de qualité et le régime du certificat d’obtention végétale et insister pour que la Commission obtienne, sur le territoire des États-Unis, la reconnaissance et la protection juridique des indications géographiques qui constituent en elles-mêmes des intérêts offensifs pour la France et plusieurs autres États membres ;
– maintenir la possibilité pour l’Union européenne et les États membres de soutenir le secteur agricole par des actions tendant à favoriser l’emploi dans le secteur agricole, la qualité des productions, l’aménagement équilibré du territoire et la protection de l’environnement ;
Invite également le Gouvernement :
– à poursuivre et développer les actions d’information qu’il a engagées sur l’évolution et le contenu des négociations transatlantiques, à l’intention des parlementaires, de la société civile et plus largement des citoyens ;
– à intervenir auprès de la Commission pour qu’elle sollicite et obtienne, de l’autorité de négociation des États-Unis, ouverture et transparence à l’égard des parlementaires européens, des États membres et de leurs parlements ;
– à solliciter de la Commission européenne qu’elle présente, à bref délai, comme l’ont demandé plusieurs États membres, une étude complète sur l’impact d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne sur l’agriculture, secteur par secteur.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucun amendement.
Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.
(La proposition de résolution européenne est adoptée.)
M. le président. Je constate que cette proposition de résolution européenne a été adoptée à l’unanimité des présents. (Bravo ! et applaudissements.)
En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.
7
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Alain Fouché, François Zocchetto, Alain Richard, Jean-Claude Leroy et Mme Éliane Assassi.
Suppléants : M. Pierre-Yves Collombat, Mme Jacky Deromedi, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Sophie Joissains, MM. Roger Madec, Louis Nègre et Mme Catherine Troendlé.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote.
Hier soir, lors du scrutin public n° 142, qui portait sur l’ensemble de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires, j’ai été comptabilisé comme ayant voté contre. Or j’aurais souhaité voter en faveur de ce texte.
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. le président. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
9
Accès au logement social
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre, présentée par M. Michel Le Scouarnec et plusieurs de ses collègues (proposition n° 256, résultat des travaux de la commission n° 327, rapport n° 326, avis n° 328).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la proposition de loi.
M. Michel Le Scouarnec, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les chiffres du mal-logement viennent d’être rendus publics par la Fondation Abbé Pierre, nous sommes confortés dans notre conviction qu’il y a urgence à agir pour garantir à tous le droit au logement.
À l’heure actuelle, 141 000 personnes dorment dans la rue. Ce chiffre a doublé en dix ans. En outre, près de 900 000 personnes ne disposent pas de logement personnel. Ce sont des familles, des femmes et des enfants qui se trouvent parfois obligés de dormir dans la rue ou dans une voiture, alors que les parents travaillent ! Pour ceux qui subissent de plein fouet les conséquences de la grave crise économique et du chômage, l’accès au logement peut sembler impossible.
Ainsi, 5,7 millions de personnes produisent un effort financier que la Fondation Abbé Pierre qualifie d’« excessif », car il laisse un reste à vivre en deçà du seuil de pauvreté.
Une telle situation conduit à la multiplication des impayés. Aujourd’hui, 1,2 million de personnes sont sous la menace d’une expulsion, alors qu’elles sont parfois reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable, le DALO.
Ces situations font le lit de traumatismes immenses. De surcroît, le mal-logement a des conséquences multiples, notamment sur la santé, la scolarité des enfants… Cette situation heurte profondément notre morale politique et humaniste, ainsi que notre conscience !
Oui, il y a urgence à agir ! C’est pourquoi le groupe CRC prend toutes ses responsabilités en vous soumettant cette proposition de loi.
Depuis maintenant plusieurs décennies, le logement est considéré non plus comme un droit, mais comme un bien faisant l’objet d’un marché spéculatif. Cela a permis de créer des rentes spectaculaires pour certains, au prix de grandes difficultés pour le plus grand nombre.
Nous identifions comme cause principale d’une telle crise l’absence d’une construction à la hauteur des besoins. En effet, nous sommes bien loin des 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, promis par le Président de la République en 2012. Pour l’année 2015, seulement 109 000 logements sociaux ont été financés. Cumulée aux difficultés du secteur privé, cette situation est inquiétante non seulement, bien entendu, pour le droit au logement, mais également pour l’emploi. Le secteur du bâtiment et des travaux publics a perdu plus de 12 000 emplois en 2014 !
Cette absence de production est liée à plusieurs phénomènes.
Tout d’abord, les coûts de construction sont plus élevés ; je pense notamment aux prix du foncier. Je rappelle d’ailleurs que nous proposons la création d’une agence foncière nationale pour le logement.
Ensuite, parmi les freins figure – c’est le débat qui nous occupe aujourd’hui – la baisse drastique des aides à la pierre, qui se conjugue malheureusement avec la forte diminution des dotations aux collectivités territoriales. D’un côté, les aides à la pierre reculent. De l’autre, les collectivités perdent 3,7 milliards d’euros par an de dotations, soit 11 milliards d’euros à l’horizon 2017.
Dans ces conditions, les prix de sortie augmenteront de plus en plus, faute d’un soutien de la part de l’État.
Or l’absence de construction publique suffisante est l’une des causes du logement cher dans le parc privé. En effet, le déficit de l’offre aboutit à une demande très forte, conduisant à la montée des prix. Il y a donc bien une problématique commune et des interactions fortes entre le secteur privé et le secteur dit « social ». À nos yeux, un parc public répondant aux besoins est le plus sûr instrument de régulation des loyers dans le secteur privé. Loin de s’opposer, ces deux secteurs se complètent.
La loi de finances pour 2016 nous inquiète particulièrement.
Le désengagement de l’État se poursuit depuis de nombreuses années et s’accentue désormais. Les subventions de l’État sont en voie de disparition, contrairement à l’engagement de François Hollande, qui avait promis de doubler les aides à la pierre. La création du Fonds national des aides à la pierre, ou FNAP, abondé par les offices HLM et les locataires, acte clairement le fait que les crédits de l’État ne constituent plus l’essentiel du financement des bailleurs sociaux.
Le calcul est simple : avec moins d’argent, on construira moins, ce qui aggravera la crise actuelle du logement. Il est donc urgent de réorienter la masse financière affectée aux politiques du logement, qui pèsent aujourd’hui 40 milliards d’euros ; nous avons donc des marges de manœuvre.
Trop d’argent public continue d’alimenter les niches fiscales, comme les dispositifs Scellier, Robien ou encore Pinel. Cette dernière niche a pour objet de soutenir le développement du logement dit « intermédiaire », ce qui revient à reconnaître un nouveau segment de marché, à la fois plus cher que le logement social et moins coûteux que le logement dit « libre ». Mais jamais le logement cher n’a été mis en cause par les politiques successives ! Pire : ces dernières soutiennent les investisseurs privés les plus fortunés, à hauteur de 1,8 milliard d’euros au total. Cette somme serait bien plus utile pour les acteurs du logement social.
On utilise l’argent public pour permettre aux plus aisés de se constituer un capital, ce qui n’est conforme ni à notre morale ni à notre sens de la justice sociale.
En effet, l’efficacité des niches fiscales n’a jamais été prouvée : il n’y a aucun chiffre en ce sens. Il faudrait sans doute charger un observatoire national de mener des évaluations. Mais ces niches créent à l’évidence un effet d’aubaine pour réduire les impôts des intéressés. Soyons clairs : c’est leur motivation principale pour investir.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Certes !
M. Michel Le Scouarnec. Notre collègue Sophie Primas le rappelle dans son rapport pour avis.
Au fond, soutenir l’investissement locatif privé, c’est nourrir un tel système spéculatif. Les pouvoirs publics doivent cesser de favoriser la rente privée.
Oui, il faut encadrer les loyers dans le secteur privé ! Mais il faut surtout réserver l’argent public, denrée d’autant plus précieuse qu’elle est devenue rare, à la construction publique. C’est notre priorité.
L’article 1er de cette proposition de loi permet d’abroger le dispositif Pinel, afin de permettre de réaffecter les crédits. Certes, cela ne représente actuellement que 240 millions d’euros, contre 85 millions d’euros l’année précédente. Mais ce dispositif a vocation à monter en puissance, à l’image du Scellier, qui coûte 800 millions d’euros par an. Il s’agit donc non pas d’une mesure disproportionnée, mais d’un choix d’efficacité.
Nous considérons que ces 240 millions d’euros, issus des impôts payés par l’ensemble des contribuables, doivent aider le secteur HLM à mettre sur le marché des logements accessibles, afin de répondre à la demande sociale.
Selon nous, limiter l’intervention publique à l’assistanat en matière de logement est le plus sûr moyen d’organiser la ghettoïsation de certains quartiers de nos villes, créant ainsi des problèmes multiples ; vous le savez. Aujourd’hui, les parcs de logements sociaux se dégradent. Les occupants qui en sortent sont malheureusement souvent remplacés par des populations encore plus pauvres.
Nous estimons que le brassage et la mixité sont des réponses au défi qui est aujourd’hui lancé au modèle républicain !
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
M. Michel Le Scouarnec. Les politiques publiques du logement constituent une partie de la solution ; nous en sommes intimement convaincus.
Pour atteindre cet objectif, nous proposons de relever les plafonds d’accès au logement social. Cette démarche doit se conjuguer avec une baisse des plafonds de loyers.
Il s’agit non pas, comme j’ai pu l’entendre, d’allonger inutilement la liste des demandeurs de logement, qui est déjà bien trop longue, ni d’en exclure les plus pauvres – les commissions d’attribution jouent leur rôle –, mais d’œuvrer pour l’universalité du droit au logement.
L’Union sociale pour l’habitat répète souvent que le logement social est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. C’est même le patrimoine commun de tous. Tous doivent donc pouvoir y prétendre.
Ce relèvement du plafond aurait trois conséquences positives.
Premièrement, et c’est l’élément fondamental, des personnes aux ressources trop faibles pour se loger dans le parc privé pourraient accéder au parc public dans des conditions économiquement acceptables.
Deuxièmement, les maires bâtisseurs pourraient répondre à un panel plus large de demandeurs, ce qui faciliterait les opérations de construction. Il arrive actuellement que des logements neufs restent malheureusement vides, faute de locataires aux ressources suffisantes pour assumer un loyer relevant, certes, du logement social, mais déjà largement inaccessible pour le plus grand nombre.
Troisièmement, le relèvement du plafond répond à notre vision généraliste du droit au logement, ainsi qu’à notre volonté de renforcer la mixité sociale et urbaine. Le renouvellement urbain, à l’œuvre dans les zones les plus denses, doit être une chance d’accroître la mixité, source de réussite et d’apaisement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Dallier, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi « favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre », déposée par nos collègues du groupe CRC.
Les auteurs de ce texte dressent un constat assez sombre ; M. Le Scouarnec vient d’y faire référence. Nous ne pouvons malheureusement qu’y souscrire, au moins en partie, au regard des chiffres de production de logements de ces dernières années.
Aux yeux de nos collègues, les 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, objectif qui avait été fixé par le candidat François Hollande en 2012, ne pourront à l’évidence pas être atteints d’ici à 2017.
Les membres du groupe CRC entendent donc « redéfinir les priorités » de la politique du logement et proposer « des outils permettant une baisse effective des loyers et la construction de logements adaptés pour tous ».
Ils considèrent que la crise du logement découle principalement de la réduction des aides publiques consacrées au logement social, les aides à la pierre, et d’une régulation insuffisante du parc privé, source de renchérissement des prix du foncier et des loyers.
Toutefois, au-delà du nombre de logements construits et du prix des loyers, nos collègues ont souhaité poser le problème de la mixité sociale dans le parc HLM et y apporter une réponse.
Voilà pour l’ambition affichée à travers ce texte. Vous constatez qu’elle n’est pas mince !
Avant d’en venir au détail des propositions contenues dans le présent texte, il n’est pas inutile de rappeler que, dans notre pays, la politique en faveur du logement mobilise 40 milliards d’euros par an, soit 1,9 % du PIB. Toutes aides agrégées, 40 % de ces 40 milliards d’euros sont destinés au logement social.
En outre, le pilotage de cette politique apparaît assez défaillant, en raison d’outils statistiques jusqu’à présent peu fiables.
M. Daniel Raoul. Ça, c’est vrai !
M. Philippe Dallier, rapporteur. C’est le constat qui figure dans le rapport, remis au mois de septembre dernier, du groupe de travail formé par la commission des finances.
De même, le chiffre de 500 000 logements – c’est l’objectif qui est généralement avancé – pour faire face à la crise est contesté par beaucoup. Ainsi, selon les évaluations du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, les besoins se situeraient plutôt entre 330 000 et 370 000 logements par an.
Rappelons également que la crise du logement est très fortement territorialisée.
D’un côté, il y a ce que nous appelons des zones tendues : les régions d’Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur, quelques grandes métropoles régionales et la zone frontalière avec la Suisse. De l’autre, certains territoires ne connaissent pas de problème de production de logements neufs, l’offre étant largement supérieure à la demande. Il existe même des villes où des logements sociaux restent vides, faute de trouver preneur !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Certes !
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Philippe Dallier, rapporteur. Dans les zones tendues, c’est bien souvent le manque de foncier disponible et le coût de celui-ci qui posent problème. Mais ces critères ne sont pas les seuls.
Nos collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, sont des acteurs majeurs de la politique du logement. Encore faudrait-il qu’elles disposent des moyens nécessaires pour participer à l’effort de logement qui leur est demandé. Constituer des réserves foncières et en assurer le portage, financer la construction de logements et les équipements publics nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants, cela demande de mobiliser des ressources budgétaires importantes. Or la rigueur budgétaire imposée par le Gouvernement aux collectivités ne les y aide pas ; c’est le moins que l’on puisse dire.
Rappelons enfin que les problèmes de la qualité des logements et de la rénovation énergétique du parc vieillissant sont des enjeux majeurs ; nous ne les avons encore que très peu traités.
Mais revenons au texte qui nous est soumis.
La politique du logement que les membres du groupe CRC appellent de leurs vœux repose avant tout sur une augmentation des crédits consacrés aux aides à la pierre et sur une mobilisation des fonds d’épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations, en l’occurrence le livret A et le livret de développement durable, en vue de financer davantage la construction de nouveaux logements sociaux et la réhabilitation des logements dégradés du parc existant.
Afin de dégager des fonds supplémentaires pour le financement du logement social, les auteurs de la proposition de loi suggèrent de mettre fin aux dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement locatif des particuliers dans le parc privé, dont « l’efficacité sociale » serait, selon eux, « plus que limitée », ces dispositifs alimentant « une rente » tout en créant « des effets d’aubaine ».
Dans cette perspective, l’article 1er de la proposition de loi prévoit purement et simplement la suppression du dispositif Pinel de soutien à l’investissement locatif dans le logement intermédiaire.
Dans le même temps, pour favoriser la mixité sociale au sein du parc HLM, l’article 2 de la proposition de loi prévoit d’augmenter de 10,3 % les plafonds de ressources des différentes catégories de logements sociaux – il s’agit des prêts locatifs aidés d’intégration, ou PLA-I, des prêts locatifs à usage social, ou PLUS, des prêts locatifs sociaux, ou PLS, et même du prêt locatif intermédiaire, ou PLI –, revenant ainsi sur la baisse votée en 2009 lors de l’examen de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi MOLLE ».
Cette mesure d`élargissement du nombre de bénéficiaires potentiels, qui rendrait indispensable la construction de logements sociaux supplémentaires, serait financée par les ressources dégagées par la suppression du dispositif Pinel, qui a succédé le 1er septembre 2014 au dispositif Duflot, ce dernier étant entré en vigueur le 1er janvier 2013.
L’article 3 est un gage financier. Il s’agit non pas du gage traditionnel consistant à relever les droits sur les tabacs et alcools, mais d’un gage beaucoup plus politique, puisqu’il est proposé de baisser le taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Si je considère, à l’instar des auteurs de la proposition de loi, que les résultats de la politique du logement menée actuellement sont insuffisants, notamment au regard du montant des dépenses publiques qui y sont consacrées, j’estime néanmoins qu’il convient de ne pas adopter ces différents articles et, par conséquent, cette proposition de loi.
Relever les seuils de ressources de 10,3 % pour l’accès aux logements locatifs sociaux, comme le prévoit l’article 2, reviendrait probablement à rendre un trop grand nombre de personnes éligibles aux PLA-I et aux PLUS, mesures pourtant destinées aux catégories modestes, tandis que la quasi-intégralité des ménages français pourrait désormais prétendre aux PLS et aux PLI.
En effet, 30,2 % des ménages sont déjà éligibles aux PLA-I, soit les logements sociaux dont les loyers sont les plus bas, et 65,5 % des ménages peuvent demander à se loger dans un logement financé grâce à un PLUS. Et les PLS et PLI sont déjà respectivement accessibles à 81,4 % et à 86,9 % des ménages.
Selon une simulation que nous avons demandée à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages du ministère du logement, la DHUP, relever les différents seuils de ressources de 10,3 %, comme le prévoit l’article 2 de la proposition de loi, reviendrait à rendre 35 % des ménages éligibles aux PLA-I et 72,1 % aux PLUS, qui sont pourtant destinés aux catégories modestes, tandis que 86,1 % des ménages pourraient désormais prétendre aux PLS !
En outre, toujours selon la DHUP, 49 % des ménages qui sont actuellement locataires du parc privé deviendraient éligibles aux PLA-I, 82,4 % d’entre eux pourraient demander à bénéficier d’un PLUS et 92,4 % seraient concernés par le PLS !
De fait, toute volonté de cibler le logement social sur ceux qui en ont le plus besoin deviendrait caduque. Une telle mesure risquerait donc de pénaliser les ménages les plus fragiles, puisque ceux-ci devraient faire face à la concurrence de ménages disposant de revenus plus élevés et présentant de ce fait de meilleures garanties pour les bailleurs sociaux contre les impayés de loyers.
En outre, en plus de ces possibles effets d’éviction, un allongement de la file d’attente serait probablement à craindre, sachant que le délai d’obtention d’un logement social en région parisienne est d’ores et déjà de trois ans en moyenne.
Je considère donc que, à une bonne question – comment accroître la mixité sociale au sein du parc social, y compris, comme j’aime à le répéter, au niveau de la cage d’escalier ? -, l’article 2 de la proposition de loi apporte une réponse peu opérante et potentiellement contre-productive.
Selon moi, créer les conditions d’une véritable mixité sociale passe avant tout, dans la construction neuve, par la mixité des modes de financement, PLA-I, PLUS, PLS, au sein d’une même opération et par la présence systématique de PLA-I destinés aux publics ayant les plus faibles ressources dans l’ensemble des opérations réalisées. C’est d’autant plus nécessaire qu’un nombre important de ménages susceptibles de bénéficier d’un logement en PLA-I occupent en réalité un logement financé en PLUS.
Dans le parc ancien et très ancien, le problème de la mixité est plus compliqué à résoudre, puisque, assez naturellement, les attributaires de logements ont tendance à sélectionner les dossiers des familles les plus modestes, eu égard au niveau des loyers, qui sont plus faibles qu’ailleurs.
Cependant, le Gouvernement semble décidé à proposer des solutions dans un texte qui nous sera prochainement soumis, afin de permettre aux bailleurs de moduler le prix des loyers. Si la remise en ordre des loyers était déjà possible, elle était peu utilisée. La modulation envisagée pourrait effectivement permettre d’améliorer la mixité sociale au sein de ces opérations.
Venons-en maintenant à la disposition prévue à l’article 1er : la suppression du dispositif Pinel.
Alors que les résultats du dispositif Duflot étaient en deçà de ceux qui avaient été escomptés par le Gouvernement, le Pinel a trouvé son public. Son maintien suscite un large consensus chez les professionnels du secteur de l’immobilier et du bâtiment que nous avons entendus au cours de nos auditions.
Ce relatif succès semble se traduire dans les premiers chiffres communiqués par les promoteurs immobiliers – un peu plus de 47 000 logements ont été acquis en 2015 en utilisant ce dispositif – et pourrait contribuer à soutenir le marché de la construction de logements neufs, riche en emplois peu qualifiés et non délocalisables, qui connaît depuis maintenant plusieurs années une crise difficile.
Du reste, nous ne disposons pas encore du recul nécessaire pour mesurer l’efficacité du dispositif.
En tout état de cause, les acteurs sont unanimes pour réclamer aux pouvoirs publics de la stabilité fiscale, ce qui est indispensable au bon fonctionnement du marché immobilier. Les dispositifs doivent permettre aux investisseurs de bénéficier d’une visibilité maximale, afin de pouvoir valablement estimer leurs revenus futurs.
Toutefois, nous ne manquerons pas de demander une évaluation de l’efficacité du dispositif Pinel. Cela étant, le supprimer aujourd’hui nous semblerait une erreur. Voilà pourquoi je ne peux que vous inviter à ne pas adopter les trois articles de cette proposition de loi, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons tous, le logement constitue le premier poste de dépenses des ménages, devant l’alimentation et les transports. En 2010, un ménage sur deux consacrait presque un cinquième de ses revenus au seul logement.
Parallèlement, le nombre de mal-logés est considérable, puisqu’il se situe entre 2,7 millions et 3,5 millions. Il convient d’ailleurs de souligner que tous ces mal-logés ne demandent pas tous un logement social : au mois de juillet 2015, on enregistrait « seulement », si j’ose dire, 1,8 million de demandes de logement social !
Alors que les objectifs de construction sont de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, pour répondre aux besoins, force est de constater que nous sommes bien loin du compte. À la fin du mois de décembre 2015, il y avait seulement 351 800 logements commencés.
De même, les objectifs de construction de logements sociaux ne sont pas remplis depuis plusieurs années. En 2015, 120 000 logements sociaux auront été construits. C’est un des maux majeurs dont souffre notre pays, alors même que, sur le plan financier, l’effort de la Nation en faveur du logement est estimé à environ 40 milliards d’euros d’aides.
En 2016, outre 12 milliards d’euros de dépenses fiscales, l’État consacrera au logement 18 milliards d’euros de crédits budgétaires, en grande partie destinés au financement des aides personnalisées au logement, les APL, l’État se désengageant depuis plusieurs années du financement des aides à la pierre. Notons d’ailleurs que les bailleurs sociaux contribuent de manière plus importante au financement des aides à la pierre et qu’ils doivent de plus en plus souvent faire appel à leurs fonds propres pour financer la construction de logements sociaux, la part des aides de l’État dans leur financement étant passée de 7 % à 1 %, ce qui est inquiétant pour la solidité des bailleurs sociaux.
Nous avons eu un débat très riche et intéressant en commission des affaires économiques sur les moyens de répondre à cette crise du logement. Nous avons même pu constater avec étonnement que des experts aussi éloignés politiquement que Mme Estrosi Sassone et Mme Lienemann faisaient le même constat non seulement sur l’état des lieux, mais également sur une partie des solutions. Alors, même si la solution proposée ici par notre collègue Michel Le Scouarnec n’a pas été retenue par notre commission, elle a au moins permis le débat, l’échange et la réflexion.
Nous divergeons sur la solution qui nous est proposée ici, et ce pour plusieurs raisons.
L’article 1er prévoit l’abrogation du dispositif Pinel. À cet égard, il convient de rappeler que les dispositifs d’investissement locatif ont vocation à encourager la construction et à développer l’offre de logements locatifs, leur objectif étant différent de celui des aides destinées au logement social, qui ont pour objet de développer des logements à loyer faible à destination de ménages à revenus modestes, voire très modestes.
Il est vrai qu’on a pu s’interroger sur le coût de ces dispositifs d’investissement locatif et sur leur adéquation au regard des besoins. Cependant, un rapport du Gouvernement annexé à la loi de finances indique qu’ils ont permis d’augmenter l’offre de logements locatifs et qu’ils ont indirectement favorisé la détente du marché locatif. En outre, les conditions posées pour le dispositif Pinel, notamment en matière de loyer, doivent permettre de contribuer à la production de logements à loyer modéré. Ce dispositif permet également de favoriser le développement de logements intermédiaires, c’est-à-dire de logements dont le niveau des loyers se situe entre les plafonds des loyers des logements sociaux et ceux du marché libre.
Le coût d’une génération du dispositif Duflot/Pinel est estimé à 1,75 milliard d’euros, dont 240 millions d’euros pour l’année 2016. Il doit cependant être mis en regard du nombre de constructions attendues : 50 000 logements en 2015 et 50 000 en 2016.
Abroger le dispositif Pinel aurait donc des conséquences négatives sur le secteur de la construction, alors même que ce dispositif représente une part non négligeable des ventes réalisées par les promoteurs immobiliers, que ces derniers constatent une nette amélioration de la situation depuis sa mise en place et que la conjoncture demeure encore fragile dans ce secteur d’activité.
En outre, nous n’avons nullement la certitude que l’État récupérerait effectivement 1,75 milliard d’euros en cas d’abrogation du dispositif Pinel. Il est plus probable que les bénéficiaires de cet avantage fiscal se tourneraient vers d’autres niches fiscales. Je le rappelle, les investisseurs dans le locatif privé sont dans leur grande majorité de petits propriétaires ne possédant qu’un ou deux logements.
Cependant, au regard des sommes importantes qui sont consacrées à ce dispositif, il nous faut être attentifs au respect des conditions de ressources et de loyer exercés par les contribuables dans ces logements, afin de limiter les effets d’aubaine. Ainsi, sans aller jusqu’à mettre en place un plan national de contrôle sur pièces, comme l’envisageait la mission d’évaluation de la politique du logement pour le dispositif d’investissement Scellier intermédiaire dans un rapport non publié à ce jour par le Gouvernement, il pourrait être envisagé de mettre en place des contrôles fiscaux ciblés permettant de vérifier le respect dans le temps du contrat des conditions du dispositif Pinel.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. L’article 2 de la proposition de loi prévoit une majoration des plafonds de ressources. Cela conduirait à augmenter le nombre de Français éligibles à un logement social alors même que l’on ne pourrait pas satisfaire cette demande nouvelle dans l’immédiat. On ne ferait donc qu’allonger la file d’attente des demandeurs, dont le nombre s’élève aujourd'hui à 1,8 million.
Cette majoration des plafonds des ressources, outre qu’elle pourrait se révéler source de difficultés au regard de la législation européenne, aurait également des conséquences sur le supplément de loyer de solidarité, perçu lorsque les ressources du ménage dépassent de 20 % les plafonds.
Une majoration des plafonds aurait en effet pour conséquence immédiate et automatique de diminuer les cas de suppléments de loyer de solidarité, donc de maintenir dans les lieux un plus grand nombre de personnes ayant des ressources un peu plus importantes, au détriment de l’entrée dans le parc de personnes moins fortunées, qui seraient obligées de se loger dans le parc privé à des niveaux de loyers plus élevés.
Si je peux comprendre l’objectif de mixité sociale de nos collègues, il me paraît nécessaire de favoriser une certaine fluidité dans le parc HLM et d’être particulièrement attentif au rôle, notamment, des commissions d’attribution des logements. Nous aurons un débat plus large sur la question de la mixité sociale lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Pour répondre à la demande de logements, nous devons encourager la construction de logements dans le parc privé comme dans le parc social et produire des logements abordables. Pour cela, il faut agir dans plusieurs directions.
Premièrement, la production de logements doit être accélérée, par la facilitation de la libération du foncier et l’action sur les règles en matière de contentieux.
Deuxièmement, il faut agir sur les coûts de construction, qu’ils résultent du coût du foncier, de l’incidence de la fiscalité ou des normes de construction.
Notre commission a considéré qu’il serait nécessaire et fort utile à cet égard de mettre en place un observatoire des prix de la construction. Grâce à une telle instance, les pouvoirs publics disposeraient de données précieuses, nationalement et localement, et pourraient ainsi mieux adapter les outils à la réalité du terrain. Cet observatoire permettrait par exemple d’évaluer l’impact du foncier ou des dispositifs fiscaux sur l’évolution des prix de la construction.
Il nous faut également réfléchir aux causes du départ des investisseurs institutionnels du parc locatif privé, dont le nombre a été divisé par quatre en trente ans, pour atteindre aujourd'hui 2 %.
Troisièmement, nous devons examiner les moyens de mobiliser le parc vacant, qui est encore trop important.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires économiques a considéré que les propositions de nos collègues présentaient plus d’inconvénients que d’avantages. Elle a donc émis un avis défavorable quant à l’adoption de cette proposition de loi, même si je souligne une nouvelle fois l’intérêt du débat que ce texte a suscité, monsieur Le Scouarnec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi, déposée par les membres du groupe CRC et débattue dans le cadre de leur ordre du jour réservé, prévoit, pour la résumer, de supprimer le dispositif d’investissement locatif Pinel et d’en réaffecter les crédits au financement du logement social, dont le texte relève également les plafonds d’accès. Il est aussi proposé de réduire le taux du CICE pour gager les deux premiers articles
L’examen des articles me donnera l’occasion de détailler les raisons pour lesquelles le Gouvernement estime que cette proposition de loi est inopportune, et même porteuse d’effets néfastes, tant pour le secteur de la construction que pour l’accès au logement. Vous me permettrez, en guise de propos liminaire, de les évoquer.
Il est d’abord proposé d’abroger le dispositif Pinel, alors même que le secteur du bâtiment connaît enfin une légère reprise en 2015, après huit années de difficultés.
En effet, en 2015, le nombre de permis de construire accordés, ainsi que les mises en chantier ont connu une légère hausse, de respectivement 1,8 % et 0,3 %.
Ces chiffres sont encourageants et doivent nous inciter à poursuivre les efforts engagés. Sur les trois premiers trimestres, les ventes dans le neuf ont également progressé, de 19 %. Cette hausse a été principalement soutenue par le dispositif d’investissement locatif intermédiaire entré en vigueur le 1er janvier 2015.
À lui seul, il enregistre une augmentation de 63 %, correspondant à une trajectoire de 15 000 logements supplémentaires construits par an, soit environ 50 000 au total. Sa simplicité et sa lisibilité sont les conditions de son succès. En outre, la possibilité de louer à un ascendant ou à un descendant a permis de le rendre plus attractif et de débloquer de nombreuses opérations. Pour toutes ces raisons, il a été reconduit à l’identique dans la loi de finances pour 2016.
Nous devons surtout souligner son rôle essentiel dans la production de logements intermédiaires, c’est-à-dire destinés à celles et ceux qui ne sont pas éligibles au logement social, mais qui peinent à se loger dans le parc privé.
Il est enfin mieux calibré, car ciblé sur les secteurs géographiques connaissant un déficit important et une forte demande de logements.
À ce titre, les dispositifs Duflot et Pinel, qui ont succédé au Scellier, ont permis, par l’ajustement des plafonds de loyers, d’accroître une offre intermédiaire abordable sur les secteurs connaissant une tension locative importante.
La réforme du zonage « ABC » visant à mieux adapter ces dispositifs logement, notamment celui de l’investissement locatif, aux réalités du marché a sans conteste renforcé l’attractivité du Pinel.
Par ailleurs, il convient également de noter que ces investissements locatifs permettent des recettes fiscales supplémentaires, en termes notamment de TVA et d’imposition des revenus locatifs.
D’une manière plus globale, le secteur de la construction a pu limiter les destructions d’emplois, grâce au logement social, mais aussi largement grâce à l’investissement locatif, même si ses effets sont nécessairement progressifs dans le temps, en raison du délai incompressible entre la vente, la mise en chantier et la livraison.
Son abrogation mettrait donc en péril plusieurs milliers de projets de construction, ainsi que les emplois qui y sont liés, alors que la dynamique de la relance est désormais engagée et que le Pinel y contribue.
Une telle suppression n’est donc ni envisageable ni souhaitable.
Le Gouvernement estime que le secteur a besoin de stabilité, notamment fiscale, comme cela est souligné dans le rapport de la commission des finances.
Mais, je veux aussi le dire, encourager l’investissement locatif intermédiaire n’est ni contradictoire ni inconciliable avec la production de logement social. Au contraire : pour favoriser l’accès au logement de chacun de nos concitoyens, nous devons diversifier les offres et les moyens.
Le Gouvernement n’a d’ailleurs jamais opposé logement intermédiaire et logement social. Il s’est engagé à dynamiser conjointement la production de l’un et de l’autre.
Les aides financières à la construction de logement social sont essentielles pour maintenir un niveau élevé de production qui réponde aux besoins des territoires et de nos concitoyens. Elles assurent la modération des loyers.
En termes de subventions directes, la capacité d’engagement des aides à la pierre est portée à 500 millions d'euros en 2016, au travers du nouveau fonds national dédié. Sa gouvernance sera partagée entre l'État, les bailleurs sociaux, les collectivités locales et les parlementaires, ce qui constitue une avancée indéniable.
L’État y participera à hauteur de 250 millions d’euros en 2016, malgré un contexte budgétaire contraint. Les bailleurs sociaux contribueront à la même hauteur au Fonds national des aides à la pierre, le FNAP, apportant de meilleures garanties de sécurité, de pérennité et de visibilité au financement du parc social.
Ces subventions sont complétées par d’autres aides de nature fiscale. Je pense notamment au taux réduit de TVA pour les opérations d’acquisition de terrains et de logements et la construction de logements sociaux, ou à l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, ou l’exonération d’impôt sur les sociétés.
Ces aides représentent dans leur ensemble 4 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux aides à la pierre. Elles permettent d’atteindre un taux moyen de subvention de 40 % d’un logement social. De surcroît, elles peuvent s’ajouter à certaines aides des collectivités locales et d’Action logement.
En outre, compte tenu du faible taux du livret A, que l'on a abaissé à 0,75 % au mois d’août 2015, les conditions de crédit favorables représentent un autre levier important pour la production de logements sociaux.
Selon les chiffres publiés le 19 janvier dernier, nous avons enregistré en 2015 une augmentation du nombre de logements sociaux de 2,3 % par rapport à 2014. Ainsi, 109 000 logements sociaux ont été agréés en métropole, auxquels il convient d’ajouter plus de 11 000 logements construits dans le cadre des opérations de rénovation urbaine de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.
Mais, au-delà de ce nombre, je souligne qu’un quart de ces logements ont été financés en prêts locatifs aidés d’intégration et sont ainsi destinés aux ménages les plus modestes. De plus, deux sur cinq sont situés en zone A, là où la demande est particulièrement forte. Car, s’il convient de construire plus de logements, notamment sociaux, il est essentiel de les construire là où sont les besoins.
Au-delà de la seule construction de logements sociaux, le Gouvernement a également souhaité renforcer leur rénovation. C’est une des grandes orientations, de l’« Agenda 2015-2018 », signé avec l’Union sociale pour l’habitat.
Ces résultats sont le fruit de l’action du Gouvernement, dans le cadre de la relance de la construction en faveur de l’accès au logement des ménages les plus modestes.
Ces efforts nécessitent cependant d’être poursuivis et pérennisés. Les mesures que j’évoquais y participeront incontestablement.
Je voudrais ensuite m’attarder sur la proposition, inscrite à l’article 2, de relever les plafonds d’accès au logement social. Elle nous paraît inadaptée à la réalité et à la mission du parc social.
En effet, nous devons promouvoir des parcours résidentiels ascendants et inciter ainsi les familles qui le peuvent à se tourner vers le parc locatif intermédiaire, privé dans certains cas, ou vers l’accession sociale à la propriété.
En 2009, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion avait diminué de 10,3 % les plafonds de ressources pour l’attribution de logements sociaux. L’objectif était notamment d’accroître la mobilité dans le parc social et de le recentrer sur sa mission première, mais aussi de contrebalancer la hausse mécanique des plafonds de ressources indexés sur le SMIC horaire, qui avait augmenté lors du passage aux 35 heures.
Aujourd’hui, 66 % des ménages se situent sous les plafonds de ressources PLUS et 81 % sous les plafonds PLS. Ainsi, une très large majorité de nos concitoyens a déjà accès à la demande de logement social.
On relève pour autant que le fichier national ne comptabilise que très peu de demandeurs PLS. Ainsi, notre travail est avant tout de sensibiliser ces ménages et de faire évoluer l’image du parc social.
En outre, il me paraît antinomique de vouloir augmenter le plafond de ressources ouvrant théoriquement droit au parc de logements, alors même que l’on souhaite en prioriser l’attribution aux ménages les plus modestes. Je rappelle que les demandes demeurent supérieures à l’offre disponible, et ce malgré l’effort important de l’État pour soutenir la production de logements sociaux depuis plusieurs années.
Les ménages dont les ressources sont supérieures aux plafonds du logement social ont vocation à s’orienter notamment vers le logement intermédiaire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) C’est que le Gouvernement promeut depuis quelques années. Je rappelle que cela a un effet moindre sur les finances publiques.
J’évoquais le Pinel. Je pourrais également mentionner la constitution de deux fonds créés avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Ils permettront de construire 35 000 logements intermédiaires d’ici à 2019, principalement en zones tendues.
Je serais incomplète si je n’évoquais pas le prêt à taux zéro, qui a été significativement renforcé, dans le neuf et l’ancien, en loi de finances pour 2016. Il permettra ainsi à des ménages aux ressources modestes ou moyennes, et surtout aux jeunes, d’accéder plus facilement à la propriété et de sortir ainsi du secteur locatif.
Nous savons en effet que l’achat est une aspiration partagée par nombre de nos compatriotes. Par le prêt à taux zéro, l’État les accompagne dans leur réalisation.
À « l’accès au logement social du plus grand nombre », que vous prônez, y compris dans l’intitulé de la proposition de loi, nous préférons « l’accès au logement pour tous ».
Le modèle français du logement social constitue un pilier central de cette politique. Par son rôle redistributeur et régulateur, il est l’instrument qui permet à près de 4,7 millions de ménages de bénéficier d’un logement abordable.
Mais, pour être réellement efficaces dans la lutte contre le mal-logement, nous devons mobiliser tous les leviers qui sont à notre disposition et intervenir sur l’ensemble des formes de logement, du très social à l’investissement locatif.
La thématique de l’accès au logement est indissociable de celle sur la mixité, notamment sociale. Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, elle est présentée comme un « ciment du pacte républicain ». Nous nous retrouvons sur ce point.
C’est pourquoi, quinze ans après l’adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, il est apparu nécessaire de réformer certains des outils. Le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté, qui passera en conseil des ministres au mois de mars, y contribuera. Son volet « logement » prévoit en effet de rénover la politique d’attribution des logements sociaux, la fixation des loyers, et de favoriser une meilleure répartition du parc social dans les territoires.
Vous le voyez, au travers de la politique qu’il met en œuvre, le Gouvernement ambitionne d’accompagner les parcours résidentiels et les projets de vie de nos concitoyens, en agissant de manière globale et cohérente sur l’ensemble des segments du marché du logement, sans les opposer, que ce soit sur l’accession à la propriété, le logement intermédiaire, la rénovation et, bien entendu, le logement social.
Le Gouvernement entend enfin adapter l’ensemble de ses outils aux problématiques qui se posent de manière différenciée selon les territoires, et donner les moyens d’œuvrer pour un aménagement harmonieux de nos villes et de nos quartiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme la rapporteur pour avis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays connaît depuis de nombreuses années une grave crise du logement. Nous le savons tous dans cet hémicycle. Nous savons tous également que l’engagement de campagne du Président de la République de faire construire 500 000 logements par an d’ici à 2017, dont 150 000 logements sociaux, ne sera pas respecté. C’est bien regrettable ; c’est le moins que l’on puisse dire.
D’après le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, plus de 3 800 000 personnes sont mal logées en 2016. Environ 900 000 personnes sont privées de domicile personnel, dont 140 000 sont sans domicile fixe.
Au-delà des 4 300 000 personnes qui occupent des logements surpeuplés, la situation de nos concitoyens au regard de leur logement est de plus en plus contrainte. Le logement est le premier poste de dépenses des ménages, et les prix de l’immobilier ont parfois tellement augmenté ces vingt dernières années qu’ils ont tout simplement conduit à l’exclusion de nombreuses personnes de certaines zones urbaines.
Cette situation d’exclusion de nos concitoyens par les prix est d’autant plus paradoxale que l’une des spécificités économiques de la France est que l’épargne de nos ménages, historiquement abondante, a majoritairement été orientée vers la pierre. Le livret A en est l’un des exemples les plus significatifs, puisque l’une des missions historiques de la Caisse des dépôts était justement de financer la construction du logement social grâce à l’épargne des Français.
En 2014, la Caisse a ainsi consenti plus de 16 milliards d’euros de prêts en vue de la construction ou de la réhabilitation de logements sociaux. Toutefois, le logement social ne représente pas l’horizon indépassable de toute politique du logement en France. À cet égard, la Caisse des dépôts a su diversifier ses activités en développant des filiales dédiées au logement intermédiaire.
Je crois que nous pouvons ainsi dessiner les grandes lignes de la question du logement en France. Tout le monde a besoin d’un logement, mais tout le monde ne souhaite pas nécessairement demeurer toute sa vie dans un logement social. En outre, au-delà de cet arbitrage, se pose la question du financement, aussi bien du logement social que du logement intermédiaire.
Aussi, le principal mérite de la proposition de loi de nos collègues communistes est de poser clairement la question. Faut-il sacrifier les efforts budgétaires et fiscaux de la Nation en faveur du logement intermédiaire pour stimuler le développement de l’offre de logements sociaux auprès de nos concitoyens les plus modestes et des classes moyennes ?
Cela revient à dire qu’il faudrait par nature favoriser le logement social sur les autres formes de logement en raison des modalités publiques de son financement.
Nos collègues du groupe communiste nous donnent une vision très nette du modèle qu’ils proposent en matière de politique du logement. Cela se résume en trois points : suppression des avantages fiscaux liés au logement intermédiaire ; extension du périmètre du logement social ; saupoudrage de dépenses publiques pour combler les manques ici et là.
C’est, peu ou prou, la dynamique qui apparaît à la lecture des trois articles de la présente proposition de loi. Vous en conviendrez, mes chers collègues, au regard de l’enjeu pour nos concitoyens, c’est très insuffisant.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que l’on favorise principalement le logement social comme forme du logement en France. Nous avons des besoins très clairs en la matière. Mais je ne comprends pas que, lorsque l’on observe la nature du mal-logement ou les difficultés d’accès au logement pour les plus démunis de nos concitoyens, on s’attache prioritairement à augmenter de 10 % les conditions de ressources permettant d’accéder au logement social.
Cela est d’autant plus regrettable que ce type d’initiative cristallise les oppositions sur un sujet devenu hautement symbolique depuis l’entrée en vigueur de la loi SRU. À cet égard, la position des élus locaux et des maires est très claire : le logement social n’est pas la solution unique à la crise du logement en France. Cette offre sociale n’est pas de nature à satisfaire la totalité de la demande ; vous le savez très bien.
Dès lors, il n’est pas légitime de sacrifier sur l’autel du financement du logement social le logement intermédiaire, qui devrait être naturellement destiné aux classes moyennes.
Certes, je peux comprendre qu’il soit tentant de supprimer ces dispositifs d’incitation fiscale, et je vois bien l’avantage budgétaire que nous pourrions tirer de la suppression du Pinel.
Pourtant, cela ne serait pas opportun : ces dispositifs fiscaux d’incitation à la construction semblent fonctionner. D’après les services de la commission des finances, plus de 750 000 logements auraient été construits ces trente dernières années au moyen des dispositifs Robien, Scellier ou autre Pinel.
Le véritable problème vient de la difficulté de dynamiser le fonctionnement du marché de la construction. Le prix du foncier, principalement en zone tendue, est un frein financier considérable. Les coûts de construction ne cessent de croître. Il y a, certes, le coût du travail, mais on ne mesure pas suffisamment le coût des normes de construction et leurs conséquences sur les chantiers.
Nous devrions, me semble-t-il, développer l’aide aux maires constructeurs, ce que l’on a commencé à faire. Si l’on veut obtenir une vraie mixité sociale, si l’on veut permettre un parcours résidentiel, ce que tous les élus semblent appeler de leurs vœux, il faut faire plus confiance aux maires et accroître leurs droits d’attribution dans les logements sociaux. Aujourd’hui, le taux de 20 % est très insuffisant ; c’est un frein à la construction de logements dans beaucoup de communes.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Vincent Delahaye. Quand un maire veut construire dans sa commune, les habitants lui répondent : « pas à côté de chez moi » ou « de préférence dans la commune voisine » !
Il me semble que nous devons être beaucoup plus ambitieux sur le soutien envers les maires et tous les élus qui souhaitent construire et le font de manière équilibrée.
M. Jean-Pierre Bosino. Nous sommes d’accord avec cela !
M. Vincent Delahaye. Il faut du logement social, du logement intermédiaire et de l’accession à la propriété. Les politiques publiques doivent favoriser cette diversité. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Je ne comprends pas la volonté d’augmenter le nombre de personnes pouvant avoir accès au logement social, alors que nous avons déjà des difficultés dans toutes les zones tendues pour répondre aux besoins des candidats qui se manifestent en nombre.
Voilà les questions que nous devrions traiter en priorité si nous souhaitons dynamiser le secteur du logement en France. Et encore, ce ne serait qu’une première étape. La congestion initiale du marché du logement conduit mécaniquement à freiner la circulation des logements déjà construits. Notre système fiscal alimente cette rétention. Sur ma proposition, le Sénat avait ainsi adopté au mois de décembre dernier une réforme de notre régime des plus-values immobilières, dont la finalité est justement de fluidifier le marché, donc l’accès au logement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe UDI-UC ne soutiendront pas cette proposition de loi, conformément à la position adoptée par la commission des finances. Ce texte a le mérite de poser une bonne question, pas celui d’y apporter une vraie réponse.
Nous devrons poursuivre la réflexion à l’horizon de la prochaine loi de finances. Toutefois, il est bien évident que ce n'est pas en sacrifiant le soutien au logement intermédiaire au profit du logement social que l'on résoudra la crise du logement en France. Les réponses sont donc encore à définir. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. - Mme la rapporteur pour avis, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je le constate, nous partageons assez largement, semble-t-il, l’idée que la quasi-suppression des aides à la pierre est un mauvais choix pour garantir le droit au logement.
Nos propositions permettraient d’augmenter significativement ces dernières, sans passer par une pression financière accrue sur les bailleurs, contrairement au choix effectué par le Gouvernement, qui, en créant un nouveau fonds national des aides à la pierre, confirme que les bailleurs sociaux sont les principaux financeurs des aides à la pierre. Un tel mécanisme revient à faire financer la construction nouvelle par les locataires eux-mêmes, indépendamment de toute idée de solidarité nationale.
Notre proposition de loi est claire. Nous souhaitons réorienter l’argent public, denrée rare et précieuse, vers la construction publique relevant de l’intérêt général. La suppression du dispositif Pinel est un pas en ce sens. Nous vous proposons de le compléter par une baisse du taux du CICE.
M. le rapporteur indique ne pas être favorable à cette suppression, parce que le dispositif serait trop jeune, fiscalement parlant. Il plaide ainsi pour la stabilité fiscale. Je dois le dire, en matière d’exonération fiscale, les gouvernements successifs ont le mérite de la stabilité ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Ce qu’on appelle aujourd’hui le Pinel s’est appelé avant le Scellier, le Robien, le Besson ou le Borloo, même si un encadrement différent a essayé d’en limiter les effets négatifs. Chaque ministre du logement a eu sa niche fiscale. On est donc plus dans la continuité d’une politique d’exonération fiscale, sur laquelle nous devons avoir des données fines permettant une analyse, pour une prise de décision.
Au regard des éléments dont nous disposons, nous considérons que tous ces dispositifs n’ont pas fait la démonstration de leur pertinence en la matière. La construction immobilière qui en est issue n’est pas celle qui répond aux besoins et à la demande ; vous n’avez pas abordé ce sujet, madame la secrétaire d’État.
En termes de surface, notamment, le Pinel conduit, comme précédemment, à construire des logements de quarante et un mètres carrés en moyenne, alors que la surface moyenne nationale des appartements est de soixante-trois mètres carrés. Les débats en commission ont par ailleurs soulevé les problèmes en matière de qualité du bâti et d’absence de lien entre le territoire et le bailleur.
Autre critique, et non des moindres, nous avons besoin de logements aux loyers accessibles. Les prix de location de ces logements avec cette aide fiscale sont environ 20 % moins hauts que les prix du marché, ce qui est encore beaucoup trop élevé pour la grande majorité des demandeurs.
Nous devons donc être pragmatiques, a fortiori alors que le périmètre d’éligibilité du dispositif a été élargi aux descendants et aux ascendants des propriétaires.
Qui peut contester qu’il s’agit clairement d’une niche fiscale permettant aux ménages les plus aisés de payer moins d’impôt ? Pour notre part, nous considérons que l’argent public doit être mieux utilisé.
Vous nous accusez également de ne vouloir que du logement public au détriment du logement privé. Cet argument n’est pas recevable. Nous ne contestons pas l’intérêt du logement privé. Nous souhaitons même qu’un effort particulier soit effectué en faveur de la réhabilitation de l’habitat dégradé privé. Nous intervenons régulièrement, et depuis fort longtemps, pour l’augmentation des crédits de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH. Nous disons simplement que le logement public doit faire l’objet d’une attention et d’un financement prioritaires par les pouvoirs publics. Nous déplorons d’ailleurs le désengagement de l’État sur tous les fronts, y compris sur le financement de l’ANRU ou de l’ANAH.
En revanche, vous ne pouvez pas soutenir l’idée d’un marché totalement libre et dérégulé tout en exigeant que ce marché soit soutenu très fortement par l’État via des dispositifs fiscaux financés par les impôts de tous. Cet assistanat à la promotion privée est un luxe dont l’État n’a aujourd’hui plus les moyens.
Nous parlons en effet de sommes importantes, en l’occurrence 1,8 milliard d’euros pour le logement. Ces sommes seraient mieux employées sous forme d’aides à la pierre pour construire du logement accessible et répondre à la demande, qui est immense. Je le rappelle, 1,8 million de nos concitoyens attendent un logement social, et ils sont plus de 5 millions à souffrir de loyers excessifs dans le privé. Les pouvoirs publics doivent répondre à cette urgence. À travers l’article 2 de cette proposition de loi, et par cohérence avec l’article précédent, nous souhaitons accroître la mixité sociale, ciment de la République, en rehaussant les plafonds d’accès au logement social.
En effet, en 2009, lors l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ou MOLLE, présenté par Mme Boutin, les plafonds d’accès au logement social ont été abaissés de 10 %. Je rappelle d’ailleurs que le Sénat avait à l’époque voté contre cette mesure.
Nous proposons simplement de revenir sur cette erreur. Elle a conduit à sortir du parc social nombre de nos concitoyens pour y faire rentrer des personnes toujours plus fragilisées, entraînant, avec le dispositif de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, ou DALO, une paupérisation globale du parc HLM, au sein duquel les locataires sont 70 % à être en situation de très grande pauvreté.
Aujourd’hui, les personnes les plus fragiles sont bloquées dans un parc ancien, le plus dégradé et le moins cher, créant des poches d’exclusion et de mal-vivre cumulant tous les handicaps. Parallèlement, le parc neuf peine à trouver des locataires, puisque, faute de subventions publiques à la hauteur, les prix de sorties sont trop élevés pour les capacités contributives réelles des personnes éligibles aujourd’hui au parc social. C’est une double impasse.
Nous défendons une vision généraliste du logement social. Nous croyons que la politique publique du logement est le meilleur des leviers pour garantir le brassage des populations, dont nous avons plus besoin que jamais ; c’est l’une des conditions de la reconstruction de la République.
Il faut d’ailleurs le rappeler, le logement public a été le lieu de l’innovation, de la modernité architecturale. Non, le logement social n’est pas forcément laid et gris ! Inversement, le logement privé n’est pas forcément beau et coloré. Pour nous, le logement social, c’est un bâti de qualité qui répond à des normes environnementales de grande exigence. Nous devons retrouver cette ambition !
Il faut également cesser de penser qu’on traitera de l’accueil de la diversité des populations par la politique spécifique de la ville, qui souffre, comme toutes les politiques publiques, de l’austérité.
Permettre la mixité réelle et le vivre-ensemble, ce n’est pas seulement lié à l’intelligence des commissions d’attribution ou à la création de programmes « mixtes ». C’est aussi permettre de loger, au sein du parc social, des populations encore plus diverses. En tant que maire, je suis régulièrement confrontée à ces enjeux.
À nos yeux, les dispositions de cette proposition de loi font avancer le droit au logement, en réaffectant des crédits à la construction publique, faisant en sorte que la société multiple et plurielle qui fait la richesse et la force de notre culture commune puisse s’épanouir pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord souligner que je suis toujours très étonné de l’attribution des textes entre les commissions, qu’il s’agisse, ce matin, de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique ou, à présent, de cette proposition de loi, qui a été renvoyée à la commission des finances. Il me paraît logique que la commission de l’économie soit saisie pour avis sur ce texte. En revanche, je comprends moins le choix qui a été retenu pour le débat de ce matin…
Mais j’en viens à la présente proposition de loi.
Ce texte a au moins le mérite de nous permettre un débat sur le logement ou, plutôt sur le mal-logement. Je ne reviendrai pas sur les observations du vingt et unième rapport de la Fondation Abbé Pierre ; il analyse le mal-logement comme un facteur qui amplifie les inégalités et entraîne des dégâts collatéraux, en particulier sur la santé et le décrochage scolaire ou social.
Le mal-logement s’est aggravé depuis l’adoption de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, défendue alors par Mme Boutin. Je me souviens d’ailleurs des débats que nous avions eus à l’époque. Cette loi est souvent appelée par son acronyme, MOLLE. Et, en effet, elle l’a été, « molle » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Il faut en priorité construire ou réhabiliter des logements dignes à loyer abordable, en particulier dans les villes qui en manquent et qui ne respectent pas la loi SRU. En outre, comme vous l’avez évoqué, madame la secrétaire d’État, il faut sans doute territorialiser son application, en fonction des besoins et des demandes des territoires.
En effet, il est anormal d’avoir autant de logements vacants, environ 2,6 millions, autant de personnes sans domicile fixe, autant de mal-logés ; certains parlent de 3,8 millions, comme cela figure dans le rapport que j’évoquais à l’instant.
Environ 3,1 % des logements sociaux sont vacants, avec des pointes à 5 % en Bourgogne. Je ne vais pas évoquer tous les départements du centre de la France, qui se situent globalement au double du pourcentage national.
C’est donc qu’il y a une anomalie dans l’attribution et la construction par rapport aux besoins. Je prendrai simplement comme exemple les 2 000 logements vacants dans mon département. Je pourrais également faire référence au reportage que vous avez pu voir à la télévision sur un maire qui avait réhabilité des logements sociaux et qui ne trouvait pas de locataires, même en offrant trois mois de loyer gratuit !
Certes, lorsqu’on réhabilite des opérations, par exemple dans le cadre de l’ANRU, le loyer augmente nécessairement, ce qui crée des difficultés pour certains locataires potentiels.
Je voudrais à présent évoquer la vacance des logements. Je pense également que notre système de dégrèvement progressif sur la plus-value a un effet de frein pour la mise sur le marché et favorise la détention, sinon la spéculation. Or cela devrait être l’inverse ! Le dégrèvement devrait être pratiquement instantané, en fonction inverse de la durée.
C’est d’ailleurs la position de certains pays nordiques, qui, s'agissant en particulier du foncier, affectent ou taxent la plus-value instantanément et la redonnent à la collectivité qui a placé le foncier en zone constructible. Sinon, il s’agit d’un enrichissement sans cause : ce sont bien les collectivités qui créent la plus-value, et non le propriétaire.
Face à ce constat partagé sur le mal-logement, nous devons nous poser un certain nombre de questions.
L’effort public atteint presque 40 milliards d’euros ; cela a déjà été dit. En loi de finances pour 2016, l’État prévoit ainsi d’y consacrer 18 milliards d’euros, certes en grande partie affectés à l’aide personnalisée au logement, l’APL, dont l’enveloppe approche les 8 milliards d'euros.
Cela m’interpelle ! On transfère des crédits d’aide à la pierre vers l’aide à la personne, comme dans la convention avec Action logement, alors que cela favorise – notre collègue Philippe Dallier peut en témoigner – un effet inflationniste sur le montant des loyers. Certains bailleurs en profitent ! (Approbations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-France Beaufils. C’est une vraie question !
M. Daniel Raoul. Ne serait-il pas nécessaire, au contraire, de plafonner l’APL en fonction de la surface ? Je ne parle pas ici de l’APL pour les étudiants, autre débat qui mérite d’être soulevé. Les sommes ainsi économisées pourraient être affectées à l’aide à la pierre.
On constate en effet des résultats insuffisants et un manque d’efficacité : les efforts s’élèvent à 40 milliards d’euros, pour un résultat que nous connaissons.
M. Michel Le Scouarnec. Vous êtes donc d’accord pour augmenter les aides à la pierre !
M. Daniel Raoul. Afin de gagner en efficacité, le Gouvernement a mis en place un fonds national des aides à la pierre, qui mobilisera 500 millions d’euros pour, nous l’espérons, 50 000 logements sociaux supplémentaires attendus.
Ce dispositif permettra aussi, au-delà de l’aide financière elle-même, de mettre en place une instance de codécision pour la programmation des logements sociaux et leur affectation sur le territoire en fonction des besoins.
Les premiers résultats pour 2015 semblent être au rendez-vous. Ainsi, 125 000 logements ont été agréés, en comptant l’outre-mer et les opérations de l’ANRU, soit une progression de 2,3 % par rapport à 2014.
Lors des auditions que nous avons menées dans le cadre du groupe de travail de la commission des finances sur le financement et la fiscalité du logement, un consensus s’est établi, parmi nos interlocuteurs, sur la nécessité de construire 350 000 logements par an.
Pour lutter contre le mal-logement, il faut actionner tous les moyens et investir dans tous les types de logements, du très social à l’investissement locatif et à l’accession sociale à la propriété. Cela permet de mettre en place un parcours résidentiel, invoqué par tous, qui libère des logements pour les plus modestes.
Or, l’article 1er vise à supprimer purement et simplement le dispositif d’investissement locatif Pinel, alors qu’il a permis, depuis le 1er janvier 2015, de débloquer des programmes en panne sur le territoire et d’augmenter de 23 % les ventes de logements neufs au second trimestre 2015 et de 66 % sur l’ensemble du premier semestre.
Il faut donc conforter cette tendance positive et donner de la stabilité à ce dispositif, mis en place voilà seulement un an. Pour autant, j’adhère à la nécessité d’en contrôler l’application sur le terrain. Je suis sûr que des économies sont possibles.
Il est proposé à l’article 2 de relever le plafond. Je n’y reviens pas de manière détaillée ; cela a été évoqué par plusieurs orateurs. Le premier effet de cette mesure serait d’augmenter l’éligibilité des demandeurs, donc, du fait de la sélection dans les comités d’attribution, de léser les plus modestes. Un effet secondaire serait évidemment de diminuer les recettes des surloyers de solidarité.
La baisse de la TVA à 5,5 % et les exonérations de taxe foncière nous paraissent nettement plus efficaces. On pourrait évoquer aussi le dispositif du prêt à taux zéro. Tout cela me paraît aller dans le bon sens. Comme vous l’avez confirmé, madame la secrétaire d’État, nous attendons le texte sur l’égalité et la citoyenneté, qui permettra sans doute de gagner en efficacité dans l’effort national.
Enfin, j’aimerais faire un petit sur l’article 3 de la proposition de loi. On nous présente cette disposition comme un gage financier. Or il n’y en a pas besoin ; l'adoption de l’article 1er aurait déjà pour effet d'augmenter les recettes publiques ! Par conséquent, ce gage n’a aucun sens, sinon celui d’offrir une tribune politique au groupe CRC pour manifester la cohérence de sa position sur le CICE ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme la rapporteur pour avis, applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de cette deuxième initiative de la journée de nos collègues du groupe CRC, après le débat, nécessaire, que nous avons eu ce matin sur les conséquences du traité transatlantique.
Je voudrais en particulier saluer mon collègue morbihannais Michel Le Scouarnec, à qui j’exprime publiquement mon profond respect pour ses engagements sans faille dans la défense des valeurs humanistes.
M. Michel Le Scouarnec. C’est un bon début !
M. Philippe Dallier, rapporteur. Attendez la suite !
M. Joël Labbé. Nous examinons cet après-midi une proposition de loi dont le titre, « favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre », ne peut que nous réjouir.
Le constat est sévère. Plus de 3,5 millions de nos concitoyens sont mal-logés ; 140 000 dorment encore dans la rue, dont 30 % d’enfants, et plus de 1,8 million sont en attente d’un logement social.
L’objectif du Gouvernement, que nous partageons tous, était de construire 500 000 logements, dont 150 000 à caractère social. Malheureusement, nous en sommes très loin. Certes, la conjoncture n’est pas favorable. En 2014, moins de 300 000 logements sont sortis de terre.
Une fois encore, je voudrais citer l’abbé Pierre, qu’il est bon de réinviter dans notre Haute Assemblée : « Sur ma tombe, à la place des fleurs et des couronnes, apportez-moi la liste de milliers de familles, de milliers de petits enfants auxquels vous aurez pu donner les clés d’un vrai logement. » (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Cette proposition de loi contient trois articles. Nous devons les examiner attentivement.
L’article 1er tend à mettre fin au dispositif Pinel, qui permet une défiscalisation pour l’achat d’un bien immobilier neuf pouvant atteindre 60 000 euros sur douze ans, à condition évidemment de louer le bien immobilier pendant cette durée.
Cette mesure, censée provoquer un effet de levier dans la construction, ne semble pas atteindre totalement les objectifs souhaités. Par ailleurs, elle coûte extrêmement cher.
Le fait de subventionner, à travers un crédit d’impôt, l’acquisition d’un bien immobilier privé, même assorti d’une obligation de location, peut déjà faire débat. Mais, lorsqu’il s’agit aussi – il faut le dire – de le louer à ses descendants ou ascendants, on peut vraiment douter de l’efficacité du dispositif et penser sérieusement que l’on facilite ainsi l’augmentation du capital privé à des fins individuelles par l’utilisation de l’argent public !
Mme Marie-France Beaufils. Absolument !
M. Joël Labbé. En outre, madame la secrétaire d’État, ce dispositif crée une iniquité entre les territoires qui sont éligibles et ceux qui ne le sont pas.
M. Philippe Dallier, rapporteur. On ne peut pas l’appliquer partout ! Il faut aussi tenir compte de la demande !
M. Joël Labbé. J’ai moi-même constaté, dans une période pas si lointaine, que les investisseurs choisissent de financer des projets se situant sur les communes qui bénéficient du dispositif, et pas sur les autres.
Le milliard et demi d’euros économisés pourrait servir utilement à alimenter les budgets consacrés directement à la construction de logements sociaux.
Je vous rappelle également les dérives d’un autre crédit d’impôt, qui est autant sujet à débats : le Censi-Bouvard, dont nous n’avons pas parlé depuis un moment. Son volet dédié aux résidences secondaires de vacances était tout bonnement intolérable ; cela constituait un cadeau aux centres de vacances privés, comme Center Parcs, qui sont des consommateurs d’espaces naturels considérables à des fins d’occupation saisonnière à titre privé. Madame la secrétaire d’État, le rapport sur ce dispositif, que nous avions demandé au mois d’octobre 2013, n’a toujours pas été remis par le Gouvernement, malgré des relances régulières auprès du cabinet de Mme la ministre du logement.
L’article 2 nous a laissés perplexes, mes collègues écologistes et moi.
M. Philippe Dallier, rapporteur. Vous n’êtes pas les seuls !
M. Joël Labbé. On peut comprendre qu’il faille relever les seuils permettant d’introduire une demande de logement social. Cela va dans le sens de plus d’égalité et répond à une partie du mécontentement des classes moyennes ayant les revenus les plus faibles, qui estiment souvent n’avoir droit à aucune aide.
Toutefois, dans un contexte de pénurie chronique de logements en général, et de logements sociaux en particulier, on comprend mal comment ce relèvement des seuils pourrait améliorer la situation.
On aurait pu imaginer, à la place, une augmentation des surloyers demandés aux locataires, dont les revenus ont évolué au-delà des plafonds de ressources. Nous aurions alors peut-être mieux perçu l’équité de la mesure.
Nous ne pouvons que souscrire à l’article 3, visant à gager la proposition de loi sur la modulation du CICE, tant nous avons rappelé par le passé nos réserves sur ce dispositif, qui, lui non plus, n’a vraisemblablement pas atteint ses objectifs en termes d’emplois et de résorption du chômage.
Nous continuons de subventionner plus fortement les très grosses entreprises, sans véritable contrepartie, alors qu’elles pratiquent l’optimisation fiscale et embauchent très peu.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et même licencient !
M. Joël Labbé. Cela s’effectue au détriment des très petites et moyennes entreprises, qui représentent un gisement potentiel d’emplois très important, ne pratiquent pas l’évasion fiscale et créent de la richesse sur l’ensemble de nos territoires.
Chers collègues du groupe CRC, je comprends le sens de votre proposition de loi. J’y souscris pour les deux tiers. Toutefois, je serai contraint de m’abstenir, au nom du groupe écologiste, sur l’article 2, à cause des doutes, que vous n’avez pu lever, sur la pertinence du relèvement du plafond de ressources. Pour le reste, comme deux tiers, c’est mieux que la moitié, je me prononcerai en faveur du texte lors du vote sur l’ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les chiffres du mal-logement évoluent sur fond de crise économique et financière, comme l’illustre le vingt et unième rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, publié voilà quelques jours. Il y a 3,8 millions de personnes qui sont concernées à divers titres : sans domicile fixe, habitations surpeuplées, logements privés de chauffage ou insalubres. C’est beaucoup trop !
Au sein de cet hémicycle, nous avons maintes fois évoqué la défaillance de la politique d’aménagement du territoire, qui entretient depuis trois décennies les difficultés économiques et sociales sur de mêmes lieux, au détriment de l'équité spatiale, qui est totalement absente de notre pays. En effet, il est illusoire de croire que la politique du logement peut être élaborée sans l’accompagnement d’une politique de l’emploi, de développement économique, de transports ou encore d’éducation.
Certes, les propositions de loi ne peuvent pas embrasser à elles seules une telle ambition. Toutefois, mes chers collègues, je m’exprimerai sans ambages : les mesures envisagées par la présente proposition de loi auraient pour conséquence d’entraver l’exercice du droit de toute personne à un logement décent, objectif à valeur constitutionnelle consacré en 1995 par le Conseil constitutionnel !
Tout d’abord, l’article 1er tire un trait sur le très jeune dispositif d’investissement locatif privé dit dispositif Pinel, à peine mis en place lors de la loi de finances pour 2015, alors qu’il produit des effets très positifs, avec la construction de plus de 47 000 logements supplémentaires à haute performance énergétique en 2015.
Cela constituerait une erreur regrettable. Ce serait mauvais signal envoyé à un marché de la construction qui connaît actuellement une timide reprise. Par ailleurs, vous le savez, au groupe du RDSE, nous avons beaucoup d’affection et de bienveillance pour Sylvia Pinel. (Exclamations amusées.)
M. Philippe Dallier, rapporteur. Ce n’est pas une raison en soi !
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. Il s’agit du dispositif ; pas d’elle !
M. Jean-Claude Requier. Nous souhaitons que son dispositif soit conservé, même après son départ annoncé du ministère ! (Sourires.)
Nous avons là un instrument plus attractif que le dispositif Duflot et, surtout, un outil territorialisé réservé aux biens immobiliers situés dans les zones tendues, répondant ainsi à des critiques récurrentes sur la dispersion de la politique du logement.
Ce dispositif, qui favorise le logement intermédiaire avec des loyers inférieurs de 20 % au prix du marché, atteint l’objectif visé à l’article 2, qui prévoit le relèvement des plafonds de ressources permettant de bénéficier d’un logement social.
Nous saisissons difficilement cette logique, qui aboutirait à augmenter le nombre de demandeurs de logements sociaux, alors que nous ne parvenons pas à satisfaire les 1,7 million de demandes en attente. L’adoption de cet article supposerait de reconnaître ce droit à la quasi-totalité des ménages, ce qui n’est pas souhaitable, les seuils de revenus en vigueur étant très généreux. Et ce n’est certainement pas la suppression du dispositif Pinel qui pourrait répondre à cette situation de carence de l’offre, puisqu’elle ne pourrait pas créer de logements disponibles immédiatement !
Le logement social doit être réservé à ceux qui en ont le plus besoin, faute de quoi il manquerait sa cible. Je pense en particulier à ceux qui sont reconnus prioritaires dans le cadre du droit au logement opposable. Nombreuses sont encore les familles qui sont logées dans le privé dans des conditions inacceptables et indignes !
La vocation du logement social n’est-elle pas de « satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées », conformément à l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation ?
En outre, le logement social a été conçu pour être une étape transitoire dans le parcours résidentiel des familles modestes.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Jean-Claude Requier. Or nous constatons que cela est de moins en moins le cas dans les faits.
Ainsi, nous aurions davantage compris une proposition de loi visant à favoriser l’accès au logement, social ou non, pour le plus grand nombre en location ou en accession à la propriété. En effet, si la location reste pertinente pour des raisons de mobilité et de dynamisme démographique, la proportion de propriétaires dans notre pays reste faible.
Ainsi rédigée, la proposition de loi ne propose qu’une vision très réductrice des instruments très divers de la politique du logement. En outre, la proportion de ménages modestes dans le parc social est sensiblement la même que dans le parc privé, comme le rappelle à juste titre le rapport de notre collègue Philippe Dallier. Il ne serait ni aisé ni pertinent d’opposer logement public et logement privé.
Si l’intention des auteurs de la proposition de loi est hautement respectable, puisqu’il est évident qu’il convient de poursuivre les efforts en matière non seulement de construction, mais également de réhabilitation des logements, les réponses apportées ne sont pas toujours les plus appropriées ou pertinentes dans le contexte que nous connaissons.
Surtout, la proposition de loi irait à l’encontre de son objectif premier, favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre, car elle desservirait les ménages les plus défavorisés.
Le projet de loi relatif à l’égalité et citoyenneté qui nous est annoncé permettra d’aborder la politique du logement sous plusieurs angles et d’examiner avec attention la question de l’attribution des logements sociaux ou la détermination des loyers qui méritent d’être réformées.
Au regard de ces considérations – nous ne chercherons pas à calculer s’il y a les deux tiers, les trois tiers, voire les « quatre tiers », comme dirait Marcel Pagnol ! (Sourires.) –, et bien que nous partagions une grande partie du constat dressé par les auteurs de cette proposition de loi, nous ne pourrons pas y apporter notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous partageons tous plus ou moins le constat : des moyens importants sont attribués à la politique du logement, mais les résultats tardent objectivement à se produire. Il en était ainsi depuis longtemps déjà !
Cela fait vingt ans que nous essayons de déterminer une politique de logement qui, tout simplement, réponde aux besoins des administrés dans nos communes. Mais c’est un débat à gros enjeux.
Pourquoi réformer la politique du logement ? Parce que le logement est au cœur de beaucoup de nos faiblesses : l’emploi, le pouvoir d’achat, la compétitivité… Le secteur est affaibli par un coût du logement qui est reconnu, en tout cas dans les instances extérieures à notre pays, comme prohibitif.
Le logement est le premier poste de dépenses des Français. Cela représente, en moyenne, de 22 % du total des dépenses à 45 % pour 20 % de la population.
Les prix de l’immobilier ont fortement augmenté. Seulement 383 100 permis de construire ont été délivrés en 2015. Nous sommes loin des 500 000 logements sociaux plus ou moins attendus par le Gouvernement.
De surcroît, le taux de rotation est faible dans les logements sociaux, 10 %, contre 22 % dans le privé.
La remise aux normes énergétiques du parc social vieillissant exigera des milliards d’euros. Au demeurant, nous avons tous subi les inconvénients de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, dont, fort heureusement, tous les décrets d’application n’ont pas été publiés.
M. Alain Gournac. Tant mieux !
M. Francis Delattre. La politique du logement est perçue par beaucoup de nos concitoyens comme un échec.
L’offre foncière est insuffisante, notamment dans les zones tendues. Toutes les mises à disposition de terrains appartenant à sphère publique, certes au nom de bonnes intentions, demeurent, pour l’essentiel, des fictions.
Les produits développés sont inadaptés sur bien des territoires. Il faut cesser de prôner une politique d’égalité entre eux alors qu’ils font face à des réalités objectivement différentes.
En région Île-de-France, la déconnexion d’un compte spécial du Trésor préfinançant toutes les réserves foncières qui ont permis la réalisation des villes nouvelles, donc la maîtrise foncière de milliers d’hectares, a été une erreur stratégique.
Aujourd'hui, les logements sociaux construits sont, de manière presque obsessionnelle, affectés de manière prioritaire aux bénéficiaires du DALO. Même si c’est louable, cela ne traite que l’urgence. Il n’y a pas de réflexion sur une politique urbaine de logement à long terme permettant de définir un équilibre des quartiers.
Mme Marie-France Beaufils. C’est pour cela que cette proposition de loi est nécessaire !
M. Francis Delattre. Une telle politique permettrait aussi d’éviter une ghettoïsation propice au développement du communautarisme…
Mme Marie-France Beaufils. C’est caricatural !
M. Francis Delattre. … et de nature à allonger la liste des quartiers risquant d’être relégués et stigmatisés.
L’échec est aussi économique. Cela vient de notre incapacité chronique à répondre correctement à la demande. Ce n’est pas que l’on ne construit pas de logements sociaux dans notre pays ; mais on ne les construit pas là où ce serait nécessaire !
Dans les villes qui dépassent les quotas édictés par la loi SRU, les logements sociaux ont été construits selon une rationalité urbanistique guère humaniste, à l’écart des quartiers anciens, mieux équipés. Dès lors, de nouveaux quartiers qui n’ont ni âme ni identité apparaissent, rendant la vie de la population difficile et, surtout, lui faisant ressentir socialement sa mise à l’écart. L’accès à l’emploi est particulièrement compliqué, par des trajets longs et stressants. Le trajet est même devenu un critère d’embauche pénalisant.
Par ailleurs, la durée d’occupation s’est singulièrement allongée. Elle est de douze ans, alors qu’en principe le logement social devrait seulement être une étape vers l’accession à la propriété ou la location d’un logement de type intermédiaire.
Enfin, la mixité sociale a disparu, dans la mesure où des politiques d’urbanisation ont conduit à une segmentation sociodémographique. Souvent, la recherche de la bonne école par les jeunes ménages altère la mixité sociale, mais aussi intergénérationnelle.
La mixité sociale s’est détériorée aussi parce que l’État n’assure pas toujours ses fonctions régaliennes essentielles : la sécurité sur l’ensemble du territoire français. Ainsi, dans les quartiers où l’insécurité est élevée, la mixité sociale se trouve affaiblie par le départ de certains commerçants, comme par celui des populations qui ont la possibilité de les quitter.
Mais l’échec le plus flagrant est le type d’occupation des logements sociaux. Près du tiers des ménages occupant des logements sociaux ont des revenus supérieurs au plafond de ressources ouvrant droit à l’attribution d’un logement social. Comprendre les difficultés du logement social suppose aussi de s’intéresser aux modalités de gestion des opérateurs et de l’application des critères de ressources.
En aucun cas, la crise du logement ne vient de la raréfaction des aides, souvent invoquée. En effet, 40 milliards d’euros, cela représente tout de même 1,9 % du produit intérieur brut, ce qui fait de la France la championne d’Europe des dépenses dans ce secteur.
Mais les résultats appellent pour le moins de grandes réformes. Aussi, comme il ne s’agit point seulement de critiquer, je vais essayer de formuler quelques propositions de réforme. C’est audacieux. Beaucoup sont d’ailleurs déjà connues, mais il faut les remettre au centre du débat.
D’abord, il faut diminuer le coût de la construction. Il est 50 % plus élevé, à villes et territoires équivalents, qu’en Allemagne. Autant d’argent que les ménages ne pourront pas consacrer à la consommation ou à l’épargne, avec des conséquences directes sur la croissance économique !
Les aides directes tant aux locataires qu’aux primoaccédants peuvent être facilement captées par les propriétaires ou les professionnels de l’immobilier, et avoir ainsi un pur effet inflationniste dès lors qu’il existe une pénurie d’offres de logements. En fait, nous avons besoin d’un pilotage très fin.
De même, les dispositifs protégeant de manière excessive le locataire ont des effets pervers ; tout le monde les connaît.
L’écart en France entre les prix de la construction et ceux de la consommation a augmenté depuis 2005 de 14 %, contre 5 % en Allemagne. Nous ne prenons pas le même chemin que nos voisins, et nous allons dans la mauvaise direction…
Pour inverser cette tendance, il est nécessaire de rationaliser les normes et les obligations réglementaires actuelles en matière de construction : accessibilité pour les handicapés, places de stationnement, obligations et normes techniques rigides, normes environnementales…
Par exemple, il suffirait que 20 % des logements construits respectent les normes, souhaitables, pour les handicapés pour satisfaire les besoins et réaliser des économies considérables.
En revanche, les normes basse consommation d’énergie doivent encore être améliorées. Les résultats sur les charges sont probants ; eux sont lisibles sur les factures !
Ensuite, concernant le foncier, il faut oser la densification en zone urbaine et à proximité des transports.
Certains terrains ayant abrité des locaux d’activité – de petites industries ou des stations-service – sont devenus inoccupés. Il se peut que ces terrains soient pollués, et donc inutilisables, mais l’État et les collectivités territoriales devraient s’associer pour prendre en charge tout ou partie des frais de dépollution et de démolition. Cela permettrait la réalisation de programmes immobiliers à vocation sociale ou intermédiaire dans des quartiers centraux, tout en évitant un renchérissement du foncier dans des secteurs souvent situés à proximité des transports en commun.
Il faudrait également favoriser les politiques de réserves foncières par l’intermédiaire d’établissements publics, tels que l’AFTRP, l’Agence foncière et technique de la région parisienne – à ceci près qu’on lui a supprimé ses moyens d’intervention… –, pour faire du moyen et du long terme. Cette politique avait permis de construire des villes nouvelles importantes, avec un prix du foncier tout à fait raisonnable. En procédant ainsi, nous mettrions aussi fin à des effets de mitage sur des secteurs sensibles ou agricoles.
Il faut en outre favoriser l’émergence de logements sociaux dans des zones très tendues, via la formule de mise à disposition de terrains sous forme de baux emphytéotiques ou via le paiement différé du prix des terrains. Certains montages émergent aujourd’hui, notamment le prêt foncier sur vingt ans, que je vous encourage à pérenniser, madame le secrétaire d’État.
Nous devons repenser les quartiers construits dans les années soixante et soixante-dix en termes de densification et de mixité sociale. Il s’agit d’un travail de longue haleine et de réflexion, incluant le logement intermédiaire, l’accession sociale, les commerces et les services.
En tout état de cause, les dispositifs mis en place doivent servir au développement de l’offre foncière et ne pas représenter des vecteurs de surenchère foncière. En entendant cela, la gauche devrait m’applaudir… (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
J’en viens aux réformes concernant l’offre.
Au titre du logement social locatif des jeunes, il faut proposer une offre unique aux jeunes, sans distinction entre étudiants et jeunes actifs. Dans le logement social ou intermédiaire, nous devons favoriser l’émergence des baux de location à durée limitée de deux ou trois ans pour favoriser la rotation, donc l’offre, dans ces logements « dédiés », ce qui permettrait à ces jeunes d’avoir du temps pour la mise en place de leur parcours résidentiel. Ces logements pourraient se développer soit au sein de résidences spécifiques, telles que les résidences sociales, soit au sein de résidences de logements familiaux classiques.
Cependant, je regrette que, depuis quelques mois, l’État souhaite agréer non plus des résidences sociales pour jeunes actifs mais des résidences « tous publics », auxquelles pourront accéder, notamment, les jeunes non étudiants. C’est une erreur !
M. Philippe Dallier, rapporteur. Eh oui !
M. Francis Delattre. Certes, l’État pourra y loger un public fragilisé, mais cela condamne, à plus ou moins court terme, tous ces projets intéressants de résidences sociales.
S’agissant du logement social des seniors, la récente loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a enfin reconnu les seniors comme une population spécifique : les commissions d’attribution peuvent désormais attribuer un logement adapté au handicap à un senior. Cependant, cette nouvelle possibilité n’est pas inscrite dans les conventions de conventionnement. Elle s’effectue donc à chaque rotation. Il faudrait remédier à ce dysfonctionnement.
Enfin, il convient de donner plus de responsabilités dans la gestion de la politique du logement aux maires et aux élus locaux.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Francis Delattre. Ils connaissent leur territoire, leur population ; ils connaissent chaque quartier, chaque immeuble, chaque copropriété, les points forts, les faiblesses. Aujourd’hui, les maires gèrent entre 10 % et 20 % de leur parc locatif social. À mon sens, il est nécessaire, pour relancer la construction de ces logements, de leur confier l’attribution de 50 % des logements sociaux construits sur leur territoire.
M. Jean-Pierre Bosino. Et des moyens !
M. Francis Delattre. Une réflexion sans préjugés est indispensable afin de trouver un consensus entre la population qui reçoit et celle qui arrive, car il n’est pas toujours aisé politiquement de faire admettre un programme de logements sociaux.
M. Alain Gournac. Très juste !
M. Francis Delattre. Il importe également de réformer les financements. Avec les sommes considérables qu’il consacre au logement, l’État est un partenaire naturellement obligé des collectivités territoriales, mais une responsabilité mieux partagée, notamment avec les agglomérations, permettrait de lever bien des obstacles et de mettre fin à bien des défiances qui paralysent la décision de construire, laquelle demeure, mes chers collègues, un acte politique fort.
Aujourd’hui, il faut complètement refonder la politique du logement dans notre pays si nous voulons créer une offre plus importante, notamment pour favoriser l’accession sociale à la propriété à des mensualités modérées. Nous devons également changer notre vision du logement social, qui doit englober aussi bien l’accession sociale à la propriété que le logement locatif géré par les offices d’HLM.
Une relance forte de l’accession sociale à la propriété est nécessaire pour contribuer à débloquer des parcours résidentiels. Il importe également de décloisonner le fonctionnement des bailleurs sociaux, qui ne demandent qu’à se diversifier pour eux-mêmes y participer.
M. Jean-Pierre Bosino. Bien sûr !
M. Francis Delattre. Mes chers collègues du groupe CRC, vous l’aurez compris, nous sommes assez éloignés des objectifs que vous souhaitez nous assigner. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) Néanmoins, permettez-nous de vous remercier d’avoir permis ce débat intéressant pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui a pour objet de favoriser l’accès au logement social pour le plus grand nombre, soulève la question essentielle de la situation du logement dans notre pays. Ses auteurs soulignent tout particulièrement la nécessité de construire des logements accessibles pour tous, équitablement répartis, comme l’a dit Daniel Raoul, et questionnent finalement notre « vivre ensemble ».
Si nous ne pouvons adhérer aux solutions préconisées, telles que la suppression du dispositif d’investissement locatif et la majoration des plafonds de ressources, la proposition de loi a le mérite de revenir sur la question du marché du logement, qui est n’est pas une marchandise comme les autres et qui nécessite un effort de solidarité nationale.
Au dernier congrès du mouvement HLM, le Président de la République a réaffirmé son objectif de construire plus et la volonté de l’État de se donner les moyens de l’atteindre. La ministre du logement, Sylvia Pinel, l’a rappelé à cette occasion : le logement social « est un pilier de notre socle républicain, qui démontre chaque jour son indispensable utilité pour nos concitoyens. […] Il permet à plus de 4 millions de ménages de bénéficier d’un logement abordable, et de préserver un pouvoir d’achat menacé par la crise économique ».
La fondation Abbé-Pierre vient de démontrer de nouveau, si besoin en était encore, l’urgence de la situation. Dans son dernier rapport de décembre 2015, elle indique que la crise du logement s’aggrave, non seulement à cause d’une offre insuffisante, mais aussi du fait de l’appauvrissement de certains ménages. En effet, pour ceux qui ont un logement ou qui veulent en acquérir un, le coût est devenu insupportable.
En France 3,8 millions de personnes sont touchées par le mal-logement, dont 900 000 sont sans logement – et le nombre de personnes sans abri augmentent ! –, 64 000 en situation d’hébergement et 934 000 en surpeuplement. Par ailleurs, 5,3 millions de ménages consacrent plus de 35 % de leurs revenus aux dépenses de logement, soit une augmentation de 42 % depuis 2006. Il s’agit d’une conséquence du doublement de la hausse des loyers et de la stagnation des revenus.
Enfin, la Fondation Abbé Pierre pointe le fait que l’offre de logements sociaux n’augmente pas suffisamment pour faire face à cette demande consécutive à l’appauvrissement de la population. Elle évoque ainsi le nombre de demandeurs en attente de plus d’un an, qui a augmenté de 24 %, alors que le nombre de locataires ayant accédé à la propriété a, lui, baissé de 27 %.
Pourtant, le plan de relance de la construction commence à produire ses effets et la reprise se confirme.
M. Philippe Dallier, rapporteur. C’est une vision optimiste !
Mme Annie Guillemot. Le marché des logements neufs est ainsi en hausse de plus de 20 % par rapport à 2014. Avec le projet de loi de finances pour 2016 – à cet égard, permettez-moi de regretter de nouveau que le Sénat ait rejeté les crédits de la mission « Logement » –, le Gouvernement a encore intensifié ses efforts pour la construction et la rénovation, et donc pour l’emploi et l’accès au logement. En effet, pour que tous les Français disposent d’un logement digne et abordable, tous les leviers doivent être actionnés dans le but de construire des logements sociaux et intermédiaires ainsi que pour soutenir les opérateurs tant publics que privés.
Le soutien au logement intermédiaire ne s’est pas fait au détriment du logement social, et nous ne devons pas opposer construction de logements sociaux et encouragement à l’investissement locatif. D’ailleurs, dès 2012, le Gouvernement a recadré le dispositif d’investissement locatif pour éviter les effets d’aubaine et réduire sensiblement son impact sur les finances de l’État.
M. Philippe Dallier, rapporteur. C’est pour ça que nous avons dû faire ensuite le « Pinel » !
Mme Annie Guillemot. Dans le contexte que nous connaissons, envisager la suppression d’un dispositif qui soutient depuis des années le BTP n’est pas possible.
Le dispositif Duflot-Pinel, réajusté par rapport au dispositif Scellier, notamment, a largement contribué à l’augmentation de 23 % des ventes de logements neufs en 2015.
De plus, la mobilisation du Gouvernement pour le logement social commence aussi à porter ses fruits, puisque l’année 2015 a été marquée par l’augmentation de 2,3 % par rapport à 2014 du nombre de logements sociaux financés.
Enfin, comme vient de l’annoncer le Président de la République lors du bicentenaire de la Caisse de dépôts et consignations, 3 milliards d’euros vont être mobilisés pour accroître la capacité d’investissement de la CDC d’ici à 2017, avec deux priorités : le logement et la croissance verte. Ces fonds contribueront à financer 50 000 logements sociaux de plus.
Pour revenir au « vivre ensemble », que j’ai évoqué au début de mon intervention, il est à noter que cette proposition de loi revient sur un sujet essentiel, à savoir la mixité sociale dans l’habitat. Comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, ce thème est au cœur du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui va venir prochainement en discussion et qui tend à répondre à l’urgence de renforcer la mixité sociale pour lutter contre la fragmentation de notre société et les coupures territoriales. Or la mixité est d’abord indispensable dans le secteur du logement. Il ne peut plus y avoir des villes avec des logements sociaux et des villes sans logements sociaux.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
Mme Annie Guillemot. Il ne peut être toléré qu’une partie de la population, au seul motif de son niveau de revenu, soit exclue de communes entières. L’État est le garant du respect par toutes les communes de leurs obligations légales, comme l’a indiqué le Premier ministre Manuel Valls.
La loi SRU a fixé l’exigence minimale de mixité sociale dans l’habitat à 20 % de logements sociaux et des obligations de rattrapage sur vingt ans pour les communes en retard. La loi de 2013, complétée par la loi ALUR de 2014, va plus loin, avec une cible de 25 % en 2025 dans les zones tendues. Pour autant, selon le dernier bilan, la réalité des chiffres est insatisfaisante : si 1 022 communes soumises à « obligation SRU » se sont en majorité engagées dans des actions utiles pour combler leur retard, la minorité de celles qui résistent à la loi reste considérable ; ainsi, plus de 220 communes ont été déclarées en carence au titre de ce bilan.
Le 14 janvier, nous étions nombreux autour de Louis Besson et Jean-Claude Gayssot, qui, en tant que ministres, ont porté la loi SRU, promulguée le 13 décembre 2000, pour fêter les quinze ans de ce texte. Rappelons-nous combien il est indispensable de lutter sans relâche contre les effets de la ségrégation sociale comme territoriale ! Il faut renforcer l’attractivité des quartiers les plus défavorisés et donner l’opportunité à des ménages aux revenus modestes de se loger dans les secteurs les plus favorisés. Des engagements seront prévus dans le texte « Égalité et citoyenneté » pour mieux répartir les logements sociaux dans nos territoires, réformer l’attribution de logements sociaux avec des critères de priorité, ajuster encore le dispositif SRU pour une meilleure répartition territoriale du logement social et mieux répondre à la demande.
Mes chers collègues, savez-vous que près de la moitié des logements sociaux construits entre 2000 et 2008 sont dus à la loi SRU dans les communes où elle s’applique. Elle a ainsi déjà permis la construction de 450 000 logements sociaux dans des communes qui n’en avaient pas et qui n’en auraient jamais eus si cette loi n’avait pas été votée.
M. Philippe Dallier, rapporteur. Caricature !
Mme Annie Guillemot. J’espère que nous serons nombreux dans cette assemblée pour soutenir le projet de loi « Égalité et citoyenneté », dont l’objectif principal est de casser les logiques de ségrégation, d’éviter d’ajouter de la pauvreté à la pauvreté et de favoriser ainsi la mixité sociale, tout en conciliant celle-ci avec le droit au logement. Il faut le marteler : le logement est un des premiers vecteurs de la mixité sociale et territoriale. Favoriser le « vivre ensemble » dans notre République revient aussi à réaffirmer les valeurs républicaines ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre
Article 1er
L’article 199 novovicies du code général des impôts est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet article a pour objet d’abroger le dispositif Pinel. Cette exonération fiscale coûtera 240 millions d’euros à l’État en 2016 – un coût qui va exploser au fil des années. Entre 2015 et 2016, il a déjà été multiplié par trois.
Je rappelle que, sur les 40 milliards d’euros dépensés en faveur du logement, 12 milliards d’euros sont consacrés à des niches fiscales. Il s’agit bien là d’argent public profitant directement à des personnes privées, qui ainsi payent moins d’impôts, mais les logements financés de la sorte ne procurent aucune des garanties qu’apporte le logement social.
Comme le soulignaient certains de nos collègues en commission des finances, le dispositif Pinel crée peut-être du logement mais du logement qui n’est pas forcément toujours de bonne facture. Ainsi, Mme Fabienne Keller se disait frappée par la faible qualité des logements réalisés et craignait que le « Pinel » ne prépare les propriétés dégradées de demain.
D’après une étude du Crédit foncier, reprise par la CNL, le revenu moyen des bénéficiaires du dispositif Pinel est de 67 000 euros par an. Dans le même temps, les aides à la pierre que le Président Hollande avait promis de doubler ont été amputées. Quant au fonds national des aides à la pierre, qui sera effectif au 1er juillet, il sera alimenté principalement par les bailleurs et, donc, par les locataires.
À travers cet article, nous posons une question de justice fiscale et de justice sociale. Rappelons que c’est l’offre de logements publics qui peut empêcher la hausse des loyers, y compris dans le privé. Actuellement, la précarité progresse et les aides personnalisées au logement, qui suivent la courbe ascendante des loyers, atteignent 18 milliards d'euros. Or le glissement des aides à la pierre vers les aides personnalisées au logement est une erreur que nous subissons depuis 1977, depuis les politiques de Raymond Barre.
Le poste de dépenses consacrées au loyer dans le budget des ménages n’a eu de cesse d’augmenter pour être proche de 30 %. C’est l’un des niveaux les plus élevés en Europe.
Nous devons prendre de nouvelles orientations en matière de politique en faveur du logement. Pour nous, cela passera par la suppression du dispositif Pinel, des autres dispositifs fiscaux de même nature et le redéploiement des crédits sur les aides à la pierre. Le logement privé doit être financé par le privé !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’article. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-France Beaufils. Lors de la discussion générale, le temps de parole accordé à nos collègues membres du groupe Les Républicains a été de trente-cinq minutes, contre quelques minutes seulement pour le groupe CRC. Je vais donc expliquer mon vote, ne serait-ce que pour rétablir l’équilibre !
Aucun des arguments que j’ai entendus ne vient étayer l’utilité du dispositif Pinel. Le ministère a même été incapable jusqu’à maintenant de nous donner des chiffres concrets sur les constructions réalisées. Ces données sont toutefois fournies par la Fédération des promoteurs immobiliers. Le seul élément mis à notre disposition, c’est le nombre de foyers fiscaux qui ont bénéficié de ce dispositif en 2014 : 4 727 foyers, pour 16 millions d'euros.
Selon le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2016, dont la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques faisait état précédemment, ces dispositifs ont permis d’augmenter l’offre de logements locatifs, mais ils n’ont pas contribué directement à la production de logements à loyer modéré, même s’ils ont favorisé indirectement la détente du marché locatif. Le seul effet de cette dépense fiscale est donc bien de favoriser une rente au bénéfice des plus fortunés.
Mes chers collègues, je vous invite à prendre connaissance de la période durant laquelle l’allégement fiscal est autorisé. Vous constaterez que le nombre d’années en question permet de couvrir en totalité – ou à peu de choses près – le coût de l’investissement. Cela devrait quand même nous faire réfléchir !
Il me semble que l’impôt payé par les contribuables finance plus la construction d’un logement relevant du dispositif Pinel que celle d’un logement de type PLAI. Et c’est sur ce point que nous voulons véritablement interpeller tout le monde ! Je crois que ceux qui préparent le projet de loi, dont je ne connais pas encore le contenu, seraient bien avisés de tenir compte de la discussion que nous avons aujourd'hui s’ils veulent vraiment améliorer la situation.
En tout état de cause, le choix du dispositif Pinel ne nous semble pas de nature à faire évoluer les choses dans le bon sens. Puisqu’on nous exhorte à la plus grande rigueur et à la bonne utilisation de l’argent public, nous suggérons de réorienter ces sommes vers les aides à la pierre.
À ceux qui prétendent que la suppression du dispositif ferait perdre des capacités au secteur du bâtiment et des travaux publics, je rétorque que la construction de nouveaux logements locatifs sociaux peut permettre de compenser ladite perte. Les arguments qui nous ont été apportés pour le moment ne me paraissent pas confirmer que nous avons tort dans notre choix ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er n'est pas adopté.)
Article 2
Les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux fixés en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation sont majorés de 10,3 % à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Considéré il y a encore quelques années comme une promotion sociale et l’élément de base d’un parcours de résident, le logement social était aussi un outil d’aménagement du territoire et un vecteur de progrès en matière d’urbanisme – on a beaucoup parlé des maires bâtisseurs tout à l’heure.
Je vous rappelle qu’il y a cinquante ans, pour bien des familles françaises, habiter dans des logements sociaux comportant plusieurs pièces et équipés en eau courante et électricité était un signe de réussite. N’oublions pas que de très grandes et grands architectes ont conçu des logements sociaux. Je pense à Le Corbusier, à Renée Gailhoustet ou à Jean Renaudie.
Comment sommes-nous passés de cette conception du logement social à la vision que nous en avons aujourd’hui, à savoir un logement réservé uniquement aux plus pauvres ? Nous défendons, pour notre part, non une vision restrictive du logement, mais une vision universelle. Tel est l’objet de l’article 2.
Oui, nous souhaitons rehausser de 10,3 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social afin d’élargir l’accès au logement social et d’y favoriser la mixité ! Cette mesure constituerait un bref retour en arrière, nous ramenant seulement avant la loi Boutin, et n’aurait rien d’extraordinaire dans un pays où les salaires sont bas ; je rappelle que 80 % des salariés gagnent moins de 2 000 euros par mois !
Nous avons chacun en tête, dans nos mairies ou dans notre entourage, des exemples de personnes qui, parce qu’elles dépassent légèrement le plafond, ne peuvent pas accéder au logement social. Tel est le cas, par exemple, d’un professeur des écoles qui débute aujourd’hui sa carrière.
M. Raoul a indiqué en commission des finances qu’il craignait que le relèvement des plafonds de ressources et l’ouverture corrélative de la possibilité pour d’autres personnes d’accéder au logement social ne privent les bailleurs sociaux des surloyers. Nous pensons nous – nous sommes cohérents ! – que les bailleurs peuvent avoir d’autres ressources que les locataires, notamment les aides à la pierre. Tel était l’objet de l’article 1er. Par ailleurs, il serait intéressant d’arrêter de ponctionner les fonds propres des bailleurs sociaux.
Nous avons entendu l’argument selon lequel le relèvement des plafonds élargirait le nombre de personnes éligibles au logement social. Bien sûr ! Mais ce n’est pas en cassant le thermomètre que la fièvre disparaîtra ! Il y a une demande, et il faut y répondre !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 2 relève les plafonds d’accès au logement social afin de répondre à notre volonté de renforcer la mixité sociale et urbaine, préalable indispensable à la construction d’un vivre ensemble harmonieux. C’est une urgence !
Ainsi, dans les Hauts-de-Seine, territoire de richesses mais aussi de très fortes inégalités, le logement social est en très grande souffrance. Onze des trente-six communes du département sont toujours hors la loi, restant en deçà des 20 % de logements sociaux. Ce chiffre atteint même vingt-deux communes si l’on prend comme référence la barre des 25 % de logements sociaux.
Encore faut-il y regarder de plus près ! Lors du dernier bilan publié en 2015, une certaine commune – Neuilly, pour ne pas la citer – comptait seulement 4,71 % de logements sociaux. Elle comptabilise dans son quota de logements sociaux des places d’hébergement d’urgence, qui consistent en quarante cabines – d’une superficie de neuf mètres carrés ! – sur une péniche gérée par l’Armée du salut et financée par l’État.
Je voudrais également citer la façon assez édifiante dont a été traité le dossier de la résidence universitaire d’Antony, qui comptait initialement plus de 2 000 logements, soit 14 % du parc étudiant d’Ile-de-France. Cet espace de onze hectares a en effet avivé les appétits fonciers spéculatifs puisque, en lieu et place, émergera du logement de haut standing, ne laissant la place qu’à 1 000 logements étudiants de superficie inférieure à l’existant et pour des loyers supérieurs.
Voilà quelques exemples qui me font dire que la proposition de loi de notre groupe a décidément toute sa pertinence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Dallier, rapporteur. Je voudrais apporter une précision à nos collègues. En effet, j’ai entendu dire par deux fois quelque chose d’inexact.
Si, en 2009, dans la loi MOLLE, Mme Boutin avait proposé de diminuer les plafonds, c’était pour une raison bien simple : au cours des années précédentes, ces plafonds de ressources étaient remontés mécaniquement puisqu’ils étaient indexés sur le taux horaire du SMIC. Or, après le vote de la loi sur les 35 heures, les gouvernements de notre majorité ont relevé chaque année, sur quatre ou cinq ans, de 5 % le taux horaire du SMIC, ce qui a provoqué une augmentation mécanique des plafonds de ressources – je n’irai pas jusqu’à dire sans en prendre conscience, mais, en tout cas, l’effet a été là. Quoi qu’il en soit, en 2009, nous sommes revenus à la situation antérieure, qui avait toujours été le niveau moyen des plafonds de ressources.
Quand vous nous proposez de corriger ce qui avait été fait dans la loi MOLLE, vous oubliez la raison pour laquelle précisément cela avait été fait...
La commission des finances ne peut donc que maintenir son avis défavorable sur cet article. Nous restons en effet persuadés que 82 % des ménages éligibles au PLS, car c’est aussi une catégorie de logement social, c’est bien suffisant.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. Je ferai quelques remarques sur les raisons qui nous conduisent à élargir les plafonds d’accès au logement social dans notre proposition de loi.
Il ne s’agit pas, comme je l’ai entendu, de chasser du parc les plus fragiles. Je veux le rappeler, les plus fragiles sont de toute façon prioritaires au sein des commissions d’attribution. Cela a d’ailleurs été souligné devant la commission des affaires économiques. Et c’est une réalité que nous connaissons tous ! Il s’agit simplement de permettre à une nouvelle catégorie de population d’accéder au parc public actuel, ce qui favoriserait une véritable « mixité sociale ».
Je rappelle quand même à nos collègues qui semblent l’avoir oubliée une réalité, que j’ai vécue pendant presque une vingtaine d’années d’habitat dans un parc de logement social : la diversité des populations y était présente. À ce moment-là, nous n’avions pas les formes de ghettoïsation que nous connaissons aujourd'hui, qui conduisent à regrouper des populations vivant dans des situations très dégradées et bien souvent catastrophiques, ce qui ne permet pas de donner une qualité de vie à l’ensemble des habitants.
Comme le rapporteur le disait, nous voulons aller jusqu’à la cage d’escalier. Encore faut-il que des candidats illustrant cette diversité puissent arriver jusqu’à la cage d’escalier ! Aujourd'hui, nous ne pouvons guère bouger, parce que les plafonds de ressources bloquent les conditions de cette évolution.
Instituer des îlots de pauvreté dans un parc ancien et dégradé ne peut mener qu’à une société plus violente, parce que la situation est vécue comme plus injuste et inégalitaire par les personnes qui ne peuvent monter dans un ascenseur social particulièrement bloqué. C'est la raison pour laquelle nous pensons que notre proposition tendant à faire évoluer les plafonds de ressources permettrait de progresser. Peut-être faut-il changer le mot « social », qui est accolé au terme de logement, et le remplacer, à l’instar de ce qui se faisait à une époque, par « logement pour tous ». Nous ouvririons ainsi un panel plus large de logements accessibles à beaucoup plus de monde.
Si nous persistons à faire du logement intermédiaire à côté de l’accession à la propriété et à côté du logement social, nous continuerons à avoir des gens qui n’arrivent pas à vivre ensemble.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 n'est pas adopté.)
Article 3
La perte de recettes qui résulte de l’application de la présente loi pour l’État est compensée, à due concurrence, par la baisse du taux de crédit d’impôt mentionné au III de l’article 244 quater C du code général des impôts.
M. le président. Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que, si l’article 3, par cohérence avec la suppression des deux premiers articles, n’est pas adopté, ce qui est vraisemblable dans la mesure où il prévoit un gage, il n’y aura plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi. J’invite donc ceux qui souhaiteraient expliquer leur vote sur l’ensemble du texte à le faire dès maintenant.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Nous sommes satisfaits du débat qui vient d’avoir lieu. Notre groupe a posé une bonne question, qui obtiendra peut-être une réponse prochainement – en tout cas, nous l’espérons.
Mes chers collègues, il y a parmi nous des maires bâtisseurs qui comprennent bien la problématique du logement social et qui ont beaucoup fait dans ce domaine.
Mme Éliane Assassi. Certains continuent à beaucoup agir !
M. Michel Le Scouarnec. Oui, certains continuent à le faire. Pour d’autres, parmi lesquels je me compte, cela remonte à un récent passé : je ne suis plus maire ! (Sourires.)
Nous sommes par ailleurs d’accord avec bien des propos qui ont été tenus pendant ce débat : la diversité dans le logement est nécessaire. Peut-être même faudrait-il inventer une nouvelle gamme de logement, en particulier pour notre jeunesse. En effet, les logements en foyer qui existent aujourd’hui sont souvent trop identiques les uns aux autres et ne répondent peut-être pas aux besoins de tous les âges. Une réflexion doit être menée sur ce point.
Notre priorité reste tout de même l’offre de base : un logement de qualité à un loyer abordable. Nous connaissons trop de gens – nous intervenons en leur faveur – qui peinent, mois après mois, à payer leur loyer. Certains arrivent à conserver de justesse leur logement ; d’autres sont expulsés. N’oublions pas non plus les logements insalubres : un énorme travail doit être accompli avec l’ANAH et les bailleurs sociaux pour que les logements offerts soient de qualité et moins énergivores.
Ceux d’entre nous qui ont l’expérience du renouvellement urbain ont été confrontés à des situations douloureuses : il fallait parfois déraciner des familles installées dans un logement depuis vingt ou trente ans, parce que l’offre ne correspondait plus à leurs moyens.
Le logement social représente donc un grand chantier pour notre pays. C’est une grande affaire pour l’emploi : une famille mal logée ne dispose pas de tous les atouts nécessaires pour trouver un emploi ou faire réussir ses enfants à l’école, alors qu’une famille vivant dans le confort a des conditions de réussite tout à fait différentes. Si nous sommes d’accord là-dessus, mes chers collègues, peut-être pouvons-nous faire un bout de chemin ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Évelyne Yonnet applaudit également.)
M. le président. Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Dépôt d’un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à celle des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
11
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes
Adoption d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (proposition n° 225, texte de la commission n° 333, rapport n° 332, avis n° 313) et de la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (proposition n° 226, texte de la commission n° 334, rapport n° 332, avis n° 313), présentées par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer ma profonde satisfaction de vous présenter aujourd’hui la proposition de loi organique et la proposition de loi relatives aux autorités administratives indépendantes ainsi qu’aux autorités publiques indépendantes, textes que j’ai cosignés avec MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard. En effet, leur inscription à l’ordre du jour du Sénat en cette semaine d’initiative parlementaire illustre la trajectoire quasi parfaite d’un travail de contrôle.
Cette proposition de loi et cette proposition de loi organique traduisent sur le plan législatif les propositions formulées dans le rapport de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, qui a été créée en mai 2015 sur l’initiative du groupe du RDSE et que j’ai eu l’honneur de présider. Je veux rendre ici hommage à la qualité du travail accompli par son rapporteur, Jacques Mézard. Nous avons conduit les investigations de la commission en partageant les mêmes convictions quant à la manière de procéder : pas de chasse aux sorcières mais une revue de détail. Ainsi, à travers plus de quarante-deux auditions et l’élaboration d’un questionnaire approfondi sur les modalités de création, de fonctionnement et de contrôle des autorités administratives indépendantes, ainsi que sur les règles de leur composition, nous sommes parvenus à formuler des conclusions et à des préconisations qui ont été adoptées à l’unanimité des membres de la commission d’enquête.
L’adoption de ces deux propositions de loi, aujourd’hui au Sénat et – pourquoi pas ? – demain à l’Assemblée nationale, donnerait tout son sens à la fonction de contrôle du Parlement.
Comme je l’ai dit il y a un instant, nous entendions non pas mener une chasse aux sorcières, mais bien plutôt nous inscrire dans le droit fil des travaux du doyen Patrice Gélard, notre ancien collègue ; celui-ci, à travers deux rapports remis respectivement en 2006 et en 2014, s’inquiétait de la prolifération de ces autorités dépourvues de véritable définition juridique.
Le constat est en effet peu satisfaisant. Depuis la création, en 1978, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, plus de quarante autorités ont vu le jour sans corpus juridique et déontologique commun, alors même que certaines d’entre elles exercent des prérogatives considérables dans des secteurs clés. Les raisons d’être de ces organes sont variées et loin d’être toutes justifiées. Parfois, il s’agissait de garantir l’exercice de libertés publiques : tel est l’objet de la CNIL, du Défenseur des droits ou encore du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Dans d’autres cas, il convenait de réguler des secteurs économiques s’ouvrant à la concurrence et dans lesquels l’État constituait un acteur historique de poids. On peut citer l’Autorité de la concurrence, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ou encore l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Dans ces deux derniers cas, l’État « contrôleur » veille à travers l’autorité administrative indépendante au respect des règles définies par l’État « acteur » au titre de ses compétences régaliennes ou en tant qu’acteur économique. La création d’une autorité administrative indépendante répondait aussi parfois à des obligations internationales ou européennes.
Force a été de constater que toutes ces autorités ne répondent pas à des critères juridiques bien identifiés. Le Conseil d’État lui-même, dans son rapport public de 2001, invoquait autant la nécessité que le hasard pour justifier la création d’un certain nombre d’entre elles. Depuis lors, ce glissement n’a fait que s’accélérer : certaines autorités indépendantes ont été créées pour permettre à l’État, en quelque sorte, de se défausser. Il s’agissait de répondre à un scandale politique, avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ou encore de ne pas assumer des décisions impopulaires, avec la HADOPI ou le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Mme Corinne Bouchoux. Ça, c’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bien plus, le mode de création de ces autorités ne respecte aucune règle juridique précise : une autorité administrative indépendante peut certes être créée par la loi, qui la qualifie comme telle d’emblée, mais le législateur peut aussi accorder cette qualification a posteriori. Le juge administratif ou constitutionnel peut également reconnaître cette qualification à travers un faisceau d’indices. Enfin, de façon plus surprenante, cette qualification peut résulter de la doctrine, au motif de la volonté supposée du législateur. Celui-ci, tel M. Jourdain, aurait créé des autorités administratives indépendantes sans le savoir…
Pour mettre fin à cette situation peu satisfaisante, l’article 1er de la proposition de loi organique reprend la proposition n° 1 de la commission d’enquête et dispose, en application de l’article 34 de la Constitution, que toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi. Celle-ci fixe également les règles relatives à leur composition, leurs attributions, ainsi que les principes fondamentaux relatifs à leur organisation et à leur fonctionnement.
La proposition de loi établit donc un statut général pour ces autorités.
Sans entrer dans le détail, j’insisterai ici sur trois points qui m’apparaissent particulièrement importants.
Les règles applicables au mandat des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes sont harmonisées : la durée du mandat est fixée à six ans ; il est non révocable et non renouvelable.
Les règles déontologiques sont renforcées – s’agissant notamment des incompatibilités ou des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale – et harmonisées, tant pour les membres que pour les personnels de ces autorités.
Les modalités de leur contrôle sont précisées, afin que le Parlement puisse effectivement l’exercer. Le texte prévoit notamment la remise au Gouvernement et au Parlement d’un rapport annuel, qui constituerait le support d’un débat en séance publique. Il est également demandé au Gouvernement de présenter, en annexe générale au projet de loi de finances pour l’année, un rapport sur la gestion de ces autorités, construit sur des critères détaillés permettant d’établir des comparaisons et un suivi. Il s’agit là d’un élargissement bienvenu tant du périmètre que du contenu du « jaune budgétaire » actuel.
Je souligne en outre que le contrôle du Parlement pourra s’exercer également à travers la procédure de nomination du président de ces autorités administratives indépendantes. La proposition de loi organique complète le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010, afin que l’ensemble des présidents de ces autorités soient soumis à la procédure de nomination prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
En conclusion, je souhaite insister sur un point – nous y reviendrons dans le débat. Il s’agit, évidemment, de la liste des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes figurant en annexe de la proposition de loi.
Cette liste comprend vingt autorités et a été élaborée après un examen attentif par la commission d’enquête. Il s’agit bien ici de simplifier le paysage administratif afin de rendre plus lisible l’action de l’État et plus opérant le contrôle du Parlement. La liste retient des autorités réellement indépendantes, dotées d’un pouvoir normatif effectif de régulation ou de sanction. Celles qui ne sont pas retenues ne sont pas supprimées pour autant, tant s’en faut. Elles doivent pouvoir être requalifiées. Le titre importe peu : agence, observatoire, voire commission…
Il est évident que les avis sur les instances qui méritent l’appellation d’autorité administrative indépendante seront nuancés selon que l’on s’intéresse plus spécifiquement à tel ou tel secteur. Mais n’oublions pas, mes chers collègues, l’objectif général : la simplification. Celui-ci doit constituer, pour nous, une ardente obligation. Le débat est ouvert – et sera animé par la discussion de plusieurs amendements – ; mais, avec cette liste de vingt autorités, nous ne sommes pas loin de la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais moi aussi dire ma satisfaction qu’au terme des travaux de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, menés dans les derniers mois de l’année 2015, nous puissions dès aujourd’hui donner une traduction législative aux propositions qu’elle a formulées. C’est la démonstration que le Sénat peut travailler vite et bien, et pas simplement après engagement de la procédure accélérée…
Nous vous présentons aujourd’hui, Marie-Hélène Des Esgaulx – qui a présidé avec talent la commission d’enquête et vient de parfaitement résumer l’essentiel de nos objectifs –, Jean-Léonce Dupont et moi-même, deux textes qui, s’ils sont, comme je le souhaite, adoptés par le Sénat, devraient avoir ensuite une vie législative à l’Assemblée nationale. Il y va en effet de l’intérêt général, lequel exige plus de simplification et plus de transparence. Ces deux objectifs devraient être partagés par tous, y compris par les membres du Gouvernement…
Je ne reviendrai pas sur le constat que la commission d’enquête a mis en lumière : la prolifération, depuis trente ans, des autorités administratives indépendantes, sous des formulations diverses, place le Parlement face à une mosaïque d’organismes aux budgets, aux compétences et aux pouvoirs d’une variété sans commune mesure. Si les juristes avaient le même goût que les botanistes pour les herbiers, ils collectionneraient, avec les AAI, une flore insoupçonnée, que nous avons eue, quant à nous, l’occasion de découvrir.
Face à cette situation, notre ancien collègue, le doyen Gélard, avait frayé dès 2006 un chemin, dont il avait rappelé les contours, avant de quitter le Sénat, en 2014. Dresser la liste des AAI et des API par la loi et leur conférer un statut général qui, sans nier leur spécificité, forme un corpus commun de règles : telles sont les préconisations que la commission d’enquête a faites siennes et que la commission des lois a unanimement approuvées. Je tiens d’ailleurs à remercier mes collègues de tous les groupes, qui ont participé à cette commission d’enquête avec un esprit constructif jamais démenti.
L’attribution au législateur de la compétence exclusive pour créer une AAI ou une API relève d’une évidence qui s’est d’ailleurs imposée progressivement dans la pratique, même si cette règle a connu une exception, avec la création d’une autorité par le pouvoir réglementaire sans fondement législatif. En effet, dès lors que la création d’une autorité indépendante a des implications indéniables en matière d’organisation administrative et – n’ayons pas peur de le dire – en matière de séparation des pouvoirs, il est normal que le consentement du Parlement soit requis.
On peut difficilement admettre que le Gouvernement décide seul de créer une telle autorité ou de reconnaître a posteriori qu’une autorité échappe à sa tutelle : cela reviendrait à priver le Parlement de la possibilité de demander à un ministre de rendre compte d’une mission qui désormais lui échappe. Si une autorité indépendante se « détache », en quelque sorte, du Gouvernement, tout en demeurant au sein du pouvoir exécutif, elle ne peut en revanche être exonérée d’un contrôle parlementaire. C’est, dans notre République, la condition de toute légitimité démocratique : si un organe ne procède pas du suffrage universel, il doit à tout le moins être responsable devant la représentation nationale.
La responsabilité n’emprunte certes pas, s’agissant de ces autorités, les mêmes voies que celles qui président au contrôle du Gouvernement par le Parlement. Pour autant, on ne peut, à l’inverse, en conclure qu’elles doivent en être exonérées – bien que certaines le revendiquent expressément. Ce contrôle doit s’exercer de manière d’autant plus complète qu’il incombe à certaines de ces autorités la responsabilité de conduire un pan entier des politiques publiques. Qui nierait aujourd’hui que le CSA est devenu le véritable « ministère de la communication » ou que la politique en matière de concurrence relève pleinement de l’Autorité de la concurrence ?
Au vu des conséquences de la décision qui consiste à reconnaître la qualité d’AAI ou d’API à un organisme, cette prérogative doit être réservée au législateur. Ce principe est posé à l’article 1er de la proposition de loi organique ; l’article 1er de la proposition de loi en prévoit la mise en œuvre : ses auteurs y dressent une liste que le débat en séance publique permettra d’examiner avec attention.
La commission des lois s’est accordée sur la nécessité de rendre une homogénéité à la catégorie de ces autorités indépendantes, en y incluant les autorités dont les caractéristiques, sans être identiques, sont suffisamment proches.
Votre commission a considéré que recevoir la qualité d’AAI supposait, comme l’expression le commande, d’une part, d’être une autorité administrative et, d’autre part, de disposer d’une indépendance à l’égard du Gouvernement. Les auteurs de la liste retenue par la commission d’enquête et figurant en annexe de la présente proposition de loi ont ainsi pris soin d’écarter les organes qui ne disposaient pas de pouvoirs de décision ou de contrainte à l’égard de tiers. La simple fonction consultative ou de médiation ne justifie pas la qualité d’autorité administrative indépendante. Loin de constituer une remise en cause du bien-fondé de la mission confiée aux autorités auxquelles n’est pas reconnue cette qualité, ce principe se borne au constat selon lequel le pouvoir de recommander, de proposer ou d’interpeller publiquement ne s’analyse pas en un pouvoir contraignant.
Lorsqu’une autorité satisfait à ce critère, il appartient au législateur de décider s’il souhaite lui conférer la qualité d’autorité administrative indépendante ou d’autorité publique indépendante. Le Parlement possède une compétence discrétionnaire, sans être arbitraire, pour juger quel organisme doit – ou ne doit pas – figurer sur cette liste. Dès lors, cette liste est toujours susceptible d’évolution, dans un sens ou dans un autre. Il n’existe aucun droit acquis à être une AAI.
Je voudrais, à cet égard, dissiper un malentendu sur la liste : celui qui consiste à penser que la qualification d’AAI résulte de manière automatique d’obligations européennes ou internationales contractées par la France. Le rapport de la commission d’enquête prouve incontestablement que face à une même exigence européenne ou internationale, les États concernés ont traduit l’impératif d’indépendance par des formules juridiques tout à fait variées. Là encore, être indépendant ne signifie pas forcément être une AAI, au contraire de ce qu’un raccourci facile peut suggérer.
Je voudrais également lever certaines craintes relatives aux effets de cette liste. Les membres de plusieurs autorités qui n’y figurent pas – pour certaines, parce que la loi ne les a jamais expressément qualifiées d’AAI – ont ressenti cette absence comme un « désaveu », voire comme une « déchéance » ou une éviction. Gardons-nous d’adopter une approche si peu rationnelle et observons la situation avec la distance nécessaire.
Je voudrais rappeler que, contrairement à ce qui a pu être avancé, l’exclusion de la catégorie des AAI ne signifie pas la disparition de l’organisme, ni même la fin de son indépendance. D’une part, les textes adoptés par la commission ne remettent en cause l’existence d’aucune autorité. Mieux, ils ne modifient les attributions et les prérogatives d’aucune d’entre elles – tel n’était d’ailleurs pas l’objectif de la commission d’enquête. D’autre part, l’indépendance n’est pas la prérogative exclusive des organismes possédant le statut d’AAI. Dans le cas contraire, il faudrait admettre que la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations ou encore le Haut Conseil des finances publiques ne sont pas indépendants, au seul motif qu’ils ne sont pas des AAI. Nous savons qu’il n’en est rien.
À côté des AAI et des API, dont le statut répond à des critères particuliers, peuvent exister des organismes qui, sans appartenir à ces catégories, présentent des gages d’indépendance, par leur antériorité, par leur composition, par l’absence de directives gouvernementales dans la conduite de leurs travaux.
Bref, que certains organismes ne figurent pas au sein de cette liste ne signifie nullement leur anéantissement. Formes abouties de l’indépendance, les AAI et les API n’en ont pas le monopole. Toutes doivent, quoi qu’il en soit, respecter une limite intangible : l’indépendance ne peut se concevoir à l’égard du Parlement. Représentants du peuple, les parlementaires doivent pouvoir demander à tout organe non juridictionnel de rendre compte de son administration devant eux.
J’en viens à la deuxième mission à laquelle s’est attachée la commission des lois lors de l’établissement du texte : fixer pour ces autorités un statut général, suffisamment ambitieux pour être utile, mais suffisamment général pour ne pas entraver le fonctionnement habituel de ces autorités dans le carcan de règles trop précises. La création d’un statut général est, au fond, l’aboutissement logique d’une convergence progressive que le législateur a engagée lorsqu’il s’est agi de fixer, par rapprochement, les règles applicables à plusieurs nouvelles autorités.
Peut-on pour autant se satisfaire de cette situation, où les règles, éclatées au sein de différents codes et lois, se trouveraient harmonisées de manière contingente ? Le secrétaire général du Gouvernement le croit, comme il me l’a confirmé lors de son audition, et ne manquera pas, j’en suis sûr, de renouveler sa position par votre voix, monsieur le secrétaire d’État. Telle n’est pas notre position, et le débat que nous aurons, à travers la discussion des articles, aura le mérite de « remettre à plat » des règles décidées au regard des particularités d’une seule autorité, sans réflexion d’ensemble. Ces règles sont aujourd’hui considérées comme normales ; mais lorsqu’elles sont inscrites dans un statut général, elles suscitent la discussion – preuve que le débat parlementaire n’est pas inutile.
La création d’un statut général est également le moyen de comparer les règles qui garantissent l’indépendance de ces autorités, pour constater que si certains statuts répondent aux « canons » de l’indépendance – je pense au CSA ou à la HATVP –, d’autres sont pour le moins lacunaires, pour ne pas dire surprenants. Peut-on, par exemple, se satisfaire que la durée du mandat du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et les règles déontologiques qui lui sont applicables relèvent d’un simple décret ? Peut-on admettre que le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers soit agréé par le ministre avant sa nomination ? Ces exemples, pris isolément, peuvent susciter une compréhension passagère, mais ils constituent des curiosités juridiques que l’élaboration d’un statut général met particulièrement en lumière.
Une précision s’impose pour clarifier l’articulation de ce statut général avec les statuts particuliers de chaque autorité : le statut général, comme le précise l’article 3 de la proposition de loi, a vocation à s’appliquer « sauf disposition contraire ». Il s’agit là de la garantie la plus forte contre toute visée d’uniformisation.
Avec ce statut général, la commission s’est accordée sur quelques règles essentielles.
Un membre d’une AAI ou d’une API doit disposer d’un mandat non révocable et non renouvelable. Ce mandat doit lui assurer un droit à rémunération et à indemnité dès lors que des fonctions importantes lui sont confiées.
Un même membre ne peut exercer, par opposition à certaines situations révélées par la commission d’enquête, plusieurs fonctions au sein de plusieurs autorités. Pour répondre aux observations formulées par plusieurs AAI, je souhaite souligner qu’une telle incompatibilité ne fait pas obstacle à la présence de membres d’une autorité dans le collège d’une autre lorsque la loi le prévoit expressément, comme entre la CNIL et la CADA. Ce n’est ici que l’application de la règle selon laquelle les lois spéciales dérogent aux lois générales.
Mes chers collègues, les dispositions que nous avons prévues permettront, de manière démocratique, d’aboutir à une harmonisation souhaitable, voire indispensable. Ainsi, l’incompatibilité générale entre le mandat au sein d’une AAI et la détention d’intérêts au sein du secteur régulé, laquelle a suscité des réactions, présente certes des risques. Il est cependant nécessaire, pour des raisons de principe, d’aller dans ce sens. Reste que les soupçons ne sont pas infondés quand on connaît les difficultés rencontrées par la HATVP pour contrôler le respect des obligations déontologiques en matière d’instruments financiers ou quand l’on songe que, à la date du 8 octobre 2015, 20 % des membres de l’Autorité de la concurrence n’étaient pas en règle au regard de leurs obligations déclaratives à l’égard de la HATVP !
M. Jean-Claude Requier. Ah bon ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. C’est un exemple parmi d’autres…
La proposition de loi et la proposition de loi organique que nous soumettons à votre examen vont dans un sens de simplification et de transparence et sont nécessaires au bon fonctionnement de nos institutions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et la proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes représentent la traduction législative des conclusions d’une récente commission d’enquête sénatoriale, dont nous venons d’entendre deux des prestigieux animateurs.
Ces conclusions ont livré une analyse sévère de ces structures, jugées trop nombreuses, insuffisamment contrôlées et propices à un recrutement endogamique, à une sorte d’« entre soi », pour reprendre les termes employés dans le rapport. Ces éléments ont été excellemment développés par les deux précédents orateurs.
Les textes que nous examinons aujourd’hui encadrent et clarifient, à juste titre, les autorités administratives indépendantes. Ils identifient celles pour lesquelles ce statut apparaît légitime, supprimant en conséquence cette qualité aux autres.
Plusieurs de ces autorités interviennent dans les secteurs de compétence de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui s’est en conséquence saisie pour avis, dans le respect des prérogatives de la commission des lois, de plusieurs articles traitant respectivement de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, de la Commission nationale d’aménagement cinématographique, la CNAC, de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et du Haut Conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le HCERES.
La commission de la culture a suivi les coauteurs des deux textes que nous examinons, en admettant la pertinence du retrait de la liste annexée à l’article 1er de quatre des institutions concernées.
Nos propositions ayant été retenues ou satisfaites par la commission des lois, lors de sa réunion du 27 janvier dernier, pour ce qui concerne le CSA, le HCERES et les conditions de l’indépendance des médiateurs du cinéma, du livre – en attendant celui de la musique, dont nous parlerons la semaine prochaine à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine –, je limiterai mon intervention aux difficultés que pose le présent texte s’agissant de l’ARDP et de la HADOPI. Je précise que la commission des lois a souhaité que les amendements déposés sur ces deux questions soient examinés en séance.
La commission de la culture a jugé qu’il était essentiel que l’ARDP, autorité de régulation de la presse écrite, demeure libre à l’égard des éditeurs de presse et qu’elle continue à être une AAI, statut qui lui a été conféré récemment, et à l’unanimité, par la loi du 17 avril 2015.
Son coût est limité pour le budget de l’État et sa nouvelle mission, fort délicate, d’homologation des barèmes des messageries de presse et de régulation des conventions régissant les réseaux et différents niveaux de distribution de la presse écrite, nécessite une indépendance accrue vis-à-vis des acteurs de la distribution. Le renforcement de son rôle a d’ailleurs été accepté par tous les acteurs concernés. Vous pouvez lire le rapport de 2015 qui a été publié à cet égard.
La Cour d’appel de Paris en 2013, puis en 2015, et surtout le Conseil constitutionnel dans une décision du 7 janvier 2016 se sont d’ailleurs fait l’écho de cette indispensable indépendance. Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, retenu la qualification d’AAI.
J’ajoute, pour gagner du temps sur le débat d’amendements, qu’en arrière-plan de l’ARDP il y a la loi Bichet du 2 avril 1947, qui a organisé la solidarité entre les différents formats de presse écrite et qui garantit la pérennité de la presse d’information politique et générale, dite IPG. Nous touchons donc là à des sujets d’importance en termes d’exercice des libertés publiques.
Quant à la HADOPI, notre commission estime que son indépendance constitue la condition indispensable à l’établissement d’un équilibre entre les intérêts antagonistes des ayants droit et des consommateurs d’œuvres culturelles sur internet et à la garantie de la sécurité juridique nécessaire à la mise en œuvre de la réponse graduée, notamment pour ce qui concerne la protection des données personnelles des internautes et la régulation des mesures techniques de protection, les MTP. Sur ce point, la HADOPI dispose de pouvoirs précontentieux, ce qui nécessite de recourir au statut d’AAI, y compris dans le cadre fixé par la proposition de loi et par la proposition de loi organique.
Au travers de trois amendements, la commission de la culture souhaite donc rétablir ces deux autorités, l’ARDP et la HADOPI, dans leur statut existant, en les intégrant à la liste annexée à l’article 1er et en modifiant en conséquence l’article 25 de la proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons la proposition de loi et la proposition de loi organique déposées par Marie-Hélène Des Esgaulx, Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard, qui visent à instaurer un statut unique pour les AAI et les API.
La notion d’API est claire : les autorités publiques indépendantes sont des autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité juridique. Cette catégorie est précisément définie et l’on en décompte sept, qui ont toutes été créées par la loi.
La catégorie des AAI a été créée par le Parlement pour la première fois en 1978 à propos de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Elle est moins précisément définie puisque, si la qualification d’AAI résulte le plus souvent de la loi, elle peut aussi provenir d’un acte réglementaire, de la jurisprudence, d’un avis des formations consultatives du Conseil d’État ou d’une analyse de caractère doctrinal.
À cette diversité d’origine s’ajoute une diversité de finalités, si bien que c’est en vain que l’on tente de les classifier.
Ce constat et cette analyse sont partagés par le Gouvernement. Or, face à cet éventail très large de possibilités, il est tout à fait légitime de s’interroger sur les garanties communes offertes en matière de déontologie, d’indépendance ou de rationalisation des modes de fonctionnement de ces autorités. Le Gouvernement souscrit totalement à ces objectifs, mais, pour les atteindre, il ne préconise pas le même chemin.
Je tiens aussi à dire que, en dépit des améliorations nécessaires sur lesquelles nous travaillons déjà, je n’approuve pas la lecture très à charge que vous proposez des AAI. Ces dernières effectuent souvent un travail remarquable, que je tiens à saluer. Je ne crois pas que l’absence de statut unique suffise à justifier un tel climat de suspicion.
Face à la disparité des situations, vous proposez de voter une loi et une loi organique qui portent statut commun des AAI et des API. C’est une idée ancienne, maintes fois débattue au sein de chaque assemblée.
Sur la durée, ce sujet a conservé tout son intérêt, mais il a évolué, et la réponse apportée sous la forme d’un statut commun a perdu de sa pertinence.
D’abord, la situation a beaucoup changé ces dernières années, et les lois qui s’appliquent déjà aux AAI et aux API constituent un cadre qui, s’il n’est pas uniforme, traduit des principes et des règles communes d’organisation et de fonctionnement. Il existe en la matière des législations diverses, et je vous renvoie à cet égard au rapport du sénateur Gélard de 2014.
Concernant le pouvoir de nomination du Président de la République, l’article 13 de la Constitution impose, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, que ce pouvoir s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Parlement est ainsi associé à la nomination du président des principales AAI. La loi organique du 23 juillet 2010 retient seize AAI dans son champ.
En matière de transparence, l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que « les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes » adressent une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts.
En matière de parité, il y a l’ordonnance du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
En matière budgétaire, l’article 75 du décret du 7 novembre 2012, dit « GBCP » – gestion budgétaire et comptable publique –, donne au président d’une AAI la qualité d’ordonnateur secondaire, sauf disposition législative contraire.
Les jurisprudences administrative et constitutionnelle fixent également des principes communs à l’ensemble des autorités. Le statut personnel des membres du collège doit ainsi assurer l’indépendance de l’autorité. Celle-ci repose notamment sur l’irrévocabilité du mandat.
D’autres règles, liées à la notion d’indépendance, sont le plus souvent retenues : durée fixe et assez longue du mandat et caractère non renouvelable de ce mandat, un régime particulier d’incompatibilités.
Ensuite, la plupart des dispositions contenues dans la proposition de loi et la proposition de loi organique reprennent des principes et des règles qui s’appliquent déjà aux AAI et aux API. Il en est ainsi de l’article 1er de la proposition de loi organique relatif à l’institution des AAI et des API par la loi. Il existe désormais un consensus pour que seule la loi institue une telle autorité.
L’article 2 prévoit qu’une API dispose de la personnalité morale. La proposition de loi ne fait sur ce point que transcrire la définition de l’API, qui est précisément une AAI dotée de la personnalité morale.
Aux termes de l’article 16, il faut un règlement intérieur pour chaque AAI et API. La plupart des AAI disposent déjà d’un règlement intérieur. Le fait de subordonner l’intervention du règlement intérieur à un décret en Conseil d’État constituerait un alourdissement important de la procédure.
Selon l’article 19, le président de l’autorité est ordonnateur des recettes et des dépenses. Cette disposition s’applique déjà pour la plupart des autorités. À titre d’exemple, l’Autorité de la concurrence, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le CSA, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou encore l’Autorité des marchés financiers l’appliquent déjà.
L’article 22 prévoit un rapport au Gouvernement et au Parlement. Toutes les autorités recensées par la proposition de loi sont soumises à cette obligation par les dispositions législatives qui leur sont propres, comme le constatait déjà le sénateur Gélard en 2014.
Je veux maintenant revenir sur un certain nombre de difficultés que posent vos propositions et qui justifient la position du Gouvernement.
Si plusieurs règles relatives à la déontologie, à l’impartialité et à l’indépendance sont désormais communes à toutes les AAI, il est en revanche très difficile d’imaginer bâtir un cadre commun. Celui-ci ne pourrait pas tenir compte de la variété des missions et des champs d’action des autorités. Par conséquent, les bonnes mesures pour les unes sont parfois injustifiées, voire inappropriées pour les autres. Prévoir un cadre législatif commun présenterait de nombreux inconvénients : un statut unique pourrait difficilement permettre de répondre à la diversité de fait des autorités.
Quant à l’article 8 relatif au non-renouvellement des mandats des membres des AAI, cette règle peut s’avérer indispensable dans certains cas, mais contre-productive dans d’autres, par exemple quand la technicité de la matière peut rendre utile un renouvellement.
L’article 11 porte sur l’incompatibilité de la présidence d’une autorité avec tout autre emploi public. Cette règle est utile quand la présidence est un emploi à plein temps, mais très inadéquate dans le cas contraire.
Sur l’article 9, portant sur l’incompatibilité entre les fonctions de membre du collège et de la commission des sanctions, une fois encore, ces règles ne prennent pas en compte la diversité d’organisation des autorités.
Le Conseil constitutionnel s’assure que les fonctions de poursuite et d’instruction sont effectivement séparées du pouvoir de sanction au sein d’une AAI, conformément au principe d’impartialité. Cela n’impose pas que le législateur soit tenu d’organiser une séparation organique de ces différentes fonctions. Une séparation fonctionnelle peut satisfaire aux exigences constitutionnelles, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à l’Autorité de la concurrence.
Certaines dispositions des deux propositions de loi vont également à l’encontre de la volonté du législateur ou du Gouvernement. Elles reviennent à remettre en cause des décisions récentes. Je pense au retrait de la qualité d’AAI à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ; à la suppression de la qualité d’API à la HADOPI, qui est transformée en établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture, alors qu’elle poursuit des missions correspondant à celle d’une autorité indépendante.
D’autres propositions paraissent soulever de réelles difficultés constitutionnelles : la suppression de la qualité d’autorité à la Commission consultative du secret de la défense nationale, alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la QPC du 10 novembre 2011 se fonde notamment sur cette qualité pour reconnaître la constitutionnalité de la procédure de déclassification dont elle a la responsabilité.
L’article 11 de la proposition de loi et l’article 2 de la proposition de loi organique prévoient une incompatibilité avec tout mandat électif. Une telle mesure peut être justifiée dans certains cas si l’autorité prend des décisions ayant un impact local, sur les questions de réseaux par exemple. Certaines dispositions législatives le prévoient déjà. Mais cette règle posée de manière générale serait-elle pertinente et constitutionnelle, notamment au regard de la décision du Conseil constitutionnel sur la QPC du 28 novembre 2014 ?
En conclusion, il n’apparaît pas nécessaire de bâtir au forceps un cadre juridique commun à toutes les autorités, qui ne tiendrait pas compte de leur diversité et appliquerait des règles parfois inadaptées.
À la marge, la très grande diversité des domaines d’intervention et des modalités d’action des autorités peut nécessiter des différences d’organisation et de fonctionnement, qui ne sont pas nécessairement des marques de dysfonctionnement. C’est pourquoi l’orientation que le Gouvernement retient depuis quelques années est certainement la plus pragmatique et la plus opérationnelle : continuer à identifier les thèmes communs pour les traiter un à un, sans pour autant imaginer une grande loi-cadre qui ne pourrait être adaptée à chacune d’entre elles.
Il ne s’agit pas, tant s’en faut, de renoncer aux objectifs vertueux poursuivis au travers de votre initiative. Nous proposons seulement d’être plus pragmatiques et plus agiles en choisissant l’harmonisation, la rationalisation, la mutualisation. Autant de sujets concrets auxquels le statut commun ne répond que très partiellement.
Je peux citer des projets très intéressants qui sont, par exemple, développés pour mutualiser les fonctions support.
Sous l’impulsion de la DSAF, la Direction des services administratifs et financiers, un processus de mise en commun de certaines fonctions support des services du Premier ministre et des AAI a été engagé. Les objectifs sont d’adopter une réponse collective à la contrainte de réduction des effectifs et de développer un mode de fonctionnement plus collaboratif entre les services.
Toutes les fonctions support sont étudiées : logistique-immobilier, informatique-téléphonie, ressources humaines, finances-achats. Encore une fois, ces projets très concrets viennent illustrer l’approche opérationnelle retenue par le Gouvernement, au service, je le crois, des mêmes objectifs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, pour l’ensemble de ces raisons le Gouvernement donne un avis négatif sur ces deux textes.
(Au banc du Gouvernement, M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes succède à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, les deux propositions de loi que nous examinons aujourd’hui sont le produit d’un remarquable travail de contrôle parlementaire mené par la commission d’enquête sur le fonctionnement des autorités administratives indépendantes. Il faut le souligner, notre débat d’aujourd'hui démontre une nouvelle fois le dynamisme du contrôle parlementaire au Sénat.
Concernant le fond de notre débat, je crois que le constat est clair. Nous assistons depuis quelque temps à une multiplication notable des autorités administratives indépendantes. Lorsque la notion fut développée par la doctrine et le législateur à la fin des années soixante-dix, il n’existait alors que la CNIL et la CADA. Les autorités administratives indépendantes avaient ainsi vocation soit à faciliter les relations entre le citoyen et l’administration, soit à saisir par le droit des phénomènes nouveaux, à l’image du numérique.
Aujourd’hui, nous comptons plus d’une quarantaine de structures qui peuvent se prévaloir de la qualité d’AAI. Certaines ont la personnalité juridique, d’autres non. Certaines sont de « hautes autorités », alors que d’autres ne sont qualifiées que de « conseils » ou de « commissions ».
Au-delà de la diversité des textes instituant ces structures, de la disparité des régimes et des dénominations, nous avons parfois devant nous des structures disposant à la fois d’un important pouvoir normatif en tant que régulateur sectoriel, d’un important pouvoir parajuridictionnel, au moyen de la possibilité d’adresser des sanctions, et d’un pouvoir administratif de fait.
Nous avons beau nous étonner d’une pareille confusion des pouvoirs, on nous répond que cela n’est pas grave puisque ces administrations sont « indépendantes ». Certaines de ces autorités disposent de pouvoirs exorbitants en matière d’enquête ou d’investigation : peu importe, elles sont « indépendantes ».
Pourtant, la commission d’enquête a bien démontré que derrière ce label de l’indépendance pouvait se cacher une forme d’entre soi des grands corps de l’État, d’esprit de club au moyen duquel on passe de cabinet ministériel en juridiction administrative, puis en autorité administrative indépendante. Cette situation est problématique, car la multiplication des AAI, dans des secteurs aussi divers que les marchés financiers, le numérique, les données personnelles, la bioéthique, et avec de tels pouvoirs tend progressivement à déposséder le Gouvernement comme le Parlement de leur propre pouvoir d’appréciation dans des domaines qui sont par nature législatifs.
En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas abandonner une partie de notre compétence quotidienne à des structures dont le personnel n’est pas élu sans cautionner de facto un véritable déni technocratique de démocratie. Il était donc nécessaire de bâtir un statut général des autorités administratives indépendantes et donc d’en donner une définition, un cadre et surtout une liste.
À ce titre, les deux textes que nous allons examiner proposent une solution globalement équilibrée pour harmoniser le cadre légal dans lequel existent les AAI. Je me félicite surtout que nous puissions enfin disposer d’une liste de rang législatif. L’indépendance qui sert de fondement à l’autorité des AAI trouve enfin un contenu réel et concret, différent du corps administratif d’origine des membres de ces organismes.
Le titre Ier de la proposition de loi ordinaire explicite ainsi clairement que le mandat global de six ans est non révocable mais non renouvelable, sur un modèle comparable à celui des membres du Conseil constitutionnel, dont nous connaissons le traditionnel « devoir d’ingratitude » à l’endroit de l’autorité qui les a nommés.
En matière de déontologie, ces textes fixent un niveau exigeant mais nécessaire. Les auteurs proposent un régime d’incompatibilités comparable à celui des parlementaires, ce qui me semble être un gage de saine administration. La commission des lois a accepté que les membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soient soumis à l’exercice de la déclaration de patrimoine, ce qui est une exigence d’exemplarité de bon sens. Il est peut-être regrettable que cette exigence n’ait pas été élargie à d’autres autorités.
Enfin, en matière de contrôle parlementaire, ces textes affirment clairement les moyens grâce auxquels le Parlement peut contrôler ces autorités réglementaires. Les AAI devront ainsi rendre compte de leur activité devant la représentation nationale, au moins par la présentation d’un rapport. Elles devront également se soumettre aux convocations des commissions permanentes, qui pourront, par ce biais, bénéficier plus aisément du produit de leurs travaux. Enfin et surtout, la proposition de loi organique permet d’étendre la liste des personnalités dont la nomination par le Président de la République est soumise à l’autorisation du Parlement selon la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution.
Ces deux propositions de loi n’enlèvent rien aux spécificités des AAI, qui peuvent avoir besoin de disposer de compétences particulières pour l’exercice de missions déterminées. Ainsi, le travail du Sénat apportera davantage de clarté et de démocratie à cette nébuleuse d’électrons administratifs libres de toute attache gouvernementale. Ce travail a été conforté par l’analyse de la commission de la culture et de son rapporteur pour avis, Philippe Bonnecarrère, sans oublier les observations formulées au nom de la commission des lois par son rapporteur Jacques Mézard.
Quelques points restent encore à traiter, notamment sur la liste des AAI annexée à la proposition de loi ordinaire. Bien que la présence sur cette liste ne fasse qu’attester d’un label sans remettre en cause l’existence des organismes qui ne seraient pas mentionnés, nous ne pouvons traiter cette question à la légère. Nous n’imaginons pas l’impact sectoriel de la dégradation d’un régulateur du rang d’AAI au rang de simple autorité administrative. Nous n’imaginons pas l’impact d’une telle décision sur l’exercice de ses compétences ni sur son fonctionnement interne. J’espère que nous parviendrons, au cours de l’examen en séance publique, à trouver un consensus sur la liste des AAI et que le Sénat parviendra ainsi à envoyer à l’Assemblée nationale des propositions solides.
Aussi, comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, les sénateurs du groupe UDI-UC soutiendront l’adoption de ces deux propositions de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est sans doute judicieux et heureux que nous ayons ce débat puisque la tonalité de certaines interventions que nous avons entendues exprime clairement une méfiance, voire une hostilité de principe à l’encontre des autorités administratives indépendantes.
La proposition de loi de nos collègues, telle qu’elle ressort de la réflexion des uns et des autres et des débats de la commission, tranche l’affaire : les autorités administratives indépendantes sont légitimes ; elles ont été, pour l’essentiel, créées par le législateur. Il s’agit, à travers ce texte, de donner aux autorités et surtout aux membres de leurs collèges un statut plus homogène, ce qui en confirme la complète légitimité. De ce point de vue, si, comme je l’espère, cette proposition de loi est adoptée, il me semble que nous franchirons un moment significatif dans l’histoire de nos institutions administratives.
Quand on considère les compétences des autorités indépendantes, on voit que leur mission relève du champ de l’exécutif ; il s’agit de pouvoirs administratifs. Il y a par conséquent quelque paradoxe à considérer que ces autorités retireraient quoi que ce soit au législateur – j’y reviendrai – ; c’est au contraire au pouvoir hiérarchique du Gouvernement qu’elles retirent quelque chose : elles soustraient à ce pouvoir hiérarchique des matières relevant de sa compétence.
Permettez-moi d’évoquer un très lointain souvenir personnel : j’ai fait partie, voilà plus de quarante ans, de la petite équipe du Conseil d’État mandatée, je crois, par le ministre de la justice du premier gouvernement du septennat de M. Giscard d’Estaing. Celui-ci, dans une démarche de modernisation et d’ouverture de la société, souvenons-nous-en, s’était saisi de cette grande peur circulant dans la société des années soixante-dix à propos des fichiers et des traitements informatiques. L’idée d’un croisement des fichiers de personnes et d’un système de dispersion généralisée de leurs données prévalant à l’époque avait conduit le Gouvernement à chercher une solution nouvelle pour réguler les flux d’informations informatiques.
Le souvenir assez souriant que j’en conserve est celui de la recherche d’une nouvelle autorité qui serait assez légitime, socialement et culturellement, pour contrôler de façon assez intrusive le développement de ces traitements d’information. Dans le cadre d’une méthode typique du travail du Conseil d’État, nous avions procédé par tâtonnement et nous avions abouti à l’idée d’une institution mixte, comportant des représentations de divers institutions ou secteurs de la société et qui jouirait d’une indépendance vis-à-vis de l’exécutif.
Ainsi en sommes-nous arrivés, sous l’autorité du président Bernard Tricot, à définir ce modèle administratif, que nous appelions, entre nous, avant d’avoir construit le modèle complet, « l’instance », puisqu’il s’agissait d’une forme institutionnelle nouvelle. Cela me faisait penser à certaines formules que l’on trouve dans les romans de Julien Gracq pour désigner des institutions qui flottent dans l’espace et dont on a du mal à comprendre le rattachement. (Sourires.)
Ce mécanisme s’est reproduit à plusieurs reprises – Mme Des Esgaulx en a bien décrit le cheminement –, tout d’abord en raison de contradictions au sein de la société entre des écoles de pensée, des groupements sociaux et des intérêts entre lesquels il fallait arbitrer, dans une situation où l’État était, selon l’expression consacrée, juge et partie. On a ainsi considéré que l’octroi à un collège, non à une autorité hiérarchique unique, de pouvoirs relevant indiscutablement de l’État constituait une bonne réponse à ces problèmes de société.
Ont ensuite émergé – j’en dirai un mot lors de la discussion des articles – des enjeux économiques, relatifs notamment à l’ouverture à la concurrence ou à la pluralité de domaines traditionnellement régulés par l’État, selon des schémas hérités principalement du Front populaire et de la Libération, et dans lesquels figuraient des entreprises nationales dominantes.
Le cadre un peu spécifique qui s’est établi au sein de l’Union européenne depuis tout juste soixante ans, auquel il faut tout de même que l’on s’accoutume, a naturellement conduit à la nécessité de garanties d’indépendance des régulateurs de marchés. D’où l’Autorité des marchés financiers ou l’Autorité de la concurrence, laquelle, il y a trente ans, était encore une simple commission ministérielle. Je pourrais d’ailleurs poursuivre cette liste avec, par exemple, l’autorité relative aux communications électroniques ou encore celle de l’énergie.
Il était donc cohérent d’en arriver là. Je veux saluer l’évolution de pensée ayant conduit certains de nos collègues de la demande d’une commission d’enquête avec des motivations parfois voisines du soupçon – certains des titres et intertitres du rapport d’enquête rappellent ainsi cette époque maintenant éloignée – à la reconnaissance de la nécessité de confier la régulation ou l’équilibrage de secteurs à des collèges. Après avoir salué de façon conviviale le cheminement de pensée des auteurs de la proposition de loi, je veux maintenant appeler mes amis du Gouvernement à parcourir encore un peu de chemin.
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Ce sera plus difficile !
M. Alain Richard. Certes, mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
En effet, honnêtement, compte tenu du parcours législatif de ce gouvernement et de cette majorité depuis quatre ans, la démarche consistant à affirmer que des textes existant aux quatre coins de la législation règlent à peu près le problème, rendant ainsi inutile un texte d’unification me semble plutôt digne de la chambre des Lords (Nouveaux sourires.) et assez pittoresque. J’espère donc que, si la proposition de loi arrive à l’Assemblée nationale, le Gouvernement acceptera d’évoluer un peu sur ce sujet. En effet, les lois successives sont forcément toujours un peu influencées par des considérations de circonstances et, bien qu’ayant conduit à instaurer les autorités administratives indépendantes sur un modèle à peu près homogène, elles méritent, notamment pour ce qui concerne le statut et la garantie d’indépendance des membres des collèges, un travail de rapprochement et un corps unique de règles.
Sans doute aurons-nous quelques différences d’appréciation avec le rapporteur et la majorité de la commission sur l’étendue de ces règles. Toutefois, je salue le pragmatisme de M. Mézard qui, dans l’un des premiers articles de la proposition de loi, précise bien, de manière parfaitement cohérente du point de vue du droit, que ce statut est commun à l’ensemble des autorités sauf dispositions législatives contraires pouvant figurer dans les statuts propres de telle ou telle AAI. Il peut en effet exister des nécessités particulières ; j’ai notamment en tête le cas, tiré de discussions avec des membres de collèges, d’autorités indépendantes très spécialisées et dont le champ de recrutement possible est assez étroit. Dans cette hypothèse, l’idée d’un renouvellement de mandat pourrait ne pas être écartée.
Avant de conclure cette brève réflexion, je veux revenir sur un sujet abordé par mon prédécesseur à la tribune : la relation entre une autorité administrative indépendante et le législateur. Il existe entre eux, me semble-t-il, une proximité de destination beaucoup plus grande qu’on ne le croit. Que ce soit dans le domaine de l’audiovisuel, de l’énergie ou encore de l’informatique et des libertés, quand on confie un domaine de régulation à une autorité indépendante, on est obligé de lui affecter un cadre normatif. On ne lui demande pas de réguler dans le vide ni de créer le droit de son secteur par pure jurisprudence !
Ainsi, selon moi, l’instauration d’une autorité administrative indépendante impose au contraire au législateur de définir ce qu’il veut confier à cette autorité et les lignes directrices de la régulation qu’il lui demande de mettre en œuvre. On peut même observer un processus d’allers et retours, d’itérations, parce qu’on s’aperçoit à l’expérience que le champ de régulation, notamment en matière de concurrence, demande à être précisé, clarifié, par la loi.
Il n’existe donc pas d’antagonisme institutionnel entre le législateur et les autorités indépendantes, à tel point que je rejoindrai entièrement l’incertitude conclusive de notre rapporteur portant sur la participation des parlementaires aux autorités administratives indépendantes. Au fond, nous ne sommes pas arrivés à trouver une bonne réponse de principe à ce problème. Dans plusieurs cas, le Parlement a décidé, après réflexion, de prévoir la présence de parlementaires au sein de collèges d’AAI, et cela pouvait sembler judicieux. Néanmoins, si le Parlement fixe le cadre des autorités administratives indépendantes à travers la législation puis contrôle leur activité à travers leurs rapports, il n’est pas forcément heureux que des parlementaires appartiennent à leur collège.
Nous avons ainsi, les uns et les autres, accepté, souvent avec plaisir, de siéger dans plus de 150 commissions consultatives, à ma connaissance ; nous en avions parlé lors de la réforme des méthodes de travail du Sénat. Nous y jouons alors le rôle de conseillers de l’exécutif – ce qui n’est pas forcément la vocation du Parlement – et, même si cela n’est pas idéal du point de vue des principes, ceux qui y participent retirent de l’intérêt de l’échange institutionnel, qui peut aussi être utile, et ils peuvent exercer une influence modératrice ou créative auprès de l’exécutif.
J’en termine en insistant, monsieur le rapporteur, car je crains de devoir quitter la séance avant la fin du débat d’articles, sur un sujet d’hésitation pour moi : la Commission des participations et des transferts. Cette commission n’a pas été conçue comme une autorité indépendante de plein exercice. Sa création remonte aux lois de privatisation de 1986 et repose sur une idée du ministre d’État Édouard Balladur. L’histoire à laquelle nous avons pu participer de plus ou moins près a montré que, à travers les majorités successives – elles n’étaient certes pas en accord sur les principes des nationalisations et des privatisations –, cette commission a toujours été maintenue.
Pourquoi ? Parce que, dans une économie très internationalisée, on s’est aperçu que la garantie que constituait, pour tous les partenaires, l’intervention d’un organisme suffisamment détaché de l’exécutif et estimant la valeur, par exemple, du capital de Renault ou d’Areva quand on en cède 5 % ou 10 % répondait à une nécessité. Les aléas de l’histoire économique montrent effectivement que les doutes sur la valeur d’une société sont permis ; je vous rappelle à cet égard, mes chers collègues, la formule malheureuse d’Alain Juppé, qu’il a lui-même souvent regrettée depuis avec le sourire, à propos de je ne sais quelle composante du groupe Thomson…
Aussi, peut-être n’en est-il pas encore temps, mais il me semble que cet organisme, qui a maintenant prouvé sa légitimité et sa crédibilité et qui a pour fonction d’indiquer au Gouvernement la valeur de telle ou telle société dont une fraction du capital va être cédée, devrait acquérir le statut d’autorité administrative indépendante. Les dernières nouvelles dont je dispose montrent que cette idée ne recueille évidemment pas l’assentiment de la maison de Bercy – grande surprise ! (Sourires.) –, mais il peut arriver que, faisant preuve d’un peu d’anticipation, nous dépassions ses habitudes de pensée… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi et la proposition de loi organique dont il est question aujourd’hui visent à toiletter en profondeur les autorités administratives indépendantes et à poser les bases d’un statut juridique commun. Après plusieurs rapports parlementaires sur le sujet, notamment celui de la commission d’enquête présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx avec pour rapporteur Jacques Mézard, ces textes sont légitimes et posent de bonnes questions.
Le rapport de la commission d’enquête pointait les dérives du dispositif : le nombre des structures, leur mode de mise en place, le coût total pour les caisses de l’État – environ 600 millions d’euros par an –, les problèmes de déontologie, voire les risques de conflit d’intérêts. Nous confirmons ce constat. Les autorités administratives sont effectivement trop nombreuses. Elles peuvent aussi parfois contribuer à l’affaiblissement du Parlement, accentuer un certain entre soi sociologique qui freine tout changement – mêmes élus, mêmes grands corps, mêmes grandes écoles – en comptant in fine trop peu de citoyennes et de citoyens venant d’horizon divers ou de personnes issues d’entreprises en région.
Les présents textes se veulent donc radicalement emblématiques. Mais le choix de ses auteurs ne doit pas nous faire oublier que c’est à nous que certaines autorités administratives indépendantes doivent leur existence. Parfois, en effet, quand les politiques ne peuvent ou ne veulent résoudre un problème, quoi de plus confortable que de créer une autorité administrative indépendante ? Cela a été souligné, à l’origine, en 1978, des autorités comme la CADA ou la CNIL furent créées – sous la houlette, si j’ai bien compris, d’un certain Alain Richard, député – pour fluidifier la vie publique et administrative et améliorer les droits. Néanmoins, au fil du temps, on a créé des autorités administratives indépendantes censées résoudre des problèmes parfois insolubles.
Dans les textes examinés ce jour, le souci d’apporter une stabilité juridique, de renforcer la transparence, la déontologie et la lutte contre les conflits d’intérêts va dans le bon sens.
Si le diagnostic est bon, selon nous, écologistes, le remède pèche peut-être par sa radicalité – ce qui n’est pas si surprenant de la part d’un radical… (Sourires.) À nos yeux, la liste des autorités administratives indépendantes retenues mériterait d’être davantage discutée.
Nous approuvons que la création d’une autorité administrative indépendante soit réservée au législateur, sur l’exemple du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, créé par la loi de programmation militaire de 2013. Cependant, il nous semble problématique d’envisager de supprimer la qualité d’AAI à certaines instances. Cette possibilité peut être mal perçue, comme nous le remarquons déjà. Je rappelle, par exemple, à propos de la structure que je viens d’évoquer, que c’est pour sortir d’une impasse, sur laquelle tout le monde s’accordait, à savoir le faible nombre de dossiers d’indemnisation des victimes des essais nucléaires traités, que l’on avait transformé un comité qui ne fonctionnait pas en une autorité, laquelle recueillait au moins l’assentiment des victimes et avait été totalement approuvée par le ministère de la défense et la Haute Assemblée. À cet égard, nous pensons que le rapport peut inutilement inquiéter certaines personnes.
Nous regrettons également que le médiateur national de l’énergie ne fasse pas partie de la liste qui fait débat. L’application de cette réforme pourrait, par sa brutalité, mettre en danger l’indépendance et, surtout, la liberté de parole du médiateur, qui œuvre pourtant efficacement à la protection des consommateurs d’énergie, et ce alors même que nous venons d’étendre ses compétences dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La proposition de loi n’est donc pas totalement « raccord » avec ce que nous venons de voter.
M. Roland Courteau. Exact !
Mme Corinne Bouchoux. Cette liste nous semble une première étape avant d’envisager des fusions, dont certaines sont déjà évoquées dans le débat public. Je fais ici référence au probable rapprochement du médiateur national de l’énergie avec la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, fusion qui, à notre avis, serait elle aussi dommageable en termes de lutte contre les conflits d’intérêts.
On pourrait aussi évoquer quelques instants le rapprochement entre la CNIL et la CADA. Les périmètres de ces autorités sont distincts et elles n’ont ni la même échelle ni la même vocation. Nous voyons bien pourtant l’enjeu, réel, de leur rapprochement, qui permettra l’accompagnement des administrations et des entreprises vers l’ouverture des données publiques, laquelle devrait se développer avec la mise en œuvre du projet de loi pour une République numérique, en faveur de l’open data.
Chers collègues, les choix que vous avez opérés entre les autorités qui devraient subsister et celles qui devraient disparaître nous inspirent un certain nombre de réserves. En outre, si vous me permettez cette critique, nous constatons un certain nombre d’angles morts dans la proposition de loi, compte tenu notamment de l’absence de réflexion sur la très faible féminisation de la direction de toutes ces autorités administratives, aux trois quarts masculine. Comment se fait-il que votre excellent texte ne prévoie rien contre cet entre soi masculin ?
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
Mme Corinne Bouchoux. Réformons aussi cet aspect !
Enfin, nous devons peut-être nous interroger sur la cohérence de notre analyse de l’administration avec le regard que nous portons sur la vie publique. Nous voulons limiter la durée des mandats exercés dans les autorités administratives et nous proposons que ces dernières connaissent un certain nombre d’évolutions. C’est bien ! Mais à quand l’application à la vie publique et politique de ce que nous préconisons pour l’administration ? À quand la limitation à deux du nombre de mandats successifs dans le temps, que nous avons d’ores et déjà adoptée pour le Président de la République ? Il nous semble qu’il y a là une distorsion.
Au final, si l’intention des auteurs de ce texte nous semble très louable, vous l’avez compris, nous émettons des réserves importantes sur les groupes et sur les institutions qui seront concernés par les évolutions proposées. Par exemple, nous sommes très attachés à la Commission nationale du débat public, quand les auteurs le sont beaucoup moins !
À ce stade, nous reconnaissons l’avancée que permettront les textes dont nous débattons. Nous saluons les questions légitimes qui sont soulevées, mais nous ne partageons pas pleinement les réponses qui y sont apportées, raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Au reste, nous nous étonnons de la position extrêmement rigide du Gouvernement, qui, par ailleurs, veut simplifier le millefeuille des collectivités territoriales, supprimer des régions, réformer… Nous aimerions que ce zèle réformiste s’appliquât également aux autorités indépendantes ! (Applaudissements.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. Michel Berson. Mme Bouchoux est toujours aussi vive !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les autorités administratives indépendantes et la régulation se sont développées, en France, sous l’influence du droit communautaire, dont la légitimité démocratique est elle-même sujette à caution. Elles ont souvent été créées sous impulsion européenne, pour assurer l’effectivité du droit de l’Union, du droit de la concurrence en particulier, au détriment, trop souvent, de la sauvegarde de l’intérêt général, dont l’État est le dépositaire. Les AAI ont ainsi « dépecé » l’État de son pouvoir politique sur les secteurs clés de l’économie.
Toutefois, et cela est symptomatique d’un recul du politique, dans d’autres cas, l’exécutif a fait le choix du « jeu de la défausse », pour reprendre les termes d’une éminente juriste, en créant une autorité administrative indépendante, qui lui permet de s’éloigner des tensions économiques, sociales et de se déresponsabiliser d’arbitrages qu’il ne veut pas assumer.
Ainsi, comme nous l’affirmons maintenant depuis de nombreuses années, la multiplication des autorités administratives indépendantes conduit à un démembrement et à un délitement de l’État. Les AAI remettent en cause le principe de l’unité consubstantielle à l’État, piétinant, de ce fait, l’intérêt général, car elles ne sont plus insérées dans la hiérarchie du pouvoir exécutif et du contrôle législatif, bien qu’elles soient dotées de pouvoirs régaliens, comme le pouvoir de sanction. D’ailleurs, le Conseil d’État lui-même, dans son rapport de 2001, n’était pas favorable à l’évolution, pléthorique, qui consiste à transformer progressivement un service de l’État en établissement public ou commission consultative, puis en autorité administrative indépendante et parfois même en autorité publique indépendante.
En outre, poussée à l’excès, comme c’est le cas aujourd’hui, cette formule nous apparaît comme une entorse au principe démocratique qui postule la soumission de l’administration au politique. Ce mouvement entraîne un affaiblissement excessif de la responsabilité incombant au pouvoir politique procédant de l’élection, qu’il s’agisse du Parlement ou, indirectement, de l’exécutif.
Pour toutes ces raisons, je tiens à saluer l’initiative qu’ont prise la présidente et le rapporteur de la commission d’enquête en déposant cette proposition de loi et cette proposition de loi organique.
Aujourd’hui, on constate une insuffisance du dispositif de contrôle des AAI : celles qui sont financièrement autonomes, lesquelles bénéficient de ressources propres, ne voient pas leur budget annuel discuté au Parlement et parfois même ne présentent pas de rapport annuel public, car leurs textes statutaires ne le prévoient pas.
M. Jacques Mézard, rapporteur. En effet !
Mme Éliane Assassi. Certes, la Cour des comptes contrôle la gestion des AAI, mais a posteriori, sur des périodes couvrant plusieurs années et sans exhaustivité. En ce sens, nous soutenons pleinement les dispositions tendant à un meilleur contrôle du Parlement, car la prolifération de ces autorités constitue une véritable gabegie.
À cet égard, le rapporteur souligne un manque de transparence dans les recrutements et salaires de nombreuses AAI et indique que plus de 15 % des membres de collèges ont refusé de se plier aux exigences de transparence, sans que cela emporte de conséquences particulières.
Ces administrations ont vu, depuis 2010, leur budget augmenter de 11 %, leurs effectifs croître de 5,3 % et certains de leurs dirigeants bénéficier de rémunérations pouvant aller jusqu’à 300 000 euros par an, sans compter la possibilité de cumul. Dès lors, nous soutenons la disposition prévoyant une échelle des rémunérations et des indemnités des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et, bien évidemment, un contrôle accru de la Cour des comptes.
Enfin, si les premières agences, l’équivalent de nos AAI, sont nées aux États-Unis pour juguler les abus les plus flagrants du développement économique, éviter les dérèglements des institutions capitalistes en corrigeant les imperfections du marché, en Europe, au contraire, elles ont accompagné le démantèlement de services publics nationaux en réseaux. Ainsi, la « réforme de l’État et des services publics », thème mis en avant pour justifier la multiplication d’autorités de régulation, devait être porteuse d’une démocratisation forte du secteur public en général et des services publics en particulier. Cette démocratisation devait se traduire par une prise en compte plus nette du rôle et de l’intérêt des usagers, devenus, à beaucoup d’égards, consommateurs ou clients.
Or la multiplication des AAI a totalement fait l’impasse, en France et en Europe, sur la place des usagers au sein des organes de régulation des marchés libéralisés que constituent ces autorités. De ce point de vue, il faut bien admettre que la France ignore totalement le modèle participatif, dans lequel les usagers d’un secteur peuvent et même doivent participer activement aux décisions prises.
Mme Corinne Bouchoux. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. La composition des AAI de régulation reflète parfaitement les frontières dans lesquelles les pouvoirs publics ont entendu confiner le service public, à savoir les questions techniques. Ainsi, les régulateurs indépendants des services publics de réseaux sont d’abord, en France, des organes de techniciens, où l’entre soi domine – le rapport le souligne très justement –, alors qu’ils pourraient utilement se muer en vecteur de participation des usagers au fonctionnement et à l’évolution des services publics.
Enfin, et ce sera mon dernier point, comment, du point de vue de la séparation des pouvoirs, concevoir qu’un même organe, indépendant du pouvoir politique, dont il tire sa légitimité, puisse à la fois édicter des règles générales, les faire respecter, sanctionner et arbitrer des litiges liés à leur application ?
Nous n’avons pas de position de principe contre les autorités administratives indépendantes et nous pouvons reconnaître l’utilité de certaines d’entre elles, qui jouent un rôle de vigilance, de conseil, d’alerte et de protection des plus faibles. Toutefois, l’anarchie actuelle, source de complexification de l’organisation administrative, de perte de repères et de compétences des administrations centrales, de dilution du pouvoir de décision et donc de la responsabilité, nous amène à voter pour ces deux textes. Ils marquent pour nous un premier pas vers la reconnaissance d’un constat que nous dressons depuis plusieurs années : celui d’une distorsion de l’État, d’une perte de son pouvoir politique sur les marchés, d’une confiscation de la définition de l’intérêt général par une élite déconnectée des réalités et dépourvue de la moindre légitimité démocratique. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je reprends la parole, cette fois au nom de mon groupe, mon collègue Pierre-Yves Collombat n’ayant pu être présent parmi nous cet après-midi.
Je veux d’abord remercier les différents orateurs de la qualité de leur intervention. Je veux aussi faire part de ma grande satisfaction d’avoir pu convaincre notre excellent collègue Alain Richard que le but de la commission d’enquête, dont la création avait été demandée par le groupe du RDSE, était non pas de supprimer les autorités administratives indépendantes, mais d’attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un certain nombre de difficultés et d’essayer d’aller vers plus de simplification et de transparence.
Je suis heureux que notre réflexion ait abouti, de manière constructive et assez consensuelle, à des textes, qui, manifestement, monsieur le secrétaire d’État, reçoivent l’assentiment d’une très grande majorité des sénateurs de tous les groupes politiques – je n’ai noté jusqu’à présent qu’un vote d’abstention du groupe écologiste.
Mme Corinne Bouchoux. Une abstention bienveillante !
M. Roger Karoutchi. Avec le talent de conviction de M. Mézard, les choses peuvent encore s’améliorer… (Sourires.)
M. Robert del Picchia. Allez savoir…
M. Jacques Mézard. Espérons-le ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, notre but n’est pas de mener une chasse aux sorcières ni de faire le procès d’un système. Notre objectif est de constater un certain nombre de dérives, comme en témoigne le titre du rapport fait au nom de notre commission d’enquête, titre voulu par la présidente et par moi-même et accepté par nos collègues : Un État dans l’État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler.
Nous avons entendu les présidents de quarante-deux autorités administratives indépendantes ou se définissant comme telles. Nous avons toujours eu affaire à des hommes et des femmes compétents, intelligents. Nous avons tout de même relevé une certaine endogamie, puisque pratiquement 60 % à 65 % de ces présidents sont issus du Conseil d’État ou de la Cour des comptes,…
M. Roger Karoutchi. Les réseaux de M. Richard ! (Rires.)
M. Jacques Mézard. … ce qui n’est pas du tout une tare, bien au contraire, mais peut poser un certain nombre de problèmes.
Ainsi, il nous est apparu, au cours de nos travaux – nous n’avions pas d’a priori sur ce point – qu’il était nécessaire que le Parlement rappelle que l’indépendance ne veut pas dire irresponsabilité, mais signifie, au contraire, davantage de responsabilités. Nous avons également observé que la moindre des choses était de considérer que l’on ne pouvait pas créer une nouvelle autorité administrative indépendante chaque année, parce que ce serait le délitement de l’État. Que l’exécutif, dans certains cas, préfère renvoyer à d’autres la responsabilité de telle ou telle décision ne nous semble pas un bon moyen de gouverner !
Dès lors, et malgré ce qu’a pu nous dire le secrétaire général du Gouvernement, que nous avons auditionné, j’ai été étonné, monsieur le secrétaire d’État, d’entendre votre collègue, M. Le Guen, nous expliquer, tout à l'heure, que tout allait bien et que rien ou presque ne devait bouger… Ce n’est pas raisonnable !
La semaine dernière, l’hebdomadaire Le Point soulignait le poids de la haute fonction publique, de grande qualité, mais dont la capacité à fabriquer des textes est inégalée dans nombre de pays et qui, petit à petit – disons-le – capte, si ce n’est le pouvoir, du moins une partie du pouvoir.
Vouloir limiter le nombre d’autorités administratives indépendantes, vouloir faire en sorte que le législateur décide de leur création, voire de leur disparition, nous a semblé aller dans le bon sens de la démocratie.
Vouloir que ces autorités soient soumises à des statuts, avec des possibilités de dérogation prévues par la loi dans certains cas particuliers, nous paraît être la moindre des choses.
Vouloir, monsieur le secrétaire d’État, que les membres des collèges des autorités administratives indépendantes respectent les lois relatives à la déontologie et à la transparence de la vie publique, notamment au regard des obligations de déclaration de patrimoine, ne nous semble pas anormal.
Très simplement, je crois qu’il serait bon d’arriver à convaincre les gouvernements successifs que le moyen de diriger le pays n’est pas de créer constamment un certain nombre d’organismes. Je ne songe pas qu’aux autorités administratives indépendantes.
Toutefois, Marie-Hélène des Esgaulx et moi-même n’avions pas eu, au cours des six mois de la commission d’enquête, le temps de nous attaquer à bien d’autres organismes – et encore, « attaquer » est un euphémisme. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que des centaines d’organismes dépendent directement du Premier ministre dont certains font ce qu’ils veulent, voire même rien du tout, ce qui n’est pas la meilleure des choses.
Nous connaissons, monsieur le secrétaire d’État, la propension du Gouvernement à créer constamment des hauts conseils et des agences. Si cela permet de faire plaisir à beaucoup de personnes et d’anticiper des pertes d’emploi, voire de siège, est-ce bien raisonnable pour autant ? Tout comme les autres membres de mon groupe, je ne le crois pas.
Il est temps de remettre de l’ordre en la matière. Il s’agit de l’un des objectifs que nous nous étions fixés en demandant la constitution de cette commission d’enquête et que nous poursuivons en présentant aujourd’hui ces deux propositions de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale commune est close.
Nous passons à l’examen de la proposition de loi, dans le texte de la commission.
proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
Article 1er et annexe
(Non modifié)
Les titres Ier à IV de la présente loi constituent le statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes dont la liste est annexée à la présente loi.
Annexe
1. Agence française de lutte contre le dopage
2. Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires
3. Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
4. Autorité de la concurrence
5. Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières
6. Autorité de régulation des jeux en ligne
7. Autorité des marchés financiers
8. Autorité de sûreté nucléaire
9. Commission d’accès aux documents administratifs
10. Contrôleur général des lieux de privation de liberté
11. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
12. Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
13. Commission nationale de l’informatique et des libertés
14. Commission de régulation de l’énergie
15. Conseil supérieur de l’audiovisuel
16. Défenseur des droits
17. Haute autorité de santé
18. Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
19. Haut conseil du commissariat aux comptes
20. Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
II. - Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Commission consultative du secret de la défense nationale
III. - Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Commission nationale du débat public
IV. - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Commission des participations et des transferts
V. - Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Commission des sondages
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Nous le reconnaissons, il fallait encadrer la liste des autorités classifiées comme autorités administratives indépendantes. Pour autant, nous souhaitons élargir quelque peu cette liste en faisant une contre-proposition.
Nous nous sommes déjà mis d’accord avec le rapporteur sur la Commission consultative du secret de la défense nationale. J’ai évoqué, voilà quelques instants, la Commission des participations et des transferts, mais je conviens que le débat est sans doute anticipé.
Pour ce qui concerne la Commission nationale du débat public, ou CNDP, que Corinne Bouchoux a évoquée, si elle s’est vu confier par le législateur – lors de la discussion de la loi Grenelle me semble-t-il – la mission qu’elle accomplit actuellement, c’est parce qu’elle est l’autorité qui décide, s’agissant des grands projets et aussi de ce que l’on appelle les « plans-programmes », c’est-à-dire tous les schémas nationaux et régionaux, ceux qui doivent faire l’objet d’un débat organisé et pluraliste. Il s’agit d’une condition de légalité.
Pour être souvent en contact avec ses membres, je puis affirmer qu’elle fonctionne vraiment comme une autorité : elle dispose d’un pouvoir administratif et ses décisions sont contestées, le cas échéant, devant les juridictions administratives. Il me semble donc qu’elle a sa place dans cette liste.
Mais tous ces points peuvent encore donner lieu à réflexion ; nous ne sommes qu’au début du processus législatif.
M. le président. Le sous-amendement n° 27, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 12, alinéa 6
Supprimer le mot :
consultative
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 12.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Monsieur le président, je vais en réalité donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements déposés sur l’article 1er.
Les amendements nos 12, 1, 5 rectifié bis et 2 visent à modifier la liste des autorités administratives et publiques indépendantes proposée par la commission d’enquête. Ces amendements soulèvent deux questions distinctes.
Premièrement, voulons-nous aujourd’hui conférer à certains organismes le statut d’autorité administrative indépendante que le législateur ne leur a pas attribué jusqu’à présent ? Sont visés la Commission des participations et des transferts, mais aussi la Commission des sondages et le médiateur national de l’énergie, dont nous discuterons tout à l'heure.
Deuxièmement, faut-il maintenir ou non le statut d’autorité administrative ou publique indépendante à des entités qualifiées comme telles par le législateur ? Il s’agit de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de la Commission nationale consultative du secret de la défense nationale, de la Commission nationale du débat public, de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, dite « HADOPI », ainsi que de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, dont nous traiterons lors de l’examen des amendements déposés par la commission de la culture.
La simple application du critère préconisé par notre ancien collègue, le doyen Gélard, à savoir la détention par l’instance en cause de pouvoirs normatifs, de contrainte, de régulation ou de sanction, permet d’y voir plus clair.
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, devrait alors être une autorité administrative indépendante. Toutefois, le président de cet organisme, nommé voilà deux mois, ainsi que son président précédent ont estimé que ce statut n’était pas le plus pertinent dans la mesure où l’ACPR est adossée à la Banque de France, entité sui generis en vertu de la loi. Ils ont préconisé la déqualification. J’ajouterai qu’ils nous ont écrit sur papier à en-tête de la Banque de France ; au moins, les choses sont claires ! (Sourires.)
La Commission consultative du secret de la défense nationale devrait également être concernée, dans la mesure où la loi de programmation militaire de 2009 lui a confié le pouvoir de se saisir seule des documents classifiés lors d’une perquisition judiciaire après avoir jugé qu’ils étaient en lien avec l’objet de cette dernière.
Après en avoir débattu en commission, et je crois qu’Alain richard en est d’accord, nous proposons, par le biais du sous-amendement n° 27, de changer l’intitulé de cette commission pour supprimer le mot « consultative », ce qui nous permet, aux uns et aux autres, d’être en cohérence : la commission avec sa position et Alain richard avec l’amendement qu’il a défendu.
Le critère susvisé nous conduit en revanche à écarter la Commission nationale du débat public de la liste des AAI, ce qui ne correspond pas aux attentes de notre collègue Corinne Bouchoux…
Quant à la Commission des participations et des transferts et à la Commission des sondages, ces organismes n’ont jamais été qualifiés d’AAI par la loi.
Pour résumer, la commission propose de retenir dans la liste précitée la Commission consultative du secret de la défense nationale en suggérant néanmoins de supprimer le terme « consultative », désormais trompeur au regard de la réalité de ses pouvoirs.
La Commission nationale du débat public n’a pas de pouvoir décisionnel.
S’agissant de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, j’ai déjà expliqué que son adossement à la Banque de France justifiait qu’elle ne soit pas dans cette liste, et ce à sa propre demande. C'est la raison pour laquelle je vous propose de ne pas la retenir.
Enfin, la loi ne qualifie pas d’AAI la Commission des sondages et la Commission des participations et des transferts. Restons-en à cet état du droit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. L’amendement n° 12 vise à rétablir ou à reconnaître la qualité d’autorité administrative indépendante à cinq entités : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, la Commission consultative du secret de la défense nationale, la Commission nationale du débat public, la Commission des participations et des transferts et la Commission des sondages. Ces entités ont en effet été reconnues comme telles par le législateur ou par des analyses, notamment celle du Conseil d’État en 2001.
Par ailleurs, leur organisation, leur fonctionnement, leurs pouvoirs, les garanties d’indépendance dont elles doivent bénéficier militent en ce sens, comme cela vient d’être rappelé.
Néanmoins, en raison de la position générale qu’il a exprimée sur cette proposition de loi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
En revanche, il n’est pas favorable au sous-amendement n° 27, qui vise à supprimer le terme « consultative » de l’intitulé de la Commission consultative du secret de la défense nationale.
Cette commission, qui joue un rôle très important dans la mise en œuvre des lois sur le secret-défense, s’est toujours appelée ainsi, depuis sa création en 1998. Elle a également toujours bénéficié de la qualité d’AAI. Il ne semble pas exister de raison de modifier son intitulé.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, vice-président de la commission des lois.
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Compte tenu de sa rédaction énumérative, ainsi que des avis et observations du rapporteur, la commission demande un vote par division de l’amendement n° 12, monsieur le président.
Je rappelle que la commission n’a émis un avis favorable que sur le deuxième paragraphe de cet amendement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
M. le président. Je vous en donne acte, monsieur Pillet.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 27.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais intervenir sur l’une des entités citées dans l’amendement présenté par Alain Richard, à savoir la Commission des sondages. Je tiens à remercier M. Richard d’avoir bien voulu la retenir dans la liste des AAI.
Les sondages sont aujourd’hui régis par une loi de 1977 complètement archaïque eu égard aux évolutions de ces dernières décennies. Chacun sait la place qu’ils tiennent dans le débat public. Il y a des sondages tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour à l’approche de certaines élections importantes. Bien souvent, le débat public devient un débat sur les sondages.
Or les conditions dans lesquelles sont réalisés ces derniers sont loin d’être toujours satisfaisantes. Et par « conditions », je pourrais entendre leur financement, le rapport entre ceux qui les financent, ceux qui sollicitent leur élaboration et ceux qui les publient. Je pourrais aussi parler des marges d’erreur, des redressements et de beaucoup d’autres sujets qui aboutissent, dans nombre de cas, à l’absence de la transparence et de la fiabilité nécessaires.
C'est la raison pour laquelle le Sénat a adopté, à l’unanimité, voilà cinq ans, une proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral, dont Hugues Portelli était l’auteur et dont j’étais le rapporteur, au nom de la commission des lois.
Cette proposition de loi octroie davantage de prérogatives et de pouvoirs à la Commission des sondages et revoit profondément sa composition.
En effet, cette commission est présidée et animée par deux brillants conseillers d’État, que nous avons reçus. Néanmoins, il est sans doute souhaitable que d’autres compétences viennent s’adjoindre aux leurs.
Nous avons fait de nombreuses propositions concernant cette commission, qui prend de lourdes décisions. Elle peut en effet décider la publication d’un certain nombre de rectifications, d’avis, de considérations et de sanctions. Il nous semble donc très important de prendre son rôle en considération. Nous avons par conséquent envisagé qu’elle devienne une autorité administrative indépendante. Même si cela n’est pas le cas, j’aurai au moins eu l’occasion de vous sensibiliser, monsieur le rapporteur, à cette importante question.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Nous soutenons l’amendement n° 12, qui nous semble équilibré, juste et logique. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit sur les sondages. Je vous rappelle simplement, mes chers collègues, que, dans un texte relatif au Conseil supérieur de l’audiovisuel que nous examinerons prochainement et qui traite des règles applicables aux élections pour la période transitoire, il est fait allusion aux rôles des sondages, qui sont considérés comme un critère. Il est donc évidemment important d’avancer en la matière.
Je souhaite également signaler tout l’intérêt, dans un pays comme le nôtre, qui a du mal à mener un certain nombre de débats de façon posée, de consolider la Commission nationale du débat public.
Nous soutenons donc les propositions d’inscrire sur la liste des AAI les entités visées, notamment celle qui concerne la Commission nationale du débat public. Le rapport pose de bonnes questions. Pour autant, s’il s’agit de conserver la situation actuelle sans introduire une certaine souplesse, ce qui semble malheureusement être la position du Gouvernement, on n’avancera pas !
Pour notre part, nous sommes prêts à souligner les avancées du texte, dans la mesure où les questions environnementales et écologiques sont prises en considération.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Ériger l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ou ACPR, en AAI ne serait pas une bonne chose. Elle est, en pratique et en théorie, adossée à la Banque de France. Elle exerce les responsabilités de surveillance du système bancaire des établissements de crédit pour la Banque de France et elle est chargée, ce qui est nouveau, de conduire la résolution, c'est-à-dire la faillite éventuelle, d’un établissement de crédit.
Si cette autorité devenait une AAI, on aurait, d’un côté, son président et, de l’autre, le gouverneur de la Banque de France. On peut imaginer le mauvais fonctionnement qu’entraînerait la constitution d’un tel tandem, sans mentionner le fait que l’Autorité serait obligée de se tourner vers la Banque de France chaque fois qu’elle devrait prendre une décision.
Ne pas faire figurer cette instance dans la liste des AAI me semble donc une solution de sagesse. J’ajoute que, dans le cas contraire, il y aurait incompatibilité, singulièrement avec l’AMF, l’Autorité des marchés financiers. Or l’existence de participations croisées est très importante entre les différents collèges, qui traitent de questions très proches, notamment disciplinaires.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je souhaite appuyer la position de M. le rapporteur.
Je viens de relire le compte rendu de l’audition de M. Christian Noyer, président et gouverneur de la Banque de France, qui a été très clair. Il a évoqué la gêne considérable de devoir suivre, d’une part, les règles d’une AAI et, d’autre part, celles d’une institution publique sui generis. Selon lui, la seule justification logique à une telle décision serait le suivi éventuel d’une recette prélevée sur les établissements.
Il a également affirmé que le terme « autorité » crée de la confusion, ajoutant qu’il était étrange de considérer que l’ACPR pouvait constituer une autorité différente de celle de la Banque de France.
Pour toutes ces raisons, je partage l’avis de M. le rapporteur sur le I de l’amendement n° 12.
S’agissant de la CNDP, la seule justification donnée par son président, M. Christian Leyrit, pour convertir cette commission en AAI est la suivante : en cas de demandes d’opposants réclamant une expertise complémentaire, une AAI serait préférable à un service administratif sous autorité ministérielle. Au demeurant, il est très rare que, le cas échéant, les demandeurs n’obtiennent pas satisfaction.
Permettez-moi de me référer également à ce qui se fait dans les autres pays, notamment au Québec, où des structures de cette nature relèvent du ministère du développement durable. Le statut juridique d’une AAI n’est absolument pas nécessaire pour garantir l’indépendance d’esprit dans l’exercice de la mission confiée à la CNDP.
S’agissant de la Commission des participations et des transferts, Bertrand Schneiter – j’ai relu également le compte rendu de son audition – invoque comme seul argument à la reconnaissance de la qualité d’AAI à cette instance la nécessaire rapidité des décisions. Pour ma part, je ne suis pas persuadée que seule une AAI puisse satisfaire une telle exigence.
Quant à la Commission des sondages, sa présidente, Marie-Ève Aubin, ne nous a pas convaincus – excusez-moi de le dire un peu abruptement –, lors de son audition, de l’indépendance de l’instance à l’égard du Conseil d’État. Elle a reconnu que le statut de la Commission, entre 1977 et 2001, « de pur fait », n’avait pas posé de problème, bien qu’il ne fût pas, selon elle, « juridique ».
Je souhaitais éclairer le Sénat sur ces points, en citant des auditions menées par la commission d’enquête. Il est important de le rappeler, car les deux textes que nous examinons ce soir en sont issus.
M. le président. À la demande de la commission des lois, nous allons procéder au vote par division de l’amendement n° 12.
Je mets aux voix le I de l’amendement n° 12.
(Le I de l'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le II de l’amendement n° 12.
(Le II de l'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le III de l’amendement n° 12.
(Le III de l'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le IV de l’amendement n° 12.
(Le IV de l'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le V de l’amendement n° 12.
(Le V de l'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Annexe, après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Autorité de régulation de la distribution de la presse
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. J’ai défendu cet amendement lors de mon intervention initiale. J’en rappellerai donc simplement les motivations.
Il s’agit de réintégrer l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, dans la liste des AAI. En effet, ce statut lui a été donné voilà peu de temps par la loi du 17 avril 2015, dont je rappelle qu’elle a été adoptée à l’unanimité par le Sénat.
Je le répète, pour assurer la régulation des conflits en matière de distribution de presse écrite, il faut effectivement une autorité indépendante. Ce disant, je me réfère aux décisions de la cour d’appel de Paris et à l’arrêt du 7 janvier 2016 du Conseil constitutionnel, qui qualifie d’AAI l’ARDP.
J’indique aux groupes CRC, socialiste et républicain, et écologiste que le rôle de l’ARDP a été fixé par la loi Bichet, en 1947, laquelle instaure une solidarité entre les différentes formes de distribution. Je prendrai deux exemples.
Premièrement, aujourd'hui, au sein de la presse écrite, il existe de sérieuses tensions, les enjeux liés à la distribution des magazines, de la presse quotidienne et de la presse professionnelle sur abonnement étant bien différents. C’est l’ARDP qui régule la situation.
Deuxièmement, la presse quotidienne nationale s’est intéressée au portage développé par la presse régionale, laquelle a signé des conventions d’exclusivité avec Presstalis en cette matière. Qui a « cassé » ces conventions ? L’ARDP ! Vous lui en avez en effet donné le pouvoir.
Pour terminer, en m’adressant au groupe Les Républicains, je rappelle que l’évolution du statut de l’ARDP trouve son origine dans le discours de clôture des états généraux de la presse du 23 janvier 2009, au cours duquel Nicolas Sarkozy avait demandé la création d’une instance réellement indépendante, « chargée de concilier une distribution efficace de la presse »…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Mes collègues du groupe Les Républicains ont compris le sens de mon propos. J’espère donc qu’ils soutiendront cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Le dernier argument de notre excellent collègue est absolument terrible ! Je ne m’y attendais pas ! Je constate d’ailleurs que M. le rapporteur pour avis s’est adressé à tous les groupes, sauf un, ce qui est fâcheux…
Cela étant, les conclusions de la commission d’enquête et la position de la commission de la culture reflètent une appréciation différente de la situation.
Au demeurant, nous devons être capables de nous écouter les uns les autres. Le dernier des propos de M. Bonnecarrère était peut-être superfétatoire…
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Je le retire !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je ne vous en demande pas tant, monsieur le rapporteur pour avis ! Toutefois, la commission y est sensible et émet un avis de sagesse positive sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Tous les arguments avancés étaient excellents.
Cet amendement, qui concerne l’ARDP, vise à confirmer que cette instance voit maintenue sa qualité d’AAI, laquelle lui a été très récemment reconnue, cela a été rappelé, par la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, même si cela répondait à un objectif fixé antérieurement.
Un tel statut répond également à des objectifs de développement des compétences de cette autorité. Je pense notamment à l’homologation des barèmes de messagerie.
Sur cet amendement, le Gouvernement souscrit totalement, comme la commission, à la reconnaissance, pour l’ARDP, de la qualité d’AAI et s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Vaugrenard et Rome, Mme Lienemann, M. Cabanel et Mmes Espagnac et Bataille, est ainsi libellé :
Annexe, après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Médiateur national de l’énergie
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à intégrer le médiateur national de l’énergie dans la liste des autorités administratives indépendantes figurant en annexe du présent texte. Cela nous paraît essentiel, compte tenu des missions et du rôle du médiateur dans le secteur spécifique de l’énergie, service de première nécessité dans un marché fortement capitalistique et concurrentiel.
Je rappelle que le législateur a souhaité doter le médiateur d’un statut public et d’un financement dédié via la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, lui garantissant ainsi une totale autonomie pour remplir ses missions, à savoir informer les consommateurs sur leurs droits et les aider à résoudre leurs litiges avec les fournisseurs et gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz naturel.
Ce faisant, le législateur a souhaité distinguer le médiateur national de l’énergie de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, dotée de pouvoirs de contrôle, de sanction et d’édiction de décisions applicables aux fournisseurs et aux gestionnaires de réseaux.
Selon nous, cette distinction opérée en 2006 se justifie encore pleinement, à l’heure où les pouvoirs de décision réglementaire et d’approbation du régulateur ont une forte incidence sur le consommateur. Je songe en particulier à la fixation des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz naturel, aux tarifs d’acheminement, ou encore aux barèmes de prix des prestations des gestionnaires de réseaux de distribution facturées aux consommateurs.
En effet, le médiateur national de l’énergie peut être appelé à prendre des positions susceptibles de remettre en cause les pratiques d’un opérateur, comme une préconisation ou une décision du régulateur, lorsque l’intérêt des consommateurs le justifie.
Ainsi, à l’instar du Défenseur des droits, ce médiateur exerce un pouvoir d’influence qui constitue son autorité – ce sont les termes de l’avis public rendu en 2001 par le Conseil d’État au sujet des autorités administratives indépendantes. Or, à nos yeux, ce pouvoir d’influence n’est pas compatible avec le devoir de réserve incombant aux membres des collèges de la CRE.
Aussi cet amendement tend-il à garantir le maintien de l’indépendance totale du médiateur national de l’énergie : il faut maintenir son statut d’autorité administrative indépendante pour qu’il puisse conforter son rôle dans le secteur de l’énergie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je le dis à titre général, car des cas similaires pourraient se présenter : un pouvoir d’influence ne saurait suffire pour qu’une instance puisse prétendre au statut d’autorité administrative indépendante. Sinon, il faudrait reconnaître une quantité considérable d’institutions de cette nature sur le territoire national !
En l’occurrence, le médiateur national de l’énergie n’a pas de pouvoir normatif ou de sanction. De surcroît, ce n’est pas le seul médiateur qui existe en France. Si nous ouvrons cette brèche, je crains que nous ne puissions la refermer.
Mes chers collègues, vous le savez, en matière d’impôts, on a coutume de dire : il y a beaucoup de niches fiscales, et dans chaque niche, il y a…
M. Gérard Longuet. Un chien qui aboie !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Tout à fait !
J’ai beaucoup de respect pour le médiateur national de l’énergie, comme pour les présidents d’organismes divers. Toutefois, je signale que, en l’espèce, nous sommes face à un cas de figure parallèle.
Il ne s’agit aucunement de porter atteinte à l’indépendance de ce médiateur, mais, je le répète, il serait tout à fait néfaste d’ouvrir une brèche en le classant au rang des autorités administratives indépendantes.
Aussi l’avis de la commission est-il tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur Courteau, le médiateur national de l’énergie n’est pas qualifié d’autorité administrative indépendante par l’article L. 122-1 du code de l’énergie. Je le rappelle à mon tour : le fait qu’il soit uniquement à même d’émettre des recommandations, dont la portée est difficile à apprécier, ne plaide pas pour qu’il soit retenu au nombre de ces instances.
En conséquence, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Je le répète, pour notre part, nous approuvons l’idée selon laquelle diverses autorités indépendantes méritent d’être supprimées. Mais, parallèlement, nous estimons que de nouvelles instances devraient pouvoir acquérir ce statut, eu égard à leur rôle ou aux fonctions qu’elles assument. Le débat doit être ouvert.
En l’occurrence, compte tenu du vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le médiateur national de l’énergie, qui joue un rôle positif, va sans doute voir ses missions renforcées. Quoique sans grandes illusions, nous soutiendrons donc cet amendement.
Plus largement, notre position est la suivante : oui à des suppressions d’autorités administratives indépendantes, oui à une déontologie renouvelée et, le cas échéant, oui à des évolutions. Faute de quoi, on se cantonnerait dans un périmètre constant, figé, à rebours du programme réformateur affiché par le rapport de la commission d’enquête.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mes chers collègues, permettez-moi ce simple rappel : Carole Delga, lorsqu’elle était secrétaire d’État, a annoncé la généralisation de la médiation dans tous les secteurs de la consommation. Cette déclaration peut être mise en regard de la mission d’information des consommateurs, dont il est question via cet amendement. Je souscris donc à l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiens les propos de Mme Bouchoux. La commission d’enquête qu’a présidée Mme Des Esgaulx et dont M. Mézard était le rapporteur nous invite à une logique évolutive : à ce titre, la création de nouvelles autorités administratives indépendantes serait cohérente.
Madame Des Esgaulx, j’ai évoqué auparavant la Commission des sondages. Vous avez pleinement raison de souligner que, aujourd’hui, cette instance ne fonctionne pas dans des conditions normales : elle n’a aucune indépendance financière, elle est tout simplement abritée par le Conseil d’État, ce qui n’est pas satisfaisant. J’admets donc tout à fait que, dans sa configuration actuelle, cette commission ne peut être qualifiée d’autorité administrative indépendante au sens strict du terme.
Toutefois, avec la conception que l’on pourrait en avoir, et qui l’emportera peut-être un jour si les dispositions législatives nécessaires sont votées, la situation serait peut-être différente.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Annexe, après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, le présent amendement tend à rétablir le statut d’autorité administrative indépendante de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI. Je l’ai défendu il y a quelques instants, par anticipation.
Que les choses soient bien claires : le présent texte a pour objet non pas de supprimer telle ou telle institution, mais bien de clarifier et d’encadrer le statut d’autorité administrative indépendante.
En conséquence, la question aujourd’hui n’est pas : pour ou contre la HADOPI ? Je sais que ce débat passionne nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais l’interrogation est bien la suivante : telle qu’elle existe, la HADOPI est-elle ou non une autorité administrative indépendante ? Selon la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, la réponse est clairement oui.
Je ne me permettrai pas d’instrumentaliser à ce propos les groupes politiques de la Haute Assemblée. J’apporte simplement cette précision : la HADOPI joue un rôle, sinon contentieux, du moins précontentieux. D’une part, elle traite de la protection des données personnelles. De l’autre, par un mécanisme de graduation des sanctions, à savoir les mesures techniques de protection, ou MTP, elle sanctionne, dans le cadre d’une procédure contradictoire, les internautes qui font un usage irrégulier d’une œuvre.
Ces attributions sont donc, a minima, de nature précontentieuse. Elles sont partant du ressort des autorités administratives indépendantes. J’ajoute que les logiques d’impartialité qu’elles impliquent sont caractéristiques de ces instances.
Aussi, quelles que soient vos positions personnelles quant à la HADOPI en tant que telle, nous vous demandons de conserver à cette instance son statut d’autorité administrative indépendante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. M. Bonnecarrère l’a rappelé avec raison : ces deux propositions de loi n’ont pas pour but de supprimer tel ou tel organisme, qu’il soit ou non reconnu comme autorité administrative indépendante. Elles ne tendent pas davantage à juger le fonctionnement de telle ou telle instance,…
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Jacques Mézard, rapporteur. … point qui, je l’espère, fera l’objet d’autres débats.
En effet, nous avons auditionné les représentants de diverses autorités, indépendantes ou non, dont le fonctionnement soulève à l’évidence un certain nombre de problèmes, ou dont les procédures, que le législateur leur a lui-même imposées, peuvent susciter des difficultés considérables. Je pense par exemple aux graves problèmes qu’ont posés, dans le domaine des médias, diverses décisions du CSA.
Toujours est-il que ces deux textes n’ont pas vocation à modifier les objectifs de telle ou telle autorité. Au sujet de la HADOPI, diverses conceptions s’opposent. On peut être très dubitatif quant au bilan de cet organisme. Mais, M. le rapporteur pour avis semble lui aussi le suggérer, ce sujet sera discuté ultérieurement.
La commission émet donc, sur cet amendement, comme sur l’amendement n° 1, un avis de sagesse positive.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Si le présent texte était adopté en l’état, la HADOPI perdrait son statut d’autorité publique indépendante : elle serait tout simplement transformée en établissement administratif.
Or, depuis 2009, la HADOPI doit, entre autres missions, assurer la protection des œuvres par le biais de la réponse graduée. Son statut actuel correspond à la nature des missions qui lui sont confiées, en particulier au règlement des différends, ainsi qu’à ses pouvoirs réglementaires. Il lui permet d’agir dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité. Aussi, il mérite d’être maintenu.
Compte tenu de sa position globale sur cette proposition de loi, le Gouvernement s’en remet, pour ce qui concerne le présent amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je comprends la position de la commission de la culture que vient d’exposer M. Bonnecarrère. Au sein de la commission d’enquête, nous nous sommes nous-mêmes interrogés sur ce sujet.
À propos de la HADOPI, Mme Marie-Françoise Marais nous a déclaré lors de son audition : « La question de son absorption par le CSA, même la présidente se l’est posée. »
Cela étant, j’ai bien noté l’attachement des pouvoirs publics au droit de la propriété intellectuelle, et je relève à mon tour que la HADOPI a été qualifiée d’autorité publique indépendante par le code de la propriété intellectuelle.
La question est posée et, je le répète, je suis sensible aux arguments émanant de la commission de la culture.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'ensemble constitué par l’article 1er et l’annexe.
(L'article 1er et l’annexe sont adoptés.)
Article 2
(Non modifié)
Les autorités publiques indépendantes disposent de la personnalité morale. – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Sauf disposition contraire, les règles prévues aux titres Ier à IV de la présente loi s’appliquent aux membres des collèges et, le cas échéant, des commissions des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions. – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Pour l’application de la présente loi, les dispositions mentionnant le président d’une autorité administrative indépendante s’appliquent au Défenseur des droits et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Les articles 5 à 13 et l’article 22 ne sont pas applicables au Défenseur des droits. Par dérogation à la première phrase de l’article 16, il établit le règlement intérieur de l’institution, dont les règles déontologiques s’appliquent également aux adjoints, aux membres du collège et à ses délégués.
Le deuxième alinéa des articles 5 et 7, le troisième alinéa de l’article 11 et l’article 12 de la présente loi ne sont pas applicables au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Par dérogation à la première phrase de l’article 16, il établit le règlement intérieur de l’autorité.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
des articles 5 et
par les mots :
de l'article
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Titre Ier
ORGANISATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Article 5
La durée du mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est de six ans.
Il est pourvu au remplacement d’un membre huit jours au moins avant l’expiration de son mandat. – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Les parlementaires désignés comme membres d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante sont élus à la majorité absolue des suffrages exprimés par l’assemblée au sein de laquelle ils siègent.
Par dérogation au premier alinéa de l’article 5, leur mandat prend fin avec leur mandat parlementaire. – (Adopté.)
Article 7
(Non modifié)
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante n’est pas révocable.
Sauf démission, le mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, que le membre se trouve dans une situation d’incompatibilité, qu’il est empêché d’exercer ses fonctions ou qu’il a manqué à ses obligations.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le mandat d'un membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si, sur proposition du président, le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué aux obligations prévues par la loi ou le règlement intérieur.
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Le mandat du président d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si, sur proposition du membre le plus âgé, le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué aux obligations prévues par la loi ou le règlement intérieur.
Un membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante qui se trouve dans une situation d'incompatibilité met fin à celle-ci dans un délai de trente jours à compter de sa nomination ou son élection. À défaut d'option dans ce délai, le président de l'autorité administrative indépendante ou de l'autorité publique indépendante, ou le membre le plus âgé lorsque l'incompatibilité concerne le président, le déclare démissionnaire.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement tend à procéder à trois modifications.
Tout d’abord, il vise à indiquer que, lorsqu’il se prononce sur l’interruption ou la suspension du mandat de l’un de ses membres, le collège d’une autorité administrative indépendante agit sur proposition de son président.
Ensuite, cet amendement a pour objet de préciser les obligations dont le manquement peut justifier l’interruption ou la suspension du mandat d’un membre, afin d’en bien délimiter le champ.
Enfin, il tend à exclure de cette procédure de vote du collège le traitement des incompatibilités.
En effet, autant l’empêchement d’exercer des fonctions et le manquement aux obligations imposées relèvent d’une appréciation subjective justifiant une saisine du collège et un vote de ce dernier, autant l’incompatibilité se constate, en tant que fait.
En conséquence, nous proposons de donner trente jours au membre élu ou nommé pour se mettre en conformité avec les règles d’incompatibilité énoncée. S’il ne s’y soumet pas, il revient au président de le déclarer démissionnaire.
Faisant suite aux observations de M. le rapporteur, cet amendement tend à prévoir l’hypothèse où le président lui-même aurait manqué à ses obligations, serait empêché d’exercer ses fonctions ou ne mettrait pas fin à une situation d’incompatibilité dans le délai fixé par la loi. En pareils cas, il reviendrait au membre le plus âgé de l’instance considérée, soit de convoquer le collège soit de déclarer le président démissionnaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le collège statue sur proposition du président. Il tend également à alléger la procédure en cas d’incompatibilité en retenant, comme en matière électorale, la démission d’office, car l’appréciation est plus objective.
La remarque que nous avons faite en commission a été prise en compte : lorsque le président est concerné, ses pouvoirs sont alors exercés par le membre le plus âgé.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Les dispositions proposées clarifient le statut des membres de ces instances et apportent une précision utile sur les sanctions en cas de manquement. Il est légitime d’indiquer les cas dans lesquels l’interruption ou la suspension du mandat peuvent intervenir. De même, la distinction entre suspension, interruption et démission est intéressante.
Le Gouvernement s’en remet par conséquent à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante et d’une autorité publique indépendante n’est pas renouvelable.
En cas de vacance d’un siège de membre, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à la désignation, dans le délai de deux mois, d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois. – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
Nul ne peut être membre de plusieurs autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes.
Le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec les fonctions au sein des services d’une de ces autorités.
Au sein d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, le mandat de membre du collège est incompatible avec celui de membre d’une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions. – (Adopté.)
Article 9 bis (nouveau)
Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes peuvent percevoir une indemnité ou une rémunération, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
Titre II
DÉONTOLOGIE AU SEIN DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Chapitre Ier
Déontologie des membres
Article 10
Dans l’exercice de leurs attributions, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne reçoivent et ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité.
Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne prennent, à titre personnel, aucune position publique relative aux compétences de l’autorité au sein de laquelle ils siègent.
Les anciens membres des autorités administratives indépendantes et des autorités administratives indépendantes s'abstiennent de toute prise de position publique sur toutes les questions en cours d'examen durant un an à compter de la cessation de leur mandat. Les membres et anciens membres sont tenus de respecter le secret des délibérations.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et des autorités administratives
par les mots :
et des autorités publiques
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur rédactionnelle à l’alinéa 3 de l’article 10.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
À l’exception des parlementaires, le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec tout mandat électif local. Sans préjudice d’incompatibilités spécifiques, ce mandat est également incompatible avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts en lien avec le secteur dont l’autorité assure le contrôle, la surveillance ou la régulation.
La présidence d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public. La même incompatibilité s’applique aux membres dont la fonction est exercée à temps plein.
Sauf s’il y est désigné en cette qualité, l’exercice des fonctions de membre du Conseil d’État, de membre de la Cour des comptes, de conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel et conseiller de chambre régionale des comptes est incompatible avec un mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par onze alinéas ainsi rédigés :
À l’exception des parlementaires, le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec :
1° Les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire ;
2° Les fonctions de président et de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ;
3° Les fonctions de président et de vice-président de conseil départemental ;
4° Les fonctions de président et de vice-président de conseil régional ;
5° Les fonctions de président et de vice-président d’un syndicat mixte ;
6° Les fonctions de président et de membre du conseil exécutif de Corse et de président de l’assemblée de Corse ;
7° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique, de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;
8° Les fonctions de président et de vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
9° Les fonctions de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.
Sans préjudice d’incompatibilités spécifiques, ce mandat est également incompatible avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts en lien avec le secteur dont l’autorité assure le contrôle.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Par le biais de cet amendement, notre collègue Alain Richard fait observer que la proposition de loi, dans son article 11, prévoit de rendre incompatible le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante avec tout mandat électif local. Ce régime d’incompatibilité serait en conséquence plus strict que celui qui existe pour les parlementaires.
Nous proposons de limiter aux fonctions exécutives locales l’incompatibilité avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante.
Le fait d’être conseiller municipal dans un village de cinquante habitants est-il un cas d’incompatibilité majeur ? Telle est la question que nous nous permettons de poser au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, car il va dans le bon sens.
Notre collègue Alain Richard est à juste titre tout à fait réservé sur le non-cumul des mandats, comme il l’avait indiqué avec beaucoup de sagesse lors de l’examen du texte du Gouvernement sur ce sujet. Je regrette d’ailleurs que, une fois de plus, le Gouvernement n’ait pas alors suivi ses observations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Gouvernement est tout à fait favorable au non-cumul des mandats, mais également à cet amendement, car l’interdiction générale inscrite dans la proposition de loi, bien qu’elle existe déjà pour certaines autorités administratives indépendantes, peut poser problème eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je ne rappellerai pas les arguments que vient de développer à l’instant Jean-Pierre Sueur.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un décret en Conseil d'État détermine la liste des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes dont la présidence est incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle ou d'un autre emploi public.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’alinéa 2 de l’article 11 de la proposition de loi prévoit l’interdiction pour les présidents d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante d’exercer toute activité professionnelle ou tout emploi public.
Nous ne sommes pas opposés à une telle incompatibilité, mais nous pensons qu’elle pourrait poser des problèmes si elle devait s’appliquer de manière rigide et uniforme.
En effet, les autorités administratives indépendantes, si elles partagent une qualification commune, n’en sont pas moins diverses dans leur champ d’activité, leur périmètre, leurs missions, leurs effectifs. En conséquence, leur présidence ne requiert pas systématiquement un emploi à temps plein.
Afin de tenir compte de la diversité des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, le présent amendement tend à ce qu’un décret en Conseil d’État détermine celles dont la présidence est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public.
L’adoption de cet amendement apporterait de la souplesse pour aujourd’hui comme pour l’avenir. Il ne faut pas oublier que la liste des autorités administratives indépendantes peut évoluer en fonction des nécessités. Peut-être cette souplesse serait-elle bénéfique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission est tout à fait défavorable à cet amendement, qui est contraire à la démarche de simplification et de transparence qui est la nôtre. Nous avons en effet prévu que la présidence des autorités administratives indépendantes était incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public.
Il faut être clair : est-il raisonnable à la fois de dire que les autorités administratives indépendantes ont un pouvoir important, qu’elles sont indépendantes – celles qui subsisteront dans la liste restreinte le seront d’autant plus – et de considérer que leurs présidents peuvent exercer une autre activité en parallèle ?
Ne serait-ce pas un peu malin, au sens premier du terme, de décider qu’un décret en Conseil d’État détermine la liste des autorités administratives indépendantes dont la présidence est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public, mes chers collègues, sachant que pratiquement les deux tiers des présidents de ces autorités sont des conseillers d’État ou des conseillers à la Cour des comptes ? Il me semble qu’il ne serait pas très sage d’aller dans cette direction !
En outre, lorsqu’on est, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, favorable au non-cumul des mandats, lorsqu’on est, comme nous, attaché à l’unicité de la fonction – je rappelle que le Sénat a considéré hier soir qu’il n’était pas bon que le Gouvernement nomme des parlementaires en mission –, il ne faut pas envoyer des messages contraires à tous ceux que le Gouvernement adresse au pays depuis trois ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. La proposition de loi consacre l’interdiction absolue du cumul. La solution proposée par le biais de cet amendement consiste à renvoyer à un décret en Conseil d’État la liste des autorités administratives indépendantes ou des autorités publiques indépendantes dont la présidence est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public.
Cette solution est préférable, car elle permet de fixer une règle au cas par cas et non une règle générale. Il faut tenir compte des spécificités des missions de chacune des autorités et du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions de président d’une autorité administrative indépendante.
Si une incompatibilité absolue était décidée, tous les présidents ne pourraient exercer que la présidence de leur autorité. En réalité, une telle incompatibilité pourrait entraîner des coûts, car certaines autorités n’émettent qu’un nombre assez limité d’avis au cours d’une année.
Le renvoi à un décret en Conseil d’État semble une solution adéquate. Par conséquent, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Si je comprends bien, M. le rapporteur est pour le cumul des mandats en politique et contre le cumul dans l’administration…
Certes, l’idée de confier au Conseil d’État le pouvoir de déterminer la liste des autorités dont la présidence est incompatible avec une autre fonction ne m’enchante pas, compte tenu, de surcroît, des critiques que vient de faire M. le rapporteur, mais je pense que l’interdiction de cumuler une présidence avec l’exercice d’une activité professionnelle ou d’un autre emploi public sera source de gaspillage, notamment des deniers publics.
À titre d’exemple, permettez-moi d’évoquer le cas de la CADA, la Commission d’accès aux documents administratifs. Alors que sa présidence a toujours été confiée à un retraité, elle est aujourd'hui assurée par un conseiller d’État en activité. L’application trop stricte de la règle du non-cumul serait finalement coûteuse.
Je le répète, je ne m’explique pas que l’on soit pour le cumul des mandats en politique et contre dans l’administration ! Soit on est contre dans les deux cas – telle serait plutôt ma position –, soit on est pour dans les deux cas, mais il ne me paraît pas raisonnable de faire deux poids deux mesures.
Même si je suis très critique à l’égard des conseillers d’État et du Conseil d’État, même si je suis contre le cumul des mandats, je pense qu’il faut introduire un peu de souplesse.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je défends moi aussi l’idée d’introduire une certaine souplesse, car certaines autorités administratives exigent des compétences qui n’existent pas dans l’administration, que ce soit dans le domaine de la santé ou du droit. On peut ainsi imaginer que des médecins, des avocats, des chefs d’entreprise puissent être sollicités pour exercer la présidence d’une autorité administrative indépendante.
Si vous n’acceptez pas qu’il soit possible, dans certains cas, d’exercer à la fois une présidence et une activité professionnelle, alors la présidence ne peut être confiée qu’à un retraité ou à un fonctionnaire.
Certes, en prévoyant un décret en Conseil d’État, vous confiez la garde du pot de crème au chat, mais un tel décret a l’immense avantage de pouvoir être attaqué. C’est là une soupape de sûreté si vous craignez que les chats ne se gardent la crème. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je ne sais pas si les propos que je vais tenir sont politiquement corrects, mais tant pis !
Nous avons tout de même constaté que, dans un certain nombre de cas, des présidents de section à la Cour des comptes ou au Conseil d’État étaient par ailleurs présidents d’autorités administratives indépendantes. Mme Bouchoux connaît elle-même la question du cumul, puisqu’elle est membre de la CADA.
Je pense que, en la matière, il faut être strict. On ne peut pas à la fois vouloir restreindre le nombre et la prolifération des autorités administratives indépendantes, leur donner et leur conserver des pouvoirs importants, et considérer que leurs présidents peuvent parallèlement exercer une autre activité. Qui donc dirigera l’autorité administrative indépendante pendant que le président exercera son autre fonction, si ce n’est son administration ?
J’entends bien les observations de notre excellent collègue Gérard Longuet, mais il évoque des cas qui n’existent pratiquement pas dans les autorités administratives indépendantes. Je le répète, dans les deux tiers des cas, la présidence de ces autorités est exercée par un conseiller du Conseil d’État ou de la Cour des comptes.
M. Gérard Longuet. Justement, il faudrait que cela change !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Si vous laissez au Conseil d’État le soin de faire le tri, la situation ne changera pas, pis, elle s’aggravera. Il faut tout de même se rendre compte de ce qu’est la réalité ! D’aucuns ont pu considérer que nous avions des a priori ou que nous faisions des procès d’intention, mais tel n’est pas du tout le cas ! Nous avons simplement constaté des dérives tout à fait regrettables.
Lors des auditions auxquelles a procédé la commission d’enquête – Mme Des Esgaulx, sa présidente, s’en souvient –, nous avons pris connaissance de situations qui, si elles n’avaient pas l’air de beaucoup choquer les personnes auditionnées, nous ont choquées, nous.
Il faut le dire : adopter cet amendement irait à l’encontre de l’esprit de la proposition de loi.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d'appel et conseiller de chambre régionale
par les mots :
membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de membre du corps des magistrats des chambres régionales
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
(Non modifié)
La déclaration d’intérêts déposée par un membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante en application du 6° du I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est tenue à la disposition des autres membres de l’autorité au sein de laquelle il siège. – (Adopté.)
Article 13
Aucun membre de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante ne peut participer à une délibération, une vérification ou un contrôle si :
1° Il y a intérêt ou, au cours des trois années précédant la décision, eu intérêt ;
2° Il exerce des fonctions ou détient des mandats ou, si au cours de la même période, il a exercé des fonctions ou détenu des mandats au sein d’une personne morale concernée par la délibération, la vérification ou le contrôle ;
3° Il représente ou, au cours de la même période, a représenté une des parties intéressées. – (Adopté.)
Chapitre II
Déontologie du personnel
Article 14
(Non modifié)
L’autorité administrative indépendante ou l’autorité publique indépendante détermine dans son règlement intérieur les règles déontologiques applicables à ses agents et, le cas échéant, à ses collaborateurs ou experts. – (Adopté.)
Titre III
FONCTIONNEMENT DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Article 15
Les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes disposent des moyens humains et techniques nécessaires à l’accomplissement de leurs missions ainsi que des ressources correspondantes, dans les conditions fixées en loi de finances. – (Adopté.)
Article 16
(Non modifié)
Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, un règlement intérieur, adopté par le collège sur proposition de son président, précise les règles d’organisation et de fonctionnement au sein de chaque autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante. Il est publié au Journal officiel. – (Adopté.)
Chapitre Ier
Personnel des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
Article 17
Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante dispose de services placés sous l’autorité de son président.
Selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État, toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante peut bénéficier de la mise à disposition ou du détachement de fonctionnaires, de magistrats de l’ordre judiciaire, de militaires et de fonctionnaires des assemblées parlementaires et recruter, au besoin, des agents contractuels.
Un décret en Conseil d'État détermine l'échelle des rémunérations des personnels des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. – (Adopté.)
Article 18
(Non modifié)
Le secrétaire général ou le directeur général est nommé par le président de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante. – (Adopté.)
Chapitre II
Finances des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
Article 19
(Non modifié)
Le président de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante est ordonnateur des recettes et des dépenses.
La loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées n’est pas applicable à la gestion des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Elles présentent leurs comptes au contrôle de la Cour des comptes. – (Adopté.)
Article 20
(Non modifié)
Toute autorité publique indépendante dispose de l’autonomie financière.
Le budget de l’autorité publique indépendante est arrêté par le collège sur proposition de son président. – (Adopté.)
Chapitre III
Patrimoine des autorités publiques indépendantes
Article 21
(Non modifié)
Les biens immobiliers appartenant aux autorités publiques indépendantes sont soumis aux dispositions du code général de la propriété des personnes publiques applicables aux établissements publics de l’État. – (Adopté.)
Titre IV
CONTRÔLE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Article 22
Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante adresse chaque année, avant le 1er juin, au Gouvernement et au Parlement un rapport d’activité rendant compte de l’exercice de ses missions et de ses moyens. Ce rapport comporte toute recommandation utile. Il est rendu public. – (Adopté.)
Article 23
(Non modifié)
À la demande des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante rend compte de son activité devant elles.
À la demande du président de l’une de ces commissions, l’avis d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante sur tout projet de loi est rendu public. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 23
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° du I de l’article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « des députés et des sénateurs, en application de l'article L.O. 135-1 du code électoral, » sont supprimés.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Le présent amendement a pour objet de transférer aux bureaux des assemblées les compétences de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, concernant le contrôle de la situation personnelle des parlementaires.
D’emblée, je souhaite lever tout soupçon. La Haute Autorité a réalisé un travail que je tiens à saluer en tant que parlementaire, et qui nous a permis de nouer avec elle de bonnes relations. Je ne peux donc que me féliciter de ce travail.
Toutefois, en tant qu’autorité administrative indépendante, la HATVP se trouve dans une situation manifestement contraire au sens de l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
En effet, la carrière du personnel de cette autorité administrative et de certains de ses membres dépend de l’exécutif, qui contrôle la situation des parlementaires, avec pour conséquence éventuelle des poursuites judiciaires, ce qui peut tout à fait se produire. Le label AAI ne suffit pas à masquer l’évidente confusion des pouvoirs entraînée par la loi du 11 octobre 2013.
Le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence, n’a pas considéré que cette situation était contraire à l’article XVI de la Déclaration de 1789, non plus qu’aux dispositions de l’article 26 de la Constitution qui précise que le bureau est l’organe compétent en matière disciplinaire au sein des assemblées. Le Conseil constitutionnel est souverain. Toutefois, je ne peux que constater à quel point cette décision jurisprudentielle du juge constitutionnel s’écarte de la clarté du texte constitutionnel.
Or, dans un contexte où la transparence – c’est l’esprit de cette proposition de loi – devient une exigence incontournable, nous devons plus que jamais respecter les fondamentaux de notre ordre constitutionnel, surtout dans une période où le politique et les pouvoirs publics sont déstabilisés. Les assemblées disposent d’organes compétents en matière disciplinaire qui peuvent très bien réaliser un travail comparable à celui de la Haute Autorité.
Concernant le Sénat, pour ne prendre qu’un seul exemple, le train de réformes engagé par le bureau sous l’autorité du président Larcher a permis de faire la démonstration de la rigueur, de l’inflexibilité et de l’absence de complaisance du travail de contrôle réalisé par le bureau.
Le Sénat a conforté une véritable crédibilité de ce point de vue et nous permet ainsi de poser la question de l’instauration d’un régime de transparence qui soit désormais totalement conforme à notre Constitution.
Tel est le sens de cet amendement que je vous propose d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je comprends l’objectif de M. Pozzo di Borgo, mais je ne peux être favorable à son amendement. En effet, ce dernier traite des attributions d’une autorité administrative indépendante, en l’occurrence la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ce qui n’est pas en cohérence avec les deux textes que nous vous soumettons. Cela étant, il est bon que cela soit dit.
J’ajoute que nous avons auditionné durant cinq heures le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – il a été entendu pendant deux heures et demie au Sénat, et je suis aussi allé l’auditionner dans son bureau puisqu’il s’agissait d’une commission d’enquête. Je lui ai fait passer le message qu’il était bon que la loi de la République soit appliquée par la Haute Autorité de la même manière sur l’ensemble du territoire national à tous ceux qui relèvent de sa compétence, ce qui n’était pas – du moins le jour où je l’ai entendu – encore le cas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 6, qui va à l’encontre du dispositif de transparence que le Gouvernement a institué dans la loi du 11 octobre 2013 et qui a confié à une Haute Autorité administrative indépendante, dédiée, le contrôle des déclarations de patrimoine. Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de cette loi, notamment au regard du principe de séparation des pouvoirs énoncé à l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Je crois aussi, comme vient de le dire le rapporteur, que cet amendement est étranger à l’objet de la présente proposition de loi. À certains égards, cet amendement, qui porte non pas sur le statut de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, mais sur ses compétences, pourrait s’apparenter à un cavalier.
De toute façon, sur le fond, nous sommes très attachés à ce dispositif, à la transparence qu’il assure et qui repose évidemment sur l’indépendance de la Haute Autorité. Il ne faudrait pas revenir en arrière. Ce n’est pas du tout le sens des progrès qui ont été faits en matière de transparence de la vie publique.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je vais retirer cet amendement n° 6, comme je retirerai l'amendement que j’ai déposé sur la proposition de loi organique. Au préalable, je souhaite donner quelques arguments complémentaires.
Je comprends très bien, s’agissant d’un amendement important, qu’il ne peut pas être voté sans le consensus du Parlement. J’ai retenu les arguments du rapporteur, plus que ceux du secrétaire d'État. Si la réforme qui a été proposée est bonne et les nouveaux pouvoirs qui ont été donnés positifs, je considère que la façon dont est mise en œuvre la mission de contrôle de l’exercice des mandats parlementaires constitue une régression constitutionnelle, du fait que cette compétence ne soit pas exercée par les bureaux des assemblées, ce qui n’est pas conforme à la Constitution. C’est sur ce point que je veux insister.
Au cours de ma première année de droit, je m’étais rendu compte, lors des travaux pratiques, que le travail jurisprudentiel de nombreux tribunaux allait très souvent à l’encontre de l’esprit de la loi. J’ai beaucoup de respect pour le Conseil constitutionnel, mais je considère que sa décision jurisprudentielle concernant la HATVP va à l’encontre de l’esprit et de la clarté de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et de l’article 26 de la Constitution.
Cela étant, je souhaite que, à l’occasion du travail d’évaluation que la commission des lois va mener sur la loi de 2013, une réflexion sur ce sujet soit engagée. Il n’est pas normal, alors que la vie politique est déstabilisée, que les principes fondamentaux de la démocratie, notamment celui de la séparation des pouvoirs, ne soient pas appliqués.
D'ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même, concernant la Cour des comptes, a bien précisé qu’elle était indépendante, qu’elle ne devait pas contrôler le Parlement. Et c’est la raison pour laquelle le Sénat et l’Assemblée nationale lui ont demandé de l’assister dans leurs missions de contrôle.
Je retire cet amendement, mais je considère que cette importante réflexion doit être engagée.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
Article 24
(Non modifié)
Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport sur la gestion des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
1° Cette annexe générale récapitule, par autorité et pour le dernier exercice connu, l’exercice budgétaire en cours d’exécution et l’exercice suivant :
a) Le montant constaté ou prévu de leurs dépenses et leur répartition par titres ;
b) Le montant constaté ou prévu des produits des impositions de toute nature, des subventions budgétaires et des autres ressources dont elles bénéficient ;
c) Le nombre des emplois rémunérés par ces autorités ou mis à disposition par des tiers ainsi que leur répartition présentée :
- par corps ou par métier et par type de contrat ;
- par catégorie ;
- par position statutaire pour les fonctionnaires.
d) Le loyer, la surface utile brute du parc immobilier de l’autorité ainsi que le rapport entre le nombre de postes de travail et la surface utile nette du parc immobilier.
2° Elle présente également, de façon consolidée pour l’ensemble des autorités administratives et publiques indépendantes, l’ensemble des crédits et des impositions affectées qui leur sont destinés et le total des emplois rémunérés par eux ou mis à leur disposition par des tiers.
3° Cette annexe générale comporte enfin, pour chaque autorité publique indépendante, une présentation stratégique avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions et une présentation des dépenses et des emplois avec une justification au premier euro. Elle expose la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l’autorité et la justification des variations par rapport à la situation existante et comporte une analyse des écarts entre les données prévues et constatées pour les crédits, les ressources et les emplois, ainsi que pour les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.
Elle est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l’examen du projet de loi de finances de l’année qui autorise la perception des impôts, produits et revenus affectés aux organismes divers habilités à les percevoir. – (Adopté.)
Titre V
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Chapitre Ier
Suppression de la qualité d’autorité administrative indépendante
Article 25
(Non modifié)
I. – Au premier alinéa du I de l’article L. 612-1 du code monétaire et financier, les mots : « , autorité administrative indépendante, » sont supprimés.
II. – Au premier alinéa de l’article 17 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, les mots : « , autorité administrative indépendante, » sont supprimés.
III. – Au premier alinéa du I de l’article L. 1412-2 du code de la santé publique, les mots : « est une autorité indépendante qui » sont supprimés.
IV. – Au premier alinéa du II de l’article 4 de loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, les mots : « , qui est une autorité indépendante, » sont supprimés.
V. – Au premier alinéa de l’article L. 2312-1 du code de la défense, les mots : « une autorité administrative indépendante. Elle est » sont supprimés.
VI. – Le premier alinéa de l’article L. 212-6-7 du code du cinéma et de l’image animée est supprimé.
VII. – Le I de l’article L. 751-7 du code de commerce est abrogé.
VIII. – Au premier alinéa de l’article L. 121-1 du code de l’environnement, les mots : « , autorité administrative indépendante, » sont supprimés.
IX. – À l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « sur internet est », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture ».
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Cet amendement de conséquence résulte de l’adoption des amendements nos 1 et 2, dont il n’est que la synthèse. Il me donne toutefois l’occasion, au nom de mes collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, de remercier le Sénat de l’attention qu’il a portée aux propositions que nous avons formulées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 4 rectifié bis est présenté par M. Commeinhes, Mme Procaccia et MM. Leleux et Namy.
L'amendement n° 15 rectifié bis est présenté par MM. Berson et Courteau et Mme Bataille.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 4 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Berson, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié bis.
M. Michel Berson. La présente proposition de loi vise à supprimer la qualité d’autorité administrative indépendante au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le CCNE. Cet organisme, créé en 1983 et rattaché au Premier ministre, a acquis par la loi le statut d’AAI en 2004.
À ce jour, il a rendu cent vingt-quatre avis sur les problèmes éthiques, sur les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines des sciences de la vie, de la biologie, de la médecine et de la santé. Les sujets traités par le CCNE sont donc toujours très complexes et potentiellement sensibles. Je rappellerai, pour mémoire, l’assistance médicale à la procréation, la recherche sur l’embryon humain, l’accès à l’information génétique, la condition des dons d’organes, ou encore le droit à la fin de vie.
Je rappellerai également que toute loi relative à la bioéthique doit être précédée d’un débat public sous forme d’états généraux, dont l’organisation relève du CCNE, et ce après consultation des commissions parlementaires permanentes et de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Composé de scientifiques, de médecins, de philosophes, de juristes, de théologiens, le CCNE est le seul comité français ne dépendant d’aucune autorité de tutelle. Sa mission est donc de donner des avis indépendants, des avis sereins.
Certes, rien n’oblige l’État à suivre les avis du CCNE, mais le rôle de celui-ci dans le développement de la réflexion éthique est indéniable. Le Comité nourrit le débat public d’une pensée libre et indépendante. La société y puise des idées qui la font avancer. C’est dire l’importance du rôle joué par le CCNE, une importance qui justifie pleinement qu’il doive garder sa qualité d’autorité administrative indépendante.
L’indépendance du Comité est en effet avérée en raison de l’absence de toute tutelle à son égard de la part du pouvoir exécutif.
Sa nature administrative est également avérée, car, si le CCNE n’est pas soumis à un pouvoir hiérarchique ministériel, il agit au nom de l’État et engage sa responsabilité.
Enfin, le Comité est bien une autorité, contrairement à ce qu’affirme notre rapporteur. Certes, le Conseil d’État a généralement estimé que le critère de l’autorité devait conduire à ne ranger parmi les AAI que les instances détenant un pouvoir de décision, mais le législateur, au contraire, a toujours considéré que le pouvoir d’influence exercé par certains organismes doit conduire à les qualifier d’AAI.
Le CCNE exerce donc une véritable autorité, confortée par la stature morale de ses membres et par la publicité de ses rapports.
M. le président. Veuillez conclure mon cher collègue !
M. Michel Berson. Le Conseil d’État est d'ailleurs parvenu au même constat, considérant que « peu importe de ce fait que les autorités administratives indépendantes n’édictent pas toutes et exclusivement des décisions exécutoires dès lors que leur pouvoir d’influence et de persuasion, voire ″d’imprécation″, aboutit au même résultat ».
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
III. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1412-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité exerce sa mission en toute indépendance. » ;
2° Au premier alinéa du I de l’article L. 1412-2, les mots : « est une autorité indépendante qui » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 15 rectifié bis.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Cet amendement n° 20 est une proposition selon moi raisonnable, pour prendre en compte les observations du Comité consultatif national d’éthique qui nous sont remontées par différents canaux.
Il ne faut pas considérer – comme l’a dit la présidente de la commission d’enquête qui a proposé avec moi ces deux textes – que le fait de ne pas être une autorité administrative indépendante est une dévalorisation, un désaveu, un déclassement, comme j’ai pu l’entendre ou comme nous avons pu le lire dans un certain nombre de courriers qui nous ont été adressés. Là encore, il faut faire preuve de cohérence.
Nous ne doutons pas du pouvoir d’influence des membres du CCNE qui sont tous des femmes et des hommes de grande qualité technique, intellectuelle et morale. Mais cela ne peut justifier la qualité d’autorité administrative indépendante. Le CCNE, au sens des propositions que nous avons faites dans ces deux textes, ne peut pas figurer parmi les autorités administratives indépendantes, car ce comité consultatif ne rend pas de décisions, mais émet de simples avis, qui sont entendus de par la qualité de ses membres, mais ce ne sont que des avis.
L’application du statut général défini par le présent texte paraîtrait tout à fait délicate, voire impossible, comme nous l’avons déjà dit à l’occasion de l’examen d’autres amendements, car les contraintes que nous imposons semblent disproportionnées par rapport aux missions que le Comité exerce.
Toutefois, nous avons voulu entendre le message de ce comité. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, une modification de l’article L. 1412-1 du code de la santé publique permettant d’indiquer que « le comité exerce sa mission en toute indépendance ». Donc, rien ne lui serait retiré. Les choses seraient ainsi formalisées.
D'ailleurs, cette expression reprend purement et simplement celle qui existe pour un organisme proche, dont le pouvoir d’influence est considérable, la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Celle-ci n’appartient pas non plus à la catégorie des autorités administratives indépendantes, mais l’indépendance de ses travaux est garantie, selon strictement la même formule, par la loi du 5 mars 2007.
En conclusion, nous vous proposons, mes chers collègues, de ne pas retenir l’amendement n° 15 rectifié bis, qui est en totale contradiction avec les principes énoncés par le présent texte, mais d’adopter l’amendement n° 20, qui vise à confirmer que ce comité exerce sa mission en toute indépendance, ce dont personne n’a d’ailleurs jamais douté jusqu’ici.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. L’article L. 1412-2 du code de la santé publique qualifie le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé non pas précisément d’autorité administrative indépendante, mais seulement d’autorité indépendante. Il nous paraît donc souhaitable de maintenir la qualification existante pour cette institution créée en 1983, qui représente un modèle à l’échelon international, et qui a vu son rôle renforcé par la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2001.
Le Gouvernement s’en remet par conséquent à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 15 rectifié bis.
S’agissant de l’amendement n° 20, il partage l’approche que vient de développer Jacques Mézard. L’analogie avec l’expression employée pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme est intéressante. Par conséquent, le Gouvernement s’en remet également à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Berson, pour explication de vote.
M. Michel Berson. La question est de savoir si ce comité est une autorité ou pas. Qu’il soit indépendant, tout le monde en convient, le problème n’est pas là.
Selon moi, c’est en effet une autorité, le législateur a confirmé à plusieurs reprises qu’on allait dans ce sens, et le Conseil d’État lui-même a évolué, puisqu’il a reconnu qu’il fallait qualifier d’autorité ce type de comité.
M. le rapporteur a bien vu qu’il y avait un problème, puisqu’il a jugé bon de déposer un amendement visant à consacrer l’indépendance du CCNE.
Le président du Comité a fait part aujourd’hui même au président de l’OPECST des inquiétudes que lui inspirait le projet de modification du statut de ce comité. C’est la raison pour laquelle, en ma qualité de membre de cet office, j’ai voulu insister sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Nous soutenons l’amendement n° 20, présenté par M. le rapporteur, qui apporte ainsi la preuve qu’il peut parfois être souple et pragmatique… Sa démarche montre qu’il a entendu le SOS lancé par un président qui s’inquiète du devenir de son instance, et qu’il essaie de trouver une voie médiane.
M. le président. Je mets aux voix l’article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
Chapitre II
Coordinations au sein des statuts des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
Article 26
(Non modifié)
Le chapitre II du titre III du livre II du code du sport est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 232-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « dotée de la personnalité morale » sont supprimés ;
b) Le 16° est abrogé ;
2° L’article L. 232-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « nommés par décret » sont supprimés ;
b) Au troisième alinéa, le mot : « président, » est supprimé ;
c) Le quatorzième alinéa est complété par les mots : « par décret du Président de la République parmi les membres du collège » ;
d) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le mandat des membres du collège de l’agence n’est pas interrompu par les règles concernant la limite d’âge éventuellement applicables aux intéressés. » ;
3° La seconde phrase du premier alinéa et le troisième alinéa de l’article L. 232-7 sont supprimés ;
4° Les trois premiers alinéas de l’article L. 232-8 sont supprimés. – (Adopté.)
Article 27
Le chapitre Ier du titre VI du livre III de la sixième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 6361-1 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « décret », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « du Président de la République » ;
b) Le treizième alinéa et les seizième à avant-dernier alinéas sont supprimés ;
2° L’article L. 6361-3 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) La deuxième phrase est supprimée ;
c) (Supprimé)
3° L’article L. 6361-10 est abrogé ;
4° L’article L. 6361-11 est ainsi modifié :
a) Les premier, troisième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;
b) Au début du deuxième alinéa, le mot : « Celui-ci » est remplacé par les mots : « Le président ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 27
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques est ainsi modifiée :
1° L’article 18-1 est ainsi modifié :
a) Au sixième alinéa, les mots : « élu en son sein » sont remplacés par les mots : « nommé par décret du Président de la République » ;
b) Les septième, neuvième et onzième alinéas sont supprimés et les mots : « ces organismes » sont remplacés par les mots : « cet organisme » ;
c) La seconde phrase du dernier alinéa, est supprimée ;
2° Au second alinéa de l’article 18-3, les mots : « et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse » sont supprimés ;
3° L’article 18-5 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « et l’autorité établissent, chacun pour ce qui le concerne, » sont remplacés par le mot : « établit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination à la suite de l’inscription de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse à l’annexe de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 27.
Article 28
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre VI du livre IV du code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 461-1 est ainsi modifié :
a) Le II est ainsi modifié :
- au premier alinéa, les mots : « pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’économie » sont remplacés par les mots : « par décret » ;
- au deuxième alinéa, après le mot : « nommé », sont insérés les mots : « par décret du Président de la République » ;
- il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
b) Le III est abrogé ;
2° L’article L. 461-2 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Après les mots : « à trois séances consécutives », la fin du deuxième alinéa est supprimée ;
c) Les troisième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;
3° L’article L. 461-4 est ainsi modifié :
a) Le sixième alinéa est supprimé ;
b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « est ordonnateur des recettes et des dépenses de l’autorité. Il » sont supprimés ;
4° Les deux derniers alinéas de l’article L. 461-5 sont supprimés. – (Adopté.)
Article 29
(Non modifié)
Le titre III du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 2131-1, les mots : « , dotée de la personnalité morale » sont supprimés ;
2° L’article L. 2131-2 est abrogé ;
3° La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 2132-1 est supprimée ;
4° Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2132-2, les mots : « Le collège de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières adopte et publie un règlement intérieur précisant » sont remplacés par les mots : « Le règlement intérieur de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières précise » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 2132-4, les mots : « constaté par le collège » sont supprimés ;
6° La seconde phrase de l’article L. 2132-5 est supprimée ;
7° L’article L. 2132-6 est abrogé ;
8° La seconde phase du dernier alinéa de l’article L. 2132-7 est supprimée ;
9° Les premier à avant-dernier alinéas de l’article L. 2132-8 sont supprimés ;
10° La seconde phrase du sixième alinéa et le septième alinéa de l’article L. 2132-8-2 sont supprimés ;
11° L’article L. 2132-10 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont supprimés ;
b) Au quatrième alinéa, les mots : « , nommé par le président, » sont supprimés ;
12° Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 2132-11, les mots : « membres et » sont supprimés ;
13° Le premier alinéa, la seconde phrase du deuxième alinéa et les deux derniers alinéas de l’article L. 2132-12 sont supprimés. – (Adopté.)
Article 30
Le titre Ier du livre III du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 130 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
- après le mot : « est », sont insérés les mots : « une autorité administrative indépendante » ;
- les mots : « pour un mandat de six ans » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « du Président de la République » ;
c) Les troisième, neuvième et dixième alinéas sont supprimés ;
2° L’article L. 131 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les membres de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes exercent leurs fonctions à temps plein. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « membres et » sont supprimés ;
c) Le quatrième alinéa est supprimé ;
3° Les deux premiers alinéas de l’article L. 132 sont supprimés ;
4° Les trois derniers alinéas de l’article L. 133 sont supprimés ;
5° L’article L. 135 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport d’activité établi par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes présente :
« 1° Les mesures propres à assurer aux utilisateurs finals handicapés un accès aux réseaux et aux services de communications électroniques équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs qui ont été mises en œuvre ;
« 2° L’évolution des tarifs de détail applicables aux services inclus dans le service universel prévus à l’article L. 35-1 ;
« 3° L’analyse des principales décisions prises par les autorités de régulation des communications électroniques et des postes dans les États membres de l’Union européenne au cours de l’année écoulée, en vue de permettre l’établissement d’une comparaison des différents types de contrôles exercés et de leurs effets sur les marchés.
« Ce rapport est adressé à la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) La deuxième phrase du même alinéa est complétée par les mots : « du Président de la République » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Article 31
(Non modifié)
La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi modifiée :
1° L’article 34 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du cinquième alinéa du I est supprimée ;
b) Le VI est abrogé ;
2° Le II de l’article 35 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « Trois membres, dont le président, » sont remplacés par les mots : « Le président est nommé par décret du Président de la République et deux autres membres » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- à la seconde phrase, après le mot : « président », sont insérés les mots : « de l’Autorité de régulation des jeux en ligne » ;
c) Les troisième et quatrième alinéas et la seconde phrase du dernier alinéa sont supprimés ;
3° L’article 36 est ainsi modifié :
a) Les I et III sont abrogés ;
b) Les deux premiers alinéas du II sont supprimés ;
4° L’article 37 est ainsi modifié :
a) Le I est abrogé ;
b) Le II est ainsi modifié :
- les deux premiers alinéas sont supprimés ;
- à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « fixe le règlement intérieur et les règles de déontologie applicables au personnel des services de l’Autorité de régulation des jeux en ligne et » sont supprimés ;
- la première phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « du personnel des services de l’Autorité de régulation des jeux en ligne » ;
c) Le III est remplacé par une phrase ainsi rédigée :
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent II. » ;
d) La référence : « IV » est remplacée par la référence : « III ».
5° L’article 41 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du I et la seconde phrase du III sont supprimés ;
b) Le II est abrogé.
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
e) Le V est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié.
(L'article 31 est adopté.)
Article 32
(Non modifié)
Le chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 592-2 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « par le » sont remplacés par les mots : « par décret du » ;
b) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- après le mot : « sexe », la fin de la deuxième phrase est supprimée ;
c) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
d) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
2° Les articles L. 592-3 et L. 592-4 sont abrogés ;
3° L’article L. 592-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au deuxième alinéa, la première occurrence du mot : « ils » est remplacée par les mots : « les membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire » ;
4° Les articles L. 592-6 et L. 592-7 sont abrogés ;
5° À l’article L. 592-9, les mots : « de l’article L. 592-3 et » sont supprimés ;
6° L’article L. 592-12 est abrogé ;
7° L’article L. 592-13 est ainsi modifié :
a) Le premier et les deux derniers alinéas sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « intérieur », sont insérés les mots : « de l’Autorité de sûreté nucléaire » ;
8° L’article L. 592-14 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au début du second alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « L’Autorité de sûreté nucléaire » ;
9° L’article L. 592-15 est abrogé ;
10° À l’article L. 592-30, les mots : « des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ou » sont supprimés ;
11° L’article L. 592-31 est ainsi rédigé :
« Art. L. 592-31. – Le rapport annuel d’activité établi par l’Autorité de sûreté nucléaire est transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« À cette occasion, l’Autorité de sûreté nucléaire se prononce sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. » – (Adopté.)
Article 33
Le chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 621-1, les mots : « dotée de la personnalité morale » sont supprimés ;
2° L’article L. 621-2 est ainsi modifié :
a) Le II est ainsi modifié :
- le 1° est complété par les mots : « du Président de la République » ;
- les quatorzième et quinzième alinéas sont supprimés ;
- après le mot : « alinéas », la fin du seizième alinéa est supprimée ;
- après le seizième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
b) Le IV est ainsi modifié :
- les dixième et onzième alinéas et la seconde phrase du douzième alinéa sont supprimés ;
- le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, la commission des sanctions est, à l’exception de son président, renouvelée par moitié tous les trois ans. » ;
3° Au dernier alinéa du II de l’article L. 621-3, le mot : « général » est remplacé par le mot : « intérieur » ;
4° L’article L. 621-4 est ainsi modifié :
a) Le I est abrogé ;
b) (Supprimé)
5° L’article L. 621-5-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Le premier alinéa est supprimé ;
b) La première phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
- au début, les mots : « Sur proposition du secrétaire général, le collège fixe le règlement intérieur et les règles de déontologie applicables au personnel des services de l’Autorité des marchés financiers et » sont remplacés par les mots : « Le collège de l’Autorité des marchés financiers » ;
- sont ajoutés les mots : « du personnel des services de l’Autorité des marchés financiers » ;
6° L’article L. 621-5-2 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
- le premier alinéa est supprimé ;
- au début du deuxième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « L’Autorité des marchés financiers » ;
- au dernier alinéa, la référence : « I » est remplacé par les mots : « du présent article » ;
b) Le II est abrogé ;
7° (nouveau) Le dernier alinéa du II de l’article L. 621-19 est supprimé.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Yung et Vincent, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai dans le même temps l’amendement n° 14 rectifié, qui traite également de l’Autorité des marchés financiers.
M. le président. J’accède bien volontiers à votre demande, mon cher collègue.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Yung et Vincent, est ainsi libellé :
Alinéas 18 à 22
Supprimer ces alinéas.
Veuillez poursuivre, monsieur Yung.
M. Richard Yung. L’amendement n° 13 rectifié vise notamment l’alinéa 9 de l’article 33 relatif aux modalités de renouvellement du collège de l’AMF. Aujourd’hui, nous avons un système bien établi et équilibré, qui suit les instructions de l’ordonnance du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des ordres professionnels. Malheureusement, les alinéas 8 et 9 de l’article 33 remettraient en cause ce fonctionnement et conduiraient à un déséquilibre du système dans son ensemble.
Il est donc préférable de ne pas rétablir le renouvellement partiel du collège de l’AMF par moitié tous les trois ans qui n’est pas compatible avec le respect de la parité, en raison de la diversité des neuf autorités de nomination. Si, tous les trois ans, celles-ci doivent nommer des personnalités différentes, la parité ne sera jamais respectée, et ce serait un recul par rapport à la situation actuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission émet des avis défavorables sur ces deux amendements, mais tient à préciser que sa position ne remet nullement en cause la parité.
S’agissant de l’amendement n° 13 rectifié, les règles de parité relatives aux autorités administratives indépendantes, dont l’AMF, ont été introduites par l’ordonnance du 31 juillet 2015. Le principe de parité n’est nullement incompatible avec celui du renouvellement partiel : c’est d’ailleurs le cas pour la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, ou l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD. J’ajoute que le treizième alinéa de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier applicable au collège de l’AMF prend déjà en compte la diversité des autorités de nomination pour arriver à l’objectif de parité. Je rassure donc Mme Bouchoux avant qu’elle ne décide d’intervenir : il n’y a strictement aucun problème au regard de la parité ! (Sourires.)
Quant à l’amendement n° 14 rectifié bis, il tend à maintenir une dyarchie au sein de l’AMF. Actuellement, les services sont placés sous l’autorité du secrétaire général, qui est nommé après agrément du ministre chargé de l’économie.
Ces conditions ne sont pas satisfaisantes au regard de l’indépendance de l’AMF. L’adoption de cet amendement balaierait donc tout l’esprit du travail que nous avons accompli.
Cette organisation ne donne pas au président, pourtant nommé selon les modalités prévues au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, les moyens de diriger l’AMF, alors qu’il est responsable de son action devant le collège et, plus fondamentalement, devant le Parlement. C’est un cas très particulier, qui se situe à la limite de la notion d’indépendance, mon cher collègue, pour dire les choses telles qu’elles sont. La commission ne peut par conséquent souscrire à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. L’amendement n° 13 rectifié vise à rétablir certaines règles de nomination des membres de l’AMF que la présente proposition de loi entend modifier.
En prévoyant un renouvellement des membres de l’AMF par moitié tous les trois ans, la proposition de loi rend difficile le respect de la règle introduite par l’ordonnance du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des AAI et des API, selon laquelle l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes de deux catégories de membres, en l’occurrence les personnalités qualifiées en raison de leurs compétences financières et les représentants des salariés actionnaires, ne peut être supérieur à un. Le Gouvernement est favorable à la conservation des règles actuelles s’agissant des mandats des membres de l’AMF, et s’en remet à la sagesse du Sénat.
Quant à l’amendement n° 14 rectifié, le fonctionnement de l’Autorité des marchés financiers repose depuis 2003 sur le partage des attributions entre le président et le secrétaire général. Le président joue un rôle international majeur et assume la mission essentielle de veiller au bon exercice de la collégialité de l’Autorité ; le secrétaire général, de son côté, assure la direction des services de l’AMF.
La suppression du secrétaire général, prévue par la proposition de loi, aurait pour conséquence de concentrer l’ensemble de ses lourdes attributions sur le seul président, ce qui risque fort de s’effectuer au détriment de la capacité de celui-ci à représenter l’AMF, en particulier aux échelons européen et international. Je peux témoigner personnellement du fait que les présidents de l’AMF et des autorités équivalentes en Europe se réunissent très régulièrement, souvent à Paris d’ailleurs, et cette fonction de coordination européenne est très importante. Il me semble donc que l’on ne peut pas fusionner les rôles de président et de secrétaire général.
En conséquence, le Gouvernement s’en remet également à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Cette question est extrêmement intéressante et elle peut quasiment servir de conclusion à notre débat. Voilà en effet la démonstration du pouvoir excessif de la haute fonction publique dans certains cas.
Nous parlons en l’occurrence d’une curieuse autorité administrative « indépendante », monsieur le secrétaire d’État, qui pourrait se voir imposer le choix de son secrétaire général, dont la nomination est soumise à l’agrément du ministre.
Nous apercevons, derrière ces dispositions, la toute-puissance de Bercy, mais il est bon que le Parlement, de temps en temps, rappelle qu’il y a certaines limites à ne point franchir ! (Mme Marie-Annick Duchêne et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. S’agissant de la parité, nous comprenons bien que, s’il y a neuf autorités de nomination, elles devront se coordonner entre elles pour décider des candidatures à proposer afin que la parité soit respectée. Il s’agit là d’une difficulté supplémentaire considérable.
Sur ce que vous avez appelé la « dyarchie », monsieur le rapporteur, une appellation que je trouve d’ailleurs assez désagréable, le droit actuel prévoit que le secrétaire général est nommé par le président de l’AMF après vote du collège, c’est-à-dire de ceux qui décident et, effectivement, agrément du ministre. Ce n’est donc pas tout à fait le scandale de la République que vous décrivez.
Preuve en est que l’AMF fonctionne depuis plus d’une dizaine d’années de façon tout à fait satisfaisante au moyen d’un partage de pouvoirs entre le président, qui exerce les fonctions précédemment décrites par M. le secrétaire d’État, et le secrétaire général, qui non seulement fait fonctionner l’Autorité, mais détient aussi le pouvoir de diligenter les enquêtes. Ce dernier a donc un rôle important, mais distinct de celui du président. Pourquoi changer, quand ça marche ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 33.
(L'article 33 est adopté.)
Article 34
(Non modifié)
L’article L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Le douzième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
- au début, le mot : « Les » est remplacé par les mots : « Le président de la commission est nommé par décret du Président de la République parmi les membres. Les autres » ;
- les mots : « du Premier ministre » sont supprimés ;
b) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Le membre mentionné au 3° siège pour la durée du mandat au titre duquel il est désigné. » ;
c) La dernière phrase est supprimée ;
2° Après le douzième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 34
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° À l’intitulé, le mot : « consultative » est supprimé ;
2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 2312-1, le mot : « consultative » est supprimé ;
3° L’article L. 2312-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « consultative » est supprimé ;
b) Au 2°, après le mot : « député », la fin de l’alinéa est supprimée ;
c) Au 3°, après le mot : « sénateur », la fin de l’alinéa est supprimée ;
d) Les trois derniers alinéas sont supprimés ;
4° L’article L. 2312-3 est abrogé ;
5° Au dernier alinéa de l’article L. 2312-4, le mot : « consultative » est supprimé ;
6° L’article L. 2312-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « consultative » est supprimé ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
7° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-7 et au premier alinéa de l’article L. 2312-8, le mot : « consultative » est supprimé.
II. – Au dernier alinéa de l’article L. 773-7 du code de justice administrative, le mot : « consultative » est supprimé.
III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, à la deuxième phrase du deuxième alinéa, à la première phrase du cinquième alinéa, à la première phrase du sixième alinéa, aux première, deuxième et dernière phrases du septième alinéa du I et à la première phrase du II de l’article 56-4, le mot : « consultative » est supprimé ;
2° Au second alinéa de l’article 230-2, les mots : « par la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2312-4 à L. 2312-8 du code de la défense ».
IV. – Au second alinéa du I de l’article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure, le mot : « consultative » est supprimé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 34.
Article 35
(Non modifié)
Le titre III du livre Ier du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’énergie, après le mot : « énergie », sont insérés les mots : « , autorité administrative indépendante, » ;
2° L’article L. 132-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « dans les conditions fixées par la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution » sont remplacées par les mots : « du Président de la République » ;
b) La seconde phrase du neuvième alinéa et les dixième et onzième alinéas sont supprimés ;
c) Après le onzième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
3° La première phrase du cinquième alinéa et le dernier alinéa de l’article L. 132-3 sont supprimés ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 132-4 est supprimé ;
5° L’article L. 132-5 est abrogé ;
6° L’article L. 133-5 est ainsi modifié :
a) Les premier à troisième alinéas et le dernier alinéa sont supprimés ;
b) Au quatrième alinéa, après les mots : « commission », sont insérés les mots : « de régulation de l’énergie » ;
7° Au premier alinéa de l’article L. 133-6, les mots : « membres et » sont supprimés ;
8° L’article L. 134-14 est abrogé. – (Adopté.)
Article 36
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le neuvième alinéa et les deux derniers alinéas de l’article L. 831-1 sont supprimés ;
2° L’article L. 832-1 est abrogé ;
3° L’article L. 832-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le président de la commission exerce ses fonctions à temps plein. » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « plein », la fin de la seconde phrase est supprimée ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 832-3 est supprimé ;
5° L’article L. 832-4 est abrogé ;
6° Le premier alinéa de l’article L. 833-9 est supprimé.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
4° L'article L. 832-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) À la deuxième phrase du troisième alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « premier » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
Article 37
Le chapitre III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du dix-neuvième alinéa et le dernier alinéa de l’article 11 sont supprimés ;
2° L’article 12 est abrogé ;
3° L’article 13 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
- après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé par moitié tous les trois ans. » ;
- avant le douzième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le président est nommé par décret du Président de la République parmi les membres. » ;
- au douzième alinéa, les mots : « un président et » sont supprimés et le mot : « Ils » est remplacé par les mots : « Le président et les vice-présidents » ;
- le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« Le président exerce ses fonctions à temps plein. » ;
- le quatorzième alinéa est supprimé ;
b) Le II est ainsi modifié :
- les trois premiers alinéas et les deux premières phrases du dernier alinéa sont supprimés ;
- au début de la troisième phrase du dernier alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le règlement intérieur de la commission » ;
4° L’article 14 est abrogé ;
5° Le premier alinéa de l’article 19 est supprimé ;
6° Le premier alinéa de l’article 21 est supprimé. – (Adopté.)
Article 38
I. – Le chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 52-14 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « , pour cinq ans, » sont supprimés ;
b) La dernière phrase du sixième alinéa est supprimée ;
c) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« Le président de la commission est nommé par décret du Président de la République parmi les membres. » ;
d) Les neuvième à onzième alinéas sont supprimés ;
e) Au douzième alinéa, les mots : « , qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, » sont supprimés ;
2° L’article L. 52-18 est abrogé.
II. – L’article 26 bis de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
b bis) Le septième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, la commission est renouvelée par tiers tous les deux ans.
« Lors de chaque renouvellement partiel, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme, une femme. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de complément. Suivant la logique du texte, il tend à instaurer un renouvellement partiel au sein de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en adaptant en conséquence les règles relatives à la parité qui existent actuellement. (Mmes Éliane Assassi et Marie-Hélène Des Esgaulx approuvent.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Gouvernement trouve excellent cet amendement relatif à la parité au sein de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Il vise à combler un oubli dans les modalités d’exercice du mandat des membres de cette commission. Son adoption permettra d’assurer une continuité dans l’action de cette instance, tout en se conformant au principe de parité. Le Gouvernement donne donc un avis de sagesse très positive !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je salue l’ingéniosité de cette formule de parité par l’alternance. Je souhaite toutefois qu’elle ne prospère pas sur d’autres terrains, notamment présidentiels… (Rires sur l’ensemble des travées.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 38, modifié.
(L'article 38 est adopté.)
Article 39
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° A (nouveau) Au premier alinéa de l’article 3-1, les mots : « dotée de la personnalité morale » sont supprimés ;
1° L’article 4 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « du Président de la République » sont supprimés ;
b) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
- les deux premières phrases sont supprimées ;
- au début de la dernière phrase, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Leur mandat » ;
c) Les trois premières phrases du huitième alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Le membre nommé en remplacement d’un membre à la suite d’une vacance est de même sexe que celui qu’il remplace. » ;
d) Le dernier alinéa est supprimé ;
2° L’article 5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel exercent leurs fonctions à temps plein. » ;
b) Les quatrième et cinquième alinéas sont supprimés ;
3° L’article 7 est ainsi modifié :
a) Le premier et les deux derniers alinéas sont supprimés ;
b) (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « de ces services » sont remplacés par les mots : « des services du Conseil supérieur de l’audiovisuel » ;
4° L’article 18 est ainsi modifié :
a) Les quatre premiers alinéas sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport annuel d’activité établi par le Conseil supérieur de l’audiovisuel présente :
« - l’application de la présente loi ;
« - l’impact, notamment économique, de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique délivrées en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 30-6 ;
« - du respect de leurs obligations par les sociétés et l’établissement public mentionnés aux articles 44 et 49 de la présente loi ;
« - le volume d’émissions télévisées sous-titrées ainsi que de celles traduites en langue des signes pour mieux apprécier le coût de ce sous-titrage et de la traduction en langue des signes pour les sociétés nationales de programmes, les chaînes de télévision publiques et tous autres organismes publics qui développent ces procédés ;
« - les mesures prises en application des articles 39 à 41-4 visant à limiter la concentration et à prévenir les atteintes au pluralisme, notamment un état détaillé présentant la situation des entreprises audiovisuelles concernées à l’égard des limites fixées par ces mêmes articles ;
« - le développement et les moyens de financement des services de télévision à vocation locale ;
« - un bilan des coopérations et des convergences obtenues entre les instances de régulation audiovisuelle nationales des États membres de l’Union européenne. » ;
b) Le cinquième alinéa est supprimé. – (Adopté.)
Article 40
(Non modifié)
La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « autorité indépendante » sont remplacés par les mots : « autorité administrative indépendante » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
2° L’article 2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- après les mots : « Président de la République », la fin de la première phrase est supprimée ;
- la seconde phrase est supprimée ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté exerce ses fonctions à temps plein. » ;
3° Les articles 11 et 13 sont abrogés. – (Adopté.)
Article 41
La section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la recherche est ainsi modifiée :
1° L’article L. 114-3-3 est ainsi modifié :
a) Au I, le mot : « conseil » est remplacé par le mot : « collège » ;
b) Le II est ainsi modifié :
- au premier alinéa, le mot : « conseil » est remplacé par le mot : « collège » ;
- le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le président est nommé par décret du Président de la République parmi les membres du collège. » ;
- à la première phrase du troisième alinéa et au quatrième alinéa, le mot : « conseil » est remplacé par le mot : « collège » ;
- au 5°, après le mot : « sénateur », la fin de l’alinéa est supprimée ;
- il est ajouté par un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, le collège est, à l’exception de son président, renouvelé partiellement tous les trois ans. » ;
2° Après les mots : « Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur », la fin de de l’article L. 114-3-6 est supprimée ;
3° L’article L. 114-3-7 est abrogé. – (Adopté.)
Article 42
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 821-1 est ainsi rédigé :
« Le Haut Conseil du commissariat aux comptes est une autorité publique indépendante, ayant pour mission : » ;
2° L’article L. 821-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du septième alinéa, après les mots : « Le président », sont insérés les mots : « est nommé par décret du Président de la République. Il » ;
b) À la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « Le président et » et les mots : « pour six ans renouvelable, sous réserve du sixième alinéa » sont supprimés ;
2° L’article L. 821-3-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Ces personnes » sont remplacés par les mots : « Le personnel des services du Haut Conseil du commissariat aux comptes » ;
3° Les I et VI de l’article L. 821-5 sont abrogés.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 9
1° Remplacer les mots :
Ces personnes
par les mots :
Ces personnes sont soumises
2° Compléter cet alinéa par les mots :
est soumis
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 42, modifié.
(L'article 42 est adopté.)
Article 43
(Non modifié)
Le chapitre 1 bis du titre 6 du livre 1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 161-37 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « à caractère scientifique dotée de la personnalité morale » sont supprimés ;
b) Le quinzième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport annuel d’activité établi par la Haute Autorité de santé présente notamment :
« a) Les travaux des commissions mentionnées à L. 161-41 du présent code ;
« b) Les actions d’information mises en œuvre en application du 2° du présent article.
« Les commissions spécialisées mentionnées au même article L. 161-41 autres que celles créées par la Haute Autorité de santé remettent chaque année au Parlement un rapport d’activité mentionnant notamment les modalités et principes selon lesquels elles mettent en œuvre les critères d’évaluation des produits de santé en vue de leur prise en charge par l’assurance maladie. » ;
2° L’article L. 161-42 est ainsi modifié :
a) Au septième alinéa, les mots : « du Président de la République » sont supprimés ;
b) Le huitième alinéa est supprimé ;
c) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
- après le mot : « sexe », la fin de la première phrase est supprimée ;
- la dernière phrase est supprimée ;
3° Les premier, deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 161-43 sont supprimés ;
4° L’article L. 161-45 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « Haute Autorité » sont insérés les mots : « de santé » ;
5° L’article L. 161-45-1 est abrogé. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 43
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase de l’article L. 331-12 est supprimée ;
2° À la première phrase de l’article L. 331-14, les mots : « de son activité, de l’exécution de ses missions et de ses moyens, et » sont supprimés ;
3° L’article L. 331-16 est ainsi modifié :
a) Au huitième alinéa, les mots : « élu par les membres » sont remplacés par les mots : « nommé par décret du Président de la République » ;
b) Les trois derniers alinéas sont supprimés ;
4° Les deux derniers alinéas de l’article L. 331-18 sont supprimés ;
5° L’article L. 331-19 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- à la seconde phrase, les mots : « , nommé par ce dernier, » sont supprimés ;
b) Les deuxième, troisième, avant-dernier et dernier alinéas sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, résultant de l’inscription de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet à l’annexe de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 43.
Article 44
La section 4 du chapitre Ier de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :
1° L’article 19 est ainsi modifié :
a) Les deux derniers alinéas du I sont supprimés ;
b) Les deux derniers alinéas du II sont supprimés ;
c) Le III est abrogé ;
d) Les deuxième et troisième alinéas du IV sont supprimés ;
e) Le V est ainsi modifié :
- le premier alinéa est supprimé ;
- au deuxième alinéa, après le mot : « désignés », sont insérés les mots : « , après avis du président de la Haute Autorité, » ;
- l’avant-dernier alinéa est supprimé ;
f) Le VI est abrogé ;
g) Le deuxième alinéa du VII est ainsi rédigé :
« Le règlement intérieur de la Haute Autorité précise les règles de procédure applicables devant elle. » ;
2° L’article 20 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Le rapport annuel d’activité établi par la Haute Autorité ne contient aucune information nominative autre que celles que la Haute Autorité a précédemment publiées en application des articles 7, 10 et 23. » ;
b) Au deuxième alinéa du II, le mot : « général » est remplacé par le mot : « intérieur » ;
3° Au III de l’article 23, le mot : « général » est remplacé par le mot : « intérieur ». – (Adopté.)
Article 45
(Non modifié)
I. – L’article 10 de la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits est abrogé.
II. – La loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits est ainsi modifiée :
1° L’article 37 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au début du deuxième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le Défenseur des droits » ;
2° L’article 39 est abrogé. – (Adopté.)
Chapitre III
Renforcement des règles de transparence au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
Article 46
I. – La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 11 est ainsi modifié :
a) Le 6° est complété par les mots : « ainsi que les secrétaires généraux et directeurs généraux desdites autorités » ;
b) (nouveau) Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6 bis Les médiateurs mentionnés à la section 1 du chapitre III du livre II du code du cinéma et de l’image animée, à l’article 144 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et à l’article L. 214-6 du code de la propriété intellectuelle ; »
2° Après le mot : « sont », la fin de la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa du IV de l’article 19 est ainsi rédigée : « rendues publiques, dans les limites définies au III de l’article 5, par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, selon les modalités déterminées au dernier alinéa du I et au IV du même article. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 23, après les mots : « gouvernementales », sont insérés les mots : « des mandats de membre des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ».
II (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 432-13 du code pénal, après les mots : « membre du Gouvernement, », sont insérés les mots : « membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, ». – (Adopté.)
Chapitre IV
Nomination des présidents des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
Article 47
Le tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la première colonne de la troisième ligne, les mots : « conseil de l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » sont remplacés par les mots : « collège du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » ;
2° Après la sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Président de l’Agence française de lutte contre le dopage |
Commission compétente en matière de sports |
» ; |
3° Après la dixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne |
Commission compétente en matière de finances publiques |
» ; |
4° Après la vingt et unième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Président de la Commission d’accès aux documents administratifs |
Commission compétente en matière de libertés publiques |
» ; |
5°(Supprimé)
6° Après la vingt-quatrième ligne, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« |
Président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés |
Commission compétente en matière de libertés publiques |
|
« |
Président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques |
Commission compétente en matière de lois électorales |
» ; |
7° Après la trente-deuxième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Président du Haut conseil du commissariat aux comptes |
Commission compétente en matière de finances publiques |
». |
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
1° Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Après la douzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse |
Commission compétente en matière de communication |
» ;
2° Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigé :
…°Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Président de la Commission du secret de la défense nationale |
Commission compétente en matière de défense |
» ;
3° Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigé :
…°Après la trente-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Président du collège de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet |
Commission compétente en matière de la culture |
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il s’agit, là encore, d’un amendement de coordination. Il découle de l’inscription de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, de la Commission du secret de la défense nationale et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet à l’annexe de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 47, modifié.
(L'article 47 est adopté.)
Chapitre V
Coordination et application
Article 48
(Non modifié)
L’article 106 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 est abrogé. – (Adopté.)
Article 49
I. – La durée des mandats prévue au premier alinéa de l’article 5 s’applique aux mandats des membres nommés ou élus à l’occasion du renouvellement partiel suivant la promulgation de la présente loi. La durée des mandats en cours à la date de la promulgation de la présente loi est celle en vigueur à cette date pour le mandat concerné.
Les modalités de mise en œuvre du premier renouvellement partiel prévu aux deux derniers alinéas du a du 1° de l’article 28, du b du 1° de l’article 32, du a du 2° de l’article 33, du b du 2° de l’article 33, au 2° de l’article 34, au c de l’article 35, aux deuxième et troisième du a du 3° de l’article 37 et aux deux derniers alinéas du b du 1° de l’article 41 sont fixées par décret en Conseil d’État.
II. – Les mandats exercés antérieurement à la présente loi sont pris en compte pour l’application de la règle prévue au premier alinéa de l’article 8, sous réserve de la seconde phrase du même article 8.
III. – Un membre qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité mentionnés à l’article 9 et à l’article 11 est tenu de faire cesser cette incompatibilité au plus tard le trentième jour suivant la promulgation de la présente loi. À défaut d’option dans le délai prévu au présent alinéa ou à l’article 6 de la loi organique n° … du … relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, le président de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante le déclare démissionnaire.
IV. – La mise à disposition des déclarations d’intérêts prévue à l’article 12 a lieu, au plus tard, deux mois après la promulgation de la présente loi.
V. – Le règlement intérieur prévu à l’article 16 est adopté dans le délai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu au même article 16.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après la référence :
article 37
insérer la référence :
, au b bis du 1° du I de l'article 38
II. – Alinéa 3
Après le mot :
phrase
insérer les mots :
du second alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 49, modifié.
(L'article 49 est adopté.)
Article 50
(Non modifié)
La présente loi est applicable aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises sous réserve qu’elle s’applique à des autorités mentionnées à l’article 1er qui exercent des attributions au sein de compétences relevant de l’État. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Si nous soutenons la volonté d’allégement, de rationalisation et de transparence, nous ne pouvons pas, en revanche, approuver le sort qui a été réservé tout à l’heure aux instances qui devraient animer le débat public. Certaines sont primordiales !
En effet, nous avons, collectivement, un problème avec les aménageurs, comme avec les lobbys du bâtiment et des travaux publics. Et nous aurions aimé que le vent positif et réformateur qui souffle à travers ce texte soufflât sur tous les domaines. Malheureusement – peut-être est-ce un hasard ? –, il nous semble que l’écologie passe entre les gouttes…
C’est pourquoi le groupe écologiste ne pourra pas voter cette proposition de loi, qui n’accorde qu’une place extrêmement faible à des institutions qui nous paraissent pourtant très importantes. Nous ne pouvons pas soutenir un texte non écolo-friendly !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Bien qu’il ait quitté l’hémicycle, je souhaite répondre à Alain Richard, qui s’étonnait de la réticence des parlementaires à l’égard des hautes autorités indépendantes. Il faisait valoir que c’était le pouvoir exécutif qui renonçait à exercer telle ou telle responsabilité et la confiait à un organisme indépendant, sans doute pour rassurer l’opinion qui, naturellement, se méfie du pouvoir. La silhouette du philosophe Alain devrait donc expliquer l’apparition d’autorités indépendantes…
Je ne partage pas du tout ce point de vue. Je considère que ces autorités indépendantes privent le parlementaire de la possibilité d’interpeller un ministre sur une responsabilité qui doit être la sienne, c’est-à-dire celle du pouvoir exécutif.
M. Yves Pozzo di Borgo. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. De surcroît, ces autorités indépendantes sont souvent qualifiées de « hautes ». Leurs membres seraient donc de hautes et prestigieuses figures, comme si les autres n’étaient que de bas personnages ou comme si le fait d’être l’élu du peuple vous condamnait à être tiré vers le bas, vers les conflits d’intérêts permanents, vers la dépendance à l’égard des lobbys, vers une obstination partiale ou vers des convictions étouffées par une idéologie. De leur côté, les « hautes » autorités seraient, elles, indépendantes, voire planeraient dans la stratosphère…
C’est parfaitement désagréable pour les élus. Cela prive les citoyens de la possibilité d’un véritable dialogue. Les élus ont – certainement – tous les défauts du monde, mais ce sont les citoyens de la République qui ont souhaité qu’ils exercent des responsabilités. Élus, ils ont la faculté d’interpeller le pouvoir exécutif, mais aujourd’hui ils se battent contre des édredons, car les ministres leur répondent qu’ils n’y peuvent rien et que la décision relève d’une autorité indépendante…
C’est la raison pour laquelle je pense, en général, que ces autorités indépendantes doivent être créées avec prudence et modestie. Cette proposition de loi rétablit un peu d’ordre. Je m’en félicite, même si nous n’allons pas au bout du chemin. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi et je tiens à remercier ses auteurs, en particulier M. Mézard et Mme Des Esgaulx, ainsi que tous ceux qui ont contribué à sa rédaction.
Un jour, j’ai reçu la visite de plusieurs éminents membres du Conseil d’État qui préparaient un rapport du Conseil sur le droit souple. J’avoue que j’ai été quelque peu perplexe lorsqu’ils m’ont demandé de donner mon sentiment sur ce sujet. Comme l’avait dit Montesquieu, j’avais compris qu’il existait le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire…
Il est vrai que, quelquefois, je me suis interrogé sur la prolifération du droit souple et des espaces interstitiels, intermédiaires et mal définis, qui aboutissent à la multiplication d’entités ne relevant véritablement ni du législatif ni de l’exécutif.
Dans le prolongement de l’intuition de notre ami et ancien collègue Patrice Gélard, qui avait suggéré des mesures en la matière, je crois qu’il était temps et nécessaire de s’interroger et de proposer, comme l’a fait aujourd’hui M. Mézard, des règles pour ces autorités administratives indépendantes.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne.
Mme Marie-Annick Duchêne. Moi aussi, je souhaite exprimer mes vifs remerciements à Marie-Hélène Des Esgaulx et à Jacques Mézard. Quel bonheur de voir que l’on s'attaque enfin aux vrais problèmes ! Je constate que, si l’on en cherche effectivement, on peut trouver des solutions !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Nous passons à l’examen de la proposition de loi organique, dans le texte de la commission.
proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes
Article 1er
(Non modifié)
Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi.
La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Titre Ier
INCOMPATIBILITÉS AVEC LE MANDAT DE MEMBRE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Article 2
(Non modifié)
I. – La sixième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Après la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Incompatibilités
« Art. L.O. 6221-7-1. – Le mandat de conseiller territorial est incompatible avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. » ;
2° Après la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre III, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Incompatibilités
« Art. L.O. 6321-7-1. – Le mandat de conseiller territorial est incompatible avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. » ;
3° Après la section 1 du chapitre Ier du titre III du livre IV, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Incompatibilités
« Art. L.O. 6431-6-1. – Le mandat de conseiller territorial est incompatible avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
II. – L’article 13-2 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat de membre de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna est incompatible avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
III. – Après le 4° du I de l’article 111 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État ; ».
IV. – Après le 4° du I de l’article 196 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État ; ».
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Après l’article L.O. 6222-9, il est inséré un article L.O. 6222-9-1 ainsi rédigé :
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L.O. 6222-9-1. – Les fonctions de membre du conseil exécutif sont incompatibles avec …
III. – Alinéas 6 à 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Après l’article L.O. 6322-9, il est inséré un article L.O. 6322-9-1 ainsi rédigé :
IV. – Alinéa 9
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L.O. 6322-9-1. – Les fonctions de membre du conseil exécutif sont incompatibles avec …
V. – Alinéas 10 à 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° Après l’article L.O. 6432-9, il est inséré un article L.O. 6432-9-1 ainsi rédigé :
VI. - Alinéa 13
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L.O. 6432-9-1. – Les fonctions de membre du conseil exécutif sont incompatibles avec …
VII. – Alinéa 15
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna sont incompatibles avec …
VIII. – Alinéa 16 et 17
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
III. – La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française est ainsi modifiée :
1° Après l’article 75, il est inséré un article 75-1 ainsi rédigé :
« Art. 75-1. – Les fonctions de président de la Polynésie française ou de membre du Gouvernement sont incompatibles avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
2° Après l’article 111, il est inséré un article 111-1 ainsi rédigé :
« Art. 111-1. – Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de la Polynésie française sont incompatibles avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
X. – Alinéas 18 et 19
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
IV. – La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifiée :
1° Après le premier alinéa de l’article 64, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de président et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie sont incompatibles avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
2° L’article 112 est ainsi complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de président et de membre du Gouvernement sont incompatibles avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
3° Après l’article 196, il est inséré un article 196-1 ainsi rédigé :
« Art. 196-1. – Les fonctions de président et de vice-président d’une assemblée de province sont incompatibles avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je serai d’autant plus bref, monsieur le président, que j’ai déjà défendu cet amendement à l’occasion de l’examen du texte précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Le premier alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est également incompatible avec le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante créée par l’État, sauf si le magistrat y est désigné en cette qualité. »
II. – Le deuxième alinéa de l’article 6 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi modifié :
1° Les mots : « ni les fonctions de Défenseur des droits » sont supprimés ;
2 Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, siéger au sein d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante. »
III. – L’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf s’il y est désigné en cette qualité, aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, siéger au sein d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante. » – (Adopté.)
Titre II
RENFORCEMENT DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES
Article 4
Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :
1° La troisième ligne est ainsi modifiée :
a) A la première colonne, les mots : « Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » sont remplacés par les mots : « Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » ;
b) A la seconde colonne, le mot : « conseil » est remplacé par le mot : « collège » ;
2° Après la sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« « |
Agence française de lutte contre le dopage |
Président |
» ; |
3° Après la dixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée:
« « |
Autorité de régulation des jeux en ligne |
Président |
» ; |
4° La première colonne de la treizième ligne est complétée par les mots : « et routières » ;
5° Après la vingt et unième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« « |
Commission d’accès aux documents administratifs |
Président |
» ; |
6° (Supprimé)
7° Après la vingt-quatrième ligne, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« « |
Commission nationale de l’informatique et des libertés |
Président |
|
« « |
Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques |
Président |
» ; |
8° Après la trente-deuxième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« « |
Haut conseil du commissariat aux comptes |
Président |
». |
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
1° Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après la douzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Autorité de régulation de la distribution de la presse |
Président |
» ;
2° Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigé :
…° Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Commission du secret de la défense nationale |
Président |
» ;
3° Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigé :
…° Après la trente-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet |
Président du collège |
» .
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination qui découle de l’inscription de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, de la Commission du secret de la défense nationale et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet à l’annexe de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article additionnel après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L.O. 135-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » sont remplacés par les mots : « Bureau de l’Assemblée nationale » ;
b) À la troisième phrase, les mots : « au président de la Haute Autorité ainsi qu' » sont supprimés ;
2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » sont remplacés par les mots : « du Bureau de l’Assemblée nationale ».
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
Titre III
COORDINATION ET APPLICATION
Article 5
La loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 2 est ainsi modifié :
a) Le mot : « constitutionnelle » est remplacé par le mot : « administrative » ;
b) Après les mots : « ne reçoit », sont insérés les mots : « et ne sollicite » ;
1° bis (nouveau) Au premier alinéa du II de l’article 36, après les mots : « chaque année », sont insérés les mots : « , avant le 1er juin, » ;
2° (Supprimé) – (Adopté.)
Article 6
Un membre d'autorité administrative indépendante ou d'autorité publique indépendante qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité mentionnés aux articles L.O. 6221-7-1, L.O. 6321-7-1 et L.O. 6431-6-1 du code général des collectivités territoriales, à l'article 13-2 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna, aux 4° bis du I de l'article 111 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et du I de l'article 196 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, au premier alinéa de l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, au deuxième alinéa de l'article 6 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature et au dernier alinéa de l'article 7-1 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, dans leur rédaction résultant des articles 2 et 3, est tenu de faire cesser cette incompatibilité au plus tard le trentième jour suivant la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 333 |
Le Sénat a adopté.
12
Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali, inscrit à l’ordre du jour du jeudi 11 février 2016, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes sera d’une demi-heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 10 février, à dix-sept heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
13
Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution
M. le président. En application de l’article 50 ter du règlement, j’informe le Sénat que M. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste, a demandé, par lettre en date du 3 février 2016, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution pour l’instauration d’un revenu de base, présentée par M. Jean Desessard et les membres du groupe écologiste en application de l’article 34-1 de la Constitution, et déposée le 2 février 2016.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de la conférence des présidents, qui se tiendra le mercredi 10 février prochain.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 9 février 2016 :
À neuf heures trente : vingt-six questions orales.
À quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence (procédure accélérée) (n° 356, 2015-2016) ;
Rapport de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des lois (n° 368, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 369, 2015-2016).
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 340 tomes I et II, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 341, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD