Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
Secrétaire :
Mme Valérie Létard.
2. Financement de la sécurité sociale pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Amendement n° 51 de la commission.
Amendement n° 51 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° 87 de M. Georges Labazée. – Retrait.
Mme Marisol Touraine, ministre
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 52 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 53 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 246 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 167 de Mme Catherine Deroche. – Devenu sans objet.
Amendement n° 247 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 245 rectifié bis de Mme Annie David. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Amendement n° 170 de Mme Catherine Deroche. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article 37 bis (nouveau). – Adoption
Amendement n° 155 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 158 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 39
Amendement n° 248 de Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 117 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 294 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 54 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 295 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 314 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 25 de Mme Anne Emery-Dumas. – Non soutenu.
Amendement n° 26 de Mme Anne Emery-Dumas. – Non soutenu.
Amendement n° 106 de Mme Elisabeth Doineau. – Non soutenu.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 291 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 41
Amendement n° 152 rectifié bis de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Amendement n° 249 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 319 de M. Gilbert Barbier. – Rejet.
Amendement n° 107 de Mme Elisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 153 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Amendement n° 55 de la commission. – Adoption par scrutin public.
M. le président de la commission
Adoption de l'article modifié.
Article 42 bis (nouveau). – Adoption
Article additionnel après l'article 42 bis
Amendement n° 173 de M. Bruno Gilles. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 43 ter
Amendement n° 123 de M. Alain Houpert. – Non soutenu.
Amendement n° 109 de Mme Elisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 58 de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Demande de priorité de l’article 51. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. le président de la commission. – La priorité est ordonnée.
3. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
4. Organismes extraparlementaires
5. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
6. Financement de la sécurité sociale pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Demande de priorité de l’amendement n° 255. – M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. – La priorité est de droit.
Amendement n° 255 (priorité) de Mme Annie David.
M. le président, Mme Caroline Cayeux, M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
Mise au point au sujet d’un vote
MM. Gérard Roche, le président.
Amendement n° 146 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Amendement n° 147 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Amendement n° 133 rectifié de M. Bruno Gilles. – Retrait.
Amendement n° 65 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 44 bis (nouveau). – Adoption
Amendement n° 159 de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 45
Amendement n° 59 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel après l’article 46
Amendement n° 286 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 60 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 47
Amendement n° 61 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 292 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 62 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 63 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 250 de Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 252 de Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 253 de Mme Annie David. – Retrait.
Amendement n° 251 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 150 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Amendement n° 174 de Mme Catherine Deroche. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 49
Amendement n° 64 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 116 de Mme Elisabeth Doineau. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Article 51 (précédemment examiné)
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 52
Amendement n° 67 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 66 de la commission.
Amendement n° 69 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 111 de Mme Elisabeth Doineau. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 53
Amendement n° 72 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 215 rectifié ter de M. Yves Daudigny. – Retrait.
Amendement n° 73 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 139 rectifié de M. Bruno Gilles et 218 rectifié ter de M. Yves Daudigny.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 70 de la commission. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 71 de la commission. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 74 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l'article modifié.
Demande de priorité des articles 63 et 64. – M. le président de la commission, Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. – La priorité est ordonnée.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
7. Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
8. Financement de la sécurité sociale pour 2015. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
Articles additionnels avant l'article 56
Amendement n° 85 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Retrait.
Amendement n° 113 de Mme Elisabeth Doineau. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 56
Amendement n° 200 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Non soutenu.
Amendement n° 199 de M. Jean-Yves Leconte. – Non soutenu.
Amendement n° 201 de M. Jean-Yves Leconte. – Non soutenu.
Article 56 bis (nouveau). – Adoption
Article additionnel après l’article 56 bis
Amendement n° 95 de Mme Claudine Lepage. – Retrait.
Amendement n° 80 de la commission. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article 64 (priorité). – Adoption
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 58
Amendement n° 288 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels avant l’article 61 A
Amendement n° 89 de M. David Rachline. – Non soutenu.
Suspension et reprise de la séance
Articles additionnels après l'article 61 A
Amendement n° 312 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Article additionnel après l'article 61
Amendement n° 190 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 79 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 63 et 64 (précédemment examinés)
Article 65 A (nouveau). – Adoption
Amendement n° 81 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 303 rectifié bis de Mme Pascale Gruny. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 66
Amendement n° 273 rectifié quater de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 302 rectifié quater de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 222 rectifié quater de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 305 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 298 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 265 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 268 de M. Yves Daudigny. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article 68 (nouveau). – Adoption
Articles additionnels après l'article 68
Amendement n° 281 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 16 rectifié de M. Francis Delattre rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° 15 de M. Francis Delattre rapporteur pour avis. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l’ensemble de la quatrième partie du projet de loi.
Vote sur l'ensemble du projet de loi
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Adoption, par scrutin public, du projet de loi, modifié.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Secrétaire :
Mme Valérie Létard.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (projet n° 78, rapport n° 83, avis n° 84).
Nous poursuivons la discussion des articles.
QUATRIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2015
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES D’ASSURANCE MALADIE
Chapitre II (suite)
Promotion de la prévention
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la quatrième partie, à l’article 34.
Article 34
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3111-11 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les dépenses afférentes aux vaccins sont prises en charge, pour les assurés sociaux, par les organismes d’assurance maladie dont ils relèvent et, pour les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État, dans les conditions prévues au titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles et selon les modalités prévues à l’article L. 182-1 du code de la sécurité sociale.
« La facturation dématérialisée de ces dépenses est opérée dans les conditions prévues à l’article L. 161-35 du même code. » ;
2° L’article L. 3112-3 est ainsi modifié :
a) Au second alinéa, après les mots : « au suivi médical », sont insérés les mots : « , au vaccin » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La facturation dématérialisée de ces dépenses est opérée dans les conditions prévues à l’article L. 161-35 du même code. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2016.
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, sur l'article.
M. Bruno Gilles. Madame la ministre, cet article extrêmement intéressant relatif à la prise en charge des vaccins réalisés par les centres de vaccination prévoit une très bonne mesure. Mais le texte, tel qu’il est rédigé, crée une inégalité de traitement de la population selon le territoire où elle réside, inégalité certainement non voulue et liée sans doute à la complexité de notre dispositif public.
En effet, il existe, vous le savez bien, deux catégories de centres publics de vaccination.
D’une part, il y a les centres de vaccination conventionnés ou habilités par l’État depuis 2006, auparavant sous l’autorité des conseils généraux. Ce sont ces centres qui sont concernés aujourd’hui par le projet de loi.
D’autre part, il y a les centres publics de vaccination des communes disposant d’un service communal d’hygiène et de santé, ou SCHS, qui ont par dérogation au droit commun une compétence déléguée en matière de vaccination et qui, malheureusement, ne semblent pas être concernées par la recentralisation de la politique vaccinale de 2007 ; cela concerne tout de même 207 communes, dont toutes les grandes villes à l’exception de Paris – cette dernière est considérée comme un conseil général pour cette mission –, ce qui représente environ 25 % de la population française.
Le projet de loi, qui veut améliorer le fonctionnement des centres publics, oublie une partie de ces derniers qui ne sont pas explicitement mentionnés dans cet article 34.
Madame la ministre, je souhaitais soulever ce problème afin que vous puissiez nous rassurer de bon matin.
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’État procède à l’acquisition des vaccins administrés dans les conditions prévues par le présent article » ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à mettre en place une procédure d’achat groupé pour les vaccins utilisés par l’ensemble des structures publiques de vaccination.
L’acquisition des vaccins pourrait être assurée dans le cadre des structures déjà existantes que sont le service des achats de l’État, le SAE, ou l’Union des groupements d’achats publics, l’UGAP, dont une partie de l’activité porte sur l’achat de fournitures médicales, notamment à destination des hôpitaux.
Actuellement, les vaccins utilisés par les centres publics de vaccination sont financés par l’État, soit dans le cadre de la dotation globale de décentralisation, la DGD, versée par le ministère de l’intérieur, soit au travers d’une subvention versée via les agences régionales de santé, ou ARS.
Alors que de nombreux centres publics de vaccination font face à des difficultés financières et de personnel importantes, qui rendent souvent difficile la négociation des marchés passés avec les laboratoires, cette évolution permettrait d’assurer un égal accès à la vaccination sur l’ensemble du territoire tout en réduisant sensiblement les coûts d’achat des vaccins.
Cet amendement est la traduction de l’une des recommandations formulées par le Haut Conseil de la santé publique, ou HCSP, dans son avis de 2014 relatif à la politique vaccinale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non sur le fond de la démarche, mais en raison des conséquences que son adoption pourrait entraîner.
Les vaccins seront payés non par les centres, mais par l’assurance maladie. La procédure présentée par l’amendement n° 51 aboutirait donc à un double financement : par l’État et par l’assurance maladie.
Rien n’interdira à l’assurance maladie – et c’est ce qu’elle fera – de lancer des procédures d’appel ou d’achat groupés pour faire baisser les prix des marchés. Or le financement des vaccins par l’assurance maladie est d'ores et déjà prévu dans le cadre de la procédure.
Votre amendement paraît donc susceptible, je le répète, de mener à un double financement des structures de vaccination et d’aboutir, in fine, à un résultat inverse de ce que vous souhaitez en termes d’économies ou d’opportunités pour les finances publiques.
Le Gouvernement demande par conséquent le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mme la ministre nous rappelle fort à propos que c’est la sécurité sociale qui achète les vaccins. Afin d’éviter tout risque de confusion et de double financement, nous rectifions l’amendement en remplaçant « État » par « assurance maladie ».
Ce dispositif permettra de regrouper les achats et de réaliser des économies.
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 51 rectifié, ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’assurance maladie procède à l’acquisition des vaccins administrés dans les conditions prévues par le présent article » ;
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement : si cette rédaction devait soulever une difficulté, nous aurions toujours l’occasion d’y retravailler avant la deuxième lecture.
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par MM. Labazée et Daudigny, Mme Génisson, MM. Godefroy et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Dilain et Durain, Mme Emery-Dumas, MM. Haut et Jeansannetas, Mmes Meunier et Schillinger, MM. Tourenne, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’évaluation des moyens mis en place pour lever les obstacles financiers à la vaccination.
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Nous nous félicitons des dispositifs mis en place par le Gouvernement en matière de politique vaccinale, mais regrettons que les centres de vaccination municipaux, portés par les services communaux d’hygiène et de santé, pourtant présents dans près de deux cents villes françaises, ne soient pas mentionnés dans cet article relatif à l’organisation de la vaccination.
Cet amendement vise à la remise d’un rapport au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, afin de réaliser un bilan d’étape du dispositif actuel et d’envisager les améliorations qui pourraient y être apportées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Si la mesure présentée par l’article 34, qui porte sur la prise en charge par l’assurance maladie des vaccins réalisés dans les centres publics de vaccination dans les mêmes conditions qu’en ville et dans les centres de protection maternelle et infantile, ou PMI, c’est-à-dire à 65 %, me paraît aller dans le bon sens, elle me semble aussi soulever plusieurs interrogations.
L’une d’entre elles concerne les centres municipaux, présents dans 207 communes, dont plusieurs grandes villes comme Marseille, et couvrant 25 % de la population française.
Ces centres rendent les mêmes services que ceux qui sont gérés par les conseils généraux ou qui sont directement habilités par l’État, malheureusement seuls visés par l’article.
L’amendement n° 87 est donc en quelque sorte un amendement de cohérence, et la commission espère, madame la ministre, que, comme elle, vous émettrez un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Je ne suis jamais totalement convaincue par la multiplication des demandes de rapports, qui finissent par alourdir inutilement les textes et par compliquer beaucoup le travail de l’administration et des services.
Selon nous, les principaux obstacles à la vaccination résident dans les parcours de soins, et c’est à ces obstacles que répondront certaines des dispositions du prochain projet de loi relatif à la santé.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Madame la ministre, vous le savez bien, la demande d’un rapport est l’un des moyens dont nous disposons pour obtenir des précisions sur les politiques que le Gouvernement souhaite mener.
Si vous nous garantissez que ce sujet sera pris en compte dans le cadre du prochain projet de loi relatif à la santé et que nous pourrons en discuter lors de l’examen du texte (Mme la ministre fait un signe d’acquiescement.), je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 87 est retiré.
La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote sur l'article.
M. Bruno Gilles. Au-delà de la demande de rapport formulée par Mme Génisson, j’ai posé à Mme la ministre, lors de mon intervention sur l’article, une question qui me semble très importante puisqu’elle concerne quelque 25 % de la population française et 207 centres. Il ne s’agit donc pas que du centre de Marseille !
À mon sens, exclure de ce dispositif judicieux ces 207 centres, et donc 25 % de la population, n’est pas une bonne chose.
Le projet de loi ne faisant pas référence explicitement à cette situation, j’aimerais obtenir des éclaircissements de la part de Mme la ministre. Je lui pose donc à nouveau la question. En l’absence de réponse, je voterai à titre personnel contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je souhaiterais revenir sur la remarque du président du Haut Conseil de la santé publique que j’ai déjà évoquée à l’occasion de mon intervention dans la discussion générale. En septembre dernier, le président du HCSP manifestait son inquiétude, voire son agacement, devant la politique vaccinale qu’il qualifiait d’ « illisible, complexe et inégalitaire » et demandait que le programme 2012-2017 soit effectivement mis en œuvre.
Malheureusement, je n’ai pas eu de réponse à cette question. Mme la ministre peut-elle nous dire où en est ce programme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous aurons l’occasion de débattre du fond de la politique vaccinale lors de l’examen du prochain projet de loi relatif à la santé. Ce sera le bon moment pour discuter de ces enjeux.
La question de M. Gilles porte sur les centres communaux. Aujourd’hui, les financements des agences régionales de santé ou de l’assurance maladie vont en direction des centres habilités par les agences régionales de santé. Or il semble qu’aucun centre communal ne soit habilité par les ARS. Dès lors, peut-on envisager que les agences régionales de santé habilitent des centres communaux ?
À ce stade, je n’ai pas de réponse définitive à apporter. Il me semble néanmoins que la question mérite d’être posée, les centres communaux, en tout cas certains d’entre eux, contribuant de façon très significative à la politique vaccinale. Cette question mérite donc d’être étudiée dans la perspective de la diversification des lieux de vaccination, sans préjuger, monsieur le sénateur, la réponse à y apporter.
M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Article 35
I. – Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1114-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1114-5. – Les actions des associations d’usagers du système de santé ayant reçu l’agrément prévu à l’article L. 1114-1 au niveau national, qui regroupent notamment des associations d’usagers du système de santé ayant reçu l’agrément prévu au même article au niveau national, peuvent principalement bénéficier de financements de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.
« Les actions des associations d’usagers du système de santé ayant reçu l’agrément prévu audit article au niveau national et l’École des hautes études en santé publique mentionnée à l’article 86 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique peuvent également bénéficier de financements de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.
« Les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget fixent chaque année, par arrêté, la liste des bénéficiaires et les montants qui leur sont alloués au titre du présent article. »
II. – Après le 9° de l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° De participer au financement des actions mentionnées à l’article L. 1114-5 du code de la santé publique. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Le présent article vise à permettre à la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, de financer les associations de patients et les organismes œuvrant à la promotion des droits des usagers à l’échelle nationale.
Auparavant, une partie essentielle des fonds – 5 millions d’euros – alloués aux associations étaient mis à disposition par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, mais gérés par le Fonds d’intervention régional, le FIR. Ainsi, seules pouvaient être financées les associations régionales.
Dorénavant, la CNAM dispose directement de ces fonds et peut financer des associations ou organismes nationaux. Nous ne pouvons que saluer cette mesure, qui renforce la démocratie sanitaire dans notre pays.
Cependant, un constat s’impose : la convention d’objectifs et de gestion, la COG, prévoit, pour la période 2014-2017, de supprimer les budgets alloués à la prévention en santé bucco-dentaire à l’école. Ainsi, d’autres associations, qui contribuent aussi à rendre plus équitable notre système de santé, se voient retirer les ressources dont elles disposaient pour mener leurs actions.
Nous aimerions donc profiter de cette discussion pour donner l’alerte quant à la question de la prévention en santé bucco-dentaire. En effet, un grand nombre de nos concitoyens ne franchissent pas les portes des cabinets dentaires, souvent faute de moyens. Selon une étude menée par l’IFOP en 2013, un tiers de la population déclare avoir déjà renoncé à des soins dentaires. Pour l’année 2012 seulement, 9,5 % des Français, aux revenus parmi les plus faibles, ont renoncé à des soins dentaires, contre 8,6 % en moyenne dans l’Union européenne.
Dans ce contexte, il semble inadéquat de revenir sur des acquis en matière de prévention en santé bucco-dentaire. En effet, la COG pour la période 2014-2017 présente un budget global pour l’examen bucco-dentaire en légère augmentation, dans le cadre notamment du programme « M’T Dents ». Pour autant, ce budget est coupé net à partir de 2015 pour les actions de prévention en milieu scolaire, et ce sans aucune concertation avec les associations chargées de cette activité.
En 2013, 250 000 enfants avaient profité de ces actions de prévention à l’école, lesquelles avaient notamment permis aux enfants des milieux défavorisés d’accéder aux soins bucco-dentaires. Pourtant, en 2014, le Gouvernement a décidé de recentrer cette action : à la rentrée, seuls 20 000 enfants en profiteront dans les classes situées en zone d’éducation prioritaire. Or, peut-on considérer qu’ils représentent à eux seuls la part des Français exclue des soins ? Surtout, le budget passe purement et simplement à 0 euro en 2015. Qu’en sera-t-il des actions dans le cadre scolaire, y compris à destination des enfants issus de milieux défavorisés ?
Rappelons que, au quotidien, l’accès aux soins et aux messages de prévention est hétérogène selon les familles. Nombre d’entre elles, notamment les plus vulnérables, ne franchissent pas la porte des cabinets dentaires. La prévention ne doit donc pas reposer uniquement sur un suivi en cabinet médical ; elle doit également s’effectuer en milieu scolaire : l’éducation collective à l’école entraîne l’adoption de bonnes pratiques dès le plus jeune âge. Elle permet de s’adresser à tous et de pallier les inégalités socio-économiques qui conditionnent trop souvent les attitudes et comportements en matière de santé.
Par exemple, la prévention du risque de carie dentaire passe par la connaissance personnelle des bons gestes alimentaires et d’hygiène buccale. Sur ce point, les interventions en milieu scolaire ont démontré leur efficacité : le nombre de caries a été divisé par trois pour les enfants de douze ans depuis 1987.
Pour conclure, nous voterons cet article, qui va dans le bon sens s’agissant de la démocratie sanitaire, mais nous tenons à rappeler notre entière vigilance quant au maintien des financements alloués aux associations, notamment en matière de prévention en santé.
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5
Remplacer la référence :
10°
par la référence :
11°
II. – Alinéa 6
Remplacer la référence :
10°
par la référence :
11°
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il est favorable, monsieur le président.
Je voudrais saisir cette occasion pour répondre à Mme David. Le programme « M’T Dents » et les actions de prévention qui l’entourent voient leur budget augmenter.
Une présentation initiale a pu donner le sentiment – vous y avez fait allusion – qu’une partie des actions de ce programme serait ramenée, comme vous dites, « à 0 euro ». Or le financement global du projet, je le répète, est en augmentation. Il s’agit pour nous, en effet, d’un programme de prévention prioritaire.
J’indique, pour finir, que la CNAM aura toute latitude pour répartir ces financements accrus entre les différentes actions, y compris celles menées en milieu scolaire.
Mme Annie David. Merci !
M. le président. Je mets aux voix l’article 35, modifié.
(L’article 35 est adopté.)
Chapitre III
Renforcement de la qualité et de la proximité du système de soins
Article 36
I. – Le chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La sous-section 3 de la section 5 est complétée par un article L. 162-22-20 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-22-20. – Les établissements de santé exerçant les activités mentionnées au 1° de l’article L. 162-22 bénéficient d’une dotation complémentaire lorsqu’ils satisfont aux critères liés à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, mesurés sous la forme d’un score calculé chaque année par établissement.
« Un décret en Conseil d’État précise les critères d’appréciation retenus ainsi que les modalités de détermination de la dotation complémentaire. La liste des indicateurs pris en compte pour l’évaluation des critères ainsi que les modalités de calcul du score sont définis par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. » ;
2° La sous-section 4 de la même section 5 est complétée par un article L. 162-30-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-30-3. – I. – Les établissements de santé qui exercent les activités mentionnées au 1° de l’article L. 162-22 pour lesquels le niveau de qualité et de sécurité des soins n’est pas conforme à des référentiels nationaux signent avec le directeur général de l’agence régionale de santé un contrat d’amélioration des pratiques en établissements de santé.
« La conformité aux référentiels nationaux de qualité et de sécurité des soins est appréciée, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, au moyen d’indicateurs dont les valeurs limites sont précisées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
« Le contrat d’amélioration des pratiques comporte des objectifs d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, un plan d’actions pour les atteindre et des indicateurs de suivi. Il porte sur les activités de l’établissement, ainsi que sur la coordination avec les autres professionnels et structures assurant la prise en charge des patients de l’établissement, susceptibles de présenter des risques pour la qualité de la prise en charge.
« Le contrat d’amélioration des pratiques est annexé au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens mentionné à l’article L. 6114-1 du code de la santé publique. Il est conforme à un contrat type fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
« II. – Chaque année, en cas d’écarts par rapport aux engagements contractuels, l’établissement est mis en mesure de présenter ses observations. En cas de manquement de l’établissement à ses obligations, l’agence régionale de santé peut prononcer à son encontre une pénalité versée à l’organisme local d’assurance maladie et correspondant à une fraction du montant des produits versés par l’assurance maladie, proportionnée à l’ampleur et à la gravité des manquements constatés et dans la limite de 1 % de ces produits.
« En cas de refus par un établissement de santé de signer un contrat, l’agence régionale de santé peut prononcer, après que l’établissement a été mis en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière dans la limite de 1 % des produits reçus par l’établissement de santé de la part des régimes obligatoires d’assurance maladie au titre du dernier exercice clos.
« III (nouveau). – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment la procédure applicable, la nature des risques faisant l’objet du contrat d’amélioration des pratiques et mentionnés au troisième alinéa du I, la durée maximale du contrat et les modalités de calcul des pénalités mentionnées au II. »
II. – L’article L. 162-22-20 du code de la sécurité sociale entre en vigueur au 1er janvier 2016. Jusqu’au 31 décembre 2015, seuls les établissements de santé volontaires, dont la liste est arrêtée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, sont éligibles à un financement complémentaire portant sur l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins par le biais de la dotation définie à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Cet article s’inscrit tout à fait dans la logique imposée aux établissements de santé depuis l’adoption de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ». Nous avons donc déposé trois amendements pour tenter de l’inverser ; et notre vote sur cet article dépendra du sort qui leur sera réservé.
Sous couvert de vouloir inciter à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, on met en place, en réalité, un système de bonus-malus en matière de financement, et ce en fonction des résultats des établissements. Ce dispositif peut également laisser entendre que des incitations financières ou des sanctions sont nécessaires pour que les établissements respectent les protocoles de réduction des risques, par exemple.
Je doute qu’il y ait de mauvaises pratiques volontaires, qui entraîneraient par conséquent des complications et des surcoûts. Je doute donc de l’efficacité d’un tel mécanisme, tout simplement parce que ce n’est pas en sanctionnant ou en récompensant un établissement qu’il y aura moins de risques. Nous avons d’ailleurs eu ce débat à plusieurs reprises lors de notre séance d’hier.
Malheureusement, lorsqu’une complication surgit, c’est davantage faute de personnel, de moyens ou d’équipement. Aucun bonus-malus ne résoudra donc ce problème. On prend les choses en aval alors qu’il faudrait les prendre en amont !
Par ailleurs, ce dispositif a fait l’objet d’une expérimentation. Pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part des principaux enseignements qui en sont tirés ?
Améliorer la sécurité et la qualité des soins, nous y sommes évidemment favorables ; mais ce n’est pas en se lançant dans une course à la performance que nous y parviendrons, me semble-t-il. Nous dénonçons depuis la loi HPST une vision comptable de la santé et des soins. Nous regrettons de devoir à nouveau le faire ici, preuve que cette logique n’est toujours pas inversée.
Nous regrettons également de ne pas en savoir plus sur les modalités de mise en œuvre de ce dispositif. L’article prévoit qu’un arrêté précisera les indicateurs qualitatifs qui seront retenus, les critères pour déterminer le montant de la dotation, ainsi que les critères d’éligibilité des établissements.
De même, nous déplorons le rôle de gendarme qui va être accordé aux agences régionales de santé, les ARS, dotées de pouvoirs toujours plus importants, et sans contre-pouvoir. Ce point fera l’objet d’un autre de nos amendements.
Au reste, j’appelle votre attention, madame la ministre, comme l’a fait Jacqueline Fraysse à l’Assemblée nationale, sur les constats de Brigitte Dormont, économiste de la santé. Dans son article intitulé Le paiement à la performance : contraire à l’éthique ou au service de la santé publique ?, elle revient sur les travaux du prix Nobel d’économie, Jean Tirole, pour qui le paiement à la performance peut avoir des effets négatifs.
D’une part, en effet, il peut nuire aux motivations des médecins, lesquels, fort heureusement, n’ont pas attendu les recommandations ministérielles pour faire correctement leur travail, et sont donc susceptibles de considérer les primes reçues comme une sorte de corruption de leur idéal.
D’autre part, la définition trop stricte de certaines obligations peut inciter les médecins à concentrer leurs efforts sur les activités valorisées par les indicateurs au détriment de celles qui ne le sont pas.
Tels sont les risques et points négatifs que nous souhaitions mettre en avant. Nous espérons qu’ils seront évacués par l’adoption des amendements que nous avons déposés sur cet article.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l’article.
Mme Catherine Génisson. Madame la ministre, par cet article 36, vous souhaitez valoriser les bonnes pratiques dans les établissements de santé et accorder à ceux qui fonctionnent bien une reconnaissance, y compris budgétaire.
Un certain nombre de dispositifs, sur lesquels je ne m’étendrai pas, seront expérimentés en 2015 et devraient être généralisés en 2016. Je pense notamment à la valorisation de la dotation autorisée par la contractualisation.
Cette mesure, fondée sur l’exigence de qualité de soins et de sécurisation des parcours de soin, me semble bonne. C’est aussi une façon de valoriser les établissements qui travaillent bien ; c’est en tout cas l’exigence de qualité qu’il faut mettre en avant.
J’indique d’ailleurs que les procédures mises en place dans certains établissements, quand elles sont vraiment bonnes, pourraient être reproduites dans d’autres.
Par effet miroir, l’article 36 prévoit, pour les établissements qui ne répondraient pas à cette exigence de bonnes pratiques, un dispositif de sanction, qui serait déclenché, bien sûr, sous certaines conditions. À l’issue d’un dialogue approfondi avec l’établissement, l’agence régionale de santé pourra – ce n’est pas une obligation, l’article 36 l’indique bien – prononcer une sanction.
Je m’interroge cependant sur le principe même de la sanction financière. Il est important que les agences régionales de santé puissent examiner le fonctionnement des établissements de santé sur la base d’un certain nombre de critères, en particulier ceux qui sont mis en place par la Haute Autorité de santé, la HAS. Mais les établissements qui éprouvent des difficultés devraient voir leur périmètre d’activité modifié en fonction de leurs dysfonctionnements, afin de réussir à retrouver l’excellence.
En ce sens, je ne suis pas sûre que la sanction budgétaire incite à retrouver les bonnes pratiques. Des propositions plus structurelles d’amélioration du fonctionnement de ces établissements seraient peut-être plus efficaces.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 53, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
sous la forme d’un score calculé
II. – Alinéa 4
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces critères sont élaborés sur la base de référentiels nationaux de qualité et de sécurité des soins établis par la Haute Autorité de santé.
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
du score
par les mots :
par établissement
III. – Alinéa 7
Après les mots :
des soins
insérer les mots :
établis par la Haute Autorité de santé
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a un double objet.
Il vise d’abord à préciser l’articulation entre les modalités d’évaluation retenues pour juger de la qualité des soins et des activités des établissements et les référentiels nationaux, dont la commission des affaires sociales estime qu’ils doivent être établis par la Haute Autorité de santé.
Il tend ensuite à faire disparaître la notion de « score » de qualité des établissements hospitaliers, qui n’est pas définie en droit et relève de la technique financière ou médicale, voire du domaine sportif !
M. le président. L’amendement n° 246, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
1° Première phrase
Après les mots :
critères d’appréciation retenus
insérer les mots :
après concertation avec les représentants nationaux des commissions et conférences médicales d’établissement et les conseils nationaux professionnels concernés
2° Compléter cet article par les mots :
après avis de la Haute Autorité de santé et des fédérations hospitalières représentatives
II. – Alinéa 6
1° Après les mots :
agence régionale de santé
insérer les mots :
après avis conforme des conférences médicales d’établissement
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque des professionnels de santé libéraux interviennent dans l’établissement de santé, ils sont appelés à la signature dudit contrat.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Pour le groupe CRC, l’hôpital n’est pas une entreprise ayant pour objectif la rentabilité financière. À ce titre, nous nous opposons au calque de méthodes propres à l’entreprise dans le domaine de la santé. C’est pourquoi nous sommes opposés à la tarification à l’activité, la T2A, et à l’application de la méthode de scoring – je rejoins sur ce point ce que vient d’indiquer à l’instant M. le rapporteur général –, en ce qu’elle permet de classer les établissements de santé et de punir ceux qui sont mal placés.
Pour autant, si ces méthodes venaient à être mises en œuvre, nous souhaiterions pour le moins qu’elles le soient dans le respect de la démocratie sanitaire et en concertation avec l’ensemble des acteurs : les conférences médicales, les intervenants libéraux, les fédérations hospitalières, et surtout la Haute Autorité de santé. Ainsi, il nous semble indispensable d’indiquer, à l’alinéa 4 de l’article 36, que les indicateurs nationaux mentionnés sont élaborés « après concertation avec les représentants nationaux des commissions et conférences médicales d’établissement et les conseils nationaux professionnels concernés ».
À ce même alinéa, la mention de la Haute Autorité de santé a été ajoutée par M. le rapporteur général pour la définition des critères d’appréciation retenus ; il nous semble néanmoins important que l’arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale soit également validé par la HAS, ainsi que par les fédérations hospitalières représentatives. En effet, eu égard au caractère délicat de la construction d’une représentation statistique de l’image et de la qualité des établissements de santé, une consultation formelle pour avis des fédérations hospitalières représentatives nous semble justifiée.
Les modifications que cet amendement tend à apporter à l’alinéa 6 relèvent de cette même volonté d’associer les acteurs au processus de décision les concernant. Ainsi, il est primordial que les conférences médicales d’établissement ainsi que les professionnels libéraux intervenant dans l’établissement puissent être associés à la constitution du contrat d’amélioration des pratiques en établissement de santé. En effet, au titre de leur activité dans les établissements visés, ils sont à même d’identifier les obstacles à lever et les axes d’amélioration.
D’ailleurs, rappelons que, eu égard à la mission qui leur est confiée par l’article L. 6161-2 du code de la santé publique, les conférences médicales d’établissement ont toute légitimité à intervenir dans la signature du contrat. En effet, cet article dispose que « la conférence médicale contribue à la définition de la politique médicale et à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ».
Tel est, mes chers collègues, l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 167, présenté par Mmes Deroche et Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Les alinéas 5 à 12 de l’article 36 nous semblent inutiles.
Il existe déjà des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ou CPOM, et des contrats de bon usage des médicaments pour évaluer, si besoin est, la qualité des établissements de soins. Si des mesures d’ajustement sont nécessaires, mieux vaut les prendre dans ces documents. Les sanctions ne feraient que nuire à la bonne marche des établissements.
M. le président. L'amendement n° 247, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 10 à 12, qui prévoient un mécanisme de sanctions des établissements de santé n’ayant pas respecté leurs engagements contractuels à l’égard de l’ARS. Cela va dans le sens de mon propos introductif.
Aux termes de l’alinéa 10, l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre de l’établissement une pénalité « correspondant à une fraction du montant des produits versés par l’assurance maladie, proportionnée à l’ampleur et à la gravité des manquements constatés et dans la limite de 1 % de ces produits ».
Comme nous l’avons indiqué, nous sommes opposés à l’introduction d’une telle logique de contractualisation-sanction. À nos yeux, la mission de pilotage territoriale dévolue aux agences régionales de santé ne doit pas consister en une mission de contrôle des hôpitaux.
Certes, il serait évidemment irresponsable de laisser les hôpitaux sans contrôle ; il existe effectivement des failles dans la qualité et la sécurité des établissements que nous ne pouvons pas tolérer.
Mais nous considérons que le contrôle des établissements de santé ne doit pas être transféré aux ARS ; il doit continuer à relever de la compétence de la Haute Autorité de santé. Cette autorité administrative indépendante doit poursuivre la réalisation de ses trois grandes missions complémentaires : l’évaluation, la formulation de recommandations et les certifications et accréditations.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 246 ; à défaut, l’avis serait défavorable.
En effet, l’amendement de la commission prévoit déjà que la Haute Autorité de santé établira les critères – c’est l’une des mesures proposées par nos collègues – et procédera aux consultations nécessaires.
Je crains que le fait d’associer les conférences médicales d’établissement, comme cela nous est suggéré, n’ait pour conséquence d’alourdir fortement le dispositif. Or, en matière d’évaluation de la qualité, il faut avant tout faire preuve de réactivité.
La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 167.
Les auteurs de cet amendement soulignent à juste titre les multiples mécanismes qui existent déjà en matière de contrôle des pratiques hospitalières. Néanmoins, les contrats prévus par l’article 36 peuvent à mon avis être vus comme une déclinaison des CPOM dont l’ARS assurera la cohérence et qui sont susceptibles d’apporter un complément de revenu aux établissements.
Enfin, l’adoption de l’amendement n° 247, qui vise à supprimer les mécanismes de sanction, aboutirait à déséquilibrer le dispositif prévu. La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. À mon sens, ces amendements ne sont pas en cohérence avec le dispositif que le Gouvernement veut instituer.
L’article 36 met en place une contractualisation avec les établissements afin de mieux diffuser les pratiques de qualité. Nous ne posons évidemment pas comme postulat qu’il y aurait des actes volontairement contraires à l’objectif de qualité. Mais il peut y avoir des négligences ou, tout simplement, des habitudes en contradiction avec la recherche de qualité.
Nous tenons compte des 211 expérimentations qui sont d’ores et déjà engagées dans les établissements et dont le comité de pilotage rassemble la Fédération hospitalière de France, la Haute Autorité de santé et les représentants des CME, soit l’ensemble des acteurs que vous souhaitez voir associés au dispositif. Votre demande – avoir des indicateurs objectivés pour définir les critères de qualité à atteindre – est donc déjà satisfaite. Les scores sont mis en place.
Faut-il en rester à ce qui a été la première étape, c'est-à-dire la démarche incitative ?
Selon un rapport de la mission sénatoriale d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de 2012, une démarche purement incitative sans possibilité de sanctions ne suffit pas. Et les différents acteurs que j’ai mentionnés et qui participent à ces expérimentations partagent cette analyse.
Il s’agit non pas de sanctionner d’emblée ceux qui n’atteignent pas les objectifs, mais de réfléchir aux moyens de les aider à y parvenir.
La sanction n’interviendrait qu’au terme d’un long processus. Il y aurait d’abord une contractualisation avec l’agence régionale de santé, afin d’identifier les étapes à franchir pour atteindre les objectifs fixés et de chercher les soutiens qui pourraient être apportés à l’établissement. C’est seulement une fois le contrat passé que des sanctions pourraient être prononcées si les objectifs n’étaient pas atteints.
Il n’y aurait donc pas une incitation immédiate et une sanction immédiate ; il y aurait une incitation immédiate et un processus d’accompagnement pouvant déboucher sur une sanction, notre but étant évidemment non pas la sanction, mais le respect par l’établissement de ses engagements contractuels.
J’émets donc un avis défavorable sur ces quatre amendements, qui soit sont déjà satisfaits, la Haute Autorité de santé, les fédérations hospitalières et les CME étant associées au dispositif, soit ne sont pas de nature à favoriser le processus tel que nous l’entendons.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l’amendement n° 53.
Mme Catherine Génisson. Nous avons obtenu des précisions de la part de la commission et du Gouvernement.
Madame la ministre, si j’ai bien compris, on sanctionnera non pas le constat de dysfonctionnements, mais bien le fait pour un établissement de ne pas vouloir y remédier.
Mme Annie David. Mais enfin ! Aucun établissement ne refuse de remédier à des dysfonctionnements !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je remercie Mme la ministre de prendre toujours le temps de nous apporter des précisions sur les expérimentations en cours ; c’est important pour nos travaux.
J’adhère évidemment à la philosophie des mesures proposées et des réformes engagées. Mais, en tant que parlementaire, je constate un décalage entre les ambitions affichées et la réalité du terrain, décalage qui tient avant tout aux conditions concrètes de mise en œuvre du processus. Compte tenu de la toute-puissance des ARS, les sanctions ne tombent pas à l’issue d’un dialogue constructif sur les difficultés rencontrées par les établissements au quotidien !
Par ailleurs, le ciel n’est pas serein. En effet – et cela a commencé bien avant l’arrivée de ce gouvernement aux responsabilités –, les hôpitaux publics et les établissements publics de santé subissent depuis des années un travail de sape ; on leur demande toujours plus avec moins de moyens ! Dans ce contexte, ajouter des sanctions nous paraît contreproductif. Nous maintenons donc nos amendements.
Nous ne sommes pas dans la posture ou dans l’opposition frontale. Nous avons notre analyse, tout comme le Gouvernement a la sienne et les autres groupes ont la leur. Mais, selon nous, ce qui est envisagé ne correspond pas à la réalité.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je fais miens les propos de notre collègue Laurence Cohen : ce qui est envisagé ne correspond à la réalité.
Madame la ministre, je vous remercie de nous apporter des précisions, mais il serait préférable de le faire lors de l’examen des textes en commission ; cela nous aiderait dans l’élaboration des amendements… Vos informations sur les expérimentations en cours sont très intéressantes, mais nous aurions apprécié d’en prendre connaissance lors des auditions.
Si les fédérations hospitalières nous interpellent pour déposer des amendements, c’est bien que des problèmes se posent. Et ce sont ces problèmes-là, ceux du terrain, que nous essayons de faire remonter. Nous devrions avoir ces discussions en commission, et non en séance plénière. Je m’étonne par exemple que vous parliez de « négligences ».
L’expérience montre – je suis moi-même membre du conseil de surveillance d’un petit hôpital de proximité et président de celui d’un centre hospitalier universitaire, ce qui me permet de bien connaître la situation des deux catégories d’établissements – qu’il y a un certain nombre de difficultés sur le terrain.
Avant d’en arriver aux sanctions, faisons déjà en sorte que les objectifs fixés dans les CPOM soient tenus. Et il est difficile de tenir des objectifs définis pour l’année en cours quand les moyens n’arrivent qu’en milieu ou en fin d’année ! Mais cela ne vous empêchera pas de considérer que, les objectifs n’étant pas tenus, les sanctions doivent être prononcées…
Cessons d’accabler tous ces établissements de santé, qui manquent déjà de moyens, d’équipes et de médecins, avec des nouvelles mesures administratives de contrôle de la qualité, de scoring… Les personnels passent leur temps à remplir des formulaires administratifs. Et quand il manque une ligne ou deux, on n’est plus dans les clous !
Encore une fois, avant d’instituer des sanctions, montrons l’exemple et favorisons la coordination avec ces établissements.
J’attire également votre attention sur les scores, madame la ministre. Certains services spécialisés très performants peuvent se permettre de choisir les patients à opérer et de récuser des malades pour réaliser de meilleurs scores. Et d’autres services, qui ont un nombre limité de patients – cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas performants –, récusent moins de malades et ont de moins bons scores. Faisons attention : des malades sont sauvés parce que des équipes prennent des risques au détriment de leur score ! Et, dans le même temps, certains hôpitaux sélectionnent les malades.
Il faut donc veiller à ce que les critères de référence – et ils sont nécessaires – ne soient pas contreproductifs au regard de notre objectif commun : garantir la qualité des soins dans tous les équipements de santé.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Notre collègue René-Paul Savary pose la bonne question.
Pour ma part, je soutiens cet article. Nous ne pouvons effectivement pas nous contenter de ce qui figure dans les kiosques à journaux depuis hier ; il faut une évaluation précise des établissements de santé.
Mais les sanctions s’appliquent aux établissements. Et M. Savary vient de pointer la différence pouvant exister au sein d’un même établissement – plus un hôpital est grand, plus ses services sont nombreux – entre des services très performants et d’autres qui le sont moins.
Il faudra nous transmettre les résultats de l’expérimentation menée dans les établissements témoins que vous avez retenus. Mais on comprendrait mal qu’une sanction financière soit appliquée globalement à l’établissement parce qu’un ou deux services n’ont pas respecté les scores. On parle en effet de « scores » même si ce terme n’est pas très favorable en matière de résultats concernant les soins. Va-t-on appliquer cette mesure par service ou pour l’ensemble de l’établissement ? J’ai une inquiétude sur ce point, mais peut-être l’expérimentation en cours nous apportera-t-elle des solutions.
Je voterai cet article, madame la ministre, mais des explications devront nous être données à l’issue de cette première année.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien les interrogations qui sont soulevées. Je le répète, la volonté du Gouvernement n’est pas de mettre en place une démarche punitive. Sa volonté est que cette qualité soit valorisée, ce qui correspond à la demande de l’ensemble des fédérations, des acteurs et des professionnels de santé, et qu’elle soit intégrée dans les procédures d’évaluation des établissements.
Ne faisons pas comme si, aujourd’hui, cette procédure d’évaluation des établissements n’existait pas ! Nous ne sommes pas en train de passer d’une période où l’on n’analyse rien à une période où l’on analyserait tout. Ce n’est pas ce qui est proposé !Divers indicateurs existent d’ores et déjà aujourd’hui, et il s’agit de faire en sorte de les rassembler, de les agréger, afin de permettre une appréciation de l’engagement et des efforts réalisés.
Aujourd’hui, 10 % des établissements présentent des risques infectieux et 10 % des établissements présentent des risques médicamenteux. On ne peut pas se contenter de considérer ce taux de 10 %, car c’est à la fois peu et beaucoup. Il faut évidemment accompagner ces établissements pour déterminer ce qui, dans leur pratique, peut être amélioré. En cas d’amélioration, il y aura, au contraire, une valorisation financière. Il s’agit, par exemple, dans un tout autre domaine, de tenir compte des établissements dans lesquels la prise en compte et le soulagement de la douleur sont effectivement mis en avant.
Si ces indicateurs n’existaient pas aujourd’hui, je ne pourrais pas vous dire qu’il y a des risques médicamenteux dans 10 % des établissements ! La traçabilité de la douleur, la qualité de la tenue du dossier du patient, la date d’envoi du courrier de fin d’hospitalisation – c’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans le projet de loi relatif à la santé, car ce courrier, qui est théoriquement obligatoire, n’est pratiquement jamais expédié sinon à des dates totalement aléatoires – sont des éléments essentiels pour le parcours de santé et le parcours de soins du patient.
M. René-Paul Savary. Cela existe !
Mme Marisol Touraine, ministre. Cette disposition existe, mais elle n’est pas encore appliquée. Les médecins traitants ne cessent de dire qu’ils se battent pour obtenir ces éléments. Donc, faisons en sorte que les établissements les mettent en œuvre.
M. Gilbert Barbier. Les services !
Mme Marisol Touraine, ministre. Non, pas les services ! Pour quelles raisons ? Parce qu’il appartient à la direction de l’hôpital de jouer son rôle de direction à l’égard des services dans lesquels cela ne se passe pas. Aucun directeur de service n’est responsable vis-à-vis de la Haute Autorité de santé ou vis-à-vis de l’Agence régionale de santé.
Pour en finir sur ce point, je souligne que c’est au niveau national que les scores et les indicateurs sont définis et que les sommes sont déboursées. Il n’appartient donc pas à l’Agence régionale de santé de dire, dans sa toute-puissance – je reprends votre formule, madame Cohen – que tel établissement remplit les critères et que tel établissement ne les remplit pas. La qualité et l’élément positif y seront identifiés nationalement. Ensuite, si nous constatons des dérapages, des contrats seront alors signés localement avec l’ARS, comme sont aujourd’hui signés des programmes de retour à l’équilibre.
C’est une démarche importante – je ne veux pas la minorer – dans la mesure où elle permet de rassembler, comme le recommandait d’ailleurs la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, dans son rapport de 2012, l’ensemble des politiques un peu disparates qui existent depuis un certain nombre d’années, afin de permettre une meilleure prise en compte de la qualité.
Les professionnels de santé, les représentants des fédérations, des conférences médicales d’établissement ou de certains mouvements hospitaliers que j’ai rencontrés m’ont tous dit : « N’appliquez pas uniquement la T2A, introduisez des éléments qualitatifs dans l’appréciation de ce qui se passe dans les hôpitaux. » C’est très exactement ce que nous faisons. Or vous me reprochez la mise en place de ces éléments qualitatifs au motif que cela va renforcer la logique financière qui s’applique aux hôpitaux. Pourtant, beaucoup d’acteurs – y compris de votre côté, madame Cohen – demandent que soient instaurés des critères qualitatifs afin de contrebalancer les critères purement comptables qui régissent la tarification à l’activité, ou T2A. J’entends donc vos propos, mais ne suis pas certaine de parfaitement les comprendre !
En tout cas, la démarche du Gouvernement est de casser une approche purement comptable et de favoriser les bonnes pratiques à partir de critères qui doivent être aussi objectifs que possible.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais compléter le propos de Mme la ministre en précisant que l’on retrouve, à la page 244 des fiches d’évaluation, l’ensemble des incitations à l’amélioration de la qualité et les contrats d’amélioration des pratiques.
Pour autant, s’il est vrai que, depuis plusieurs années, la démarche de la qualité a été mise en place dans les établissements de santé – et elle doit être poursuivie –, cela ne veut pas dire que tous ceux qui y participent souscrivent aux propositions qui sont faites. Si c’était le cas, nous n’aurions pas reçu les propositions d’amendements qui ont été formulées par les fédérations hospitalières regroupées. Il ne s’agissait pas uniquement de la Fédération hospitalière de France, la FHF ; la FHF ainsi que la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs, la FEHAP, et la FHP, la Fédération de l’hospitalisation privée ont, ensemble, proposé certains des amendements que nous portons.
Si cette démarche de la qualité est une nécessité absolue, s’orienter à partir de là vers la démarche punitive me semble dangereux pour les établissements. Il vaudrait mieux continuer à mettre en place des incitations et faire en sorte que ceux qui ont véritablement la notion de qualité médicale – en particulier la Haute Autorité de santé – soient inclus dans ces démarches.
Je propose donc de voter l’amendement n° 53 de la commission, ce qui permettra que les autres amendements soient retirés ou n’aient plus d’objet.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, nos amendements ne contredisent nullement la démarche de qualité que vous défendez. Nous sommes tout à fait favorables à l’introduction de critères de qualité, d’éléments de responsabilisation, etc.
Le problème est que la mesure financière que vous proposez s’apparente à un bonus-malus, qui va, selon nous, aggraver les choses. Ce n’est pas la bonne réponse à des problèmes qu’il faut traiter. Voilà la précision que je voulais apporter.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 167 n'a plus d'objet.
Madame David, maintenez-vous l’amendement n° 246 ?
Mme Annie David. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l'amendement n° 246.
Mme Catherine Génisson. Je remercie Mme la ministre de son intervention qui nous a permis de mieux appréhender la question. Je voudrais néanmoins insister sur un point qui a été soulevé par notre collègue René-Paul Savary.
Un certain nombre d’établissements sélectionnent les patients pour les transférer vers d’autres établissements qui prennent le risque de les prendre en charge. Ce que l’on appelle « l’effet de gamme », c’est-à-dire la sélection des malades en fonction de leur pathologie et des traitements dont ils vont pouvoir bénéficier est un élément important à prendre en compte dans vos indicateurs. (M. Gérard Roche applaudit.)
M. le président. Madame David, l’amendement n° 247 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié bis, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les établissements situés sur des territoires où les indicateurs renseignent un mauvais état de santé de la population bénéficient prioritairement de cette dotation.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à mettre en place une incitation financière, sous la forme d’une dotation compensatoire, en faveur des établissements qui répondraient à un objectif « d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins », « afin de tempérer les effets inflationnistes de la T2A » sans pour autant remettre en cause le principe de cette dernière.
Ainsi, il s’agira encore de nouveaux critères d’évaluation, lesquels, additionnés, aboutiront à un « score » – on vient de l’évoquer – qui déterminera l’éligibilité des établissements à quelques moyens supplémentaires.
Or ce qui a nui à la qualité et à la sécurité des soins dispensés dans les hôpitaux publics est précisément la T2A et la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
Les restructurations imposées dans les hôpitaux publics se poursuivent – force est de le constater –, les plans d’économies remettent parfois en cause l’accès aux soins.
Les hôpitaux asphyxiés par l’augmentation de leur dette sont souvent menacés de cessation de paiement. C’est pourtant dans ce contexte que vous voulez instaurer une prime à la « qualité et à la sécurité des soins » pour les établissements qui, grosso modo, se débrouillent au mieux avec le peu qu’ils ont.
Nous regrettons pour notre part que les critères que vous retenez ne s’inspirent pas de l’objectif originel qu’est le droit à la protection de la santé pour tous nos concitoyens. Il faudrait pourtant partir des inégalités de santé existantes pour établir le besoin de compensation et de péréquation et, in fine, faire respecter ce droit.
En effet, les établissements situés dans des zones où l’état sanitaire de la population est préoccupant souffrent d’autant plus de « la diète HPST ».
La région Nord-Pas-de-Calais n’échappe pas à cette situation et se situe même plutôt en première ligne.
Je rappelle que le territoire de santé Lens-Hénin est classé dernier sur 348 territoires de santé et que le département du Pas-de-Calais connaît dans certains secteurs une surmortalité pouvant aller jusqu’à 70 % par rapport à la moyenne nationale. L’accès à l’information, à la prévention et le recours aux soins sont largement tributaires du niveau social des personnes. Or les revenus y sont inférieurs de 20 % à ceux de la France métropolitaine. Le taux de chômage reste supérieur de trois points à la moyenne nationale – et même de dix points pour les moins de vingt-cinq ans – et, selon l’INSEE, à âge identique, une personne en situation de pauvreté effectue 2,5 consultations de moins par an que les autres. Les soins – c’est d’ailleurs le constat qui est fait dans le projet régional de santé – y sont nettement plus tardifs. Beaucoup trop de patients arrivent « cassés » à l’hôpital public. Mais cette situation ne semble pas prise en compte actuellement dans la tarification alors que les établissements n’ont pas la possibilité – c’est un constat juste qui a été fait – de choisir leurs patients. Ils sont alors pénalisés.
La région Nord-Pas-de-Calais, qui a besoin d’un renforcement des moyens publics au regard des critères sanitaires objectifs, demeure au contraire sous-dotée, et le maillage sanitaire existant est constamment menacé en dépit de la qualité et de la sécurité des soins ou encore des économies réalisées.
Je pourrais, si j’en avais le temps, citer un certain nombre d’exemples.
En conclusion, afin d’agir véritablement sur les inégalités d’accès aux soins, nous vous proposons, par cet amendement, de déclarer prioritairement éligibles aux compensations financières les établissements situés dans des zones où les indicateurs de santé font état d’un mauvais état de la population.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à mettre en place des programmes d’amélioration de la qualité des soins dans les zones où la santé de la population est la plus dégradée. Pour ma part, j’y suis favorable pour les raisons qui viennent d’être exposées par M. Watrin.
Les programmes visés par l’article 36 ont vocation à s’appliquer partout où ils sont nécessaires, sans qu’il soit besoin de définir des zones d’action exclusive. Il est dans la nature même du dispositif que, là où les besoins sont plus importants en termes de santé, les ARS mettent en place davantage de programmes pour améliorer la qualité des établissements. C'est du moins la lecture que nous faisons du dispositif. L’objectif que vous souhaitez voir atteindre, monsieur Watrin, me semble donc pris en compte.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat, mais elle entendra avec intérêt l’avis de Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Watrin, vous avez mis en avant un thème qui, je le sais pour avoir eu souvent l’occasion d’en discuter avec vous, vous est cher. Je comprends votre préoccupation quant à la nécessité de prendre en compte les territoires dans lesquels l’état de santé général de la population est plus dégradé que celui de la moyenne des Français.
Néanmoins, il ne faut pas établir de lien entre la qualité d’un établissement hospitalier et les difficultés sanitaires de la population locale. Ce qui compte réellement, c'est la qualité de la prise en charge. Ce n’est pas parce qu’une population présente des risques plus importants que la procédure de prise en charge est de moins bonne qualité.
Sur la nécessité de mettre en place des projets de santé publique renforcés dans ces territoires, je suis d’accord avec vous : c'est une évidence, il faut davantage d’interventions et d’actions. Mais, je le redis, la qualité des établissements de santé n’est pas liée à l’état de santé de la population.
Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, je serai obligée d’y donner un avis défavorable. Il n’y a pas de raison de concentrer des aides à la qualité sur les établissements situés dans les territoires plus défavorisés sur le plan sanitaire, car cela pourrait aboutir à minorer les efforts réalisés ailleurs.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je suis d’accord avec Mme la ministre : la qualité doit évidemment être un objectif essentiel dans tous les établissements de santé, de même que la sécurité.
Cela dit, l’article 36 introduit une forme de modulation, de péréquation. C'est bien, me semble-t-il, l’article du texte dans lequel on peut tenir compte des inégalités territoriales de santé, afin que cette modulation permette aux territoires concernés, dans lesquels les établissements de santé sont confrontés à des difficultés spécifiques, de bénéficier de davantage de moyens pour remplir leurs objectifs de qualité et de sécurité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je voterai cet amendement. Je ne sais pas sous quelle forme et selon quelles modalités un tel dispositif peut être applicable, mais affirmer notre volonté d’apporter des moyens complémentaires pour la prévention, la sensibilisation aux problèmes de santé et l’information dans les régions défavorisées, où l’état de santé de la population est plus fragile qu’ailleurs, non seulement aux hôpitaux, mais à l’ensemble de la zone, me paraît de bon aloi. C'est, en tout cas, selon moi, un message politique qu’il nous faut lancer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
Article 37
I. – Après l’article L. 6111-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6111-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6111-3-1. – I. – Les hôpitaux de proximité sont des établissements de santé publics ou privés qui contribuent, par des coopérations avec les structures et professionnels de médecine ambulatoire et avec les établissements et services médico-sociaux, à l’offre de soins de premier recours dans les territoires qu’ils desservent. Ils permettent aux patients qui s’adressent à eux d’accéder à des consultations spécialisées, dans le cadre des coopérations qu’ils développent, et assurent, en cas de nécessité, l’orientation des patients vers des structures dispensant des soins de second recours.
« II. – Les hôpitaux de proximité exercent une activité de médecine. Ils n’exercent pas d’activité de chirurgie ou d’obstétrique.
« Le volume de leur activité de médecine n’excède pas un seuil défini dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Pour chaque région, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent, sur proposition du directeur de l’agence régionale de santé, la liste des hôpitaux de proximité au regard des besoins de la population et de l’offre de soins dans la région.
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de révision de la liste mentionnée au III. »
II. – Après l’article L. 162-22-8-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-22-8-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-22-8-2. – Par dérogation à l’article L. 162-22-6 du présent code, les activités de médecine exercées par les hôpitaux de proximité mentionnés à l’article L. 6111-3-1 du code de la santé publique bénéficient d’un financement mixte sous la forme de tarifs nationaux des prestations mentionnés au 1° du I de l’article L. 162-22-10 du présent code et d’une dotation forfaitaire, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. »
III. – Pour l’année 2015, et par dérogation à l’article L. 162-22-8-2 du code de la sécurité sociale, la part des frais d’hospitalisation prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie au titre des soins dispensés dans le cadre des activités de médecine exercées par les établissements de santé relevant, avant la publication de loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, des règles applicables aux hôpitaux locaux au sens de l’article L. 6141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la publication de la même loi, est incluse dans la dotation annuelle de financement mentionnée à l’article L. 174-1 du code de la sécurité sociale et comprise dans l’objectif défini à l’article L. 174-1-1 du même code. Le montant de cette dotation est modulé en fonction de l’activité de médecine de l’établissement, mesurée par les données mentionnées à l’article L. 6113-7 du code de la santé publique.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. L’article 37 est consacré aux hôpitaux de proximité, qui regroupent les anciens hôpitaux locaux et les établissements ayant un profil similaire, c’est-à-dire ceux qui assurent une activité de médecine, mais qui ne font pas de chirurgie, de radiothérapie, de réanimation, de soins intensifs, d’IRM ou de dialyse. Il en existe 348 sur notre territoire et chacun d’entre eux joue un rôle structurant dans l’accès aux soins.
L’objectif de cet article est de rapprocher les modes de financement de ces deux types d’établissements. Les anciens hôpitaux locaux étaient financés par une dotation globale appelée « dotation annuelle de financement ». Ils doivent basculer vers la T2A au 1er mars 2015 en vertu de la loi HPST, qui a supprimé la catégorie des hôpitaux locaux.
La Cour des comptes évoque le risque d’une fragilisation importante de ces établissements si le changement de financement est appliqué, car le niveau de recettes sera bien moins important avec la T2A, compte tenu des caractéristiques de ces établissements et de leur rôle. En effet, du fait de leur faible volume d’activité, l’équilibre financier est particulièrement difficile à atteindre pour ces établissements. D’ailleurs, près de 65 d’entre eux sur 285 sont déficitaires.
C’est à la même conclusion que parvenaient le président Milon et notre ancien collègue Jacky Le Menn dans leur rapport d’information de 2012 sur le financement des établissements de santé. Ils démontraient combien ces établissements seraient touchés de plein fouet par les effets pervers, déjà constatés, de la T2A.
Pour les hôpitaux de proximité, la Cour des comptes suggère un financement mixte – idée reprise dans cet article –, composé d’une part fixe, destinée à assurer la viabilité de l’établissement, et d’une part variable, liée à l’activité.
Vous connaissez, madame la ministre, notre avis sur la T2A et sur sa logique à nos yeux mortifère pour le bon fonctionnement des établissements et la prise en charge des patients. Nous proposons donc la suppression de l’article 36.
Depuis plusieurs années, et particulièrement depuis la mise en œuvre de la T2A, les hôpitaux réduisent leurs déficits aux prix d’importantes suppressions d’emplois. C'est la raison pour laquelle nous proposons deux mesures.
D’abord, nous demandons la suppression progressive de la taxe sur les salaires, qui est profondément injuste et improductive. Elle constitue une charge supplémentaire représentant de 10 % à 12 % des dépenses du personnel, soit environ 25% de l’ensemble des ressources hospitalières.
Ensuite, nous considérons qu’il convient d’ouvrir aux hôpitaux la possibilité de récupérer la TVA sur les investissements, comme c'est le cas pour les établissements et cliniques privés. Ce serait donc une mesure de justice.
Voilà des propositions alternatives qui devraient nous permettre d’en finir avec la logique de la T2A.
En attendant, nous nous abstiendrons sur cet article parce qu’il prévoit un financement mixte.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Je souhaite remercier le Gouvernement et plus particulièrement vous, madame la ministre, de nous proposer cet article 37 et je me réjouis à l’avance de sa probable adoption dans quelques instants.
Les objectifs sont très clairs : la loi HPST de 2009 ayant supprimé la classification des établissements hospitaliers, il s’agit de redonner un statut aux établissements qualifiés avant cette date d’établissements locaux et, plus important encore, d’assurer et de pérenniser leur financement, pour faire en sorte qu’ils ne soient pas sanctionnés par une application stricte et unique de la T2A.
Cette disposition concourra à un meilleur maillage de notre territoire en établissements d’accueil de proximité. Je veux dire ici combien, dans la ruralité – par cette expression, je désigne évidemment les territoires que je connais le mieux et que je représente dans cette assemblée –, la disposition contenue dans l’article 37 va être appréciée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je tiens à m’exprimer sur l’article 37 parce qu’il s’inscrit dans la lignée d’une des propositions du rapport d’information que j’avais fait avec notre excellent ancien collègue Jacky Le Menn. J’en profite d’ailleurs pour demander à ses amis de lui transmettre mes amitiés et de lui dire combien nous regrettons l’expérience extrêmement intéressante qu’il nous apportait.
Mme Nicole Bricq et M. Yves Daudigny. Merci !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous avions fait cette proposition au nom de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, constituée au sein de la commission des affaires sociales. Dans notre rapport, déposé le 25 juillet 2012, nous insistions sur la nécessité de suspendre le passage à la T2A pour les hôpitaux locaux et de lancer une réflexion stratégique sur la place de ces établissements dans le système de santé.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a donné un délai aux hôpitaux locaux pour appliquer la tarification à l’activité. Fixée alors au 1er avril 2012, l’échéance a ensuite été reportée au 1er mars 2013 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, puis au 1er mars 2015 par la loi suivante.
Souvent appelés « hôpitaux locaux », alors que la loi HPST a supprimé les différentes catégories d’établissements, les anciens hôpitaux ruraux connaissent en effet une situation particulière : généralement de petite taille, ils ne disposent pas aisément de l’ensemble des moyens techniques et humains nécessaires au codage et à l’intégration dans la logique du financement à l’activité.
Ces établissements seront évidemment touchés de plein fouet par certains effets pervers actuels de la T2A. Situés dans des bassins de population vieillissante et déclinante en nombre, ils ne peuvent pas augmenter leur volume d’actes ; surtout, ils développent principalement une activité médicale comprenant peu ou ne comprenant pas d’actes chirurgicaux ou obstétricaux. Or la T2A, nous le savons tous, favorise aujourd’hui les actes techniques plus que le temps médical ou soignant.
Ces établissements rendent pourtant un véritable service public de proximité, souvent dans le domaine de la gériatrie. Ils constituent donc une articulation précieuse entre la médecine de ville et les établissements hospitaliers, d’autant que les praticiens libéraux y effectuent régulièrement des vacations.
Le mode de financement des hôpitaux locaux doit donc également s’inscrire dans la problématique de l’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire. Premier recours hospitalier, ils peuvent servir d’appui, de référent, et stabiliser l’installation de praticiens en libéral.
Le maintien d’une structure publique de soins doit naturellement être justifié par un intérêt médico-économique, et les hôpitaux locaux doivent trouver une place originale dans le système de santé, en étant complémentaires, d’une part, de la médecine de ville et, d’autre part, de l’établissement de santé plus éloigné mais disposant d’un plateau technique complet.
Dans ce contexte, nous estimions, dans le cadre de notre rapport, que le passage de ce type d’établissement à la T2A ne semblait pas adapté, le risque de la déstabilisation étant trop important au regard du service public qu’ils peuvent rendre sur le territoire.
Voilà pourquoi la commission est favorable à l’adoption de l’article 37.
M. le président. L'amendement n° 170, présenté par Mmes Deroche et Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Alinéas 2, 3, 5 et 8
Remplacer le mot :
hôpitaux
par les mots :
établissements de santé
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. L’article 37 crée un statut d’hôpital de proximité pour les établissements de santé, publics comme privés, exerçant une activité de médecine, à l’exclusion de la chirurgie et de l’obstétrique.
L’utilisation du terme « hôpitaux de proximité » nous semble restrictive et susceptible d’exclure les établissements d’hospitalisation à domicile. C’est la raison pour laquelle nous suggérons de remplacer le terme « hôpitaux » par celui d’« établissements de santé ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement prévoit la possibilité pour les structures d’hospitalisation à domicile d’être reconnues comme hôpitaux de proximité.
Il nous semble qu’il s’agit plutôt d’un amendement d’appel, sur lequel l’avis du Gouvernement nous sera précieux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends la préoccupation portée par cet amendement. Je veux d’abord dire que la rédaction de l’article n’exclut pas l’hospitalisation à domicile de son dispositif puisqu’il s’agit de financer des hôpitaux de proximité quels que soient leur statut et la forme de leur activité. De ce point de vue, l’amendement est satisfait.
Les structures d’hospitalisation à domicile seront-elles intégrées immédiatement ? Comme vous le savez sans doute, madame la sénatrice, en ce moment, des travaux sont menés avec les établissements et avec leur fédération nationale sur la nouvelle tarification des activités d'hospitalisation à domicile. Il faut d'abord que ce travail soit achevé pour que nous puissions voir comment la tarification telle qu’elle fonctionne aujourd’hui pourrait être élargie aux établissements d’hospitalisation à domicile, dont la tarification est en cours de définition.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, qui pourrait d’ailleurs être retiré, car, en tout état de cause, l’article 37 ne met pas à l’écart les établissements d’hospitalisation à domicile.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, il s'agit effectivement d’un amendement d’appel, qui permet d’évoquer le sujet de l'hospitalisation à domicile.
On voit bien que les établissements de proximité correspondent à la réalité des territoires.
Dans les territoires ruraux vieillissants, il faut d’abord un service de médecine spécialisé en gériatrie. D’autres services annexes associés doivent pouvoir intervenir : service d'hospitalisation à domicile – avec tarification hospitalière – ou, quand le malade est à domicile et selon l'état de gravité de sa pathologie, service de soins infirmiers à domicile – SSIAD –, unité de soins palliatifs… Le projet de loi relatif à la santé conduira à une évolution de ces services puisque l’aide à domicile comportera une partie sanitaire et une partie médico-sociale.
Madame la ministre, il faut une vraie ouverture de l'hôpital à travers ce type de services – je crois, du reste, que cette ouverture correspond à votre volonté. En effet, soit le malade souffre de pathologies lourdes qui nécessitent une hospitalisation à domicile, soit il va un peu mieux, mais le coût de sa prise en charge est parfois trop lourd pour le SSIAD, contraint par le prix de journée. Certains SSIAD doivent ainsi choisir leurs patients en fonction de leur pathologie, parce qu’il y a des pathologies qu’ils ne peuvent pas assumer.
Il faut donc qu’existe une certaine fluidité. Le malade « bouge » en fonction de sa pathologie et de son évolution : il suit un parcours.
Sur ces questions, des solutions vraiment intéressantes peuvent être trouvées pour conforter les hôpitaux de proximité, à un coût raisonnable, qui permettent notamment de maintenir davantage les patients à domicile. En particulier, il est important de prendre en compte la volonté des personnes en fin de vie.
C'est pour débattre de cette question que nous avons déposé cet amendement d'appel. Nous pouvons maintenant envisager de le retirer… Mais je laisse à ma collègue Catherine Procaccia le soin de le faire ! (Sourires.)
M. le président. Madame Procaccia, partagez-vous l’intention de votre collègue ?
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, , vous nous avez apporté des précisions, comme M. le rapporteur général le souhaitait. Nous notons que les établissements de santé ne sont pas exclus du dispositif et nous comprenons qu’il faille attendre l’aboutissement des discussions en cours.
Obtenir des précisions et les voir figurer au compte rendu de nos travaux, tel était le but de notre amendement. Nous pouvons donc, maintenant, le retirer.
M. le président. L'amendement n° 170 est retiré.
Je mets aux voix l'article 37.
(L'article 37 est adopté.)
Article 37 bis (nouveau)
I. – L’État peut autoriser, pour une durée de trois ans et à titre expérimental, le financement par le fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 du code de la santé publique de dispositifs améliorant le parcours du patient et optimisant les prises en charge hospitalières sur la base d’un appel à projets national.
À cet effet, l’État peut autoriser, par dérogation à l’article L. 6111-1 du même code, les établissements de santé à proposer à leurs patients une prestation d’hébergement temporaire non médicalisé, en amont ou en aval de leur hospitalisation.
L’établissement de santé peut déléguer la prestation à un tiers par voie de convention.
II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre de ces expérimentations, notamment les conditions d’accès et les critères d’éligibilité des patients au dispositif prévu par l’expérimentation, les caractéristiques de l’appel à projets national, les conditions de choix et de conventionnement des tiers pour la réalisation de la prestation d’hébergement, ainsi que les conditions d’évaluation de l’expérimentation en vue d’une éventuelle généralisation.
Le contenu de chaque projet est défini par un cahier des charges arrêté par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la liste des établissements de santé retenus pour participer à l’expérimentation au vu des résultats de l’appel à projets national et après avis des agences régionales de santé concernées.
III. – Un rapport d’évaluation est réalisé au terme de l’expérimentation et fait l’objet d’une transmission au Parlement par le Gouvernement. – (Adopté.)
Article 38
I. – Après l’article L. 1435-4-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1435-4-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 1435-4-3. – I. – Les agences régionales de santé peuvent conclure avec un médecin conventionné, régi par les articles L. 162-5 et L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, un contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire en application duquel il perçoit une rémunération forfaitaire lorsqu’il interrompt son activité médicale pour cause de maternité ou de paternité sans bénéficier de la prestation partagée d’éducation de l’enfant prévue à l’article L. 531-4 du même code.
« Le praticien territorial de médecine ambulatoire s’engage pendant une durée fixée par le contrat, qui ne peut être inférieure à trente-six mois et supérieure à soixante-douze mois :
« 1° À respecter les tarifs opposables ou, lorsqu’il est autorisé à pratiquer des honoraires différents des tarifs conventionnels, à limiter ses dépassements d’honoraires ;
« 2° À exercer une activité médicale libérale dans une zone définie par l’agence régionale de santé et caractérisée, pour la spécialité qu’il exerce, par une offre médicale insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins ;
« 3° À se faire remplacer pendant toute la période de cessation de son activité en cas d’interruption pour cause de maternité ou de paternité ;
« 4° À ne pas être lié par un contrat de praticien territorial de médecine générale mentionné à l’article L. 1435-4-2 du présent code.
« II. – Le contrat prévoit des engagements individualisés qui peuvent porter sur les modalités d’exercice, des actions d’amélioration des pratiques, des actions de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé et des actions destinées à favoriser la continuité de la coordination des soins et la permanence des soins.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les règles limitant les dépassements d’honoraires des médecins autorisés à pratiquer des honoraires différents des tarifs conventionnels. »
II. – Un contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire ne peut être conclu que par un médecin dont l’installation en cabinet libéral dans une zone mentionnée au 2° du I de l’article L. 1435-4-3 du code de la santé publique est postérieure au 31 décembre 2014.
M. le président. L'amendement n° 155 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Castelli, Collin et Esnol, Mme Laborde, M. Fortassin, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. L’alinéa 8 dispose que le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, destiné aux médecins libéraux, prévoit des engagements individualisés, qui peuvent porter, à la demande des agences régionales de santé, sur les modalités d'exercice, sur des actions d'amélioration des pratiques, sur des actions de dépistage ou encore de prévention. Ces engagements risquent de nuire à l'attractivité du dispositif.
Notre système de santé ambulatoire est fondé sur une politique conventionnelle, discutée avec les représentants de la corporation, qui signent des accords. Bien entendu, ces représentants sont quelque peu irrités par le fait que l'on puisse intervenir directement auprès d'un certain nombre de praticiens et discuter avec eux pour leur faire signer des contrats individualisés, comportant un certain nombre d’engagements, notamment sur les dépassements d'honoraires.
C'est la raison pour laquelle je propose la suppression de l’alinéa 8.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les ARS auront une large marge d’appréciation pour juger des engagements qu’elles peuvent demander sans nuire au dispositif.
Je note, par ailleurs, que la Cour des comptes est très réservée quant à l’octroi d’avantages aux praticiens lorsque les contreparties sont insuffisantes, ce qui est, selon elle, souvent le cas.
Dès lors, la commission ne considère pas qu’il soit utile de supprimer l’alinéa 8 et émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Nous parlons ici de dispositifs qui permettront à de jeunes médecins spécialistes de s'installer dans des territoires sous-dotés en médecins. Que fait-on pour les inciter à venir ? On leur propose une couverture sociale renforcée par rapport à celle qui existe pour les autres professionnels de santé. En particulier, on propose aux jeunes femmes médecins une couverture maternité nettement meilleure.
Tous les généralistes, hommes et femmes, qui ont opté pour le bénéfice d’un tel dispositif reconnaissent que cette couverture sociale améliorée est l’élément qui les a amenés à faire le choix de s'installer dans ces territoires.
Les professionnels de santé et leurs représentants sont-ils opposés au dispositif proposé ? Non.
Les objectifs que l'on demande aux jeunes médecins d’atteindre sont-ils nouveaux ? Non. Les praticiens territoriaux de médecine générale se sont vu proposer les mêmes, sans que cela pose aucune difficulté.
La pratique conventionnelle est-elle remise en cause ? Nullement. D'ailleurs, aucun acteur n’a émis une telle idée.
Enfin, je veux dire à M. le rapporteur général que la Cour des comptes ne s'est pas prononcée sur ce dispositif, qui va exactement dans le sens qu’elle appelle de ses vœux. En effet, la haute juridiction a contesté, notamment, le fait que l'on baisse les cotisations sociales des médecins ou qu’on les en exonère, qu’on leur accorde des avantages – en termes, par exemple, d'objectifs de santé publique – sans contrepartie en matière d'installation dans les territoires désertifiés. Or l’article 37 a précisément pour objet de prévoir une telle contrepartie. Nous répondons donc à l'ensemble des préoccupations qui ont été exprimées.
Très concrètement, le système des praticiens territoriaux de médecine générale fonctionne puisque, parmi les 400 postes que nous avons ouverts, près de 350 seront pourvus d'ici à la fin du mois de décembre, et les autres le seront dès janvier ou février prochains.
Je suis certaine que les habitants des territoires désertifiés se réjouiront de voir s'installer prochainement près de chez eux des médecins spécialistes, sachant combien il est parfois difficile d'obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables auprès de ceux qui exercent dans les alentours, mais parfois assez loin de leur domicile.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Bien sûr, les pratiques de certains médecins peuvent être discutées. Mais ne serait-il pas préférable, madame la ministre, qu’elles le soient avec les représentants élus des médecins, avec leurs syndicats ?
Ce qui me pose un problème, c’est que l’on essaie, petit à petit, de détacher en quelque sorte un certain nombre de praticiens de l’ensemble de la profession, en les faisant bénéficier de dispositions particulières. Je crois qu’il faut plutôt discuter avec la profession de manière globale.
Tel est le sens de mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 38.
(L'article 38 est adopté.)
Article 39
Après l’article L. 1435-4-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1435-4-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 1435-4-4. – I. – Les agences régionales de santé peuvent conclure avec un médecin conventionné, régi par les articles L. 162-5 et L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale et spécialisé en médecine générale, un contrat en application duquel il perçoit une rémunération complémentaire aux revenus de ses activités de soins exercées en qualité de médecin généraliste. La durée du contrat, qui est fixée par ce dernier, ne peut être inférieure à trente-six mois et supérieure à soixante-douze mois.
« Le médecin bénéficie de cette rémunération s’il satisfait à l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Exercer dans un territoire isolé ;
« 2° Avoir une activité marquée par une forte saisonnalité ;
« 3° Avoir un revenu tiré de son activité régie par les mêmes articles L. 162-5 et L. 162-14-1 inférieur à un seuil fixé par rapport au revenu moyen pour la même spécialité ;
« 4° Respecter les tarifs opposables ;
« 5° Ne pas bénéficier du dispositif mentionné à l’article L. 1435-4-2 du présent code.
« II. – Le contrat prévoit des engagements individualisés qui peuvent porter sur des actions de prévention, des actions destinées à favoriser l’accès aux soins, la continuité de la coordination des soins ou la permanence des soins ainsi que sur des actions de collaboration auprès d’autres médecins et de formation en faveur d’étudiants ou d’internes en médecine comme de professionnels non médicaux.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les critères caractérisant le territoire isolé, liés à sa situation géographique et à la densité de population des zones dans lesquelles exercent les médecins qui y sont installés, les modalités de cumul avec les mesures prévues au 20° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, ainsi que le seuil de revenu mentionné au 3° du I du présent article. »
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Compte tenu de ce qui vient de se passer, je retire mon amendement, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 39
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-... – Dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de leur diplôme d’État de docteur de médecine, les médecins désireux d’exercer leurs fonctions à titre libéral en font la déclaration auprès de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle ils souhaitent exercer. Ils doivent s’installer pour une durée au moins égale à deux ans dans un territoire isolé où l’offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population.
« Le premier alinéa précédent s’applique également aux médecins titulaires des titres de formation mentionnés à l’article L. 4131-1 et à ceux mentionnés à l’article L. 4131-1-1, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Au 1er janvier 2009, selon l'INSEE, la France comptait 101 667 médecins généralistes et 107 476 médecins spécialistes. Pourtant, en 2012, les agences régionales de santé estimaient à 2,3 millions le nombre de personnes vivant dans 643 zones identifiées comme « en difficulté » ou « fragiles » en termes d'accès aux soins.
En effet, les médecins sont inégalement répartis sur le territoire. À titre d'exemple, on compte 419 médecins pour 100 000 habitants en région PACA, contre 260 pour 100 000 en région Picardie.
L'accès aux soins est donc difficile pour de nombreux Français, notamment en termes de temps de parcours. Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – parue en 2011, 600 000 personnes mettent plus de quinze minutes pour se rendre chez un généraliste, 20 % des personnes résidant en Corse, dans le Limousin, en Bourgogne ou en Auvergne doivent faire plus de trente minutes de trajet pour consulter un spécialiste et 31 % des femmes âgées de quinze à quarante-neuf ans résidant en Corse ou dans le Limousin mettent plus de quarante-cinq minutes pour rejoindre une maternité.
Et ce phénomène tend à s'accentuer. Dans la même étude, la DREES estimait que, d’ici à 2030, le nombre de médecins allait diminuer de 25 % en zones rurales et de 10,5 % en zones périurbaines.
Dans ce contexte, il est important d'agir avec force pour garantir le respect de l'accès aux soins pour toutes et tous sur l'ensemble du territoire national.
En outre, rappelons qu'il ne s'agit pas seulement de garantir le droit à la santé : il s’agit également de redynamiser nos territoires ruraux ou de montagne, l'accès à des soins de qualité et de proximité constituant un élément essentiel d'attractivité et de dynamisme local.
C’est pourquoi, au-delà des mesures incitatives qui sont présentées et que nous venons d’adopter, nous proposons une mesure plus coercitive, consistant à obliger tout médecin qui souhaite s'installer à titre libéral à l'issue de sa formation à rejoindre, pour une durée minimale de deux ans, un secteur géographique souffrant d'un nombre insuffisant de médecins.
Cette mesure est issue des travaux de l'Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, et figure dans la proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire, ainsi que dans une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par nos collègues de l’ANEM, dont Frédérique Massat ou encore François Brottes, et visant à garantir un égal accès aux soins des citoyens en tout point du territoire.
Le coût, pour la collectivité nationale, des études de médecine étant estimé, en moyenne, à 200 000 euros, celle-ci est en droit d'attendre de leur part un acte de solidarité, à savoir, pour ceux qui souhaitent s’installer à titre libéral, leur installation provisoire dans un secteur sous-médicalisé. Compte tenu de la discussion à laquelle ce sujet a donné lieu en commission, j’insiste sur ce caractère provisoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement vise à instaurer une obligation de service de deux ans dans une zone sous-dense pour les jeunes diplômés désirant exercer à titre libéral.
La question a été soulevée à de nombreuses reprises. Cela étant, l'application immédiate d’une mesure allant en ce sens ne paraît pas opportune. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, nous débattons de ce point depuis au moins deux ans !
Le Gouvernement a fait le choix de pousser à leur maximum toutes les modalités incitatives.
Comme je n’ai de cesse de le répéter depuis deux ans, car la démarche est parfois faussement interprétée, il ne s’agit pas ici d’incitation financière, même si les dispositifs peuvent comporter des éléments de cette nature. Le but est de renforcer l’attractivité du mode d’exercice de la médecine dans les zones visées.
D’où le déploiement volontariste des maisons de santé, dont nous aurons multiplié par quatre le nombre en deux ans. Cela fonctionne, tout comme fonctionne le dispositif des praticiens territoriaux de médecine générale, qui va désormais concerner tous les praticiens territoriaux de médecine ambulatoire, dispositif qui offre aux bénéficiaires un niveau garanti de couverture sociale.
J’ai également développé les contrats d’engagement de service public, qui sont des bourses offertes à des étudiants – il s’agit certes là d’un avantage financier – en échange d’une installation dans les secteurs sous-dotés. Ce dispositif, qui n’existait pas auparavant, produit des résultats. J’ai fixé un objectif de 1 500 contrats signés d’ici à 2017. Nous l’atteindrons, puisque nous en sommes à 881 contrats en 2014. Près de 300 nouveaux contrats ont été conclus cette année, et 76 avec des étudiants en odontologie, car nous avons aussi besoin de dentistes.
Cette logique me semble donc porter ses fruits. Évidemment, je ne prétends pas que nous soyons parvenus au but, mais une dynamique est engagée. Pour la première fois depuis des années, on peut considérer que la situation de ces territoires évolue !
Je précise que près de la moitié des médecins souscrivant au dispositif des praticiens territoriaux de médecine générale effectuaient précédemment des remplacements, ce qui démontre la pertinence de notre logique de sécurisation de l’installation. Ainsi de jeunes médecins jusqu’alors remplaçants sont-ils prêts à « planter leur tente » plus durablement, si je puis m’exprimer ainsi, à s’installer sur un territoire leur offrant un environnement sécurisé. Cela ne signifie pas qu’ils toucheront plus d’argent ; du reste, ce n’est pas ce qui les intéresse ! Au fond, ils souhaitent simplement être protégés contre les risques qu’ils associent, de manière objective ou subjective, à l’installation.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je vais répéter ce que j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer en commission, recoupant ainsi l’intervention de Mme la ministre.
Effectivement, nous évoquons ce sujet depuis maintenant plusieurs années. Nous en avions longuement débattu avec François Autain à l’occasion de l’examen de la loi HPST, mais aussi, comme je l’ai rappelé en commission, avec un sénateur centriste, qui avait proposé un amendement se rapprochant sensiblement de cet amendement n° 248.
Mme la ministre a énuméré les différentes mesures mises en œuvre depuis plusieurs années : maisons de santé, bourses, etc.
Je précise, à cet égard, que le système de bourse avait été créé dans le cadre de la loi HPST, mais la ministre de l’époque, malgré son accord sur le dispositif, n’avait pas réussi à obtenir les financements correspondants. Il s’agit là d’un autre problème, que la ministre actuelle est parvenue à surmonter, et nous disposons donc des financements permettant cette installation de médecins dans les zones sous-denses.
Madame David, je regrette de devoir vous le dire, mais c’est ainsi que je le ressens : votre proposition revient à une sorte de service du travail obligatoire, un STO !
Mme Nicole Bricq. C’est coercitif !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Parce que les études de médecine coûtent cher à l’État, les jeunes qui suivent ce cursus devraient rendre à l’État ce que celui-ci leur a donné !
Mme Laurence Cohen et M. Dominique Watrin. Et les enseignants ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le système n’est pas le même ! Les enseignants sont salariés de l’éducation nationale ; les médecins ne sont salariés ni de la sécurité sociale ni de l’État.
Nous pourrions envisager de changer la nature du contrat dès le début des études de médecine, en expliquant à ceux qui s’engagent dans cette voie qu’ils seront par la suite salariés de l’État. C’est même une demande formulée par certains. Mais, pour l’instant, nous n’en sommes pas là ! Malgré l’intervention de la sécurité sociale dans le système, celui-ci est encore « libéral » et, dans ce cadre, comme Mme la ministre l’indiquait, il faut engager une démarche d’incitation à l’installation vis-à-vis des jeunes médecins.
Les dispositifs mis en place en ce sens depuis quelques années semblent fonctionner. Mme la ministre a évoqué le nombre d’installations de médecins dans les zones sous-denses, mais nous pourrions aussi mentionner le nombre de maisons de santé créées chaque année. Si les chiffres que j’ai en tête sont les bons, ces créations se montent à environ 200 ou 250 par an. Tant mieux si ce mouvement se poursuit ! Rien que dans mon département, cinq dossiers de création sont en cours d’instruction auprès de l’ARS. Pourtant, il s’agit d’un département qui ne devrait pas, a priori, compter de zones sous-denses compte tenu de sa très forte attractivité : le Vaucluse ! (Sourires.). Il n’empêche que, dans certaines parties du Vaucluse, nous sommes confrontés à ce problème de faible densité médicale.
Les jeunes médecins cherchent d’abord à effectuer des remplacements, puis ils songent à s’installer. Mais ils n’entendent surtout pas le faire seuls. Ils veulent pouvoir s’installer avec d’autres confrères et des membres de professions paramédicales, afin de constituer un groupe. N’oubliez pas qu’ils ont été formés dans les facultés de médecine et dans les hôpitaux et que, à ce titre, ils sont habitués au travail de groupe, qui leur permet de partager leurs sentiments sur les différents cas qu’ils ont à traiter.
Les jeunes médecins veulent donc travailler en groupe, et non plus isolément, comme certains collègues dans cet hémicycle ou moi-même avons pu le faire. Ce système de travail isolé n’a plus cours ! Il a cédé sa place à un système de travail en groupe, avec la possibilité d’un croisement des informations.
Toutes les mesures prises jusqu’à présent pour favoriser cette installation, y compris celles qui sont contenues dans ce PLFSS, vont dans le bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je tiens, à mon tour, à souligner la qualité des dispositifs mis en place. J’insiste d’autant plus sur ce point que j’étais quelque peu sceptique au moment où le système du praticien territorial de médecine générale a été proposé. Force est de reconnaître qu’il fonctionne !
Nous avons donc tout un panel de dispositifs qui, sur le court terme et, encore plus, sur les moyen et long termes, pourront donner des résultats.
Les maisons de santé, que vient d’évoquer M. le président de la commission, sont effectivement une source d’émulation et permettent un partage de compétences. Tout cela est favorable au bien-être de nos concitoyens
Je reviens également sur les bourses. Au-delà du contrat instauré par vos soins, madame la ministre, et imposant aux étudiants boursiers de rendre, par la suite, des services dans des zones sous-dotées, le dispositif permet également de sélectionner des jeunes qui, par ailleurs, n’auraient pas pu accéder aux études de médecine. Au regard de la faiblesse de l’effectif d’étudiants en médecine issus de milieux ouvriers, ce point me semble particulièrement important.
Je voudrais enfin signaler que des efforts sont encore nécessaires, au sein de nos facultés, pour convaincre du bien-fondé d’un enseignement le plus précoce possible de la médecine générale, non seulement dans le cadre universitaire – où cet enseignement précoce est d’ailleurs bien délivré –, mais aussi sur les territoires. Ainsi, il serait souhaitable de favoriser la réalisation de stages, le plus tôt possible, auprès de médecins généralistes et de donner à ces médecins chevronnés, dans le cadre des facultés de médecine, les moyens d’accompagner les étudiants.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis assez satisfaite d’avoir déposé cet amendement puisque son examen nous aura au moins permis de dresser un rapide bilan des mesures existantes et de démontrer, comme l’a souligné Mme la ministre, que celles-ci commencent à porter leurs fruits. Je vais le retirer, mais non sans être revenue auparavant sur certains propos que j’ai pu entendre.
On peut tout d’abord se réjouir du bilan de ce qui a été d’ores et déjà mis en œuvre. J’ai noté quelques chiffres, mais je lirai attentivement le passage correspondant dans le compte rendu des débats, car les informations données par Mme la ministre étaient tout à fait intéressantes.
Quant au « travail obligatoire », monsieur le président de la commission, je trouve l’expression un peu excessive ! La mesure est, certes, coercitive, mais l’obligation est limitée à une durée de deux ans.
En outre, il me semble qu’on ne laisse guère de choix à nos jeunes enseignants lorsqu’on leur demande d’aller enseigner dans des zones parfois très difficiles : s’ils n’acceptent pas le poste, ils ne peuvent poursuivre leur carrière. Bien sûr, ils sont salariés de l’éducation nationale, alors que les médecins exercent en libéral. Je crois néanmoins que, si la sécurité sociale n’existait pas, peu de médecins libéraux pourraient continuer à exercer.
Hier, par exemple, nous avons eu une longue discussion sur les dépassements d’honoraires. Heureusement que la sécurité sociale est là pour prendre en charge une partie des dépassements d’honoraires de certains médecins ! Nous avons toutes et tous connaissance de cabinets de médecins libéraux, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, bénéficiant d’un financement non négligeable de la sécurité sociale, et j’emploie ici des mots choisis pour ne pas être désagréable à l’égard de quiconque. De ce point de vue, les médecins ont une certaine obligation de retour et, pour une partie d’entre eux, ils ne l’assument pas.
Vous évoquez également le souhait des jeunes médecins libéraux de s’installer avec d’autres pour pouvoir bénéficier d’un partage de compétences. Dans le cas des bourses associées à des contrats pour l’installation, auxquelles Mme la ministre faisait référence – 881 contrats conclus en 2014, me semble-t-il –, les étudiants bénéficiaires sont tenus de s’installer dans une zone sous-dense, conformément aux engagements pris ; mais ils le font seuls ! Il est donc parfaitement possible, aujourd'hui, de s’installer comme médecin sans intégrer une maison de santé.
D’ailleurs, dans certains territoires, on ne pourra pas uniquement compter sur les maisons de santé. Il sera impossible d’en implanter partout, et toutes les collectivités territoriales ne pourront pas forcément en assumer la charge quand il sera question de regrouper, en leur sein, plusieurs professions libérales.
Ainsi, on trouvera bien des médecins pour s’installer seuls dans des territoires sous-denses. Je le souhaite, car, sans cela, nos territoires aujourd'hui mal lotis en termes de présence médicale ne seront pas près de l’être mieux demain !
Je retire donc cet amendement n° 248, mais je tenais à ce que nous évoquions ces problèmes de zones souffrant d’une faible densité de professions médicales. C’est un sujet très ancien. J’en entends parler depuis mon arrivée à la commission des affaires sociales, en 2007, mais sans doute en parlait-on déjà avant ! Je me réjouis que les mesures décidées par Mme la ministre commencent à porter leurs fruits et je vous propose un nouveau rendez-vous dans un an : nous verrons alors si ces mesures ont véritablement apporté la preuve de leur efficacité.
M. le président. L'amendement n° 248 est retiré.
L'amendement n° 117 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Cadic, Mme Doineau, M. Gabouty, Mme Gatel et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-... – Dans les zones, définies par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national, dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d'activité libérale d'un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de mise en œuvre de ces dispositions. »
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Voici, mes chers collègues, une proposition que je défends avec pugnacité depuis très longtemps et qui vient compléter le présent débat. Cet amendement a en effet pour objet d’étendre aux médecins libéraux la technique du conventionnement sélectif, afin de lutter encore plus efficacement contre la désertification médicale.
Il s’agit ici de mettre en œuvre l’une des principales recommandations du rapport d’information de notre collègue Hervé Maurey du 5 février 2013, fait au nom de la commission du développement durable et intitulé Déserts médicaux : agir vraiment.
Des dispositifs de régulation de l’installation se sont progressivement mis en place depuis 2008 pour un grand nombre d’acteurs de la santé, mais les gouvernements successifs ont jusqu’à présent refusé de passer le pas du conventionnement orienté.
Il faut reconnaître, madame la ministre, que les mesures incitatives que vous avez prises commencent à porter leurs fruits. Ainsi, depuis deux mois, quatre médecins se sont installés en Haute-Loire… Du jamais vu depuis plusieurs années ! Élément tout à fait symptomatique, ces médecins qui s’installent sont des médecins français – ils ne viennent pas de Roumanie – et ils sont en fin de carrière : ils ont autour de cinquante-cinq ou cinquante-sept ans.
Certains chiffres concernant les étudiants en médecine sont très intéressants. D’après les données de la faculté de Clermont-Ferrand, la moitié de l’effectif actuel des étudiants en médecine est composée de femmes, et c’est une excellente chose. Cependant, une part non négligeable de ces jeunes étudiantes en médecine – 20 % de l’ensemble, hommes et femmes confondus – n’exerceront jamais, car elles se marieront et privilégieront leur vie de famille. Elles vont donc disparaître de la profession. En outre, seulement 20 % de ceux qui exerceront effectivement opteront pour la profession de médecin de famille. Cela prouve tout de même qu’il existe un problème au niveau de la formation !
Mais nous pouvons tirer un autre enseignement du fait que les candidats à l’installation sont des médecins de plus de cinquante-cinq ans : la vie de famille compte énormément dans le choix de l’installation. Lorsqu’un médecin vivant en couple s’installe, il se demande si sa femme trouvera un emploi, où seront scolarisés ses enfants, s’il existe des possibilités d’apprendre la musique ou de pratiquer un sport.
D’énormes progrès ont déjà été réalisés sur certains points. Je peux en parler, car j’ai exercé pendant vingt-trois ans comme médecin de campagne sur le plateau des Cévennes, ce qui n’était pas facile. On parle de désertification médicale, mais, sur mon secteur, où j’étais le seul médecin, on compte aujourd'hui quatorze médecins ! Certes, on ne peut pas leur demander de vivre comme nous ! Il faut vivre avec son temps !
M. Gérard Dériot. Eh oui !
M. Gérard Roche. Ce qui fait peur – et cela a été effectivement très dur pour moi –, c’est l’isolement, la solitude face à la responsabilité. De ce point de vue, la création de maisons médicales est une bonne chose, non seulement pour les gardes, mais surtout pour rompre cette solitude devant la responsabilité. Ainsi regroupés, les médecins peuvent échanger sur les cas auxquels ils sont confrontés.
J’ajoute que le conventionnement orienté s’applique déjà à d’autres acteurs de la santé : les pharmaciens et, depuis 2008, les infirmiers libéraux et les masseurs-kinésithérapeutes. Ces professions ne se plaignent d'ailleurs absolument pas du conventionnement sélectif qui leur est appliqué et qui a prouvé en quelques années son efficacité pour réduire les écarts de densité. Selon eux, non seulement le conventionnement sélectif s’impose comme une évidence au regard de l’intérêt général, mais il permet en outre une saine régulation de la concurrence à l’intérieur de la profession.
En fait, les professionnels de la santé aujourd'hui régulés ne comprennent pas pourquoi les médecins ne le sont toujours pas. De nombreux médecins, d'ailleurs, admettent cette nécessité.
M. le président. Il vous faudrait conclure, monsieur Roche…
M. Gérard Roche. Le sujet me tient tellement à cœur, monsieur le président, que je n’ai pas vu le temps passer ! (Sourires.) Croyez bien que j’ai été confronté à une vive opposition de la part de certains confrères chaque fois que j’ai défendu cette proposition !
Chacun, de toute façon, aura compris l’esprit de cet amendement. Il vise à instaurer un conventionnement sélectif, ce qui me semble constituer une mesure de justice fondamentale. En effet, il s’agit d’argent public destiné à rendre un service public. C’est la profession médicale libérale qui rend ce service public et la population considère que celui-ci n’est pas rendu comme il devrait l’être. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais préalablement revenir sur l'amendement n° 248 – amendement très intéressant –, qui a été défendu, puis retiré par Mme David.
Un syndicat de médecins que nous avons auditionné, madame la ministre, suggérait que le forfait que nous avons évoqué, et qui est en moyenne de 12 %, puisse être augmenté de manière à rendre le dispositif bien plus incitatif à l’installation dans les zones sous-denses. Bien sûr, cela aurait une incidence financière, mais une régulation est tout à fait envisageable. C’est une piste qui mérite à mon sens d’être étudiée.
J’en viens à l'amendement n° 117 rectifié bis, qui reprend les recommandations du rapport d’information sur les déserts médicaux qu’avait présenté M. Maurey. Il prévoit la mise en place d’un mécanisme de régulation pour l’installation des médecins, à l’image de celui qui existe pour d’autres professions de santé : le conventionnement sélectif.
Sa portée est cependant limitée parce qu’il convient de définir les zones sur-denses avec les médecins et leurs syndicats.
Il pose par ailleurs la question de l’égalité de traitement entre les jeunes médecins contraints dans leur installation et les médecins installés, qui ne subiraient aucune sujétion.
Pour toutes ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu. Les mesures mises en œuvre par le Gouvernement, qui s’inscrivent dans ce que j’ai appelé le Pacte territoire-santé et jouent sur l’ensemble des leviers d’incitation existants, donnent aujourd'hui des résultats. C’est donc l’orientation que nous privilégions.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement, qui ne s’inscrit pas dans cette démarche.
M. le président. La parole est à Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. C’est en effet à titre personnel que je m’exprime en cet instant, monsieur le président.
Je ne voterai pas l’amendement présenté par notre collègue et ami Gérard Roche, car il soulève de nombreuses questions.
Vous établissez, mon cher collègue, une comparaison avec les pharmaciens, dont le système de régulation existe depuis longtemps et repose sur un contrat passé entre l’ordre des pharmaciens et l’État.
Vous établissez une comparaison avec les infirmiers, dont les syndicats et l’ordre national, contesté, ont signé des contrats avec la sécurité sociale et ont admis le principe. Ce n’est pas le cas des syndicats de médecins.
De surcroît, pourquoi établir une différence entre un médecin qui s’installe en zone sur-dense, qui ne serait pas conventionné de manière autoritaire, et ses confrères qui, eux, seraient conventionnés ? N’est-ce pas inconstitutionnel ?
M. Gilbert Barbier. Absolument !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Notre collègue et confrère Gérard Roche formule une proposition fort intéressante, vers laquelle nous devons tendre, mais qu’il faudrait auparavant l’étudier de façon plus approfondie.
Il s’agit en quelque sorte d’instaurer un appel d’offres. Le nombre de conventions serait défini pour chaque territoire en fonction de la population. Ensuite, les conventions qui se libèrent seraient offertes pour l’installation.
Il faut toutefois bien y réfléchir. En effet, les zones sur-denses sont déjà favorisées par rapport aux zones sous-denses en termes d’aménagement du territoire. Dans les premières, les collectivités locales n’ont pas besoin de se préoccuper de l’accès aux soins. Dans les secondes, moins peuplées et soumises à la désertification médicale, les collectivités doivent investir pour implanter des maisons de santé pluridisciplinaires, ce qui représente une charge supplémentaire qui n’entre pas directement dans leurs prérogatives. Je m’interroge sur ce point.
Je m’interroge également sur la tarification. Notre système se tourne de plus en plus vers une tarification à l’acte, mais qui est également fonction de certains engagements – diabète, informatisation, etc. -, ce qui me semble représenter un juste milieu entre la médecine salariée qui ne produit pas assez d’actes et la médecine privée qui en produit trop. On a là un niveau intermédiaire intéressant, avec une normalisation des pratiques médicales et, donc, un meilleur suivi des malades.
Le dernier point que je souhaitais aborder concernant cet amendement, c’est l’information des médecins et des étudiants en médecine. Il faut clarifier toutes ces questions afin que ceux qui s’engagent dans le cursus médical soient avertis des règles du jeu. C'est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement me semble prématurée.
J’en profite, madame la ministre, pour appeler votre attention comme je l’ai fait auparavant à propos des avantages accordés aux médecins retraités continuant à exercer. Il existe déjà des cabinets médicaux pluridisciplinaires. Il faut donc que, dans le cadre des ARS, il y ait des projets de santé qui s’adaptent à cette réalité. Car ces espèces de maisons médicales privées constituent à la fois un moyen de transmettre et un moyen d’assurer le service médical, tout en permettant parfois d’éviter des financements par les collectivités publiques. Elles assurent une sorte de tuilage. Aussi convient-il de se pencher davantage sur la question de la succession dans les cabinets médicaux pluridisciplinaires, une solution qui peut être intéressante sur certains territoires.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que notre groupe soutienne cet amendement, moins radical que le nôtre sur la forme, en tout cas moins « effrayant », mais qui reprend, sur le fond, la même idée : celle d’un conventionnement des médecins dans les zones où les besoins sont réels.
Je voudrais revenir brièvement sur les maisons de santé. Qu’on le veuille ou non, celles-ci représentent, dans les territoires ruraux et les zones de montagne, un coût supplémentaire pour les collectivités et, par conséquent, un facteur d’inégalité par rapport aux populations des zones urbaines suffisamment dotées du point de vue de l’offre médicale, qui n’ont pas à subvenir, avec leurs impôts locaux, à la création de ces maisons de santé.
Quoi qu’il en soit, je suis favorable à cette idée de conventionnement. J’ai bien compris que les mesures qui ont été prises commencent à porter leurs fruits. Toutefois, pourquoi ne favoriserions-nous pas davantage le conventionnement là où les besoins se font sentir ? En l’espèce, monsieur le président de la commission, il s’agit d’argent public. À l’heure où chaque dépense doit être mesurée, il convient de s’assurer que l’argent public est bien employé pour répondre à l’intérêt général et non pour servir un autre intérêt.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. En ce qui me concerne, je ne voterai pas l’amendement de notre collègue Roche, bien qu’il l’ait présenté avec la force humaniste qu’on lui connaît et sa connaissance du métier de médecin.
Je pense, en revanche, que c’est une piste sur laquelle nous pourrions sans doute axer nos travaux, dans la recherche de moyens de lutte contre la désertification médicale.
Pour ce qui est des maisons de santé, il ne faut pas y voir une solution unique. C’est tout un ensemble de solutions qui vont nous permettre de lutter contre la désertification médicale.
J’ajoute que ces maisons de santé sont évidemment soutenues financièrement par les communes et les intercommunalités, mais pas seulement par elles. Le conseil régional de la région Nord-Pas-de-Calais, par exemple, accompagne financièrement, et pas de façon anecdotique, les maisons de santé.
Si les élus, que ce soit au niveau local, départemental voire régional, accompagnent la création des maisons de santé, la définition de leur périmètre d’activité doit revenir aux professionnels de santé. Il importe de le souligner afin d’éviter les échecs que l’on a pu constater dans l’implantation de certaines maisons de santé. La seule volonté des élus, aussi louable soit-elle, ne suffit pas.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ce débat est fort intéressant et touche, au fond, à l’avenir de l’exercice de la médecine. Peut-être trouvera-t-on, par la suite, d’autres solutions que celle de l’exercice de la médecine libérale tel qu’il a été mis en place depuis 1945.
J’ai évoqué cette idée lors de la discussion générale, mais je n’ai pas parlé de privatisation de la sécurité sociale, madame la ministre, ni même d’ailleurs de privatisation du métier de médecin. J’avais simplement indiqué que l’on pourrait certainement penser à la mise en place de références et de systèmes de capitation.
Pour en revenir à l’amendement de notre collègue Roche, il est probablement intéressant, comme l’ont souligné René-Paul Savary, Mme Génisson et Mme David, mais il présente également des dangers. Le médecin installé dans une zone sur-dense ne partira à la retraite que le jour où il aura trouvé un successeur à qui il revendra très cher, le plus cher possible, sa clientèle, sachant qu’il lui laissera la convention. Tant qu’il n’aura pas trouvé un successeur prêt à payer cette somme, il pourra continuer à exercer, surtout s’il est en bonne santé !
Il faudra résoudre ces questions sous-jacentes. Nous ne sommes pas tous des spécialistes de l’économie et du droit, et nous devons faire très attention, lorsque nous voulons mettre en place un système, à toutes ses conséquences financières et juridiques.
Je le répète, je ne voterai pas cet amendement s’il est maintenu, mais je pense que nous devons mener une réflexion sur le mode de financement de l’exercice de la médecine.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’abonde dans le sens du président de la commission. L’amendement d’Annie David, les interventions de René-Paul Savary et les propositions de Catherine Génisson et de Gérard Roche vont également dans ce sens. Il s’agit de répondre à la question des déserts médicaux, qui est soulevée par tous les élus locaux.
Mme Annie David. Absolument !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’organise pas une réunion dans mon département sans que cette question vienne sur la table ! Il faut donc essayer de trouver des réponses.
Mme Annie David. Voilà !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Selon moi, il ne faut pas sélectionner les réponses, s’intéressant à certaines et écartant les autres. Ce serait une erreur de s’orienter dans une seule direction. Je ne pense d’ailleurs pas que ce soit votre intention, madame la ministre.
La réponse ne se limite pas aux maisons de santé, elle repose également sur les dispositifs d’installation – peut-être faut-il revoir les forfaits d’installation dans les zones sous-denses –, le conventionnement sélectif dans les zones sur-denses ou encore le dispositif que nous avons voté hier pour inciter les médecins retraités à continuer d’exercer dans les zones sous-denses. Il y a peut-être d’autres réponses à inventer. En tout cas, c’est par un bouquet de mesures que nous répondrons à cette attente vraiment prégnante depuis dix ans.
M. le président. Monsieur Roche, l'amendement n° 117 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gérard Roche. En dépit de ces multiples interventions, parfois fort sympathiques à mon égard, je reste fermement convaincu du bien-fondé de l’amendement. Cependant, au vu du contexte, je préfère le retirer.
M. le président. L'amendement n° 117 rectifié bis est retiré.
Je vous indique, mes chers collègues, que nous avons examiné 13 amendements en deux heures. Il en reste 131 à examiner. J’invite chacun à tirer les conséquences de ces chiffres pour la suite…
Article 40
I. – Le chapitre II du titre III du livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au neuvième alinéa du I de l’article L. 1432-3, les mots : « le budget » sont remplacés par les mots : « le budget et le budget annexe » et les mots : « le rejeter » sont remplacés par les mots : « les rejeter » ;
2° L’article L. 1432-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un budget annexe, soumis aux règles prévues au premier alinéa du présent article, est établi pour la gestion des crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 qui sont délégués à l’agence. » ;
3° Après le 5° de l’article L. 1432-6, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Des crédits délégués par le fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8. »
II. – La section 5 du chapitre V du même titre III est ainsi modifiée :
1° Les neuf premiers alinéas de l’article L. 1435-8 sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« Un fonds d’intervention régional finance, sur décision des agences régionales de santé, des actions, des expérimentations et, le cas échéant, des structures concourant :
« 1° À la promotion de la santé et à la prévention des maladies, des traumatismes et des pertes d’autonomie ;
« 2° À l’organisation et à la promotion de parcours de santé coordonnés ainsi qu’à la qualité et à la sécurité de l’offre sanitaire et médico-sociale ;
« 3° À la permanence des soins et à la répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire ;
« 4° À l’efficience des structures sanitaires et médico-sociales et à l’amélioration des conditions de travail de leurs personnels ;
« 5° Au développement de la démocratie sanitaire. » ;
2° L’article L. 1435-9 est ainsi modifié :
a) Au a, après le mot : « maladies », sont insérés les mots : « , des traumatismes » ;
b) Au b, les mots : « des handicaps et de la perte » sont remplacés par les mots : « des pertes » ;
3° Les trois derniers alinéas de l’article L. 1435-10 sont ainsi rédigés :
« Les crédits du fonds, délégués aux agences régionales de santé, sont gérés dans le cadre du budget annexe mentionné à l’article L. 1432-5. Le paiement des dépenses des budgets annexes des agences régionales de santé peut être confié, par arrêté des ministres chargés de la santé, du budget et de la sécurité sociale, à un organisme chargé de la gestion d’un régime obligatoire de l’assurance maladie lorsque les sommes sont directement versées aux professionnels de santé.
« Les crédits des budgets annexes non consommés en fin d’exercice peuvent être reportés sur l’exercice suivant, dans la limite d’un plafond. Les crédits non consommés qui ne sont pas reportés sur l’exercice suivant en raison de ce plafonnement peuvent être reversés à l’État, à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ou à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, dans des conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la santé, du budget, de la sécurité sociale, des personnes âgées et des personnes handicapées. Les sommes notifiées par les agences régionales de santé au titre d’un exercice pour des actions, expérimentations et structures financées par les crédits du fonds sont prescrites au 31 décembre du troisième exercice suivant celui de leur notification. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret.
« En vue d’assurer un suivi de l’utilisation des dotations affectées au fonds d’intervention régional, le ministre chargé de la santé est informé de l’exécution des budgets annexes dans des conditions fixées par décret. Un bilan de l’exécution des budgets et des comptes de l’année précédente, élaboré sur la base des données transmises par chaque agence régionale de santé, est adressé au Parlement avant le 15 octobre de chaque année. Ce bilan contient notamment une analyse du bien-fondé du périmètre des actions mentionnées à l’article L. 1435-8, de l’évolution du montant des dotations régionales annuelles affectées au fonds ainsi qu’une explicitation des critères de répartition régionale. »
III. – Les I et 2° du II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2016.
M. le président. L'amendement n° 294, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
santé
insérer les mots :
, notamment dans le but de favoriser l’implication directe de la population,
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. J’avais déjà déposé cet amendement l’année dernière, mais il n’avait pu être examiné, pour les raisons que vous savez.
L’article 40 du présent projet de loi est très positif parce qu’il remanie les axes du fonds d’intervention régional, le FIR, et surtout parce qu’il crée une ligne dédiée à la prévention. Je voterai donc cet article. Néanmoins, je souhaiterais qu’y soit introduite une précision supplémentaire, en mentionnant « l’implication directe de la population » parmi les actions de prévention.
En effet, les pratiques d’implication des patients par les professionnels sont aujourd'hui assez nombreuses. On parle de patients « experts » ou « pairs », ou encore de « santé communautaire ». Cette dernière expression, employée notamment en Belgique et au Québec, est parfois mal comprise en France, car on l’associe à tort au communautarisme. La santé communautaire renvoie en fait à un travail mené avec un groupe : la population d’un quartier ou d’une zone rurale, par exemple. Les patients sont ainsi impliqués de manière efficace : ils deviennent acteurs de leur santé.
On regrette souvent, dans cet hémicycle, que certaines politiques de prévention manquent leur cible et ne soient pas assez efficaces. Il me semble que ces pratiques apportent une partie de la réponse.
Compte tenu de l’éclatement et du cloisonnement des structures, mais aussi des enjeux de pouvoir locaux, faire travailler ensemble toutes les forces d’un quartier ou d’une zone rurale est souvent compliqué. Il existe cependant de nombreuses initiatives, qui concernent en particulier des zones où la population en situation de précarité est majoritaire. Il s’agit, par exemple, d’ateliers de sensibilisation sur des thématiques de prévention ou d’éducation à la santé, qui mobilisent, aux côtés des professionnels de santé, des patients « experts » ou « pairs » ; la « maison de santé dispersée », dans le quartier de Moulins, à Lille, en est un exemple. L’intervention concomitante de médiateurs facilite la communication et l’adhésion des publics visés par les actions, tout en favorisant la prise en compte de ce que l’on appelle les « savoirs profanes ».
Ces initiatives de terrain doivent être officiellement reconnues. Il est important, après des années de tâtonnements, qu’un cadre et des opportunités de financement leur soient octroyés. Plusieurs agences régionales de santé ont d’ailleurs pris les devants, en identifiant des priorités relevant de ce type de pratiques dans le cadre de leur programme régional d’accès à la prévention et aux soins, ou PRAPS. L’adoption de cet amendement permettrait de donner une impulsion nationale beaucoup plus forte et garantirait une plus grande efficacité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Qui, madame Archimbaud, ne serait favorable à cette implication de la population ? C’est le principe même d’une démocratie bien vécue. Cependant, je pense que l’implication de la population fait déjà partie intégrante de la démocratie sanitaire. La précision proposée ne me semble donc pas nécessaire. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Je considère, moi aussi, que l’intention est louable, madame la sénatrice, et je comprends très bien l’objectif de votre amendement. Néanmoins, l’expression « santé communautaire » n’est pas très claire pour les citoyens français, car elle est peu utilisée en France.
Je pense que l’expression « démocratie sanitaire », qui couvre certes un champ plus vaste, je vous l’accorde, est beaucoup plus claire. Cette expression étant explicitement mentionnée dans l’article 40, je ne vois pas bien l’intérêt d’ajouter l’expression « santé communautaire ».
La notion de « démocratie sanitaire » implique déjà de prendre en compte l’avis de la population, et en particulier des patients. Or l’article 40 précise que l’une des missions du FIR est de concourir au « développement de la démocratie sanitaire ». De surcroît, ce développement sera l’un des points forts du projet de loi relatif à la santé, qui sera bientôt examiné par le Parlement.
Votre amendement est donc satisfait. C'est pourquoi je vous invite à le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 294 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Il vise simplement à insérer les mots : « notamment dans le but de favoriser l’implication directe de la population ». C’est tout ! C’est une façon de reconnaître et même de saluer des pratiques qui existent. J’en connais de nombreux exemples, dans plusieurs territoires, à commencer par la Seine-Saint-Denis. Ces pratiques sont très efficaces. Je n’ai évidemment rien contre la « démocratie sanitaire », mais il ne s’agit pas seulement de demander l’avis des gens : il faut les impliquer.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
et des pertes d’autonomie
par les mots :
, du handicap et de la perte d’autonomie
II. – Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 22
Après les mots :
et 2°
insérer les mots :
et 3°
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Remplacer la notion de « handicap et de perte d’autonomie » par celle de « pertes d’autonomie », comme le fait cet article relatif aux actions financées par le FIR, paraît source de difficultés, car certains handicaps, et notamment, par définition, les handicaps de naissance, ne se traduisent pas par des « pertes » d’autonomie. Il semble donc préférable de maintenir la formulation actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 295, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, en particulier par des démarches transversales mobilisant plusieurs sources de financements ou contribuant à la mise en œuvre de politiques relevant de plusieurs ministères
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à soutenir les démarches transversales mobilisant plusieurs sources de financement ou contribuant à la mise en œuvre de politiques relevant de plusieurs ministères.
Un certain nombre de pratiques existent aujourd'hui ; j’ai pu le constater lors des auditions que j’ai organisées dans le cadre de ma mission sur l’accès aux soins des plus démunis. Ces pratiques se heurtent cependant à la complexité des démarches à accomplir. Derrière ces difficultés, c’est la question de la transversalité des politiques qui se pose. Le caractère multidimensionnel et cumulatif des facteurs d’exclusion et de pauvreté implique en effet de mobiliser simultanément plusieurs leviers : santé, emploi, logement, politique scolaire, etc.
Les projets à cheval sur plusieurs domaines – ils peuvent, par exemple, conjuguer accès au logement et accès aux soins de santé – rencontrent de grandes difficultés. J’ai constaté cette réalité ; je suis même intervenue à plusieurs reprises pour essayer d’y remédier. Les responsables sont renvoyés d’un service à l’autre, voire d’un ministère à l’autre, ce qui leur fait perdre beaucoup d’énergie, au point parfois de miner leurs projets. Il revient donc aux agences régionales de santé de les soutenir, en étroite concertation avec leurs partenaires et avec les opérateurs, de façon à imposer à l’action publique une vision large et transversale des inégalités sociales de santé.
Si le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale manifeste un souci louable d’amélioration de la coordination et de la gouvernance des interventions à l’échelon local, il n’en relève pas moins d’une construction « en tuyaux d’orgue » que seul un pilotage interministériel dynamique et constant permettra de surmonter, tant il reflète le fonctionnement actuel des administrations centrales.
C'est pourquoi nous proposons que l’objectif de favoriser la transversalité des financements et des projets figure explicitement dans les objectifs du FIR, associé à la promotion de la santé, laquelle, dans certains cas, ne peut être conçue que transversalement, avec des programmes alliant parfois santé et logement, santé et culture, santé et alimentation, santé et éducation, santé et insertion professionnelle, etc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les démarches transversales sont en effet importantes, mais la formulation que vous proposez n’a sans doute pas sa place dans les objectifs du FIR. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement est, lui aussi, défavorable à cet amendement, qui est en réalité satisfait. Le FIR mobilise déjà plusieurs sources de financement : l’assurance maladie, l’État et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. En outre, il finance déjà des projets transversaux : il finance toutes les actions de prévention locale, et cofinance, avec les communes, les contrats locaux de santé – il y en a sûrement dans votre territoire, madame Archimbaud.
Je suis navrée de m’opposer encore une fois à l’un de vos amendements, mais votre proposition allongerait le texte sans y apporter de valeur ajoutée puisque la transversalité existe déjà dans la réalité et que le texte dans sa formulation actuelle n’y fait nullement obstacle. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 314 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Après le mot :
coordonnés
insérer les mots :
, tant en établissements qu’à domicile,
II. - Alinéa 13
Remplacer les mots :
structures sanitaires et médico-sociales
par les mots :
établissements et services sanitaires et médico-sociaux
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Notre collègue Françoise Laborde, première signataire de cet amendement, souhaite que la rédaction de cet article soit précisée afin que l’offre sanitaire et médico-sociale à domicile entre clairement dans le champ du FIR.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mme Emery-Dumas, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
coordonnés
insérer les mots :
tant en établissements qu'à domicile
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 26, présenté par Mme Emery-Dumas, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
structures sanitaires et médico-sociales
par les mots :
établissements et services sanitaires et médicaux-sociaux
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 314 rectifié ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il me semble que cet amendement est satisfait. Nous en demandons donc le retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. D’ores et déjà, en effet, le FIR peut financer, par exemple, ce que l’on appelle les maisons de répit ; certes, il ne s’agit pas du domicile à proprement parler.
Il faut savoir ce que l’on veut mettre dans les textes de loi. On n’arrête pas de dire qu’en France les lois sont beaucoup trop longues et les codes trop fournis. À partir du moment où des actions sont permises par la loi et qu’elles sont effectives, ce n’est pas la peine d’ajouter des virgules, des « notamment » et des « en particulier », ou alors il faut faire une liste absolument exhaustive de ce qui est possible. La loi a seulement pour objet de définir les grandes orientations, qui sont ensuite déclinées.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Barbier, maintenez-vous votre amendement ?
M. Gilbert Barbier. Je le retire, car je suis satisfait, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 314 rectifié est retiré.
L'amendement n° 106, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 1435-10 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, après le mot : « année », sont insérés les mots : « en tenant compte de la démographie régionale et des besoins de santé recensés sur le territoire » ;
b) Les trois derniers alinéas sont ainsi rédigés :
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 40, modifié.
(L'article 40 est adopté.)
Article 41
Le titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 161-37 est ainsi modifié :
a) À l’avant-dernière phrase, après les mots : « l’évaluation », sont insérés les mots : « des actes mentionnés aux articles L. 162-1-7-1 et L. 162-1-8 et » ;
b) À la dernière phrase, après les mots : « en raison notamment », sont insérés les mots : « de l’amélioration du service attendu de l’acte, » ;
2° L’article L. 162-1-7-1 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« L’Union nationale des caisses de l’assurance maladie fait connaître aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, dans un délai maximal qui ne peut être supérieur à six mois à compter de la transmission à l’union de l’avis de la Haute Autorité de santé mentionné au troisième alinéa de l’article L. 162-1-7, les motifs de l’absence de décision d’inscription :
« 1° Des actes présentant un niveau d’amélioration du service attendu déterminé et dont l’inscription sur la liste prévue au même article L. 162-1-7 est nécessaire à l’utilisation ou à la prise en charge par l’assurance maladie d’un des produits de santé définis aux articles L. 5211-1 ou L. 5221-1 du code de la santé publique ;
« 2° Des actes pratiqués uniquement au sein d’un établissement de santé et ayant ou étant susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’organisation des soins et les dépenses de l’assurance maladie ;
« 3° Des actes ayant fait l’objet d’une tarification provisoire dans le cadre d’une expérimentation, notamment dans les conditions prévues à l’article L. 162-31-1, et présentant un niveau d’amélioration du service attendu déterminé, ou étant susceptible d’avoir un impact significatif sur l’organisation des soins et les dépenses de l’assurance maladie.
« L’impact sur l’organisation des soins et les dépenses de l’assurance maladie des actes mentionnés aux 2° et 3° du présent article fait l’objet d’une évaluation médico-économique réalisée par la Haute Autorité de santé.
« Les actes mentionnés au 3° demeurent pris en charge dans les conditions de l’expérimentation si une demande d’évaluation a été déposée auprès de la Haute Autorité de santé dans le délai de six mois avant la fin de l’expérimentation. Cette prise en charge est valable au maximum un an à compter du dépôt de cette demande, jusqu’à la décision de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. » ;
b) (Supprimé)
c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « l’acte innovant, fondée notamment sur l’amélioration du service attendu de l’acte » sont remplacés par les mots : « l’amélioration du service attendu de l’acte et les conditions de réalisation de l’évaluation médico-économique par la Haute Autorité de santé » ;
3° L’article L. 162-1-8 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé deux alinéas ainsi rédigés :
« En l’absence de hiérarchisation par les commissions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 162-1-7, dans un délai qui ne peut être supérieur à cinq mois à compter de la transmission à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie de l’avis de la Haute Autorité de santé mentionné au troisième alinéa du même article et de l’évaluation mentionnée au deuxième alinéa du présent article, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie peut procéder à la hiérarchisation d’un acte dont le service attendu est suffisant, lorsqu’il appartient à l’une ou l’autre des catégories mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 162-1-7-1, sans relever des actes mentionnés au premier alinéa du même article.
« L’impact sur l’organisation des soins et les dépenses de l’assurance maladie des actes mentionnés aux 2° et 3° dudit article est évalué par la Haute Autorité de santé. » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas prévu au 3° de l’article L. 162-1-7-1, l’acte reste pris en charge dans les conditions de l’expérimentation si une demande d’évaluation a été déposée auprès de la Haute Autorité de santé dans un délai maximal de six mois avant la fin de l’expérimentation. Cette prise en charge est valable au maximum un an à compter du dépôt de cette demande, jusqu’à l’intervention de la décision de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « de l’acte innovant, fondée notamment sur l’amélioration du service attendu de l’acte » sont remplacés par les mots : « des critères mentionnés aux 1° à 3° du même article » ;
4° L’article L. 165-1-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Tout produit de santé mentionné aux articles L. 5211-1 ou L. 5221-1 du code de la santé publique ou acte innovant susceptible de présenter un bénéfice clinique ou médico-économique peut faire l’objet, à titre dérogatoire et pour une durée limitée, d’une prise en charge partielle ou totale conditionnée à la réalisation d’une étude clinique ou médico-économique. Cette prise en charge relève de l’assurance maladie. Le caractère innovant est notamment apprécié par son degré de nouveauté, son niveau de diffusion et de caractérisation des risques pour le patient et sa capacité potentielle à répondre significativement à un besoin médical pertinent ou à réduire significativement les dépenses de santé. » ;
b) (nouveau) La troisième phrase est ainsi modifiée :
– après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « , des centres de santé et maisons de santé » ;
– à la fin, les mots : « aux établissements de santé » sont supprimés ;
c) (nouveau) L’avant-dernière phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « et des frais d’hospitalisation associés » sont supprimés ;
– après la seconde occurrence du mot : « charge », la fin de cette phrase est ainsi rédigée : « des frais d’hospitalisation, du produit de santé ou de la prestation associés. » ;
d) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les critères d’éligibilité et la procédure d’accès ainsi que les modalités de la prise en charge forfaitaire prévue au présent article sont fixés par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L'amendement n° 291, présenté par Mme Archimbaud et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase, après le mot : « rendent, », sont insérés les mots : « publier une liste des médicaments classés par niveau d’amélioration du service médical rendu, » ;
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. On peut regretter qu’il n’existe pas, à ce jour, de liste des médicaments classés par niveau d’amélioration du service médical rendu – ASMR. La Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de 2004, et la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, en 2008, avaient déjà souligné le caractère dommageable de cette situation.
En effet, le bilan d’activité de la Commission de la transparence n’étant pas détaillé, il est impossible de savoir quelle est la contribution à l’accroissement des remboursements de chaque catégorie, notamment de celle des médicaments sans ASMR.
Dans un but non pas de défiance, mais de transparence, nous proposons, par cet amendement, que soit établie par la Haute Autorité de santé une liste des médicaments classés par niveau d’ASMR.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les sites internet de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, et de l’HAS permettent déjà de connaître l’ensemble de ces améliorations. Il ne me paraît donc pas nécessaire de maintenir cet amendement, madame Archimbaud.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, si je comprends bien votre amendement, vous proposez de faire élaborer et tenir à jour par la HAS une liste de médicaments classés par niveau d’amélioration de ce que l’on appelle le service médical rendu, qui permet de déterminer si un médicament est utile, s’il apporte quelque chose en plus par rapport aux médicaments se trouvant déjà sur le marché.
Vous avez tout à fait raison de préciser qu’il est important que les médecins, lorsqu’ils prescrivent un médicament, notamment récent, se posent la question du service médical rendu par rapport aux médicaments plus anciens, qui, en général, sont « génériqués » et coûtent donc moins cher.
Madame Archimbaud, vous devez savoir que la HAS est en train de réaliser un travail sur la certification des logiciels d’aide à la prescription, dans lesquels il est prévu que sera mentionné, pour chaque médicament, le niveau de service médical rendu pour chaque indication.
Comme ces logiciels seront disponibles prochainement, on peut considérer que votre amendement est satisfait.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Pour une fois, je tiens à saluer l’action de la HAS en matière d’open data. Dès aujourd’hui, on peut consulter environ 20 000 rubriques par ordre alphabétique. Je peux d’ailleurs vous donner le code, madame Archimbaud, si vous ne redoutez pas le mal de tête… (Sourires.)
En tout cas, je me félicite de cette avancée importante, tout en souhaitant que l’open data puisse s’étendre aux données de la CNAM, ce qui rendrait un grand service.
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu de la réponse de Mme la secrétaire d’État, je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 291 est retiré.
Je mets aux voix l'article 41.
(L'article 41 est adopté.)
Article additionnel après l'article 41
M. le président. L'amendement n° 152 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 41
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er juin 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport examinant les modalités selon lesquelles les actes et prestations figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale pourraient être pris en charge suivant les mêmes modalités lorsqu'ils sont effectués par télémédecine.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Il s’agit d’un amendement d’appel. S’il a pour objet de solliciter la remise d’un rapport au Parlement, c’est sur la suggestion de Mme la présidente de la commission des finances.
En l’espèce, je souhaite aborder le sujet de la télémédecine pour le faire avancer. À cet égard, Mme la secrétaire d’État pourra peut-être nous apporter des précisions sur la nécessité d’une cotation spécifique pour les actes de télémédecine, faute de quoi nous ne pourrons jamais résoudre un certain nombre de problèmes que nous avons évoqués, notamment celui des zones sous-dotées en médecins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes sur la même position que M. Barbier et nous attendons, comme lui, la réponse de Mme la secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous avez raison, monsieur Barbier, le développement de la télémédecine soulève un certain nombre de questions. Quel usage doit-il en être fait ? Dans quelles spécialités ? Pour quel type de public et de patients ? Faut-il une tarification particulière ?
Le Gouvernement travaille sur ces sujets. Il est clair que la télémédecine doit permettre de faciliter l’accès aux soins, notamment dans les zones enclavées et sous-dotées en professionnels de soins, tout particulièrement pour les patients qui ont des difficultés à se déplacer : personnes en perte d’autonomie, personnes handicapées…
Je puis vous indiquer, monsieur Barbier, que la prise en charge des actes de télémédecine en ville sera en cours d’expérimentation à partir du premier semestre 2015 : cela concernera notamment les plaies chroniques et complexes, pour lesquelles l’image est utile, ainsi que l’analyse de certains comportements en psychiatrie et en gériatrie, pour des personnes hébergées en structures médico-sociales.
Dans cette phase expérimentale qui va bientôt démarrer, les agences régionales de santé organiseront le financement, en lien avec les professionnels des établissements, de manière à faire respecter non seulement les exigences de qualité et de sécurité des soins, mais aussi l’efficience des dépenses. Une évaluation de cette expérimentation sera faite par la HAS à mi-parcours, avant le 30 septembre 2016.
Aussi, je pense que votre amendement est satisfait et je vous demande de le retirer.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. La télémédecine est quasiment une nouvelle forme, parmi d’autres, d’exercice de la médecine, qui nécessite que deux conditions majeures soient réunies : la qualité de l’effecteur, c’est-à-dire de celle ou de celui qui va donner les informations ; la qualité du récepteur, qui va interpréter ces dernières.
Si ces éléments sont réunis, ce dispositif peut être très intéressant, car il est susceptible d’apporter une réponse au problème de la désertification médicale dans certains de nos territoires. S’agissant du secteur hospitalier, il peut aussi permettre de garder des patients dans les hôpitaux où ils ont été accueillis en premier et d’éviter ainsi un certain nombre de transferts, sources de coûts supplémentaires et d’inconfort pour les malades.
En tout cas, il faut beaucoup insister sur l’exigence de qualité dans la mise en place de la télémédecine. On a trop tendance à considérer qu’il s’agit de l’alpha et de l’oméga de la politique à mener pour répondre au difficile problème des déserts médicaux, mais ce ne sera le cas que si l’on entoure ces dispositifs d’indicateurs qualitatifs qui soient vraiment à la hauteur.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la secrétaire d’État, si l’on veut faire avancer la télémédecine, ou la domomédecine, pour maintenir les malades sur place, il suffit de prendre des mesures de tarification et de sécurisation des actes. Mais il faut le vouloir vraiment !
Le système est maintenant tout à fait opérationnel ; il y a eu des avancées technologiques très intéressantes. Mais il faut maintenant passer à l’acte, madame la secrétaire d'État !
La télémédecine du travail peut aussi être un champ d’expérimentation intéressant dans la mesure où l’on manque de médecins du travail. Ce n’est pas la peine de recruter trop de médecins du travail quand on n’est déjà pas fichu de soigner les gens malades !
On peut toujours parler de prévention, mais encore faut-il qu’il y ait des professionnels de santé à mettre en face et des moyens alloués !
Soyons donc attentifs à tous ces aspects.
Compte tenu du problème de démographie médicale et des contraintes financières, faisons appel à l’innovation médicale. En l’espèce, c’est sur les questions de tarification et de sécurisation des actes qu’on est à la traîne.
Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler et d’y réfléchir en commission. La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement, qui doit notamment prendre les arrêtés nécessaires pour faire avancer les dispositifs. Je le répète, il s’agit d’une question de volonté politique.
Dans mon département, je bute actuellement sur une difficulté qui empêche la mise en place d’un dispositif fort intéressant de télémédecine du travail : les arrêtés ne sont pas pris. Comme c’est interministériel, il y a toujours un blocage quelque part ! Qu’on essaie donc de mettre tous les acteurs autour de la table pour que l’on puisse enfin avancer ! Comment parler de prévention sans moyens humains et financiers ?
Mme Catherine Procaccia. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je partage l’inquiétude exprimée par notre collègue Gilbert Barbier, et je peux partager une partie de ce que vient de dire M. Savary sur la nécessité d’agir avec la détermination suffisante pour permettre la mise en œuvre de la télémédecine.
Néanmoins, à mon sens, elle ne doit pas être un palliatif au manque de médecins dans les déserts médicaux.
M. René-Paul Savary. Bien sûr !
Mme Annie David. Évidemment, un tel système peut apporter une réponse, mais il ne peut s’agir de la réponse prioritaire.
Avec la commission des affaires sociales, nous avons conduit une mission, notamment en Guyane, où nous avons pu visiter un hôpital dans lequel était mis en place un système de télémédecine qui permettait à des villages difficiles d’accès par voie terrestre de bénéficier des services d’une maison de santé auprès de laquelle les habitants avaient l’assurance d’un diagnostic fait par des professionnels de santé.
À cet égard, je rejoins Catherine Génisson : je suis favorable à l’évolution de la télémédecine, mais il faut que, à chaque bout de la chaîne, nous ayons affaire à des professionnels formés à ces nouvelles techniques.
Bien sûr, nous ne sommes pas vraiment partisans de la remise de rapports…
M. Gilbert Barbier. C’est l’article 40 !
Mme Annie David. Oui, je comprends très bien que vous ayez utilisé ce biais pour échapper à la censure de l’article 40 de la Constitution et mettre ce sujet en discussion.
Nous soutiendrons donc votre amendement, mon cher collègue.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je souhaite simplement souligner que, pour que la télémédecine fonctionne, il faut pouvoir disposer du très haut débit. Or, vous le savez, les opérateurs couvrent les grands centres urbains, mais pas les zones rurales. Il faut donc que les collectivités, conseil général ou conseil régional, prennent le relais et investissent des sommes considérables. La mauvaise couverture en très haut débit dans les zones rurales constitue un obstacle technique au développement de la télémédecine.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je souhaite apporter quelques éclaircissements.
De quoi parle-t-on quand on évoque la télémédecine ? Il n’est évidemment pas question de remplacer les professionnels de santé par des ordinateurs. Il n’est pas question non plus d’organiser systématiquement des consultations à distance.
La transmission d’images entre professionnels de santé n’a pas attendu l’apparition de la télémédecine. Actuellement, tous les professionnels de santé qui prennent en charge des plaies chroniques photographient la plaie avec leur smartphone pour pouvoir la référencer, suivre son évolution en comparant les clichés successifs et éventuellement l’envoyer à un spécialiste, dermatologue ou infectiologue, pour solliciter son avis. La pratique existe déjà, mais elle n’est évidemment pas prise en compte par les systèmes de tarification.
Il y a longtemps que cela se fait, parce que les praticiens recourent aux « moyens du bord ». Le développement de la télémédecine permettra d’organiser ce type de pratiques.
J’ai entendu des inquiétudes s’exprimer à propos de la psychiatrie. Il n’est pas question d’organiser une consultation de psychiatrie avec un psychiatre d’un côté et un patient de l’autre. En revanche, dans un centre médico-social, un professionnel de santé accompagnant un patient atteint de troubles du comportement, éventuellement violent, pourra consulter à distance, par l’intermédiaire de ce dispositif, un psychiatre : la télémédecine permet alors d’établir un diagnostic.
Finalement, la télémédecine pourra être utilisée avec profit dans des cas bien spécifiques, pour des activités « de niche », en quelque sorte. Les expérimentations qui sont lancées correspondent d’ailleurs à de telles niches. La Haute Autorité de santé procédera à une évaluation de ces pratiques.
Bien sûr, monsieur Savary, il faut « y aller », et des expérimentations démarrent ; c’est pourquoi j’ai du mal à comprendre l’inquiétude que vous avez exprimée.
M. René-Paul Savary. Il faut tarifer pour avancer !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je vais vous répondre sur ce point.
Vous ne cessez de dire qu’il faut diminuer les dépenses de santé en améliorant la pertinence des actes. On ne va pas se lancer dans la tarification de nouveaux actes sans avoir préalablement évalué la situation !
Si vous ouvrez la boîte de Pandore de la tarification de la télémédecine, j’aime autant vous dire que, sur la pertinence des actes, il y aura des questions à se poser !
Il vaut mieux lancer des expérimentations bien cadrées dans un certain nombre de domaines, les faire évaluer par la Haute Autorité de santé et procéder ensuite à la tarification. Sinon, vous risquez d’ouvrir la porte à des excès certains.
M. le président. Monsieur Barbier, l’amendement n° 152 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, il s’agissait évidemment d’un amendement d’appel et je le retire. J’ai bien compris que Mme la secrétaire d’État me donnait rendez-vous le 30 septembre 2016. Si Dieu me prête vie, je serai là ! (Protestations amusées.)
M. le président. L’amendement n° 152 rectifié bis est retiré.
Chapitre IV
Promotion de la pertinence des prescriptions et des actes
Article 42
Le chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 162-1-17 est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-17. – En application du plan d’actions pluriannuel régional d’amélioration de la pertinence des soins prévu à l’article L. 162-30-4, le directeur général de l’agence régionale de santé peut, après avis de l’organisme local d’assurance maladie et après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, décider de subordonner à l’accord préalable du service du contrôle médical de l’organisme local d’assurance maladie, pour une durée ne pouvant excéder six mois, la prise en charge par l’assurance maladie d’actes, de prestations ou de prescriptions délivrés par un établissement de santé. La procédure contradictoire est mise en œuvre dans des conditions prévues par décret.
« La mise sous accord préalable est justifiée par l’un des constats suivants :
« 1° Une proportion élevée de prestations d’hospitalisation avec hébergement qui auraient pu donner lieu à des prises en charge sans hébergement ou sans hospitalisation ;
« 2° Une proportion élevée de prescriptions de ces prestations d’hospitalisation avec hébergement qui auraient pu donner lieu à des prises en charge sans hébergement ou sans hospitalisation ;
« 3° Un écart significatif entre le nombre d’actes, de prestations ou de prescriptions réalisés par l’établissement de santé et les moyennes régionales ou nationales pour une activité comparable ;
« 4° Une proportion élevée d’actes, de prestations ou de prescriptions réalisés par l’établissement de santé non conformes aux référentiels établis par la Haute Autorité de santé.
« Dans le cas où l’établissement de santé, informé par l’agence régionale de santé de sa mise sous accord préalable, délivre des actes ou prestations malgré une décision de refus de prise en charge, ces actes ou prestations ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie et l’établissement ne peut pas les facturer au patient. Lorsque la procédure d’accord préalable porte sur les prescriptions réalisées par l’établissement de santé, le non-respect de la procédure entraîne l’application d’une pénalité financière, dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 162-30-4.
« Toutefois, en cas d’urgence attestée par le médecin ou par l’établissement de santé prescripteur, l’accord préalable du service du contrôle médical n’est pas requis pour la prise en charge des actes, prestations et prescriptions précités. » ;
2° La sous-section 4 de la section 5 est complétée par un article L. 162-30-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-30-4. – I. – L’agence régionale de santé élabore un plan d’actions pluriannuel régional d’amélioration de la pertinence des soins, qui définit les domaines d’actions prioritaires en matière d’amélioration de la pertinence des soins dans la région, en conformité avec les orientations retenues dans les programmes nationaux de gestion du risque mentionnés à l’article L. 182-2-1-1.
« Ce plan d’actions précise également les critères retenus pour identifier les établissements de santé faisant l’objet du contrat d’amélioration de la pertinence des soins prévu au II du présent article et ceux faisant l’objet de la procédure de mise sous accord préalable définie à l’article L. 162-1-17. Ces critères tiennent compte notamment des référentiels établis par la Haute Autorité de santé et des écarts constatés entre le nombre d’actes, de prestations ou de prescriptions réalisés par l’établissement de santé et les moyennes régionales ou nationales observées pour une activité comparable. Ces critères tiennent compte de la situation des établissements au regard des moyennes régionales ou nationales de prestations d’hospitalisation avec hébergement qui auraient pu donner lieu à des prises en charge sans hébergement ou sans hospitalisation ou au regard des moyennes de prescription de ces prestations d’hospitalisation avec hébergement qui auraient pu donner lieu à des prises en charge sans hébergement ou sans hospitalisation.
« Le plan d’actions défini au présent I est intégré au programme pluriannuel régional de gestion du risque mentionné à l’article L. 1434-14 du code de la santé publique.
« II. – Le directeur de l’agence régionale de santé conclut avec les établissements de santé identifiés dans le cadre du plan d’actions défini au I et l’organisme local d’assurance maladie un contrat d’amélioration de la pertinence des soins, d’une durée maximale de deux ans.
« Ce contrat comporte des objectifs qualitatifs d’amélioration de la pertinence des soins.
« Le contrat comporte, en outre, des objectifs quantitatifs lorsque le directeur général de l’agence régionale de santé, conjointement avec l’organisme local d’assurance maladie, procède à l’une des constatations suivantes :
« 1° Soit un écart significatif entre le nombre d’actes, de prestations ou de prescriptions réalisés par l’établissement de santé et les moyennes régionales ou nationales pour une activité comparable ;
« 2° Soit une proportion élevée d’actes, de prestations ou de prescriptions réalisés par l’établissement de santé non conformes aux référentiels établis par la Haute Autorité de santé.
« La réalisation des objectifs fixés au contrat fait l’objet d’une évaluation annuelle. En cas de non-réalisation de ces objectifs, le directeur de l’agence régionale de santé peut, après avis de l’organisme local d’assurance maladie et après que l’établissement a été mis en mesure de présenter ses observations, engager la procédure de mise sous accord préalable mentionnée à l’article L. 162-1-17 au titre du champ d’activité concerné par les manquements constatés ou prononcer une sanction pécuniaire, correspondant au versement à l’organisme local d’assurance maladie d’une fraction des recettes annuelles d’assurance maladie afférentes à l’activité concernée par ces manquements. Lorsque les manquements constatés portent sur des prescriptions, la pénalité correspond à une fraction du montant des dépenses imputables à ces prescriptions. Le montant de la pénalité est proportionné à l’ampleur des écarts constatés et ne peut dépasser 1 % des produits reçus des régimes obligatoires d’assurance maladie par l’établissement de santé au titre du dernier exercice clos.
« En cas de refus par un établissement de santé d’adhérer à ce contrat, le directeur de l’agence régionale de santé prononce, après que l’établissement a été mis en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière correspondant à 1 % des produits reçus des régimes obligatoires d’assurance maladie par l’établissement de santé au titre du dernier exercice clos.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les modalités selon lesquelles est évaluée l’atteinte des objectifs fixés au contrat d’amélioration de la pertinence des soins. »
M. le président. L’amendement n° 249, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Nous sommes catégoriquement opposés à cet article.
La mesure qui est proposée repose sur la mise en œuvre d’une contractualisation tripartite entre l’établissement de santé, l’ARS et l’assurance maladie autour d’objectifs d’amélioration de la pertinence des soins. Avant de revenir sur la contractualisation tripartite, je voudrais m’attarder sur la notion de pertinence des soins.
Cette pertinence peut viser les actes, les séjours, des parcours de soins, les modalités de prise en charge. Il s’agit en fait d’évaluer l’adéquation des soins aux besoins des patients. Certes, des soins inutiles font courir des risques aux patients de manière injustifiée et peuvent engendrer des coûts importants pour la société. En ce sens, nous soutenons tout ce qui peut encourager les bonnes pratiques et la chasse aux actes inutiles, tout en ne pouvant nous empêcher de penser que la T2A elle-même induit le recours à des actes parfois inutiles ! C’est l’un de ses effets pervers, que nous n’avons cessé de dénoncer.
Si certaines questions sont tout à fait légitimes – et je ne doute pas que les professionnels de santé ne se les posent déjà –, si des mesures d’économie peuvent effectivement être prises, comment être bien certain qu’un soin ne sera pas jugé non pertinent parce qu’il entraîne trop de dépenses ? Comment mesurer de façon objective cette pertinence ou cette non-pertinence, sachant que chaque cas médical est particulier et qu’il est difficile de tout prévoir ?
Madame la secrétaire d’État, vous souhaitez développer la chirurgie ambulatoire, laquelle présente, certes, des avantages, mais aussi des inconvénients, comme nous l’avons souligné lors de la présentation de notre motion. Comment ne pas craindre que cet objectif affiché ne masque le souci de réduire la dépense quand il n’est question que de rechercher le confort du patient ?
En effet, pour justifier la pertinence des soins, vous estimez qu’elle permettra d’éviter 48 000 séjours hospitaliers d’ici à 2017, soit une économie de 50 millions d’euros, car ce sont bien les conséquences financières qui priment pour le Gouvernement ! Voilà pourquoi l’introduction de cette notion de pertinence des soins nous inquiète.
Quant à la contractualisation tripartite entre l’établissement de santé, l’ARS et l’assurance maladie, elle nous inspire, elle aussi, de sérieux doutes. Confier à l’ARS et à l’assurance maladie le soin d’évaluer ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas, tout en sachant que leur objectif premier est la réduction des dépenses, nous paraît quelque peu étrange. Comment peut-on être à la fois juge et partie ?
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à la suppression de cet article, sur lequel elle a d’ailleurs déposé un amendement très important.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je suis un peu étonnée par ce que je viens d’entendre. Quand on évoque la pertinence des soins, on parle non pas d’économies, mais de l’intérêt du patient.
Les patients qui consultent un médecin n’ont pas spécialement envie de subir une fibroscopie, de se faire raboter la prostate ou poser une prothèse de la hanche si ces actes ne sont pas strictement nécessaires. Ils n’ont pas envie non plus de passer quatre scanners si un seul est nécessaire, sachant qu’ils subiront chaque fois des irradiations. Voilà de quoi il est question quand on parle de pertinence des soins !
Améliorer la pertinence des soins revient donc à améliorer la qualité des soins. Tel est l’enjeu de cet article.
Il est très important que les agences régionales de santé puissent passer des contrats avec les établissements de santé, afin que ceux-ci soient soumis à un regard extérieur. En effet, vous n’ignorez pas que, dans certaines régions de France, on pose plus de prothèses de hanche ou on opère plus d’adénomes de la prostate qu’ailleurs, sans raison particulière. Il est donc très important que les agences régionales de santé puissent exercer un contrôle, et cela, bien entendu, en lien avec la Haute Autorité de santé. Celle-ci, au niveau national, formule des recommandations, en fonction desquelles les agences régionales de santé concluent ensuite des contrats avec les établissements, afin de limiter les abus.
Cette démarche me paraît aller dans le sens d’une amélioration de la qualité des soins. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la secrétaire d’État, on ne peut évidemment qu’être d’accord avec vous sur la qualité des soins. Dans une précédente intervention, notre collègue Dominique Watrin a d’ailleurs évoqué la qualité et la sécurité des soins. Sur ce point, nous approuvons pleinement vos propos.
En revanche, la notion de pertinence des soins peut être envisagée sous un autre angle. Si elle suppose que l’on s’assure de la qualité des soins et de la sécurité des patients – évidemment, soumettre un patient à des IRM qui n’ont pas lieu d’être lui fait subir des irradiations inutiles –, elle peut aussi être appréciée à l’aune de la rentabilité financière ou inciter à la sélection des malades.
Cette notion ne nous semble donc pas adaptée si l’on veut seulement préciser que l’objectif est de garantir la qualité et la sécurité des soins. L’appréciation de la pertinence est tout à fait subjective par rapport aux soins et à la santé. Le terme de pertinence, tout comme celui de « score », évoqué lors de la discussion d’un autre amendement, ne nous semble pas relever du langage médical. En tout cas, il ne saurait s’appliquer aux soins ni à la santé.
Nous partageons évidemment le souci du Gouvernement d’assurer la qualité et la sécurité des soins prodigués aux patients, mais nous contestons l’emploi du terme « pertinence ».
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. La pertinence des soins se définit très clairement comme la délivrance de soins appropriés à chaque patient, en fonction de la pathologie qu’il présente. Cette définition reflète exactement l’exigence qualitative que nous voulons appliquer à l’offre de soins.
Plus globalement, l’exigence qualitative est la seule porte d’entrée pour apporter la solution appropriée à la demande de nos concitoyens, qu’il s’agisse de soins préventifs ou curatifs. Cette exigence qualitative aboutira de fait à une offre au juste prix et au juste coût. C’est ainsi, me semble-t-il, que nous devons aborder ce débat. Il n’est pas question de faire des économies dans l’absolu, et personne ne souhaite retenir cette orientation.
Madame la secrétaire d’État, vous avez donné un certain nombre d’exemples ; on pourrait y ajouter les pourcentages de césariennes extrêmement variables d’un établissement à l’autre. Du reste, il y a de multiples autres cas qui donnent à réfléchir.
M. le président. L’amendement n° 319, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le taux de morbidité constatée est manifestement supérieur aux taux régionaux ou nationaux pour une activité comparable.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Mme la secrétaire d’État. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement.
Dans le texte actuel de l’article 42, quatre cas justifient la mise sous accord préalable. Je propose d’en ajouter un cinquième, qui vient d’être évoqué longuement, à savoir « un taux de morbidité constatée […] manifestement supérieur aux taux régionaux et nationaux pour une activité comparable ».
Vous avez mentionné les prothèses de hanche inutiles, madame la secrétaire d’État, mais on pourrait citer de multiples exemples. La professionnelle que vous êtes ne pourra qu’être favorable à mon amendement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
En effet, monsieur Barbier, la référence au taux de morbidité semble plutôt relever de la qualité des actes que de leur pertinence, mais les deux sujets sont liés, bien sûr.
La commission craint par ailleurs que la mise en place de programmes liés au taux de morbidité ne décourage les services hospitaliers de prendre en charge les cas les plus graves et ne les incite à opérer une sélection entre patients, ce que personne ne souhaite, et surtout pas vous, mon cher collègue !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur Barbier, que se passerait-il si l’amendement que vous présentez était adopté ? Les établissements chercheraient à obtenir des taux de morbidité très faibles après tel ou tel type d’intervention, ce qui les conduirait à sélectionner les patients à l’entrée ! Par exemple, chacun sait qu’un patient âgé et diabétique court un plus grand risque de contracter une infection nosocomiale lors d’une opération qu’un patient jeune qui ne présente aucune comorbidité. Une telle disposition conduirait donc inéluctablement à une sélection des patients par les établissements pour améliorer leurs statistiques. Or nous cherchons précisément à éviter cette situation.
C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Monsieur Barbier, l'amendement n° 319 est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 107, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après le mot :
élabore
insérer les mots :
en concertation avec les unions régionales de professionnels de santé et les représentants régionaux des commissions et des conférences médicales d’établissement
La parole est à Mlle Sophie Joissains.
Mlle Sophie Joissains. L’objet de cet amendement est d'associer les professionnels de santé à l’élaboration du plan d’actions pluriannuel régional d’amélioration de la pertinence des soins.
Cette association des professionnels de santé à la politique de pertinence des soins est évidemment indispensable à une gouvernance quelque peu crédible du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sachant que les unions régionales des professionnels de santé sont déjà consultées lors l’élaboration des plans régionaux, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. La ministre de la santé est profondément attachée à la mise en œuvre d’une large concertation réunissant l’ensemble des professionnels de santé afin de déterminer comment améliorer la pertinence des soins. Elle s’engage à ce que cette concertation trouve une traduction pleine et entière dans les textes d’application de ce projet de loi ; je l’affirme ici afin que cet engagement soit officiellement consigné.
Le Gouvernement partage donc votre objectif, madame la sénatrice, mais il émet un avis défavorable sur votre amendement puisque ce que celui-ci vise à inscrire dans la loi figurera dans les textes d’application.
M. le président. L'amendement n° 153 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après le mot :
élabore
insérer les mots :
, en concertation avec les unions régionales de professionnels de santé,
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à garantir une concertation qui se limite aux unions régionales des professionnels de santé. Je conteste ce qu’a affirmé le rapporteur : cette concertation ne figure pas actuellement dans le texte.
On a entendu Mme la secrétaire d’État affirmer que cette concertation serait prévue dans les textes d’application ; je veux bien la croire. C’est pourquoi j’accepte de retirer cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 153 rectifié est retiré.
En va-t-il de même pour l'amendement n° 107 ?
Mlle Sophie Joissains. Oui, je le retire, monsieur le président, puisque Mme la secrétaire d'État nous assure que cet amendement sera satisfait dans l’avenir.
M. le président. L’amendement n° 107 est retiré.
L'amendement n° 55, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Des actions prioritaires doivent être définies par le plan d’actions pour chacun des domaines suivants : les soins de ville, les relations entre les soins de ville et les prises en charge hospitalières, les prises en charge hospitalières.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je l’ai dit, cet amendement revêt à nos yeux une grande importance.
Le dispositif proposé par le Gouvernement pour améliorer la pertinence des soins – bien entendu, nous soutenons ce dispositif – prévoit un plan d’actions régional dont les conséquences ne sont détaillées que pour les hôpitaux. Toutefois, la question de la pertinence des actes se pose également pour la médecine de ville ainsi que pour les relations entre la médecine de ville et l’hôpital. Il convient donc que des actions soient programmées et engagées dans tous ces domaines.
La MECCSS, mais aussi la Fédération hospitalière de France, la Haute autorité de santé ou la Cour des comptes ont souligné que 28 % à 30 % des actes étaient inutiles et redondants. Cette redondance consiste souvent en un redoublement des actes accomplis, d’un côté, par la médecine de ville et, de l’autre, à l’hôpital, ou bien par un généraliste et par un spécialiste. Ainsi, votre médecin généraliste vous demande de faire une radiographie ou une analyse sanguine, puis le spécialiste ou les praticiens hospitaliers vous la demandent à nouveau. On le constate pratiquement tous les jours ! Il est donc possible de faire une économie réelle sans toucher à la qualité des soins.
Bien sûr, il est parfois pertinent de faire une radiographie supplémentaire ; le médecin est juge de l’opportunité de celle-ci. Cependant, il faut bien constater un certain nombre d’abus dans ce domaine.
Combien de fois n’a-t-on entendu ici que les urgences étaient encombrées le week-end ou durant certaines périodes de l’année, notamment parce que la médecine de garde par des médecins de ville ne fonctionnait plus ou fonctionnait mal ? Il me paraît donc nécessaire de développer des systèmes de médecine de garde ou un numéro d’appel des médecins de garde. Le numéro 16, m’a-t-on dit, serait disponible. Il présenterait l’avantage d’être très facile à retenir et de s’insérer dans l’ensemble des numéros d’appels, notamment le 14, pour les pompiers, et le 17, pour la police. Il faut en effet faciliter l’accès aux soins avant d’encombrer les urgences, parfois sollicitées pour de « petits bobos » qui pourraient parfaitement être soignés sans aller à l’hôpital.
Nous attendons ces mesures parce qu’elles peuvent conduire à une amélioration de la qualité des soins et de la prise en charge des patients ; qu’on songe au temps qu’il faut parfois attendre dans le couloir des urgences ! De plus, leur adoption entraînerait des économies pour la sécurité sociale, ce que nous recherchons tous.
Madame la secrétaire d'État, telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement. J’attends votre réponse sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. J’ai l’impression, monsieur le rapporteur général, que votre argumentation dépassait un peu le cadre de l’amendement que vous avez déposé...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Un peu ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je vous donne raison sur un certain nombre des points que vous avez développés.
Il est évident que la question de la pertinence des soins concerne aussi bien les professionnels de santé qui travaillent en ville que ceux qui exercent dans les établissements de santé et qu’une cohérence doit être recherchée.
Pourquoi, alors, cet article concerne-t-il spécifiquement la pertinence des soins dans les établissements ?
Beaucoup d’actions sont déjà menées en ville par l’assurance maladie. Souvenez-vous de la fameuse campagne : « Les antibiotiques, c’est pas automatique ». À la suite de cette campagne, la consommation d’antibiotiques en ville a diminué très nettement, mais cette diminution ne s’est pas retrouvée dans les établissements de santé.
Un travail important a été accompli concernant la médecine de ville. D’une part, un certain nombre d’actes peuvent déjà être soumis à accord préalable ; d’autre part, l’assurance maladie élabore des référentiels ; enfin, la nouvelle convention d’objectifs et de gestion signée le 6 août dernier avec la CNAM comprend un certain nombre de mesures sur la pertinence des soins. Ces mesures concernent certains produits de santé, mais aussi la délivrance des arrêts de travail et la prescription des transports, lesquels représentent des dépenses importantes.
En outre, je tiens à rappeler que la rémunération des médecins libéraux est partiellement soumise à des objectifs de santé publique, grâce à un nouveau dispositif.
Toute une palette d’outils existe donc déjà pour la médecine de ville, via la convention avec la CNAM, qui demeure l’outil pertinent pour la médecine libérale.
Je partage donc votre objectif. Cependant, pour les différents motifs que je vous ai exposés, j’espère que vous accepterez de retirer votre amendement, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mon groupe considère que, si la notion de pertinence des soins est adoptée, il serait souhaitable qu’elle s’applique d’une façon semblable aux établissements publics et à la médecine de ville.
Il reste que nous avons demandé la suppression de l’article parce que, selon nous, la pertinence des soins n’est pas aisément quantifiable scientifiquement et objectivement.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, nous ne sommes pas au pays des Bisounours ! Depuis le début de l’examen du PLFSS, il est question de contraintes budgétaires très fortes. Par conséquent, on ne peut pas détacher cette notion de contrôle de la pertinence des soins des contraintes budgétaires qui enserrent ce PLFSS. Dès lors, il est permis d’y voir une arme redoutable utilisée contre des établissements publics qui sont déjà asphyxiés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Il me semble que le problème de fond qu’a soulevé le rapporteur est celui de la pertinence du parcours de soins et de l’articulation entre la médecine de ville et les établissements de santé.
Comme je le disais dans mon propos liminaire, le fonctionnement et la surcharge des services d’urgence – cette surcharge résulte pour une bonne part du fait qu’ils sont sollicités de manière inappropriée – sont la loupe des dysfonctionnements de l’organisation de notre système de santé. D’ailleurs, un sujet n’a pas été évoqué ici, alors qu’il est selon moi tout à fait fondamental : celui de la permanence des soins.
Certes, il est important de parler de la pertinence des soins à la fois dans les établissements de santé et dans la pratique de la médecine libérale. Cependant, je pense qu’il faut trouver une cohérence globale à partir de la pertinence des parcours de soins suivis par nos concitoyens, en faisant en sorte que chacun des acteurs sur ce parcours joue pleinement son rôle.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je souhaiterais répondre très brièvement à Mme la secrétaire d’État.
Je pense que notre amendement est tout à fait complémentaire de cet article. Je rappelle que tout cela se fait sous l’égide des agences régionales de « santé » : les agences régionales hospitalières n’existent plus ! Cela signifie bien que les ARS exercent leurs prérogatives à la fois sur la médecine hospitalière et sur la médicine de ville. S’agissant ici des relations entre l’une et l’autre, cet amendement me semble parfaitement justifié et à sa place.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 190 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l’article.
M. Yves Daudigny. Je voterai cet article avec conviction.
Comme l’a fort bien expliqué Mme la secrétaire d’État, le sujet de la pertinence des soins relève non pas de considérations financières, mais de la sécurité du patient, de la qualité du soin et, pour reprendre l’expression de Catherine Génisson, du « soin approprié ».
Malheureusement, l’observation de faits d’actualité, souvent dramatiques, sinon tragiques, de même que celle des statistiques par régions et le développement de certains secteurs, comme celui de la chirurgie en matière d’obésité, qui n’a pas encore été cité, conduisent à s’intéresser à ce sujet. Il y va de la qualité des soins dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous voterons, nous aussi, avec conviction cet article, tel qu’il a été modifié par l’amendement n° 55 du rapporteur général.
La pertinence des soins fait partie des priorités des gouvernements successifs depuis fort longtemps. Cette question progresse : tant mieux !
M. le président. Je mets aux voix l’article 42, modifié.
(L'article 42 est adopté.)
Article 42 bis (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2015, un rapport portant sur la diffusion des actions relatives à la pertinence des soins au sein des équipes médicales hospitalières. Il évalue notamment les moyens consacrés à la diffusion des bonnes pratiques, tant en termes de formation continue que de demi-journées rémunérées au titre d’activités d’intérêt général.
Ce rapport évalue également la faisabilité de l’extension aux actions de pertinence des soins de l’accréditation de la qualité de la pratique professionnelle mentionnée à l’article L. 4135-1 du code de la santé publique. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 42 bis
M. le président. L’amendement n° 173, présenté par M. Gilles, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Après l'article 42 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2015, un rapport sur l’état d’application des référentiels pour les actes réalisés en séries mentionnés à l'article L. 162–1–7 du code de la sécurité sociale. Ce rapport précise également l’ensemble des économies dégagées par l’application de ces référentiels.
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Cet amendement ne tend pas à demander un rapport de plus. Il était toutefois convenu dans le cadre conventionnel qu’après la publication des cinq premiers référentiels en mai 2010, une analyse serait faite afin de tirer des conséquences quant à l’utilité de cette mesure.
Il apparaît donc utile de connaître l’état de l’application de ladite mesure, qui ne semble pas mise en œuvre de manière homogène dans tous les établissements, et entre les établissements et les kinésithérapeutes de terrain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous ne demandez pas un rapport de plus, monsieur Gilles, mais un rapport tout de même ! (Sourires.)
Cet amendement a été débattu à l’Assemblée nationale, puis rejeté malgré un avis favorable de la commission, le Gouvernement ayant émis un avis défavorable.
Je souhaite, plutôt qu’un rapport, que le Gouvernement nous fournisse des explications relatives à l’existence d’une éventuelle inégalité de traitement entre les kinésithérapeutes libéraux et les kinésithérapeutes qui assurent des soins de suite et de réadaptation.
Si Mme la secrétaire d’État veut bien nous éclairer sur ce point, je demanderai le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Concernant les actes en série, vous avez tous cité les kinésithérapeutes, mais d’autres professionnels de santé sont susceptibles d’en effectuer ; je pense, notamment, aux infirmiers.
Des référentiels ont été mis en place dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ainsi qu’un certain nombre de dispositifs de mise sous accord préalable d’actes et des prescriptions par l’assurance maladie, sur la base des données de consommation de soins, comparées à des moyennes régionales, à des moyennes nationales ou à des référentiels délivrés en ville ou bien, pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur général, en établissement.
Par ailleurs, vous venez d’adopter à l’article 42 une mesure visant à renforcer les dispositifs actuels. Des contrats d’amélioration de la pertinence des soins signés entre l’assurance maladie, les agences régionales de santé et les établissements ciblés permettront d’étoffer les données disponibles sur ce sujet.
Concernant le respect des référentiels, la convention d’objectifs et de gestion, la COG, signée avec la CNAM pour 2014–2017, le 6 août dernier, prévoit dans les engagements de l’assurance maladie, d’une part, l’accompagnement des professionnels de santé sur les référentiels de masso-kinésithérapie de la Haute Autorité de santé et, d’autre part, la mesure de l’impact de cet accompagnement et la vérification du respect des référentiels.
Ainsi, l’impact des référentiels est explicitement suivi dans les indicateurs de la COG. Dans ces conditions, il me semble qu’un rapport supplémentaire serait redondant.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Gilles, l’amendement n° 173 est-il maintenu ?
M. Bruno Gilles. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 173.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 43
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 165-1, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’inscription sur la liste mentionnée au premier alinéa des produits répondant pour tout ou partie à des descriptions génériques particulières peut être subordonnée au dépôt auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, par les fabricants, leurs mandataires ou distributeurs, d’une déclaration de conformité aux spécifications techniques des descriptions génériques concernées. L’inscription de ces produits sur la liste prend la forme d’une description générique renforcée permettant leur identification individuelle. La déclaration de conformité est établie par un organisme compétent désigné à cet effet par l’agence précitée.
« La liste des descriptions génériques renforcées mentionnées au deuxième alinéa est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, selon une procédure et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, compte tenu de l’intérêt pour la santé publique que présentent les produits relevant de ces descriptions ou de leur incidence sur les dépenses de l’assurance maladie. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 165-2, après les mots : « par description générique », sont insérés les mots : « ou par description générique renforcée » ;
3° Au second alinéa du I de l’article L. 165-3, après les mots : « par description générique », sont insérés les mots : « ou par description générique renforcée ».
II. – Le présent article s’applique aux produits qui répondent aux descriptions génériques particulières prévues à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la présente loi, à compter de son entrée en vigueur et qui font l’objet, à compter de cette date, d’une inscription sur la liste prévue au même article L. 165-1. Il s’applique également, à compter de la même date et dans des conditions prévues par le décret en Conseil d’État mentionné au troisième alinéa dudit article, aux produits qui répondent aux descriptions génériques particulières précitées et qui sont inscrits sur ladite liste. – (Adopté.)
Article 43 bis (nouveau)
Le second alinéa du b du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application du présent b, peuvent être inscrits au répertoire des spécialités génériques les médicaments à base de plantes définis au 16° du présent article, à l’exclusion de ceux mentionnés à l’article L. 5121-14-1, qui présentent la même composition qualitative et quantitative en substance active végétale, la même forme pharmaceutique et qui ont une activité thérapeutique équivalente. Les médicaments à base de plantes sont considérés comme ayant une composition qualitative identique dès lors que leur substance active végétale :
« – est conforme à la description des monographies communautaires élaborées par l’Agence européenne des médicaments, définies par la directive 2001/83/CE du Parlement et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;
« – et n’est pas susceptible d’entraîner des différences significatives en termes d’efficacité thérapeutique ou d’effets indésirables.
« Pour l’application du présent b, peuvent être inscrites au répertoire des spécialités génériques les spécialités dont la ou les substances actives sont exclusivement une ou plusieurs substances minérales, qui présentent la même composition qualitative et quantitative en substance, la même forme pharmaceutique et qui ont une activité thérapeutique équivalente à celle de la spécialité de référence. Les spécialités dont la ou les substances actives sont exclusivement une ou plusieurs substances minérales sont considérées comme ayant une composition qualitative identique dès lors que leur substance active minérale répond aux spécifications des monographies de la pharmacopée, lorsqu’elles existent, et qu’elle n’est pas susceptible d’entraîner des différences significatives en termes d’efficacité thérapeutique ou d’effets indésirables ; ».
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière de médicaments, nous sommes confrontés en France à deux particularités que ne connaissent pas les autres pays européens : d’une part, un retard considérable en matière de recours aux médicaments génériques ; d’autre part, des appréhensions tout à fait irrationnelles à leur encontre, de la part tant des prescripteurs que des patients, ceci ne suffisant d’ailleurs pas à expliquer cela.
Ainsi, à la fin de l’année 2013, le médicament générique ne représente que 31 % du marché pharmaceutique remboursable en volume et 19 % en valeur, ce qui place la France loin derrière les autres pays européens.
En 2012, la réactivation de la mesure « tiers payant contre génériques » a été bénéfique et a marqué le retour d’une politique volontariste en la matière. Les obstacles à une plus large diffusion des génériques sont toutefois nombreux.
J’ai conduit l’année dernière, au sein de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, un premier travail de recherche et d’auditions de l’ensemble des parties prenantes de ce secteur, et j’ai formulé dans le rapport publié à cette occasion un certain nombre de préconisations.
L’obstacle psychologique n’est pas le moindre à surmonter, d’où le titre de ce rapport : « Les médicaments génériques : des médicaments comme les autres ». Je rappelle, à cet égard, que les excipients sont les mêmes que ceux qui sont utilisés pour les princeps, comportent les mêmes risques et posent la même question des matières premières.
Un deuxième obstacle identifié est le système du répertoire des groupes de génériques, trop restrictif, mais également contourné par trop de prescriptions hors champ.
Un troisième obstacle à la diffusion des médicaments génériques résulte des stratégies mises en place par les laboratoires pour en limiter le développement : par le dépôt de brevets secondaires, la création de fausses innovations, dites « me too », la pratique de prix prédateurs, l’intervention des visiteurs médicaux. Le rôle du prescripteur est évidemment fondamental. En Allemagne, l’incitation pèse sur le médecin soumis à une enveloppe fermée...
Je me félicite donc de l’adoption par l’Assemblée nationale des articles 43 bis, 43 ter et 44 bis, qui s’inscrivent parfaitement dans ces réflexions, et je vous incite très vivement, mes chers collègues, à les faire vôtres.
Notre commission a d’ailleurs donné un avis favorable à l’article 43 bis, qui permettra justement d’élargir le répertoire des génériques aux médicaments dont la substance active est d’origine végétale ou minérale, et à l’article 44 bis, lequel renforce l’incitation à la prescription de génériques dans les établissements de santé.
Tel n’est pas le cas sur l’article 43 ter, qui doit permettre la substitution de médicaments dispensés par voie inhalée. Or c’est la troisième fois depuis 2011 que nous sommes appelés à débattre de cette proposition.
À l’époque, vous aviez, monsieur le président de la commission, mis en évidence que la substitution ne garantissait pas la sécurité du patient, compte tenu de la spécificité des systèmes de diffusion du médicament, qui nécessitent un apprentissage du patient. Vous aviez été entendu et la proposition fut remise sur le métier. Celle qui est soumise à notre examen aujourd’hui permet, à mon sens, de lever ces réserves. La substitution ne sera possible qu’en initiation de traitement ou pour assurer la continuité d’un traitement déjà initié. J’ajoute qu’un tel dispositif est développé dans d’autres pays, sans aucun problème.
Enfin, s’agissant des médicaments génériques, nous ne pouvons pas rester indifférents à la dimension économique et aux réalités de l’emploi dans ce secteur. Nous ne pouvons pas non plus, cependant, placer le débat uniquement sur le terrain du chantage à l’emploi.
M. le président. Je mets aux voix l’article 43 bis.
(L'article 43 bis est adopté.)
Article 43 ter (nouveau)
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 5125-23-2, après le mot : « biologique », sont insérés les mots : « ou un médicament administré par voie inhalée à l’aide d’un dispositif » ;
2° Après l’article L. 5125-23-3, il est inséré un article L. 5125-23-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 5125-23-4. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 5125-23, le pharmacien peut délivrer, par substitution au médicament administré par voie inhalée à l’aide d’un dispositif prescrit, un médicament administré par voie inhalée lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Le médicament administré par voie inhalée délivré appartient au même groupe générique, défini au b du 5° de l’article L. 5121-1 ;
« 2° La substitution est réalisée en initiation de traitement ou afin de permettre la continuité d’un traitement déjà initié avec le même médicament administré par voie inhalée ;
« 3° Le prescripteur n’a pas exclu la possibilité de cette substitution ;
« 4° Le médicament prescrit figure sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ; cette substitution s’effectue dans les conditions prévues à l’article L. 162-16 du même code.
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution au médicament administré par voie inhalée prescrit un médicament administré par voie inhalée du même groupe, il inscrit le nom de la spécialité qu’il a délivrée sur l’ordonnance et informe le prescripteur de cette substitution.
« Le pharmacien assure la dispensation de ce même médicament administré par voie inhalée lors du renouvellement de la prescription ou d’une nouvelle ordonnance de poursuite de traitement.
« Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions de substitution du médicament administré par voie inhalée et d’information du prescripteur à l’occasion de cette substitution de nature à assurer la continuité du traitement avec la même spécialité, sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – Au cinquième alinéa de l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, la référence : « ou de l’article L. 5125-23-3 » est remplacée par les références : « , de l’article L. 5125-23-3 ou de l’article L. 5125-23-4 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 57 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 108 est présenté par M. Maurey, Mme Gourault, M. Cadic, Mme Doineau, M. Gabouty, Mme Gatel, M. Roche, Mme Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, de Montesquiou, Delahaye, Détraigne, D. Dubois, V. Dubois et J.L. Dupont, Mmes Férat, N. Goulet et Goy-Chavent, MM. Guerriau et L. Hervé, Mme Iriti, M. Jarlier, Mlle Joissains, Mme Jouanno, MM. Kern et Lasserre, Mmes Létard et Loisier, MM. Longeot, Luche, Marseille et Mercier, Mme Morin-Desailly et MM. Namy, Pozzo di Borgo, Tandonnet et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 57.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je partage l’essentiel des propos de M. Daudigny sur les médicaments génériques.
Le présent amendement vise à supprimer l’article 43 ter, qui a pour objet de permettre une substitution pour les médicaments dispensés par voie inhalée, principalement les antiasthmatiques, en initiation de traitement ou pour continuer un traitement amorcé avec un générique.
Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, la ministre de la santé avait déclaré : « Le Gouvernement est prêt à lancer une étude indépendante et à engager des démarches pour obtenir des baisses de prix. » Elle avait alors demandé le retrait d’un amendement ayant le même objet que le présent article.
Le laboratoire en cause nous a affirmé avoir baissé ses prix. Dans ces conditions, et sans qu’à sa connaissance de nouvelles données scientifiques aient été produites, votre commission ne voit pas les raisons qui justifient que cette mesure soit adoptée aujourd’hui.
Sous réserve des explications que fournira le Gouvernement, votre commission vous propose donc de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 108.
M. Gérard Roche. Cet amendement, identique au précédent, tend à supprimer l’article 43 ter.
Ce n’est pas un argument d’ordre médical, mais je précise que trois usines fabriquent ce médicament, respectivement dans l’Eure, dans l’Eure-et-Loir et dans le Nord, et que 1 500 emplois sont en jeu. Il est d’autant plus important de le souligner que le médicament substitutif est certainement moins efficace que l’inhalation, quand elle est utilisée à des fins médicales et non pas sportives (Mme Catherine Génisson s’esclaffe.), et elle est moins chère.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. De nombreuses discussions ont eu lieu sur le sujet les années précédentes. Ainsi, il y a deux ans, à l'Assemblée nationale, Marisol Touraine a insisté sur la spécificité des médicaments inhalés. En effet, la molécule ne suffit pas : l’efficacité est également liée à la façon dont le produit arrive dans les poumons et ne reste pas dans la bouche ou dans la trachée. C’est la raison pour laquelle elle avait demandé le retrait des amendements visant à autoriser la substitution pour mener une réflexion sur le sujet.
Plusieurs éléments entraient alors en ligne de compte.
D’abord, le Gouvernement avait engagé avec les laboratoires une procédure de baisse des prix. Il se trouve que les résultats ont été de moindre ampleur qu’attendu et le prix de ce médicament reste élevé, plus de 40 euros pour un flacon qui dure un mois.
Aujourd'hui, la position de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a évolué. Les experts considèrent la substitution possible à condition d’assurer une sécurité maximale pour les patients.
Ensuite, cet article tient compte des débats qui ont eu lieu l’année dernière sur les médicaments biosimilaires. La solution retenue apparaît plus adaptée aux contraintes de la substitution des médicaments inhalés, puisqu’elle en encadre strictement les modalités. Ainsi, la substitution sera réalisée uniquement en initiation de traitement, les patients déjà sous traitement ne seront pas concernés.
En outre, les conditions de cette substitution, les modalités d’information du prescripteur doivent encore être précisées par un décret en Conseil d’État.
Enfin, monsieur le rapporteur général, je rappelle que cette substitution est déjà pratiquée dans d’autres pays européens. Je ne sache pas que, dans ces pays, les asthmatiques se portent plus mal.
Il est extrêmement important d’encadrer, vous avez raison d’être vigilant, monsieur le rapporteur général. Néanmoins, le temps de la réflexion a passé et celui de l’action est venu. Cette substitution se développe en toute sécurité dans les autres pays. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose l’encadrement de la substitution de ces médicaments inhalés.
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote.
M. Bruno Gilles. Je ne suis pas convaincu par ce qui vient d’être dit, parce que, tous les ans, on prend des engagements et finalement on ne les tient pas. M. le rapporteur a rappelé, dans son amendement, que, dans le cadre du PLFSS de 2013, le ministre de la santé avait pris un engagement. Je rappelle qu’il y a deux ans, quasiment jour pour jour, en octobre 2012, à l'Assemblée nationale, un amendement au PLFSS visant à autoriser la substitution des produits respiratoires inhalés avait été retiré à la demande du Gouvernement. À l’époque, c’étaient les risques pour les patients en cas de substitution de médicaments non strictement similaires qui avaient justifié ce retrait, et plus particulièrement parce que la sécurité sanitaire et l’équilibre du contrôle de la maladie asthmatique et des bronchopneumopathies chroniques obstructives, plus communément connues sous le nom de BPCO, appelaient le strict respect des prescriptions ainsi que des systèmes d’inhalation. En contrepartie, il y avait un engagement sur des baisses de prix qui avait été mis en place sur la période 2013–2016. Et là, en plein milieu, on nous dit que l’on ne respecte pas les engagements de 2012 ni de 2013 et on nous sort – jusqu’à présent nous n’en avions pas entendu parler – des données médicales qui ne sont pas arrivées jusqu’à notre commission.
Je considère à titre personnel – mais j’attends bien sûr l’avis de notre rapporteur – qu’il faudrait maintenir cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Madame la secrétaire d’État, les arguments que vous avez avancés sont imparables. Vous avez en particulier indiqué que cette substitution était intéressante pour les primo-traitements. Cela étant, l’argument de notre collègue Gérard Roche sur la dimension économique du dispositif n’est pas anodin.
Aussi, je me demande, au-delà de ce que propose le Gouvernement, s’il ne serait pas utile de poursuivre les négociations avec les laboratoires pour parvenir à aligner le prix du médicament non générique sur celui du médicament générique. Le fait que soient en cause 1 500 emplois, qui plus est des emplois à haute qualification, est un argument de poids.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis très perplexe. Dans un premier temps, j’étais plutôt sensible à la possibilité de substituer le médicament d’origine par le médicament générique pour permettre la continuité du traitement. Cela étant, après avoir entendu les différents arguments, je m’interroge sur la véritable pertinence de cet article : est-elle financière ou médicale ? (M. le président de la commission des affaires sociales s’exclame.)
Bruno Gilles vient de le rappeler : voilà deux ans, la ministre de la santé affirmait qu’accepter une telle substitution entraînerait une certaine insécurité, notamment du point de vue du soin, et elle s’engageait à entamer des négociations pour faire baisser les prix.
Or, comme le Gouvernement n’a pas réussi à obtenir le prix souhaité pour permettre que ce traitement puisse continuer à être proposé au coût du générique, il accepte le principe du changement de traitement, mais on ne parle plus de la qualité du soin !
Par conséquent, alors que j’étais plutôt encline à voter cet article, je suis finalement tentée de suivre la position de la commission.
M. Bruno Gilles. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la secrétaire d’État, il faut poursuivre la négociation avec le laboratoire, sans doute même avec l’usine qui fabrique ce dispositif tout à fait particulier. En effet, ce qui importe, au-delà du produit lui-même, c’est l’utilisation et le mode d’administration de ce médicament qui sont tout à fait spécifiques et, j’imagine, brevetés. C’est un point important qui a été soulevé, notamment par Gérard Roche.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a demandé une baisse des prix de ce médicament compatible avec le maintien de sa fabrication en France. Vous sembliez dire que le prix souhaité n’avait pas été atteint. Dans ce cas, il faut continuer la négociation ! Je ne connais pas le sujet dans le détail, mais j’ai cru comprendre que le laboratoire, qui a négocié avec le Comité économique des produits de santé, le CEPS, était encore disposé à le faire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 et 108.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 43 ter est supprimé.
Article additionnel après l'article 43 ter
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. Houpert, est ainsi libellé :
Après l’article 43 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre VI du titre II du livre 1er de la cinquième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 5126-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5126-5-… - Les établissements de santé, les établissements médico-sociaux et les groupements de coopération sanitaire disposant d’une pharmacie à usage intérieur peuvent confier à un établissement pharmaceutique, par un contrat écrit fixant les engagements des parties, le stockage et la détention de certains de leurs produits de santé. La signature de ce contrat est soumise à autorisation préalable, qui entraîne la modification de l’autorisation initiale en application de l’article L. 5126-7.
« À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … de … financement de la sécurité sociale pour 2015, une pharmacie à usage intérieur peut confier à un établissement pharmaceutique par un contrat écrit, l’approvisionnement de certains de leurs produits de santé.
« Le contrat fixant les engagements des parties est soumis à autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé.
« Un décret en Conseil d’État fixe les catégories d’établissements pharmaceutiques pouvant assurer le stockage, la détention et l’approvisionnement des produits de santé pour le compte de la pharmacie à usage intérieur.
« Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe la liste des catégories de produits de santé qui ne peuvent faire l’objet du contrat mentionné aux premier et deuxième alinéas. »
II. – À l’issue d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un rapport au Parlement dressant le bilan du dispositif prévu au deuxième alinéa du I, réalisé à partir d’une évaluation conduite par la Haute Autorité de Santé portant notamment sur des indicateurs économiques et de qualité pharmaceutiques. Ce rapport propose les évolutions législatives découlant du bilan, notamment en ce qui concerne l’élargissement des dispositions relatives à l’approvisionnement par les établissements pharmaceutiques.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 44
I. – L’article L. 162-22-7-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« Art. L. 162-22-7-2. – Les tarifs nationaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 162-22-10 applicables aux prestations d’hospitalisation mentionnées à l’article L. 162-22-6 répondant aux conditions définies au deuxième alinéa du présent article sont minorés d’un montant forfaitaire, lorsqu’au moins une spécialité pharmaceutique mentionnée à l’article L. 162-22-7 est facturée en sus de cette prestation. Ce montant forfaitaire est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
« La minoration forfaitaire s’applique aux prestations d’hospitalisation pour lesquelles la fréquence de prescription de spécialités pharmaceutiques de la liste mentionnée au premier alinéa du I du même article L. 162-22-7 est au moins égale à 25 % de l’activité afférente à ces prestations et lorsque ces spécialités pharmaceutiques représentent au moins 15 % des dépenses totales afférentes aux spécialités inscrites sur cette même liste.
« La liste des prestations d’hospitalisation concernées est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
« Le montant de la minoration ne peut en aucun cas être facturé aux patients. »
II. – Le présent article s’applique à compter du 1er mars 2015.
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Cet amendement tend à supprimer l’article 44 qui prévoit la mise en place d’un mécanisme de pénalisation financière pour les hôpitaux qui recourent à certains médicaments inscrits sur la « liste en sus » au-delà d’un taux fixé.
En effet, selon l’exposé des motifs, cette mesure vise à renforcer le bon usage de ces produits et à garantir aux patients un accès aux produits les plus innovants. En pratique, elle peut être assimilée à un nouveau mécanisme d’encadrement financier, purement comptable, des prescriptions de médicaments pris en charge en sus de la tarification à l’activité, la T2A.
Or le recours des hôpitaux à cette liste de médicaments est déjà très fortement encadré. La loi prévoit en effet une baisse du taux de remboursement de ces produits aux établissements si la prescription ne respecte par les termes du contrat de bon usage, le remboursement des indus en cas de prescription hors du champ défini par le décret de bon usage, une limitation de l’inscription des produits sur la liste en sus par indications, mécanisme introduit par l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis est défavorable sur cet amendement de suppression de l’article.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je souhaite défendre dès à présent l’amendement n° 58.
M. le président. J’appelle en discussion l’amendement n° 58, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À titre expérimental, et pour une durée de deux ans après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement peut prévoir que les tarifs nationaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale applicables aux prestations d’hospitalisation mentionnées à l’article L. 162-22-6 du même code sont minorés d’un montant forfaitaire lorsqu’au moins une spécialité pharmaceutique mentionnée à l’article L. 162-22-7 dudit code est facturée en sus de cette prestation.
Les conditions de l’expérimentation, et notamment la détermination des prestations d’hospitalisation concernées, sont fixées par décret.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission préfère effectivement, à travers l’amendement n° 58, rendre expérimental le dispositif figurant à l’article 44, qui prévoit de valoriser financièrement les comportements de prescription limitée dans la liste en sus en instaurant une pénalité financière pour les établissements de santé dès lors qu’une spécialité est prescrite et facturée en sus de certaines prestations d’hospitalisation.
En effet, la rédaction extrêmement complexe proposée par le projet de loi ne pourra se traduire qu’au prix de contraintes de gestion très fortes pour les hôpitaux. En outre, cet outil ne paraît pas adapté à l’activité de certains établissements, notamment ceux qui sont spécialisés en cancérologie, qui recourent davantage que d’autres aux produits innovants et onéreux de la liste en sus et pourraient donc se voir pénalisés par le mécanisme proposé. Enfin, il existe d’autres instruments législatifs de régulation des dépenses de la liste en sus qui n’ont pas encore été appliqués.
Une expérimentation est donc nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 109 et 58 ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
La mesure prévue à cet article n’a absolument pas vocation à sanctionner les établissements ; ce n’est pas l’objectif visé. Il ne s’agit pas non plus d’une mesure de rendement, puisque ce sera financièrement neutre pour les établissements.
Le prix des médicaments figurant sur ce que l’on appelle la liste en sus croît très rapidement, avec une augmentation de plus de 7 % en 2013 et une tendance similaire en 2014. Il est donc impératif de mettre en place un mécanisme d’incitation à la prescription la plus efficiente, quand il existe des alternatives de performance thérapeutique égale, qui est financée dans les tarifs et donc beaucoup moins chère.
Le montant de la minoration sera intégré dans les tarifs dans la campagne de 2015. C’est pourquoi cette mesure est globalement neutre financièrement pour les établissements de santé à structure de prescription constante.
Quand vous prescrivez un médicament de la liste GHS, vous avez une majoration, quand vous prescrivez un médicament de la liste en sus, vous avez une minoration. Au total, le coût est neutre pour les établissements de santé.
En fait, l’objectif est de faire baisser le prix des médicaments de la liste en sus que le laboratoire facture à l’établissement de santé. Cette mesure n’est pas destinée à être mise en œuvre partout. Nous démarrons avec deux GHS d’oncologie. J’espère vous avoir rassuré sur ce point.
Pour finir, j’insiste sur le fait que ce dispositif n’entraîne absolument pas de perte de chance pour les patients. Les médicaments prescrits, quels qu’ils soient, restent bien entendu pris en charge intégralement et n’engendrent aucun surcoût pour les patients.
Encore une fois, je le répète, le dispositif est neutre pour les établissements de santé. L’objectif est simplement d’obtenir une régulation sur le prix des médicaments figurant sur la liste en sus.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je ne soutiens pas ces deux amendements.
Il faut savoir que les prescriptions de médicaments de la liste en sus représentent chaque année, en dépenses pharmaceutiques, entre 4 milliards et 5 milliards d’euros.
Il y a un problème manifeste. Si le dispositif qui sera instauré ne pénalise pas les établissements de santé, c’est parce qu’une partie des dépenses d’hospitalisation sont transférées à la médecine de ville, notamment aux dépenses pharmaceutiques. Cela donne un peu d’air aux établissements, qui encouragent leurs médecins à prescrire des médicaments de la liste en sus.
Enfin, madame la secrétaire d’État, il ne faut pas oublier la prescription hospitalière de sortie, dont l’incidence est considérable. Le médicament de la liste en sus délivré sur prescription hospitalière coûte beaucoup plus cher que son équivalent, s’il existe, avec AMM. Il y a là un gisement d’économies considérables pour la sécurité sociale, comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je vais être très claire : je suis tout à fait d’accord avec le dispositif prévu à l’article 44.
Toutefois, je pense qu’il ne faut pas caricaturer la situation. On s’adresse tout de même à des personnes souffrant de pathologies très lourdes. M. le rapporteur a évoqué l’oncologie, c'est-à-dire des pathologies cancéreuses. Dans ce secteur, la recherche et l’innovation débouchent sur des améliorations spectaculaires en termes de prise en charge et de traitements. Je pense aux thérapies géniques, aux traitements personnalisés pour les malades atteints de cancer. On ne prescrit pas des médicaments à ces patients, qui seront ensuite pris en charge en ambulatoire, pour le plaisir.
Certes, comme cela est constaté dans le rapport qu’a présenté le Gouvernement pour justifier la mesure prévue à l’article 44, il y a des comportements hétérogènes, des médicaments sont prescrits pour une AMM qu’ils n’ont pas, et il est donc certainement nécessaire de procéder à une rationalisation.
Pour autant, il faut savoir que, dans ce secteur, le budget ne peut pas aller en diminuant, car les pathologies prises en charge, telles que le cancer, sont extrêmement lourdes et nécessitent de la recherche et de l’innovation.
J’interprète aussi l’article 44 comme une exigence de qualité en matière de prescription. Je suis favorable à cet article, mais je pense qu’une expérimentation donnant lieu à un rapport d’évaluation du bien-fondé du dispositif est la bonne solution. C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement du rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je précise que je n’ai aucun lien avec l’un des grands bénéficiaires de ce dispositif ! (Sourires.)
Le dispositif de l’article 44 porte sur des sommes importantes. Les enjeux sont nombreux, notamment en termes de prise en charge de pathologies très lourdes et sur le plan financier.
La proposition de M. le rapporteur général consistant à accepter ce dispositif, mais à le rendre expérimental semble être un très bon compromis. Aussi, je me rallie à l’amendement qu’il a présenté et, en conséquence, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 109 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 58.
(L'amendement est adopté.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande l’examen en priorité de l’article 51 cet après-midi, à la reprise de la séance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. L’avis est favorable. Dans ces conditions, j’indique aux membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons à quinze heures pour prendre position sur cet article avant la reprise de la séance.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Mes chers collègues, nous avons examiné ce matin trente-trois amendements,…
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Trente-trois, c’est normal pour des médecins ! (Sourires. – Mlle Sophie Joissains applaudit.)
M. Bruno Gilles. Bravo !
M. le président. … soit une moyenne de neuf amendements à l’heure. Sachant qu’il nous en reste cent huit à examiner, je vous laisse calculer l’heure à laquelle nos travaux pourraient s’achever.
3
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 14 novembre 2014, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- la taxe spéciale sur les contrats d’assurance contre l’incendie (n° 2014–425 QPC) ;
- le droit de retenir des œuvres d’art proposées à l’exportation (n° 2014–426 QPC) ;
- l’extradition des personnes ayant acquis la nationalité française (n° 2014–427 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Organismes extraparlementaires
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à 96 désignations de sénateurs appelés à siéger au sein de 54 organismes extraparlementaires.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires économiques à présenter :
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain de Bure ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission nationale chargée de l’examen du respect des obligations de logements sociaux ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier ;
- deux candidats (deux titulaires) appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du Crédit maritime mutuel ;
- deux candidats (deux titulaires) appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement public des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration d’UBIFrance, Agence française pour le développement international des entreprises ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil national de la montagne ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la coopération ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois ;
- trois candidats (un titulaire et deux suppléants) appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de l’énergie ;
- et deux candidats (un titulaire et un suppléant) appelés à siéger au sein de l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à présenter :
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence française de développement ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut des hautes études de défense nationale ;
- et deux candidats (un titulaire, un suppléant) appelés à siéger au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales à présenter :
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse ;
- un candidat (un suppléant) appelé à siéger au sein de la Commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique ;
- un candidat (un suppléant) appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances ;
- un candidat (un suppléant) appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement public de santé national de Fresnes spécifiquement destiné à l’accueil des personnes incarcérées ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites ;
- trois candidats (trois titulaires) appelés à siéger au sein du Conseil d’orientation des retraites ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil national de la montagne ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la coopération ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil supérieur du travail social ;
- deux candidats (deux titulaires) appelés à siéger au sein du Haut conseil de la famille ;
- deux candidats (un titulaire, un suppléant) appelés à siéger au sein du Haut conseil du financement de la protection sociale ;
- deux candidats (deux titulaires) appelés à siéger au sein du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ;
- et un candidat (un suppléant) appelé à siéger au sein de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à présenter :
- un candidat (un suppléant) appelé à siéger au sein du Comité consultatif du Fonds pour le développement de la vie associative ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission scientifique nationale des collections ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut des Hautes études pour la science et la technologie ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) ;
- deux candidats (un titulaire, un suppléant) appelés à siéger au sein du conseil d’administration du conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ;
- et deux candidats (un titulaire, un suppléant) appelés à siéger au sein du Haut conseil des musées de France.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire à présenter :
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain de Bure ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité national de l’eau ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;
- deux candidats (deux titulaires) appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration du conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du conseil d’administration du Fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports ;
- un candidat (un suppléant) appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d’outre-mer ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ;
- deux candidats (deux suppléants) appelés à siéger au sein du Conseil national de la mer et des littoraux ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière ;
- trois candidats (trois titulaires) appelés à siéger au sein du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire (CNADT) ;
- et trois candidats (deux titulaires, un suppléant) appelés à siéger au sein du Haut comité de la qualité du service dans les transports.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des finances à présenter :
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité des prix de revient des fabrications de l’armement ;
- deux candidats (deux titulaires) appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;
- deux candidats (un titulaire, un suppléant) appelés à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence française de développement ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil d’administration du centre national d’art et de culture Georges Pompidou ;
- deux candidats (deux titulaires) appelés à siéger au sein du Conseil de l’immobilier de l’État ;
- un candidat (un suppléant) appelé à siéger au sein du Conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation des retraites ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire (CNADT) ;
- deux candidats (un titulaire, un suppléant) appelés à siéger au sein du Haut conseil du financement de la protection sociale ;
- et un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale à présenter :
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein de la Commission nationale de vidéoprotection ;
- deux candidats (un titulaire, un suppléant) appelés à siéger au sein du Conseil consultatif des terres australes et antarctiques françaises ;
- un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire (CNADT) ;
- et un candidat (un titulaire) appelé à siéger au sein du Conseil supérieur des archives.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
5
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
6
Financement de la sécurité sociale pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Nous poursuivons la discussion des articles.
À la demande du Gouvernement, nous allons examiner par priorité, au sein du chapitre VII, l’article 51.
Article 51 (priorité)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du 1°, après le mot : « plasma », sont insérés les mots : « dans la production duquel n’intervient pas un processus industriel, quelle que soit sa finalité, » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Du plasma à finalité transfusionnelle dans la production duquel intervient un processus industriel, régi par le livre Ier de la cinquième partie ; »
c) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Des médicaments issus du fractionnement du plasma régis par le livre Ier de la cinquième partie ; »
2° Le premier alinéa de l’article L. 1221-9 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe les tarifs :
« a) De cession des produits sanguins labiles, à l’exception des plasmas à finalité transfusionnelle ;
« b) De conservation en vue de leur délivrance et de délivrance des plasmas à finalité transfusionnelle relevant des 1° ou 2° bis de l’article L. 1221-8 par les établissements de transfusion sanguine. » ;
3° L’article L. 1221-10 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation aux articles L. 4211-1 et L. 5126-1, les activités de conservation en vue de leur délivrance et de délivrance des plasmas mentionnés au 2° bis de l’article L. 1221-8 sont effectuées soit par un établissement de transfusion sanguine, soit par un établissement de santé autorisé à cet effet dans des conditions définies par décret. » ;
4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1221-10-2, après le mot : « labiles », sont insérés les mots : « et les plasmas mentionnés au 2° bis de l’article L. 1221-8 » ;
5° L’article L. 1221-13 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et de plasma mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8, ce dernier produit demeurant également soumis au chapitre Ier bis du titre II du livre Ier de la cinquième partie » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « labiles », sont insérés les mots : « et du plasma mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8 du présent code » ;
6° L’article L. 1222-8 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « de la cession des » sont remplacés par les mots : « des activités liées aux » ;
b) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les produits des activités liées au plasma mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8 ; »
7° Après la première phrase du second alinéa de l’article L. 1223-1, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces établissements conservent en vue de leur délivrance et délivrent les plasmas mentionnés au 2° bis de l’article L. 1221-8, dans les conditions fixées au II de l’article L. 1221-10. » ;
8° L’article L. 5121-1 est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° Médicament dérivé du sang, tout médicament préparé industriellement à partir du sang et de ses composants. Ils sont soumis au présent titre, sous réserve des dispositions spécifiques qui leur sont applicables. Ils comprennent notamment :
« a) Les médicaments issus du fractionnement du plasma ;
« b) Le plasma à finalité transfusionnelle dans la production duquel intervient un processus industriel. » ;
9° L’article L. 5121-3 est abrogé ;
10° Après l’article L. 5126-5-1, il est inséré un article L. 5126-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5126-5-2. – I. – Par dérogation aux articles L. 4211-1 et L. 5126-1, les activités de conservation en vue de leur délivrance et de délivrance des médicaments définis au b du 18° de l’article L. 5121-1 sont effectuées soit par un établissement de transfusion sanguine, soit par un établissement de santé autorisé à cet effet dans les conditions mentionnées au II de l’article L. 1221-10.
« II. – Tout contrat d’achat de plasma à finalité transfusionnelle mentionné au 2° bis de l’article L. 1221-8 conclu entre un établissement pharmaceutique et un établissement de santé doit comporter, à peine de nullité, des clauses permettant de mettre en œuvre et de respecter les obligations de conservation en vue de la délivrance et de délivrance mentionnées au I du présent article. »
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. À la suite de la demande du Gouvernement, nous examinons par priorité l’article 51. J’avais demandé aux membres de la commission des affaires sociales de se réunir dix minutes avant la reprise de la séance – c’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes arrivés un peu en retard, monsieur le président, madame la ministre, et nous vous prions de nous en excuser – pour essayer de trouver une solution, mais nous n’y sommes pas complètement parvenus.
Nous n’avons pu nous mettre d’accord que sur un point, monsieur le président : la commission souhaite que vous appeliez par priorité l’amendement n° 255, afin que nous puissions ensuite engager la discussion sur ce sujet.
M. le président. Je suis saisi d’une demande de priorité de la commission des affaires sociales sur l’amendement n° 255, à l’article 51, afin qu’il soit examiné avant les amendements de suppression de cet article.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je suis ici pour suivre les travaux tels que le souhaite le Sénat. Par conséquent, j’accède bien volontiers à la demande de la commission.
M. le président. La priorité est de droit.
Nous allons donc examiner l'amendement n° 255, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par les mots :
à condition de respecter le régime applicable aux médicaments dérivés du sang, en obtenant une autorisation de mise sur le marché et en respectant les exigences tenant au caractère volontaire, anonyme et gratuit des dons de sang, à la majorité du donneur et au dépistage des maladies transmissibles, prévues par le code de la santé publique
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avant de présenter cet amendement, si nous voulons que le débat puisse avoir lieu sereinement, il me semble que quelques explications préalables s’imposent sur cet article 51, qui concerne le don du sang.
En effet, le sang humain est une ressource rare, qui permet de soigner plus de 1 million de patients par an en moyenne en France, et ce grâce au geste de 1,7 million de donneurs bénévoles.
Le sang humain permet de produire deux catégories de produits à finalité thérapeutique : les produits sanguins labiles et les médicaments dérivés du sang.
Le présent article vise à donner au plasma thérapeutique le statut de médicament, ce qui, nous semble-t-il, ouvre la voie à sa commercialisation. Or, jusqu’à maintenant, et en dépit d’une directive européenne, la France continuait de considérer le plasma thérapeutique comme un produit sanguin labile. Condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, elle accorde désormais, par la voie de cet article, le statut de médicament au plasma thérapeutique.
C’est pourquoi, à nos yeux, la mise en œuvre de l’article 51 comporte trois principaux risques : un risque éthique, un risque sécuritaire et, surtout, un risque concernant l’autosuffisance.
Par ailleurs, cet article prévoit que l’Établissement français du sang, l’EFS, conserve et distribue du plasma d’origine non éthique, ce qui est contraire à ses missions.
Cette ouverture à la concurrence est lourde de conséquences pour l’EFS, qui devra se réorganiser et recentrer son activité sur d’autres procédés. De même, la collecte de plasma bénévole en France va diminuer malgré un accroissement des besoins nationaux et internationaux, et la présence territoriale de l’EFS s’en trouvera remise en cause.
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, et bien conscients que nous ne pouvons pas supprimer cet article, puisqu’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne impose son application, nous avons décidé de déposer cet amendement, qui vise à introduire un minimum d’exigences éthiques dans cet article.
D’abord, il nous semble que les associations de donneurs de sang doivent être associées à la réflexion menée par le Gouvernement, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.
Surtout, l’éthique et la maîtrise du risque doivent guider le Gouvernement dans la transposition de la directive européenne mentionnée. Selon nous, il n’est en effet pas concevable que l’EFS, dont l’une des missions est de « veiller au strict respect des principes éthiques par l’ensemble de la chaîne transfusionnelle », soit mis dans l’obligation de conserver et de distribuer un produit non éthique, qui plus est fabriqué par des laboratoires étrangers.
Nous connaissons bien, en France, les conséquences dramatiques qui peuvent résulter des errements en matière de politique du sang. Nous avons créé l’EFS et le LFB, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, pour ne pas répéter les erreurs de 1993 ; n’affaiblissons pas ces établissements.
Il s’agit donc non pas de supprimer cet article, mais de le compléter par un alinéa qui permettrait de faire entrer en vigueur en quelque sorte une charte éthique. Je vous rappelle d’ailleurs qu’une telle charte a déjà été instaurée, sur l’initiative du député Olivier Véran, par la loi du 24 février 2014 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé, dite loi « DADU santé », afin d’identifier clairement les médicaments dérivés du sang issu de plasma non rémunéré. Cette charte a été défendue au Sénat par notre ancien collègue Jacky Le Menn.
L’adoption de cet amendement nous permettrait donc de voter cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le sujet est complexe !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avons affaire, en effet, à un sujet extrêmement complexe.
Votre position, madame David, est partagée par beaucoup de nos collègues, pour ne pas dire par tous, qui sont attachés au principe du don gratuit et ils soulignent que cela ne règle pas les problèmes de compatibilité avec le droit de la concurrence.
L’article 51 tire les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a considéré que les plasmas thérapeutiques dans l’élaboration desquels entre un processus industriel sont des médicaments – cela répond à un certain nombre de remarques – et qu’ils ne peuvent donc relever du monopole de l’EFS en matière de produits sanguins labiles.
Notons d’abord que les produits sanguins stables sont déjà des médicaments au sens du droit et sont donc soumis à autorisation de mise sur le marché et au droit de la concurrence. L’article 51 tend donc à limiter les effets de cet arrêt en prévoyant que les plasmas thérapeutiques restent soumis aux règles de sécurité de l’hémovigilance, ce qui répond à une autre interrogation de nos collègues sénateurs.
Avec les auteurs des amendements de suppression, je regrette que les plasmas issus de dons éthiques soient désormais soumis à la concurrence de ceux qui n’en sont pas issus. Toutefois, je constate que, si les clauses éthiques ne figurent pas dans les contrats, rien – hormis, dans certains cas, l’intérêt supérieur des malades – n’oblige les établissements hospitaliers à acheter des plasmas préparés à partir de dons rémunérés.
Je rappelle que l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, exerce un contrôle renforcé sur les produits sanguins qui relèvent de sa compétence. La traçabilité de chaque lot est assurée par l’Agence. Elle permet d’identifier les prélèvements sanguins à partir desquels a été fabriqué un lot donné de médicaments ainsi que les lots qui ont été fabriqués à partir de prélèvements sanguins donnés et les lots dont proviennent les médicaments administrés à un patient. Il existe donc un suivi parfait de ces produits et de leur usage.
Enfin, je tiens à insister sur le fait que la suppression de cet article ne réglerait rien : le juge national qui applique la jurisprudence européenne se contenterait de condamner la France à payer des dommages-intérêts aux entreprises qui produisent le plasma concurrent de celui qui est issu des dons français. Nous n’aurions donc rien gagné.
Voilà, mes chers collègues, la position à laquelle les membres de la commission sont parvenus après avoir écouté les uns et les autres et s’être creusé un peu la tête sur ce qui constitue un problème de fond : la possible remise en cause du principe éthique du don gratuit, principe qui, jusqu’à présent, a toujours prévalu en France et qui, je crois, est défendu par tous dans cet hémicycle.
Pour toutes ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Avant de donner l’avis du Gouvernement, je voudrais revenir sur la situation à laquelle nous répondons à travers cet article.
En effet, lors de la préparation des débats, j’ai rencontré des parlementaires, dont certains sont présents ici, et d’autres interlocuteurs qui, et je le comprends fort bien, m’ont fait part de leurs inquiétudes et de leurs interrogations sur la situation actuelle et sur l’avenir du don éthique à la suite des décisions qui ont été prises et sur lesquelles je vais revenir.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur général, nous sommes d’abord face à une situation juridique qui s’impose à nous. Et je veux commencer par réaffirmer l’attachement de la France aux conditions dans lesquelles le prélèvement du sang est réalisé, et donc aux principes qui encadrent notre système.
Celui-ci repose sur trois piliers : tout d’abord, la sécurité sanitaire que nous devons aux receveurs, et, à quelques jours du triste anniversaire de la crise du sang contaminé, nous devons plus que jamais rappeler l’engagement qui est le nôtre à garantir cette sécurité sanitaire ; ensuite l’autosuffisance ; enfin, le don éthique.
Ce sont ces principes qui garantissent la qualité et la sécurité des produits mis à la disposition des professionnels de santé et des malades. Tel est le cadre qui a existé et qui continue d’exister, tels sont les principes, les valeurs, les engagements qui sont ceux de la France, mais qui, disons-le, ne sont pas partagés par tous les pays.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à deux décisions de justice, l’une de la Cour de justice de l’Union européenne, l’autre du Conseil d’État, qui ont requalifié le plasma solvant détergent, ou plasma SD, en médicament, alors qu’il était jusqu’à présent considéré comme un produit sanguin labile, c’est-à-dire un produit qui pouvait être produit et mis à disposition par l’Établissement français du sang, au même titre que d’autres types de plasmas.
Sans entrer dans les détails, il existe trois types de plasmas, et ces décisions juridiques ne portent que sur le plasma SD, qui était jusqu’à maintenant prélevé et produit par l’Établissement français du sang. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a été confirmée, avec à la clef des conséquences très concrètes sur lesquelles je vais revenir, par le Conseil d’État, a consisté à requalifier ce plasma SD non plus comme un produit sanguin labile, mais comme un médicament.
Ces décisions vont induire des changements qui toucheront en premier lieu des acteurs institutionnels, notamment l’Établissement français du sang. Je comprends parfaitement les inquiétudes qui naissent de cette décision. Nous devons évidemment faire en sorte que cette évolution du droit ne désorganise pas du jour au lendemain la délivrance des produits transfusionnels, ce qui pourrait donner lieu à des difficultés.
Dans son arrêt, le Conseil d’État a fixé une période de transition qui court jusqu’au 1er février 2015. Que se passera-t-il à compter de cette date ? D’abord, l’Établissement français du sang ne pourra plus produire de plasma SD, pour la simple raison qu’il n’a pas le statut d’établissement pharmaceutique. En revanche, il conservera le monopole de la collecte du sang dans notre pays et continuera à proposer les deux autres types de plasmas qui n’ont pas le statut de médicament, à savoir le plasma inactivé, ou plasma IA, et le plasma sécurisé par quarantaine, ou plasma SE.
Concrètement, à partir du 1er février 2015, l’Établissement français du sang conservera le monopole de la collecte – il sera toujours en charge des prélèvements – et pourra produire deux plasmas sur trois. Quant au plasma SD, sa requalification en médicament fait qu’il ne pourra être produit que par des établissements pharmaceutiques. L’Établissement français du sang n’ayant pas ce statut d’établissement pharmaceutique, il ne pourra plus produire ce plasma SD.
À partir de là, nous devons évidemment adapter le statut juridique de ce plasma, en mettant en place un dispositif qui permette d’assurer, dès le 1er février 2015, un haut niveau de sécurité pour les patients transfusés. Il est impératif de garantir un système qui intègre en toute sécurité des produits transfusionnels relevant de statuts juridiques différents, lesquels feront d’ailleurs l’objet d’une vigilance différenciée, le mécanisme de vigilance n’étant pas le même selon que l’on parle d’un médicament ou d’un produit autre qu’un médicament.
Le choix a été fait, provisoirement, de maintenir le plasma SD dans la filière des produits sanguins labiles et d’assurer un double suivi de ce plasma, à la fois en pharmacovigilance et en hémovigilance, pour des raisons de sécurité de la chaîne transfusionnelle, de logique de distribution, de délivrance et de conseil transfusionnel.
Nous allons ensuite avoir à examiner des demandes d’autorisations de mise sur le marché de produits SD. Nous avons d’ailleurs déjà été saisis d’une telle demande de la part d’une entreprise (Mme Catherine Génisson s’exclame.), celle qui avait introduit et gagné le recours devant le Conseil d’État.
Je précise que l’exigence de respect des principes du don éthique sera inscrite noir sur blanc dans le cahier des charges qui sera élaboré pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché.
Je veux donc rassurer publiquement et solennellement la représentation nationale sur ce point : l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé inscrira cette exigence de don éthique dans le cahier des charges, et a déjà commencé à travailler en ce sens.
J’en viens maintenant à votre amendement, madame David : pouvons-nous aller jusqu’à imposer par la loi le respect de cette condition ? Je souhaiterais pouvoir le faire, et je ne m’interroge nullement sur la légitimité de votre demande. La seule difficulté à laquelle je me heurte au moment d’émettre un avis sur votre amendement est d’ordre juridique. En effet, la directive 2002/98/CE indique explicitement que l’on peut promouvoir le don éthique, mais pas l’imposer. La disposition serait donc contraire au droit européen. Elle ne pourrait certes pas être censurée par le Conseil constitutionnel, qui n’est pas juge de la compatibilité du droit national avec les textes européens, mais pourrait à l’occasion être attaquée par un quelconque organisme devant une autre juridiction.
Je comprends donc à 300 %, si j’ose m’exprimer ainsi, votre démarche, madame la sénatrice. Elle rencontre d’ailleurs celle du Gouvernement, qui a prévu d’inscrire dans le cahier des charges cette exigence.
C’est pourquoi je vous proposerais volontiers, madame David, de nous entendre sur un sous-amendement à l’amendement n° 255, qui, après les mots « en obtenant une autorisation de mise sur le marché », ajouterait les termes « qui respecte l'article L. 5121–11 du code de la santé publique et les exigences prévues par la directive 2002/98/CE », à la fin de l’alinéa 3 de l’article 51.
Ainsi, en cas de présence de sang non éthique, l’AMM ne pourrait être délivrée qu’en cas d’urgence, si nous étions confrontés à une situation de rupture d’approvisionnement.
Cette rédaction aurait l’avantage de ne pas s’opposer frontalement à la rédaction de la directive. Sinon, à un moment ou à un autre, cela ne passera pas sur le plan juridique. Quoi qu’il en soit, j’ai du mal à me résoudre à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Si je comprends bien, madame la ministre, vous proposez une nouvelle rédaction de l’amendement n° 255, à travers un sous-amendement. Dans l’attente de connaître la formulation définitive de ce dernier, je vous propose, mes chers collègues, de différer l’examen de l’article 51,…
Mme Nicole Bricq. Non !
M. le président. … de manière que vous puissiez disposer de la version définitive du sous-amendement proposé par le Gouvernement. (Mme Nicole Bricq proteste.) Madame Bricq, je vous en prie ! La commission pourrait peut-être se réunir avant la reprise de nos travaux ce soir pour que vous puissiez, mes chers collègues, vous prononcer en toute connaissance de cause sur cette proposition.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il semblerait que le sous-amendement du Gouvernement soit en cours d’impression. Je sollicite toutefois cinq minutes de suspension de séance, monsieur le président, afin que les membres de la commission puissent se réunir pour en discuter. En effet, je ne peux pas me prononcer à leur place.
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Je voulais juste savoir ce que vous entendiez exactement par « don éthique », madame la ministre.
M. le président. Je vous propose que nous reprenions cette discussion lors de l’examen du sous-amendement, madame Cayeux.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 329, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
de mise sur le marché
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
qui respecte l'article L. 5121–11 du code de la santé publique et les exigences prévues par la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003, établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain, et des composants sanguins, et modifiant la directive 2001/83/CE.
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission, qui vient de se réunir, a émis un avis favorable sur le sous-amendement n° 329.
Nous remercions Mme la ministre d’avoir entendu nos demandes. Sa proposition satisfait notamment l’une des conditions qui nous paraissait essentielle, à savoir le don éthique, le don gratuit, du sang.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 255 ainsi sous-amendé.
J’en profite pour répondre à Mme Cayeux. Le don éthique, madame la sénatrice, est un don gratuit, anonyme et bénévole. Il est des pays dans lesquels le don est rémunéré ou indemnisé et l’anonymat n’est pas garanti. L’ensemble de ces conditions constitue le système français, qui est assez particulier.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 329.
Mme Catherine Génisson. Je remercie nos collègues du groupe CRC d’avoir présenté cet amendement qui nous aide à voter cet article, ainsi que Mme la ministre de nous permettre de respecter le sujet tout à fait fondamental du don éthique.
Madame la ministre, vous nous avez indiqué que l’Établissement français du sang aurait interdiction de produire le plasma SD à partir du 31 janvier 2015, n’étant pas établissement pharmaceutique.
Je souhaiterais tout d’abord savoir si l’Établissement français du sang peut acquérir cette compétence, et à quelles conditions ? Le souhaite-t-il ?
Par ailleurs, pourriez-vous d'ores et déjà nous dire si des laboratoires étrangers ont sollicité une autorisation de mise sur le marché ? Nous sommes bien évidemment tous attachés au fait que nos concitoyens ne doivent subir aucune rupture de soins.
Sachant que l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché prend un certain temps, ces laboratoires étrangers bénéficieront-ils d’une autorisation temporaire d’utilisation ?
Pour la petite histoire, je voudrais rappeler que la condamnation de la France par la Cour de justice de l’Union européenne est due au laboratoire qui va être le premier candidat pour nous fournir ce fameux plasma SD.
Je souhaitais également vous interroger sur l’Établissement français du sang. La production de ce plasma représentant 20 % à 25 % de son activité, cette interdiction va entraîner une restructuration très importante, alors même que nous connaissons la qualité de cet établissement dans ses différentes compétences, qu’il s’agisse de la collecte, de la fabrication ou de la délivrance.
Enfin, concernant le don éthique, merci d’avoir proposé ce sous-amendement, que nous allons sans doute adopter. Au-delà de l’aspect éthique – le fait qu’il s’agisse d’un don gratuit, anonyme et bénévole –, c’est un sujet de santé publique.
En effet, plus on diversifie l’origine du don, plus il y a de partenaires dans le don, plus on court le risque de multiplier les problèmes.
Je prendrai un exemple. Notre collègue Laurence Cohen évoquait hier le sujet des problèmes infectieux en milieu carcéral, en particulier pour le VIH et l’hépatite C. Or, lorsque le drame du sang, singulièrement avec la contamination VIH, a éclaté, les centres de transfusion du Nord et du Pas-de-Calais ont été beaucoup moins touchés que les autres centres de France, car ils avaient interdit le prélèvement en milieu carcéral.
Tout cela pour dire que plus on étend l’éventail de donneurs, qu’il s’agisse d’un don gratuit et anonyme ou non, plus on prend de risques en matière de santé publique.
Je pense qu’il faudra, s’agissant de l’application de la disposition prévue par le sous-amendement, se montrer très strict pour faire respecter le don gratuit et bénévole, c’est-à-dire le don éthique. Et s’il est à l’honneur de la France de promouvoir ce don, peut-être pourrions-nous également porter ce sujet au niveau européen. Mais je suis persuadée, madame la ministre, que vous le faites déjà.
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote.
M. Bruno Gilles. Madame la ministre, je ferai deux remarques, sans être très long puisque nous sommes nombreux à intervenir.
Premièrement, dans le cadre de ce sous-amendement, pouvez-vous nous confirmer que nous ne sommes pas ici dans une remise en cause totale des principes affirmés et régulièrement réaffirmés depuis la loi n° 93–5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament, votée bien sûr à la suite du scandale du sang contaminé.
Deuxièmement, il faut rappeler qu’à la fois l’Organisation mondiale de la santé – l’OMS –, le Conseil européen, la fédération internationale de la Croix-Rouge et le Croissant Rouge prônent la généralisation du système actuel « à la française », l’OMS ayant même dit de se fixer comme objectif d’atteindre 100 % de dons volontaires et non rémunérés, y compris pour les médicaments dérivés du plasma, en 2020.
Alors que toutes ces organisations, et non des moindres, louaient le système « à la française », peut-on tenir compte de leur recommandation ou tout est-il remis à plat par cet article ? Le fait qu’il soit nécessaire de se mettre en conformité juridique, nous le comprenons bien évidemment.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Sur le fond, nous nous en remettons à la sagesse des commissaires de la commission.
Toutefois, d’un point de vue légistique, ces mesures sont totalement d’ordre réglementaire.
Il eût été préférable de dire aux auteurs de l’amendement, madame la ministre, que vous prendriez par voie réglementaire les mesures de normes, de qualité et de sécurité pour la collecte et le contrôle.
En réalité, même s’il existe des directives européennes, elles interviennent dans le domaine législatif comme dans le domaine réglementaire. Mais, en l’occurrence, nous sommes totalement dans le domaine réglementaire. Or, à ma connaissance, les articles 34 et 37 de notre Constitution n’ont pas encore été supprimés. On nous accuse de toujours nous mêler un peu trop des choses.
Je crois qu’à trop vouloir la détailler, on ôte à la loi beaucoup de son efficacité. Il aurait été préférable, madame la ministre, que vous preniez simplement un engagement, plutôt que de présenter un sous-amendement à un amendement dans lesquels les non-membres de la très compétente commission des affaires sociales ont un peu de mal à s’y retrouver.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas vrai !
M. Francis Delattre. Aussi, nous voterons dans le sens souhaité par les membres de la commission, parce que nous leur faisons confiance. Toutefois, d’un point de vue purement législatif, – nous sommes la seconde chambre du Parlement, nous voulons tous sauver le bicamérisme – la moindre des choses serait de légiférer correctement. (Applaudissements sur les travées du groupe UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Merci pour nous !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Sur ce dossier, nous avions quatre préoccupations principales : la première portait sur la permanence du soin, car les risques de rupture de stock sont une réalité ; la deuxième concernait la pharmacovigilance ; la troisième consistait en un problème de conformité juridique à la législation européenne ; le quatrième, enfin, était un problème d’éthique.
Après l’introduction faite par notre collègue Annie David et la réponse très précise de Mme la ministre et sa proposition de rédaction consensuelle, les membres du groupe UDI-UC vont bien sûr voter cette disposition, notre amendement n° 110 devenant sans objet.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je souscris à ce qui vient d’être proposé.
Vos remarques, madame la ministre, me poussent seulement à vous demander quelques précisions. Vous avez dit que, si l’EFS pourrait continuer de collecter le plasma SD, il ne pourrait en revanche plus en produire, n’étant pas un établissement pharmaceutique. Dès lors, une des solutions pour revaloriser le statut de l’EFS, pour en faire en quelque sorte l’égal des laboratoires industriels, ne serait-elle pas de faire de lui un établissement pharmaceutique ?
Mme Laurence Cohen. C’est ce que vient de proposer Catherine Génisson !
M. René-Paul Savary. Alors, nous avons la même question !
Mme Isabelle Debré. Tout arrive ! (Sourires.)
M. René-Paul Savary. Peut-être aurons-nous la même réponse… (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais répondre aux questions qui viennent de m’être posées.
Je tiens d’abord à rassurer M. Gilles : nous ne modifions pas le cadre législatif général dans lequel s’inscrivent la collecte du sang ou les pratiques de transfusion ; tout ce qui est lié, en somme, à la sécurité sanitaire. Rien ne change ! L’article 51 est limité dans son objet : il s’agit seulement de tirer les conséquences d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur la question du plasma SD, lequel a désormais statut de médicament.
L’OMS considère que le système français est un exemple à suivre ; sa recommandation, que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, va en ce sens. Nous ne pouvons pas faire beaucoup plus que d’encourager nos voisins à la suivre ! La France, quant à elle, non seulement la suit, mais c’est même elle qui, en quelque sorte, l’a suscitée. Nous sommes donc plus qu’en accord avec l’OMS.
Il est vrai, monsieur Delattre, qu’il s’agit de dispositions de nature réglementaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 51, dans sa version initiale, ne les prévoyait pas. Je ne peux néanmoins rester insensible aux préoccupations très fortes qui ont été exprimées, tant le sujet est complexe, dans les deux chambres du Parlement comme à l’extérieur, par un certain nombre d’associations, notamment les associations de donneurs.
En tout cas, je souhaite que le débat extrêmement intéressant que nous avons ici même serve de caisse de résonnance, afin de rassurer les donneurs, les receveurs et nos concitoyens.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Et aussi l’EFS !
Mme Marisol Touraine, ministre. J’en viens, enfin, à la question portant sur le statut de l’EFS, qui est de bon sens. Cependant, l’EFS est très loin d’avoir les caractéristiques lui permettant d’être considéré comme un établissement pharmaceutique. Cela ne signifie pas que la transition vers ce statut ne pourrait pas se faire ; elle prendrait en revanche un temps certain. Elle serait, en tout cas, beaucoup plus longue que la période à laquelle nous sommes confrontés. Elle appellerait d’ailleurs la mise en place de procédures différentes, des recrutements de pharmaciens ou encore des aménagements matériels.
La question ne peut donc pas être écartée, même si l’EFS lui-même ne semblait pas considérer comme facile pour lui de s’engager dans cette direction. Cette réflexion doit avoir lieu, mais, si la décision devait être prise d’aller dans ce sens, je le répète, nous n’aboutirions pas avant une période assez longue. (M. Claude Dilain opine.)
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 21 rectifié ter, 82 rectifié bis, 88, 110, 121 rectifié, 132 rectifié bis, 144 rectifié et 254 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L’amendement n° 21 rectifié ter était présenté par MM. Joyandet et Mayet.
L’amendement n° 82 rectifié bis était présenté par M. Grand.
L’amendement n° 88 était présenté par M. Raison.
L’amendement n° 110 était présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Bonnecarrère, Jarlier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L’amendement n° 121 rectifié était présenté par MM. Rachline et Ravier.
L’amendement n° 132 rectifié bis était présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert, Savary, Revet, Bouchet et Genest.
L’amendement n° 144 rectifié était présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
L’amendement n° 254 était présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces huit amendements étaient ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote, à la demande de mon collègue François Zocchetto : hier, lors du scrutin n° 23 sur les amendements identiques nos 9 rectifié bis, 84 rectifié, 197 rectifié et 234 tendant à supprimer l’article 14, il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Article 51 (priorité) (suite)
M. le président. L’amendement n° 146 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, et dont la preuve est apportée qu’il est issu de donneurs bénévoles
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 146 rectifié est retiré.
L’amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 14 et 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je retire également cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 147 rectifié est retiré.
L’amendement n° 133 rectifié, présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert, Savary, Revet et Genest, est ainsi libellé :
Alinéas 15 et 32
Avant les mots :
Par dérogation
insérer les mots :
Jusqu’au 1er janvier 2016,
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Je le retire.
M. le président. L’amendement n° 133 rectifié est retiré.
L’amendement n° 65, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase
Remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous avons ainsi achevé l’examen de l’article 51, appelé par priorité. Nous reprenons donc le cours normal de la discussion des articles.
Chapitre IV (suite)
Promotion de la pertinence des prescriptions et des actes
Article 44 bis (nouveau)
L’article L. 162-30-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – L’État arrête, chaque année, un taux prévisionnel de prescription, par les professionnels de santé exerçant au sein des établissements publics de santé et des établissements de santé mentionnés à l’article L. 162-22-6, des médicaments mentionnés au premier alinéa de l’article L. 162-17 du présent code et appartenant au répertoire des groupes génériques mentionné au b du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique. Ce taux est arrêté sur recommandation du conseil de l’hospitalisation, sur la base de l’analyse de l’évolution nationale annuelle du nombre d’unités de conditionnement de ces médicaments rapporté au nombre d’unités de conditionnement des médicaments mentionnés au premier alinéa de l’article L. 162-17 du présent code prescrits par les professionnels de santé exerçant au sein des établissements publics de santé et des établissements de santé mentionnés à l’article L. 162-22-6. » ;
3° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;
b) Après le mot : « patientèle », sont insérés les mots : « ou que le taux de prescription des médicaments mentionnés au II du présent article affiche une valeur inférieure au taux prévisionnel mentionné au même II, non justifiée au regard de l’activité ou de la patientèle de l’établissement » ;
4° Le troisième alinéa est complété par les mots : « , en fonction du ou des manquements constatés aux objectifs respectivement définis au I et au II » ;
5° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Un objectif de progression du volume de prescription des médicaments mentionnés au premier alinéa de l’article L. 162-17 et appartenant au répertoire des groupes génériques, résultant des prescriptions des médecins exerçant leur activité au sein de l’établissement, corrélé à son activité et à sa patientèle, en lien avec le taux prévisionnel mentionné au II du présent article ; »
6° Au début du 2°, sont ajoutés les mots : « Et, dans tous les cas, » ;
7° Au début du sixième alinéa, est ajoutée la mention : « IV. – » ;
8° Après le septième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Si, à la fin de chacune des trois années de durée du contrat, il est constaté que l’établissement de santé n’a pas atteint son objectif mentionné au 1° bis du III, l’agence régionale de santé peut enjoindre à l’établissement, après qu’il a été mis en mesure de présenter ses observations, de verser à l’organisme local d’assurance maladie une fraction du montant des dépenses correspondant à l’écart entre le taux réalisé de prescription, par les médecins exerçant leur activité au sein de l’établissement, de médicaments mentionnés au II et l’objectif de progression du volume de prescription desdits médicaments prévu au contrat.
« Le cas échéant, les montants des versements définis aux deuxième et troisième alinéas du présent IV peuvent se cumuler, dans la limite définie au premier alinéa. » ;
9° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « objectif », sont insérés les mots : « de réduction du taux d’évolution des dépenses mentionnées au I ou par rapport à l’objectif de progression du volume de prescription des médicaments mentionnés au II ». – (Adopté.)
Article 45
I. – L’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’organisme local d’assurance maladie refuse les demandes de conventionnement des entreprises de taxis lorsque le nombre de véhicules faisant l’objet d’une convention dans le territoire excède un nombre fixé par le directeur général de l’agence régionale de santé pour le territoire concerné sur le fondement de critères tenant compte des caractéristiques démographiques, géographiques et d’équipement sanitaire du territoire ainsi que du nombre de véhicules affectés au transport de patients. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II (nouveau). – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 162-1-14-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».
M. le président. L’amendement n° 159, présenté par M. Cadic, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
taxis
insérer les mots :
et de voitures de transport avec chauffeur
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa du B du III de l’article 39 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 est complété par les mots : « et de voiture de transport avec chauffeur ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. L’article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a donné la possibilité aux établissements de santé de mettre en place une expérimentation de « nouvelles modalités d’organisation et de régulation des transports » pour une période n’excédant pas trois ans. Les établissements dans lesquels des économies seront constatées pourront recevoir une dotation d’intéressement. L’objectif de cet article est de proposer au patient le mode de transport le moins onéreux, compatible avec son état de santé.
Élargir l’expérimentation aux voitures de transport avec chauffeur, ou VTC, permettrait aux établissements volontaires de conclure une convention avec les organismes locaux d’assurance maladie et l’Agence régionale ouverte à cette autre catégorie de véhicules de transport de personnes. L’objectif visé est la réduction des dépenses pour la sécurité sociale, grâce à l’accroissement de la concurrence et à la stimulation de l’offre de services.
Lors d’une audition devant la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale en mai 2014, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, a rappelé que « de 2,3 milliards d’euros en 2003, les dépenses liées au transport de patients sont passées à 4 milliards d’euros en 2013. Leur place au sein des dépenses de l’assurance maladie s’est donc accrue, dans un contexte de forte maîtrise de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie […]. Cette croissance varie fortement selon le mode de transport utilisé : la dépense est stable pour les véhicules sanitaires légers […], elle s’élève à 800 millions d’euros depuis dix ans. Elle a augmenté de 700 millions d’euros pour les ambulances, passant de 900 millions d’euros en 2003 à 1,6 milliard d’euros en 2013, tout en demeurant à peu près stable depuis 2010 ; en revanche, les dépenses de taxi ont triplé, passant de 500 millions d’euros en 2003 à 1,5 milliard d’euros en 2013 ».
Soucieux de limiter notre dépense publique, nous pensons qu’il est opportun de permettre aux patients d’opter pour une voiture de transport avec chauffeur si cela permet de faire baisser les coûts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Même si j’entends bien les arguments développés par M. Cadic, il ne me paraît pas opportun d’étendre ces expérimentations à un nouveau mode de transport, alors que l’objet du présent article est précisément de réguler l’offre de transports sanitaires pour tenir compte de sa croissance exponentielle, que la Cour des comptes a justement signalée.
Surtout, le dispositif proposé ne me semble pas réunir toutes les garanties de sécurité dans la mesure où il ne prévoit pas les modalités de conventionnement initial des entreprises de VTC avec l’assurance maladie, comme l’article L. 322–5 du code de la sécurité sociale le fait pour les taxis.
Pour toutes ces raisons, la commission demande à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons ! À défaut de retrait, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cadic, l’amendement n° 159 est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. Soyez rebelle !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Maintenez votre amendement !
M. Olivier Cadic. Merci de m’encourager !
Cependant, je prends acte des observations formulées par la commission et le Gouvernement. Le débat est désormais ouvert, et la réflexion va s’installer ; il conviendra, tôt ou tard, de se poser cette question.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président. (Marques de déception sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. C’est la sagesse !
M. le président. L’amendement n° 159 est retiré.
Je mets aux voix l’article 45.
(L’article 45 est adopté.)
Article additionnel après l’article 45
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1112-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) La deuxième phrase est supprimée ;
2° Après le quatrième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« II. – Le praticien qui adresse un patient à un établissement de santé accompagne sa demande d’une lettre de liaison synthétisant les informations nécessaires à la prise en charge du patient.
« Le praticien qui a adressé le patient à l’établissement de santé en vue de son hospitalisation et le médecin traitant ont accès, sur leur demande, aux informations mentionnées au premier alinéa du I.
« Ces praticiens sont destinataires, à la sortie du patient, d’une lettre de liaison comportant les éléments utiles à la continuité des soins rédigée par le médecin de l’établissement en charge du patient.
« La lettre de liaison mentionnée au troisième alinéa du présent II est, dans le respect des exigences prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 1111-2, remise au patient ou à la personne de confiance au moment de sa sortie.
« Les lettres de liaison peuvent être dématérialisées. Elles sont alors déposées dans le dossier médical partagé du patient et envoyées par messagerie sécurisée aux praticiens concernés. » ;
3° Au début du cinquième alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les liaisons ville-hôpital ont un impact direct sur les prises en charge et sur les coûts pour l’assurance maladie. Il est urgent de prendre des mesures afin d’organiser ces relations d’une manière qui permette d’éviter les soins inutiles – nous l’avons déjà signalé à maintes reprises – et les réhospitalisations. Le Gouvernement propose, à l’article 24 du projet de loi relatif à la santé, une mesure qui paraît utile et qui semble trop importante pour attendre que ce texte soit adopté, au plus tôt au premier semestre 2015 ; votre commission souhaite donc qu’elle puisse être mise en œuvre dès le 1er janvier prochain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Cette mesure fait partie du projet de loi relatif à la santé. Elle s’inscrit dans une réorganisation des pratiques hospitalières et du lien entre l’hôpital et la médecine de ville. Elle suppose un accompagnement, une concertation entre les différents acteurs concernés pour sa mise en place. Or nous sommes justement dans la dernière ligne – je n’ose pas dire « ligne droite », car je n’en sais rien ! – de la concertation sur ce projet de loi relatif à la santé. Certains, y compris parmi les professionnels de santé, les hospitaliers par exemple, sont très attachés à ce qu’elle se déroule, et même de façon tout à fait formalisée.
Dès lors, cette mesure, qui ne porte pas sur les finances de la sécurité sociale, et qui, par conséquent, ne trouve pas sa place de façon naturelle dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, me semble pouvoir attendre l’examen du projet de loi relatif à la santé pour être adoptée. Elle représente en effet une pièce d’un ensemble plus large, lequel trouve sa cohérence à voir les éléments qui le composent rassemblés.
Aussi, le Gouvernement est plutôt défavorable à ce que cette mesure soit inscrite dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisque, sur le fond, elle a d’ores et déjà été annoncée.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 45.
Chapitre V
Paiement des produits de santé à leur juste prix
Article 46
L’article L. 162-16-5 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsque le prix d’achat des spécialités acquitté par l’établissement est inférieur au prix de vente publié par le Comité économique des produits de santé ou, le cas échéant, au prix de cession fixé en application du deuxième alinéa du I minoré de la marge mentionnée au premier alinéa du même I, le prix de cession facturable et servant de base au calcul de la participation de l’assuré est égal au prix d’achat majoré d’une fraction de la différence entre ces deux éléments, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, auquel s’ajoute la marge précitée. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 46
M. le président. L'amendement n° 286, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’avant-dernier alinéa du I de l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « quatre représentants de l’État » sont remplacés par les mots : « cinq parlementaires désignés conjointement par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, quatre représentants désignés par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous souhaitons que des parlementaires siègent au sein du Comité économique des produits de santé, le CEPS, dont les arbitrages sur les niveaux de financement solidaire des spécialités pharmaceutiques et des dispositifs médicaux sont de la plus haute importance.
Notre amendement vise à renforcer, d’une part, le contrôle démocratique des travaux du CEPS, en y intégrant des parlementaires, et, d'autre part, le contrôle technique sur les travaux d'analyse menés et les conséquences ultérieures sur les établissements de santé, grâce à une participation des fédérations hospitalières représentatives.
En effet, le conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a été ouvert aux parlementaires pour plus de transparence. Dans la même logique, il conviendrait d'appliquer cette règle au conseil d'administration du CEPS.
Cet amendement reprend une proposition formulée par Catherine Lemorton dans le rapport sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments qu’elle a remis au mois d’avril 2008 en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale.
Un tel article additionnel trouverait sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale puisqu'il s’agit de modifier la gouvernance d'un organisme aux conséquences directes sur les finances sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La présence des parlementaires au sein du CEPS, qui est chargé de la négociation des prix des produits de santé, ne me semble adaptée ni aux missions de l’organisme ni à la fonction des élus.
En réalité, ce que vous demandez, comme nous tous d’ailleurs, c’est une plus grande transparence du fonctionnement du CEPS. À mon sens, les compétences actuelles du Parlement, notamment via la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, permettent déjà d’atteindre cet objectif.
D’ailleurs, nous prévoyons une mission visant à rendre le système, depuis la mise sur le marché jusqu’à la fixation du prix et au contrôle du médicament, moins opaque.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. Jean Desessard. Je n’ai pas reçu mandat pour le retirer !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le texte de l’amendement ne mentionne pas le « conseil d’administration ». Pourtant, monsieur Desessard, vous avez parlé d’un conseil d’administration. Il n’y a pas de conseil d’administration du CEPS.
Le CEPS se réunit une à deux fois par semaine, pendant de longues heures ; il est placé auprès des ministres compétents. C’est un organisme très opérationnel de négociation et renégociation des prix, de suivi des médicaments. Cette structure dépend du pouvoir exécutif.
À côté de cela, il est évidemment légitime que le Parlement encadre et contrôle l’activité du CEPS. Le Parlement définit les règles de fixation des prix, vote sur les mesures de maîtrise des dépenses des produits de santé remboursables – c’est ce que nous faisons dans chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale – et reçoit chaque année un rapport d’activité du CEPS, dont il peut également auditionner le président.
Honnêtement, je ne comprends pas bien quelle serait la logique d’une telle mesure, dont l’adoption créerait un mélange des genres totalement inopportun.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 286 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 286.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 47
I. – Le titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – Le I de l’article L. 162-16-6 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « est égal au prix de vente aux établissements de santé déclaré par l’entreprise au » sont remplacés par les mots : « est fixé par convention entre l’entreprise et le » ;
– sont ajoutés les mots : « au plus tard dans un délai de cent quatre-vingts jours à compter de la réception de la demande d’inscription de l’entreprise sur la liste mentionnée au même article L. 162-22-7 ou, en cas d’inscription sur cette même liste à l’initiative des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter du jour où l’avis de la commission mentionnée à l’article L. 5123-3 du code de la santé publique a été rendu public » ;
b) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« À défaut d’accord conventionnel au terme des délais mentionnés à la première phrase du présent alinéa, le tarif de responsabilité est fixé et publié par le comité dans les quinze jours suivant le terme de ces mêmes délais. » ;
c) À la troisième phrase, les mots : « à la décision du » sont remplacés par les mots : « au tarif publié par le » et le mot : « décision » est remplacé par le mot : « publication » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « à cet effet » sont supprimés ;
b) Les mots : « la procédure, les conditions dans lesquelles sont effectuées les déclarations des laboratoires exploitants, les critères de l’opposition du comité, » sont remplacés par le mot : « notamment » ;
c) Les mots : « prix de vente déclarés » sont remplacés par le mot : « tarifs » ;
B. – Au premier alinéa du I de l’article L. 162-22-7, après le mot : « fixe », sont insérés les mots : « , sur demande du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou à l’initiative des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, » ;
C. – L’article L. 165-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La publication du tarif des produits ou prestations mentionnés à l’article L. 162-22-7 intervient au plus tard dans un délai de cent quatre-vingts jours à compter de la réception de la demande d’inscription de l’entreprise sur la liste mentionnée au même article L. 162-22-7 ou, en cas d’inscription sur cette même liste à l’initiative des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter du jour où l’avis de la commission mentionnée à l’article L. 165-1 a été rendu public. »
II. – Le présent article s’applique à la prise en charge, au titre de la liste mentionnée à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, des spécialités pharmaceutiques ou produits et prestations pour lesquels le dernier avis de la commission mentionnée à l’article L. 5123-3 du code de la santé publique ou de la commission mentionnée à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale a été rendu public postérieurement au 1er janvier 2015. La prise en charge, au titre de la liste mentionnée à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, des spécialités pharmaceutiques ou produits et prestations pour lesquels les avis mentionnés à la première phrase du présent II ont été rendus publics avant le 1er janvier 2015 demeure régie par les dispositions législatives dans leur rédaction en vigueur avant cette date.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer le mot :
Au
par les mots :
À la première phrase du
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 47, modifié.
(L'article 47 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 47
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 161-37 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu’ils rendent » sont remplacés par les mots : « de l’intérêt thérapeutique relatif des produits, actes ou prestations de santé » ;
b) À la dernière phrase, les mots : « l’amélioration du service médical rendu par le produit ou la technologie » sont remplacés par les mots : « l’intérêt thérapeutique relatif du produit ou de la technologie » ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 161-39, les mots : « du service attendu d’un produit, d’un acte ou d’une prestation de santé ou du service qu’ils rendent » sont remplacés par les mots : « de l’intérêt thérapeutique relatif d’un produit, d’un acte ou d’une prestation de santé » ;
3° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 162-12-15 du code de la sécurité sociale, les mots : « le service médical rendu » sont remplacés par les mots : « l’intérêt thérapeutique relatif » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 162-16-4 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, les mots : « l’amélioration du service médical rendu apportée par le médicament » sont remplacés par les mots : « l’intérêt thérapeutique relatif du médicament » ;
b) À la dernière phrase, les mots : « l’amélioration du service médical rendu » sont remplacés par les mots : « l’intérêt thérapeutique relatif » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 162-17-6, les mots : « amélioration du service médical rendu » sont remplacés par les mots : « intérêt thérapeutique relatif » ;
6° Au premier alinéa de l’article L. 162-17-7, les mots : « le service médical rendu ou l’amélioration du service médical rendu par ce » sont remplacés par les mots : « l’intérêt thérapeutique relatif du » ;
7° Au dernier alinéa de l’article L. 165-2, les mots : « du service rendu, de l’amélioration éventuelle de celui-ci » sont remplacés par les mots : « de l’intérêt thérapeutique relatif » ;
8° Au cinquième alinéa de l’article L. 861-3, les mots : « du service médical rendu » sont remplacés par les mots : « de l’intérêt thérapeutique relatif ».
II. – Les conditions d’application du I, notamment les critères sur lesquels se fonde l’intérêt thérapeutique relatif, sont fixées par décret en Conseil d’État.
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2016.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet, dans un contexte de retour de l’innovation en matière de médicament, d’adapter les modes d’évaluation de l’intérêt que représentent les nouvelles substances.
Dans ce cadre, la commission propose de prévoir la mise en œuvre au 1er janvier 2016 d’une réforme portée par la Haute Autorité de santé qui permettra une comparaison plus rigoureuse des médicaments, donc une meilleure évaluation de l’intérêt de leur remboursement et, de ce fait, de leur prix.
Une telle réforme est proposée depuis plusieurs années par la Haute Autorité de santé. Il est temps, nous semble-t-il, que les négociations avec les industriels s’engagent.
C’est pourquoi nous avons décidé d’avancer d’une année l’entrée en vigueur du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je vais vous expliquer en détail pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
La question du mode d’évaluation des produits de santé est, bien entendu, importante. Nous touchons là à l’évidence aux limites du système actuel.
C’est ce qui explique le regain d’attention en faveur du nouveau mode d’évaluation dit « intérêt thérapeutique relatif », ou ITR, pour la décision d’admission au remboursement des produits de santé.
L’ITR est un outil qui a été développé par la Haute Autorité de santé pour remplacer deux évaluations – je fais référence au service médical rendu, ou SMR, et à l’amélioration du service médical rendu, ou ASMR – relatives aux médicaments.
D’aucuns disent parfois, et c’est ce que vous laissez entendre, monsieur le rapporteur général, qu’une telle solution serait « prête à l’emploi ».
Pourtant, il y a aujourd'hui un consensus, y compris au sein de la Haute Autorité de santé, pour considérer qu’un tel mécanisme n’est pas adapté.
D’abord, l’ITR ne s’applique pas à tous les produits de santé ; en particulier, il ne s’applique pas aux dispositifs médicaux. Or il ne paraît pas opportun de changer de mode d’évaluation seulement pour une partie des produits de santé, en utilisant un nouvel outil pour les médicaments tout en en gardant un autre pour les dispositifs médicaux.
En outre, l’ITR ne permet ni de fixer un taux de remboursement ni de prendre en compte l’évaluation médico-économique.
Ces problèmes expliquent que la phase de test menée par la Haute Autorité de santé ait été jugée non conclusive par cette dernière.
Toutefois, nous sommes convaincus de la nécessité de repenser nos critères d’admission au remboursement des produits de santé.
C’est pourquoi un rapport complémentaire a été commandé à l’Inspection générale des affaires sociales. Sa remise est prévue pour la fin de l’année. À cette date, je demanderai à toutes les institutions publiques compétentes sur le médicament – je pense à la Haute Autorité de santé, à l’ANSM, au CEPS, dont nous venons de parler, ainsi qu’à l’assurance maladie – de faire des propositions concrètes pour rénover les critères d’évaluation des produits de santé.
Une concertation approfondie doit par ailleurs avoir lieu avec l’ensemble des acteurs. Elle sera menée avec les représentants de l’industrie pharmaceutique, qui est concernée au premier chef par cette évolution. Nous devrons à nouveau mettre en place une phase de test, car nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir d’évaluation assurée à cet égard.
Les premières modifications qui pourraient en découler seront alors intégrées dans le futur projet de loi sur la santé, le cas échéant à l’Assemblée nationale ou au Sénat, selon le parcours législatif du texte.
Sur un sujet aussi important, qui entraînera des changements profonds, nous devons être certains des mesures que nous adoptons.
Or, aujourd'hui, compte tenu des évaluations qui ont été menées, il ne nous semble pas possible de considérer, indépendamment de toute considération quant à la date, que l’index thérapeutique relatif pourrait être mis en œuvre. Je ne parle pas seulement de son entrée en vigueur anticipée en 2015. Nous avons abouti à la conclusion que, même en 2016, il ne faudrait pas s’engager sur cette voie.
Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement sous le bénéfice de ces explications, monsieur le rapporteur général.
J’indique également aux auteurs d’amendements allant dans le même sens que la réflexion n’est pas écartée ; elle est même accélérée et approfondie.
Je déplore d’ailleurs la situation ; nous placions beaucoup d’espoir dans l’ITR. Malheureusement, les tests menés ne nous permettent pas de franchir l’obstacle auquel nous nous heurtons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais bien être agréable à Mme la ministre, dont j’entends parfaitement les arguments.
Simplement, le président de la Haute Autorité de santé nous a donné un avis exactement contraire lorsque nous l’avons auditionné. Il nous a indiqué que notre amendement était excellent, que notre proposition rejoignait les objectifs de la HAS et qu’il souhaitait pouvoir mettre en œuvre rapidement l’intérêt thérapeutique relatif, c'est-à-dire introduire la notion de comparaison pour évaluer l’intérêt du médicament.
De mon point de vue, les questions que nous nous posons sur le médicament trouvent déjà là une première application. Compte tenu de ce qui nous a été dit par les représentants de la Haute Autorité de santé, il ne me semble pas qu’il faille différer l’entrée en vigueur du dispositif.
Je note en tout cas une contradiction. Je ne remets nullement en cause la parole de Mme la ministre, mais nous n’avons manifestement pas entendu la même chose de la part de la Haute Autorité de santé.
Par conséquent, je maintiens mon amendement, au nom de la commission.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’avais présenté le même amendement voilà un an sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Certes, il n’avait pas pu être débattu faute d’examen de la partie « dépenses » par le Sénat…
Les arguments qui viennent d’être présentés par Mme la ministre me paraissent très solides et convaincants. Je me situerai donc en retrait par rapport à cet amendement dans la discussion d’aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Nous voulons évidemment tous aller le plus vite possible et réformer la manière dont le médicament est mis sur le marché.
J’ai procédé à un examen attentif. Aujourd'hui, on est dans le flou. La Haute Autorité de santé souhaiterait peut-être que nous légiférions. Pour ma part, n’ayant pas encore tout bien compris au système, je m’abstiendrai.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 47.
L'amendement n° 292, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 161-39 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : « ; cette évaluation repose sur un critère d’intérêt de santé publique répondant aux principes suivants : impact sur l’état de santé de la population, réponse apportée à un besoin de santé publique et impact économique sur le système de santé ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Déjà, en 2008, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale soulignait que le système d’admission au remboursement des médicaments, fondé sur l’appréciation du service médical rendu, était peu sélectif. La quasi-totalité des médicaments qui obtiennent une AMM sont en effet admis au remboursement. Cette situation est due au fait que le SMR est principalement apprécié en fonction de l’efficacité et des effets indésirables du médicament, c’est-à-dire de son intérêt clinique.
Le critère d’admission au remboursement fondé sur l’intérêt de santé publique, c’est-à-dire l’intérêt pour la collectivité – impact du médicament sur l’état de santé de la population, réponse apportée à un besoin de santé publique et impact du médicament sur le système de santé –, pourtant prévu pour l’appréciation du SMR, est peu utilisé en pratique. La prise en compte effective du critère d’intérêt de santé publique permettrait de donner une dimension collective à l’appréciation du SMR et à l’admission au remboursement et irait dans le sens d’une meilleure analyse médico-économique : lorsque l’intérêt qu’il présente pour la santé publique n’est pas suffisant, une prise en charge par la collectivité est injustifiée.
Tel est l’objet de l’amendement déposé par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste. Toutefois, après avoir entendu et apprécié l’intervention de Mme la ministre, j’ai compris qu’il fallait se donner le temps de la réflexion, attendre la fin des tests. Dans ces conditions, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 292 est retiré.
L'amendement n° 62, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, les mots : « , dans des conditions définies par décret en Conseil d'État » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Dans un contexte de mise sur le marché de médicaments qui prétendent justifier des prix élevés par l’importance de l’innovation qu’ils apportent, il apparaît que la prise en charge par la sécurité sociale du traitement ne peut être justifiée que si l’industriel apporte le plus haut niveau de preuve scientifique, c’est-à-dire des études comparatives, lorsque le comparateur existe.
Cette mesure est prévue par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, mais soumise à un décret en Conseil d’État qui n’est pas paru à ce jour. À l’heure actuelle, les services du ministère considèrent qu’ils ne peuvent définir par décret les cas où une stratégie thérapeutique existe pour permettre la comparaison. Il me semble que cette question doit être réglée entre la Haute Autorité de santé et les industriels.
Trois ans après le vote de la loi, continuer à nous contenter d’essais sans comparateur nous place en situation de faiblesse pour évaluer correctement l’innovation en matière de médicaments. Je note qu’au Royaume-Uni l’équivalent de la HAS a déjà adopté cette manière de procéder aux évaluations.
La commission propose donc de rendre cette mesure d’application directe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. À ce jour, le décret qui permet l’application de la loi n’a effectivement pas été publié. Nous n’avons pas d’essais comparatifs ; nous ne savons pas faire. Le Sénat aura beau adopter cette mesure d’application directe, les choses n’avanceront pas plus vite. Je le répète, nous ne savons pas faire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Je voudrais revenir sur l’amendement n° 61 qui a été précédemment adopté – nous verrons ce qu’il en adviendra au fil de la procédure parlementaire. Le président de la HAS, autorité assurément indépendante, juge utile de promouvoir des amendements auprès de la représentation nationale, indépendamment des discussions qui ont lieu avec les autres agences et le Gouvernement sur la faisabilité du dispositif. Je souhaite qu’il manifeste autant de célérité sur d’autres sujets, comme l’évaluation des médicaments ou l’élaboration des protocoles. Je ne doute pas que la Haute Autorité de santé saura faire preuve de la même diligence sur ces sujets importants pour les Français.
M. Jean Desessard. On va lui couper sa retraite chapeau à lui ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 47.
L'amendement n° 63, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 5123-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’établissement de la liste mentionnée à l’article L. 5123-2, il est également tenu compte, lorsqu’il existe, de l’avis rendu par la commission mentionnée au quatorzième alinéa de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale ».
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 162-17 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « sur une liste établie », sont insérés les mots : « après avis de la commission mentionnée au premier alinéa de l’article L. 5123-3 du code de la santé publique ainsi que, le cas échéant, de la commission mentionnée au quatorzième alinéa de l’article L. 161-37 du présent code, » ;
b) Au troisième alinéa, le mot : « à » est remplacé par les mots : « au premier alinéa de » ;
2° L’article L. 165-1 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’établissement de cette liste, il est également tenu compte, lorsqu’il existe, de l’avis rendu par la commission mentionnée au quatorzième alinéa de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale. » ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « de la commission », sont insérés les mots : « mentionnée au premier alinéa ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’admission d’un produit de santé au remboursement nécessite que soit évalué l’apport thérapeutique du produit, mais également son efficience au regard des alternatives médicalement pertinentes.
Cet amendement prévoit donc que la Commission évaluation économique et de santé publique, qui, selon le décret du 2 octobre 2012, évalue les produits revendiquant un progrès médical et susceptibles d’avoir un impact significatif sur les dépenses d’assurance maladie, émette un avis sur le remboursement des médicaments. En effet, l'analyse de leur efficience, au regard des stratégies en concurrence, est de nature à éclairer la décision publique en matière d’accès au remboursement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne sais que vous dire… Vous avez adopté un amendement visant à mettre en place l’ITR. Dès lors, faut-il faire comme si ce n’était pas le cas et continuer à examiner des amendements visant à mettre en place des dispositifs qui n’ont de sens que par rapport à l’ancien système ou faut-il – ce qui serait logique – retirer les amendements qui ne correspondent plus au système que vous avez appelé de vos vœux dès le 1er janvier 2015 ?
Je le répète, l'amendement n° 61 ayant été adopté, il y a maintenant une incompatibilité, sinon juridique, du moins formelle entre cet amendement et les suivants.
Je ne trouve pas le dispositif adapté, mais vous avez défendu un système totalement différent. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un problème de date. L’évaluation économique et en matière de santé publique existera toujours en 2015. Évidemment, lorsque l’ITR sera en place, en 2016, cette mesure pourra être supprimée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 47.
L'amendement n° 250, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des remises effectuées par les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables conformément à l’article L. 162-18 sont rendues publiques. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Afin de contribuer à la transparence des dépenses de médicaments supportées par les assurés comme par l’assurance maladie, notre amendement prévoit de rendre publiques non pas les conventions qui lient le Comité économique des produits de santé à l’industrie, mais le montant des remboursements versés par l’industrie en raison de ces conventions.
Actuellement, les entreprises pharmaceutiques et les pouvoirs publics s’engagent sur le prix des médicaments et l’évolution de ce prix en fonction du volume de vente, ainsi que sur les remises versées par les laboratoires à l’assurance maladie en cas de dépassement des volumes prévisionnels de ventes. Ils tiennent compte également des orientations données par les ministres compétents afin d’assurer le respect de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Les dépenses prises en charge par l’assurance maladie de médicaments délivrés dans les pharmacies et de ceux qui sont administrés à l’hôpital s’établissaient à 22,6 milliards d’euros en 2013.
En échange de garanties sur les prix, les pharmaciens s’engagent à adopter des comportements tendant à limiter les dépenses pharmaceutiques. Les laboratoires sont censés s’engager, quant à eux, à garantir le bon usage des médicaments dans le cadre de leur autorisation de mise sur le marché, à renforcer l’évaluation médico-économique des médicaments innovants, à suivre et à évaluer les nouveaux médicaments en pratique médicale, à conditionner le prix de certains médicaments aux résultats obtenus en situation réelle et à investir dans la recherche sur des méthodes médicales et des médicaments moins coûteux et plus efficaces.
Il nous semble important de clarifier les missions du Comité économique des produits de santé, qui mêlent à la fois des logiques industrielles et sanitaires, ce qui fait peser un risque important quant à l’indépendance de l’établissement vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques.
Vous l’aurez compris, par cet amendement, nous souhaitons rendre publics les montants versés par les industries pharmaceutiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les données relatives au montant brut des remises figurent déjà chaque année dans le rapport d’activité du CEPS.
Le rapport indique que, pour l’année 2013, le montant des remises s’élevait à 546 millions d’euros et que 60 % de ce montant était payé par les cinq principaux laboratoires contributeurs.
En conséquence, la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez parfaitement raison, madame la sénatrice, de considérer que le montant des remises versées au titre des clauses conventionnelles doit être connu, mais cette information est rendue publique chaque année dans le rapport d’activité du CEPS. Ainsi, au titre de 2013, ces remises s’élevaient à 418 millions d’euros – le chiffre est différent de celui cité par M. le rapporteur général, parce qu’il s’agit des remises effectivement versées à l’assurance maladie –, ce qui représentait environ 1,7 % du total des dépenses de médicaments remboursées.
Toutes les données étant publiques, votre préoccupation, que je comprends, me semble satisfaite. Dès lors, je vous invite également à retirer votre amendement.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 250 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Puisque notre volonté de clarification et de transparence est satisfaite, nous retirons l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 250 est retiré.
L'amendement n° 252, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 162-18 est abrogé ;
2° L’article L. 162-17-4 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis La baisse de prix applicable en cas de dépassement par l’entreprise des volumes de vente précités ; »
b) Au 2°, la référence : « L. 162-18 » est supprimée ;
3° À l’article L. 162-37, les mots : « aux articles L. 162-18 et » sont remplacés par les mots : « à l’article » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 165-4 est supprimé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec cet amendement, nous restons dans le domaine du médicament, qui, comme nous l’avons vu hier en examinant la partie relative aux recettes, est complexe.
Conformément à une recommandation qui figurait dans le rapport de la mission commune d’information sur le médicament présidée par notre ancien collègue François Autain, nous proposons un mécanisme de baisse de prix afin de réguler le marché du médicament. Pour sa part, le Gouvernement, en instaurant le taux L, souhaite poursuivre la démarche incitative de négociation avec le CEPS, ce qui permet aux industriels ayant conclu une convention d’être exonérés du paiement de la contribution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Des clauses de remises dites « prix volumes » prévues par la loi et l’accord-cadre de 2012 figurent déjà dans les conventions liant le CEPS aux industriels. Lorsque le volume des ventes d’un médicament dépasse le volume prévu en fonction de la population cible, les laboratoires consentent des rabais dont le montant augmente avec le niveau de dépassement.
Par ailleurs, l’article 10 donne la faculté au CEPS, pour l’ensemble des médicaments remboursables, de déterminer un montant de dépenses au-delà duquel il peut décider d’une baisse de prix.
Il me semble donc que l’objectif visé au travers de cet amendement est satisfait dans les textes comme en pratique. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends votre raisonnement, madame la sénatrice : « il faut que tout soit clair. Quid d’un système où l’on a un prix, puis des remises ? »
Les remises sont un instrument de régulation supplémentaire au bénéfice de l’assurance maladie. C’est la raison pour laquelle nous rendons public leur montant. Mais les laboratoires pharmaceutiques sont attachés au prix facial du médicament. C’est utile pour eux, notamment lors de leurs négociations à l’étranger, dans lesquelles il ne m’appartient pas d’interférer. Au demeurant, d’autres pays ont souvent la même logique que nous.
Ce prix facial est un prix de référence. Il peut y avoir ensuite des conditions qui permettent d’enclencher une nouvelle baisse de prix, distincte, qui est rendue publique et permet à l’assurance maladie de réaliser des économies.
Je vous rappelle le chiffre que j’ai déjà cité : les remises représentent moins de 1,7 % du total des dépenses des médicaments remboursées. Je ne dis pas que c’est négligeable, mais au regard de la masse d’ensemble on ne peut pas considérer que cela puisse biaiser le mécanisme de régulation globale.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 252 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Ce mécanisme est si complexe que je vais me fier aux explications qui viennent de m’être données. (Les sénateurs du groupe UMP conversent entre eux.) Elles sont d’ailleurs très intéressantes, n’est-ce pas, monsieur Dériot ? (Les conversations s’interrompent.)
Mme Isabelle Debré. Mme David se fâche ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. Mes chers collègues, il serait préférable que vous écoutiez mon intervention si nous voulons que notre débat puisse continuer sereinement ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. On vous écoute depuis trois jours ! C'est L’Humanité Dimanche en permanence !
Mme Nicole Bricq. Et vous, Le Figaro !
M. le président. Laissez Mme David s’exprimer, sinon je serai obligé de suspendre la séance !
Mme Annie David. Monsieur Gilles, c'est bien vous qui disiez qu’il était plus agréable de s’exprimer quand il n’y avait pas de brouhaha ambiant ?
M. Bruno Gilles. Parfaitement, madame David !
Mme Annie David. Mes chers collègues, quand vous intervenez, je vous écoute. Aussi vous demanderai-je d’avoir le même respect à mon égard.
Monsieur Delattre, votre remarque sur L’Humanité Dimanche me fait plaisir. C'est un journal que j’aime bien, et je vous remercie d’en faire la publicité, ici, au Sénat.
M. Roger Karoutchi. Il la fait régulièrement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Seule Mme David a la parole !
Mme Annie David. Je le répète, je fais confiance à Mme la ministre et à M. le rapporteur général, mais il faut réguler le marché du médicament. Dans ce domaine, il y a des efforts à faire.
Madame la ministre, nous sommes à vos côtés quand il s’agit de développer les génériques, mais il nous semble que le mécanisme de remise conventionnelle accompagne, plus qu’elle ne la contrarie, la tendance à la hausse des dépenses. Le développement des génériques et le bon usage des médicaments s’opposent à la politique de soutien à l’industrie pharmaceutique.
Néanmoins, au vu de vos explications et de la sage écoute dont ont fait preuve nos collègues, j’accepte de retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 252 est retiré.
L'amendement n° 253, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 165-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 165-3-... ainsi rédigé :
« Art L. 165-3-… – Le Comité économique des produits de santé révise la convention mentionnée à l’article L. 162-17-4 pour l’ensemble des produits d’une même classe thérapeutique, visés à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique dès lors que l’un d’entre eux se voit appliquer la procédure visée à l’article L. 5121-10-1 du même code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous souhaitons prolonger la réflexion sur le développement des génériques.
Dans l’intérêt des comptes sociaux, il ne serait pas illégitime que le Comité économique des produits de santé, qui détermine le prix des médicaments, puisse procéder à la révision des conventions fixant les tarifs des produits pharmaceutiques d’une même famille de médicaments, dès lors que l’un d’entre eux est reconnu générique et fait l’objet d’une baisse de prix.
Ce mécanisme nous paraît simple. Il constituerait un levier supplémentaire pour favoriser le développement des médicaments génériques et obtenir, dans le même temps, une baisse des prix de ces médicaments.
La mesure prévue dans cet amendement offrirait un point d’appui supplémentaire ; elle s’inscrit dans la démarche du Gouvernement visant à favoriser l’accès aux génériques et leur développement. Elle constituerait donc un « plus ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est déjà prévu que la « génériquation » d’un médicament entraîne des baisses de prix. Le prix des médicaments princeps doit baisser de 20 % dès la commercialisation d’un des génériques correspondants. Le prix des nouveaux génériques est fixé avec une décote de 60 % par rapport au prix du princeps.
Votre demande me semble donc satisfaite, ma chère collègue. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, vous avez raison de dire que votre proposition fait partie d’une orientation qui s’inscrit dans le cadre de la politique gouvernementale. C'est ce que nous appelons « la révision de cohérence ». Cela fait partie des orientations du CEPS que le Gouvernement a souhaité renforcer.
Lorsqu’un médicament est « génériqué », tous les produits de la classe doivent faire l’objet d’une baisse de prix. J’ai d’ailleurs rappelé au CEPS ma volonté que ce mécanisme entre en vigueur de manière systématique.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 253 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, car les réponses qui nous ont été apportées vont tout à fait dans le sens que nous souhaitions.
M. le président. L'amendement n° 253 est retiré.
L'amendement n° 251, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 5121-9 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est également refusée lorsque le médicament n’a pas fait la démonstration d’un progrès thérapeutique par rapport aux médicaments de comparaison déjà autorisés et commercialisés lorsqu’ils existent. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement tend à refuser l’autorisation de mise sur le marché aux médicaments n’apportant aucun progrès par rapport aux médicaments existants.
M. Francis Delattre. Vous allez le retirer aussi ?
M. Dominique Watrin. C'est une position de principe qui vaut d’être réaffirmée dans l’attente d’une réforme de l’évaluation des produits de santé, dont nous ne connaissons pas les termes à ce jour.
Les entreprises pharmaceutiques réalisent des bénéfices de plusieurs milliards d’euros chaque année. Ces résultats sont réalisés en bonne partie au détriment de la sécurité sociale, en obtenant la mise sur le marché de nouveaux médicaments qui sont en réalité l’exacte copie de molécules existantes, avec les mêmes caractéristiques, mais dont l’emballage a été modifié. Par exemple, si un comprimé contre la douleur est fabriqué sous forme de gélule sans aucune autre modification, l’entreprise pharmaceutique pourra obtenir l’autorisation de commercialisation et attendra patiemment avant de « génériquer » ce nouveau produit.
Nous considérons qu’il s’agit là d’un abus de la réglementation actuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’autorisation de mise sur le marché résulte d’une évaluation du rapport bénéfices-risques. La refuser en se fondant sur d’autres critères placerait la France en infraction au regard du droit de la concurrence. C'est au niveau de la demande de remboursement que l’examen comparatif entre médicaments doit avoir lieu.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’autorisation de mise sur le marché et l’évaluation du service médical rendu répondent à deux logiques différentes.
L’autorisation de mise sur le marché d’un médicament dépend, pour une large part, de procédures européennes. Nous ne pouvons donc pas, à nous seuls, lui retirer cette autorisation. Vient ensuite l’évaluation du médicament, de sa classe thérapeutique et éventuellement de son taux de remboursement. Ces deux étapes sont parfois difficiles à articuler.
Si l’on ne peut pas répondre à un service médical rendu insuffisant par un retrait d’autorisation de mise sur le marché, on peut en revanche prévoir un déremboursement ou un moindre remboursement.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 150 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 47
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique, les mots : « sous forme exclusivement manuscrite » sont supprimés.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à supprimer l’obligation de porter une mention exclusivement manuscrite sur l’ordonnance. Avec l’informatisation des cabinets médicaux, les prescriptions dématérialisées des praticiens vont se développer. Cette exigence risque de poser un véritable problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Barbier, vous avez raison de penser que nous pourrons être confrontés à l’avenir à ce genre d’inconvénients. Pour l’heure, cette obligation, qui semble aujourd’hui faire l’objet de détournements, résulte de la volonté d’empêcher une opposition systématique aux génériques. Peut-être faudra-t-il évoluer sur cette question, mais, en attendant, n’envoyons pas de mauvais signaux sur la politique de substitution des génériques.
La commission vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Si l’on mettait fin au caractère manuscrit de cette mention, celle-ci risquerait d’apparaître de façon automatique sur l’ordonnance, ce qui irait à l’encontre de notre volonté de développer le recours aux médicaments génériques. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Barbier, l'amendement n° 150 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 150 rectifié est retiré.
Chapitre VI
Amélioration de l’efficience de la dépense des établissements de santé
Article 48
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 162-22-2, il est inséré un article L. 162-22-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-22-2-1. – I. – Lors de la détermination annuelle de l’objectif mentionné au I de l’article L. 162-22-2, une part de son montant peut être affectée, par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, à la constitution d’une dotation mise en réserve, de manière à concourir au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Cette part peut être différenciée selon les activités mentionnées au premier alinéa de l’article L. 162-22-1.
« II. – Au regard notamment de l’avis mentionné à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 114-4-1, l’État peut décider de verser aux établissements de santé mentionnés aux d et e de l’article L. 162-22-6 tout ou partie de la dotation mise en réserve en application du I du présent article, en fonction des montants versés par l’assurance maladie à chacun de ces établissements au titre de l’année pour laquelle l’objectif a été fixé.
« La part de la dotation ainsi versée peut être différenciée selon les activités mentionnées au premier alinéa de l’article L. 162-22-1.
« III. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° La première phrase du 1° du I de l’article L. 162-22-3 est complétée par la référence : « et au I de l’article L. 162-22-2-1 » ;
3° Le II de l’article L. 162-22-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces tarifs sont établis en prenant en compte les effets de la constitution de la dotation mise en réserve en application du I de l’article L. 162-22-2-1. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 174-15, après la référence « L. 162-22-8, », est insérée la référence : « L. 162-22-9-1, ».
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par Mmes Deroche et Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle distingue, par activité de soins, d’une part, l’évolution des charges au titre des soins dispensés l’année précédente et, d’autre part, les prévisions de l’évolution de l’activité des établissements pour l’année en cours.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement a trait aux activités de soins de suite, de réadaptation et de psychiatrie assurées par les organismes privés. Il tend à distinguer, par activité de soins, d’une part, l’évolution des charges au titre des soins dispensés l’année précédente et, d’autre part, les prévisions de l’évolution de l’activité des établissements pour l’année en cours dans le cadre de la mise en réserve prudentielle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est ici question de la prise en compte de l’évolution de l’offre autorisée dans le calcul de la mise en réserve de l’objectif quantifié pour les soins de suite, de réadaptation et de psychiatrie.
Cet amendement nous paraît difficilement compatible avec l’objectif de l’article 48. Néanmoins, le problème que rencontreront les cliniques est réel. La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Il est d’ores et déjà prévu par voie réglementaire que la détermination annuelle de l’objectif des dépenses concernant les activités de soins de suite, de réadaptation et de psychiatrie en secteur privé tienne compte à la fois de l’évolution des charges des établissements de santé et des prévisions d’évolution de l’activité.
Je vous confirme que l’objectif quantifié national, l’OQN, est construit chaque année pour tenir compte de la dynamique d’activité du secteur, en particulier lorsque celle-ci résulte de nouvelles autorisations accordées par les ARS.
De la même manière, la mise en réserve prudentielle créée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur l’OQN, et qui correspond à une fraction de cet objectif de dépenses, prend en compte, par construction, la dynamique prévisionnelle d’activité du secteur.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 48, modifié.
(L'article 48 est adopté.)
Article 49
I. – L’article L. 254-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots : « du présent code, dans le délai mentionné à l’article L. 253-3 ».
II. – Les articles L. 162-22-11 et L. 162-22-11-1 du code de la sécurité sociale sont ainsi modifiés :
1° Après les mots : « l’État », sont insérés les mots : « ou de la prise en charge des soins urgents » ;
2° La référence : « de l’article L. 251-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 251-1 et L. 254-1 » ;
III. – La dernière phrase du II de l’article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003) est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « l’État », sont insérés les mots : « ou de la prise en charge des soins urgents » ;
2° La référence : « de l’article L. 251-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 251-1 et L. 254-1 ».
IV. – Le présent article s’applique aux prestations réalisées à compter du 1er janvier 2015. Pour les prestations réalisées antérieurement à cette date, le délai dans lequel les demandes en paiement doivent être présentées sous peine de forclusion continue de courir jusqu’au terme prévu en application de l’article 2224 du code civil, sans pouvoir excéder le 31 décembre 2016. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 49
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics de la fonction publique hospitalière en congé de maladie, ainsi que les salariés des établissements visés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale, ne perçoivent pas leur rémunération au titre des trois premiers jours de ce congé.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement devrait normalement satisfaire le Gouvernement, ainsi que l’ensemble de nos collègues. En effet, il vise à aider le Gouvernement à tenir son objectif : que la progression de l’ONDAM ne dépasse pas 2 % pour les trois prochaines années.
L’amendement que nous vous présentons vise essentiellement à rétablir, pour les agents de la fonction publique hospitalière, la journée de carence, introduite en 2012 et subrepticement abrogée en 2014. Pourtant, cette mesure avait donné certains résultats. D’abord, l’instauration d’une – et une seule – journée de carence pour l’ensemble du secteur hospitalier avait permis de réaliser 63,5 millions d’euros d’économies, comme l’a reconnu la Fédération hospitalière de France, la FHF. Ensuite, les CHU ont admis que l’absentéisme en leur sein avait baissé de 7 %.
Pourquoi la mesure que nous proposons est-elle utile ? Parce que, dans son intéressant rapport, la Cour des comptes note que l’ONDAM, qui avait été maîtrisé ces dernières années, a augmenté, en 2013, de 2,8 %, soit 0,4 point de plus que ce qui était prévu.
Mes chers collègues, comme j’ai osé vous le rappeler dans mon rapport pour avis de la commission des finances, laquelle a adopté largement cet amendement, au-delà des clivages habituels, les dépenses de personnel représentent 70 % des dépenses de l’hôpital et 53 % des dépenses de l’ONDAM. Si l’on veut vraiment tenir cet objectif, un certain nombre de mesures doivent donc être prises. Pour notre part, nous pensons qu’instituer un délai de carence de trois jours nous permettrait d’envisager une économie de l’ordre de 150 millions d’euros, l’économie étant dégressive avec les jours.
Si l’on veut vraiment atteindre l’objectif du Gouvernement, celle d’une progression de 2 % de l’ONDAM pour les années 2015, 2016 et 2017, il nous paraît utile et indispensable de s’atteler sérieusement à un certain nombre de réformes. Ce n’est pas forcément agréable, mais nous pensons qu’on doit pouvoir demander cet effort à tout un chacun, eu égard aux effets incontestables qu’a déjà montrés la mise en place d’une seule journée de carence.
L’institution d’un délai de carence de trois jours pour les agents hospitaliers constitue aussi une mesure d’équité à l’égard des personnels travaillant dans les cliniques privées, lesquels se voient d'ores et déjà appliquer ce délai s’ils ne bénéficient pas d’une complémentaire santé.
Nous pensons que c’est un levier important. C’est aussi un signe, un marqueur.
Nous pensons également que les résultats financiers seront au rendez-vous. Il ne s’agit pas de suppositions : cela a été expérimenté !
En outre, je pense que tous les sénateurs sont attachés à faire en sorte que, dans notre pays, salariés du privé et salariés du public bénéficient, sur un sujet comme celui-ci, d’un traitement égal.
C’est, me semble-t-il, pour l’ensemble de ces raisons que la commission des finances a adopté cet amendement, je le répète, au-delà des clivages habituels. Voilà pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir l’adopter à votre tour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents de la fonction publique hospitalière en congé de maladie ainsi que les salariés des établissements visés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission propose d’instaurer une journée de carence pour les seuls agents hospitaliers.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty, Zocchetto, Capo-Canellas, Delahaye et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics civils et militaires en congé de maladie, ainsi que les salariés dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale, ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Cet amendement a exactement le même objet que ceux qui viennent d’être présentés.
Je tiens toutefois à apporter une précision.
Il est ennuyeux d’instaurer une journée de carence qui ne concerne que le personnel hospitalier, au motif que nous sommes en train d’examiner le PLFSS. Selon nous, c’est évidemment toute la fonction publique qui doit être concernée.
Une mesure qui ne concernerait que les agents hospitaliers pourrait être vécue comme une brimade, alors que ces personnels sont d'ores et déjà exsangues et complètement pressurés, au prétexte que l’hôpital coûterait trop cher.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait d’accord !
M. Gérard Roche. C’est sur la médecine de ville que l’on devrait faire des économies.
J’y insiste, il s’agit là d’une mesure d’équité, et non d’une brimade vis-à-vis du personnel des centres hospitaliers.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 12 et 116 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Delattre, j’entends bien les arguments que vous avez développés dans le rapport pour avis de la commission des finances.
Au travers de l’amendement n° 12, vous proposez d’instituer un délai de carence de trois jours pour les agents hospitaliers. Néanmoins, cette mesure, dont vous avez parfaitement décrit les conséquences, se heurte à la position adoptée par la commission, limitée à un seul jour de carence. Je ne peux donc qu’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 116, il concerne tous les fonctionnaires. Par conséquent, il relève du projet de loi de finances, et non du PLFSS. J’en sollicite donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. On peut répondre de deux façons à ces propositions : avec des considérations techniques ou avec des observations de principe.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous déclarez que le rétablissement du jour de carence constituerait un gain important pour l’ONDAM. En réalité, c’est plus compliqué que cela. En effet, après l’instauration du jour de carence, on a observé que, si les arrêts de courte durée avaient diminué, les arrêts de longue durée avaient, eux, augmenté, pour aboutir, au final, à un certain équilibre.
Vous faites appel à l’équité entre le privé et le public. En cela, votre vision du privé n’est pas tout à fait juste. Grâce aux accords de mensualisation qui ont été conclus dans les entreprises privées, de nombreux salariés n’ont pas à supporter de jour de carence.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Isabelle Debré. Non !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Dans ces conditions, c’est pour les fonctionnaires que le rétablissement du jour de carence serait inéquitable.
Cette question fait désormais partie des marqueurs qui permettent à chacun, de manière récurrente, de montrer quel est son camp.
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas une question de camp !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Elle révèle un regard sur les fonctionnaires qui n’est pas celui que nous portons.
Mme Michelle Meunier. Très bien !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. On ne peut pas soupçonner que les fonctionnaires absents le sont pour des raisons de confort ou de convenance personnelle et ne sont pas réellement malades.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux trois amendements.
Mme Michelle Meunier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il ne s’agit pas du tout d’une mesure à l’encontre des fonctionnaires hospitaliers : le rapporteur général de la commission des finances proposera de l’instaurer pour toutes les fonctions publiques. Je le répète, la commission des finances a largement adopté cet amendement, bien au-delà des clivages habituels.
Madame la secrétaire d’État, vous nous faites votre numéro habituel : vous seriez avec les fonctionnaires, quand nous serions contre eux… Permettez-moi de vous dire que ce débat est largement dépassé. D'ailleurs, les fonctionnaires le savent très bien. Nous essayons tout simplement de prendre nos responsabilités dans ce débat.
Nous savons très bien que les 35 heures ont été très compliquées à mettre en œuvre dans les hôpitaux. Tous ceux et toutes celles d’entre nous qui siègent dans les conseils d’administration savent que l’on y discute encore beaucoup de ce problème. L’adoption de notre amendement conduirait peut-être à en atténuer les effets, que nous connaissons tous… En tout état de cause, cette mesure va dans le sens de l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.
M. Roger Karoutchi. Comme vient de le dire excellemment mon collègue Delattre, le rapporteur général du budget présentera un amendement dans le cadre du projet de loi de finances tendant à instaurer un délai de carence de trois jours applicable à l’ensemble de la fonction publique, et pas uniquement aux agents du secteur hospitalier.
Madame la secrétaire d’État, moi qui viens de la fonction publique, je n’ai pas le sentiment de l’attaquer en soutenant l’institution d’un délai de carence de trois jours ! Allons-nous, au prétexte que nous venons – ou pas ! – de la fonction publique, sanctifier la fonction publique, la protéger d’une manière qui n’a plus rien à voir avec l’équilibre national, au risque de ne plus pouvoir rien faire ?
Vous déclarez qu’une partie des salariés du privé sont de toute façon protégés par des accords ou des complémentaires santé. Mais, pour l’essentiel, ces salariés travaillent dans de grands groupes ! En réalité, deux tiers des salariés du privé ne bénéficient pas d’une telle protection. Qu’est-ce qui, aujourd'hui, justifie qu’il y ait une telle différence de traitement, dans notre pays, entre celui qui travaille dans une PME ou dans une toute petite entreprise et le fonctionnaire ?
Au moment où tout le monde appelle à trouver des convergences et des solutions, tâchons d’avoir une réflexion collective, notamment sur les 35 heures.
Sincèrement, je ne crois pas qu’il soit antisocial d’envisager un délai de carence de trois jours applicable aux fonctionnaires comme à l’ensemble des salariés du privé. Les fonctionnaires aussi peuvent se couvrir contre ce genre de risques !
Traitons la fonction publique et les salariés des petites entreprises privées de manière égalitaire. Tout le monde a des problèmes. N’opérons pas de distinction, ne créons pas de privilèges et ne reconnaissons rien d’autre que le service public. Or service public ne rime pas avec délai de carence !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je veux m’inscrire en faux contre ce qu’a dit Mme la secrétaire d’État. Selon la FHF, le jour de carence a permis aux hôpitaux d’économiser pas loin de 65 millions d’euros,…
Mme Isabelle Debré. La Cour des comptes le dit aussi !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … même s’il est vrai qu’il y a eu moins d’arrêts de courte durée et un peu plus d’arrêts de longue durée.
La Cour des comptes a elle-même constaté, sur la base, certes, d’un nombre d’établissements un peu plus restreint, que le jour de carence était bénéfique pour les finances des hôpitaux.
Mme Isabelle Debré. Exactement !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales propose un jour de carence pour les personnels hospitaliers. Pour sa part, le rapporteur pour avis de la commission des finances, avec l’accord de son groupe politique, propose un délai de carence de trois jours. Si on le consacre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et j’ai bien entendu ce qu’ont dit à ce sujet MM. Delattre et Karoutchi, je demande que l’on amende le projet de loi de finances dans le même sens pour les autres fonctionnaires. Sinon, je ne serai pas d’accord.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser quiconque.
J’ai eu l’occasion de discuter de ce sujet lors d’une réunion du conseil de surveillance d’un CHU qui emploie 5 000 personnes : les arrêts de travail cumulés ont représenté, en moyenne, trente jours par agent.
Au conseil général de la Marne, que je préside, travaillent 1 900 personnes. Le bilan social réalisé avec les représentants du personnel a montré que les arrêts de travail s’élèvent, en moyenne, à vingt-quatre jours par salarié.
Ces chiffres, importants, nous interpellent. Pourquoi y a-t-il autant d’arrêts de travail ? Nous n’en évoquerons pas ici les raisons ; elles sont nombreuses. Toujours est-il que j’ai demandé aux syndicats comment on pouvait, ensemble, régler le problème. En effet, ce ne sont pas des décisions que nous devons prendre contre le personnel, mais avec lui. Il doit être associé à ce projet mobilisateur.
Confrontés à de nombreuses difficultés, nos concitoyens sont très sensibles à ces questions. Comment leur faire admettre que l’absentéisme est plus important dans la fonction publique qu’ailleurs ? Remédier à cette situation, c’est aussi un moyen de valoriser la fonction publique !
Les Français le demandent, il faut traiter tout le monde à la même enseigne. Voilà pourquoi il est important de rétablir le jour de carence. Faut-il un ou trois jours ? Ça, on peut en discuter.
En tant que rapporteur pour le secteur médico-social, je pense qu’il eût été intéressant d’étendre le jour de carence aux établissements médico-sociaux. Cette proposition s’inscrit dans le même esprit que la demande du président Milon de généraliser la mesure à l’ensemble de la fonction publique. Élargir le dispositif, en l’expliquant bien, présenterait un intérêt certain pour tous.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. La complémentaire santé dont bénéficient les salariés du secteur privé peut parfaitement être étendue aux agents hospitaliers. Mais il faut quand même savoir que dans les grands groupes privés – auxquels le Gouvernement fait systématiquement référence, comme l’a parfaitement fait observer Roger Karoutchi –, 30 % des salariés ne disposent pas d’une couverture complémentaire. Et ne parlons pas des salariés des PME-PMI, qui sont beaucoup plus nombreux ! Dans ces entreprises, ce pourcentage est pratiquement nul.
En fait, une sorte de « tâche originelle » demeure sur cette question. Si le Gouvernement a supprimé le jour de carence, c’est parce qu’il ne voulait pas augmenter la rémunération des fonctionnaires. La suppression du jour de carence, c’est tout simplement pour contrebalancer l’absence de volonté de négocier sur le point d’indice dans la fonction publique. En conséquence, tout est faussé !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Vous vous doutez bien, mes chers collègues, que je suis en total désaccord avec les amendements qui viennent d’être présentés. Je vais tenter de rester calme et courtoise,…
M. Jean Desessard. Au contraire, énervez-vous ! Battez-vous !
Mme Annie David. … mais je ne partage absolument pas vos arguments.
Pourquoi les arrêts maladie sont-ils plus nombreux dans la fonction publique, en particulier dans la fonction publique hospitalière, qu’ailleurs ? Avez-vous passé quelques mois, voire quelques semaines seulement, avec les agents travaillant dans nos hôpitaux ? Connaissez-vous leurs conditions de travail ?
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Annie David. Vous êtes-vous penchés sur la façon dont ces femmes et ces hommes, qui s’efforcent d’apporter des soins de qualité et à qui l’on en demande chaque jour un peu plus, parviennent à remplir leurs missions de service public auprès des malades ? Allez dans les services pédiatriques ! Allez dans n’importe quel service de n’importe quel hôpital et passez du temps avec eux !
Sans doute y a-t-il plus d’arrêts maladie dans ce secteur que dans d’autres, mais sans doute aussi que les conditions de travail y sont beaucoup plus difficiles qu’ailleurs ! Ce n’est donc pas en imposant trois jours de carence que vous lutterez contre cet absentéisme, c’est en améliorant les conditions de travail !
Vous nous dites que les agents de la fonction publique et les salariés du secteur privé doivent être traités sur un pied d’égalité. Mais ils l’étaient avant qu’un gouvernement de droite, voilà quelques dizaines d’années, décide de supprimer les droits des salariés des entreprises privées ! Je m’en souviens bien, puisque – il est de bon ton, dans cet hémicycle, de rappeler son ancienne profession – j’étais salariée à l’époque. Nous avons manifesté pour empêcher ce gouvernement de droite de parvenir à ses fins, mais nous n’avons pas été suffisamment forts, étant trop peu nombreux dans les rues pour défendre nos droits. Les fonctionnaires, eux, ont eu cette force. Ils se sont battus et, ainsi, ont pu conserver des droits acquis de longue date.
Parce que certains n’ont pas été en mesure de maintenir leurs droits, on souhaiterait aujourd'hui priver d’autres salariés des leurs, sous prétexte que tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité… Non ! Pour que tous bénéficient du même traitement, il ne faudrait plus de jour de carence, ni dans le secteur privé, ni dans le secteur public ! Évidemment, cela aurait un coût pour notre système de protection sociale. Mais c’est encore un point sur lequel je suis en complet désaccord avec vous, ainsi, d’ailleurs, qu’avec le PLFSS.
Nous avons bien présenté des amendements visant à augmenter les recettes, mais vous n’en avez pas voulu. Dès qu’il s’agit de toucher un tant soit peu aux produits financiers et aux dividendes, vous protestez…
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Annie David. C’est ce qui m’a fait dire à minuit vingt, mercredi soir, ou plutôt jeudi matin, que j’assistais avec beaucoup de plaisir à un véritable retour de la lutte des classes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Annie David. Vous êtes en effet très forts dès lors qu’il s’agit de défendre les droits d’une certaine classe de la société.
M. Jean Desessard. Exactement !
Mme Annie David. Pour ma part, j’estime que les agents de la fonction publique ont eu raison de se battre pour défendre leurs droits, et je lutterai à leurs côtés pour faire en sorte que ces droits soient maintenus, notamment au bénéfice des agents de la fonction publique hospitalière.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Après Mme David, qui a été formidable, je n’ai plus rien à dire...
M. Pierre Charon. Alors ne dites rien !
M. Jean Desessard. Il est quand même extraordinaire d’entendre la droite parler d’équité. Quand il s’agit de taxer au même niveau que les salaires les dividendes de patrons qui touchent des millions et des millions d’euros, des sommes extravagantes, là, vous n’en parlez plus, mes chers collègues. L’équité, ce n’est bon que pour les pauvres !
Mme Isabelle Debré. Les fonctionnaires ne sont pas tous pauvres !
M. Jean Desessard. Dès qu’on entend réduire leurs droits, on fait appel à l’équité et à leur sens du devoir. Les patrons, eux, on les exempte de tout, bénéficiant de retraites dorées, cumulant retraite et emploi, etc.
Le plus étonnant, c’est que, même quand les socialistes courent à droite, vous arrivez toujours à les dépasser. Il aura juste suffi que notre assemblée passe à droite pour qu’ils redeviennent de gauche. Vous êtes formidables, vous les déculpabilisez !
Comprenez tout de même que l’assurance maladie a été conçue pour garantir une indemnisation aux personnes qui tombent malades. Le terme « assurance » implique que la personne malade conserve les mêmes droits et, Mme David a raison de le souligner, c’est un acquis social.
Il y en a qui abusent, dites-vous – ne parlons pas des abus des patrons –,…
Mme Catherine Procaccia. Quel rapport avec les jours de carence ?
M. Jean Desessard. … mais, à l’hôpital, c’est tout le contraire : les personnels font des heures supplémentaires qui ne sont pas payées, travaillent au détriment de leur santé, de leur famille, de leurs loisirs, faisant preuve d’un sens certain du service public.
C’est à ces personnes qui ont le sens du service public, qui ne ménagent aucun de leurs efforts pour remplir leurs missions que vous entendez expliquer, le jour où elles tombent malades, qu’ayant trop travaillé, elles seront payées trois jours de moins ? Voilà la récompense et la reconnaissance que vous réservez à un personnel hospitalier assumant ses fonctions dans des conditions très difficiles et manquant, chaque année, d’un peu plus de moyens ! Tombez malades, et vous aurez trois jours de pouvoir d’achat en moins !
Pourtant, ces trois jours de pouvoir d’achat ne seraient pas sans utilité. Un patron place forcément sur un compte – j’allais dire en Suisse, mais nous parvenons désormais à savoir ce qu’il s’y passe – l’argent qu’il n’utilise pas. L’aide-soignant ou l’infirmier consomme sans pouvoir économiser, et les sommes perçues sont directement injectées dans l’économie.
Aussi je tiens à vous dire qu’au niveau économique et social, comme sur le plan de la reconnaissance du personnel hospitalier, ces amendements sont en dehors de la réalité. En conséquence, les écologistes ne les voteront pas.
Mme Annie David. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je serai très sobre après ce grand moment d’éloquence : les membres du groupe socialiste ne voteront pas ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 49, et les amendements nos 64 et 116 n'ont plus d'objet.
Chapitre VII
Autres mesures
Article 50
I. – La section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1142-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-3-1. – I. – Le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l’article L. 1142-1 et aux articles L. 1142-1-1 et L. 1142-15 n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.
« II. – Toutefois, le recours aux commissions mentionnées à l’article L. 1142-5 exerçant dans le cadre de leur mission de conciliation reste ouvert aux patients ayant subi des dommages résultant des actes mentionnés au I du présent article. »
II. – Le présent article s’applique aux demandes d’indemnisation postérieures au 31 décembre 2014.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 205 rectifié bis est présenté par Mmes Deroche et Canayer, M. Cardoux et Mmes Gruny et Procaccia.
L'amendement n° 272 rectifié est présenté par MM. Husson et Raison, Mme Lopez, M. Bouchet, Mme Mélot et M. Charon.
L'amendement n° 318 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 205 rectifié bis.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement, proposé par Catherine Deroche, tend à supprimer l’article 50.
La Cour de cassation a précisé que les actes de chirurgie esthétique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens du code de la santé publique, quand bien même ils tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice.
À ce titre, et compte tenu d'éventuels préjudices moraux, il est important de maintenir le dispositif législatif existant.
Adopter cet article aboutirait à traiter de façon inéquitable les usagers du système de santé et les professionnels de santé qui accomplissent les actes de médecine esthétique, alors que le code de la santé publique réglemente de façon stricte leurs conditions d’exercice.
En outre, cela conduirait à considérer que les actes de chirurgie esthétique « de confort » ne sont pas des actes médicaux, à exclure du champ d’application de la loi du 4 mars 2002 les actes à visée esthétique, ce qui n’a jamais été souhaité par le législateur, à séparer la santé physique de la santé psychique, à oublier que l’activité de chirurgie esthétique est accompagnée de multiples actes de soins, à faire régresser de manière tout à fait regrettable les droits des usagers du système de santé et à étendre de façon incontrôlée le raisonnement à d’autres actes, tels que les interruptions volontaires de grossesse ou les césariennes qui pourraient être dites « de confort ».
M. le président. L’amendement n° 272 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 318 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements tendent à supprimer l’article 50, dont l’objet est d’exclure les actes à visée esthétique non réparatrice du dispositif d’indemnisation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM.
Il n’a pas semblé opportun à la commission de prendre en charge, au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d’actes de pure convenance personnelle.
L’article 50 vise à opérer une clarification de la réparation des préjudices liés à des actes de chirurgie esthétique. Ainsi, les dommages résultant d’actes à visée réparatrice peuvent être couverts par l’ONIAM, tandis que les dommages résultant d’actes à visée non réparatrice peuvent toujours être indemnisés dans le cadre de la conciliation par les commissions de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, les CCI, ou dans le cadre des dispositifs de réparation en responsabilité civile de droit commun.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Il n’est pas certain que vouloir absolument maintenir dans les mécanismes d’indemnisation prévus par l’ONIAM les dommages consécutifs à des actes dépourvus de finalités préventives, de finalités de diagnostic, de finalités thérapeutiques ou encore de finalités reconstructrices soit une question d’équité.
Par ailleurs, les victimes de dommages consécutifs à un acte de pure convenance personnelle gardent la possibilité d’agir devant les tribunaux de l’ordre judiciaire, ce qui est un droit inaliénable. L’intervention de l’ONIAM est maintenue pour les actes de chirurgie réparatrice, en particulier à la suite des mastectomies consécutives aux cancers du sein.
Il n’y a donc pas de raison, à notre sens, de rétablir l’inclusion dans l’indemnisation de l’ONIAM des actes de chirurgie esthétique qui sont de pure convenance personnelle. Je le répète, ce n’est pas un problème d’équité, c’est une question de champ de la solidarité nationale.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 205 rectifié bis et 318 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean Desessard. Vous avez perdu des troupes à droite ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 50.
(L'article 50 est adopté.)
Article 51 (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 51, appelé par priorité, a été examiné en début d’après-midi.
Article 52
Le chapitre Ier du titre VI du livre III du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l’article L. 361-1, les mots : « multiple du gain journalier de base tel qu’il est défini à l’article L. 323-4 » sont remplacés par les mots : « montant forfaitaire déterminé par décret » ;
2° L’article L. 361-2 est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article vise à modifier le système du capital décès, par lequel une indemnité est versée aux proches du défunt par la sécurité sociale. Cette indemnité sert principalement, en tout cas en pratique, à faire face aux frais d’obsèques. Auparavant, elle était calculée en fonction du salaire ou de la pension du défunt. Elle devait être comprise entre 375 euros et 9 387 euros au 1er janvier 2014.
Le présent article prévoit de mettre en place une indemnité forfaitaire, dont le montant sera fixé par décret. En effet, il était reproché à l’ancien dispositif d’apporter des indemnités trop faibles aux proches de défunts ayant de petits revenus. Quant aux personnes aux revenus plus élevés, l’indemnité apparaissait comme subsidiaire, celles-ci souscrivant par ailleurs à des régimes complémentaires.
La mesure est donc présentée comme plus juste. Le forfait relèverait l’allocation perçue par les ayants droit des défunts aux revenus modestes et la diminuerait pour les proches dont le défunt percevait de plus hauts revenus. Or la mesure permet surtout de réaliser 158 millions d’euros d’économies en 2015, en 2016 et de nouveau en 2017. En toute logique, si véritablement cette mesure était juste, les sommes perdues par les ayants droit des défunts aux hauts revenus devraient être redistribuées aux ayants droit des défunts aux faibles revenus. Cela devrait donc être neutre pour la sécurité sociale. Cet article a donc bien une finalité d’économies plus que de justice sociale entre les différentes familles.
De plus, cette mesure accentue l’aspect subsidiaire de cette indemnité pour les personnes percevant des revenus élevés. Le risque existe donc que cette indemnité n’apparaisse plus du tout significative et leur soit, à terme, retirée. Surtout, cela ouvre la voie à la souscription d’assurances décès privées. Il est ici question, au fond, de la défense de notre modèle social quand la pression pour la privatisation de ce type de prestation est forte.
Ainsi, si nous saluons bien sûr l’augmentation du capital décès pour les proches des défunts aux revenus modestes, l’économie réalisée et la voie ouverte à la privatisation du capital décès nous conduisent à ne pas voter cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 52.
(L'article 52 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 52
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 161-38 du code de la sécurité sociale est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces certifications sont rendues obligatoires, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État :
« 1° pour tout logiciel dont au moins une des fonctionnalités est de proposer une aide à l'édition des prescriptions médicales, au plus tard le 1er janvier 2015 ;
« 2° pour tout logiciel dont au moins une des fonctionnalités est de proposer une aide à la dispensation des médicaments, au plus tard le 1er juillet 2015. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La certification des logiciels de dispensation des médicaments semble avoir pris du retard. Plutôt que de maintenir une obligation que les pharmaciens ne pourront remplir, il est proposé de repousser de six mois l’échéance fixée pour permettre à la Haute Autorité de santé d’achever le travail de certification prévu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je suis en mesure de vous apporter des réponses qui devraient vous satisfaire, monsieur le rapporteur général, voire vous conduire à retirer votre amendement.
Le décret a été signé par Mme la ministre de la santé et sera publié dans les tout prochains jours.
Mme la ministre ayant saisi le président de la Haute Autorité de santé à ce sujet dès la rentrée, cette dernière nous a fait savoir qu’elle était prête à publier le référentiel dans les délais.
Comme vous pouvez le constater, le dossier est suivi, et les délais initialement prévus devraient être tenus.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 67 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, je le retire, monsieur le président.
Je constate que, de temps en temps, la HAS accélère… (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 67 est retiré.
L'amendement n° 66, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du III de l’article 23 de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « six ans ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Afin d’améliorer la continuité et la coordination des soins des patients hospitalisés, notamment pour diminuer le risque d’iatrogénie médicamenteuse, l’article 23 de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé avait autorisé une expérimentation permettant à certains médecins hospitaliers de consulter le dossier pharmaceutique du patient hospitalisé avec son consentement. Cette expérimentation, qui n’a effectivement débuté qu’en juillet 2013, vise à mieux coordonner l’action des professionnels de santé entre la ville et l’hôpital, et vous savez que nous y sommes attachés. Elle doit prendre fin le 30 décembre 2014.
Dans les faits, l’expérimentation n’a donc été conduite que sur dix-huit mois au lieu des trente-six mois initialement prévus. Pour disposer de données pertinentes susceptibles d’être analysées par les autorités de santé, il est donc proposé de prolonger cette expérimentation de trois ans, soit jusqu’à la fin de l’année 2017.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le démarrage de l’expérimentation ayant été retardé, la durée de trente-six mois qui était initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2014 n’a pu être tenue.
Aussi le Gouvernement est-il favorable à la prolongation du délai. Nous suggérons toutefois que celui-ci soit prolongé non pas de trois ans, mais d’un an seulement, monsieur le rapporteur général.
M. le président. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur général ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je suis d’accord. Je vais donc rectifier l’amendement pour remplacer les mots « six ans » par les mots « quatre ans ».
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Après l'article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du III de l’article 23 de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « quatre ans ».
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 52.
Article 53
I. – Le montant de la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au financement du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés mentionnée à l’article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) est fixé à 280,6 millions d’euros pour l’année 2015.
II. – Le montant de la dotation des régimes obligatoires d’assurance maladie pour le financement de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, mentionnée à l’article L. 1142-23 du code de la santé publique, est fixé à 115 millions d’euros pour l’année 2015.
III. – Le montant de la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au financement de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires mentionné à l’article L. 3135-1 du code de la santé publique est fixé à 15,257 millions d’euros pour l’année 2015.
IV. – Le montant de la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au financement des agences régionales de santé au titre de leurs actions concernant les prises en charge et accompagnements des personnes âgées ou handicapées, mentionnée au 3° de l’article L. 1432-6 du code de la santé publique, est fixé à 103,17 millions d’euros pour l’année 2015.
V. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Les mots : « , pour la réalisation d’études sur les coûts des établissements et services mentionnés à l’article L. 314-3-1 du présent code, » sont supprimés ;
2° Après les mots : « imputés sur », la fin est ainsi rédigée : « les fractions du produit des contributions mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 14-10-4. »
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 1142-23
par la référence :
L. 1142-22
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. La modification de référence prévue par cet amendement ne semble pas justifiée : c’est bien l’article mentionnant la dotation à l’ONIAM qui doit être visé et non l’article mentionnant l’ONIAM en tant que tel.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement dont l’incidence semble excéder la simple amélioration rédactionnelle.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Compte tenu de ces explications, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 69 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 111, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. L'objet de cet amendement est de supprimer les dispositions permettant un financement de charges relevant de l’assurance maladie par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et la contribution de solidarité pour l’autonomie, la CSA, au détriment de la compensation de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, pour les départements. C’est une revendication des élus des conseils généraux formulée à de nombreuses reprises au sein de notre assemblée depuis plusieurs années. Je ne m’y appesantis pas.
En l’occurrence, notre amendement tend à supprimer les dispositions de l’article 53 prévoyant le financement par la seule CSA des dotations allouées par la CNSA à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM, à l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, et à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, l’ATIH.
Inscrire dans la loi la règle selon laquelle cette contribution est désormais prélevée sur la CSA reviendrait à détourner, une fois encore, cette recette de son but premier, qui est la compensation de la perte d’autonomie.
Madame la secrétaire d’État, nous allons bientôt pouvoir discuter du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Nous savons que la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, va être rendue à la dépendance, comme cela avait été prévu. À cet égard, je me permets de vous rappeler que le Sénat a adopté, sur mon initiative, en 2012, une proposition de loi visant à étendre la journée de solidarité à tous les revenus. Or certaines personnes, qui sont parfois parmi les plus aisées, ne paient toujours pas cette journée de solidarité.
Nous attendons surtout la deuxième phase de ce projet de loi : je lance un cri d’alarme au sujet des personnes âgées hébergées en EPADH et qui ne parviennent plus à payer le reste à charge. Il est donc urgent de prendre des dispositions. Bien sûr, les enjeux seront d’un autre ordre. À cet égard, je vous livre une piste de réflexion pour l’avenir : quelque 18 milliards d’euros de l’ONDAM médico-social affectés à la section I du budget de la CNSA destinée au financement des établissements serviraient également à payer le forfait soins dans les établissements, frais qui reviennent à l’ONDAM.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 68 est présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 212 rectifié ter est présenté par M. Daudigny, Mmes Perol-Dumont et Génisson, MM. Bérit-Débat et Godefroy, Mme Claireaux et MM. Camani et Vergoz.
L'amendement n° 258 est présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 316 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur, pour présenter l’amendement n° 68.
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions de l’article 53 qui prévoient le financement par la seule contribution de solidarité pour l’autonomie des dotations allouées par la CNSA à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux et à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation.
Ces agences sont entièrement financées par les régimes obligatoires d’assurance maladie, et la contribution de la CNSA est jusqu’à présent prélevée sur l’objectif global de dépenses, l’OGD.
Inscrire dans la loi la règle selon laquelle cette contribution est désormais prélevée sur la CSA reviendrait à détourner cette recette de son but premier, qui est la compensation de la perte d’autonomie. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 à 7 de cet article.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 212 rectifié ter.
M. Yves Daudigny. Je pourrais m’en tenir à un « défendu », puisque cet amendement est similaire à l'amendement n° 111 et identique aux amendements nos 68, 258 et 316 rectifié, déposés pour les mêmes raisons et d’ores et déjà excellemment présentés.
Je profite néanmoins de ce moment, mes chers collègues, pour appeler votre attention sur l’amendement 215 rectifié ter que nous présenterons ultérieurement sur cette question de l’affectation du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie. Notre volonté est de préserver les ressources destinées au financement des allocations de solidarité pour l’accompagnement de la perte d’autonomie et la compensation du handicap. Nous insistons sur le fait que la raison d’être de la CSA est de compenser l’APA et la PCH, et non de se substituer aux financements qui incombent à l’assurance maladie.
J’avais, pour cette même raison, déposé deux autres amendements à l’article 53 concernant le financement, d’une part, des CREAI, les centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité, et, d’autre part, des MAIA, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, et des GEM, les groupes d’entraide mutuelle pour handicapés psychiques. Ces deux amendements ont été déclarés irrecevables.
C’est en quelque sorte « le coup du chat perché ». Ces structures sont passées d’un financement normalement dévolu à l’assurance maladie à celui de la CNSA. Une fois le transfert réalisé : « perché ! » ; c’est l’article 40, et il n’est plus possible de revenir en arrière !
C’est pourquoi nous vous invitons, par ces amendements, à ne pas valider ces transferts de fonds de la CNSA pour le financement de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux et de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation.
Faut-il rappeler l’importance des allocations de solidarité pour une très grande partie de la population et les difficultés que connaissent les départements pour les maintenir ? Nous souhaitons simplement que les couloirs de financement en direction de l’assurance maladie et de la perte d’autonomie soient les plus clairs possibles.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 258.
Mme Annie David. Cet amendement étant identique aux deux amendements précédents, je m’associe donc aux arguments qui viennent d’être développés.
M. le président. L’amendement n° 316 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 111 ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je demande à Gérard Roche de retirer son amendement au profit de l’amendement n° 68, qui a recueilli l’adhésion unanime de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 111 prévoit en effet la suppression de l’alinéa 4, ce qui reviendrait à priver le FIR de ses ressources provenant de la CNSA, alors même que son périmètre comprend le secteur médico-social. Il me semble important de maintenir ces ressources.
M. le président. Monsieur Roche, l'amendement n° 111 est-il maintenu ?
M. Gérard Roche. Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 111 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. L’article 53 vise d'abord à mettre fin à la contradiction qui existe entre deux dispositions du code de l’action sociale et des familles, la première prévoyant le financement par l’objectif global de dépenses des contributions versées par la CNSA à l’ANAP, à l’ANESM et à l’ATIH, et la seconde limitant le périmètre de l’OGD au financement de certains établissements et services médico-sociaux.
Conformément à la pratique de financement actuelle, l’article 53 prévoit d’imputer le financement des trois agences sur la seule recette de contribution de solidarité pour l’autonomie. Il n’opère aucun transfert de charges, mais clarifie simplement le financement des trois agences.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68, 212 rectifié ter et 258.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 53, modifié.
(L'article 53 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 53
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 72, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au a) du 1 du I, les mots : « une fraction au moins égale à 10 % et au plus égale à 14 % » sont remplacés par les mots : « 10 % » ;
2° Au a) du III, les mots : « une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % » sont remplacés par les mots : « 30 % ».
La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la répartition du produit de la CSA, en fixant à 10 %, c'est-à-dire au niveau minimal actuellement prévu par le texte, la part affectée à l’OGD pour les personnes handicapées, et à 30 %, c’est-à-dire au niveau maximal actuellement prévu par le texte, la part affectée au financement de la prestation de compensation du handicap.
Nous proposons une répartition différente à montant égal afin d’assurer un partage équilibré du produit de la CSA. Une moitié serait affectée au financement des soins en établissement et l’autre moitié serait affectée à la compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Cela correspond à la philosophie de la CSA.
M. le président. L'amendement n° 215 rectifié ter, présenté par M. Daudigny, Mmes Perol-Dumont et Génisson, MM. Bérit-Débat et Godefroy, Mme Claireaux et MM. Camani et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au a) du 1 du I, les mots : « au moins égale à 10 % et au plus égale à 14 % » sont remplacés par les mots : « égale à 10 % » ;
2° Au a) du III, les mots : « au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % » sont remplacés par les mots : « égale à 30 % » ;
3° Il est ajouté un VII ainsi rédigé :
« VII. - Pour l’année 2015, le programme d’aide à l’investissement est financé par une reprise sur les excédents cumulés au 31 décembre 2014 de la caisse. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement, qui procède du même esprit que l’amendement n° 212 rectifié ter, vise à rééquilibrer la répartition actuelle du produit de la CSA, prévue par l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, entre les allocations de compensation – APA et PCH – et les établissements médico-sociaux.
La pédagogie étant l’art de la répétition, je rappelle que, depuis plusieurs années, il est procédé à des transferts de charges de l’assurance maladie vers le budget de la CNSA. Cela a notamment été le cas – je l’ai déjà souligné – pour le financement des groupes d’entraide mutuelle pour handicapés psychiques, des MAIA, des trois agences nationales de l’État évoquées précédemment ou encore des CREAI.
Ces transferts engendrent des déséquilibres dans le financement des allocations de solidarité. Cet amendement tend donc à rétablir les équilibres logiques et normaux entre les financements de l’assurance maladie et les financements médico-sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 215 rectifié ter ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. L’amendement comporte deux parties. La première est identique à l’amendement n° 72. La seconde vise, quant à elle, à soutenir l’investissement. Or, à travers l’amendement n° 73, que nous allons examiner ensuite, la commission des affaires sociales propose d’utiliser les réserves de la CNSA, et non le produit de la CASA, pour financer un plan d’investissement.
Je demande donc à Yves Daudigny de retirer son amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 72 et 215 rectifié ter ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Ces deux amendements visent à réduire la part de la CSA affectée au secteur médico-social afin d’augmenter la part affectée à la PCH. Il est donc proposé de réduire les financements disponibles pour les établissements qui accueillent des personnes handicapées et pour les services en faveur des personnes handicapées. L’adoption de l’un de ces amendements nuirait grandement au financement des établissements et mettrait en danger la réalisation du plan autisme.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les réserves de la CNSA. Je suis dans l’obligation de vous rappeler que ces réserves vont diminuer dans les années qui viennent. Comme, par ailleurs, il n’est pas possible d’augmenter la contribution des régimes d’assurance maladie au financement de l’OGD, il est nécessaire de maintenir le niveau de financement de la CSA prévu par l’OGD.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je me suis mal exprimé. La commission ne propose pas de financer le plan d’investissement en puisant dans les réserves de la CNSA, qui vont effectivement diminuer, mais en utilisant la part du produit de la CASA qui ne sera pas affectée au financement du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. En effet, ce texte ne devrait être adopté qu’au milieu de l’année. Nous proposons donc d’affecter la moitié du produit de la CASA en 2015 – c'est-à-dire, si ma mémoire est bonne, environ 100 millions d'euros – au plan d’investissement, qui sera pluriannuel. Cela donnerait satisfaction à Yves Daudigny.
Je comprends l’avis défavorable du Gouvernement. Cependant, madame la secrétaire d'État, cela fait des années qu’on assiste à un détournement des fonds médico-sociaux au détriment des départements, qui participent à la prise en charge de la dépendance à travers l’APA et la PCH. Les conseils généraux – demain les conseils départementaux – ne pourront pas continuer indéfiniment à financer des allocations de solidarité sur leurs fonds propres, en l’absence de compensation. On arrive à la fin du dispositif.
Les réserves de la CNSA ont été utilisées au cours des dernières années. On sait bien qu’elles vont diminuer. C'est pourquoi il faut y être attentif dès à présent.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je souhaite répondre à Mme la secrétaire d’État, car je ne partage pas son raisonnement.
Comme je l’ai souvent dit dans cet hémicycle, la CNSA a ses ressources propres. Lorsqu’elle a été créée, il a été décidé d’en prélever environ 1 milliard d’euros pour financer les établissements du secteur médico-social. Or ces établissements existaient avant la création de la CNSA ; ils étaient alors financés dans le cadre de l’ONDAM médico-social. Il y a donc bien 1 milliard d’euros de ressources propres de la CNSA qui sont aujourd'hui utilisés en lieu et place des fonds de l’ONDAM médico-social. Ce milliard pourrait être affecté au financement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Cela étant, mon amendement n’ayant pas reçu un avis favorable du rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 215 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote sur l’amendement n° 72.
M. Bruno Gilles. En fait, je souhaite obtenir un éclaircissement sur les MAIA. Je voudrais savoir si elles sont toujours dans la nomenclature des services médico-sociaux autorisés par l’ARS et financés par l’assurance maladie ou si elles sont financées par la CSA, qui, cela a été rappelé, devrait servir à financer l’APA et la PCH versées par les conseils généraux. Pourriez-vous faire le point sur cette question, madame la secrétaire d'État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je voudrais d'abord répondre à Yves Daudigny. Depuis la mise en place de la CNSA, des milliers de places ont été créées tant pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées. Une partie des ressources de la CNSA ont été créées pour être affectées à la prise en charge du vieillissement ou du handicap en établissement.
J’ajoute, à l’intention de M. le rapporteur, que la part du produit de la CASA qui ne sera pas affectée au financement du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement sera affectée aux réserves de la CNSA pour financer un plan pluriannuel.
Les MAIA, monsieur Gilles, ne sont pas des établissements accueillant des patients, mais un réseau. Elles ne font donc pas partie de la nomenclature que vous avez évoquée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53.
L'amendement n° 73, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux a bis) et b bis) du V de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « Pour les années 2012, 2013 et 2014, 1 % du produit des contributions visées au 1° et 2° de l’article L. 14-10-4 » sont remplacés par les mots : « Jusqu’au 1er juillet 2015, 50 % du produit de la contribution visée au 1° bis de l’article L. 14-10-4 ».
La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Compte tenu des délais d’adoption du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, tout le produit de la CASA ne sera pas affecté au financement de la réforme en 2015. Le Gouvernement s’est engagé à allouer les sommes non dépensées au financement d’un plan d’investissement dans le secteur médico-social sur la période 2015-2017 ; Mme la secrétaire d'État vient de nous le confirmer.
Le présent amendement a donc pour objet d’inscrire dans la loi cet engagement en se fondant sur l’hypothèse, qui fera plaisir à Mme la secrétaire d’État, d’une adoption du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement d’ici à la fin du premier semestre de 2015. Ainsi, comme je vous l’ai dit auparavant, une somme de 100 millions d’euros pourrait être consacrée, sur trois ans, au soutien à l’investissement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Le groupe CRC votera cet amendement. Nous avions d’ailleurs fait une proposition qui allait dans le même sens en élargissant le dispositif à d’autres mesures que l’investissement. Je pense notamment à l’amélioration du point d’indice des salariés de l’aide à domicile.
Nous avons une crainte, à laquelle Mme la secrétaire d’État n’a pas répondu. On nous dit formellement que la somme de 100 millions d’euros va être affectée à un plan pluriannuel d’aide à l’investissement, c’est-à-dire sur la section V bis du budget de la CNSA. Mais comment cet argent pourra-t-il être dépensé, alors que nous ne savons toujours pas quand le projet de loi sera examiné au Parlement ? N’oublions pas qu’il faudra ensuite attendre les décrets d’application. Or s’il n’y a pas d’appel à projets ni de mesures concrètes, cet argent va rester en réserve et ne sera pas dépensé en 2015.
C’est notre principal souci, auquel répond partiellement cet amendement, même si j’avais fait une autre proposition à cet égard sur un autre article : dans la mesure où la recette existe, faisons en sorte de prendre les mesures nécessaires pour que l’argent soit effectivement dépensé pour l’investissement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53.
L'amendement n° 220 rectifié ter, présenté par M. Daudigny, Mmes Perol-Dumont et Génisson, MM. Bérit-Débat et Godefroy, Mme Claireaux et MM. Camani et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 312-8 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 312-8-... ainsi rédigé :
« Art. L. 312-8-... - Les évaluations mentionnées à l'article L. 312-8 peuvent être communes à plusieurs établissements et services gérés par le même organisme gestionnaire lorsque ces établissements et services sont complémentaires dans le cadre de la prise en charge des usagers ou lorsqu'ils relèvent du même contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens en application des articles L. 313-11 à L. 313-12-2. Les recommandations, voire les injonctions, résultant de ces évaluations sont faites à chacun des établissements et services relevant d’une même évaluation commune.
« Les modalités d’application de cet article sont fixées par décret. »
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Je ne comprendrais pas que cet amendement ne puisse pas prospérer.
Nous savons que 40 000 établissements et services vont devoir faire procéder à une évaluation externe par des organismes agréés, dont le coût se situe entre 10 000 euros et 20 000 euros. L’amendement vise tout simplement à permettre de procéder à l’évaluation commune de plusieurs services complémentaires gérés par le même organisme gestionnaire.
À titre d’exemple, on peut se demander s’il est bien utile d’évaluer un IME, un institut médico-éducatif, en 2011 et son SESSAD, service d’éducation spécialisée et de soins à domicile, en 2013, sachant que chaque évaluation devra s’assurer que l’IME collabore dans le cadre de l’intégration scolaire des jeunes handicapés avec le SESSAD et que celui-ci collabore bien, lui aussi, avec les IME, les classes pour l’inclusion scolaire et les unités pédagogiques d’intégration. Il apparaît plus pertinent d’évaluer ces institutions complémentaires ensemble et en même temps lorsqu’elles sont gérées par le même organisme gestionnaire. Cela devrait permettre d’éviter des doublons et ainsi entraîner des économies.
Je précise qu’il ne s’agit pas, avec cette évaluation commune d’établissements et de services complémentaires, d’arriver à une évaluation moyenne, où un établissement déplorable serait sauvé par plusieurs autres établissements excellents. D’ailleurs, lorsque l’évaluation porte sur un seul établissement, cela ne peut pas être « noir ou blanc » ou « tout ou rien ». En effet, pour prendre l’exemple d’un ESAT, un établissement et service d’aide par le travail, l’évaluation peut être favorable sur les activités professionnelles proposées, qui tiendraient bien compte de la nature des handicaps, et critique sur les activités de soutien.
Rappelons enfin qu’il s'agit d'une mesure de simplification, la mutualisation devant conduire à des économies. En effet, ces évaluations ont des coûts, qui, s'agissant d'immobilisations incorporelles, sont certes amortissables, mais qui majorent les tarifs des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de bon sens.
Ces évaluations dans le domaine médico-social entraînent des coûts supplémentaires. En la matière, l’État, via l’ARS, fait déjà son devoir ; les départements aussi. Comme si ces évaluations ne suffisaient pas, on recourt à des évaluations externes, qu’il est tout à fait logique de mutualiser quand les organismes sont gérés par la même structure.
L’adoption de cet amendement représentera une économie, qui sera ensuite répercutée sur le prix de journée, dont on sait qu’il est déjà particulièrement élevé.
C’est la raison pour laquelle l’avis du rapporteur, au nom de la commission, est largement favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je comprends l’intérêt de procéder à une évaluation commune. Seulement, il se trouve que l’évaluation porte non pas sur la gestion, mais sur la qualité de la prise en charge, qui s’apprécie établissement par établissement.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Cela n’empêche pas !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. C’est ce qui justifie qu’on ne puisse pas globaliser les procédures d’évaluation.
Je signale par ailleurs qu’il est déjà possible de mettre en cohérence les calendriers de ces évaluations pour plusieurs établissements dans le cadre, par exemple, d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ou de faire appel à une prestation d’évaluation dans le cadre d’un appel d’offres commun à plusieurs structures. L’objectif de mutualisation peut donc être satisfait sans qu’il soit nécessaire d’adopter une mesure législative.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 140 est présenté par MM. Gilles, Cardoux et Savary, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et M. D. Robert.
L'amendement n° 219 rectifié ter est présenté par M. Daudigny, Mmes Perol-Dumont et Génisson, MM. Bérit-Débat et Godefroy, Mme Claireaux et MM. Camani et Vergoz.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 312-8-2 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « établissements », sont insérés les mots : « et les services ».
La parole est à M. Bruno Gilles, pour présenter l’amendement n° 140.
M. Bruno Gilles. L’article L. 312-8-2 a été inséré dans le code de l’action sociale et des familles par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 par voie d’amendement de M. Daudigny et soutenu à l’Assemblée nationale par Mme Poletti.
Par cet amendement, nous entendons par l’ajout des mots mentionnés donner une base légale au partage du financement des évaluations externes dans les SAMSAH – les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés –, qui sont des services et non des établissements.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 219 rectifié ter.
M. Yves Daudigny. Il est identique à l’amendement n° 140.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Isabelle Debré. Tout arrive ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 140 et 219 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 138 rectifié est présenté par MM. Gilles et Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et M. D. Robert.
L'amendement n° 217 rectifié ter est présenté par M. Daudigny, Mmes Perol-Dumont et Génisson, MM. Bérit-Débat et Godefroy, Mme Claireaux et MM. Camani et Vergoz.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , et sous réserve de leur compatibilité avec les enveloppes limitatives de crédits mentionnées à l’article L. 313-8 et aux articles L. 314-3 à L. 314-5 » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords nationaux ayant des incidences financières pour les collectivités territoriales sont soumis au Conseil national d’évaluation des normes. »
La parole est à M. Bruno Gilles, pour présenter l’amendement n° 138 rectifié.
M. Bruno Gilles. Par cet amendement, nous cherchons à maîtriser la masse salariale dans le secteur social et médico-social. Celle-ci représente 70 % dans les budgets des établissements et 80 % dans les budgets des services.
La masse salariale n’est pas toujours très connue et n’est pas maîtrisée, et c’est une des explications des dépassements des enveloppes limitatives de crédits, notamment celui de l’ONDAM personnes handicapées.
Cet amendement vise donc à accorder une primauté aux articles du code de l’action sociale et des familles relatifs aux crédits limitatifs des financeurs publics, c’est-à-dire l’État, l’assurance maladie et les conseils généraux. Il entend, d’une part, mettre fin « aux contrariétés », soulignées par les juridictions, de la tarification entre ces derniers articles et l’article L. 314-6 sur la procédure d’agrément des conventions collectives, ce qui entraîne de coûteuses condamnations pour les financeurs. Il vise, d’autre part, à responsabiliser les partenaires sociaux et les organismes gestionnaires. Ces derniers ne devraient plus proposer des évolutions non soutenables financièrement.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 217 rectifié ter.
M. Yves Daudigny. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ces amendements proposent un dispositif tout à fait intéressant, que j’avais déjà eu l’occasion de défendre les années précédentes, mais ils posent un certain nombre de problèmes.
Ces amendements soulèvent en effet la question des conséquences que peuvent avoir les conventions collectives conclues dans le secteur social et médico-social sur les dépenses des autorités financeurs. C’est justement en raison de l’impact que ces conventions ont sur les finances publiques qu’elles sont soumises à une procédure d’agrément spécifique. En effet, un accord collectif ne peut entrer en vigueur dans le secteur que lorsqu’il a reçu l’aval de la commission nationale d’agrément compétente en la matière.
Les auteurs de ces deux amendements identiques proposent d’ajouter deux précautions supplémentaires à cette procédure d’agrément : l’accord ne pourrait entrer en vigueur que s’il est compatible avec l’OGD ; il devrait être soumis à l’avis du Conseil national d’évaluation des normes.
Ces dispositions, pour intéressantes qu’elles soient, n’auraient en fait qu’une portée très limitée. La mission de la commission nationale d’agrément est déjà de s’assurer que les accords sont compatibles avec les enveloppes de financement disponibles. Ces amendements sont donc en partie satisfaits. Préciser qu’ils doivent aussi l’être avec l’OGD n’apporte aucune garantie supplémentaire, puisque c’est implicitement compris dans l’objectif de départ.
En outre, quelle sera la portée de l’avis du Conseil national d’évaluation des normes ? S’il ne s’agit que d’un avis consultatif, elle sera faible. Or cela n’est pas précisé dans l’amendement.
Par ailleurs, les conseils généraux ne sont pas mieux représentés dans le Conseil national d’évaluation des normes, puisqu’il y a neuf représentants de l’État et quatre représentants des conseils généraux, qu'à la commission nationale d’agrément, où il y a six représentants de l’État pour trois représentants des conseils généraux.
De surcroît, est-il opportun de demander aux représentants des régions, des communes ou des intercommunalités, qui n’ont aucune compétence dans le domaine de la tarification des établissements et des services médico-sociaux, de se prononcer sur des conventions collectives applicables à ce secteur ? Je n’en suis pas certain.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. L’actuel dispositif d’agrément des accords collectifs et des conventions d’entreprise, tel que l’a décrit à l’instant M. le rapporteur, est en effet un levier important de maîtrise de la masse salariale, donc de la dépense, dans les établissements financés par les pouvoirs publics. Le corollaire de l’application de ces accords collectifs est leur opposabilité aux financeurs.
La tarification des établissements et services médico-sociaux va évoluer, cette évolution se traduisant particulièrement par des systèmes d’allocations de ressources qui reposeront davantage sur les réponses aux besoins de soins et d’accompagnement, plutôt que sur un dialogue budgétaire centré sur les charges des établissements et services.
Ce changement conduira aussi à revoir sensiblement les modalités du dispositif, ce qui sera l’occasion de débattre de manière plus approfondie de l’organisation de l’agrément.
Dans l’attente de ces réformes, l’objectif de maîtrise de la masse salariale est bien pris en compte dans le cadre du dispositif d’agrément. Aussi, messieurs les sénateurs, je vous suggère de retirer ces amendements et d’attendre l’évolution à venir des tarifs. À défaut de retrait, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. N’étant pas insensible aux arguments présentés par Mme la secrétaire d’État, je retire mon amendement.
M. Bruno Gilles. Moi également !
M. le président. Les amendements nos 138 rectifié et 217 rectifié ter sont retirés.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 139 rectifié est présenté par MM. Gilles et Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et M. D. Robert.
L'amendement n° 218 rectifié ter est présenté par M. Daudigny, Mmes Perol-Dumont et Génisson, MM. Bérit-Débat et Godefroy, Mme Claireaux et MM. Camani et Vergoz ;
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Les mots : « le représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « le directeur général de l’agence régionale de santé » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Conformément à l’article L. 242-4, les placements familiaux des adultes handicapés orientés en maisons d’accueil spécialisées sont à la charge de l’assurance maladie. »
La parole est à M. Bruno Gilles, pour présenter l’amendement n° 139 rectifié.
M. Bruno Gilles. Depuis la loi HPST, il a été omis de toiletter cette disposition législative sur le maintien de la prise en charge par une famille d’accueil d’un jeune adulte handicapé qui doit y être maintenu, faute de place en maison d’accueil spécialisée.
Il s’agit d’une proposition reprise par le rapport Zéro sans solution, remis le 10 juin 2014 par Denis Piveteau, conseiller d’État.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 218 rectifié ter.
M. Yves Daudigny. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ces amendements concernent le placement familial des jeunes handicapés.
Le 1° de ces amendements est tout à fait intéressant, puisqu’il vise à remplacer, dans l’article L. 441-3 du code de l’action sociale et des familles, la mention du préfet par celle du directeur général de l’agence régionale de santé. Il n’y a pas lieu de contester cette modification, puisqu’il s’agit bien de l’une des compétences que doit exercer ce directeur général.
En revanche, je demande aux auteurs de ces amendements de les rectifier pour supprimer le 2°. En effet, le placement des jeunes handicapés en maison d’accueil spécialisée est, par définition, à la charge de l’État, donc de l’assurance maladie. Une telle disposition est donc redondante avec le droit existant.
La commission a donc émis un avis favorable, sous réserve de la rectification que je viens d’indiquer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Il se trouve que les placements familiaux des adultes handicapés qui relèvent des maisons d’accueil spécialisées n’ont pas vocation à être pris en charge par l’assurance maladie, puisqu’il s’agit d’une activité d’hébergement assumée par le conseil général, qui délivre les agréments, et dont le financement est assuré, à titre subsidiaire, par l’aide sociale.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Gilles, que décidez-vous ?
M. Bruno Gilles. Je réponds favorablement à la demande de rectification formulée par M. le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 139 rectifié bis, présenté par MM. Gilles et Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et M. D. Robert.
Cet amendement est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin de l’article L. 441-3 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « le représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « le directeur général de l’agence régionale de santé ».
Monsieur Daudigny, souhaitez-vous également rectifier votre amendement ?
M. Yves Daudigny. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris l’explication donnée par M. le rapporteur. Il s’agit, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, du financement des placements familiaux lorsque le jeune handicapé est maintenu dans la famille, alors qu’il devrait être admis en maison d’accueil spécialisée…
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Il n’est pas maintenu dans sa famille, mais chez des assistants familiaux !
M. Yves Daudigny. Depuis l’adoption de la loi HPST, on a omis de toiletter cette disposition législative relative au maintien de la prise en charge d’un jeune adulte handicapé par une famille d’accueil, faute de place en maison d’accueil spécialisée.
Je peux me tromper, mais les propos de M. le rapporteur ne correspondent pas à la situation qui a motivé le dépôt de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Mon cher collègue, la rédaction de votre amendement peut laisser un doute, puisque Mme la secrétaire d’État et moi-même n’avons pas la même interprétation.
Quoi qu’il en soit, les règles sont claires et vous les connaissez aussi bien que moi. L’article L. 242-4 les définit. Il n’est donc pas utile de les rappeler à nouveau dans la loi. C’est du moins ce que j’ai compris à la lecture de votre amendement, mais je me trompe peut-être…
M. le président. Monsieur Daudigny, maintenez-vous votre position ?
M. Yves Daudigny. Monsieur le rapporteur, votre interprétation ne correspond pas à l’explication de Mme la secrétaire d’État, qui nous a bien indiqué que le financement du placement familial ne relevait pas de l’assurance maladie. Or l’objet de mon amendement est de mettre à la charge de l’assurance maladie les placements familiaux des jeunes adultes handicapés orientés en maison d’accueil spécialisée.
Nous souhaitons effectuer cette régularisation. Mme la secrétaire d’État nous a dit qu’elle n’y était pas favorable, mais je pense que l’argument que vous nous opposez ne tient pas.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Pour que nous soyons bien sûrs de parler de la même chose, je résume la situation. Il s’agit des adultes handicapés qui, n’ayant pas trouvé de place en maison d’accueil spécialisée, sont accueillis par des assistants familiaux et non pas par leur propre famille.
M. Yves Daudigny. Exactement !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. En journée, ils sont souvent en accueil de jour et pris en charge, à ce titre, par le budget de l’assurance maladie ; le soir, ils rejoignent une famille d’accueil qui est rémunérée par le conseil général, puisque c’est ce dernier qui délivre l’agrément.
Cela dit, je confirme que l’avis du Gouvernement est toujours défavorable.
M. le président. Monsieur Daudigny, ces explications vous incitent-elles à rectifier votre amendement ?
M. Yves Daudigny. Nous votons la loi, il s’agit donc de bien comprendre le contenu des dispositions que nous adoptons.
Je suis pleinement en accord avec l’explication de la situation donnée par Mme la secrétaire d’État, qui a ajouté que le Gouvernement n’était pas favorable à notre proposition. Celle-ci consiste bien à transférer une charge actuellement assumée par le conseil général vers l’assurance maladie. Je m’étonne que M. le rapporteur ne soit pas d’accord avec nous sur ce point…
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’avais compris !
M. Yves Daudigny. Je maintiens donc mon amendement dans son intégralité.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Avec les explications qui viennent d’être données, la situation est plus claire. En réalité, cet amendement opère un transfert de charge des départements vers l’assurance maladie.
M. Yves Daudigny. Actuellement, c’est le contraire !
M. Jean Desessard. Il faudrait peut-être que Mme la secrétaire d’État nous donne une explication plus politique qui nous permettrait de comprendre pourquoi le Gouvernement ne veut pas effectuer ce transfert.
M. Daudigny estime que la prise en charge des personnes concernées relève de la solidarité nationale et ne doit pas être assumée par les seuls départements. Nous avons bien compris les motivations financières du Gouvernement, mais les départements rencontrent également des difficultés dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mon interprétation est la même que celle de Mme la secrétaire d’État, qui a entièrement raison. J’ajoute simplement que, si l’adoption de cet amendement, mal rédigé par ailleurs, devait entraîner un transfert de charge des départements vers l’assurance maladie, l’article 40 de la Constitution trouverait à s’appliquer. Il faudrait alors saisir la commission des finances...
M. Jean Desessard. Vous sortez la grosse artillerie !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Historiquement, le transfert de charge s’est réalisé au cours des années. On hésite aujourd’hui à le remettre en cause, en se disant que, puisque les choses sont établies ainsi, il n’y a pas de raison de les changer. Pour autant, les lois de décentralisation et celles qui ont suivi ont parfaitement défini les responsabilités de l’État et celles des départements.
Les départements financent la prise en charge des enfants inadaptés par les familles d’accueil. Quant aux maisons d’accueil spécialisées, elles relèvent de la responsabilité pleine et entière de l’État. Or il se trouve que des jeunes qui devraient être placés dans une maison d’accueil spécialisée ne peuvent y être admis, parce que l’État n’a pas été capable de créer un nombre de places suffisant et met par conséquent à la charge des départements une dépense qu’il devrait assumer.
L’amendement de M. Daudigny vise à régulariser la situation : les départements veulent bien mettre en place des structures et recruter des assistants familiaux, pourvu que l’État assume ses responsabilités sur le plan financier ; ils acceptent d’aider l’État, mais pas au point de payer à sa place !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Que les choses soient claires : nous n’avions pas compris les intentions des auteurs de l’amendement, compte tenu de sa rédaction.
Effectivement, le problème est du même ordre que celui qu’avait posé l’amendement Creton. L’État ne joue pas son rôle en ne créant pas suffisamment de places en maison d’accueil spécialisée. En conséquence, il faut placer les personnes concernées en famille d’accueil, si elles sont jeunes, et en maison de retraite, si elles sont âgées. Dans les deux cas, le conseil général prend en charge les frais en lieu et place de l’État. C’est ainsi qu’un certain nombre de personnes handicapées vieillissantes se trouvent en maison de retraite, ce qui n’est pas la meilleure formule, car la formation des personnels n’est pas forcément adaptée. Il faudra bien régler ce problème, parce que l’on ne peut pas continuer indéfiniment à différer sa solution.
Quoi qu’il en soit, nous n’avions pas compris que telle était l’intention des auteurs de l’amendement. Cette erreur d’appréciation n’a pas été corrigée lors de l’examen des amendements en commission. C’est la raison pour laquelle j’ai émis un avis défavorable. Je partage toutefois cette préoccupation, car cette problématique est bien connue des conseils généraux.
M. le président. Je résume la situation avant de mettre aux voix ces amendements.
Les deux amendements qui étaient précédemment identiques ne le sont plus, du fait de la rectification de l’amendement présenté par M. Gilles. Je vais donc mettre aux voix ces amendements dans l’ordre du dérouleur.
Je mets aux voix l’amendement n° 139 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 53, et l’amendement n° 218 rectifié ter n’a plus d’objet.
Mme Laurence Cohen. C’est dommage pour les départements !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 53 bis (nouveau)
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la fiscalité applicable aux établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes, étudiant notamment l’opportunité d’appliquer à ces établissements, lorsqu’ils sont publics, la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux prestations en matière d’hébergement et de dépendance.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. L’article 53 bis prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport sur la fiscalité applicable aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD.
L’amendement n° 70 tend à supprimer cet article. En effet, aujourd’hui, il faut non pas remettre un rapport, mais passer à l’acte en mettant en œuvre la réforme de la tarification que vous avez évoquée, madame la secrétaire d’État ! Les personnes que nous avons auditionnées ont exprimé un besoin urgent de simplifier cette tarification.
C’est pourquoi la commission vous demande, plutôt qu’un rapport, des prises de décision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, vous savez que le Gouvernement n’a qu’une volonté : satisfaire le Parlement, plus précisément chacune de ses deux chambres !
L’article 53 bis, dont vous proposez la suppression, procède d’un amendement parlementaire adopté à l’Assemblée nationale. Si ma mémoire est bonne, lors de l’examen de cet amendement, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de celle-ci, ou du moins n’avait pas émis un avis défavorable.
Vous proposez maintenant de supprimer cet article. Dans ces conditions, le Gouvernement émet le même avis de sagesse : la décision est entre les mains du Parlement.
Je voudrais toutefois vous communiquer une information, que vous connaissez certainement déjà : j’ai mis en place un groupe de travail sur la tarification dans les EHPAD, afin que les résidents et leur famille disposent d’une tarification transparente, lisible et claire au moment où ils font le choix d’un établissement. Ce groupe de travail, qui se réunira pour la première fois au mois de décembre, c’est-à-dire très prochainement, donnera au Parlement des éléments de réflexion et formulera des préconisations dès qu’il aura avancé.
M. le président. En conséquence, l'article 53 bis est supprimé.
Article 53 ter (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’évaluation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens conclus depuis 2008 avec les établissements et services du secteur social et médico-social.
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. L’article 53 ter prévoit une fois encore la remise par le Gouvernement d’un rapport d’évaluation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, dans un délai d’un an à compter de la publication de la future loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
L’intérêt des CPOM pour les structures sociales et médico-sociales comme pour les financeurs est parfaitement connu. Plutôt que de demander au Gouvernement un rapport sur la question, il serait bien plus utile et plus important, madame la secrétaire d’État, de concentrer les efforts sur la publication de l’arrêté, attendu depuis plus de cinq ans, qui doit définir le seuil d’activité à partir duquel la conclusion d’un CPOM est obligatoire.
C’est la raison pour laquelle la commission demande la suppression du présent article. En revanche, elle insiste pour que cet arrêté soit publié.
La dénomination « contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens » comporte notamment deux termes qui doivent être pris en considération, à savoir « objectifs » et « moyens ». Les moyens doivent être mis en face des objectifs au moment où ces derniers sont définis, et non ultérieurement, faute de quoi les objectifs ne pourront être réalisés.
Par conséquent, la commission souhaite que l’arrêté susvisé définisse aussi clairement les moyens par rapport aux objectifs, ce qui permettra d’avancer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, je vous renvoie aux propos que je viens de tenir à l’instant, car cet article a lui aussi été introduit par l’Assemblée nationale. Il est bien difficile de satisfaire un parlement bicaméral !
Cela étant, il est vrai que l’arrêté que vous avez évoqué n’a pas été pris. Je vous confesserai la difficulté qui nous oblige à le différer : nous ne disposons pas de données suffisamment précises pour définir le seuil d’activité à partir duquel la conclusion d’un CPOM deviendrait obligatoire et pour évaluer avec fiabilité l’incidence des choix opérés.
Nous sommes encore dans une phase d’observation de la mise en place des CPOM. Avant de les généraliser, il me semble important de les faire connaître.
Ce matin j’étais à Dijon, en Côte-d’Or, à l’occasion de la signature d’un CPOM entre la Mutualité française et l’agence régionale de santé de Bourgogne dont le champ est extrêmement vaste, car il couvre une bonne partie des activités médico-sociales.
Nous devons travailler à une mise en partage du contenu des CPOM. Nous devons aussi les valoriser.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 71, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, l'article 53 ter est supprimé.
Article 54
Pour l’année 2015, les objectifs de dépenses de la branche Maladie, maternité, invalidité et décès sont fixés :
1° Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 198,0 milliards d’euros ;
2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 173,6 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Avec l’article 54 comme avec l’article suivant, nous sommes au cœur du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je reviendrai non pas sur les composantes fondamentales des dépenses d’assurance maladie, mais sur un aspect important du sujet.
Nous le savons, dans notre pays, la part principale des dépenses de santé porte sur des traitements plutôt longs et coûteux, concernant un nombre d’assurés finalement, et fort heureusement, relativement peu nombreux.
Cette situation n’est rien d’autre – faut-il le rappeler ? – que la conséquence du choix solidaire de la sécurité sociale qui appelle la contribution des personnes se portant bien – elles sont heureusement majoritaires – aux soins apportés aux malades.
Malgré la commande de rapports conjoints à l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, et à I’IGF, l’Inspection générale des finances, sur la maîtrise des dépenses de santé, nous sommes toujours confrontés à la raison d’être de l’assurance maladie, à savoir prendre en charge les personnes les plus gravement atteintes, notamment celles et ceux qui souffrent d’une ou de plusieurs affections de longue durée.
Nous savons pertinemment que certaines de ces affections continueront de se multiplier, à moins d’oublier que le cancer est d’abord une maladie liée à l’âge et au dérèglement cellulaire ou que les affections dégénératives, elles aussi liées à l’âge, prennent une place plus grande dans une société où progresse encore l’espérance de vie.
Le rapport conjoint de l’IGF et de l’IGAS publié en 2012 rappelle, mes chers collègues, que les affections de longue durée représentent 63 % des dépenses de santé et que les neuf dixièmes de la progression de l’ONDAM sont liés à ces affections.
Que faire alors ?
Nous pouvons toujours optimiser l’utilisation des moyens matériels et humains, discuter de la pertinence de tel ou tel protocole et dégager ainsi quelques économies.
Mais nous ne devons jamais oublier l’essentiel : la sécurité sociale et l’assurance maladie en son sein ont été conçues pour répondre aux besoins et aux attentes des populations. L’ONDAM est notoirement insuffisant ; il est cette année fixé au niveau le plus bas qui ait jamais été proposé. C’est une raison supplémentaire pour ne pas voter en faveur de l’amendement de la commission visant à réduire d’un milliard d’euros l’objectif national de dépenses d'assurance maladie.
Il s’agit toujours d’une logique purement comptable, qui ne vise que l’équilibre des comptes et la bonne gestion, sans tenir compte de l’évolution de la société ni des progrès de la médecine, lesquels permettent de vivre plus longtemps. Cependant nous devons nous poser la question suivante : dans quelles conditions vivre plus longtemps ?
Que les dépenses de santé croissent n’est pas pour nous, membres du groupe communiste républicain et citoyen, un mauvais signe ! C’est, au contraire, la preuve que nous prenons en compte les dépenses réelles de santé. C’est pourquoi nous voterons contre cet article.
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le nombre :
198,0
par le nombre :
197,0
II. – Alinéa 3
Remplacer le nombre :
173,6
par le nombre :
172,8
La parole est M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à tirer les conséquences des mesures prévues sur l’ONDAM qui sont détaillées à l'article 55.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Dans un débat parlementaire aussi important que celui de ce jour alternent de longs moments de travail très sérieux, très documenté, très pointu, et d’autres au cours desquels sont présentés des amendements proclamatoires, à l’instar de celui que nous examinons !
Celui-ci tend à diminuer de 1 milliard d’euros les dépenses de santé, sans que soient apportées de précisions, alors que vous avez précédemment refusé des économies de dépenses prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, en adoptant un amendement, vous vous êtes opposés à l’inscription au répertoire des génériques des sprays pour traiter l’asthme. Ce n’est pas une attitude sérieuse !
Vous voulez donc diminuer de 1 milliard d’euros les dépenses de santé, mais il faut expliquer de quelle manière, quels postes seront affectés, quelles seront les conséquences en termes d’accès aux soins !
J’attire par ailleurs votre attention sur le fait que l’adoption de cet amendement ferait courir un risque d’inconstitutionnalité pour insincérité de la loi.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable, comme vous le craigniez, monsieur le rapporteur général.
M. le président. Je mets aux voix l'article 54, modifié.
(L'article 54 est adopté.)
Article 55
Pour l’année 2015, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base et ses sous-objectifs sont fixés comme suit :
|
(En milliards d’euros) |
Objectif de dépenses |
|
Dépenses de soins de ville |
83,0 |
Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité |
56,9 |
Autres dépenses relatives aux établissements de santé |
20,0 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
8,7 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
9,2 |
Dépenses relatives au fonds d’intervention régional |
3,1 |
Autres prises en charge |
1,6 |
Total |
182,3 |
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Je souhaite m’associer aux propos de ma collègue Laurence Cohen.
L’article 55 entérine une évolution des sous-objectifs de dépenses d’assurance maladie très inférieure aux besoins réels, en particulier concernant les établissements publics de santé, dont nous avons souligné à maintes reprises les difficultés financières et la situation parfois très dégradée.
On connaît les conséquences de cette situation en termes de fermeture de services et de pression sur les salariés. Nous avions fait des propositions pour augmenter les recettes dans le budget de la sécurité sociale, notamment en direction de l’assurance maladie. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas valider le présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° 75 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, tableau, seconde colonne
1° Deuxième ligne
Remplacer le nombre :
83,0
par le nombre :
82,6
2° Troisième ligne
Remplacer le nombre :
56,9
par le nombre :
56,3
3° Dernière ligne
Remplacer le nombre :
182,3
par le nombre :
181,3
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement, élaboré en concertation avec la commission des affaires sociales, vise à réduire de 1 milliard d’euros les dépenses dans le périmètre de l’ONDAM. Soit 1 milliard sur 178 milliards...
Ces économies concernent les dépenses de soins de ville, qui sont diminuées de 400 millions d’euros, et les dépenses des établissements de santé tarifés à l’activité, dont le montant baisse de 600 millions d’euros.
Elles résulteront d’une plus grande implication des pouvoirs publics dans la lutte contre les actes inutiles, tant à l’hôpital qu’en ville, de mesures en faveur de la prescription de génériques – nous avons adopté un certain nombre d’amendements en ce sens –, de dispositions renforçant les conditions d’évaluation des médicaments dont les firmes demandent le remboursement, de l’évolution de l’usage en automédication – hors pédiatrie et maladies chroniques – du paracétamol, de la réforme de la tarification des urgences hospitalières, et de l’incidence des négociations au sein des établissements de santé sur le temps de travail, point qui rejoint l’amendement précédemment adopté relatif au délai de carence.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la secrétaire d’État, nos propositions ne sont pas plus proclamatoires que les vôtres,...
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. ... et elles sont tout aussi précises.
Vous fixez des objectifs de dépenses ; nous fixons les nôtres. Ce ne sont pas les mêmes, bien sûr, mais je vais vous détailler ceux que nous préconisons. Preuve sera ainsi apportée que l’on peut fabriquer un budget différent.
Je le disais dans mon intervention liminaire, nous n’avons pas rebâti entièrement le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans le temps qui nous était imparti, nous n’en avions pas la possibilité. Surtout, nous ne nous faisions pas beaucoup d’illusions sur le sort qui serait réservé à nos propositions.
Nous avons souhaité marquer ce texte de nos orientations et envoyer quelques signaux.
Je le répète, les mesures que nous proposons, madame la secrétaire d’État, ne sont pas beaucoup moins documentées que les vôtres, auxquelles le fait de figurer en annexe du projet de loi confère, il est vrai, un caractère plus officiel.
Un milliard d’euros d’économies, c’est à la fois beaucoup et, comme le relèvent certains dans l’opposition sénatoriale, bien peu.
Je rappelle que l’ONDAM, fixé à 182,3 milliards d’euros pour 2015, est en augmentation de plus de 3 milliards d’euros chaque année. Dans notre pays, les dépenses de santé croissent bien plus vite que l’inflation et que la richesse nationale.
Nous avons entendu les discours sur le vieillissement, l’innovation, la sophistication des techniques. Certes, tout cela a un coût, mais comment font nos voisins, dont les populations ne sont pas, que je sache, dans un état sanitaire catastrophique ? Malgré plusieurs points de PIB de dépenses en plus, dans certains domaines, nos indicateurs ne sont pas les meilleurs.
Un tel rythme de progression, on le constate bien, n’est pas soutenable. Que proposons-nous pour y remédier ? Tout simplement d’aller au-delà de certains interdits que vous vous imposez.
Je passe rapidement sur la lutte contre la fraude, que vous avez également chiffrée dans le projet de loi. Je ne reprendrai pas à mon compte le chiffrage de la Cour des comptes, que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, trouve excessif, mais nous pensons qu’il nous laisse une marge. Je rappelle que la Cour des comptes parlait de 20 à 25 milliards d’euros. On n’en est pas là ! La commission des finances propose de renforcer les sanctions. Nous fixons l’objectif sur ce poste à 50 millions d’euros, qui s’ajoutent à votre chiffrage.
À propos des produits de santé, nous proposons une nouvelle méthode d’évaluation des médicaments. Alors que pendant des décennies, sans innovation remarquable, les médicaments ont été évalués en relatif, le système d’évaluation est voué à l’implosion si les innovations se multiplient. Nous préconisons donc de revoir les règles selon lesquelles la HAS évalue ces médicaments en vue de leur remboursement. Je pense qu’une économie de 100 millions d’euros est une évaluation basse.
S’agissant des médicaments génériques, la Cour des comptes a montré l’ampleur des marges de manœuvre. Là encore, notre objectif de 150 millions d’euros d’économies me paraît tout à fait raisonnable.
Pour ce qui concerne le périmètre de la prise en charge, nous n’avons pas de tabou, pas même en matière d’automédication en cas de mal de tête ou de mal de gorge. Pourquoi, dans la période actuelle, ces petits achats devraient-ils forcément être remboursés ? Par rapport au reste à charge de certaines hospitalisations, c’est même profondément injuste. Nous avons chiffré l’économie réalisable à 85 millions d’euros.
J’ai retenu aussi, avec mes collègues de la majorité, un chiffre de 200 millions d’euros d’économies au titre de la lutte contre les actes inutiles ou redondants. Je rappelle, bien que je l’aie déjà suffisamment répété, que ces derniers correspondent à 28 % de la totalité des actes, ce qui représente, s’agissant des actes à proprement parler – soit un montant de 130 milliards d’euros – 30 à 35 milliards d’euros d’économies potentielles.
Nous n’envisageons pas d’aller aussi loin, mais proposons de réaliser, dans un premier temps, 200 millions d’euros d’économies. Il s’agit de se fixer un objectif et d’affirmer une volonté. C’est peu, certes, au regard de ces chiffres astronomiques, mais le soutien du législateur vous est acquis, madame la secrétaire d'État, pour la relance, dans ce domaine, de l’informatisation, qui nous semble être la clef pour combler le gouffre que ce type d’actes creuse dans le budget de la sécurité sociale, notamment en matière de relations entre les soins de ville et l’hôpital, mais pas seulement.
En lien avec cette question, nous avons tous en tête le coût des actes aux urgences qui est sans commune mesure avec celui d’une consultation en ville, fût-elle réalisée de nuit. Des solutions sont envisagées localement, et il faut les encourager. Je pense aussi au développement des bonnes pratiques. Le Gouvernement pourrait ainsi ouvrir une ligne téléphonique et lui attribuer le numéro « 15 bis » ou « 16 », puisqu’ils sont disponibles. Dans certains hôpitaux, il existe également des maisons médicales de garde, qui fonctionnent y compris de nuit.
Je rappelle que les actes d’un médecin de ville coûtent environ 60 euros. Aux urgences, le prix d’actes identiques s’élève à 240 euros. Vous voyez la différence ! Il convient donc de se saisir de ce problème.
Toujours pour ce qui concerne l’hôpital, nous avions prévu 65 millions d’euros d’économies au titre du rétablissement de la journée de carence dans la fonction publique hospitalière. Le principe de trois jours de carence ayant été adopté précédemment, ce sont 150 millions d’euros d’économies que l’on peut envisager. Je ne pense pas que ce chiffre puisse être contesté ; il nous a d’ailleurs été fourni par la Fédération hospitalière de France.
Au titre de la révision des accords relatifs à la réduction du temps de travail dans les hôpitaux – elle nous semble indispensable –, nous avons prévu 100 millions d’euros d’économies, ce qui est peu : cela représente à peine une demi-journée travaillée supplémentaire sur la masse salariale globale des hôpitaux. Nous avons cependant voulu laisser du temps à la négociation, puisque chaque hôpital est maître dans ce domaine.
Quant à la réforme de la tarification des urgences hospitalières, la Cour des comptes nous encourage à revoir les modalités actuelles, lesquelles incitent à la multiplication des actes, comme nous l’avions parfaitement relevé au sein de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS.
La Cour des comptes chiffre ces économies entre 300 et 500 millions d’euros. Il nous paraît difficile d’atteindre ce montant dans l’immédiat. Nous avons donc, sur ce sujet sensible, fixé l’objectif à 150 millions d’euros.
Vous avez dénoncé, madame la secrétaire d’État, des économies de posture.
Mme Laurence Cohen. Elle a raison !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous verrons le résultat du vote, ma chère collègue...
Nous ne proposons pas d’économies de posture !
Mme Laurence Cohen. Si !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas eu de mots aussi durs à votre égard, madame la secrétaire d’État, alors que le détail des 9,6 milliards d’euros d’économies portant sur le champ des administrations de sécurité sociale n’a jamais été véritablement étayé devant le Parlement, ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat !
M. Francis Delattre. Très juste !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je prendrai un seul exemple : le secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, nous a précisé dans cette enceinte même que les 4 milliards d’euros de mesures d’économies déjà prévus pour 2015 comprenaient plus de 800 millions au titre de l’accord national interprofessionnel du 13 mars 2013 sur les retraites complémentaires. Or cette prévision a été actualisée voilà quelques semaines : il s’agit désormais toujours de 800 millions d’euros… mais sur trois ans !
Vous le constatez, y compris sur le chiffre que le Gouvernement avance, le compte n’y est pas !
Sur ce même sujet des régimes à gestion paritaire, d’où peut bien venir ce montant de 1,2 milliard d’euros pour 2015 ? Personne ne le sait ! Nous n’avons pas davantage obtenu de réponse sur ce point, et il n’y a pas de convention en cours de négociation qui pourrait justifier ce chiffre.
M. Jean Desessard. Il n’y a pas de pilote dans l’avion !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est vrai, madame la secrétaire d’État, que le présent amendement est un signal : celui que le Sénat souhaite un ONDAM plus rigoureux, non pas en baisse – j’ai bien entendu les reproches qui ont été adressés à cet égard ! –, mais en progression contenue, plus compatible avec la soutenabilité de notre modèle social. Ce que nous souhaitons réduire, c’est l’augmentation des dépenses !
Compte tenu de l’effort demandé à notre économie, je vous propose, mes chers collègues, de voter en faveur de ce nouvel ONDAM.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. L’ONDAM fixé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale produit d’ores et déjà des économies de l’ordre de 3,2 milliards d’euros, auxquelles vous proposez d’ajouter 1 milliard d’euros.
Je vous rappelle que le comité d’alerte de l’ONDAM, qui est un organisme indépendant, a souligné que le niveau d’économies proposé par le Gouvernement était « exigeant » et supposait que l’ensemble des acteurs et des professions de santé soient parties prenantes de l’effort demandé.
La méthode de l’index thérapeutique relatif que vous préconisez n’est pas applicable pour le moment. On peut certes y travailler, comme l’a dit Marisol Touraine, mais on ne peut pas l’inscrire dans le budget de la sécurité sociale au titre des économies pour 2015.
S’agissant de la lutte contre les actes et prescriptions inutiles et redondants, j’indique que, à ce titre, un montant de 1,2 milliard d’euros est déjà inscrit dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Avec ce texte, nous réussissons à faire des économies sans altérer l’accès aux soins, sans réduire les remboursements et en facilitant l’accès à de nouveaux médicaments, comme ceux contre l’hépatite C. Voilà ce qui fait la différence !
Nous considérons que le volume d’économies contenu dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est soutenable, au regard de l’idée que nous nous faisons de l’égalité d’accès aux soins et aux nouvelles thérapeutiques.
Vous nous proposez, enfin, un ONDAM à 1,5 %, tandis que celui-ci est à 2,1 %. Je rappelle que, entre 2007 et 2012, il s’établissait à 3,1 %...
Nous accomplissons aujourd’hui les efforts qui n’ont pas été réalisés précédemment. S’ils avaient été consentis, nous pourrions aujourd’hui engager des réformes d’avenir et de structure.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Les écologistes voteront contre ces deux amendements.
Au cours de la discussion générale, j’ai insisté sur le fait qu’une baisse des recettes devait obligatoirement se traduire par une baisse des prestations, mais la ministre de la santé m’a opposé que, avec de l’organisation, même avec moins de recettes, même avec moins de dépenses, on pouvait soigner mieux.
Madame la secrétaire d’État, vous m’avez apporté une réponse plus précise en reconnaissant que vous aviez procédé à la baisse la plus juste possible : on ne pouvait pas aller au-delà. Le rapporteur général a beau jeu de soutenir que, si l’on peut aujourd'hui diminuer les recettes de 3 milliards d’euros, on peut les baisser plus encore, puisque, selon lui, les prestations n’en souffrent pas. Comme s’il y avait des prestations qui ne servaient à rien !
Or une baisse des recettes entraîne nécessairement la suppression de certaines prestations, a une incidence sur la productivité dans l’hôpital ou sur la qualité du service rendu.
Par ailleurs, je n’exclus pas, monsieur le rapporteur général, que des économies puissent être réalisées en développant la prévention, en favorisant un mode de vie différent, moins cancérigène, des conditions de travail autres, générant moins de stress et, par conséquent, de pathologies, un rythme moins effréné. Mais les résultats ne seront pas immédiats. En revanche, c’est ce signal qu’il faut envoyer.
Je terminerai en soulignant un paradoxe.
Tous, dans cet hémicycle, nous voulons de l’emploi et que chaque citoyen puisse travailler. Or quel secteur produira de l’emploi à l’avenir, sinon celui de la santé ? Alors que nous vivons plus longtemps, que nous voulons plus de services et plus de bien-être et que ces emplois sont nécessaires socialement, nous n’avons qu’une seule envie, baisser les dépenses !
Je sais bien qu’il faut des outils industriels, des robots, qui, d’ailleurs, affecteront l’emploi, des distributions de prospectus pour les supermarchés. Reste que le secteur de la santé et du service à la personne est le plus important en termes de création d’emplois nouveaux. Pourtant, c’est là que l’on baisse les dépenses !
Je ne dis pas qu’il faut obligatoirement augmenter les recettes, même si je le pense. Sans doute faudrait-il s’y prendre autrement. Plutôt que de réfléchir chaque année à la façon d’économiser 1 milliard d’euros tout en pensant maintenir les services, nous devrions déterminer les nouvelles prestations dont notre société aura besoin et la façon de dégager des recettes pour les garantir. Car, avec ces prestations, nous offrons des services aux citoyens, nous créons de l’emploi, qui plus est de l’emploi socialement utile.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la secrétaire d'État, vous avez assez justement signalé que, pour tenir l’objectif d’une augmentation limitée à 2 %, l’ONDAM exigerait un pilotage très serré et rigoureux. Mais en l’absence de réformes structurelles, les dépenses d’assurance maladie ne diminueront pas de façon significative. Or la diminution des dépenses qui est présentée dans le présent texte ne nous paraît pas convaincante, si nous la confrontons à ce qui se déroule actuellement et la comparons à 2013. Nous avons le droit de le dire !
Nous savons que, faute de ces réformes structurelles, il sera très compliqué de réaliser 10,5 milliards d’euros d’économies. Par ces amendements, nous interrogeons également le Gouvernement sur les réformes structurelles qu’il faudrait envisager.
Mes chers collègues, nous avons examiné ensemble en commission ce projet de budget : un chapitre n’a pas suscité de longs débats, c’est celui des retraites et du Fonds de solidarité vieillesse. Or, si ce fonds dégage 4,6 milliards d'euros de ressources, c’est parce que, en 2010 nous avons engagé une réforme structurelle !
M. Jean Desessard. Ah !
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Si nous ne faisons pas de même dans le domaine de l’assurance maladie, les prévisions seront très difficiles à atteindre.
Faut-il rappeler les 160 milliards d’euros de dettes de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES ? Et on accorde à l’ACOSS la possibilité d’emprunter 34 milliards d’euros à moins de 1 %, si tout va bien.
Mes chers collègues, nous allons encore passer entre les gouttes, cette année, mais cela ne durera pas, car la politique américaine, qui avait consisté à faire abondamment marcher la planche à billets, est aujourd'hui différente. Certes, il y a toujours un décalage, mais il faut vous attendre à ce que, d’ici à un an, le coût de l’argent augmente.
Lancez-vous dans les calculs : 200 milliards d’euros empruntés à moins de 1 %, à 2 %, à 3 %, etc. Aujourd’hui, la Grèce emprunte à 9 %, contre moins de 1 % pour la France. Le taux médian est de 4 %. Si cette perspective devenait réalité, il y aurait urgence à engager des réformes structurelles.
Ces amendements identiques sont en réalité des amendements d’appel qui nous invitent à réfléchir à la façon d’envisager une réforme structurelle, afin de mieux contrôler l’ensemble des dépenses que le pays, aujourd’hui, n’a plus les moyens d’assumer.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, vous n’appréciez peut-être pas que l’on qualifie l’exercice auquel vous vous livrez d’exercice « de posture », mais, quoi qu’il en soit, il s’agit d’un exercice assez classique pour l’opposition. Votre amendement et celui de M. le rapporteur pour avis sont politiques. Vous contestez le rythme de baisse des dépenses.
Cela étant, l’un des candidats potentiels de l’UMP à la prochaine élection présidentielle, François Fillon, a annoncé – il n’a pas été contesté sur ce point par un autre candidat potentiel, Alain Juppé – qu’il fallait parvenir à 110 milliards d'euros d’économies, en plus des 50 milliards d’euros que le Gouvernement s’est engagé à réaliser jusqu’en 2017. Beaucoup concerneront la santé.
D’une certaine façon, vous levez légèrement le voile sur ces futures économies en proposant 1 milliard d’euros d’économies, sur les 110 milliards d’euros prévus. On attend les autres…
Alors que, pour notre part, nous soutenons le Gouvernement – Mme la secrétaire d’État vient de rappeler qu’il avait été très difficile de fixer l’ONDAM à 2,1 %, du reste, certains doutent du résultat –, vous vous livrez à un exercice commode, qui est un privilège de l’opposition
En effet, tout le monde est capable dans un bureau, avec des experts qui ne sont pas des décideurs politiques, de faire de même et tout le monde l’a fait. Mais, une fois aux responsabilités, on prend en compte la dimension sociale – c’est ce qu’a fait le Gouvernement dans ce texte comme dans le projet de loi de finances pour 2015 que nous examinerons prochainement – et l’impact économique, car les décisions prises ont des incidences sur l’emploi et sur certaines activités économiques. On prend également en considération l’acceptabilité du rythme de diminution des dépenses, ce que vous ne faites pas.
Vous l’avez reconnu, ces amendements sont un signal politique et nous le recevons comme tel. Toutefois, nous avons fait d’autres choix. Ainsi, vous prônez des déremboursements, mais la secrétaire d’État a rappelé à la suite de Mme la ministre qu’il n’en était pas question. Le même débat a eu lieu sur les franchises. Ce n’est pas la ligne politique que nous adoptons, mais nous voulons réduire la dépense.
Vous vous réfugiez pour partie derrière un avis de la Cour des comptes. Or celle-ci est dans son rôle de magistrat comptable en indiquant les sources d’économies possibles, d’autant que nous continuons, certes de manière moins forte, à dépenser plus que nous ne percevons. Mais ce n’est pas elle qui fait la politique de la France.
La politique, c’est aussi apprécier la soutenabilité des réformes que nous engageons.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Quelles réformes ?
Mme Nicole Bricq. C’est ce qu’a fait le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ces amendements de commodité.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je commencerai par un éclaircissement : il s’agit non de diminuer les dépenses, mais d’en limiter l’augmentation. L’ONDAM prévu dans le présent texte augmente de 4 milliards d’euros. Ces amendements visent à proposer une réduction de 1 milliard d’euros. Par conséquent, ne parlons pas d’économies ou de diminution des dépenses, comme je l’ai entendu dire, y compris par Mme Bricq à l’instant.
Pour ne pas transférer à nos enfants 10 milliards d’euros, voire 12 milliards d'euros de charges supplémentaires, il faudrait que l’augmentation de l’ONDAM ne dépasse pas celle du PIB de notre pays. On pourrait alors envisager de rembourser la dette. Pour l’instant, nous continuons de l’aggraver.
Il nous faut avoir conscience que nous devons déjà rembourser 160 milliards d’euros, peut-être même 180 milliards d’euros.
Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, vous nous reprochez d’être imprévoyants. Je vous ferai remarquer que le montant de l’ONDAM a baissé de 1 milliard d’euros entre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 – il atteignait environ 179 milliards d’euros – et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, où nous venons de le fixer à 178,3 milliards d’euros. Or vous savez très bien que cette régularisation de l’ONDAM correspond aux sommes que vous avez mises en réserve tout au long de l’année.
Pour notre part, nous proposons de faire cette économie tout de suite. Les estimations sont assez précises, mais je pense que des révisions pourront être envisagées au cours de l’année en fonction de la réalisation des objectifs. Quoi qu’il en soit, il faut arriver à contrôler l’ONDAM.
C’est pour cela que je voterai en faveur de ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis extrêmement choquée que l’on puisse ainsi manipuler les chiffres sans mesurer les incidences sociales et économiques qui en découlent, comme cela a d’ailleurs déjà été souligné. Or derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes. Et je ne suis pas le seul parlementaire à le dire !
Depuis le début de ce débat, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes convenus de difficultés dans le domaine de la santé, dans des établissements de santé publique, en matière de lutte contre certaines maladies ou encore de médicaments. Or adopter des restrictions budgétaires, prendre des mesures d’austérité, c’est utiliser une règle à calcul et ne plus tenir compte des réalités.
Une réduction de 1 milliard d’euros des dépenses de santé aura des incidences très graves à la fois pour les patients et pour les personnels.
Quand j’entends dire que des réformes structurelles sont nécessaires, quand je vois que l’on se réjouit des réformes des retraites, quel que soit d’ailleurs le Gouvernement qui les a adoptées, je suis très choquée. En matière de retraite, de telles réformes signifient que l’on demande à des gens ayant travaillé toute leur vie de travailler plus encore, et ce pour toucher une pension de retraite guère plus élevée. De ce fait, des femmes subiront des décotes, car ce sont les femmes qui ont des carrières morcelées. C’est extrêmement grave !
Dans la situation actuelle, nous, membres du groupe communiste républicain et citoyen, n’adhérons pas à la faible progression de l’ONDAM proposée, entraînant une économie de 3,2 milliards d’euros. Cela ne correspond pas à notre conception d’une politique de santé pour toutes et pour tous sur l’ensemble du territoire. Alors ajouter 1 milliard d’euros de restrictions et d’économies supplémentaires, c’est carrément intolérable !
Depuis le début de l’examen du présent texte, nous sommes confrontés à un problème : on refuse de modifier les recettes. Or si l’on ne cherche pas de nouveaux financements, on en est réduit à bricoler, au risque que tel ou tel hôpital soit complètement asphyxié. Que dira-t-on aux personnels et aux usagers ? Je n’en sais rien !
Il faut réfléchir à toutes ces questions et, du moins si l’on a une autre conception de la santé, prendre des mesures en matière de financement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 75.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 55, modifié.
(L'article 55 est adopté.)
Demande de priorité
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, dans un souci de cohérence, la commission demande l’examen par priorité, à la reprise de la séance, des articles 63 et 64, qui portent sur le Fonds de solidarité vieillesse, après les articles 56, 56 bis et 57, qui concernent l’assurance vieillesse.
M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. C’est en effet cohérent. Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures vingt-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Caroline Cayeux, MM. René-Paul Savary, Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson, Annie David.
Suppléants : MM. Gilbert Barbier, Jean-Noël Cardoux, Francis Delattre, Gérard Dériot, Mme Michelle Meunier, MM. Gérard Roche, Jean-Louis Tourenne.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
8
Financement de la sécurité sociale pour 2015
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Dans la discussion des articles de la quatrième partie, nous en sommes parvenus au titre II.
Titre II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES D’ASSURANCE VIEILLESSE
Articles additionnels avant l'article 56
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Roche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l’article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « soixante-deux » sont remplacés par les mots : « soixante-quatre » et la date : « 1955 » est remplacée par la date : « 1960 » ;
2° Au deuxième alinéa, la date : « 1955 » est remplacée par la date : « 1960 » et la date : « 1954 » est remplacée par la date : « 1959 » ;
3° Au quatrième alinéa, la date : « 1954 » est remplacée par la date : « 1958 » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …° – À raison de quatre mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1959 et le 31 décembre 1959 ».
La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.
M. Gérard Roche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. La soutenabilité de notre système de retraite par répartition, qui dépend étroitement de la croissance économique, n’est nullement garantie aux horizons 2020, 2030 et au-delà, compte tenu de la gravité de la crise que traverse notre pays, dont les effets à long terme sur la croissance potentielle sont difficiles à évaluer.
Certes, la durée de cotisation a été augmentée dans la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, mais ce texte n’était pas à la hauteur des enjeux, car il n’a pas prévu le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite entamé par la loi du 9 novembre 2010 au-delà du 1er janvier 2017.
L’effet très favorable sur les finances de la branche vieillesse d’un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, surtout à moyen et à long terme, n’est pourtant plus à démontrer.
C’est pourquoi le présent amendement tend à prévoir le relèvement graduel de cet âge légal au-delà du 1er janvier 2017 et à le fixer à 64 ans au 1er janvier 2024 pour la génération née en 1960.
En vertu des dispositions de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, la poursuite du relèvement de l'âge légal de départ à la retraite entraînera mécaniquement celle du relèvement de l'âge de la retraite à taux plein sans décote, qui lui est supérieur de cinq ans. Ce dernier, qui sera porté à 67 ans au 1er janvier 2017, sera donc de 69 ans au 1er janvier 2024.
La commission a voulu présenter cet amendement car, en examinant les chiffres de l’évolution de notre régime de retraite, on voit bien que l’équilibre ne sera pas atteint en 2017 ni au-delà.
L’équilibre ne sera pas au rendez-vous non seulement en raison de l’importance de la crise économique, mais aussi parce que, dans les chiffres qui nous sont présentés – 1,7 milliard d’euros de déficit en 2014 et un peu plus de 1 milliard d’euros en 2015 –, on ne prend pas en compte le déficit du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, qui s’élève aujourd’hui à 2,9 milliards d’euros, et qui se maintiendra à peu près à ce niveau : même à l’horizon 2018 ou 2019, il s’établira à près de 2 milliards d’euros. Autrement dit, le FSV, qui est porté par la CADES, est en fait un trompe-l’œil.
C’est pourquoi nous vous soumettons, mes chers collègues, cette proposition, qui, je le reconnais, est extrêmement dure socialement, mais qui est la seule possible. En effet, quand on regarde la courbe d’évolution du déficit, on voit bien que, depuis 2010, c’est le report de l’âge légal de départ à la retraite qui a permis les améliorations les plus significatives : ainsi, alors que le déficit dépassait les 11 milliards d’euros en 2010, il est tombé cette année à 1,7 milliard d’euros. Bien sûr, d’autres mesures ont eu aussi des effets positifs, dont le report de la revalorisation des pensions de six mois prévu par la loi du 20 janvier 2014 et l’augmentation de 0,3 % des cotisations tant des salariés que des employeurs.
Oui, et je m’adresse à mes collègues de la gauche, cette proposition est très dure, mais je n’aurais pas osé la présenter si deux dispositifs ne permettaient pas d’adoucir le système : le départ à la retraite anticipée pour les carrières longues qui date de 2003 et qui a été très largement amélioré en 2012, ainsi que le compte personnel de prévention de la pénibilité. Je me tourne à présent vers mes collègues de la droite : je sais que vous n’êtes pas de cet avis, mais je considère, pour ma part, que la réelle prise en compte de la pénibilité une très bonne chose. Certes, le mécanisme doit encore être amélioré, car les employeurs estiment le compte pénibilité, en l’état, inapplicable, en raison des difficultés qu’ils rencontrent.
Ainsi, si notre amendement est adopté, l’âge légal de départ à la retraite sera reporté à 64 ans en 2024, mais les personnes qui ont travaillé dur et qui ont eu des carrières longues pourront toujours prendre leur retraite à 62 ans et bénéficier du taux plein à 67 ans.
Je vous demande, mes chers collègues, d’adopter un comportement républicain, car notre régime de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés, risque de connaître de graves difficultés et son avenir est incertain. C’est pourquoi, il faut, d’un côté, que la majorité sénatoriale tende la main à la gauche car le compte pénibilité constitue une réelle avancée, et, de l’autre côté, que l’opposition sénatoriale comprenne qu’on rendra un grand service à la France si on arrive à pérenniser notre système de retraite.
Madame la secrétaire d’État, la mesure que je propose est très confortable pour vous, car son adoption rendra la préparation du budget plus facile à l’avenir : certes, elle est forcément impopulaire, mais c’est le Sénat qui en portera la responsabilité.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de cet hommage rendu au compte pénibilité et de la volonté de consensus dont vous avez fait preuve. Pour autant, comme vous le savez, le Gouvernement a soumis au Parlement une réforme des retraites qui a été examinée en 2013 et mise en œuvre à partir de cette année. La question de la barrière d’âge a été tranchée à ce moment-là. Le choix qui a été fait est effectivement celui de l’allongement de la durée de cotisation, qui sera portée à 43 ans en 2035 pour les personnes qui sont nées en 1973.
Je comprends votre inquiétude sur l’équilibre du régime des retraites. Néanmoins, on ne peut pas tout le temps changer les règles, d’autant que la dernière réforme est très récente. De plus, le principal problème du régime des retraites, c’est le chômage, et donc le nombre de cotisants, et non pas le nombre de bénéficiaires. Or il faut faire confiance aux politiques que mène le Gouvernement. Elles sont prioritairement axées sur la croissance et le redressement productif de la France et doivent avoir un effet sur le taux de chômage et sur le niveau de l’emploi. Ayons donc foi, si je puis dire, dans l’efficacité à moyen terme – car vos préoccupations portent sur le moyen terme, monsieur Roche – des politiques que nous menons et dans la capacité du pays à se redresser et à créer de l’emploi.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Mon explication vaudra pour les trois amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 56, auxquels je suis évidemment très défavorable.
Monsieur le rapporteur, ne vous excusez pas d’avoir présenté l’amendement n° 76, car il fournit l’occasion de porter un regard plus global sur la question.
Je commencerai par rappeler certains propos qui ont été tenus lundi dernier, lors de la discussion générale, au sujet des retraites. M. le rapporteur général a ainsi déclaré que la loi du 20 janvier 2014 « ne sera[it] pas la dernière », à quoi M. Roche, rapporteur pour l’assurance vieillesse, a ajouté qu’il était persuadé que cette même loi avait « apporté une réponse très insuffisante », précisant en outre qu’il était lui-même favorable à un régime par points.
Sur la portée de cette loi, je voudrais faire remarquer que le comité de suivi des retraites, dans le premier avis qu’il a rendu au mois de juillet, en se fondant sur le rapport du Conseil d’orientation des retraites, le COR, indiquait que « la trajectoire de retour à l’équilibre financier d’ici 2020 rest[ait] accessible, sous réserve de la réalisation des prévisions macro-économiques retenues dans le cadre du programme de stabilité »,…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La réserve est importante !
Mme Nicole Bricq. … et cette réserve doit être prise en compte.
Le COR souligne traditionnellement l’importance de deux facteurs : le chômage, comme vient de le rappeler Mme la secrétaire d’État, qui n’est toujours pas stabilisé, et, élément très important, la productivité, qui est aujourd’hui insuffisante et orientée à la baisse.
Je n’ai pas forcément la « foi », pour reprendre l’expression de Mme la secrétaire d’État, mais c’est tout l’enjeu des décisions de politique économique prises depuis 2012 par le Gouvernement qui figurent dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Et le groupe socialiste croit en la réussite de ces politiques.
Je veux revenir sur la portée des réformes des retraites successives conduites depuis les années quatre-vingt-dix par différents gouvernements. Je rappelle que, dans cette enceinte même, au terme d’un long débat sur la réforme présentée par M. Woerth, nous étions finalement tous convenus d’un point et d’un seul, à savoir qu’il faudrait bien mener un jour une réforme de fond – une réforme « systémique », comme nous disions. À ce propos, je note que l’amendement n° 113, que nous allons examiner dans quelques instants, comporte une date. Or une telle réforme systémique est contradictoire avec la mesure d’âge, qui est, elle, de nature paramétrique. Vous êtes donc dans la contradiction !
On cite souvent en exemple la réforme des retraites réalisée en Suède, qui a bénéficié d’un compromis politique et qui n’a jamais été remise en cause, malgré les alternances. Conduite sur une quinzaine d’années, elle repose sur un principe fort : un système structurellement à l’équilibre en phase avec les réalités économiques, soit un mélange de principes et de pragmatisme dont sont coutumiers les pays d’Europe du Nord.
Dans cette réforme, le volet par répartition est adossé à un compte notionnel ouvert pour chaque assuré, et c’est là où on en revient à votre préférence pour le système par points, M. Roche – position que je comprends très bien, puisque c’est aussi la mienne. Mais rappelez-vous quand même que, tout récemment, dans cette enceinte, vos collègues de la droite ont supprimé ce qui est l’amorce d’une réforme systémique, à savoir le compte pénibilité. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Et je voudrais vous rappeler que c’est le gouvernement de M. Raffarin qui a lancé cette idée de compte pénibilité en 2003, même si les discussions avec les partenaires sociaux sur le sujet n’ont pas abouti. C’est finalement M. Woerth, alors ministre du budget, qui, en 2008, a introduit ce dispositif dans la loi, mais les décrets d’application n’ont jamais été pris… D’ailleurs, le décret d’application relatif au compte pénibilité que le Gouvernement vient de prendre le mois dernier, et qui fait l’objet de vos attaques, se contente de reprendre les critères qui étaient avancés par M. Woerth.
Vous avez donc supprimé, de manière parfaitement contradictoire, un dispositif qui était en germe depuis 2003, ce sur votre initiative. Et je me souviens que M. Bertrand, alors ministre du travail, avait déclaré que le compte pénibilité était une réforme majeure et que tous les problèmes de pénibilité qui n’étaient pas encore réglés constituaient la plus grande des injustices sociales.
Pourtant, tranquillement, à la faveur d’un texte sur la simplification, vous avez balayé d’un revers de manche tout le travail qui avait été accompli par des gouvernements que vous souteniez et, bien sûr, par le gouvernement actuel, qui a introduit le compte pénibilité dans la réforme de 2013.
Ce que je veux vous démontrer à travers cet historique, c’est que, pour accomplir des réformes structurelles, des réformes de fond, il faut forcément du temps, compte tenu des résistances. De fait, vous avez prouvé que vous étiez rétifs aux réformes structurelles, parce que le compte pénibilité est vraiment l’amorce d’une réforme systémique.
Par là même, et j’en terminerai ainsi, monsieur le président de la commission des affaires sociales, je me permets de relativiser votre appétence verbale à engager des réformes.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Vous vous en doutez, nous sommes opposés à cet amendement proposé par Gérard Roche au nom de la commission.
Je ne vais pas revenir sur l’historique que vient de faire Nicole Bricq, il est tout à fait juste : le compte pénibilité était partie intégrante de la réforme des retraites ; il avait reçu l’accord des organisations syndicales, du moins celles qui adhéraient à la réforme. Les premières négociations remontent à 2003, puis d’autres ont suivi en 2008, et enfin celles de 2013 ont abouti à la loi de janvier 2014, dont les décrets d’application sont parus au mois d’octobre : les gouvernements successifs ont ainsi pu chacun réformer le système de retraite. Mon groupe avait contesté ces réformes et sa position n’a pas changé.
M. Roche nous demande d’adopter un comportement républicain, parce que notre système de retraite est en grande difficulté, ce dont je conviens, mais c’est à cause d’un manque de recettes. On en revient toujours au même point : faute de recettes, on n’arrive plus à assurer la pérennisation de notre système de retraite.
Selon moi, les parlementaires que nous sommes devraient surtout se souvenir de l’origine de la protection sociale, qui trouve sa source dans le programme du Conseil national de la résistance, un programme dont l’objectif était de répondre aux besoins d’une population maltraitée, meurtrie, en s’adressant surtout à la classe des travailleurs, qui était en très grande difficulté au sortir de la guerre. Les dirigeants de notre pays ont vraiment accompli, à ce moment-là, un grand geste républicain, monsieur Roche.
Le Gouvernement de l’époque comprenait des ministres de droite comme de gauche, et je vous rappelle que c’est un ministre communiste, Ambroise Croizat, qui fut l’un des fondateurs de notre protection sociale. C’était un véritable gouvernement républicain au sens où nous pouvons l’entendre ce soir dans cette enceinte, et ce gouvernement a été capable, alors que la France était peut-être dans une situation financière plus difficile encore que celle que nous connaissons à l’heure actuelle, d’asseoir le financement d’un système de protection sociale sur les richesses produites par le travail.
Aujourd’hui, nous sommes en train d’inverser la logique qui a prévalu à ce moment-là et de renier tout ce qui a été très justement construit à l’époque pour répondre à la détresse d’une grande partie de notre population.
Je me rappelle l’année 1982, quand la retraite à 60 ans a été obtenue. Je me souviens très bien de la joie de mes collègues de travail de l’époque, surtout des femmes, qui avaient la cinquantaine – l’âge que j’ai aujourd’hui –, et qui voyaient leur avenir s’ouvrir d’un seul coup, parce qu’elles se rendaient compte qu’elles pourraient partir à la retraite à l’âge de 60 ans et enfin mener une vie digne après toutes ces années de travail.
J’avais déjà évoqué dans cet hémicycle ce souvenir lorsque M. Woerth nous avait présenté sa réforme des retraites, et je trouve dramatique que nous soyons revenus sur cette avancée pour notre pays.
Le présent amendement, qui tend à repousser à 64 ans l’âge de la retraite, mesure qui repousse d’autant l’espoir pour un grand nombre de femmes et d’hommes d’avoir enfin un moment de répit, un moment de vie pour soi, nous ne pouvons l’accepter, comme nous ne pouvions accepter non plus le report à 62 ans de l’âge légal de départ.
Nous sommes persuadés que, avec un autre système de financement, nous pourrions assurer la retraite à 60 ans à taux plein à toutes celles et tous ceux qui l’ont bien méritée !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mazette ! Monsieur Roche, vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère ! (Sourires.) Ainsi, un vendredi soir, dans un hémicycle clairsemé, vous nous soumettez un petit amendement sur les retraites, alors que nous avions débattu durant trois semaines de la réforme des retraites. Quelle audace !
Cette méthode ne me semble toutefois pas à la hauteur de l’enjeu. Sur un sujet aussi important, on ne devrait pas éviter un véritable débat de société.
Cela étant, je voudrais en quelques mots exprimer mon désaccord avec cet amendement. Comme l’a dit Mme David, nous étions déjà opposés à la réforme des retraites voilà quelques années, alors nous ne voulons pas en rajouter une couche aujourd’hui.
Cette réforme n’a d’ailleurs pas permis de faire la démonstration que les gens travaillant plus longtemps, le chômage est résorbé. Au contraire, il augmente ! Il faudrait que l’on m’explique comment on va pouvoir résorber le chômage en obligeant nos concitoyens à travailler plus longtemps. Y aurait-il un gisement d’emplois disponibles ?
Que l’on m’explique pourquoi les personnes âgées de 50 à 60 ans trouveraient du travail si on repousse de deux ou trois ans l’âge de départ à la retraite. Ces personnes ont des difficultés pour trouver du travail. Pourquoi en trouveraient-elles subitement davantage ? Je connais l’explication avancée par les techno-libéraux : un employeur embauchera plus facilement une personne âgée de 58 ans si elle reste dans l’entreprise jusqu’à 64 ans qu’une personne de 58 ans qui ne restera que deux ans. J’attends les quelques cas où cela va se produire ! Je connais en revanche beaucoup d’employeurs qui ne veulent pas embaucher une personne âgée de 54 ans parce qu’elle est trop vieille.
Mme Annie David. Et même une personne âgée de cinquante ans !
M. Jean Desessard. Expliquez-nous pourquoi les seniors trouveraient davantage de travail ! Expliquez-nous pourquoi les jeunes seraient contents d’être au chômage alors que les anciens travailleraient davantage !
Attention, il ne s’agit pas d’empêcher les gens qui souhaitent continuer à travailler de le faire, les médecins comme les autres. En revanche, ceux qui veulent partir devraient en avoir le droit. C’est pourquoi le débat sur la pénibilité n’aurait pas dû être engagé, car il aurait fallu en rester simplement à la retraite à 60 ans.
Quoi qu’il en soit, tant qu’il y a du chômage, tout relèvement de l’âge légal est incompréhensible. Car l’argent que l’on économise sur les retraites sera dépensé en assurance chômage, avec un bilan nul pour la collectivité. Ou alors il ne faut pas investir davantage dans l’assurance chômage et accepter que de nombreuses personnes n’aient plus d’argent et donc plus de pouvoir d’achat. Mais peut-on se résoudre ainsi au développement de la pauvreté ? Vous êtes le premier, monsieur Roche, à dire que ce n’est pas acceptable.
À cet égard, nous avons conduit une mission d’étude sur la pauvreté et nous nous sommes aperçus qu’il y avait une grande pauvreté chez les jeunes âgés de moins de 25 ans, comme par hasard ceux qui n’ont pas droit au RSA. Pour autant, nous n’en avons pas automatiquement déduit qu’il aurait fallu leur accorder le RSA. De la même façon, tant qu’il y a du chômage, on ne comprend pas comment la mesure proposée pourrait générer une économie pour la société.
De surcroît, nous sommes, les écologistes, pour le partage du travail. Nous ne croyons pas à une croissance exponentielle des emplois et du travail, car nous savons que les ressources sont finies, que l’on peut produire plus en travaillant moins à l’échelle d’une société et que les robots vont se développer. Si l’on ne trouve pas un autre moyen de financement, je suis d’accord, il y aura des problèmes, mais je ne crois pas à cette nécessité de travailler toujours plus. Vous allez me rétorquer que je rêve ! Mais voilà des années que l’on dit que la croissance ne va pas revenir. On constate d’ailleurs chaque année qu’elle ne revient pas et pourtant, vous ne nous dites pas que nous avions raison il y a dix ans, neuf ans, huit ans, etc., mes chers collègues… Vous, vous croyez toujours au retour de la croissance. Et c’est vous qui me taxez de rêveur !
Nous ne sommes pas des rêveurs quand nous affirmons que la croissance ne va pas revenir et qu’il faut organiser dès maintenant le partage du travail pour que tout le monde en ait !
En conclusion, mes chers collègues, vous l’avez compris, les écologistes s’opposeront au présent amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je ne peux pas laisser passer ce que j’ai entendu sans réagir.
En premier lieu, l’amendement de Gérard Roche va dans le sens des propos qu’a récemment tenus le Président de la République dans une émission télévisée. Je ne sais pas si sa langue a fourché à cette occasion ou s’il voulait faire passer un message subliminal, mais je l’ai bien entendu dire à une interlocutrice que, dans quelques années, l’âge de départ à la retraite dans notre pays avoisinerait les 63 ou 64 ans, exactement celui que nous propose M. le rapporteur. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Spontanément, les gens travaillent plus longtemps ! Ce sont les statistiques !
M. Jean-Noël Cardoux. Il me semble tout de même que la parole du Président de la République compte encore un peu. Vous pouvez écouter le verbatim de son intervention, mes chers collègues, vous retrouverez ses propos.
Cela étant, la France est, je crois, l’un des derniers pays d’Europe à n’avoir pas compris que, eu égard à l’augmentation considérable de l’espérance de vie qu’elle connaît grâce aux progrès de la médecine, il était indispensable de travailler quelques années supplémentaires pour parvenir à l’équilibre de son régime de retraite qui est structurellement déficitaire.
Madame Bricq, j’ai entendu vos propos : ils sont parfaitement cohérents, sauf lorsque vous dites que les prévisions étaient fondées sur des projections de croissance économique dont on verra si elles sont respectées. Nous savons très bien qu’elles ne seront pas réalisées. Nous savons très bien que, l’année dernière, le Gouvernement avait tablé ses prévisions de recettes sur un taux de croissance de 0,8 %, alors qu’il ne sera que de 0,4 %. Nous savons très bien que le taux de croissance de 1 % qu’il envisage pour 2015 est déjà fortement remis en cause par le Haut Conseil des finances publiques.
Mme Nicole Bricq. Il n’est pas fortement remis en cause ! Il est juste optimiste !
M. Jean-Noël Cardoux. Et nous savons très bien que, depuis deux ans, toutes les prévisions et les engagements qui ont été pris sur le plan économique par le Gouvernement n’ont pas été respectés.
Dans ces conditions, comment voulez-vous que nous n’attirions pas l’attention du Gouvernement, à travers cet amendement, sur les difficultés très rapides qu’auront les régimes de retraite à s’équilibrer ? Il me semble que c’est un amendement de bon sens.
Bien entendu, nous sommes pour le système de retraite par points. Nous l’avons dit et répété. Nous avons défendu un tel système l’an dernier à l’occasion de l’examen du texte relatif aux régimes de retraite, mais nous n’avons pas été entendus. Nous nous sommes heurtés à un mur, et il est donc bien logique que nous essayions, a minima, de compenser ce manque de prise de conscience de la part du Gouvernement.
Je voudrais aussi revenir sur le compte pénibilité. Pardonnez-moi, madame Bricq, mais vos propos constituent une caricature de la réalité. Lors du débat sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, je n’ai entendu aucun orateur de la majorité sénatoriale dire qu’il était contre la prise en considération de la pénibilité.
Mme Nicole Bricq. Mais vous avez supprimé le compte pénibilité !
M. Jean-Noël Cardoux. Calmez-vous, madame Bricq, je ne vous ai pas interrompue tout à l’heure !
Nous ne renions absolument pas ce que le Gouvernement précédent a fait en la matière. Plusieurs orateurs de la majorité sénatoriale ont au contraire indiqué qu’ils étaient très favorables aux mesures qu’avait insérées M. Woerth dans son texte.
Nous avons simplement relevé que la façon dont le Gouvernement mettait en œuvre la prise en compte de la pénibilité correspondait à une usine à gaz, inapplicable sur le plan administratif, qui allait crucifier les petites entreprises, incapables d’appliquer le dispositif et d’établir les fiches individuelles de pénibilité.
Au-delà de l’amendement de suppression du compte pénibilité que nous avons adopté, nous avons présenté deux amendements de repli qui me semblent relever de la sagesse même. Le premier visait à demander une réflexion sur la façon de porter à connaissance les éléments de pénibilité grâce à la déclaration annuelle des données sociales : il y a là une piste à creuser, et j’avais suggéré que le Gouvernement consulte les professionnels du chiffre et du droit pour trouver une méthode permettant d’aboutir à ce résultat.
Quant au second, il prévoyait une procédure de rescrit, de manière que les petites entreprises, confrontées à cette usine à gaz, et ayant peur d’être sanctionnées si elles appliquaient mal ce compte pénibilité, puissent demander à l’administration si l’interprétation qu’elles faisaient du texte était la bonne, afin de pouvoir l’appliquer en toute sécurité, sans risquer de subir des pénalités et des procédures. C’est tout simple ! En revanche, aucun d’entre nous n’a dit à un quelconque moment qu’il était contre la prise en compte de la pénibilité ! Nous voulons simplement instaurer des méthodes de simplification qui permettent de mettre en œuvre ce texte au profit des salariés sans déstructurer les entreprises dans leur organisation administrative et sans leur imposer un surcoût considérable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.
M. Gérard Roche, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je savais bien que vous ne donneriez pas un avis favorable. Je voudrais toutefois brièvement vous répondre. Vous nous avez dit qu’il fallait tenir compte du chômage. C’est vrai. Mais, actuellement, dans les projections à long terme (M. le rapporteur montre un graphique.), le chômage est payé par le FSV, et ce fonds n’entre pas dans les déficits annoncés de notre régime de retraite. Son déficit a été repris par la CADES, et nous essayons de ne plus en parler.
C’est précisément l’un des éléments qui m’a poussé à présenter aujourd’hui le présent amendement.
Mme Bricq, avec la rigueur intellectuelle qui la caractérise, a développé un propos mesuré. Je luis fais toutefois remarquer que le comité de suivi des retraites a écrit que les aléas de la croissance constitueraient le principal défi auquel sera confronté le système. C’est aussi ce que j’ai voulu dire.
Mme Nicole Bricq. En effet, c’est un défi !
M. Gérard Roche, rapporteur. Quant à la réforme systémique par points, que nous appelons tous de nos vœux, elle ne peut se faire qu’après la réunion d’une conférence sociale que nous souhaitons de tout notre cœur à partir de 2015. La discussion sera longue, assurément.
Mme David a parlé du Conseil national de la résistance et du pacte républicain. Je pense sincèrement que ce fut un grand moment de générosité de la République française après la guerre. La couverture sociale et le régime de retraite sont nés à cette époque.
Depuis, les choses ont évolué : si, au début, la retraite des salariés dépendait de la seule heure de travail, d’autres systèmes sont venus s’adjoindre, notamment celui des agriculteurs ou le régime social des indépendants.
Le répit, dites-vous ? Mais nous y sommes tous favorables ! J’ai été médecin pendant longtemps et, comme vous, je sais très bien qu’une personne ayant exercé un travail dur et pénible n’a pas la même espérance de vie qu’une personne ayant travaillé dans un bureau.
Mme Nicole Bricq. Huit ans de moins !
M. Gérard Roche, rapporteur. Toutefois, j’aimerais vous voir défendre la réforme des régimes spéciaux avec la même ardeur que vous mettez à défendre le répit. On voit encore aujourd’hui des personnes partir à la retraite à 55 ans, après avoir exercé des métiers relativement confortables. Or personne n’ose s’attaquer à ces questions !
Mme Annie David. Vous mélangez tout !
M. Gérard Roche, rapporteur. Il y a bien d’autres points dont nous pourrions discuter sans agressivité.
Jean Desessard me reproche de présenter cet amendement à la sauvette, le soir. Lors de la dernière réforme des retraites, j’arrivais au Sénat avec mon cartable, sans oser rien dire, comme si j’entrais au collège pour la première fois. (Sourires.) Puis, deux changements sont intervenus : nous avons obtenu la majorité lors des dernières élections sénatoriales et j’ai été nommé rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, ce qui me permet de m’exprimer aujourd’hui.
En revanche, ce n’est pas moi qui ai choisi de parler ce soir devant un auditoire relativement réduit. J’aurais préféré le faire en journée, pendant tout un après-midi, et devant un hémicycle plein. Sans avoir un ego particulièrement démesuré, cela m’aurait fait beaucoup plus plaisir. (Nouveaux sourires.)
Je n’ai vraiment pas choisi ce moment et l’on ne peut m’en tenir rigueur.
Je rappellerai enfin à M. Desessard qu’il n’existe que trois façons de rééquilibrer le régime de retraite : soit on augmente les cotisations, ce qui n’est pas possible en raison de la situation économique, soit on diminue les pensions – je vous rappelle que dans mon département, la Haute-Loire, le montant moyen des pensions est de 883 euros –, …
M. Jean Desessard. Et pourtant, ça se fera !
M. Gérard Roche, rapporteur. … soit on allonge un peu la durée du temps de travail. Cette dernière solution est le seul moyen envisageable, et c’est celui que j’ai proposé.
M. Jean Desessard. Nous aurons les deux !
M. Gérard Roche, rapporteur. Je ne serai pas plus long. Merci de votre attention ; sachez que j’ai parlé avec beaucoup de sincérité.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 27 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 56.
L'amendement n° 85 rectifié, présenté par Mmes Debré et Deroche, MM. Bas, J. Gautier, Cardoux et Gilles, Mmes Cayeux, Gruny et Garriaud-Maylam, MM. Chaize, J.P. Fournier, del Picchia et Duvernois, Mme Duchêne, M. Bouchet, Mme Duranton, MM. Grosperrin, B. Fournier, Charon, Cambon, Bouvard et Doligé, Mme Des Esgaulx, MM. Grand et César, Mme Deromedi et MM. Bignon, Falco, Bonhomme, G. Bailly, Buffet, Genest, Gremillet et Dassault, et ainsi libellé :
Avant l’article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 815-9 du code de la sécurité sociale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa et dans des conditions définies par décret, lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité perçoivent, au jour du dépôt de la ou des demandes ou en cours de service, des revenus d’activité, ces revenus peuvent être cumulés avec la ou les allocations de solidarité aux personnes âgées et les ressources personnelles de l’intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans la limite d’un plafond.
« Ce plafond est fixé à 1,2 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance lorsque l’allocation de solidarité aux personnes âgées est versée à une personne seule ou à un seul des conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité et à 1,8 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance lorsque l’allocation de solidarité aux personnes âgées est versée aux deux conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
« Les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas sont applicables, dans des conditions définies par décret, aux personnes qui sont titulaires des allocations mentionnées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Je présente cet amendement au nom de ma collègue première signataire, Isabelle Debré.
Il s’agit de revenir aux dispositions d’une proposition de loi adoptée par le Sénat au mois de janvier 2013 et d’autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ou des autres allocations constitutives du minimum vieillesse avec des revenus d’activité, afin de permettre aux bénéficiaires de vivre dignement. Rappelons que le minimum vieillesse est de l’ordre de 800 euros !
Par cet amendement, nous proposons de permettre à ces retraités de disposer d’un complément de revenu à concurrence de 1,2 SMIC pour une personne seule et de 1,8 SMIC pour un couple. Il s’agit tout de même d’un minimum !
Cette proposition de loi, qui retenait le principe d’un droit au travail pour tout citoyen français, a été adoptée à une forte majorité au Sénat, le groupe socialiste ayant, à l’époque, décidé d’opter pour une « abstention positive ». Malheureusement, pour des raisons que nous ignorons, la loi qui devait en résulter n’a jamais vu le jour.
Je relève d’ailleurs que cette disposition serait particulièrement utile en milieu rural, les retraités agricoles ayant des revenus extrêmement faibles. Les bénéficiaires du minimum vieillesse pourraient ainsi continuer de réaliser de petits travaux au service de certains commerçants, de certains artisans, voire même de travailler dans le secteur des services à la personne. Il s’agirait ainsi d’un complément de revenu intéressant et d’un apport non négligeable à la société.
Cela étant, à notre grande surprise, l’Assemblée nationale a adopté, le 25 avril 2013, et malgré le fort consensus au Sénat, une motion de renvoi en commission de la proposition de loi susvisée. Depuis, rien n’a bougé.
Le Gouvernement nous a promis à plusieurs reprises qu’il procéderait par voie réglementaire, mais, malgré plusieurs interpellations sous forme de questions au Gouvernement ou d’interventions lors de différents débats, nous ne voyons rien venir.
Il s’agit pourtant d’une simple mesure d’équité et de justice sociale au profit des plus démunis de nos aînés. C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, sur lequel nous avons demandé un scrutin public, nous avons souhaité rappeler très solennellement le Gouvernement à son engagement d’appliquer ce texte le plus rapidement possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, rapporteur. L’avis de la commission est favorable.
Cette disposition a fait l’objet d’une proposition de loi adoptée par le Sénat le 31 janvier 2013.
Le Gouvernement s’était engagé à adopter un décret permettant de la mettre en œuvre. En l’absence de ce texte réglementaire, il revient donc au législateur d’autoriser ce cumul.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage le souci de soutenir le minimum vieillesse, qui a bénéficié, en sus de l’augmentation automatique du 1er avril, d’un coup de pouce supplémentaire le 1er octobre, ce qui permet d’arriver au montant de 800 euros que vous venez d’évoquer, monsieur Cardoux.
Le Gouvernement partage également le souci de Mme Debré de mettre en œuvre ce dispositif. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter ensemble.
Cependant, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, qui sera satisfait d’ici à deux ou trois semaines. Le décret vient en effet de sortir du Conseil d’État, ce qui est une étape positive dans la vie d’un décret. (Sourires.) En tout état de cause, il devrait être publié avant la fin de l’année. À défaut de retrait de cet amendement, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cardoux, l'amendement n° 85 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, je n’ai pas envie de rappeler une chanson que nous avons tous entendue dans notre jeunesse : « paroles, paroles ». (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Vous nous dites que le décret va sortir dans quinze jours. Dont acte. Toutefois, il y a quelque temps de cela, je ne sais si c’est vous ou Mme Touraine qui nous faisait la même promesse, et nous n’avons toujours rien vu.
Je maintiens cet amendement, sur lequel nous avons demandé un scrutin public. En l’adoptant, la Haute Assemblée enverra un signe fort.
Le cas échéant, après avoir obtenu des certitudes quant à la parution de ce décret, les sénateurs que nous aurons désignés pour nous représenter en commission mixte paritaire auront la sagesse de retirer cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. Nous, écologistes, soutenons cet amendement.
Mme la secrétaire d’État nous dit qu’un décret va paraître. Il aura fallu du temps, mais cela signifie que nous sommes en accord sur le fond. Si quelque détail nous séparait encore, il faudrait nous le dire…
Votons cet amendement qui va dans le bon sens et tant mieux si le décret arrive ! De quoi pourrait-on se plaindre ? Le Parlement adopte un dispositif intéressant et un texte d’application paraît dans la foulée ! Ma foi, je ne comprends pas ces réticences.
S’agit-il d’un problème de communication ? Le Gouvernement aurait-il préféré revendiquer la paternité de ce dispositif ? Nous en discutons depuis si longtemps qu’il est difficile de savoir qui le premier a lancé cette idée.
Toujours est-il que nous avions déjà adopté ce dispositif et que nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je ne veux pas tenter de faire pression sur le Sénat.
J’ai entre les mains l’extrait du registre des délibérations du Conseil d’État, en date du 4 novembre dernier, qui comporte le projet de décret.
J’attire votre attention sur un élément de procédure : si le présent amendement est adopté par le Sénat et maintenu par l’Assemblée nationale, nous ne pourrions publier ce décret. Il nous faudrait alors reprendre la procédure et rédiger un nouveau texte, conforme avec l’amendement.
Or si la rédaction de ce décret a pris autant de temps, c’est qu’il a fallu une consultation importante. Ce décret n’a pas été facile à élaborer. Cela étant dit, je laisse au Sénat le soin de prendre ses responsabilités.
Mme Caroline Cayeux. Au Gouvernement de prendre les siennes !
M. Jean Desessard. Je n’ai plus le droit d’intervenir, mais si je le pouvais, je dirais que cela change les choses…
M. le président. Que décidez-vous maintenant, monsieur Cardoux ?
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, je suis toujours dans l’expectative.
Vous nous dites qu’un décret va paraître, mais nous ne le connaissons pas. Est-il conforme à la proposition de loi adoptée par la Haute Assemblée ? Nous ne le savons pas.
Les seuils que nous avons inclus sont-ils retenus par le Gouvernement ? Le plafond que vous avez fixé est-il bien celui qui figurait dans la proposition de loi, à savoir 1,2 fois le SMIC pour une personne seule, et 1,8 fois pour les couples ?
Je ne mets absolument pas en doute votre parole, mais les délais de mise en œuvre et le temps nécessaire pour élaborer ce décret nous semblent trop importants. Voilà pourquoi nous sommes dubitatifs.
Le débat reprendra en commission mixte paritaire. C’est la raison pour laquelle je vous suggère de bien vouloir communiquer à la rédactrice de cet amendement et au groupe UMP du Sénat le texte du décret. Nous vous avons écoutée et, le cas échéant, nous saurons faire preuve de sagesse et retirer cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je tiens à souligner la cohérence des différents amendements déposés par la majorité sénatoriale. La commission des affaires sociales nous a proposé d’adopter un pacte républicain consistant, à terme, à faire travailler les Français jusqu’à 67 ans ou 69 ans.
J’avais auparavant entendu dire qu’une politique d’austérité encore plus dure que celle que propose le Gouvernement devait être menée pour ne pas laisser aux jeunes générations le fardeau de la dette. Vous faites donc appel aux jeunes, chers collègues de la majorité sénatoriale, pour appuyer cette proposition d’austérité, qui passe par des économies drastiques sur les budgets sociaux, certains évoquant même le chiffre de 140 milliards d’euros. Or cela conduirait à une baisse de la consommation très importante, dont l’emploi paierait toutes les conséquences, ce qui ne manquerait pas de faire naître des problèmes liés à la diminution, ou à l’insuffisance, des cotisations des actifs, pourtant nécessaires pour financer, grâce au système de répartition, les retraites des anciens.
Ce pacte républicain que vous nous proposez est extrêmement dangereux. Quel avenir pour la jeunesse dessinez-vous ?
M. Francis Delattre. Quel avenir lui dessinez-vous en l’endettant ? C’est un progrès social à crédit !
M. Dominique Watrin. Ce pacte consiste également en la suppression du compte pénibilité. Autant le dire, nous n’avons jamais été des fanatiques de ce compte ; ce n’est pas la voie que nous aurions empruntée pour la reconnaissance de la pénibilité. Mais admettez tout de même, mes chers collègues, qu’un vrai problème se pose en la matière ! La première inégalité, pour les Français, est la différence d’espérance de vie selon le métier exercé : un ouvrier qui travaille dans des conditions pénibles et difficiles peut espérer vivre entre sept et huit ans de moins qu’un cadre supérieur, par exemple. Si vous considérez, chers collègues de la majorité, qu’il ne doit y avoir dans le pacte républicain aucune solidarité ni aucune prise en compte de la pénibilité, nous n’en avons pas la même conception !
Par le présent amendement, il nous est maintenant proposé de cumuler l’ASPA avec des revenus d’une activité, vous proposez même des « petits boulots » aux retraités. Voilà votre projet de société : faire travailler les gens jusqu’à 67 ans ou 69 ans, en leur donnant un petit plus, et en les faisant travailler dans les rues, par exemple, comme je l’ai vu au Japon, où ce système existe. Dans ce pays, en effet, il n’est pas rare de voir des gens âgés de 70 ans ou plus faire la circulation pendant la nuit !
Ce pacte républicain n’est pas le nôtre ; nous dénonçons les propositions que vous nous soumettez, qu’elles portent sur le compte pénibilité, sur le cumul entre l’ASPA et un revenu d’activité, ou sur l’allongement de la durée de cotisation, nécessaire à l’obtention d’une pension à taux plein, jusqu’à 69 ans. Je ne sais pas si vous avez conscience de ce que vous nous suggérez d’adopter. En tout cas, je vous le dis, je suis complètement révolté ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Francis Delattre. L’idéologie de Brejnev, le retour ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Quelle est la vôtre alors ?
M. Jean Desessard. Et pourquoi pas Gorbatchev ?
Mme Laurence Cohen. Respectez nos opinions !
M. Jean Desessard. Votre idéologie, c’est celle de Reagan !
Mme Laurence Cohen. Nous assumons nos positions politiques !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. J’ai été interrogée sur les seuils mentionnés dans le décret qui nous occupe. Ce dernier précise que, lorsque le foyer est constitué d’une seule personne, les revenus professionnels du demandeur ou bénéficiaire pris en compte font l’objet d’un abondement forfaitaire égal à 0,9 fois la valeur de la rémunération mensuelle minimale. Il prévoit également que cet abondement est égal à 1,5 fois la valeur de la rémunération mensuelle et porte sur les revenus professionnels du foyer, lorsque le ou les demandeurs ou allocataires sont mariés, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
Traduit en termes absolus mensuels, plus simples à comprendre, cela signifie que le minimum vieillesse se monte à 800 euros, augmentés de 435 euros bruts, soit 380 euros nets, cumulables sans voir réduit le minimum vieillesse. Le total s’élève donc à un peu plus d’un SMIC, sans que le minimum vieillesse soit affecté.
Voilà la réponse à la question que vous avez posée, monsieur Cardoux, et le contenu du décret qui sera publié dans les jours qui viennent.
M. le président. Monsieur Cardoux, que décidez-vous finalement, après cette précision ?
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez fourni les éléments financiers que j’attendais. Je considère que vous avez pris un engagement ferme de publication du décret dans un délai de quinze jours et dans les conditions indiquées à l’instant.
Par conséquent, monsieur le président, je retire l’amendement n° 85 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 85 rectifié est retiré.
L’amendement n° 113, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Avant l’article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin d’assurer la pérennité financière et l’équilibre entre les générations du système de retraites par répartition, ainsi que son équité et sa transparence, une réforme systémique est mise en œuvre à compter du premier semestre 2017.
Elle institue un régime universel par points ou en comptes notionnels sur la base du septième rapport du Conseil d’orientation des retraites du 27 janvier 2010.
Le Gouvernement organise une conférence sociale et un débat national sur cette réforme systémique au premier semestre 2015.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Sans recommencer le débat qui vient d’avoir lieu sur la réforme des retraites, je tiens à insister sur un point évoqué par M. le rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, par M. Cardoux et par Mme Bricq, portant sur la réforme structurelle du système de retraite. Il s’agit pour moi d’une question d’équité, de transparence et de justice.
Avec la prise en compte, notamment, de la pénibilité, rien ne justifie plus, à mes yeux, les différences entre les trente-huit régimes qui composent notre système par répartition.
Voilà dix ans que nous sommes, vous le savez, mes chers collègues, très attachés à cette réforme structurelle, qui a été mise en œuvre avec succès par certains de nos voisins européens, notamment en Suède. Cette ambition est d’ailleurs partagée par 73 % des Français qui sont favorables à la convergence des régimes publics et privés vers un système unique. Il ne s’agit pas, bien sûr, de la mener en un jour ; on sait bien que tout cela prendra du temps, vraisemblablement une dizaine d’années.
Cet amendement tend donc à mettre en place de manière progressive un régime universel par points, ou par comptes notionnels, et à permettre l’organisation d’une conférence sociale et d’un débat national au premier semestre de l’année 2015. J’ose espérer qu’il aura plus de succès que ceux que nous avons déposés sur ce sujet dans le passé, lesquels, après avoir pourtant été adoptés à la grande majorité des membres du Sénat, n’ont malheureusement jamais été suivis d’effet.
Je précise, monsieur le président, que mon groupe ne demandera pas de scrutin public !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, rapporteur. Avis favorable, sous réserve de l’organisation d’une conférence sociale et d’un débat national sur cette réforme systémique importante, si possible dès l’année 2015.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je dois dire que j’ai maintenant du mal à m’y retrouver dans les diverses propositions des membres de la majorité sénatoriale. Ils proposent d’abord l’adoption d’un système de retraites par répartition qui requiert des cotisations jusqu’à 69 ans.
Puis les mêmes qui ont voté pour cette mesure – on pourra le vérifier – proposent ensuite, avec cet amendement, un dispositif tout à fait différent : l’instauration d’un système de comptes notionnels.
Mme Annie David. Il faut être logique !
M. Dominique Watrin. Cela revient, pour nous, à l’abandon du pacte républicain et du système de retraites par répartition, fondé sur le financement des retraites des pensionnés par les générations actives.
Mme Annie David. Complètement !
M. Dominique Watrin. Le dispositif proposé est tout autre ; il débouchera nécessairement sur un système de retraite par capitalisation.
M. Dominique Watrin. Ce système par points, dont vous nous vantez les mérites, serait, selon vous, supérieur au système de retraite par répartition. Je voudrais tout de même modérer vos ardeurs, mon cher collègue. Certains pays du nord de l’Europe, qui avaient expérimenté ce système, ont fait machine arrière tant les dégâts étaient importants pour les salariés. Par ailleurs, aux États-Unis, le même phénomène a eu lieu : avec la crise économique, des retraités se sont retrouvés dans une situation catastrophique, à cause de ce système que vous érigez pourtant en modèle.
M. Francis Delattre. Et quel est votre modèle, à vous ?
Mme Laurence Cohen. Taisez-vous !
M. Dominique Watrin. En tout état de cause, vos propositions sont d’une incohérence totale, et annoncent la rupture du pacte républicain.
M. Francis Delattre. Parlez-nous de votre projet !
M. Dominique Watrin. Vous avancez par ailleurs des arguments selon lesquels ce système permettrait de faire converger les régimes publics et privés. On comprend à demi-mot que, pour vous, les fonctionnaires sont privilégiés. Je le rappelle pourtant, quelques mois avant l’examen dans cet hémicycle de la réforme des retraites de 2013, un rapport avait démontré exactement l’inverse ! S’il existe bien des règles dissemblables entre les régimes publics privés, si certains éléments diffèrent bien d’un système à l’autre, le montant des pensions de retraite et le taux de remplacement par rapport au revenu d’activité sont à peu près les mêmes entre les régimes, à quelques euros près. Cet argument, par conséquent, ne tient pas non plus.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je ne veux pas rouvrir un débat que nous avons déjà eu.
Je vais seulement devoir expliquer une fois de plus à M. Watrin que le système par points est un système par répartition. Il est d’ailleurs défendu par les principaux syndicats réformistes de France. Pas par ceux que vous soutenez, bien sûr, mon cher collègue ! Cela dit, croyez-vous que ces organisations se prononceraient en faveur d’un système qui ne fonctionne pas par répartition ? C’est la base même de notre culture : la mutualisation !
Il s’agit seulement de remplacer les trimestres par des points. C’est ce qu’il faut vous mettre dans la tête :…
Mme Annie David. Mais nous ne sommes pas d’accord !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … nous proposons un système de retraite non pas par capitalisation, mais par répartition, établi sur la base de points additionnés dès le premier jour de travail. C’est tout !
M. Dominique Watrin. Et où placerez-vous l’argent ? En bourse !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mais je renonce tout à fait à vous convaincre. Ne prolongeons pas le débat, et passons au vote.
Mme Annie David. Avant le vote, il y a les explications de vote, mon cher collègue !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous voilà bien embêtés : quand ce n’est pas M. Roche qui, un vendredi soir, nous suggère de réformer le système des retraites, c’est M. Vanlerenberghe qui s’y met !
Personnellement, d’ailleurs, je ne suis pas opposé à votre proposition, mon cher collègue, qui consiste à réétudier le système actuel. Quand on examine la situation des travailleurs précaires, les carrières accidentées, on sait très bien que le système de calcul des cotisations par trimestre peut poser des problèmes. D’ailleurs, lors de nos débats sur la réforme des retraites, nous avons plusieurs fois abordé ce point précis. Le système par points peut, en la matière, être beaucoup plus objectif, en tenant beaucoup mieux compte de la précarité. J’entends déjà ce que ne manquera pas de répliquer M. Watrin à cet argument : il ne faut pas se faire à la précarité, il faut la combattre plutôt que de l’accepter !
Je le répète, je ne suis pas opposé à ce que nous ayons ce débat. Mais, si nous, écologistes, pouvons aborder le sujet de la répartition par points, nous sommes fondamentalement favorables à la fiscalisation du système. Nous sommes en effet pour le partage du travail ; nous souhaitons que les gens travaillent moins, ce qui implique que la société assure principalement la prise en charge de la solidarité. Dans ce modèle, l’assurance n’est qu’un complément ; elle voit même le plafond de son recours limité afin de faire vraiment jouer la solidarité nationale.
Un débat est donc nécessaire, et nous sommes d’accord pour le mener, monsieur Vanlerenberghe ; vous voyez que nous ne sommes pas fermés !
Pour autant, si nous nous prononçons pour le débat sur le système de retraite par points, nous ne souhaitons pas voir adopter ce soir ce système, dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je comprends bien que vous désiriez profiter de votre majorité sénatoriale pour affirmer certaines positions et lancer la discussion avec l’Assemblée nationale. Néanmoins, je ne peux pas me prêter à ce jeu, mon cher collègue.
Dès lors, et même si, dans l’idée, je pense que la gauche, la droite et les écologistes doivent envisager un débat national sur le système de retraites et ses modalités, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le débat dure un peu, mais le sujet est important. Réformer les retraites, sans doute ; encore faut-il en avoir débattu et avoir mis toutes les pistes de réflexion sur la table !
Ce soir, deux idées s’affrontent. Mais si nous devons, selon vous, monsieur Vanlerenberghe, nous mettre dans la tête que le système que vous proposez est un système par répartition, vous devez, quant à vous, mettre dans la vôtre que nous ne sommes pas d’accord avec vous !
On peut ne pas être d'accord avec vous ! Vous êtes persuadé que vous avez la solution ; nous pensons, nous, que ce n’est pas la bonne. Votre proposition - que chaque salarié cotise pour lui-même - rompt avec le principe de solidarité sur lequel est aujourd'hui fondé le système par répartition, que nous défendons.
Nous ne sommes pas d’accord. Que chacun se mette bien cela dans la tête, monsieur Vanlerenberghe !
La protection sociale, qui relève d’un projet de société, mérite effectivement un vrai débat. Mais je ne suis pas convaincue qu’il soit pertinent d’engager une réforme, même nécessaire, au détour d’un amendement portant article additionnel au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Faisons en sorte que la discussion puisse avoir lieu dans le pays !
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 56.
Article 56
Par dérogation aux conditions prévues au I de l’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, les périodes passées entre le 18 mars 1962 et le 31 décembre 1975 dans les camps militaires de transit et d’hébergement par les assurés, alors qu’ils étaient âgés de 16 à 21 ans, qui sont enfants des anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie et fixé leur domicile en France, sont prises en compte par le régime général d’assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations prévu au premier alinéa du I du même article L. 351-14-1, diminué d’une réduction forfaitaire prise en charge par l’État dans des conditions et limites fixées par décret.
Le nombre de trimestres d’assurance attribués en application du présent article est limité à quatre, sans que le total des trimestres acquis à ce titre et, le cas échéant, en application dudit article L. 351-14-1 n’excède le plafond fixé au premier alinéa du I du même article.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 77, présenté par M. Roche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
Par dérogation aux conditions prévues à l’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, les enfants des anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local qui ont servi en Algérie et qui sont venus fixer leur domicile en France voient les périodes qu’ils ont passées dans des camps militaires de transit et d’hébergement entre le 18 mars 1962 et le 31 décembre 1975 prises en compte par le régime général d’assurance vieillesse sous réserve :
1° qu’ils aient été âgés de 16 à 21 ans pendant les périodes mentionnées à l’alinéa précédent ;
2° du versement des cotisations prévues au premier alinéa de l’article L. 351-14-1, diminué d’une réduction forfaitaire prise en charge par l’État dans des conditions et limites fixées par décret.
La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.
M. Gérard Roche, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui se justifie donc par son texte même.
M. le président. Le sous-amendement n° 310 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, MM. Mézard, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Amendement n° 77, alinéa 3
Après les mots :
formations supplétives
insérer les mots :
et assimilés
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. L’article 56 permet aux enfants de harkis de racheter un maximum de quatre trimestres d’assurance vieillesse au titre des périodes passées dans des camps militaires de transit et de reclassement à la fin de la guerre d’Algérie. Il prévoit également une réduction forfaitaire à la charge de l’État.
Ce sous-amendement tend à préciser que l’aide au rachat de trimestres doit bénéficier non seulement aux formations supplétives, mais également aux assimilés.
Il est important de réparer un tel oubli pour éviter une interprétation trop restrictive du dispositif.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 114 est présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 142 rectifié est présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Gruny, M. Dériot, Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Canayer, M. Chasseing, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre et Forissier, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary.
L'amendement n° 259 est présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après les mots :
formations supplétives
insérer les mots :
et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie.
L’amendement n° 114 n'est pas soutenu.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l'amendement n° 142 rectifié.
M. René-Paul Savary. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 259.
Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le sous-amendement défendu par M. Barbier.
Il nous semble important d’ajouter les mots : « assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ». Ils ont été omis dans le projet de loi, alors qu’ils figuraient bien dans l’étude d’impact transmise au Parlement par le Gouvernement. Cet oubli serait un très mauvais signal à l’égard des populations concernées. Les souffrances que ces dernières ont subies à cause de notre République doivent, me semble-t-il, être reconnues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 310 rectifié bis, ainsi que sur les amendements identiques nos 142 rectifié et 259 ?
M. Gérard Roche, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 310 rectifié bis et souhaite que les amendements identiques nos 142 rectifié et 259 deviennent des sous-amendements à l’amendement n° 77.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 77, tel que modifié par le sous-amendement n° 310 rectifié bis, et un avis défavorable sur les amendements identiques nos 142 rectifié et 259 ou autres sous-amendements qui survivraient au vote...
M. le président. Monsieur Savary, qu’en est-il de l’amendement n° 142 rectifié ?
M. René-Paul Savary. Nous le maintenons, monsieur le président.
M. le président. Madame David, qu’en est-il de l’amendement n° 259 ?
Mme Annie David. Je le retire au profit de l’amendement de la commission tel qu’il sera modifié par le sous-amendement n° 310 rectifié bis.
M. le président. L'amendement n° 259 est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 310 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 142 rectifié n’a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 56, modifié.
(L'article 56 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 56
M. le président. L'amendement n° 200 rectifié, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l'article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 83 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Un décret fixe par pays la liste des autorités susceptibles de pouvoir certifier des certificats de vie sans nécessité de demander une contre-signature à une autorité française. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 199, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités d’application de l’article 83 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 201, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre 1er du titre 5 du livre 3 du code de la sécurité sociale est complétée par une sous-section ... ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Dispositions relatives aux carrières effectuées à l’étranger
« Art. L. 351-6-… – Dans le cas d’une carrière effectuée dans plusieurs pays signataires de conventions bilatérales de sécurité sociale avec la France ou dans lesquels le règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale s’applique, la durée d’assurance prise en compte pour le calcul du taux de la retraite comprend l’ensemble des périodes d’assurance et de résidence accomplies en France et dans les pays susmentionnés. Un décret fixe les conditions d’application de cette disposition. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Favoriser la coordination des conventions bilatérales pour les carrières à l’étranger
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 56 bis (nouveau)
L’article 19 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites est complété par un X ainsi rédigé :
« X. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités particulières d’application du présent article pour les artistes du ballet relevant de la caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris.
« Le II du présent article entre en vigueur, pour les assurés mentionnés au premier alinéa du présent X, à compter du 1er janvier 2018. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 56 bis
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret et MM. Leconte et Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 56 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sous réserve de l’appréciation de la situation locale par les autorités consulaires françaises, les justificatifs d’existence que doivent fournir, au plus une fois par an, les bénéficiaires d’une pension de retraite versée par un organisme français résidant hors de France, peuvent être transmis par voie postale, par télécopie ou par voie électronique.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Produire un justificatif d’existence n’est pas une démarche spécifique aux Français établis hors de France.
En effet, les pensionnés vivant en France peuvent être amenés à présenter une attestation prouvant qu’ils sont bien en vie pour continuer à percevoir leur retraite.
Les moyens de vérification à l’étranger sont plus aléatoires ; les éventuels risques de fraude doivent évidemment être pris en considération. Je comprends donc parfaitement qu’il soit nécessaire de se présenter au consulat de son lieu de résidence pour authentifier la procédure.
Cependant, tous les pays n’ont pas des services postaux fiables. Si le certificat de vie qui doit être produit une fois par an n’arrive pas, ou pas dans les délais, auprès de la caisse de retraite, la suspension du versement de leur unique source de revenus a des conséquences graves, voire dramatiques pour beaucoup de nos retraités à l’étranger.
Dans ces conditions, il serait juste et souhaitable que les pensionnés ayant bien effectué les démarches nécessaires en se rendant au consulat, parfois distant de plusieurs centaines de kilomètres de leur domicile, ne soient pas victimes des aléas dans l’acheminement du courrier de leur pays de résidence.
Je vous demande donc d’adopter cet amendement, qui a pour objet d’autoriser la transmission du certificat de vie à la caisse de retraites en France par télécopie ou par voie électronique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, le Gouvernement est sensible au problème que vous soulevez. Nous mesurons bien les difficultés que rencontrent les personnes confrontées à ces demandes.
C'est d’ailleurs la raison pour laquelle la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 avait déjà largement assoupli les délais relatifs à la production des certificats d’existence pour les pensionnés résidant à l’étranger. En outre, nous avons engagé un vrai travail de simplification.
Pour autant, ce qui rend ce travail plus exigeant et plus complexe, c’est la nécessité de s’assurer du contrôle du versement des pensions en garantissant la validité et l’authenticité des certificats transmis.
Le rapport prévu par l’article 45 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites permettra de proposer des solutions aux difficultés liées à la perception d’une pension de retraite à l’étranger.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Nous travaillons sur ce dossier, qui est complexe. Nous sommes obligés de faire preuve de vigilance quant aux mesures de contrôle des certificats d’existence.
M. le président. Madame Lepage, l'amendement n° 95 est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
Je remercie Mme la secrétaire d’État des engagements qu’elle vient de prendre ; je lui fais naturellement confiance pour travailler sur le sujet.
Cela étant, le fait d’ouvrir la possibilité de transmettre les certificats de vie par voie électronique à partir du consulat me semble une mesure de bon sens. Je ne vois pas en quoi cela remettrait en cause l’authenticité de tels documents.
Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 95 est retiré.
Article 57
Pour l’année 2015, les objectifs de dépenses de la branche Vieillesse sont fixés :
1° Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 224,0 milliards d’euros ;
2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 120,9 milliards d’euros. – (Adopté.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner par priorité les deux articles du titre V.
Titre V (priorité)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES
Article 63 (priorité)
I. – Au début du 2° de l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « Une partie, fixée par la loi de financement de la sécurité sociale, » sont remplacés par les mots : « Une fraction, fixée par décret, qui ne peut être inférieure à 50 %, ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – Pour l’année 2015, les dépenses de prise en charge mentionnées au 2° de l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale sont fixées à 3,4 milliards d’euros pour le régime général, à 400 millions d’euros pour le régime des salariés agricoles et à 100 millions d’euros pour le régime social des indépendants.
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Roche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.
M. Gérard Roche, rapporteur. C’est au législateur qu’il revient de fixer chaque année, en loi de financement de la sécurité sociale, le transfert du Fonds de solidarité vieillesse au régime général, au régime des salariés agricoles et au régime social des indépendants au titre de leurs dépenses de minimum contributif.
Comme je l’expliquais, le dispositif monte en puissance avec la prise en charge des cotisations chômage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, je comprends tout à fait votre souhait que le Parlement ne soit pas dessaisi.
Toutefois, il faut se souvenir que le dispositif voté les années précédentes était censé être transitoire. En réalité, les régimes n’étaient pas en mesure de fournir des indications précises quant aux montants. Le Parlement votait donc une somme qui était jugée approximativement suffisante pour répondre aux besoins.
Entre-temps, nous avons fait des efforts et obtenu des avancées dans les systèmes d’information. Les régimes ont pu mettre en place un suivi distinct en comptabilité des prestations versées par les régimes au titre du minimum contributif.
Ainsi, les montants de ces prestations différentielles seront retracés séparément des autres composantes des avantages de base d’ici à 2016. Ils ne seront plus évalués sur une base seulement statistique.
C’est cette évolution que traduit la mesure soumise à votre vote. Le montant de la prise en charge sera désormais exprimé en pourcentage de la dépense engagée par les régimes, cette clef étant fixée par décret.
Pour autant, et j’espère ainsi vous rassurer, le législateur n’est pas dessaisi : il demeure garant de l’équilibre entre le financement par les régimes et la contribution du Fonds de solidarité vieillesse. En effet, il est prévu que la prise en charge ne pourra pas être inférieure à 50 %.
Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait de votre amendement, monsieur le rapporteur. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 80 est-il maintenu ?
M. Gérard Roche. C’est le dernier amendement que je présentais dans ce cadre ; je ne voudrais pas partir sur une mauvaise impression. (Sourires.)
Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.
Je mets aux voix l'article 63.
(L'article 63 est adopté.)
Article 64 (priorité)
Pour l’année 2015, les prévisions des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale sont fixées ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
|
Prévisions de charges |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
19,6 |
M. le président. Nous reprenons le cours normal de notre discussion et en revenons aux articles du titre III.
Titre III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES DE LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES
Article 58
I. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est fixé à 380 millions d’euros au titre de l’année 2015.
II. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante est fixé à 693 millions d’euros au titre de l’année 2015.
III. – Le montant du versement mentionné à l’article L. 176-1 du code de la sécurité sociale est fixé à un milliard d’euros au titre de l’année 2015.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 260 est présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 287 est présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante est constitué également d’une contribution, due pour chaque salarié ou ancien salarié à raison de son admission au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité. Cette contribution est à la charge de l’entreprise qui a supporté ou qui supporte, au titre de ses cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles, la charge des dépenses occasionnées par la maladie professionnelle provoquée par l’amiante dont est atteint le salarié ou l’ancien salarié.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 260.
M. Dominique Watrin. La liste des établissements, actuellement fixée par arrêté ministériel, dans lesquels il faut avoir travaillé pour avoir droit à une cessation anticipée d’activité du fait de l’amiante est beaucoup trop restrictive selon nous, et il est urgent de la réactualiser.
Du fait de ce caractère restrictif, en effet, tous les salariés en contact avec l’amiante n’ont pas accès au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. En accompagnant mieux ces salariés et en ouvrant la liste des établissements concernés, on permettra à un plus grand nombre d’entre eux de prétendre à ce fonds, ce qui exige évidemment de nouvelles recettes.
Dans cette perspective, cet amendement a pour but de rétablir la contribution des entreprises au financement des fonds de l’amiante mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 et supprimée dans la loi de finances pour 2009. Il s’agit donc, vous l’aurez compris, à la fois de dégager des moyens et de responsabiliser les entreprises dont les salariés travaillent au contact de l’amiante.
Cet amendement a été refusé à l'Assemblée nationale au motif que cette contribution ne rapportait pas assez : 68 millions d’euros en 2005, l’année de sa mise en œuvre, 21 millions d’euros en 2006 et 33 millions d’euros en 2007, alors que le triple était attendu lors de la mise en œuvre de cette contribution, soit 120 millions d’euros.
Lorsque, dans le même temps, vous ponctionnez l’encours de précaution de l’ONIAM à hauteur d’une vingtaine de millions d’euros parce que ses réserves sont jugées excessives, alors que l’on ne connaît même pas le nombre de victimes à venir, prétendre que la contribution patronale au FCAATA ne rapporte pas assez est pour le moins incompréhensible.
Je souligne que 91 % des maladies de l’amiante ayant donné lieu à un arrêt de travail se sont accompagnées de la reconnaissance d’une incapacité permanente. C’est pourquoi il est normal et logique que les employeurs participent à ce fonds.
Tel est le sens de l’amendement, que nous vous proposons d’adopter.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 287.
M. Jean Desessard. Mon amendement étant identique à celui que vient de présenter M. Watrin, nos arguments vont se rejoindre.
Le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, créé en 1999, est indispensable pour que les milliers de travailleurs exposés à l’amiante au cours de leur vie professionnelle aient la possibilité d’arrêter leur activité de façon anticipée. Pour vous donner un chiffre concret, plus de 30 000 personnes étaient indemnisées par ce fonds à la fin de 2010.
Quelles sont les conditions pour recevoir cette allocation ? Être victime d’une maladie professionnelle liée à l’amiante ou avoir travaillé dans des établissements à risque élevé figurant sur les listes d’établissements fixées par arrêté. Cette liste est toutefois très restreinte et ne couvre absolument pas l’ensemble des travailleurs malades de l’amiante ou qui risquent très fortement de l’être.
Tous les établissements dont les travailleurs ont été exposés à l’amiante doivent contribuer à alimenter le Fonds. Avec cet amendement, nous demandons que la contribution des entreprises au financement des fonds de l’amiante, qui avait été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 et supprimée en 2009, soit rétablie. Il faut s’assurer que son recouvrement soit facilité et éviter les écueils qui avaient mené à sa disparition il y a cinq ans.
Nous demandons cela pour deux raisons : d’abord, parce qu’il est normal que les entreprises responsables contribuent ; ensuite, pour que tous les travailleurs puissent avoir enfin accès à l’allocation de cessation d’activité anticipée des travailleurs de l’amiante.
L’extension de l’accès à cette allocation est une mesure fondamentale de justice sociale pour des milliers d’artisans, intérimaires, fonctionnaires, travailleurs du désamiantage ou chargés des diagnostics qui sont malades de l’amiante, ou risquent de l’être, et qui ne peuvent pas être indemnisés.
Cette mesure avait déjà été préconisée en octobre 2005 dans le rapport de la mission commune d’information du Sénat sur l’amiante. Pourtant, le rapport du comité de suivi rendu public en juillet dernier montre bien que rien n’a encore été fait, dix ans après !
Il ne faut plus attendre, au vu du nombre de personnes potentiellement concernées !
C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, à moins que Mme la secrétaire d’État n’ait déjà un décret en préparation (Sourires.), auquel cas nous retirerions l’amendement, après la lecture du décret en question, comme cela s’est produit précédemment. (M. Dominique Watrin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Comme l’ont rappelé MM. Watrin et Desessard, à l’origine, il était prévu que les entreprises qui avaient utilisé de l’amiante participent au financement du FCAATA. Il s’agissait de donner une préretraite aux personnes qui avaient été en contact, dans leur travail, avec l’amiante.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cette disposition figurait dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.
Mais, en 2009, nous avons voté – autant que je m’en souvienne à une quasi-unanimité – la suppression de cette cotisation parce que nous nous sommes rendu compte que les fonds ne rentraient pas. En effet, bon nombre d’entreprises qui auraient dû cotiser soit avaient disparu, soit contestaient en justice leur contribution. Les choses traînaient et, par ailleurs, cela coûtait fort cher.
Nous avons donc estimé qu’il valait mieux supprimer une cotisation, certes due par les entreprises, mais qui ne rapportait rien et dont le recouvrement posait problème.
Je vous rappelle que la contribution pour les maladies professionnelles et accidents du travail est financée uniquement par les entreprises, les cotisations étant payées par l’ensemble des entreprises. Or, il faut bien le reconnaître, étant donné la situation économique générale, il n’est pas forcément judicieux de leur imposer une cotisation supplémentaire. J’ai rappelé l’ensemble des raisons pour lesquelles, à mon avis, le moment serait mal choisi pour rétablir à la charge des entreprises une cotisation qui ne servirait finalement pas à grand-chose, sauf à pénaliser certaines d’entre elles, et à entraîner des charges beaucoup plus importantes que le produit de la cotisation prévue à l’origine.
Je rappelle qu’en 2006 ou en 2007 j’avais proposé d’augmenter la cotisation payée par les entreprises, mais, l’année suivante, le rendement avait été encore moins élevé... Vous voyez que cette proposition ne se justifie pas puisque, de toute façon, le Fonds est alimenté par l’ensemble des entreprises.
Voilà pourquoi j’ai émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. L’article 58 du présent projet de loi fixe à 693 millions d'euros par an la contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, ce que l’on appelle en général « la préretraite amiante ».
Ces deux amendements identiques visent à rétablir la contribution acquittée par les entreprises et les entreprises productrices d’amiante.
Comme M. Dériot l’a expliqué, si, à un moment donné, cette contribution a été abandonnée, c’est parce qu’elle présentait trop de défauts, le principal étant la difficulté de son recouvrement et la faiblesse de son produit. Elle avait comme autre inconvénient d’être un frein à la reprise des sites.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amiante étant interdite depuis 1997, plus on s’éloigne de la période d’utilisation intensive de l’amiante, moins le rétablissement de la contribution aurait de sens.
Cela étant, et j’attire votre attention sur ce point, cela n’enlève rien à la responsabilisation des employeurs dans le cas de l’amiante, qui continue d’exister. C’est le sens de vos amendements : les entreprises qui ont fait travailler des salariés dans des conditions d’exposition à l’amiante ayant eu des conséquences sanitaires terribles doivent être appelées, aujourd'hui, à les dédommager. C’est toute l’utilité de la reconnaissance de la faute inexcusable, qui concerne dans près de 40 % des cas des maladies professionnelles imputables à l’amiante.
Par conséquent, la notion de faute inexcusable rend la maladie professionnelle encore plus responsabilisante pour l’entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que le rétablissement de cette contribution n’aurait pas les résultats escomptés, hormis sur le plan symbolique, et les salariés victimes de l’amiante n’y trouveraient pas d’avantages supplémentaires en termes de prise en charge et de réparation de leurs souffrances.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Madame la secrétaire d’État, l’amiante a malheureusement une nouvelle actualité dans la gestion de nos communes. Depuis dix ans, en effet, nous menons des opérations de désamiantage et ceux qui, ici, gèrent des communes savent que toutes leurs voiries ou presque sont imprégnées d’amiante. Or les entreprises qui ont à intervenir sur la voirie commencent par nous demander une étude générale afin d’évaluer les risques pour leurs propres employés. (MM. Claude Dilain et Jean Desessard opinent.)
Mais pourquoi trouve-t-on des traces d’amiante dans le bitume d’aujourd’hui ? Parce que les graviers issus de la démolition de bon nombre de bâtiments contenant de l’amiante ont été retraités et incorporés, naturellement avec le pétrole et tout le reste, dans le bitume.
C’est un cercle infernal !
Aujourd’hui, pour l’ensemble des communes, c’est un vrai problème. Les études de voirie ne coûtent pas moins de 300 000 ou 400 000 euros et, si vous n’avez pas l’étude qui révèle le degré d’amiante, les entreprises refusent d’intervenir. Or ceux qui font du bitume, du « noir » comme ils disent, je peux vous dire que nous les connaissons tous, ce sont toujours les mêmes ; on les retrouve d’ailleurs plus ou moins derrière toutes ces réglementations et ce sont les premiers à venir trouver les maires pour réclamer ces études au nom de la protection de leurs propres salariés.
L’amendement de mon ami écologiste est donc presque d’actualité. Peut-être ne pouvons-nous pas le voter in extenso, mais il n’en reste pas moins que nous sommes confrontés à un vrai problème de coût. Lorsqu’il faut intervenir sur une voirie en mauvais état qui recèle de l’amiante, cela coûte moitié plus cher.
Nous sommes au Sénat, où l’on traite habituellement des problèmes des collectivités territoriales. Or voilà un cas concret.
J’aimerais donc que la commission étudie une solution nous permettant, chers collègues, de faire face à cette situation nouvelle. Car, là, nous allons avoir besoin d’un fonds, ne serait-ce que pour comprendre l’origine du problème.
Il est tout de même incroyable que le recyclage ait été utilisé en partie pour fabriquer un bitume qui aujourd'hui contient de l’amiante. Il faut réagir !
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Monsieur Delattre, la contribution dont nous parlons ici a exclusivement pour objet d’alimenter le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Or le FCAATA s’adresse à ceux qui sont aujourd’hui en vie et leur nombre va d'ailleurs en diminuant d’année en année. C’est le signe que certains des travailleurs qui ont été en contact avec l’amiante sont malheureusement décédés, mais aussi qu’il y a de moins en moins de personnes contaminées.
La récente découverte qui a été faite de la présence d’amiante dans les bitumes utilisés pour la voirie pose en effet un problème. Mais on ne va pas dès aujourd’hui faire bénéficier de l’allocation de cessation anticipée d’activité ceux qui aujourd’hui travaillent sur les voiries de ce type ! D’autres solutions seront trouvées ultérieurement pour indemniser ces personnes, si nécessaire.
Les fonds amiante n’ont pas non plus pour objet d’aider les entreprises ou les collectivités à se débarrasser de l’amiante. Ils servent exclusivement à indemniser les personnes qui sont contaminées…
M. Francis Delattre. Ou qui vont l’être !
M. Gérard Dériot, rapporteur. … ou qui, ayant travaillé au contact de l’amiante, vont l’être dans un certain nombre d’années. Il sera temps de revoir cette question ; le Fonds existe et est alimenté, et l’argent disponible servira à ceux qui sont dans la situation de pouvoir prendre leur retraite.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’ai particulièrement apprécié l’intervention de mon collègue Francis Delattre, qui souligne que le problème est encore plus grave parce que récurrent. On croit en avoir fini avec l’amiante, mais on s’aperçoit, en raison de nos modes de recyclage, que le risque de contamination perdure.
Je pense comme lui qu’il serait très intéressant, au-delà même de ces amendements, de créer une commission pour examiner le problème à l’échelle de l’ensemble des secteurs d'activité dont les salariés risquent d’être contaminés par l’amiante.
La commission des affaires sociales pourrait, me semble-t-il, s’emparer de cette idée pour ne pas s’en tenir aux difficultés actuelles, mais justement envisager les problèmes que l’amiante pourrait poser à l’avenir.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. L’intervention de notre collègue Delattre nous fait réagir.
Le problème de l’amiante est en effet bien plus large qu’il n’y paraît aujourd’hui. Nous devrons demain prendre en charge ces personnes aujourd’hui soumises à des conditions de travail telles que c’est leur vie qui est en jeu. Alors, j’entends bien que le coût sera élevé pour nos collectivités territoriales, mais les salariés, eux, vont y perdre la vie !
Il faut bien avoir conscience que, avec 100 000 morts à l’horizon 2020, l’amiante est un véritable fléau. Il y a différentes possibilités pour répondre à ce problème.
Pour notre part, nous avons fait cette proposition d’alimenter plus largement le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, par une contribution des entreprises. Mais, comme l’a relevé le rapporteur, cela ne concernera que les travailleurs en cours de cessation d’activité. D’autres seront concernés demain.
Une proposition intéressante pourrait consister à créer enfin cette voie d’accès complémentaire que nous appelons de nos vœux, mais dont nous ne pouvons proposer la création ici sous forme d’amendement, car cette mesure aurait évidemment un coût pour le budget de l’État, et l’on nous opposerait l’article 40.
D’autres pistes doivent être creusées pour permettre aux salariés et aux travailleurs de l’amiante de bénéficier d’une véritable indemnisation du préjudice subi. C'est la raison pour laquelle il faut, mes chers collègues, adopter cet amendement, même s’il entraînera un coût pour les entreprises.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle à MM. Delattre et Desessard qu’un comité de suivi sur l’amiante avait été créé par la commission des affaires sociales. Présidé par Mme Archimbaud, il a rendu en juillet dernier un rapport extrêmement complet sur le sujet.
Mes chers collègues, je vous invite à lire ce rapport, qui traite de tous les problèmes, y compris de la voirie et du désamiantage. Nous pourrions nous appuyer sur ce document non pas pour créer un deuxième comité de suivi – ce n’est pas nécessaire -, mais pour élaborer des propositions.
M. Jean Desessard. Bonne idée !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 260 et 287.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 58.
(L'article 58 est adopté.)
Article additionnel après l’article 58
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 58
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport portant sur les modalités et le coût de l’extension de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante à tous les travailleurs ayant été exposés à l’amiante, y compris les artisans, les fonctionnaires et les intérimaires, est rendu aux parlementaires au plus tard le 1er octobre 2015.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le comité de suivi « amiante » de la commission des affaires sociales du Sénat que présidait ma collègue Aline Archimbaud – le président de la commission l’a évoqué à l’instant – a effectivement rendu son rapport en juin dernier. Le constat est sans appel : l’amiante est à l’origine d’une catastrophe sanitaire majeure.
Ce matériau est responsable de 9 % des maladies professionnelles et de 76 % des décès liés à une maladie professionnelle en 2011, selon l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA.
La question de l’indemnisation des victimes est donc centrale. Des dispositifs existent déjà, notamment l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.
Je l’ai dit, pour bénéficier de cette allocation, il faut être victime d’une maladie professionnelle liée à l’amiante ou avoir travaillé dans des établissements à risque élevé figurant sur les listes d’établissements fixées par arrêté, listes bien trop restrictives. Cela est d’autant plus vrai que de nouveaux métiers risquent d’être concernés par les maladies de l’amiante, notamment ceux du désamiantage et du diagnostic « amiante ».
Avec cet amendement, nous demandons qu’un rapport sur le coût et les modalités d’une telle réforme soit rendu aux parlementaires avant le 1er octobre prochain, pour que nous puissions, ainsi que le Gouvernement, avoir tous les éléments en main pour mettre en place un dispositif complémentaire de la meilleure façon et dans les meilleurs délais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Une demande similaire a déjà été formulée : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoyait qu’un rapport devait être remis avant le 1er juillet 2013. Ce rapport n’a toujours pas été rendu…
Ce document nous permettrait justement de mesurer le coût de la prise en charge des travailleurs qui ont été en contact avec l’amiante dans des entreprises ne figurant pas sur la liste qui seule permet de leur reconnaître le statut d’anciens travailleurs de l’amiante.
J’ai d’ailleurs évoqué ce problème lors de la discussion générale. Nous souhaiterions, madame la secrétaire d’État, disposer très rapidement de cette étude, pour voir s’il est envisageable, et dans quelles conditions, de couvrir certaines personnes qui n’ont pas forcement travaillé dans des entreprises figurant sur la liste arrêtée à cet effet.
Il est vrai que nous avons de plus en plus d’intérimaires qui se sont trouvés exposés à l’amiante, notamment sur des chantiers, ou qui travaillent dans des entreprises de l’amiante. Il est compliqué de reconstituer leur carrière pour les intégrer dans le dispositif et, de toute façon, ils ne travaillent souvent pas pour des entreprises figurant sur la liste.
C’est pourquoi il nous semble maintenant extrêmement urgent que cette étude puisse nous être fournie, afin que nous en discutions et que nous essayions de trouver des solutions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’amiante est une catastrophe sanitaire à laquelle notre pays a été particulièrement exposé, probablement parce qu’il était l’un des principaux producteurs d’amiante, et l’un des principaux utilisateurs, aussi. De ce fait, il a, pendant de longues années, soit ignoré soit nié une partie des conséquences sanitaires.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il a fermé les yeux !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Comme ce sont les travailleurs qui sont essentiellement touchés, disons-le clairement, c'est une catastrophe sanitaire « de classe ». L’ensemble des dépenses liées à l’amiante – la cessation d’activité et la prise en charge des maladies professionnelles – mobilisent aujourd’hui 18 % du budget consacré aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Ce pourcentage montre l’ampleur du problème, mais aussi l’importance de l’engagement dans l’indemnisation des salariés atteints des maladies consécutives à une exposition à l’amiante.
Vous avez évoqué le rapport voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, en soulignant qu’il aurait dû être remis en juillet 2013. Je ne sais pas si je serai crue sur parole, car je n’ai pas dans ma poche, comme précédemment, un décret daté et signé, mais mes services m’ont indiqué que ce rapport sera finalisé et remis au Parlement avant le 20 décembre prochain.
Dans ces conditions, ajouter un rapport supplémentaire sur la question n’apparaît pas nécessaire, car cela n’accélérera pas forcément la sortie du premier… Il n’est sans doute pas très efficace de voter une mesure identique quand la précédente n’a pas été suivie d’effet dans les délais impartis !
En outre, le Gouvernement a souhaité que les fonctionnaires et agents publics ayant développé une maladie professionnelle reconnue en lien avec l’amiante aient droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité. Des travaux interministériels sont actuellement en cours sur cette question.
Les travailleurs indépendants et les artisans ont, eux, leur propre régime de protection sociale. C'est dans le cadre du Régime social des indépendants qu’un dispositif doit être mis en place. Comme il suppose une majoration des prélèvements obligatoires demandés aux intéressés, la décision relève du RSI.
Monsieur le sénateur, je vous suggère, dans un premier temps, de retirer votre amendement et, dans un deuxième temps, de me faire confiance quant à la date de remise du rapport. À défaut de retrait, je serai obligée d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 288 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. J’étais inquiet d’entendre le rapporteur parler d’un rapport à paraître avant le 1er juillet 2013. En fait, ce rapport n’a jamais été remis. Me voilà rassuré : il ne m’avait pas échappé !
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de vos explications. Vous m’avez demandé de retirer d’abord mon amendement et de vous faire confiance ensuite. Je me permettrai d’inverser l’ordre des choses : je vous fais confiance pour la parution du rapport en 2014 et, en conséquence, je retire mon amendement ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 288 est retiré.
Article 59
I A (nouveau). – Le 2° de l’article L. 752-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« 2° Une indemnité journalière pour les chefs ou les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole, les aides familiaux et les associés d’exploitation, pendant la période d’incapacité temporaire de travail ; ».
I. – L’article L. 752-5 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 752-5. – Bénéficient d’indemnités journalières pendant la période d’incapacité temporaire de travail :
« 1° Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole mentionnés au 1° de l’article L. 722-4 ;
« 2° Les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole mentionnés à l’article L. 321-5 ;
« 3° Les aides familiaux et les associés d’exploitation mentionnés au 2° de l’article L. 722-10.
« Les indemnités journalières sont servies à l’expiration d’un délai, déterminé par décret, à compter du point de départ de l’incapacité de travail et pendant toute la période d’incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès, ainsi que dans le cas de rechute prévu au chapitre III du titre IV du livre IV du code de la sécurité sociale.
« L’indemnité est égale à une fraction du gain forfaitaire annuel fixé par arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de la sécurité sociale. Elle est majorée à l’issue d’une période d’incapacité fixée par décret. Elle est incessible et insaisissable. »
II. – L’attribution d’indemnités journalières aux personnes mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 752-5 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est applicable aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er janvier 2015. – (Adopté.)
Article 60
Pour l’année 2015, les objectifs de dépenses de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles sont fixés :
1° Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 13,5 milliards d’euros ;
2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 12,1 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 60 fixe les objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour 2015.
Nous souhaitons ici aborder l’énorme manque à gagner, évalué entre 587 millions et 1,1 milliard d’euros, qu’entraînent pour cette branche la sous-évaluation et la sous-déclaration des maladies professionnelles.
Ainsi que l’a clairement souligné le rapport Diricq en 2011, plusieurs facteurs concourent à ce phénomène. D’abord, les accidents du travail doivent être déclarés par l’employeur à la caisse de sécurité sociale compétente, tandis que les maladies professionnelles doivent l’être par la victime.
La réticence de certains employeurs à déclarer les accidents du travail peut s’expliquer par leur souci d’éviter une hausse de leurs cotisations AT-MP.
Le rapport Diricq note également des comportements de dissimulation induits par la volonté de ne pas afficher des taux de sinistralité élevés ou en hausse : non-déclaration d’accident, pression sur les salariés, accompagnement du salarié chez le médecin par une personne de l’entreprise et prise en charge des soins par cette dernière, pression sur les médecins de ville pour qu’ils n’accordent pas d’arrêts de travail au motif que le salarié se verra proposer un poste aménagé, etc.
Quant à la sous-déclaration des maladies professionnelles, elle résulte, pour une large part, du manque d’information des victimes, qui ne connaissent pas toujours la nocivité des produits qu’elles manipulent ni leurs droits au regard de la sécurité sociale. Un salarié peut également s’abstenir de déclarer une maladie professionnelle par crainte de perdre son emploi, ce qui est assez fréquent. La complexité des démarches de reconnaissance et le caractère forfaitaire de la réparation offerte par la branche AT-MP peuvent enfin conduire certaines victimes à estimer qu’il est préférable sur le plan financier d’emprunter une autre voie d’indemnisation.
Par ailleurs, il faut souligner l’insuffisance de la formation, et même de l’information des médecins de ville comme des praticiens hospitaliers, ainsi que le manque criant, bien connu, de médecins du travail.
Enfin, une maladie est reconnue d’origine professionnelle si elle figure dans un tableau fixé par décret en Conseil d’État ou si le salarié est reconnu atteint d’une maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l’avis s’impose à la caisse de sécurité sociale. Cependant, cette procédure peut ne pas être exempte de défaillances. On parle de 10 000 à 40 000 cancers professionnels, d’origine professionnelle donc, dont une petite partie seulement est reconnue. Et que dire des problèmes de surdité ou des maladies musculo-squelettiques ?
Il faut tout de même savoir que 20 % des dépenses de santé seraient imputables à des causes professionnelles !
Au lieu donc d’exonérer de cotisations sociales tous azimuts les entreprises, nous pensons qu’il faudrait, au contraire, les responsabiliser et mettre en place les outils pour lutter contre ces phénomènes qui n’incitent pas à la prévention et « plombent » les comptes de la sécurité sociale.
Pour terminer, je voudrais vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur une mesure concrète qui pourrait facilement être mise en œuvre dès lors qu’une volonté politique serait exprimée en ce sens.
Lorsque plusieurs salariés déclarent une même maladie alors qu’ils occupent le même poste de travail, il faudrait à tout le moins s’interroger sur la nocivité dudit poste et pousser l’entreprise à le faire évoluer pour éliminer le risque. C’est une mesure de bon sens qui n’est que rarement mise en pratique. L’assurance maladie a pourtant déjà tout en main pour le faire : elle collecte et enregistre depuis des années la liste des postes pathogènes. Toutefois, elle ne les rend pas publics et ne fait rien pour constituer ce qui pourrait être une sorte de cadastre des risques avérés.
Faisons bouger ces pratiques, à l’exemple de la région PACA dans le plan régional santé-environnement 2009-2013. Les membres de mon groupe considèrent que ce serait un bon moyen de mettre un terme à des dégâts humains et financiers qui n’ont que trop duré.
M. le président. Je mets aux voix l'article 60.
(L'article 60 est adopté.)
Titre IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES DE LA BRANCHE FAMILLE
Articles additionnels avant l’article 61 A
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par MM. Rachline et Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 61 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « pour les familles dont un parent au moins est français ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 176, présenté par Mmes Keller et Cayeux, M. Delattre, Mme Canayer, MM. Cardoux et Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Avant l’article 61 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er avril 2015, un rapport présentant une évaluation de l’impact financier, économique et social de la réforme de la prestation partagée d’éducation de l’enfant prévue par l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale, consistant à réserver le bénéfice de la prolongation de la durée de versement de la prestation au second parent.
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Il est ici question du complément de libre choix d’activité, ou CLCA, autrement dit le congé parental, somme versée aux familles dont l’un des deux parents a choisi de diminuer ou de cesser son activité pour se consacrer à l’éducation de son enfant de moins de trois ans.
Créée en 1985, cette prestation a été consolidée par la deuxième « loi Veil », qui l’a étendue aux familles de deux enfants et plus.
La récente loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit une diminution du congé parental, au profit de l’autre parent. Sous prétexte d’inciter les pères à prendre un congé parental, en leur réservant une période de six, douze ou dix-huit mois – on ne sait pas très bien – sur les trente-six mois du CLCA, le Gouvernement s’apprête à prendre une décision qui aura des conséquences importantes.
C'est la raison pour laquelle les membres du groupe UMP vous proposent d’adopter cet amendement, tendant à la réalisation d’une étude d’impact pour en évaluer les conséquences financières, économiques et sociales.
D'abord, une étude d’impact s’impose pour évaluer les conséquences financières de la décision du Gouvernement, laquelle réduira, de fait, la durée du congé parental. Je rappelle qu’il s’agit non pas d’une simple incitation, mais d’une vraie contrainte, et que le Gouvernement procédera par voie réglementaire.
De manière assez cynique, le Gouvernement évalue l’économie ainsi réalisée à 170 millions, 250 millions ou 490 millions d’euros, suivant que l’évaluation émane de la Direction de la sécurité sociale ou du Trésor. Ces prétendues économies seront compensées par un recours accru aux modes de garde pendant l’année de soudure à laquelle les familles seront à tout coup contraintes.
Ensuite, une étude d'impact s’impose pour évaluer les conséquences économiques et, surtout, sociales d’une telle décision. En effet, les femmes, qui prennent 96 % des congés parentaux et sont 492 000 à prendre un congé parental, vont être victimes d’une double peine : déjà payées, en moyenne, 27 % de moins que leurs collègues hommes assurant la même mission, elles ne bénéficieront plus d’aucune souplesse dans leur choix de vie pendant la totalité de la durée de leur congé et jusqu'à l’entrée de leur enfant en école maternelle.
Madame la secrétaire d'État, votre gouvernement ne s’y est pas trompé : vous avez changé le nom du dispositif et ce qui était une « allocation de libre choix » est devenu une « prestation partagée d’éducation de l’enfant », ou PréPaRe.
Or, comme plusieurs études l’ont démontré, une grande partie des femmes qui en bénéficient aujourd'hui travaillent en horaires décalés ou déstructurés, notamment à temps partiel – des formes de travail incompatibles avec les modes de garde existants et peu adaptés à un bon rythme de vie familiale. L’allégement de l’activité professionnelle permet à ces femmes d’accompagner librement leur famille, tout en gardant le droit au retour au plein emploi.
Pour les parents, en particulier pour les mères, le congé parental est un choix, celui de concilier vie familiale et vie professionnelle. C’est aussi un droit au retour vers la vie professionnelle, qui les protège.
C'est la raison pour laquelle l’amendement que je présente, avec Caroline Cayeux, Francis Delattre, Alain Milon et l’ensemble des sénateurs du groupe UMP, vise à alerter le Gouvernement sur l’impact considérable qu’aurait la poursuite de cette réforme : 500 000 familles sont concernées.
Madame la secrétaire d'État, je ne cache pas que cet amendement tend aussi à permettre un débat sur ce sujet extrêmement important. En effet, il est impératif de prendre en compte toutes les conséquences d’une telle décision avant que celle-ci ne soit validée par votre gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Caroline Cayeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche famille. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, dont l’adoption lui permettrait de disposer d’une évaluation sérieuse de l’impact de la mesure. En effet, nous ne sommes pas tout à fait convaincus que celle-ci permettra de réaliser des économies qui soient intéressantes pour la branche famille.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Madame Keller, je répondrai d'abord à votre demande de rapport, puis je reviendrai sur la discussion que vous avez ouverte, bien légitimement. D’ailleurs, c’est votre demande de rapport qui nous permet de débattre d’une mesure qui, comme vous l’avez indiqué, est de nature réglementaire.
L’article de la loi du 4 août 2014 dont nous débattons a été préparé par une étude d'impact, qui répondait déjà aux questions que vous soulevez aujourd'hui et à laquelle nous n’avons pas grand-chose à ajouter. En revanche, je peux vous dire que le Haut Conseil de la famille, dans le cadre de ses travaux réguliers, étudiera la façon dont les familles vont s’approprier la réforme, comme il l’a déjà fait, à plusieurs reprises, pour d’autres réformes.
Par conséquent, je ne suis pas sûre que votre demande de rapport soit réellement justifiée. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
En ce qui concerne le complément de libre choix d’activité, le CLCA, devenu la PréParE, vous n’êtes pas tout à fait remontée assez loin dans le temps : vous être remontée à la deuxième loi Veil, mais peut-être eût-il fallu remonter jusqu’à la loi Dufoix.
M. Jean Desessard. Elle remonte à loin ! C’étaient mes débuts…
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. À cet égard, je ne peux pas m’empêcher de souligner que c’est la gauche qui a porté ces réformes, comme elle a porté beaucoup d’autres réformes relatives aux allocations familiales et à la politique familiale. Je rappelle également que la mise en place du CLCA, qui s’appelait, à l’époque, « allocation parentale d’éducation », revient à Georgina Dufoix, alors ministre des affaires sociales. C’était en 1984, si ma mémoire est bonne.
La prestation était versée à la naissance du troisième enfant. Autrement dit, à l’origine, cette prestation n’est pas totalement dépourvue d’une dimension nataliste. Elle prend acte du fait qu’un certain nombre de femmes – il nous faut bien reconnaître, pour le déplorer, et nous sommes toutes d’accord sur ce point, que la mesure vise essentiellement les femmes, seules à s’investir à ce point dans l’éducation des enfants – se retirent du marché du travail à la naissance de leur troisième enfant et qu’il faut les accompagner.
Cette prestation était versée pendant deux ans, durée jugée raisonnable, à l’époque – cela n’a pas changé –, pour éviter un impact négatif sur l’activité professionnelle des femmes.
La deuxième « loi Veil », qui date de…
Mme Fabienne Keller. Elle date de 1994 !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. … 1994, en effet, étend cette prestation à la naissance du deuxième enfant et allonge la durée de la prestation à trois ans.
M. Francis Delattre. Pourtant, Mme Veil n’était pas socialiste !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette contribution au débat, mais sachez que les socialistes ont beaucoup soutenu Mme Veil au moment où il importait de le faire, en 1974 ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Pour en revenir à la loi de 1994, on a alors observé que l’allongement et le déclenchement du dispositif à la naissance du deuxième enfant avaient contribué à faire sortir 150 000 femmes du marché du travail : trois ans après la fin du versement de la prestation, ces femmes n’avaient pas réintégré le monde du travail.
Voilà pour l’histoire du CLCA.
Autre remarque : c’est en France que le CLCA est le plus long, le moins partagé et le moins bien rémunéré. D’ailleurs, je suis absolument convaincue que ces trois caractéristiques sont corrélées : c’est parce que le CLCA est pris par les femmes qu’il est moins rémunéré qu’ailleurs et qu’il est plus long. C’est encore parce qu’il est plus long qu’il est moins rémunéré qu’ailleurs…
Il est clair que la bonne solution résiderait dans un CLCA beaucoup plus court et mieux rémunéré. Cependant, l’impact budgétaire serait alors très important et incompatible avec les efforts que nous consentons aujourd'hui. C’est visiblement ce que l’on a aussi pensé ces dernières années, car il n’a à aucun moment été proposé de mieux rémunérer le CLCA et d’en réduire la durée.
Dans un des pays probablement les plus exemplaires en matière de partage des responsabilités parentales entre les hommes et les femmes, l’Islande, le CLCA est de neuf mois – trois mois pour la mère, trois mois pour le père et trois mois supplémentaires, au choix, pour l’un des deux – et il est mieux rémunéré – en général, sous un plafond fixé à 60 %.
M. Jean Desessard. Et en Allemagne ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Chez nous, le CLCA a un effet négatif sur le travail des femmes : il est trop long et les exclut durablement du marché du travail. Telles sont les raisons qui nous conduisent aujourd'hui, madame la sénatrice, à agir sur le CLCA.
En effet, nous préférons engager des dépenses importantes et des investissements sur les modes d’accueil des jeunes enfants. Je reviendrai sur ce choix.
La mesure relevant du domaine réglementaire, nous avons, en définitive, opté pour un partage qui nous semblait raisonnable : vingt-quatre mois pour un parent et douze mois pour l’autre. Pour vous donner un élément de comparaison, sachez que la durée moyenne du CLCA est aujourd'hui de vingt-sept mois. Autrement dit, la PréParE n’est que de trois mois plus courte, pour l’un des parents.
Pour me résumer, le Gouvernement est défavorable à l’amendement, estimant que le rapport demandé serait inutile.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d’État, ce que vous nous présentez – partager le CLCA pour mieux impliquer les pères dans la vie familiale – est intéressant.
Toutefois, votre démonstration ne s’appuie pas sur la réalité des données que nous avons à notre disposition.
Aujourd'hui, la difficulté, dans notre pays, tient au fait que la rémunération des femmes est plus faible que celle des hommes. Des batailles ont été menées, des politiques ont été conduites, en faveur, notamment, de l’égalité professionnelle, mais, dans les faits, les femmes ont toujours des petits salaires, des petits boulots et des temps partiel. Or la personne du foyer qui prendra le congé parental est celle qui a le plus petit salaire. Et, dans les faits, ce n’est pas l’homme !
D’un point de vue philosophique, votre mesure peut donc être intéressante. Dans cette enceinte, nous sommes nombreux à penser qu’il faut travailler sur les mentalités et envoyer des signaux forts. Mais, en l’occurrence, la réalité économique est celle de profondes inégalités salariales.
Au bout du bout, même si les intentions étaient louables, cette mesure conduira, par effet confiscatoire, à réaliser des économies, en privant les femmes d’un temps de congé que les hommes ne prendront pas.
Ne nous faites donc pas croire que les choses pourront changer de cette façon ! Pour bouger les choses - appelons un chat un chat - il faut mener une politique dynamique, augmenter les petits salaires, le SMIC…
Quant à nous, nous dénonçons une mesure qui n’aidera ni la femme, ni l’homme, ni les couples, ni les familles !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Voilà des années que le Sénat débat des femmes qui, à l’issue d’un congé parental, doivent reprendre leur activité.
Voilà des années que j’explique à des gouvernements de droite qu’il faut faire des efforts pour ces femmes qui, ayant pris un congé parental et dont l’enfant va avoir trois ans, ne peuvent reprendre une activité faute de place à l’école maternelle – en région parisienne, en particulier dans mon département, l’école maternelle refuse les enfants qui viennent d’avoir trois ans.
Mais je n’ai jamais réussi, ici, à faire émerger des solutions telles qu’un prolongement du congé parental non indemnisé, par exemple, ce qui permet au parent de conserver son emploi.
La décision que vous avez prise, madame la secrétaire d’État, est pire encore ! Les femmes vont se retrouver avec des enfants de deux ans et, si le père n’a pas envie de prendre le congé ou n’est pas en mesure de le faire, elles n’auront aucune solution.
Sachez qu’en région parisienne – dans mon département, par exemple –, il n’y a pas de place en crèche pour les enfants de deux ans ! D’autres enfants ont intégré les structures à l’âge de trois ou quatre mois, et continuent d’y être accueillis au fil de leur développement. Donc ni place en crèche ni place à l’école maternelle, même en ZEP !
Que va produire cette mesure ? C’est très simple ! Vous allez pousser un certain nombre de femmes à démissionner pour pouvoir rester à la maison, et ces femmes seront, non pas temporairement, mais définitivement écartées du monde du travail. Après deux ou trois années sans emploi, elles ne parviendront jamais plus à en retrouver un !
Donc, j’y insiste, la mesure pour laquelle vous avez opté est pire encore. D’ailleurs, quand elle a été décidée, une seule image m’est venue à l’esprit, et c’était malheureusement celle de Pétain et de sa femme au foyer ! Est-ce cela votre ambition ? Peut-être espérez-vous ainsi diminuer le taux de chômage. Pour ma part, je m’oppose à cette mesure !
Mme Nicole Bricq. Pétain ? On ne nous l’avait jamais faite, celle-là !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Mes chers collègues, n’allons pas troubler, par des excès verbaux, le ton élevé et l’ambiance studieuse qui caractérisent, depuis le début de la semaine, l’examen de ce PLFSS.
Que dire de cet amendement, qui tend à demander l’élaboration d’un rapport ? Mme la secrétaire d’État a apporté, tant sur le fond que sur la forme, une réponse très claire.
Certaines institutions, tel le Haut Conseil de la famille, travaillent sur ces sujets et sont déjà en capacité de fournir des éléments chiffrés. Par ailleurs, sans clin d’œil ni malice, cette demande de rapport est étonnante quand, sur bon nombre de sujets, on nous fait valoir qu’il en existe déjà assez !
Mais certaines contradictions apparaissent également sur le fond.
On le sait, 96 % des bénéficiaires du complément dit de « libre choix d’activité » sont des femmes, ce qui, d’ailleurs, donne aux termes « libre choix » un caractère presque paradoxal. Mais les constats établis, que je partage, laissent apparaître deux positions : l’une consiste à considérer la situation actuelle comme une fatalité, un état de fait immuable ; l’autre à afficher une volonté de changement pour que, grâce à l’éducation et ce dès le plus jeune âge, on puisse aboutir à un réel partage des tâches, y compris des tâches éducatives et des rôles parentaux.
Il s’agit là d’une vision qui, plus qu’un projet ou un programme politique, doit nous encourager à essayer !
Le dispositif proposé me semble aller dans le bon sens, d’autant plus qu’il est assorti de mesures complémentaires concernant l’accueil de la petite enfance et la scolarisation précoce. Mis bout à bout, de manière élémentaire, ces différents dispositifs permettront de changer le système. C’est du moins ce que je pense, et ce que je souhaite !
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Il ne s’agit pas vraiment d’une explication de vote, monsieur le président, mais bien plutôt d’une interrogation.
Mme la secrétaire d’État a cité l’exemple de l’Islande, en précisant que ce système semblait être l’un des plus égalitaires au monde. Le congé parental y est découpé ainsi : trois mois pour le père, trois mois pour la mère et une rallonge possible de trois mois pour l’un ou l’autre. Mais comment, concrètement, les hommes et les femmes utilisent-ils la possibilité qui leur est offerte, madame la secrétaire d’État ? Le ratio s’établit-il à 50 % de femmes et 50 % d’hommes, ou retrouve-t-on une forte disparité entre les deux sexes ? En d’autres termes, comment le système qui nous a été décrit est-il mis en pratique ?
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Vos réponses, madame la secrétaire d’État, suscitent de ma part quelques réflexions.
Vous avez rappelé que ce projet de congé parental a été porté par la gauche. Je l’ai moi-même indiqué ! Effectivement, la création remonte à 1985, mais le dispositif a été amplifié et conforté par la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, dite « loi Veil », notamment en permettant que le congé parental ouvre des droits à la retraite. Certes, le problème du niveau des retraites demeure, mais la question des annuités a été réglée.
Vous indiquez par ailleurs que nous disposons du congé parental le plus long, le moins partagé et le plus faiblement rémunéré. Mais la société française est telle qu’elle est ! C’est bien de se comparer à l’Islande, à la Suède ou à d’autres pays, mais il faut tenir compte de certaines réalités vécues !
À ce titre, je citerai ce résultat tiré d’une étude de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, datant de quelques années déjà : 57 % des mères bénéficiant du congé parental estiment qu’un changement de conditions de travail leur aurait permis de continuer à travailler. C’est toute la question des femmes employées qui connaissent des horaires tardifs ou décalés, en soirée ou le samedi, notamment.
Il se trouve que j’ai beaucoup baroudé dans les quartiers, notamment les quartiers fragiles, d’une grande ville de France et je peux témoigner de ces mères qui ne sont pas à la maison à des heures où les enfants, eux, y sont.
S’agissant de l’investissement dans les modes d’accueil pour jeunes enfants, nous en sommes tous ravis ! Cela étant, le Gouvernement a atteint la moitié des objectifs de l’année. Or, comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, les investissements des villes et des départements vont très fortement ralentir puisque vous avez « pompé » les fonds de la CNAF pour financer la réforme des rythmes scolaires. Cela a donné à toutes les collectivités locales un signal très clair de ralentissement des investissements sur les modes de garde, notamment les modes de garde collectifs, qui sont très coûteux.
Sur ce sujet, nous ne croyons plus du tout aux discours ! Comme l’a très bien dit Catherine Procaccia, nous ne croyons plus qu’aux actes ! En effet, nous rencontrons trop de jeunes femmes qui ne trouvent aucune solution correspondant à leurs besoins familiaux.
Vous aurez, en fin de compte, créé cette difficile année de soudure pour la mère, en limitant la durée du congé parental à deux ans, suivant la date précise de naissance de l’enfant, mais en laissant posée la question de la tension sur les modes de garde. In fine – Catherine Procaccia l’a également évoqué –, certaines femmes pourraient être contraintes de quitter leur emploi, ne pouvant plus bénéficier ni du congé parental ni du droit de retour dans l’emploi qui y est associé.
Je voudrais répéter que les femmes sont réellement victimes de la double peine ! Pourquoi demandent-elles le congé parental, et non les hommes ? Parce qu’elles sont moins payées et que l’allocation demeure très modeste – 590 euros par mois à taux plein ! Non seulement les femmes perçoivent des rémunérations plus faibles, mais on va désormais en plus les empêcher de reprendre leur carrière le moment venu. Comme si la contrainte allait changer cette réalité que nous regrettons, me semble-t-il, sur toutes les travées !
J’ai une deuxième conviction que je souhaite partager. De qui parlons-nous, mes chers collègues ? De femmes sans voix ! Nous pensons et théorisons le sort de femmes qui, non syndiquées, non représentées, ne s’expriment pas ! On ne les connaît pas ! On ne les entend pas ! Elles se débrouillent comme elles peuvent dans leur galère quotidienne, mais leurs solutions improvisées faites de bouts de ficelle et de solidarité de proximité les laissent tout de même parfois dans de réelles difficultés.
Bien sûr, l’élaboration d’un rapport n’est pas la panacée et d’autres rapports sont sans aucun doute établis. Pour autant, je tiens à vous signaler, madame la secrétaire d’État, qu’ayant cherché à creuser le sujet, j’ai été frappée par l’absence d’enquêtes très complètes, en tous cas qui ne soient pas relativement anciennes.
Quels sont, par exemple, les groupes homogènes ? Nous connaissons tous des parents qui ne prennent que quelques mois de congé parental, simplement pour en profiter un peu. Ils appartiennent, en règle générale, aux catégories socioprofessionnelles favorisées, dites CSP+. En revanche, d’autres utilisent le congé pendant trois années complètes, jusqu’à la soudure avec l’école maternelle. Certaines statistiques globales sont tellement grossières qu’elles n’ont plus aucune signification au regard de la diversité des réalités vécues.
Quoi qu’il en soit, aujourd'hui, 490 000 femmes ont jugé utile, pour leur équilibre familial, de recourir au congé parental, ce qui correspond à 490 000 familles, c'est-à-dire, en comptant deux enfants, en moyenne, par famille, environ 1 million d’enfants. De manière autoritaire, le Gouvernement a décidé de réduire ce congé d’un tiers. Ainsi, 150 000 familles – 300 000 enfants – vont voir très rapidement, dans un délai de deux à trois ans, leurs conditions de vie changer.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je voudrais tenter de vous faire revenir sur ce choix, qui, étant de nature réglementaire, est entièrement entre vos mains.
Permettez-moi enfin de dire à ceux de nos collègues qui ne sont pas plus favorables aux rapports que je ne le suis moi-même en général, que, dans le cas présent, c’est le meilleur moyen, compte tenu de l’échéance du 1er avril 2015, d’exiger un véritable état des lieux sur ce sujet transversal, difficile à cerner et n’ayant fait l’objet, à ce jour, d’aucune évaluation correcte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je suis favorable à cette demande de rapport.
Sur le principe, je ne crois pas du tout à une égalité entre hommes et femmes qui serait fondée sur l’obligation faite à l’autre parent de prendre la suite du congé parental.
Par ailleurs, comme Mme Cohen l’a très bien décrit, nous sommes face à un déterminisme économique incontestable : c’est celui qui a le plus bas salaire qui s’arrêtera de travailler !
Il existe d’ailleurs un autre déterminisme, lié à la nécessité, le cas échéant, de trouver un mode de garde au moment où l’on renoue avec le monde du travail.
Effectivement, si l’on ne s’est pas inscrit en crèche ou si l’on n’a pas contacté d’assistante maternelle de manière très précoce, dès les premiers mois de l’enfant, il sera particulièrement difficile de trouver une solution de garde en cours de route, lorsque l’enfant aura atteint l’âge d’un an ou d’un an et demi. À partir de deux ans, on ne trouve carrément plus de solution de garde dans de nombreux territoires, qu’il s’agisse de banlieues ou de zones rurales.
Donc, sur le fond, je ne crois pas du tout à la solution du Gouvernement, regardant toujours avec une certaine suspicion les belles intentions d’égalité qui finissent en réductions de prestations.
Mais, surtout, quels sont les catégories sociales et les territoires concernés ? C’est là où le rapport serait utile.
En tant qu’ancienne élue de banlieue, et ancienne élue de la région Nord - Pas-de-Calais, je peux affirmer que le congé parental est utilisé par les femmes travaillant à temps partiel, celles qui ont le plus bas niveau de qualification, celles qui habitent dans les territoires connaissant un chômage de masse, et non par les femmes cadres supérieurs résidant à Paris ou dans toute autre ville métropolitaine.
Si l’on veut prendre une décision de cette nature – pour ma part, je n’y suis pas favorable –, il convient d’en mesurer l’impact sur les territoires et les catégories sociales concernés. Or mon expérience me laisse penser que la disposition envisagée affectera les territoires fragiles et les populations les plus modestes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de verser au débat quelques éléments de réponse supplémentaires.
M. Jean Desessard a souhaité connaître la répartition concrète du congé parental en Islande entre les hommes et les femmes. J’ai la réponse : 88 % des pères prennent un congé de trois mois et 100 % des mères prennent un congé de six mois. Donc, les pères utilisent la possibilité qui leur est offerte.
Quant à la recherche d’économies qui a été évoquée par certains, très franchement, cette nouvelle répartition du CLCA ne dégagera aucune économie substantielle : 80 millions d’euros, ce n’est pas suffisant, par rapport à un équilibre budgétaire, pour motiver, en soi, une évolution.
Mme Fabienne Keller. Alors, arrêtez tout !
Mme Laurence Cohen. Renoncez !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je vous rappelle tout de même que nous parlons d’une mesure réglementaire prise dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014.
Mme Fabienne Keller. C’est de l’inégalité, ici !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. À ce moment-là, il ne s’agissait absolument pas de discuter des économies susceptibles d’être dégagées sur la branche famille de la sécurité sociale !
Si la loi précitée prévoit que la prestation partagée d’éducation de l’enfant, qui remplace le complément de libre choix d’activité, est répartie entre le père et la mère, c’est un décret qui va fixer la clef de répartition entre les deux parents.
Je voudrais souligner, madame Keller, qu’il existe de nombreuses études sur le CLCA. Non pas que nous ne voulions pas en réaliser une autre ou que nous ayons quelque chose à cacher, mais je vous invite à lire les études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, de la Caisse nationale des allocations familiales, et à consulter les annexes du PLFSS, dans lesquelles vous trouverez un résumé des études auxquelles je fais allusion.
Donc, madame Keller, nous ne manquons pas d’études, y compris sur les catégories socioprofessionnelles et la répartition territoriale.
Mme Fabienne Keller. C’est faux !
Mme Fabienne Keller. Je les ai lues : elles ne couvrent pas la demande de Mme Lienemann !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. J’entends Mme Lienemann et Mme Cohen nous dire, en fait, que, s’il y a un effet sur le travail des femmes et un problème de retour à l’emploi, c’est à cause du chômage, donc une raison indépendante du CLCA.
On observe qu’une partie des femmes retrouvent malgré tout leur activité professionnelle à l’issue du CLCA, mais qu’un an de CLCA représente en moyenne 10 % de salaire en moins. En d’autres termes, même pour celles qui reprennent une activité, le CLCA est pénalisant dans le déroulement de leur vie professionnelle et creuse les inégalités salariales.
Par conséquent, ce n’est pas seulement une affaire de chômage, c’est aussi une affaire d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes !
Mme Fabienne Keller. Elles ont au moins un droit !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Mme Procaccia a posé la question de la protection des femmes en CLCA au titre du code du travail dès lors que la répartition a été modifiée.
Je vous rassure, nous ne modifions pas les trois ans de congé parental inscrits dans le code du travail. D’un côté, le code du travail permet à un salarié de demander trois ans de congé parental ; de l’autre, de manière indépendante et parallèle, une prestation est versée par les caisses d’allocations familiales.
Ce n’est pas parce que la prestation versée par les caisses d’allocations familiales évolue que le code du travail change. Les femmes qui voudront trois ans de congé parental pourront bénéficier pendant deux ans du CLCA…
Mme Fabienne Keller. C’est ce qui va se passer !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. … et, pendant un an, de la protection du code du travail – option que je ne souhaite pas, bien entendu, puisque le but est que les femmes reprennent plus tôt une activité professionnelle.
Sur les crèches, maintenant, dont il a été beaucoup question.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il serait bon, lorsque l’on parle de garde d’enfants, de ne pas se focaliser uniquement sur les places en crèche. En termes d’offre, l’accueil des jeunes enfants repose davantage, en France, sur les assistantes maternelles que sur les modes d’accueil collectifs. À nous donc, quand nous débattons de ces sujets, de considérer l’accueil des jeunes enfants dans ses deux composantes, les assistantes maternelles et les crèches.
L’assistant maternel exerce un vrai métier, certes souvent occupé par les femmes, et représente une authentique solution pour les parents qui recherchent un mode d’accueil pour leur enfant. C’est d’ailleurs souvent une meilleure solution pour les femmes qui travaillent en horaires décalés ou atypiques, que les crèches, dont les horaires sont plus stricts. Il n’existe malheureusement que peu de crèches pratiquant des horaires atypiques dans notre pays.
Je ne puis pas non plus vous laisser dire que nous avons « pompé » une partie du budget consacré à l’accueil des jeunes enfants au profit des rythmes scolaires : ce sont deux enveloppes budgétaires distinctes, madame Keller. Il n’existe pas de système de vases communicants entre, d’un côté, le budget « rythmes scolaires » et, de l’autre, le budget « crèches ».
Le budget consacré aux crèches, en augmentation de 7,5 % par an, est le seul en France qui continue d’augmenter dans de telles proportions. En général, je le dis tout bas, de peur d’être trop entendue…
Si ce budget augmente de 8 % en 2015, c’est bien parce que nous savons – nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous aborderons le thème de la modulation – que la spécificité de la politique familiale française tient non pas tant aux allocations qu’à la qualité des modes d’accueil que nous sommes capables d’offrir aux parents.
Comme s’y est engagé le Président de la République, nous nous sommes fixé un objectif, inscrit dans la convention d’objectifs et de gestion signée avec la CNAF, de création de 275 000 places d’accueil de jeunes enfants : 75 000 places dans les écoles maternelles – 18 000 places sont de nouveau ouvertes depuis 2012 -, 100 000 places chez les assistantes maternelles et 100 000 places dans les modes d’accueil collectifs.
Comme nous avons observé – vous connaissez tous le rapport du Haut Conseil de la famille – que les réalisations n’étaient pas à la hauteur de nos ambitions et que les années 2013 et 2014 n’avaient pas produit autant de places d’accueil de jeunes enfants que nous le souhaitions, peut-être pour des raisons conjoncturelles dues aux élections municipales ou du fait de l’inquiétude des maires, nous avons décidé, pour 2015, de prévoir 2 000 euros supplémentaires d’aide à l’investissement pour chaque nouvelle place de crèche décidée et commandée en 2015 par une collectivité territoriale, afin d’accompagner la création de crèches et de tenir les objectifs.
Donc, de ce point de vue, je puis vous garantir que nous ne lâchons rien sur les objectifs en termes de mode d’accueil et que nous mettons les moyens nécessaires pour accompagner et renforcer le plan qui est le nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 61 A.
Article 61 A (nouveau)
I. – L’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le montant des allocations mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article, ainsi que celui des majorations mentionnées à l’article L. 521-3, varient en fonction des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants, selon un barème défini par décret.
« Le montant des allocations familiales varie en fonction du nombre d’enfants à charge.
« Les niveaux des plafonds de ressources sont révisés conformément à l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation, hors tabac.
« Un complément dégressif à l’allocation est versé lorsque les ressources du bénéficiaire dépassent l’un des plafonds, dans la limite de montants définis par décret. Les modalités de calcul de ces montants et celles du complément dégressif sont définies par décret. »
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2015.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, sur l'article.
Mme Michelle Meunier. Mes chers collègues, je vais certainement paraître à contre-courant dans ce flot d’amendements de suppression déposés par différents collègues et différents groupes, car je vais soutenir l’article 61 A.
L’histoire, nous la connaissons : les députés socialistes, après plusieurs jours de débats et d’échanges, ont proposé de moduler les allocations familiales selon les revenus des parents. Par là même, ils sont revenus sur la modulation de la prime à la naissance ou à l’adoption selon le rang de l’enfant.
Cette disposition est juste, transparente et s’inscrit pleinement dans la démarche de redressement des comptes publics en dégageant 800 millions d’euros d’économie par an en année pleine – 400 millions d’euros en 2015-, une économie nécessaire pour préserver l’avenir de notre modèle social et de la politique familiale.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission et en séance publique, non, le Gouvernement ne s’attaque pas aux familles ! Près de 2,5 milliards d’euros de plus ont été consacrés à la politique familiale depuis 2012. Qu’il s’agisse de l’allocation de rentrée scolaire, du complément familial, de l’allocation de soutien familial, les montants de ces différents dispositifs ont été relevés pour les familles qui en ont le plus besoin, dans une logique de justice sociale. Car il faut de la justice ; c’est bien cela, le sens du système redistributif français.
J’entends que la modulation des allocations familiales contreviendrait au principe d’universalité qui sous-tend la politique familiale française. Non ! La solidarité horizontale entre les célibataires et les familles est maintenue : toutes les familles de deux enfants ou plus continueront à toucher des allocations familiales. L’universalité reste au cœur du système, mais elle s’accompagne désormais d’une modulation dans le versement, permettant de tenir compte des ressources et de la situation réelle des familles.
Rien de nouveau dans tout cela, mes chers collègues, car le mécanisme des prestations familiales, en vigueur depuis 1932, a bien évolué tout au long du XXe siècle.
Au cours des années soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix, des prestations sous conditions de ressources et des prestations modulées selon les ressources ont fait leur apparition pour répondre aux besoins des familles, en particulier les plus modestes.
La politique familiale française, dans la réalité et au-delà des discours, n’est donc plus tout à fait celle de 1946.
Respect de l’universalité et impératif de justice sociale : voilà ce qui sous-tend cette mesure, qui avait déjà été étudiée de manière très approfondie par le Haut Conseil de la famille en avril 2013.
C’est un dispositif juste, simple et lisible : 12 % des familles les plus aisées recevront moins d’allocations. En clair, les familles qui, avec deux enfants, ont un revenu inférieur à 6 000 euros par mois continueront de toucher le même montant d’allocations. Au-delà, les allocations familiales seront divisées par deux, puis par quatre à partir de 8 000 euros de revenus. Je rappelle que la moitié des salaires mensuels sont inférieurs à 1 700 euros dans notre pays.
Ce dispositif de modulation est complété par un système de lissage introduit par le Gouvernement pour éviter les effets de seuil, et c’est heureux.
Pour conclure, je répète qu’il s’agit d’une modulation des allocations familiales. Aucun parallèle ne peut être fait avec d’autres domaines ou d’autres branches de la sécurité sociale. La comparaison serait absurde. La question de la généralisation du mécanisme à d’autres secteurs ne se pose pas.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, parce qu’il concilie l’enjeu de la réduction des déficits de la branche famille et l’exigence d’avancer vers plus de justice sociale, je vous appelle à maintenir l’article 61 A tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements identiques.
L'amendement n° 7 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 78 est présenté par Mme Cayeux, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 90 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 115 est présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 189 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 209 est présenté par M. Barbier.
L'amendement n° 264 rectifié est présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 266 est présenté par M. Joyandet.
L'amendement n° 320 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin.
Ces dix amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à supprimer la modulation des allocations familiales.
C’est un vieux débat qui, de mon point de vue, a une forte connotation quant à l’avenir du modèle français et l’état de la société.
Deux visions se sont opposées sur les droits, en particulier en matière de protection sociale. La vision classique, républicaine, notamment depuis le Conseil national de la Résistance, repose sur l’égalité des prestations et des droits, l’égalité d’accès et la juste contribution de chacun à proportion de ses facultés respectives. C’est vrai pour les prélèvements. Lorsqu’on rassemble la fiscalité et les prélèvements, toutefois, il s’agit plutôt d’avoir une société fondée sur les droits fondamentaux, dont fait partie la politique de la famille. On peut décider que ce n’est plus le cas, mais, historiquement, la branche famille fait partie de la protection sociale. C’est la philosophie qui a été défendue.
Les Anglo-Saxons ont une autre philosophie : ils appliquent la flat tax, impôt relativement peu progressif, et offrent des prestations qui, elles, sont conditionnées ou progressives.
Pour ma part, je pense que le modèle républicain est meilleur. Il est plus juste et, surtout, il constitue un ciment. Or j’observe que le Gouvernement nous propose la modulation des allocations familiales et qu’il refuse, par exemple, d’instaurer la CSG progressive.
Je souhaite la mise en place dans le pays d’un grand impôt progressif qui tienne compte des revenus ; je souhaite que le système de prélèvements soit plus juste et lié aux capacités contributives de chacun, mais que le principe républicain de l’égalité des droits, de l’égalité d’accès et de l’égalité des prestations soit maintenu. C’est cela, l’idée de l’égalité, et ce n’est pas neutre dans les consciences !
Petit à petit, un glissement s’opère en France et l’on considère que les prestations sociales deviennent des aides et ne sont plus des droits.
Justement, pour répondre à la nécessité d’une certaine sur-redistribution, il y avait deux piliers : les allocations versées à tous et des prestations liées à la condition sociale. Les deux étaient nécessaires pour justifier le maintien de ce socle républicain.
Dans l’immédiat, la modulation pourra paraître juste. D’après les sondages, les gens sont d’accord. Mais, petit à petit, nous risquons de voir s’installer dans le pays le sentiment de l’illégitimité des prélèvements et d’une assistance surabondante. Je crains ces dérives, ces effets sociaux sur le pacte républicain.
Ensuite, parler de justice sociale, ce n’est pas simplement comparer les familles entre elles : c’est comparer la situation des personnes, à ressources équivalentes, selon qu’elles ont ou non des enfants. Or le niveau de vie de toutes les familles qui ont des enfants, même celles dont les revenus sont les plus élevés, est inférieur à celui des personnes qui, ayant les mêmes revenus, sont sans enfant.
La politique de l’égalité fiscale, il faut la construire sur l’ensemble de la fiscalité. Il ne faut pas comparer les prélèvements entre familles, mais les prélèvements entre revenus, afin que les familles qui ont des enfants ne soient pas pénalisées par rapport à celles qui n’en ont pas, d’autant que les premières contribuent, à terme, au financement des retraites.
Il manque de l’argent à la branche famille ? Je rappelle qu’on lui a prélevé 9 milliards d'euros pour financer la branche retraite, et notamment les dispositions favorables aux mères au foyer. Il n’est donc pas vrai que la branche famille soit déficitaire en elle-même. Elle l’est devenue à cause du prélèvement qu’elle a subi.
Ce prélèvement a en outre justifié une indexation imparfaite des allocations familiales sur les salaires et même sur l’inflation. Et on nous dit maintenant que les allocations familiales représentent une somme dérisoire… De fait, leur poids dans le pouvoir d'achat des familles n’a cessé de décroître depuis 1946. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous sommes à un moment important de notre discussion.
La commission des finances a voté en faveur de la suppression de l’article 61 A, qui prévoit la modulation des allocations familiales en fonction des ressources des familles.
Nous vivons un quinquennat un peu spécial. Je pense – et nous sommes de plus en plus nombreux dans ce pays à le penser – que le malentendu vient des annonces contenues dans le projet du candidat Hollande, adoubé ensuite par les Français.
La modulation des allocations familiales faisait-elle partie de ce projet ? J’ose vous renvoyer au texte. Voici ce qui était écrit : « Je maintiendrai toutes les ressources affectées à la politique familiale. » Pensez-vous vraiment que, depuis deux ans, toutes les ressources affectées à la politique familiale aient été consacrées à la politique familiale ? Marie-Noëlle Lienemann vient de nous donner un élément de réponse.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La mesure dont j’ai parlé a été prise par la droite !
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il y en a d’autres que la gauche a prises, à commencer par la réforme du quotient familial.
Madame Lienemann, nous sommes au moins d'accord sur un point : la justice passe par la fiscalité. Nous avons entendu un grand discours sur la fiscalité lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre de l’époque. On nous annonçait une réforme fiscale passant notamment par la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Le sujet est complexe, mais nous aurions pu travailler dessus.
En revanche, la mise sous condition de revenus des allocations familiales n’avait pas été annoncée. D'ailleurs, le Gouvernement y tenait si peu qu’elle ne figurait pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale déposé à l’Assemblée nationale. Le projet de loi comportait quatre « mesurettes » censées rapporter 800 millions d'euros par an. Elles ont disparu au profit d’une mesure qui est, il faut bien le dire, idéologique. Quand on regarde le dispositif dans le détail, on voit que ce sont encore les couches moyennes et moyennes supérieures qui sont touchées.
Il est vrai que, jusqu’en 2008-2009, la branche famille était équilibrée, et que ses ressources ont diminué depuis. Cette évolution est totalement liée au contexte économique. Il n’en reste pas moins que 80 % des dépenses de la branche famille sont financées par des cotisations sociales ; ce n’est pas le cas des autres branches. La présente mesure ne nous paraît donc pas très juste.
Elle ne nous paraît pas non plus très adroite, tant d’un point de vue social que d’un point de vue économique. En plus de ce qu’a dit Marie-Noëlle Lienemann, il faut souligner que les familles consomment. Nous savons bien que l’argent qu’elles reçoivent n’est pas thésaurisé. Or la croissance a deux moteurs : la consommation et l’investissement.
J’ai rappelé que l’article 61 A avait été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. Concrètement, les allocations familiales seront divisées par deux pour un foyer avec deux enfants dont les revenus sont supérieurs à 6 000 euros mensuels, et divisées par quatre pour un foyer avec deux enfants dont les revenus sont supérieurs à 8 000 euros mensuels.
La mesure affectera plus de 600 000 familles. Là encore, nous sommes loin du projet du candidat Hollande. Voici ce qui était écrit : « Je rendrai le quotient familial plus juste en baissant le plafond pour les ménages les plus aisés, ce qui concernera moins de 5 % des foyers fiscaux. » Nous sommes loin du compte, avec aujourd’hui 600 000 familles concernées !
Nous sommes totalement opposés à cette réforme ; d’où cet amendement tendant à la suppression de l’article. Je suis heureux que la commission des finances nous ait suivis sur ce point. Notre collègue Caroline Cayeux va insister, au nom de la commission des affaires sociales, sur le caractère universel des allocations et sur les valeurs qui sous-tendent cette universalité, valeurs que nous partageons.
Nous tenons également à souligner que la mise sous condition de ressources des allocations familiales va créer une discrimination entre les enfants et, plus généralement, entre les familles, alors qu’il faudrait resserrer les liens entre Français plutôt que de contribuer à les diviser.
Notre politique familiale prend un tournant insupportable. Elle devient une politique de redistribution, alors qu’elle était une politique de soutien aux familles, largement reconnue pour ses excellents résultats. Si l’on peut encore espérer que notre contexte politique et économique très compliqué se retourne un jour, nous le devons peut-être à notre démographie. C’est tout de même incroyable : nous avons un atout, et on réunit tous les ingrédients pour qu’il n’en soit plus un dans quelques années !
Pour toutes ces raisons, techniques ou politiques, la commission des finances souhaite la suppression de l’article 61 A.
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur, pour présenter l’amendement n° 78.
Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Je demande moi aussi, au nom de la commission des affaires sociales, la suppression de l’article 61 A.
Dans un souci de concision, je me contenterai d’insister sur trois points.
Premièrement, je dois dire la surprise qu’a provoquée cette décision brutale, qui n’avait pas été annoncée par le Président de la République – certains de nos collègues l’ont déjà rappelé –, mais qui a été voulue par les députés socialistes.
Deuxièmement, nous sommes profondément attachés à l’universalité des allocations familiales. À partir du moment où on touche à cette universalité, on peut s’interroger sur la possibilité de toucher à l’universalité dans d’autres domaines. Il ne s’agit pas de nourrir les fantasmes, mais, après tout, pourquoi ne pas déplafonner les aides en matière d’éducation publique afin de faire participer les familles en fonction de leurs ressources ? Je m’en tiendrai à cet exemple.
Troisièmement, depuis 2012, la politique du gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d'État, a particulièrement touché les familles. Au total, si l’on prend en compte l’ensemble des mesures, à commencer par la révision à deux reprises du quotient familial, on arrive à une addition de plus de 3 milliards d'euros payée par les familles.
Nous nous élevons contre cette succession de mesures qui touchent les classes moyennes et augmentent perpétuellement la fiscalité qui pèse sur elles.
M. le président. L’amendement n° 90 n’est pas défendu.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 115.
M. Olivier Cadic. Comme tous ceux qui viennent de s’exprimer sur ce sujet, nous souhaitons supprimer l’article 61 A, qui prévoit de moduler le montant des allocations familiales en fonction du revenu.
Il s’agit évidemment d’un amendement essentiel à nos yeux.
Je ne reviendrai pas sur tous les arguments qui ont été si excellemment développés par mes collègues, mais je tiens tout de même à m’étonner, au nom de mon groupe, de cette volonté affichée du Gouvernement de remettre en cause la seule politique française qui marche et fait figure d’exemple.
Le Gouvernement prétend ne pas remettre en cause le principe de l’universalité, auquel la plupart d’entre nous demeurent très attachés. Il établit pour cela un subtil distinguo entre universalité et uniformité. Abstraitement, c’est vrai, l’universalité n’est pas remise en cause, mais, en pratique, quand certaines familles ne toucheront presque plus rien, elle le sera bel et bien !
La modulation des allocations en fonction du revenu n’est donc pas envisageable. C’est une mauvaise solution – mais à un vrai problème qu’il n’est pas question d’éluder. Ce problème, c’est celui de l’équité, que l’on peut résumer à la question suivante : est-il normal que des familles aisées touchent autant que des familles modestes ?
Primo, tout dépend de ce que l’on entend par « aisées » et « modestes ». Nous savons hélas que, pour le Gouvernement, à partir de 1 200 euros brut de pension de retraite, on est assez aisé pour ne pas voir sa pension revalorisée... Secundo, nous pouvons comprendre que le principe choque aujourd’hui nombre de nos concitoyens.
Pourquoi ne pas envisager la fiscalisation des allocations familiales ? Cette solution aurait de nombreux mérites. D’abord, elle ne porterait nullement atteinte au principe d’universalité. Ensuite, elle serait techniquement beaucoup plus simple à mettre en œuvre : pas de surcoût de gestion pour les caisses d’allocations familiales et aucun changement pour l’administration fiscale, dans la mesure où le système est déclaratif. Enfin, elle permettrait d’initier une indispensable réforme de l’impôt sur le revenu des personnes, prenant véritablement en compte l’ensemble des revenus, qu’il s’agisse des revenus du travail ou des revenus de prestations sociales et des avantages connexes qui les accompagnent.
Cependant, une telle évolution mérite une réflexion et un travail de fond, qui, à l’évidence, n’ont pas été fournis ici.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 189.
M. Jean Desessard. Je demande moi aussi la suppression de l’article 61 A, qui prévoit la modulation des allocations familiales en fonction des revenus, car je suis attaché au principe d’universalité.
J’ai beaucoup apprécié l’intervention de Marie-Noëlle Lienemann, qui a souligné qu’il existait deux grands systèmes. Le premier repose sur l’universalité des prestations et la progressivité de la fiscalité. À ce sujet, je rappelle que, nous aussi, nous sommes favorables à l’instauration d’une CSG progressive, afin d’augmenter la progressivité de notre fiscalité.
Où va le Gouvernement ? Est-il en train de mettre fin à notre système pour aller vers une progressivité moindre de l’impôt et une modulation de l’ensemble des prestations en fonction des revenus ? C’est la question qui est posée.
Michelle Meunier, que j’apprécie beaucoup, me permettra d’exprimer un désaccord. Elle nous a dit que la réforme apporterait plus de justice sociale en diminuant les allocations des familles gagnant plus de 6 000 euros par mois. Pourquoi le seuil ne serait-il pas 5 000 euros par mois, dans ce cas ? Cela apporterait un peu plus de justice sociale encore… Et pourquoi ne pas verser encore moins d’allocations aux familles gagnant plus de 10 000 euros par mois ? Cela apporterait aussi un peu plus de justice sociale…
Mes chers collègues, la justice sociale ne se fait pas petit bout par petit bout. Nos collègues de l’UMP ont trouvé tout à fait normal d’instaurer un délai de carence de trois jours dans le public, puisqu’il y en a un dans le privé. Selon eux, c’est une question de justice sociale et d’équité. Autrement dit, chacun y va de son petit bout de justice sociale !
Non, la justice sociale, c’est un système, ce sont des principes, c’est un projet ! Cela ne se résume pas à quelques « mesurettes » !
Nous sommes favorables à la suppression du quotient familial, madame Meunier, dont vous savez très bien qu’il favorise les familles aisées. Pourquoi ne l’avez-vous pas supprimé au nom de la justice sociale ? La justice sociale jouerait donc comme un curseur que l’on déplacerait à l’envi : de la justice sociale ici, mais pas là ?
La question posée est celle du système de pensée, du concept qui guide une politique familiale et une politique fiscale.
Certes, nous l’allons pas dresser un acte notarial des engagements de campagne du candidat François Hollande. Mais Jean-Marc Ayrault a tout de même regretté, voilà trois jours, de ne pas avoir fait la réforme fiscale que nous, écologistes, appelions de nos vœux !
Je le répète, on ne construit pas la justice sociale petit bout par petit bout, centimètre par centimètre. Nous devons avoir constamment en tête un projet de justice sociale et fiscale.
Les écologistes souhaitent donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 209.
M. Gilbert Barbier. Il est bien difficile d’intervenir après M. Desessard et ses envolées lyriques ! (Sourires.)
Le plus curieux dans cette histoire, c’est que, au départ, lors de la présentation du PLFSS, Mme Touraine avait annoncé qu’elle entendait récupérer de l’argent – car il s’agissait bien de cela - en décalant la revalorisation des allocations familiales des quatorze ans de l’enfant à ses seize ans.
Puis, au cours de la discussion à l’Assemblée nationale, cette mesure a été supprimée – j’espère qu’elle le restera, madame la secrétaire d’État –, et remplacée par la modulation des allocations familiales, introduite par cet article 61 A. Cette substitution s’est faite en quelques heures, à la suite d’une discussion menée par une partie des députés de la majorité à l’Assemblée nationale.
Je ne vais pas revenir sur tous les arguments qui ont été évoqués par les uns et par les autres, sauf pour dire qu’il s’agit d’un problème fondamental au regard de la justice sociale et de la transgression d’un principe non moins fondamental, à savoir l’universalité des allocations familiales, principe intangible depuis l’origine de ces allocations.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 264 rectifié.
Mme Laurence Cohen. Force est de constater que la suppression de cet article est réclamée par plusieurs groupes politiques, pour des raisons parfois différentes, parfois similaires.
Nous avons déjà apporté un certain nombre d’éléments au débat en posant notre question préalable, qui a été l’occasion de nous positionner contre la modulation des allocations familiales.
Dans ce débat, il me semble que certains termes sont employés à mauvais escient.
Plusieurs intervenants ont déclaré leur opposition à la modulation au nom de l’universalité des allocations familiales, mais, en répondant à notre question préalable, Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a expliqué que nous faisions une confusion entre universalité et uniformisation.
Mais qu’est-ce que l’universalité ? C’est non seulement l’universalité des allocations familiales, mais c’est aussi et surtout l’universalité d’un système de protection sociale irrigué par la solidarité horizontale.
Ce système a été construit sur le principe de la solidarité, c’est-à-dire que les familles qui touchaient le même montant d’allocations familiales se sentaient parties prenantes de la solidarité nationale et ressentaient ainsi le désir de soutenir tout le système de protection sociale.
Pourquoi voulez-vous, madame la secrétaire d’État, que, demain, des familles qui touchent moins parce qu’elles sont censées être un peu plus aisées aient envie de continuer de participer à ce système ?
M. Jean Desessard. Exactement !
Mme Laurence Cohen. À mon sens, l’analyse du Gouvernement présente le défaut majeur d’être à très court terme. Vous donnez l’impression, madame la secrétaire d’État, et ce depuis le début, d’avoir pour seule logique la réalisation d’économies, mais sans que vous en ayez pesé toutes les conséquences. C’est singulièrement le cas sur la politique familiale, où vous mélangez tout. Vous avancez des arguments radicalement contraires aux principes qui ont sous-tendu ce système dès le lendemain de la Libération.
C’est grave, non seulement pour le présent, mais aussi pour l’avenir, car c’est la porte ouverte à un système différent, un système assurantiel et, du coup, c’est le sabordage pur et simple de notre protection sociale !
J’appelle vraiment à une réflexion et je réaffirme notre opposition déterminée à la modulation des allocations familiales. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. Les amendements nos 266 et 320 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les sept amendements identiques restant en discussion ?
Mme Catherine Procaccia. Avis favorable ? (Sourires.)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Cela créerait l’événement ! (Rires.) On attirerait l’attention sur nos travaux de cette nuit !
M. Francis Delattre. Il ne faut jamais renoncer au bon sens ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Au départ, le Gouvernement n’était pas favorable à la mesure !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je souhaiterais faire plusieurs remarques sur la question de l’universalité des prestations familiales. Je ne souscris pas totalement à la manière dont est racontée l’histoire de la politique familiale et des principes qui la fondent.
Cette politique est infiniment plus pragmatique et plus politique que principielle. Elle répond le plus souvent à des objectifs conjoncturels.
Permettez-moi d’abord de dire que ce principe d’universalité est attribué à tort au Conseil national de la Résistance, et je mets au défi quiconque de trouver la référence dans les textes en question.
En 1945, les prestations familiales, qui sont d’ailleurs des allocations aux enfants, mais aussi une allocation de salaire unique, sont créées pour compenser l’augmentation des prix intervenue à la Libération. Elles sont donc destinées en premier lieu à soutenir le pouvoir d’achat des familles, ce qui n’a rien à voir avec un quelconque principe d’universalité.
La deuxième caractéristique de la politique familiale, c’est qu’elle est nataliste, et je l’assume totalement. En 1945, elle est d’ailleurs portée essentiellement par des associations qui représentent des familles de quatre ou cinq enfants,…
Mme Michelle Meunier. Avec des femmes au foyer !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. … dans lesquelles les mères au foyer sont évidemment les plus nombreuses. Le but est alors de repeupler la France.
Il faut bien voir que la politique familiale évolue continuellement depuis 1945, en particulier au moment où les femmes entrent en masse dans le monde du travail, après avoir investi l’école : elle devient alors une politique tournée vers l’accueil des enfants et la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.
Ce qui fait la force de la politique familiale française, ce ne sont pas les allocations familiales, mais ce qui nous permet d’avoir en France à la fois le taux d’activité professionnelle des femmes et le taux de natalité les plus élevés d’Europe, la bonne place de l’Irlande, sur le plan de la natalité, tenant à d’autres raisons.
C’est d’ailleurs ce qui intéresse nos voisins européens. Pour recevoir régulièrement mes homologues des autres pays de l’Union, je puis vous dire qu’elles – ce sont souvent des femmes ! – me demandent non pas comment nous versons les allocations familiales, tout le monde sait faire, mais plutôt pourquoi les femmes en France sont si nombreuses à travailler, tout en faisant autant de bébés !
Pardonnez-moi, mais je ne crois pas que ce résultat tienne à l’universalité des allocations familiales, qui restent d’ailleurs les dernières prestations à ne pas être placées sous conditions de ressources. Il vient plutôt de l’ensemble du dispositif mis à la disposition des familles pour que les femmes puissent travailler.
Par ailleurs, si les prestations familiales étaient aussi universelles que l’on veut bien le dire, il y a longtemps qu’elles auraient été versées dès le premier enfant. (M. Jean Desessard proteste.)
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. N’est-ce pas tout de même une « petite » dérogation au principe de l’universalité que d’avoir accepté pendant autant d’années que la naissance du premier enfant n’ouvre pas droit à des allocations familiales ?
Aussi, je vous répondrai simplement que le principe d’universalité est respecté dès lors que toutes les familles continueront à percevoir des allocations familiales, même si cette somme est modulée au-delà d’un revenu de 6 000 euros, plus 500 euros par enfant supplémentaire.
Depuis que ce débat a commencé, que ce soit ici, à l’Assemblée nationale ou dans la société civile, on a beaucoup parlé de l’impact de la modulation sur la natalité. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne crois pas un instant que, dans les familles qui ont un revenu supérieur à 6 500 euros, on se pose la question des 120 euros d’allocations familiales au moment où l’on fait des bébés. Ce n’est pas vrai ! Si elle peut parfois se poser, la question des moyens pour faire un enfant ne se pose pas dans ces familles-là.
Enfin, dès lors qu’il est assez communément admis que la branche famille doit contribuer, elle aussi, à l’effort de redressement des comptes publics, la modulation des allocations familiales est incontestablement la plus juste des mesures que nous pouvions prendre.
M. Francis Delattre. C’est ça !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Vous avez été nombreux à défendre les 11 % des familles les plus aisées de notre pays – pas celles à 1 200 euros ou 1 500 euros, comme j’ai pu l’entendre à l’instant, mais celles à 6 000 euros, plus 500 euros par enfant supplémentaire –, mais je n’ai entendu personne parler de l’augmentation de la pauvreté des enfants : entre 2008 et 2012, 400 000 enfants supplémentaires ont basculé dans la pauvreté.
M. Francis Delattre. Peut-on savoir ce que vous faites contre cela ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Nous nous efforçons de protéger ces enfants-là et ceux qui pourraient basculer dans la pauvreté.
M. Francis Delattre. Vous faites l’inverse ! Venez gérer une commune en région parisienne, et vous verrez !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Dès lors que l’on admet l’idée que la branche famille doit contribuer elle aussi au redressement des comptes publics, idée qui n’est apparemment pas partagée par tous,…
M. Francis Delattre. Vous vivez dans votre bulle !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. … convenez qu’il est moins impactant pour la natalité de décider la modulation plutôt que la réduction de la prime de naissance ; il est moins impactant pour la pauvreté et le pouvoir d’achat des familles de décider la modulation plutôt que le report de la majoration de quatorze ans à seize ans ou la baisse de la prime de naissance, deux mesures que nous ne prenons pas.
Toutes ces mesures auraient été beaucoup plus douloureuses pour 90 % des Français ; celles que nous avons prises seront un tout petit peu de pouvoir d’achat en moins pour d’autres, à savoir 60 euros par mois pour une famille de deux enfants dont les ressources sont supérieures à 6 000 euros par mois. Je ne pense pas que leurs conditions de vie en seront réellement affectées, et c’est ce qui nous permet de mettre la priorité sur la lutte contre la pauvreté, le soutien à la natalité, à l’activité professionnelle des femmes et aux modes de garde.
Le Gouvernement est donc bien sûr défavorable à tous ces amendements identiques de suppression. (Mmes Nicole Bricq, Michelle Meunier, ainsi que M. Yves Daudigny applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mme la secrétaire d’État considère qu’il ne s’agit pas d’une question de principe. Pour ma part, même s’il n’y a aucune référence inscrite en tant que telle dans les travaux du CNR, je pense que l’on peut se référer utilement au préambule de la Constitution de 1946, qui précise bien, dans son dixième paragraphe, que la Nation « assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » Il s’agit d’une déclaration de principe intéressante, sur laquelle on peut se fonder.
Avec cette mesure de modulation des allocations familiales, vous pourriez créer un précédent susceptible de s’appliquer plus tard à d’autres domaines, notamment à un certain nombre de remboursements.
Ce faisant, vous risquez de porter atteinte au consentement à l’impôt et à l’attachement de nos concitoyens à ce système universel tant vanté sur toutes les travées de cet hémicycle.
Dès lors, vous risquez de pousser certains, qui constatent qu’ils contribuent beaucoup sans rien recevoir, fût-ce à titre symbolique, à se mettre en quête d’autres systèmes assurantiels. J’y vois un vrai danger pour notre protection sociale telle qu’elle est organisée à l’heure actuelle.
S’il ne s’agit pas d’une question de principe, madame la secrétaire d’État, venons-en donc aux deux éléments qui fondent, selon vous, le système des allocations familiales : la préservation du pouvoir d’achat et la politique nataliste. Si vous souhaitez avancer dans cette voie, modulez les allocations familiales, mais revenez en même temps sur les deux baisses du quotient familial que vous avez opérées, afin de rétablir une véritable égalité entre les couples avec enfants et les couples sans enfants. En effet, il y a là un véritable problème de pouvoir d’achat : se loger dans quatre pièces ne représente pas le même coût que se loger dans deux pièces. On le sait, le différentiel en termes de pouvoir d’achat est de l’ordre de 25 % entre ces deux types de familles.
Si telle était véritablement la préoccupation du Gouvernement, qu’il dépose rapidement un amendement pour revenir sur ces deux baisses successives du quotient familial qui ont porté un rude coup à la politique familiale, sans compter d’autres mesures néfastes, comme la fiscalisation de la majoration de pension de 10 % dont bénéficient les retraités ayant élevé trois enfants.
Pour toutes ces raisons, je voterai les amendements visant à supprimer la modulation des allocations familiales.
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.
M. Claude Dilain. Au cours de ce long débat sur la modulation des allocations familiales, depuis la discussion générale jusqu’à l’examen de ces amendements, j’ai entendu des sénatrices et des sénateurs, sur toutes les travées, s’inquiéter, au motif que cette mesure risquerait de casser le pacte républicain. Je suis heureux de vous entendre manifester avec autant d’énergie votre attachement à cette belle notion d’unité de la République, mes chers collègues !
J’espère simplement que vous avez conscience que la véritable menace, pour le pacte républicain, c’est le développement d’inégalités flagrantes entre territoires. Je vous invite à visiter certains quartiers de banlieue, mais aussi – et peut-être surtout – des territoires que l’on qualifie d’« hyper-ruraux ». Vous verrez que le sentiment d’inégalité, de ne plus appartenir à la famille républicaine ne tient pas à la modulation des allocations familiales. Le véritable enjeu, ce sont le logement, les transports, l’éducation, le chômage… Pensez-vous que l’on se sente encore appartenir à la famille républicaine dans les territoires où le taux de chômage est au moins le double de la moyenne nationale ? Ne pensez-vous pas qu’une telle situation peut porter atteinte à ce beau pacte républicain issu de la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance ?
J’ai bien compris que vous étiez inquiets, chers collègues, mais je voudrais, quand l’occasion s’en présentera, que vous mettiez la même conviction à défendre le pacte républicain lorsqu’il s’agira de solidarité entre villes riches et villes pauvres, ou entre départements riches et départements pauvres !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Pourquoi parler d’inquiétude ? Nous n’avons fait que présenter un projet politique, proposer un autre mode de redistribution : Mmes Lienemann et Cohen s’en sont fort bien chargées. Ce ne sont tout de même pas les écologistes ou les communistes qui vont s’inquiéter que des ménages dont les revenus mensuels sont supérieurs à 6 000 euros perdent 60 euros ! Là n’est pas la question !
Mme Nicole Bricq. Ce soir, c’est de cela qu’il s’agit !
M. Jean Desessard. Non, c’est une question de principe !
Puisque vous parlez de justice sociale, vous n’ignorez pas que le quotient familial procure aux familles aisées un gain de 2 000 euros par an, contre 200 euros seulement pour les familles pauvres ! Si l’on veut établir l’universalité, il faut que le gain soit de 730 euros pour toutes les familles.
Mme Laurence Cohen. Exactement !
M. Jean Desessard. Votre conception de l’universalité n’est pas la même que la nôtre : vous estimez qu’une prestation est universelle dès lors que tout le monde touche quelque chose. À ce compte-là, il suffit de verser 3 euros à toutes les familles, et elle sera universelle !
Le système politique que promeuvent les écologistes est fondé sur l’individualisation de l’impôt, la progressivité de la CSG et sa fusion avec l’impôt sur le revenu : voilà comment on peut établir la justice sociale. En ce qui concerne les prestations, chacun doit cotiser selon ses moyens et recevoir en fonction de ses besoins.
Enfin, sans défendre une politique nataliste, bien entendu, les écologistes reconnaissent qu’élever un enfant représente un coût, dont la société doit prendre sa part. Une allocation doit donc être versée pour chaque enfant, dès la naissance du premier. Si vous nous aviez proposé un tel système, madame la secrétaire d’État, nous aurions été d’accord !
Mme Laurence Cohen. Nous aussi !
M. Jean Desessard. En supprimant le quotient familial, voire le quotient conjugal, nous aurions les moyens de verser une allocation beaucoup plus importante aux familles pauvres, sachant que la pauvreté frappe de plus en plus d’enfants. Nous avions également d’autres propositions pour aider ces familles.
Pour aller plus loin, je rappellerai que nous sommes pour l’inconditionnalité des prestations, en particulier du RSA, dont l’attribution ne doit pas dépendre du revenu du conjoint et qui doit pouvoir être versé aux jeunes de 18 à 25 ans. À la fin de l’année dernière, lors de leur congrès, les écologistes ont voté en faveur de l’instauration d’un revenu d’existence citoyen, c’est-à-dire d’un revenu minimum accordé à tous, quel que soit le niveau de revenus, et financé par la fiscalité. J’avais d’ailleurs déjà défendu cette idée dans cet hémicycle lors du débat sur le RSA socle et le revenu minimum d’activité. J’avais alors dit à Martin Hirsch que la solution consistait à donner le même montant à tous et à redistribuer via la fiscalité.
Mes chers collègues, si nous sommes inquiets, c’est parce que vous ouvrez la porte à des modulations plus importantes à l’avenir : lorsque vous aurez besoin de davantage d’argent, il vous suffira de la pousser un peu plus ! Mais, au-delà et surtout, nous défendons une ligne politique différente. Nous avons autant envie que vous d’aider les familles pauvres, mais nous voulons le faire d’une façon différente.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Dix amendements identiques de suppression de l’article ont été déposés ; tous, ou presque, ont été défendus au nom du principe d’universalité. Est-ce à dire que l’ensemble de leurs signataires, qui siègent d’un bord à l’autre de cet hémicycle, défendent la même politique familiale ? Je ne le pense pas.
C’est donc qu’il y a confusion sur la notion d’universalité. En tout cas, cette notion n’est pas univoque, puisque chacun lui assigne un objectif différent. Pour moi, cela signifie que si cet article est supprimé, ce sera pour de mauvaises raisons !
Il y a confusion, parce que l’universalité n’est pas une valeur, mais un principe de mise en œuvre qui souffre des aménagements selon l’objet auquel il s’applique : universalité du suffrage, universalité budgétaire, universalité des allocations familiales, universalité de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA – personne ne conteste cette prestation, et pourtant le montant versé dépend bien des revenus du bénéficiaire.
L’universalité n’est jamais absolue. Elle l’est d’autant moins qu’universalité ne signifie pas égalitarisme et que l’égalité n’est pas rompue lorsque des personnes en situation différente sont traitées de manière différente. Telle est bien la jurisprudence du Conseil constitutionnel et tel est le schéma recommandé par le Haut Conseil de la famille : « En modulant les allocations familiales, on conserve le principe d’universalité des allocations familiales : toutes les familles ouvrent droit à des allocations, mais leur montant diminue avec le revenu. »
Il est faux d’affirmer que la modulation des allocations familiales porte atteinte aux fondements de la politique familiale. Non, chers collègues, les crédits de la politique familiale n’ont pas diminué depuis deux ans : consultez les tableaux présentés dans les rapports, comparez le montant des dépenses inscrites chaque année entre 2012 et 2014 à celles de 2011.
Que l’on relise l’exposé des motifs de l’ordonnance de 1945 : « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. » Quant au Préambule de la Constitution de 1946, il proclame que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
Il n’est écrit nulle part, dans ces textes fondateurs, que tous doivent toucher la même chose, mais il y est constamment question de solidarité, comme aujourd’hui, ce qui semble avoir échappé à la plupart d’entre vous.
Je ne dirai pas que je doute de la sincérité des positions des uns et des autres, car ce serait désagréable et ce débat est de bonne tenue, même si nous ne sommes pas d’accord. Comment ne pas penser cependant que l’attachement aux principes ou l’indignation s’expriment parfois tardivement : en effet, un certain nombre de sénatrices et de sénateurs présents ce soir n’avaient pas d’états d’âme, en 2009, lorsqu’ils approuvaient les ponctions sur les ressources de la branche famille que j’ai rappelées lors de la discussion générale, ponctions qui sont très largement à l’origine de la situation difficile que connaît aujourd’hui la branche famille.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Yves Daudigny. Je voudrais évoquer un dernier point, en soulignant que le présent débat n’est pas concerné par mon observation, ce qui est tout à l’honneur du Sénat.
Un parallèle parfaitement détestable, irresponsable au regard de la santé publique, a été établi en d’autres lieux avec l’aide médicale d’État. Je le dis avec solennité, je crains les conséquences de ces confusions et de ces amalgames répandus à tous les vents. Enfin, je regrette vivement que puisse être défendue ce soir la suppression d’une mesure profondément juste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis d’accord avec mon collègue Claude Dilain quand il évoque le pacte républicain. Bien évidemment, celui-ci ne se résume pas aux seules allocations familiales.
Je suis également d’accord avec Yves Daudigny quand il dénonce une confusion, mais celle-ci ne vient pas de nous, je le pense sincèrement : il y a confusion, dans ce débat, entre prestations et allocations. Les allocations familiales ne s’inscrivent pas dans la même philosophie et ne visent pas les mêmes objectifs que l’APA, mon cher collègue. En effet, l’APA est une prestation soumise à condition de ressources, mais les allocations familiales relèvent d’un droit, dont le bénéfice ne saurait dépendre du niveau de revenus. C’est sur ce point que nous ne parviendrons pas à nous entendre ce soir ; croyez que je le regrette.
Je regrette également que nous ne trouvions pas de terrain d’entente sur la notion de solidarité et sur la modulation des allocations familiales que vous proposez. Pour nous, cette mesure n’est pas juste, parce qu’elle résulte essentiellement de la volonté de réaliser des économies.
C’est vrai, monsieur Daudigny, jusqu’à présent, aucune ponction sur les ressources de la branche famille n’a été opérée depuis la dernière pratiquée par un gouvernement de droite. Mais si nous votons cet article, les dotations de la branche famille seront bien diminuées de 700 millions d’euros en 2015.
Par conséquent, nous maintenons notre amendement de suppression, car nous pensons, en toute sincérité, qu’il s’agit d’une mesure injuste, qui remet profondément en cause notre système politique. Comme l’a dit Jean Desessard, il s’agit pour nous de défendre une vision politique de la société fondée sur la solidarité, sur un pacte républicain issu du programme du Conseil national de la Résistance, auquel nous sommes tous attachés. Il me semblait, jusqu’à présent en tout cas, que nous partagions pour le moins cette vision, mais je suis au regret de constater que vous ouvrez là une brèche dans ce pacte républicain. Nous souhaitons donc la suppression de l’article 61 A.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Sans reprendre l’argumentation développée par mes collègues, je veux défendre à mon tour le principe de l’universalité et souligner combien cette mise sous condition de ressources est révélatrice d’une philosophie.
Je vis dans une ville socialiste où l’accès à tout, de la cantine à la crèche en passant par les transports publics, est maintenant fonction des revenus.
Mme Nicole Bricq. C’est normal !
Mme Fabienne Keller. Vous êtes, madame la secrétaire d’État, en train d’appliquer le même principe à l’échelon national, en modulant le montant de toutes les prestations selon le revenu.
Le seuil de revenu est fixé aujourd’hui à 6 000 euros mensuels. On sait bien que ce sera moins l’année prochaine, puis encore moins l’année suivante, et que les classes moyennes – les plus nombreuses et donc les plus « productives » en termes d’économies sur la branche famille – seront assez rapidement, à l’avenir, touchées par la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Je voudrais en outre insister sur les inégalités que créent ces dispositifs imparfaits. Je ne critiquerai pas les caisses d’allocations familiales, qui font ce qu’elles peuvent pour essayer de cerner la situation des familles en appliquant quelque 250 critères et des seuils, mais, en procédant de la sorte, on crée forcément des injustices, des inégalités, et un sentiment d’iniquité entre familles aux situations tout à fait comparables.
Rendre les impôts plus cohérents, plus justes : c’était un engagement présidentiel, inspiré par M. Piketty. La fusion de l’impôt sur le revenu, de la CSG et de certaines prestations avait été promise, pour assurer plus d’égalité et de lisibilité.
Or, aujourd’hui, bien loin des principes intégrateurs d’une fiscalité bien conçue, nous sommes en train de « bricoler » pour dégager des économies sur la branche famille, quitte à créer des inégalités. Au risque de vous surprendre, madame la secrétaire d’État, je voudrais vous dire que, pour ma part, je préférerais que soit analysée la possibilité d’intégrer les allocations familiales dans cet impôt plutôt bien construit qu’est l’impôt sur le revenu !
Par ailleurs, je ne vois absolument pas ce que les enfants pauvres, que vous avez évoqués, ont à faire dans ce débat ! Le travail que j’ai mené sur les adolescents des quartiers sensibles montre qu’ils surconsomment certains médicaments. J’ai écrit cinq fois à ce sujet à la Direction générale de la santé et à Mme la ministre, qui ne m’a jamais répondu. Alors que les enfants des quartiers sensibles, chers à M. Dilain, sont mis sous camisole médicamenteuse, le Gouvernement reste dans l’inaction ; il en va de même pour les enfants pauvres, qui n’ont, je le redis, rien à faire dans ce débat !
Je partage complètement les préoccupations de Claude Dilain sur l’iniquité en matière de chômage, de conditions de vie, de chances de profiter de l’ascenseur républicain dans les quartiers fragiles, mais je ne suis pas sûre que la mise sous condition de ressources des allocations familiales ait vocation à remédier à ces inégalités…
Enfin, madame la secrétaire d'État, j’identifie, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, deux bombes à retardement : la déstructuration du congé parental et la remise en cause de l’universalité des allocations familiales. Avec ces deux dispositifs – s’agit-il de projets idéologiques ou de recettes de poche ? –, vous remettez en cause des principes qui fondent la politique familiale de la France ; je le regrette !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je veux d’abord rappeler que le gros de la politique familiale, c’est l’aide à la garde des enfants et à l’accompagnement du jeune enfant.
Le pouvoir d’achat des familles est une question importante. Les aides ne couvrent pas entièrement les frais de garde des enfants, et le reste à charge pèse lourdement sur les budgets des familles, surtout quand il y a plusieurs jeunes enfants.
On nous dit que la modulation des allocations familiales est une mesure juste. Le sujet est récurrent, même à gauche. J’observe que, chaque fois qu’il y a eu à arbitrer, il a été décidé de ne pas moduler les allocations familiales, au nom de la solidarité horizontale, le pacte républicain reposant pour une part sur l’égalité des prestations et des droits. Je rappelle d’ailleurs que, en mars 2012, François Hollande s’était engagé, devant l’Union nationale des associations familiales, à ce qu’il n’y ait pas de modulation des allocations familiales. Cet engagement n’intervenait pas inopinément. En effet, Lionel Jospin, lorsqu’il était Premier ministre, avait maintenu la non-modulation des allocations familiales.
J’ai beaucoup de mesures à proposer qui pourraient servir une politique de justice sociale. À titre d’exemple, nos collègues députés ont voté une taxe sur les dividendes : voilà une mesure qui contribuerait à la justice sociale, mais on ne la retient pas !
On nous dit qu’il faut cibler les aides pour que l’argent aille à ceux qui en ont le plus besoin. Mais alors, pourquoi le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, concerne-t-il de façon universelle toutes les entreprises, même celles qui n’investissent pas, qui ne créent pas d’emplois ? Quand il s’agit du CICE, le principe de l’universalité prévaut et on ne se soucie pas de redistribution ! On ouvre le dispositif sans d’états d’âme aux entreprises de la grande distribution, par exemple, qui n’en ont pourtant pas besoin pour créer des emplois ou exporter !
Il est légitime d’avoir des désaccords, mes chers collègues, mais il faut veiller à la pertinence des arguments employés. Pour ma part, je pense que, à moyen terme, l’absence d’universalité renforcera une sorte d’émiettement, de concurrence entre les gens, qui ont déjà le sentiment que plus rien ne les unit. Autant je suis une fanatique de la redistribution, autant je considère que, pour asseoir la redistribution, une dose d’universalité est nécessaire.
Enfin, je souligne que la modulation des allocations familiales donnera beaucoup de travail aux CAF. Je voudrais que l’on détermine exactement le coût et la charge de travail supplémentaire que sa mise en place va représenter.
Si l’on veut faire de la redistribution sociale, notamment en faveur des familles pauvres, cher Claude Dilain, on pourrait commencer par veiller à ce que tous ceux qui ont droit au RSA, en particulier au RSA activité, soient bien informés de leurs droits. En effet, nous savons que beaucoup de gens ne font pas valoir leurs droits faute d’information. Ainsi, les CAF pourraient informer systématiquement les foyers éligibles au RSA activité de leurs droits et des démarches à accomplir. Cela participerait aussi du combat contre la pauvreté !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié, 14, 78, 115, 189, 209 et 264 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 61 A est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure cinquante-cinq, est reprise à une heure.)
M. le président. La séance est reprise.
Pour votre information, mes chers collègues, je précise qu’il nous reste vingt-quatre amendements à examiner, dont dix-huit tendant à insérer des articles additionnels.
Articles additionnels après l'article 61 A
M. le président. L’amendement n° 175, présenté par Mme Deroche, M. Béchu, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Après l’article 61 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa de l’article L. 521-2 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase, après les mots : « président du conseil général », sont insérés les mots : « au vu d’un rapport établi par le service d’aide sociale à l’enfance » et après le mot : « maintenir », est inséré le mot : « partiellement » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« À compter du quatrième mois suivant la décision du juge, le montant de ce versement ne peut excéder 35 % de la part des allocations familiales dues pour cet enfant. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 543-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, l’allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant est versée à ce service. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Il s’agit d’un amendement récurrent…
La loi du 6 janvier 1986 a posé le principe selon lequel, lorsqu’un enfant est confié à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, la part des allocations familiales dues au titre de cet enfant est versée au département.
Ce principe connaît cependant une adaptation possible : le juge des enfants peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, de maintenir cette part à la famille. Or, dans la pratique, cette dérogation est devenue la règle. Compte tenu de l’état des finances des conseils généraux, il semblerait pourtant naturel qu’elle reste l’exception. Nous proposons que, en tout état de cause, la famille ne puisse recevoir, sur décision du juge, plus de 35 % de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant confié à l’ASE, les 65 % restants étant perçus par le conseil général.
Par ailleurs, l’amendement tend à prévoir que lorsqu’un enfant est confié à l’ASE, l’allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant soit versée à ce service. C’est une autre disposition de bon sens, car on ne voit pas pourquoi des parents ayant perdu l’autorité parentale sur leurs enfants bénéficieraient de prestations qui sont en fait payées par la collectivité départementale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 61 A.
L’amendement n° 312 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 61 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 521-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « d’un âge minimum » sont remplacés par les mots : « de quatorze ans ».
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à inscrire dans la loi que l’âge de l’enfant qui emporte le bénéfice de la majoration des allocations familiales est maintenu à 14 ans.
À l’Assemblée nationale, vous avez assuré, madame la secrétaire d’État, que l’âge ouvrant droit à la majoration ne serait pas repoussé de 14 à 16 ans. Nous avons tendance à vous faire confiance, mais pouvez-vous nous confirmer cet engagement ? Si oui, je retirerai mon amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. J’ai en effet indiqué à l’Assemblée nationale, et tout à l’heure dans cette enceinte, qu’il n’est pas prévu de procéder à un report de 14 à 16 ans de l’âge ouvrant le bénéfice de la majoration des allocations familiales.
Vous pouvez donc, monsieur le sénateur, retirer votre amendement en toute confiance !
M. Gilbert Barbier. Je le retire et vous remercie, madame la secrétaire d’État.
M. le président. L’amendement n° 312 rectifié est retiré.
Article 61
(Supprimé)
Article additionnel après l'article 61
M. le président. L’amendement n° 190, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement pour rendre compte de différentes possibilités de revalorisation significative de la prestation prévue par l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale en contrepartie d’une diminution de la durée du congé parental.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le Gouvernement a confirmé, lors des débats à l’Assemblée nationale, que le congé parental serait modifié de façon substantielle par décret, pour porter sa durée à vingt-quatre mois au maximum pour les femmes et à douze mois pour les hommes, contre trente et six mois actuellement.
Plus de 95 % des bénéficiaires d’un congé parental sont des femmes, car la perte de revenu pour le couple est alors moindre, le revenu moyen des femmes étant encore aujourd’hui inférieur à celui des hommes.
Cela signifie que les femmes bénéficiant du congé parental perdront six mois de droits. Il s’agit donc en réalité, sous couvert de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, de prendre une mesure d’économie.
Si la durée du congé parental est réduite, il convient, en contrepartie, d’augmenter sa rémunération. Nous aurions volontiers déposé un amendement en ce sens, mais l’article 40 de la Constitution nous en empêche. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les moyens de revaloriser le congé parental.
Toutefois, puisque nous avons adopté l’amendement de Mme Keller tendant à prévoir la remise d’un rapport sur ce thème, il me paraît inutile d’en demander un deuxième. Je retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 190 est retiré.
Article 62
Pour l’année 2015, les objectifs de dépenses de la branche Famille de la sécurité sociale sont fixés à 54,6 milliards d’euros.
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par Mme Cayeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Remplacer le nombre :
54,6
par le nombre :
55
La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur.
Mme Caroline Cayeux, rapporteur. Cet amendement vise à rectifier l’objectif de dépenses de la branche famille, pour tenir compte de la suppression de la modulation des allocations familiales votée précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je vous remercie, madame la rapporteur, de souligner que les différents amendements adoptés par le Sénat ont conduit à accroître le déficit de la branche famille de 400 millions d’euros, ce dont vous tirez les conséquences au travers de cet amendement. Je ne peux, dans ces conditions, que m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’article 62, modifié.
(L'article 62 est adopté.)
Titre V (précédemment examiné)
Articles 63 et 64 (précédemment examinés)
M. le président. Je rappelle que les articles 63 et 64, appelés par priorité, ont été examinés précédemment.
Titre VI
DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ET DES ORGANISMES CONCOURANT À LEUR FINANCEMENT AINSI QU’AU CONTRÔLE ET À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
Article 65 A (nouveau)
I. – Les missions et les activités de développement, de production, de support et de pilotage local des centres régionaux de traitement informatique, du service commun des caisses d’allocations familiales de la région parisienne et des centres nationaux d’études et de développement informatique de la branche Famille du régime général sont transférées à la Caisse nationale des allocations familiales à compter du 1er juillet 2015.
II. – Les droits, biens et obligations des organismes accomplissant les missions et les activités mentionnées au I sont transférés à la Caisse nationale des allocations familiales au 1er juillet 2015.
III. – Les centres régionaux de traitement informatique mentionnés au I sont dissous le 30 juin 2015. – (Adopté.)
Article 65
I. – L’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées, en application de l’article L. 114-10, par les agents mentionnés au présent article, visant à refuser l’accès à une information formellement sollicitée, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d’information, d’accès à une information, ou à une convocation, émanant des caisses d’allocation familiales et des caisses d’assurance retraite et de santé au travail, dès lors que la demande est nécessaire à l’exercice du contrôle ou de l’enquête. » ;
b) Après la deuxième phrase du sixième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Tout fait ayant donné lieu à une sanction devenue définitive en application du présent article peut constituer le premier terme de récidive d’un nouveau manquement sanctionné par le présent article. » ;
2° À la première phrase du II, le mot : « dixième » est remplacé par le mot : « trentième ».
II (nouveau). – L’article L. 114-18 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
2° Le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 30 000 € » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne qui refuse délibérément de s’affilier ou qui persiste à ne pas engager les démarches en vue de son affiliation obligatoire à un régime de sécurité sociale, en méconnaissance des prescriptions de la législation en matière de sécurité sociale, est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 15 000 € ou seulement de l’une de ces deux peines. »
M. le président. L’amendement n° 81, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 12
Après les mots :
amende de
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
30 000 €
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet d’assurer une meilleure proportionnalité des sanctions en matière d’incitation au non-respect des règles de la sécurité sociale ou de refus persistant d’affiliation. Les sanctions financières semblent plus adaptées pour répondre à ces comportements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote sur l’article.
Mme Caroline Cayeux. Je souhaite interroger Mme la secrétaire d’État sur la rationalisation informatique de la branche famille.
Le président de la CNAF nous a alertés sur les délais de mise en œuvre de cette rationalisation, considérant que l’échéance, fixée au 1er juillet 2015, était un peu trop proche. Pensez-vous, madame la secrétaire d’État, que les délais puissent être tenus ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Si la majorité des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale entreront en application au 1er janvier 2015, nous avons choisi la date du 1er juillet pour la mise en œuvre de la modulation des allocations familiales, justement pour donner aux caisses d’allocations familiales le temps nécessaire à la mise en place des programmes informatiques de saisine des données relatives aux ressources des familles. Cette décision ayant été prise sur préconisation de la CNAF, le délai pourra, en principe, être tenu.
Mme Caroline Cayeux. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État.
M. le président. Je mets aux voix l’article 65, modifié.
(L'article 65 est adopté.)
Article 66
I. – L’article L. 242-1-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 242-1-3. – Lorsqu’un redressement de cotisations sociales opéré par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 ou L. 752-4 a une incidence sur les droits des salariés au titre de l’assurance vieillesse, ces organismes transmettent les informations nécessaires aux caisses mentionnées à l’article L. 215-1, afin que ces dernières procèdent à la rectification des droits des salariés concernés.
« En cas de constat de travail dissimulé, au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, révélant une situation de collusion entre l’employeur et son salarié, cette rectification ne peut être réalisée qu’à compter du paiement du redressement. »
II. – La section 1 du chapitre V du titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 725-12-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 725-12-2. – Lorsqu’un redressement de cotisations sociales opéré par l’organisme mentionné à l’article L. 723-3 a une incidence sur les droits des salariés au titre de l’assurance vieillesse, cet organisme procède à la rectification de leurs droits.
« En cas de constat de travail dissimulé, au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, révélant une situation de collusion entre l’employeur et son salarié, cette rectification ne peut être réalisée qu’à compter du paiement du redressement. »
III. – Le présent article s’applique aux redressements notifiés à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. L’amendement n° 303 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Bizet, Bouchet, César et del Picchia, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Estrosi Sassone, MM. J. Gautier, Grand, Lefèvre et Duvernois, Mmes Lamure et Mélot et M. Raison, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
transmettent
insérer les mots :
dans un délai de sept jours ouvrables
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Fixer un délai relativement court pour la transmission aux caisses de sécurité sociale, par les URSSAF, des informations relatives aux droits des salariés en cas de redressement de cotisations sociales est la garantie pour ceux-ci de voir leurs droits pris en compte le plus rapidement possible.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 66, modifié.
(L'article 66 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 66
M. le président. Je suis saisi de sept amendements.
L’amendement n° 273 rectifié quater, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Lefèvre, J. Gautier, Bizet, Bouchet et César, Mme Des Esgaulx, M. Grand, Mme Deromedi, M. del Picchia, Mme Estrosi Sassone, M. Duvernois, Mmes Lamure et Mélot et M. Raison, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 142-... ainsi rédigé :
« Art. L. 142-... - En cas de litige portant sur des cotisations de sécurité sociale, des majorations de retard, ou encore sur la contribution sociale généralisée, le cotisant est invité à se faire entendre devant la Commission de recours amiable, suivant des modalités fixées par décret. »
L’amendement n° 302 rectifié quater, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Bizet, Bouchet, César et del Picchia, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Estrosi Sassone, MM. J. Gautier, Grand, Lefèvre et Duvernois, Mmes Lamure et Mélot et M. Raison, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 243-6-3. – Tout cotisant a la faculté de solliciter de l’organisme de recouvrement dont il dépend son interprétation sur une situation de fait au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale.
« La demande doit être faite en lettre recommandée. Elle doit contenir l’identité du demandeur, la disposition légale visée ainsi que la présentation écrite, précise et complète de la situation de fait.
« Tant qu’aucune décision n’a été prise, la demande doit être complétée par tout élément nouveau susceptible de concerner la situation de l’intéressé.
« La décision est communiquée au demandeur dans un délai de six mois à compter de l’envoi de la demande rédigée conformément au deuxième alinéa. Elle indique les voies de recours.
« Une publicité des différentes décisions rendues par les organismes est instaurée selon des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« La décision prise lie pour l’avenir l’organisme de recouvrement sauf en cas de modification des dispositions légales visées ou si la situation décrite a été substantiellement modifiée ou encore si les informations données étaient erronées.
« Aucun redressement ne pourra être appliqué à un cotisant de bonne foi qui a interrogé un organisme de recouvrement dans les conditions prévues par le deuxième alinéa et auquel il n’a pas été apporté de réponse dans le délai requis.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application des présentes dispositions. »
L’amendement n° 222 rectifié quater, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Lefèvre, J. Gautier, Bizet et Bouchet, Mme Des Esgaulx, MM. César et Grand, Mme Deromedi, M. del Picchia, Mme Estrosi Sassone, M. Duvernois, Mmes Lamure et Mélot et M. Raison, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 243-6-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 243-6-... ainsi rédigé :
« Art. L. 243-6-... – À l’issue de la procédure contradictoire et avant l’envoi de l’avertissement ou de la mise en demeure prévu à l’article L. 244-2, les réclamations concernant les relations d’un organisme de recouvrement avec ses usagers sont reçues par une personne désignée par le directeur, après avis du conseil au sein de cet organisme, afin d’exercer la fonction de médiateur pour le compte de celui-ci. Son intervention ne peut pas être demandée si une procédure a été engagée devant une juridiction compétente par l’usager la sollicitant. L’engagement d’une telle procédure met fin à la conciliation. Seul le cotisant peut demander l’intervention d’un médiateur auprès de l’organisme de recouvrement dont il dépend.
« Le rôle et les pouvoirs du médiateur sont fixés par décret. »
L’amendement n° 306 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Bizet, Bouchet, César et del Picchia, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. J. Gautier et Grand, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Mélot et M. Raison, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 243-7-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 243-7-7-… - Lorsque le contrôle est effectué au sein de l’entreprise, les documents ou supports d’information ne peuvent être emportés par l’inspecteur à l’organisme qu’après autorisation écrite du cotisant.
« Le cotisant doit avoir la possibilité d’un débat oral et contradictoire avec l’inspecteur du recouvrement sous peine d’irrégularité de la procédure de contrôle. »
L’amendement n° 305 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Bizet, Bouchet, César et del Picchia, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Estrosi Sassone, MM. J. Gautier et Grand, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Mélot et MM. Raison et Duvernois, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 243-11 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf dans le cas de présomption de travail dissimulé, l’organisme de recouvrement doit faire parvenir un avis de contrôle à l'employeur ou au travailleur indépendant au moins quinze jours ouvrables avant la date de la première visite. »
L’amendement n° 298 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Bizet, Bouchet, César et del Picchia, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Estrosi Sassone, MM. J. Gautier, Grand, Lefèvre et Duvernois, Mmes Lamure et Mélot et M. Raison, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 243-12-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 243-12-3-… ainsi libellé :
« Art. L. 243-12-3-… Dès lors qu'un redressement porte sur un non-respect d'une limite d'exonération de cotisations ou de contributions sociales prévue par la loi, et en cas de bonne foi du cotisant, seule la fraction dépassant cette limite d'exonération est réintégrée dans l'assiette des dites cotisations ou contributions. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 301 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, M. Milon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Savary, Bizet, Bouchet, César et del Picchia, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Estrosi Sassone, MM. J. Gautier, Grand, Lefèvre et Duvernois, Mmes Lamure et Mélot et M. Raison, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 244-9 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La contestation de la mise en demeure, prévue à l’article L. 244-2 dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale, suspend toute procédure en recouvrement des cotisations. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter ces sept amendements.
M. Jean-Noël Cardoux. Ces amendements sont défendus, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission partage globalement l’objectif d’amélioration des relations entre les URSSAF et les cotisants, mais souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements, dans la mesure où la faisabilité concrète à brève échéance de certaines des mesures proposées ne lui paraît pas toujours assurée.
En tout état de cause, la commission demande le retrait des amendements nos 273 rectifié quater, 302 rectifié quater, 305 rectifié ter et 298 rectifié ter. Par ailleurs, elle considère que l’amendement n° 222 rectifié quater est satisfait, et émet un avis favorable sur les amendements nos 306 rectifié bis et 301 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le Gouvernement considère que ces amendements ne contribueront pas à faciliter la lutte contre la fraude et à la rendre plus efficace.
Or il ne peut y avoir de réduction des dépenses ou d’amélioration de l’équilibre des budgets sociaux sans lutte résolue contre la fraude. Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements, qui relèvent tous du même esprit.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je trouve l’avis du Gouvernement un peu lapidaire…
Notre objectif est de lutter activement contre la fraude, peut-être même de façon encore plus efficace que ne le fait le Gouvernement. Nous avons donc examiné attentivement cette question et demandé l’avis de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS. Les avis émis par la commission résultent de cette consultation et ne sont nullement laxistes : il ne s’agit pas d’ouvrir grand les portes à la fraude !
M. le président. Monsieur Cardoux, les amendements nos 273 rectifié quater, 302 rectifié quater, 222 rectifié quater, 306 rectifié bis, 305 rectifié ter, 298 rectifié ter et 301 rectifié ter sont-ils maintenus ?
M. Jean-Noël Cardoux. Compte tenu des avis que vient de fournir la commission, la sagesse commande de retirer tous les amendements présentés, à l’exception des amendements nos 306 rectifié bis et 301 rectifié ter.
M. le président. Les amendements nos 273 rectifié quater, 302 rectifié quater, 222 rectifié quater, 305 rectifié ter et 298 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 306 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
Je mets aux voix l'amendement n° 301 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
L'amendement n° 265, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 243-7-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’entreprise contrôlée par une entreprise dominante, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du code de commerce, a fraudé en matière de cotisations sociales, la société mère ou la société holding de cet ensemble est tenue subsidiairement et solidairement, y compris au paiement des contributions et cotisations ainsi que des majorations et pénalités dues. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement de précision vise à étendre la responsabilité des sociétés mères et holdings en cas de fraude de leurs filiales aux cotisations salariales, afin de lutter plus efficacement contre celle-ci, entendue de manière à la fois plus globale et plus précise.
En effet, aujourd’hui, la définition du travail dissimulé recouvre deux infractions distinctes : la dissimulation d’activité et la dissimulation d’emploi salarié. Ainsi, même si l’infraction de travail dissimulé est également caractérisée par le fait de ne pas accomplir auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales, nous pensons que la législation doit être la plus précise possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de rendre solidaire une holding de ses filiales en cas de fraude aux cotisations sociales sans prendre en compte la diversité des situations. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je m’interroge sur ce que recouvre la notion de fraude, hors le travail dissimulé. En matière de fraude aux cotisations sociales, en effet, c’est le travail dissimulé qui constitue la fraude.
Si c’est le travail dissimulé qui est visé, cet amendement est satisfait, puisque la société mère ou la holding est tenue subsidiairement et solidairement au paiement des cotisations sociales dues à la suite d’une infraction commise dans une entreprise contrôlée, le lien entre les deux entreprises étant défini comme un lien de dépendance ou de contrôle au sens du code de commerce.
L’amendement ne serait pas satisfait si la fraude recouvrait autre chose que le travail dissimulé, mais, à ce stade, je ne vois pas de quoi il pourrait s’agir.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux, M. Daunis, Mme Emery-Dumas, M. Labazée et Mme Schillinger.
L'amendement n° 191 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 315 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section 5 du chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 6325-16 est complété par les mots : « et aux demandeurs d’emploi depuis deux ans » ;
2° À la première phrase de l’article L. 6325-17, après les mots : « et plus, », sont insérés les mots : « , soit de demandeurs d’emploi depuis plus de deux ans, ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je laisse à mon collègue Jean Desessard le soin de le défendre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 191.
M. Jean Desessard. J’aurais bien laissé à mon collègue Jacques Mézard le soin de le faire, mais il n’est pas là pour défendre son amendement ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le rapporteur général, lorsque, conjointement avec ma collègue Marie-Noëlle Lienemann, j’ai suggéré d’ouvrir les emplois d’avenir aux chômeurs, vous m’avez répondu que ces derniers n’avaient pas besoin de ce dispositif, réservé aux jeunes, mais plutôt de formations qualifiantes pour se réinsérer durablement dans l’emploi. Cet amendement a précisément pour objet de répondre à ce besoin.
Nous proposons en effet d’étendre le bénéfice des contrats de professionnalisation aux chômeurs de plus de 45 ans. Ces contrats permettent à des personnes de bénéficier d’une formation en alternance entre un organisme de formation et une entreprise, dans le cadre de la formation continue. Ils permettent de bénéficier à la fois d’une formation qualifiante et d’une rémunération, au moins égale au SMIC ou à 80 % du salaire défini par convention collective.
Nous le savons, le manque de formation est l’une des raisons qui empêchent les chômeurs de retrouver un emploi. Il en existe bien sûr d’autres, comme le manque d’attractivité, réel ou supposé, des postes, les conditions de travail proposées ou encore les salaires. Lors d’une question orale avec débat, j’avais souligné devant le ministre du travail que nous ne connaissions pas la part respective de chacune de ces causes.
Néanmoins, le manque de formation peut être une cause de chômage de longue durée et il nous faut utiliser tous les outils à notre disposition pour lutter efficacement contre ce fléau.
M. le président. L’amendement n° 315 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 8 rectifié et 191 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont pour objet l’extension aux chômeurs de longue durée de plus de 45 ans du bénéfice des contrats de professionnalisation. Cela peut contribuer au développement souhaité des contrats en alternance ; pour autant, est-ce la bonne solution ? Il importe qu’une formation qualifiante soit apportée. Un amendement relatif aux contrats d’avenir a déjà été examiné.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas le même !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas tout à fait le même.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas du tout le même !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Même si je comprends parfaitement la démarche des auteurs des amendements, j’aimerais entendre l’avis du Gouvernement, sachant que celui de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 191.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 67 (nouveau)
L’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième phrases du troisième alinéa sont supprimées ;
2° Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Au 1er janvier 2016, il contient également le montant des prestations en espèces servies par les organismes mentionnés au premier alinéa. »
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par M. Daudigny, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La troisième phrase du troisième alinéa est supprimée ;
2° Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il donne également directement accès en tant que de besoin aux montants des prestations en espèces mis à disposition par les organismes mentionnés au premier alinéa. »
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. L’amendement est retiré, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 268 est retiré.
Je mets aux voix l'article 67.
(L'article 67 est adopté.)
Article 68 (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « sans qu’il soit tenu d’en faire une demande préalable » sont supprimés. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 68
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann, Claireaux et Emery-Dumas.
L'amendement n° 187 rectifié est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 236 rectifié est présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 68
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « 25 % en cas de constat de l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail » sont remplacés par les mots : « 40 % en cas de constat de l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ou de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ».
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Là encore, je laisse à mon collègue Jean Desessard le soin de présenter le dispositif !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 187 rectifié.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de lutter plus efficacement contre la fraude aux cotisations sociales. Aujourd’hui, l’opinion publique, guidée par les médias, se focalise sur la fraude aux prestations sociales par les particuliers. Celle-ci est réelle, nous ne le nions pas, mais la fraude aux cotisations imputable aux employeurs est beaucoup plus importante. À titre de comparaison, si la fraude aux prestations représentait 290 millions d’euros en 2012, celle aux cotisations aurait été de l’ordre de 20 milliards à 25 milliards d’euros cette même année, selon la Cour des comptes, soit un rapport de 1 à 100 !
Pour lutter plus efficacement contre la fraude aux cotisations sociales, nous proposons de rendre les majorations des sommes recouvrées plus dissuasives, notamment dans le cas de manœuvres frauduleuses. Aujourd’hui, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle est majoré de 25 %. Nous souhaitons porter ce taux à 40 %, et même à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.
Cette majoration des sanctions permettra de s’attaquer à une partie du problème, mais l’enjeu principal reste le taux de redressement. À titre d’exemple, le taux de redressement de la fraude liée au travail illégal n’est que de 1,4 % à 1,7 %. Le renforcement des moyens d’investigation fait l’objet d’un amendement qui a été déposé par ma collègue Aline Archimbaud et que je défendrai dans quelques instants.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 236 rectifié.
Mme Annie David. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques visent à faire passer le taux de majoration des sommes recouvrées de 25 % à 40 %, voire à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses, pour les cas de travail dissimulé par dissimulation d’activité ou par dissimulation d’emploi salarié.
Fixer un taux de majoration de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses paraît excessif. En outre, il faut l’avouer, la notion même de « manœuvres frauduleuses » est un peu vague.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme Annie David. Quel dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. La majoration de redressement en cas de constat de travail dissimulé a déjà été renforcée par l’Assemblée nationale en première lecture. En outre, au cours des dernières années, le Gouvernement a considérablement renforcé les dispositifs de sanction et de contrôle à l’encontre du travail dissimulé.
Cela étant dit, je m’interroge : si le recours au travail dissimulé continue d’être aussi important, est-ce parce que les sanctions ne sont pas assez lourdes ou parce que les délinquants échappent trop souvent à la détection ?
J’ai plutôt tendance à privilégier la seconde hypothèse. Plutôt que d’aggraver les sanctions, il conviendrait donc de mettre en place les dispositifs nécessaires pour mieux identifier le travail dissimulé et procéder aux recouvrements dans les meilleurs délais. Comme dans d’autres domaines, le Gouvernement n’est pas du tout convaincu que la dissuasion résulte de l’augmentation des peines.
En conséquence, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur ces amendements identiques s’ils sont maintenus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié bis, 187 rectifié et 236 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 281 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 68
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport étudiant les moyens d’actions des organismes sociaux contre la fraude aux cotisations, en renforçant notamment leurs pouvoirs d’investigation, en les dotant de nouveaux outils plus efficaces en matière de recouvrement des montants redressés et en augmentant fortement les pénalités.
Ce rapport estime par ailleurs le coût, mais aussi les bénéfices que pourrait rapporter la constitution d’équipes inter-régionales de lutte contre la fraude et la création d’une direction nationale d’enquête chargée de combattre la grande fraude, celle qui concerne les grandes entreprises.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je dois dire que je n’ai pas très bien compris l’argumentation de Mme la secrétaire d’État, mais peut-être cela allait-il trop vite à cette heure de la nuit…
Force est de constater que lorsqu’on parle de fraude, on pense toujours qu’elle est le fait de particuliers.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Or j’ai pourtant démontré que la fraude était avant tout le fait des employeurs. Ni M. le rapporteur général ni Mme la secrétaire d’État n’ont contesté mes chiffres ! C’est donc qu’ils sont exacts ! Je le répète, le rapport entre la fraude des particuliers et celle des employeurs est de 1 à 100.
Vous dites, madame la secrétaire d’État, que ce n’est pas en alourdissant les amendes que l’on réglera le problème. Pour notre part, nous pensons néanmoins que cela peut permettre d’envoyer un signal utile, mais nous tenons compte de votre avis. Selon vous, il vaut mieux renforcer les contrôles et les moyens d’investigation afin de mieux repérer les fraudeurs : tel est précisément l’objet de l’amendement n° 281 rectifié, madame la secrétaire d’État ! Vous m’avez devancé…
Le présent amendement vise à accroître les moyens de contrôle. Toutefois, l’article 40 de la Constitution nous empêchant de chiffrer exactement ces moyens, nous demandons au Gouvernement la remise d’un rapport sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous demandez un rapport de plus, cher collègue, en l’occurrence sur les moyens d’action des organismes sociaux contre la fraude aux cotisations sociales.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais, pour ma part, je trouve qu’il serait effectivement intéressant de connaître les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs en matière de lutte contre la fraude. Pour autant, l’élaboration d’un rapport sur ce sujet ne nous paraît pas absolument nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Une partie des informations souhaitées figure déjà dans les rapports régulièrement établis par les organismes, en particulier par les URSSAF. Un autre rapport n’est donc pas nécessaire. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 69 (nouveau)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 8224-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de méconnaître les interdictions définies au même article L. 8221-1 en commettant les faits à l’égard de plusieurs personnes ou d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 €. » ;
2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende :
« 1° Lorsque l’infraction est commise à l’égard de plusieurs personnes ;
« 2° Lorsque l’infraction est commise à l’égard d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La section 2 ter du chapitre III bis du titre III du livre Ier est complétée par un article L. 133-6-8-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-6-8-4. – Le travailleur indépendant qui a opté pour l’application de l’article L. 133-6-8 est tenu de dédier un compte ouvert dans un des établissements mentionnés à l’article L. 123-24 du code de commerce à l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à son activité professionnelle. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 243-7-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration est portée à 40 % dans les cas mentionnés à l’article L. 8224-2 du code du travail. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° A la première phrase du premier alinéa de l’article L. 243-7-6, le pourcentage : « 10 % » est remplacé par le pourcentage : « 20 % » ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission des finances.
Selon la Cour des comptes, les majorations existantes restent relativement modestes et sont donc peu dissuasives. Elle affirme que le manque à gagner, pour la sécurité sociale, est de l’ordre de 20 milliards d’euros.
L’amendement n° 16 rectifié vise donc à porter de 10 % à 20 % la majoration de redressement en cas de récidive d’une pratique non conforme à la législation en vigueur en matière de cotisations sociales. Au regard de la jurisprudence qui s’est dégagée, on peut considérer que la récidive d’une pratique non conforme à la législation en vigueur peut être assimilée à une fraude.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Au premier alinéa de l’article L. 243-7-7, le pourcentage : « 25 % » est remplacé par le pourcentage : « 40 % ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’amendement n° 15 tend à porter de 25 % à 40 % la majoration de redressement due en cas de constat de travail dissimulé.
En pratique, le travail dissimulé est rarement sanctionné pénalement. Il est pourtant en pleine explosion ! Ainsi, dans ma commune, tous les matins, à partir de 7 heures, une trentaine de personnes d’origine incertaine attendent devant un café qu’un employeur vienne les chercher en camionnette. Cela fait deux ans que j’alerte le préfet et les services compétents, mais personne n’est même jamais venu voir ce qu’il se passe ! Je vous laisse imaginer l’effet que produit cette situation dans l’opinion…
Puisque nous n’avons pas les moyens, ou la volonté, de mettre fin à ces pratiques, la dissuasion pourrait être une voie intéressante. On sait très bien que, au pénal, avec de bons avocats, on s’en tire toujours à bon compte. En revanche, la perspective d’une forte amende peut donner à réfléchir…
Je souligne que mes deux amendements ne visent que les cas de récidive. Augmenter les majorations serait sûrement un bon moyen de lutter contre le travail dissimulé que, sur le terrain, on voit se développer de manière totalement ouverte et anarchique aujourd'hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur ces deux amendements, considérant que si l’on voulait renforcer la lutte contre la fraude, il fallait effectivement s’en donner les moyens et instaurer des majorations dissuasives.
Permettez-moi néanmoins une remarque, monsieur Delattre : dans l’objet de l’amendement n° 15, l’estimation à 20 milliards d’euros du montant de la fraude aux cotisations sociales est attribuée à l’ACOSS. Or le directeur de cet organisme, que nous avons auditionné, a formellement démenti ce chiffre. Selon ses propres mots, c’est « n’importe quoi ! »
Si le coût de la fraude était aussi élevé, cela signifierait que notre pays compte plus d’un million de travailleurs clandestins, auquel cas le petit bistrot que vous évoquez serait plutôt une grande surface !
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ils sont trente ou quarante à attendre tous les jours !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Quand le travail dissimulé constitue la structure de l’entreprise et son mode de fonctionnement, il n’y a aucune raison d’éprouver la moindre empathie pour elle et de chercher d’une quelconque façon à la préserver. Si le montant des pénalités imposées la conduit à fermer, ce n’est pas grave, car ce modèle social et économique ne mérite pas de survivre.
Quand le travail dissimulé n’est pas le mode ordinaire d’organisation du travail, il doit néanmoins être sanctionné. Cependant, s’il peut être tentant d’augmenter les pénalités, j’attire votre attention sur le fait que celles-ci sont déjà relativement importantes : leur montant, forfaitaire, correspond à six mois de cotisations salariales en cas de travail dissimulé, quelle que soit la durée effective de ce dernier. Si une entreprise sanctionnée ne recourant pas de manière habituelle au travail dissimulé ne peut pas payer, on ne recouvrera pas les pénalités : à quoi sert-il alors de les augmenter ? De plus, si l’entreprise est amenée à cesser son activité, ce n’est pas non plus une bonne opération.
Le Gouvernement ne pense donc pas que la surenchère en matière de pénalités soit une bonne solution pour accroître l’efficacité de la lutte contre la fraude aux cotisations et le travail dissimulé, dans laquelle nous sommes déjà très engagés. En conséquence, il émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne voudrais pas prolonger le débat à cette heure tardive, même s’il retrouve un peu de vivacité…
Force est de reconnaître que Mme la secrétaire d’État est cohérente : elle a émis un avis défavorable tant sur mon amendement n° 187 rectifié que sur ceux de M. Delattre, qui ont le même objet. C’est d’ailleurs pour cette raison que je les voterai.
Il y a cependant une chose qui me gêne un peu dans votre discours, madame la secrétaire d’État : vous semblez dire qu’il ne faut pas aggraver la situation des entreprises en difficulté et que, dans ce cas, le contrôle se doit d’être léger.
M. Jean Desessard. Peut-être est-ce la raison pour laquelle vous vous êtes opposée à ma demande de remise d’un rapport sur les moyens de contrôle…
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur le fait que les entreprises qui battent de l’aile tirent souvent sur les prix et peuvent provoquer la faillite de sous-traitants. Il n’est donc pas sans risques de vouloir à tout prix maintenir en vie des entreprises en mauvaise santé.
Monsieur le rapporteur général, je suis surpris de votre position. Déjà, lorsque nous avons évoqué les contrats d’avenir, vous vous étiez opposé à nos propositions au motif qu’il fallait plutôt apporter des formations qualifiantes. En bon élève, j’ai donc présenté un amendement en ce sens, mais vous ne vous y êtes pas montré favorable non plus. Alors que faut-il faire pour obtenir votre accord ?
Dans la même veine, vous venez d’émettre un avis favorable sur les amendements de M. Delattre, après avoir donné un avis défavorable à mon amendement n° 187 rectifié, qui avait pourtant le même objet ! Il y a de quoi se demander si ce n’est pas un délit de…
Mme Laurence Cohen. Faciès ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. C’est une forme de discrimination ! Je suis un peu déçu : j’aurais aimé que vous émettiez également un avis favorable sur mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’avais pas remarqué, monsieur Desessard, que votre amendement était exactement identique à ceux de M. Delattre. Il me semblait qu’il y avait quelques légères différences. Mettons cela sur le compte de la fatigue… En tout état de cause, l’essentiel, c’est que la disposition soit votée.
En revanche, concernant les contrats de professionnalisation, je vous ai dit que, à titre personnel, les exonérer de cotisations sociales ne me choquerait pas, mais mon rôle est de représenter la commission, qui en l’occurrence avait émis un avis défavorable, peut-être à tort. Il faudra, le cas échéant, y revenir plus tard, par exemple à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances.
M. Jean Desessard. Merci, monsieur le rapporteur général.
M. le président. Je mets aux voix l'article 69, modifié.
(L'article 69 est adopté.)
Vote sur l'ensemble de la quatrième partie
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la quatrième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
(La quatrième partie du projet de loi est adoptée.)
Vote sur l'ensemble du projet de loi
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. En début de semaine, nous soulignions le caractère responsable de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, au regard tant du redressement des comptes sociaux que du respect des engagements pris en matière de compensation des pertes de recettes induites par la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.
Nous saluions également un projet ambitieux et volontariste de modernisation de notre système de santé, marqué par des axes forts : le financement des soins, la maîtrise des dépenses de médicament, l’évolution de l’organisation hospitalière vers plus de proximité, le virage vers les soins ambulatoires.
Enfin, nous faisions valoir un projet de justice sociale, ne prévoyant aucun transfert de charges ni nouvelle franchise, instaurant la modulation des allocations familiales et des dispositions facilitant l’accès des foyers en difficulté à des soins de qualité.
Or, ce soir, après trois jours et trois nuits de travaux de qualité, conduits dans un esprit de respect mutuel, le texte soumis à notre vote n’est plus exactement celui du projet de loi initial. La nouvelle majorité sénatoriale a légitimement voulu le marquer de son empreinte, et l’a donc modifié en affirmant ses valeurs, en déclinant sa vision de la société au fur et à mesure de la discussion des articles. Je le dis nettement : ses valeurs, sa vision de l’avenir ne sont pas les nôtres !
Ainsi, vous avez inscrit une réduction supplémentaire des dépenses de santé de 1 milliard d’euros. On ne peut prendre une telle mesure sans mettre en péril la qualité de notre système de soins, sans accentuer les inégalités territoriales et les inégalités d’accès aux soins que subissent les plus défavorisés de nos concitoyens.
Vous avez décidé, un peu à la surprise générale, de supprimer les exonérations de franchise dont bénéficient les allocataires de l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé, l’ACS, ce qui pénalisera les familles les plus fragiles de notre pays.
Que vous supprimiez la modulation des allocations familiales ou que vous rétablissiez des jours de carence témoigne que vous n’avez pas le même idéal de justice que nous.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vraiment ?
M. Yves Daudigny. De même, lorsque vous modifiez très fortement, au détour de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, les modalités d’accès à la retraite, nous ne pouvons pas vous suivre.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que le groupe socialiste votera contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu’il est issu de nos travaux.
Cela étant précisé, je voudrais maintenant m’adresser à notre collègue Francis Delattre.
Monsieur Delattre, vous avez souvent évoqué la question de la dette sociale. Nous pouvons partager l’inquiétude que vous inspire l’évolution possible des taux d’intérêt dans les mois et les années à venir. Nous sommes d’accord avec vous sur le fait qu’il est scandaleux de reporter sur nos enfants et petits-enfants la charge de nos dépenses de santé. Mais ne payons-nous pas aujourd’hui, pour partie en tout cas, le fait que des décisions qui auraient dû être prises en d’autres temps ne l’ont pas été ?
À l’époque où notre ancien collègue Alain Vasselle était rapporteur général de la commission des affaires sociales, il avait proposé plusieurs années de suite d’augmenter la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Or cette question est au cœur du débat sur la résorption des déficits ! Des amendements portant sur ce sujet ont d’ailleurs été très bien défendus en commission, mais ils n’ont pas survécu à la discussion en séance plénière.
Je rappelle en outre que, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, une majorité, qui n’était pas de gauche, avait décidé d’allonger la durée de vie de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, jusqu’en 2024.
Par conséquent, si la dette sociale est ce qu’elle est aujourd’hui, si elle nous inquiète tant, cela tient non pas aux choix opérés par le Gouvernement depuis 2012, mais au fait que certains n’ont pas su prendre leurs responsabilités en d’autres temps. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, ce texte, tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale, comportait déjà la mise en œuvre du pacte de responsabilité, avec, au titre de 2015, des mesures d’économie de 21 milliards d’euros pour la santé et la protection sociale et de 9,6 milliards d’euros pour la sécurité sociale. Nous ne pouvions dès lors pas le soutenir, d’autant qu’il ne prévoyait quasiment pas de recettes nouvelles. D’ailleurs, la seule recette nouvelle adoptée à l’Assemblée nationale, à savoir la taxation des dividendes, a été supprimée par le Sénat.
Pendant trois jours et trois nuits, le groupe CRC a fait valoir des propositions pour dégager des ressources nouvelles et a montré sa volonté d’aller vers une société plus juste, fondée sur la solidarité, une société qui mettrait en son cœur l’humain, et non pas la finance, qu’elle utiliserait au contraire pour répondre aux besoins de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Malheureusement, trop peu de mesures en faveur des assurés sociaux ont été adoptées ; tout au contraire, la plupart des dispositions retenues ne vont pas dans ce sens. À cet égard, l’examen du PLFSS dans notre hémicycle a encore aggravé la situation : je pense au report de l’âge de la retraite à 64 ans, à l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, à l’inscription de 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires sur les dépenses de santé, alors qu’un ONDAM de 2,1 % était déjà, à nos yeux, bien insuffisant…
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous voterons résolument contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Nous regrettons vivement que nous n’ayons pas pu montrer, ensemble, qu’une autre politique est possible, une politique fondée sur l’utilisation de la richesse produite, qui ne manque pas dans notre pays, comme en témoignent les milliards d’euros versés en dividendes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Nous arrivons au terme d’un débat extrêmement riche, long et dense.
Personne ici ne sera surpris que je ne sois pas du tout d’accord avec les propos qu’a tenus M. Daudigny, surtout avec l’analyse qu’il a faite de la situation financière de la sécurité sociale.
Vous faites des gorges chaudes du prétendu « héritage ». Or, en 2008, je le rappelle, une crise mondiale sévissait, alors qu’aujourd’hui la situation est stabilisée, la plupart des pays ayant à peu près rétabli leurs équilibres financiers. En 2008, année où la crise atteignait son paroxysme, les intérêts de la dette de l’ACOSS s’élevaient à 800 millions d’euros, pour un taux d’intérêt de 4,5 %, alors que celui-ci n’est plus aujourd’hui que de 0,1 %, ce qui représente 25 millions d’euros d’intérêts annuels. En 2008, le gouvernement en place a donc su faire face à la crise avec beaucoup de détermination ; s’il n’en avait pas été ainsi, nous serions actuellement dans une situation beaucoup moins favorable encore.
Par ailleurs, le gouvernement de M. Fillon avait institué – peut-être un peu tard, il est vrai – une TVA anti-délocalisations afin de trouver de nouvelles ressources, car il n’est pas normal, ainsi que nous l’avons fait remarquer plusieurs fois, que la politique de la famille soit financée par les entreprises. Or la première décision qu’a prise la majorité actuelle a été de supprimer ce dispositif.
Enfin et surtout, je tiens à rappeler que les seules réformes courageuses en matière de retraites sont dues à l’action de François Fillon et d’Éric Woerth. Si ces réformes n’avaient pas été engagées, en 2003, en 2008 et en 2010, je pense que notre régime de retraites exploserait aujourd’hui.
Vous avez nié ces réalités pendant des années ; je ne pouvais manquer l’occasion de les rappeler ce soir devant la Haute Assemblée.
Au fil d’un débat extrêmement constructif (M. Jean Desessard rit.), nous avons pu infléchir le texte sur de nombreux points.
Ainsi, nous avons modifié ou supprimé des mesures néfastes qui avaient été votées par les députés : je pense à la généralisation de l’abattement de 1,5 euro pour les emplois à domicile, à la suppression de la taxation des dividendes pour les sociétés anonymes et les sociétés par actions simplifiées, à la suppression de l’exonération des franchises médicales pour les bénéficiaires de l’ACS, ou encore à la suppression de la modulation des allocations familiales.
En outre, de nouvelles mesures ont été adoptées sur l’initiative de la majorité sénatoriale : l’exonération partielle des cotisations vieillesse pour les médecins exerçant en zone défavorisée, le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, l’engagement d’une réflexion, dès 2015, sur une réforme systémique du régime de retraites, la baisse de 1 milliard d’euros de l’ONDAM, grâce notamment à l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, à une action plus résolue pour garantir la pertinence des actes, tant à l’hôpital qu’en ville, à des mesures renforçant les conditions d’évaluation des médicaments et à une réforme de la tarification des urgences hospitalières.
Lors de la discussion générale, nous reprochions au texte de manquer d’ambition et de se limiter à des « réformettes » pour colmater des trous au moyen d’expédients, sans véritable perspective ni hauteur de vue. La majorité sénatoriale, comme l’avait annoncé le président Gérard Larcher lors de sa prise de fonctions, entend s’opposer de manière constructive. C’est ce que nous avons fait au travers de l’examen de ce projet de loi, en apportant notre contribution en vue d’une réforme structurelle. Le groupe UMP votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu’issu des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ce PLFSS comportait initialement des mesures positives, notamment l’octroi du tiers payant intégral, la suppression des franchises médicales pour les bénéficiaires de l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé, l’ACS, ou encore le fait que la rémunération à l’activité prenne désormais en compte la qualité et la sécurité des soins.
Toutefois, ce texte s’inscrivait dans une démarche globale de réduction des recettes imputable au pacte de responsabilité, qui induit mécaniquement des dépenses et des prestations à la baisse.
Par ailleurs, la présence de l’article 61 menaçait l’universalité de notre politique familiale en prévoyant de moduler les allocations familiales selon le revenu.
Pour ces raisons, le groupe écologiste avait prévu de s’abstenir lors du vote final. Cependant, l’évolution au fur et à mesure des débats au Sénat nous conduit à revoir notre position. Le PLFSS issu de nos travaux comporte en effet très peu de mesures positives.
Nous saluons certes le maintien de l’article 29, qui permet d’accorder le tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’ACS dès le 1er juillet 2015. C’est une mesure forte pour l’accès aux soins des plus fragiles.
Nous nous réjouissons aussi de l’adoption de deux amendements de nos collègues de l’UDI-UC visant à fiscaliser davantage les primes de départ des dirigeants et les retraites chapeaux. Ce sont là des mesures d’équité.
Enfin, si nous approuvons la suppression de la modulation des allocations familiales, qui portait atteinte à leur universalité, nous regrettons qu’un projet plus global ne soit pas défini pour réformer en profondeur notre politique familiale, par exemple en supprimant le quotient familial et en étendant l’allocation au premier enfant.
Force est de constater que la nouvelle majorité sénatoriale n’y est pas allée de main morte et qu’elle a voté de nombreuses mesures aggravant le texte.
Ainsi, le Sénat – et pas uniquement la nouvelle majorité… – a supprimé l’article introduit à l’Assemblée nationale visant à dissuader, par une augmentation adéquate de la fiscalité, les dirigeants d’entreprise de se rémunérer en dividendes plutôt qu’en salaires. Le fait de taxer autant les dividendes que les salaires constituait pourtant une mesure de bon sens.
De même, la suppression de l’alignement des droits à la consommation des cigarillos et tabacs à rouler sur ceux des cigarettes est contraire aux valeurs défendues par les écologistes.
Nous sommes choqués aussi que le Sénat ait rétabli les franchises médicales pour les bénéficiaires de l’ACS. Il s’agissait pourtant d’une des rares mesures positives du PLFSS, qui permettait de diminuer les frais que les plus modestes doivent engager pour se soigner. Avec la suppression de cet article, la nouvelle majorité sénatoriale indique clairement que pour se soigner il faut continuer à payer !
Après les assurés, c’est au tour des personnels de faire les frais des nouvelles orientations de notre assemblée, avec la mise en place de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière. Les personnels médicaux font don de leurs journées, parfois même de leurs nuits, au service de la santé des malades. Ils travaillent dans des conditions de plus en plus dures, dans des services de plus en plus débordés : en remerciement de cet engagement, le Sénat décide de rogner leur pouvoir d’achat en cas d’arrêt maladie. C’est une mesure que nous ne pouvons cautionner.
De surcroît, la nouvelle majorité sénatoriale a relevé l’âge légal de départ à la retraite à soixante-quatre ans. Dans le contexte actuel de croissance nulle et de stagnation du marché de l’emploi, cette disposition aura pour seul effet de maintenir les seniors dans la situation de vieux chômeurs, sans que cela permette de résoudre le déficit des caisses de retraites. Nous ne pouvons souscrire à une telle mesure !
Enfin, ce PLFSS ne comporte aucun projet de société. C’était déjà vrai avec le texte initial ; ça l’est davantage avec celui que nous votons ce soir. La sécurité sociale est envisagée comme une charge à réduire. Ce discours simpliste omet une évidence, à savoir que la santé est un secteur d’avenir. En raison de l’évolution démographique, les besoins en matière de soin et d’accompagnement des personnes iront en s’accroissant dans les années à venir. Il y a là un formidable gisement d’emplois à exploiter et à soutenir. Ce n’est malheureusement pas l’état d’esprit dans lequel a été voté ce projet de loi.
En conclusion, eu égard à l’opinion déjà mitigée que nous avions sur le texte initial, et considérant les mesures injustes adoptées par la nouvelle majorité sénatoriale, le groupe écologiste votera contre ce PLFSS.
Je salue malgré tout la qualité de nos débats et l’excellence des présidents de séance qui ont animé nos travaux. Je remercie également les ministres et secrétaires d’État d’avoir pris le temps de nous expliquer la position du Gouvernement afin d’éclairer nos votes.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. La majorité sénatoriale ayant changé, il fallait bien que les débats changent de tonalité.
Je remercie tout d’abord les différents ministres qui se sont relayés au banc du Gouvernement. Ils se doutaient bien qu’ils ne venaient pas dans une chambre d’enregistrement, mais ils savaient aussi qu’ils n’arrivaient pas en terrain ennemi et que la discussion était possible. Même si nous avons beaucoup d’estime les uns envers les autres, les options ne peuvent plus être les mêmes depuis le renouvellement de septembre.
J’entends dire que nous avons pris des décisions favorisant les riches : cela m’attriste. Personne n’a le monopole du cœur ! Nous traversons une crise extrêmement grave, et il est naturel que nous ne prescrivions pas les mêmes remèdes en fonction de notre sensibilité politique.
Depuis des années, quel que soit le gouvernement, le leitmotiv était que l’hôpital coûtait trop cher. Cette fois, en respectant l’orientation fixée par le Gouvernement, nous sommes allés plus loin que lui en matière de réforme du système de santé, mais au travers de mesures qui n’en dégradent pas sa qualité. Ainsi, le milliard d’euros d’économies supplémentaires ne nuira pas à la qualité des soins, car nous avons arrêté de pressuriser l’hôpital et choisi de faire porter nos efforts sur la médecine de ville. Nous devons continuer à travailler efficacement sur le médicament, comme nous l’avons fait avec les génériques.
Le rétablissement des jours de carence serait, selon vous, un mauvais signal adressé au personnel hospitalier. Mais si la mesure ne s’applique qu’à lui, c’est qu’elle a été proposée dans le cadre du PLFSS. Plus fondamentalement, le débat est de savoir si les fonctionnaires peuvent être dispensés des obligations s’appliquant aux salariés du secteur privé.
Monsieur Desessard, différentes méthodes peuvent être retenues pour pérenniser nos retraites par répartition auxquelles nous sommes tous très attachés sur ces travées. Puisque les dispositions sur la pénibilité permettent de protéger les personnels qui ont eu des carrières longues ou des métiers difficiles, il me semble plus simple de jouer sur les bornes d’âge : on ne peut pas diminuer les allocations des personnes âgées – nous connaissons le niveau moyen des retraites dans notre pays – et on ne peut pas non plus écraser nos entreprises en difficulté en augmentant les cotisations. C’est donc très sincèrement que j’ai proposé mon amendement.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il y aurait, d’un côté, ceux qui combattraient pour les riches et, de l’autre, ceux qui combattraient pour les pauvres. C’est caricatural !
Le texte que nous allons adopter est le projet d’un Sénat d’opposition, d’un Sénat qui ne saurait être une chambre d’enregistrement des propositions gouvernementales. Je me félicite que nous ayons travaillé en bonne intelligence et avec beaucoup de conscience.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je tiens à exprimer ma satisfaction : le Sénat a renoué avec un mode de fonctionnement qui a rendu ce débat possible.
C’était ma première expérience en tant que rapporteur général. J’avais certes observé mes prédécesseurs Yves Daudigny et Alain Vasselle, mais il m’a fallu prendre mes marques, non sans quelque inquiétude. En effet, nous avons dû accoucher d’un texte dans des délais relativement brefs, alors que nous sommes dans l’opposition. Il s’agissait d’une opération délicate.
Sans adhérer à tous les choix du Gouvernement, nous voulions, dans un climat courtois et serein, tenter d’apporter une réponse aux préoccupations des Français quant à l’avenir de leur sécurité sociale.
Je crois pouvoir dire que nous n’avons pas défiguré le texte. Nous n’avons pas voté de recettes nouvelles – nous étions d’accord sur ce point – et nous avons décidé un effort accru sur les dépenses, en allant plus loin que le Gouvernement, mais toujours dans la direction qu’il a voulu emprunter.
Nous avons ainsi adopté de nombreux articles sans modification – M. le président de la commission en dressera un bilan exact. Certains, il est vrai, ont été supprimés, parfois d’ailleurs avec un avis de sagesse du Gouvernement, et d’autres ont été plus substantiellement modifiés.
Nous avons marqué ce texte de nos principaux choix pour l’avenir de notre système de protection sociale.
Nous avons ainsi maintenu un soutien pour toutes les familles. Nous avons renforcé l’effort sur les dépenses d’assurance maladie, dont le déficit structurellement installé doit faire l’objet d’une action résolue et sans interdits. Nous avons adressé un signal sur les retraites, dont l’avenir n’est, à ce jour, pas assuré.
Notre système de protection sociale est aussi financé par de la dette, dont nous transférons la charge à une génération qui aura déjà souffert de la stagnation économique et du sous-emploi. S’interdire les efforts pour la génération présente conduira forcément à les accroître pour celle de demain.
Notre pays est allé, me semble-t-il, au bout de la logique des recettes. Il doit désormais agir résolument, mais aussi avec discernement, sur les dépenses et redonner ainsi de l’air à une économie en difficulté. C’est dans ce sens que nous souhaitons aller, monsieur Daudigny, n’en doutez pas. Vous nous faites un procès sur nos valeurs. Elles sont démocratiques, humanistes, responsables, et je crois que nous les partageons largement pour l’essentiel !
Pour finir, je salue les différents présidents de séance, qui ont eu la patience de supporter des débats quelquefois longs. Je remercie aussi le Gouvernement, et particulièrement Mme la secrétaire d’État pour son écoute et l’esprit de dialogue courtois qu’elle a su insuffler à nos discussions, même si nous ne sommes pas toujours d’accord. Cela n’a pas toujours été le cas par le passé, je peux en témoigner.
Je remercie également l’ensemble des sénateurs, notamment les membres de la commission des affaires sociales, de leur présence assidue. Je ne sais si M. le président a procédé à des pointages (Sourires.), mais je pense que l’on ne peut que se féliciter de leur participation constructive – parfois un peu moins… –, toujours dans un esprit de concertation, voire de conciliation.
Je remercie, enfin, le président de la commission pour son animation consensuelle et sa présence attentive à la bonne réalisation de nos travaux.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je veux, moi aussi, au nom de la commission, remercier les différents présidents de séance de nous avoir permis de mener à bien nos travaux.
Je salue également tous les ministres qui sont venus, ainsi que leurs collaborateurs. Leur présence constante et les réponses qu’ils nous ont apportées nous ont permis d’avancer et d’aboutir au texte que nous avons souhaité.
Je rappelle que la nouvelle équipe qui dirige le Sénat s’est mise en place entre le 1er et le 15 octobre. La commission des affaires sociales et la commission des finances n’ont donc disposé que de quatre semaines pour rédiger les différents rapports à votre disposition et présenter leurs travaux.
Tout cela n’a pu être réalisé que grâce à la qualité des sénateurs, dans leur ensemble, de la commission des affaires sociales, ainsi que de celle des rapporteurs et de nos collaborateurs.
Monsieur Daudigny, je voudrais revenir sur vos propos, qui m’ont profondément interpellé. Vous avez évoqué Alain Vasselle et certaines de ses propositions, notamment celles relatives à la CRDS. J’ai été de ceux qui soutenaient, dans la majorité, ses propositions. Je pensais qu’elles étaient de nature à sauver la sécurité sociale. À l’époque, l’opposition ne le soutenait pas beaucoup. C’est dommage, car nous aurions pu faire adopter quelques-unes de ses préconisations. Il est facile, aujourd’hui, de lui reprocher de n’avoir pas réussi à faire passer ses rapports !
Vous avez aussi parlé de certains PLFSS pour dire que nous n’avions pas réussi à mettre en place tout ce que nous avions présenté dans le cadre de programmes présidentiels ni à sauver la sécurité sociale. C’est vrai, mais depuis que vous êtes au pouvoir, vous non plus ! On peut même dire que le résultat actuel est encore pire qu’il y a trois ans, alors que le résultat d’il y a trois ans était lui-même pire qu’il y a cinq ans !
Nous nous rendons compte aujourd’hui que la France a besoin d’être réformée en profondeur. Les Français sont quasiment d’accord avec certaines des propositions qui ont pu vous sembler assez révolutionnaires, voire réactionnaires.
Si nous n’avons pas le courage de mener ces réformes, à l’image du texte que nous allons adopter ce soir, ce n’est pas vous qui serez aux commandes en 2017. Et cela, je ne le veux pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 28 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je remercie l’ensemble des sénateurs qui ont participé à ce débat, particulièrement le président de la commission des affaires sociales, le rapporteur général et les rapporteurs qui se sont succédé à leurs côtés.
Le texte adopté ce soir au Sénat n’est conforme ni à l’esprit ni à la lettre de celui élaboré par le Gouvernement et voté par l’Assemblée nationale. Vous ne serez donc pas étonnés d’apprendre que le Gouvernement cherchera, à l’Assemblée nationale, à revenir à son texte initial. (Sourires.)
Néanmoins, je salue l’excellente qualité et le bon climat de nos débats. Je sais d’expérience que cette maison peut être un lieu d’échanges extrêmement courtois, où personne ne renonce à ses convictions. Bonne fin de nuit à tous.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 novembre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe)
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
2. Débat sur le thème « Ruralité et hyper-ruralité : restaurer l’égalité républicaine ».
3. Proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable (n° 779, 2013 2014) ;
Rapport de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 92, 2014 2015) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 93, 2014 2015).
De dix-huit heures trente à dix-neuf heures trente et de vingt et une heures trente à zéro heure trente :
4. Proposition de loi tendant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants (n° 622, 2013 2014) ;
Rapport de Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 86, 2014 2015) ;
Texte de la commission (n° 87, 2014 2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 15 novembre 2014, à deux heures trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART