Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

Secrétaire :

M. François Fortassin.

1. Procès-verbal

2. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 14

Amendement n° 1619 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 221 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Amendement n° 1470 de Mme Leila Aïchi. – Rejet.

Amendement n° 734 de M. Daniel Gremillet. – Retrait.

Amendements identiques nos 228 rectifié de M. Jacques Mézard, 285 rectifié quinquies de M. François Calvet, 649 rectifié bis de M. Henri Tandonnet, et 1064 de Mme Éliane Assassi. – Retrait des quatre amendements.

Amendement n° 215 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 722 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.

Amendement n° 1486 de M. Daniel Gremillet. – Rejet.

Amendements identiques nos 544 rectifié quinquies de Mme Jacky Deromedi et 691 de M. Philippe Dominati repris par la commission sous le n° 1754. – Retrait des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 15

Amendement n° 342 de M. Alain Joyandet. – Retrait.

Amendement n° 1621 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 224 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Amendement n° 274 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 16

Amendement n° 1622 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 1065 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendement n° 198 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 1066 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendements identiques nos 1067 rectifié de Mme Éliane Assassi et 1420 rectifié ter de M. Henri Tandonnet. – Retrait de l’amendement n° 1420 rectifié ter ; adoption de l’amendement n° 1067 rectifié.

Adoption de l’article modifié.

Article 16 bis

Amendements identiques nos 225 rectifié de M. Jacques Mézard, 696 rectifié de M. Charles Revet et 701 rectifié bis de Mme Pascale Gruny. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 1623 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 17 (suppression maintenue)

Article 17 bis

Amendement n° 1625 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 726 de M. Jacques Bigot. – Retrait.

Amendement n° 583 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 17 ter

Amendement n° 1626 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 18

Amendement n° 1629 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 1698 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 214 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Demande de réserve

Demande de réserve de l’amendement n° 1757 du Gouvernement, portant article additionnel après l’article 21, après l’article 106. – M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission ; M. Emmanuel Macron, ministre ; M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 19

M. Michel Magras

Amendement n° 1617 du Gouvernement. – Rejet.

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

Amendements identiques nos 601 de M. Jean-Jacques Hyest et 695 rectifié bis de Mme Pascale Gruny. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 299 rectifié ter de M. Michel Magras. – Retrait.

M. Jean-Claude Requier

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Emmanuel Macron, ministre

Adoption de l’article.

Article 20

Amendement n° 1620 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 517 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Retrait.

Amendements identiques nos 227 rectifié de M. Jacques Mézard, 1069 de Mme Éliane Assassi et 1419 rectifié bis de M. Henri Tandonnet. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 1070 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 690 rectifié bis de Mme Pascale Gruny. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 20 bis

Amendements identiques nos 235 rectifié de M. Jacques Mézard, 289 rectifié bis de M. Yves Détraigne et 1341 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait de l’amendement n° 1341 ; rejet des amendements nos 235 rectifié et 289 rectifié bis.

Amendement n° 1624 rectifié du Gouvernement. – Adoption.

Amendements identiques nos 502 rectifié ter de Mme Jacky Deromedi, 1071 de Mme Éliane Assassi et 1473 de Mme Leila Aïchi. – Devenus sans objet.

Amendements identiques nos 503 rectifié ter de Mme Jacky Deromedi et 1472 de Mme Leila Aïchi. – Devenus sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

Article 20 ter (supprimé)

Amendement n° 1627 du Gouvernement. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article additionnel après l'article 20 ter

Amendement n° 443 de M. Jean Desessard. – Rejet.

Article 20 quater (supprimé)

Amendement n° 1628 du Gouvernement. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 21

Amendement n° 16 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1630 du Gouvernement et sous-amendement n° 1760 de M. Jacques Bigot. – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.

Demande de priorité

Demande de priorité de l’amendement n° 206 rectifié M. Jacques Mézard. M. François Pillet, corapporteur ; M. Emmanuel Macron, ministre. La priorité est ordonnée.

Amendement n° 206 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption.

Amendements identiques nos 1072 de Mme Éliane Assassi et 1474 de Mme Leila Aïchi. – Devenus sans objet.

Amendement n° 183 de M. Michel Bouvard. – Devenu sans objet.

Amendement n° 1661 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 1497 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 444 de M. Jean Desessard. – Rejet.

Amendements identiques nos 727 de M. Didier Guillaume et 842 rectifié de M. Jean Bizet. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 182 de M. Michel Bouvard. – Retrait.

Amendement n° 312 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Amendement n° 729 de M. Jacques Bigot. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 21

Amendement n° 1757 du Gouvernement. – Réservé après l’article 106.

Amendement n° 226 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 217 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 216 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 607 de Mme Claire-Lise Campion. – Rejet.

Amendements n° 1454 rectifié bis de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.

Amendement n° 913 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.

Article 22 (supprimé)

Mme Éliane Assassi

Amendement n° 1658 du Gouvernement. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 22 bis

Amendement n° 132 rectifié ter de M. Hervé Marseille. – Retrait.

Amendement n° 131 rectifié ter de M. Hervé Marseille. – Retrait.

Amendement n° 843 rectifié de M. Jean Bizet. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 22 ter

M. Michel Le Scouarnec

Amendement n° 17 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1631 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 1701 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel avant l'article 23

Amendement n° 1371 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 23

M. Michel Le Scouarnec

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Michel Bouvard

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Jean-Pierre Grand

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Amendement n° 1073 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 1077 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1076 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1074 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1075 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 23

Amendement n° 253 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Amendement n° 254 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Article 23 bis A (supprimé)

Renvoi de la suite de la discussion.

3. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Secrétaire :

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 13 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 14

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.

TITRE Ier (SUITE)

LIBÉRER L’ACTIVITÉ

Chapitre III (SUITE)

Conditions d’exercice des professions juridiques réglementées

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre Ier, à l’article 14.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 15

Article 14

I. – La loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat est ainsi modifiée :

1° A L’article 2 est ainsi rédigé :

« Art. 2. – Les notaires cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment. » ;

1° L’article 4 est ainsi rédigé :

« Art. 4. – La nomination d’un notaire, la création, le transfert ou la suppression d’un office de notaire sont faits par arrêté du ministre de la justice.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommé en cette qualité.

« Les conditions dans lesquelles le ministre de la justice fait droit ou refuse la création d’un nouvel office sont fixées à l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. » ;

1° bis L’article 10 est abrogé. Toutefois, sauf révocation, les habilitations conférées avant le 1er janvier 2015 continuent à produire leurs effets jusqu’au 1er janvier 2020 ;

2° (Supprimé)

3° L’article 68 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon » sont remplacés par les mots : « à Saint-Pierre-et-Miquelon ».

II (Non modifié). – Les articles 2 et 4 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, dans leur rédaction résultant du présent article, entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

M. le président. L’amendement n° 773 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 1619, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – La loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat est ainsi modifiée :

1° L’article 2 est ainsi rédigé :

« Art. 2. – Les notaires cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment, pour une durée qui ne peut excéder six mois. » ;

2° L’article 4 est ainsi rédigé :

« Art. 4. – Toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance est nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire dans les zones où l’implantation d’offices de notaire apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.

« La nomination peut toutefois être refusée dans les cas prévus au III de l’article 13 bis de la loi n° du pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« Un appel à manifestation d’intérêt est organisé dans les zones identifiées en application du II du même article 13 bis.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;

3° L’article 10 est abrogé à compter du premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi ;

4° La seconde phrase de l’article 52 est complétée par les mots : « , pour une durée qui ne peut excéder six mois » ;

5° L’article 68 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon » sont remplacés par les mots : « à Saint-Pierre-et-Miquelon ».

II. – Les articles 2 et 4 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, dans leur rédaction résultant du présent article, entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a pris acte du vote de l’article 13 bis dans la version issue des travaux de la commission spéciale. Il y a désormais un réel problème de cohérence avec l’article 15 adopté par l’Assemblée nationale.

Le Sénat a maintenu le principe de l’extension de la compétence des huissiers à la cour d’appel, en en décalant simplement l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017.

J’approuve cette nouvelle date seulement pour les huissiers, l’extension des compétences de cette profession à l’échelon départemental depuis le 1er janvier 2015 requérant un temps d’adaptation. Mais, pour les notaires, je ne partage pas la position de la commission spéciale sur les départs en retraite à soixante-dix ans. La mesure transitoire ne fixe pas de limite pour le départ effectif.

Le Gouvernement demande donc le rétablissement du dispositif qui avait été proposé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement tend à procéder à un rétablissement sec des dispositions adoptées à l’Assemblée nationale. Comme M. le ministre s’en doute, ce n’est pas de nature à enchanter la commission ! (Sourires.)

Les modifications apportées par la commission spéciale, sur lesquelles le Gouvernement voudrait revenir, ont permis de clarifier la rédaction de l’article 4 de la loi statutaire des notaires, en mentionnant l’existence de zones intermédiaires, qui ne sont pas traitées par l’article 13 bis, ce dont M. le ministre a d’ailleurs expressément convenu.

La commission a maintenu pour cinq ans les habilitations de clercs prononcées avant le 1er janvier 2015. Compte tenu de la situation de très grande incertitude économique dans laquelle les notaires seront placés, il est peu vraisemblable qu’ils embauchent en masse des notaires salariés pour remplacer les clercs habilités. En outre, un délai d’un an sera bien insuffisant à ces derniers, qui voient leur statut complètement bouleversé, pour se préparer à devenir notaires salariés. Une telle suppression nuira aux clercs habilités qui ne pourront pas devenir notaires, soit en réduisant leur rémunération, soit en conduisant à leur licenciement pour favoriser l’embauche de notaires salariés. Un délai de cinq ans est donc socialement nécessaire pour permettre à cette reconversion à marche forcée de s’accomplir sans heurt.

Par ailleurs, la commission spéciale a supprimé la limite de six mois pendant laquelle un notaire âgé de plus de soixante-dix ans pouvait continuer d’exercer dans l’attente que son successeur prête serment. Cette limite risquerait de jouer contre nos concitoyens : un office pourrait devenir vacant malgré l’accord de son titulaire pour continuer à exercer sa charge le temps que toutes les formalités de nomination de son successeur soient effectuées.

Je n’imagine pas que le garde des sceaux maintienne envers et contre tout un notaire plus âgé en retardant par des manœuvres dilatoires la prestation de serment de son successeur.

Au demeurant, un tel mécanisme, qui existe en Alsace-Moselle, n’a donné lieu à aucun contournement ou excès.

M. le ministre a indiqué la position du Gouvernement sur chacun de ces trois points. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1619.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le groupe CRC vote contre !

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 221 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a pour objet de supprimer la limite d’âge instaurée pour les fonctions de notaire.

Alors que M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, encourage l’emploi des seniors et que, du fait de politiques malthusiennes de division du travail, la France a un taux d’emploi des seniors parmi les plus bas du continent, nous ne comprenons pas de telles dispositions.

Un notaire ayant travaillé toute sa vie sera-t-il obligé de s’arrêter à soixante-dix ans même s’il ne le souhaite pas ? Certes, c’est différent lorsque la personne n’est plus en mesure de travailler correctement. Mais une formulation aussi générale, qui interdit l’exercice des missions de notaire après soixante-dix ans, s’apparente à une forme de discrimination liée à l’âge.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Halte au jeunisme ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Requier. C’est d’autant plus inacceptable que je m’en approche ! (Nouveaux sourires.)

Il faut le rappeler, l’Union européenne a fixé comme objectifs à long terme d’encourager le vieillissement actif, d’agir davantage pour tirer parti du potentiel des personnes à la fin de la cinquantaine ou plus âgées et de préserver les solidarités intergénérationnelles.

L’introduction en droit européen du principe de non-discrimination, par la directive 2000/78/CE, correspond aux objectifs visés par l’Europe dans le cadre d’une stratégie européenne pour l’emploi, ainsi qu’à la promotion du vieillissement actif.

Cette directive à double facette est un outil juridique pour enrayer la discrimination à l’embauche dont sont victimes les travailleurs âgés. Elle permet également de prendre en considération le facteur particulier de l’âge dans le cadre des politiques en matière d’emploi. Elle impose donc aux États de mettre en place une législation nationale interdisant la discrimination directe et indirecte, ainsi que le harcèlement et les rétorsions au motif de l’âge. La liberté est la règle, et la restriction l’exception.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de la limite d’âge pour toutes les professions réglementées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Mon cher collègue, un notaire n’est pas un professionnel libéral comme un autre. Il est nommé par l’autorité ministérielle. (Mme Nicole Bricq acquiesce.) S’il n’occupe pas un emploi public, il est dépositaire de prérogatives de puissance publique.

Il est donc légitime, en tout cas légalement possible, d’encadrer l’exercice de sa profession. Fixer une limite d’âge à l’exercice de ces fonctions est tout à fait conforme au droit de l’État d’organiser le fonctionnement des offices publics ou ministériels.

Cela contribuera en outre à la circulation des offices. D’ailleurs, je n’ai pas entendu d’opposition à cet égard lorsque la commission a auditionné les notaires.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour trois raisons.

D’abord, la profession doit se rajeunir.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas la seule ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Seuls 6 % des notaires installés ont moins de 35 ans.

Ensuite, la limite des soixante-dix ans existe déjà dans le régime qui prévaut en Alsace-Moselle ; ce n’est donc pas une aberration.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bonne référence !

M. Emmanuel Macron, ministre. Enfin, c’est la réforme qui était prévue dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Comme, par souci de cohérence, je souhaite aller au bout de mes arguments, je plaide pour que nous nous donnions les moyens de la réussir.

Il est dommage d’avoir supprimé la limite de six mois, qui aurait permis aux notaires de s’organiser et de prévoir leur succession.

Permettre à un notaire de conserver son office au-delà de soixante-dix ans sans limites de temps, c’est créer les conditions pour qu’apparaissent de nombreuses « clauses de grand-père ». (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je veux seulement réagir au dernier point soulevé par M. le ministre.

Le départ du notaire ne dépend pas de sa seule volonté ; c’est le garde des sceaux qui met un terme à sa carrière. En outre, les dispositions adoptées valent dans le cas d’une cession en train d’être effectuée. Elles visent donc seulement à donner de la souplesse, sans affecter la limite d’âge que vous voulez imposer. D’ailleurs, le cas ne se présentera que de manière exceptionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 221 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1470, présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé et Dantec, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 4. – Toute personne répondant à des conditions de nationalité, d’aptitude, et d’honorabilité est titularisée par le ministre de la justice en qualité de notaire dans le lieu d’établissement de son choix. Le ministère de la justice respecte la parité femmes-hommes pour la titularisation en qualité de notaire dans les offices existants. Un rapport annuel sur la progression de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein des offices notariaux est établi avec le support du Conseil supérieur du notariat.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Selon une étude de l’OCDE réalisée en 2013, une véritable égalité professionnelle entre les hommes et les femmes contribuerait à accroître de 10 % l’économie de notre pays d’ici 2030.

Or les chiffres de la direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services, la DGCIS, sur la profession de notaire sont sans équivoque : 0,1 % des femmes notaires ont moins de trente ans ; 71 % des notaires sont des hommes ; 85 % des associés sont des hommes qui gagnent plus de 16 000 euros par mois ; 84 % des salariées sont rémunérées moins de 4 000 euros par mois.

Il convient donc de créer des conditions de titularisation égalitaires dans les offices existants et d’inscrire le principe de parité au sein de l’article 14 ; c’est le sens de cet amendement.

La rédaction de l’article 4 de la loi du 25 ventôse an XI et les conditions invoquées pour la titularisation en qualité de notaire sont discriminantes pour les femmes, notamment les plus jeunes.

En outre, la formulation actuelle de l’article 14 contrevient à l’obligation de résultat en matière d’égalité professionnelle, salariale et de mixité entre les sexes figurant dans la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Enfin, elle est contraire à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel tous les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à instaurer une liberté d’installation totale des notaires. Son dispositif est en contradiction totale avec le projet de loi et les travaux de la commission spéciale.

Au demeurant, si le dispositif envisagé est très libéral pour l’installation, il est très régulateur pour l’évolution des offices existants.

La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1470.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 734, présenté par M. Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les conditions d'aptitude sont définies à l'article 3 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire, et pour l'Alsace-Moselle, aux articles 110 et suivants du même décret.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Je propose de remplacer l’actuel alinéa 6 de l’article 14 du projet de loi, aux termes duquel un nouveau décret en Conseil d'État fixera les conditions requises pour être nommé en qualité de notaire.

Des conditions d’aptitude existent déjà. Elles sont définies à l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire, avec, bien entendu, des dispositions particulières pour l’Alsace et la Moselle.

M. le président. Les neuf amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 120 rectifié est présenté par M. Grand et Mme Cayeux.

L'amendement n° 228 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 285 rectifié quinquies est présenté par M. Calvet, Mmes Micouleau, Deromedi et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel, B. Fournier et Commeinhes, Mme Deseyne, MM. Milon et Laménie et Mmes Mélot et Lamure.

L'amendement n° 373 rectifié est présenté par Mmes Duchêne et Primas et M. Gournac.

L'amendement n° 417 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 568 rectifié bis est présenté par M. A. Marc.

L'amendement n° 649 rectifié bis est présenté par MM. Tandonnet et Médevielle, Mme Joissains, MM. Gabouty, Détraigne, Bonnecarrère, Kern, Guerriau, Longeot, Roche et Canevet, Mmes Férat, Gatel et Loisier, MM. Bockel, Cigolotti, Delahaye, Marseille, Pozzo di Borgo, Namy et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 673 rectifié bis est présenté par Mme Gruny et MM. Mayet, Pierre, Revet et Vasselle.

L'amendement n° 1064 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces neuf amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

d’expérience

par les mots :

de diplôme

L’amendement n° 120 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 228 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Comme cela a été souligné, sept années d’études après le baccalauréat sont nécessaires pour devenir notaire. Cette formation longue constitue une garantie de qualité du service rendu par les notaires.

Nous proposons donc, avec cet amendement et l’amendement n° 215 rectifié, qui s’inscrit dans le même esprit, de prendre en compte un critère de diplôme, soit en le substituant, soit en l’ajoutant au critère d’expérience.

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l'amendement n° 285 rectifié quinquies.

Mme Jacky Deromedi. Il est défendu.

M. le président. Les amendements nos 373 rectifié, 417 et 568 rectifié bis ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 649 rectifié bis.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté par mon collègue Jean-Claude Requier. Nous proposons de remplacer les mots : « d’expérience » par les mots : « de diplôme ». Cette substitution va parfaitement de soi.

M. le président. L’amendement n° 673 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 1064.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il nous semble indispensable que l’accès à cette profession du droit repose sur des exigences de connaissances et de savoirs sanctionnés par des diplômes reconnus.

M. le président. L'amendement n° 215 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

d’expérience

insérer les mots :

, de diplôme

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 722 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Raison, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

et d'assurance

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement tend à supprimer les conditions d’assurance mentionnées à l’alinéa 6 de l’article 14.

L'ajout d’une telle disposition semble inutile. À ce jour, les notaires ont l'obligation d'être assurés au regard du décret du 20 mai 1955 relatif aux officiers publics ou ministériels et à certains auxiliaires de justice. Que ce soit à titre individuel ou collectif, cette assurance doit donc déjà être obligatoirement souscrite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Je sollicite le retrait de l’ensemble de ces amendements, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le sujet a déjà été évoqué à l’occasion de l’examen de l’article 13 bis du projet de loi. Nous avions alors écarté les propositions qui sont émises aujourd’hui. Certains de nos collègues avaient d’ailleurs retiré leurs amendements.

La condition de diplôme étant d’ores et déjà incluse dans la notion d’aptitude, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir à cet égard. En outre, supprimer toute référence à la notion d’expérience pourrait conduire à autoriser la titularisation de diplômés n’ayant jamais accompli de stage professionnel. Or ce stage est de deux ans pour le diplôme supérieur de notariat.

Par ailleurs, comme le sujet figure en filigrane dans le raisonnement de nos collègues, le droit en vigueur prévoit déjà la validation des acquis de l’expérience des clercs de notaire, de magistrats judiciaires ou d’avocats. Cela requiert neuf ans de pratique. Les amendements proposés apparaissent ainsi en retrait par rapport au droit en vigueur.

Par souci de cohérence avec nos délibérations de la semaine dernière, je demande aux auteurs de l’amendement n° 734 et des différents amendements identiques de bien vouloir les retirer. À défaut, l’avis serait défavorable.

Enfin, l’amendement n° 722 rectifié vise à supprimer de la loi une condition d’ores et déjà prévue par décret. L’expérience nous enseigne toutefois qu’il vaut parfois mieux inscrire dans la loi ce que l’on veut être certain de trouver dans le règlement ! Par ailleurs, il serait peu pertinent de traiter l’une des conditions de titularisation, et c’en est bien une, différemment des autres.

Ces observations devraient vous rassurer, monsieur Gremillet. Je vous invite donc à retirer l’amendement n° 722 rectifié, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je suivrai l’avis de la commission.

Certes, je ne crois pas qu’il faille privilégier l’expérience sur le diplôme. Mais le texte de la commission me semble très clair, et je crois que nos collègues peuvent retirer leurs amendements.

La notion de conditions « d’aptitude » implique naturellement d’avoir atteint un niveau minimal de diplôme ; la validation des acquis de l’expérience, c’est un autre sujet. La question du diplôme ne se pose pas. D’ailleurs, nous préférons tous savoir que les notaires chez qui nous allons disposent tous d’un niveau minimal de diplôme.

Mais, encore une fois, compte tenu de ce que prévoit déjà le texte de la commission, les modifications proposées sont inutiles.

M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 734 est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Non, je le retire, ainsi que l’amendement n° 722 rectifié.

Il est clair que nous n’avons rien inventé. Nous reprenons simplement des dispositions existantes.

M. le président. Les amendements nos 734 et 722 rectifié sont retirés.

Qu’en est-il de l’amendement n° 228 rectifié, monsieur Requier ?

M. Jean-Claude Requier. Je le retire, ainsi que l’amendement n° 215 rectifié, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 228 rectifié et 215 rectifié sont retirés.

Qu’en est-il de l'amendement n° 285 rectifié quinquies, madame Deromedi ?

Mme Jacky Deromedi. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 285 rectifié quinquies est retiré.

Madame Goulet, l'amendement n° 649 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 649 rectifié bis est retiré.

Qu’en est-il de l'amendement n° 1064, madame Gonthier-Maurin ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1064 est retiré.

L'amendement n° 1486, présenté par M. Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer quinze alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 31 est ainsi rédigé :

« Art. 31. – Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, décide de l’augmentation du nombre des notaires en considération des objectifs de sécurité juridique, d’accès au service public de la justice, des besoins du public et de la situation géographique, démographique et économique des territoires.

« Afin d’atteindre ces objectifs, en fonction d’une prévision triennale, dans le ressort de chaque cour d’appel, le garde des Sceaux, ministre de la Justice :

« 1° Détermine les offices dans lesquels il devra être procédé à la nomination d’un ou plusieurs notaires salariés ;

« 2° Fixe la liste des offices qui doivent accueillir un ou plusieurs notaires associés ;

« 3° Arrête les lieux dans lesquels des offices sont créés. » ;

…° Après l’article 31, sont insérés quatre articles 31-1 à 31-4 ainsi rédigés :

« Art. 31–1. – 1° Il sera procédé à l’accueil d’un notaire salarié dès lors que l’office concerné dépasse un seuil déterminé par décret en Conseil d’État.

« 2° Il sera procédé à l’accueil d’un notaire associé dès lors que l’office concerné dépasse des seuils déterminés en Conseil d’État, durant chacune des trois années antérieures.

« 3° Il est créé un office notarial dès lors que l’unité urbaine de référence compte plus de 15 000 habitants sans office ni bureau annexe et recense plus de 3 000 propriétaires de leur résidence principale au dernier recensement INSEE publié.

« Pour les unités urbaines de plus de 200 000 habitants, les critères définis ci-dessus s’appliquent à l’échelon de chacune des communes de plus de 15 000 habitants concernées, dès lors qu’il n’existe pas déjà d’offices ou de bureaux annexes dans les communes limitrophes.

« Dans les unités urbaines de référence de plus de 15 000 habitants où existe déjà un office, il peut être créé un ou plusieurs offices supplémentaires, dès lors que le nombre des notaires en exercice sur l’unité urbaine est inférieure à la densité notariale définie ci-dessus.

« Art. 31–2. - Une convention triennale est signée entre le ministère de la Justice et le Conseil supérieur du notariat relative à la communication de toutes données permettant au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de remplir ces missions.

« Art 31-3. – En cas de non-respect, du plan d’accueil des notaires salariés et des notaires associés, défini par le garde des Sceaux, une sanction disciplinaire pourra être prononcée à l’encontre des notaires et/ou de la société qui avaient l’obligation d’accueil.

« Art. 31-4. – Il est instauré un fonds de péréquation entre les offices de notaires pour l’aide à la restructuration de la profession et l’installation des primo-installants. Le calcul de cette cotisation sera défini par décret. Une remise de cette cotisation, sera accordée aux offices respectant les obligations d’accueil prévues conformément aux articles précédents ainsi qu’aux offices non concernés par le plan d’accueil. »

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à instaurer un plan programmant les installations de notaires sur une période triennale. Il est nécessaire d’avoir d’une vision dans le temps.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. L’instauration d’un plan triennal de programmation des installations de notaires ne serait pas cohérente avec ce qui a été décidé à l’article 13 bis, c’est-à-dire un plan de liberté d’installation, certes encadré. On pourrait évidemment prévoir que le garde des sceaux s’engage sur une augmentation progressive du nombre de notaires en exercice. Mais, d’une part, c’est précisément l’objectif du projet de loi – la précision n’est donc pas nécessaire – et, d’autre part, l’adoption de cet amendement obligerait à prévoir une coordination entre les deux. Cela rendrait le mécanisme complexe et contraire à la position de la commission spéciale.

Je vous suggère de retirer cet amendement, monsieur Gremillet. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Gremillet, l'amendement n° 1486 est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Oui, monsieur le président.

Il est absolument nécessaire de disposer de projections claires quant aux possibilités d’installations dans les territoires. Il est tout de même intéressant de pouvoir visualiser les évolutions à venir et de s’organiser en conséquence, notamment pour les jeunes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1486.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 544 rectifié quater est présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, MM. Calvet, Charon, Commeinhes et Magras, Mme Mélot et M. Milon.

L'amendement n° 691 est présenté par M. P. Dominati.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Des honoraires peuvent être perçus pour les prestations qui ne sont pas couvertes par le tarif déterminé par le décret en Conseil d’État mentionné au I quinquies de l'article 12. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, des services rendus dans l’exercice des activités compatibles avec la fonction notariale, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par le notaire et des diligences de celui-ci.

Sont notamment rémunérées, conformément à l’alinéa précédent, les consultations données par les notaires. Dans ce cas, le client doit être préalablement averti par écrit du caractère onéreux de la prestation de services et du montant estimé ou du mode de calcul de la rémunération à prévoir. Une convention d’honoraires est alors établie entre le notaire et son client.

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 544 rectifié quater.

Mme Jacky Deromedi. Actuellement, la rémunération des notaires est régie par décret.

Elle porte soit sur les activités traditionnelles des notaires, faisant l’objet d’un tarif réglementé, soit sur les prestations de conseil, hors tarif réglementé, compatibles avec la fonction notariale. Ces prestations sont rémunérées, selon les termes du décret, « par des honoraires fixés d'un commun accord avec les parties, ou, à défaut, par le juge chargé de la taxation. Sont notamment rémunérées […] les consultations données par les notaires. Dans tous les cas, le client doit être préalablement averti par écrit du caractère onéreux de la prestation de services et du montant estimé ou du mode de calcul de la rémunération à prévoir. »

L'article 12 du présent projet de loi porte exclusivement sur l'exercice des prestations soumises au tarif réglementé des notaires.

En revanche, rien n'est prévu dans le texte sur les honoraires de conseil. Or le conseil est bien un élément inhérent à la fonction de notaire. Il est donc étonnant que les dispositions régissant les honoraires versés au titre des prestations de conseil ne soient pas abordées.

Dans un souci de cohérence, cet amendement tend à faire remonter au niveau de la loi les dispositions concernant les prestations de conseil au même titre que celles qui sont couvertes par le tarif réglementé. Jusqu'à présent, toutes étaient régies par le décret du 8 mars 1978.

M. le président. L’amendement n° 691 n’est pas soutenu.

M. François Pillet, corapporteur. Je souhaite le reprendre au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Il s’agit d’apporter deux précisions : d’une part, en dehors des actes tarifés, les prestations des notaires sont en honoraires libres ; d’autre part, la fixation de ces honoraires répond aux mêmes exigences que pour les avocats : services rendus, difficulté de l’affaire, frais exposés, diligence du notaire et convention d’honoraires préalable.

La première de ces deux précisions n’est sans doute pas nécessaire. Mais elle peut rassurer. En outre, encadrer la fixation des honoraires en prenant pour modèle la profession d’avocat est tout à fait pertinent.

Toutefois, il semble nécessaire d’apporter plusieurs rectifications, afin de reprendre les principaux éléments du régime de fixation des honoraires d’avocats.

C’est la raison pour laquelle la commission reprend l’amendement n° 691, mais dans une nouvelle rédaction.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1754, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article 1er quater de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945, il est inséré un article 1er quinquies ainsi rédigé :

« Art. 1er quinquies. - Le notaire perçoit, pour les prestations qu'il accomplit, selon le cas, des droits et émoluments fixés conformément à l'article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, ou des honoraires.

« Lesdits honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, des services rendus dans l'exercice des activités compatibles avec la fonction notariale, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par le notaire et des diligences de celui-ci.

« Sauf en cas d'urgence ou de force majeure, le notaire conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. »

Veuillez poursuivre, monsieur le corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. J’émettrai évidemment un avis favorable sur l’amendement n° 544 rectifié quater sous réserve qu’il soit rectifié dans le sens proposé par la commission.

M. le président. Madame Deromedi, acceptez-vous de modifier votre amendement n° 544 rectifié quater dans ce sens ?

Mme Jacky Deromedi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 544 rectifié quinquies, dont le libellé est identique à celui de l’amendement n° 1754.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends bien l’objet de ces amendements. Néanmoins, je ne vois pas pourquoi l’on apporterait dans la loi des précisions sur des prestations qui ne sont pas réglementées par le décret de 1978 ; le présent projet de loi traite uniquement des tarifs réglementés.

Il me semblerait inutilement verbeux de repréciser des dispositions qui existent déjà. La rédaction proposée dans le texte devrait satisfaire les auteurs de ces amendements, dans la mesure où les seules activités faisant l’objet d’un tarif réglementé sont affectées. Or, et nous en avons débattu samedi dernier, les prestations de conseil ne donnent lieu à application d’un tarif réglementé pour aucune des professions traitées dans le cadre de ce texte.

Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait des amendements nos 544 rectifié quinquies et 1754. Les évolutions proposées n’apportent rien, et l’introduction de dispositions concernant les tarifs libres dans la loi pourrait marquer une forme de réglementation.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je le précise, la rectification que j’ai proposée vise à supprimer la référence à la consultation, qui introduit une difficulté ; une telle mesure pourrait être interprétée comme ouvrant aux notaires la possibilité de faire payer à leurs clients, par le biais d’honoraires, la consultation juridique qui est fournie dans le cadre de la rédaction d’un acte pour lequel ils sont déjà soumis à un tarif. Or seules les consultations détachées de tout acte tarifé sont susceptibles de donner lieu à la perception d’honoraires.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. À quoi ça sert que Ducros se décarcasse ? (Sourires.)

Nous avons adopté samedi dernier un dispositif – c’est l’un de mes rares amendements que M. le ministre, dans sa grandeur d’âme, a bien voulu soutenir – prévoyant une liberté tarifaire sur l’ensemble des opérations des notaires. Ainsi les amendements en discussion aujourd’hui sont-ils déjà satisfaits.

Je préfère en rester à la rédaction adoptée samedi ; elle laisse une liberté pleine et entière. Les amendements visent à prévoir une liberté tarifaire hors des tarifs réglementés pour les opérations classiques, mais tout en fixant un cadre, ce qui va probablement d’ailleurs à l’encontre de la volonté de leurs auteurs.

Dans les secteurs où il n’y a pas de concurrence, par définition, les tarifs sont réglementés et encadrés par la loi ; pour le reste, puisqu’il s’agit d’un secteur ouvert à la concurrence, laissons la concurrence agir ! Je ne comprends pas très bien l’objectif des auteurs de ces amendements. Pourquoi remettre dans un cadre ce que nous avons libéré samedi ? Je préfère me ranger à l’avis de M. le ministre ; pour une fois qu’il est libéral ! (Exclamations.)

Restons-en à la libération, hors tarifs réglementés. Ne prévoyons pas de normes nouvelles ! Ce n’est pas à la loi de préciser ce que doivent être les tarifs libres dans des secteurs concurrentiels. Si l’on commence ainsi, on ne s’en sortira jamais !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je partage l’analyse de mon collègue Roger Karoutchi.

Effectivement, dans la mesure où les tarifs sont réglementés dans des champs bien précis, je ne vois pas l’intérêt d’ajouter des conventions. Pourquoi légiférer à outrance sur des aspects qui relèvent du libre exercice des professionnels ? (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

L’adoption de ces amendements, qui ne me paraissent pas avoir de réelle utilité, ajouterait de l’incertitude juridique.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur Karoutchi, les amendements dont nous débattons avaient été déposés avant le vote qui est intervenu la semaine dernière.

M. François Pillet, corapporteur. Toutefois, compte tenu des explications qui viennent d’être apportées, je veux bien retirer l’amendement que j’ai déposé au nom de la commission spéciale, et je suggère à Mme Deromedi d’en faire autant.

Vous le voyez, nous sommes sur la voie d’un consensus ; j’espère que cela durera ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 1754 est retiré.

Qu’en est-il de l'amendement n° 544 rectifié quinquies, madame Deromedi ?

Mme Jacky Deromedi. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 544 rectifié quinquies est retiré.

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 16

Article 15

I. – L’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est ainsi modifiée :

1° L’article 3 est ainsi rédigé :

« Art. 3. – La compétence territoriale des huissiers de justice, pour l’exercice des activités mentionnées aux deuxième et dernier alinéas de l’article 1er, est nationale. Sous cette réserve, la compétence territoriale des huissiers de justice s’exerce dans le ressort de cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle.

« Un décret en Conseil d’État définit :

« 1° Les conditions d’aptitude à leurs fonctions, parmi lesquelles les conditions de reconnaissance de l’expérience professionnelle des clercs salariés ;

« 2° Le ressort territorial au sein duquel ils sont tenus de prêter leur ministère ou leur concours ;

« 3° Les règles applicables à leur résidence professionnelle ;

« 4° Les modalités suivant lesquelles ils peuvent être admis à constituer des groupements ou des associations ;

« 5° Leurs obligations professionnelles. » ;

2° Après le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE Ier BIS

« De la nomination par le ministre de la justice

« Art. 4. – La nomination d’un huissier de justice, la création, le transfert ou la suppression d’un office d’huissier de justice sont faits par arrêté du ministre de la justice.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommé en cette qualité.

« Les conditions dans lesquelles le ministre de la justice fait droit ou refuse la création d’un nouvel office sont fixées à l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« Art4 bis. – Les huissiers de justice cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment. »

bis. – L’article 3 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, dans sa rédaction résultant du présent article, entre en vigueur le 1er janvier 2017.

II. – Le chapitre Ier bis de la même ordonnance entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 342, présenté par M. Joyandet, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour formuler une remarque générale : ce projet de loi, comme beaucoup d’autres textes dont nous sommes saisis depuis un certain temps – je pense notamment au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou projet de loi NOTRe –, s’adresse aux Parisiens ou, disons, aux habitants des zones urbaines ! Tel est du moins mon ressenti d’élu rural.

Je pense notamment à la déréglementation des professions réglementées. Nous n’avons déjà pas grand-chose dans nos petits départements ruraux. Avec cette déréglementation, il y aura encore moins de péréquation et d’aménagement du territoire.

Par exemple, si les avocats ou les huissiers sont reliés non plus à leur tribunal de grande instance, mais à leur cour d’appel, chez nous, il y a, à terme, un risque de disparition pure et simple des TGI. Nous n’avons pas la même densité pour les professions réglementées et juridiques que dans les grandes zones urbaines. Une crainte est ressentie aussi bien par les élus que par les professionnels : l’ouverture générale risque de permettre à des avocats et à des huissiers venus d’ailleurs de prendre le peu d’affaires que nous avons encore chez nous.

Dans les territoires comme le mien, le pouvoir d’achat par tête d’habitant est très bas. Ces professions concernées rehaussent un peu la moyenne générale. J’ai donc tendance à penser qu’il convient de faire montre de davantage de prudence, en termes de déréglementation, dans les départements à faible densité que dans les zones urbaines.

Nous l’avons bien vu avec le projet de loi NOTRe. Au début, il était envisagé de supprimer les départements. Si cela ne posait sans doute pas de problème dans les grandes zones urbaines, cela en posait beaucoup dans les départements ruraux. Finalement, le Gouvernement a reculé devant la très forte contestation de l’ensemble des élus.

La contestation est moins importante sur le sujet dont nous débattons aujourd'hui : certains ne sont pas tellement contre parce qu’ils sont dans des zones urbaines… Il y a assez peu de monde pour parler au nom des professions concernées dans les départements ruraux. Le danger est néanmoins réel pour ces départements, dont le seuil d’équipement est déjà très faible, y compris en ce qui concerne les voies de communication.

Aujourd'hui, le système marche. Pourquoi vouloir encore casser quelque chose qui fonctionne à peu près correctement ? Après les difficultés que rencontrent dans ces territoires le commerce indépendant, l’artisanat, les PME et des PMI, pourquoi vouloir mettre par terre le peu qui reste encore debout ?

Je tenais à vous faire part de mon sentiment et des inquiétudes que nous ressentons pour nos territoires. Par cet amendement, je ne plaide pas pour que l’on ne fasse rien ; nous voulons simplement envoyer un message.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Mon cher collègue, j’ai parfaitement compris votre position. Par certains aspects, elle se rapproche partiellement de celle que nous avions soutenue en matière de postulation.

L’adoption de cet amendement supprimerait non seulement l’extension du ressort de compétence des huissiers, mais aussi la limite d’âge. C’est pour cette raison que je n’y suis pas favorable.

Néanmoins, je ne veux pas fuir le débat sur l’extension du ressort de compétences. Il est vrai que, pour les huissiers, cela a beaucoup évolué en peu de temps. Le ressort est passé du tribunal d’instance au tribunal de grande instance, puis au département voilà moins d’un an. L’article 15 prévoit de l’étendre à tout le territoire pour la plupart des prestations, à l’exception des significations, qui seraient limitées au ressort de la cour d’appel.

Les huissiers de justice que j’ai interrogés sont d’accord avec cette extension, à la condition de disposer d’un temps suffisant pour s’y préparer. C’est ce que la commission spéciale a prévu en déposant un amendement, qui sera examiné tout à l’heure, tendant à différer l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017.

Tout cela n’élargit pas beaucoup la palette des compétences des huissiers sur un territoire plus vaste. Pour la plupart de leurs prestations, en particulier pour toutes celles qui sont hors monopole, les huissiers ont déjà un ressort de compétences plus large que le département.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement de principe. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’interpellation de M. Joyandet m’offre l’occasion de présenter notre amendement n° 1621, dont nous discuterons dans quelques instants.

J’entends votre crainte, monsieur le sénateur ; toutes les discussions que nous avons pu avoir ces jours derniers montrent qu’elle est prise en compte. La réforme des professions réglementées ne va pas dans le sens que vous redoutez. Elle ne déséquilibre pas les zones pourvues de manière satisfaisante en professionnels. Je vous renvoie à la cartographie que nous avons présentée et que la Haute Assemblée a votée : la liberté relative d’installation vaudra pour les zones où le manque est réel. Les zones rurales auront la chance de voir arriver, si elles étaient carencées, de nouveaux professionnels.

Nous avons même créé un fonds de péréquation qui n’existait pas jusqu’alors, contrairement à tout ce qui a pu être dit. C’est un apport initial du texte, qui prenait en compte les intérêts des territoires. Ce projet de loi sera donc un mieux-disant pour les territoires ruraux. Dans les territoires où il y a suffisamment de professionnels, la liberté d’installation ne s’appliquera pas, et le statu quo sera préservé.

L’article que vous souhaitez supprimer prévoit l’extension à la cour d’appel. J’ai noté qu’il y avait un petit décalage. La date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2017 me convient. Voilà pourquoi le Gouvernement ne propose pas de revenir sur cette date. Comme l’a souligné M. le corapporteur, au 1er janvier 2015, la compétence a été étendue aux départements. Il faut donner de la visibilité et du temps ; cette montée en charge progressive me convient.

L’amendement n° 1621 prévoit de fixer la limite d’âge à soixante-dix ans tout en retenant le principe d’un délai de six mois. Nous sommes en désaccord sur ce point, mais l’opposition n’est pas substantielle.

Il serait dommage de supprimer l’article 15, qui permet aussi à certains offices d’huissiers d’aller chercher la « matière », comme ils le disent, sur d’autres territoires. Il y a déjà eu, en raison du numerus clausus, une raréfaction dans certaines zones de ces offices.

Le dispositif permettra non seulement à des jeunes de s’installer, mais également d’étendre leur ressort, ce qui ne sera pas forcément un avantage pour le fait métropolitain. Les territoires ruraux verront des occasions nouvelles s’offrir à eux à travers l’ensemble de la réforme – nous en avons parlé samedi.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Monsieur Joyandet, l'amendement n° 342 est-il maintenu ?

M. Alain Joyandet. Non, je le retire, monsieur le président.

Je maintiens les craintes que j’ai exprimées pour les secteurs ruraux. Cela concerne non pas spécifiquement les huissiers, dont j’ai compris qu’ils étaient d’accord – nous n’allons pas faire leur bonheur malgré eux ! –, mais les autres professionnels, comme les avocats et les notaires, qui ressentent encore aujourd'hui beaucoup d’inquiétudes dans nos territoires. Je tenais à me faire l’écho de leurs préoccupations ici, au sein de la représentation nationale, car je n’ai pas l’impression que la situation soit vécue de manière aussi positive sur le terrain !

M. le président. L'amendement n° 342 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1621, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 13 à 16

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. 4. – Toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance est nommée par le ministre de la justice en qualité d’huissier de justice dans les zones où l’implantation d’offices d’huissier de justice apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.

« La nomination peut toutefois être refusée dans les cas prévus au III de l’article 13 bis de la loi n° du pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« Un appel à manifestation d’intérêt est organisé dans les zones identifiées en application du II du même article 13 bis.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise également les conditions d’honorabilité, d’expérience, de garantie financière et d’assurance prévues au premier alinéa.

« Art. 4 bis. – Les huissiers de justice cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment, pour une durée qui ne peut excéder six mois. »

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 224 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit simplement d’appliquer aux huissiers de justice la proposition, déjà formulée avec le succès que l’on sait pour les notaires, de supprimer la limitation d'âge. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Par cohérence, la commission ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 1621, dont l’adoption introduirait une incohérence totale dans le texte.

La commission sollicite le retrait de cet amendement, d’autant que vous pourrez y revenir à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre…

De même, compte tenu du vote qui est intervenu tout à l'heure, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 224 rectifié. Les huissiers de justice étant des officiers publics ou ministériels, nous ne saurions leur appliquer des règles de limite d’âge différentes de celles qui prévalent pour les notaires.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je soutiens l'amendement n° 224 rectifié, que notre collègue Jean-Claude Requier a excellemment défendu. Les limites d’âge sont absurdes ; nous en sommes le témoignage vivant dans cette Haute Assemblée ! (Exclamations amusées.)

Mme Éliane Assassi. Parlez pour vous !

M. Gérard Longuet. Il s’agit de professions fondamentalement libérales. Certes, elles sont, pour partie, investies de missions de service public, mais la décision appartient au client ! Une personne cacochyme, inapte, n’aura plus de client, et son affaire s’éteindra d’elle-même !

Monsieur le ministre, l’âge de soixante-dix ans vient beaucoup plus vite qu’on ne le croit ! (Sourires.) Il arrive même que l’on puisse exercer des responsabilités à cet âge avancé. Les exemples en sont nombreux, à commencer par Clemenceau. Je ne vois pas pourquoi la loi viendrait au secours de cette guillotine.

Mme Nicole Bricq. Ils deviendront avocats !

M. Gérard Longuet. Je regrette que mon collègue et ami Alain Joyandet ait retiré son amendement. Je lui aurais apporté mon soutien non pas pour défaire le projet de la commission, qui est pertinent, mais parce que l’ouverture territoriale va, je le pense profondément, vider les départements des meilleurs libéraux, qui iront chercher les lieux où se trouve la meilleure clientèle. Car le propre de la profession libérale, et les notaires comme les huissiers sont des professions libérales, c’est de chercher le client là où il est solvable, exigeant et capable de vous faire progresser, parce que ses attentes sont importantes.

Ce que je crains, ce n’est pas tellement que les grandes villes aillent vers le monde rural ; le risque est que les meilleurs du monde rural en profitent pour s’installer dans une grande ville, où ils trouveront de meilleurs clients.

La raréfaction des professions libérales, y compris d’ailleurs les médecins, s’explique par l’éloignement des centres de décision et de formation auxquels celles-ci sont naturellement liées.

Il faut accepter l’idée d’examiner les textes qui nous sont soumis à la lumière des mouvements des prestataires de services libéraux qui, comme l’ont fait avant eux les banques privées, coopératives et mutualistes, les caisses d’épargne, les directions administratives de l’État, se regroupent non pas vers les métropoles départementales, si on peut parler de « métropoles » pour la plupart de nos préfectures, mais vers les métropoles régionales. Cela aboutit inéluctablement à ce que des territoires ne puissent plus accéder aux prestataires dont ils ont besoin pour se développer.

Toutefois, je n’ai ni l’outrecuidance ni la naïveté de penser que l’on puisse, par la loi, empêcher les évolutions de fond de la société : la tertiarisation, c’est le monde urbain, et le monde urbain, c’est le contraire du monde rural.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je ne suis pas toujours, tant s’en faut, en désaccord avec Gérard Longuet. Cependant, c’est justement parce que nous traitons de professions réglementées qui ferment l’accès aux plus jeunes que nous devons assurer une capacité d’installation, afin de permettre le renouvellement progressif du tissu générationnel.

M. Jean Desessard. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Le ressort des cours d’appel me paraît constituer un périmètre raisonnable. J’observe que la profession des huissiers de justice, dans le cadre d’un dialogue constructif avec le Gouvernement, a donné son accord sur ces dispositions.

M. François Pillet, corapporteur. Eh oui !

M. Michel Bouvard. Je voterai donc l’amendement du Gouvernement. Je ne sais pas si cela pose un problème de cohérence par rapport au vote qui est intervenu tout à l’heure concernant les notaires. Pour ma part, j’avais également voté l’amendement visant à prévoir une période transitoire de six mois. Il s’agit d’une mesure de bon sens qui n’entraîne pas de bouleversements et permet une gestion judicieuse.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je voudrais apporter une précision et rassurer mon collègue Gérard Longuet.

Certes, il s’agit de professionnels libéraux. Mais, vous n’en disconviendrez pas, ce sont aussi des officiers publics ou ministériels. Par conséquent, l’organisation de la profession est à la main de ceux qui créent les monopoles ou les offices. Voilà un point qui ne posera pas de problème entre nous.

La limite d’âge ne fait l’objet d’aucune opposition de la part des professions concernées. Sans avoir réalisé une étude très poussée de la pyramide des âges chez les notaires, je sais qu’une pépinière importante de notaires salariés, de notaires assistants qui peuvent le devenir, voire de clercs habilités est prête à prendre la relève. Je ne suis donc pas inquiet sur ce point.

Surtout, comme l’a indiqué M. Bouvard, les huissiers comme les notaires ont clairement donné leur accord. Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’aller plus loin. Dès lors qu’il existe un accord des professions, je pense que nous devons l’homologuer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1621.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 274 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Remplacer le mot :

douzième

par les mots :

dix-huitième

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à différer la mise en œuvre de l'évolution de la compétence territoriale des huissiers de justice au premier jour du dix-huitième mois après l’entrée en vigueur de la loi, et ce afin de garantir les meilleures conditions au service du justiciable et d’un égal accès de la justice sur l’ensemble du territoire.

Cela permettrait aussi de tenir compte de l’élaboration des règlements d’application des réformes concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement est satisfait, puisque le texte de la commission a prévu une entrée en vigueur au 1er janvier 2017. J’en sollicite donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 274 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 274 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 15
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 16 bis

Article 16

I. – L’ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus est ainsi modifiée :

1°A (nouveau) L’article premier est ainsi rétabli :

« Art. 1er. – La nomination d’un commissaire-priseur judiciaire, la création, le transfert ou la suppression d’un office de commissaire-priseur judiciaire sont faits par arrêté du ministre de la justice.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommé en cette qualité.

« Les conditions dans lesquelles le ministre de la justice fait droit ou refuse la création d’un nouvel office sont fixées à l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. » ;

1° L’article 1er-1 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Les premiers et troisième alinéas sont supprimés ;

2° Avant l’article 2, il est inséré un article 2 A ainsi rédigé :

« Art. 2 A (nouveau). – Les commissaires-priseurs judiciaires cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment. » ;

3° L’article 1er-2 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont supprimés ;

b) Au dernier alinéa, après le mot : « offices », sont insérés les mots : « de commissaire-priseur judiciaire » ;

4° Les articles 1er-3 et 2 sont abrogés ;

5° Après le mot : « Haut-Rhin », la fin du premier alinéa de l’article 3 est ainsi rédigée : « et de la Moselle. » ;

6° L’article 12 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du deuxième alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Le procureur général statue dans un délai de deux mois. À défaut, l’autorisation est réputée accordée. Les organisations professionnelles délivrent leur avis dans un délai d’un mois à compter de leur saisine. À défaut, cet avis est réputé favorable. » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé.

II. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

III (Non modifié). – À la dernière phrase de l’article 56 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, la référence : « l’article 1-3 de l’ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus » est remplacée par la référence : « le IV de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».

M. le président. L'amendement n° 1622, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus est ainsi modifiée :

1° Le troisième alinéa de l’article 1er-1 est supprimé.

2° Après l’article 1er-1, sont insérés des articles 1er-1-1 et 1er-1-2 ainsi rédigés :

« Art. 1er-1-1. – Toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance est nommée par le ministre de la justice en qualité de commissaire-priseur judiciaire dans les zones où l’implantation d’offices de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.

« La nomination peut toutefois être refusée dans les cas prévus au III de l’article 13 bis de la loi … n° … du pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« Un appel à manifestation d’intérêt est organisé dans les zones identifiées conformément au II du même article 13 bis.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

« Art. 1er-1-2. – Les commissaires-priseurs judiciaires cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment, pour une durée qui ne peut excéder six mois. » ;

3° L’article 1er-2 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont supprimés ;

b) Au dernier alinéa, après le mot : « offices », sont insérés les mots : « de commissaire-priseur judiciaire » ;

4° Les articles 1er-3 et 2 sont abrogés ;

5° Après le mot : « Haut-Rhin », la fin du premier alinéa de l’article 3 est ainsi rédigée : « et de la Moselle. » ;

6° L’article 12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’appel à manifestation d’intérêt prévu au II de l’article 13 bis de la loi n° du pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est réputé valoir autorisation d’ouvrir un bureau annexe au titre du présent article. »

II. – Les articles 1er-1-1 et 1er-1-2 de l’ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

III. – À la dernière phrase de l’article 56 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, la référence : « l’article 1-3 de l’ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus » est remplacée par la référence : « le IV de l’article 13 bis de la loi n° du pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement procède de la même logique que les précédents amendements du Gouvernement. La commission spéciale y est défavorable.

Toutefois, monsieur le ministre, je profite de l’occasion pour vous interroger sur le mécanisme de liberté totale d’installation que vous voudriez rétablir dans les zones carencées faisant l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt.

La commission spéciale a supprimé une telle disposition, qui pourrait aboutir à une situation anarchique : plusieurs commissaires-priseurs judiciaires ouvriraient simultanément des bureaux secondaires, dont certains ne seraient que de simples façades destinées à dissuader l’installation de nouveaux professionnels.

Il me paraît paradoxal d’autoriser sans aucune régulation l’installation de bureaux secondaires dans une zone carencée alors que l’on ouvre un appel à manifestation d’intérêt pour que s’installe plutôt un nouvel office.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans les zones carencées, il y aura un appel à manifestation d’intérêt. Nous ne souhaitons pas nous limiter à un examen ou à un concours. Nous renvoyons donc au niveau réglementaire l’organisation de cet appel à manifestation, suivant la même logique et les critères que nous avons évoqués samedi après-midi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1622.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1065, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

d’aptitude

par les mots :

de qualification professionnelle telle que prévue par le décret n° 73-541 du 19 juin 1973 relatif à la formation professionnelle des commissaires-priseurs judiciaires et aux conditions d’accès à cette profession

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Notre amendement vise à rappeler l’exigence d’un diplôme pour exercer la profession de commissaire-priseur judiciaire. Nous avions déposé un amendement de même nature pour la profession de notaire.

L’alinéa 4 ne prévoit qu’une condition d’aptitude ou d’expérience, mais ne mentionne pas la nécessité d’une qualification professionnelle adaptée, qu’il nous paraît pourtant nécessaire de réaffirmer.

Tout à l’heure, M. le corapporteur nous a expliqué à propos des notaires que de telles garanties figuraient déjà dans la loi et qu’il n’était donc pas utile d’y revenir.

Nous aimerions obtenir des précisions, afin de savoir si cet amendement est effectivement satisfait par la loi ou non.

Le groupe CRC est un fervent partisan de l’exigence de diplômes, qui permettent de garantir la qualification et l’égalité entre les professions. La simple mention de l’aptitude ne nous paraît pas suffisante ; il convient selon nous d’ajouter la possession d’un diplôme. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement renvoie à un décret précis, celui du 19 juin 1973, la fixation de la condition d’aptitude professionnelle.

Or, d’un point de vue légistique, un tel renvoi est irrégulier, la loi procédant à un renvoi général à un type d’acte réglementaire et non à un texte précis, qui peut être librement rapporté, modifié ou supprimé par le Gouvernement.

Sur le fond, pour les commissaires-priseurs judiciaires comme pour les notaires, il n’y a pas de difficulté en matière de qualification professionnelle. Cet amendement ne me paraît donc pas utile.

Le Gouvernement saura certainement vous rassurer sur le maintien d’une haute qualification pour l’exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire. Je suggère le retrait de cet amendement, au bénéfice des explications du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je sollicite le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons. Nous avons déjà eu cette discussion.

Par ailleurs, les commissaires-priseurs judiciaires exercent des missions très spécialisées, qui supposent aujourd'hui un double cursus en droit et en histoire de l’art, une très bonne connaissance de la valeur du mobilier, du matériel, du stock des entreprises pour intervenir utilement dans les procédures collectives. Le Gouvernement n’entend pas revenir sur ces conditions, qui figureront bien dans le décret en Conseil d’État.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. J’aimerais avoir confirmation par M. le ministre qu’un diplôme ou une certification sont toujours requis pour exercer la profession de commissaire-priseur judiciaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous le confirme, madame la sénatrice. Un diplôme, une expérience dont les acquis seront validés par un titre ou une formation qualifiante seront exigés.

Simplement, nous ne souhaitons pas restreindre l’accès à un diplôme académique. Par exemple, certains professionnels ont un diplôme qui ne suffirait pas à les qualifier, mais ils ont accumulé une longue expérience.

Les marges de manœuvre doivent être définies par décret.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. La question de savoir s’il existe un diplôme spécifique pour certaines professions est pertinente. Mais il ne faut pas confondre aptitude et diplôme relatif à l’exercice d’une profession. L’aptitude est sanctionnée par un diplôme, mais ce n’est pas forcément un diplôme pour être commissaire-priseur ; c’est un niveau d’études supérieures, qui permet ensuite, au vu de l’expérience, d’être autorisé à exercer cette profession. Il ne faut donc pas opposer aptitude et expérience. L’aptitude correspond à un niveau d’études sanctionné par un diplôme, mais l’expérience est un « plus », qu’il ne faut évidemment pas négliger.

Telle est la précision que je souhaitais apporter, en complément des excellentes explications de M. le ministre. (M. Michel Bouvard applaudit.)

M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 1065 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1065 est retiré.

L'amendement n° 198 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Collin, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à supprimer la limite d’âge, après les notaires et les huissiers de justice et avant les greffiers des tribunaux de commerce, pour les commissaires-priseurs ! (Exclamations amusées.)

M. Jean Desessard. Tant qu’ils ont un diplôme à soixante-dix ans ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Il n’y a évidemment aucune raison juridique ou technique de réserver un traitement différent à la profession de commissaire-priseur. Les arguments que j’ai avancés tout à l’heure sont toujours valables.

L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement, comme il le sera sur l’amendement relatif aux greffiers. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 198 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 198 rectifié est retiré.

L'amendement n° 1066, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

5° Le premier alinéa de l’article 3 est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions de l’article 56, les commissaires-priseurs judiciaires exercent leurs fonctions sur l’ensemble du territoire national. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Nous souhaitons que l’inégalité territoriale frappant la profession de commissaire-priseur judiciaire soit supprimée.

L’interdiction d’installation de cette profession dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle crée une inégalité sur le territoire français. Si les huissiers de justice obtiennent une compétence nationale pour exercer, notamment, l’activité de ventes aux enchères publiques de meubles, compétence déjà acquise aux notaires, il y a alors inégalité de traitement entre les professions juridiques réglementées et rupture d’égalité devant les charges publiques !

La loi interdit paradoxalement aux seuls professionnels précisément formés à cet effet, les commissaires-priseurs judiciaires, de s’installer et d’exercer leur activité dans ces départements, pour des raisons historiques qui ne font pas sens aujourd'hui.

Il convient donc de supprimer une telle interdiction, afin d’assurer une compétence nationale aux commissaires-priseurs judiciaires dans l’activité de ventes aux enchères publiques de meubles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Il est proposé d’étendre la compétence des commissaires-priseurs judiciaires en Alsace-Moselle. Actuellement, il n’existe pas de commissaires-priseurs judiciaires dans les départements concernés, cette fonction étant remplie par les huissiers et les notaires.

Rien ne justifie de remettre en cause cet état de droit ; l’article 13 bis prévoit expressément que la liberté d’installation encadrée ne s’appliquera pas en Alsace-Moselle.

Par cohérence avec le vote intervenu précédemment, et pour les raisons que j’ai indiquées, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1066.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1067 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1420 rectifié ter est présenté par M. Tandonnet, Mme Joissains, MM. Gabouty et Détraigne, Mme Férat, MM. Bonnecarrère, Guerriau, Kern, Longeot, Canevet, Delahaye, Roche, Cigolotti, Bockel, Namy, Marseille, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 20

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… - L’article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « meubles », sont insérés les mots : « corporels ou incorporels » ;

2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « meubles », sont insérés les mots « corporels ou incorporels ».

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour défendre l’amendement n° 1067 rectifié.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à clarifier et homogénéiser la pratique des tribunaux en matière de vente judiciaire de biens incorporels.

Le patrimoine des personnes et des sociétés a évolué : il comprend une part de plus en plus importante de droits incorporels, tels que les fonds de commerce, les noms de domaines, les licences IV de débits de boissons, les marques, les brevets... Cette situation suscite, de la part des juges, des mandataires et des créanciers, une demande de valorisation des droits incorporels dans le cadre des procédures de poursuites, de successions ou encore de mesures de protection.

Les commissaires-priseurs judiciaires, qui ont pour mission l’évaluation des meubles corporels, ont donc naturellement pris en compte les biens meubles incorporels et développé leurs compétences dans ce domaine. Leurs estimations permettent ainsi à la juridiction d’obtenir une valorisation complète du patrimoine et d’apprécier avec plus de justesse les offres de cession qui lui sont adressées.

Pourtant, le texte actuel est ambigu. Il est fait mention de « meubles » sans qualification, ce qui est porteur d’insécurité juridique. En effet, il existe des meubles corporels, donc des objets concrets, et des meubles incorporels, qui sont beaucoup plus abstraits.

Nous proposons donc de préciser que les prisées et ventes judiciaires aux enchères publiques s’appliquent aux meubles corporels et incorporels, afin de remédier au manque de sécurité juridique actuel. Les débiteurs dont les biens incorporels sont vendus peuvent assigner en responsabilité les commissaires-priseurs judiciaires pour « incompétence statutaire ». Aucune jurisprudence n’a pour l’instant retenu ce motif, ce qui rend a fortiori d’autant plus opportune la précision que nous souhaitons introduire.

La modification proposée ne concerne que les prisées et les ventes judiciaires, décidées et/ou contrôlées par l’autorité judiciaire, et non pas les ventes volontaires. De plus, cette nouvelle règle ne dérogerait pas aux règles particulières édictées concernant la cession de certains biens incorporels, comme les valeurs mobilières cotées et les marchés encadrés, qui ne relèvent pas de la compétence des commissaires-priseurs judiciaires.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour présenter l'amendement n° 1420 rectifié ter.

Mme Sophie Joissains. Par cette mesure, nous souhaitons moderniser le patrimoine des sociétés. Il existe un flou juridique en matière de sécurité.

Face au nombre grandissant d’assignations en responsabilité des commissaires-priseurs judiciaires, nous devons clarifier le texte, qui date de 2000.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Ces amendements identiques visent à étendre la compétence des commissaires-priseurs judiciaires aux ventes de biens mobiliers incorporels.

La précision proposée est loin d’être anodine, puisqu’elle pourrait aboutir à remettre en cause le monopole des notaires en matière de vente aux enchères de meubles incorporels. La profession des notaires n’a pas été consultée sur une telle extension, qui limiterait le champ de ses prérogatives.

En outre, j’observe que le législateur n’a pas souhaité remettre en cause cette répartition des compétences lors de la réforme des ventes aux enchères qui a été engagée en 2011.

Par ailleurs, la profession, que j’ai consultée de manière informelle depuis le dépôt de ces amendements, est évidemment totalement contre une telle mesure, qui n’a été ni évoquée dans le cadre des auditions ni discutée avec le ministère de l’intérieur et qui porte atteinte à son monopole.

Il conviendra peut-être un jour de préciser les biens incorporels qui pourraient être vendus par les commissaires-priseurs judiciaires. Pour l’heure, il faut être très prudent.

C’est pourquoi je sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, la commission y serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme Sophie Joissains. Je retire l’amendement n° 1420 rectifié ter, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 1420 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote sur l'amendement n° 1067 rectifié.

M. Francis Delattre. Je voterai cet amendement.

La situation est choquante. Parfois, la marque est ce qu’il y a de plus important dans l’entreprise.

M. Marc Daunis. Tout à fait !

M. Francis Delattre. Il est parfaitement incompréhensible que la marque, qui a une véritable valeur, échappe aux commissaires-priseurs sous prétexte que les notaires détiennent un monopole en la matière.

Monsieur le ministre, vous devriez nous prêter main-forte, car il y a là un véritable problème économique.

Un fonds de commerce en liquidation ne vaut peut-être plus grand-chose, mais la marque est essentielle. Les actifs courants seraient écoulés, mais la marque resterait entre les mains de ceux qui ont déposé les brevets ?

Certes, j’ai de la déférence pour les notaires. Mais l’on ne saurait arguer de leur monopole en la matière pour ne pas en discuter avec eux. Monsieur le corapporteur, pour une fois, je ne peux pas vous suivre, compte tenu de la nature des difficultés constatées.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste soutiendra l’amendement du groupe CRC, pour les mêmes raisons que notre collègue Francis Delattre. La marque constitue souvent le seul actif de la société.

Lors de nos débats en commission spéciale, notre collègue Didier Mandelli a cité l’exemple de FagorBrandt : le seul actif valorisable lors de la liquidation a été la marque.

M. le corapporteur argue que la profession des notaires, détentrice du monopole, n’avait pas été consultée. Or les amendements concernés ayant été déposés dans les délais impartis par la conférence des présidents, c’est-à-dire jeudi dernier avant seize heures, les notaires pouvaient très bien se manifester auprès de la Chancellerie ou du ministère de l'économie…

M. Michel Bouvard. Et le Parlement a tout de même le droit de donner son avis !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Mes chers collègues, tel qu’il est rédigé, l’amendement n° 1067 rectifié ne traite pas seulement des marques. Il concerne en particulier les fonds de commerce. Si vous l’adoptez, c’est toute la vente de fonds de commerce qui échappera au monopole des notaires. Or il ne me semble pas que les commissaires-priseurs judiciaires demandent à assurer cette activité.

L’adoption de cet amendement risque de déséquilibrer tout un secteur. Faisons donc très attention. Il conviendrait d’engager une réflexion plus avancée.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. J’entends bien les arguments de M. le corapporteur. Mais, si nous ne faisons rien, nous ne résoudrons pas le problème, voire nous l’aggraverons.

M. Marc Daunis. Au-delà de la marque, il y a aussi les brevets, et tout un ensemble de biens. C’est très important !

Il m’apparaîtrait sage d’adopter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1067 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
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Article 17

Article 16 bis

I. – L’article L. 741-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment. »

II (Non modifié). – Le I entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 225 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 696 rectifié est présenté par MM. Revet, Commeinhes, Magras et Houel.

L'amendement n° 701 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, MM. Calvet et B. Fournier, Mme Mélot et MM. Milon, Pierre et Vasselle.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 225 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l'amendement n° 696 rectifié.

M. Michel Magras. Il est également défendu.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l'amendement n° 701 rectifié bis.

Mme Colette Mélot. Chez les greffiers de tribunaux de commerce, il est d’usage de prévoir, en fin de carrière, de s’associer avec un greffier plus jeune qui, ayant seulement une partie des parts à financer, pourra accéder plus facilement à la profession et bénéficier d’un transfert de compétences et de savoirs.

De plus, le statut de profession libérale des greffiers ne peut pas se trouver affecté par une limite d’âge, qui n’a d’ailleurs été envisagée ni pour les avocats, ni pour les experts-comptables, ni pour les commissaires aux comptes.

L’article 16 bis, qui concerne plus directement soixante-douze greffiers de plus de soixante ans, soit 30 % des professionnels, ne tient pas compte de la situation des professionnels ayant commencé tardivement leur carrière ; ils ne pourront pas bénéficier de droits suffisants pour une retraite complète. Il ignore aussi la situation des greffiers les plus âgés, qui, ayant souscrit des emprunts soit pour le financement d’une charge, soit pour payer l’indemnité due à l’État lors du rattachement des chambres commerciales des tribunaux de grande instance en 2010, ne pourront pas solder leurs emprunts.

C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer la limite d’âge pour les greffiers des tribunaux de commerce.

Vous voudrez bien en convenir, le cas de cette profession est complètement différent de ceux que nous avons évoqués précédemment !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. La commission a évidemment sur ce sujet le même avis que pour les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires.

Au demeurant, et cela a son importance, il a été indiqué que le monopole restreignait l’installation de nouveaux professionnels. C’est d’autant plus vrai pour les greffiers des tribunaux de commerce, qui ont seulement un représentant par tribunal ! La profession est donc encore plus fermée.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 225 rectifié, 696 rectifié et 701 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 1623, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, pour une durée qui ne peut excéder six mois

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il ne s’agit pas d’ouvrir une brèche permettant aux notaires, aux greffiers ou aux commissaires-priseurs de rester en poste au-delà de soixante-quinze ou quatre-vingts ans ; il s’agit uniquement, en cas de cession ou de transmission, de ne pas fixer un délai impératif de six mois, alors que la cession n’est pas encore totalement régularisée. De toute manière, les cas d’espèce relèveront du garde des sceaux.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1623.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis.

(L'article 16 bis est adopté.)

Article 16 bis
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Article 17 bis

Article 17

(Suppression maintenue)

Article 17
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Article 17 ter

Article 17 bis

I. – (Supprimé)

II. – L’ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l’Ordre est ainsi modifiée :

1° L’article 3 est ainsi rédigé :

« Art. 3. – La nomination d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, la création ou la suppression d’un office d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont faits par arrêté du ministre de la justice.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommé en cette qualité.

« Tous les deux ans, le ministre de la justice examine, au vu notamment de l’évolution du contentieux devant le Conseil d’État et la Cour de cassation, s’il y a lieu de créer de nouveaux offices, pour des motifs tenant à l’accès à la justice et à la bonne administration de la justice. Il se prononce après avis du vice-président du Conseil d’État, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près cette même cour, du conseil de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et de l’Autorité de la concurrence, saisie conformément à l’article L. 462-1 du code de commerce. Ces avis sont rendus publics.

« Les conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

2° (nouveau) Après l’article 3-1, il est inséré un article 3-2 ainsi rédigé :

« Art. 3-2. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.

« La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.

« Le cas échéant, les parties saisissent le tribunal de grande instance de leur désaccord sur le montant ou la répartition de l’indemnisation.

« La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.

« La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur. »

III. – (Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 1625, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-4-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 462-4-2. – L’Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

« Elle fait toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans la perspective d’augmenter de façon progressive le nombre de ces offices. Elle fait, en outre, des recommandations afin de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes à ces offices. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans.

« À cet effet, elle identifie le nombre de créations d’offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard des critères définis par décret et prenant notamment en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l’évolution du contentieux devant ces deux juridictions.

« Les recommandations relatives au nombre de créations d’offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation permettent une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants.

« L’ouverture d’une procédure sur le fondement du présent article est rendue publique dans un délai de cinq jours, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, à l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ainsi qu’à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, d’adresser à l’Autorité de la concurrence leurs observations.

« Lorsque l’Autorité de la concurrence délibère au titre du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »

II. – L’article 3 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l’Ordre est ainsi rédigé :

« Art. 3. – I. – Dans la limite des besoins identifiés par l’Autorité de la concurrence dans les conditions prévues à l’article L. 462-4-2 du code de commerce, le ministre de la justice ne peut refuser une demande de création d’office d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation présentée par une personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour l’exercice de la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

« Si, dans un délai de six mois à compter de la publication des recommandations de l’Autorité de la concurrence mentionnées au même article L. 462-4-2, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles le ministre de la justice nomme dans un office les personnes remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommées en qualité d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

« II. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.

« La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.

« En cas de désaccord sur le montant ou sur la répartition de l’indemnisation, les parties peuvent saisir le juge de l’expropriation, qui fixe le montant de l’indemnité dans les conditions définies au Livre III du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

« La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.

« La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.

« III. – Les conditions d’accès à la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont fixées par décret. Seules peuvent accéder à cette profession les personnes ayant suivi la formation prévue par ce décret et ayant subi l’examen d’aptitude prévu par ce même décret. »

III. – Au deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, les mots : « Sous réserve des dispositions de l’article 3 de l’ordonnance du 10 septembre 1817, » sont supprimés.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir la liberté d’installation des avocats aux conseils dans la rédaction du texte issue de l’Assemblée nationale, qui consacrait non pas une ouverture totale, mais une augmentation des seuils préalablement identifiés.

Je le rappelle, cette rédaction a résulté d’une initiative de la commission spéciale de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Le Gouvernement propose, par un amendement rédigeant intégralement l’article, de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale.

Or le dispositif voté par les députés présente plusieurs points contestables, sur lesquels la commission spéciale souhaiterait à nouveau connaître votre analyse, monsieur le ministre.

Le premier a simplement trait à la compétence de l’Autorité de la concurrence pour évaluer le nombre nécessaire d’offices d’avocats aux conseils pour garantir que ceux-ci peuvent continuer à jouer correctement leur rôle de filtre.

Il n’a pas semblé à la commission spéciale que l’Autorité de la concurrence, quelle que soit la compétence de ses membres, était l'organisme le mieux placé pour évaluer ce qu’impliquent « les exigences d’une bonne administration de la justice ». À cet égard, il est symptomatique que la consultation des plus hautes autorités des juridictions suprêmes n’ait pas été prévue, alors que le garde des sceaux doit aujourd’hui les consulter avant de proposer la création d’un nouvel office.

Le deuxième point est encore plus problématique. Dans la rédaction proposée par le Gouvernement, il serait indiqué, à l’article 3 de l’ordonnance de 1817, que le ministre de la justice ne pourra refuser l’installation d’un nouvel office qui resterait dans les limites fixées par l’Autorité de la concurrence. Cela signifie donc que l’avis de cette instance est non seulement consultatif, mais aussi prescriptif, puisqu’il lie l’appréciation du garde des sceaux et offre aux nouveaux arrivants un droit absolu à s’installer. Le garde des sceaux n’aura pas d’autre choix que d’accepter toutes les installations comprises dans les limites décidées par l’Autorité de la concurrence.

À l’article 13 bis du texte, la rédaction du Gouvernement retenait non pas le terme d’« avis », qui renvoie à une compétence seulement consultative, mais celui de « proposition », qui implique une compétence prescriptive. En l’occurrence, le texte évoque ici un « avis », mais définit un régime juridique, celui d’une décision qui produit des effets de droit et s’impose donc aux autres autorités.

Le troisième point tient, encore une fois, aux lacunes du dispositif s’agissant des cas de concurrence d’installation : rien n’est dit sur la possibilité pour le garde des sceaux de refuser certaines installations, à moins que vous ne reteniez exclusivement la règle du « premier arrivé, premier servi », qui n’est pas toujours la meilleure dans un marché régulé.

Enfin, et c’est le quatrième point, le texte des députés contient des dispositions dont on peine à comprendre l’intérêt ou l’objectif. Pourquoi, dans un texte qui vise à encourager l’arrivée de nouveaux professionnels, exclure la possibilité pour des professeurs de droit ou d’anciens membres du Conseil d’État ou de la Cour de cassation de s’installer comme avocat aux conseils ?

La commission spéciale a défendu un dispositif équilibré, qui fait droit à la nécessité d’ouvrir plus largement l’accès à la profession, en imposant au garde des sceaux d’examiner l’opportunité de nouvelles créations d’offices, en consultant toutes les autorités compétentes, dont l’Autorité de la concurrence.

Pour ces raisons, la commission spéciale souhaiterait obtenir de votre part des explications sur ces différents points, monsieur le ministre. De toute manière, le texte ne comprenait au départ aucune disposition en ce domaine.

L’avis de la commission est évidemment défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1625.

Mme Nicole Bricq. Les membres du groupe socialiste voteront pour !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas moi !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 726, présenté par MM. Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tous les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évolution de cette profession et du contentieux devant le Conseil d’État et la Cour de cassation.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. La rédaction proposée par le Gouvernement n’a pas été adoptée, mais elle sera retenue au final. Nous souhaitons que, dans deux ans, un point soit fait sur l’évolution de la profession d’avocat aux conseils et du contentieux au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Madame Bricq, vous connaissez la position de la commission spéciale sur les demandes de rapport !

En l’espèce, il y a une autre raison qui explique nos réticences : la commission spéciale a prévu que le garde des sceaux sollicite tous les deux ans l’avis de l’Autorité de la concurrence et des plus hautes autorités du Conseil d'État et de la Cour de cassation sur les sujets qui feraient l’objet du rapport dont vous proposez la création ; les avis seront rendus publics. Nous aurons ainsi bien plus d’informations qu’avec un rapport du Gouvernement au Parlement !

L’amendement me semble largement satisfait par le texte de la commission spéciale. J’en sollicite donc le retrait.

M. le président. Madame Bricq, l'amendement n° 726 est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 726 est retiré.

L'amendement n° 583 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Fortassin et Esnol, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 3-... L’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ne peut exercer sa profession que dans un office individuel ou au sein d’une société civile professionnelle d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, titulaire de l’office, régie par la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles et professionnelles et le décret n° 78-380 du 15 mars 1978.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale a confié à l’Autorité de la concurrence le soin de se prononcer sur des matières qui échappent à sa compétence,…

M. Michel Bouvard. Exactement !

M. Jean-Claude Requier. … tout en supprimant l’avis donné par le vice-président du Conseil d'État et les chefs de la Cour de cassation. En outre, il a lié le pouvoir d’appréciation du garde des sceaux, qui ne pouvait plus refuser la création d’un office.

La commission spéciale, sous l’égide de M. le corapporteur, que nous tenons à féliciter pour son travail, en particulier sur cet article, a réaffirmé la compétence du ministre. Mais, à notre grand regret, elle a conservé l’avis consultatif de l’Autorité de la concurrence.

Notre amendement vise à inscrire dans l'ordonnance du 10 septembre 1817 le principe selon lequel l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ne peut exercer sa profession que dans un office individuel ou au sein d’une société civile professionnelle d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, titulaire de l’office.

Il se situe dans le droit fil d’un amendement présenté par M. le corapporteur en vue de l’élaboration du texte de la commission qui avait supprimé du périmètre des professions susceptibles d'être intégrées au sein d'une société d'exercice libéral multiprofessionnelle celles pour lesquelles cette caractéristique risquerait de poser des problèmes de conflits d'intérêts ou de déontologie. Étaient concernés les administrateurs et les mandataires judiciaires, mais aussi les avocats aux conseils. En effet, ces derniers, pour pouvoir jouer leur rôle de filtre du contentieux de cassation, doivent être indépendants des avocats qui ont représenté le client jusqu'en appel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Mon cher collègue, je partage entièrement votre avis.

Vous voulez limiter l’exerce professionnel d’avocat aux conseils à l’exercice individuel ou en société civile professionnelle. Vous voulez ainsi éviter que, par la prise de possession capitalistique d’une société d’avocats aux conseils, des avocats à la cour, par exemple, incitent ceux-ci à suggérer ou susciter le plus grand nombre possible de pourvois en cassation, ce qui affaiblirait le rôle de filtre que cette profession joue et qui lui est unanimement reconnu.

Néanmoins, je vous propose de retirer votre amendement. Nous répondrons à votre préoccupation dans les articles consacrés aux autres formes d’exercice en société, lorsque nous examinerons les articles 20 ter, 21 et 22 du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Une fois encore, je veux défendre l’amendement de mon collègue Jean-Claude Requier, pas du tout pour contester le travail de M. le corapporteur, qui est une belle construction, mais pour rappeler à notre Haute Assemblée que Mme le garde des sceaux manque au banc du Gouvernement. (Exclamations.)

Certains d’entre nous n’ont pas eu la chance, le privilège et la lourde responsabilité de participer à la commission spéciale. Toutefois, la solidarité à l’intérieur d’un groupe fait que nous soutenons de toute façon l’excellent travail de nos corapporteurs. Et si de petites divergences peuvent survenir entre nous au détour de l’un des nombreux amendements déposés, nous les exprimons sans agressivité ou volonté de rupture.

Monsieur le ministre de l’économie, vous êtes talentueux, disponible, souriant et compétent. (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Point trop n’en faut !

M. Jean-Claude Requier. Il est jeune, de surcroît !

M. Gérard Longuet. Vous avez toutes les qualités attendues d’un membre « normal » du Gouvernement, et il est vrai que nous y sommes assez peu habitués actuellement. (Rires sur les mêmes travées.)

M. Roger Karoutchi. Ça, c’est vrai !

M. Michel Bouvard. In cauda venenum !

M. Gérard Longuet. L’absence de Mme le garde des sceaux se fait remarquer de jour en jour sur ce texte difficile.

Nous aurions aimé que vous puissiez être soutenu par la valeur ajoutée supposée de Mme le garde des sceaux,…

Mme Nicole Bricq. « Supposée ? »

M. Gérard Longuet. ... qui a une vraie compétence sur de tels sujets.

Comme M. le corapporteur l’a excellemment rappelé, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation jouent un rôle de filtre. Il est vrai qu’ils calment très souvent l’impétuosité des clients désireux de se lancer dans des procédures interminables, coûteuses pour tout le monde et encombrant les plus hautes juridictions. Nous pouvons mieux apprécier l’importance de la mission qui leur est confiée au regard du témoignage de celle qui est chargée, au nom du Gouvernement, de la bonne administration de la justice et du bon fonctionnement des partenaires de celle-ci !

Je tiens donc à souligner à mon tour l’absence de Mme Taubira, que Mme Goulet a déjà notée. Certes, monsieur le ministre, vous n’en seriez pas nécessairement plus fort. Mais nous, nous serions éclairés de son expérience. À moins que votre collègue n’ait considéré, par son abstention, que sa valeur ajoutée n’était pas suffisante pour justifier sa présence dans une assemblée très exigeante et tout particulièrement attentive à l’apport de chacun des membres du Gouvernement présents au banc des ministres… (MM. Robert del Picchia et Roger Karoutchi s’exclament ironiquement.)

Je remercie mon collègue Jean-Claude Requier de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer à ce sujet. Par gratitude, je voterai son amendement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. J’ignore quelles sont les mesures envisagées par la commission spéciale, mais j’ai au moins une certitude : les hautes juridictions, en particulier le Conseil d’État, sont confrontées à un problème d’encombrement. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau ; les étudiants en droit assistaient déjà voilà une quarantaine d’années à des colloques sur le thème : « La justice administrative, victime de son succès » ! Il est vrai qu’un travail de régulation est effectué.

Je ne vois pas bien ce qui justifierait en l’occurrence l’intervention de l’Autorité de la concurrence, même pour émettre un avis. Les autorités administratives indépendantes sont utiles dans les domaines où elles ont une expertise réelle. Or je ne suis pas convaincu de l’expertise de l’Autorité de la concurrence en l’espèce. Mieux vaudrait qu’elle se cantonne à ce à quoi elle apporte une véritable valeur ajoutée.

Je voterai donc en faveur de l’amendement n° 583 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je souscris à l’argumentation de M. le corapporteur.

Cet amendement concerne l’organisation juridique de la profession d’avocat au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, et non la réforme en elle-même. Il serait donc plus pertinent d’en débattre lors de l’examen de l'article 20 ter et des articles suivants, qui traitent de l’interprofessionnalité des professions juridiques.

En tout état de cause, l’amendement ne peut pas être satisfait à ce stade de la discussion. J’en sollicite donc le retrait, au bénéfice des dispositions qui seront évoquées dans quelques instants. (M. François Pillet, corapporteur, acquiesce.)

Par ailleurs, M. Longuet, qui a été ministre, connaît par cœur le principe de la solidarité gouvernementale : le ministre au banc représente la position du Gouvernement dans son ensemble. C’est le cas en ce qui me concerne. D’ailleurs, des membres du cabinet de ma collègue garde des sceaux sont présents aujourd’hui à mes côtés, comme ils l’avaient été à l’Assemblée nationale.

Monsieur Karoutchi, vous avez également été membre d’un gouvernement ; vous savez bien que cela fonctionne ainsi. À défaut, il faudrait que l’ensemble du Gouvernement soit présent sur chaque texte. Peut-être votre gourmandise irait-elle jusque-là ? (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas très gourmand de ce gouvernement…

M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens à lever tout malentendu éventuel. Mme la garde des sceaux a été longuement auditionnée par la commission spéciale sur ce texte.

Tous les projets de loi font l’objet d’un arbitrage interministériel, et ils sont défendus par le ministre compétent ou, le cas échéant, par l’un de ses collègues qui le remplace. J’espère que ces précisions figureront bien au compte rendu intégral, afin qu’il ne reste aucune équivoque.

Ma collègue garde des sceaux fait œuvre non de silence, mais bien de solidarité.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai l’amendement n° 583 rectifié.

Monsieur Longuet, l’absence de Mme la garde des sceaux traduit sans doute certaines des interrogations qui sous-tendent le projet de loi, du moins s’agissant des professions réglementées.

Pour ma part, je conteste la logique de primauté du principe de concurrence sur l’organisation des professions de droit. Dans ce texte, la plupart des arbitrages relèvent de l’Autorité de la concurrence, et non d’organes liés au ministère de la justice.

Certes, il est nécessaire de dépoussiérer, de mieux encadrer, de mieux réguler et de permettre et l’arrivée de nouvelles générations de professionnels dans les territoires où les besoins ne sont pas satisfaits.

Néanmoins, nous sommes sur un secteur du droit où la tradition française fait appel, au-delà de l’équilibre entre les parties, à un troisième acteur, celui qui représente l’intérêt général et la République. C’est ce qui a conduit à accepter que les professions soient réglementées. Il s’agit de faire en sorte que l’intérêt général puisse s’exprimer, le principe de la concurrence étant, lui, fondé sur un équilibre des parties.

Monsieur Bouvard, c’est cette philosophie libérale qui amène à tout transférer à l’Autorité de la concurrence. Or cette dernière n’est pas compétente sur tout. En plus, cela fait entrer dans une pure logique de financiarisation, en permettant qu’un certain nombre de structures soient détenues par du capital. Il est donc nécessaire que des personnes défendent l’intérêt général au sein de leur travail.

L’amendement n° 583 rectifié vise précisément à combattre la financiarisation. Nous sommes, me semble-t-il, sur un débat fondamental.

Pour ma part, je suis pour une économie de marché – le débat sur l’existence de l’économie de marché me semble aujourd’hui dépassé –, mais pour une économie de marché régulée, et non pour une société de marché qui s’étendrait à tous les secteurs de l’activité publique et humaine, où le principe de la concurrence deviendrait la référence.

À l’instar de Lionel Jospin, je suis pour l’économie de marché, contre la société de marché !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. le ministre a évoqué la solidarité gouvernementale.

Un jour, j’ai posé une question à M. Rebsamen, qui ne pouvait pas être là. Il s’est donc fait remplacer par l’une de ses collègues, qui s’est contentée de lire machinalement une fiche. Manifestement, elle n’avait aucun intérêt pour le sujet et était en service commandé. Je ne suis même pas certain qu’elle ait ensuite fait part du contenu de notre échange à M. Rebsamen…

Affirmer que chaque ministre peut se substituer à un autre, ce n’est pas sérieux. Chacun s’implique dans un secteur ; il y prend des décisions, répond à des questions. C’est un peu grave de tenir de tels propos ! En tout cas, ce n’est pas conforme à l’esprit d’élaboration collective de la loi avec le Parlement.

Certes, monsieur le ministre, on peut difficilement vous faire le reproche de vous être substitué à l’un de vos collègues sans vous intéresser au sujet. Au contraire ! Vous souhaitez ardemment la réussite de votre projet de loi.

À cet égard, je rejoins les arguments de Mme Lienemann. Votre ambition n’est pas de réformer la justice ; vous voulez introduire de la concurrence dans les professions réglementées ! Et qui pourrait s’en charger mieux que le ministre de l’économie lui-même ? (Exclamations.) Le ministre chargé de la justice aurait tendance à voir les choses sous un autre angle…

En réalité, monsieur le ministre, le fait que vous soyez impliqué sur autant des dossiers confirme ce que j’avais indiqué lors de la discussion générale. Il s’agit d’un projet de loi « fourre-tout », mais avec une logique et un fil conducteur – en l’occurrence, il serait pour le moins inapproprié de parler de « fil rouge » ! (Sourires.) –, en l’occurrence la « modernisation », ce qui signifie pour vous le libéralisme et l’introduction de la concurrence !

Mme Bricq a demandé tout à l’heure un rapport. Quels sont les effets de ce vent de libéralisme dans les professions réglementées ? On ne peut pas encore les connaître.

La présence de M. le ministre de l’économie et l’absence de Mme la garde des sceaux démontrent bien que l’objectif est d’introduire de la concurrence au sein des professions réglementées, donc de les libéraliser !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je tiens simplement à souligner que le groupe socialiste ne se trompe pas d’enceinte : nous élaborons la loi ; nous ne faisons pas le congrès du parti socialiste ! (Exclamations.)

Nous voterons donc contre cet amendement. Nous aurons peut-être le débat de fond à l’article 20 ter.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, je suis parfaitement d’accord avec notre collègue Jean-Claude Requier.

C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a prévu à l’article 21 – nous l’examinerons bientôt – que les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ne pourront pas être dans une société interprofessionnelle. L’objectif sera donc atteint.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, dont l’adoption ne ferait qu’ajouter de la confusion.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Les collègues qui ne font pas partie de la commission spéciale peuvent se reporter au compte rendu de nos auditions.

Mme la garde des sceaux s’était exprimée devant nous, et son intervention avait été très éclairante. Elle a insisté sur un élément : la justice et le droit ne peuvent pas être déconnectés de l’économie, mais il faut préserver la spécificité des professions juridiques. Elle a aussi évoqué un « réflexe sublime » – l’expression nous a bien plu – conduisant à se dire en toutes circonstances qu’un arbitrage rendu aurait pu être moins bon…

Le travail de M. le corapporteur et, plus généralement, de la commission permet d’ajouter des éléments de principe juridique et de prise en compte des préoccupations des professions réglementées au texte proposé par l’Assemblée nationale. Il faudra en tenir compte, quel que soit le talent, d’ailleurs très grand, de M. le ministre.

M. Longuet a souligné avec son talent habituel que la commission était parvenue à un équilibre. Nous devons préserver cet équilibre dans nos débats.

Je rejoins donc la suggestion de M. le corapporteur. Il paraît préférable de retirer cet amendement et d’avoir ce débat lors de l’examen des articles 20 ter, 21 et 22.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 583 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

J’ai bien entendu les propos de M. le ministre, de M. le président de la commission spéciale et de M. le corapporteur. Je serai au rendez-vous lors de l’examen des articles qui ont été mentionnés !

M. le président. L'amendement n° 583 rectifié est retiré.

L’amendement n° 1471 n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 17 bis.

(L'article 17 bis est adopté.)

Article 17 bis
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Article 18

Article 17 ter

I. – L’article 15 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l’Ordre est ainsi rétabli :

« Art. 15. – Les honoraires de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

« Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale, l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

« Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

« Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. »

II. – (Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 1626, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – Le III de l’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un 17° ainsi rédigé :

« 17° Du deuxième alinéa de l’article 15 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l’Ordre, dans le respect du secret professionnel qui, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, couvre les consultations adressées par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et son client, entre l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et ses confrères, à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention “officielle”, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à habiliter les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, à contrôler l’existence des conventions d’honoraires entre les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et leurs clients, dans le respect du secret professionnel.

Ces agents assermentés ont l’habitude d’exercer de tels contrôles. Les procédures anonymisées existent aujourd’hui pour le contrôle des honoraires : le nom des clients n’étant pas connu, le secret professionnel de ces professions est respecté.

La mise en place d’un tel contrôle est l’une des conditions qui permettent de s’assurer du respect des contraintes pesant sur ces conventions d’honoraires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. La semaine dernière, nous avons refusé d’accorder à la DGCCRF de tels pouvoirs de contrôle pour les avocats. Par souci de cohérence, il n’y a pas lieu de les accorder aujourd’hui pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. J’avais offert à M. le ministre la possibilité de nous expliquer en quoi consistait exactement ce contrôle.

La commission spéciale est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Un client mécontent des honoraires que lui réclame son avocat peut toujours saisir le bâtonnier. Mais quelle est la discipline professionnelle pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ? Faute de le savoir, je m’abstiendrai.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste soutient la position du Gouvernement.

La DGCCRF ne plaît pas à certains, parce qu’elle dépend du ministère de l’économie et des finances, mais il s’agit bien d’un service public.

Au moment de la création de l’Autorité de la concurrence, dans le cadre de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, les services de la DGCCRF ont craint d’être dépossédés de leur pouvoir de contrôle. Quand on fait le bilan de la loi cinq ans après, on s’aperçoit que la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence ont très bien su coopérer. L’argument selon lequel on introduirait le loup dans la bergerie n’a donc plus lieu d’être.

Il me semble normal de permettre aux services de l’État de vérifier que les clients, consommateurs finaux, ne sont pas victimes d’honoraires excessifs. Je ne comprends pas l’opposition à un tel dispositif, sinon à vouloir défendre une profession qui compte vraiment peu de membres, sous prétexte que les avocats ne sont pas concernés...

Au début de cette discussion, nous avions indiqué que les professions du droit participaient au mouvement de l’économie par les conventions, les contrats conclus entre professionnels et consommateurs.

Je ne comprends pas votre argumentation. Vous exprimez une défiance envers le ministère de l’économie. Ainsi, Gérard Longuet a déploré l’absence de Mme la garde des sceaux, qui a pourtant répondu à toutes nos questions – le président de la commission spéciale l’a rappelé à l’instant – lors d’une audition publique dont le compte rendu est disponible.

Le Gouvernement et les services de l’État sont à la disposition des consommateurs.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux ici lever une ambiguïté qui a opposé jusqu’à présent le Gouvernement à la commission spéciale. Cela devrait me permettre de répondre à M. Longuet.

Aujourd’hui, il n’existe pas de conventions d’honoraires obligatoires – elles seront mises en place à travers ce texte –, mais seulement des honoraires. Or la DGCCRF est déjà compétente pour contrôler ces honoraires. En effet, l’instance ordinale est chargée du contrôle disciplinaire, du respect des règles de l’Ordre, mais pas du droit consumériste ; Dieu merci pour elle ! Mes services sont donc d'ores et déjà compétents pour contrôler les notes d’honoraires litigieuses, dans le respect du secret professionnel.

Il s’agit ici d’étendre ce contrôle aux conventions d’honoraires des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation que crée ce texte, de manière anonymisée.

Je ne comprends pas les réticences de votre commission spéciale. Si personne ne contrôle ces conventions – il s’agit d’une question purement consumériste qui ne relève pas du président de l’Ordre –, nous allons créer un vide. Pourquoi la DGCCRF ne pourrait-elle faire pour les conventions d’honoraires ce qu’elle fait déjà pour les honoraires ? Il s’agit simplement de protéger un peu plus les consommateurs.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, les précisions que vous apportez m’inquiètent et ne font que me conforter dans mon opinion.

Vous opérez une confusion : la validité de la convention d’honoraires, qui va être rendue obligatoire, au regard du mandat, au regard de l’évaluation du service rendu par l'avocat, relève de la compétence exclusive du bâtonnier.

Or vous venez de dire que la DGCCRF – c’est justement ce qui m’inquiète –, vérifiant l’existence d’une convention d’honoraires, contrôlera également sa conformité à l’idée que vous vous faites de l’honoraire dû à l’avocat. Non !

Comme je vous l’ai déjà indiqué, nous pouvons entendre que la DGCCRF vérifie l’existence formelle d’une convention, mais pas qu’elle en contrôle le texte !

Cela se heurte au secret professionnel de l’avocat. Certes, je veux bien que les agents de la DGCCRF soient soumis au secret professionnel, comme l’administration fiscale, le préfet ou les fonctionnaires. Un jour, nous aurons 60 millions de Français qui seront soumis au secret professionnel ! (Sourires.)

Au demeurant, la DGCCRF, en exerçant ce contrôle, pourra procéder à une perquisition. Quelle est la convention que vous allez anonymiser ? Et même si vous anonymisez, on ne peut plus savoir si la convention d’honoraires est passée entre deux parties.

Nos positions ne sont pas forcément très éloignées l’une de l’autre. Ce qui nous sépare, c’est la limite du contrôle de la DGCRF : s’il s’agit de vérifier qu’il existe une convention d’honoraires, on peut discuter ; s’il s’agit de descendre dans texte de la convention, nous ne pouvons plus nous accorder.

Je maintiens donc ma position, et j’invite mon collègue Gérard Longuet non plus à s’abstenir, mais à rejoindre l’avis de la commission spéciale. (M. Gérard Longuet acquiesce.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1626.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17 ter.

(L'article 17 ter est adopté.)

Article 17 ter
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Demande de réserve

Article 18

I. – L’article 1er ter de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toute clause de non-concurrence est réputée non écrite. »

II (Non modifié). – L’article 3 ter de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « plus », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « de deux huissiers de justice salariés. » ;

b) À la seconde phrase, le mot : « à » est remplacé par les mots : « au double de » ;

2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toute clause de non-concurrence est réputée non écrite. »

III (Non modifié). – L’article 3 de l’ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs est ainsi modifié :

1° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « plus », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « de deux commissaires-priseurs judiciaires salariés. » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « à celui des commissaires-priseurs judiciaires associés y exerçant » sont remplacés par les mots : « au double de celui des commissaires-priseurs judiciaires associés qui y exercent » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute clause de non-concurrence entre le titulaire de l’office et le commissaire-priseur judiciaire salarié est réputée non écrite. »

IV (Non modifié). – Le premier alinéa de l’article L. 743-12-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Après le mot : « plus », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « de deux greffiers de tribunal de commerce salariés. » ;

2° À la seconde phrase, le mot : « à » est remplacé par les mots : « au double de ».

V. – (Supprimé)

VI (nouveau). – La section 1 du chapitre 2 du titre 4 du livre 6 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 642-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 642-4-1. – La nomination en qualité de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce et d’huissier de justice, l’inscription sur la liste des administrateurs judiciaires ou sur celle des mandataires judiciaires, ainsi que la déclaration en tant que commissaire-priseur de ventes volontaires, comportent l’obligation de cotiser au régime complémentaire institué, en application de l’article L. 644-1, au profit de ces professions, même en cas d’affiliation au régime général de sécurité sociale.

« Un décret fixe la répartition des cotisations entre la personne physique ou morale employeur et le professionnel lorsque celui-ci est affilié au régime général de sécurité sociale. »

VII (nouveau). – Les cotisations versées au régime complémentaire institué en application de l’article L. 644-1 du code de la sécurité sociale, au profit des professions mentionnées à l’article L. 642-4-1 du même code, dans sa rédaction résultant du présent article, par les salariés affiliés au régime général de sécurité sociale, n’ouvrent pas droit à prestations auprès de ce régime complémentaire.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1629, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « double de celui des notaires associés y exerçant » sont remplacés par les mots : « quadruple de celui des notaires associés qui y exercent » ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« À compter du 1er janvier 2020, le nombre de recrutement de notaires salariés est limité à deux pour une personne physique titulaire d’un office notarial et au double de celui des notaires associés y exerçant la profession pour les personnes morales titulaires d’un office de notaire. » ;

II. – Alinéa 20

Rétablir le V dans la rédaction suivante :

V. – Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur l’évolution du nombre de notaires, d’huissiers de justice, de commissaires-priseurs judiciaires et de greffiers des tribunaux de commerce salariés depuis la promulgation de la présente loi et sur l’évolution de la proportion de jeunes et de femmes parmi ces salariés.

III. – Alinéas 21 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. La commission spéciale a retenu la majeure partie des dispositions de l’article 18 voté à l’Assemblée nationale. Je tenais à le préciser, car cela participe de l’esprit dans lequel nous travaillons depuis le début de semaine dernière. Je souhaiterais toutefois réintroduire deux dispositions.

Il s’agit tout d’abord de la disposition transitoire permettant aux notaires de recruter jusqu’en 2020 quatre notaires salariés pour un notaire titulaire. La limite est aujourd’hui fixée à deux. Cette disposition vise à permettre à la profession d’adapter l’évolution de ses effectifs, afin d’arriver à un nombre optimum.

En effet, certaines études commanditées par les notaires aboutissent à la conclusion que la profession devrait perdre, du fait de sa pyramide des âges, jusqu’à 1 700 notaires d’ici à 2020. Le recrutement d’un plus grand nombre de salariés – quatre pour un au lieu de la règle des deux pour un que j’évoquais – devrait permettre à la profession de compenser une baisse de près de 18 % de ses effectifs.

Si nous avons retenu la date de 2020, c’est que cette échéance nous permet d’absorber les modifications que nous introduisons par ailleurs. De nouveaux offices vont s’ouvrir, ce qui va permettre à certains notaires salariés d’accéder à de nouvelles perspectives et de renouveler la profession.

Nous souhaitons ensuite rétablir la remise au Gouvernement, dans un délai de deux ans après la promulgation de la loi, d’un rapport sur l’évolution du nombre de professionnels concernés et sur la proportion de jeunes et de femmes.

Je sais que la commission spéciale a voulu imposer une discipline en matière de rapports. Mais il me semble important de pouvoir mesurer, d’ici à deux ans, les effets des modifications que nous introduisons. Nous pouvons ne pas partager certaines conceptions a priori, mais je pense que vous comprenez l’importance d’évaluer les effets de la loi dans le temps.

Par ailleurs, la commission spéciale du Sénat a introduit une disposition nouvelle visant à obliger les nouveaux professionnels salariés à cotiser au régime complémentaire de retraite des ordres professionnels concernés, sans que ces cotisations leur ouvrent des droits à prestation auprès du régime complémentaire.

Cette disposition, qui relève du code de la sécurité sociale, devrait plutôt être décidée en concertation, me semble-t-il, avec l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales et les ordres spécifiques des professions concernées.

De plus, il apparaît quelque peu paradoxal que des cotisations obligatoires à un régime de protection sociale n’ouvrent aucun droit à ceux qui les versent, alors même que les régimes de sécurité sociale ont été instaurés pour protéger ceux qui y sont rattachés.

Cette troisième modification, qui me semble importante, fait que cet amendement n’est pas de pur rétablissement.

M. le président. L'amendement n° 1698, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Remplacer le mot :

et

par le mot :

ou

La parole est à M. François Pillet, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 1629.

M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale n’a apporté que deux modifications au texte voté par l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas tout à fait répondu voilà quelques instants ; peut-être vous avais-je posé trop de questions… Nous aurons l’occasion d’y revenir.

La première modification concernait le passage, pour les notaires salariés, de la règle du « deux pour un », soit au maximum deux salariés pour un notaire titulaire ou un associé, à la règle du « quatre pour un », jusqu’en 2020, puis le retour au « deux pour un » après cette date.

Deux raisons ont convaincu la commission spéciale de supprimer cette disposition « yo-yo ».

Premièrement, les notaires salariés sont encore loin du plafond actuel : on en compte seulement 0,37 par notaire titulaire.

Deuxièmement, et c’est la raison principale, on ignore ce qu’il adviendra en 2020. Les notaires salariés surnuméraires devront-ils être licenciés du jour au lendemain ? Au contraire, seront-ils maintenus dans leur emploi, créant, de ce fait, une situation d’inégalité entre les offices parvenus au-delà du plafond de « deux pour un » avant 2020 et les autres ?

Le dispositif proposé paraît donc à la fois inutile et incertain. De surcroît, je ne crois pas qu’il serve votre objectif, car, plus vous créez de notaires salariés, moins vous créez d’associés. Le texte élaboré par la commission spéciale me semble donc plus pertinent.

La seconde modification apportée par la commission spéciale concerne la caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels.

Les règles de cotisations à cette caisse ne sont pas adaptées au basculement de l’exercice professionnel des intéressés de l’exercice libéral à l’exercice salarié.

En effet, quand un huissier de justice devient salarié, il quitte la CAVOM pour s’affilier au régime général.

Or, si la volonté du Gouvernement est bien de faire passer un certain nombre de professionnels de l’exercice libéral vers l’exercice salarié, le risque est grand d’un déséquilibre du rapport des cotisants aux titulaires de droits. C’est d’ailleurs ce que les représentants de la CAVOM ont précisé en s’appuyant sur quelques études d’actuaires.

Pour parer à cette éventualité, la commission spéciale a adopté un amendement qui reprend strictement le dispositif applicable aux experts-comptables, lui-même d’ailleurs très proche de celui qui s’applique aux avocats : pour l’une ou l’autre de ces professions, la cotisation au régime spécial ne dépend pas du mode d’exercice professionnel, ce qui évite tout déséquilibre.

Je souhaiterais avoir l’avis du ministre sur ce dispositif. J’ajoute que nous avons dû gager cet amendement pour éviter l’irrecevabilité de l’article 40 et qu’il conviendrait, si le Gouvernement partageait notre objectif, qu’il lève ce gage.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il faut prendre en compte les conséquences de cette réforme : les clercs habilités viendront augmenter le nombre des notaires salariés.

Le passage de deux à quatre a du sens eu égard à la réforme des clercs habilités que nous portons. En effet, par valorisation des acquis de l’expérience et parfois par diplôme, un certain nombre de clercs habilités deviendront notaires salariés. Ce que vous avez appelé « yoyo » est en fait une période transitoire, qui évite tout effet « couperet ».

Mais il est aussi possible de maintenir la règle du « deux pour un ». Dans ce cas, nous laisserions aux cabinets la possibilité de dépasser ce seuil au cas par cas, pour intégrer les clercs habilités. Je suis prêt à trouver une rédaction collective, car notre objectif n’est pas d’établir un plafond ni de faire de l’économie administrée.

Certains offices comptent de nombreux clercs habilités, comme l’avait remarqué M. Desessard. Nous souhaitons supprimer ce statut pour que les clercs habilités puissent devenir notaires salariés lorsqu’on leur demande d’accomplir un travail de notaire, et ce n’est que justice. Or, dans un office soumis au plafond de deux, un clerc habilité devenu notaire risquerait d’être licencié.

Nous souhaitons créer une « zone tampon » permettant de dépasser ce seuil pour éviter ce type de couperet, que ce soit par le passage de deux à quatre ou bien par un autre moyen. C’est ce point qui doit être apprécié, or il ne l’est pas dans le texte actuelle de la commission spéciale, d’où ma volonté de rétablir cette disposition.

Je suis prêt à considérer de manière pragmatique les alternatives proposées. Quoi qu’il en soit, sans modification, nous serions confrontés, au-delà de la moyenne nationale que vous évoquez, à des cas problématiques. Il nous faut donc un dispositif lisible et qui rassure les personnes concernées.

Par ailleurs, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous sur les déséquilibres démographiques. La réforme permet d’augmenter en même temps le nombre de titulaires et le nombre de salariés et donc d’éviter les déséquilibres que vous évoquez. Il n’est pas question de substitution, et la crainte exprimée par certains professionnels ne me paraît pas fondée.

En revanche, il y a bien concrètement déséquilibre au détriment des plus jeunes, qui devront cotiser sans pouvoir bénéficier de ces annuités, ce qui me paraît inadapté.

Pour des salariés du régime général, conçu pour les employés, le déséquilibre n’existe pas puisque la réforme permettrait d’augmenter le nombre de titulaires et de salariés.

Démographiquement, la réforme ne crée donc pas de déséquilibre ; ce serait le cas si le nombre de professionnels installés ou salariés était limité, ce que nous ne proposons pas. Par conséquent, je ne comprends pas cette réserve.

Passer d’un régime général à un régime spécial constitue un sujet de concertation. Le moment de concertation avec l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales et les ordres spécifiques des professions concernées est nécessaire. C'est pourquoi il ne me semble ni pertinent ni inopportun d’inscrire ce couperet dans la loi.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Quand j’ai parlé de « yoyo » à propos du passage de deux à quatre, vous avez, de chic, monsieur le ministre, proposé une autre solution qui me paraît intéressante. Nous ne l’étudierons pas maintenant, mais elle nous donne du grain à moudre.

Je maintiens l’avis défavorable. Néanmoins, j’ai bien entendu votre proposition qui peut aboutir d’ici à la commission mixte paritaire.

Sur la CAVOM., j’ai bien compris que vous ne lèveriez pas le gage, mais votre dernière phrase signifiait que vous n’étiez pas fermé pour autant. Il faudra s’assurer que l’avenir de cette caisse n’est pas menacé.

Vous avez employé le mot « concertation ». Or, au vu des informations qui nous ont été fournies lors de nos auditions, notamment les calculs d’actuaires, ce point doit être vérifié. Je ne partage pas votre optimisme : il n’est pas certain qu’autant d’associés viennent en substitution d’autant de salariés. C’est votre souhait, et il est tout à fait louable, mais cela ne peut être scientifiquement démontré.

Je retiens que vous ouvrirez une concertation avec la CAVOM sur ce point, important non seulement pour son maintien, mais aussi pour la poursuite des prestations qu’elle verse actuellement et qu’elle versera encore pendant quelques années.

Je maintiens l’avis défavorable ; mais, compte tenu de vos propos, je suis ouvert au dialogue d’ici à la commission mixte paritaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1629.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1698.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les dispositions du présent article ne concernent que les contrats de travail établis à partir de la date de la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement a pour objet de préciser, dans un souci de sécurité juridique, que les contrats passés sous l'empire de la loi antérieure ne peuvent être remis en cause par l'effet de la présente loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. L’intérêt général qui s’attache à l’installation de nouveaux professionnels peut justifier l’application de cette prohibition aux contrats en cours.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Demande de réserve

Article 18
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 19

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je souhaiterais que l’amendement n° 1757 du Gouvernement tendant à insérer un article additionnel après l’article 21 soit réservé jusqu’après l’article 106.

Nous avions déjà décidé de reporter un amendement proche émanant du groupe socialiste au sujet des transporteurs de fonds, afin de l’étudier en commission. Comme l’amendement n° 1757 du Gouvernement nous fournira la solution, je propose que son examen soit également reporté après l’article 106. Cela permettra à la commission de se réunir et d’étudier l’amendement gouvernemental, dans l’intérêt collectif.

M. le président. Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 20

Article 19

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 123-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La mise à disposition gratuite des données issues des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposés est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce à ses frais et sous sa responsabilité, dans des conditions permettant leur réutilisation au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;

2° (Supprimé)

3° (nouveau) Au second alinéa de l’article L. 732-3, les mots : « , dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, » sont supprimés ;

4° (nouveau) Le cinquième alinéa de l’article L. 741-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il centralise le registre du commerce et des sociétés. »

II. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article L. 411-1, les mots : « et de registre du commerce et des sociétés », les mots : « le registre du commerce et des sociétés et » et les mots : « et instruments centralisés de publicité légale » sont supprimés ;

2° (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 411-2, les mots : « et en matière du registre du commerce et des métiers et de dépôt des actes de sociétés » sont supprimés.

III. – Les articles L. 123-6 et L. 741-2 du code de commerce et les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant du présent article, sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.

IV. – (Supprimé)

(nouveau). – Les pertes de recettes résultant, pour l’Institut national de la propriété industrielle, du II ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.

M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la collectivité de Saint-Barthélemy est solidaire des difficultés rencontrées par le greffe du tribunal mixte de Basse-Terre, car elle est y restée judiciairement rattachée, en dépit de son statut de collectivité d’outre-mer et de son régime fiscal, différent de celui de la Guadeloupe.

Le changement de statut était, pour Saint-Barthélemy, un projet politique mais aussi un projet administratif. En l’occurrence, s’agissant des entreprises, la collectivité a créé dès 2007 la CEM, la chambre économique multiprofessionnelle, établissement public destiné à devenir un guichet unique pour les formalités des entreprises.

Ainsi, au gré des véhicules législatifs ou réglementaires, des compétences lui ont été transférées dans cette perspective. Aujourd’hui, la CEM est compétente pour créer et gérer les centres de formalités des entreprises et exerce les compétences, hormis consultatives, des chambres de commerce et d’industrie.

C’est donc dans cette optique que s’inscrivait l’amendement devenu l’article 31 de la loi de 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, qui prévoyait une faculté de délégation. Or, comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi n’a jamais eu de suite.

La gestion distante du registre du commerce et des sociétés pose deux grandes difficultés.

Elle impacte en premier lieu la vie économique des entreprises dans l’accomplissement de leurs formalités administratives. En effet, à Saint-Barthélemy, il faut savoir que le délai moyen d’obtention d’un extrait Kbis varie entre un et six mois. Et, pour l’obtenir dans un délai plus court, l’entrepreneur est contraint de se déplacer en Guadeloupe, ce qui fait que l’extrait Kbis lui revient au minimum à 400 euros, sans doute l’un des plus chers du monde.

Il faut souligner, en outre, que cela retarde considérablement la constitution des dossiers des entreprises qui souhaitent postuler à un marché public.

La deuxième conséquence, et non des moindres, est fiscale. Cette gestion distante, dans un contexte où la réalité administrative considère que Saint-Barthélemy ne fait plus partie de la Guadeloupe, crée une zone grise préjudiciable à la collectivité, mais également à l’État.

Dans le premier cas, l’impossibilité pour les services fiscaux de la collectivité de disposer du recensement exhaustif des entreprises domiciliées à Saint-Barthélemy ne lui permet pas de les assujettir à sa contribution forfaitaire annuelle.

La situation est également préjudiciable à l’État parce que les entreprises domiciliées fiscalement à Saint-Barthélemy, lorsqu’elles ne sont pas contrôlées par des résidents fiscaux, sont soumises à la fiscalité nationale.

Des entreprises peuvent ainsi facilement être créées, puis mises en sommeil durant les cinq ans nécessaires à l’acquisition de la résidence fiscale de la société à Saint-Barthélemy puis revendues, une fois la résidence fiscale acquise.

J’ai bien noté que nos collègues corapporteurs de la commission spéciale ont supprimé le 2° de l’article 19. Toutefois, même dans cette rédaction, qui n’était pas satisfaisante du point de vue de la problématique propre à Saint-Barthélemy, il constituait un support.

J’espère que la discussion des amendements permettra de faire évoluer cet aspect du texte.

Cela dit, monsieur le ministre, la rédaction issue de l’Assemblée nationale soulève des questions d’interprétation concernant Saint-Barthélemy que je vous propose d’aborder au cours de la discussion, car vos éclairages me seront précieux.

M. le président. L'amendement n° 1617, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article L. 123-6 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le greffier transmet à l’Institut national de la propriété intellectuelle, par voie électronique et sans frais, un document valant original des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposés, dans un délai et selon des modalités fixés par décret.

« Il lui transmet également, par voie électronique, sans frais ni délai, les résultats des retraitements des informations contenues dans les inscriptions, actes et pièces mentionnés au deuxième alinéa, dans un format informatique ouvert de nature à favoriser leur interopérabilité et leur réutilisation au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, et à assurer leur compatibilité avec le registre national dont l’Institut national de la propriété intellectuelle assure la centralisation dans le cadre de sa mission prévue au 2° de l’article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle. Le décret mentionné au deuxième alinéa précise également les modalités de cette transmission, notamment le format des données informatiques. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’avant-dernier alinéa et à titre expérimental pour une durée n’excédant pas trois ans, dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, le ministre de la justice délègue la gestion matérielle des registres du commerce et des sociétés à la chambre de commerce et d’industrie compétente. Cette délégation de gestion s’opère dans les conditions déterminées au même alinéa. Pour le bon déroulement de l’expérimentation, la convention mentionnée audit alinéa porte sur toute sa durée. Les expérimentations débutent le 1er janvier 2016 au plus tard. Un rapport est remis, au terme de la deuxième année, sur les conditions d’exécution de la délégation. »

II. – Après la seconde occurrence du mot : « sociétés », la fin du 2° de l’article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigée :

« , notamment sur la base de données informatiques transmises par les greffiers de tribunal de commerce, et le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ; il assure la diffusion des informations techniques, commerciales et financières contenues dans les titres de propriété industrielle ; il assure la diffusion et la mise à disposition gratuite du public, à des fins de réutilisation, des informations techniques, commerciales et financières qui sont contenues dans le registre national du commerce et des sociétés et dans les instruments centralisés de publicité légale, selon des modalités fixées par décret ; il statue sur les demandes d’homologation ou de modification des cahiers des charges des indications géographiques définies à l’article L. 721-2 ; ».

III. – L’article L. 123-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du 1° du I du présent article, et l’article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant du II du présent article :

1° Entrent en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du premier arrêté fixant les tarifs réglementés applicables aux prestations des greffiers des tribunaux de commerce pris en application de l’article L. 444-3 du code de commerce, et au plus tard à l’expiration du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi ;

2° Sont applicables à Wallis-et-Futuna.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement aborde un sujet compliqué sur lequel nous avons emprunté des chemins rigoureusement inverses, monsieur le rapporteur !

Les informations concernant les entreprises et relevant de l’extrait Kbis sont collectées par les greffes des tribunaux de commerce et font l’objet d’une concaténation sur Infogreffe. Ces informations sont la propriété de l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle, et sont mises à disposition du public de manière payante par Infogreffe.

Une convention signée en 2009 est venue régir cet accord et nous vivons sous ce régime. Notre intention, par le biais de cette réforme, est de mettre gratuitement à disposition ces informations.

En effet, dans la mesure où les greffiers des tribunaux de commerce perçoivent une rémunération pour constituer les actes, nous considérons anormal qu’ils soient payés une deuxième fois, et même, potentiellement, à l’infini, soit à chaque fois que quelqu’un demande une information sur le site Infogreffe. Il s’agit à la fois d’un prélèvement sur l’économie et d’une forme de « sur-rentabilité » indue.

Le texte du Gouvernement, après sa modification par l’Assemblée nationale, conduit à reconnaître la propriété de l’INPI et à lui transférer la gestion de ces bases, pour une mise à disposition gratuite.

La commission spéciale est revenue sur ces dispositions, en proposant que le groupement d’intérêt économique Infogreffe mette gratuitement à disposition du public ces données. Ce faisant, reconnaissant l’existence d’une difficulté - l’INPI est propriétaire desdites données depuis 1951 –, la commission spéciale a prévu, à l’alinéa 13 de l’article 19, un financement par une taxe additionnelle des pertes subies par l’INPI liées à ce transfert de propriété, qui n’est d’ailleurs pas sans poser plusieurs autres problèmes.

Je ne sais pas si la commission spéciale a auditionné l’INPI ou si vous vous êtes concerté avec cette dernière, monsieur le rapporteur. Quoi qu’il en soit, cet organisme a fait part à votre serviteur des difficultés qu’il rencontrait dans le cadre de cette démarche.

Par le présent amendement, le Gouvernement entend restaurer son dispositif original, à savoir une mise à disposition gratuite, mais en prenant acte du fait que, depuis les années cinquante, le registre national du commerce et des sociétés est tenu par l’INPI pour le compte de l’État. Sa base de données papier et numérique, qui est beaucoup plus large que celle d’Infogreffe, est propriété de l’État.

Alors que nous voulions que l’INPI, qui est propriétaire de ces données, les mette gratuitement à disposition du public, votre dispositif, monsieur le rapporteur, a pour conséquence de transférer à Infogreffe la partie du registre qu’Infogreffe ne gère même pas, afin qu’il puisse le mettre gratuitement à disposition. En effet, Infogreffe concerne aujourd'hui la France métropolitaine, mais ni l’Alsace et la Lorraine et ni les territoires d’outre-mer. C’est donc reprendre le périmètre aujourd’hui exclu pour le transférer à Infogreffe et de surcroît imposer la gratuité de la mise à disposition des informations.

Certes, nous avons le même objectif, à savoir la mise à disposition gratuite de ces données, ce qui est déjà important. Toutefois, il convient de reconnaître, en la matière, la propriété de l’INPI, qui est plus large que le simple champ de gestion d’Infogreffe. Ainsi votre réforme conduirait-elle à une double modification qui me semble sous-optimale.

Par ailleurs, la gestion du registre national engendre, pour l’INPI, un chiffre d’affaires annuel de 14 millions d’euros, dont 7 millions d’euros de bénéfice. Ces chiffres sont totalement transparents.

Par cet amendement, il s’agit de rétablir la possibilité, pour l’INPI, de mettre gratuitement à disposition l’ensemble des informations dont il dispose, ce qui nous semble beaucoup plus simple juridiquement et plus opérationnel.

Il est également prévu de réintégrer dans le texte l’expérimentation de la gestion du registre par les chambres de commerce et d'industrie d’outre-mer – en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion –, mais sous contrôle d’un greffier, pour une durée n’excédant pas trois ans. Partant du constat d’un important retard dans l’immatriculation des sociétés au sein de ces départements et dans tous les actes de la vie des entreprises, nous nous inscrivons directement, avec une telle mesure, dans la continuité de l’article 31 de la loi du 20 novembre 2012, dite « loi Lurel ».

Il ne s’agit pas de remettre en cause la sécurité juridique, puisque ces actes seront réalisés sous le contrôle d’un greffier public. Je vous rappelle ce que j’ai eu l’occasion de dire samedi dernier, nous parlons de territoires où les greffiers des tribunaux de commerce sont des greffiers publics, ce qui est aussi une spécificité. Ils auront le contrôle de cette disposition.

Tel est donc le double objet de cet amendement, qui est substantiel, vous l’avez bien compris. J’estime en effet que la démarche retenue par la commission spéciale fragilise non seulement l’INPI, mais aussi le mouvement que nous voulons créer grâce à la réforme proposée par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, sur ce sujet, il y a en effet une grande différence de vues entre le Gouvernement et la commission spéciale. Pour autant, nos objectifs sont parfaitement identiques : diffuser les données en open data et gratuitement.

Vous voulez confier à l’INPI la mission de centraliser et de diffuser les données issues du registre du commerce et des sociétés. Or l’INPI a expressément renoncé à exercer cette mission depuis un accord passé en 2009 avec le GIE Infogreffe.

Lorsque l’on regarde l’historique technique et juridique de cette affaire, on ne voit pas pourquoi il faudrait redonner à l’INPI une mission qu’il n’exerce plus dans les faits depuis plusieurs années. Il serait au contraire bien plus simple de la confier en droit à ceux qui l’exercent de fait, à savoir le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le GIE Infogreffe, en imposant – il n’y a pas de contestation sur ce point, chacun en est d’accord – la gratuité des données diffusées en open data, en vue de leur réutilisation par qui voudra.

Quant au tarif perçu par le greffier au titre de la communication des documents du registre, il suffit de le modifier par décret.

Actuellement, sauf erreur de ma part, quand vous envoyez des informations à un greffe pour qu’elles soient intégrées dans le registre du commerce et des sociétés, le greffe procède d’abord à une analyse et à une vérification, qui ne sont pas seulement de forme. Pour ce travail, le greffe perçoit une rémunération, composée de deux parties : une partie va au greffier, l’autre à l’INPI. Si vous en laissez la totalité au greffier, toujours en faisant en sorte que ce soit gratuit, vous supprimez ainsi la taxe due au profit de l’INPI. Pour les entreprises, c’est 14 millions d’euros de taxe en moins !

Et chacun doit faire son métier, monsieur le ministre. L’INPI, plutôt que de gérer ce domaine, dont il s’est d’ailleurs complètement déchargé depuis 2009, devrait plutôt se concentrer sur son cœur de métier, à savoir la valorisation de l’innovation et la protection des brevets.

J’ajoute que, si vous confiez cette tâche à l’INPI, cela ne sera pas sans frais. Il faudra réaliser des investissements informatiques importants, sans compter les coûts de fonctionnement.

Vous créez donc une dépense pour mettre en place une machinerie dont la conséquence est de maintenir une taxe au détriment des entreprises, ce qui est tout à fait contraire à vos objectifs, alors que le système que nous vous proposons s’inscrit parfaitement dans votre réforme d’ensemble, dans la mesure où il prévoit un accès gratuit aux données.

Je passe d’ailleurs sur l’obligation de vérifier la protection des données personnelles des dirigeants d’entreprise. Ce n’est pas parce que l’on met en place l’open data qu’il faut se priver de cette garantie. Or je ne suis pas sûr que l’INPI soit prêt à effectuer cette vérification.

Si nous avons une vraie différence d’approche et d’analyse, nos objectifs sont identiques.

Pour finir et tenter de nous accorder, j’ajouterai à mon argumentaire un dernier point. La commission prévoit la disparition d’une taxe. N’est-ce pas à l’ordre du jour, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Le sujet fait débat depuis très longtemps, bien qu’il porte davantage, en général, sur les relations entre chambres de commerce et d'industrie et greffiers.

Monsieur le ministre, la notion de gratuité figure dans le texte de la commission. (M. le ministre le reconnaît.) Vous ne l’avez pas dit !

Permettez-moi d’ajouter quelques mots concernant le registre du commerce et des sociétés. Il ne s’agit pas simplement d’obtenir un numéro, il faut fournir tout un tas de documents ! Des juristes spécialisés, les greffiers en chef, font ce métier depuis toujours.

Comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, l’INPI joue un rôle fondamental, chacun le reconnaît, pour tout ce qui concerne la propriété intellectuelle. Le charger en plus du registre du commerce et des sociétés, alors qu’il y a déjà renoncé, ne me paraît pas pertinent.

Selon moi, le système proposé par la commission spéciale est plus économique. Que demander de plus ?

On a parfois l’impression – mais ce n’est sans doute qu’une impression, monsieur le ministre – qu’il faudrait donner du grain à moudre à cet institut, comme, d’ailleurs, à d’autres en France, pour qu’il se maintienne. Quant à la gratuité, on la réconcilie mal avec la perception de taxes, qui sont autant de recettes… Je ne comprends pas bien !

Bien sûr, l’INPI nourrit sans doute quelque inquiétude, mais là n’est pas notre préoccupation majeure.

Notre objectif, comme le Gouvernement, c’est que chacun puisse bénéficier des éléments du registre du commerce et des sociétés pour ses affaires, dans des conditions acceptables et gratuitement. Toutefois, les moyens que nous avons retenus ne sont pas les mêmes. S’il ne s’agit que de cela, nous pouvons en discuter. Vous le reconnaîtrez, monsieur le ministre, il n’existe pas forcément une seule solution.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce qui me gêne fondamentalement dans la proposition de la commission spéciale, c’est qu’elle privatise un monopole.

Mme Nicole Bricq. Exactement !

M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, Infogreffe est dans la main des greffiers, telle est la vérité.

Les greffiers des tribunaux de commerce sont payés pour constituer et enregistrer les informations. C’est leur métier. Ce que nous contestons l’un et l’autre, c’est qu’ils soient payés deux fois. Le problème n’est donc pas là.

En revanche, nous divergeons sur la partie de la taxe dont vous disiez à l’instant, monsieur le rapporteur, qu’elle était destinée à l’INPI : il n’en est rien, cette partie de la taxe est destinée à la constitution de kilomètres d’archives physiques, auxquels vous ne pouvez pas renoncer. En toute hypothèse, ni Infogreffe ni l’INPI n’effectueront ce travail à titre gracieux, sauf si vous avez un engagement de leur part ; je ne l’ai pas eu.

Ainsi, quoi qu’il arrive, les deux missions d’authentification et de constitution des archives physiques n’étant en rien supprimées, les prix ne baisseront pas.

Jusqu’à présent, le registre constitué était la propriété de l’INPI. Infogreffe, acteur privé, offrait une prestation technique, encadrée par la convention de 2009. Or les greffiers des tribunaux de commerce se faisaient payer une deuxième fois pour mettre à disposition les données dont ils disposaient, puisqu’ils les avaient déjà constituées. Notre objectif commun est de les mettre gratuitement à disposition du public.

La formule que vous préconisez me pose problème, parce que vous transférez à un prestataire de services privé, Infogreffe, la propriété d’informations publiques – y compris celles dont il ne disposait pas auparavant – c’est-à-dire ce qui résulte d’un monopole public. Il est vrai que l’INPI ne s’était pas bien organisé. Mais croyez-vous qu’Infogreffe travaillera gratuitement ? Il fera payer les évolutions technologiques. Si tout, dans cette affaire, relevait de la philanthropie, cela se saurait ! Il y aura des compensations sur les prestations à venir, et cette privatisation continuera à coûter.

Ce que je conteste, parce que cela me semble une maladresse, c’est ce transfert de propriété de l’INPI à Infogreffe pour faire de l’open data. Pour notre part, nous proposons que les données soient mises à disposition par celui qui les détient aujourd'hui, à savoir l’INPI, et non pas par celui qui les gère pour le compte de l’INPI.

La mise à disposition par l’INPI aura un coût extrêmement marginal. Elle est faisable, nous l’avons vérifié. C’est la raison pour laquelle nous défendons une telle réforme.

J’ajoute enfin que vous ne supprimez pas de taxe : l’alinéa 13 introduit par la commission vise même à en créer une ! Certes, elle concerne le tabac. Mais j’attends que vous expliquiez aux buralistes que vous allez leur faire payer le dédommagement de l’INPI au bénéfice des greffiers des tribunaux de commerce. Cela ne marchera pas longtemps ! (Sourires.)

Vous créez une taxe, nous n’en créons pas.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est le gage, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Certes ! Mais il a un coût, ce gage… Vous jouez à chaque fois à ceux qui simplifient, nous laissant le mauvais rôle ! Un peu de sincérité, tout de même !

Nous sommes dans une situation qui n’est pas satisfaisante, où l’information est payée deux fois. Soyons simples : l’INPI a la propriété des données ; une convention a été signée en 2009 avec un prestataire de services. Nous proposons que ces données soient mises à disposition par l’INPI, qui pourra toujours s’organiser avec Infogreffe s’il le souhaite, mais l’open data doit être géré par celui qui détient aujourd’hui l’information, à savoir l’INPI.

Restons-en à des principes simples et évitons les transferts de propriété. Lorsque l’on a défini un objectif, il faut adopter le chemin le plus simple pour l’atteindre.

Dans le système que vous proposez, tout en affirmant que vous voulez rendre l’information publique, vous décidez de transférer la propriété de cette information et chargez celui qui n’en est pas propriétaire aujourd’hui de la rendre publique !

La proposition du Gouvernement est beaucoup plus simple : l’information est propriété de l’INPI, qui va la rendre publique. Je rappelle que l’INPI gère toutes les bases de données publiques de l’État.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, faisons un peu d’histoire.

M. François Pillet, corapporteur. Pourquoi l’INPI intervient-il, dans cette affaire ? Tout simplement parce que, lorsque l’on veut conserver des archives sur support papier, on a besoin de lui pour protéger toutes les informations collectées au titre du registre du commerce et des sociétés. À l’époque, pour sécuriser ces informations, on a confié à l’INPI le soin de les regrouper et de les conserver. Ces informations étaient envoyées à l’INPI sur papier, et c’est toujours le cas pour certains départements.

C’est ce souci de préservation qui explique la présence de deux protagonistes.

À l’heure où nous parlons, il n’est plus besoin de constituer un Fort Knox pour conserver des données sur papier, puisqu’une protection informatique suffit. Or les données sont collectées, pour l’essentiel, par les greffes des tribunaux de commerce ; elles n’appartiennent pas à l’INPI, pas plus qu’aux greffes ! Ces données sont publiques et les greffes des tribunaux de commerce sont placés sous l’autorité d’un ministre.

Je maintiens que vous voulez construire un système hybride, ou au moins à deux têtes, alors que nous avons la possibilité de le simplifier, en laissant l’INPI faire son travail. Les greffiers des tribunaux de commerce, qui sont les seuls capables d’analyser et de vérifier la qualité des informations fournies, se chargeront de les collecter, de les stocker et d’en permettre l’accès gratuit en open data. La deuxième partie de l’opération, qui consistait à renvoyer les informations à l’INPI, n’a donc plus lieu d’être. D’ailleurs, si l’INPI devait se charger de l’accès à ces données en open data, il devrait reconstituer un service informatique, embaucher un certain nombre d’agents, alors que nous disposons déjà d’un système qui fonctionne bien et qui n’appartient pas aux greffiers des tribunaux de commerce, puisque les données sont dans le domaine public.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué la taxe perçue par les greffiers. Nous retrouvons un problème propre à ce projet de loi : on oublie que c’est le Gouvernement qui a le pouvoir de modifier tous les tarifs des professions réglementées. Il suffit que vous indiquiez que, dans les tarifs des greffiers des tribunaux de commerce, la partie de la taxe qui correspondait aux envois à l’INPI n’a plus lieu d’être perçue ! Vous ferez nécessairement une économie.

Monsieur le ministre, je pense que notre système répond à toutes vos préoccupations, et j’en suis tellement convaincu que je parviendrai un jour à vous convaincre !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaite apporter deux clarifications.

Premièrement, il faudra conserver les actes, vous le savez bien, puisque l’on ne peut pas tout dématérialiser ! Le coût ne va pas disparaître, car cette propriété publique a une matérialité dont on ne pourra pas s’affranchir.

Deuxièmement, Infogreffe, groupement d’intérêt économique, est dans la main des greffiers des tribunaux de commerce.

M. Jean-Jacques Hyest. Qui sont des officiers publics ministériels !

M. Emmanuel Macron, ministre. Tout à fait ! Ils sont donc rémunérés à l’acte, mais, quand vous consultez le site Infogreffe, vous payez deux euros pour accéder à l’information : c’est une réalité qui nous a largement échappé jusqu’à présent et c’est tout le problème ! (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.)

En tant qu’officiers publics ministériels, ils sont rémunérés pour constituer des actes, mais il n’y a aucune raison pour qu’ils perçoivent une dîme pour chaque consultation desdits actes ! Voilà pourquoi nous voulons mettre ces informations à disposition gratuitement.

En ce qui concerne les données publiques, je suis plus à l’aise si elles restent dans la main de celui qui les détient déjà, à savoir l’INPI, et qui les met techniquement à disposition du grand public, car tel est son rôle. L’INPI peut ensuite passer une convention de gestion avec qui il veut et notre réforme n’empêche pas Infogreffe de continuer à exploiter ces données.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. À quoi bon, alors ?

M. Emmanuel Macron, ministre. La consultation ne sera plus payante, monsieur le président de la commission spéciale.

Le transfert de propriété de l’INPI à Infogreffe, qui est le GIE des greffiers des tribunaux de commerce, me pose problème. Ce serait un vrai changement et une véritable privatisation. Les greffiers des tribunaux de commerce ont beau être des officiers publics ministériels, il ne vous aura pas échappé qu’ils ne sont pas des agents titulaires de la fonction publique !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je souhaite insister sur un dernier point, tellement j’ai plaisir à débattre avec vous, monsieur le ministre. Mais il ne faut pas oublier pour autant l’objectif, sinon nous nous laisserions aveugler par un plaisir assez dématérialisé… (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Ou désintéressé !

M. François Pillet, corapporteur. Infogreffe n’exercera aucun pouvoir sur ces informations ni sur leur diffusion. Le texte adopté par la commission spéciale confie cette responsabilité au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, qui n’est pas un organisme virtuel ou un GIE. Il n’y a donc pas lieu de conserver cette organisation duale, que vous voudriez réintroduire puisque, il y a trente secondes, vous avez même envisagé que l’INPI puisse passer une convention avec Infogreffe…

M. Emmanuel Macron, ministre. S’il le veut !

M. François Pillet, corapporteur. De grâce, faisons ce que la loi veut : simplifions !

(Mme Jacqueline Gourault remplace M. Jean-Pierre Caffet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. J’ai été très sensible à l’argumentation de M. le ministre, notamment sur le monopole : vous créez un monopole de droit en faveur d’Infogreffe, monsieur le rapporteur. Or il se trouve qu’Infogreffe est un GIE, alors que l’INPI est un établissement public placé sous la tutelle des ministères de l’économie et de la justice. Permettez que nous préférions que le transfert des données se fasse au profit de l’INPI. En effet, nous sommes contre la constitution, par la loi, d’un monopole privé, puisque tel est le sens du texte adopté par la commission spéciale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1617.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 565 rectifié est présenté par MM. A. Marc et Commeinhes.

L’amendement n° 601 est présenté par M. Hyest.

L’amendement n° 695 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, M. Calvet, Mme Deromedi, M. B. Fournier, Mme Mélot et MM. Milon, Pierre, Revet et Vasselle.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du deuxième alinéa sont applicables concomitamment à l’entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives à la création d’un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit. » ;

L’amendement n° 565 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 601.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement vise à apporter une précision. En effet, la tarification des greffiers, fixée par décret en Conseil d’État, repose actuellement sur un mode de péréquation entre prestations tarifées et prestations effectuées sans frais. Ce principe a été clairement constaté par l’Autorité de la concurrence dans son avis sur les professions réglementées du droit.

Les mesures de l’article 12 du projet de loi visent à instaurer une tarification fondée sur la structure des coûts. Ces dispositions remettraient en cause immédiatement, sans compensation, l’équilibre financier des greffes, et donc leur capacité à maintenir la viabilité des offices.

Les conséquences seraient particulièrement dangereuses pour les jeunes professionnels endettés, qui représentent un tiers des offices. La mesure aurait notamment pour conséquence de déséquilibrer le fonctionnement des juridictions commerciales.

Nous proposons donc de soumettre l’entrée en vigueur de l’article 19 à celle des dispositions réglementaires qui découleront de l’application de l’article 12.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° 695 rectifié bis.

Mme Colette Mélot. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Je pense que je n’aurai pas trop de mal à être suivi, puisque le texte de la commission spéciale donne très largement satisfaction aux auteurs de ces deux amendements. Je leur suggère donc de les retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Monsieur Hyest, l’amendement n° 601 est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Hyest. Je serais prêt à retirer cet amendement, si M. le corapporteur pouvait me dire en quoi nous avons obtenu satisfaction. Dubito, ergo sum, comme on dit… (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. On n’achète pas le lapin dans le sac !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Vous proposez que la mise à disposition gratuite des données du registre du commerce et des sociétés en open data par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ne s’applique qu’à compter de l’entrée en vigueur du code de l’accès au droit et de l’exercice du droit, dont la commission a proposé la création à l’article 12 A – article adopté au terme d’un débat serré.

Pour le coup, attendre la publication de ce code, dont le Gouvernement a dit qu’il ne souhaitait pas le réaliser, nous renverrait aux calendes grecques.

On pourrait envisager une entrée en vigueur différée, afin que les greffiers aient le temps de s’organiser pour prendre en charge gratuitement cette mission, mais pas à ce point !

M. Jean-Jacques Hyest. Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 601 est retiré.

Madame Mélot, l’amendement n° 695 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 695 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 299 rectifié ter, présenté par MM. Magras, Milon et Bignon, Mme Procaccia, MM. Laufoaulu, Longuet, Calvet, Revet, Grand et Laménie et Mmes Deromedi et Lamure, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :

2° L’article L. 123-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’avant-dernier alinéa et à titre expérimental pour une durée n’excédant pas trois ans, dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, le ministre de la justice délègue la gestion matérielle des registres du commerce et des sociétés à la chambre de commerce et d’industrie compétente. Cette délégation de gestion s’opère dans les conditions déterminées au même alinéa. Pour le bon déroulement de l’expérimentation, la convention mentionnée audit alinéa porte sur toute sa durée. Les expérimentations débutent au 1er janvier 2016 au plus tard. Un rapport est remis, au terme de la deuxième année, sur les conditions d’exécution de la délégation. » ;

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Cet amendement vise à rétablir le 2° de l’article 19 dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Bien qu’il n’en fasse pas mention, il comporte néanmoins une double ambiguïté s’agissant du sort de Saint-Barthélemy, en cas d’expérimentation effective de la gestion matérielle du RCS. Une précision semblait nécessaire, mais l’amendement que j’ai déposé en ce sens a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution,…

M. Francis Delattre. C’est insupportable ! (Sourires.)

M. Michel Magras. … ce qui m’a conduit, monsieur le ministre, à revenir à votre rédaction.

La circonscription judiciaire de la Guadeloupe regroupe trois chambres de commerce et d’industrie « compétentes » : la CCI des îles de Guadeloupe, pour la Guadeloupe proprement dite, la chambre économique multiprofessionnelle, la CEM, pour Saint-Barthélemy, et la chambre consulaire interprofessionnelle pour Saint-Martin. Dès lors, faut-il considérer que la rédaction actuelle prévoit implicitement un transfert de la part du RCS relevant de chacune des chambres respectives ?

L’autre incertitude prend sa source, quant à elle, dans la disposition qui prévoit le transfert du « registre du commerce et des sociétés », dans son ensemble donc, et non pas du RCS du ressort territorial, au sens géographique, de la Guadeloupe.

Or, si l’on admet que l’ensemble du RCS est confié à la CCI des îles de Guadeloupe, on entre en contradiction avec la notion de CCI compétente, puisque Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne relèvent plus de la CCI des îles de Guadeloupe. En effet, à Saint-Barthélemy, la CEM exerce les compétences autres que consultatives dévolues aux CCI au titre de l’article 46 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.

Ainsi, selon cette lecture, dans les deux cas, le 2° de l’article 19 ne prend pas en compte la configuration particulière de la Guadeloupe.

Comme je l’indiquais, la gestion de l’immatriculation des sociétés et la tenue du registre dans cette situation de décalage statutaire, et en particulier fiscal, est préjudiciable non seulement aux entreprises, mais aussi à l’État et à la collectivité de Saint-Barthélemy.

Cette problématique est au cœur de l’activité des entreprises, sujet qui nous préoccupe dans l’examen du présent texte, dès lors que l’enregistrement marque la naissance de l’entreprise.

Monsieur le ministre, je vous remercie des éclairages que vous voudrez bien m’apporter sur ces deux points.

Mme la présidente. L’amendement n° 980 rectifié ter n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 299 rectifié ter ?

M. François Pillet, corapporteur. Le dysfonctionnement du RCS outre-mer provoque une grave perturbation de la vie économique et une grande gêne pour les entreprises concernées : nous sommes d’accord, il faut traiter ce problème.

Mais ne nous cachons pas ce que nous n’avons pas à nous cacher ! La commission a supprimé la disposition que prévoyait le texte adopté par l’Assemblée nationale sur ce point, tout d’abord parce que l’on ne sait pas ce qu’il faut entendre par « gestion matérielle du registre ». En pratique, les opérations matérielles de dépôt d’acte sont imbriquées avec le contrôle de régularité juridique opéré par le greffier. Si les deux activités sont dissociées, comment s’opérera le contrôle, une fois que des actes irréguliers auront été déposés ?

Ensuite, se pose le problème des conflits d’intérêts qui pourraient surgir quand la chambre de commerce gérera un registre de publicité légale concernant des entreprises dont les dirigeants seraient à sa tête. Ce problème se posera inévitablement.

Pour autant, j’ai parfaitement noté que le problème spécifique de Saint-Barthélemy est totalement différent, compte tenu du contexte législatif que vous avez évoqué, mon cher collègue. Mais l’amendement étant présenté globalement, il ne saurait être accepté.

Je pense que la balle est dans le camp du ministre.

Il faut absolument traiter la situation actuelle. On peut le faire en mettant en place la solution votée par le législateur en 2011, et qui consiste à désigner des greffiers de tribunaux de commerce pour assurer le greffe de ces juridictions et pour accéder aux standards de qualité, de fiabilité, de rapidité que nous connaissons dans l’Hexagone.

En un mot, il suffirait d’appliquer la loi que nous avions votée pour les territoires d’outre-mer, et vous auriez satisfaction, mon cher collègue ! Mais cette loi n’a pas été appliquée.

Pour ma part, je ne peux que défendre ce que le Sénat a voté. Appliquons la loi qui existe et le problème sera résolu ! Mais on ne pourra pas le résoudre par la technique que vous proposez.

Il est vrai que le fait d’être « embarqué », si j’ose dire, dans le même amendement pénalise Saint-Barthélemy. Ce territoire connaît en effet un régime quelque peu différent, que vous aviez d’ailleurs présenté, à titre personnel, dans un amendement qui a été déclaré irrecevable en application de l’article 40.

La solution de votre problème, mon cher collègue, est entre les mains du Gouvernement, tout au moins pour l’instant. Nous allons donc entendre avec intérêt la réponse du ministre....

M. Roger Karoutchi. Moi qui croyais que Saint-Barthélemy faisait rêver...

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme l’a dit M. le rapporteur, il s’agit bien là de la constitution du registre et de l’enregistrement des actes.

Sur ce volet, la loi Lurel avait permis une organisation plus souple en autorisant notamment les CCI, sous le contrôle du greffier public, de procéder à ces opérations.

Je rassure pleinement M. le rapporteur, qui n’a peut-être pas tout à fait saisi l’articulation avec la loi Lurel : la supervision du greffier public garantit l’absence de conflit d’intérêts. Il ne s’agit pas, en l’espèce, que chacun puisse faire n’importe quoi !

Compte tenu du caractère difficultueux de la situation et des aménagements prévus par la loi Lurel, le texte du Gouvernement prévoyait de lancer une expérimentation en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Malheureusement, cette partie de la proposition gouvernementale n’a pas été retenue par la commission spéciale.

Quoi qu’il en soit, je n’aurais pas soutenu ici l’extension de cette expérimentation à d’autres territoires ultramarins, car il convient de la limiter à quelques-uns pour bien observer comment fonctionne le dispositif.

Ma collègue Christiane Taubira est pleinement mobilisée sur ce sujet, qu’elle connaît bien. Nous allons donc poursuivre l’expérimentation, sur la base de la loi Lurel, dans ces trois départements, et réfléchir aux moyens qui peuvent être dégagés pour résoudre ce problème réel que vous avez évoqué au travers de votre amendement, monsieur le sénateur, et dont nous sommes pleinement conscients.

Je le répète, ce problème est connu. Un cadre a été défini par la loi Lurel et une expérimentation sera donc menée. Mais, par définition, celle-ci ne peut être dans un premier temps généralisée à tous les territoires.

À la lumière de ces informations, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Compte tenu des précisions qui viennent d’être apportées par M. le ministre, au terme, d’ailleurs, d’un exposé des motifs qui n’était pas tout à fait le mien, la solution est, hélas - tout au moins dans l’immédiat -, le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Magras, l’amendement n° 299 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Michel Magras. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez compris que la démarche de Saint Barthélemy s’expliquait, au départ, par son statut. (M. Jean-Jacques Hyest opine.) Collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, elle s’administre librement, une libre administration que garantit l’État.

Or nous avons la compétence fiscale. Et c’est là que réside le nœud du problème, car je ne peux pas accéder au fichier regroupant les informations fiscales relatives à un certain nombre d’entreprises.

Il a été rappelé que la loi Lurel avait prévu une solution, mais qu’elle n’a pas été suivie d’effet.

Je suis prêt à en apporter la preuve, la démarche que Saint Barthélemy appelle de ses vœux, qui est spécifique et ne peut en aucun cas être assimilée à celle des DOM, ne portera atteinte ni au métier de greffier, ni aux tribunaux de commerce, ni à l’État. Elle ne servira pas davantage de tremplin pour une généralisation à l’ensemble du territoire.

J’ai noté, monsieur le ministre, que la porte était ouverte et que la discussion se poursuivrait. Dans ce cadre, je me tiens à la disposition du ministère compétent, celui de la justice. Je suis prêt à venir expliquer, débattre, convaincre, démontrer et apporter toutes les garanties que vous souhaitez pour que vous nous fassiez confiance et que vous nous autorisiez à assurer cette gestion matérielle.

J’ai aussi noté que la démarche expérimentale était destinée à être maintenue devant l’Assemblée nationale. J’aurais aimé que la navette parlementaire nous permette de régler concrètement la situation de Saint-Barthélemy. À défaut, c’est-à-dire en restant dans le flou, nous n’aurons pas avancé.

Je vais retirer mon amendement, car les engagements du ministre sont de nature à nous donner confiance. J’espère que, durant la navette, ou à tout le moins avant l’aboutissement de la discussion du projet de loi, nous parviendrons à trouver une solution concrète pour Saint-Barthélemy.

Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 299 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote sur l’article.

M. Jean-Claude Requier. S’il n’avait pas été retiré, j’aurais voté l’amendement de Michel Magras.

Le groupe du RDSE souhaitait en effet que soit confiée, à titre expérimental, à la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, la CCISM, la gestion matérielle du registre du commerce et des sociétés du ressort territorial de Saint-Martin. Hélas, l’amendement de notre collègue Guillaume Arnell a été déclaré irrecevable...

Saint-Martin connaît un statut particulier. Le tribunal mixte de commerce de Basse-Terre connaît des dysfonctionnements majeurs et récurrents, et aucun délai réglementaire n’est respecté, que ce soit pour l’accomplissement des formalités, les procédures de relance, la réalisation des publicités légales ou encore la délivrance des actes.

Ainsi, les entreprises de Saint-Martin sont doublement pénalisées, d’une part, par l’engorgement du greffe du tribunal mixte de commerce – le délai moyen de traitement d’une demande d’immatriculation est de un à trois mois, et le délai moyen de demande de modification ou de radiation de un à six mois ! – et, d’autre part, par la double insularité de Saint-Martin, qui constitue un handicap structurel, puisque les chefs d’entreprise saint-martinois doivent se rendre par avion en Guadeloupe afin d’y effectuer toutes les formalités relatives à leur entreprise. Voilà pourquoi nous voulions que Saint-Martin récupère cette compétence de gestion.

À défaut de pouvoir voter l’amendement de Michel Magras, nous voterons tout de même l’article 19.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l’article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vais utiliser le même subterfuge que Jean-Claude Requier pour dire ma préoccupation, et ma frustration, à la suite du retrait de cet amendement.

Pourquoi était-il utile de consentir à une telle expérimentation ? Tout simplement pour raccourcir les délais de traitement !

Toutes les parties concernées, y compris la commission spéciale, reconnaissent les dysfonctionnements. Il faut parfois attendre plusieurs mois pour de simples formalités, telles que l’immatriculation d’une société, le dépôt d’actes ou de pièces, ou la demande d’extraits Kbis. Est-ce normal ? Après tout, l’intitulé du présent projet de loi fait tout de même référence à « l’égalité des chances économiques » !

Pourquoi des sociétés, au motif qu’elles sont implantées outre-mer, devraient-elles attendre deux ou trois fois plus longtemps que leurs homologues de France continentale pour obtenir les mêmes documents ? Comment peut-on parler de « croissance » ou d’« activité » outre-mer quand les entreprises connaissent une telle insécurité juridique ?

Tous les moyens doivent donc être mis en œuvre pour que cesse cette situation. Un amendement allant dans ce sens avait été déposé par notre collègue Paul Vergès, mais il avait également été écarté en application de l’article 40. À notre sens, il s’agit là d’une application extrêmement rigoureuse – le mot est faible ! – de l’esprit de l’article 40.

Je déplore donc que cet amendement ait été retiré.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je confirme à M. Magras l’engagement du Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 20 bis

Article 20

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 811-5 est ainsi modifié :

a) Le début du 5° est ainsi rédigé : « D’une part, être titulaire du diplôme de master en administration et liquidation d’entreprises en difficulté ou avoir subi avec succès l’examen d’accès au stage professionnel et, d’autre part, avoir accompli ... [le reste sans changement] » ;

b) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, ainsi que, sur décision de la commission, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire. » ;

2° L’article L. 812-3 est ainsi modifié :

a) Le début du 5° est ainsi rédigé : « D’une part, être titulaire du diplôme de master en administration et liquidation d’entreprises en difficulté ou avoir subi avec succès l’examen d’accès au stage professionnel et, d’autre part, avoir accompli ... [le reste sans changement] » ;

b) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, ainsi que, sur décision de la commission, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions de mandataire judiciaire. »

bis (Non modifié). – L’article L. 811-5 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.

II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :

1° Créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de façon progressive, en prenant en considération les règles de déontologie, les incompatibilités et risques de conflits d’intérêts propres à l’exercice des missions de chaque profession concernée, ainsi que les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions ;

2° (Supprimé)

III. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer, par la voie du concours, en fixant les conditions financières de cette mesure, le recrutement des greffiers de tribunaux de commerce.

Mme la présidente. L’amendement n° 1620, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de commerce est ainsi modifié:

1° L’article L. 811-5 est ainsi modifié :

a) Au début du 5°, sont ajoutés les mots : « Être titulaire du diplôme de master en administration et liquidation d’entreprises en difficulté et remplir des conditions d’expérience ou de stage, ou » ;

b) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire. Ce décret précise également les conditions d’expérience ou de stage requises pour l’inscription sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent article, en complément de la détention du diplôme visé au 5°. » ;

2° L’article L. 812-3 est ainsi modifié :

a) Au début du 5°, sont ajoutés les mots : « Être titulaire du diplôme de master en administration et liquidation d’entreprises en difficulté et remplir des conditions d’expérience ou de stage fixées par voie réglementaire, ou » ;

b) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de compétence et d’expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l’examen d’accès au stage professionnel, de tout ou partie du stage professionnel et de tout ou partie de l’examen d’aptitude aux fonctions de mandataire judiciaire. Ce décret précise également les conditions d’expérience ou de stage requises pour l’inscription sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent article, en complément de la détention du diplôme visé au 5°. »

II. – L’article L. 811-5 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.

III. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de façon progressive, en prenant en considération les incompatibilités et risques de conflits d’intérêts propres à l’exercice des missions de chaque profession concernée.

IV. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer, par la voie du concours, en fixant les conditions financières de cette mesure, le recrutement des greffiers de tribunaux de commerce.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à préciser que, pour être inscrit sur les listes d’administrateurs judiciaires et de mandataires judiciaires, les titulaires du diplôme de master nouvellement créé devront remplir des conditions spécifiques d’expérience ou de stage.

Je remercie la commission spéciale d’avoir conservé l’essentiel du dispositif, proposé par le Gouvernement, d’habilitation à créer par ordonnance la profession de commissaire de justice. Elle a ainsi accepté de faire converger progressivement, dans un esprit de simplicité, deux professions – celle de commissaire-priseur judiciaire et celle d’huissier de justice – et de créer un concours d’accès aux offices de greffiers de tribunaux de commerce.

Les nouveaux modes d’accès aux fonctions d’administrateurs judiciaires et de mandataires de justice ont aussi été maintenus.

La commission spéciale a toutefois remis en cause deux éléments, que je souhaitais rétablir, sauf à durcir les conditions : la dispense de droit, c’est-à-dire l’octroi par une commission, qui peut pourtant avoir son utilité, et la dispense de stage et d’aptitude pour les titulaires du nouveau diplôme de master.

Tels sont les éléments que le présent amendement vise à rétablir. Leur nature est cependant beaucoup plus marginale que ce dont nous avons débattu précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement tend, globalement, à rétablir, ici encore, le texte de l’Assemblée nationale. C’est une forme de navette nouvelle et, vous l’admettrez, assez embryonnaire, monsieur le ministre !

L’amendement prévoit toutefois une modification dont on peut regretter qu’elle n’ait pas été mentionnée dans la présentation, quelque peu lapidaire, de l’amendement ; mais, en cette fin d’après-midi, il convient d’être consensuels...

Pour ce qui concerne le diplôme, la commission spéciale a levé toute ambiguïté, mais en adoptant une position différente et très claire : le diplôme de master ne dispenserait que de l’examen d’accès au stage professionnel.

En outre, la commission spéciale ne s’est absolument pas opposée à la validation des acquis de l’expérience. Elle a notamment accepté le principe de dispense totale de stage ou de diplôme, mais en posant une condition : que la commission d’inscription sur les listes d’administrateurs ou de mandataires judiciaires se prononce sur l’opportunité de telles dispenses.

Vous avez supprimé, monsieur le ministre, le rôle joué par cette commission dans la reconnaissance des acquis professionnels. Peut-être cette suppression est-elle quelque peu hâtive, car on ne peut pas taxer cette commission de partialité. Elle est en effet principalement composée de magistrats ou de représentants de l’État. De plus, vous ne trouverez aucune étude, aucun rapport, aucun article de presse – les médias sont pourtant friands de ce type d’informations – mettant en cause le travail de cette commission !

J’ajoute que l’on peine à comprendre, dans le système que votre gouvernement propose, comment sera contrôlée et appréciée la réalité de l’expérience professionnelle alléguée par le candidat qui va déposer son dossier d’inscription sur la liste des administrateurs et des mandataires de justice.

Peut-être pourrez-vous m’expliquer, monsieur le ministre, si celle-ci m’a échappé, la raison pour laquelle cette commission se trouve ainsi délestée d’une tâche qu’elle remplissait de manière tout à fait satisfaisante, et comment vous envisagez d’apprécier les conditions d’expérience et de stage…

Pour le reste, je le note, vous êtes satisfait que nous ayons validé la création d’une nouvelle profession, celle de commissaire de justice.

Pour la commission spéciale, cela peut parfaitement se concevoir.

En outre, la commission spéciale a ajouté une condition, à savoir la prise en compte des exigences de qualification propres à chacune de ces professions. J’avoue ne pas comprendre pourquoi le Gouvernement a supprimé une telle exigence qui, de toute façon, devra bien être prise en compte.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Même si cette matière ne m’est pas tout à fait familière, je note que la volonté du Gouvernement d’ouvrir les voies d’accès aux professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire est en quelque sorte contrecarrée par le verrou que met la commission spéciale en introduisant une condition.

M. François Pillet, corapporteur. Non !

Mme Nicole Bricq. Pourtant, ces deux professions sont touchées par un triple phénomène : un déficit de professionnels, une pyramide d’âge déclinante, une inégale répartition sur le territoire.

Le groupe socialiste partage, pour sa part, la démarche du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, la préoccupation que vous avez exprimée au nom de la commission spéciale porte sur le maintien du niveau d’exigence à l’entrée de ces professions. Il me semble que les conditions d’expérience ou de stage seront remplies par l’inscription sur les listes d’administrateurs judiciaires ou de mandataires judiciaires des titulaires du diplôme de master requis. Vous pouvez donc être rassuré.

C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe socialiste, je préfère la rédaction du Gouvernement à celle de la commission spéciale, qui est en contradiction avec la volonté d’ouvrir l’accès à ces professions.

Les professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire ont bien besoin d’un coup de jeune !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet article prévoit notamment de créer la profession de commissaire de justice à partir de deux professions : les commissaires-priseurs judiciaires, qui étaient en train de disparaître petit à petit, et les huissiers de justice, à qui l’on peut dire « Bravo ! », car ils ont bien réussi leur coup, eux…

En revanche, administrateur judiciaire ou mandataire judiciaire pour la liquidation des entreprises, ce n’est pas du tout le même métier ! On peut tout mélanger, vouloir tout simplifier, mais il faut être un petit peu sérieux, tout de même.

Monsieur le ministre, ce que vous proposez n’est pas nouveau ! Un ministre qui vous a précédé dans vos fonctions voulait, à l’époque où il était député, confier aux grands cabinets d’audit le soin d’exercer les fonctions de mandataire liquidateur. C’était un hasard, sans doute ! Cela n’est pas arrivé, car le cabinet Arthur Andersen était concerné par cette réforme et l’on s’était rendu compte que cela risquerait de provoquer des conflits d’intérêts. (M. Éric Doligé s’exclame.) Vous avez sans doute deviné de qui je parlais...

En matière de qualification, nous devons rester prudents : un master ne suffit pas. Devenir l’administrateur judiciaire, voire le mandataire liquidateur d’une grosse société requiert beaucoup d’expérience, des connaissances très solides, et n’est possible qu’après plusieurs années d’exercice. Ce n’est pas une question de diplômes.

Mme Nicole Bricq. Il y a tout de même un problème de nombre !

M. Jean-Jacques Hyest. J’en suis conscient, mais il se pose uniquement pour les mandataires judiciaires. Pour les administrateurs judiciaires, il y a ce qu’il faut !

En ouvrant, en facilitant les voies d’accès à ces professions, on risque de faire baisser la qualité des professionnels. C’est pourquoi la commission spéciale a eu raison de maintenir une certaine exigence, notamment en rétablissant la compétence de la commission nationale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1620.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 517 rectifié bis, présenté par Mme Férat, MM. Détraigne et Tandonnet, Mme Morin-Desailly, M. Guerriau, Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et Kern, Mme Gatel, MM. Bockel, Gabouty et Pozzo di Borgo, Mme Joissains, MM. D. Dubois, Roche et Namy, Mme Billon et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 9

Remplacer les mots :

de tout ou partie du stage professionnel

par les mots :

d’une partie du stage professionnel

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement de précision vise à préserver l'obligation de la réalisation d'un stage pour accéder à la profession de mandataire judiciaire. Le stage d'une durée minimum de trois ans est essentiel à la formation pratique des mandataires judiciaires.

Il semble donc utile de conserver ce stage, même si la durée peut être réduite au regard de l'expérience professionnelle du candidat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale considère que d’autres professionnels que les seuls administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires peuvent avoir acquis, au cours de leur vie professionnelle, les compétences requises pour être dispensés totalement du stage professionnel. C’est le cas de certains avocats, a fortiori lorsqu’ils sont spécialistes en ce domaine, des experts-comptables ou d’autres professionnels du droit ou du chiffre qui ont travaillé pendant de longues années aux côtés des intéressés et ont eu à connaître des contentieux et des procédures collectives.

Par ailleurs, lors de l’examen de l'amendement précédent, j’ai eu l’occasion de préciser que la commission nationale avait vocation à « filtrer » en quelque sorte les candidats en fonction de leur la compétence professionnelle. Voilà qui devrait vous rassurer, mon cher collègue.

Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.

M. Yves Détraigne. Je le retire, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 517 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 227 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 1069 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1419 rectifié bis est présenté par M. Tandonnet, Mme Joissains, MM. Gabouty, Bockel, Bonnecarrère, Canevet, Cigolotti, Delahaye et Détraigne, Mme Férat, MM. Guerriau, Kern, Longeot, Roche, Marseille, Namy, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 227 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Aujourd’hui, le titre de commissaire-priseur judiciaire est soumis à l’obtention de deux diplômes : un diplôme national en droit et un diplôme national en histoire de l’art ou arts appliqués ou archéologie ou arts plastiques, l’un de ces diplômes devant être d’un niveau licence, l’autre sanctionnant un niveau de formation correspondant à deux années d’études supérieures.

La plupart des candidats à l’examen d’accès ont un niveau supérieur aux prérequis et présentent un profil plus orienté vers le droit que vers l’histoire de l’art.

Les compétences en matière d’art sont essentielles à l’exercice des missions du commissaire-priseur judiciaire. Ce dernier est en effet l’officier public et ministériel chargé de procéder à l’expertise, la prisée et la vente judiciaire aux enchères publiques des meubles et effets mobiliers corporels. Il est le seul professionnel spécifiquement formé pour ce faire.

Avec cet article, les huissiers de justice se verraient octroyer le droit d’effectuer de plein droit et sans restriction des inventaires, des prisées et des ventes aux enchères publiques, sans avoir été formés spécifiquement pour cette mission.

Nous nous posons par conséquent la question de la faisabilité, au même titre que de la légitimité, de la fusion de ces deux professions, lesquelles, en dépit de quelques recoupements, n’ont pas du tout les mêmes domaines d’intervention.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 1069.

Mme Laurence Cohen. Sur la forme, nul besoin de rappeler que le groupe CRC est, par principe, hostile aux ordonnances !

Sur le fond, cet amendement vise à remettre en cause le regroupement des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en une profession unique. En effet, les missions de ces professions font appel à des compétences distinctes, sanctionnées par des diplômes ou des qualifications professionnelles propres, et il convient, pour la qualité du service rendu, de les maintenir séparées.

Les commissaires-priseurs judiciaires sont des officiers publics chargés de procéder à l’expertise, la prisée et la vente judiciaire aux enchères des meubles et effets mobiliers corporels.

Amenés à évaluer des œuvres d’art tout comme à intervenir dans le champ du droit, ils doivent posséder un double diplôme d’histoire de l’art et de droit. Ils doivent se présenter à l’examen d’accès à la formation professionnelle, effectuer un stage de deux ans qui sera de nouveau sanctionné par un examen permettant d’exercer.

Ils sont aujourd’hui au nombre de 412 sur tout le territoire et répondent à des exigences de qualification qui garantissent une certaine qualité dans l’exécution de leurs missions.

Les huissiers de justice ont, eux, pour mission d’exécuter les décisions de justice et de délivrer des actes. Ils signifient ainsi aux personnes intéressées les actes judiciaires, tels que les assignations à comparaître devant un tribunal ou les décisions de justice qui les concernent. Ils peuvent également procéder aux saisies mobilières ou immobilières en exécution de décisions de justice et assurer le déroulement des audiences au sein des tribunaux.

Il me semblait important de rappeler ces définitions.

Si les huissiers de justice peuvent effectuer des ventes publiques volontaires ou judiciaires à titre accessoire quand il n’y a pas de commissaires-priseurs judiciaires dans leur circonscription, ils ne sont pas précisément formés pour cela.

Nous souhaitons donc supprimer cet alinéa qui, in fine, aboutira à la suppression des compétences spécifiques des commissaires-priseurs judiciaires, peu nombreux et moins présents que les huissiers de justice.

En outre, cette profession unique ne fait pas l’unanimité chez les huissiers de justice. Quant aux représentants de la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires, ils ont clairement exprimé leur opposition en soulignant combien l’évaluation des biens, qui nécessite une formation initiale, constituait le cœur de leur métier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour présenter l'amendement n° 1419 rectifié bis.

Mme Sophie Joissains. Loin de simplifier et de permettre un meilleur accès au droit, la création d’une profession unique de commissaire de justice n’apportera aucune valeur ajoutée par rapport au système actuel. En effet, la compétence territoriale des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires est différente, départementale pour les premiers, nationale pour les seconds.

L’organisation professionnelle, la déontologie et les statuts des deux professions sont différents. Ainsi, les commissaires-priseurs judiciaires exercent dans une même structure et avec le même personnel aussi bien une activité de vente volontaire qu’une activité de vente judiciaire. Les huissiers de justice n’exercent pas d’activité commerciale.

Enfin, l’arrivée massive et instantanée de nouveaux concurrents dans les grandes métropoles où sont principalement installés les commissaires-priseurs judiciaires mettra en péril les études d’huissier de justice existantes.

Il me semble instructif de rappeler ce qui s’est passé en 1991 lors de la fusion des conseillers juridiques et des avocats. En guise de fusion, ce fut la confusion totale, avec bien des conséquences sur le plan déontologique. Aujourd'hui encore, on s’en mord les doigts !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements tendant à la suppression des alinéas 11 et 12 de l’article 20.

Il est vrai que les commissaires-priseurs judiciaires n’ont pas exulté en découvrant le texte du Gouvernement. Toutefois, lors des auditions que j’ai organisées, j’ai relevé qu’ils tenaient particulièrement à ce que les exigences de qualification propres à chaque profession soient préservées. C’est bien cette garantie que j’ai proposée à la commission spéciale, et c’est d’ailleurs ce qui manque à l’amendement n° 1620 du Gouvernement, puisque n’y figure plus, au titre de l’habilitation, l’obligation de veiller à la spécificité de chacune de ces professions, qu’il s’agisse d’expérience ou de qualification.

Actuellement, un huissier de justice peut être nommé commissaire-priseur judiciaire. De fait, c’est une activité qu’il est susceptible d’exercer. Par conséquent, la réforme des ventes judiciaires n’a rien d’une révolution, à condition toutefois que l’on conserve, dans l’article d’habilitation, l’obligation pour le Gouvernement de veiller à ce que les compétences soient garanties pour exercer cette profession.

Madame Joissains, vous avez évoqué la fusion des professions d’avocat et de conseil juridique en 1991. Finalement, qu’est-ce que cette réforme a changé ? Les conseils juridiques ont désormais le titre d’avocat et les avocats ont conservé leur titre. Le jeu des spécialités a fait que les avocats « de souche » ne sont pas devenus conseils juridiques et que les conseils juridiques « de souche » ne sont pas devenus des avocats spécialisés en droit pénal ou en droit de la famille.

La réforme n’a pas non plus changé grand-chose pour ce qui est des formations. Lorsque les étudiants arrivent dans les écoles d’avocats, les anciens centres de formation professionnelle, ils sont titulaires soit d’un diplôme de juriste conseil d’entreprise, soit d’un master professions judiciaires. De fait, les uns n’exercent pas le métier des autres. Un avocat ne peut pas faire à la fois du droit de la famille, du droit pénal et du droit des sociétés. Il doit se spécialiser. Quelqu’un qui souhaiterait exercer sous un même titre l’ensemble de ces spécialités serait en fait omni-incompétent.

La fusion n’a donc pas entamé la spécificité de chacune des professions ; elle l’a même conservée.

La fusion qui vous est aujourd'hui proposée permettra également à chacune des professions concernées de conserver sa spécificité, car on ne s’improvise pas vendeur de tableaux, vendeur de meubles ou d’autres objets d’art. Les commissaires de justice exerceront, sous un titre unique, des spécialités différentes.

Je tenais à aller au-delà de l’avis défavorable classique et un peu brutal, chers collègues, et à vous donner des explications un peu détaillées.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 227 rectifié, 1069 et 1419 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1070, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous l’avons dit, nous sommes hostiles aux ordonnances, car elles confisquent totalement le débat parlementaire. Or l’article 20 – nous sommes gâtés ! – comporte deux demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.

Nous nous interrogeons sur la pertinence, ici, de ces ordonnances. En quoi la situation est-elle urgente ? Pourquoi ne pas soumettre vos propositions au débat parlementaire, monsieur le ministre ? Quelles sont les finalités du regroupement de métiers que vous proposez ? Telles sont les questions que nous nous posons. Vous nous demandez de signer un chèque en blanc, alors que nous n’avons pas les précisions nécessaires sur ce projet.

J’en viens maintenant au fond, monsieur le ministre. J’ai lu et entendu vos réponses aux questions de nos collègues députés à l’Assemblée nationale. Ainsi, nous n’aurions pas affaire à une véritable fusion. L’affirmation est intéressante, sachant que l’article 20 prévoit de « créer une profession de commissaire de justice fusionnant les professions d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires ». Y aurait-il une subtilité qui nous aurait échappé ?

J’entends aussi l’argument selon lequel les deux professions ont une base commune et peuvent, lorsqu’elles travaillent en synergie, avoir une efficacité importante pour nos concitoyens. Pourtant, je reste persuadée, comme l’ensemble des membres du groupe CRC, que la création de grands cabinets interprofessionnels, à l’anglo-saxonne, provoquera de réels problèmes d’indépendance et d’impartialité.

Ce sujet mériterait un débat plus approfondi, mais vous souhaitez aller vite. Permettez-moi néanmoins d’évoquer les questions et les craintes qu’il suscite.

La création de ce nouveau métier commun conduira à une atomisation du marché et à une multiplication par dix des acteurs concernés. Cet état de fait est problématique. Comment certifier la qualité du service pour un citoyen ?

En outre, cette création pose aussi la question de la course à la réduction des coûts pour les professionnels devant affronter une grande concurrence. Le risque de voir les petites structures mourir petit à petit au profit des plus grosses est réel.

Par cet amendement, nous vous demandons donc, chers collègues, de supprimer l’alinéa 14, afin de ne pas aller dans le sens qui est proposé par le Gouvernement.

Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 564 rectifié est présenté par MM. A. Marc et Commeinhes.

L'amendement n° 602 est présenté par M. Hyest.

L'amendement n° 690 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, M. Calvet, Mme Deromedi, M. B. Fournier, Mme Mélot et MM. Milon, Pierre, de Raincourt, Revet et Vasselle.

L'amendement n° 1347 est présenté par MM. Guerriau, Kern, Bonnecarrère et Longeot, Mme Morin-Desailly et M. Cadic.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

en cas de création ou de vacance d'offices

Les amendements nos 564 rectifié et 602 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l'amendement n° 690 rectifié bis.

Mme Colette Mélot. L’article 20 du projet de loi autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer le recrutement des greffiers des tribunaux de commerce par la voie du concours, en en fixant les conditions financières.

Le droit positif permet à toute personne remplissant les conditions d’aptitude et ayant accompli un stage professionnel dans un greffe de tribunal de commerce d’accéder à la profession de greffier de tribunal de commerce.

Tel qu’il est rédigé, l’article 20 n’apparaît pas compatible avec le statut d’officier public et ministériel des greffiers des tribunaux de commerce et le mode d’exercice libéral de leur profession, et ce pour plusieurs raisons.

D’une part, le terme « recrutement » fait référence à l’emploi de fonctionnaires alors que le greffier titulaire d’un office est un professionnel libéral. L’accès à la profession de greffier s’effectue, une fois les conditions de stage et d’examen remplies, par l’acquisition d’un greffe ou de parts sociales d’une personne morale titulaire d’un greffe.

Le mode d’accès préconisé par le Gouvernement se heurte donc aux principes de l’intuitu personae et de l’affectio societatis. Ces principes sont au cœur de toute cession, en particulier lorsque le greffe est géré par plusieurs greffiers.

D’autre part, la voie du concours est également critiquable, car elle conduirait l’État à fixer chaque année le nombre de lauréats devant être admis au concours et imposerait ainsi aux potentiels cédants un « vivier » de cessionnaires.

Cette disposition se heurte également au principe de l’affectio societatis et au libre choix du cessionnaire dont doit pouvoir bénéficier le cédant. Cette liberté ne fait d’ailleurs pas obstacle à l’égalité d’accès aux fonctions de greffier de tribunal de commerce dont l’examen d’aptitude constitue la garantie. L’accès à la profession par la voie du concours public n’est compatible avec ce statut qu’en l’absence de cessions.

Pour ces motifs, il existe un réel risque de censure par le Conseil constitutionnel. Compte tenu de ces éléments, la voie du concours ne peut se justifier qu’en cas de création ou de vacances d’offices.

Mme la présidente. L'amendement n° 1347 n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 1070 et 690 rectifié bis ?

M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 1070 vise à supprimer l’habilitation à réformer le mode de recrutement des greffiers de tribunaux de commerce en privilégiant la voie du concours. La commission spéciale ayant considéré que le champ de cette habilitation était bien délimité – elle l’a d’ailleurs elle-même précisé –, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

La commission spéciale émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 690 rectifié bis, car elle souhaite privilégier la voie du concours.

La création d’un concours pour accéder aux fonctions de greffier de tribunal de commerce vise à remédier à certains défauts du système actuel, lequel aboutit à une concentration des greffes, comme cela est décrit dans le rapport de l’Inspection générale des finances, auquel je vous renvoie. L’Inspection fait des constatations assez désagréables pour qui pense que le mérite est le principal moyen de réussir dans notre société…

Il semble que, dans l’intention du Gouvernement, la mesure concernera non seulement la création ou la vacance d’offices, mais aussi, le cas échéant, l’association au sein d’offices existants, les candidats étant classés par ordre de mérite.

En effet, limiter la mesure aux seuls offices vacants ou à créer reviendrait en réalité à la supprimer car, compte tenu du très faible nombre d’offices – il ne peut y en avoir qu’un par tribunal de grande instance –, un office vacant est un office dont personne ne veut. Il n’est dès lors pas nécessaire de créer un concours.

J’ajoute qu’il est peu probable que de nouveaux TGI soient créés en France métropolitaine – même si certains renaissent de leurs cendres… – et entraînent la création de nouveaux offices.

Le Gouvernement fournira sans doute aux auteurs des amendements des précisions sur ses intentions, qui les convaincront de retirer leurs amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Madame Mélot, l'amendement n° 690 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Non, je vais le retirer, madame la présidente, compte tenu du fait que, selon M. le rapporteur, le nombre de cas risquant de se présenter sera très faible. Je souhaite néanmoins que des aménagements soient apportés afin de tenir compte des arguments que nous avons développés.

Je retire l’amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 690 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1070.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20.

(L'article 20 est adopté.)

Article 20
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 20 ter (supprimé)

Article 20 bis

L’article 22 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable est ainsi modifié :

1° Le septième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Ils peuvent également, sans pouvoir en faire l’objet principal de leur activité :

« - effectuer toutes études ou tous travaux d’ordre statistique, économique et administratif et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise ;

« - donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d’ordre juridique, fiscal ou social et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise, mais seulement s’il s’agit d’entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d’ordre comptable de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdites consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés. » ;

2° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 235 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 289 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Savary, Guerriau, Kern, Longeot et Canevet, Mme Loisier, MM. Bockel, Roche, Marseille, Pozzo di Borgo et Jarlier, Mme Joissains et M. Namy.

L'amendement n° 1341 est présenté par M. Grand.

L'amendement n° 1441 est présenté par M. Bouvard.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 235 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Par le présent amendement, nous proposons la suppression de l’extension infondée du périmètre des compétences des experts-comptables.

L’article 20 bis issu des travaux l’Assemblée nationale redéfinissait les prérogatives des experts-comptables. Ceux-ci sont soumis, pour les activités autres que comptables, à la règle du « double accessoire » : ils ne sont autorisés à pratiquer ces activités – consultations ou travaux administratifs, économiques, statistiques, juridiques – que si elles restent accessoires et si elles sont effectuées à l’occasion d’une mission comptable.

L’article 20 bis, introduit sur l’initiative du Gouvernement, levait cette seconde contrainte, sauf pour les prestations juridiques.

La guerre du droit et du chiffre serait donc rallumée... Le chiffre a gagné la bataille à l’Assemblée nationale, mais nous espérons qu’il ne gagnera pas la guerre ici !

Comme l’a souligné la commission Darrois dans son rapport, la notion d’activité à titre accessoire n’a fait l’objet d’aucune définition précise par le législateur et a, en conséquence, donné lieu à de nombreux conflits.

La profession d’expert-comptable occupe une place stratégique auprès des entreprises, de par sa mission d’appréciation et de révision des comptes, avec laquelle interfèrent des problèmes de droit fiscal, social ou commercial.

Le rapport soulignait déjà en 2009 que, la profession ayant développé la formation juridique de ses impétrants, elle tentait régulièrement d’être inscrite sur la liste des professions réglementées habilitées à pratiquer la consultation juridique et la rédaction d’actes à titre principal.

La commission Darrois, s’étant penchée sur ce sujet, avait conclu que la consultation juridique devait demeurer spécifique et qu’elle nécessitait, de ce fait, certaines exigences en matière de formation, que la profession d’expert-comptable ne remplit pas et n’est pas destinée à remplir.

Une réflexion aurait pu être menée par le législateur pour préciser ce qu’est l’« accessoire » d’une mission comptable.

Le rapport précité proposait que cette définition se rattache, individuellement ou cumulativement, à des notions de temps – temps global consacré à la pratique du conseil – et de volume d’activité – nombre de dossiers –, ou encore à la part du chiffre d’affaires réalisée en la matière. Il excluait également du champ de l’accessoire la rédaction d’actes sans l’intervention d’un membre d’une profession réglementée, sauf dans certaines matières prédéfinies – l’établissement de contrats de travail, par exemple.

Convaincus que la consultation juridique relève d’un métier à part entière et requiert une formation, nous vous invitons, chers collègues, à supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 289 rectifié bis.

M. Yves Détraigne. Cet amendement vise également à supprimer l'article 20 bis, qui prévoit d'étendre le champ des activités que les experts-comptables peuvent effectuer à titre accessoire, sans qu'elles se rattachent par ailleurs à une mission comptable qui leur soit assignée.

Il paraît nécessaire de maintenir les périmètres actuels des compétences des différentes professions du chiffre et du droit s'agissant des questions juridiques. Les deux professions n'ont en effet pas les mêmes règles de fonctionnement concernant la déontologie, le secret professionnel et les conflits d'intérêts.

Bien que l’article ait été modifié par M. le rapporteur de la commission spéciale, il présente un risque d'éviction réel de l'avocat au profit de l'expert-comptable.

Le système actuellement en vigueur fonctionne de façon satisfaisante. La jurisprudence qui s’est développée sur cette base est parvenue à un équilibre permettant aux différents professionnels de travailler en bonne entente, et surtout aux clients de bénéficier de conseils de qualité, chacun intervenant dans son domaine de compétence : la comptabilité pour les uns, le droit pour les autres.

Les auteurs du présent amendement ne comprennent donc pas l'intérêt de remettre en cause ce système. Le risque est de placer les clients dans une certaine insécurité juridique, car ils bénéficieront alors de conseils en droit sans les garanties de compétence qu’apportent les avocats, lesquels se consacrent exclusivement au droit.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l'amendement n° 1341.

M. Jean-Pierre Grand. Bien qu’il ait été réécrit par la commission spéciale, je vous propose de supprimer l’article 20 bis. En effet, cet article donne de nouveaux droits aux experts-comptables au détriment des avocats, et risque d’inciter ces derniers à déserter les petites villes ou les villes de moyenne importance pour se concentrer dans les grandes villes.

Mme la présidente. L’amendement n° 1441 n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?

M. François Pillet, corapporteur. Ces amendements de suppression traitent d’une question qui est très souvent en débat, celle de la levée de la règle dite du « double accessoire » pour certaines prestations des experts-comptables.

Cette règle se traduit par l’interdiction, pour ces professionnels, de réaliser d’autres prestations que les prestations comptables à moins, d’une part, que cette activité ne soit marginale au regard de leur activité principale, et que, d’autre part, elle ne soit effectuée à l’occasion d’une mission comptable ou pour le compte d’un client ayant sollicité l’activité comptable du professionnel.

Le dispositif, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, levait cette seconde réserve pour tous les travaux non juridiques « d’ordre statistique, économique, administratif, social et fiscal ». En revanche, elle était maintenue pour les travaux juridiques.

Or la commission spéciale a observé que, en dehors de l’accomplissement de formalités déclaratives, comme l’édition des bulletins de paie ou la rédaction de déclarations d’impôts, que les experts-comptables peuvent d’ores et déjà accomplir à titre principal, il est difficile de cerner la nature exacte de travaux fiscaux ou sociaux non juridiques. En effet, en ces matières, il est avant tout question d’appliquer une règle de droit, qu’il soit social ou fiscal, et de conseiller le client en conséquence.

La commission spéciale a donc modifié l’article 20 bis pour limiter la levée de la restriction aux seules prestations « d’ordre statistique, économique ou administratif ». Cette rédaction devrait éviter de rallumer la guerre du chiffre et du droit, en conservant une avancée notable au bénéfice des experts-comptables.

Mes chers collègues, je vous invite à retirer vos amendements après avoir, je l’espère, levé les inquiétudes que vous avez exprimées.

Dans la suite de nos débats, le Gouvernement présentera un amendement tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article, amendement modifié par la commission spéciale. Au cours de ses travaux, la commission a estimé que le Gouvernement améliorait ainsi la rédaction de l’article en apportant des précisions utiles.

Je vous inviterai par conséquent, mes chers collègues, à adopter cet amendement qui, en outre, a reçu l’aval tant des avocats, par l’intermédiaire du Conseil national des barreaux, que des experts-comptables, ce que M. le ministre aura l’occasion de vous confirmer.

Si les deux professions ont réellement trouvé un accord sur cet amendement, toute difficulté est donc levée et vos amendements de suppression peuvent être retirés.

Lorsque la commission spéciale et le Gouvernement consentent des efforts communs, les choses avancent !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Quel était l’objectif du Gouvernement ? Il s’agissait de permettre aux experts-comptables, sans toucher aux règles existantes de l’accessoire, de réaliser certains actes – par exemple, établir des fiches de paie ou la déclaration relative au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE - pour le compte d’acteurs économiques dont ils n’étaient pas les comptables réguliers.

Nous souhaitions donner un statut aux travaux fiscaux et sociaux non juridiques que je viens d’évoquer. La rédaction de l’ordonnance de 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et de la loi de 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ne le permettait pas entièrement jusqu’ici. Nous avons cherché à créer un espace sans pour autant ranimer la guerre qu’évoquait M. Requier entre les professions du chiffre et du droit.

Le Gouvernement invite donc au retrait de ces amendements de suppression, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

Pour plus de clarté, madame la présidente, j’exposerai dès à présent l’objet de l’amendement n° 1624 du Gouvernement, dont vient de parler M. le rapporteur, et qui est maintenant l’amendement n° 1624 rectifié.

À la lumière des discussions qui se sont déroulées devant la commission spéciale, et après avoir réuni les professionnels du chiffre et du droit, nous avons en effet trouvé une rédaction de l’article 20 bis qui convient à tout le monde.

Tout d’abord, notre amendement réintroduit une référence explicite à la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, afin de définir de façon précise l’accessoire direct de la prestation fournie et d’en redonner le cadre.

Ensuite, il définit les travaux et études en matière fiscale ou sociale que les experts-comptables sont autorisés à fournir à des personnes pour lesquelles ils ne réalisent pas de travaux comptables et qui ne peuvent être qu’administratifs ou techniques.

En aucune manière un expert-comptable ne pourra réaliser en matière fiscale ou sociale des consultations juridiques ou des actes sous seing privé auprès d’un client pour lequel il n’effectue pas également des travaux comptables. Et s’il effectue des travaux comptables pour un client, l’expert-comptable est alors soumis à l’a règle de l’accessoire de la loi de 1971 que nous rappelons ici.

Le Gouvernement clarifie ainsi cet article en identifiant les actes techniques et administratifs qui, sans être inscrits dans le cadre d’un mandat, peuvent être effectués par le comptable et qui ne sauraient en quoi que ce soit être des consultations juridiques.

Le Gouvernement a ainsi su tirer profit de ses nombreux échanges avec la commission spéciale, ainsi que de l’éclairage des professions du droit et du chiffre, qui ont su s’accorder, pour aboutir à un cet amendement. Il s’agit, de manière pragmatique, d’ouvrir un petit espace permettant aux experts-comptables de travailler plus simplement et aux entreprises d’avoir accès à ces prestations sans pour autant raviver une guerre inutile.

À ceux qui ont argué de ces difficultés pour justifier leurs amendements de suppression, je tiens à dire que nous avons entendu leurs préoccupations. Nous avons mené des concertations qui ont abouti la semaine dernière et qui, si elles étaient intervenues plus tôt, nous auraient sans doute permis de « coproduire » cette rédaction avec la commission spéciale, car M. le rapporteur et moi-même étions animés du même esprit.

Le Gouvernement et la commission ont heureusement su poursuivre leur travail dans un esprit constructif : l’amendement n° 1624 rectifié en est le résultat.

Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 235 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l’amendement n° 289 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Je maintiens également mon amendement.

Mme la présidente. Monsieur Grand, l’amendement n° 1341 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1341 est retiré.

La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Dans la mesure où cela pourrait rassurer certains de mes collègues, je tiens à préciser d’emblée que l’amendement n° 1624 du Gouvernement a été rectifié à la suite d’une demande de votre commission spéciale. Nous avons proposé deux rectifications, mineures, qui ont été acceptées par M. le ministre et qui me semblent mettre définitivement un terme au débat avec le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 235 rectifié et 289 rectifié bis.

M. Jean-Marc Gabouty. Je comprends tout à fait les arguments de notre collègue Yves Détraigne, mais je pense que les garanties apportées sont suffisantes, étant donné que les experts-comptables et les commissaires aux comptes acquièrent une véritable expertise dans de nombreux domaines lorsqu’ils sont des conseillers permanents de l’entreprise.

Au niveau de l’entreprise, il existe en effet une continuité : les domaines comptable, fiscal et social ne sont pas séparés et forment un tout.

Ces professions sont présentes lors des conseils d’administration ou des assemblées générales. Elles doivent donc avoir un champ de compétences relativement large.

Il est un peu illusoire de vouloir empêcher les experts-comptables, souvent liés à la même structure d’entreprise que les professionnels du droit, mais à un autre titre, de réaliser des missions dans les domaines fiscal et social. Certes, ils n’ont pas à représenter l’entreprise juridiquement, mais ils doivent l’accompagner car le comptable, le fiscal et le social ont de fait des implications juridiques.

Il est plus opérationnel de procéder ainsi que de réunir deux professions différentes dans laquelle chacune garderait complètement sa spécificité, comme précédemment avec la création de la profession de commissaire de justice. Ce n’est pas en faisant appel à des compétences multiples que l’on créera pour autant un appel d’air en termes de candidatures.

Malgré les réticences compréhensibles de notre collègue Yves Détraigne, la position du Gouvernement et de la commission spéciale sur cet article me semble raisonnable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 235 rectifié et 289 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements en discussion commune.

L'amendement n° 1624 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Ils peuvent également, sans toutefois en faire leur activité principale, effectuer tous travaux et études d’ordre statistique, économique, administratif, ainsi que tous travaux et études à caractère administratif ou technique, dans le domaine social et fiscal, et apporter, en ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise.

« Ils ne peuvent réaliser les activités prévues à l’article 59 de la loi n° 71–1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, y compris dans le domaine social et fiscal, qu’au profit de personnes pour lesquelles ils assurent des missions prévues à l’article 2 de la présente ordonnance de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdites activités sont directement liées à ces missions. » ;

II. – Alinéa 6

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

quatre

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai dit précédemment, la commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. L’amendement n° 1444 n'est pas soutenu.

Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 502 rectifié ter est présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mmes Kammermann et Garriaud–Maylam, MM. Calvet, Charon, Commeinhes, Laufoaulu et Magras, Mme Mélot et M. Milon.

L'amendement n° 1071 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1473 est présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé et Dantec.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 502 rectifié ter.

Mme Jacky Deromedi. Cet amendement tend à supprimer la possibilité, pour les non-professionnels du droit, d'exercer une activité de conseil juridique à titre accessoire. Il répond aux craintes des professions juridiques de se voir dépossédées de leurs attributions de conseil juridique au profit d’autres professions.

La séparation entre les métiers du droit et du chiffre est autant un acquis économique et déontologique qu’une prévention contre toute forme de mélange des genres tombant sous le coup de la criminalité financière. À cet égard, l’« affaire Enron », au début des années deux mille, nous a instruits sur les risques auxquels peuvent conduire les dispositions de l’alinéa dont nous proposons la suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 1071.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous sommes opposés par principe à la possibilité pour des non-professionnels du droit d’exercer une activité de conseil juridique à titre accessoire.

Le texte voté par l’Assemblée nationale après l’adoption d’un amendement du Gouvernement visait à étendre le champ des activités de conseil juridique des experts-comptables en supprimant les deux conditions cumulatives prévues par l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, qui précise que les experts-comptables ne peuvent effectuer des études et travaux d’ordre statistique, économique, administratif ou juridique que si ces activités ne deviennent pas l’objet principal de leur cabinet – elles ne doivent représenter qu’une part accessoire de leur chiffre d’affaires –, et si elles sont accomplies au profit d’un client pour lequel ils assurent à titre principal une mission d’ordre comptable.

La séparation entre les professions du droit et les professions du chiffre est un acquis économique et déontologique qu’il convient de préserver. L’alinéa 5, tel que réécrit par la commission spéciale du Sénat, renforce les conditions d’exercice à titre accessoire des activités de conseil juridique, mais entérine le principe d’une confusion des genres entre les deux professions. En effet, les experts-comptables sont confortés dans l’exercice des activités de conseil juridique, puisqu’il est précisé qu’ils pourront « donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d’ordre juridique, fiscal ou social et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise ».

L’alinéa limite l’intervention des experts-comptables en dehors de leur périmètre de compétence aux entreprises dans lesquelles ils assurent déjà des missions d’ordre comptable de manière habituelle et aux études qui ont un lien avec des travaux comptables dont ils ont la charge. En revanche, il n’est plus explicitement fait mention de l’interdiction que ces missions deviennent l’activité à titre principal du cabinet ; cela constitue un assouplissement de l’ordonnance de 1945, qui avait pourtant établi un équilibre entre les deux professions.

Les experts-comptables ne sont pas des professionnels du droit ; ils n’ont aucune formation juridique. Comment justifier, dès lors, qu’ils interviennent dans un domaine qui est celui des avocats, seuls à être formés et compétents en matière de conseil juridique ? De la même manière que les avocats n’effectuent pas d’études comptables pour leurs clients, puisqu’ils ne disposent pas des compétences nécessaires, les experts-comptables ne devraient pas pouvoir concurrencer les avocats dans un domaine où ils ne sont pas experts.

Tel est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 1473.

M. Jean Desessard. La faillite, le 2 décembre 2001, d’Enron, alors septième entreprise américaine et numéro un mondial du négoce de l’énergie, est symptomatique du danger que représente le manque d’encadrement des activités de comptabilité.

À l’époque, aucun des garde-fous érigés pour contrôler les entreprises n’a fonctionné. Le cabinet Arthur Andersen, qui mêlait audit des comptes et activité de conseil, a dissimulé l’ampleur exacte de l’endettement d’Enron. Il a ainsi entretenu l’illusion d’une bonne santé financière du groupe, ce qui a conduit à l’une des plus importantes faillites de l’histoire de l’économie américaine.

Si nous sommes loin de la répétition de ce scandale, l’article 20 bis, qui tend à permettre aux experts-comptables d’effectuer toutes études ou tous travaux d’ordre juridique, fiscal ou social et d’apporter leur avis dans ces matières, n’en risque pas moins de multiplier les conflits d’intérêts.

Les experts-comptables ne peuvent pas exercer d’activité de conseil juridique. La séparation entre les métiers du droit et les métiers du chiffre est un acquis économique et déontologique, ainsi qu’une mesure de prévention contre toute forme de mélange des genres tombant sous le coup de la criminalité financière.

Cet amendement vise donc à supprimer la possibilité pour des non-professionnels du droit d’exercer une activité de conseil juridique à titre accessoire.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 503 rectifié ter est présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mmes Kammermann et Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Charon, Commeinhes, Laufoaulu et Magras, Mme Mélot et MM. Milon et Vasselle.

L'amendement n° 1472 est présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé et Dantec.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

d'entreprises dans lesquelles

par les mots :

de clients pour lesquels

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 503 rectifié ter.

Mme Jacky Deromedi. Il s’agit d’un amendement de repli, qui tend à encadrer strictement la possibilité, pour des non-professionnels du droit, d'exercer une activité de conseil juridique à titre accessoire.

L’article 20 bis, tel qu’il résulte des travaux de la commission spéciale, prévoit deux limitations, deux verrous permettant d’éviter les risques de confusion.

D'une part, les activités de conseil juridique des professionnels concernés devront se limiter à des consultations, études et travaux d’ordre juridique, fiscal ou social ; ces missions devront être effectuées à titre accessoire, et non à titre principal. D'autre part, les experts-comptables ne seront pas autorisés à rédiger des actes sous seing privé.

Nous proposons de remplacer le terme « entreprises » par celui de « clients ». Cette substitution permettrait de préciser au maximum les contours de l’activité de conseil juridique accessoire. On éviterait ainsi le mélange des genres, qui ne peut être que préjudiciable au justiciable, que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 1472.

M. Jean Desessard. Notre amendement a été très bien défendu par Jacky Deromedi, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai indiqué, la commission est favorable à l’amendement n° 1624 rectifié, déposé par le Gouvernement.

Les amendements identiques nos 502 rectifié ter, 1071 et 1473 sont assez radicaux, puisqu’ils visent à supprimer la possibilité pour les experts-comptables d’effectuer des consultations juridiques soumises au respect de la règle du double accessoire. Cela constituerait un retrait par rapport au droit en vigueur.

En somme, vous rallumez la guerre dans un autre sens, avec une autre technique ! Je suis donc défavorable à ces amendements.

Les précisions que souhaitent apporter les auteurs des amendements de repli nos 503 rectifié ter et 1472 sont particulièrement bienvenues, mais elles sont déjà incluses dans l’amendement du Gouvernement. Par conséquent, si vous votez cet amendement, comme je vous invite à le faire, …

M. Robert del Picchia. Nous allons le voter !

M. François Pillet, corapporteur. … les amendements identiques nos 503 rectifié ter et 1472 deviendront sans objet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1624 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos 502 rectifié ter, 1071 et 1473, ainsi que les amendements identiques nos 503 rectifié ter et 1472 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 20 bis, modifié.

(L'article 20 bis est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 20 ter.

Article 20 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 20 ter

Article 20 ter

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 1627, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Après l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, il est inséré un article 1er bis AA ainsi rédigé :

« Art. 1er bis AA. – L’huissier de justice peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Les huissiers de justice peuvent également former entre eux des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association et des syndicats professionnels, au sens de l’article L. 2131-1 du code du travail.

« Lorsque la forme juridique d’exercice est une société, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne légalement établie dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue, et exerçant l’une quelconque desdites professions, et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

« Dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il présente notamment les conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. »

II. – L’article 1er bis de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat est ainsi rédigé :

« Art. 1er bis. – Le notaire peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié d’une personne physique ou morale titulaire d’un office notarial. Il peut également être membre d’un groupement d’intérêt économique ou d’un groupement européen d’intérêt économique ou associé d’une société en participation régie par le titre II de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

« Lorsque la forme juridique d’exercice est une société, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne légalement établie dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue, et exerçant l’une quelconque desdites professions, et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée.

« Dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il présente notamment les conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. »

III. – Après l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs, il est inséré un article 1er bis ainsi rédigé :

« Art. 1er bis. – Le commissaire-priseur judiciaire peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant.

« Lorsque la forme juridique d’exercice est une société, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne légalement établie dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant l’une quelconque desdites professions, et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

« Dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il présente notamment les conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. »

IV. – La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifiée :

1° La première phrase du premier alinéa de l’article 7 est ainsi rédigée :

« L’avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d’une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l’association ayant accompli l’acte professionnel en cause, soit au sein d’entités dotées de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d’un avocat ou d’une association ou société d’avocats. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article 8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice du premier alinéa, lorsque la forme juridique d’exercice est une société, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne légalement établie dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue, et exerçant l’une quelconque desdites professions, et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales. » ;

3° L’article 87 est ainsi modifié :

a) Les 1° à 3° sont ainsi rédigés :

« 1° Que le capital social et les droits de vote soient détenus par des personnes exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue, et exerçant l’une quelconque desdites professions ;

« 2° Que les organes de contrôle comprennent un ou plusieurs représentants exerçant la profession d’avocat, sous le titre d’avocat ou sous l’un des titres figurant sur la liste prévue à l’article 83, au sein ou au nom du groupement ;

« 3° Que l’usage de la dénomination du groupement soit réservé aux seuls membres des professions exerçant au sein ou au nom du groupement sous le titre d’avocat ou sous l’un des titres figurant sur la liste prévue à l’article 83. » ;

b) Le 4° est abrogé ;

c) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, la référence : « 4° » est remplacée par la référence : « 3° » ;

d) Après le mot : « plusieurs », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « des professions judiciaires ou juridiques. »

« Dans le respect des règles de déontologie applicables à la profession d’avocat, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent IV.

IV bis. – Après l’article 3-1 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l’Ordre, il est inséré un article 3-2 ainsi rédigé :

« Art. 3-2. – L’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit dans le cadre d’une entité dotée de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant.

« Lorsque la forme juridique d’exercice est une société, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne légalement établie dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue, et exerçant l’une quelconque desdites professions, et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

« Dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il présente notamment les conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. »

V. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 811-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 811-7. – Les administrateurs judiciaires peuvent constituer entre eux, pour l’exercice en commun de leur profession, des entités dotées de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Ils peuvent aussi être membres d’un groupement d’intérêt économique ou d’un groupement européen d’intérêt économique ou associés d’une société de participations régie par le titre IV de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

« Lorsque la forme juridique d’exercice est une société, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne légalement établie dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue, et exerçant l’une quelconque desdites professions, et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée.

« Dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il présente notamment les conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. » ;

2° L’article L. 812-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 812-5. – Les mandataires judiciaires peuvent constituer entre eux, pour l’exercice en commun de leur profession, des entités dotées de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Ils peuvent aussi être membres d’un groupement d’intérêt économique ou d’un groupement européen d’intérêt économique ou associés d’une société de participations régie par le titre IV de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

« Lorsque la forme juridique d’exercice est une société, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne légalement établie dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue, et exerçant l’une quelconque desdites professions, et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée.

« Dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il présente notamment les conditions d’inscription et d’omission de ces sociétés auprès de l’autorité professionnelle compétente. »

VI. – Après le mot : « moyens », la fin du 4° des articles L. 1242-2 et L. 1251-6 du code du travail est ainsi rédigée : « d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ; ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Avec cet amendement, qui devrait donner lieu à un débat nourri, nous abordons les différentes réformes relatives aux structures d’exercice des professions du droit et du chiffre. Il vise à rétablir l’article 20 ter dans une rédaction très détaillée.

Initialement, le Gouvernement avait prévu de demander une habilitation à procéder par voie d’ordonnances, puis, face à la réaction des membres de la commission spéciale à l’Assemblée nationale, nous avons décidé de clarifier au maximum dans la loi les détails de la réforme des structures d’exercice des professions du droit et du chiffre.

Le présent amendement est le fruit de plusieurs mois de travail technique et de concertations menés par les services de la Chancellerie, les services de mon ministère et ceux du secrétariat d’État de Thierry Mandon.

Quelle est la finalité de cette réforme ? Dans un contexte de concurrence juridique mondialisée, notre ambition est de renforcer les flexibilités données à nos professions du droit en termes de fonctionnement, ainsi que leur capacité à rayonner à l’étranger. Cela passe par le recours à toutes formes juridiques pour l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire, de commissaire-priseur judiciaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire et d’avocat, à l’exception de celles qui confèrent la qualité de commerçant.

Au travers de la réforme ici proposée, le Gouvernement souhaite donc offrir une plus grande souplesse aux professionnels pour leur permettre de s’organiser librement en vue de développer leur activité et de faciliter les synergies entre professions juridiques et professions judiciaires.

Ainsi, en ouvrant le recours aux diverses formes juridiques pour l’exercice des professions juridiques et judiciaires, tout en alignant les règles de détention du capital et des droits de vote, cet amendement vise à répondre à la nécessité, pour ces professions, de disposer de structures plus souples et à renforcer ainsi leur attractivité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Ce rétablissement est évidemment contraire à la position de la commission spéciale, qui avait supprimé l’article à titre conservatoire. Lors de mes échanges avec votre cabinet puis devant la commission spéciale, j’avais fortement insisté sur ce dernier point, monsieur le ministre, indiquant que je souhaitais uniquement encourager le Gouvernement à reprendre la plume, mais vous n’avez pas souhaité réexaminer le texte ni répondre aux objections que j’avais émises, ce que je ne peux que regretter.

Notre droit des sociétés d’exercice libéral est fondé sur deux principes essentiels.

Le premier est de garantir aux professionnels en exercice dans la société la maîtrise de leurs conditions d’exercice professionnel. Il s’agit ainsi d’éviter que les intéressés soient placés dans une telle relation de subordination avec des employeurs étrangers à leur logique professionnelle que leur pratique professionnelle en soit affectée et que le respect de leur indépendance, voire de leur déontologie, ne soit plus assuré.

Le second principe est d’éviter autant que possible les structures objectivement génératrices de conflits d’intérêts, comme l’association d’un médecin et d’un pharmacien, ou celle d’un administrateur judiciaire et d’un mandataire judiciaire, même si chaque professionnel sait gérer ce type de situations au quotidien en refusant de prendre pour client un particulier à l’égard duquel il est engagé sous un autre rapport.

Or le dispositif que vous proposez constitue une remise en cause de ces principes.

L’idée de départ, à savoir permettre aux professionnels du droit de choisir n’importe quelle forme sociale pour l’exercice de leur activité, ce qui est déjà le cas pour les experts-comptables ou les commissaires aux comptes, s’entend, et c’est pourquoi je vous ai dit qu’il s’agissait d’une suppression à titre conservatoire.

Cependant, le dispositif que vous proposez prévoit une seule garantie légale : que le capital social ou les droits de vote soient détenus par les professionnels du droit. Le reste est renvoyé au pouvoir réglementaire.

Cela signifie donc que des avocats ou des huissiers de justice pourront détenir 99 % d’un office de notaire. Monsieur le ministre, qu’est-ce qui garantira aux notaires de cette structure une réelle indépendance d’exercice de leur profession ?

Autre question : comment s’effectuera la vente de participations dans cette société titulaire d’un office ? Le garde des sceaux pourra-t-il encore contrôler la cession ? Le texte est muet sur ce point.

Il est aussi prévu que ces sociétés puissent être détenues par toute personne morale habilitée en Europe à exercer une profession juridique. Vous le savez, le Royaume-Uni a autorisé la création de sociétés juridiques dont la majorité du capital et des droits de vote est détenue par d’autres personnes que des professionnels du droit, par exemple des banques ou des sociétés d’assurance. Ces structures s’appellent des alternative business structures.

Rien, dans le dispositif que vous proposez, n’interdira à de telles structures de posséder des sociétés juridiques françaises, et donc de les soumettre à une détention indirecte par d’autres professionnels que ceux du droit. De telles situations sont possibles au regard de la rédaction du texte de votre amendement. Monsieur le ministre, comment comptez-vous les éviter ?

Par ailleurs, certaines associations sont susceptibles d’engendrer des conflits d’intérêts. Pensons par exemple au cas d’une société d’administrateurs judiciaires détenue majoritairement par un mandataire judiciaire.

D’une manière générale, la commission spéciale a estimé que renvoyer à un décret en Conseil d’État le traitement d’une question aussi essentielle que la prévention des problèmes déontologiques constituait une lacune législative qui pourrait être, à mon sens, sanctionnée par le juge constitutionnel.

Enfin, monsieur le ministre, j’observe que les professions du droit sont moins bien traitées que les professions du chiffre. Ainsi, les experts-comptables se voient garantir la détention d’au moins les deux tiers des droits de vote dans les sociétés qui les emploient, et les commissaires aux comptes des trois quarts. S’ajoutent à cette garantie d’autres règles, comme l’interdiction qu’une autre personne qu’un expert-comptable détienne une part des droits de vote telle que cela mette en péril l’exercice de la profession, l’indépendance des experts-comptables ou le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur statut et à leur déontologie.

Il me semble que les missions de service public que remplissent les officiers publics et ministériels mériteraient d’être entourées d’au moins autant de garanties que celles des professions du chiffre. Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas qu’il en soit ainsi ?

Les réponses que vous apporterez sur chacun de ces points donneront peut-être l’occasion d’esquisser un nouveau dispositif pour permettre à chaque profession du droit de choisir la forme sociale la plus adaptée à son exercice. Je le répète, notre position a un caractère conservatoire. Nous avons la main et l’oreille tendues, dans l’attente de vos propositions concernant ces formes sociétales d’exercice des professions juridiques.

En l’état, évidemment, l’avis est défavorable ; je ne voudrais pas que, en plus, il soit amer…

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Cet après-midi, alors que nous traitions de questions ayant trait au droit, nous nous étions interrogés sur l’absence de Mme la garde des sceaux. Nous avons la réponse ce soir : l’idée fondamentale du Gouvernement est de rendre nos professions du droit compétitives à l’égard de celles d’autres pays. En somme, le droit n’est donc plus seulement la garantie du vivre ensemble d’un pays, mais une sorte de marchandise : on vend de l’expertise, de l’audit, du conseil… De fait, on considère que le droit est un marché. Tel est le sens de votre amendement, monsieur le ministre.

Sachez que les écologistes ne partagent pas cette conception. Pourtant, initialement, lorsque l’on nous a dit que la loi Macron allait taper sur des professions protégées, dans lesquelles on gagne bien sa vie, nous étions disposés à accompagner le mouvement… (Sourires.) Mais, dans un second temps, il nous est apparu que ce texte visait en fait à libéraliser, donc à porter atteinte au service public, c’est-à-dire aux garanties qu’offrent encore ces professions. Une telle réforme va à l’encontre de ce que nous souhaitons : les écologistes sont pour la préservation du service public, la proximité, le maintien des garanties actuelles. Nous ne nous reconnaissons absolument pas dans votre démarche.

Enfin, monsieur le ministre, si l’on mêle comme vous le proposez, au nom de la compétitivité, l’expertise, le droit, le conseil, comment les notaires, par exemple, pourront-ils assurer leur mission de contrôle ? J’ai expliqué, lors de la discussion générale, que, chaque année, les notaires déclarent à Tracfin quelque 1 000 anomalies. Ces 1 000 signalements – je dois dire que ce chiffre m’a étonné – montrent qu’il y a encore des professionnels du droit qui croient au service public. Quelle société, dans l’environnement concurrentiel que vous souhaitez promouvoir, prendra le risque, en déclarant les anomalies qu’elle aura constatées, de perdre des clients ? J’attends votre réponse, tout en doutant fort qu’elle puisse être de nature à changer notre vote contre, qui a été mûri…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, vous m’accorderez que je m’attache à répondre en détail sur chaque point du texte. En revanche, je ne peux répondre aux intentions cachées que vous me prêtez.

Libre à vous de croire qu’un grand dessein libéral se cache derrière chacune de ces réformes et de fonder la cohérence de votre position, que je respecte, sur cette idée, mais je vais essayer de vous montrer point par point qu’il n’en est rien, même si vous déclarez a priori que vous resterez de toute façon sourd aux clarifications que je pourrai vous apporter, votre jugement étant déjà arrêté. Pour ma part, je continue à croire aux vertus de la discussion.

Concernant tout d’abord la différence, en matière d’ouverture du capital, entre les professions du chiffre et celles du droit, je souligne que, pour les premières, cette ouverture existe déjà, avec des plafonds en termes de droits de vote. Nous proposons ici d’ouvrir le capital pour les secondes, mais à la stricte condition que celui-ci soit détenu à 100 % par des professionnels du droit.

Comparaison n’est pas raison, mais nous ne traitons pas les professions du droit moins bien que celles du chiffre. On le verra tout à l’heure, en ce qui concerne les interprofessions du droit et du chiffre, nous avons même prévu des contraintes plus dures pour les professions du chiffre éligibles à ces structures, afin d’éviter de transposer, en quelque sorte, aux professions du droit une ouverture qui existe déjà dans les professions du chiffre.

Aujourd’hui, les professionnels du droit ne peuvent exercer en société que sous deux formes juridiques : celles de société civile professionnelle et de société d’exercice libéral. Nous voulons leur offrir la possibilité de recourir à toute autre forme juridique, pour autant qu’elle ne confère pas aux associés la qualité de commerçant.

Le texte ne permettra pas à une banque ou à une compagnie d’assurance de prendre le contrôle d’une de ces structures. Je vous renvoie, sur ce point, au quatrième alinéa de l’amendement, qui précise explicitement que, pour détenir le capital et des droits de vote, une personne morale devra satisfaire aux exigences prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990. C’est cette même loi qui interdit aujourd’hui à un cabinet anglo-saxon détenu majoritairement par une banque ou un fonds de pension de s’installer en France. Notre texte sécurise bien ce dispositif, et il ne saurait y avoir de malentendu sur ce point : je veux tordre le cou à l’idée, trop souvent relayée, que le texte viserait à ouvrir la voie à la financiarisation des professions du droit. Bien au contraire, des sécurités sont prévues pour que des personnes morales détenues majoritairement par des entités financières ne puissent contrôler des sociétés exerçant leur activité dans le domaine des professions du droit. Faire preuve de rigueur doit permettre d’aller au-delà des intentions cachées que l’on nous prête à tort.

En revanche, force est de constater que notre modèle d’organisation de ces professions juridiques n’est plus compétitif. Nombreux sont nos jeunes professionnels du droit – avocats, notaires, huissiers – qui souhaitent pouvoir créer des franchises à l’étranger. Or, ils supportent actuellement bien plus de contraintes que leurs collègues britanniques ou même allemands.

J’ajoute que notre situation est de plus en plus fragilisée au regard du droit européen, et nous sommes exposés à un risque croissant de contentieux. Ainsi, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a donné raison à une structure juridique de droit allemand souhaitant installer une filiale en France, alors que le capital de la société mère était détenu par des banques régionales.

L’idée est donc de structurer nos professions juridiques afin qu’elles puissent s’organiser entre elles sans faire entrer d’entités financières à leur capital, donc en conservant les garanties de la loi de 1990. Nous pourrons alors défendre à l’échelon européen ce nouveau modèle français adapté, afin de ne pas subir l’implantation sur notre territoire de modèles qui ne nous conviennent pas.

Par ailleurs, vous avez soulevé à très juste titre, monsieur le rapporteur, la problématique cruciale des conflits d’intérêts entre professions.

Nous conservons en l’état la structure capitalistique de la société d’exercice libéral et nous maintenons une stricte application des règles déontologiques des différentes professions : par exemple, un notaire membre d’une telle structure n’en référera qu’au notariat ; aucun lien de subordination ne pourra exister entre les différentes professions représentées au sein de la société, quelle que soit la structure capitalistique.

Ainsi, c’est à une modernisation du cadre d’exercice des professions du droit que nous entendons procéder, en aucun cas à une financiarisation : le capital devra être détenu à 100 % par des personnes physiques ou par des personnes morales respectant le cadre de la loi de 1990 ; il n’y aura pas d’ouverture à des tiers. Le nouveau modèle d’organisation permettra à nos professions du droit d’être plus compétitives et de tenir leur place au niveau européen.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Monsieur le ministre, traiter de l’organisation des professions du droit au travers d’une loi relative à la croissance et à la compétitivité est tout à fait justifié. À l’évidence, le droit fait partie de l’environnement de l’économie. La commission des lois a d’ailleurs créé une mission spéciale sur la place du droit français dans le droit des affaires international.

Je vous en donne acte, la question aujourd’hui n’est pas la financiarisation des professions du droit par le biais de tiers ni une éventuelle mainmise des professions du chiffre.

En commission, M. le rapporteur nous avait dit que, à son avis, renvoyer à une ordonnance, comme le prévoyait la première mouture du texte, aurait sans doute finalement été plus efficace, tant le sujet est complexe. J’avais trouvé ce point de vue paradoxal mais intéressant.

L’Assemblée nationale a préféré se saisir du sujet, mais en occultant un point extrêmement important, sur lequel vous n’avez pas répondu. Pour une part importante de leur activité, les professions du droit s’adressent certes aux entreprises, mais elles travaillent aussi, au quotidien, pour des particuliers. Or, en matière de déontologie, on ne peut envisager chaque profession séparément. Que se passera-t-il lorsqu’un particulier fera appel à un huissier pour une exécution contre un client d’un avocat membre du même cabinet ? Quid si un notaire rédige un acte pour un client dont son associé avocat aura représenté l’adversaire ?

M. François Pillet, corapporteur. En effet !

M. Jacques Bigot. De telles questions ne sont pas du tout réglées par le texte, sauf erreur de ma part.

Je partage donc le sentiment de notre rapporteur. Sur ce sujet particulièrement complexe et technique, un travail de fond supplémentaire doit être réalisé pour mieux organiser la pluridisciplinarité au sein des professions du droit.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Excellente analyse !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je salue l’objectivité de notre collègue Jacques Bigot.

On a besoin de sociétés dans le domaine des professions du droit. M. le ministre expose, à ce stade du débat, des choses assez claires, qui ne nous déplaisent pas a priori. Avec un bon logiciel de reconnaissance vocale, on aurait pu récrire le projet de loi de manière plus simple : pour l’heure, celui-ci est illisible, en particulier sur les points relevés par M. Bigot. Personne n’est d’accord avec votre texte, monsieur le ministre, alors que nous pourrions partager l’esprit qui le sous-tend. On est en train de passer à côté de quelque chose d’important ! C’est regrettable !

Pourquoi ne pas donner aux professions juridiques les mêmes garanties qu’aux experts-comptables ou aux commissaires aux comptes en matière de droits de vote ? Ce serait un pas dans la bonne direction. Tel que rédigé, votre texte est extrêmement dangereux : la déontologie, c’est ce qui fait l’âme, la force, l’image de ces professions.

Par ailleurs, même sur le plan purement technique, la mise en œuvre de ce texte extrêmement compliqué nous confrontera à des hypothèses absolument inacceptables ! Monsieur le ministre, vous serez passé à côté d’une loi pourtant attendue par les professionnels tout simplement parce que vous n’aurez pas voulu reprendre la plume. Ce n’est pas raisonnable !

C’est pourquoi mon avis est non seulement défavorable, mais aussi amer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. On ne peut pas à la fois reprocher au Gouvernement de recourir aux ordonnances quand un sujet n’est pas mûr et, dans le cas contraire, quand un travail technique a débouché sur l’élaboration d’un texte, refuser d’envisager d’inscrire celui-ci dans la loi. Je veux bien déposer une demande d’habilitation à légiférer par ordonnance, si vous préférez, mais vous avouerez que ce serait paradoxal ! Chaque fois qu’il était possible de présenter un texte de loi plutôt que de recourir aux ordonnances, nous l’avons fait. C’est le cas en l’espèce, et il n’y a pas de raison d’être amer, monsieur le rapporteur…

La complexité dont vous vous plaignez est celle du droit actuel. Si la rédaction proposée vous semble pouvoir être simplifiée sans en perdre la substance, je suis prêt à en débattre. Mais, dans ce cas, il fallait non pas supprimer l’article, mais déposer des amendements de réécriture. Le Gouvernement, quant à lui, a fait son travail en proposant un texte.

Sur le fond, monsieur Bigot, ce que vous dites serait vrai s’il ne s’agissait pas de sociétés monoprofessionnelles. Votre argument vaut pour les structures interprofessionnelles.

L’objectif visé est de donner de la souplesse statutaire, de favoriser l’organisation sur les plans social, fiscal et juridique, mais un avocat et un notaire, par exemple, ne pourront exercer leur profession au sein de la même structure. Un avocat pourra simplement détenir des parts de capital dans une société de notaire : c’est tout à fait différent.

M. Jean Desessard. Quel intérêt ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’intérêt, c’est que les professions du droit s’organisent entre elles ! Ce sont elles qui ont émis le souhait de pouvoir bénéficier d’une telle souplesse d’organisation, qui n’est pas permise par des structures juridiques beaucoup plus contraignantes que le régime de la société par actions simplifiée, la SAS. Il ne s’agit pas de permettre l’entrée au capital de banques ou d’acteurs financiers. La déontologie sera préservée grâce au caractère monoprofessionnel des nouvelles structures.

Nous pourrons revenir sur le sujet tout à l’heure, quand nous débattrons des structures interprofessionnelles.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je soutiens la position de M. le rapporteur. Nous travaillons au bénéfice des justiciables. Or ce qu’ils demandent, quand ils s’adressent à un cabinet d’avocats ou consultent un notaire, c’est de la sécurité, en matière de traitement de leur dossier, de respect de la déontologie, d’absence de conflit d’intérêts.

À cet égard, M. le ministre n’ayant pas répondu sur la question majeure des conflits d’intérêts, qui lui a pourtant été posée très clairement par M. le rapporteur, je suivrai la position de la commission sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Fait rarissime, la commission spéciale était allée jusqu’à vous dire, monsieur le ministre, qu’elle était prête à accepter une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances sur ce sujet. Dans le cadre de cette habilitation, nous aurions fixé toutes les garanties auxquelles nous tenons.

Sur un plan plus technique, je voudrais avoir des assurances non seulement sur la détention du capital, mais aussi sur les droits de vote. En effet, celui qui détient le droit de vote décide de l’orientation du cabinet d’avocats, par exemple, vers une spécialité particulière, telle que le droit administratif ou le droit social, ou de l’embauche d’un collaborateur. Il faut donc distinguer droit de vote et détention du capital, comme pour les experts-comptables. Sur ce point, vos explications ne me paraissent pas suffisamment claires.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Ce débat laisse très interrogatifs ceux d’entre nous qui ne sont pas membres de la commission spéciale.

Tout le monde reconnaît la nécessité de bouger, ne serait-ce qu’au regard du droit communautaire, comme l’a souligné M. le ministre. Nous n’y échapperons pas ! Nous sommes systématiquement rattrapés par la patrouille, ce qui nous amène à légiférer en catastrophe à la suite de condamnations prononcées contre la France…

Je ne sais pas comment nous pouvons trouver un accord sur ce sujet, mais si nous ne bougeons pas, nous irons au-devant de grandes difficultés : notre pays sera condamné, comme d’habitude, tandis que des sociétés étrangères s’implanteront chez nous pour concurrencer nos professionnels.

Je souhaite bien entendu que les problèmes déontologiques et de conflits d’intérêts soient traités. C’est indispensable pour les clients comme pour les justiciables, mais on a le sentiment que l’on ne parvient pas à faire converger les positions alors que, sur le fond, tout le monde est d’accord avec le raisonnement tenu par M. le ministre.

Le recours aux ordonnances est désormais exclu. Si nous suivons l’avis émis par la commission et rejetons l’amendement, nous laisserons le dernier mot à l’Assemblée nationale, sans avoir forcément pu progresser s’agissant des garanties que nous souhaitons voir inscrire dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Comme l’a très bien rappelé M. le rapporteur, la commission spéciale était disposée à accepter le recours aux ordonnances dès lors qu’auraient été maintenues les garanties qui nous semblent indispensables.

J’observe, monsieur le ministre, que si le texte de votre amendement fait quatre pages, son exposé des motifs se résume à une ligne et à un unique argument : il faut revenir au texte de l’Assemblée nationale. Dire cela au Sénat est tout de même inconvenant…

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai dit beaucoup plus de choses devant vous, monsieur le sénateur !

M. Jean-Claude Lenoir. Si tel est vraiment votre objectif, attendez la prochaine lecture du texte à l’Assemblée nationale, où vous disposez d’une majorité.

M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’est pas sûr…

M. Jean-Claude Lenoir. Pourquoi infliger au Sénat ce camouflet ? Et surtout, pourquoi tout cela ? On ne voit pas très bien quel est l’intérêt du système que vous proposez.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La question a été posée de savoir comment faire prospérer le débat sur un sujet qui, nous le voyons bien, n’est pas mûr.

Cet après-midi, M. le ministre a présenté un amendement relatif à la possibilité, pour les experts-comptables, d’exercer à titre accessoire des activités de nature juridique. Le Gouvernement faisait ainsi évoluer significativement sa position, à la suite d’échanges avec M. le rapporteur, pour prendre en compte un message clair de la commission et des professionnels concernés. M. le rapporteur a alors indiqué que la commission était prête à converger.

J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous n’étiez pas non plus fermé à une évolution sur le sujet dont nous discutons maintenant, même si des points de divergence subsistent entre nous. Dans ces conditions, il serait important de nous entendre au moins sur la nécessité de faire évoluer les choses, sachant que, pour l’heure, il convient que nous n’adoptions pas l’amendement, afin que le débat puisse prospérer, en commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture. Il me semble en tout cas important de ne pas fermer la porte. L’Assemblée nationale doit entendre le message du Sénat, et M. le ministre reprendre la concertation avec M. le corapporteur, qui y est prêt !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je voudrais répondre à l’interrogation légitime de M. Bouvard : dans le domaine qui nous occupe, il n’y a aucune norme, directive ou règlement européen qui nous impose de recourir à ce type de sociétés. Sur ce point, mon cher collègue, nous pouvons encore faire du franco-français !

M. Jean-Claude Lenoir. Il est important de le rappeler !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le rapporteur, il y a tout de même un débat, à l’échelon européen, sur la liberté d’installation et les entraves à celle-ci qu’induit notre régime actuel. C’est l’une des motivations pour bouger.

Les règles d’ouverture sont beaucoup plus libérales pour les professions du chiffre que pour celles du droit : pour ces dernières, je le redis, notre proposition ne prévoit aucune ouverture du capital et des droits de vote à des tiers.

Cela étant, des cabinets d’avocats anglo-saxons implantent des bureaux en France et, de fait, y imposent leur modèle.

M. Michel Bouvard. Évidemment !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est la réalité d’aujourd’hui !

De grands cabinets français essaient de s’organiser. Le cabinet Gide-Loyrette-Nouel, par exemple, est constitué en association, parce que le régime de la SAS ne lui est pas ouvert et que les autres formes juridiques sont trop contraignantes. Les modèles de limited liability partnership, ou LLP, par exemple, permettent aux cabinets anglo-saxons de prospérer. Notre objectif, au travers de la création de sociétés monoprofessionnelles, est de donner à ces cabinets français qui veulent réussir, ouvrir des bureaux en Europe, les armes dont ils ont besoin. Cette réforme est nécessaire si l’on croit au modèle de droit continental, si l’on veut lui donner les moyens de réussir !

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Elle ne vise nullement à la financiarisation du secteur, à la conversion de notre droit au modèle anglo-saxon qui, de toute façon, est à nos portes : en maintenant les entraves actuelles à l’action des professionnels français, on laisse le champ libre à leurs concurrents anglo-saxons !

M. Michel Bouvard. Il a raison !

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Lenoir, reconnaissez au moins que l’argumentation que j’ai développée devant la Haute Assemblée va bien au-delà de l’exposé des motifs de cet amendement.

Au lieu d’engager un débat constructif, comme elle l’a fait en d’autres occasions, la commission a supprimé purement et simplement le présent article. M. le rapporteur a indiqué que le dispositif ne lui semblait pas clair et méritait d’être retravaillé, mais la commission n’a pas proposé de nouvelle rédaction. Dans ces conditions, je ne pouvais que renoncer à la réforme, demander une habilitation à procéder par ordonnance ou proposer de rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, comme je l’ai fait. Si j’en suis arrivé là, reconnaissez que c’est aussi parce que la commission ne s’est pas inscrite dans la même démarche que pour les articles précédents, en proposant des modifications au texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. L’offensive est habituelle : certains voudraient faire émerger des supermarchés du droit, en créant des sociétés où toutes les professions seraient mélangées.

Les situations que vous évoquez, monsieur le ministre, ne concernent pas les huissiers de justice, ni les commissaires-priseurs judiciaires : ces professions ne s’exercent guère à l’international, et sont même inconnues dans certains pays !

M. Jean-Jacques Hyest. Dans d’autres, tout le monde est avocat : il suffit d’avoir les diplômes requis pour s’installer comme on le souhaite.

Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le ministre, il est tout à fait possible de créer des sociétés d’exercice en France. Je connais de grands cabinets d’avocats qui sont constitués non pas en association, mais en société.

En fait, on comprend bien que l’objectif, en réalité, est de permettre la création de sociétés avec des avocats étrangers,…

M. Jean-Jacques Hyest. … ce qui explique la référence à la « qualification nationale ou internationale reconnue ». La Confédération helvétique, bien sûr, n’est surtout pas oubliée dans ces dispositions…

Je conçois très bien que l’on recherche les moyens de stimuler le dynamisme de la place de Paris en matière de droit, mais il n’est guère compréhensible que l’on veuille rendre possible l’ouverture du capital à d’autres professionnels. Sans aller jusqu’à proposer une option résolument capitaliste, car vous savez très bien que cela n’est pas possible, vous entendez permettre à des notaires de financer des cabinets d’avocats et à des avocats de financer des études de notaire. Je n’en vois pas bien l’intérêt…

Le vrai problème, c’est celui des grands cabinets d’avocats : bornons-nous à trouver des formes de société juridique qui leur permettent de se développer !

Mme Nicole Bricq. C’est ce qui est proposé !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Le rapport et le compte rendu des débats en commission font apparaître que nous nous inscrivons dans une démarche constructive, et non dans une attitude de simple refus. Je veux en donner acte au rapporteur, qui a en outre indiqué au Gouvernement qu’il était prêt à accepter une demande d’habilitation à procéder par ordonnance, afin qu’il puisse faire évoluer sa position. C’était là tout de même un signe de confiance et la preuve que nous souhaitons trouver une solution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1627.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 20 ter demeure supprimé.

Article 20 ter (supprimé)
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Article 20 quater

Article additionnel après l'article 20 ter

M. le président. L'amendement n° 443, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 20 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 1er quater de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, il est inséré un article 1er quinquies ainsi rédigé :

« Art. 1er quinquies. – Lorsque le propriétaire de l’office, d’une partie du capital social ou des droits de vote veut en céder une partie, il doit en informer les notaires salariés de l’office, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs notaires salariés de présenter une offre pour l’acquisition des parts et des droits.

« Le délai de deux mois court à compter de la date de la notification aux notaires salariés.

« La cession peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que chaque notaire salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre.

« La cession intervenue en méconnaissance des trois alinéas précédents peut être annulée à la demande de tout notaire salarié. L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession des parts et des droits. »

II. – Après l’article 3 ter de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, il est inséré un article 3 quater ainsi rédigé :

« Art. 3 quater. – Lorsque le propriétaire de l’étude, d’une partie du capital social ou des droits de vote veut en céder une partie, il doit en informer les huissiers salariés de l’office, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs huissiers salariés de présenter une offre pour l’acquisition des parts et des droits.

« Le délai de deux mois court à compter de la date de la notification aux huissiers salariés.

« La cession peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que chaque huissier salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre.

« La cession intervenue en méconnaissance des trois alinéas précédents peut être annulée à la demande de tout huissier salarié. L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession des parts et des droits. »

III. – Après l’article 3 de l’ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs, il est inséré un article 3 bis ainsi rédigé :

« Art. 3 bis. – Lorsque le propriétaire de l’office, d’une partie du capital social ou des droits de vote veut en céder une partie, il doit en informer les commissaires-priseurs salariés de l’office, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs commissaires-priseurs salariés de présenter une offre pour l’acquisition des parts et des droits.

« Le délai de deux mois court à compter de la date de la notification aux commissaires-priseurs salariés.

« La cession peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que chaque commissaire-priseur salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre.

« La cession intervenue en méconnaissance des trois alinéas précédents peut être annulée à la demande de tout commissaire-priseur salarié. L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession des parts et des droits. »

IV. – La section 2 du chapitre III du titre IV du livre VII du code de commerce est complétée par un article L. 743-12-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 743-12-2. – Lorsque le propriétaire d’un greffe de tribunal de commerce, d’une partie du capital social ou des droits de vote veut en céder une partie, il doit en informer les greffiers de tribunal de commerce salariés de l’office, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs greffiers de tribunal de commerce salariés de présenter une offre pour l’acquisition des parts et des droits.

« Le délai de deux mois court à compter de la date de la notification aux greffiers de tribunal de commerce salariés.

« La cession peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que chaque greffier de tribunal de commerce salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre.

« La cession intervenue en méconnaissance des trois alinéas précédents peut être annulée à la demande de tout greffier de tribunal de commerce salarié. L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession des parts et des droits. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à prévoir un dispositif d’information des notaires, huissiers, commissaires-priseurs et greffiers de tribunal de commerce, quand ils sont salariés, en cas de cession des parts ou de l’office. Il est ainsi prévu que, dès lors qu’un propriétaire de parts d’un office veut en céder une partie, il en informe les salariés au moins deux mois avant la cession. Si cette information n’est pas respectée, la cession peut être annulée.

Lors de l’examen de cet amendement en commission spéciale, notre rapporteur a donné un avis défavorable, au motif que cette procédure est « très formaliste » et « potentiellement dangereuse », puisque sa méconnaissance entraînerait l’annulation de la cession.

Concernant le reproche de formalisme, informer les salariés deux mois avant la cession ne me semble pas exagéré. On notera, par ailleurs, que nous n’avons pas précisé la manière dont cette information doit être assurée, afin de ménager un peu de souplesse.

Concernant la possible annulation de la cession, il est vrai que la procédure que nous proposons est contraignante. Cependant, il nous semble important de faire un pas en avant et de prendre les mesures nécessaires pour que les salariés des notaires, huissiers, commissaires-priseurs et greffiers puissent espérer accéder plus facilement à un statut d’associé.

Il faut par ailleurs noter que le Conseil supérieur du notariat a pris des engagements pour augmenter significativement le nombre de notaires titulaires. Si, aujourd’hui, 8 384 notaires titulaires sont en exercice, ils devraient demain être 12 000 aux termes de ces engagements. Le dispositif du présent amendement constitue un outil supplémentaire pour atteindre cet objectif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. L’auteur de l’amendement a déjà parfaitement exposé la position de la commission spéciale…

Effectivement, il s’agirait d’une procédure formaliste, non nécessaire dans un domaine où existent déjà un certain nombre de contestations, comme nous le verrons peut-être dans la suite des débats.

Par ailleurs, les conséquences de l’adoption d’un tel dispositif seraient potentiellement graves, puisque la sanction, en cas de méconnaissance, serait la nullité de la cession.

J’ajoute que l’avis du ministre de la justice est requis, puisqu’il s’agit de céder des parts d’un office public ou ministériel. Il m’étonnerait fort que, dans une telle situation, le ministre se dispense d’entendre les salariés s’il l’estime nécessaire. Selon moi, il n’y a pas lieu de passer la loi Hamon, comme un buvard, sur l’ensemble de ces professions. Le formalisme prévu me paraît dangereux et inutile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Pourquoi le ministre de la justice serait-il concerné ? Cet amendement vise simplement à instaurer un dispositif d’information des salariés en cas de cession des parts ou de l’office. Cela ne signifie pas que la cession devra nécessairement s’opérer en leur faveur. Je ne vois pas où est la difficulté…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 20 ter
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 20 quater (supprimé)

Article 20 quater

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 1628, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Article 20 quater
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Article 21

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour permettre la désignation en justice des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires pour exercer certaines fonctions de mandataire judiciaire à titre habituel et déterminer les modalités d’application aux huissiers de justice ou aux commissaires-priseurs judiciaires exerçant ces fonctions de mandataire judiciaire des dispositions relatives à leur rémunération et de celles du livre VIII du code de commerce relatives à la discipline, au contrôle et à la comptabilité des mandataires judiciaires ainsi que de celles relatives à la représentation des fonds.

Ces nominations ne peuvent intervenir que pour les procédures de liquidation judiciaire ou de rétablissement personnel. Elles sont exclues dès lors que le débiteur emploie un ou plusieurs salariés et que son chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 000 €.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de permettre aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d’exercer les fonctions de mandataire judiciaire pour les toutes petites liquidations judiciaires, concernant des entreprises ne comptant aucun salarié et présentant un chiffre d’affaires inférieur à 100 000 euros.

Cet amendement est à mettre en parallèle avec l’article 56 bis, qui vise à ouvrir le recouvrement des toutes petites créances des huissiers à certains agents des services publics, en particulier ceux de La Poste. L’idée est de créer des passerelles entre certaines activités. Plusieurs d’entre vous se sont montrés soucieux d’apporter de la « matière », dans certains territoires, aux huissiers. Nous proposons qu’ils puissent procéder à ces petites liquidations judiciaires, sachant que, bien souvent, on manque de mandataires judiciaires : il y en a moins que de tribunaux de commerce, d’où, parfois, la désignation de mandataires judiciaires installés loin de l’entreprise ou l’existence de conflits d’intérêts.

Cette activité ne nécessite pas de compétences particulières. De plus, à l’article 56 bis, il est prévu que les professions visées doivent elles-mêmes ouvrir leur domaine d’activité à d’autres pour les plus petites affaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, je me suis demandé : « est-ce que je lui dis ou pas ? » (Sourires.) Et puis j’ai décidé de vous le dire…

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Oui, c’est nécessaire !

M. François Pillet, corapporteur. Vous êtes tellement pressé de rétablir votre texte que vous en rétablissez également les coquilles !

Le deuxième alinéa de l’amendement, issu de l’adoption d’un sous-amendement de la commission à l’Assemblée nationale, précise le champ de l’habilitation, en visant les procédures de rétablissement « personnel ». Il s’agit, bien évidemment, des procédures de rétablissement « professionnel », mises en place par l’ordonnance du 12 mars 2014…

Sur le fond, cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a voulu supprimer cette habilitation pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les tribunaux de commerce ont déjà la possibilité, depuis 2003, de désigner d’autres professionnels que les mandataires judiciaires pour exercer, à titre accessoire, les fonctions de mandataire judiciaire. Cela étant, ils ne le font jamais !

Je mets de côté la question de la formation et de la compétence, pourtant bien réelle s’agissant de métiers qui ne sont pas les mêmes. Les commissaires-priseurs judiciaires m’ont d’ailleurs dit qu’ils n’étaient pas intéressés à exercer des fonctions de mandataire judiciaire.

Cependant, il y a un point plus fondamental : la garantie d’indépendance du professionnel. Compte tenu de leur clientèle, a fortiori dans des zones peu denses comptant peu de professionnels, l’huissier de justice ou le commissaire-priseur judiciaire seront inévitablement touchés par des problèmes de conflits d’intérêts. Imaginez-vous un huissier de justice s’occuper de la liquidation judiciaire d’une entreprise contre laquelle il aura cherché à recouvrer des créances au profit d’un de ses clients ? Imaginez-vous un huissier représenter l’intérêt collectif des créanciers d’une entreprise en liquidation, comme c’est la mission du mandataire, alors que plusieurs d’entre eux compteraient parmi ses clients ? Ce seraient autant d’atteintes au principe de l’impartialité des procédures judiciaires.

Au travers de cet amendement, vous créez autant de situations critiques que celles qu’a voulu combattre Robert Badinter, en 1985, lorsqu’il a créé les professions d’administrateur et de mandataire judiciaires.

M. François Pillet, corapporteur. Ne commettons pas cette erreur. En zone rurale, tout huissier qui se verra chargé de liquider une petite entreprise sera celui qui, un ou deux mois auparavant, aura adressé une demande en injonction de payer au greffe pour le compte d’un créancier.

M. Alain Joyandet. C’est évident !

M. François Pillet, corapporteur. Vous ne pouvez pas recréer une situation contre laquelle Robert Badinter s’était battu en 1985 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. Alain Joyandet. C’est une loi pour les Parisiens, nous en avons une fois de plus la preuve !

Mme Nicole Bricq. C’est malvenu !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Le rapporteur a bien exposé toute la difficulté de la situation.

Tout d’abord, les tribunaux de commerce peuvent désigner un professionnel autre qu’un mandataire judiciaire pour les petites liquidations. Ici, il s’agit de prévoir que, à titre habituel, des huissiers de justice ou des commissaires-priseurs judiciaires seront désignés pour exercer « certaines fonctions ». Cela signifie-t-il qu’ils pourront procéder à une partie seulement de la liquidation ? Si oui, laquelle ? La rédaction proposée n’est pas satisfaisante !

Les commissaires-priseurs judiciaires, je le confirme, ne sont absolument pas intéressés par l’exercice de ces fonctions, car elles n’ont rien à voir avec leur métier. Mais elles n’ont pas davantage à voir avec le métier d’huissier ! Un huissier, c’est l’agent de l’exécution.

M. Jean-Jacques Hyest. Certes, monsieur le ministre, il n’y a pas assez de mandataires judiciaires, mais c’est peut-être que nous n’avons pas mené jusqu’au bout la nécessaire réforme des tribunaux de commerce…

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui ! Il en reste sans doute un certain nombre qui mériteraient d’être regroupés.

Mme Nicole Bricq. Dites-le à vos amis !

M. Jean-Jacques Hyest. Comme je le dis parfois, la justice commerciale est bonne, à condition qu’elle ne soit pas de trop grande proximité !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je m’étonne de la position de la commission et des propos que vient de tenir notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest.

Sont visées les liquidations de petites entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 100 000 euros et qui n’ont pas de salarié. L’huissier de justice est aussi celui, surtout dans les zones qui comptent peu de professionnels, qui exécute pour plusieurs créanciers et qui organise la répartition. Or il est proposé ici, pour faciliter les choses, qu’il organise la répartition sous le contrôle du tribunal de commerce.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est exactement ça, une liquidation judiciaire !

M. Jacques Bigot. À moins que vous ne vouliez garantir le monopole du mandataire judiciaire, je ne comprends pas que vous refusiez aux huissiers d’exercer ces fonctions, comme ils le font souvent avant la liquidation lorsque cela est possible.

En Alsace-Moselle, nous avons la faillite civile de droit local : les règles de la liquidation judiciaire sont applicables à des particuliers. Du temps où Mme Neiertz était secrétaire d’État, je m’étais battu contre la suppression de cette particularité. Or, dans le cas des particuliers, il n’y a pas de salariés ni de chiffre d’affaires ! La situation est proche de celle des petites liquidations que nous évoquons ici.

Je trouve tout à fait intéressant de pouvoir décharger les mandataires judiciaires des affaires les plus simples. Les bons mandataires judiciaires sont ceux, peu nombreux, qui sont capables d’accompagner le redressement. C’est un travail difficile.

M. Jacques Bigot. Les liquidations, quant à elles, consistent avant tout en un recensement de créances et une répartition, qui est ensuite soumise au tribunal de commerce.

À mon sens, l’article 20 quater mérite d’être rétabli. Je remercie le Gouvernement d’avoir pris l’initiative de le proposer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme l’a dit M. Bigot, ne sont visées que les petites liquidations.

Je voudrais rassurer M. Joyandet : cette réforme concerne moins Paris que les territoires où l’on manque de mandataires judiciaires.

J’ai conscience que le débat est peut-être un peu compliqué, parce que la loi est complexe, mais ce n’est pas, en l’espèce, un débat parisien.

Il n’est pas aberrant, comme l’expliquait à l’instant le sénateur Bigot, de confier à des commissaires-priseurs judiciaires ou à des huissiers l’exécution des petites liquidations. Vous évoquez à juste titre la loi de 2003, monsieur le rapporteur. Toutefois, celle-ci prévoit l’établissement d’une liste sur laquelle, en pratique, les tribunaux de commerce n’ont quasiment jamais inscrit ces professions. Le présent texte tend précisément à ouvrir de droit aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires l’accès à ces fonctions, sur tous les territoires, ce qui constitue une avancée. Aujourd’hui, l’ordonnance du 2 novembre 1945 interdit aux huissiers d’y accéder.

Par ailleurs, vous avez relevé une erreur formelle, monsieur le rapporteur, mais vous avez pour votre part commis une erreur de fond dans votre démonstration. En faisant référence à la summa divisio de la réforme Badinter, il me semble que vous avez confondu les mandataires et les administrateurs judiciaires. Ce texte ne tend pas à revenir sur cette summa divisio : le mandataire judiciaire est toujours du côté du créancier ; c’est l’administrateur judiciaire qui est du côté de l’entreprise. Il n’y a donc pas plus de risque de conflit d’intérêts pour le mandataire judiciaire, en l’espèce, que pour l’huissier ou le commissaire-priseur judiciaire : ils sont du côté des créanciers.

Votre argumentation eût été fondée si j’avais proposé de fusionner de nouveau les compétences entre administrateurs et mandataires judiciaires, revenant en cela sur la loi Badinter. Or je respecte, comme vous, cette summa divisio. Le texte que je propose n’introduit aucune confusion à cet égard.

Cependant, sur le terrain, plus particulièrement dans les territoires ruraux, monsieur Joyandet, il y a moins de mandataires judiciaires que de tribunaux de commerce.

M. Jean Desessard. À Paris, on ne manque pas de liquidateurs !

M. Alain Joyandet. Vous apportez de l’eau à mon moulin !

M. Emmanuel Macron, ministre. Or c’est lorsqu’il y a insuffisamment de mandataires sur un territoire que l’on risque les conflits d’intérêts. Nous voulons ouvrir l’exécution des petites liquidations à d’autres professions précisément pour donner plus de choix au tribunal de commerce. En aucun cas cela ne crée un potentiel conflit d’intérêts, contrairement à ce qui se serait produit si nous avions proposé de revenir sur la distinction entre administrateur et mandataire judiciaires, ce que ne prévoit nullement le texte.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, je suis à peu près convaincu que vous m’avez parfaitement compris : je n’ai jamais dit cela !

Quand j’évoque la réforme de M. Badinter, c’est à titre d’élément de comparaison. Je n’ai pas dit que vous alliez revenir sur la séparation entre mandataires judiciaires et administrateurs judiciaires, mais que vous risquiez de recréer une situation analogue à celle qui prévalait avant 1985.

Le mandataire judiciaire est désigné par le tribunal ; l’huissier, lui, a des clients : cela change tout en termes de conflits d’intérêts !

Il faudrait recourir à d’autres professionnels pour exécuter les petites liquidations, faute de mandataires en nombre suffisant ? Mais, à l’article 20, cet après-midi, nous avons pris des dispositions pour accroître le nombre de professionnels intervenant dans ce domaine. La solution, ce n’est pas de confier à une profession une mission dévolue à une autre, c’est de faire en sorte qu’il y ait suffisamment de professionnels dans une profession donnée. Ici, on crée une profession extraordinaire, celle des charcutiers-coiffeurs ! (Rires.) Cela ne peut pas marcher !

C’est la raison pour laquelle il faut en rester au texte de la commission spéciale, qui est parfait ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

M. Alain Joyandet. Je ne suis pas obsédé par la ruralité, monsieur le ministre, mais je connais un peu le sujet.

Un département comme le mien compte deux ou trois mandataires liquidateurs, qui sont effectivement du côté des créanciers, et autant d’huissiers de justice. L’huissier de justice a l’occasion d’intervenir à plusieurs reprises lorsqu’une entreprise est en difficulté : celle-ci, après avoir été placée en redressement judiciaire, obtient une autorisation de poursuite d’activité, avant que la liquidation judiciaire soit décidée, ou pas… Vous proposez de lui confier le soin de procéder ensuite à la répartition pour ce que vous appelez les petites liquidations.

Les « petites » liquidations d’entreprises réalisant moins de 100 000 euros de chiffre d’affaires représentent peut-être, dans nos départements ruraux, 80 % des cas, mais elles revêtent la même complexité que les « grandes » liquidations ! La plupart du temps, les associés se sont portés caution personnelle. Ce n’est pas le CAC 40 !

Mme Éliane Assassi. C’est la droite qui dit cela…

M. Alain Joyandet. Il s’agit d’artisans, de commerçants qui empruntent 50 000 euros à la banque en gageant leur maison. Il est parfois bien plus compliqué d’exécuter une liquidation dans un tel cas que pour une entreprise réalisant 3 millions ou 4 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont les actionnaires ne sont pas là, qui ne détient plus d’actifs : il suffit alors de répartir ce qui reste en faisant une division…

Que l’on parle de « petites » liquidations judiciaires me choque. Une liquidation est bien plus traumatisante pour un artisan qui a donné sa caution personnelle, hypothéqué son logement et fait faillite après avoir travaillé pendant quarante ans que pour le détenteur de multiples actions dans cinquante entreprises du CAC 40 ! Descendez de votre nuage et venez donc un peu en province mettre les pieds dans la glaise ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

En 2014, on a liquidé plus de 63 000 entreprises. Ce sont en majorité de petites liquidations. Si on confie le soin de les exécuter à des professionnels dont le métier de base les a conduits à se rendre auparavant dans les entreprises concernées pour procéder à des significations, apporter des injonctions de payer, etc., le risque de conflit d’intérêts est évident. Les « petites » liquidations ne sont pas plus simples que les autres et recouvrent souvent des situations dramatiques. Parlez-en aux petits artisans et aux petits commerçants qui travaillent dur sans parvenir à dégager un salaire ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1628.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 20 quater demeure supprimé.

Article 20 quater (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Demande de priorité

Article 21

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :

1° (Supprimé)

2° Moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en instaurant la rémunération au succès pour leurs activités définies à l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable et en transposant les dispositions de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») dans l’ordonnance n° 45-2138 précitée ;

3° Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire et de conseil en propriété industrielle :

a) Dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue par des personnes exerçant l’une des professions exercées en commun au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l’exercice constitue l’objet social d’une de ces professions ;

b) En préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ;

c) En prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession ;

d) (nouveau) En assurant aux professionnels en exercice au sein de la société la maîtrise des conditions d’exercice de leur activité ;

e) (nouveau) En assurant une représentation équitable, au sein des organes de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance de la société, de chaque profession exercée en son sein ;

4° (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 16 est présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 774 est présenté par MM. Ravier et Rachline.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l'amendement n° 16.

M. Christian Favier. L’article 21 habilite le Gouvernement à constituer par voie d’ordonnance des structures d’exercice libéral interprofessionnel entre avocats, commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires et conseils en propriété industrielle. Vous savez tout le mal que nous pensons des ordonnances, mais nous ne pensons pas moins de mal de la création de ces grosses structures libérales interprofessionnelles.

Favoriser l’émergence de ce genre de superstructures du droit, c’est encourager la concentration et la création de gros cabinets au détriment des plus petits ; c’est favoriser l’émergence de « géants » du droit au sein des grandes villes, qui écraseront les cabinets plus modestes, de proximité, dans les petites villes et les zones rurales ; c’est porter atteinte à la proximité juridique et au maillage territorial des professions du droit au profit de quelques grandes structures.

Prenant pour modèle le droit anglo-saxon, ces grosses entreprises associant plusieurs professions du droit au sein d’une même structure se caractérisent par l’ouverture de leur capital, dont la majorité peut être possédée par toute personne extérieure à la société, pour peu qu’elle soit légalement établie en Europe et qu’elle exerce en qualité de professionnel libéral une des activités représentées au sein de cette structure, sans même qu’il soit besoin qu’elle l’exerce dans cette dernière. Ainsi, le capital est ouvert aux grandes sociétés du droit déjà existantes dans d’autres pays de l’Union européenne, dont la vocation juridique est parfois supplantée par la vocation financière.

En outre, l’exercice en commun de plusieurs professions juridiques doit être strictement encadré pour éviter toute concurrence interne. Il faut s’assurer, pour garantir la qualité du service rendu, que chaque professionnel exerce bien dans le domaine de compétence qui est le sien et ne puisse intervenir qu’à titre accessoire dans le domaine d’une autre profession au sein de la société, ni exercer une autre profession en dehors de celle-ci. Par ailleurs, il faut garantir que chaque professionnel exerce exclusivement dans cette structure, pour éviter tout conflit d’intérêts.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que, si création de sociétés interprofessionnelles il doit y avoir, elle doit se faire par le biais d’une loi assurant le respect des conditions que nous avons énoncées, et non par ordonnance, hors du contrôle du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 774 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 16 ?

M. François Pillet, corapporteur. La commission, qui s’est efforcée d’encadrer les habilitations sollicitées, est défavorable à cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1630, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :

1° Moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en instaurant la rémunération au succès et en transposant les dispositions de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») dans l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable ;

2° Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable :

a) Dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qui exercent ces professions ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant la ou les professions constituant l’objet social de la société ;

b) En préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ;

c) En prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession ;

3° Adapter le dispositif régissant l’activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques afin d’améliorer son adéquation aux objectifs de sécurité juridique et d’attractivité économique.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement important rejoint la discussion que nous avons eue tout à l’heure.

Il s’agit ici d’ouvrir la possibilité, en l’encadrant strictement, de créer des structures associant des professionnels du droit et de l’expertise comptable.

L’objectif est de permettre la constitution de structures interprofessionnelles couvrant l’ensemble des besoins des clientèles, entreprises comme particuliers. Au-delà de la mise en commun de moyens entre des personnes appartenant à des professions libérales différentes, la loi du 28 mars 2011 a créé des structures interprofessionnelles capitalistiques. Cependant, ces structures interprofessionnelles d’exercice, qui pourraient offrir aux entreprises un point d’entrée unique pour la réalisation de leurs affaires, ne se sont jamais développées, en raison de plusieurs obstacles que cet amendement vise à lever, en prévoyant plusieurs garanties.

D’abord, il convient de préserver les règles déontologiques spécifiques et applicables à chaque profession. Seront ainsi précisées par voie réglementaire l’absence de relation de contrôle hiérarchique par un professionnel autre que ceux exerçant la même profession, l’interdiction d’intervenir dans un domaine pour lequel un autre professionnel détient une compétence exclusive en application des dispositions législatives ou réglementaires, ou encore l’interdiction de la facturation globale.

Pour être très clair, un avocat peut créer une société interprofessionnelle avec un notaire, mais il ne peut avoir aucune influence sur l’action de celui-ci dans son champ de compétence exclusif. Le texte garantit une étanchéité complète. De la même façon, il ne peut avoir aucune influence sur les tarifications appliquées par le notaire. Je ne reviens pas sur les éléments déontologiques qui ont déjà été évoqués.

En outre, cet amendement vise à conserver la faculté d’associer la profession de conseil en propriété intellectuelle à la liste des professions admises à constituer de telles structures.

Enfin, il tend à rétablir au 1° de l’article le dispositif de rémunération au succès pour la profession d’expert-comptable tel que prévu par l'Assemblée nationale.

Le texte issu des travaux de la commission spéciale du Sénat prévoit d’appliquer la rémunération au succès aux activités principales des experts-comptables, celles qui sont visées à l’article 2 de l’ordonnance de 1945. Toutefois, cette mesure est contraire à l’intention du Gouvernement, qui est d’exclure, dans l’ordonnance qui sera prise sur le fondement de cette habilitation, la rémunération au succès pour les missions de tenue de comptabilité et de révision comptable qui sont précisément prévues aux alinéas 1 et 2 de ladite ordonnance. Il s’agit là de missions encadrées.

Autoriser la rémunération au succès des prestations de tenue de comptabilité, de révision comptable ou d’accompagnement des personnes physiques dans leurs démarches à caractère fiscal ou social pourrait présenter des risques importants de dérives déontologiques. Je pense qu’il y a eu là une incompréhension entre nous. À l’inverse, nous voulons que la rémunération au succès vaille pour les activités autres que celles qui sont définies par l’ordonnance de 1945. C’est pourquoi il est proposé de supprimer toute référence, dans l’habilitation législative, à l’article 2 de cette ordonnance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Eu égard aux débats que nous avons déjà eus, je me contenterai de dire que l’amendement est contraire à la position de la commission spéciale en ce qu’il tend à supprimer des mesures que nous considérons être des avancées.

En outre, cet amendement vise à ajouter une demande d’habilitation supplémentaire, ce qui ne plaît pas à tous…

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. À ce stade, je souhaite transformer mon amendement n° 729 en un sous-amendement à l’amendement du Gouvernement, afin d’apporter une précision que je crois utile. Cela n’en changera pas l’esprit.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 1760 à l’amendement n° 1630 du Gouvernement, présenté par M. Bigot et ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) En garantissant leur mission liée à leur statut d’officier public ou ministériel ou d’auxiliaire de justice ;

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. François Pillet, corapporteur. Je ne comprends pas : votre sous-amendement est totalement contraire à l’amendement du Gouvernement. La commission y est défavorable, par cohérence, alors qu’elle aurait émis un avis favorable sur votre amendement…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1760.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1630.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 1072 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1474 est présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 1072.

M. Christian Favier. Il s’agit d’un amendement de repli.

Nous sommes opposés aux ordonnances. Néanmoins, le Gouvernement persistant dans la généralisation du recours à cette pratique antidémocratique, nous proposons a minima de supprimer l’alinéa 3, qui prévoit de moderniser la profession d’expert-comptable par ordonnance, en instaurant une rémunération au succès.

N’oublions pas que ce projet de loi élargit les domaines de compétence des experts-comptables, en les étendant aux conseils et services juridiques en lieu et place des avocats pour les clients dont ils ont par ailleurs la charge concernant les activités du chiffre. Nous sommes donc formellement opposés au principe de la rémunération au succès pour cette profession, tel qu’introduit par le Gouvernement.

Le principe de la rémunération au succès est exclu du droit positif français, notamment pour les avocats. Il est donc incohérent de l’autoriser pour les experts-comptables au moment même on leur permet d’élargir le champ de leurs activités au-delà de l’expertise comptable, pour empiéter sur le domaine juridique, qui relève précisément de la compétence des avocats.

Cette possibilité de rémunération au succès renforce la différence de traitement entre les avocats et les experts-comptables en matière de conseil juridique, au détriment des avocats, qui sont pourtant, par définition, les mieux à même de dispenser des conseils juridiques de qualité. Au-delà, l’introduction de cette exception pourrait conduire à la généralisation d’un mode de rémunération incompatible avec les principes déontologiques édictés par l’ensemble des professions réglementées proposant des prestations de conseil juridique.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 1474.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à supprimer le principe de la rémunération au succès pour les experts-comptables, qui est exclu du droit positif français, notamment en ce qui concerne les avocats, et on comprend bien pourquoi !

Outre qu’elle crée une rupture d’égalité entre les avocats et les experts-comptables, l’introduction de cette exception pourrait conduire à la généralisation d’un mode de rémunération incompatible avec les principes déontologiques édictés par l’ensemble des professions réglementées proposant des prestations de conseil juridique.

En outre, ce mode de rémunération soulève des interrogations déontologiques, dans la mesure où il pourrait y être recouru pour des prestations de conseil en optimisation fiscale réalisées par les experts-comptables.

S’agissant des experts-comptables, quelle est la signification d’une rémunération au succès ? Qu’ils ont bien fait leur travail ? Encore heureux ! Sinon, qu’ils se fassent charcutiers ou coiffeurs ! (Exclamations amusées.)

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas gentil pour les charcutiers !

M. Alain Joyandet. Vous pensez que les charcutiers ne font pas bien leur travail ?

M. Jean-Pierre Grand. Le premier des charcutiers, c’est le ministère de l’intérieur !

M. Jean Desessard. Bien sûr que les charcutiers, les coiffeurs et les experts-comptables font bien leur travail ! Tout le monde est à féliciter !

Pour les experts-comptables, la rémunération au succès peut concerner une activité de conseil aux entreprises en matière d’optimisation fiscale. Certes, ce n’est pas interdit, mais pourquoi devrions-nous les encourager à aider des entreprises à payer moins d’impôt ? L’État roule sur l’or ? Il n’y a pas de déficit budgétaire ?

La rémunération au succès peut également concerner une aide à l’optimisation de la rentabilité.

En tout état de cause, quels critères permettent de mesurer le succès ? Monsieur le ministre, vous m’avez précédemment reproché de vous faire un procès a priori. Il y a tout de même des divergences politiques, au sein de cette enceinte ! Même si, je le reconnais, nous sommes moins nombreux que d’autres, nous n’en défendons pas moins un certain nombre de principes. Ainsi, nous refusons le libéralisme : écologie et libéralisme ne vont pas dans le même sens !

Mme Éliane Assassi. Cela dépend pour qui !

M. Jean Desessard. À une certaine époque, à droite, le gaullisme ne prônait pas le libéralisme.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous n’avez pas tort !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean Desessard. Je conclus, monsieur le président.

Il nous est proposé de « moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en instaurant la rémunération au succès » : c’est tout de même formidable !...

M. le président. L'amendement n° 206 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

en instaurant la rémunération au succès pour leurs activités définies à l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable et

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Nul n’ignore que le droit est l’une des armes de l’affrontement culturel, industriel et commercial actuel. Or le droit continental, qui est au fondement de notre culture européenne, est aujourd’hui en passe de perdre la bataille menée depuis deux siècles contre la common law. Et pourtant, ce naufrage n’est pas inéluctable !

Le droit continental répond à une identité très forte, sous-tendue par des logiques vertueuses, ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas ou ne doit pas évoluer. Ce qui différencie, au premier chef, le droit romano-germanique de la common law, c’est l’affirmation de la primauté du code civil et de ses droits dérivés. Cela se traduit par la prééminence de la loi sur la volonté des parties, que l’on retrouve cantonnée dans le contrat.

Plus largement, la loi est perçue comme l’expression de la volonté générale, raison pour laquelle elle a une valeur absolue. A contrario, le droit coutumier, qui est une traduction de la common law, fait prévaloir le contrat en tant qu’affirmation de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté des parties. Par conséquent, le juge ne peut défaire ce que les cocontractants ont voulu, tandis que le droit continental prévoit une immixtion du juge dans le contrat au nom de l’ordre public, expression de l’intérêt général et supérieur.

La question de la rémunération au succès des experts-comptables participe de cette guerre, si l’on veut filer la métaphore belliciste. L’interdiction des honoraires intégralement proportionnels au résultat, encore appelés pacte de quota litis, limite les risques de dérives liées aux intérêts économiques, ainsi que les conflits d’intérêts au regard de la déontologie des experts-comptables. Il y va également de la protection du consommateur.

M. le président. L'amendement n° 183, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

en instaurant la rémunération au succès

2° Remplacer les mots :

et en transposant

par les mots :

en transposant

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je considère que la rémunération au succès des experts-comptables pose problème au regard des conflits d’intérêts, d’autant que, si j’ai bien compris, on a élargi le champ de cette rémunération.

Je ne suis pas opposé par principe à la rémunération au succès, mais il n’est ni raisonnable ni responsable, me semble-t-il, de la prévoir pour les experts-comptables, eu égard aux activités de conseil en matière d’optimisation fiscale qu’ils peuvent avoir. Même pour leurs activités accessoires, cela poserait problème : je pense par exemple à la cession de parts ou d’actions soumise à des success fees fondés sur le prix de cession, alors que ce dernier aura été calculé au vu du bilan établi et certifié par le même expert-comptable…

C’est pourquoi il me semble raisonnable de supprimer cette disposition tant pour les activités principales que pour les activités accessoires des experts-comptables.

M. le président. L'amendement n° 1661, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

pour leurs activités définies à l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable

2° Remplacer le mot :

précitée

par les mots :

du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1661 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. François Pillet, corapporteur. Je donnerai d’abord l’avis de la commission sur l’amendement n° 206 rectifié. Si celui-ci est adopté, les autres amendements seront satisfaits.

L’amendement n° 206 rectifié, qui rejoignait pour partie l’amendement n° 1661 du Gouvernement, vise à supprimer l’instauration, au bénéfice des experts-comptables, d’une rémunération au succès en matière de prestations comptables.

La commission spéciale avait initialement limité la possibilité de rémunération au succès aux seules prestations comptables, estimant qu’on ne pouvait ouvrir aux experts-comptables, qui ne pratiquent le droit qu’à titre accessoire, un dispositif faisant l’objet d’un encadrement très strict pour ce qui concerne les avocats et dont sont exclus les autres praticiens du droit.

Les préoccupations soulevées par nos collègues quant aux dérives qu’une telle pratique pourrait entraîner en matière comptable paraissent tout à fait fondées. Elles devraient aussi conduire à plus de circonspection encore s’agissant d’une rémunération au résultat en matière juridique.

Finalement, tout cela montre que l’idée d’une rémunération au succès n’est pas si pertinente que cela, s’agissant des experts-comptables.

C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 206 rectifié.

M. François Pillet, corapporteur. S’il est adopté, tout le monde sera satisfait ! (Exclamations amusées.)

Mme Éliane Assassi. Magnifique !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je crains que tout le monde ne soit satisfait, sauf le Gouvernement ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. C’est bien ce qui me semblait…

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme je l’ai indiqué tout à l'heure en évoquant la prévention d’éventuels conflits d’intérêts, il s’agit ici des missions autres que celles visées par l’ordonnance de 1945. D'ailleurs, M. Bouvard l’a bien compris, qui a fait mention de certaines d’entre elles.

Monsieur Desessard, la rémunération au succès existe en droit positif. D'ailleurs, vous l’avez déjà votée à l’article 13, alinéa 11, pour ce qui concerne les avocats.

M. Jean Desessard. Vous suivez mes votes à la trace ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous proposons maintenant de l’instaurer pour les experts-comptables. Cela ne me semble pas être un crime. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces différents amendements.

Demande de priorité

Article 21
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 21

M. le président. J’ai été saisi par la commission d’une demande de priorité de mise aux voix de l’amendement n° 206 rectifié.

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

Je mets aux voix l'amendement n° 206 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Claude Requier. C’est mon premier succès sur ce texte ! (Sourires et applaudissements.)

M. Jean-Claude Lenoir. L’obstination paie toujours !

M. le président. En conséquence, les amendements nos 1072, 1474 et 183 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 1497, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Créer le titre d’expert-comptable en entreprise en définissant les conditions dans lesquelles les personnes répondant aux conditions de qualification prévues au 4° de l’article 3 de l’ordonnance n° 45-2138 précitée peuvent être salariées d’une entreprise non inscrite à l’ordre pour réaliser au profit de cette entreprise des missions d’ordre comptable, afin d’améliorer la sécurité financière et la gestion des entreprises, de façon à concilier les caractéristiques inhérentes à la situation de salarié d’une entreprise non inscrite à l’ordre et les règles déontologiques propres à l’exercice de la profession d’expert-comptable ;

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Au travers de cet amendement, le Gouvernement sollicite encore une fois une habilitation à légiférer par ordonnance, ce qui ne manquera pas de réjouir la Haute Assemblée… (Exclamations ironiques.)

Je ne pouvais manquer de soulever ce sujet, qui relève de l’entreprise de modernisation que nous avons engagée. Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission spéciale, cette réforme voulue par le Gouvernement, concernant les avocats en entreprise, a besoin d’être mûrie au sein de la profession : pour l’heure, seule une partie du barreau y est favorable.

En revanche, pour ce qui concerne les experts-comptables, la moitié des diplômés d’expertise comptable exercent aujourd'hui en qualité de salarié dans une entreprise, et non en tant que professionnel libéral. Les fonctions qu’ils occupent les placent très souvent au cœur de la gouvernance des entreprises. Pour l’heure, ils n’ont aucun titre et n’entretiennent que peu de relations avec l’Ordre des experts-comptables. Nous proposons de remédier à cette situation, en leur donnant un statut.

Les diplômés qui le souhaiteraient signeraient une convention leur conférant le droit d’utiliser le titre d’expert-comptable en entreprise et s’engageraient, en contrepartie, au travers d’une convention, à respecter le code de déontologie des experts-comptables en entreprise, directement inspiré du code de déontologie applicable aux experts-comptables et, plus généralement, des règles de l’International federation of accountants, l’IFAC.

L’adhésion volontaire à ce code soumettrait les professionnels à une obligation d’information à l’égard de leur employeur. Ils seraient tenus d’agir avec honneur, probité et discrétion et de se former régulièrement.

Je pense que cette mesure entraînera tôt ou tard une évolution parallèle du statut d’avocat en entreprise, profession au sein de laquelle le sujet demeure pour l’heure moins consensuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Il est trop tard pour intégrer au texte une disposition totalement nouvelle, qui n’a fait l’objet d’aucune étude d'impact et dont le Gouvernement n’a à aucun moment évoqué la possibilité lors des travaux de la commission.

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement, d'autant que le Gouvernement procéderait par voie d’ordonnances.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour prévenir tout malentendu, j’indique que cet amendement a été déposé par le Gouvernement dans les délais et a été examiné par la commission spéciale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1497.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 444, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Les alinéas 4 à 9 de l’article 21 prévoyaient initialement d’habiliter le Gouvernement à faciliter, par ordonnance, la création de sociétés au sein desquelles pourraient exercer plusieurs professionnels du droit – avocats, huissiers, notaires –, mais aussi du chiffre, comme les experts-comptables.

Cette première version posait un problème déontologique majeur. En effet, elle permettait l’émergence de grands cabinets dans lesquels auraient cohabité des experts-comptables, chargés de l’établissement des comptes, et des avocats, notamment des avocats d’affaires.

On nous a maintes fois répété que les règles de déontologie seraient scrupuleusement respectées, mais, lorsque l’appât du gain est fort, mieux vaut ne pas prendre de risque. Si, par exemple, une société souhaite en racheter une autre, elle va s’adjoindre les services d’un avocat d’affaires. Si cet avocat exerce dans le même cabinet que l’expert-comptable qui a établi les comptes de l’entreprise cible, on comprend très vite où se situe le risque.

La commission spéciale du Sénat a réduit la multiprofessionnalité initialement prévue en retirant du texte la mention des experts-comptables. Il s’agit certes d’une avancée, mais elle demeure, à nos yeux, insuffisante.

En effet, en maintenant les officiers ministériels dans le dispositif, on mettra en péril le rôle qu’ils jouent dans notre société. Quand de grands cabinets à l’anglo-saxonne auront fait émerger des « supermarchés du droit » regroupant des avocats, des notaires ou encore des huissiers, on s’apercevra que les notaires ne serviront plus qu’à valider des actes et à apposer des tampons. Or ces officiers ministériels assurent aujourd'hui une mission de service public indispensable. Par conséquent, il faut veiller à leur indépendance de manière stricte et ne pas déroger à ce principe.

La multiprofessionnalité ne garantissant pas cette indépendance, nous vous proposons de ne pas nous engager dans cette voie dangereuse.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 727 est présenté par MM. Guillaume, Lalande et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 842 rectifié est présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ, Delattre et Doligé, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Laménie, Lefèvre, P. Leroy et Longuet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Perrin et Pierre, Mme Primas et MM. Raison, Trillard et Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

1° Après le mot :

notaire

remplacer le mot :

et

par le signe :

,

2° Compléter cet alinéa par les mots :

d’expert-comptable et de commissaire aux comptes

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 727.

M. Jacques Bigot. Cet amendement vise simplement à ce que l’on n’empêche pas les experts-comptables et les commissaires aux comptes de constituer des sociétés interprofessionnelles.

Ces professionnels craignent que la rédaction actuelle du texte ne leur permette plus d’exercer en commun leurs fonctions, ce qui serait tout à fait gênant compte tenu de l’organisation française actuelle.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l'amendement n° 842 rectifié.

M. Jean Bizet. Depuis une cinquantaine d’années, les professionnels du chiffre vivent au quotidien l’interprofessionnalité évoquée par M. Bigot, dont je fais mienne l’argumentation.

M. le président. L'amendement n° 182, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Dans lesquelles ne pourraient être associées que des personnes physiques ou morales qui exercent ces professions soumises à un statut législatif ou réglementaire, légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse ;

II. – Alinéas 8 et 9

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

d) En assurant la protection la plus élevée du secret professionnel ;

e) En prévoyant qu’ils soient dépourvus de la personnalité morale ;

f) En prévoyant un exercice professionnel des membres du groupement exclusivement en son sein ;

g) En prévoyant que chaque membre du groupement ne puisse accomplir un quelconque acte professionnel relevant de la compétence exclusive d’un autre membre suivant les règles applicables à son statut professionnel ;

h) En prévoyant que chaque membre ne puisse effectuer à titre accessoire des actes professionnels relevant de l’activité principale d’un autre membre suivant leurs statuts professionnels respectifs ;

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Si je suis favorable à l’interprofessionnalité, j’estime qu’elle doit être quelque peu encadrée.

Au travers de cet amendement, je propose de préciser l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances donnée au Gouvernement.

Premièrement, aucun professionnel ne doit pouvoir exercer à titre accessoire l’activité principale d’un autre professionnel membre du même groupement. Comme M. le ministre l’a dit tout à l'heure, il s’agit de garantir que les dossiers seront traités par un professionnel de la meilleure qualité.

Deuxièmement, il faut que chaque professionnel exerce exclusivement dans la structure, pour éviter les conflits d’intérêts.

Troisièmement, le groupement ne doit pas être doté de la personnalité morale, de manière à assurer la responsabilité individuelle des professionnels, l’adhésion à leurs régimes sociaux propres et, surtout, le lien direct avec leurs organes de contrôle déontologiques et disciplinaires respectifs.

M. le président. L'amendement n° 312 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Marie, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

personnes

insérer (deux fois) le mot :

physiques

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. De manière générale, je ne suis pas favorable à l’interprofessionnalité. Cependant, puisque l’on va manifestement dans cette direction, il faut au moins veiller à empêcher la financiarisation, qui est refusée sur toutes les travées de cet hémicycle, en particulier l’entrée des cabinets anglo-saxons détenus par des entités financières.

Pour éviter ces dérives et être en conformité avec le droit européen, il existe une solution simple : limiter le partenariat des sociétés concernées aux professionnels personnes physiques, en excluant les professionnels personnes morales.

M. le président. L'amendement n° 729, présenté par MM. Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) En garantissant leur mission liée à leur statut d’officier public ou ministériel ou d’auxiliaire de justice ;

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Je ne défendrai pas davantage cet amendement, mais je le maintiens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 444 est largement satisfait par le texte de la commission, qui a exclu la création des sociétés visées. Par conséquent, j’en sollicite le retrait.

Les amendements nos 727 et 842 rectifié visent à inclure les experts-comptables et les commissaires aux comptes dans le périmètre des sociétés multiprofessionnelles. Les auteurs de ces amendements vont ainsi beaucoup plus loin que les députés, qui n’avaient pas retenu les commissaires aux comptes, parce qu’ils craignaient que ceux-ci ne se trouvent placés, de ce fait, dans des situations de conflit d’intérêts. En effet, la société multiprofessionnelle dont la création est envisagée ici rendrait possible l’exercice, au sein de la même structure, des professions d’expert-comptable et de commissaire aux comptes, ce qui, en principe, est exclu par le droit communautaire : juridiquement, les uns et les autres ne sauraient travailler dans une même société.

Parallèlement, la commission spéciale a exclu les experts-comptables pour la raison que j’ai évoquée tout à l'heure : l’ordonnance statutaire de ces professionnels exige qu’ils détiennent les deux tiers des droits de vote des structures dans lesquelles ils exercent leur profession. L’asymétrie qui en résulterait à l’égard des autres professionnels rend impossible l’association sur une base égalitaire au sein de telles sociétés multiprofessionnelles. Pour le dire clairement, cela donnerait aux experts-comptables la maîtrise de la société, sans que jamais une autre profession puisse la leur contester. On ne peut pas concevoir une société multiprofessionnelle sur ces bases.

L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 182 vise à remplacer les garanties prévues par la commission spéciale pour les sociétés multiprofessionnelles par d’autres types de garanties, destinées à éviter qu’un professionnel puisse exercer, à titre accessoire, l’activité d’un autre professionnel et à garantir le respect du secret professionnel.

Outre qu’il tend à supprimer des garanties que notre commission a ajoutées au texte, afin de préserver la maîtrise, par les professionnels en exercice au sein de la société, de leurs conditions d’exercice, l’amendement ne paraît pas totalement abouti puisque son adoption interdirait aux associés de ces sociétés de se constituer en personnes morales, alors que son texte prévoit expressément qu’il pourrait en aller ainsi.

Enfin, on peut s’interroger sur l’opportunité d’instaurer, au sein de ces structures, une interdiction absolue de pratiquer l’activité des autres professionnels lorsqu’il s’agit uniquement de compléter une prestation que l’on accomplit à titre principal.

Dans ces conditions, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 312 rectifié.

Contrairement à ce que vous indiquez, madame Lienemann, la question porte moins sur la qualité de personne morale ou de personne physique que sur la nature de l’activité que cette personne juridique exerce : il faut veiller à ce qu’une société commerciale ne puisse monter au capital de telles structures ; en revanche, s’il s’agit d’une autre société exerçant la même profession juridique, et donc soumise à la même déontologie, son accession au capital est acceptable.

Enfin, la commission est favorable à l’amendement n° 729, estimant qu’il apporte une précision tout à fait utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet les mêmes avis que la commission spéciale sur l’ensemble de ces amendements. Néanmoins, je souhaite apporter deux éléments de clarification.

Je voudrais d’abord dire à Mme Lienemann que, en l’état, le texte prévoit que ces sociétés interprofessionnelles sont ouvertes à des personnes physiques relevant des professions concernées ou à des personnes morales, sous réserve que celles-ci soient détenues à 100 % par des membres desdites professions. Il n’y a donc aucune ouverture à quelque acteur financier que ce soit, fût-ce par le truchement d’une personne morale, qui ne serait pas un professionnel lui-même.

Cela signifie que, si vous êtes notaire ou avocat, membre d’une société civile professionnelle, par exemple, vous pourrez, par le truchement de cette société, devenir actionnaire de cette structure interprofessionnelle, et pas simplement en votre nom direct. En revanche, il ne peut en aucun cas y avoir une structure ouverte à des tiers.

Votre préoccupation, madame la sénatrice, me semble donc pleinement satisfaite par la réforme ; je vous en donne même la garantie.

Par ailleurs, s’agissant des éléments soulevés très justement par M. Bouvard, je tiens à préciser très clairement que les experts-comptables, lorsqu’ils sont commissaires aux comptes, peuvent participer à une structure interprofessionnelle, mais à la condition qu’ils exercent leur mandat dans une autre structure. C’est là d’une distinction importante.

Aujourd’hui les professionnels, qui sont à la fois experts-comptables et commissaires aux comptes, doivent exercer leurs deux fonctions dans des structures séparées.

Un professionnel membre d’une société interprofessionnelle qui souhaitera être expert-comptable et exercer aussi des fonctions de commissaire au compte n’aura pas le droit de le faire dans cette même structure interprofessionnelle ; il ne le pourra que dans une autre structure, comme c’est le cas aujourd’hui.

Cela me permet de rassurer pleinement M. Desessard : cette même étanchéité, qui est l’une des conséquences de l’affaire Enron et des conflits d’intérêts qui ont été constatés, est pleinement préservée dans réforme qui est ici proposée.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’argumentaire qui m’a été opposé me laisse dubitative, même si j’ai bien compris, ayant écouté M. le ministre et M. le corapporteur, que la question était davantage celle de la nature de l’activité. Le problème que je pose est celui des sociétés étrangères, qui ne suivent pas forcément les mêmes règles que nous, notamment en ce qui concerne le capital détenu.

Toutefois, M. le ministre a semblé garantir que tout risque était écarté et M. Bizet considère, lui aussi, qu’il n’y a pas de menace majeure de ce côté. Par conséquent, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 312 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. le corapporteur m’a demandé de retirer mon amendement. Je reconnais que le texte modifié par la commission comporte effectivement des avancées considérables et correspond plus à ma vision des choses que le texte initial du Gouvernement.

Il reste que je suis opposé à l’émergence de ces sociétés interprofessionnelles. En effet, que deviendront les actes authentifiés et, plus généralement, les missions de service public assurées par les notaires ? Moi, je reste attaché à la figure du notaire, qui a son étude, qui incarne une déontologie, une confiance.

À l’inverse, dans le cadre d’une structure interprofessionnelle, on pourra aller voir un avocat pour ceci chose, un notaire cela, et, au bout de quelque temps, les choses seront indifférenciées. Avec l’évolution que vous nous proposez, nous aurons effectivement une grande maison du droit regroupant toutes ces professions de manière indifférenciée. On donnera des habilitations pour tel ou tel service, et certains services seront reconnus d’utilité publique, mais l’image d’une profession et la notion même du service public qu’elle apporte disparaîtront aux yeux des gens, au profit d’une grande maison du droit où on ira voir telle ou telle entreprise.

Il s’est produit la même chose pour les banques. Autrefois, la Caisse d’épargne ou La Poste, par exemple, cela signifiait quelque chose pour les gens. Or, dorénavant, toutes les banques sont pareilles. Il n’existe plus cette image particulière qui était identifiée par le public.

Je suis partisan d’une authentification forte des métiers, des professions, et de la déontologie qui les accompagne. Même si vous dites que l’authentification restera, je n’en suis pas convaincu. Il restera uniquement une authentification de quelques actes de service public, voire une déontologie, mais celle-ci sera liée à ces actes, pas à la profession.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Bigot, l'amendement n° 727 est-il maintenu ?

M. Jacques Bigot. Non, je le retire, monsieur le président.

M. Jean Bizet. Je retire également l'amendement n° 842 rectifié, monsieur le président !

M. le président. Les amendements nos 727 et 842 rectifié sont retirés.

Monsieur Bouvard, l'amendement n° 182 est-il maintenu ?

M. Michel Bouvard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 182 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 729.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.

(L'article 21 est adopté.)

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 22 (supprimé)

Articles additionnels après l’article 21

M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 1757 est réservé jusqu’après l’article 106.

Je suis saisi de trois amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 21.

L'amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article 19 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Lorsqu’un avocat est commis d’office, le bureau d’aide juridictionnelle procède à un contrôle préalable des ressources du demandeur, sauf dans les cas d’urgence prévus à l’article 20. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a pour objet de préciser que, dans le cas d’un avocat commis d’office, le bureau d’aide juridictionnelle, le BAJ, procède à un contrôle préalable des ressources du demandeur, sauf dans les cas d’urgence prévus à l’article 20.

Comme l’ont souligné nos collègues Jacques Mézard et Sophie Joissains dans leur rapport d’information sur l’aide juridictionnelle, la question du contrôle des ressources du demandeur se pose avec une acuité particulière en matière pénale lorsque l’avocat est commis d’office, en raison, dans les faits, de l’absence de contrôle a posteriori des ressources du demandeur.

Selon le rapport d’information, cette pratique doit impérativement évoluer dans le sens de la limitation des procédures d’urgence aux affaires qui le justifient pleinement, comme les comparutions immédiates.

Dans les cas où l’admission a été prononcée de manière justifiée, en raison de l’urgence de la situation, mais où, après vérification par le BAJ des ressources de la personne, il s’avère que cette aide ne lui était pas due, dans la mesure où l’avocat est déjà intervenu, il doit être payé au titre de l’aide juridictionnelle pour le travail effectué, à charge pour l’État de se retourner contre le justiciable qui a bénéficié indûment de l’aide.

Lors de la discussion de la loi de finances de 2014, notre collègue Catherine Tasca, rapporteur pour avis des crédits des programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice », avait relevé que le renforcement des contrôles sur l’attribution de l’aide juridictionnelle par les BAJ, lorsqu’elle est destinée à rétribuer un avocat commis d’office, devait représenter une économie estimée à 4,8 millions d’euros.

M. le président. L'amendement n° 217 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase de l'article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigée :

« Le bureau d'aide juridictionnelle recueille tous les renseignements utiles sur la situation financière de l'intéressé et bénéficie d’un accès aux fichiers sociaux et fiscaux du demandeur, dans des conditions permettant de préserver la confidentialité des informations reçues. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le rapport d’information sur l’aide juridictionnelle avait souligné que le contrôle des ressources ne relevait pas du cœur de métier des personnes qui composent le BAJ : magistrats, greffiers, auxiliaires de justice...

Le seul moyen de savoir si le patrimoine de la personne l’exclut du bénéfice de l’aide juridictionnelle repose sur sa propre déclaration, le greffe ne disposant pas des moyens de vérifier ses dires.

En pratique, les BAJ utilisent rarement les prérogatives que leur confère l’article 21 de la loi du 10 juillet 1991, lequel dispose que « les services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle ».

Le rapport d’information déjà mentionné proposait donc, à l’instar du rapport de la mission de modernisation de l’action publique, que les BAJ aient accès aux fichiers sociaux et aux fichiers fiscaux pour vérifier les éléments patrimoniaux qui n’apparaissent pas forcément dans les documents fournis par le demandeur. L’amendement n° 217 rectifié tend à mettre en œuvre cette préconisation.

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les bureaux d’aide juridictionnelle mettent en œuvre le traitement dématérialisé des dossiers.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à inscrire dans la loi une autre recommandation du rapport d’information de Mme Joissains et de M. Mézard : que les BAJ puissent mettre en application le traitement dématérialisé des dossiers.

Le rapport souligne que la dématérialisation du traitement des dossiers d’aide juridictionnelle avait été présentée par plusieurs personnes auditionnées comme une solution pour alléger la charge de travail des BAJ. Le formulaire de demande pourrait, à cet effet, prévoir la possibilité pour le demandeur de déclarer une adresse électronique et les BAJ devraient être dotés d’une adresse électronique spécifique.

Les rapporteurs avaient également précisé que la dématérialisation ne devrait être qu’une simple faculté, compte tenu de la fracture numérique existant encore sur le territoire. C’est pourquoi les BAJ continueraient, bien entendu, à traiter matériellement les dossiers, tout en expérimentant d’autres moyens de gestion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. François Pillet, corapporteur. Notre collègue Requier reprend là trois préconisations formulées dans le rapport que Jacques Mézard et Sophie Joissains ont rédigé sur l’aide juridictionnelle.

Je pense que le présent projet de loi n’est pas le bon support pour une réforme de l’aide juridictionnelle, même si celle-ci est plus que jamais nécessaire. D’ailleurs, nous nous sommes opposés, à l’article 12, à ce que le fonds de péréquation serve à financer l’aide juridictionnelle.

Ces amendements sont peut-être des amendements d’appel, destinés notamment à rappeler que la réforme est en cours. Pour cette raison, j’aurais tendance à proposer à M. Requier de retirer ces trois amendements, sauf à ce que le Gouvernement nous dise qu’ils sont bienvenus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement sollicite également le retrait de ces trois amendements, dans la mesure où il serait plus pertinent de les examiner dans le cadre du projet « justice du XXIe siècle », que ma collègue Christiane Taubira viendra présenter dans les prochains mois. C’est dans ce texte que ces amendements doivent figurer, et non pas au détour d’une réforme sur les professions réglementées ou les interprofessions.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.

Mme Sophie Joissains. Je suis évidemment convaincue du bien-fondé de ces amendements quant à leur contenu, mais il est clair qu’ils doivent être examinés dans le cadre d’une réforme spécifique de la justice.

Pour autant, monsieur le corapporteur, je ne pense pas que ces amendements soient destinés à montrer que la réforme avance. Je crois au contraire que la réforme ne se fait pas assez rapidement.

M. le président. Monsieur Requier, les amendements nos 226 rectifié, 217 rectifié et 216 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Jean-Claude Requier. Il s’agissait surtout d’apporter un peu de variété à la variété, puisque ce texte aborde des sujets très divers. S’il est vrai que « l’ennui naquit un jour de l’uniformité », on ne risque pas de s’ennuyer avec un texte comme celui-ci ! (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, je retire ces trois amendements.

M. le président. Les amendements nos 226 rectifié, 217 rectifié et 216 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 607, présenté par Mmes Campion, D. Gillot et Génisson, M. Vincent, Mmes Bricq et Emery-Dumas, MM. Guillaume, Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 127-2-3 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions figurant au premier alinéa, l’assuré peut demander en toute situation à être assisté ou représenté par toute personne qualifiée par la législation ou la réglementation en vigueur pour défendre, représenter ou servir ses intérêts. »

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à apporter une précision dans le code des assurances en complétant son article L. 127-2-3.

Un assuré bénéficiant d’une protection juridique doit, en l’état actuel des textes, être représenté devant un tribunal et défendu devant une juridiction par un avocat payé par la compagnie d’assurance. Or il existe un certain nombre de lieux, tels que les prud’hommes ou le tribunal des affaires de la sécurité sociale, pour lesquels il est prévu que la personne peut être représentée par une personne spécialement habilitée. Cet amendement vise à ce que le contrat d’assurance et de protection juridique ne réduise pas cette possibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à permettre aux assurés bénéficiaires d’un contrat de protection juridique de faire assumer par leur assurance les frais engagés pour leur défense par l’association de victimes ou l’association de consommateurs qui les assiste ou les représente.

La difficulté soulevée par les auteurs de l’amendement provient certainement de l'ambiguïté résultant de la lecture combinée de l’article L. 127-2-3 du code des assurances, qui pose le principe de l’égalité des armes et assure à l’intéressé, si l’autre partie au procès est représentée par un avocat, que son assureur lui paiera un avocat, et de l’article L. 127-3 du même code, qui pose le principe du libre choix, par l’assuré, de son défenseur.

Paradoxalement, lorsque l’autre partie est défendue par un avocat, on pourrait conclure de cette lecture que l’assuré ayant fait le choix d’être défendu par une association ne pourrait demander à ce que son assurance la défraye, dans la mesure où il est seulement prévu que cette dernière supporte le coût d’un avocat.

Cet amendement vise à lever cette ambiguïté, et cela se comprend. Toutefois, il va plus loin puisqu’il pose le principe selon lequel, en toute situation, l’assuré peut demander la prise en charge des frais de son défenseur par l’assurance. Or, pour de menus contentieux, il n’est en règle générale pas fait appel à un avocat ou à un autre représentant des intérêts du justiciable. Il y est recouru non en « toute situation », mais dans deux cas seulement : d’une part, lorsque le contrat le prévoit ; d’autre part, en vertu de l’article L. 127-2-3 du code des assurances, lorsque l’autre partie est défendue par un avocat.

Le dispositif proposé ne répond donc pas parfaitement à l’objectif affirmé par les auteurs.

Par ailleurs, ces dispositions relatives à l’aide juridictionnelle et à l’accès au droit trouveront mieux leur place dans la réforme annoncée, et très attendue, comme l’a rappelé Sophie Joissains.

Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.

De surcroît, une autre difficulté demeure : en matière de contrat de protection juridique, lorsque l’avocat ne facture pas ses honoraires au montant exact du forfait fixé dans le contrat d’assurance, il est contraint d’établir une convention d’honoraires. À l’évidence, si votre amendement était adopté, monsieur Bigot, il faudrait que cette obligation soit également imposée à l’association.

Il s’agit non pas de rejeter l’idée portée par cet amendement, mais d’en améliorer le dispositif dans le cadre des réformes en cours d’élaboration.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 607.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 1454 rectifié bis est présenté par Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam et MM. Frassa, Charon, Commeinhes, Magras et Milon.

L'amendement n° 1475 est présenté par Mme Aïchi et M. Placé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. … – I. – Les entreprises et les associations peuvent employer des avocats salariés d’entreprise selon le statut et les conditions mentionnées au présent article.

« II. – L’avocat salarié d’une entreprise ou d’une association exerce exclusivement son activité pour les besoins propres de l’entreprise qui l’emploie ou de toute autre entreprise du groupe auquel elle appartient. Il formule, en toute indépendance, les avis et consultations juridiques qu’il donne à son employeur.

« Par dérogation à l’article 3 de la présente loi, l’avocat salarié en entreprise n’est pas auxiliaire de justice. Il ne peut assister ou représenter une partie devant une juridiction, même s’il s’agit de l’entreprise qui l’emploie ou de toute autre entreprise du groupe auquel elle appartient. L’avocat salarié en entreprise ne peut pas non plus représenter cette entreprise dans les matières où celle-ci est autorisée à mandater l’un de ses salariés. Il ne peut pas assister une partie dans une procédure participative prévue au code civil. L’avocat salarié d’une entreprise ou d’une association ne peut avoir de clientèle personnelle. N’étant pas auxiliaire de justice, l’avocat salarié en entreprise ne peut revêtir le costume de la profession d’avocat tel que prévu au troisième alinéa de l’article 3 de la présente loi.

« Le contrat de travail est établi par écrit et précise les modalités de la rémunération. Il ne comporte pas de stipulation limitant la liberté d’établissement ultérieure du salarié, si ce n’est en qualité de salarié d’une autre entreprise et ne doit pas porter atteinte à la faculté pour l’avocat salarié de demander à être déchargé d’une mission qu’il estime contraire à sa conscience ou susceptible de porter atteinte à son indépendance.

« Les litiges nés à l’occasion de ce contrat de travail ou de la convention de rupture de ce contrat, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention de rupture sont portés devant le conseil de prud’hommes, en application du code du travail. Si l’examen du litige implique l’appréciation des obligations déontologiques du salarié, la juridiction ne peut statuer sans avoir préalablement recueilli l’avis du bâtonnier du barreau auprès duquel l’intéressé est inscrit.

« III. – Les personnes qui exercent une activité juridique au sein du service juridique d’une entreprise privée ou publique ou d’une association en France ou à l’étranger depuis au moins huit années et qui sont titulaires du diplôme mentionné au 2° de l’article 11 de la présente loi sont inscrites, sous réserve du passage d’un examen de contrôle des connaissances en déontologie, sur la liste spéciale du tableau mentionnée au IV.

« L’examen de contrôle des connaissances en déontologie est organisé par le conseil de l’ordre du barreau auprès duquel l’avocat salarié en entreprise demande sa première inscription.

« L’inscription au tableau prend effet dans le mois de la décision du conseil de l’ordre constatant la réussite à l’examen.

« IV. – L’avocat salarié d’une entreprise est inscrit sur une liste spéciale du tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance du ressort dans lequel se situe le siège de l’entreprise ou de l’établissement dans lequel l’avocat exerce.

« L’avocat salarié doit, sous peine d’omission et de sanction disciplinaire, contribuer aux charges de l’ordre en s’acquittant des cotisations dont le montant est fixé par le conseil de l’ordre. Il doit également, sous les mêmes sanctions, s’acquitter de ses participations aux assurances collectives souscrites par l’ordre pour les cas où sa responsabilité personnelle serait susceptible d’être engagée. La répartition des primes dues au titre des assurances collectives entre les membres du barreau est effectuée par le conseil de l’ordre qui peut notamment moduler cette répartition en fonction de l’ancienneté dans la profession, de la sinistralité antérieure ou de l’existence de risques spécifiques.

« Les entreprises ou associations employeurs de l’avocat peuvent prendre en charge ses cotisations.

« Lorsqu’il cesse son activité salariée en entreprise, l’avocat ne peut requérir son inscription au tableau de l’ordre que s’il remplit les conditions mentionnées à l’article 11 de la présente loi.

« L’avocat inscrit au tableau qui devient avocat salarié d’une entreprise est automatiquement inscrit sur la liste spéciale du tableau.

« V. – L’avocat salarié d’une entreprise est astreint au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Ce secret n’est pas opposable aux autorités judiciaires agissant dans le cadre d’une procédure pénale, ainsi qu’aux autorités administratives indépendantes et aux administrations publiques agissant dans le cadre de leur mission légale. L’avocat salarié ne peut également opposer le secret professionnel à son employeur.

« VI – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment, les modalités d’organisation de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et les modalités d’inscription sur la liste spéciale du tableau. »

II. – L’article 1er bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, tel qu’il résulte du I du présent article, est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Îles Wallis et Futuna.. –

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 1454 rectifié bis.

Mme Jacky Deromedi. Cet amendement tend à créer un statut d’avocat salarié en entreprise, afin de répondre au besoin de renforcement de la protection juridique des entreprises françaises dans un contexte de vive concurrence internationale.

Notre collègue François Pillet écrit dans son rapport : « La création d’une profession d’avocat en entreprise est l’une des réponses envisageables à une question importante : celle de la confidentialité des échanges entre une entreprise et ceux qui, en son sein, sont chargés de la conseiller juridiquement. »

Pour une entreprise, employer un directeur juridique ayant le statut d’avocat aurait l’avantage de conférer un plus haut degré de confidentialité à des échanges, dans la mesure où ils seraient alors couverts par le secret professionnel.

À l’inverse, l’absence d’un tel statut pourrait pousser de grandes entreprises françaises à quitter notre sol, estimant que l’absence de protection juridique suffisante les fragilise en matière de compétitivité économique.

La création de l’avocat en entreprise permettrait non seulement de renforcer la compétitivité juridique de la France, mais aussi d’offrir aux jeunes avocats de nouvelles perspectives et une plus grande flexibilité dans leur carrière : les titulaires du CAPA – certificat d’aptitude à la profession d’avocat –, auraient le choix d’exercer en cabinet ou en entreprise, avec possibilité de passer facilement de l’un à l’autre tout en conservant le titre d’avocat et en restant inscrits au barreau.

Cette solution permettrait en outre d’éviter la création d’une nouvelle profession réglementée de « juriste d’entreprise », avec un degré supérieur de confidentialité inspiré du legal privilege anglo-saxon, lequel ne couvre que le secret des documents de l’entreprise. En effet, un juriste d’entreprise « amélioré » ne réglerait ni les questions de confidentialité ni celles de contrôle déontologique.

Le Gouvernement avait envisagé d’agir en la matière par voie d’ordonnance. Il me paraît préférable, compte tenu de l’importance et de la technicité du sujet, que le législateur traite directement de cette question de façon beaucoup plus approfondie, via un autre véhicule législatif que Mme la garde des sceaux devrait présenter prochainement, en prenant soin, bien sûr, d’organiser les consultations et concertations nécessaires. François Pillet souligne d’ailleurs dans son rapport que la réflexion doit se poursuivre, « même si le retard pris est regrettable ».

Il s’agit donc surtout d’attirer l’attention du Sénat et du Gouvernement sur la nécessité de traiter cette question, et je serai probablement conduite à retirer cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 1475 n’est pas soutenu.

L'amendement n° 913 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Marseille, Tandonnet et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 58 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifié :

1° Le mot : « peuvent » est remplacé par les mots : « ou d’une association, peuvent, en toute indépendance » ;

2° Sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :

« Le juriste d’entreprise au sens du présent article est au moins titulaire du diplôme mentionné au 2° de l’article 11, exerce en exécution d’un contrat de travail conclu avec une entreprise ou une association et est chargé, à titre permanent et exclusif, dans le cadre d’un exercice individuel ou au sein d’un département structuré dont c’est la mission principale, de connaître des questions juridiques de l’entreprise, du groupe d’entreprises ou de l’association qui l’emploie.

« Les consultations, avis et correspondances de nature juridique émis par un juriste d’entreprise tel que défini au deuxième alinéa, les documents utilisés par ce juriste pour leur établissement et qui y sont joints, ainsi que tous ses échanges avec un autre juriste d’entreprise, dans l’exercice de ses fonctions, ou avec un avocat, que ceux-ci soient français ou étrangers et qu’ils soient localisés en France ou dans un autre État, sont couverts par la confidentialité au bénéfice de l’entreprise, du groupe d’entreprises, ou de l’association qui l’emploie.

« Cette confidentialité est présumée pour les informations échangées sous couvert d’une mention explicite : « confidentiel – juriste d’entreprise ».

« Les informations non publiques échangées entre juristes d’entreprise sont également couvertes par cette confidentialité, sauf déclaration unilatérale de l’émetteur ou convention contraire préalable et écrite.

« Les informations couvertes par la confidentialité ne peuvent être ni saisies par une quelconque autorité judiciaire, administrative ou de contrôle, française ou étrangère, ni être opposées à l’entreprise, au groupe d’entreprises ou à l’association qui emploie le juriste d’entreprise dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative.

« Toute contestation relative à l’opposabilité de la confidentialité relève de la compétence du juge de la détention et des libertés dont la décision est susceptible d’appel devant la Chambre de l’instruction. Le document dont le caractère confidentiel est contesté ne peut être utilisé dans le cadre d’une quelconque procédure avant la décision du juge de la détention et des libertés. »

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. L'objet du présent amendement est d’instaurer, pour les juristes d'entreprise, des règles de protection des documents juridiques et d'indépendance semblables à celles qui existent dans les pays étrangers et dont la France est actuellement dépourvue.

Il adjoint donc à la définition légale de juriste d'entreprise la confidentialité de tout échange, élément nécessaire à l'efficacité de son travail et à la protection des entreprises françaises.

La confidentialité étant attachée au document et non à la personne, il ne s’agit en aucune façon de créer une nouvelle profession réglementée.

À travers cet amendement, nous permettons en outre aux associations professionnelles d'avoir recours à cette profession.

En effet, les avis, notes et autres correspondances juridiques émises par le juriste d’entreprise français, contrairement à ce qu’il en est pour ses homologues étrangers, sont susceptibles de se retourner contre l’entreprise qui l’a sollicité, dans le cadre non seulement d'une procédure judiciaire ou administrative, mais aussi de la mise en place de programmes de conformité, ou compliance.

Cet amendement répond donc à l’objet du présent projet de loi et dote le droit français d’un outil renforçant la compétitivité des entreprises et l’attractivité de notre droit et de notre pays pour les investisseurs.

Monsieur le ministre, la délégation sénatoriale aux entreprises était aujourd’hui à Londres. À l’heure actuelle, lorsqu’une entreprise française va au Royaume-Uni – n’oubliez pas qu’il s’agit de notre excédent commercial le plus important depuis cinq ans – et qu’elle se trouve confrontée à un procès, elle est désavantagée par rapport aux sociétés britanniques : ces dernières peuvent se prévaloir du legal privilege, alors que la société française doit fournir toute la documentation réclamée, sans restrictions.

Arrêtons de nous tirer des balles dans le pied ! Si certaines de nos entreprises en viennent à payer des juristes étrangers pour bénéficier du legal privilege, toutes n’en ont pas les moyens. Faisons preuve du même pragmatisme que les Britanniques !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Ces deux amendements apportent deux solutions différentes à un même problème, celui de la confidentialité des avis juridiques élaborés au sein des entreprises.

Il y a effectivement là un désavantage compétitif pour certaines de nos entreprises puisque, faute d’une telle confidentialité, ces avis peuvent être saisis dans le cadre d’une procédure judiciaire. Nous ne disposons pas, en France, d’une protection équivalente à celle qui existe chez nos principaux voisins.

Deux solutions sont envisageables pour y remédier : soit celle de l’avocat en entreprise, dont le secret professionnel couvrirait les avis qu’il élaborerait pour son employeur, et c’est la solution retenue dans l’amendement n° 1454 rectifié bis ; soit la création d’une confidentialité renforcée des avis des juristes d’entreprise, et c’est ce que proposent les auteurs de l’amendement n° 913 rectifié bis.

Il n’existe malheureusement pas de consensus sur la réponse à apporter à cette question pourtant urgente et importante. Le Gouvernement avait envisagé de se faire habiliter à légiférer par ordonnance, mais il y a renoncé devant l’opposition d’une partie des avocats. Il nous faut donc désormais travailler ensemble à l’élaboration d’une solution acceptable et efficace.

À cet égard, je dispose d’informations récentes qui témoignent d’une avancée. Lors de l’audition des différents représentants de la profession d’avocat, en particulier celle du président du Conseil national des barreaux, j’ai acquis la conviction qu’une synthèse positive se faisait jour au sein de la profession, à tel point que ce thème pourrait, sans risque de tempête, être mis sur la table. Avocats et juristes d’entreprise pourraient, dans cette perspective, se revoir sous la maîtrise d’œuvre de la Chancellerie.

Par ailleurs, vous avez eu raison, madame Deromedi, de souligner qu’un autre véhicule législatif était nécessaire. Or j’ai obtenu l’assurance, dans un entretien dont je peux faire état, que la Chancellerie travaillait à l’élaboration de cette réforme délicate.

C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. S’agissant de l’amendement n° 1454 rectifié bis, le Gouvernement ne peut qu’avoir de la sympathie pour une proposition de réforme qu’il avait initialement portée. Elle aurait une véritable utilité, en particulier pour les plus grandes entreprises de notre pays, confrontées à une distorsion de concurrence avec de grands groupes étrangers dont les directeurs des affaires juridiques sont couverts par un tel statut. Plusieurs de nos grandes sociétés françaises ont d’ailleurs recours à des avocats étrangers pour bénéficier du legal privilege et être couverts par le même secret.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans une impasse dont cet amendement pourrait nous sortir. La création d’un statut d’avocat en entreprise aurait toute son utilité pour les sociétés qui travaillent à l’international.

Il n’y a pas encore de consensus au sein de la profession. Les résistances qui s’étaient manifestées nous avaient d’ailleurs conduits à retirer ce projet de réforme du texte initial. Je crois cependant que les nouveaux élus de la profession sont plus ouverts sur ce point ; c’est en tout cas ce qui ressort des échanges que nous avons pu avoir avec eux. Bref, les choses avancent.

Un rapport préparé par la Chancellerie sur le rapprochement entre les professions d’avocat et de juriste d’entreprise, remis en 2006, allait en ce sens et un compromis avait presque été trouvé. Il s’agit d’une étape indispensable pour que la réforme soit pleinement acceptée et puisse prospérer.

Nous devons faire en sorte que la création de ce nouveau statut ne contrevienne pas à l’indépendance ontologique de l’avocat : l’avocat en entreprise doit tout à la fois être un salarié de l’entreprise et garder cette indépendance lui permettant d’être couvert par le secret professionnel et d’échanger sans risque certains actes et certaines pièces.

Je suis convaincu que tout cela peut et doit prospérer, et que la profession est en capacité de l’assumer. Compte tenu de mes convictions propres, des progrès réalisés et de la bonne rédaction de cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement de Mme Deromedi.

Monsieur Cadic, avec l’amendement 913 rectifié bis, vous prenez en quelque sorte le problème par l’autre bout.

Si je comprends l’objectif poursuivi, il me semble que la rédaction retenue va trop loin sur un point et pas assez sur l’autre. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Il va en effet trop loin sur le principe de confidentialité, en prévoyant que les documents et avis couverts par le privilège ne peuvent être saisis par aucune autorité, qu’elle soit judiciaire ou administrative. Cela revient à créer ce que l’on appelle le « coffre-fort juridique », sensiblement au-delà de ce que le legal privilege accorde aux professionnels.

En revanche, cet amendement ne va pas assez loin en ce qui concerne la garantie d’indépendance et une véritable déontologie régissant les juristes d’entreprise, ainsi que les sanctions en cas de manquement.

C’est pourquoi cette approche, dont je comprends pleinement la logique, me semble moins opportune que celle qui passe par le statut d’avocat en entreprise, qui permet de mieux contrôler la nature des informations couvertes par ce privilège de confidentialité, tout en étant très exigeant s’agissant de la surveillance de la déontologie et des potentiels conflits d’intérêts.

Selon moi, il nous faut avancer collectivement dans cette direction. La profession doit désormais être capable de porter cette réforme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 1454 rectifié bis. Si vous pensez qu’une maturation est en cours au sein de cette profession, je l’accompagnerai, mais je demande le retrait de l’amendement n° 913 rectifié bis, pour les deux raisons que je viens d’exposer.

M. le président. Madame Deromedi, confirmez-vous que vous retirez l’amendement n° 1454 rectifié bis ?

Mme Jacky Deromedi. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1454 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 913 rectifié bis est-il également retiré, monsieur Cadic ?

M. Olivier Cadic. Je l’ai dit, j’ai passé la journée en Angleterre et je m’aperçois du décalage entre l’environnement juridique outre-Manche et le message que j’entends ici : il faut encore attendre, encore discuter… Mais je vous rappelle que nous parlons là de protéger les entreprises françaises ! Ici, on discute de seuils… Là-bas, cela n’existe pas ! Nous nous sommes créé des tas de barrières.

Mme Éliane Assassi. Pour construire ces barrières, des gens ont lutté !

M. Olivier Cadic. Alors que nous vous proposons un texte soutenu par des centaines de juristes d’entreprise, qui en ont besoin, vous leur répondez : « Attendez ! Vos entreprises sont confrontées à des problèmes juridiques, doivent faire face à des entreprises étrangères qui ont des avantages par rapport à elles, mais il faut continuer comme ça ! »

Combien de temps allons-nous attendre, combien de temps laisserons-nous les entreprises face à ces problèmes de compétitivité ? Vous avez peut-être le temps d’attendre, mais pas elles ! Des entreprises, dénuées de protection, perdent aujourd'hui des procès !

Certes, on peut toujours attendre quand on n’est pas concerné. Moi, je n’attends plus, je bouge ! Si vous voulez attendre, attendez ! Moi, je maintiens cet amendement. Monsieur le ministre, vous pourrez toujours, demain, si vous le souhaitez, améliorer ce dispositif, mais, entre-temps, nos entreprises auront bénéficié d’une protection !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 913 rectifié bis.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Chapitre IV

Dispositions relatives au capital des sociétés

Article 22

(Supprimé)

Articles additionnels après l’article 21
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 22 bis (Texte non modifié par la commission)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Le Gouvernement entend réintroduire l’article 22 du projet de loi transmis par l’Assemblée nationale, supprimé en commission spéciale.

Je veux ici rappeler les craintes qu’inspire au groupe CRC cet article tel qu’il a été voté par les députés.

À notre sens, son adoption, au moment où se déroule la négociation sur l’accord commercial transatlantique, constitue un réel danger. En effet, une fois les barrières tombées – je ne parle sans doute pas des mêmes barrières que vous, monsieur Cadic ! –, quel élément pourrait empêcher un professionnel américain du droit d’entrer dans le capital d’une société d’exercice libéral des professions du droit en France ? Probablement rien !

Vous connaissez certainement, monsieur le ministre, notre position sur le TAFTA. Il nous semble que l’article 22 que vous souhaitez réintégrer constitue un réel danger pour les SEL, les sociétés d’exercice libéral, et les SPFPL, les sociétés de participations financières de professions libérales.

Mais un hypothétique TAFTA ne suffit pas à justifier notre opposition à l’article 22. Car se pose tout de même la question de savoir qui pourra entrer dans quel capital de société. À écouter le Gouvernement, nous n’avons pas à nous inquiéter, les choses seront encadrées parce que les premiers alinéas de l’article visent à créer des limites… Mais ces limites peuvent être annulées par décret en Conseil d’État en vertu des alinéas 26 et suivants.

En résumé, on ne peut pas faire n’importe quoi, mais un décret en Conseil d’État peut tout de même l’autoriser !

Autre source d’inquiétude pour nous : la question des conflits d’intérêts qui pourraient naître à la suite de la réintroduction de l’article 22. Votre volonté de faire sauter les verrous a été comprise, monsieur le ministre. J’aurais pu citer Schopenhauer et l’Art d’avoir toujours raison, mais je me contenterai de la remarque suivante : l’article 22 que vous souhaitez faire adopter conduira nécessairement à un affaiblissement des garanties pour les professions du droit.

L’anarchie ainsi instituée permettra que des professionnels exerçant dans le cadre d’une société perdent toute influence sur l’orientation et l’activité de cette dernière. Au mieux, ils feront partie d’un organe de contrôle en tant qu’observateurs, à condition que les décideurs viennent d’une autre profession que celle de la société. C’est là que le bât blesse : des notaires pourront prendre possession de sociétés d’exercice libéral d’avocats, des administrateurs judiciaires d’une SEL de mandataires financiers.

Je vous invite à calculer toutes les combinaisons possibles, elles sont suffisamment nombreuses pour vous occuper quelques heures !

Cependant, dès lors qu’une SEL est contrôlée par d’autres professions, se pose évidemment la question des principes d’indépendance et de déontologie des professions juridiques.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous avons été satisfaits de la suppression de l’article 22. Sa réintroduction constituerait un signe particulièrement sombre pour l’ensemble des professions réglementées, notamment celles de la santé, dont, à coup sûr, le tour viendrait ensuite.

M. le président. L'amendement n° 1658, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – La loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales est ainsi modifiée :

1° L’article 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une fois par an, la société adresse à l’ordre professionnel dont elle relève un état de la composition de son capital social. » ;

2° L’article 5 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« I. – Sous réserve de l’article 6 :

« A. – Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l’intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° du B du présent I, par des professionnels en exercice au sein de la société ;

« B. – Le complément peut être détenu par : » ;

b) Après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Toute personne physique ou morale légalement établie dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exerce, dans l’un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l’exercice constitue l’objet social de la société et, s’il s’agit d’une personne morale, qui satisfait aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la présente loi ; »

c) Le début du huitième alinéa est ainsi rédigé : « C. – Pour les professions de santé, le nombre de sociétés constituées pour l’exercice d’une même profession, dans lesquelles une même personne physique ou morale figurant parmi celles mentionnées aux 1° et 5° du B est autorisée… (le reste sans changement). » ;

d) Au début de l’avant-dernier alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;

e) Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé : « III. – Lorsque, à l’expiration du délai de cinq ans prévu au 3° du B du I, les ayants droit… (le reste sans changement). » ;

3° L’article 5-1 est abrogé ;

4° L’article 6 est ainsi rédigé :

« Art. 6. – I. – Par dérogation au A du I de l’article 5 :

« 1° Sauf pour les sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé, plus de la moitié du capital et des droits de vote des sociétés d’exercice libéral peut aussi être détenue par des personnes, établies en France ou mentionnées au 6° du B du I de l’article 5, exerçant la profession constituant l’objet social de la société ou par des sociétés de participations financières de professions libérales dans les conditions prévues au II du présent article et au titre IV de la présente loi ;

« 2° Pour les sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé, plus de la moitié du capital social des sociétés d’exercice libéral peut aussi être détenue par des personnes exerçant la profession constituant l’objet social ou par des sociétés de participations financières de professions libérales dans les conditions prévues au II du présent article et au titre IV de la présente loi ;

« 3° Pour les sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession juridique ou judiciaire, plus de la moitié du capital et des droits de vote peut aussi être détenue par des personnes, établies en France ou mentionnées au 6° du B du I de l’article 5, exerçant l’une quelconque des professions juridiques ou judiciaires.

« II. – La majorité du capital ou des droits de vote de la société d’exercice libéral ne peut être détenue :

« 1° Sous réserve du III de l’article 31-1, par une société de participations financières régie par ce même article qu’à la condition que la majorité du capital et des droits de vote de cette société soit détenue par des personnes exerçant la même profession que celle exercée par les sociétés faisant l’objet de la détention des parts ou actions ;

« 2° Sous réserve du III de l’article 31-2, par une société de participations financières régie par ce même article qu’à la condition que la majorité du capital et des droits de vote de la société de participations financières soit détenue par des professionnels exerçant la même profession que celle constituant l’objet social de la société d’exercice libéral.

« III. – Par dérogation au B du I de l’article 5 :

« 1° Des décrets en Conseil d’État peuvent prévoir, compte tenu des nécessités propres à chaque profession, qu’une personne autre que celle mentionnée au même article 5 puisse détenir une part du capital ou des droits de vote, inférieure à la moitié de celui-ci, des sociétés constituées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées ou de sociétés d’exercice libéral à forme anonyme. Toutefois, pour celles de ces sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé, la part du capital pouvant être détenue par toute personne ne peut dépasser le quart de celui-ci ;

« 2° Les statuts d’une société d’exercice libéral en commandite par actions peuvent prévoir que la quotité du capital détenue par des personnes autres que celles mentionnées audit article 5 peut être supérieure au quart, tout en demeurant inférieure à la moitié dudit capital.

« IV. – Compte tenu des nécessités propres à chaque profession et dans la mesure nécessaire au bon exercice de la profession concernée, au respect de l’indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres, des décrets en Conseil d’État peuvent :

« 1° Écarter l’application des 1° et 2° du I du présent article ;

2° Pour les professions de santé, limiter le nombre de sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice de cette profession dans lesquelles une même personne exerçant cette profession ou une même société de participations financières de professions libérales peut détenir des participations directes ou indirectes ;

« 3° Limiter le nombre de sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice d’une même profession dans lesquelles une même personne mentionnée au 1° du III peut détenir des participations directes ou indirectes ;

« 4° Interdire la détention, directe ou indirecte, de parts ou d’actions représentant tout ou partie du capital social non détenu par des personnes mentionnées au A du I de l’article 5 ou aux 1° à 4° et 6° du B du même I, à des catégories de personnes physiques ou morales déterminées, lorsque cette détention serait de nature à mettre en péril l’exercice des professions concernées dans le respect de l’indépendance de leurs membres et de leurs règles déontologiques propres.

« V. – Les III et IV ne sont pas applicables aux professions juridiques ou judiciaires. » ;

5° Le premier alinéa de l’article 7 est supprimé ;

6° L’article 8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent article ne sont pas applicables aux cas mentionnés aux 1° et 3° du I de l’article 6. » ;

7° L’article 10 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « législative ou statutaire » sont remplacés par les mots : « prévue par les statuts ou par une disposition législative autre que le dernier alinéa du présent article » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les troisième à avant-dernier alinéas du présent article ne sont pas applicables aux cas mentionnés aux 1° et 3° du I de l’article 6. » ;

8° L’article 11 est abrogé ;

9° L’article 12 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’il est fait application de la possibilité mentionnée au 1° du I de l’article 6, le premier alinéa du présent article n’est pas applicable.

« Lorsqu’il est fait application de la possibilité mentionnée au 3° du même I, le premier alinéa du présent article n’est pas applicable. Toutefois, les organes de contrôle doivent comprendre un ou plusieurs représentants des professionnels en exercice au sein de la société. » ;

10° L’article 13 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’il est fait application de la possibilité mentionnée au 1° du I de l’article 6, le premier alinéa du présent article n’est pas applicable.

« Lorsqu’il est fait application de la possibilité mentionnée au 3° du même I, le premier alinéa du présent article n’est pas applicable et au moins un associé commandité doit être une personne physique exerçant régulièrement sa profession au sein de la société. » ;

11° L’article 31-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

– à la première phrase, après le mot : « protégé », sont insérés les mots : « ou des personnes mentionnées au 6° du B du I de l’article 5 » et les mots : « d’une » sont remplacés par les mots : « de cette » ;

– à la seconde phrase, les mots : « avoir des activités accessoires en relation directe avec leur objet et destinées » sont remplacés par les mots : « exercer toute autre activité sous réserve d’être destinée » ;

b) Au début du troisième alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;

c) À la première phrase du quatrième alinéa, après la référence : « 5° », est insérée la référence : « du B du I » ;

d) Après le même quatrième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les gérants, le président, les dirigeants, le président du conseil d’administration, les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les directeurs généraux, ainsi que les deux tiers au moins des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société par actions simplifiée, doivent être choisis parmi les personnes mentionnées au premier alinéa du II.

« III. – Par dérogation aux I et II du présent article, la société de participations financières peut également avoir pour objet la détention de parts ou d’actions de sociétés mentionnées au premier alinéa de l’article 1er ou relevant du livre II du code de commerce lorsque ces sociétés ont pour objet l’exercice d’une même profession juridique ou judiciaire. Le capital social et les droits de vote de cette société de participations financières peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ou par toute personne mentionnée au 6° du B du I de l’article 5exerçant l’une quelconque desdites professions.

« Une part du capital et des droits de vote, demeurant inférieure à la moitié, peut également être détenue par des personnes mentionnées aux 2° et 3° du même B.

« Les organes de contrôle de la société doivent comprendre au moins une personne exerçant la même profession que celle exercée par les sociétés faisant l’objet de la détention des parts ou actions. » ;

e) Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « IV. – » ;

– sont ajoutés les mots : « ou, dans le cas mentionné au III, de l’objet social exercé par les sociétés faisant l’objet de la détention des parts ou actions » ;

f) Le sixième alinéa est supprimé ;

g) L’avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une fois par an, la société de participations financières adresse à l’ordre professionnel dont elle relève un état de la composition de son capital social. » ;

h) Le dernier alinéa est supprimé ;

12° L’article 31-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Est regardée comme exerçant une de ces professions, pour l’application du présent article, toute personne mentionnée au 6° du B du I de l’article 5 et exerçant l’une quelconque desdites professions. » ;

b) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« II. – Sous réserve du III du présent article, plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant la ou les mêmes professions que celles exercées par les sociétés faisant l’objet d’une prise de participation et, lorsqu’au moins une des sociétés faisant l’objet d’une prise de participation exerce une profession juridique ou judiciaire, par toute autre personne admise à détenir la majorité du capital social et des droits de vote de ladite société. » ;

c) Après le 5°, il est inséré un III ainsi rédigé :

« III. – Lorsque la société a pour objet la détention de parts ou d’actions de sociétés ayant pour objet l’exercice de deux ou plusieurs des professions juridiques ou judiciaires, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne, établie en France ou mentionnée au 6° du B du I de l’article 5, exerçant une ou plusieurs des professions juridiques ou judiciaires.

« Une part du capital et des droits de vote, demeurant inférieure à la moitié, peut également être détenue par des personnes mentionnées aux 1° à 5° du II du présent article. » ;

d) Au début du huitième alinéa, est ajoutée la mention : « IV. – » ;

e) Après les mots : « parmi les », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « personnes exerçant les mêmes professions que celles exercées par les sociétés faisant l’objet de la détention des parts ou actions et, lorsqu’au moins une des sociétés faisant l’objet d’une prise de participation exerce une profession juridique ou judiciaire, par toute autre personne admise à détenir la majorité du capital social et des droits de vote de ladite société. » ;

f) La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée ;

13° L’article 34 est ainsi rédigé :

« Art. 34. – I. – Les sociétés constituées avant l’entrée en vigueur des décrets prévus :

« 1° Aux deuxième et troisième alinéas de l’article 5-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;

« 2° Et aux III et IV de l’article 6, dans sa rédaction résultant de la même loi,

« se mettent en conformité avec ces décrets, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur desdits décrets.

« II. – À l’expiration de ce délai, si un ou plusieurs associés ne remplissant pas les conditions fixées par ces décrets n’ont pas cédé les parts ou actions qu’ils détiennent, la société peut, nonobstant leur opposition, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions de ceux-ci et de les racheter à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil. À défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu. »

II. – À la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 5125-7 du code de la santé publique, après la référence : « 4° », est insérée la référence : « du B du I ».

III. – L’article L. 6223-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au I, la référence : « premier alinéa de l’article 5-1 » est remplacée par la référence : « 2° du I de l’article 6 » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « à l’article 5-1 » est remplacée par la référence : « au 2° du I de l’article 6 » ;

b) La dernière phrase du second alinéa est ainsi modifiée :

– après le mot : « application », est insérée la référence : « du III » ;

– après le mot : « conditions », la fin est ainsi rédigée : « du A du I de l’article 5 de la même loi ou des 1° et 5° du B du même I. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Par cet amendement, il s’agit de rétablir la réforme permettant d’ouvrir le capital des sociétés d’exercice libéral monoprofessionnelles. Cela n’a donc pas grand-chose à voir avec la négociation d’un accord transatlantique, je tiens à vous rassurer pleinement, madame Assassi.

J’ai eu l’occasion de le dire précédemment, si je regarde aujourd'hui très objectivement la situation de nombre de ces professions en France, j’observe qu’elle est plutôt défavorable par rapport à celle de ces mêmes professions à l’étranger. En effet, certaines facilités d’organisation favorisent, notamment, les sociétés de droit anglo-saxon. L’organisation des LLP, que nous évoquions tout à l’heure, est plus avantageuse et leur permet de mieux s’étendre. C’est au sein de l’Union européenne que nous devons nous adapter et porter le modèle français.

Pour ce qui concerne les règles de déontologie, elles sont identiques, puisqu’il s’agit de sociétés d’exercice libéral monoprofessionnelles.

Je ne veux pas être plus long, mais je suis évidemment prêt à répondre à d’éventuelles questions. Je dirai simplement que cet article relatif au capital des SEL et, par extension, des SPFPL, que je propose de rétablir, s’inscrit dans la continuité de la réforme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Ce rétablissement est contraire à la position de la commission spéciale, qui avait supprimé le texte en question à titre conservatoire.

Il me semble nécessaire de reprendre certaines objections que nous avions soulevées, afin de recueillir, comme vous le proposez, monsieur le ministre, vos éventuelles explications.

La première objection tient à la rédaction retenue. Vous en êtes convenu, elle est complexe ; elle est même à la limite de l’intelligibilité. Or il est de bonne méthode, lorsqu’on intervient sur un texte déjà peu intelligible comme celui de la loi de 1990, d’en corriger les défauts et non pas d’en accroître l’obscurité.

Certes, Moro-Giafferi disait que l’obscurité d’un texte est l’hommage que le législateur rend à la sagacité des magistrats ! (Sourires.)

Permettez-moi cependant de donner quelques exemples de l’obscurité de celui que vous nous soumettez, monsieur le ministre.

Vous introduisez en tête du texte proposé pour l’article 5 de la loi de 1990, qui pose les principes généraux, une précision selon laquelle ces principes ne sont valables que sous réserve de l’article 6 de la même loi. Or les dérogations de l’article 6 sont en réalité générales puisqu’elles s’appliquent selon le cas aux professions juridiques ou techniques ou aux professions de santé. Finalement, ce n’est plus le principe de l’article 5 qui est la règle, mais la dérogation prévue à l’article 6 !

Et pour compliquer le tout, il est prévu à l’article 6 que des décrets en Conseil d’État pourront déroger à la dérogation, sauf pour les professions juridiques, pour lesquelles aucune dérogation à la dérogation n’est possible…

Vous comprendrez donc notre étonnement à constater que la rédaction du texte n’a pas été clarifiée.

Ces problèmes de forme sont loin d’être anodins. L’exigence de clarté et d’intelligibilité de la loi est une exigence constitutionnelle, tout comme l’épuisement par le législateur de sa compétence. Or l’illisibilité du dispositif, l’accumulation en cascade des dérogations et les nombreux renvois au pouvoir réglementaire font douter que le texte proposé respecte bien ces exigences constitutionnelles.

Le deuxième point sur lequel nous souhaiterions que vous puissiez nous répondre concerne l’inégalité de traitement entre les professions juridiques, les professions de santé et les professions techniques. Vous souhaitez, semble-t-il, favoriser les synergies et les rapprochements entre chaque profession. Comme vous l’avez dit tout à l’heure, nous parlons ici de sociétés monoprofessionnelles et il s’agit de fixer les règles de détention du capital social ou des droits de vote par d’autres personnes que les personnes exerçant la profession exercée par la société.

Enfin, notre dernière interrogation porte sur l’affaiblissement considérable des garanties propres aux professions du droit. Cet affaiblissement se résume en trois points : la possibilité pour toute profession juridique de détenir la majorité des parts et des droits de vote d’une autre profession juridique, la suppression de la garantie de maîtrise et la suppression des mécanismes de contrôle existants ou des possibilités, au nom de la déontologie ou de l’indépendance des professions, de limiter certaines prises de participation. Ces moindres garanties rendent possibles des configurations susceptibles de susciter des conflits d’intérêts.

Permettez-moi de donner des exemples : des avocats pourraient être majoritaires dans une société de notaires et contrôler ainsi le fonctionnement d’un office public ; des administrateurs juridiques pourraient posséder une SEL de mandataires judiciaires ; une société réunissant des notaires et des experts-comptables pourrait détenir, en plus d’une SEL correspondant à ces deux professions, la totalité des parts, sauf une, d’une SEL d’avocats, la dernière part étant attribuée à un avocat sous la responsabilité duquel travaillerait un nombre indéterminé d’avocats salariés.

De plus, on peut imaginer des montages beaucoup plus astucieux – le droit, selon une formule célèbre, c’est l’école de l’imagination ! –, qui feraient par exemple intervenir des sociétés juridiques anglaises dont les capitaux seraient détenus par d’autres personnes que des professionnels du droit.

Dès lors que ce texte est susceptible d’engendrer de telles situations, il ne saurait être considéré comme achevé.

L’argument selon lequel il s’agit de permettre aux professionnels du droit d’offrir un éventail complet de services à leurs clients ne me semble pas recevable. En effet, il s’agit de sociétés monoprofessionnelles, où un seul type de services sera offert.

Nous serons bien entendu attentifs à vos réponses, monsieur le ministre. S’agissant de l’organisation des sociétés, nous sommes en attente, vous l’avez compris, de textes beaucoup plus précis, répondant mieux à nos préoccupations et aux attentes des différentes professions concernées.

En tout cas, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce qui peut nous rassurer, monsieur le rapporteur, c’est que la chouette de Minerve, si elle sort de l’obscurité, doit nous amener vers quelque lumière. Dès lors, la remarque de Moro-Giafferi ne saurait nous plonger dans l’angoisse ! (Sourires.)

La difficulté, vous l’avez dit, vient de la loi du 31 décembre 1990. Le principe est posé par le I de l’article 5 de cette loi, tel que nous le rédigeons, et les dérogations sont précisées à l’article 6, mais la structure du texte de 1990 est conservée. C’est la réécriture de ce texte qui nous conduit à intégrer tous les renvois à des décrets auxquels vous avez fait allusion.

Nous réécrivons cette loi pour préserver la sécurité juridique et éviter de faire de la dentelle entre le texte de la loi existante et le nôtre. Lorsque notre texte traite des professions juridiques et des professions de santé, c’est parce qu’il reprend l’existant en réécrivant la loi de 1990.

Je souscris à l’ensemble des remarques que vous venez de formuler, qu’il s’agisse des dérogations, du renvoi à des décrets ou des inégalités, mais le Gouvernement a adopté cette démarche rédactionnelle d’ensemble compte tenu de la complexité même de la loi de 1990 : sur le mode du palimpseste, nous avons repris le texte en le modifiant sur les points qui méritaient, selon nous, d’être revus. Ces renvois sont inspirés par un souci de sécurité juridique, pour éviter un aller-retour permanent entre la loi de 1990 et le texte dont nous discutons aujourd’hui.

M. François Pillet, corapporteur. De la nécessité de faire un code !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour avoir un code, encore faut-il le nourrir ! C’est pourquoi, plutôt que de supprimer cet article, vous devriez accepter son rétablissement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1658.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 22 demeure supprimé.

Article 22 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 22 ter

Article 22 bis

(Non modifié)

La loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture est ainsi modifiée :

1° L’article 13 est ainsi modifié :

a) Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par :

« a) Un ou plusieurs architectes personnes physiques ou une ou plusieurs personnes physiques établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen et exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux 1° à 4° de l’article 10 ou à l’article 10-1 ;

« b) Des sociétés d’architecture ou des personnes morales établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen dont plus de la moitié du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qualifiées, au sens des articles 10 ou 10-1, et exerçant légalement la profession d’architecte ; »

b) Au 5°, la référence : « à la première phrase » est remplacée par la référence : « au a » ;

2° Après l’article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :

« Art. 13-1. – I. – Les personnes morales mentionnées au b du 2° de l’article 13 qui respectent les règles prévues au même article peuvent ouvrir des succursales qui ne sont pas dotées de la personnalité morale.

« II. – L’ouverture d’une succursale est subordonnée à l’inscription sur un registre tenu par le conseil régional de l’ordre des architectes.

« III. – La profession d’architecte exercée par les succursales est soumise aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la profession d’architecte. » ;

3° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 22, après les mots : « tableau régional », sont insérés les mots : « et par les succursales inscrites au registre ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 132 rectifié ter, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, MM. Bockel et Cadic, Mme Goy-Chavent et MM. Roche et Kern, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Après le mot :

architecture

insérer les mots :

, ou des sociétés ayant pour activité principale la conception de projets d’ouvrages de construction et d’immeubles

II. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) au 3°, après la première occurrence du mot : « architecture », sont insérés les mots : « ou des sociétés ayant pour activité principale la conception de projets d’ouvrages de construction et d’immeubles » ;

III. – Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après le sixième alinéa de l’article 14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En qualité de salarié d’une société ayant pour activité principale la conception de projets d’ouvrages de construction et d’immeubles ; »

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Les projets de construction sont aujourd’hui plus complexes, en raison des exigences techniques, réglementaires et environnementales auxquelles ils doivent satisfaire, et ce dans un contexte économique contraignant.

Pour des projets de bâtiment, la loi sur l’architecture ne permet pas d’intégrer au sein d’une même société d’ingénierie l’ensemble des spécialités de conception. Cela a pour conséquence la mise en place systématique de groupements momentanés d’entreprises entre les architectes et les autres concepteurs, ce qui entraîne des surcoûts et des inefficiences organisationnelles.

En termes économiques, ce monopole conduit à l’atomisation de la maîtrise d’œuvre, préjudiciable à son développement à l’international. L’ingénierie française de la construction, qui compte dans ses rangs peu de sociétés de taille comparable à celle des majors anglo-saxonnes du secteur, recherche des moyens pour faire jeu égal avec elles.

Cet amendement a pour objet de favoriser le développement de sociétés de maîtrise d’œuvre et de simplifier le cadre d’exercice de la profession en permettant aux sociétés de conception de projet de construction d’ouvrages et d’immeubles de participer plus facilement au capital de sociétés d’architecture.

Il s’agit également d’organiser plus librement les organes d’administration et de direction des sociétés d’architecture et d’ouvrir l’exercice de la profession d’architecte aux salariés diplômés en architecture appartenant aux sociétés de conception de projet de construction d’ouvrages et d’immeubles.

M. le président. L’amendement n° 131 rectifié ter, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

sociétés d’architecture

insérer les mots :

, des sociétés ayant pour activité principale la conception de projet d’ouvrages de construction et d’immeubles

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Il s’agit d’un amendement de repli.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 493 est présenté par M. Caffet.

L’amendement n° 843 rectifié est présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ, Doligé, Houel, Laménie, Lefèvre et Longuet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Perrin, Pierre, Raison, Trillard et Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le 3° est abrogé ;

L’amendement n° 493 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 843 rectifié.

M. Jean Bizet. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que les deux amendements précédents. Il est directement inspiré de l’esprit de la directive 2006/123/CE, qui a trait aux services dans le marché intérieur. Il s’agit d’inviter les sociétés d’architecture à ouvrir leur capital à hauteur de 49 %.

Je sais que cet amendement suscite une certaine émotion au sein des cabinets d’architecte. Je fais cependant observer que les architectes conservent la majorité du capital des sociétés.

En outre, cette disposition intéresse principalement les cabinets d’architecture qui travaillent à l’international. Il est vrai que ce sont surtout des anglo-saxons, notamment américains, qui sont dans ce cas. Mais, précisément, si nous voulons permettre aux architectes français, dont le savoir-faire n’est plus à prouver, de bénéficier de conditions de compétitivité équivalentes, l’adoption de cet amendement devrait les aider à y parvenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Ces amendements visent à permettre la prise de participation majoritaire de sociétés d’ingénierie immobilière dans le capital des sociétés d’architecture. La commission émet un avis défavorable pour les raisons suivantes.

Premièrement, ces amendements vont à l’encontre de l’objet du texte, qui se limite à ouvrir le capital des sociétés d’architecture françaises aux sociétés d’architecture européennes.

Deuxièmement, et c’est peut-être la raison essentielle, les représentants de la chambre nationale des architectes s’y sont vigoureusement opposés. La proposition est donc loin d’être consensuelle.

J’ajoute qu’elle pourrait avoir des effets très négatifs à l’intérieur même de ces professions. Imaginons, par exemple, des marchés publics où le maître d’œuvre ne sera pas totalement maître d’œuvre lorsqu’une société de ce type voudra concourir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets le même avis que M. le corapporteur sur les deux amendements défendus par M. Cadic.

Sur l’amendement n° 843 rectifié, qui tend à ouvrir de manière limitée le capital des sociétés d’architecte, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat, si toutefois il n’est pas retiré…

M. le président. Monsieur Bizet, l’amendement n° 843 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Bizet. J’ai bien écouté les explications de M. le corapporteur. Pour ma part, je suis excessivement sensible à la directive « Services », parce qu’elle fait partie des obligations que la Commission européenne nous invite à respecter depuis 2006. Cela dit, les grandes douleurs étant muettes, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 843 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La question posée par les auteurs de ces amendements reste ouverte en France. Nous n’arrivons pas à exporter dans les pays émergents, en particulier en Chine, des savoir-faire qui nous sont reconnus en ingénierie du bâtiment et en architecture. Cette situation est tout à fait regrettable.

La profession d’architecte est opposée à la perspective d’ouvrir le capital des sociétés d’architecture à d’autres professions. Néanmoins, il me semble qu’il faut étudier cette possibilité, notamment pour ce qui concerne les activités menées à l’étranger, car cos architectes doivent malgré tout constater leurs immenses difficultés à exporter leur savoir-faire, à l’exception de quelques cabinets qui doivent élaborer, au cas par cas, des montages juridiques complexes.

M. le président. Monsieur Cadic, les amendements nos 132 rectifié ter et 131 rectifié ter sont-ils maintenus ?

M. Olivier Cadic. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 132 rectifié ter et 131 rectifié ter sont retirés.

Je mets aux voix l’article 22 bis.

(L’article 22 bis est adopté.)

Article 22 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel avant l'article 23

Article 22 ter

La cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :

1° L’article L. 5542-32-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5542-32-1. – I. – L’armateur fournit une assurance ou une autre garantie financière afin de garantir que, en cas de défaillance de sa part à satisfaire à ses obligations de rapatriement conformément au présent titre, le rapatriement des gens de mer employés sur des navires effectuant des voyages internationaux ou sur des navires de pêche travaillant régulièrement hors des zones économiques exclusives des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen soit pris en charge par l’assureur ou le garant, ou remboursé par lui à la partie qui a pris en charge ce rapatriement.

« Toute demande peut être formée directement contre l’assureur ou toute autre personne dont émane la garantie financière.

« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article, notamment pour tenir compte de son adaptation à la pêche. » ;

2° La section 2 du chapitre VI du titre IV du livre V est ainsi modifiée :

a) L’intitulé de la sous-section 1 est ainsi rédigé : « Services privés de recrutement et de placement de gens de mer » ;

b) À la même sous-section, il est inséré un paragraphe 1 intitulé : « Dispositions générales » et comprenant les articles L. 5546-1-1 à L. 5546-1-9 ;

c) L’article L. 5546-1-1 est ainsi modifié :

– les I et II sont ainsi rédigés :

« I. – La mise à disposition de gens de mer pour le compte d’armateurs ou d’employeurs ou leur placement auprès d’eux, pour travailler à bord d’un navire, sont soumis aux dispositions applicables à l’activité des services privés de recrutement et de placement de gens de mer définis par la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail.

« Les entreprises de travail temporaire définies à l’article L. 1251-1 du code du travail, en tant qu’elles mettent à disposition des gens de mer pour un travail à bord d’un navire, ainsi que les entreprises de travail maritime définies à l’article L. 5546-1-6 du présent code sont des services privés de recrutement et de placement de gens de mer au sens de la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail et du code des transports.

« II. – Tout service privé de recrutement et de placement de gens de mer établi en France s’inscrit au registre national des services privés de recrutement et de placement de gens de mer, destiné à informer les gens de mer et les armateurs, ainsi qu’à faciliter la coopération entre États du pavillon et États du port. » ;

– aux III et IV, après le mot : « services », il est inséré le mot : « privés » et le mot : « privés » est supprimé ;

– au IV, le mot : « des » est remplacé par le mot : « de » et le mot : « recrutés » est remplacé par les mots : « mis à disposition » ;

– sont ajoutés des V et VI ainsi rédigés :

« V. – L’inscription au registre prévu au II peut faire l’objet de mesures de suspension ou de retrait.

« VI. – Tout ressortissant légalement établi dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour exercer l’une des activités mentionnées au I peut exercer cette activité de façon temporaire et occasionnelle en France, après en avoir fait la déclaration préalable à l’autorité chargée de la gestion du registre mentionné au II, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Toutefois, lorsque l’activité concernée n’est pas réglementée dans l’État d’établissement, le prestataire doit l’avoir exercée dans cet État pendant une période minimale fixée par décret en Conseil d’État. » ;

d) Au premier alinéa de l’article L. 5546-1-2, les mots : « de recrutement et de placement privés de gens de mer, quel que soit le lieu de leur établissement, » sont remplacés par les mots : « privés de recrutement et de placement de gens de mer » ;

e) L’article L. 5546-1-3 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, les mots : « de recrutement et de placement privés de gens de mer, quel que soit le lieu de leur établissement, s’assurent, à l’égard des gens de mer recrutés » sont remplacés par les mots : « privés de recrutement et de placement de gens de mer s’assurent, à l’égard des gens de mer mis à disposition » ;

– le 4° est complété par les mots : « prévues à l’article L. 5542-32-1 » ;

f) À l’article L. 5546-1-4, les mots : « de recrutement et de placement privés de gens de mer, quel que soit le lieu de leur établissement, » sont remplacés par les mots : « privés de recrutement et de placement de gens de mer » ;

g) L’article L. 5546-1-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5546-1-5. – I. – Les services privés de recrutement et de placement des gens de mer établis en France souscrivent une assurance ou une autre garantie financière afin de couvrir leur responsabilité de service de placement, au sens de l’article L. 5321-1 du code du travail.

« II. – Cette assurance ou cette autre garantie financière couvre, dans la limite d’un plafond, par sinistre et par gens de mer, la réparation des pertes pécuniaires résultant d’un manquement aux obligations du service privé de recrutement et de placement vis-à-vis des gens de mer qu’il a placés.

« Toute demande en réparation peut être formée directement contre l’assureur ou autre personne dont émane la garantie financière.

« III. – Les modalités d’application du présent article, notamment le plafond prévu au II, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

h) L’article L. 5546-1-6 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, les mots : « d’un armateur » sont remplacés par les mots : « , pour travailler à bord d’un navire, » ;

– le second alinéa est ainsi rédigé :

« Les entreprises de travail maritime ne peuvent mettre des gens de mer à disposition qu’à bord de navires immatriculés au registre international français ou de navires armés à la plaisance et non immatriculés au registre international français ou à bord de navires battant pavillon autre que français. » ;

i) Après le mot : « services », la fin de l’article L. 5546-1-7 est ainsi rédigée : « privés de recrutement de placement de gens de mer, au besoin après adaptation rendue nécessaire des dispositions relatives au travail temporaire et de celles relatives à l’exercice, pour les marins mis à disposition à bord d’un navire, des missions de santé au travail mentionnées à l’article L. 5545-13. » ;

j) L’intitulé et la division de la sous-section 2 sont supprimés ;

k) À l’article L. 5546-1-8, le mot : « recrutement » est remplacé par les mots : « mise à disposition » ;

l) Le I de l’article L. 5546-1-9 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, les mots : « de recrutement et de placement mentionné au II de l’article L. 5546-1-1 » sont remplacés par les mots : « privé de recrutement et de placement de gens de mer » ;

– au 1°, après la première occurrence du mot : « de », sont insérés les mots : « services privés de », la référence : « même II » est remplacée par la référence : « II de l’article L. 5546-1-1 » et les mots : « ou être agréé en application de l’article L. 5546-1-6 » sont supprimés ;

– au 2°, la seconde occurrence du mot : « à » est remplacée par la référence : « au III de » ;

– au 3°, le mot : « recrutés » est remplacé par les mots : « mis à disposition » et les mots : « audit article » sont remplacés par les mots : « au IV du même article L. 5546-1-1 » ;

– au 6°, après le mot : « dispose », sont insérés les mots : « de l’assurance ou » ;

bis ) Au II du même article L. 5546-1-9, le mot : « recrutement » est remplacé par les mots : « mise à disposition » ;

m) Sont ajoutés des paragraphes 2 et 3 ainsi rédigés :

« Paragraphe 2

« Mise à disposition par une entreprise de travail maritime

« Art. L. 5546-1-10. – Il ne peut être recouru à une entreprise de travail maritime pour de la mise à disposition de gens de mer que dans les cas prévus au second alinéa de l’article L. 5546-1-6.

« Art. L. 5546-1-11. – Le contrat de mise à disposition ne peut être conclu qu’avec une entreprise de travail maritime agréée ou autorisée par les autorités de l’État où elle est établie, au sens de la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail.

« Lorsqu’il n’existe pas de procédure d’agrément ou de dispositions équivalentes ou lorsque l’entreprise de travail maritime est établie dans un État où ces conventions ne s’appliquent pas, l’armateur s’assure que l’entreprise de travail maritime en respecte les exigences.

« Art. L. 5546-1-12. – La mise à disposition de tout gens de mer à bord d’un navire par une entreprise de travail maritime auprès d’une entreprise utilisatrice fait l’objet d’un contrat de mise à disposition écrit mentionnant :

« 1° Les conditions générales d’engagement, d’emploi, de travail et de vie à bord du navire ;

« 2° Les bases de calcul des rémunérations des gens de mer dans leurs différentes composantes ;

« 3° Les conditions de la protection sociale.

« Une copie du contrat de mise à disposition se trouve à bord du navire, à l’exclusion des dispositions qui intéressent la relation commerciale entre les parties.

« Art. L. 5546-1-13. – L’armateur est responsable des conditions de travail et de vie à bord des gens de mer mis à disposition pour un travail à bord du navire.

« Art. L. 5546-1-14. – En cas de défaillance de l’entreprise de travail maritime, l’armateur est substitué à celle-ci pour le rapatriement et le paiement des sommes qui sont ou restent dues aux organismes d’assurance sociale et aux gens de mer.

« L’armateur est tenu de contracter une assurance ou de justifier de toute autre forme de garantie financière de nature à couvrir ce risque de défaillance.

« Il doit en justifier auprès des autorités compétentes, dans des conditions fixées par décret.

« Paragraphe 3

« Mise à disposition par une entreprise de travail temporaire

« Art. L. 5546-1-15. – Le contrat de mission conclu entre le gens de mer salarié temporaire et l’entreprise de travail temporaire est un contrat d’engagement maritime. Il comprend notamment les mentions obligatoires prévues au II de l’article L. 5542-3. » ;

3° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre VI est ainsi modifiée :

a) À l’article L. 5621-1, après la seconde occurrence du mot : « par », sont insérés les mots : « une entreprise de travail temporaire mentionnée à l’article L. 5546-1-7 ou » ;

b) L’article L. 5621-3 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après le mot : « agréée », sont insérés les mots : « ou autorisée » et sont ajoutés les mots : « , au sens de la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail » ;

– au second alinéa, après le mot : « agrément », sont insérés les mots : « ou de dispositions équivalentes », les mots : « ni la convention (n° 179) sur le recrutement et le placement des gens de mer, ni » sont supprimés et les mots : « , ne s’appliquent » sont remplacés par les mots : « ne s’applique pas » ;

c) L’article L. 5621-4 est ainsi modifié :

– le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le contrat de mise à disposition de tout gens de mer à bord d’un navire par une entreprise de travail maritime est écrit et mentionne : » ;

– après le mot : « entre », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « les parties. » ;

4° Le chapitre V du titre VIII du livre VII est ainsi modifié :

a) Aux premier et second alinéas de l’article L. 5785-1, la référence « L. 5546-1-9 » est remplacée par la référence : « L. 5646-1-15 » ;

b) L’article L. 5785-5-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5785-5-1. – Les entreprises de travail maritime établies à Wallis-et-Futuna sont soumises aux dispositions de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre VI du titre IV du livre V de la présente partie, sauf pour celles d’entre elles relatives au travail temporaire ou aux entreprises de travail temporaire.

« Pour l’application à Wallis-et-Futuna de cette même sous-section 1 :

« 1° Le 4° de l’article L. 5546-1-3 est abrogé ;

« 2° Au I de l’article L. 5546-1-5, les mots : “au sens de l’article L. 5321-1 du code du travail” sont supprimés ;

« 3° L’article L. 5546-1-6 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 5546-1-6. – Est entreprise de travail maritime toute personne, hors les entreprises de travail temporaire, dont l’activité est de mettre à disposition, pour travailler à bord d’un navire, des gens de mer qu’elle embauche et rémunère à cet effet.

« “Les entreprises de travail maritime établies à Wallis-et-Futuna ne sont autorisées à mettre à disposition des gens de mer qu’à bord des navires de jauge égale ou supérieure à 500 effectuant des voyages internationaux immatriculés à Wallis-et-Futuna, des navires immatriculés au registre international français, des navires armés à la plaisance et immatriculés à Wallis-et-Futuna ou de navires battant pavillon autre que français.” ;

« 4° L’article L. 5546-1-9 est ainsi modifié :

« a) Le 6° du I est abrogé ;

« b) À la fin du II, les mots : “des peines prévues à l’article L. 5324-1 du code du travail” sont remplacés par les mots : “d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 3 750 €”. »

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.

M. Michel Le Scouarnec. Comme le précise le rapport du Sénat intitulé « Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens » et publié en avril 2014, la marine marchande est un laboratoire en matière de dumping social. De nombreux outils sont à la disposition des entreprises pour échapper à l’application des normes sociales les plus élémentaires. Selon le rapport précité, « le recours aux pavillons de complaisance, désormais utilisés par certains États membres de l’Union européenne, ainsi qu’aux sociétés de main-d’œuvre, le manning, contribue à généraliser ce dumping social. »

Vous avez souligné, monsieur le ministre, que les conditions de travail et de vie de beaucoup de ces marins étaient souvent difficiles, mais, au lieu de remédier à cette situation, vous l’aggravez ! Vous nous dites qu’il faut apporter des améliorations au droit en vigueur et, dans le même temps, vous confortez l’environnement juridique qui contribue à cette concurrence déloyale, à savoir la possibilité de recourir aux sociétés de manning.

De plus, vous revenez sur tous les engagements pris par le Gouvernement. Pourtant, il y a peu, monsieur le ministre, au cours de ce même débat, vous nous parliez de l’importance du respect de la parole de l’État. Vous comprendrez que nous ne soyons pas partisans du « deux poids deux mesures » ! En effet, M. Frédéric Cuvillier, lorsqu’il était en charge des transports, s’était engagé au nom du Gouvernement, à adopter deux mesures phares.

La première consistait dans l’obligation, pour l’armateur, quelle que soit la nationalité du pavillon, de conclure avec le marin un contrat d’engagement maritime de droit français, et non pas seulement traduit en français ! Dans le secteur de la navigation, le respect de ce principe interdit le recours aux sociétés de manning et, par conséquent, interdit la mise à disposition du marin étranger avec le statut de travailleur détaché.

La deuxième mesure devait être la mise en place d’une nouvelle législation en 2014. Elle n’a jamais vu le jour ! Elle était pourtant censée garantir, notamment, le respect de l’obligation républicaine du contrat de travail de droit français, renforçant ainsi l’ensemble des conditions sociales appliquées aux salariés engagés sur tous les navires exerçant des activités régulières dans les eaux territoriales françaises et basés dans les ports français.

Au lieu de quoi, cet article, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, conforte les sociétés de manning au nom de la compétitivité, comme vous l’avez souligné devant nos collègues députés. Vous acceptez tout simplement d’accroître la précarité et d’ouvrir la possibilité d’embaucher sous le statut de travailleur détaché des marins qui travaillent pourtant au pays des droits de l’homme !

Vous nous dites que nous courons le risque de licenciements en masse. Malheureusement, ils se produisent déjà ! Nous refusons d’appauvrir les travailleurs en prenant pour prétexte le maintien de l’emploi : cela ne fonctionne pas ! Et, dans le même temps, de nombreux cadeaux ont été faits, sans contreparties obligatoires en matière d’emploi, aux armateurs français...

Comment pouvez-vous penser qu’introduire plus de libéralisation et de déréglementation dans la marine marchande préservera et relancera l’emploi de navigants français ?

Selon nous, c’est la concurrence déloyale qu’il faut combattre, et non la protection sociale !

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par Mme Assassi, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Après l’intervention très complète de mon ami Michel Le Scouarnec, j’insisterai, pour ma part, sur le fait que les marins pêcheurs vivent une situation professionnelle très complexe.

Je rappelle que l’article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 consacrait la disparition de la Caisse maritime d’allocations familiales et le transfert de ses missions à l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM. Cette mesure était justifiée par un seul argument : de potentielles économies !

Nous pensions quant à nous – et nous le pensons toujours – que le transfert de la gestion des dossiers à des personnes non averties des spécificités du milieu maritime présentait un risque important. Le recouvrement des cotisations et le versement des prestations familiales par des connaisseurs du milieu maritime sont en effet, à nos yeux, un gage du bon fonctionnement du service et de la qualité de la gestion des affiliés.

La Caisse maritime d’allocations familiales est un organisme du régime général, qui mène une action en direction des familles du monde maritime, et non un organisme lié par convention. Elle poursuit son développement et inscrit de nouveaux allocataires - leur nombre a crû de 3 % entre 2010 et 2012 – et de nouveaux cotisants, ce qui contredit l’image d’une caisse en perte de vitesse.

Elle participe d’ores et déjà à la démarche d’optimisation des coûts de fonctionnement imposée par l’évolution des finances publiques.

Là encore, la méthode employée, qui consiste à regarder uniquement le coût de gestion des dossiers des allocataires, sans tenir compte de la complexité des situations, ne nous semble pas pertinente.

Comme l’ensemble de ce texte, cet article 22 ter nous donne le sentiment d’une libéralisation menée à toute vitesse de tous les secteurs de la vie économique et sociale.

Je voulais me faire ici l’écho des craintes des marins pêcheurs – particulièrement nombreux dans le Morbihan, département cher à Michel Le Scouarnec –, qui, après avoir perdu une caisse spécifique et adaptée d’allocations familiales, vont subir la concurrence des sociétés privées de placement.

Plutôt que d’amélioration, il faut parler de détérioration pour un secteur économique qui représente, en Bretagne, 7 217 emplois en mer, 4 379 actifs travaillant dans les entreprises de transformation et 301 millions d’euros de produits de la mer commercialisés en criée.

M. le président. L’amendement n° 1631, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

« VI. – Tout ressortissant légalement établi dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et habilité par les autorités de cet État à exercer l’une des activités mentionnées au I peut exercer cette activité de façon temporaire et occasionnelle en France après en avoir fait la déclaration préalable à l’autorité chargée de la gestion du registre mentionné au II, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;

II. - Alinéa 48

Remplacer les mots :

ces conventions ne s'appliquent pas

par les mots :

cette convention ne s'applique pas

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un amendement de clarification visant à assurer la conformité de la nouvelle rédaction de l’article L. 5546-1-1 du code des transports avec le droit européen, dans le but d’appliquer la convention de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, sur le travail maritime.

Je souhaite rappeler le cadre dans lequel s’inscrit cette question, à laquelle je suis sensible, croyez-le bien, madame Assassi.

Les navires exerçant leur activité régulièrement dans les eaux françaises, et ce quel que soit le pavillon, sont soumis à un encadrement juridique. Le Gouvernement a adopté un dispositif dit « de l’État d’accueil », qui impose sur douze points essentiels le droit du travail français. Je ne peux donc pas laisser dire ici qu’il y aurait du dumping dans ce domaine.

Par ailleurs, les sociétés dites de manning, qui recrutent des gens de mer pour les mettre à disposition des armateurs, embauchent et rémunèrent leurs salariés de manière régulière. Leur encadrement juridique a été largement renforcé par la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, laquelle loi a permis de transposer les normes sociales de l’OIT.

L’objet de l’amendement gouvernemental qui a été déposé à l’Assemblée nationale était de rectifier certaines dispositions du code des transports issues de cette loi qui se sont révélées insuffisamment précises pour être correctement mises en œuvre. Il s’agit de l’article L. 5542-32-1 dudit code, qui contraint l’armateur à garantir financièrement ses obligations de soins et de rapatriement des marins embarqués, dont un texte réglementaire précise les modalités d’application au secteur de la pêche, et de neuf articles relatifs au service privé de recrutement et de placement.

Nous avons donc précisé et corrigé les éléments de la loi du 16 juillet 2013 qui, à l’usage des faits, n’étaient pas satisfaisants.

Je voulais replacer dans son contexte la démarche du Gouvernement. Il fallait clarifier les dispositions applicables aux sociétés de manning, dont l’encadrement a été précisé en 2013. Car, vous le savez, ces sociétés existent et elles emploient des centaines, voire des milliers de salariés !

Cette démarche est poursuivie au travers de l’amendement n° 1631.

C’est sous le bénéfice de ces explications que, à défaut d’un retrait de l’amendement n° 17, j’émettrai un avis défavorable sur celui-ci.

M. le président. L’amendement n° 1701, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Après le mot :

ou

insérer le mot :

toute

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 17 et 1631.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1701 de la commission spéciale est rédactionnel.

Sur l’amendement n° 17, la commission a émis un avis défavorable. En effet, l’article 22 ter du projet de loi ne renforce pas les sociétés de manning, pas plus qu’elle ne les légalise. Il semble peu judicieux de vouloir combattre le manning en supprimant un article qui, précisément, encadre le recours à ce type de contrat.

J’ajoute que cet article est unanimement attendu par la profession et qu’il a été validé par le Conseil supérieur des gens de mer. Il répond, de surcroît, à une obligation de transposition d’une directive européenne.

La commission est favorable, en revanche, à l’amendement n° 1631 du Gouvernement, qui apporte une clarification souhaitable au régime juridique des entreprises de recrutement et de placement des gens de mer installées dans les autres États membres de l’Union européenne.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1631.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1701.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 22 ter, modifié.

(L'article 22 ter est adopté.)

Chapitre V

Urbanisme

Article 22 ter
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 23 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel avant l'article 23

M. le président. L’amendement n° 1371, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « dix » ;

2° Le taux : « 0,45 % » est remplacé par le taux : « 1 % ».

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Aujourd’hui, il n’existe que trois moyens pour relancer la construction de logements sociaux : augmenter les dotations de l’État, revenir sur la banalisation du livret A, notamment par une centralisation de la ressource – nous avons déposé un amendement en ce sens – et, enfin, augmenter la quotité de la participation des entreprises à l’effort de construction. C’est à la mise en œuvre de ce dernier outil que tend le présent amendement.

Vous nous direz certainement, monsieur le ministre, que les employeurs cotisent d’ores et déjà à hauteur de 0,45 % des rémunérations, au titre de la participation des entreprises à l’effort de construction, et au Fonds national d’aide au logement, le FNAL, à hauteur de 0,50 % de la part des rémunérations sous plafond, que la part contributive des employeurs au titre du logement s’élève ainsi à environ 1 %, que l’exonération de cotisation des entreprises de dix à vingt salariés a été compensée et que, donc, l’effort des entreprises en faveur du logement est maintenu.

Nous vous rétorquerons qu’une situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles. Notre pays traverse une crise du logement qui n’est plus à démontrer dans cet hémicycle. On ne pourra y répondre que par la construction massive de logements sociaux.

Nous le savons tous, on est passé en quelques décennies d’une logique de financement du logement par l’État et de contribution des entreprises à une logique incitative, fondée sur des exonérations fiscales de toutes sortes. Ce système est aujourd’hui à bout de souffle, et tous les acteurs publics sont dans des situations financières qui ne leur permettent plus d’assumer ces transferts de compétences.

L’instauration d’une participation des entreprises à l’effort de construction dès lors qu’elles emploient au moins dix salariés apporterait une grande bouffée d’oxygène et, surtout, offrirait un levier efficace pour relancer le secteur du bâtiment et faire reculer la crise.

Voilà une proposition utile pour changer la donne ! Il convient, en effet, de reconquérir au plus vite les 30 000 emplois perdus dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Relancer la construction sociale permettrait d’engager à nouveau la bataille pour l’emploi, de lutter contre le chômage massif et de longue durée.

Nous pensons que ce type de mesure a totalement sa place dans un projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à imposer la cotisation au titre du 1 % logement à toutes les entreprises de plus de dix salariés – et non plus de vingt salariés – et de porter le taux de cotisation de 0,45 % à 1 % de la masse salariale.

Même si l’on peut comprendre, ma chère collègue, votre souhait de voir augmenter les fonds destinés au logement pour renforcer l’effort de construction, qui est absolument indispensable, il ne paraît toutefois pas souhaitable de majorer cette contribution, car cela pourrait peser lourdement sur les comptes des entreprises de moins de vingt salariés, a fortiori en l’absence de discussion préalable avec les partenaires sociaux.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1371.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 23
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 23

Article 23

(Non modifié)

L’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par des 6° et 7° ainsi rédigés :

« 6° Des données sur le traitement des demandes de mutation et sur les parcours résidentiels des locataires des logements sociaux ;

« 7° (Supprimé) »

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.

M. Michel Le Scouarnec. L’article 23 a trait à la mobilité dans le parc social.

Pour favoriser cette mobilité, il faudrait d’abord que nos concitoyens puissent accéder au logement social ! La situation, en effet, est bien souvent trop tendue.

Un peu moins de dix millions de personnes seraient touchées de près ou de loin par la crise du logement, qui constitue sans nul doute la face la plus visible et la plus criante de la crise économique et sociale que nous traversons.

M. André Trillard. C’est la faute de la loi ALUR !

M. Michel Le Scouarnec. Cette crise concentre les plus grandes inégalités et discriminations. Comment expliquer qu’il faille trois mois pour mesurer la moindre inflexion du PIB et plus de deux ans pour déterminer le nombre d’expulsions locatives ?

Il aura aussi fallu attendre onze ans pour que l’INSEE relance un recensement exhaustif du nombre des personnes sans domicile fixe, lequel a bondi de 50 % entre 2001 et 2012. Car ce sont près de 150 000 personnes qui sont aujourd’hui concernées, dont 35 000 enfants !

Les politiques du logement ségrégatives conduites par le passé ont éloigné les populations les unes des autres et organisé les « ghettos de la République », loin de toute mixité sociale, pourtant si essentielle : d’un côté, les cités HLM regroupant les plus modestes ; de l’autre, les quartiers qui accueillent les plus aisés.

Cette situation de pénurie de logements est une réalité cruelle pour beaucoup de nos concitoyens, dont le droit à un toit n’est pas du tout assuré. Trop nombreuses sont les familles considérées comme prioritaires au titre de la loi du 5 mars 2007, dite loi DALO, et auxquelles aucune solution concrète n’est proposée.

Cette situation insupportable n’aurait jamais dû exister dans notre pays. Il convient clairement d’accorder la priorité aux demandeurs de logement, et non aux investisseurs, car nous sommes dans une impasse absurde.

La montée du chômage accentue le phénomène du mal-logement. Pour avoir un travail, il faut un logement et pour avoir un logement, il faut un travail !

C’est pourquoi la relance de la construction et de la rénovation de logements sociaux ouverts à l’ensemble de la population est une nécessité et doit constituer la priorité des priorités.

Face à l’accroissement des situations dramatiques, il y a urgence à mettre en œuvre de nouvelles solutions en faveur du logement social.

Combien de rapports de la Fondation Abbé Pierre faudra-t-il pour que des mesures concrètes, efficaces et humaines soient enfin engagées ?

Le logement est un droit dont l’application relève de la responsabilité de l’État.

Quoi qu’en disent les études sur le prix médian des loyers, la part moyenne des ressources des ménages consacrée au logement a considérablement augmenté de 1980 à aujourd’hui ; elle a même doublé.

Étudier la mobilité locative est une bonne chose, mais cette étude, déjà prévue dans la loi, ne doit pas occulter les difficultés d’accès au logement social.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 23 modifie l’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement tous les deux ans un certain nombre d’informations sur la situation du logement dans le pays, en exigeant un retour sur le traitement des mutations dans le parc social du logement, ainsi que le parcours résidentiel des occupants.

Si cette modification est intéressante à nos yeux, nous considérons qu’elle aurait pu aller encore plus loin. Nous défendrons d’ailleurs un amendement dans ce sens.

Aujourd’hui, comme ont pu le montrer certaines études de l’INSEE, les taux de rotation dans le parc social sont relativement faibles, de moins de 10 %. Cette stabilité, pour ne pas dire cette stagnation, est la conséquence d’une paupérisation de la population et d’une difficulté croissante pour accéder aux logements sociaux. Comment demander à un ménage de quitter son logement social, alors qu’il n’est pas certain qu’il en retrouvera un rapidement ? Comment lui proposer une accession à la propriété, alors que la situation économique de beaucoup de familles est si précaire ?

Dans la majeure partie des cas, les résidents du parc social préféreront rester dans leur logement social – et personne ne saurait les en blâmer –, qui leur offre une certaine sécurité, plutôt que de tenter de devenir propriétaires et de fragiliser leur position.

Et c’est là que le bât blesse ! Pourquoi le Gouvernement s’entête-t-il à privilégier le logement intermédiaire par rapport au logement social ? Nombreux sont les éléments qui montrent les difficultés que crée cette démarche. Il est illusoire de penser que les ménages résidents du parc social vont, presque par magie, accéder à la propriété, alors que, pour certains, l’entretien même du logement social est problématique.

Pour mémoire, le coût moyen mensuel d’un logement intermédiaire, bien que légèrement plus faible que dans le parc privé, est plus élevé que les logements issus des PLAI, prêts locatifs aidés d’intégration, et des PLUS, prêts locatifs à usage social : 4,77 euros par mètre carré pour le PLAI, contre 5,02 euros pour le PLUS et 7,38 euros pour le logement intermédiaire.

Regardons les choses en face : les dispositifs d’aide à l’accès à la propriété, notamment le prêt à taux zéro, sont aujourd’hui insuffisants pour créer une réelle dynamique en la matière. Pour les ménages résidents du parc social, dont le revenu moyen se situe aux alentours de 1 800 euros, il paraît difficile de concevoir l’achat d’un logement.

Aussi refaire du logement social le fer de lance de la bataille contre la crise de l’habitat est-il une nécessité à nos yeux.

L’accès à la propriété est aujourd’hui une illusion, un rêve inaccessible pour la plus grande part de nos concitoyens.

De plus, si des efforts ont été menés pour la construction de logements sociaux en vue d’une accession à la propriété, cet essor s’est fait aux dépens du parc locatif. Rappelons tout de même que la construction doit s’accompagner de rénovations pour la majeure partie du parc locatif, construite avant 1980. Les dernières études révèlent en effet que près de 65 % du parc social a été construit avant cette date. (M. André Trillard s’exclame.)

Ainsi, l’instauration de ce rapport remis au Parlement par le Gouvernement tous les deux ans devrait nous permettre d’avoir des informations actualisées régulièrement. Certes, l’accès la propriété doit être soutenu, mais cela ne peut se faire au détriment du parc locatif social, seul garant d’un droit universel au logement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l'article.

M. Michel Bouvard. Nous abordons, avec cet article, les dispositions relatives à l’urbanisme et au logement. Dans ce domaine, il faut distinguer ce qui relève de la loi, sur quoi nous pouvons intervenir par voie d’amendement, et ce qui relève du règlement.

Pour ma part, je tiens à évoquer de nouveau l’absurdité du classement en zones A, B1, B2 et C qui régit la construction de logements sociaux, l’enveloppe de prêts accordés et le plafond de loyers.

Cela fait trente ans que, en France, nous sommes confrontés à la même situation d’iniquité !

Une fois de plus, je vais parler de ce que je connais, au risque d’ennuyer mes collègues. (Protestations de dénégation amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Antoine Lefèvre. C’est un plaisir ! (Sourires sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Bricq. Il n’est qu’une heure du matin !

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, nous ne pouvons nous satisfaire de l’iniquité durable que connaît notre pays. De nombreux ministres du logement se sont succédé, mais aucun n’a été capable de régler ce problème, pas même mon compatriote savoyard Louis Besson, qui s’y est pourtant efforcé.

Comment accepter que le prix du foncier soit, dans certaines zones de montagne, parmi les plus élevés de France, que les jeunes ne puissent plus acquérir un bout de terrain pour y construire une maison, comme leurs parents l’ont fait avant eux, que toute une partie du foncier soit stérilisée par les mesures des plans de prévention des risques naturels, des plans de prévention des risques d’inondation et des secteurs protégés au titre de l’environnement ?

Dans ces territoires, en raison de la géographie et de l’altitude, les coûts de construction sont, en moyenne, 30 % à 35 % plus élevés qu’en plaine. Ce sont des villages de montagne, mais ce sont surtout les plus grandes stations de sports d’hiver du pays ! Les jeunes du pays ne peuvent plus devenir propriétaires, pas plus qu’ils ne peuvent accéder à des logements sociaux. Et pour cause, il n’y en a pas ! Mais le fond du problème, c’est que ces territoires ont été classés en zone C. Eh oui, nous sommes en zone C, comme le fin fond de la Lozère, alors que le prix du foncier y est le même que dans le XVIe arrondissement de Paris et que les coûts de construction y sont parmi les plus élevés du pays !

Voilà quelques années, à l’occasion de l’examen d’un autre texte, j’ai tenté d’obtenir que, dans les départements concernés, les préfets puissent établir, en accord avec les élus, des zonages prenant en compte la situation spécifique des stations de sports d’hiver, où les besoins de logements sociaux existent, comme partout ailleurs en France.

Cette situation n’est toujours pas réglée et nous ne pouvons y remédier par la loi : cela relève du domaine réglementaire. C’est pourquoi je lance de nouveau un appel.

Certaines dispositions relatives à l’urbanisme contenues dans ce texte sont positives, mais il faut penser aux conditions d’application sur le terrain. Si nous voulons favoriser la construction, redonner de la croissance et de l’activité, comme nous y invite ce projet de loi, il faut que les services des directions régionales de l’environnement et du logement laissent les élus faire leur travail et ne créent pas des contraintes allant au-delà de celles que prévoient les textes, qui gênent les projets de développement économique et nuisent à la compétitivité de nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je dois reconnaître que le diagnostic que vient de dresser Michel Bouvard est en partie exact. Les ministres du logement, quelle que soit leur couleur politique, ont toujours eu beaucoup de mal à faire changer les zonages,...

Mme Marie-Noëlle Lienemann. ... et ce pour une raison simple : c’est que les zonages ne sont pas faits seulement pour les logements sociaux, ils ont aussi un lien avec les aides fiscales. N’ayons pas peur de la vérité : celles-ci étant de plus en plus importantes, c’est le ministère des finances qui jauge les zonages au regard de la dépense fiscale induite ; c’est rarement le ministre en charge du logement qui décide de cette classification.

À mon sens, une réforme structurelle du financement du logement social pourrait être engagée. Pour ma part, j’ai toujours plaidé en faveur d’un prêt à taux zéro dont la quotité dépendrait à la fois de la réalité du marché local, du prix du foncier et de la nature du logement : très social, moyennement social ou intermédiaire bas. Telle n’a pas été la volonté de la Caisse des dépôts et consignations, assez hostile à ce dispositif, car elle redoute que l’État ne compense pas l’écart entre le prêt à taux zéro et la dépense réelle qu’elle-même engage par l’intermédiaire du livret A. Néanmoins, elle vient d’accepter – ou elle pourrait le faire – de revoir ce dossier avec les collectivités locales.

Monsieur le ministre, vous affirmez vouloir vous attaquer aux rentes indues et redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Je partage totalement cet objectif. Nous sommes là au cœur du sujet ! C’est pourquoi je propose que l’on s’attaque aux rentes qui pénalisent le plus le pouvoir d’achat de nos concitoyens, à savoir la rente foncière et la rente immobilière.

En trente ans, le prix du foncier dans notre pays a augmenté de près de 700 %. Aucune autre valeur n’a connu cette évolution ! Certes, c’est une moyenne, mais, même dans des territoires qui ne sont pas du tout en tension, l’augmentation du foncier reste en fort décalage par rapport à la valeur des autres biens. Tous les rapports affirment que cela constitue aujourd’hui un handicap pour la compétitivité française.

Monsieur le ministre, je regrette que ce projet de loi ne propose aucune mesure visant à réguler sérieusement le prix du foncier. Or, pour nos concitoyens, les dépenses de logement représentent aujourd’hui en moyenne 25 % à 30 % de leur revenu et peuvent même atteindre jusqu’à 35 % ou 40 % pour ceux qui perçoivent de faibles revenus et qui sont logés dans le parc privé. Par ailleurs, dans la construction de logements, le poids du foncier est extrêmement élevé, notamment dans les zones tendues, et peut constituer 50 % du prix.

Par conséquent, pour relancer la compétitivité et redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens, la régulation de la rente foncière est un enjeu majeur. Il s’agit même d’un sujet crucial pour l’avenir du pays, bien plus, me semble-t-il, que la libéralisation du transport par autocar ou de la profession de notaire. J’ai toujours plaidé pour que le prix du foncier soit taxé sur la valeur déclarative vénale du bien, ce qui serait de nature à limiter ces dérapages, mais ce n’est pas le débat d’aujourd’hui.

Cela étant dit, j’aimerais convaincre mes collègues du groupe CRC que des dispositions en faveur du logement intermédiaire ne sont pas contradictoires avec des mesures en faveur du logement social.

Mme Éliane Assassi. Nous n’avons jamais dit cela ! Nous en construisons dans nos villes !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La demande de logement intermédiaire n’est pas gigantesque en France. Le problème, c’est que nous manquons d’outils. Aujourd’hui, la chute de l’investissement locatif privé tient en partie à la désaffection des investisseurs institutionnels pour ce domaine. Contrairement à ce qu’affirment parfois les petits propriétaires, l’investissement des petits propriétaires individuels dans la pierre ne cesse de croître dans notre pays.

L’intervention des institutionnels peut devenir un outil de régulation des prix. C’est d’ailleurs tout l’intérêt du dispositif élaboré par Cécile Duflot et repris par Sylvia Pinel. Il faut faire naître un dispositif intermédiaire pris en charge par les institutionnels, dont les loyers de sortie ne sont pas spéculatifs. Nous avons intérêt à consacrer une petite partie de notre effort de production de logements au logement intermédiaire.

Pour autant, tout comme vous, monsieur Bouvard, je crois nécessaire de renforcer l’aide à la pierre pour le logement social.

N’opposons pas l’accession sociale à la propriété et le locatif. Le Gouvernement a pris quelques mesures de nature à consolider le prêt social de location-accession, le PSLA. Ce dispositif n’a pas atteint son rythme de croisière et l’on constate encore quelques blocages de la part de certaines banques. J’espère que le Gouvernement pourra les lever.

Une partie de l’accession sociale à la propriété concourt à la mixité sociale, en même temps qu’elle répond à des besoins.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, sur l'article.

M. Jean-Pierre Grand. Le fait que nous soyons si nombreux, dans cet hémicycle, à intervenir sur la question du logement social à cette heure tardive est bien la preuve qu’il s’agit d’une grande préoccupation pour nous.

Mme Duflot a fait flamber les prix du foncier.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout ! Au contraire, ils ont baissé !

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interpeller sur un sujet qui intéresse beaucoup les élus locaux : le logement social de fait.

Il s’agit d’immeubles habités par des gens pauvres, mais qui ne sont pas considérés comme des logements sociaux. Les communes, en particulier celles du sud de la France, qui ont accueilli les rapatriés, comptent ainsi des milliers de logements sociaux de fait.

Je demande à l’État de se préoccuper de ce problème, car les communes comptant des milliers de logements sociaux de fait sont durement frappées par les contraintes, notamment financières, de la loi SRU.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez me rassurer sur un point. Un bruit circule, selon lequel l’État envisagerait de porter à 40 % le taux de logements sociaux que doivent compter les communes au titre de la loi SRU et de multiplier par cinq les contraintes financières. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je m’adresse à vous, monsieur le ministre, car, on le sait, tout se passe à Bercy.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l'article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’article 23 prévoit de compléter le rapport sur le logement prévu à l’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation et d’y inclure des données sur le traitement des demandes de mutation et sur les parcours résidentiels. Cette mesure me paraît aller dans le bon sens.

Permettez-moi de profiter de cette prise de parole sur l’article pour répondre à notre collègue du groupe CRC et abonder dans le sens de Mme Lienemann.

Il se trouve que, depuis neuf mois, je suis « les mains dans le cambouis », ayant pris la tête d’un établissement qui était en faillite, le groupe Domanys Yonne Habitation, et que nous nous employons à redresser. Pour cela, il faut procéder à un certain nombre de cessions immobilières, de manière à respecter la feuille de route fixée par la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS.

Ces cessions immobilières sont en réalité l’occasion pour un certain nombre de locataires de devenir propriétaires d’un petit pavillon à un prix assez raisonnable. Elles sont sources de liquidités pour le groupe et lui permettront vraisemblablement d’envisager la mise œuvre d’autres programmes, par exemple des foyers pour étudiants.

Il ne faut donc pas opposer les logements de catégorie PLI – prêt locatif intermédiaire – aux logements sociaux, car ils forment un tout, ce que permettra de mesurer le rapport prévu à l’article 23.

Il faut encourager l’accession sociale à la propriété, je m’en rends bien compte sur le terrain. Tel est le constat que je souhaitais partager avec vous ce soir.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1073, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de la construction et de l’habitation est abrogée.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous portons cet amendement avec constance depuis plusieurs années, car la mise en place de suppléments de loyer ne nous paraît pas acceptable.

Le supplément de loyer de solidarité, le SLS, a été introduit dans le code de la construction et de l’habitation par la loi du 4 mars 1996. Il s’agissait d’inciter les locataires à quitter leur logement social et de réduire les concours publics à la construction et à la réhabilitation du parc locatif social.

Dans cette perspective, le parcours résidentiel des ménages salariés devenait une sorte de parcours obligé, passant notamment par la case du logement privé – cher, bien souvent – ou par celle, quand cela était possible, de la construction ou de l’acquisition d’un pavillon.

Or la mise en œuvre de ce dispositif a bien souvent conduit à chasser les salariés des cœurs des villes et à les éloigner de leur lieu de travail. On sait quels effets pervers ont eu ces surloyers en faisant partir des locataires dont la présence préservait l’équilibre des quartiers et évitait leur ghettoïsation en ce qu’elle permettait à des actifs, à des retraités ou à des demandeurs d’emploi de vivre dans le même ensemble.

De surcroît, le supplément de loyer de solidarité n’est pas d’un bon rendement financier, seulement 4 % des locataires étant susceptibles d’être concernés, soit moins de 200 000 foyers.

Par ailleurs, les organismes peuvent très bien décider de ne pas appliquer le SLS dès lors que le programme local de l’habitat de la commune où ils sont implantés le prévoit expressément.

Fort heureusement, le surloyer n’est pas applicable aux logements situés en zone urbaine sensible, où il aurait pour effet d’accroître la paupérisation des locataires et de déstructurer les équilibres souvent fragiles de ces quartiers.

Nous ne pensons pas qu’il soit injuste de permettre aux locataires d’un logement social d’y rester après une évolution professionnelle, même si leurs revenus sont nettement supérieurs à ceux d’un attributaire de logement social. Cela permet au contraire de préserver la mixité sociale et de prévenir une certaine dégradation du parc.

Il est donc grand temps de mettre fin au supplément de loyer de solidarité.

M. le président. L'amendement n° 1076 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa de l’article L. 441-3 du code de la construction et de l’habitation, le pourcentage : « 20 % » est remplacé par le pourcentage : « 50 % ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à étendre les dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, et à exonérer du paiement du surloyer prévu au cinquième alinéa de l’article L. 411-3 du code de la construction et de l’habitation les locataires installés dans les anciens quartiers classés en zone urbaine sensible n’ayant pas été retenus dans la nouvelle cartographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville depuis le 1er janvier 2015.

Il serait contre-productif, en termes de mixité sociale, de ne pas maintenir cet effort en faveur des locataires des HLM de ces quartiers, lesquels, de surcroît, ne font plus partie des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Connaissant l’équilibre social fragile de certains de ces quartiers, il ne serait pas judicieux d’introduire une distinction entre les locataires qui s’y étaient installés avant le 31 décembre 2014 et ceux qui s’y sont installés après cette date. Une telle distinction pourrait en outre freiner l’arrivée de nouveaux locataires à revenus moyens ou intermédiaires.

M. le président. L'amendement n° 1077 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au dernier alinéa de l’article L. 441-3 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « , au plus tard le 31 décembre 2014, » sont supprimés.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1074, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le 4° est supprimé ;

2° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° Des données sur l’ancienneté de l’occupation du logement. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Avant de présenter cet amendement, permettez-moi de répondre brièvement à Marie-Noëlle Lienemann.

Tous ceux qui ont été maires pendant un certain temps savent que la mixité sociale est fondamentale pour la société, en particulier à l’école.

Pour ma part, dans ma ville d’Auray, je suis parvenu à un bon dosage sur une zone de huit hectares, mais une telle opération n’est pas la solution pour répondre à toutes les demandes et à toutes les attentes. C’est avant tout une question de proportions.

L’amendement n° 1074 est un amendement de précision et de cohérence.

Il vise à supprimer à l’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation la référence au supplément de loyer de solidarité. Nous avons déjà longuement expliqué les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à ce dispositif.

Il tend ensuite à ajouter un élément de précision. L’article L. 101-1 prévoit que le Gouvernement remet tous les deux ans au Parlement un rapport sur la situation du logement en France. Ce rapport comprend notamment une évaluation territorialisée de l’offre et des besoins en matière de logements, des données sur l’évolution des loyers et sur leur révision annuelle, ainsi que leurs conséquences sur les bénéficiaires de l’APL, l’aide personnalisée au logement.

Nous souhaitons que des données sur l’ancienneté de l’occupation du logement soient incluses dans ce rapport. En effet, il est important de connaître cette ancienneté, car elle participe souvent au maintien d’une certaine mixité sociale. En outre, ces données permettraient au législateur de ne pas prendre de décisions fondées sur la seule rationalité économique.

Aujourd’hui, la crise du logement est le fait non pas des locataires du parc public, mais d’un sous-investissement de la part de la puissance publique.

M. le président. L'amendement n° 1075, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« 7° Des données sur les financements apportés par l’État à la réalisation de l’offre de logements. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Comme j’ai compris qu’il fallait aller vite, je dirai simplement que cet amendement est défendu. J’irai même au-delà, monsieur le président : je le retire ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 1075 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les quatre autres amendements ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je rappelle que l’article 23 prévoit de compléter le rapport sur le logement prévu à l’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation par un volet sur la mobilité dans le parc social.

Je ne conteste absolument pas l’intérêt et le bien-fondé des interventions de nos collègues, mais nous aurons l’occasion, lors de l’examen d’autres dispositions, d’évoquer la question du logement dans son ensemble et les différents types de logements, lesquels sont indispensables à la création d’un véritable parcours résidentiel dans notre pays.

Les premiers amendements visent à supprimer le supplément de loyer de solidarité et à relever le seuil déclenchant le paiement du surloyer. S’ils étaient adoptés, ces amendements conduiraient à maintenir dans les lieux un plus grand nombre de personnes ayant des ressources importantes, au détriment de personnes moins fortunées, lesquelles seraient alors obligées de se loger dans le parc privé, où les loyers sont plus élevés. Or il apparaît nécessaire, comme nous l’avons tous rappelé, de favoriser une certaine fluidité dans le parc HLM.

Le surloyer répond à un double objectif : d’une part, un objectif de mixité sociale, en permettant à des personnes disposant de revenus supérieurs aux plafonds de ressources applicables dans les HLM de pouvoir rester dans le parc social ; d’autre part, un objectif de justice sociale, en conditionnant le maintien dans le parc au versement d’un surloyer. Ce dispositif étant équilibré, il ne me paraît pas souhaitable de le modifier.

Vous proposez par ailleurs d’étendre l’exemption du surloyer à l’ensemble des locataires résidant dans un ancien quartier prioritaire. Cette disposition reviendrait en fait à pérenniser le zonage : les nouveaux habitants d’une zone n’étant plus prioritaire disposeraient ainsi, ad vitam aeternam, d’une exonération exorbitante du droit commun.

La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

Le seul amendement de cette série qui visait à enrichir le contenu du rapport bisannuel que le Gouvernement doit remettre au Parlement vient d’être retiré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets le même avis que la commission spéciale sur ces amendements, et ce pour les mêmes raisons.

Permettez-moi maintenant de revenir sur quelques points soulevés par les orateurs qui se sont exprimés sur l’article.

Monsieur Bouvard, vous avez évoqué l’important sujet du zonage.

La réforme de 2014 du classement des communes par zones, qui a globalement reclassé plus de zones qu’elle n’en a déclassées, a précisément pris en compte les avantages fiscaux et amélioré les dispositifs pour intégrer les besoins. Je ne dis pas que tout est parfait, mais un travail a été effectué sur cette question.

Madame Lienemann, je suis favorable à tout amendement qui permettrait de réduire la rente foncière. Vous en avez d’ailleurs déposé en ce sens, sur lesquels j’aurai l’occasion de m’exprimer.

Je rappelle à cet égard que l’abattement de 30 % sur les plus-values inscrit par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2015 vise à libérer à la fois du foncier privé et du foncier public – la politique décidée à cet égard est insuffisamment exécutée, mais nous sommes tous mobilisés pour qu’elle ne soit davantage –, afin de faire baisser les prix.

Il est clair qu’il existe une porosité entre les sujets et que l’économie ne peut pas bien fonctionner si le problème du logement n’est pas pleinement résolu.

Enfin, je tiens à vous rassurer, monsieur Grand : la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ayant porté de 20 % à 25 % le taux inscrit dans la loi SRU, le Gouvernement n’envisage pas de l’augmenter de nouveau et de le porter à 40 %.

Aujourd'hui, un peu plus de 1 000 communes sont déficitaires en logements sociaux. Les deux tiers d’entre elles respectent les règles. Le problème, ce sont les communes déficitaires n’ayant pas engagé de dynamique de rattrapage. Ces communes récalcitrantes feront, elles, l’objet de mesures spécifiques – nous aurons l’occasion d’y revenir –, mais je vous confirme qu’il n’y aura pas de modification des objectifs de la loi SRU.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote sur l’amendement n° 1073.

M. Jean-Marc Gabouty. J’ai entendu beaucoup de propos intéressants et justes sur cette question du logement. Toutefois, ils ne forment pas un ensemble suffisamment cohérent pour déboucher sur des propositions.

Je voudrais, pour ma part, insister sur les différences qui existent entre les régions quant aux besoins en matière de logement, au revenu disponible moyen des ménages, à la disponibilité et au prix du foncier, à la typologie des ménages qui demandent un logement social. Ainsi, nombre de ménages qui cherchent à occuper un logement social en région parisienne se logeraient facilement dans le parc locatif privé de beaucoup de villes de province.

Nous sommes donc confrontés à des problématiques diverses selon les territoires, que nous cherchons à résoudre au moyen de règles en matière de zonage et de contraintes qui sont d’application nationale.

Aujourd’hui, deux constats peuvent être dressés : tout d’abord, l’offre est totalement inadaptée à la demande. Ensuite, la politique du logement, malgré les efforts des uns et des autres, est globalement un échec dans notre pays.

Ni la loi SRU ni la loi SRU renforcée n’ont apporté les solutions que l’on attendait. En effet, la loi SRU constitue avant tout une loi punitive : au lieu d’encourager les villes qui réalisent un effort de rattrapage en matière de construction de logements sociaux, elle cherche à punir les villes qui n’en font pas suffisamment. Certaines d’entre elles se soucient d’ailleurs peu de ces sanctions, car elles disposent des moyens financiers pour en assumer les suites.

Quant à la loi ALUR, c’est une machine à ralentir la marche en avant !

Cela fait désormais longtemps que l’État semble incapable de piloter efficacement la politique du logement, en particulier celle du logement social. C’est la raison pour laquelle j’ai amorcé, lors de l’examen du projet de loi NOTRe, une réflexion sur une régionalisation de cette politique, les régions pouvant se substituer utilement à l’État, dont l’échec en la matière est patent, non pas depuis trois ans ou cinq ans, mais depuis au moins quinze ans. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

M. Olivier Cadic. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1073.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 143 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 29
Contre 308

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 1076 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1077 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1074.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 23.

(L'article 23 est adopté.)

Article 23 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 23 bis A (début)

Articles additionnels après l’article 23

M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 253 rectifié est ainsi libellé :

Après l’article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le mot : « acquéreur », la fin du premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé : « , ainsi qu’aux logements locatifs sociaux construits et gérés par les organismes d’habitations à loyer modéré définis à l’article L. 411-2, les sociétés d’économie mixte agréées mentionnées à l’article L. 481-1 et les organismes agréés mentionnés à l’article L. 365-2. Ils précisent également les modalités selon lesquelles ces sociétés ou organismes sont chargés de la mise en accessibilité des logements pour leur occupation par des personnes handicapées. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées définit les caractéristiques initiales d’accessibilité des logements vendus en l’état futur d'achèvement, ou VEFA, autrement dit sur plan.

Premièrement, le logement doit pouvoir être visité par une personne handicapée. Deuxièmement, une solution technique doit exister pour que le logement soit totalement accessible à une personne handicapée, dans l’hypothèse où elle achèterait ultérieurement ce bien.

Le présent amendement vise à étendre les règles applicables aux logements sociaux en VEFA aux logements locatifs sociaux construits directement par un bailleur social. Pour ce faire, il tend à compléter l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation. Cette harmonisation favoriserait l’optimisation des surfaces de ces logements pour un meilleur confort d’usage.

Par ailleurs, la production de logements locatifs sociaux acquis en VEFA à un promoteur constitue un mode de production de logement social en constante croissance. La mesure proposée permettrait de limiter le recours à la VEFA pour profiter de ces dispositions, d’harmoniser la conception des logements indépendamment de leur mode de production et de contenir leur coût de production, qui doit rester soutenable pour les ménages à revenus modestes qui les occupent.

Cet amendement s’inscrit en outre dans la perspective d’une simplification des normes et d’un aménagement des coûts de construction, tout en respectant le principe d’accessibilité.

M. le président. L'amendement n° 254 rectifié est ainsi libellé :

Après l’article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 18 de l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées est ainsi rédigé :

« Art. 18. – Le I de l’article 1er est applicable aux copropriétés des immeubles bâtis dont la demande de permis de construire est déposée à compter du 1er janvier 2015. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ces deux amendements concernent l’adaptation des règles d’accessibilité dans les logements sociaux.

L’amendement n° 253 rectifié vise à élargir les dispositions particulières en matière de règles d’accessibilité des personnes handicapées aux logements locatifs sociaux construits et gérés par les organismes d’HLM.

Cette proposition s’inscrit dans la continuité des dispositions de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, qui permet déjà aux organismes d'HLM de demander, sous certaines conditions, des travaux modificatifs pour les logements qu’ils acquièrent en VEFA.

Dans la mesure où un projet de loi ratifiant cette ordonnance devrait être prochainement inscrit à l’ordre du jour du Sénat, je vous propose, monsieur Requier, d’examiner cette disposition à cette occasion.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 254 rectifié a pour objet d’appliquer à tous les permis de construire, et non aux seuls permis déposés depuis le 1er janvier 2015, la possibilité pour l’acquéreur de demander, sous certaines conditions, des travaux modificatifs aux promoteurs. Pour la raison invoquée précédemment, à savoir l’examen prochain du texte de ratification déjà mentionné, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 253 rectifié tend à promouvoir l’adaptabilité des logements sociaux à leur accessibilité immédiate. Il se situe dans une logique gagnant-gagnant : on baisse, d’une part, les coûts de construction des logements sociaux et, d’autre part, on apporte une meilleure réponse aux personnes handicapées, qui n’auront plus à financer elles-mêmes les travaux d’adaptation de leur logement.

Le Gouvernement émettra, pour sa part, un avis favorable sur cet amendement.

L’amendement n° 254 rectifié correspond à l’une des cinquante mesures de simplification du plan de relance de la construction. Vous proposez en quelque sorte, monsieur Requier, d’anticiper l’entrée en vigueur de cette disposition en la rattachant, dans ce texte, à un ensemble d’articles relatifs au logement. Il s’agit donc d’un tout cohérent.

En avançant la date d’application de cette mesure, on permettra à 100 000 logements, a minima, d’en bénéficier.

Le Gouvernement émet donc également un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 254 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 23
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 23 bis A (interruption de la discussion)

Article 23 bis A

(Supprimé)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 110 amendements au cours de la journée ; il en reste 1 053 à examiner.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 23 bis A (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Discussion générale

3

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 14 avril 2015, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :

Éloge funèbre de Claude Dilain.

Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;

Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 14 avril 2015, à une heure trente.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART