Sommaire
Présidence de Mme Christiane Demontès
Secrétaires :
M. Jacques Gillot, Mme Odette Herviaux.
2. Conditions de la vente à distance des livres. – Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : Mmes Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication ; Bariza Khiari, rapporteur de la commission de la culture.
M. Jean-Jacques Pignard, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Corinne Bouchoux, M. François Fortassin, Mme Colette Mélot, M. Vincent Eblé.
Clôture de la discussion générale.
Mme Nathalie Goulet.
Adoption de l’article entraînant l’adoption définitive de la proposition de loi.
Mmes la rapporteur, Aurélie Filippetti, ministre.
3. Exposition aux ondes électromagnétiques. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mmes Colette Mélot, la présidente.
Discussion des articles (suite)
Amendement n° 7 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 52 du Gouvernement. – M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.
MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; André Vallini, secrétaire d'État ; Mme Mireille Schurch. – Rejet de l’amendement n° 7.
M. le rapporteur. – Adoption de l’amendement n° 52.
Amendement n° 57 du Gouvernement. – MM. André Vallini, secrétaire d'État ; le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 58 du Gouvernement. – MM. André Vallini, secrétaire d'État ; le rapporteur, Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendement n° 32 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 33 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 11 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Mme Chantal Jouanno, MM. le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 59 du Gouvernement. – MM. André Vallini, secrétaire d'État, le rapporteur. – Adoption.
Amendement n° 34 rectifié de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 35 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 14 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Mme Chantal Jouanno, MM. le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 36 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Amendement n° 37 rectifié de M. Joël Labbé. – M. Joël Labbé.
Amendement n° 13 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Mme Chantal Jouanno.
Amendement n° 9 de Mme Mireille Schurch. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
MM. le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 37 rectifié, les amendements nos 13 rectifié et 9 devenant sans objet.
Mmes Nathalie Goulet, la présidente, M. le rapporteur, Mme Chantal Jouanno.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 12 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Mme Chantal Jouanno, MM. le rapporteur, André Vallini, secrétaire d'État, Mme Nathalie Goulet. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 10 (suppression maintenue)
MM. Joël Labbé, Jacques Gautier, Mme Chantal Jouanno, M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, rapporteur pour avis ; Mmes Leila Aïchi, Nathalie Goulet, M. François Fortassin.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques ; André Vallini, secrétaire d'État.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
4. Questions cribles thématiques
Mme Aline Archimbaud, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ; Mme Leila Aïchi.
MM. Raymond Vall, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
MM. Roger Karoutchi, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
Mme Odette Herviaux, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
Mme Évelyne Didier, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
MM. Alain Fouché, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
Mme Delphine Bataille, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
Mme Hélène Conway-Mouret, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.
MM. Philippe Marini, le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
Mme la présidente.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente.
6. Renforcement de l’efficacité des sanctions pénales. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 8 ter
Amendement n° 44 rectifié de Mme Catherine Tasca. – Mme Catherine Tasca.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Catherine Tasca. – Mme Catherine Tasca.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Alain Gournac, Jean-René Lecerf. – Adoption de l'amendement n° 44 rectifié insérant un article additionnel, l'amendement n° 45 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 14 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-René Lecerf, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 38 de Mme Dominique Gillot. – Mme Dominique Gillot, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Amendement n° 99 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 15 de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Colette Mélot, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 16 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-René Lecerf, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 46 de M. Jean-René Lecerf. – MM. Jean-René Lecerf, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
8. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
9. Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 109 de la commission. – M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 17 de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Colette Mélot, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Amendement n° 100 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Reprise par la commission sous le n° 123 de l’amendement n° 52 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 11 quater (nouveau). – Adoption
Amendement n° 67 de Mme Esther Benbassa. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l’article 12
Amendements nos 40 et 41 de Mme Virginie Klès. – MM. Thani Mohamed Soilihi, le rapporteur, Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux ; Catherine Tasca. – Retrait des deux amendements.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur.
Amendement n° 101 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 39 de Mme Dominique Gillot. – Mme Dominique Gillot, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 68 de Mme Esther Benbassa. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Reprise par la commission sous le n° 124 de l’amendement n° 54 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 87 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. le rapporteur, Jean-René Lecerf. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 18 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-René Lecerf, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Amendement n° 110 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Amendement n° 32 rectifié de M. Vincent Capo-Canellas. – MM. Vincent Capo-Canellas, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Articles 15 bis et 15 ter (supprimés)
Amendement n° 83 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Jean-René Lecerf, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Vincent Capo-Canellas. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 111 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 69 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 16 bis, 16 ter et 17. – Adoption
Article additionnel après l'article 17
Amendement n° 70 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 71 de Mme Esther Benbassa et 84 de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Esther Benbassa, Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendement n° 72 de Mme Esther Benbassa. – Devenu sans objet.
Articles 17 ter et 18 à 18 ter. – Adoption
Amendements identiques nos 19 de M. Jean-Jacques Hyest, 30 rectifié de M. Yves Détraigne et 91 du Gouvernement. – MM. Jean-René Lecerf, Vincent Capo-Canellas, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, MM. le rapporteur, Thani Mohamed Soilihi. – Adoption des trois amendements supprimant l’article.
Amendement n° 85 de Mme Cécile Cukierman. – Devenu sans objet.
Amendement n° 112 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 113 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Amendement n° 90 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, M. le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 20 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Christophe-André Frassa, le rapporteur, Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux, Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 93 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, M. le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Mme la présidente.
Amendement n° 94 rectifié du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.
Amendement n° 73 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa.
M. le rapporteur. – Adoption de l’amendement n° 94 rédigeant l'article, l’amendement n° 73 rectifié devenant sans objet.
Article additionnel après l’article 19 A
Amendement n° 95 rectifié du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, MM. le rapporteur, Vincent Capo-Canellas, Thani Mohamed Soilihi, Jean-René Lecerf. – Rejet.
Amendements identiques nos 21 de M. Jean-Jacques Hyest, 31 rectifié de M. Yves Détraigne et 96 du Gouvernement. – MM. Jean-René Lecerf, Vincent Capo-Canellas, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. le rapporteur, le président de la commission ; Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Philippe Kaltenbach, Yves Détraigne, Mme Virginie Klès. – Rejet des trois amendements.
M. le président de la commission.
Amendement n° 114 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 19 B
Amendement n° 74 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Amendement n° 115 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 19
Amendement n° 86 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Amendement n° 122 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.
Amendement n° 116 de la commission. – M. le rapporteur.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; le rapporteur. – Rejet de l’amendement n° 122 ; adoption de l’amendement n° 116.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 117 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
M. Yves Détraigne, Mme Catherine Tasca, M. Jean-René Lecerf, Mme Cécile Cukierman, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Esther Benbassa, M. le président de la commission.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.
10. Saisine du Conseil constitutionnel
11. Question prioritaire de constitutionnalité
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Christiane Demontès
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jacques Gillot,
Mme Odette Herviaux.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conditions de la vente à distance des livres
Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition (proposition n° 390, texte de la commission n° 638, rapport n° 637).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons ce matin au terme du cheminement d’un texte dont la valeur est primordiale pour le Parlement comme pour le Gouvernement, pour la majorité comme pour l’opposition. Les lois qui encadrent le secteur du livre sont ordinairement le fruit d’un large consensus, pour ne pas dire d’une unanimité au sein des assemblées parlementaires, et cette proposition de loi n’a, pour le moment, pas dérogé à cette règle. C’est là le signe de l’attachement profond de la nation à un sujet – le livre, l’économie du livre – qui participe depuis longtemps à l’idée que la France se fait d’elle-même, de son histoire et de son devenir.
La proposition de loi que nous allons examiner ensemble mobilise les deux leviers par lesquels les pouvoirs publics ont coutume d’agir en direction du secteur du livre : la régulation économique, d’une part, et le droit d’auteur, d’autre part.
En matière de régulation économique, les dispositions que nous examinons viennent compléter la loi du 10 août 1981 afin de restaurer l’équilibre entre les acteurs que cette loi avait pour objectif de consacrer, et ainsi de préserver la diversité éditoriale et toute la chaîne du livre. La loi sur le prix unique du livre de 1981 avait déjà été adaptée au livre numérique en 2011. Nous en complétons ici l’esprit par des dispositifs importants afin de préserver une juste concurrence, notamment dans un univers de vente à distance par internet.
Concernant le droit d’auteur, cette proposition de loi, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Le dispositif est original, mais cela montre bien l’intérêt et l’importance du sujet. Vous allez donc pouvoir habiliter le Gouvernement à tirer par ordonnance les conséquences de l’accord majeur qui a été signé entre le conseil permanent des écrivains et le syndicat national de l’édition le 21 mars 2013. Un an, c’est ainsi le temps qu’il a fallu pour pouvoir faire entrer dans la loi ces dispositions.
Cet accord entre auteurs et éditeurs est essentiel. Fruit de quatre années de discussion entre auteurs et éditeurs, il permet enfin – et cette disposition est très attendue, notamment par les auteurs – d’opérer au sein du code de la propriété intellectuelle une modernisation des dispositions relatives au contrat d’édition qui n’avaient pour l’essentiel pas été revues depuis 1957. Cela permettra donc aux acteurs du secteur du livre d’aborder ensemble, plus sereinement et avec un grand souci de protéger les auteurs, la diffusion numérique des livres.
Ce texte rendra les obligations des éditeurs, notamment au regard des contrats d’édition, plus conformes à la réalité technique et économique du XXIe siècle. Il permettra aux auteurs d’aborder avec confiance la cession de leurs droits en sachant que leurs éditeurs, de leur côté, s’engageront, au travers de ces contrats, à adopter les meilleures pratiques.
L’article 1er de la proposition de loi encadre les conditions de vente à distance des livres dans le cadre de la loi de 1981 sur le prix unique du livre. Il a été notifié à la Commission européenne et aux autres États membres de l’Union immédiatement après la première lecture de la proposition de loi ici au Sénat, alors que l’adhésion unanime du Parlement aux principes et à la lettre de ce texte se dessinait. Cette notification était une démarche importante pour la sécurité juridique du texte. Elle était également l’occasion d’engager un dialogue utile avec la Commission, compte tenu du regard toujours extrêmement attentif avec lequel cette dernière a constamment considéré les lois nationales de régulation du prix du livre.
N’en déplaise à certains thuriféraires, chantres d’un libéralisme échevelé, la loi de 1981 n’est pas une loi anticoncurrentielle. Elle permet qu’une juste concurrence s’exerce au sein du secteur du livre, dans un marché évidemment régulé par la loi sur le prix unique, lequel est bien sûr fixé par les éditeurs.
La Commission européenne a pu ainsi faire part de ses observations aux autorités françaises et, conformément à la procédure d’information mise en place par la directive de 1998, les administrations françaises lui ont répondu. Le délai de statu quo, qui a nécessité que nous prenions un peu plus de temps en ce début d’année, a été prévu par la directive de 1998 afin que les États membres préservent un délai raisonnable avant d’adopter définitivement les normes notifiées ; ce délai a expiré le 19 mai dernier, et nous pouvons donc envisager maintenant – vous voyez que c’est très rapidement après l’expiration du délai –, en toute sécurité au regard des procédures d’information de la Commission européenne, l’adoption de la proposition de loi dans des termes conformes au texte issu de sa seconde lecture à l’Assemblée nationale. Ce sera aujourd’hui la position du Gouvernement.
La proposition de loi notifiée complète la loi de 1981 et ne porte aucune discrimination : elle régule les conditions de la vente de livres en cas de livraison à domicile. Vous savez à quel point il est important pour nos libraires indépendants que nous puissions agir ensemble afin de les aider, là encore, à trouver toute leur place dans un marché du livre qui maintenant se développe aussi au travers de la vente à distance.
De la même manière qu’en 1981 il fallait créer les conditions d’une juste concurrence entre acteurs de la vente physique, il faut aujourd’hui s’assurer des conditions d’une juste concurrence, d’une part entre les différents acteurs de la vente à distance, d’autre part, entre acteurs de la vente à distance et acteurs de la vente physique. Nous avons besoin de nos libraires ; nous partageons tous l’objectif de préserver le tissu de librairies indépendantes sur la totalité du territoire national, et je suis heureuse de cette unanimité.
Dans le cadre de nos échanges avec la Commission européenne, nous avons clarifié la logique même de la proposition de loi : nous en avions parlé ici même, lors du vote de l’amendement de Mme la rapporteur en première lecture, la livraison gratuite au domicile du lecteur constitue un avantage économique perçu comme tel par l’acheteur. De ce fait, cette pratique porte atteinte aux équilibres et à l’esprit de la loi de 1981. Il était donc important de lui associer un coût, fut-il minime ou symbolique.
Enfin, les autorités françaises ont eu l’occasion d’expliquer pourquoi il n’était pas pertinent de s’acheminer vers une obligation de facturation des frais de livraison à prix coûtant. En effet, cela aurait évidemment favorisé les gros acteurs ayant la possibilité de négocier des tarifs très bas avec ceux qui assurent la livraison. Nous avons donc défendu le fait que la rédaction actuelle était la voie la plus adaptée à l’objectif de diversité éditoriale.
Dès l’adoption de cette proposition de loi, si elle a lieu aujourd’hui comme nous l’espérons tous, je souhaite poursuivre le dialogue avec les commissaires européens les plus attentifs à ce texte afin, là encore, de continuer à renforcer les échanges entrepris à l’occasion de la notification.
Plus largement, vous savez aussi à quel point j’attache du prix au projet de l’Union européenne d’une politique culturelle. Nous sommes aujourd’hui face à un enjeu majeur, à savoir l’adaptation des outils de la politique culturelle et de l’exception culturelle à l’ère du numérique. C’était l’enjeu du forum de Chaillot qui s’est tenu au début du mois d’avril et auquel j’avais invité, outre les parlementaires, mes homologues de l’Union européenne ainsi que de nombreux artistes.
À cette occasion, nous avons proposé à la future Commission les éléments d’une stratégie commune en matière culturelle. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai entamé avec mon homologue allemande, la ministre de la culture Monika Grütters, un travail que je pense tout à fait déterminant pour la prise en compte à l’échelon européen de nos objectifs en matière de politique du livre. Nous avons avec l’Allemagne une très grande proximité de vues concernant une stratégie conjointe pour protéger, encourager, promouvoir le livre et la lecture à l’échelle européenne, et ce aussi bien sur support physique que sur support numérique. Nous avons aussi conscience des enjeux qui se posent à nous et des dangers et des menaces qui pèsent sur la filière du livre dans nos deux pays. Notre détermination est donc totale – et cette proposition de loi en est l’un des exemples – pour continuer à adapter et moderniser les outils de l’exception culturelle à l’ère du numérique.
Je veux enfin remercier le Parlement pour la patience dont il a fait preuve lorsqu’il s’est agi de différer l’adoption de cette proposition de loi, alors même que l’accord entre les deux assemblées parlementaires sur ses termes avait été obtenu. Sachez que ce délai, qui était obligatoire, aura été profitable puisqu’il permet de conforter notre démarche.
Dans le même temps, auteurs et éditeurs attendent de leur côté que les termes de leur accord soient transcrits dans le code de la propriété intellectuelle. Grâce au vote conforme qui, je l’espère, va intervenir aujourd’hui, nous pourrons leur garantir un aboutissement dans des délais extrêmement rapprochés – en septembre ou en octobre – de l’ensemble de la transposition du contrat qu’ils ont signé.
Pour ces raisons, madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que le vote d’aujourd’hui nous permette collectivement d’aboutir à ce résultat. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Bariza Khiari, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la ministre, devant l’Assemblée nationale, le 20 février dernier, vous avez qualifié la présente proposition de loi, d’ « essentielle et moderne », rappelant l’importance de cette dernière pour la vitalité de la filière du livre comme le consensus des auteurs, éditeurs et libraires en faveur d’un dispositif qui les aidera à faire face aux enjeux de la transition numérique de l’économie du livre. À cette occasion, vous avez salué l’équilibre trouvé entre la majorité et l’opposition parlementaires à chaque étape de la discussion. Je souhaite que cette nouvelle lecture au Sénat n’y fasse pas exception.
Les étapes, en effet, furent nombreuses avant ce jour, chaque assemblée apportant son expertise et sa conviction dans l’élaboration d’une mesure d’apparence modeste et pourtant fort technique.
Pour mémoire, l’article 1er de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre dispose que tout éditeur doit fixer, pour chaque ouvrage, un prix de vente au public qui doit être respecté par l’ensemble des détaillants. Toutefois, le commerçant est libre d’appliquer une remise maximale de 5 %.
La législation est en revanche moins précise s’agissant de la facturation des frais de livraison, et ce flou laisse libre cours à la systématisation, par certaines plateformes de commerce électronique, du double avantage offert au client, qui bénéficie de la remise légale de 5 % et de la gratuité de la livraison.
Un tel niveau de concurrence commerciale freine, pour les librairies, toute velléité de développement d’une activité en ligne économiquement viable. Pis, il contribue à l’érosion du commerce physique de livres, désormais plus coûteux et d’accès moins aisé qu’un site de e-commerce délivrant rapidement et gratuitement toute commande à domicile.
Afin de rétablir autant que faire se peut des conditions de concurrence plus équitables entre les acteurs du marché du livre, nos collègues députés auteurs de la présente proposition de loi ont conçu un dispositif prévoyant que seul le rabais de 5 % soit autorisé dans le cadre de la vente en ligne, à l’exclusion de la gratuité des frais de port, et mettant ainsi sur un pied d’égalité commerce physique et e-commerce.
Au cours de sa séance publique du 3 octobre dernier, l’Assemblée nationale a, sur l’initiative du Gouvernement, intégralement renversé la mesure.
Dans ce dispositif, les livres commandés en ligne, dès lors qu’ils n’étaient pas retirés dans un commerce de vente au détail, ne pouvaient bénéficier de la ristourne légale. Les libraires se voyaient donc offrir la possibilité de proposer des livres moins chers en vente physique, en application du rabais autorisé de 5 %. Par ailleurs, s’agissant du seul e-commerce, la concurrence entre sites ne pouvait plus porter que sur les frais de livraison, évitant ainsi une atrophie des marges par l’application quasi systématique de la ristourne de 5 %.
En revanche, dans cette version de la proposition de loi, il était question non plus d’interdire la gratuité des frais de port, mais d’offrir la possibilité aux plateformes de vente en ligne d’appliquer sur ces frais, dont elles fixent elles-mêmes le tarif, une réduction équivalant à 5 % du prix du livre acquis dans le cadre de la transaction.
Sur la base de ce texte, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, notre commission de la culture a, le 18 décembre 2013, apporté une contribution décisive à la mesure proposée, en réintégrant la facturation des frais de port. À défaut, les plateformes de e-commerce les plus puissantes auraient pu continuer à offrir un service de livraison gratuit, asphyxiant une concurrence qui ne peut appliquer de tels avantages.
Nous avons donc interdit la gratuité des frais de port dès lors que la commande n’était pas livrée en magasin, puisqu’il nous était juridiquement impossible de fixer unilatéralement et autoritairement un niveau plancher de frais de port ou d’établir ces frais à leur coût de revient.
J’avais alors fait valoir que l’interdiction de la gratuité de la livraison aurait sur le consommateur un effet psychologique dont il convenait de ne pas méconnaître les conséquences positives, si modiques soient-elles, sur le rééquilibrage de l’environnement concurrentiel du marché du livre en ligne. Je crois toujours fermement à cet argument.
Au cours de sa séance publique du 8 janvier dernier, le Sénat a adopté à l’unanimité cette nouvelle version de la proposition de loi, en ajoutant un double complément.
Sur l’initiative de notre collègue Jacques Legendre, un délai de trois mois a été fixé entre la promulgation du texte et l’application effective de la mesure, afin de laisser aux opérateurs le temps nécessaire pour procéder aux adaptations logicielles induites par la nouvelle législation.
Sur l’initiative du Gouvernement, ce dernier a été habilité à légiférer par voie d’ordonnance afin d’intégrer, dans le code de la propriété intellectuelle, les dispositions du contrat d’édition telles que prévues par l’accord signé en mars 2013 entre auteurs et éditeurs – vous l’avez indiqué, madame la ministre.
Pour mémoire, ce nouveau contrat modifie celui qui est en vigueur depuis 1957 en édictant de nouvelles règles dans trois domaines.
Les premières sont applicables à l’ensemble des contrats d’édition, qui doivent désormais couvrir aussi l’édition numérique des ouvrages. Est également précisée l’obligation de reddition de comptes qui pèse sur l’éditeur, comme la possibilité pour les parties de mettre fin au contrat pour défaut d’activité économique.
D’autres règles concernent l’exploitation imprimée et traitent de l’exploitation permanente, de la diffusion commerciale et des procédures de résiliation.
Enfin, de nouvelles règles ont été fixées pour l’exploitation numérique, notamment pour ce qui concerne les modalités de rémunération des auteurs.
Souvenez-vous, madame la ministre, le choix de légiférer par ordonnance était loin de recueillir notre approbation. Toutefois, l’urgence à mettre en œuvre rapidement le nouveau contrat d’édition, à la demande, notamment, des auteurs les plus précaires, et l’absence d’un véhicule législatif adapté dans des délais raisonnables ont conduit les différents groupes parlementaires à voter en faveur de la proposition de loi ainsi modifiée.
C’est alors qu’est apparue, dans un calendrier quelque peu précipité, la nécessité de transmettre le texte à la Commission européenne, dans le cadre de la procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information.
Il a été procédé à cette notification quelques jours après l’adoption du texte par la Haute Assemblée. Courait dès lors un délai de trois mois avant l’adoption définitive de la proposition de loi, ce délai pouvant être prolongé jusqu’à trois mois supplémentaires si était émis, au terme du premier délai, un avis circonstancié par la Commission ou un État membre. Le non-respect de ce délai de statu quo aurait entraîné, en application de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, l’inapplicabilité de la mesure.
En conséquence, et dès lors que l’Assemblée nationale ne renonçait pas à décaler la date d’examen de la proposition de loi en seconde lecture prévue le 20 février dernier, il n’était pas possible d’aboutir à un vote conforme de la version transmise par le Sénat, malgré la position prise en ce sens par sa commission des affaires culturelles.
Pour sortir de cette ornière, madame la ministre, vous avez soumis aux députés un amendement de suppression du délai de trois mois introduit au Sénat sur l’initiative de notre collègue Jacques Legendre. Cette suppression, outre qu’elle ne dénature en rien le dispositif, tient compte du fait que les procédures européennes imposent d’ores et déjà un tel délai avant que le texte ne soit définitivement adopté, délai que les opérateurs sont invités à utiliser pour réaliser les adaptations techniques nécessaires.
Surtout, cet amendement de suppression, voté par l’Assemblée nationale, présentait l’avantage de maintenir le texte en navette, conformément aux exigences de la procédure engagée auprès de la Commission européenne. C’est de ce texte ainsi modifié que nous sommes aujourd’hui saisis.
Dans le cadre de la procédure de notification européenne, deux avis circonstanciés relatifs à la présente proposition de loi ont été transmis à la France, entraînant immédiatement la prolongation du délai légal de statu quo jusqu’au 19 mai.
Le premier avis émane de la Commission européenne et porte sur quatre points.
La Commission estime tout d’abord que le dispositif prévu pourrait restreindre la liberté de fournir des services pour les détaillants de livres en ligne établis dans d’autres États membres. Elle émet également des doutes quant à la pertinence des mesures envisagées au regard de l’objectif visé. Elle s’interroge, en outre, sur les risques que pourraient faire porter les contraintes appliquées aux détaillants en ligne sur les libraires qui souhaiteraient se positionner sur le marché du livre en ligne sans disposer de l’assise économique des plateformes existantes. Enfin, elle reproche aux autorités françaises de ne pas lui avoir fourni suffisamment d’éléments pour juger de la proportionnalité du dispositif.
Le second avis circonstancié provient de l’Autriche. Selon ce pays, il découlerait de la mesure française, pour les bibliothèques scientifiques qui commandent des monographies en nombre, un enchérissement notoire des commandes de livres, qui les pénaliserait sensiblement.
Parallèlement, se sont ouvertes, entre la Commission européenne et le Secrétariat général des affaires européennes, de délicates négociations en vue d’adapter la mesure aux remarques émises. Il en ressort que, si les autorités européennes semblent prêtes à se laisser convaincre par le dispositif prévu par cette proposition de loi, cette acceptation ne pourra se faire qu’au prix d’une renonciation préalable de la France à la mesure consistant à interdire la gratuité des frais de port, que la Commission estime semble-t-il disproportionnée. À défaut, la France se trouverait sous la menace d’un contentieux et, partant, d’une condamnation.
Mes chers collègues, je l’ai réaffirmé devant la commission lors de l’examen du texte la semaine passée et je vous le redis ce matin : en tant que rapporteur, je ne puis souscrire à un tel chantage. Les libraires, malmenés par la crise économique et la concurrence déloyale des plateformes de vente en ligne, attendent le vote de ce texte depuis de nombreux mois. Nous ne pouvons les décevoir en abandonnant un élément majeur du dispositif que nous avons voté, le 8 janvier dernier, dans une belle unanimité.
Ce texte constitue en effet un élément fort du soutien public aux libraires, dont vous n’ignorez rien des difficultés, mes chers collègues. Le marché du livre, après avoir résisté à la crise longtemps et mieux que d’autres industries culturelles, subit désormais une baisse de ses ventes, aggravée par la concurrence déloyale que représente le véritable dumping auquel se livrent quelques grandes enseignes – pour ne pas dire une société ultra-dominante – de commerce électronique de livres.
Cette situation, comme le fait que la proposition de loi qui nous est soumise ce matin représente le fruit d’une construction partagée des deux chambres, majorité et opposition confondues – je vous rappelle que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la version sénatoriale du dispositif –, a conduit la commission de la culture à se prononcer en faveur d’un vote conforme.
La commission fut également sensible au fait que les textes que nous avons adoptés en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le livre et, récemment, sur la presse en ligne allaient aussi à l’encontre des incantations de la Commission sans que la France ait été, à ce jour, condamnée.
Enfin, comment les autorités européennes pourraient-elles justifier un contentieux contre le dispositif français, qui protège les libraires sans excès manifeste contre les détaillants en ligne, alors qu’elles demeurent impuissantes face aux stratégies d’optimisation fiscale développées par les GAFA, c'est-à-dire Google, Amazon, Facebook et Apple ?
Au-delà de la question fiscale, le résultat des dernières élections européennes, dans notre pays comme ailleurs, plaide pour une plus grande fermeté des politiques nationales à l’encontre d’une vision par trop libérale des règles de concurrence défendue par la Commission européenne, au détriment trop souvent de nos industries culturelles.
Mes chers collègues, la commission de la culture s’est unanimement prononcée en faveur de ce texte, dans sa version transmise par l’Assemblée nationale. Je vous propose donc de confirmer cette position en adoptant la présente proposition de loi sans modification. Ainsi, nous parviendrons au terme d’un marathon législatif riche en péripéties.
Durant ces six mois, parallèlement à la présente initiative parlementaire, la politique du livre a été consolidée. La création d’un médiateur du livre, autorité indépendante chargée de concilier les litiges relatifs au prix du livre papier et numérique, répond à une attente forte des acteurs du secteur. En outre, plusieurs collectivités territoriales, soucieuses de conserver leurs librairies, ont pris des initiatives afin de soutenir ces dernières. À cet égard, et en tant que sénatrice de Paris, je salue les dispositions adoptées par le Conseil de Paris le 17 juin dernier, visant à faciliter l’accès, pour les libraires indépendants, aux appels d’offre de la ville relatifs aux manuels scolaires et aux livres pour la jeunesse.
Pour conclure, je me dois de rappeler à ceux qui se méprendraient sur le sens de notre initiative que la politique du prix du livre, dans sa genèse, son histoire et sa dynamique, était mue non par l’unique souci de satisfaire les libraires, mais par la volonté de consolider l’ensemble du marché du livre. Dans ce domaine, la concurrence par le prix aboutirait en effet, en peu de temps, à un appauvrissement de l’offre, qui ne serait rien d’autre qu’un appauvrissement de la pensée. Quand il s’agit de culture, la concurrence par le prix constitue une « vraie mauvaise idée ».
La proposition de loi s’inscrit dans cette conviction et a pour objet d’élaborer un cadre réglementaire permettant au secteur du livre, qu’il s’agisse des librairies physiques ou des pure players, des grands éditeurs ou des éditeurs plus confidentiels, des jeunes auteurs aux auteurs confirmés, de continuer à nous étonner.
Mes chers collègues, c’est une adoption à l’unanimité d’un texte sans modification que je vous demande, afin de renforcer notre position. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.
M. Jean-Jacques Pignard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme d’un long processus législatif qui, sans surprise, aboutira au vote unanime d’une proposition de loi comportant non plus un mais deux articles.
En commission, certains ont pu s’interroger sur la cohérence de cet ensemble. Pourtant, le livre est un tout – entre celui qui l’écrit, celui qui le produit, celui qui le vend et celui qui le lit –, qui doit s’adapter à une révolution numérique renvoyant dans un passé mythique la plume d’oie, le marbre de l’imprimeur ou l’étal du bouquiniste.
Si l’on joue « petit bras », on dira que, en ajoutant un article 2, le Gouvernement utilisait le seul véhicule législatif qu’il avait à sa disposition pour aller vite.
Mais si on la joue « grand seigneur », on estimera avec Hegel qu’il s’agit d’une « ruse de la raison ».
S’il peut donc sembler rationnel de lier dans cette proposition de loi la librairie en ligne et le contrat d’édition, il faut sans doute aussi s’interroger sur le fait que les réponses apportées sont à première vue contradictoires : l’article 1er tend plutôt à restreindre la vente en ligne au profit de la vente physique, tandis que l’article 2, en adaptant le contrat d’édition à l’ère numérique, vise plutôt à favoriser la dématérialisation des textes, ce qui ne pourrait que diminuer la vente physique des livres.
Mais en réalité – et, madame la ministre, vous l’avez souligné –, au-delà de ces contradictions apparentes, il y a quelque chose de plus unificateur qui guide notre volonté de défendre, à travers cette proposition de loi très technique, une sorte d’exception française respectant le maillage de tous ces libraires physiques sur le territoire – c’est l’article 1er – et la nécessité de défendre sur le plan européen la spécificité de notre culture – c’est l’article 2.
Ne souhaitant pas être redondant, je ne reviendrai pas sur l’article 1er. J’indique juste qu’il aboutit non pas à stigmatiser les uns par rapport aux autres, mais à rétablir des règles de bonne concurrence et, concrètement, à supprimer pour les opérateurs en ligne le droit d’offrir une réduction de 5 % du prix des livres vendus.
Cet aménagement de la loi Lang aura cependant, de l’aveu même de Mme la rapporteur, dont je salue au passage l’excellence du travail, un effet « modique ».
Sera-t-il durable ? La question se pose compte tenu de l’environnement européen dans lequel il s’inscrit.
Comme cela a été rappelé, la Commission a émis de substantiels doutes à l’égard de ce dispositif : il restreindrait la liberté de fournir des services pour les détaillants de livres en ligne d’autres États membres ; il ne permettrait pas de remplir l’objectif poursuivi ; il handicaperait les libraires physiques souhaitant se positionner sur le marché du livre en ligne ; enfin, il serait disproportionné.
Même si Mme la rapporteur et Mme la ministre viennent de tenir des propos plus rassurants, l’hypothèse d’une condamnation de la France existe malgré tout. C’est pourquoi, dans un esprit de fronde bien hexagonale, nous soutiendrons cette proposition de loi en l’état.
En amont de la vente en ligne, il y a bien sûr le contrat d’édition. C’est l’objet de l’article 2, qui habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance le code de la propriété intellectuelle le régissant.
Il s’agit véritablement de faire entrer le contrat d’édition dans l’ère numérique. Pour ce faire, les ordonnances sanctionneront sur le plan législatif l’accord-cadre conclu entre auteurs et éditeurs le 21 mars 2013, après trois ans de négociations.
Sur le fond, le groupe UDI-UC ne peut que soutenir ce dispositif. En effet, ce dernier accueille l’édition numérique dans le cadre légal du contrat d’édition, qui n’en fait pas aujourd’hui mention, sanctionne le principe de l’unicité du contrat d’édition tout en exigeant une partie distincte pour le numérique – c’était une exigence forte des auteurs – et énonce les obligations de l’éditeur en contrepartie de la cession des droits numériques.
Nous soutenons aussi les autres dispositions de l’accord sur l’exploitation imprimée ou mixte qui, là encore, clarifient et renforcent les obligations de l’éditeur vis-à-vis de l’auteur.
Quant à la forme, les ordonnances ne constituent certes pas un sujet qui passionne les parlementaires dans la mesure où elles les privent de leurs droits. Mais nous considérons que l’urgence nécessitait ce processus.
Il faut remettre en perspective ce texte, ce qui contraint à en relativiser l’importance : ce que connaît aujourd’hui le livre, tous les secteurs économiques le vivent également.
Face à la révolution numérique, tout se joue à l’échelon européen.
Ce constat a été très bien fait par notre collègue Catherine Morin-Desailly dans son rapport du 20 mars 2013, intitulé L’Union européenne, colonie du monde numérique ? et rédigé au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.
Par son caractère transversal, le numérique défie la vieille Europe : il renverse les modèles d’affaires, il se joue de l’impôt, il bouscule les règles de droit.
Cet espace transfrontière est dominé par une poignée d’acteurs privés non européens qui deviennent des rivaux des États.
Or, notre pays et l’Europe demeurent sur la défensive en matière numérique.
Aujourd’hui, par le biais de son Agenda numérique, l’Union européenne tente de dégager le surplus de croissance que laisse espérer le numérique pour l’économie européenne.
Mais cette approche par les usages manque d’envergure politique. En effet, qui se soucie de savoir si l’Union européenne sera consommatrice ou productrice sur le marché unique numérique ? Qui s’inquiète de la perte de souveraineté de l’Union européenne sur ses données ? Qui se soucie de préserver la diversité de la culture européenne en ligne ? Bref, nous devons tous prendre en compte cet enjeu de civilisation.
Cette prise de conscience politique s’impose à l’échelon européen, car c’est le seul échelon où l’on peut trouver une masse critique suffisante pour peser dans le cyberespace.
Le Conseil européen d’octobre dernier s’est timidement emparé de cette problématique. Mais sans doute faut-il être plus offensif. Il est temps que l’Union européenne développe une politique de l’industrie et de la recherche adaptée à l’économie des données et de la cyber surveillance, en particulier pour mettre en œuvre des plates-formes adaptées à ses exigences culturelles. Il est temps d’adopter une régulation offensive du numérique, garantissant le respect de nos valeurs. Enfin, il faut qu’au lendemain du NETmundial qui s’est déroulé à São Paulo, l’Europe se préoccupe de la gouvernance mondiale du numérique et prépare l’internet du futur.
Le groupe de l’UDI-UC est à la pointe de ce combat qui concerne en particulier le livre aujourd’hui.
Ainsi, lors de l’examen de la loi du 1er mars 2012 sur la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle, nous avions déposé des amendements visant à aligner la TVA des livres numériques sur celle des livres papier. C’était un geste, mais la décision ne se prenait pas ici.
Madame la ministre, vous savez que ces enjeux européens sont décisifs pour notre culture et pour le livre en particulier. Nous vous soutiendrons toujours lorsque vous ferez entendre cette voix dans l’Union européenne. En tout cas, aujourd’hui, les sénateurs membres du groupe UDI-UC voteront cette proposition de loi en l’état. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi sur le prix unique du livre du 10 août 1981 a permis à notre pays de maintenir un réseau dense de librairies sur tout le territoire et d’assurer la diversité de la création littéraire.
Elle a permis de protéger les librairies indépendantes menacées par la concurrence des grandes surfaces qui vendent des livres à moindre coût.
Reposant sur l’idée juste que la concurrence par les prix déboucherait sur un amoindrissement de l’offre culturelle, cette loi a créé le principe d’un prix unique fixé par l’éditeur s’imposant à tous les détaillants.
Le maximum de rabais autorisé sur les livres est ainsi fixé à 5 % du prix déterminé par l’éditeur.
Cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par le Sénat et l’Assemblée nationale, tend à préserver la loi sur le prix unique du livre en l’adaptant à la vente de livres en ligne qui se développe très rapidement.
Or, le prix unique du livre est aujourd’hui contourné et remis en cause par les pratiques commerciales des grandes multinationales d’e-commerce, pratiques qui relèvent d’une concurrence déloyale. Ces grands groupes, dont le plus emblématique est Amazon, offrent en effet les frais de port et accordent en plus 5 % de réduction sur le prix des livres, relançant ainsi une concurrence par les prix.
Cette proposition de loi interdit donc l’application de la remise commerciale de 5 % pour les livres commandés en ligne et livrés à domicile, ainsi que la gratuité des frais de port. Nous l’avons soutenue d’emblée et nous allons continuer à le faire avec vous, car c’est la préservation de l’exception et de la diversité culturelles qui est en jeu.
Ce texte vise à protéger la culture, à limiter les effets pervers provoqués par les pratiques de vente en ligne de livres ; ce faisant, il contribuera à la pérennité du réseau de librairies indépendantes sur notre territoire, déjà tellement fragilisé, et par là même à la diversité éditoriale.
S’agissant de l’amendement présenté par le Gouvernement en première lecture, qui autorise à modifier par ordonnance des dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, telles que prévues par l’accord-cadre sur le contrat d’édition du 21 mars 2013, je ne peux que souligner à nouveau, comme nous l’avons fait en première lecture, notre désaccord avec cette manière de procéder. La voie de l’ordonnance est une procédure qui tend à déposséder le Parlement de ses droits et amoindrit donc la démocratie.
Pour autant, nous voterons cette proposition de loi.
Enfin, nous saluons l’attitude de fermeté de Mme la rapporteur et de la commission des affaires culturelles qui, par une position unanime, a refusé de céder aux menaces de la Commission européenne. Cette dernière, estimant que l’interdiction de la gratuité des frais de port portée par cette proposition de loi « serait disproportionnée », menace la France de contentieux avec un risque de condamnation.
Ne nous laissons pas impressionner ! Félicitons-nous, au contraire, que la France soit porteuse d’une décision courageuse et agisse au niveau européen pour maintenir et pour défendre le principe d’exception culturelle. Elle l’a déjà fait sur la TVA sur le livre et la presse en ligne, malgré les oppositions de Bruxelles, ce qui a permis a posteriori de faire évoluer l’attitude de la Commission, aucune condamnation n’ayant été prise.
En parlant de l’Europe et du livre, je voudrais conclure mon intervention en rappelant la nécessité d’une grande réforme fiscale, car les entreprises dont nous parlons, les pure-players établies dans des paradis fiscaux, ne s’acquittent pas du paiement de la TVA et ne sont pas soumises aux mêmes taux d’imposition sur les bénéfices qu’en France !
Selon la Fédération française des télécommunications, Google, Amazon, Facebook et Apple dégageraient de 2,2 à 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, mais ne verseraient chacune en moyenne que 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés.
Il est donc urgent d’avancer sur ces questions. J’appelle le Gouvernement à œuvrer pour que l’Europe se saisisse enfin de cette question du dumping social, afin que ces entreprises ne puissent plus poursuivre leur stratégie d’accroissement des profits au mépris du droit, de la fiscalité, et bien sûr de la culture.
Enfin, puisque c’est sans doute la dernière fois avant les prochaines élections sénatoriales que la commission des affaires culturelles a à intervenir en séance publique, je tiens à adresser tous mes remerciements à Mme la présidente de la commission pour la manière dont elle a conduit nos travaux et à l’assurer de toute mon amitié. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui apparaît un peu comme une exception par rapport à nos pratiques habituelles au sein de la Haute Assemblée.
En effet, à partir d’une proposition de loi du groupe UMP, nous avons noué un dialogue fructueux et riche avec l’exécutif, aidés en cela par la contribution extrêmement habile de Mme la rapporteur. Finalement, nous avons réussi à montrer que, lorsque les intérêts de tous tendent vers l’intérêt général, nous pouvons avancer sur des questions aussi importantes que celles de la culture et de la place des libraires et des librairies.
La question qui nous était posée à travers cette proposition de loi était simple : voulons-nous la fin des véritables librairies peuplées d’êtres humains ou voulons-nous vivre uniquement dans le modèle économique virtuel qui se développe actuellement, étant entendu que l’entreprise à l’origine de ce modèle ne vise pas uniquement le produit livre ? Ce dernier est en fait un produit d’appel pour une nouvelle économie dans laquelle les contenants et les modes d’acheminement ont en réalité, hélas ! beaucoup plus de place que le contenu lui-même, à savoir l’objet livre.
Compte tenu des enjeux qui ont été fort pertinemment décrits, nous soutenons évidemment cette proposition de loi que nous voterons avec enthousiasme, même si nous devons ajouter que, selon nous, les libraires doivent encore travailler – ils le savent d’ailleurs – à inventer l’évolution de leur métier.
Ils doivent aussi veiller à se montrer réactifs à l’égard du mode d’achat en ligne, qui n’est ni une mode ni une lubie : c’est une évolution très profonde des pratiques. À cet égard, si la profession des libraires n’organise pas une riposte extrêmement structurée, inventive et résolue, notre proposition de loi, aussi pertinente soit-elle, ne sera qu’un cautère sur une jambe de bois.
S’agissant de la question des droits sur le numérique, nous ne sommes évidemment pas enthousiastes à l’idée que l’on nous retire notre pouvoir de voter les lois ; mais, en l’espèce, la méthode du recours à l’ordonnance nous a semblé une bonne solution pour résoudre un vrai problème qui demeure en suspens.
Finalement, même si nous entendons les alertes qu’a suscitées ce texte sur le plan européen, nous devons rappeler qu’il est ici question de culture. Par conséquent, ne raisonner qu’en termes de business, de profits, de marchés, victorieux ou non, n’est pas pertinent – quand bien même l’Europe était, à l’origine, un grand marché !
On pourrait même aller plus loin : les libraires allemands ayant l’impression que le modèle de l’entreprise qui nous préoccupe est éminemment cannibale et anticoncurrentiel, ce sont peut-être ceux qui critiquent aujourd'hui cette proposition de loi qui, par une ironie de l’histoire, invoqueront demain le principe du respect de la concurrence, pour se rallier à notre point de vue !
Comme on ne peut pas parler de vraies libraires et de vraies librairies sans parler de vrais livres, je me permets, pour terminer, de vous recommander à tous un ouvrage vendu par le service public via la Documentation française et intitulé Vers la fin des librairies ? Son auteur, Vincent Chabault, est sociologue et a le mérite de traiter ce sujet de façon extrêmement claire et pédagogique. Son travail académique montre bien que le dispositif de la présente proposition de loi, à défaut de constituer une solution durable au problème des libraires, apporte une solution nécessaire à court terme, le temps de réinventer un nouveau modèle.
Je veux enfin dire un mot de la méthode : peut-être la solution du problème de l’intermittence ne serait-elle pas aussi périlleuse aujourd'hui si nous avions pu procéder, sur cette question, avec le même sens du consensus (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) et la même habileté dans les discussions avec les partenaires que ce qui a prévalu pour les libraires. En tout état de cause, madame la ministre, je veux vous assurer de toute notre confiance et de tout notre soutien sur le dossier difficile des intermittents, dont nous aimerions qu’il trouve une fin aussi satisfaisante que celui des librairies ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est des sujets autour desquels l’ensemble des forces politiques et des sensibilités savent se rassembler, et c’est très heureux. C’est souvent le cas de la culture, et c’est plus particulièrement le cas aujourd’hui de l’avenir du secteur du livre et des librairies, sur lequel cette proposition de loi nous invite à nous pencher.
S’il faut, pour défendre ce secteur, tenir tête à la Commission européenne, qui voudrait uniformiser notre façon de voir le monde, nous le ferons avec unité et conviction. La culture a de tout temps occupé une place privilégiée dans notre pays et dans nos politiques publiques, à juste titre.
L’harmonisation européenne, si elle est souhaitable dans de nombreux domaines, ne peut en aucun cas se faire « par le bas ». Et la préservation de la diversité culturelle, qui est au fondement même de l’Europe, est un combat dans lequel la France, fort heureusement, n’a jamais faibli. Dans ce combat, nous avons des alliés, comme l’Allemagne, qui a récemment soutenu notre position sur le taux de TVA réduit sur le livre numérique. Nous avons également réussi, avec nos partenaires, à imposer l’exception culturelle dans les négociations entre l’Union européenne et les États-Unis sur l’accord de libre-échange. Mais il est sans cesse nécessaire de rappeler, haut et fort, l’importance de ces principes à Bruxelles.
Aujourd’hui, nous cherchons une réponse à des pratiques proches de la concurrence déloyale et relevant, en tout état de cause, d’un contournement de notre droit, notamment de l’esprit de la loi de 1981 sur le prix unique du livre. Ces pratiques sont mises en œuvre par certains acteurs de la vente en ligne, qui fragilisent la situation déjà très délicate de nombre de nos librairies indépendantes.
La proposition de loi, que nous examinons ce matin en deuxième lecture, a été déposée à l’Assemblée nationale par nos collègues du groupe de l’UMP, puis modifiée, sur l’initiative, d’abord, du Gouvernement et, ensuite, de Mme la rapporteur. À chaque fois, elle a été adoptée à l’unanimité.
Mme Nathalie Goulet. Presque !
M. François Fortassin. Je m’en réjouis.
Les modifications qui sont intervenues au cours de son examen visent à préciser, à sécuriser et à compléter l’article 1er. Ainsi, d’un dispositif qui s’attaquait, dès l’origine, à la gratuité des frais de livraison, pratiquée par certains grands acteurs de la vente en ligne de livres, nous sommes passés à un texte supprimant l’avantage consistant à appliquer systématiquement la remise légale de 5 % sur le prix unique du livre. Grâce à Mme la rapporteur, nous examinons aujourd’hui un texte qui interdit aux acteurs de la vente en ligne d’appliquer simultanément ces deux avantages, lesquels, associés à la situation déjà déséquilibrée de ce marché, confèrent une position plus que dominante à un site internet qu’il est inutile de citer, puisque tout le monde le connaît bien…
En effet, si je parle « des » grands acteurs de la vente en ligne de livres, nous savons tous qu’il y en a surtout un, qui détient 70 % des parts de ce marché. Ce grand groupe américain, dont les visées ne sont nullement philanthropiques, a décidé d’utiliser ou plutôt de contourner notre législation pour en tirer un avantage commercial incontestable. Mais faut-il rappeler que ce géant du numérique, comme la plupart des autres groupes de ce secteur, utilise sciemment l’ensemble des règles nationales et internationales, notamment en matière fiscale, à des fins d’optimisation ? « Optimisation », en voilà un beau mot pour désigner une réalité dont la frontière avec la fraude est souvent très poreuse ! Les membres de la commission des finances, dont je fais partie, ont souvent à traiter de ces problèmes. Ce comportement choque, à juste titre. Ne tombons pas pour autant dans un excès de stigmatisation, qui consisterait à voir tous les grands groupes de l’économie numérique comme une menace.
L’un des principaux enjeux de ces prochaines années sera l’adaptation de notre fiscalité au numérique, mais c’est un autre débat.
Le numérique est aussi et avant tout une chance, y compris en matière de démocratisation culturelle. Il permet de démultiplier l’accès à la culture. Pour certains de nos concitoyens, les sites de ventes en ligne de livres sont parfois le seul moyen d’accéder à certains ouvrages. C’est vrai pour les Français de l’étranger – nos collègues qui les représentent l’ont rappelé en première lecture –, comme pour d’autres catégories de la population. Par exemple, pour les populations isolées des zones rurales ou les personnes qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent se déplacer, pouvoir commander sur internet une multitude de références et les recevoir à domicile constitue un véritable progrès.
Pour autant, il est vrai que les grands acteurs du numérique associent souvent des pratiques commerciales agressives et une utilisation contestable de la législation afin de s’arroger, à terme, une position dominante, pour ne pas dire monopolistique, au détriment de tous. C’est dans la lutte contre de telles pratiques que réside tout l’intérêt de cette proposition de loi.
Les membres du groupe du RDSE sont extrêmement attachés à la préservation d’un réseau dense de librairies sur l’ensemble du territoire, qui est l’une des richesses de notre pays. Aujourd’hui, les libraires sont démunis face aux pratiques des acteurs de la vente en ligne, qui peuvent se permettre de vendre des livres à perte en « se rattrapant » sur d’autres secteurs. Ils ne peuvent pas jouer à armes égales avec ces plateformes capables de proposer des millions de références, immédiatement disponibles, et d’offrir une remise systématique de 5 % ainsi que la gratuité des frais de port.
Cette proposition de loi apporte une réponse, certes insuffisante et peut-être incomplète, aux difficultés des librairies indépendantes, mais elle constitue avant tout un signal fort en direction de ces géants du numérique sans foi ni loi pour qu’ils cessent de contourner impunément notre législation dans le seul but de maximiser leurs profits. C’est pourquoi, convaincus que les institutions européennes ne pourront que nous donner raison, l’ensemble des membres de mon groupe la soutiendront sans hésitation. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
À l’instar de Corinne Bouchoux, je veux terminer mon propos en vous recommandant un ouvrage, que je trouve excellent – je reconnais que c’est un peu provocateur de ma part… – : Recouvre-le de lumière, le récit d’un torero ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, issue du groupe UMP de l’Assemblée nationale, vise à compléter la loi du 10 août 1981, qui a permis la mise en place du prix unique du livre et a été adaptée au livre numérique en 2011.
Cette loi a été d’une grande utilité pour assurer la protection de l’industrie du livre, secteur fragile, dont la pérennité dépend du régime concurrentiel qui lui est imposé.
En 1981, le risque provenait des « livres à rotation rapide » ou best-sellers, sur lesquels les grandes surfaces s’autorisaient à pratiquer des rabais substantiels, nuisant ainsi aux « livres à rotation lente », qui avaient besoin de plus de temps pour trouver leur public, ainsi qu’aux librairies, qui ne pouvaient assurer des rabais équivalents. L’intervention du législateur se justifiait donc par une menace lourde pesant sur l’équilibre économique de ce secteur d’activité. L’enjeu était aussi bien économique que culturel, puisque le prix unique permettait de maintenir la diversité et la richesse du paysage littéraire.
Plus de trente ans après l’entrée en vigueur de ces dispositions législatives, l’industrie du livre demeure un secteur fragile, mais le bilan de la loi est tout de même très positif. Le prix unique a permis au réseau des librairies de se maintenir et de se moderniser. Sur environ 25 000 points de vente du livre, on dénombre 3 000 librairies indépendantes. Ce réseau constitue l’essentiel de la création littéraire française et permet aux éditeurs de maintenir des œuvres durant de nombreuses années dans leurs catalogues. Le marché du livre fait ainsi partie des secteurs culturels les plus stables, avec une importante assise éditoriale : environ 600 000 titres sont disponibles, et près de 60 000 titres paraissent chaque année. En réalité, la loi de 1981, qui constituait une dérogation aux règles habituelles de la concurrence, a permis de préserver celle-ci, en garantissant une grande diversité d’acteurs, au niveau tant de l’édition que de la commercialisation.
Néanmoins, si la loi dite « loi Lang » affiche un bilan positif, elle ne pouvait prévoir le développement d’un nouveau mode de commercialisation, avec le développement d’internet et de la vente à distance.
Le développement du numérique représente autant une opportunité qu’un danger pour le secteur du livre. En tant que support de la vente à distance, internet garantit une large distribution du livre. La recherche, l’achat à bas prix et la livraison en peu de jours assurent un soutien précieux à ce secteur. Cependant, la vente en ligne est un marché dominé par un nombre d’acteurs très restreint, dont Amazon est le plus important, puisqu’il en détient 70 % des parts. Cette situation s’explique par les offres très avantageuses proposées par ce site internet, qui cumule la réduction de 5 % sur les ouvrages autorisés par la loi de 1981 avec la possibilité d’une livraison gratuite. Par ailleurs, Amazon a mis en place une stratégie d’optimisation fiscale grâce à une installation au Luxembourg, laquelle lui permet de réduire au maximum l’imposition sur ses bénéfices français.
Les librairies indépendantes françaises, quant à elles, doivent supporter les charges de personnel, les charges de loyer, les charges fiscales et l’augmentation des frais de transport.
L’industrie du livre se retrouve donc face aux mêmes risques qu’en 1981 : d’une part, un risque économique, avec la suprématie d’un seul acteur sur le marché ; d’autre part, un risque culturel, avec une production éditoriale qui pourrait dépendre un jour d’un acteur en mesure d’imposer ses conditions.
Il s’agit bien ici d’un enjeu à l’échelle nationale, dans lequel le législateur a un rôle important à jouer. À cet égard, je salue l’unanimité qui nous réunit autour de cette proposition de loi, ainsi que l’ambiance constructive dans laquelle nous avons travaillé, qui a permis d’améliorer le texte.
La proposition de loi rend désormais impossible la gratuité des frais de port : toute commande de livre réalisée en ligne devra obligatoirement faire l’objet d’une facturation du service de livraison à domicile.
Certes, cette interdiction de gratuité de livraison a surtout une portée symbolique. En effet, le but est principalement d’éviter le message de la gratuité dont se prévaut aujourd’hui Amazon, mais le coût de livraison que ce site internet devra mentionner après l’adoption de la loi sera nécessairement très restreint, et le consommateur aura toujours tendance à s’orienter vers la vente en ligne.
Nos librairies auront donc besoin de témoignages de soutien supplémentaires de la part des pouvoirs publics.
Il est notamment regrettable qu’à l’échelon européen aucune stratégie n’ait pu être adoptée face à la politique d’optimisation fiscale d’Amazon et d’autres plateformes... Cette situation doit nous conforter dans l’esprit de résistance que notre rapporteur, dont je tiens à saluer l’engagement sur ce texte, a évoqué.
Le problème de la position de la Commission européenne est nouveau. Nous ne l’avions pas soulevé en première lecture, car le Gouvernement avait omis de nous informer de l’obligation de soumettre le texte à l’avis de cette instance, comme toute réglementation technique relative aux services de la société de l’information.
C’est d’ailleurs parce qu’il ignorait cette précision que le Sénat a adopté l’un de nos amendements, présenté par Jacques Legendre, qui fixait un délai de trois mois pour l’application de la proposition de loi. Ce délai est devenu inutile du fait de la procédure engagée devant la Commission européenne.
La réponse de la Commission européenne à la notification montre malheureusement sa défiance envers le dispositif que nous nous apprêtons à voter. En effet, elle exige maintenant une renégociation préalable à l’adoption du texte, car elle estime que la mise en place de notre dispositif serait disproportionnée au regard de l’objectif visé et risquerait de restreindre la liberté des détaillants de livres de fournir à leur tour des services en ligne.
Sur la forme, il est certainement regrettable que le Gouvernement ait tant tardé à s’enquérir de l’avis de la Commission européenne. Respecter les préconisations de cette dernière nous obligerait à faire courir de nouveaux délais.
Sur le fond, ces préconisations vont à l’encontre des intérêts que nous défendons, puisque le respect de la procédure souhaitée par la Commission européenne entraînerait un retard dans l’application d’une mesure de soutien économique au secteur du livre, voire son annulation... Or cette mesure est sollicitée par nos libraires, qui subissent actuellement une concurrence qu’il faut bien qualifier de déloyale.
Le groupe UMP s’associera donc au message de fermeté de Mme la rapporteur. Je pense que nous ne devons pas passer à côté de l’occasion de rééquilibrer, autant que faire se peut, les rapports entre détaillants de livres et plateformes en ligne.
En l’occurrence, je pense que la France doit jouer à nouveau un rôle moteur pour répondre aux nouveaux enjeux rencontrés par le secteur du livre, comme elle a pu le faire en adoptant en 1981 le prix unique du livre. À sa suite, onze pays de l’Union européenne ont mis en place un système identique.
Si nous regrettons que le Gouvernement ait été conduit à introduire, à l’occasion de l’examen de ce texte, un cavalier sur les contrats d’édition, qu’il complétera par voie d’ordonnance, il faut pourtant admettre que l’urgence nécessitait ce processus.
Cela ne nous détournera pas de l’objectif que le groupe UMP s’est fixé en déposant cette proposition de loi. Nous voterons donc sans aucune hésitation la version modifiée de ce texte, dont nous nous réjouissons qu’il rencontre de nouveau l’unanimité de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Eblé. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Vincent Eblé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, soucieux de permettre aux libraires de faire face à la concurrence des plateformes en ligne et de maintenir un réseau dense et diversifié de librairies de qualité, à l’instar de nos prédécesseurs qui ont voté en 1981 la célèbre loi Lang, nous abordons ce matin la deuxième lecture de la proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition.
En première lecture, j’ai souligné les souffrances du réseau des 3 000 libraires indépendants de notre pays et les difficultés auxquelles ces professionnels sont aujourd’hui confrontés.
Les libraires subissent une concurrence déloyale puisqu’ils payent leurs impôts en France, contrairement à une certaine plateforme logistique de vente de livres en ligne qui n’acquitte pas d’impôts, tout au moins pas à la hauteur de son activité. Cette structure ne paye pas non plus de taxe sur les surfaces commerciales, puisqu’elle n’en est pas une. De fait, elle ne subit pas les contraintes financières liées à l’augmentation des loyers dans les cœurs de ville. Elle bénéficie même de subventions pour s’installer.
Les libraires rencontrent également des difficultés en raison de l’impossibilité pour eux de systématiser la ristourne de 5 %, leur marge n’étant que de 0,6 %. Ils sont confrontés à des problèmes de trésorerie liés à l’exigence de posséder un stock important, donc coûteux, pour répondre à la demande des clients. Enfin, la cession d’un fonds de commerce de librairie n’est pas aisée dans le contexte actuel particulièrement morose.
S'agissant de l’éventualité de développer une activité de vente en ligne, l’échec du site 1001 librairies.com a révélé que seules les grosses librairies avaient à ce jour les moyens d’investir dans ce secteur et que, dans tous les cas, ces ventes n’étaient ni rentables ni vraiment concurrentielles.
En effet, comment lutter face aux géants de l’internet qui proposent à la fois le port gratuit, la ristourne de 5 % et la livraison en quarante-huit heures maximum au domicile du client à partir d’un catalogue immense, alors que, dans le même temps, les libraires peinent à se procurer des ouvrages en trois jours ?
Face à ces constats, nos libraires n’étant pas des champions internationaux de la logistique, notre intervention était devenue nécessaire. Dans un tel contexte, cette proposition de loi ne peut à elle seule constituer une solution, mais elle s’inscrit dans une action plus globale.
Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, agit depuis longtemps déjà sur ce dossier pour apporter des solutions aux libraires et tenter de nouveau de les sauver.
Le Gouvernement agit en mettant en place un contentieux fiscal pour 190 millions d’euros concernant la période 2006-2010.
Le Gouvernement agit en recherchant une imposition juste au regard des règles de la fiscalité nationale, même si l’assujettissement de ces entreprises à l’impôt sur les sociétés se révèle extrêmement complexe, sauf à ce que l’OCDE réforme les normes fiscales.
Le Gouvernement agit en maintenant le taux de TVA réduit à 5,5 %, au lieu de 7 % comme cela a failli être le cas.
À cela, il faut ajouter les diverses aides en faveur de la promotion de la lecture, du soutien à la création littéraire et du maintien sur le territoire national d’un maillage important de librairies.
En particulier, le « plan librairie » que vous avez engagé, madame la ministre, démontre l’intérêt du Gouvernement pour ces commerces. Il a pour objectif de faciliter la transmission des librairies, d’aider celles qui rencontrent des difficultés de trésorerie et, plus généralement, de mieux les soutenir.
Je rappelle également qu’ici même, au Sénat, sur l’initiative du Gouvernement, nous avons récemment prévu un médiateur du livre et des agents du ministère assermentés pour constater les infractions à la législation sur le prix du livre, comme le demandaient d’ailleurs les organisations professionnelles de la librairie.
Le groupe socialiste tient ainsi à vous féliciter, madame la ministre, de l’ensemble de vos actions et à vous encourager tant le travail qui reste à accomplir est important.
Aujourd’hui, nous le savons, notre réseau de librairies est menacé, et par là même plus de 30 000 emplois.
Ce texte se veut une pierre à l’édifice. Il permet désormais, sur l’initiative de parlementaires seine-et-marnais et après amendement du Gouvernement lors de l’examen par l’Assemblée nationale au mois d’octobre dernier, de limiter les avantages offerts aux clients des plateformes de vente de livres en ligne.
Le travail de notre rapporteur a d’ailleurs permis d’affiner le dispositif adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale en première lecture. Comme il était très difficile, voire impossible, d’intervenir sur des dispositions mettant en cause soit le coût réel des frais de port soit l’établissement d’un prix plancher, Bariza Khiari nous a judicieusement proposé d’interdire simplement la livraison gratuite.
Après son adoption en première lecture par notre assemblée, durant la navette parlementaire, est apparue la nécessité de transmettre ce texte à la Commission européenne, conformément à la directive 98/34/CE, qui prévoit une procédure d’information s’agissant des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société d’information.
Les délais imposés par cette directive ont conduit l’Assemblée nationale à supprimer le délai de trois mois pour la mise en œuvre du dispositif que nous avions introduit sur l’initiative de notre collègue Jacques Legendre et, ainsi, à maintenir la navette parlementaire en attendant l’avis de la Commission européenne.
Comme l’a évoqué Mme la rapporteur, la Commission européenne a émis des réserves sur l’opportunité de ce texte, estimant notamment que les autorités françaises ne lui avaient pas fourni suffisamment d’éléments pour juger de la proportionnalité du dispositif. Si les autorités européennes semblent prêtes à se laisser convaincre par le dispositif de la proposition de loi, cette acceptation ne pourrait se faire qu’au prix d’une renonciation préalable de la France à la mesure d’interdiction de la gratuité des frais de port. À défaut, la France se retrouverait sous la menace d’un contentieux et, de fait, d’une condamnation.
Nous saluons la détermination de notre rapporteur à ne pas succomber à ce chantage. Bariza Khiari a proposé aux membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication d’adopter cette proposition de loi dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale sans modification, ce qu’ils ont unanimement approuvé.
En effet, mes collègues du groupe socialiste et moi-même estimons que nous ne pouvons plus accepter de telles injonctions de l’Europe si celle-ci ne nous protège pas par ailleurs. Elle ne peut pas nous interdire de défendre nos librairies et affirmer ne rien pouvoir contre le dumping social auquel se livrent les grands groupes. (Mme Corinne Bouchoux acquiesce.)
M. André Gattolin. Absolument !
M. Vincent Eblé. Si la concurrence déloyale était empêchée par un minimum de règles européennes, nous pourrions nous montrer plus conciliants, mais tel n’est pas le cas aujourd’hui. La prise de conscience progresse, y compris chez nos voisins allemands, où les positions ont évolué sur la question de la gouvernance et de la régulation d’internet.
Le groupe socialiste votera donc ce texte qui permettra de faire évoluer les choses en Europe et nous offrira un peu de répit pour accompagner les libraires dans une réorganisation de leur filière et pour répondre aux exigences de la modernisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Bonne intervention !
M. André Gattolin. Bravo !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition
Article 1er
I. – (Non modifié)
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucun amendement.
Je vais donc mettre aux voix l’article 1er, seul article de la proposition de loi encore en discussion.
Je vous rappelle que le vote sur cet article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
La parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas intervenue dans la discussion générale. Aussi voudrais-je brièvement expliquer les raisons pour lesquelles, comme en première lecture, je m’abstiendrai.
Quand on sait combien de textes restent « en carafe », si vous me permettez l’expression, entre l’Assemblée nationale et le Sénat – un débat sur le bilan annuel de l’application des lois est d'ailleurs organisé la semaine prochaine devant la Haute Assemblée –, je tiens à féliciter le Gouvernement de la rapidité de la navette parlementaire. Un tel délai est remarquable et prouve l’intérêt, bien légitime, de nos deux assemblées pour le sujet.
Cependant, comme je l’ai souligné en première lecture, nous sommes dans la guerre de l’obus et du blindage. Nous n’avons pas encore voté définitivement ce texte qu’Amazon a déjà trouvé une parade, puisque la plateforme de vente en ligne propose, pour 49 euros annuels, un service « premium » couvrant notamment l’ensemble des frais de port…
Je maintiens que, si cette proposition de loi, pavée de bonnes intentions, est importante pour la protection des librairies, elle reste néanmoins un peu cosmétique. Nous avons longuement parlé de fiscalité aujourd’hui, beaucoup plus que lors de la première lecture et à juste titre, car c’est un aspect extrêmement important.
Toutefois, si Amazon livre en vingt-quatre heures, alors que les librairies classiques sont livrées en quarante-huit heures, il faut aussi se demander comment fonctionne le relais entre les éditeurs et les librairies et s’efforcer de résoudre le problème. La question du livre ne doit pas être limitée aux plateformes de vente en ligne et aux libraires. Il faut mettre à contribution l’ensemble des acteurs de la filière, y compris les éditeurs.
Nous avons évoqué la fiscalité, mais je souhaite appeler votre attention sur le traité transatlantique qui est actuellement en discussion. Les produits culturels en sont pour l’instant exclus. Pour combien de temps ? En tant que rapporteur général de la commission chargée des relations transatlantiques au sein la commission économique de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je considère que le risque d’un nivellement par le bas des normes et de la régulation doit être pris extrêmement au sérieux ; je pense notamment aux moyens détournés qui pourraient être employés dans le cadre de ce traité.
Madame le ministre, je terminerai en rappelant que les aides à la presse, au livre ou aux librairies doivent absolument être évaluées. Il est extrêmement difficile, dans notre système législatif, de mettre en place des outils d’évaluation. Nous en avons encore eu la preuve très récemment lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale ou sur d’autres sujets.
C’est une habitude, les dispositifs d’aide sont très rarement accompagnés de dispositifs d’évaluation, qui devraient pourtant être leurs corrélatifs absolus de façon à permettre au Gouvernement, au Parlement et, subsidiairement, au contribuable d’être tout à fait avertis de l’efficacité des subventions versées.
Si ce texte est important pour marquer notre attachement au livre, à la politique du livre et aux librairies physiques, il est à mon sens totalement insuffisant.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Mme la présidente En conséquence, la proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition est définitivement adoptée. (Applaudissements.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Bariza Khiari, rapporteur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l’unanimité, à une exception près, qui a prévalu. Je relève d’ailleurs que tous les groupes ont voté cette proposition de loi.
Ce texte étant le dernier de la session que la commission de la culture aura à examiner, je profite de l’occasion pour saluer, à l’instar de Mme Gonthier-Maurin, le travail qui y est conduit.
Vous savez – et David Assouline plus qu’un autre (M. David Assouline sourit) – dans quelles conditions je suis devenue membre de cette commission. Les responsabilités avaient déjà été partagées et seul restait le secteur du livre. On me l’a attribué et j’ai découvert un sujet formidable, auquel je suis maintenant très attachée. Alors que je ne m’y attendais pas, j’ai eu l’opportunité de défendre plusieurs textes. Cela m’a permis, en plus de mes fonctions de vice-présidente du Sénat, de rester au contact de l’activité législative.
Par ailleurs, je souhaite saluer Mme la présidente de la commission, Marie-Christine Blandin, et lui rendre hommage pour le travail qui y est mené et l’ambiance qui y règne. Je veux insister sur l’esprit de résistance qui la caractérise, qu’elle a su nous insuffler et qui distingue aujourd’hui la commission. Si l’un de ses rapporteurs résiste, elle l’encourage. Merci, madame la présidente de la commission ! (Applaudissements.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier de cette belle unanimité en faveur d’un texte très important, qui permet d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique en instaurant des protections et des garanties supplémentaires pour les auteurs.
L’adaptation du contrat d’édition était extrêmement attendue, de même que cette disposition sur l’encadrement des frais de port de la vente à distance de livres. Ce dernier point n’est qu’un des aspects du vaste plan en faveur de la librairie dont nous avons déjà parlé, doté de 18 millions d’euros. Engagement des éditeurs, création du médiateur du livre, assermentation des agents du ministère de la culture pour constater les infractions à la loi sur le prix unique, actions du Centre national du livre, nous avons, depuis deux ans, bâti ensemble une belle politique en faveur du livre, de la chaîne du livre et, en particulier, des libraires.
Tout cela, madame Goulet, s’inscrit dans la défense de l’exception culturelle. Lors du dernier conseil des ministres européens de la culture, j’ai interrogé moi-même le commissaire européen Karel De Gucht. Ce dernier s’est engagé à ce que les sujets culturels ne fassent l’objet d’aucune discussion, le mandat de négociation donné à la Commission étant extrêmement clair.
Vous vous en souvenez, ce mandat a fait l’objet d’âpres discussions l’année dernière et la France a pris une position très forte en s’opposant à ce que la culture, l’audiovisuel entrent dans le champ des négociations.
Il n’y aura donc aucune discussion sur les questions culturelles et audiovisuelles dans le cadre du traité transatlantique. Il s’agit d’une grande victoire de la France, qui a fait prévaloir son point de vue, et d’une grande victoire de l’exception culturelle. Je sais que Mme la présidente de la commission y est extrêmement attachée. Vous avez d’ailleurs été d’un grand soutien dans ce combat et je tenais, moi aussi, à vous en remercier, chère Marie-Christine.
Nous nous connaissons depuis bien longtemps, bien avant d’occuper les responsabilités qui sont les nôtres aujourd’hui et qui nous réunissent à l’occasion de ce débat. Je sais à quel point votre force de conviction est chevillée au corps, ancrée dans la terre riche, féconde, humainement très chaleureuse du Nord-Pas-de-Calais, où vous avez exercé là aussi de belles responsabilités. Vous alliez, comme le disait Bariza Khiari, à une grande force de conviction, à votre capacité de résistance, beaucoup de douceur et de tempérance. Il s’agit de qualités qui ne sont pas si fréquentes en politique, et je voulais, moi aussi, vous rendre hommage. (Applaudissements.)
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. J’ai vraiment bien fait de venir ! (Sourires.)
3
Exposition aux ondes électromagnétiques
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques (proposition n° 310, texte de la commission n° 595, rapport n° 594, avis n° 592).
Je rappelle que la discussion de cette proposition de loi a été entamée lors de notre séance du mardi 17 juin 2014.
Rappel au règlement
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement intérieur du Sénat et porte sur l’organisation de nos travaux.
En ce début de séance, je tiens à exprimer notre regret, pour ne pas dire notre agacement, face au comportement du Gouvernement, qui a modifié l’organisation de nos travaux d’aujourd’hui en demandant l’inscription à l’ordre du jour, dans le cadre des semaines qui lui sont réservées par priorité, de la suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques et dont l’examen a déjà débuté dans un espace réservé au groupe écologiste. Cette décision, prise tardivement lundi soir, n’a pas été portée immédiatement à notre connaissance, comme l’impose l’alinéa 8 de l’article 29 bis du règlement, ce qui rend cette décision inacceptable.
Ceux de mes collègues qui s’étaient fortement impliqués sur le texte ne pourront être présents aujourd’hui pour en poursuivre l’examen.
Outre le fait que les membres du groupe UMP qui s’étaient le plus investis sur cette proposition de loi ne seront pas là et que notre groupe perd donc ses plus fins connaisseurs, les amendements qu’ils ont déposés tomberont inexorablement, alors même que nous n’avons toujours pas achevé l’examen de l’article 1er.
Les conditions d’examen de cette proposition de loi témoignent donc d’une absence totale de considération pour le travail parlementaire en général, et pour celui de l’opposition plus particulièrement, alors même que ce texte ne revêtait pas un caractère d’urgence.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Discussion des articles (suite)
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er, dont je rappelle les termes.
Article 1er (suite)
I. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le 12° bis du II de l’article L. 32-1, il est inséré un 12° ter ainsi rédigé :
« 12° ter À la sobriété de l’exposition du public aux champs électromagnétiques ; »
2° L’article L. 34-9-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-1. – I. – Un décret définit les valeurs limites des champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de communications électroniques ou par les installations mentionnées à l’article L. 33-3, lorsque le public y est exposé.
« Le respect de ces valeurs peut être vérifié sur place par des organismes répondant à des exigences de qualité.
« Le résultat des mesures est transmis par les organismes mentionnés au deuxième alinéa à l’Agence nationale des fréquences, qui en assure la mise à disposition du public.
« Lorsqu’une mesure est réalisée dans des immeubles d’habitation, les résultats sont transmis aux propriétaires et aux occupants. Ces résultats mentionnent le nom de l’organisme ayant réalisé la mesure. Tout occupant d’un logement peut avoir accès, auprès de l’Agence nationale des fréquences, à l’ensemble des mesures réalisées dans le logement.
« II. – (Supprimé)
« III. – A. – Toute personne qui exploite, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à autorisation ou avis de l’Agence nationale des fréquences transmet au maire ou au président de l’intercommunalité, à sa demande, un dossier établissant l’état des lieux de ces installations. Le contenu et les modalités de transmission de ce dossier sont définis par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et de l’environnement.
« B. – Toute personne souhaitant exploiter, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à autorisation ou avis de l’Agence nationale des fréquences en informe par écrit le maire ou le président de l’intercommunalité dès la phase de recherche et lui transmet un dossier d’information deux mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable.
« Toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d’autorisation auprès de l’Agence nationale des fréquences fait également l’objet d’un dossier d’information remis au maire au moins deux mois avant le début des travaux.
« Le contenu et les modalités de ces transmissions sont définis par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et de l’environnement.
« C. – Le dossier d’information mentionné au premier alinéa du B du présent III comprend une estimation de l’exposition aux champs électromagnétiques générée par l’installation. Des mesures peuvent être effectuées, à la demande écrite du maire ou du président de l’intercommunalité, aux fins de vérifier la cohérence de l’exposition effectivement générée avec les prévisions de l’estimation réalisée dans les six mois suivant la mise en service de l’installation.
« C bis (nouveau). – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de mise en œuvre d’une procédure d’information et de concertation du public, à l’initiative et sous l’autorité du maire ou du président de l’intercommunalité, préalablement à l’autorisation d’exploitation d’une installation radioélectrique par l’Agence nationale des fréquences, à laquelle le bilan de la concertation est adressé. Ce décret détermine également les conditions de saisine d’une instance de concertation départementale chargée d’une mission de médiation relative à toute installation radioélectrique.
« D. – Il est créé au sein de l’Agence nationale des fréquences un comité national de dialogue relatif aux niveaux d’exposition du public aux champs électromagnétiques. Ce comité participe à l’information des parties prenantes sur les questions d’exposition du public aux champs électromagnétiques L’agence présente au comité le recensement annuel des résultats de l’ensemble des mesures de champs électromagnétiques ainsi que les dispositions techniques de nature à réduire le niveau de champ dans les points atypiques.
« La composition et le fonctionnement de ce comité sont définis par un décret en Conseil d’État.
« E. – Les points atypiques sont définis comme les points de mesure, situés dans les lieux de vie fermés, où les expositions du public aux champs électromagnétiques sont les plus fortes à l’échelle nationale et peuvent être réduites, tout en garantissant la couverture et la qualité des services rendus. Les paramètres caractérisant un point atypique sont déterminés par l’Agence nationale des fréquences et font l’objet d’une révision régulière en fonction des données d’exposition disponibles.
« Un recensement national des points atypiques du territoire est établi chaque année par l’Agence nationale des fréquences. L’agence informe les administrations et les autorités affectataires concernées des points atypiques identifiés. Elle veille à ce que les titulaires des autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques impliqués prennent, sous réserve de faisabilité technique, des mesures permettant de réduire le niveau de champs émis dans les lieux en cause. L’Agence nationale des fréquences établit un rapport périodique sur les modalités de traitement et la trajectoire de résorption des points atypiques.
« F. – (Supprimé)
« IV. – (Supprimé) » ;
3° L’article L. 34-9-2 est abrogé ;
4° La première phrase du cinquième alinéa du I de l’article L. 43 est complétée par les mots : « ainsi que de l’objectif mentionné au 12° ter du II de l’article L. 32-1 ».
II (nouveau). – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, l’Agence nationale des fréquences met à la disposition des communes de France une carte à l’échelle communale des antennes relais existantes.
III (nouveau). – Les dispositions des B à C bis du III de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction issue de la présente loi, entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. Nous en sommes parvenus à deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° Le I de l'article L. 43 est ainsi modifié :
a) la première phrase du cinquième alinéa est complétée par les mots : « ainsi qu'à l'objectif mentionné au 12° ter du II de l'article L. 32-1 » ;
b) le septième alinéa est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Au terme d'un délai de deux mois, le silence de l'agence vaut refus de l'autorisation. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Aujourd’hui, une autorisation d’implantation d’antenne est réputée acquise si, dans un délai de deux mois, l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR, ne s’est pas prononcée.
Or, avec un budget en baisse de 3 % depuis deux ans, l’agence a dû consentir un effort de réduction des coûts particulièrement marqué. Elle en est ainsi venue à fermer l’un de ses sites en région parisienne.
À cet égard, les rapporteurs de la loi de finances pour 2014 avaient pris soin d’attirer l’attention du ministre sur les risques d’une telle réduction renouvelée des moyens de l’agence, alors que ses missions se diversifiaient dans le même temps.
C’est donc dans ce contexte que nous abordons la question du silence de l’ANFR. Si la règle du consentement en cas de silence gardé par l’administration pendant deux mois peut avoir du sens dans certaines procédures administratives courantes, il nous semble essentiel de revenir au principe fondateur du droit administratif pour les autorisations délivrées par l’ANFR, selon lequel le silence de l’administration vaut refus.
En effet, il est prévu que ce renversement du droit commun du silence administratif s’applique sauf disposition contraire. Les exceptions doivent être justifiées par des exigences constitutionnelles, telles que la nécessité de protéger les libertés, l’environnement, les deniers publics ou la santé, ce qui est le cas ici.
C’est pourquoi, en conformité avec les objectifs de cette proposition de loi, je vous invite à adopter notre amendement qui vise à instaurer, contrairement à ce qui existe aujourd’hui, un mécanisme d’autorisation expresse d’implantation par l’Agence nationale des fréquences. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° La première phrase du cinquième alinéa du I de l’article L. 43 est complétée par les mots : « ainsi que le recensement et le suivi des points atypiques conformément à l’objectif mentionné au 12° ter du II de l’article L. 32-1 ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Comme le Gouvernement a déjà eu l’occasion de le préciser, c’est non pas l’inscription dans la loi du terme « modération » ou « sobriété » qui importe le plus, mais la manière dont il est concrètement décliné.
En l’espèce, la mise en œuvre du principe introduit au 12° ter du II de l’article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques se traduit à titre principal par le recensement et le suivi des points atypiques par l’Agence nationale des fréquences.
Pour cette raison, le Gouvernement propose cet amendement de clarification qui vise à le prévoir expressément.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Mme Schurch soulève une question importante : faut-il prévoir une exception à la règle selon laquelle le silence vaut autorisation ?
Ce serait une décision expresse ! C’est la raison pour laquelle la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Par ailleurs, la commission est favorable à l’amendement n° 52, dont je précise toutefois qu’il deviendrait sans objet si l’amendement n° 7 était adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. La règle selon laquelle le silence vaut acceptation concernant les demandes d’accord ou d’avis adressées à l’Agence nationale des fréquences pour l’implantation ou la modification des installations radioélectriques est incontournable, compte tenu du volume de dossiers traités chaque année par l’ANFR.
Ce principe deviendra par ailleurs la règle, vous le savez, dans les tout prochains mois puisqu’il vient d’être consacré par le législateur dans la loi du 12 novembre 2013, qui a modifié l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Il s’agit, vous le savez, d’une des mesures phares du mouvement de simplification des procédures administratives voulu par le Président de la République.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 7.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote sur l’amendement n° 7.
Mme Mireille Schurch. Je le répète, les sujets dont nous débattons ont trait à la santé des personnes. D’ailleurs, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi qui vise à protéger nos concitoyens des ondes électromagnétiques !
On confie à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, des missions extrêmement diversifiées, qu’elle doit honorer. Dès lors, on lui demande son avis en sachant qu’elle ne pourra pas le rendre sous deux mois, car elle est surchargée de travail ! Serait-ce un marché de dupes ?
Par conséquent, je ne peux que regretter l’avis émis par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Ma chère collègue, il ne s’agit pas là d’un problème de santé : nous parlons de l’implantation des antennes relais. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Il ne faut pas tout mélanger !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est un problème sanitaire !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Le problème sanitaire, s’il y en a un, viendrait plutôt de l’appareil mobile collé à l’oreille de l’utilisateur. Toutes les études concordent sur ce point : le risque potentiel, s’il existe, vient de là, et non de l’implantation des antennes relais.
Dès lors, ne semez pas le doute sur ce sujet !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer la référence :
C bis
par la référence :
C ter
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, l’Agence nationale des fréquences publie des lignes directrices nationales, en vue d’harmoniser la présentation des résultats issus des estimations de l’exposition générée par l’implantation d’une installation radioélectrique.
Mme la présidente. L’amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
d’un an
par les mots :
de six mois
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, vous indiquez qu’il s’agit d’un amendement technique, mais j’aimerais tout de même savoir pourquoi le délai prévu par cet article devrait passer d’un an à six mois. Avez-vous des explications à nous fournir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, afin de permettre la mise en œuvre des dispositions de l’article 1er relatif à l’information des élus locaux concernant les projets d’implantation d’installations radioélectriques et la concertation locale dans le délai de six mois prévu par le III de l’article 1er, cet amendement tend à imposer à l’Agence nationale des fréquences de publier les lignes directrices nationales relatives à la présentation des résultats issus des estimations dans le même délai. C’est une harmonisation.
Mme Nathalie Goulet. D’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission est d’autant plus favorable à cet amendement que l’amendement n° 32, qui lui fait suite, vise à remplacer le mot « estimations » par le mot « simulations ». Or qui dit simulation dit logiciel : il ne faut pas un an pour le faire tourner !
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
estimations
par le mot :
simulations
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à réintroduire le mot « simulations », issu des travaux de l’Assemblée nationale. Selon nous, cela correspond mieux à la réalité du travail effectué par les opérateurs lors de leurs études préalables à une implantation d’antenne relais.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, même si, à titre personnel, je ne partage pas tout à fait l’opinion de M. Labbé sur cette question de vocabulaire. À mon sens, en effet, une estimation tient bien mieux compte des problèmes d’environnement qu’une simulation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
TITRE II
INFORMATION ET SENSIBILISATION DU PUBLIC ET DES UTILISATEURS EN COHÉRENCE AVEC LES OBJECTIFS D’AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE, DE QUALITÉ DE SERVICE ET DE DÉVELOPPEMENT DE L’INNOVATION DANS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
et sensibilisation
par les mots :
, sensibilisation et modération de l’exposition
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La commission a jugé nécessaire d’enlever le terme « protection », lequel, selon elle, ne se justifiait pas en l’absence de « risques avérés », si l’on s’en tient à la terminologie de l’ANSES.
Toutefois, l’ANSES reconnaît dans ses rapports la nécessaire vigilance concernant l’exposition des populations les plus fragiles – les enfants ou les personnes âgées, par exemple – ainsi que des utilisateurs intensifs, ceux qui se servent de leur appareil plus de trente minutes par jour.
La notion de modération nous semble répondre aux attentes de la commission comme à celles de l’ANSES, et correspond également au compromis trouvé à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Nous avons eu un long débat sur les mots « sobriété » et « modération ». Par cohérence avec ce qui a été voté à l’article 1er, mon cher collègue, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Labbé, l’amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Par cohérence, je le retire, madame la présidente ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 33 est retiré.
Article 3
Après le septième alinéa de l’article L. 1313-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle assure en particulier une mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences, en étudiant spécifiquement la question de l’électro-hypersensibilité. »
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet, M. Jarlier, Mmes Férat, Morin-Desailly et Létard et MM. Roche, Guerriau et Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’agence mentionnée au chapitre III du livre III de la première partie du code de la santé publique assure la mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences. Elle évalue périodiquement les risques potentiels et effets et met en œuvre des programmes de recherche scientifiques et techniques dans ce domaine. Ces programmes peuvent inclure des évaluations d’impact sanitaire des champs électromagnétiques.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vise à préciser les missions de l’ANSES, en lui confiant notamment, et de manière explicite, une « mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences ».
Cette définition des missions serait plus large que celle que prévoit la rédaction de l’article, qui cible spécifiquement l’étude de l’électro-hypersensibilité. Or l’ANSES produira un rapport sur cette question en 2015.
Autant il est légitime que l’Agence puisse actualiser de manière régulière ses études sur l’ensemble des radiofréquences, autant il paraît superflu de les faire porter spécifiquement sur la question de l’électro-hypersensibilité. Une fois son rapport sur cette question publié, il reviendra en effet au Gouvernement de prendre des dispositions visant à prendre en charge les personnes victimes de cette affection.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Je ne sais pas si je dois m’adresser à la sénatrice que vous êtes ou à la secrétaire d’État chargée de l’écologie que vous avez été, ma chère collègue ! (Sourires.)
Mme Chantal Jouanno. Je reste sur la même ligne, monsieur le rapporteur !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Il semblerait que vous ayez encore les deux casquettes…
Les modifications insérées par la commission ont pour but de codifier les missions de l’ANSES au sein du code de la santé publique, de supprimer deux phrases redondantes avec les dispositions de ce même code relatives aux missions de l’ANSES – phrases que vous connaissez bien pour les avoir fait introduire, ma chère collègue –, et de mentionner explicitement – j’y tiens beaucoup – les questions liées à l’électro-hypersensibilité.
Les responsables de l’ANSES que nous avons auditionnés nous ont indiqué qu’un rapport sur ce thème serait publié au mois de janvier 2015, rapport sur lequel le Gouvernement devra se pencher afin d’adopter les mesures susceptibles de traiter ce problème.
En l’état actuel des choses, je ne suis donc pas favorable à cet amendement, qui tend à revenir sur la rédaction de l’article 3, telle qu’elle est issue des travaux de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Le code de la santé publique contient déjà des dispositions permettant à l’ANSES d’exercer une mission de veille sanitaire en matière d’exposition aux champs électromagnétiques. C’est à ce titre que l’Agence a déjà publié plusieurs avis sur le sujet.
En conséquence, si le Gouvernement se félicite de l’excellent travail de mise en cohérence et d’enrichissement des compétences de l’ANSES effectué par la commission des affaires économiques du Sénat, il est néanmoins défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
L’article 184 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est ainsi rédigé :
« Art. 184. – I. – Pour tout équipement terminal radioélectrique proposé à la vente et pour lequel le fabricant a l’obligation de le faire mesurer, le débit d’absorption spécifique est indiqué de façon lisible, intelligible et en français.
« Pour tout appareil de téléphonie mobile, mention doit également être faite de la recommandation d’usage de l’accessoire mentionné au troisième alinéa de l’article L. 34-9 du code des postes et des communications électroniques permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques lors des communications.
« II. – Afin de maîtriser l’exposition du public aux champs électromagnétiques :
« 1° (Supprimé)
« 2° Les notices d’utilisation des équipements terminaux radioélectriques comportent une information claire sur les indications pratiques permettant d’activer ou de désactiver l’accès sans fil à internet ;
« 3° (Supprimé)
« 4° Les équipements émetteurs de champs électromagnétiques d’un niveau supérieur à un seuil fixé par décret ne peuvent être installés dans un local privé à usage d’habitation sans qu’une information claire et lisible ne soit donnée aux occupants concernant l’existence d’un rayonnement et, le cas échéant, les recommandations d’usage permettant de minimiser l’exposition à celui-ci ;
« 5° (Supprimé)
« 6° Les établissements proposant au public un accès wifi le mentionnent clairement au moyen d’un pictogramme à l’entrée de l’établissement. »
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
équipement terminal radioélectrique
insérer les mots :
et équipement radioélectrique
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Dans son dernier avis, l’ANSES note « le développement massif des technologies recourant aux radiofréquences et conduisant à une exposition extensive de la population, le cas échéant des personnes les plus sensibles, et à laquelle elle ne peut se soustraire ».
Afin de prendre en considération cet aspect, l’ANSES a complété ses conclusions et préconisations. Ainsi, elle recommande notamment que « les dispositifs émetteurs de champs électromagnétiques destinés à être utilisés près du corps […] fassent l’objet de l’affichage du niveau d’exposition maximal engendré ».
Comme vous le savez, la mise sur le marché des équipements terminaux et des équipements radioélectriques est harmonisée par une directive européenne. C’est donc le droit européen qui fixe les exigences essentielles applicables aux équipements et définit les modalités d’évaluation de leur conformité.
En l’espèce, les normes harmonisées, publiées au Journal officiel de l’Union européenne, prévoient que la mesure du débit d’absorption spécifique, le DAS, est nécessaire pour satisfaire à l’exigence essentielle de santé et de sécurité des personnes lorsque les équipements ont une puissance significative. Cette mesure n’est donc pas exigée à l’heure actuelle pour les appareils de faible puissance et de faible portée, comme les dispositifs de surveillance des nourrissons et les DECT, les téléphones fixes sans fil.
Afin de permettre la concrétisation des recommandations formulées par l’ANSES, les autorités françaises demanderont donc à la Commission européenne la révision des normes harmonisées en cause. L’adoption de cet amendement permettra, une fois que ces normes auront été complétées, d’imposer l’indication du DAS aux fabricants et importateurs de ces équipements radioélectriques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Cet amendement vise à apporter un complément tout à fait utile, qui permet sans doute d’anticiper sur une nouvelle réglementation européenne.
Par conséquent, autant prendre de l’avance. Cela nous changera ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
maîtriser
par les mots :
assurer la sobriété de
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La notion de « maîtrise » est insuffisante pour répondre aux enjeux de l'exposition du public.
Il nous paraît nécessaire d’employer le terme de « modération », afin de limiter cette exposition au strict nécessaire pour le bon fonctionnement des réseaux de télécommunications.
Je le rappelle, l’ANSES, bien qu’elle évoque une « absence de risques avérés », ne parle pas d’une « absence de risques ». Elle formule même des recommandations d'usage modéré pour les enfants, les personnes fragiles et les utilisateurs intensifs, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. Elle reconnaît également l'existence d’effets biologiques lors de l'exposition aux ondes électromagnétiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, en cohérence avec le dispositif auquel nous avons précédemment abouti à l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. M. Labbé fait un tabac !
Mme la présidente. L'amendement n° 40, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir et Mme Masson-Maret, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les dispositions prévues au présent article ne sont pas applicables aux produits de santé visés à l’article L. 5211-1 du code de la santé publique. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Après l’article L. 5232-1, sont insérés des articles L. 5232-1-1 à L. 5232-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 5232-1-1. – Toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile pour des communications vocales mentionne de manière claire, visible et lisible l’usage recommandé d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques émises par l’équipement.
« Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 euros.
« Art. L. 5232-1-2. – (Supprimé)
« Art. L. 5232-1-3. – À la demande de l’acheteur, pour la vente de tout appareil de téléphonie mobile, l’opérateur fournit un accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques adapté aux enfants de moins de quatorze ans. »
Mme la présidente. L'amendement n° 35, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
1° L'article L. 5231-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5231-3. - Toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition ou l'usage d'un équipement terminal radioélectrique, destiné à être connecté à un réseau ouvert au public par des enfants de moins de quatorze ans est interdite. » ;
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à rétablir en partie l'interdiction de la publicité pour les terminaux connectés à internet à destination des enfants de moins de quatorze ans.
Avec une telle rédaction, nous prenons en compte les observations de la commission relatives à l’étendue excessive de l’interdiction.
Il est ainsi précisé que la publicité doit avoir pour objectif « direct », et non plus « direct ou indirect », de promouvoir la vente, la mise à disposition ou l'usage des équipements. Le renvoi au décret est également supprimé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. L’interdiction visée par cet amendement a un spectre bien trop large.
Le dispositif proposé est en totale contradiction avec la politique actuelle de l’éducation nationale en matière d’utilisation du numérique à des fins pédagogiques, y compris pour l’apprentissage de la lecture ou du calcul. Je vous renvoie aux annonces du ministère sur les dotations budgétaires en faveur des écoles numériques.
Je suis donc tout à fait défavorable à cet amendement, sur lequel je sollicite, au nom de la commission, un vote par scrutin public.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. L’interdiction proposée paraît infondée.
D’abord, l’attitude de précaution recommandée par l’ANSES ne vaut que pour l’usage du téléphone lors d’une conversation.
Ensuite, une interdiction incluant les tablettes tactiles pour enfants se révélerait contre-productive, puisqu’elle inciterait à l’achat de tablettes tactiles pour adultes, dont les niveaux de débit d’absorption spécifique sont parfois supérieurs.
Enfin, ce serait une source de distorsion de concurrence, en faveur de l’acquisition de tablettes pour adultes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 204 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 178 |
Pour l’adoption | 31 |
Contre | 147 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet, MM. Jarlier et Guerriau, Mmes Morin-Desailly et Létard et MM. Delahaye et Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 5232-1-2. – Est interdite toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile sans accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement. Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 €.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Il s’agit d’un amendement auquel je tiens beaucoup, qui vise à l’interdiction pure et simple de toute publicité pour des téléphones mobiles sans « kit oreillettes ».
Les conclusions du rapport du l’ANSES sont extrêmement claires. Elles invitent à la vigilance sur deux types de publics à risques : les utilisateurs intensifs, c’est-à-dire, je le rappelle, toute personne utilisant un téléphone portable plus de trente minutes par jour – je crains malheureusement que cela ne concerne beaucoup d’entre nous, mes chers collègues –, et, compte tenu de ce que nous connaissons de leur développement, les enfants.
N’incitons en aucun cas à l’utilisation de téléphones portables sans oreillettes ! Au contraire, nous devons banaliser le recours à cet accessoire.
Je prône donc l’interdiction de toute publicité pour des téléphones sans ce type de kit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Cela me rappelle un débat que nous avons eu lors de l’examen du projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement, ma chère collègue. (Sourires.)
Mme Chantal Jouanno. Vous voyez que je ne change pas d’avis, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Raoul, rapporteur. Vous voulez rétablir le dispositif, supprimé en commission, interdisant toute publicité ayant pour objet la promotion d’un usage de la téléphonie mobile sans kit oreillettes.
Tout d’abord, si vous le permettez, je préférerais que vous employiez l’expression « sans kit mains libres ». En effet, on peut très bien opter pour le récepteur Bluetooth.
Ensuite, le kit oreillettes pose d’autres problèmes, à la fois d’adaptation à la taille de l’oreille de l’enfant, mais également d’adaptation de l’impédance. En effet, faute d’adaptation de l’impédance, brancher n’importe quel type d’oreillettes sur un téléphone mobile revient à transformer les fils de liaison en antennes !
Il faut que la puissance de sortie de l’appareil soit acceptée par l’oreillette. À défaut, ce sont les fils qui dissipent la puissance.
L’expression « sans kit oreillettes » pose donc un réel problème.
Par ailleurs, une telle disposition serait, me semble-t-il, redondante avec l’obligation, déjà existante, de mention de la recommandation d’usage.
Mme Chantal Jouanno. Je ne vous sens pas très convaincu, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Les travaux en commission ont déjà permis de simplifier et d’améliorer la rédaction des dispositions introduites dans le code de la santé publique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir, Mme Masson-Maret et M. Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 36, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, il est mis en place une politique de sensibilisation et d'information concernant l'usage responsable et raisonné des terminaux mobiles ainsi que les précautions d'utilisation des appareils utilisant des radiofréquences.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à rétablir le I de l'article 6 tel qu’il avait été adopté à l'Assemblée nationale.
En effet, il est nécessaire d'informer et de sensibiliser le public à l'usage des technologies mobiles et aux recommandations d'utilisation issues, notamment, des rapports de l'ANSES.
En revanche, nous ne proposons pas le rétablissement du III de cet article, qui préconise la publication d'un rapport. Vous comprendrez pourquoi…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Si nous disposions d’un peu plus de temps, j’expliquerais pourquoi je suis tenté de m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement. Je solliciterai plutôt l’avis du Gouvernement.
L’article 40 de la Constitution peut donner lieu à différentes interprétations. L’adoption de cet amendement aurait pour effet de donner injonction au Gouvernement, donc de créer une nouvelle charge publique.
Toutefois, sur cet amendement, je suivrai l’avis du Gouvernement. S’il est favorable, celui de la commission le sera également.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je précise au préalable que le Gouvernement est évidemment à l’écoute du Parlement et qu’il se réjouit de donner satisfaction à la représentation nationale chaque fois que c’est possible.
L’amélioration de la sensibilisation et de l’information des utilisateurs de téléphones mobiles est primordiale, comme le recommande l’ANSES dans son avis de 2013, que nous avons déjà évoqué.
Pour autant, la commission des affaires économiques a souligné que la fixation du programme de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, ne relevait pas du domaine législatif.
Néanmoins, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. Jean Desessard. Bravo ! Très bien ! Formidable ! (Sourires.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 est rétabli dans cette rédaction.
Article 7
I. – Dans les établissements mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique et dans les écoles maternelles, l’installation d’un équipement terminal fixe équipé d’un accès sans fil à internet est interdite dans les espaces dédiés à l’accueil, au repos et aux activités des enfants de moins de trois ans.
II. – (Supprimé)
III. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Sido et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
A. - Alinéa 1
Supprimer les mots :
et dans les écoles maternelles
B. - Alinéas 2 et 3
Rétablir les II et III dans la rédaction suivante :
II. - Dans les classes des écoles primaires, les accès sans fil des équipements mentionnés à l'article 184 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement installés après la publication de la présente loi sont désactivés lorsqu'ils ne sont pas utilisés pour les activités numériques pédagogiques.
III. - Dans les écoles primaires, toute nouvelle installation d'un réseau radioélectrique fait l'objet d'une information préalable du conseil d'école.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement tend à prendre en compte la forte demande des parents d'élèves, lesquels souhaitent être informés de l’installation des réseaux radioélectriques auxquels seront exposés leurs enfants. Il vise également à introduire dans le texte l’obligation de respecter un principe de bon sens, qui veut que l'on allume et que l'on éteigne les accès sans fil en fonction de leur utilisation.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Pozzo di Borgo, Mme Férat et MM. Jarlier et Roche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans les établissements d'enseignement primaire publics et privés et les établissements d'accueil des enfants de moins de onze ans, le port de l'appareil de téléphonie mobile est interdit.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet, M. Jarlier, Mmes Férat, Morin-Desailly et Létard et MM. Guerriau, Delahaye, Lasserre et Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – L’article L. 511-5 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 511-5. – Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation par un élève d’un téléphone portable est interdite. »
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Là encore, monsieur le rapporteur, cet amendement vous rappellera quelques souvenirs, puisqu’il vise tout simplement à interdire l’utilisation du téléphone portable dans les écoles maternelles et élémentaires, ainsi que dans les collèges.
Mes chers collègues, lorsque nous avons discuté le projet de loi Grenelle II dans cet hémicycle, vous avez été quasi unanimes à voter ces dispositions, qui avaient été ensuite supprimées par l’Assemblée nationale pour de mauvaises raisons.
Je vous propose donc, dans la lignée des recommandations de l’ANSES, d’adopter cet amendement, dont l’objet, au-delà des recommandations sanitaires – je sais que ce terme n’est pas parfaitement adapté – qu’il vise à mettre en œuvre, relève du bon sens. En effet, on voit assez mal en vertu de quelle logique on autoriserait l’utilisation des téléphones portables dans l’enceinte d’un établissement scolaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans les écoles primaires, le conseil d'école est concerté sur les différentes solutions techniques avant toute nouvelle installation d'un réseau radioélectrique. La solution retenue fait l'objet d'une information préalable du conseil d'école.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les auteurs du rapport remis au Premier ministre au mois de novembre 2013 sur le principe de sobriété en matière d’ondes électromagnétiques préconisent avant toute chose le rétablissement de la confiance, soulignent le besoin de transparence, de concertation et de pédagogie. Ils rappellent aussi que l’information sur les stations de base ainsi que la délibération sur leur implantation doivent être avant tout porteuses de sens : quels sont les besoins en infrastructures liés aux usages ? Quelles sont les options disponibles en termes de localisation d’équipement ?
Ces délibérations doivent être organisées au plus près des réalités de terrain, pour permettre concrètement des choix éclairés. C’est pourquoi nous souhaitons, par cet amendement, mieux impliquer le conseil d’école sur les solutions retenues en matière d’installation de réseaux radioélectriques.
Cette mesure s’inscrit dans le sens non seulement d’une meilleure information, comme le permettait initialement la proposition de loi, mais également d’une implication plus forte des conseils d’école, grâce à la concertation menée avec ses membres.
Le principe de sobriété qui est mis en avant dans ce texte nécessite également une plus grande implication, ce principe consistant à renforcer la concertation pour trouver les meilleures solutions d’implantation possibles, plutôt que d’imposer, de façon unilatérale, des solutions.
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir et Mme Masson-Maret, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions prévues au I du présent article ne sont pas applicables aux produits de santé visés à l’article L. 5211-1 du code de la santé publique.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 37 rectifié, 13 rectifié et 9 ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission demande l’avis du Gouvernement sur la rédaction de l’amendement n° 37 rectifié, sur lequel elle opterait a priori pour une sagesse positive. Si cet amendement était adopté, et notamment son paragraphe III, l’amendement n° 9 serait partiellement satisfait.
La commission émet en revanche un avis défavorable sur l’amendement n° 13 rectifié. Madame Jouanno, vous écrivez l’histoire comme cela vous arrange ! Le droit actuel, qui est issu du Grenelle II – cela doit vous rappeler quelque chose ! –, prévoit simplement dans ces établissements l’interdiction d’utilisation du téléphone portable durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur.
C’est vous-même qui avez fait inscrire ces dispositions ! (Mme Chantal Jouanno proteste.) Vous affirmez qu’elles ont disparu. Ce n’est pas tout à fait juste, puisqu'on les trouve toujours dans le droit actuel.
En tout état de cause, l’adoption de l’amendement n° 37 rectifié rendrait sans objet votre amendement n° 13 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Cela a été dit en commission, l’amendement n° 37 rectifié a pour objet d’énoncer une règle de bon sens ne soulevant pas de difficulté particulière, bien que les dispositions qu’il vise à introduire ne soient pas d’ordre législatif.
Par ailleurs, monsieur Labbé, dans la mesure où vous avez accepté d’élargir la portée de votre amendement n° 37 rectifié pour revenir à la rédaction issue de l’Assemblée nationale – le paragraphe I de l’article concernait les écoles maternelles –, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme Marie-Annick Duchêne. C’est très bien !
Mme Nathalie Goulet. C’est Lourdes !
M. Jean Desessard. Oui, c’est un miracle !
M. André Vallini, secrétaire d'État. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 13 rectifié et 9.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 13 rectifié et 9 n'ont plus d'objet.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. J’ai bien noté l’adoption de l’amendement n° 37 rectifié, qui rend sans objet les amendements n° 13 rectifié et 9. Je suis un peu surprise que la direction de la séance ait décidé que ces amendements feraient l’objet d’une discussion commune. En effet, si tel n’avait pas été le cas, nous aurions pu examiner plus longuement ces amendements, dont les sujets sont différents.
Mme la présidente. Nous avons totalement respecté la procédure, ma chère collègue. Ces amendements portent sur le même sujet.
Mme Chantal Jouanno. Non !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul, rapporteur. L’adoption de l’amendement n° 37 rectifié entraîne le rétablissement du paragraphe II de l’article 7. Or votre amendement, madame Jouanno, propose justement une autre rédaction de ce paragraphe. De fait, l’adoption de l’amendement n° 37 rectifié a pour conséquence de rendre sans objet l’amendement n° 13 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote sur l’article.
Mme Chantal Jouanno. Je veux bien que l’on se cache derrière la procédure, mais vous savez bien que, quand on dépose un amendement, on ne connaît pas exactement les amendements rédigés par nos collègues. Vous conviendrez que les deux amendements en question n’ont rien à voir entre eux. Il s’agit, d’un côté, d’éteindre des appareils lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour des activités pédagogiques et, de l’autre, d’interdire l’utilisation du téléphone portable par les élèves dans l’enceinte des établissements scolaires. Ces deux sujets sont vraiment distincts.
Mme la présidente. Ces deux amendements sont en discussion commune parce qu’ils portent sur le même paragraphe du texte.
Mme Chantal Jouanno. Quand nous examinerons votre amendement, madame la présidente, nous en reparlerons !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet, M. Jarlier, Mmes Férat, Morin-Desailly et Létard et MM. Roche, Guerriau et Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'électro-hypersensibilité.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cette disposition fait suite à l’amendement n° 11 rectifié, qui visait à prévoir une mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences. En effet, il ne m’avait pas semblé nécessaire de mentionner explicitement que l’ANSES devait régulièrement rendre un rapport sur l’électro-sensibilité.
À l’inverse, cet amendement vise à ce que le Gouvernement explique comment, demain, il pourrait, d’une manière ou d’une autre, prendre en charge les personnes sujettes à l’électro-sensibilité. Nous avons déjà discuté de telles mesures, monsieur le rapporteur ; vous vous le rappelez certainement puisque vous avez une bonne mémoire, même si elle n’est pas infaillible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. Vous connaissez mon tropisme s’agissant des rapports demandés par le Parlement, que personne ne lit et qui s’entassent sur les étagères.
Cela étant, sur le problème que vous soulevez, madame Jouanno, votre amendement est satisfait. C’est d’ailleurs moi-même qui ai souhaité évoquer cette question dans le cadre des missions confiées à l’ANSES. Il nous a été certifié, lors de l’audition des représentants de cette agence, qu’un rapport serait disponible sur ce sujet au printemps 2015.
Il nous appartiendra ensuite de voir ce que le Gouvernement fera concernant le problème de l’électro-hypersensibilité.
Nous avons auditionné des personnes électro-sensibles et compris que leurs souffrances étaient réelles. En connaître les causes est un autre problème. Vous le savez très bien, le milieu scientifique et médical débat, à l’heure actuelle, de ce sujet. Au demeurant, les tests menés en double aveugle sont négatifs. Le problème est réel, la souffrance est là et il faut savoir la traiter.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement, satisfait par les missions spécifiques confiées à l’ANSES, qui produira ce fameux rapport. Je pense que le Gouvernement prendra ensuite les dispositions nécessaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. La prise en charge des personnes concernées par l’électro-hypersensibilité constitue l’un des engagements pris par l’État, dans le cadre de la table ronde radiofréquences, santé, environnement.
Une étude clinique est d’ailleurs en cours, organisée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, en collaboration avec l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, l’INERIS, et l’ANSES.
La disposition introduite par la commission satisfait l’objet de cet amendement. Elle va même encore plus loin en pérennisant cette mission parmi les compétences de l’ANSES prévues dans le code de la santé publique.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. L’ANSES nous expliquera ce qui, à sa connaissance, relève des liens de causalité, mais la prise en charge est plutôt du ressort de la Direction générale de la santé.
Je participe suffisamment aux débats de notre assemblée pour savoir que, entre l’adverbe « notamment » et l’introduction de rapports dans notre législation, un certain nombre de phobies circulent dans cette maison.
Pourtant, je tiens à vous le signaler, même si cela n’a rien à voir avec notre sujet – mais nous sommes entre nous ce matin (Sourires.) –, dans le cadre de l’application de la loi de programmation militaire, le ministère nous fournit régulièrement, à notre demande, un rapport de mise en place, qui nous est extrêmement utile.
Ainsi, sporadiquement, sur des sujets bien précis, cette demande de rapport pourrait être examinée avec bienveillance par notre assemblée, d’autant que la mission de l’ANSES, seul organisme mentionné jusqu’à présent, doit être absolument complétée par le travail de la DGS. En effet, c’est aussi la prise en charge de ces gens en souffrance qui nous importe. Pour le coup, j’estime donc plutôt utile de voter cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 8 est rétabli dans cette rédaction.
TITRE III
(Division et intitulé supprimés)
Article 9
(Supprimé)
Article 10
(Suppression maintenue)
Intitulé de la proposition de loi
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi relative à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Hérisson et Lenoir, Mme Masson-Maret et M. Sido, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
Sobriété
par le mot :
Maîtrise
Cet amendement n'est pas soutenu.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Au nom du groupe écologiste, je veux vous dire notre satisfaction de voir aboutir ce texte, dont l’élaboration a été laborieuse. Nous avons dû faire quelques concessions par rapport à nos exigences, mais c’est le principe même du travail parlementaire. L’important, à nos yeux, est que cette proposition de loi soit adoptée ; nous espérons vivement qu’elle le sera. Tout texte est améliorable au fil du temps.
Permettez-moi de saluer le travail de Daniel Raoul (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.), avec qui nous avons eu de longues discussions, et de remercier les ministres concernés et leurs services respectifs, qui nous ont permis d’avancer.
Je tiens également à remercier le Gouvernement d’avoir inscrit la suite de la discussion de cette proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux d’aujourd’hui. Ce n’était pas facile de trouver l’occasion d’achever l’examen de ce texte dans les temps. Je me félicite qu’il en ait été ainsi décidé.
Ce texte constitue une étape, qui laisse entrevoir un avenir positif pour répondre à la souffrance des personnes exposées aux ondes électromagnétiques. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mes collègues Pierre Hérisson et Bruno Retailleau avaient été très clairs lors de la discussion générale : si nos amendements n’étaient pas adoptés, le groupe UMP ne voterait pas cette proposition de loi.
N’ayant pas changé de position et nos amendements ayant été très largement repoussés en commission et n’ayant pu être présentés en séance publique eu égard à la manipulation tardive que constitue la modification de l’ordre du jour de notre assemblée, le groupe UMP votera contre ce texte.
Pourtant, je tiens une nouvelle fois à saluer le travail du rapporteur, Daniel Raoul, au nom de la commission des affaires économiques, et du rapporteur pour avis, Raymond Vall, au nom de la commission du développement durable. Les amendements qu’ils ont fait adopter en commission ont eu le mérite de rendre le texte un peu plus digeste, comparé à l’OVNI législatif qui était arrivé au Sénat.
Pour autant, ces changements nous ont paru insuffisants.
Tout d’abord, et malgré les modifications, bienvenues pour la plupart d’entre elles, apportées par le Sénat, nous contestons ce que les auteurs de cette proposition de loi considèrent comme étant une base scientifique.
Ces deux griefs – absence de base scientifique et faible caractère normatif – me semblent intimement liés.
Bien que vous ne soyez pas absolument certains de la dangerosité de chacun des appareils qui émettent des ondes électromagnétiques, mais face à la nécessité de satisfaire une frange de votre majorité, vous avez élaboré, mes chers collègues, un dispositif flou. L’exemple le plus frappant, j’y insiste, figure à l’article 1er.
Vous avez manifesté votre volonté d’encadrer l’installation des antennes relais, en prévoyant une large information du public.
Outre une chronologie pour le moins complexe, l’adoption de cet article engendrera des réflexes anxiogènes, qui ralentiront l’installation de ces antennes. Or c’est justement là que cette proposition de loi devient incompréhensible : en limitant l’installation d’antennes relais, la seule issue possible consistera à augmenter la puissance de réception des portables, c’est-à-dire des terminaux ! Comme l’a très bien fait remarquer mon collègue Bruno Retailleau lors de la discussion générale : « Les antennes relais émettent des radiofréquences qui sont 10 000 à 100 000 fois moins élevées que celles qui sont suscitées par un terminal de portable lors d’une conversation. »
Voilà pourquoi je m’autorise à penser que cette proposition de loi n’a pas de sens.
En effet, si l’on s’appuie sur les travaux scientifiques fiables qui ont été menés et dont les résultats existent bel et bien, on se rend compte que l’exposition aux ondes électromagnétiques est aujourd'hui très largement en dessous des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS. Dans mon département des Hauts-de-Seine, la tour Eiffel émet à elle seule beaucoup plus d’ondes électromagnétiques que l’ensemble des portables et des antennes relais. Il faut connaître ces éléments !
M. André Gattolin. Il faut détruire la tour Eiffel ! (Sourires.)
M. Jacques Gautier. Le seul risque identifié, nous le connaissons tous, c’est l’utilisation des téléphones portables sans kit mains libres, qui vient d’être modifiée. C’est donc à partir de cette base scientifique avérée qu’il fallait commencer notre travail législatif.
Vous encadrez les installations d’antennes relais, car vous devez envoyer un signal politique, mais vous ne proposez pas de mesures concrètes pour modérer l’exposition aux champs électromagnétiques, puisque, comme vous le savez bien, le problème se situe ailleurs.
Une autre difficulté existe : la justification juridique de ce texte.
Cette proposition de loi est conçue comme une sorte de mise en application du principe de précaution. Pour autant, celui-ci doit rester connecté à l’analyse scientifique, donc, à un danger potentiel.
De la même manière, il n’y a de fondement constitutionnel ni au principe de modération ni au principe de sobriété.
Enfin, le principe de proportionnalité n’est pas respecté dans ce texte. En effet, il implique que les mesures de précaution soient proportionnées, c’est-à-dire réalisables à un coût acceptable, ce qui, bien sûr, n’est pas le cas.
Au-delà de l’absence de base juridique, cette proposition de loi sera, vous le savez tous, un facteur d’insécurité juridique pour les élus locaux.
M. Jean Desessard. Non, au contraire !
M. Jacques Gautier. Cette insécurité découle notamment des processus de consultation et de concertation, qui ne permettent pas d’identifier la responsabilité du maire ou du président de l’EPCI.
J’en viens à la procédure. Comment ne pas s’étonner de l’inscription en catastrophe de la proposition de loi à l’ordre du jour des travaux du Sénat ?
M. Jean Desessard. Ce n’est pas « en catastrophe » !
M. Jacques Gautier. Ce n’est pas tous les jours qu’un texte inscrit dans le cadre d’une niche réservée au groupe écologiste est repris par le Gouvernement en moins de dix jours ! Mes chers collègues écologistes, vous pourrez fêter cette décision, qui est exceptionnelle !
Pour conclure, si cette proposition de loi manifeste de saines préoccupations, le caractère approximatif des dispositions qu’elle contient, notamment, je le répète, à l’article 1er, et, surtout, l’absence de base scientifique de celles-ci conduisent le groupe UMP à émettre un vote défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Ne donnons pas, au travers de nos débats, le sentiment que les antennes relais posent un problème sanitaire ! Comme cela vient d’être mentionné par mon collègue, aucun élément scientifique – consensuel en tout cas – ne permet aujourd'hui de l’attester. Plutôt que de traiter de la seule question des antennes relais, il conviendrait plutôt d’évaluer le cumul de radiofréquences, d’où l’intérêt des dispositions qui ont été adoptées concernant ce que l’on appelle « les points atypiques ».
En revanche, nos débats ont permis de cibler le véritable sujet, à savoir les téléphones portables, que nous utilisons si fréquemment. Des éléments scientifiques confirment l’impact biologique – on ne connaît pas encore l’impact sanitaire –, ce qui exige une certaine vigilance de notre part, tout particulièrement, je le répète, de la part des utilisateurs intensifs – plus de trente minutes par jour – et des enfants dont le cerveau est en voie de développement. Il est donc très intéressant que cette question ait été soulevée et rappelée, car elle avait été quelque peu oubliée depuis le Grenelle II. Il convenait de renforcer les dispositions en la matière, même si j’aurais préféré que l’on adopte l’interdiction de l’utilisation des téléphones portables dans les enceintes scolaires. Passons…
Avec mes collègues Nathalie Goulet et Yves Pozzo di Borgo, nous voterons ce texte, mais les autres membres du groupe UDI-UC s’abstiendront avec beaucoup de bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, vous le savez, la commission du développement durable a déposé de nombreux amendements sur ce texte, mais la plupart d’entre eux n’ont pas été retenus.
Ainsi que l’a souligné mon collègue Jacques Gautier, il n’y a pas eu, au cours de notre discussion, d’éléments nouveaux concernant la santé.
Nous aussi, nous sommes inquiets, car ce texte va de nouveau mettre les élus dans une situation extrêmement difficile, notamment dans les zones rurales qui attendent aujourd'hui la disparition de nombreuses zones blanches. La semaine dernière, un grand nombre de maires se sont retrouvés en difficulté pour traiter un problème qui, en réalité, n’existe pas. (M. Jean Desessard proteste.)
Cela a été évoqué, un grand nombre de pays européens ont aujourd'hui renoncé à toute forme d’études sur le phénomène d’ondes électromagnétiques émises par des antennes de téléphonie mobile. À l’inverse, ce texte ne traite pas des autres émissions d’ondes. On a évoqué les ondes des antennes de gendarmerie, des SDIS, les ondes autres que celles qui sont émises par les téléphones portables. Ce texte semble avoir raté sa cible : il ressort uniquement de nos discussions que le téléphone portable, dernier maillon de la chaîne, peut faire l’objet – ce n’est pas avéré sur le plan scientifique – d’une recommandation de la part de l’ANSES quant à une utilisation intensive.
Pour ce terminal, à l’égard duquel on peut avoir des suspicions, nous allons donc créer, au travers de ce texte, un climat anxiogène…
M. Jean Desessard. Cela a bien marché à Paris !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Je m’insurge contre le fait que vous ne supportiez pas que l’on puisse avoir des convictions contraires aux vôtres !
M. Jacques Gautier. Très bien !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. C’est insupportable !
M. Jean Desessard. Vous êtes le président de la commission du développement durable !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Pendant toutes nos discussions, nous avons eu l’impression que l’on ne pouvait pas avoir un avis contraire au vôtre ! Je vous prie, monsieur le sénateur, de respecter le fait que nous nous exprimions ! Vous nous devez au moins cela !
M. Jean Desessard. Je vous rappelle que vous êtes le président de la commission du développement durable !
Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Desessard !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Je ne répéterai pas ce qu’a dit notre collègue Anne-Marie Escoffier, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Vincent Placé. Les grands électeurs en tireront les conséquences !
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Je ne reprendrai pas en détail les chiffres, qui prouvent bien l’urgence de la situation : ils ont été maintes fois rappelés au cours de ce débat. Toutefois, je reviendrai sur plusieurs arguments qui ont été avancés.
Premièrement, permettez-moi d’évoquer, avec un peu de légèreté, la comparaison qui a été faite à plusieurs reprises entre le téléphone portable et le four à micro-ondes, afin de mettre en avant la prétendue « approximation juridique » de la proposition de loi. J’espère sincèrement, mes chers collègues, que vous ne les utilisez pas de la même façon ! De fait, l’exposition à ces deux appareils n’est en rien comparable.
Deuxièmement, plusieurs d’entre vous se sont retranchés derrière les études, pourtant sujettes à discussion, réalisées par l’ANSES. Au-delà du fait qu’un certain nombre de travaux d’experts n’ont pas été pris en compte, les conclusions de cette agence vont, j’insiste, à l’encontre de celles de l’Organisation mondiale de la santé, qui reconnaît, au contraire, les ondes électromagnétiques comme potentiellement cancérigènes, les classant dans la catégorie 2B, au même titre que le plomb, l’amiante, dont les conséquences sanitaires ne sont plus à démontrer, et le VIH.
Des associations positives ont été observées entre des expositions aux ondes de téléphones sans fil et des gliomes acoustiques.
C’est pourquoi, quand Mme Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, a déclaré au cours des débats « qu’il s’agi[ssai]t de répondre à des préoccupations non pas sanitaires, mais bien citoyennes », je m’interroge. Franchement, je m’interroge !
Monsieur le secrétaire d'État, il appartient au Gouvernement de protéger sa population. Or les alertes existent bel et bien !
Dès 2011, l’OMS a alerté la communauté internationale sur les risques sanitaires existants. Au mois de janvier 2013, l’Agence européenne pour l’environnement, dans son rapport intitulé « Signaux précoces et leçons tardives », a pointé quatre risques sanitaires émergents pour lesquels le principe de précaution devrait être appliqué avec fermeté. Le risque lié aux ondes électromagnétiques du téléphone portable y figure en bonne place.
Face à ces avertissements, le Gouvernement sera obligé d’admettre qu’il n’a eu ni le courage ni l’audace de prévenir un scandale sanitaire déjà programmé.
Enfin, les débats ont, dans une large part, porté sur le risque de contentieux.
Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, un problème de santé publique aussi complexe et aussi grave ne saurait être réduit à de simples considérations administratives ou juridiques. Quid des futurs recours de personnes qui sont, ou seront, victimes des ondes électromagnétiques ?
Vous tentez de passer sous silence un risque de scandale sanitaire, quand le débat d’aujourd’hui cherche à informer la population.
Alors que le réseau 4G commence à se déployer, que le Wi-Fi devient incontournable, que l’illimité devient la norme des forfaits téléphoniques, la nécessité de contrôler ce bain d’ondes électromagnétiques dans lequel nous évoluons tous, et en permanence, doit être une priorité.
Doit-on abandonner toute idée d’une loi qui protégerait la population dès lors qu’elle peut avoir un impact sur l’activité économique d’un secteur ? Doit-on se soucier davantage de la santé économique des opérateurs de téléphonie mobile que de la santé de la population ?
C’est pourquoi cette proposition de loi est une nécessité, un impératif pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Lors de la discussion générale, j’ai indiqué que ma religion n’était pas faite sur le sujet.
Ayant été membre de plusieurs commissions d’enquête, notamment sur le Mediator, j’ai tout de même pu constater que, souvent, les risques ne sont pas avérés jusqu’à ce que la dégradation de la situation soit telle qu’elle nous force à les reconnaître.
Cette proposition de loi, certes morcelée, certes modifiée – lorsque l’on dépose un texte, on prend en effet le risque qu’il soit modifié par les travaux parlementaires, sinon nous ne servons plus à rien ! –, sera sans doute votée et elle aura au moins le mérite d’avoir rappelé la nécessité de débattre de ce sujet.
En effet, comme le disait à l’instant Chantal Jouanno, c’est un fait assez unique d’exposer une génération entière aux mêmes types de produits, les enfants les plus jeunes utilisant aujourd’hui les téléphones portables pour communiquer avec leur famille éloignée ou les iPad pour jouer. Je pourrai, si vous le souhaitez, mes chers collègues, vous donner quelques exemples de jouets conçus pour de très jeunes enfants et utilisant l’iPad comme accessoire.
Sur les problèmes sanitaires qui ne sont pas encore avérés, le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail me semble relativement clair.
L’adoption de ce texte serait aussi un signal qui permettrait de contrebalancer quelque peu la décision malheureuse que nous avons prise, voilà quelques semaines, d’inscrire le principe d’innovation dans la Constitution pour contrer le principe de précaution. On voit bien où cette logique peut nous mener. Toute innovation technologique présente en effet un certain nombre de risques, mais, pour ma part, je ne conçois pas le principe de précaution de cette manière.
Quoi qu’il en soit, comme je l’avais déjà souligné lors de la discussion générale, il me semble important que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques poursuive ses travaux et les actualise, car, en la matière, la permanence des études est essentielle. Croyez-moi, monsieur le rapporteur, les rapports de l’Office parlementaire sont lus et, si nous ne sommes pas tous des scientifiques, nous sommes tous des malades en puissance !
Avec Chantal Jouanno et Yves Pozzo di Borgo, je voterai donc ce texte, les autres membres du groupe ayant choisi de s’abstenir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean-Vincent Placé. Enfin des progressistes !
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. À titre personnel, je m’abstiendrai.
Ce n’est certes pas une position très courageuse, mais, entre les vociférations des uns et l’attitude quelque peu embarrassée des autres, je ne suis pas parvenu à me faire une conviction, n’étant pas un spécialiste de ces questions.
Mme Nathalie Goulet. C’est sage !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 163 |
Contre | 149 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je donne rendez-vous aux membres de la commission pour le dernier texte que nous aurons à examiner avant la suspension des travaux, à savoir les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, en espérant que les travaux de celle-ci aboutiront. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à exprimer le plaisir que j’ai eu à participer à ce débat, même si ce fut de façon impromptue, puisque j’ai été prévenu hier soir que je devais remplacer Axelle Lemaire, actuellement en déplacement à New York.
Avant de partir, je vous demanderai aussi de bien vouloir me rédiger un mot d’excuse pour la réunion du Gouvernement, qui se tient en ce moment même à Matignon, comme tous les quinze jours. Mais je suis tellement bien au Sénat que je vais m’attarder encore un peu ! (Sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes arrivés aujourd’hui à un texte équilibré, qui crée les conditions de transparence à même de rassurer nos concitoyens sur les ondes radioélectriques. Ce texte reprend l’ensemble des travaux qui ont été conduits au sein du COMOP, le comité opérationnel, et du COPIC, le comité de pilotage issu du comité opérationnel.
C’est ainsi que ce texte définit un processus de concertation pour l’implantation des antennes, ainsi que de recensement et de résorption des points dits « atypiques ». Il prévoit également les conditions d’information du public, notamment sur les débits d’absorption spécifique des équipements terminaux. Il précise enfin les conditions d’installation des équipements d’accès sans fil à internet dans les écoles.
Nous pouvons tous nous féliciter de la qualité des débats, qui ont permis d’améliorer sensiblement le texte initial. Les travaux de la commission ont en particulier permis de clarifier et de simplifier les dispositions de ce texte et d’en assurer la sécurité juridique.
Je veux remercier tout particulièrement les deux rapporteurs, messieurs Raoul et Vall, de leur implication.
Les améliorations apportées par la commission des affaires économiques ont pu encore être précisées par les débats en séance, y compris ce matin.
Vous venez ainsi d’adopter un texte équilibré et juridiquement robuste, mesdames, messieurs les sénateurs, et le Gouvernement s’en félicite. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions cribles thématiques
pollution de l'air
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la pollution de l’air, thème choisi par le groupe écologiste.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur la lutte contre les particules fines émises par le trafic routier.
Le caractère cancérigène des gaz d’échappement des moteurs diesel ne fait désormais plus débat. Reconnus depuis 2012 comme étant responsables de façon certaine des cancers du poumon, ces gaz provoquent également asthme, troubles respiratoires, infarctus et accidents vasculaires cérébraux.
Avec le soutien de mon groupe, j’ai déposé au Sénat une proposition de loi sur ce sujet, laquelle a fait l’objet d’un travail de concertation et d’amendements. Elle prévoit l’intégration dans l’actuel système du bonus-malus, qui est d’ores et déjà calculé en fonction des émissions de CO2 pour lutter contre le dérèglement climatique, d’un critère supplémentaire lié aux émissions de particules fines et d’oxydes d’azote, les fameux NOX, afin de lutter contre la pollution de l’air.
Le bonus-malus est en effet un dispositif équilibré, à la fois incitatif et dissuasif : les sommes acquittées au titre du malus permettent de verser des bonus, c'est-à-dire des primes incitatives aux consommateurs choisissant d’acheter des véhicules neufs moins polluants. Il est soutenu par les associations mobilisées sur le sujet.
Monsieur le secrétaire d’État, la théorie selon laquelle le diesel permettrait aux particuliers de réaliser des économies est un mythe. En réalité, cette technologie pèse lourdement sur nos finances publiques, sur notre balance commerciale et sur la santé de nos concitoyens, en particulier sur les plus précaires d’entre eux, qui n’ont d’autre choix que d’habiter le long des principaux axes routiers.
Il est urgent de cesser de dilapider des milliards d’euros dans une technologie mortelle, alors que nous pouvons à la fois protéger la santé, transformer les emplois de la filière diesel au profit d’une économie innovante porteuse d’emplois d’avenir et faire réaliser des économies considérables à nos finances publiques, tout en redressant notre balance commerciale.
Ma question est simple et directe : sachant qu’un amendement tendant à introduire le dispositif que je défends a été déposé sur le collectif budgétaire, pouvons-nous compter sur votre soutien ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Vous soulevez à juste titre, madame la sénatrice, une grave question de santé publique. De fait, les véhicules à moteur diesel font partie du quotidien dans nos villes.
Aurons-nous néanmoins la capacité de régler totalement les problèmes posés eu égard aux difficultés auxquelles pourraient être confrontés nos concitoyens ? En effet, alors que, pendant des années, nombre d’entre eux ont été incités à choisir la motorisation diesel, la raison commande aujourd'hui de changer de motorisation, même si, vous le savez comme moi, les nouveaux moteurs diesel sont beaucoup moins polluants, y compris en termes d’émission de particules, que ceux qui existaient voilà quelque temps.
Ce sujet, je le sais, fait l’objet de contestations, mais, en tout état de cause, il est parfaitement légitime de s’y attaquer. Il appartiendra aux motoristes de nous éclairer et de nous dire si les nouveaux moteurs sont effectivement faiblement émetteurs de particules fines, que ce soit à chaud ou à froid.
Comme vous, je pense que notre pays et notre industrie pourraient tirer un très grand profit de cette nécessaire mutation, à condition de tendre la main à nos concitoyens et de les aider à effectuer cette transition énergétique. Bien évidemment, et vous en serez d’accord avec moi, la question ne se pose pas du tout dans les mêmes termes dans les zones urbaines denses et dans les zones rurales, sans oublier la circulation entre zones rurales.
Enfin, madame la sénatrice, je sais que le groupe écologiste a proposé, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, un certain nombre de modifications de la fiscalité du diesel. Hier soir, j’ai participé aux débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative et je peux d’ores et déjà vous annoncer que la fiscalité applicable au diesel évoluera dans le prochain projet de loi de finances, et ce dans le sens que vous souhaitez, même si toutes vos propositions ne seront peut-être pas retenues.
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le secrétaire d’État, je m’étonne tout d’abord de l’absence des ministres chargés de l’environnement, de la santé, des transports et de l’économie, qui sont pourtant directement concernés par la thématique de la pollution de l’air.
Je suis ensuite interloquée par votre réponse. Vous vous inscrivez dans la même logique que les anciens gouvernements, qui, depuis trente ans, traitent avec une certaine désinvolture cette question, alors que la pollution de l’air constitue pourtant un véritable problème de santé publique, insuffisamment pris en considération.
Compte tenu de l’inaction du Gouvernement, je comprends que certaines ONG aient été contraintes de porter plainte en raison de la pollution de l’air.
Monsieur le secrétaire d’État, vous voulez du concret, en voici : la pollution de l’air provoque entre 42 000 et 50 000 décès prématurés chaque année en France. Elle conduit à une explosion des risques d’infarctus, d’accidents cardio-vasculaires, d’infections respiratoires et même de cancers des voies aériennes. Elle entraîne également des centaines d’hospitalisations pour des problèmes cardiaques et respiratoires.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Leila Aïchi. Du point de vue économique, la pollution de l’air est à l’origine de 650 000 journées d’arrêt de travail par an. Enfin, elle grève l’économie française de près de 50 milliards d’euros.
La santé serait-elle devenue une simple variable d’ajustement pour le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du RDSE.
M. Raymond Vall. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe du RDSE auquel j’appartiens est très attentif à la question de la pollution atmosphérique.
Vous le savez, selon un très récent rapport de l’OCDE, plus de 3,5 millions de personnes meurent chaque année en raison de la pollution de l’air urbain. Et ce nombre a augmenté de 4 % dans le monde en seulement cinq ans.
Ce phénomène est dû en grande partie aux émissions par nos activités de substances polluantes. L’industrie, le chauffage au fioul, ou encore les transports sont les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de particules fines et d’oxydes d’azote.
Non seulement la pollution de l’air est un problème majeur de santé publique, mais elle a un coût important pour notre économie, évalué par l’OCDE à 40 milliards d’euros par an pour la France.
C’est précisément sur l’incidence de cette pollution et de ces émissions sur la couche d’ozone qui protège notre planète que je souhaite vous interroger, monsieur le secrétaire d’État.
En effet, cette pollution ne concerne pas uniquement les centres-villes, n’est pas simplement liée à la circulation ou aux infrastructures domestiques. L’atmosphère n’ayant pas de frontières, le problème est planétaire.
On sait que certaines molécules sont responsables de la disparition de l’ozone lorsqu’elles pénètrent dans la stratosphère. On sait aussi que ces molécules chimiques, que les activités humaines ont introduites, persistent longtemps.
Face à ce phénomène d’une extrême gravité, les pays industrialisés ont adopté, en 1987, le protocole de Montréal, qui prévoit une réduction drastique de la production et de l’utilisation des produits les plus néfastes pour la couche d’ozone. Je pense que le résultat est positif.
Monsieur le secrétaire d’État, le problème de la protection de l’atmosphère qui, je le répète, est planétaire sera-t-il abordé lors de la COP 21, la conférence de Paris sur le climat ? C’est là une opportunité qu’il ne faut pas laisser passer.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui est tout à fait essentielle. Vous avez évoqué la COP 21, qui se tiendra à Paris l’année prochaine. Vous avez raison de souligner l’importance du problème de la pollution tant pour notre pays que pour le monde, en général. Nous sommes tous concernés !
La protection de la couche d’ozone est un enjeu majeur. La France s’est résolument engagée dans ce domaine. À cet égard, trois mesures concrètes sont aujourd'hui lancées.
À l’échelon européen, la France a soutenu le nouveau règlement, récemment adopté, qui prévoit une réduction de 79 % des quantités d’hydrofluorocarbones, les HFC, autorisées d’ici à 2030. Les HFC, et évidemment le CO2, jouent sur la couche d’ozone.
Au plan international, le protocole de Montréal est en cours de révision. La France défend l’extension de ce protocole aux HFC. Dans cette négociation, elle agit aux côtés des États-Unis et de la Chine – pour une fois ! –, ce qui me permet de dire aujourd’hui que cette position ambitieuse a de grandes chances d’être retenue.
Enfin, le projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français contient un titre spécifique traitant des questions de la qualité de l’air et des transports.
Ce texte instaure en particulier un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, lequel fixera, polluant par polluant, les objectifs de réduction à différents horizons. Ces objectifs seront repris dans les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, dont l’élaboration sera confiée aux intercommunalités.
De l’international au local, le Gouvernement est donc pleinement mobilisé pour mieux protéger la couche d’ozone. J’aurai ultérieurement l’occasion de revenir sur les implications de la pollution de l’air sur la santé, sur ce que nous avons fait, sur ce que nous n’avons pas encore fait, et de préciser la position du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.
M. Raymond Vall. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’espère effectivement que cette question, qui me paraît fondamentale, sera inscrite à l’ordre du jour de la COP 21.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe UMP.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur le recours par le Gouvernement, lors des pics de pollution dans les grandes villes, notamment en Île-de-France, du système dit « de circulation alternée », prétendument pour réduire la pollution.
Après plusieurs jours d’hésitation, le Gouvernement a mis en œuvre ce système le 17 mars dernier, à un moment – comble de la stupidité ! – où le taux de pollution baissait.
Ainsi, le niveau de particules fines a été extrêmement élevé pendant plusieurs jours, mais la mise en œuvre de la circulation alternée n’a en réalité pas eu de conséquences positives. À cet égard, je précise qu’Airparif continue d’affirmer que ce n’est pas un bon système, car faire circuler alternativement les voitures portant des plaques d’immatriculation paires et impaires sans faire de distinction entre les véhicules polluants et ceux qui le sont nettement moins, parce qu’ils sont plus modernes, n’est pas une bonne solution.
Par ailleurs, Mme Batho avait déclaré à la fin de l’année 2012 que l’ensemble des ZAPA, les zones d’action prioritaire pour l’air, allaient être supprimées. Or celles-ci présentaient tout de même l’avantage de permettre de faire la distinction entre les véhicules polluants et les autres.
D’autres capitales ont mis en œuvre des systèmes différents, comme le péage urbain ou l’interdiction de la circulation dans les centres-villes, mais tel n’est pas notre objectif.
Monsieur le secrétaire d’État, qu’envisagez-vous de faire concernant les ZAPA ? Considérez-vous que la circulation alternée est une bonne solution ? Enfin, le Gouvernement réfléchit-il à un système plus équilibré, permettant de distinguer les véhicules polluants des véhicules plus modernes, moins polluants, et pouvant circuler de manière continue ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre question est très intéressante.
Vous signalez l’importance pour la connaissance des problèmes que nous avons à traiter d’Airparif, organisme auquel vous êtes évidemment attaché. Vous êtes en effet membre d’une collectivité territoriale qui devra donner à ce dernier les moyens de fonctionner, et je ne doute pas de votre engagement.
Cela étant, selon moi, vous passez un peu vite sur les effets de la circulation alternée mise en place dernièrement. Contrairement à ce que vous pensez, elle a sans doute accéléré le retour à la normale. Peut-être aurait-elle dû – c’est l’une des pistes sur lesquelles nous travaillons – intervenir de façon plutôt préventive que curative. Il faut quoi qu’il en soit pouvoir agir de manière directe, afin de prévenir les pics de pollution.
Vous m’interrogez également, monsieur le sénateur, sur les ZAPA. Le Gouvernement n’y a pas renoncé, mais la méthode a échoué. Le Gouvernement n’a pu que constater que les ZAPA ne fonctionnaient pas, car la plupart des collectivités territoriales – vous connaissez bien d’ailleurs un certain nombre d’entre elles – n’ont pas voulu jouer le jeu, pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de juger.
Je reviens un instant sur la circulation alternée. Je pense qu’il s’agit d’un dispositif intéressant tant que nous n’avons pas opéré la transition massive de notre parc automobile et sans doute aussi tant que nous n’avons pas réduit la part de l’automobile dans l’ensemble de nos déplacements. À ce propos, je remarque que les sénateurs siégeant sur la droite de cet hémicycle présentent rarement des arguments en faveur de cette limitation du trafic automobile. En tout état de cause, l’actuelle transition du parc automobile vers des véhicules moins polluants ne permet pas encore d’atteindre les objectifs fixés.
En attendant, la circulation alternée est une mesure pertinente.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d’État, on n’a pas laissé vivre les ZAPA ! Nombre de décrets n’ont pas été pris ; par conséquent, il était compliqué pour les collectivités de réagir. Il est nécessaire que l’État ait une vision plus complète et plus synthétique de ces questions.
Vous venez de dire que les sénateurs siégeant de ce côté de l’hémicycle sont peu loquaces sur le trafic routier. Très sincèrement, je serai favorable à la limitation et à la réduction de la circulation automobile en Île-de-France quand nous aurons des transports publics dignes de ce nom ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour le groupe UDI-UC.
Mme Chantal Jouanno. D’autres orateurs siégeant sur différentes travées de la Haute Assemblée l’ont déjà indiqué, la pollution de l’air est le mal de ce siècle.
Il s’agit d’un problème non seulement social – cette pollution est particulièrement inégalitaire –, mais aussi économique – M. Vall en a rappelé le coût pour la nation – et sanitaire – en 2030, environ 50 % de la population française sera touchée par des difficultés respiratoires ou par des allergies.
La pollution est donc une question de santé publique, mais malheureusement la loi relative à la santé publique est une Arlésienne !
Toutefois, nous pouvons agir en attendant ce texte assez mystérieux. Nous pouvons notamment reprendre une disposition adoptée dans le cadre du Grenelle de l’environnement : la généralisation des conseillers en environnement intérieur. Cette initiative alsacienne qui fonctionne extrêmement bien permet aux personnes les plus touchées par les allergies de bénéficier de mesures préventives à leur domicile. Monsieur le secrétaire d’État, où en sont cette expérimentation et sa généralisation ?
Nous pouvons également mettre en place une deuxième mesure préventive, elle aussi discutée dans le cadre du Grenelle : la généralisation des mesures de pollution de l’air dans les établissements accueillant des publics sensibles. La première initiative a été lancée à Paris, dans une école du XIVe arrondissement.
Au-delà des mesures préventives, nous devons prendre des mesures structurelles qui vont bien évidemment reposer sur la fiscalité.
La fiscalité actuelle est plutôt punitive à l’égard de l’ensemble des Français et favorise quelques intérêts particuliers. Or, depuis environ deux ans et demi, avec beaucoup de constance, je soutiens un amendement tendant à rééquilibrer la fiscalité pesant sur le diesel et l’essence sur un laps de temps de dix ans et je propose de baisser les taxes sur l’essence et d’augmenter celles sur le diesel. Toutefois, on me renvoie systématiquement à un projet de loi sur la fiscalité écologique qui est très attendu mais qui, si j’ai bien compris, est totalement enterré.
Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous changer d’avis ? Allez-vous suivre les recommandations de M. Pisani-Ferry, qui, dans son rapport Quelle France dans dix ans ?, notamment à la page 123, préconise de diminuer les aides dommageables à l’environnement et d’augmenter la fiscalité écologique sur une période de dix ans justement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, votre engagement sur ces questions est connu. Je ne reprendrai pas certains éléments de réponse que j’ai déjà donnés concernant la fiscalité.
Vous le savez, nous allons mettre en place une fiscalité relative à l’énergie pour faire en sorte que, dans les années qui viennent, elle pèse plus fortement sur les énergies fossiles, singulièrement sur le diesel, tout en traitant différemment le diesel et les autres formes d’énergie fossile.
Néanmoins, nous en avons tous conscience, il n’y a pas eu, parmi nos concitoyens et plus particulièrement parmi nous, une mobilisation suffisante en faveur de l’impératif de santé publique que vous énoncez, madame la sénatrice.
Monsieur Karoutchi, vous savez très bien que les transports collectifs ne suffiront pas à répondre à la demande de transport ! Il faut donc prendre en compte toutes les formes alternatives de transport, ainsi que les questions d’aménagement. En effet, en raison des problèmes existant en matière d’aménagement, singulièrement parce que, notamment en Île-de-France, pour l’essentiel, les logements sont situés à l’est tandis que les bureaux et les activités sont établis à l’ouest, aujourd'hui, nombre de nos concitoyens sont obligés de parcourir des trajets considérables. Vous êtes bien placée pour savoir, madame Jouanno, que toutes ces questions se posent de façon globale à la société et qu’elles seront en partie traitées dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique.
Pour ce qui concerne donc les modes de transport, nous avons pris du retard parce que, ici ou là, la prise de conscience n’a pas eu lieu, par exemple à l’égard des véhicules électriques. Permettez-moi de rappeler que de nombreuses personnes, parmi lesquelles certaines étaient très attachées à l’écologie, ont, pour des raisons idéologiques, combattu pendant des années le passage aux véhicules électriques. Ce fut le cas d’un certain nombre d’initiatives prises par des collectivités territoriales, tel Autolib’ mis en place par la ville de Paris.
Prenons tous conscience de la réalité et des efforts que nous devons accomplir ensemble ! Il serait selon moi illégitime de faire peser sur cette majorité la seule responsabilité d’une situation dont les origines sont anciennes…
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour la réplique.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à mes questions. Si la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Ségolène Royal, avait été présente, peut-être aurait-elle pu répéter qu’elle ne désire pas de modification de la fiscalité. Quoi qu’il en soit, le problème reste entier.
Monsieur le président, permettez-moi de vous faire observer que s’il y avait des prises pour les véhicules électriques accessibles et fonctionnelles au Sénat, ce serait bien.
M. le président. J’y veillerai, ma chère collègue.
La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste.
Mme Odette Herviaux. En 2012, l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a confirmé que les fumées émises par les moteurs diesel étaient des agents cancérogènes. Leur incidence sur la santé humaine est donc avérée ; elle s’explique non seulement par la présence de particules fines dans ces fumées, mais aussi par les oxydes d’azote que contiennent celles-ci. Les résultats des analyses les plus récentes attestent que la mortalité non accidentelle journalière augmente en fonction de la concentration de ces particules fines.
En Île-de-France tout particulièrement, les périodes de forte concentration s’accompagnent d’une augmentation de 2 % à 7 % des admissions aux urgences d’enfants pour des problèmes respiratoires.
Si ce type de pollution peut avoir des sources multiples et si, en France, les émissions sont majoritairement dues au chauffage des résidences ainsi qu’à l’activité industrielle et tertiaire, le secteur des transports routiers y contribue pour une part importante, évaluée à près de 20 %.
Or, malgré un fort recul des ventes de véhicules fonctionnant au gazole en 2013, ceux-ci représentaient encore plus de 60 % du parc automobile français et environ 67 % des nouveaux véhicules vendus.
Grâce aux restrictions réglementaires, les émissions de particules fines ont néanmoins diminué de près de 30 % entre 2000 et 2011, passant de 350 000 à 250 000 tonnes. Cette évolution devrait encore être amplifiée par la mise en place du plan d’urgence pour la qualité de l’air, dont la première phase de mise en œuvre a eu lieu au mois d’avril 2013.
Cependant, il conviendrait, monsieur le secrétaire d’État, d’aller plus loin et d’encourager le changement des habitudes de nos concitoyens, sans toutefois porter atteinte brutalement à un secteur économique souvent en difficulté. Il s’agit à la fois d’un enjeu économique et d’une exigence de service public.
C’est pourquoi, alors que le dispositif du bonus-malus écologique ne concerne aujourd'hui que les émissions de CO2, je vous demande, comme ma collègue Mme Archimbaud, s’il ne serait pas possible d’étendre cet outil intéressant à d’autres polluants, notamment les particules fines.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question qui rappelle, malgré les propos précédents, le chemin qui a déjà été parcouru.
Certes, nous devons le constater, notre pays a connu un certain retard en la matière. J’en veux pour preuve les chiffres enregistrés dans nos grandes agglomérations qui sont parmi les plus mauvais au plan européen.
Toutefois, nous avons un peu progressé, notamment en raison des efforts réalisés dans le domaine de l’industrie plus que dans celui des transports. J’espère que ce n’est pas lié à une forme de désindustrialisation.
Il est encore possible de continuer à progresser. Vous avez rappelé le plan d’urgence pour la qualité de l’air qui est un élément tout à fait important. Vous soutenez à votre tour, à juste titre, la mutation du parc de voitures diesel. Vous insistez avec raison sur la fiscalité ; j’ai déjà eu l’occasion de répondre à Mme Archimbaud que ces questions seront examinées avec une attention particulière par le Gouvernement et trouveront une réponse, notamment, je l’espère, dans le prochain projet de loi de finances.
Bien sûr, nous devrons être extrêmement attentifs à la situation de nos concitoyens qui se sont équipés de véhicules diesel et il faudra sans doute différencier les zones de notre territoire, car les conséquences de l’utilisation de moteurs diesel ne sont pas les mêmes partout.
Nous continuons donc à travailler dans cette direction et nous envisageons des offres alternatives, parmi lesquelles les véhicules hybrides ou électriques. Cette piste doit être creusée de façon plus volontariste et avec moins de préjugés que par le passé.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour la réplique.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos réponses qui rejoignent les conclusions du rapport sur la nocivité du diesel pour la santé que j’ai eu l’honneur de présenter à la commission du développement durable.
Les évolutions techniques doivent progresser pour ce qui concerne les véhicules diesel ou autres. En effet, malgré les dernières nouveautés apparues dans le domaine des moteurs à essence, ceux-ci émettent tout de même des particules fines. Il convient, comme vous l’avez dit, de favoriser le développement de véhicules réellement plus propres et, pourquoi pas, des véhicules électriques. Il faut surtout permettre à nos concitoyens d’y accéder plus facilement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour le groupe CRC.
Mme Évelyne Didier. Selon la dernière étude sur la qualité de l’air publiée par l’Agence européenne pour l’environnement, 90 % des citadins de l’Union européenne sont exposés à l’un des polluants atmosphériques les plus nocifs à des niveaux jugés dangereux pour la santé par l’Organisation mondiale de la santé. Les transports, l’industrie, l’agriculture et les habitations contribuent à la pollution de l’air en Europe.
Malgré la diminution des rejets et la baisse de la concentration de certains polluants atmosphériques au cours des dernières décennies, l’incidence sanitaire de la pollution reste très préoccupante. Deux polluants notamment, les particules fines et l’ozone au niveau du sol, sont pointés du doigt. La pollution atmosphérique n’est pas seulement un fléau urbain, certaines zones rurales présentant aussi des taux de pollution élevés, singulièrement celles qui sont situées autour des axes routiers. Et je n’oublie pas la pollution induite par le transport aérien.
En France, les particules fines seraient responsables chaque année de plus de 40 000 morts, nombre dix fois supérieur à celui des morts accidentelles survenant sur les routes. Or la mobilisation n’est pas la même.
Mme Corinne Bouchoux. Absolument !
Mme Évelyne Didier. Alors que cette question de santé publique appelle des mesures urgentes et un effort collectif, nous en sommes encore à chercher des solutions individuelles. Les transports sont l’un des secteurs dans lesquels devrait s’illustrer cette démarche collective pour lutter contre ce fléau, l’objectif étant le renforcement des transports alternatifs à la route sur l’ensemble du territoire.
Cela nécessite des moyens financiers importants, y compris en direction des collectivités territoriales. Or, on le sait, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, en manque pour soutenir les projets des collectivités. On sait aussi que le péage de transit annoncé ne générera que 500 millions d’euros par an. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer sur les autres pistes de financement destinées à soutenir les projets de transports collectifs en site propre des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Vous insistez sur un point particulier et très important de notre débat : les transports collectifs en site propre.
Comme vous l’avez dit, les ressources de l’AFITF doivent être augmentées pour compléter l’apport du nouveau péage de transit qui sera mis en place au début de l’année 2015 et qui permettra à l’État de mener une politique des transports cohérente avec les enjeux du développement durable, en soutenant une offre de transport alternative à la route.
Le financement du troisième appel à projets de transports en site propre s’inscrit pleinement dans ces orientations. Le Gouvernement est totalement mobilisé sur ce sujet. D’ailleurs, les discussions se tiennent au plus haut niveau entre le Premier ministre, la ministre de l’écologie et le ministre des finances, afin de définir les solutions devant être mises en œuvre et d’arrêter les arbitrages dans le cadre de la préparation du budget triennal 2015-2017.
L’appel à projets « transports collectifs et mobilité durable », lancé le 7 mai 2013, prévoit une enveloppe de 450 millions d'euros. Le 15 septembre dernier, 120 dossiers avaient été déposés. Les résultats n’ont pas encore été annoncés. C’est donc dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 et du budget triennal 2015–2017 que les décisions seront prises. Les collectivités territoriales concernées en seront informées.
En tout état de cause, je vous confirme que le Gouvernement tiendra précisément ses engagements en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.
Mme Évelyne Didier. Je vous remercie de vos réponses, monsieur le secrétaire d'État. Nous en acceptons les augures. Nous examinerons attentivement le prochain projet de loi de finances rectificative et les mesures que vous avez annoncées.
Je voudrais toutefois mettre en garde le Gouvernement sur la question du renvoi systématique à des solutions individuelles. Bien entendu, le comportement de nos concitoyens est important, et il faut prévoir des incitations pour les particuliers ; à ce sujet, je pense que les bonus sont beaucoup plus efficaces que les malus. Cependant, la réponse globale relève du niveau collectif et donc de l’échelon gouvernemental. Il faut faire attention à ne pas toujours renvoyer au niveau individuel.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe UMP.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur des travaux en cours à l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI, qui visent à définir au niveau mondial un système de compensation des émissions carbone émises par l’aviation.
Ce futur dispositif devrait être adopté en 2016 et mis en place en 2020. En attendant, c’est le système d’échange de quotas d’émission, dit « système ETS », qui fonctionne pour l’Europe. Maintenu uniquement sur le périmètre des vols intra-européens jusqu’en 2016, ce dernier bénéficiera d’une possibilité de prolongation jusqu’en 2020, afin d’anticiper la mise en place du système mondial.
En tout état de cause, à partir de 2020, un système mondial basé sur le marché du carbone prévoira la compensation de toutes les émissions de CO2 au-dessus du niveau atteint en 2020. Cependant, pour que ce système soit efficace, il faut obtenir l’accord des pays émergents. Il est donc indispensable de prendre en compte les compagnies de ces pays.
Monsieur le secrétaire d'État, s’il est pour l’instant difficile de spéculer sur les conclusions des négociations, d’autant qu’il existe un vrai risque de distorsion de concurrence entre les compagnies européennes et celles des pays émergents, je souhaite néanmoins interroger le Gouvernement sur les suites qu’il compte donner au système ETS.
Les compagnies européennes et françaises sont inquiètes de la disparition à l’horizon 2016 du périmètre actuel de ce système, qui écarte les vols transcontinentaux. Peuvent-elles compter sur le soutien du gouvernement français en ce qui concerne le maintien de ce périmètre et la limitation du système aux seuls vols intra-européens ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Vous êtes un spécialiste de ce sujet important dans ses dimensions aussi bien environnementales que commerciales, puisqu’il touche à l’attractivité et à la compétitivité de notre économie. Nous sommes partagés entre la nécessité de faire avancer la prise de conscience internationale, et donc de limiter les émissions de gaz à effet de serre, et la nécessité de composer avec la réalité internationale, ce qui exclut une décision unilatérale de l’Union européenne.
Je veux rappeler après vous que le secteur aérien doit participer activement aux efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le système ETS fonctionne actuellement. Cependant, comme vous l’avez souligné, le problème appelle une solution à l’échelle mondiale dans le cadre de l’OACI. Pour avancer, l’Union européenne a décidé d’appliquer d'abord son système aux vols intracommunautaires, quelle que soit la compagnie. Il faut désormais – c’est exact – que ce système soit étendu au monde entier. Sachez que la France est pleinement engagée et mobilisée dans les négociations au sein de l’OACI.
Nous sommes optimistes, dans la mesure où la dernière assemblée générale de l’OACI, qui s’est tenue à l’automne, a pris acte du principe. Là encore, la perspective de la COP 21, qui se déroulera à la fin de l’année 2015, peut nous permettre de susciter une prise de conscience internationale ; tous les secteurs économiques doivent être concernés. Espérons que la capacité de conviction de la France, au plan tant intra-européen qu’extra-européen, parviendra à vous donner satisfaction en conciliant l’impératif d’attractivité et l’impératif de responsabilité environnementale.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.
M. Alain Fouché. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait. Je sais que vous êtes très attentif et que vous continuerez de l’être. Il s’agit d’un sujet très important pour la planète.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour le groupe socialiste.
Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au mois d’octobre dernier, l’Organisation mondiale de la santé a classé la pollution de l’air qui nous entoure dans la catégorie des cancérigènes certains pour l’homme. Des études confirment aujourd’hui qu’il s’agit du principal risque environnemental dans le monde, et indiquent que sept millions de personnes sont décédées prématurément en 2012 en raison de l’exposition à la pollution de l’air.
D’après l’OMS, les risques, à l’intérieur comme à l’extérieur des locaux, sont désormais importants pour ce qui concerne les cardiopathies et les accidents vasculaires. Les principales sources de cette pollution qui a un effet direct sur l’environnement et la santé sont, comme pour les gaz à effet de serre, les installations industrielles, les équipements de chauffage, l’agriculture et les transports.
La France est le deuxième pays européen, derrière la Suède, où l’air est le moins toxique en CO2, car, contrairement aux énergies fossiles, l’énergie nucléaire contribue à limiter les rejets dans l’atmosphère et donc à préserver la qualité de l’air. (Exclamations sur les travées du groupe écologiste.) Il n’en demeure pas moins que le niveau de pollution reste important, et que nous connaîtrons encore de graves pics de pollution atmosphérique.
Selon l’OMS, la ville de Douai, dans le Nord, est l’une des villes les plus polluées de France. Bien que les résultats de ce classement doivent être relativisés, la lutte contre la pollution atmosphérique représente un véritable enjeu sanitaire pour ce département et même pour toute la région, qui s’est construite historiquement autour d’une industrie énergivore. Les décideurs et les acteurs sont aujourd’hui mobilisés pour promouvoir une économie décarbonée, à travers de nombreux projets qui, dans l’immédiat, ont surtout besoin de financements. L’apport de l’État reste ainsi essentiel pour accompagner nos territoires.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre, dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique, afin d’accompagner et de soutenir nos territoires dans leurs actions qui contribuent à répondre à ces enjeux essentiels de santé publique.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, votre question me permet de vous indiquer très précisément les avancées contenues dans le projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français, qui répond à l’essentiel de vos questions ; celles-ci sont cependant si importantes qu’un seul texte ne suffira malheureusement pas à y répondre en totalité.
Nous voulons engager la France dans un développement peu émetteur de gaz à effet de serre. Le projet de loi susvisé fixera pour une période de cinq ans des objectifs nationaux de réduction en matière de polluants atmosphériques. Ces objectifs seront déclinés dans des actions opérationnelles secteur par secteur : industrie, transports, secteur résidentiel, agriculture.
Ce projet de loi prévoit en outre plusieurs mesures, comme la possibilité pour les agglomérations qui le souhaitent de restreindre la circulation des véhicules les plus polluants ; je réponds ainsi à Roger Karoutchi, qui trouvera là, sans aucun doute, une raison de voter ce texte.
M. Roger Karoutchi. Quel optimiste !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le projet de loi précité favorise le développement de moyens de déplacement moins émetteurs, notamment des véhicules électriques, grâce au déploiement de bornes de recharge ; cette question a été soulevée précédemment. Il renforce les outils de planification territoriale en faveur de la qualité de l’air, pour inscrire résolument les collectivités territoriales dans la lutte contre la pollution. Enfin, il impose aux chargeurs de la grande distribution de mettre en œuvre des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous souhaitons également que des incitations positives soient mises en place pour faciliter le renouvellement des véhicules, au profit de ces fameux véhicules électriques qui, pendant longtemps, n’ont pas trouvé le soutien qu’ils auraient dû recueillir parmi les défenseurs de l’environnement. Ces incitations viseront notamment les ménages modestes. Une prime à la conversion des véhicules diesel les plus anciens sera créée. Associée au bonus électrique, elle pourra atteindre 10 000 euros. Enfin, pour stimuler le marché des véhicules propres, les flottes de véhicules de l’État seront renouvelées au moins pour moitié par des véhicules écologiques.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour la réplique.
Mme Delphine Bataille. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Même si l’état des lieux peut parfois sembler anxiogène, vous venez de montrer que le Gouvernement avait véritablement pris en compte la question de la santé publique qui est incontournable à un moment où les médecins s’accordent à dire qu’une exposition à des concentrations faibles de poussières sur une longue période est aussi, voire plus préoccupante qu’une exposition ponctuelle à des concentrations élevées.
C'est pourquoi la question des poussières en suspension fait l’objet de nombreuses études sanitaires. La pollution aux particules fines nécessite la mobilisation d’un maximum d’acteurs, parce que les valeurs réglementaires sont régulièrement dépassées, par exemple dans la région Nord-Pas-de-Calais. Les préfets de région ont présenté un plan de protection de l’atmosphère dont les actions s’inscrivent dans la durée pour lutter contre la pollution de fond. De nombreux partenaires sont sollicités, à côté des actions régaliennes menées par l’État.
Néanmoins, près de 90 % du budget de la fédération des associations de surveillance de la qualité de l’air, l’ATMO, restent consacrés à la surveillance de l’atmosphère, qui est inscrite dans les textes réglementaires. Il semble aujourd'hui nécessaire de développer des actions nouvelles, soutenues par les collectivités territoriales, autour des enjeux régionaux et territoriaux.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je crains qu’une réponse partielle n’ait déjà été apportée à la question que je m’apprête à poser sur la place réservée à la pollution atmosphérique lors de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris au mois de décembre 2015.
Nous le savons, la France accueillera la grande conférence des Nations unies, communément appelée COP 21. À cette occasion, plus de 25 000 délégués venant du monde entier se pencheront sur les questions relatives à l’avenir de notre planète.
Nous sommes tous concernés par le dérèglement climatique et par l’effet de la pollution sur la santé. Comme l’ont rappelé des orateurs précédents, chaque année, plus de 42 000 Français meurent prématurément en raison de la pollution de l’air.
Face à ce chiffre inquiétant, ne serait-il pas judicieux d’adopter rapidement des plans de protection de l’atmosphère ? La reconquête de la qualité de l’air constitue un enjeu sanitaire majeur et justifie, me semble-t-il, la mobilisation de tous les acteurs concernés, ce que nous sommes tous.
La pollution atmosphérique doit avoir toute sa place lors de cette conférence mondiale de 2015. La France prépare celle-ci activement ; des discussions sont engagées et les négociations ont commencé, notre pays déployant d’intenses efforts diplomatiques pour qu’un accord ambitieux soit finalisé.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer comment la France entend peser sur les orientations relatives à la pollution atmosphérique lors de la conférence sur le climat et la place qui lui sera réservée ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, votre question permet de réunir, dans un cadre stratégique, toutes les questions qui m’ont été posées, à juste titre, aujourd’hui.
En effet, si la France peut mener une action résolue pour avancer, par exemple, sur le sujet de la pollution atmosphérique à l’intérieur de ses villes, elle ne peut néanmoins pas traiter globalement la problématique de l’effet de serre. Seule, elle n’est pas capable de changer le destin du monde en agissant sur les conséquences du réchauffement climatique.
Par ailleurs, en étant trop volontariste, elle se couperait de la concurrence internationale et se verrait très lourdement pénalisée, notamment en matière industrielle.
La perspective qu’a tracée le Président de la République à l’égard de cette fameuse COP 21 pour tenter de surmonter l’échec de la conférence de Copenhague vise à essayer de faire converger des politiques internationales vers les objectifs définis. Cette vision est tout à fait essentielle.
Vous le savez, la méthode adoptée sera sans doute plus souple, plus pragmatique que celle qui avait été retenue pour la conférence de Copenhague. En effet, l’idée est d’arriver à déterminer des critères assurant l’égalité à tout le monde et dans tous les secteurs.
De plus, la dynamique diplomatique mise en œuvre non seulement par la France, principal organisateur de ce sommet, mais aussi par tous les participants, notamment ceux qui sont issus de la société civile mobilisée sur cette question au plan international, permet de faire avancer les dossiers tant par grande branche industrielle que par grande thématique et par grand continent. Il s’agit, à chaque fois, de partir de l’acquis pour faire un saut qualitatif.
L’engagement politique du Président de la République et du Gouvernement est total dans cette affaire. Nous espérons pouvoir aboutir enfin à des résultats significatifs qui nous permettront d’enrayer le risque de réchauffement climatique tel qu’il est aujourd’hui programmé par les scientifiques qui ont de ce sujet une connaissance assez grande.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis de la volonté politique qui anime le Gouvernement. Elle est aujourd’hui essentielle non seulement pour la réussite de la conférence précitée, mais aussi pour le bien-être futur de tous.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la pollution de l’air.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 29 bis, qui concerne l’organisation de nos travaux et les missions dévolues à la conférence des présidents.
Comme vous l’aurez compris, je veux vous parler des conditions d’examen du projet de loi portant réforme territoriale. La commission spéciale constituée a eu très peu de temps pour travailler et n’a pas pu, à ma connaissance, adopter de rapport, d’où l’insatisfaction qui s’exprime au sein de plusieurs groupes, lesquels sont conduits à solliciter de votre part, monsieur le président, une réunion de la conférence des présidents pour aménager l’ordre du jour.
Il s’agit de permettre la réalisation des études d’impact indispensables, par exemple dans le domaine budgétaire. En effet, le chiffrage des bénéfices à attendre des regroupements de régions a beaucoup varié, dans la bouche même de M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, notre ancien collègue André Vallini : on a ainsi entendu évoquer ²le chiffre de 5 milliards d’euros, comme celui de 12 milliards d’euros. Cette évaluation nécessite donc des études plus approfondies, afin que le Sénat puisse examiner en première lecture le projet de loi susvisé dans la sérénité.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Monsieur Marini, acte vous est donné de ce rappel au règlement.
Ayant effectivement été saisi d’une demande de réunion de la conférence des présidents de la part des groupes CRC, UMP et RDSE, j’ai décidé de convoquer cette dernière aujourd’hui, à seize heures quinze.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mes chers collègues, la conférence des présidents ayant été convoquée à seize heures quinze par M. le président du Sénat, nous allons interrompre nos travaux le temps de cette réunion.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Madame la ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents n’a pas encore fini de siéger. Lorsque ses conclusions seront rédigées, je serai amenée à vous en donner lecture.
Nous passons donc à la suite de l’ordre du jour sans plus tarder.
6
Renforcement de l’efficacité des sanctions pénales
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales (projet n° 596, texte de la commission n° 642, rapport n° 641).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre IEr (suite)
DISPOSITIONS VISANT À ASSURER LE PRONONCÉ DE PEINES EFFICACES ET ADAPTÉES
Chapitre III (suite)
Dispositions instituant la contrainte pénale
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre Ier, à l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 8 ter.
Articles additionnels après l’article 8 ter
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mmes Tasca et Klès et MM. Vandierendonck, Kaltenbach, Madec, Mohamed Soilihi, Sueur et Delebarre, est ainsi libellé :
Après l’article 8 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa des articles 131-8 et 132-54 et à la première phrase du premier alinéa de l’article 132-57 du code pénal, les mots : « deux cent dix » sont remplacés par les mots : « deux cent quatre-vingts ».
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Cet amendement vise à augmenter la durée maximale du travail d’intérêt général, ou TIG, de deux cent dix heures à deux cent quatre-vingts heures, soit huit semaines.
Les TIG ont été créés en 1983 avec une durée maximale de deux cent quarante heures, sur le modèle du système adopté par le Royaume-Uni. En 2004, constatant des difficultés de mise en œuvre, le législateur a abaissé cette durée maximale à deux cent dix heures. Or, si l’on veut faire du TIG une véritable solution alternative à l’emprisonnement, il faut lui donner plus de sens, notamment en augmentant sa durée maximale pour permettre à la personne condamnée de développer un vrai projet et, éventuellement, un véritable apprentissage.
La possibilité de prononcer des TIG longs est déjà inscrite dans la législation de plusieurs États, en particulier la Suisse, qui va jusqu’à sept cent vingt heures. Ce n’est pas ce que proposent les auteurs de cet amendement, qui, je le rappelle, se limitent à deux cent quatre-vingts heures.
Le présent projet de loi fait du TIG un élément constitutif de la contrainte pénale. Le TIG ne peut être prononcé qu’avec l’accord du condamné, c’est d’ailleurs un gage de sa réussite : lorsque l’on s’engage dans un travail d’intérêt général, mieux vaut y aller de son plein consentement !
Le moment est donc venu de donner un nouvel élan au TIG. Le juge, lorsqu’il estime que la personnalité et la situation du condamné le justifient, peut prononcer cette peine qui présente l’avantage de permettre au condamné d’amorcer une réinsertion dans la société, mais aussi dans le monde du travail. On sait en effet que le rapport avec le travail se perd lors du séjour en prison ; la remise en route est difficile et le travail d’intérêt général peut la faciliter.
Nous savons tous que la mise en application du TIG n’est pas simple, parce qu’elle nécessite un suivi approfondi, mais toutes les mesures proposées dans votre projet de loi vont dans ce sens, madame la ministre ; elle exige aussi le concours des collectivités locales et des associations. Il faudra donc veiller aux conditions pratiques de mise en œuvre et peut-être saisir cette occasion pour établir un bilan détaillé de l’usage actuel des TIG.
L’examen de ce projet de loi nous offre une belle occasion de remettre en valeur l’utilité des travaux d’intérêt général et, à cette fin, d’en augmenter la durée maximale. L’amendement n° 44 rectifié tend donc à porter cette durée maximale à deux cent quatre-vingts heures.
Mme la présidente. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Tasca et Klès et MM. Vandierendonck, Kaltenbach, Madec, Mohamed Soilihi, Sueur et Delebarre, est ainsi libellé :
Après l’article 8 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa des articles 131–8 et 132–54 et à la première phrase du premier alinéa de l’article 132–57 du code pénal, les mots : « deux cent dix » sont remplacés par les mots : « deux cent quarante ».
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Il s’agit d’un amendement de repli. Si, ce que je n’ose imaginer, l’amendement n° 44 rectifié n’était pas adopté, je pense que nous pourrions au moins trouver un très large consensus dans cet hémicycle pour adopter l’amendement n° 45 rectifié qui tend à porter à deux cent quarante heures la durée maximale du TIG.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Catherine Tasca. Bien sûr, le précédent amendement me semble le meilleur. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 44 rectifié, sous réserve de l’avis du Gouvernement, mais j’espère qu’il sera également favorable.
Si la durée maximale du TIG passe à deux cent quatre-vingts heures, le juge disposera d’une plus grande latitude pour prononcer un TIG. Comme le dit Mme Tasca, l’adoption de cette mesure ne règle pas tous les problèmes.
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il faut en effet trouver des TIG et je pense que les magistrats devraient se mobiliser pour rencontrer les responsables de collectivités locales et d’associations.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le sujet abordé par les auteurs de cet amendement est très important, parce que le travail d’intérêt général est une réponse pénale particulièrement adaptée à toute une série de situations. Il présente surtout l’avantage que le condamné participe à l’exécution de sa peine : c’est l’un des rares cas où la personne condamnée joue un rôle très actif dans l’exécution de sa peine. Par conséquent, nous devons développer la pratique du travail d’intérêt général, en multipliant les situations dans lesquelles il peut être exécuté.
Nous venons de fêter le trentième anniversaire de la création du travail d’intérêt général : cette peine avait été créée par Robert Badinter, lorsqu’il était garde des sceaux. Vous savez certainement, puisque vous êtes tous très impliqués dans l’étude des questions relatives à la justice, que la Chancellerie a lancé une semaine d’action sur les travaux d’intérêt général.
Il est intéressant de noter que de nombreuses collectivités territoriales demandent à accueillir des TIG, mais elles sont inégalement réparties sur le territoire : il n’est pas rare que de petites communes accueillent très volontiers des personnes condamnées à des travaux d’intérêt général.
Nous avons d’autres partenaires très actifs qui ont fait savoir, à l’occasion du trentième anniversaire, qu’ils étaient intéressés par la perspective d’accueillir davantage de personnes exécutant des travaux d’intérêt général.
Nous avons de gros partenaires, la SNCF, par exemple. Dans ce genre de structure de taille importante, il arrive qu’une personne soit spécifiquement dédiée à l’accueil de ceux qui exécutent un TIG.
Depuis la modification de la loi de 2004, les TIG sont plafonnés à deux cent dix heures, ce qui pose des difficultés en certains endroits. Le porter à deux cent quatre-vingts heures va donner un peu plus de marge. Je le dis très honnêtement, il n’est pas certain que des tribunaux appliquent rapidement cette disposition et prononcent des TIG de deux cent quatre-vingts heures. En effet, l’exécution du TIG passe par une insertion dans une équipe et par un accompagnement. Confrontées à un certain nombre de contraintes, des collectivités évitent parfois d’accueillir des TIG parce qu’elles s’interrogent sur la cohésion de leurs équipes et sur leur responsabilité en cas d’incidents.
La démarche me paraît donc tout à fait positive et j’émets, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur votre premier amendement. Il n’y a pas de raison de vous contraindre à l’amendement de repli dans lequel est proposé un plafond de deux cent quarante heures, soit quarante heures de moins.
Je voulais, en toute honnêteté, vous dire que, dans l’immédiat, il n’y aura pas de TIG de deux cent quatre-vingts heures. Vous ouvrez un espace qui permettra au magistrat d’être plus à l’aise pour prononcer cette sanction, qui, je le répète, a cette vertu particulière d’impliquer le condamné dans l’exécution de sa peine.
J’ai pris le temps de m’expliquer parce que, au fil de la discussion, à force d’examiner les dispositions successives, nous sommes parfois emprisonnés, ce qui nous fait un peu perdre de vue l’objectif et l’ambition de ce texte, qui sont vraiment la prévention de la récidive. Or parmi les facteurs de la prévention de la récidive figure la responsabilisation de l’auteur de l’acte et donc son implication dans l’exécution de sa peine. Le TIG est par excellence une peine dont l’exécution implique fortement l’auteur de l’acte.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Tout le monde est d’accord avec la proposition de Mme Tasca ! Si je prends la parole pour soutenir l’amendement, c’est parce que j’ai vécu l’expérience des TIG dans ma mairie depuis à peu près vingt ans. Les TIG ont été créés voilà trente ans, nous avez-vous dit, madame le garde des sceaux. Dans ma ville, c’est une réussite totale, sauf – c’est inévitable, c’est la vie ! – dans un cas. Avec les TIG, on redonne aux personnes la possibilité de se remettre debout. Bien sûr, il ne faut pas les cantonner à des tâches secondaires.
Si nous avons obtenu d’excellents résultats, c’est parce que nous sommes en accord avec le juge qui nous envoie la personne et parce que nous discutons avec elle pour voir comment nous allons procéder. Nous affectons auprès d’elle quelqu’un de dédié pour lui éviter d’être perdue dans notre organisation. Ainsi, s’il est d’usage dans le service où elle travaille de porter une blouse, eh bien, la personne en revêt une. Le processus d’intégration ne diffère pas de celui qu’ont suivi les autres membres de l’équipe. Automatiquement, le condamné – un mot que je n’aime pas beaucoup –, la personne qui a fait une faute peut se réhabiliter à travers cela.
Nous suivons l’évolution, pas à pas, en particulier à travers la personne qui suit celui qui exécute le TIG – pas pour l’espionner mais pour l’aider, le renseigner sur le lieu et l’heure du déjeuner, par exemple. Et petit à petit, la personne chargée de l’encadrer vient nous raconter l’évolution absolument incroyable de la personne qui avait vécu la honte d’être condamnée et dont on s’aperçoit qu’elle se révèle tout à coup.
Ce dispositif, nous devons absolument le développer dans notre pays. Vous avez raison, madame le garde des sceaux, les petites mairies n’ont pas la structure ni le personnel. Je le sais pour avoir essayé de faire pratiquer les TIG dans une mairie toute proche de ma ville du Pecq. Le maire était pour, mais il n’avait pas les moyens.
Et il y a aussi, en accord avec Mme le juge de Versailles, la possibilité de s’impliquer dans la vie associative, à la Maison des associations, par exemple. Franchement, il faut donner la possibilité de se réhabiliter à un homme qui a fait une bêtise – qui pourrait prétendre ici qu’il n’en fera jamais ? – en rendant des services, en ayant la fierté de faire évoluer la ville. Moi, à l’issue du TIG, je recevais les personnes – et j’appelle les maires ou les présidents de conseil général à m’imiter – pour leur dire que tout s’était bien passé, qu’elles avaient rendu service.
Vous avez raison, madame Tasca, de proposer de porter à huit semaines la durée maximale des travaux d’intérêt général. Il faut faire un geste dans cette direction. Je ne sais pas si beaucoup de tribunaux suivront. Ce qui compte, c’est que le Sénat exprime son profond attachement à ces travaux d’intérêt général. Donc, je suis tout à fait favorable à cet amendement à titre personnel et je pense que le groupe va me suivre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Madame la présidente, j’irai tout à fait dans le même sens. Tout évolue et parfois favorablement. Je me souviens, en effet, que l’on m’avait opposé l’article 40 de la Constitution à propos d’un amendement comparable que j’avais déposé il y a quelques années. Pourtant, les TIG ne sont pas rémunérés mais on m’avait expliqué que leur encadrement générait un certain nombre de dépenses. Donc, il y a aujourd’hui une appréhension intelligente de l’article 40, ce dont on ne peut que se féliciter !
J’ai déclaré à de multiples reprises qu’en matière de délinquance routière notamment, il me paraissait tellement plus vertueux sur le plan de la lutte contre la récidive de développer les TIG dans des établissements spécialisés pour l’accueil des personnes traumatisées de la route plutôt que d’incarcérer les personnes ayant provoqué des accidents. Cela me paraissait d’autant plus important pour modifier leur propre culture.
Enfin, dans mon département, le Nord, de très nombreux maires souhaiteraient développer les travaux d’intérêt général mais ils auraient parfois besoin, pour ce faire, d’être un peu plus encadrés par les autorités de justice.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 ter et l'amendement n° 45 rectifié n'a plus d'objet.
Par ailleurs, je constate que l’amendement n° 44 rectifié a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 9
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article 474, après le mot : « condamnée », sont insérés les mots : « à une contrainte pénale, » ;
2° Après le titre Ier du livre V, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :
« Titre Ier Bis
« DE LA CONTRAINTE PÉNALE
« Art. 713-42. – Le service pénitentiaire d’insertion et de probation évalue la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée à la contrainte pénale.
« À l’issue de cette évaluation, le service adresse au juge de l’application des peines un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en œuvre des mesures de contrôle et d’assistance, des obligations et des interdictions mentionnées à l’article 131-4–1 du code pénal.
« Art. 713–43. – Au vu du rapport établi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le juge de l’application des peines décide les obligations et interdictions particulières auxquelles le condamné est astreint parmi celles mentionnées aux 1° à 3° de l’article 131–4–1 du code pénal, ainsi que les mesures d’aide dont il bénéficie. Le juge statue par ordonnance motivée, après réquisitions écrites du procureur de la République, et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. S’il envisage d’astreindre le condamné à l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général prévue au 2° de ce même article, il statue après que ce dernier a été informé de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général et après avoir reçu sa réponse. Il lui notifie cette ordonnance et lui donne connaissance des dispositions des articles 713–44 et 713–47 du présent code.
« Le juge de l’application des peines peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions fixées par la juridiction en application du dixième alinéa de l’article 131–4–1 du code pénal si l’évaluation de la personnalité du condamné le justifie.
« La décision du juge de l’application des peines intervient au plus tard dans les quatre mois qui suivent le jugement de condamnation.
« Art. 713–44. – La situation matérielle, familiale et sociale de la personne est réévaluée à chaque fois que nécessaire au cours de l’exécution de la peine, et au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge de l’application des peines.
« Au vu de chaque nouvelle évaluation, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues à l’article 712–8, et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat :
« 1° Modifier ou compléter les obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est astreinte ;
« 2° Supprimer certaines d’entre elles.
« Art. 713-45. – Si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant au moins un an, que son reclassement paraît acquis et qu’aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le juge de l’application des peines peut, par ordonnance rendue selon les modalités prévues à l’article 712-8, sur réquisitions conformes du procureur de la République, décider de mettre fin de façon anticipée à la peine de contrainte pénale.
« En l’absence d’accord du ministère public, le juge de l’application des peines peut saisir à cette fin, par requête motivée, le président du tribunal ou un juge par lui désigné, qui statue à la suite d’un débat contradictoire public en application de l’article 712-6. En cas de refus opposé à cette première demande, une autre demande ne peut être présentée qu’une année après cette décision de refus. Il en est de même, éventuellement, des demandes ultérieures.
« Art. 713-46. – Le délai d’exécution de la contrainte pénale peut être suspendu par le juge de l’application des peines en cas d’incarcération du condamné, sauf si celle-ci résulte d’une condamnation sur le fondement de l’article 434–43–1 du code pénal.
« Art. 713-47. – En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures de contrôle et d’assistance, des obligations ou des interdictions mentionnées à l’article 131-4–1 du code pénal qui lui sont imposées, le juge de l’application des peines peut, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, selon les modalités prévues à l’article 712-8 du présent code, modifier ou compléter les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint. Le juge de l’application des peines peut également procéder à un rappel aux mesures, obligations et interdictions auxquelles est astreinte la personne condamnée.
« Si la solution prévue au premier alinéa du présent article est insuffisante pour assurer l’effectivité de la peine, le juge de l’application des peines transmet au procureur de la République toute information utile lui permettant d’apprécier l’opportunité d’engager des poursuites sur le fondement de l’article 434–43–1 du code pénal.
« Art. 713-48. – (Supprimé)
« Art. 713-49. – Un décret précise les modalités d’application du présent titre. » ;
3° (nouveau) Au 5° de l’article 398–1, après la référence : « 433-10, premier alinéa », est insérée la référence : « 434–43–1, ».
II (nouveau). – Le paragraphe 3 de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal est complété par un article 434–43–1 ainsi rédigé:
« Art. 434–43–1. – La violation, par le condamné, des obligations résultant d’une peine de contrainte pénale est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Je fais simplement remarquer qu’il s’agit d’un amendement de cohérence avec d’autres amendements qui ont été rejetés. À mon avis, la discussion devrait être très rapide.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable, puisque c’est un amendement de cohérence avec d’autres amendements auxquels la commission a été défavorable. Cela supprime la contrainte pénale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par Mme D. Gillot et M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Après le mot :
probation
insérer les mots :
ou la personne morale habilitée à qui la mesure a été confiée
II. – Alinéa 7
Après le mot :
service
insérer les mots :
pénitentiaire d’insertion et de probation ou la personne morale habilitée à qui la mesure a été confiée
III. – Alinéa 8, première phrase
Après le mot :
probation
insérer les mots :
ou la personne morale habilitée à qui la mesure a été confiée
IV. – Alinéa 11
Après le mot :
probation
insérer les mots :
, la personne morale habilitée
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. C’est un amendement technique de mise en cohérence à la suite de l’adoption à l’article 8 de l’amendement de la commission modifié par le sous-amendement n° 35 rectifié. Il s’agit d’introduire la complémentarité des services associatifs et du SPIP.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par cohérence avec la position que j’ai développée hier, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable, ce que Mme Gillot peut concevoir.
J’en profite pour rappeler que le sujet dont nous traitons est l’implication de personnes morales dans le post-sentenciel, c’est-à-dire après le prononcé de la condamnation. C’est le champ d’intervention du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Ce service, nous le réorganisons, nous modifions la formation initiale et la formation continue. Nous travaillons pour le doter de nouveaux outils d’analyse, de prise en charge et d’évaluation.
Le SPIP a des relations partenariales de grande qualité. Voilà des années que les services d’insertion et de probation travaillent, comme l’autorité judiciaire, avec des associations. Il existe des associations très sérieuses, très rigoureuses, très professionnelles, qui interviennent essentiellement dans le présentenciel, autrement dit avant le jugement.
Nous sommes en train de faire un effort pour armer le SPIP de nouveaux outils afin qu’il soit bien performant dans l’évaluation et le suivi des personnes condamnées à une contrainte pénale.
J’attire l’attention des membres de la Haute Assemblée sur le fait que ce service, qui assure une mission régalienne, sera de mieux en mieux formé pour exercer ce type de missions. Et vous proposez que des personnes morales soient en situation d’être choisies par le ministère public, sans qu’aucune disposition ne soit prise pour l’instant pour les spécialiser de la même façon dans le post-sentenciel.
Mme la présidente. L'amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 19 et 20
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Si la solution prévue au premier alinéa du présent article est insuffisante pour assurer l’effectivité de la peine, le juge, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, saisit, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution contre le condamné tout ou partie de l’emprisonnement fixé par la juridiction en application du dixième alinéa de l’article 131–4–1 du code pénal. Le président du tribunal ou le juge par lui désigné, qui statue à la suite d’un débat contradictoire public en application de l’article 712–6 du présent code, fixe la durée de l’emprisonnement à exécuter sans pouvoir excéder celle fixée par la juridiction. La durée de cet emprisonnement est déterminée en fonction de la personnalité du condamné, de la gravité de l’inobservation des mesures, obligations et interdictions, ainsi que du délai pendant lequel la contrainte pénale a été exécutée et des obligations qui ont déjà été respectées ou accomplies. Lorsque les conditions prévues à l’article 723–15 sont remplies, le président du tribunal ou le juge par lui désigné peut décider que cet emprisonnement s’exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique.
« Lorsqu’il fait application du deuxième alinéa du présent article, le juge de l’application des peines peut, s’il l’estime nécessaire, ordonner l’incarcération provisoire du condamné en application des deux premiers alinéas de l’article 712–19. À défaut de tenue du débat contradictoire devant le président ou le juge par lui désigné dans un délai de quinze jours suivant l’incarcération du condamné, celui-ci est remis en liberté s’il n’est pas détenu pour une autre cause.
« Au cours de l’exécution de la contrainte pénale, le juge de l’application des peines peut faire application à plusieurs reprises du deuxième alinéa du présent article, dès lors que la durée totale des emprisonnements ordonnés ne dépasse pas celle fixé par la juridiction en application du dixième alinéa de l’article 131–4–1 du code pénal. Si la durée de l’emprisonnement ordonné est égale ou, compte tenu le cas échéant des précédents emprisonnements ordonnés, atteint cette durée, la décision du président ou du juge par lui désigné met fin à la contrainte pénale.
« Art. 713–48. – Si le condamné commet, pendant la durée d’exécution de la contrainte pénale, un crime ou un délit de droit commun suivi d’une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis, la juridiction de jugement peut, après avis du juge de l’application des peines, ordonner la mise à exécution de tout ou partie de l’emprisonnement fixé par la juridiction en application du dixième alinéa de l’article 131–4–1 du code pénal.
II. - Alinéas 22 à 24
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement n'a, me semble-t-il, plus d'objet, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 99 n’a en effet plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
Au début de l’article 20-4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, sont ajoutés les mots : « La contrainte pénale, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Il s’agit d’un amendement de cohérence, qui vise à supprimer l’article 10.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable, par cohérence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à supprimer l’article 10, qui précise que la contrainte pénale n’est pas applicable aux mineurs. L’avis du Gouvernement est bien sûr défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Titre II
DISPOSITIONS VISANT À PRÉCISER LE RÉGIME DE L’EXÉCUTION DES PEINES ET À RENFORCER LE SUIVI ET LE CONTRÔLE DES PERSONNES CONDAMNÉES
Chapitre Ier
Principes régissant la mise en œuvre des peines
Article 11
I. – (Non modifié) L’article 707 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par des II à V ainsi rédigés :
« II. – (Supprimé)
« III. – Le régime d’exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions.
« Ce régime est adapté au fur et à mesure de l’exécution de la peine, en fonction de l’évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l’objet d’évaluations régulières.
« IV. – Toute personne condamnée incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à la liberté, dans le cadre d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d’une libération sous contrainte, afin d’éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire.
« V. – Au cours de l’exécution de la peine, la victime a le droit :
« 1° De saisir l’autorité judiciaire de toute atteinte à ses intérêts ;
« 2° D’obtenir la réparation de son préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s’il y a lieu, en se voyant proposer une mesure de justice restaurative ;
« 3° D’être informée, si elle le souhaite, de la fin de l’exécution d’une peine privative de liberté, dans les cas et conditions prévus au présent code ;
« 4° À la prise en compte, s’il y a lieu, de la nécessité de garantir sa tranquillité et sa sûreté.
« L’autorité judiciaire est tenue de garantir l’intégralité de ces droits tout au long de l’exécution de la peine, quelles qu’en soient les modalités. » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé.
I bis. – (Non modifié) Après l’article 707-4 du même code, il est inséré un article 707-5 ainsi rédigé :
« Art. 707-5. – En cas de délivrance d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, les peines privatives de liberté peuvent être immédiatement aménagées, dans les conditions prévues au présent code, sans attendre que la condamnation soit exécutoire en application de l’article 707, sous réserve du droit d’appel suspensif du ministère public prévu à l’article 712-14. »
I ter. – (Supprimé)
I quater. – (Supprimé)
I quinquies. – (Supprimé)
II. – (Non modifié) Le titre préliminaire de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est abrogé.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
M. Jean-René Lecerf. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable, par cohérence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 46, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
d’un retour progressif à la liberté
insérer les mots :
en prenant en compte les conditions matérielles de détention et le taux de densité carcérale de l’établissement
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Cet amendement vise à intégrer le critère des conditions matérielles de détention comme un critère combiné aux conditions d'octroi des aménagements de peine et de libération sous contrainte.
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas d’établir quelque automaticité que ce soit entre, par exemple, la surpopulation carcérale et la sortie de détention, comme le souhaiteraient notamment les partisans de ce que l’on appelle le numerus clausus. Il s’agit simplement de permettre au juge de prendre en compte, parmi un éventail de critères, celui des conditions matérielles de détention. En effet, le risque de récidive, que nous souhaitons tous minimiser, dépend aussi de la surpopulation carcérale, comme de l’état dégradé de certains établissements pénitentiaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est absolument favorable à cet amendement. En effet, il répond aux remarques formulées à de nombreuses reprises par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, conformément aux positions qu’il avait prises : il est certain qu’il faut prendre en compte l’état en détention. Si la personne, au lieu d’être seule dans une cellule – ce qui est la loi – la partage avec trois ou quatre autres détenus, il est normal de prendre en compte un certain nombre de dispositions de sortie qui tiennent compte de cet enfermement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Lecerf, cet amendement vous ressemble beaucoup. On voit bien qu’il est inspiré par une connaissance très proche de la réalité carcérale. Vous vous préoccupez des conditions de détention pour les rendre conformes à la dignité de la personne.
Le Gouvernement est néanmoins très réservé sur l’inscription dans la loi d’un tel critère. Dans la circulaire générale de politique pénale que j’ai diffusée le 19 septembre 2012, je reprenais l’énoncé de la loi pénitentiaire, que vous connaissez par cœur, c'est-à-dire le choix de l’incarcération comme ultime recours, en rappelant justement les aménagements de peine possibles, tels qu’ils sont prévus dans le code de procédure pénale, et en soulignant qu’il y avait lieu de tenir compte de la situation des établissements.
Autant inscrire ce critère dans une circulaire me paraît concevable, dans la mesure où il s’agit de donner des orientations de politique pénale, autant l’inscrire dans la loi me paraît plus problématique. C’est pourquoi, tout en comprenant l’esprit de cet amendement, je ne suis pas persuadée que ces dispositions doivent devenir une norme.
J’ajoute que nous avons supprimé dans ce texte de loi la procédure simplifiée d’aménagement des peines, la PSAP, et la surveillance électronique de fin de peine, la SEFIP, qui, sans être des mécanismes de numerus clausus, sont objectivement des mécanismes automatiques de gestion des flux carcéraux. Ils n’ont pas fonctionné puisque à peine 3 % des personnes qui pouvaient y prétendre se sont vu appliquer une surveillance électronique de fin de peine ou une procédure simplifiée d’aménagement de peine. D’ailleurs, sur la PSAP, l’autorité judiciaire a certaines réticences.
En revanche, ce projet de loi améliore les choses. Par conséquent, nous devrions progressivement être moins confrontés à des situations dans lesquelles les conditions objectives de détention justifieraient soit un aménagement de peine, soit une libération.
Pour ces raisons, le Gouvernement, qui n’est pas défavorable à cet amendement au sens où celui-ci n’aurait pas lieu d’être, émettra un avis de sagesse,…
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … en soulignant très clairement ses réserves : je le répète, inscrire une telle disposition dans une circulaire d’orientation générale n’a pas la même portée que de l’inscrire dans la loi, c’est-à-dire d’en faire une norme.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la garde des sceaux, je comprends vos propos et, sur la forme, vous avez raison. Cependant, la prise en compte des conditions matérielles de détention et du taux de densité carcérale dans l’aménagement d’une peine devrait être inscrite dans la loi, précisément pour donner moins de marge de manœuvre au juge.
Il faut bien tirer les conséquences des nombreux rapports qui insistent sur les conditions de détention indignes en France ; inscrire cette prise en compte dans la loi participerait à améliorer la situation.
C’est pourquoi je soutiens fortement cet amendement. (Mme Colette Mélot applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Madame la ministre, je comprends la position qui est la vôtre mais je voudrais insister sur un point. Je pense que cet amendement vous donnera une arme supplémentaire, si je peux m’exprimer ainsi, en matière budgétaire. Il va de soi que le texte que nous votons aujourd’hui, on l’a dit et répété hier, ne prendra réellement toute sa signification que si vous parvenez à obtenir le recrutement d’un nombre important de personnels d’insertion et de probation et, éventuellement, des crédits supplémentaires pour les associations qui seront chargées de veiller à la réussite des aménagements de peine et de la contrainte pénale.
Je crains donc, compte tenu de la situation financière actuelle, que nous n’ayons quelques difficultés en matière de constructions de places nouvelles, d’une part, et de travaux, d’autre part. Or certains travaux seront à mon sens indispensables ; peut-être Mme la ministre trouvera-t-elle alors plus utile de réaliser ces travaux afin d’éviter l’application de cet article plutôt que de payer les sommes de plus en plus importantes qui nous sont parfois infligées par les juridictions au vu de l’état du patrimoine pénitentiaire.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
7
Conférence des présidents
Mme la présidente. La conférence des présidents s’est réunie cet après-midi, en application de l’article 39, quatrième alinéa, de la Constitution et de l’article 29, cinquième alinéa, du règlement du Sénat.
Elle a constaté la méconnaissance des règles fixées par la loi organique n° 2009–403 du 15 avril 2009 pour la présentation du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
En conséquence, ce projet de loi est retiré de l’ordre du jour des 1er, 2, 3 et 4 juillet prochains.
Je vous rappelle les termes de la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitution : « En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours. »
8
Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 26 juin 2014, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 12 de la loi organique n° 2004–192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les dispositions du I de l’article L. 5843–2, du III de l’article L. 5843–2 et de l’article L. 5843–3 du code général des collectivités territoriales (n° 2014–2 LOM).
Acte est donné de cette communication.
9
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 11 bis AA.
Article 11 bis AA (nouveau)
I. – Après l’article 708 du code de procédure pénale, il est inséré un article 708–1 ainsi rédigé :
« Art. 708–1. – Lorsque doit être mise à exécution une condamnation à une peine d’emprisonnement concernant une femme enceinte de plus de trois mois, le procureur de la République ou le juge de l’application des peines doivent rechercher s’il est possible soit de différer cette mise à exécution, soit faire en sorte que la peine s’exerce en milieu ouvert. »
II. – L’article 720–1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le seuil de deux ans prévu au premier alinéa est porté à quatre ans lorsque la suspension pour raison familiale s’applique à une personne condamnée exerçant l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle, ou à une femme enceinte de plus de trois mois. »
III. – Le deuxième alinéa de l’article 723–1 et le deuxième alinéa de l’article 723–7 du code de procédure pénale sont complétés par les mots : « ou de la date à laquelle est possible la libération conditionnelle prévue par l’article 729–3 ».
IV. – Le premier alinéa de l’article 729–3 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou lorsqu’il s’agit d’une femme enceinte de plus de trois mois ».
Mme la présidente. L'amendement n° 109, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
doivent rechercher
par le mot :
recherchent
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 bis AA, modifié.
(L'article 11 bis AA est adopté.)
Article 11 bis A
(Non modifié)
Après le titre XIV bis du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XIV quater ainsi rédigé :
« TITRE XIV QUATER
« DU BUREAU D’AIDE AUX VICTIMES
« Art. 706-15-4. – Dans chaque tribunal de grande instance, il est institué un bureau d’aide aux victimes, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement sont précisées par décret. » – (Adopté.)
Article 11 bis
(Non modifié)
Après le titre XIV bis du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XIV ter ainsi rédigé :
« Titre XIV ter
« DU VERSEMENT VOLONTAIRE DE FONDS EN RÉPARATION DU PRÉJUDICE CAUSÉ PAR L’INFRACTION ET DE L’AFFECTATION DES SOMMES NON RÉCLAMÉES DESTINÉES À L’INDEMNISATION DES PARTIES CIVILES
« Art. 706-15-3. – I. – Lorsque la victime d’une infraction ne s’est pas constituée partie civile, l’auteur de l’infraction ou la personne civilement responsable peut verser volontairement une somme d’argent, en réparation du préjudice causé par l’infraction, auprès du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Celui-ci s’efforce de trouver la victime de l’infraction et lui propose d’être indemnisée du préjudice qu’elle a subi. En cas d’impossibilité pour le fonds de garantie de trouver la victime ou si celle-ci ne souhaite pas être indemnisée, la destination de la somme d’argent versée est fixée par un décret.
« Le premier alinéa est également applicable dans le cas où l’auteur de l’infraction ou la personne civilement responsable a été condamné au paiement de dommages et intérêts mais se trouve dans l’impossibilité de connaître l’adresse de la victime.
« II. – Lorsque, à la libération d’une personne détenue, la part de ses valeurs pécuniaires affectée à l’indemnisation des parties civiles en application du premier alinéa de l’article 728-1 n’a pas été réclamée, ces valeurs sont, sous réserve des droits des créanciers d’aliments, versées au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Les deux dernières phrases du premier alinéa du I du présent article sont applicables. »
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Les auteurs de cet amendement considèrent que le dispositif prévu à l’article 11 bis n’est ni cohérent ni adapté aux situations visées.
Ils proposent donc la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 11 bis comporte plusieurs mesures destinées à améliorer l’indemnisation des victimes d’infractions pénales. Sa rédaction n’est pas parfaite, mais l’amendement n° 100 du Gouvernement, sur lequel, je le précise par avance, la commission a émis un avis favorable, vise à l’améliorer.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 17.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, puisque je vais dans un instant présenter un amendement visant à améliorer le dispositif prévu à l’article 11 bis, je suis défavorable à l'amendement n° 17.
Mme la présidente. Madame Mélot, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 est retiré.
L'amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 706–15–3. – I. – L’auteur de l’infraction et la personne civilement responsable qui ont été condamnés au paiement de dommages-intérêts à la partie civile peuvent, lorsque celle-ci ne demande pas le paiement des sommes qui lui sont dus, verser volontairement ces sommes au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions prévu par l’article L. 422–1 du code des assurances.
« II. – Lorsque l’auteur de l’infraction qui a été condamnée au paiement de dommages-intérêts à la partie civile est détenu et que la part des valeurs pécuniaires affectée à l’indemnisation des parties civiles en application du premier alinéa de l’article 728–1 n’a pas été réclamée, ces valeurs sont, sous réserve des droits des créanciers d’aliments, versées au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à la libération du condamné.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article et fixe le montant minimal des sommes versées au fonds de garantie. »
... - L’article L. 422–1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds est également alimenté par des versements prévus aux I et II de l’article 706–15–3 du code de procédure pénale. Lorsque ces versements sont effectués, la victime est alors directement indemnisée par le fonds, à hauteur le cas échéant des versements effectués, et, à hauteur de ces versements, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Mélot, je vous remercie du retrait de l’amendement n° 17.
Je rappelle que nous avons introduit en première lecture à l’Assemblée nationale un dispositif de contribution en faveur des victimes.
Ce travail, que nous avons engagé très en amont, depuis la fin de 2012, s’est concrétisé par une mission confiée, sur ma demande, par le Premier ministre à la députée Nathalie Nieson. Nous cherchons à diversifier les sources de financement de l’aide aux victimes dans la mesure où les besoins sont importants. Compte tenu de l’état des finances publiques, il m’a paru important de trouver d’autres ressources mais il importe que ces ressources soient solides de manière à pérenniser le financement de l’aide aux victimes.
J’ai soumis à l’expertise du ministère des finances les pistes qui m’ont été présentées dans le cadre de ce rapport. Cela nous a pris beaucoup de temps car je voulais absolument que soit mis au point un dispositif à la fois crédible, solide et durable. Les discussions avec le ministère des finances sont toujours longues et compliquées, et elles le demeureront même si M. Lecerf se propose de venir à la rescousse ! (Sourires. – M. Jean-René Lecerf s’exclame.)
Cette expertise porte sur la vraisemblance et le potentiel financier des pistes ainsi que sur les conditions de recouvrement, lesquelles, sauf à assécher tout l’intérêt de la source, ne doivent pas être rédhibitoires.
J’ajoute que nous avons évidemment travaillé avec le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI, qui gère les sommes destinées à l’indemnisation des victimes civiles.
Nous avons introduit ces deux dispositions à l’Assemblée nationale. Il était nécessaire de les améliorer.
Comme vous le savez, il existe déjà un dispositif prévoyant que la personne condamnée verse chaque mois une part de son « pécule » aux victimes. Cette part est versée même en l’absence de victime, et si la victime ne s’est pas manifestée ou si elle a décidé qu’elle ne voulait pas de la somme versée par l’auteur de l’infraction, celui-ci se voyait restituer ces fonds à sa sortie de prison.
Nous considérons que, sur le plan moral, cette situation pose problème.
D’abord, on demande à l’auteur de l’infraction de faire un effort financier et, à sa sortie de prison, lorsqu’on lui restitue la somme versée, on lui signifie que cet effort n’était pas réellement justifié. Par ailleurs, il peut lui-même être « amendé » – j’ajoute des guillemets sous le contrôle de M. le rapporteur – par le fait d’avoir contribué à réparer le préjudice qu’il a causé à la victime. Enfin, s’il n’y a pas de victime, il est absurde de l’obliger à cotiser puisqu’on lui restituera finalement l’argent qu’il aura versé.
Nous ouvrons donc, par cet amendement, la possibilité pour l’auteur de l’infraction de verser cette somme au FGTI, qui gère l’indemnisation des victimes. La somme pourra ainsi être récupérée par la victime.
Tel est l’objet de cet amendement qui, je le répète, améliore la rédaction de l’article 11 bis qui avait été introduit à l'Assemblée nationale.
Mme la présidente. La commission s’est déjà prononcée favorablement.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’avis est bien sûr favorable !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 bis, modifié.
(L'article 11 bis est adopté.)
Article 11 ter
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 710 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l’examen de ces demandes, elle tient compte du comportement de la personne condamnée depuis la condamnation, de sa personnalité ainsi que de sa situation. »
Mme la présidente. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
matérielle, familiale et sociale
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’en reprends le texte, au nom de la commission, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 123, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° 52 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’ai repris cet amendement de coordination, car la commission y avait donné un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Heureusement, M. le rapporteur était réactif. Cet amendement améliorant en effet la rédaction du texte, le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 ter, modifié.
(L'article 11 ter est adopté.)
Article 11 quater (nouveau)
Après l’article 733–1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 733–1–1 ainsi rédigé :
« Art. 733–1–1. – Le juge de l’application des peines peut, d’office, à la demande de l’intéressé ou sur réquisitions du procureur de la République, ordonner, par décision motivée, de substituer à une peine de jours-amende un travail d’intérêt général. Cette décision est prise à l’issue d’un débat contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 712–6. La substitution n’est pas possible si le détenu la refuse ou n’est pas présent à l’audience.
« Cette décision peut également intervenir à la suite de l’exécution partielle de la peine de jours-amende. » – (Adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à la prise en charge des personnes condamnées
Article 12
(Non modifié)
La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 précitée est ainsi modifiée :
1° Après l’article 2, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. – Le service public pénitentiaire est assuré par l’administration pénitentiaire sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice, avec le concours des autres services de l’État, des collectivités territoriales, des associations et d’autres personnes publiques ou privées.
« Chacune de ces autorités et de ces personnes veille, en ce qui la concerne, à ce que les personnes condamnées accèdent aux droits et dispositifs de droit commun de nature à faciliter leur insertion ou leur réinsertion.
« Des conventions entre l’administration pénitentiaire et les autres services de l’État, les collectivités territoriales, les associations et d’autres personnes publiques ou privées définissent les conditions et modalités d’accès des personnes condamnées aux droits et dispositifs mentionnés au deuxième alinéa en détention.
« Sont associés à ces conventions des objectifs précis, définis en fonction de la finalité d’intérêt général mentionnée au même deuxième alinéa, ainsi que des résultats attendus, et faisant l’objet d’une évaluation régulière. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 3 est supprimé ;
3° Au deuxième alinéa de l’article 11, la référence : « du second alinéa » est supprimée ;
4° Au II de l’article 99, la référence : « 3 » est remplacée par la référence : « 2-1 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 67, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après les mots :
condamnées
insérer les mots :
ou prévenues
II. – Alinéa 5
1° Supprimer les mots :
conditions et
2° Remplacer les mots :
d'accès
par les mots :
d’intervention de ces derniers pour favoriser l’accès
3° Après le mot :
condamnées
insérer les mots :
ou prévenues
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. L’article 12 prévoit l’articulation entre l’administration pénitentiaire et les partenaires, tels que les collectivités territoriales et les associations, afin de favoriser l’accès aux droits et aux dispositifs d’insertion de droit commun des personnes condamnées.
Or l’accès aux droits doit être assuré à toutes les personnes placées sous main de justice, qu’elles soient condamnées ou prévenues.
Par ailleurs, dans le cadre des conventions de partenariat, la rédaction actuelle permet à l’administration pénitentiaire de prévoir des « conditions » à cet accès. Ces conventions doivent, au contraire, avoir pour objectif de définir les modalités d’intervention des partenaires de l’administration pénitentiaire afin d’assurer un accès effectif des personnes condamnées ou prévenues aux droits et dispositifs de droit commun.
Tel est le double objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis, par deux fois d’ailleurs, un avis défavorable. En effet, cet amendement prévoit la prise en charge des prévenus par l’administration pénitentiaire. Or celle-ci s’occupe des condamnés, et non des prévenus.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elles coordonnent et déterminent les modalités de l’action de ces différents acteurs.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 40, présenté par Mme Klès et M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 35 de la loi n° 2009–1436 du 24 novembre 2009 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À partir de l’âge de seize ans révolus, un enfant d’une personne détenue peut demander à exercer son droit de visite sans l’accord du titulaire de l’autorité parentale. L’autorité administrative ne peut refuser ce permis de visite à un enfant que pour des motifs graves relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant ou pouvant faire obstacle à la réinsertion du condamné. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos 40 et 41.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 41, présenté par Mme Klès et M. Mohamed Soilihi, et ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 145–4 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« À partir de l’âge de seize ans révolus, un enfant d’une personne détenue peut demander à exercer son droit de visite sans l’accord du titulaire de l’autorité parentale. Le juge d’instruction ne peut refuser ce permis de visite à un enfant que pour des motifs graves relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant ou au secret de l’instruction. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Thani Mohamed Soilihi. Des travaux ont été menés par le Défenseur des droits sur le maintien des liens entre l’enfant et son parent incarcéré, qu’il soit prévenu ou condamné. Selon le rapport établi par le Défenseur des droits, entre 70 000 et 140 000 enfants seraient concernés chaque année par l’incarcération de l’un de leurs parents.
En droit français, peu de dispositions organisent de façon spécifique le maintien des relations d’un enfant avec un parent en détention. Cette problématique est souvent appréhendée sous l’angle du droit des détenus et des bénéfices que cela peut avoir pour lui. Il est en effet communément admis que les contacts réguliers qu’un parent incarcéré pourra avoir avec son enfant auront une influence bénéfique sur sa réinsertion et diminueront les risques de récidive.
Sauf dans le cas du séjour de l’enfant avec sa mère détenue, la détention se traduit immanquablement par une séparation physique du parent et de ses enfants. Cette séparation ne devrait pas pour autant, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, porter atteinte au droit de celui-ci d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec le parent détenu.
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé à ce propos que « la détention, au même titre que toute autre mesure privant une personne de ses libertés, impose des limitations inhérentes à sa vie privée. […] Cependant cette partie essentielle du droit au respect de la vie familiale du détenu réside dans le fait que les autorités lui permettent et, si nécessaire, l’assistent dans le maintien du contact avec sa famille proche ».
Comme l’a souligné Martine Herzog-Evans, professeur à l’université de Reims et auteur de plusieurs ouvrages sur le droit pénitentiaire, aucune norme pénitentiaire ne traite spécifiquement des enfants des détenus, ces derniers étant assimilés, sans distinction, à tout autre membre de la famille.
Une des préconisations du Défenseur des droits dans ce domaine est de dispenser les mineurs de seize ans et plus de l’accord du titulaire de l’autorité parentale pour visiter le parent détenu provisoirement ou incarcéré.
Cette dispense sera délivrée par le juge d’instruction lorsque le parent est placé en détention provisoire et par l’autorité administrative, à savoir le directeur de l’établissement pénitentiaire, lorsque le parent est incarcéré.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 40 et 41 ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements, qui ont été suscités par les services du Défenseur des droits.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.
L’Assemblée nationale débat en ce moment même d’une proposition de loi relative à l’autorité parentale. La question de la visite par les mineurs d’un parent en détention est traitée à l’article 8 ter de ce texte. Il me semble qu’elle y a davantage sa place que dans le présent projet de loi.
L’un des amendements concerne les personnes prévenues et, l’autre, les personnes condamnées. Dans un cas, c’est l’autorité judiciaire qui est saisie ; dans l’autre, l’autorité administrative. C’est la différence entre ces deux amendements.
Je rappelle que sont surtout concernés les mineurs de seize à dix-huit ans. Il peut arriver, dans certaines situations, que le parent extérieur s’oppose à ce que son enfant mineur rende visite au parent détenu. En cas de désaccord, il ne faudrait pas que ce soit à l’administration de trancher entre les deux parents, mais plutôt au juge aux affaires familiales.
Il reste donc quelques difficultés. Surtout, il me semble que le vecteur législatif le plus pertinent est la proposition de loi actuellement en discussion à l’Assemblée nationale.
Voilà la raison pour laquelle je n’émets pas un avis favorable sur ces deux amendements. L’avis n’est pas non plus défavorable, car j’estime qu’il faut effectivement faciliter les visites. À seize ans, un mineur a déjà la maturité suffisante pour vouloir rendre visite à un parent en détention.
Vous l’avez compris, monsieur Mohamed Soilihi, je vous suggère donc de retirer vos amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l’amendement n° 40.
Mme Catherine Tasca. Avant que M. Mohamed Soilihi ne réponde à votre suggestion de retrait, je voudrais simplement, madame la ministre, insister sur la nécessité pour le Gouvernement d’être vigilant à ce que cette question soit bien traitée dans la proposition de loi relative à l’autorité parentale, dont malheureusement nous ne connaissons pas précisément le calendrier d’examen. C’est la raison pour laquelle mes collègues ont souhaité évoquer cette question ici, aujourd’hui.
Mme la présidente. Monsieur Mohamed Soilihi, les amendements nos 40 et 41 sont-ils maintenus ?
M. Thani Mohamed Soilihi. Je ne saurais mieux dire que Mme Tasca. Néanmoins, je prends les propos de Mme la garde des sceaux comme une garantie. Nous serons vigilants à ce que cette proposition de loi vienne en discussion ici au Sénat et que les dispositions que j’évoquais y aient leur place.
Dans ces conditions, je retire ces deux amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 40 et 41 sont retirés.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez avec quel scrupule je m’adresse à la représentation nationale, qu’il s’agisse des députés ou des sénateurs.
Eu égard au nombre d’articles restant en discussion, l'Assemblée nationale devrait normalement achever demain ses débats sur la proposition de loi relative à l’autorité parentale. S’agissant de l’examen de ce texte par le Sénat, vous savez bien que la décision ne m’appartient pas, car je n’ai pas la main sur la fixation de votre ordre du jour.
Toutefois, je m’engage devant vous à alerter le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je lui indiquerai qu’il est bien évidemment souhaitable que vous examiniez cette proposition de loi et, incidemment, que M. Mohamed Soilihi a aimablement accepté de retirer ses amendements dans la perspective de les défendre dans le cadre de ce support législatif plutôt que dans celui de la réforme pénale.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mes chers collègues, M. Mohamed Soilihi a bien fait de retirer ces deux amendements tels qu’ils étaient rédigés.
En effet, il aurait fallu prévoir l’autorisation du juge aux affaires familiales, et non de l’administration pénitentiaire. Car il peut arriver des cas où il y a un désaccord entre les parents, l’un des deux s’opposant à la visite de l’enfant à l’autre parent en prison de façon totalement déraisonnable et contraire aux intérêts et de l’enfant et de la personne incarcérée. Ce n’est peut-être pas à l’administration pénitentiaire de prendre cette responsabilité.
Ce point nous avait échappé en commission, mais je reconnais qu’il s’agit d’un bon argument. Nous verrons ce qui figurera sur cette question dans la proposition de loi relative à l’autorité parentale quand elle arrivera en discussion au Sénat.
Article 12 bis
(Non modifié)
L’article 30 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour faciliter leurs démarches de préparation à la sortie, les personnes détenues peuvent également élire leur domicile auprès du centre communal ou intercommunal d’action sociale le plus proche du lieu où elles recherchent une activité professionnelle. »
Mme la présidente. L'amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 30 de la loi n° 2009–1436 du 24 novembre 2009 précitée est ainsi modifié :
1° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Pour prétendre au bénéfice des droits mentionnés aux articles L. 121–1 et L. 264–1 du code de l’action sociale et des familles, lorsqu’elles ne disposent pas d’un domicile de secours ou d’un domicile personnel au moment de leur incarcération ou ne peuvent en justifier ; »
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour faciliter leurs démarches de préparation à la sortie, les personnes détenues peuvent également procéder à l’élection de domicile mentionnée à l’article L. 264–1 du code de l’action sociale et des familles soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet, le plus proche du lieu où elles recherchent une activité en vue de leur insertion ou réinsertion ou le plus proche du lieu d’implantation d’un établissement de santé ou médico-social susceptible de les accueillir. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à modifier l’article 30 de la loi pénitentiaire en élargissant les prestations auxquelles les personnes détenues peuvent prétendre et en ajoutant la possibilité d’élire domicile dans des organismes agréés à cet effet pour faciliter les démarches de préparation à la sortie.
Le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait qu’il soit possible d’élire domicile dans un CCAS, un centre communal d’action sociale. Nous savons que, à leur sortie de prison, une fois leur peine exécutée, les détenus peuvent être sans hébergement et ne pas disposer des conditions matérielles pour se réinsérer, même si nous cherchons à améliorer les choses.
Avec cet amendement, nous élargissons la mesure aux CIAS – les centres intercommunaux d’action sociale –, aux associations et aux CHRS – les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Mesdames, messieurs les sénateurs, que de sigles ! C’est infâme de parler ainsi : c’est pire qu’un jargon. Pourtant, je fais la guerre tous les jours aux membres de mon cabinet pour qu’ils parlent français ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’avis est favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 bis est ainsi rédigé.
Chapitre III
Dispositions relatives aux missions du service public pénitentiaire dans le suivi et le contrôle des personnes condamnées
Article 13
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 712-1 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ces juridictions sont avisées, par les services d’insertion et de probation, des modalités de prise en charge des personnes condamnées, définies et mises en œuvre par ces services. Elles peuvent faire procéder aux modifications qu’elles jugent nécessaires au renforcement du contrôle de l’exécution de la peine. »
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par Mme D. Gillot et M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
probation
insérer les mots :
ou les personnes morales habilitées auxquelles les mesures sont confiées
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Le présent amendement vise à mettre en cohérence cet article avec les précédents. J’ai bien entendu les remarques de Mme la garde des sceaux sur la qualité reconnue des associations socio-judiciaires, qui sont des partenaires de la justice dans l’accompagnement et la réinsertion des détenus en probation ou en contrôle judiciaire.
En l’occurrence, il s’agit de leur faire confiance pour leur conférer une autre responsabilité dans le cadre de cette loi, qui est effectivement très innovante et dont les moyens doivent être à la hauteur de ses ambitions.
Je voudrais rappeler que les associations socio-judiciaires ont acquis, depuis quarante ans, des compétences importantes pour l’accompagnement des personnes sous main de justice. Elles ont montré leurs capacités, leur créativité et leur fiabilité, ainsi que leur réactivité face aux différentes situations et aux demandes qui leur étaient adressées. Elles sont une force d’initiative ; elles sont capables de souplesse d’action et peuvent élaborer des référentiels en partenariat. Elles ont également su se former et s’inscrire dans une démarche d’évaluation.
Toutes ces qualités sont celles que vous estimez nécessaires, madame la garde des sceaux, pour les agents de l’État qui devront mettre en œuvre la réforme pénale.
J’aimerais insister sur ce point : il ne s’agit pas d’un acte irresponsable de la part de ceux qui préconisent la reconnaissance des associations socio-judiciaires dans la mise en œuvre de votre réforme et de votre loi ambitieuse ; il s’agit d’élargir le partenariat au bénéfice des justiciables et d’une société qui reconnaît les droits de tous les citoyens, fussent-ils des coupables, contraints à des peines dont l’accompagnement doit être le plus efficace et le mieux évalué possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est un amendement de coordination : la commission émet un avis favorable. Toutefois, elle ne s’attendait à ce qu’un tel sujet suscite autant d’explications contradictoires, que ce soit de la part des auteurs, du Gouvernement ou de la commission elle-même.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En quoi les explications sont-elles contradictoires ? Nous sommes tous sur la même ligne depuis hier : vous, la vôtre, moi la mienne. Chacun d’entre nous est cohérent.
Vous choisissez d’intégrer les personnes morales systématiquement dans le post-sentenciel. Pour ma part, depuis hier, je soutiens qu’il s’agit d’une mission régalienne, c’est-à-dire que ce sont les services pénitentiaires d’insertion et de probation qui l’assument et qui travaillent en partenariat intelligent, et, d’ailleurs, très souvent cordial, avec les associations.
Vous avez raison, madame Gillot, de dire qu’il s’agit d’un amendement de coordination. Cependant, il me semble que vous poussez loin la coordination. En effet, cet article concerne uniquement les services pénitentiaires d’insertion et de probation. On ne se situe plus dans le domaine de la décision de choix soit d’une personne morale, soit du service d’insertion ou de probation, comme c’était le cas pour les articles précédents.
Je travaille avec les associations et les réseaux d’associations. Ainsi, notamment pour le présentenciel, le principal réseau d’associations qui intervient c’est Citoyens et justice. Il s’agit d’un réseau d’associations sérieuses. Les personnes qui le composent, aussi bien les professionnels que les bénévoles, accomplissent un travail de qualité et sont tout à fait dévouées. Elles ont acquis de réelles compétences dans le présentenciel. Je sais qu’elles sont effectivement demandeur d’interventions dans le post-sentenciel.
Je rappelle la loi du 27 mars 2012, qui partage les interventions des associations et des conseillers d’insertion et de probation. Mais il y a aussi cette réalité, avec les nouvelles dispositions introduites par le présent projet de loi. Vous devez y être sensibles, puisque même ceux qui manifestent des réticences à l’égard de l’adoption du texte – peut-être au fil du temps et de nos débats se laisseront-ils convaincre ? (M. Yves Détraigne sourit.) En tout cas, certains sont réceptifs et écoutent attentivement – disent qu’il faudra des moyens si l’on veut que les nouvelles dispositions soient efficaces.
Nous mettons les moyens sur la table, en termes d’effectifs de conseillers d’insertion et de probation, et de ce que cela implique. De même que nous ne nous contentons pas de créer des postes de magistrat sans créer des postes de greffier, et j’y veille particulièrement, nous ne créons pas des postes de conseiller d’insertion et de probation sans créer aussi les postes qui les accompagnent nécessairement, c’est-à-dire notamment des postes de psychologue et des postes administratifs et techniques.
Au-delà de l’amélioration des effectifs, nous travaillons aussi qualitativement, en améliorant par exemple la formation initiale et continue des conseillers d’insertion et de probation. Nous sommes en train de spécialiser davantage ce corps, et d’en améliorer les compétences et donc les performances.
Je me permets d’insister particulièrement sur ce point. En effet, il ne s’agit pas simplement d’une coordination technique, il s’agit aussi de l’introduction des personnes morales au sein d’un article qui concerne les services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article 13 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils procèdent à l’évaluation régulière de la situation des personnes condamnées et définissent, au vu de ces évaluations, le contenu et les modalités de leur prise en charge. »
Mme la présidente. L'amendement n° 68, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
L'article 13 de la loi n° 2009–1436 du 24 novembre 2009 précitée est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service pénitentiaire d’insertion et de probation, avec la participation, le cas échéant, des autres services de l’État, des collectivités territoriales, des associations et de tous organismes publics ou privés, favorise l’accès aux droits et aux dispositifs d’insertion de droit commun des détenus et personnes qui lui sont confiées par les autorités judiciaires. Il s’assure, en particulier pour les personnes libérées, de la continuité des actions d’insertion engagées et définies par décret. Il peut également apporter aux personnes qui leur sont confiées par les autorités judiciaires une aide au sens de l’article 132–46 du code pénal. » ;
2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Actuellement, le service pénitentiaire d’insertion et de probation n’est pas défini dans la loi, alors qu’un article est consacré à son personnel dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
Son rôle de coordination et sa mission d’insertion des personnes placées sous main de justice sont pourtant essentiels. S’ils sont aujourd’hui prévus à l’article D. 573 du code de procédure pénale, il convient de les élever au niveau législatif.
L’articulation avec les partenaires, afin de favoriser l’accès des personnes détenues aux droits et aux dispositifs d’insertion de droit commun, doit être également affirmée. L’administration pénitentiaire pilote n’est pas le seul intervenant dans le champ de l’insertion sociale et professionnelle – des PPSMJ, allais-je dire, mais je préfère moi aussi ne pas employer de sigles – des personnes placées sous main de justice en milieu ouvert ; il faut d’autres acteurs à ses côtés. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation est en charge du suivi de l’exécution de la mesure, et les associations, quant à elles, sont chargées de l’accompagnement social des personnes.
Les associations de luttes contre les exclusions constituent les interlocuteurs de droit commun compétents pour faire évoluer la personne dans son environnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Il nous a semblé que, s’agissant des modalités d’intervention précises des SPIP, il était plus utile de les maintenir au niveau réglementaire, car celui-ci s’adapte et se modifie plus facilement, plutôt que de les monter au niveau de la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour deux raisons.
Première raison : ces missions des services pénitentiaires d’insertion et de probation – vous avez raison, monsieur Joël Labbé, de ne pas parler en sigles et de dérouler les titres – relèvent d’un cadre réglementaire, puisqu’elles sont définies par décret. Je vous rappelle cependant que le décret est codifié, puisqu’il est introduit dans le code de procédure pénale. Je ne vois donc pas la nécessité de monter ces missions au niveau législatif.
Seconde raison : votre proposition ne retient qu’une partie de ces missions, puisque nos services pénitentiaires d’insertion et de probation participent également à la décision judiciaire. Avec ce projet de loi, ils y participeront même encore davantage, puisque leur rôle sera d’éclairer le juge de l’application des peines.
Ces conseillers d’insertion et de probation constituent un personnel de grande qualité. En effet, il s’agit d’un personnel formé et qualifié puisqu’il faut un niveau bac+3 pour entrer à l’école pénitentiaire, auquel s’ajoutent les deux années de l’école. Ce personnel qualifié ne peut être limité à de simples actes d’exécution. Au contraire, nous avons besoin de l’impliquer afin que cette intelligence, cette qualification d’abord universitaire puis professionnelle, cette expérience accumulée servent à améliorer le service porté.
Je viens de parler de l’aide à la décision judiciaire, mais il y a aussi la lutte contre la désocialisation des personnes détenues, le contrôle du respect des obligations fixées par les magistrats. Si votre amendement était adopté, on retiendrait uniquement l’accès aux droits et aux dispositifs d’insertion de droit commun, et on supprimerait les autres missions. Pour ces raisons, je vous propose de retirer cet amendement.
Vous savez avec quel respect je m’adresse à chaque sénatrice et à chaque sénateur. Aussi, je me sens tenu de revenir un instant sur l’amendement n° 67, même s’il n’a pas été retenu et si l’affaire est donc close, car ma réponse a été trop rapide.
La raison principale de l’avis défavorable alors émis concernait l’extension des dispositifs d’insertion et de réinsertion aux prévenus, dans la mesure où les prévenus sont en attente de jugement. C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaitait pas une telle extension.
Mme la présidente. Monsieur Labbé, l'amendement n° 68 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Madame la ministre, votre ton convaincant m’a convaincu, aussi je vais retirer l’amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 67, je n’ai pas été assez réactif tout à l’heure. En effet, compte tenu de l’argument avancé j’aurais dû le retirer également, mais je ne peux revenir en arrière.
Mme la présidente. L'amendement n° 68 est retiré.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
la situation
insérer les mots :
matérielle, familiale et sociale,
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’en reprends le texte, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 124, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 54 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’ai repris cet amendement car il précise utilement les modalités d’intervention des personnels pénitentiaires en milieu ouvert. La commission avait émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable, parce qu’il reconnaît l’avantage de cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Chapitre III bis
Dispositions relatives au travail en détention
(Division et intitulé nouveaux)
Article 14 bis (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 33 de la loi n° 2009–1436 du 24 novembre 2009 précitée, la deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que la désignation du poste de travail, la durée du travail et les horaires applicables, ses conditions particulières de travail justifiées par la détention, le montant de sa rémunération et de ses différentes composantes. »
Mme la présidente. L'amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement n° 87 vise à supprimer un article qui a été introduit par la commission des lois.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Et par Mme Benbassa.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Donc, sur l’initiative de Mme Benbassa. On ne devrait que s’en réjouir ! Vous lui transmettrez.
M. Joël Labbé. Je lui transmettrai !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur le sénateur !
Je présume l’état d’esprit de la commission sur cette disposition nouvelle.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Favorable.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je présumais.
Mon devoir est tout de même d’attirer votre attention sur les rigidités et les difficultés qu’introduirait un tel article et sur ses effets pervers. Les personnes pénalisées seraient les détenus eux-mêmes, alors que nous cherchons justement à développer les activités en détention.
Le Gouvernement est donc défavorable à cette disposition, parce qu’il en résulterait plus d’inconvénients que d’avantages, même si j’en comprends l’intention et l’esprit, et même si, pour le dire très clairement, j’en partage même la philosophie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission ayant adopté cette disposition nouvelle faisant l’objet de l’article 14 bis, je ne peux être favorable à l’amendement du Gouvernement visant à sa suppression. Je précise cependant à Mme la ministre que nous tiendrons compte de ses observations vraisemblablement en commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je souhaiterais exprimer mon soutien à l’amendement du Gouvernement.
Pour visiter souvent les prisons, je sais le problème posé par le travail carcéral. Nous avions créé l’obligation d’activité avec la loi pénitentiaire, ce qui est une bonne chose, mais ce n’est pas cela qui a permis de faire travailler dans les faits 100 %, ni même 60 %, ni même 40 % des personnes détenues.
En cette matière l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ainsi, tous mes collègues qui souhaitaient, par exemple, mettre en place un véritable contrat de travail dans l’univers carcéral ne se rendent pas compte que, si l’on fait cela du jour au lendemain, le travail disparaîtra totalement des prisons. Déjà, la formation professionnelle n’est pas très importante, le travail n’est pas très important. Il est pourtant fondamental de le développer.
Pour développer le travail en milieu carcéral, il faut prendre toute une série d’autres initiatives. Par exemple, la recherche de travail ne doit pas relever de la compétence exclusive du gestionnaire, y compris dans les établissements à gestion privée, et les directeurs d’établissement doivent pouvoir continuer à rencontrer les représentants des chambres de commerce, des chambres de métiers et les entrepreneurs locaux. L’administration pénitentiaire doit également faire preuve de davantage de volonté politique en matière de recherche de travail.
Je sais que des initiatives intéressantes ont été prises dans certaines prisons. Je pense notamment à la mise en place d’une plateforme de formation au tri sélectif de déchets, initiative prise par le centre pénitentiaire de Lille-Loos et reprise par la maison d’arrêt de Douai. Je pense encore aux contrats passés entre la communauté urbaine de Lille et une société d’économie mixte pour permettre aux personnes sortant de prison de trouver un travail pour six mois minimum, faisant bien évidemment baisser le taux de récidive de ces anciens détenus.
Je crains que l’adoption d’amendements comme celui de Mme Benbassa, qui a été repris par la commission des lois, n’ait des conséquences exactement inverses à celles que recherchaient leurs auteurs.
C'est la raison pour laquelle je soutiens totalement l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 14 bis est supprimé.
Chapitre IV
Dispositions visant à renforcer les pouvoirs de la police et de la gendarmerie en cas de violation de ses obligations par une personne sous main de justice
Article 15
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 141-4 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, la référence : « 9° » est remplacée par les références : « 1°, 2°, 3°, 8°, 9°, 14° » ;
a bis) (nouveau) Le troisième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« La personne retenue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, de la durée maximale de la mesure, de la nature des obligations qu’elle est soupçonnée avoir violées et du fait qu’elle bénéficie :
« - du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’État dont elle est ressortissante, conformément à l’article 63–2 ;
« - du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63–3 ;
« - du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63–3–1 à 63–4–3 ;
« - s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;
« - du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable aux personnes placées sous assignation à résidence avec surveillance électronique. » ;
2° Après le même article 141-4, il est inséré un article 141-5 ainsi rédigé :
« Art. 141-5. – Les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, selon les modalités prévues aux articles 56 à 58 et pendant les heures prévues à l’article 59, et après avoir recueilli l’accord du juge d’instruction ou sur instruction de ce magistrat, procéder à une perquisition chez une personne qui, placée sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, est soumise à l’interdiction de détenir une arme, lorsqu’il existe des indices graves ou concordants que des armes se trouvent actuellement à son domicile.
« Si des armes sont découvertes, elles sont saisies et placées sous scellés. » ;
3° L’article 230-19 est ainsi modifié :
a) Au 2°, la référence : « et 14° » est remplacée par les références : « , 14° et 17° » ;
b) Au 8°, les mots : « un sursis avec mise à l’épreuve » sont remplacés par les mots : « une contrainte pénale, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une libération conditionnelle, d’un aménagement de peine, d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté » et, après la référence : « 14° », sont insérées les références : « , 19° et 20° » ;
c) Au 9°, la référence : « et 4° » est remplacée par les références : « , 4° et 11° » ;
4° L’article 709–1 du même code est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 709-1. – Les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, d’office ou sur instruction du procureur de la République ou du juge de l’application des peines, appréhender toute personne condamnée pour laquelle il a été fait application du deuxième alinéa des articles 131-9 ou 131-11 du code pénal ou placée sous le contrôle du juge de l’application des peines et à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en application de sa condamnation. La personne peut alors, sur décision d’un officier de police judiciaire, être retenue vingt-quatre heures au plus dans un local de police ou de gendarmerie, afin que soit vérifiée sa situation et qu’elle soit entendue sur la violation de ses obligations.
« Dès le début de la mesure de retenue, l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République ou le juge de l’application des peines.
« La personne retenue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, de la durée maximale de la mesure, de la nature des obligations qu’elle est soupçonnée avoir violées et du fait qu’elle bénéficie :
« - du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’État dont elle est ressortissante, conformément à l’article 63–2 ;
« - du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3 ;
« - du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63–4–3 ;
« - s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;
« - du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
« La personne retenue ne peut faire l’objet d’investigations corporelles internes au cours de sa retenue par le service de police ou par l’unité de gendarmerie.
« Si la personne est placée sous le contrôle du juge de l’application des peines, les pouvoirs conférés au procureur de la République par les articles 63-2 et 63-3 sont exercés par ce juge ou, en cas d’empêchement de ce juge, par le procureur de la République.
« L’article 64 est applicable à la présente mesure de retenue.
« À l’issue de la mesure de retenue, le procureur de la République ou le juge de l’application des peines peut ordonner que la personne soit conduite devant le juge de l’application des peines dans les conditions prévues aux articles 803-2 et 803-3, le cas échéant pour ordonner son incarcération provisoire.
« Le procureur de la République ou le juge de l’application des peines peut également demander à un officier ou un agent de police judiciaire d’aviser la personne qu’elle est convoquée devant lui à une date ultérieure, puis de mettre fin à la rétention de la personne.
4° bis (nouveau) Après l’article 709–1 du même code, il est inséré un article 709–1–1 ainsi rédigé :
« Art. 709-1–1. – Les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, selon les modalités prévues aux articles 56 à 58 et pendant les heures prévues à l’article 59, et après avoir recueilli l’accord du procureur de la République ou du juge de l’application des peines ou sur instruction de l’un de ces magistrats, procéder à une perquisition chez une personne condamnée qui, en raison de sa condamnation, est soumise à l’interdiction de détenir une arme, lorsqu’il existe des indices graves ou concordants que des armes se trouvent actuellement à son domicile.
« Si des armes sont découvertes, elles sont saisies et placées sous scellés. » ;
5° (Suppression maintenue)
5° bis (Supprimé)
5° ter (Supprimé)
6° L’article 712-16-3 est abrogé ;
7° Au dernier alinéa de l’article 63-6 et à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 706-53-19, la référence : « 712-16-3 » est remplacée par la référence : « 709-1 » ;
8° La première phrase de l’article 803-2 est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « garde à vue », sont insérés les mots : « ou de sa retenue » ;
b) Après le mot : « République », sont insérés les mots : « ou du juge de l’application des peines » ;
9° Au premier alinéa de l’article 803-3, après les mots : « garde à vue », sont insérés les mots : « ou la retenue ».
II. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, après les mots : « garde à vue », sont insérés les mots : « , de la retenue ou de la rétention ».
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. L’amendement est défendu.
Bien que ma position ne soit pas toujours cohérente avec celle de mon groupe, je soutiens moi-même volontiers cet amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’intégralité de l’article 15, mais le commentaire adjoint par ses auteurs n’évoque que la première partie de cet article, qui a déjà été supprimée par la commission des lois.
La commission sollicite donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Lecerf, ce n’est pas votre position qui est incohérente avec celle de votre groupe, c’est vous qui êtes en extraordinaire cohérence avec vous-même ! (Sourires.)
M. René Garrec. Il n’est pas en service commandé !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Votre trajectoire est incontestable…
Cela dit, j’ai vérifié le texte issu des travaux de la commission, et il me semble que vous commettez une erreur d’appréciation.
L’article 15 vise à améliorer les conditions de contrôle du respect des obligations et des interdictions. Pour ce faire, il augmente les prérogatives reconnues aux forces de sécurité – police et gendarmerie – pour qu’elles participent à ce contrôle.
Les dispositions que votre amendement tend à supprimer ont déjà fait l’objet d’une suppression par la commission des lois du Sénat. Aussi, j’ose proposer le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Lecerf, l’amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf. Je le retire, puisque l’objet de cet amendement correspond à des dispositions qui ont déjà été supprimées par la commission.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 110, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 10
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
a ter) Le cinquième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« La retenue s’exécute dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Seules peuvent être imposées à la personne retenue les mesures de sécurité strictement nécessaires.
« La personne retenue ne peut faire l'objet d'investigations corporelles internes au cours de sa rétention par le service de police ou par l'unité de gendarmerie.
« L'article 64 est applicable à la présente mesure de retenue. » ;
II. – Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
a bis) Le 7° est abrogé ;
III. – Alinéa 18
1° Après le mot :
épreuve,
insérer les mots :
d’un suivi socio judiciaire,
2° Remplacer les mots :
d’un aménagement de peine
par les mots :
d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique
IV. – Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
d) Le 11° est abrogé ;
V. – Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Après l’article 709, sont insérés des articles 709–1–1 et 709–1–2 ainsi rédigés :
VI. – Alinéa 21
Remplacer la référence :
709–1
par la référence :
709–1–1
VII. – Après l’alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La retenue s’exécute dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Seules peuvent être imposées à la personne retenue les mesures de sécurité strictement nécessaires.
VIII. – Alinéa 34
Supprimer cet alinéa.
IX. – Alinéa 35
Remplacer la référence :
709–1–1
par la référence :
709–1–2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Derrière une rédaction très complexe, cet amendement a trois finalités.
Premièrement, il a pour objet d’étendre aux mesures de retenue les principes de l’article 63–5 du code de procédure pénale, applicables à la garde à vue – à savoir l’exécution dans le respect de la dignité de la personne.
Deuxièmement, l’amendement tend à opérer une mise en cohérence des droits et obligations devant être inscrits au fichier des personnes recherchées, en créant un régime commun à l’ensemble des peines et des mesures post-sentencielles.
Troisièmement, il vise à procéder à diverses coordinations de forme.
Mme la présidente. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La mesure de retenue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Seules peuvent être imposées à la personne retenue les mesures de sécurité strictement nécessaires.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 110 ?
Mme la présidente. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Détraigne, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et MM. Zocchetto, J. Boyer et Lasserre, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5° bis L'article 709–2 est ainsi rédigé :
« Art. 709–2. - Lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une personne condamnée sortant de détention n'a pas respecté l'interdiction qui lui est faite, en application de sa condamnation, d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, notamment des mineurs, de fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction, ou de paraître en un lieu, une catégorie de lieux ou une zone spécialement désignés, les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, sur instruction du juge de l'application des peines ou, s'il a été fait application du deuxième alinéa de l'article 131–9 ou du second alinéa de l'article 131–11 du code pénal, du juge de l'application des peines, saisi à cette fin par le procureur de la République, procéder, sur l'ensemble du territoire national, à :
« 1° L'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications, selon les modalités prévues à la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier ;
« 2° La localisation en temps réel d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, selon les modalités prévues au chapitre V du titre IV du livre Ier. » ;
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Je me risque à intervenir sur un domaine que je sais sensible.
Afin de garantir effectivement la tranquillité et la sûreté de la victime, les députés ont voulu renforcer les moyens dont disposent les forces de l’ordre pour s’assurer du respect effectif, par une personne condamnée, à l’issue de sa détention, des obligations ou interdictions auxquelles elle est astreinte en application de sa condamnation.
Ainsi, en cas de raisons plausibles de soupçonner qu’une personne condamnée sortant de détention n’a pas respecté l’interdiction qui lui est faite, en application de sa condamnation, d’entrer en relation avec certaines personnes, de fréquenter certains condamnés ou de paraître en un lieu, le dispositif introduit à l’Assemblée nationale visait à renforcer les pouvoirs de contrôle et de surveillance à la disposition des services de police et des unités de gendarmerie, lesquels auraient pu, sur instruction du juge de l’application des peines, procéder à des écoutes ainsi qu’à la localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou de tout autre objet – autrement dit, recourir à la géolocalisation.
Le présent amendement vise à réintroduire ces dispositions – dans les termes votés par l’Assemblée nationale –, supprimées par la commission au prétexte notamment que les mesures qu’elles créent ne seraient pas limitées dans le temps. Or, dans ces dispositions, il est fait renvoi aux dispositions du code de procédure pénale applicables aux mesures d’instruction, qui prévoient précisément des limites temporelles. Pour ne parler que des écoutes, l’article 100–2 du code de procédure pénale dispose, sauf erreur de ma part, que ces écoutes sont autorisées « pour une durée maximum de quatre mois », durée renouvelable avec l’accord du juge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, j’avoue que, de la part d’un groupe parlementaire qui fournit le travail législatif que l’on connaît, cet amendement me surprend. Il y a un tel écart entre ce qui est souhaitable, possible et potentiellement efficace et ce que vous demandez !
Si la possibilité de recourir à des techniques spéciales d’enquête, que l’on utilise pour les crimes et pour certains délits, avait été introduite dans le projet de loi, ces dispositions ont été supprimées, au nom d’un certain parallélisme.
En effet, ce texte de loi arme d'ores et déjà les forces de sécurité pour exercer le contrôle de manière efficace. Je vous rappelle tout de même que nous permettons les retenues ainsi que les visites domiciliaires, c'est-à-dire les perquisitions, et que nous introduisons dans le fichier des personnes recherchées les principales obligations et interdictions justifiant le recours à ces procédés.
S’il y avait un malentendu, ces précisions devraient permettre de le lever. Vous comprendrez donc que le Gouvernement soit défavorable à l’amendement.
Pour terminer, je rappelle à votre mémoire le débat que nous avons eu lorsque nous avons créé le cadre juridique de la géolocalisation : nous avions alors débattu du quantum de peines encourues pour y recourir.
Vous vous souvenez sans doute aussi que le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, concernant justement l’usage des techniques spéciales d’enquête, au motif que ces techniques ne pouvaient pas être utilisées lorsqu’il n’y avait pas d’atteinte aux personnes – l’atteinte aux biens ne suffit pas. Le débat est ensuite revenu sur la géolocalisation.
C’est dans le respect de cette logique que nous avons calibré les moyens élargis des forces de sécurité.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la garde des sceaux, je veux d’abord vous remercier des explications que vous avez bien voulu nous apporter et des compléments que vous avez livrés à notre réflexion.
Au nom de l’efficacité, nous sommes toujours tentés de recourir aux techniques les plus modernes, même si je mesure bien les difficultés que pose la géolocalisation – le Sénat s’est déjà largement penché sur cette question.
Si vous n’avez pas forcément convaincu l’Assemblée nationale, je crois que vous saurez convaincre le Sénat ! En tout état de cause, pour ce qui me concerne, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article 15 bis
(Supprimé)
Article 15 ter
(Supprimé)
Article 15 quater
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 132–5 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« À la demande de l’autorité judiciaire, ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive.
« Des informations confidentielles et le cas échéant nominatives peuvent être échangées dans le cadre de ces groupes. Elles ne peuvent être communiquées à des tiers. » ;
2° Avant la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 132–12–1, il est inséré trois phrases ainsi rédigées :
« À la demande de l’autorité judiciaire, ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive. Des informations confidentielles et le cas échéant nominatives peuvent être échangées dans le cadre de ces groupes. Elles ne peuvent être communiquées à des tiers. » ;
3° La dernière phrase de l’article L. 132–13 est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« À la demande de l’autorité judiciaire, ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive. Des informations confidentielles et le cas échéant nominatives peuvent être échangées dans le cadre de ces groupes. Elles ne peuvent être communiquées à des tiers. »
Mme la présidente. L'amendement n° 83, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 6, deuxième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
III. – Alinéa 8, deuxième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 15 quater prévoit le renforcement du rôle des conseils départementaux de prévention de la délinquance, les CDPD, et des zones de sécurité prioritaires, les ZSP, en matière d’exécution des peines et de prévention de la récidive.
Les membres de ces structures pourront ainsi se faire communiquer le bulletin n° 1 du casier judiciaire ainsi que les rapports d’expertise psychiatrique des personnes condamnées en milieu ouvert. Par ailleurs, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, présidés par les maires, pourront constituer en leur sein un groupe de travail sur l’exécution des peines, au sein duquel toute information, y compris individuelle, pourra être échangée en vue de prévenir la récidive.
L’échange d’informations nominatives introduit par cet article est très problématique. À nos yeux, il ne respecte pas la séparation des pouvoirs et pose a priori des problèmes de constitutionnalité. Les membres des conseils départementaux de prévention de la délinquance, des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ainsi que ceux des cellules de coordination opérationnelle du partenariat, les CCOP, dans les zones de sécurité prioritaires, seront désormais inclus dans le secret du suivi de l’exécution des peines, notamment au titre de la prévention de la récidive.
Si les CDPD et les cellules de coordination opérationnelle sont dirigés par le préfet, les états-majors départementaux de sécurité sont « seulement » coprésidés par le procureur de la République. L’animation de ce type d’instances échangeant des informations sur les personnes condamnées devrait pourtant revenir à celui-ci, car il est officiellement en charge de l’exécution des peines.
Gérer les sorties de prison a beau être le cœur de leur métier, le juge de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation ne seront qu’informés des décisions prises par ces instances, dans lesquelles peuvent siéger la police nationale, l’éducation nationale, les maires, ou encore les bailleurs sociaux. Demain, tous ces acteurs pourraient potentiellement connaître le nom des sortants de prison bénéficiant d’une peine de probation, ce qui, malgré un cadre juridique interdisant de telles pratiques, pourrait permettre à un maire de développer la surveillance de ces personnes par des polices municipales – aux statuts amenés à évoluer si l’examen des textes en cours aboutit… – ou, pourquoi pas, de les exclure du bénéfice d’un logement social ou d’une formation.
Si le pire n’est jamais certain, le mal pourrait se nicher dans de telles dispositions !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Cependant, à titre personnel, je comprends bien les réticences de Mme Cukierman, et j’attends l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la sénatrice, vous savez bien que nous ne prenons pas ce sujet à la légère. Au reste, le Parlement ne l’a jamais fait non plus : en tant qu’ancienne députée, je sais combien cette question, qui ressurgit à l’occasion de textes divers, y fait débat, depuis plusieurs années.
Je me souviens notamment que, au début de l’ancien quinquennat, le gouvernement d’alors avait eu l’intention d’inscrire dans la loi l’obligation de communiquer aux maires des informations nominatives, sur d’anciens détenus par exemple. À l’époque, même les maires de la majorité UMP s’y étaient opposés, voyant quelles responsabilités on allait leur faire endosser en cas de difficultés ultérieures.
Au demeurant, ce sujet n’est pas simple à traiter.
Mon élan, ma conception philosophique, c’est que les informations nominatives ne doivent pas circuler.
Elles ne doivent pas être partagées inconsidérément, sauf à mettre des personnes en péril. Combien de temps conserve-t-on ces informations ? Qu’en fait-on ? Où vont-elles filtrer ? L’élan du texte, sa philosophie, c’est d’éviter toute dérive.
Dans le même temps, en matière de prévention de la délinquance, il doit exister un espace où des informations puissent être échangées, mais un espace bien encadré.
Aujourd’hui, en vertu du code de la sécurité intérieure, il est déjà possible de partager des informations nominatives au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD – que de sigles ! Peut-être, à l’issu de l’examen de ce projet de loi, parlerons-nous une langue intelligible par tous… (Sourires.)
Nous avons cependant constaté que les pratiques étaient disparates d’un CLSPD à l’autre. Nous avons donc travaillé au sein du Comité interministériel de prévention de la délinquance, le CIPD, et nous venons d’adopter une charte visant à harmoniser les pratiques, comme me le confirment à l’instant mes conseillers, qui échangeaient, eux, des informations non nominatives (Nouveaux sourires.)
Cette charte permettra un encadrement moral et juridique plus rigoureux.
Je vous rappelle par ailleurs que, au sein des CLSPD, seule l’autorité judiciaire peut autoriser ce partage d’informations nominatives.
Par conséquent, compte tenu de son utilité et de son efficacité en matière de lutte contre la délinquance et de prévention de la délinquance, je pense qu’il ne faut pas exclure totalement ce partage d’informations nominatives. Simplement, il convient de l’encadrer de façon rigoureuse. C’est ce que nous faisons. Dans la circulaire d’application de ce projet de loi, je veillerai à rappeler que ce partage d’informations nominatives doit se faire sous l’autorité du parquet, qui participe au CLSPD, et qu’il est interdit de l’étendre à des tiers.
Pour ces raisons, en vous rappelant que votre commission des lois a amélioré le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale,…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Tout à fait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … puisque cette dernière avait prévu l’accès y compris au bulletin n° 1 du casier judiciaire, je vous invite, madame la sénatrice, à retirer cet amendement.
Mme la présidente. Madame Cukierman, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. J’entends vos arguments, madame la garde des sceaux. Je vais cependant maintenir cet amendement, et je m’en explique.
Voilà à peu près un an, nous avions eu les mêmes discussions à propos de l’évolution du statut du parquet. Je vous fais confiance pour mettre en œuvre vos recommandations. Cependant, cette possibilité de discuter de cas individuels présente un risque, certes minime mais réel, avec une autre majorité, un autre garde des sceaux et des préconisations qui seraient moins fortes que les vôtres.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je ne voterai pas cet amendement. J’ai été rapporteur de la loi relative à la prévention de la délinquance, qui avait effectivement prévu de faire du maire le chef d’orchestre de la prévention de la délinquance dans sa commune. Elle avait également prévu des dispositions en matière de secret partagé, notamment entre les travailleurs sociaux et le maire, mais ce dernier se trouvait totalement lié, de la même manière, par le secret.
De deux choses l’une : soit on veut effectivement avancer dans la prévention de la délinquance, et il faut échanger sur des cas individuels ; soit on se contente de faire figurer des slogans dans la loi sans se donner les moyens de les appliquer.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pour avoir moi aussi participé à ces instances, madame la ministre, je sais que, lorsque l’on travaille à l’échelle d’une ville ou d’un quartier, il est assez fréquent de devoir évoquer des situations concrètes concernant telle famille ou telle personne.
Je suis également sensible aux arguments de Mme Cukierman.
L’une des manières d’avancer sur ce sujet, madame la ministre, serait de prévoir des conditions particulières dans vos textes d’application. Certains conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance réunissent une trentaine de personnes autour de la table - il faut toujours, dans notre pays, que tout le monde soit sollicité dans ces instances ! Or, c’est une chose de parler de cas particuliers devant un nombre strictement limité de personnalités qui, en raison de leurs responsabilités, doivent en connaître et respecteront profondément la confidentialité, mais évoquer le cas de telle ou telle famille devant trente voire quarante personnes, cela devient attentatoire au respect dû à tout individu, fût-il délinquant.
C’est peut-être une voie à suivre, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour conforter les propos de M. Jean-René Lecerf, je voudrais vous livrer un bref témoignage.
Les partages d’informations, au sein des CLSPD, sont très encadrés. En général, le procureur de la République y veille tout particulièrement. Il existe une clause de confidentialité. En outre, ils se font en formation extrêmement restreinte du CLSPD, et non devant trente à quarante personnes.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est ce que je voulais préciser !
M. Vincent Capo-Canellas. Les règles que doivent respecter les CLSPD et les communes prévoient déjà, me semble-t-il, un nombre très limité de personnes. Peut-être faut-il la rappeler, mais cette disposition existe déjà.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous prie de m’excuser de prolonger quelque peu les débats, mais le sujet le mérite et nos précisions, inscrites au Journal officiel, éclaireront les magistrats sur la volonté du législateur.
Vos témoignages ont permis de rappeler que c’est dans le cadre de groupes restreints au sein des CLSPD que se font ces échanges d’informations nominatives, et non en formation plénière de ces conseils, parfois composés d’une trentaine de personnes. Au besoin, il sera rappelé dans la circulaire d’application que c’est bien en formation restreinte que ces informations nominatives doivent être partagées, en insistant sur les risques juridiques et judiciaires encourus en cas de non-respect de la nécessaire confidentialité.
Il convient de le rappeler, car le droit à l’oubli est aussi l’une des conditions de la réinsertion. Or, sans même parler de partage d’informations nominatives, notre législation contient des dispositions absolument impitoyables, qui favorisent plutôt le « non-oubli ». Ainsi, de par la loi, une personne condamnée qui a exécuté sa peine ne pourra pas exercer certains métiers, même si elle a suivi une formation qualifiante ou qu’elle est diplômée, et ce du seul fait de sa condamnation. Il faut donc faire preuve de discernement dans la prise en compte d’un passage en détention.
Des personnes qui, au tout début de leur vie d’adulte, ont commis des infractions, ont été sanctionnées et ont exécuté l’intégralité de leur peine se trouvent dans une impasse parce que – c’est une bien mauvaise surprise ! - la loi leur interdit d’exercer le métier auquel elles ont choisi de se former, en faisant parfois beaucoup d’efforts, notamment pour obtenir des diplômes, afin de se réinsérer dans la société.
Il est certainement des cas qui demandent de la prudence, mais nous ne pouvons pas aveuglément empêcher des personnes de construire leur vie. C’est une façon de les bannir à l’intérieur même de la République, ce qui est insupportable. Et je parle de cas précis, pas seulement de principes.
Le sujet est donc profond. En l’espèce, ce débat aura été utile parce qu’il permettra que la circulaire d’application tienne compte des observations que vous avez formulées, mesdames, messieurs les sénateurs.
J’ajoute, pour information, que je pourrai faire parvenir à chacun des groupes parlementaires un exemplaire de la charte qui vient d’être signée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 quater.
(L'article 15 quater est adopté.)
Article 15 quinquies
Le chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité intérieure est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Du rôle des députés et des sénateurs
« Art. L. 132-16. – Les députés et les sénateurs peuvent demander à être informés par le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance, constitué dans la circonscription électorale dans laquelle ils ont été élus, de la tenue et de l’objet des réunions de ces instances.
« Ils peuvent assister aux réunions de ces instances et être consultés par elles sur toute question concernant la prévention de la délinquance. »
Mme la présidente. L'amendement n° 111, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Du rôle
par les mots :
De l’information
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15 quinquies, modifié.
(L'article 15 quinquies est adopté.)
Article 15 sexies
(Non modifié)
À la fin du quatrième alinéa de l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, les mots : « des travaux d’intérêt général destinés aux personnes condamnées » sont remplacés par les mots : « soit des travaux d’intérêt général destinés aux personnes condamnées, soit des actions d’insertion ou de réinsertion ou des actions de prévention de la récidive destinées aux personnes placées sous main de justice ». – (Adopté.)
Chapitre V
Dispositions assurant un retour à la liberté contrôlé, suivi et progressif des personnes condamnées
Article 16
I. – Après la section 1 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« De la libération sous contrainte
« Art. 720. – Lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à cinq ans est examinée par le juge de l’application des peines.
« À l’issue de cet examen en commission de l’application des peines, le juge de l’application des peines décide, par ordonnance motivée, soit de prononcer une mesure de libération sous contrainte, dans le respect des exigences prévues à l’article 707, soit, s’il estime qu’une telle mesure n’est pas possible ou si la personne condamnée n’a pas fait préalablement connaître expressément son accord, de ne pas la prononcer. Il peut ordonner la comparution de la personne condamnée devant la commission de l’application des peines afin d’entendre ses observations et, le cas échéant, celles de son avocat. Ce dernier peut également transmettre des observations écrites au juge de l’application des peines.
« La libération sous contrainte entraîne l’exécution du reliquat de peine sous le régime, selon la décision prise par le juge de l’application des peines, de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle. Les conséquences de l’inobservation de ces mesures sont celles prévues au présent code.
« S’il n’est pas procédé à l’examen de la situation de la personne condamnée dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article, le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel peut, d’office ou sur saisine de la personne condamnée ou du procureur de la République, prononcer une mesure de libération sous contrainte. »
II. – (Non modifié) L’article 712-11 du même code est ainsi modifié :
1° À la fin du 1°, la référence : « et 712-8 » est remplacée par les références : « , 712-8, 713-43 et 713-44, au premier alinéa de l’article 713-47 et à l’article 720 » ;
2° À la fin du 2°, la référence : « et 712-7 » est remplacée par les références : « , 712-7 et 713-45 et au deuxième alinéa de l’article 713-47 ».
III. – (Non modifié) À l’article 712-12 du même code, les références : « aux articles 712-5 et 712-8 » sont remplacées par la référence : « au 1° de l’article 712-11 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
examinée
insérer les mots :
, après qu'elle eut été auditionnée,
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à imposer l’audition de la personne libérable avant le prononcé de la libération sous contrainte. Cette audition est indispensable afin d’adapter les éventuelles mesures prononcées et de permettre la réussite d’une libération sous contrainte.
De surcroît, la présence du détenu au moment de la fixation de l’aménagement est indispensable pour que la personne l’accepte et se conforme aux obligations prononcées. Cette audition est donc un préalable à la réussite de l’encadrement de la sortie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui alourdirait beaucoup la procédure s’il était adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Benbassa, je comprends votre souci d’introduire du contradictoire dans cette décision. Il est non seulement logique, mais également souhaitable, compte tenu de nos principes constitutionnels, de prévoir, dans cette circonstance, une audition contradictoire.
Nous l’avons donc prévue, par un amendement que nous avons présenté à la commission des lois du Sénat, qui l’a adopté, prévoyant que le juge de l’application des peines peut entendre le détenu ou son représentant, lesquels peuvent également, le cas échéant, adresser des observations écrites.
Sachez enfin que nous avons également prévu l’accord express du détenu à cette décision de libération sous contrainte.
Pour ces raisons, j’ai le sentiment que vos préoccupations sont satisfaites et je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Madame Benbassa, l'amendement n° 69 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 69 est retiré.
Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 16 bis
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article 712-5 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le service pénitentiaire d’insertion et de probation y est représenté. » – (Adopté.)
Article 16 ter
(Non modifié)
L’article 723-4 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le condamné peut également bénéficier des mesures d’aide prévues à l’article 132-46 du même code. » – (Adopté.)
Article 17
(Non modifié)
Après l’article 730-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 730-3 ainsi rédigé :
« Art. 730-3. – Lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale de plus de cinq ans est examinée par le juge ou le tribunal de l’application des peines à l’occasion d’un débat contradictoire tenu selon les modalités prévues aux articles 712-6 ou 712-7, afin qu’il soit statué sur l’octroi d’une libération conditionnelle. Si la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, ce débat ne peut intervenir avant le terme du temps d’épreuve ni avant celui de la période de sûreté.
« Le juge ou le tribunal de l’application des peines n’est pas tenu d’examiner la situation de la personne qui a fait préalablement savoir qu’elle refusait toute mesure de libération conditionnelle. Un décret fixe les conditions d’application du présent alinéa.
« S’il n’est pas procédé au débat contradictoire dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article, la chambre de l’application des peines de la cour d’appel peut, d’office ou sur saisine de la personne condamnée ou du procureur de la République, tenir ce débat. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 17
Mme la présidente. L'amendement n° 70, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du quatrième alinéa de l’article 730-2 du code de procédure pénale, après les mots : « d’une semi-liberté », sont insérés les mots : «, de placement à l’extérieur ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le placement à l’extérieur ne figurant pas sur la liste des mesures pouvant être probatoires à la libération conditionnelle aux termes de l’article 730-2 du code de procédure pénale, la loi du 10 août 2011 ne donne plus la possibilité d’accéder à un placement à l’extérieur aux personnes condamnées aux peines les plus longues.
Pourtant, le placement à l’extérieur, au regard de l’accompagnement socio-éducatif qui le caractérise, semble l’aménagement de peine le plus à même de s’inscrire dans le parcours évolutif des personnes incarcérées depuis de très nombreuses années.
Le fait de limiter à la semi-liberté et au placement sous surveillance électronique les mesures probatoires à une libération conditionnelle en faveur des personnes condamnées à de longues peines est une aberration.
Dans le cadre de leur libération conditionnelle, les personnes condamnées à une longue peine de détention doivent pouvoir compter sur un encadrement de qualité et sur le soutien des associations conventionnées par l’administration pénitentiaire pour la mise en œuvre du placement à l’extérieur.
Le simple ajout du placement à l’extérieur dans le quatrième paragraphe de l’article 730-2 du code de procédure pénale serait de nature à régler dans l’immédiat la difficulté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a compris le souhait de Mme Benbassa, mais préfère s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement se réjouit de pouvoir entraîner la commission, guidée par M. le rapporteur. (Sourires.)
Madame Benbassa, vous avez parfaitement motivé votre amendement. Il s’agit d’une disposition bienvenue : notre droit positif prévoit déjà que le placement sous surveillance électronique ou la semi-liberté peuvent être prononcés à titre probatoire dans le cadre d’une libération conditionnelle. Dès lors, aucun argument ne s’oppose à ce qu’il en aille de même pour le placement à l’extérieur.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.
Article 17 bis
(Non modifié)
L’article 721-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 721-2. – I. – Lorsqu’une personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté n’a pu bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte ou d’une libération conditionnelle dans les conditions prévues aux articles 720 et 730-3, le juge de l’application des peines peut, aux seules fins de favoriser l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée et de prévenir la commission de nouvelles infractions, ordonner que le condamné ayant bénéficié d’une ou plusieurs des réductions de peines prévues aux articles 721 et 721-1 soit soumis, après sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié, à une ou plusieurs :
« 1° Des mesures de contrôle prévues à l’article 132-44 du code pénal ;
« 2° Des obligations et interdictions prévues à l’article 132-45 du même code.
« La personne condamnée peut également bénéficier, pendant cette durée, des mesures d’aide prévues à l’article 132-46 dudit code.
« Cette décision est prise, selon les modalités prévues à l’article 712-6 du présent code, préalablement à la libération du condamné, le cas échéant en même temps que lui est accordée la dernière réduction de peine.
« En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures de contrôle, obligations et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues au même article 712-6, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peines dont elle a bénéficié et ordonner sa réincarcération. L’article 712-17 est applicable.
« Le présent I n’est pas applicable aux condamnés mentionnés à l’article 723-29.
« II. – Dans tous les cas, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues à l’article 712-6, ordonner que le condamné ayant bénéficié d’une ou plusieurs des réductions de peines prévues aux articles 721 et 721-1 soit soumis après sa libération à l’interdiction de recevoir la partie civile ou la victime, de la rencontrer ou d’entrer en relation avec elle de quelque façon que ce soit, pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié. Cette décision est prise préalablement à la libération du condamné, le cas échéant en même temps que lui est accordée la dernière réduction de peine.
« L’interdiction mentionnée au premier alinéa du présent II peut être accompagnée de l’obligation d’indemniser la partie civile.
« En cas d’inobservation par la personne condamnée des obligations et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues à l’article 712-6, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peines dont elle a bénéficié et ordonner sa réincarcération. L’article 712-17 est applicable. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 84 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 71.
Mme Esther Benbassa. L’article 17 bis, adopté par l'Assemblée nationale, étend à presque tous les délits la surveillance judiciaire mise en place par le précédent gouvernement.
Par ailleurs, cette nouvelle surveillance judiciaire entraînerait une extension très large des obligations et interdictions pesant sur le condamné, allant bien au-delà des simples interdictions d'entrer en contact avec la victime et de l’obligation de l'indemniser.
Il y a fort à craindre que cette disposition, adoptée sans étude d'impact, ne crée une charge importante pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation et les juges d'application des peines, déjà fortement surchargés.
Enfin, cet article semble contraire à la Constitution. Dans sa décision n° 2005-27 du 8 décembre 2005, au considérant 14, le Conseil constitutionnel note en effet que « la surveillance judiciaire, y compris lorsqu'elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, est ordonnée par la juridiction de l'application des peines ; qu'elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; qu'elle a pour seul but de prévenir la récidive ; qu'ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une sanction ».Or les objectifs du dispositif proposé sont aujourd'hui plus étendus, puisqu’ils prennent en compte la réinsertion au-delà de la seule récidive. De plus, au regard des obligations susceptibles d’être prononcées, ce suivi constitue une véritable peine après la peine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 84.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise également à supprimer l’article 17 bis, qui instaure une nouvelle forme de «surveillance judiciaire » applicable à tous les condamnés sortant en fin de peine.
Cette disposition entre en totale contradiction avec l’esprit du texte, visant à favoriser une exécution de la peine en partie en détention et en partie en liberté, en engageant les détenus dans un processus dynamique d’aménagement de peine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement, dans un premier temps réservé, est favorable à la suppression d’une telle extension, compte tenu de l’évolution du débat et des votes intervenus sur d’autres dispositions du texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 et 84.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 17 bis est supprimé et l’amendement n° 72 n’a plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 72, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
à
par les mots :
aux 5°, 7° à 14°, 16° et 19° de
Article 17 ter
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article 730 du code de procédure pénale, après les mots : « présent article », sont insérés les mots : « et sans préjudice des articles 720 et 730-3 ». – (Adopté.)
Article 18
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article 712-4 est supprimé ;
2° Le chapitre II du titre II du livre V est ainsi modifié :
a) L’article 723-14 est abrogé ;
b) Le paragraphe 2 de la section 7 est abrogé ;
c) La section 8 est abrogée ;
3° L’article 934-2 est abrogé ;
4° À l’article 934-1, les références : « des articles 723-15, 723-24 et 723-27 » sont remplacées par la référence : « de l’article 723-15 ». – (Adopté.)
Article 18 bis
(Non modifié)
Après le mot : « comparution », la fin de la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 712-17 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « , selon les cas, devant le juge de l’application des peines, qui doit intervenir dans un délai maximal de huit jours, ou devant le tribunal de l’application des peines, qui doit intervenir dans un délai maximal d’un mois. » – (Adopté)
Article 18 ter
(Non modifié)
À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 712-21 du code de procédure pénale, les mots : « condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru » sont remplacés par les mots : « qui a été condamnée à un suivi socio-judiciaire ». – (Adopté.)
Article 18 quater A (nouveau)
1° À l’intitulé du chapitre II du titre XIX du livre IV du code de procédure pénale, les mots : « de la rétention de sûreté et » sont supprimés ;
2° L’article 706-53-13 du même code est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « d’une rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « d’une surveillance de sûreté » ;
b) Les deux derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La surveillance de sûreté s’applique à l’issue d’une mesure de suivi socio-judiciaire prononcé en application de l’article 131-36-1 du code pénal ou de surveillance judiciaire ordonnée en application de l’article 723-29 du présent code. » ;
3° L’article 706-53-14 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « au moins un an avant la date prévue pour leur libération » sont remplacés par les mots : « au moins six mois avant la fin de la mesure de suivi socio-judiciaire ou de surveillance judiciaire » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« À cette fin, la commission fait procéder à une expertise médicale du condamné » ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « d’une rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « d’une surveillance de sûreté » ;
d) Au quatrième alinéa, les mots : « , ainsi que les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d’être prononcés dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire, » sont supprimés ;
e) Au cinquième alinéa, les mots : « cette rétention » sont remplacés par les mots «cette surveillance » ;
f) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
4° L’article 706-53-15 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « de surveillance de sûreté » et les mots : « de la rétention de sûreté » sont remplacés par les mots : « de la surveillance de sûreté » ;
b) Au deuxième alinéa, la première phrase est ainsi rédigée :
« Cette juridiction est saisie à cette fin par le procureur de la République ou le juge de l’application des peines, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l’article 763-10, au moins trois mois avant la date prévue pour la fin de la mesure de suivi socio-judiciaire ou de surveillance judiciaire » ;
c) Le troisième alinéa est supprimé ;
d) Les quatrième et cinquième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision doit être spécialement motivée au regard des dispositions de l’article 706-53-14. Elle est immédiatement exécutoire. » ;
e) Au sixième alinéa, le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
f) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La juridiction régionale de la surveillance de sûreté peut également, selon les modalités prévues au présent article, ordonner une surveillance de sûreté à l’égard d’une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées, en application du premier alinéa de l’article 723-35, à la suite d’une violation des obligations auxquelles elle était soumise dans des conditions qui font apparaître des risques qu’elle commette à nouveau l’une des infractions mentionnées au premier alinéa. La surveillance de sûreté s’applique dès la libération de la personne. » ;
5° À l’article 706-53-16, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » et le mot : « rétention » est, à deux reprises, remplacé par le mot : « surveillance » ;
6° À l’article 706-53-17, le mot : « rétention » est, à quatre reprises, remplacé par le mot : « surveillance » ;
7° À l’article 706-53-18, les mots : « « de la rétention de sûreté » sont, à deux reprises, remplacés par les mots : « de la surveillance de sûreté » ;
8° La première, la troisième et la quatrième phrase du premier alinéa de l’article 706-53-19 et les deuxième à sixième alinéas sont supprimés ;
9° L’article 706-53-20 est ainsi rédigé :
« Art. 706-53-20. – La violation de ses obligations par la personne placée sous surveillance de sûreté est punie de sept ans d’emprisonnement.
« Constitue notamment une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prescrit par le médecin traitant et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
10° L’article 706-53-21 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « La rétention de sûreté et » sont supprimés, le mot « sont » est remplacé par le mot : « est » et le mot : « leur » est remplacé par le mot : « son » ;
b) Au second alinéa, les mots : « La rétention de sûreté ou » sont supprimés et le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
11° Le deuxième alinéa de l’article 706-53-22 est supprimé ;
12° Le dernier alinéa de l’article 362 et les articles 723-37 et 763-8 sont abrogés.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 30 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et MM. Zocchetto et Merceron.
L'amendement n° 91 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour défendre l’amendement n° 19.
M. Jean-René Lecerf. Cet article, introduit par la commission des lois, supprime la rétention de sûreté, pourtant indispensable dans certaines situations très particulières. Voilà pourquoi nos collègues en souhaitent la suppression.
Je me félicite de la qualité des débats qui se sont tenus au sein de la commission des lois sur le problème de la rétention de sûreté, entre ceux qui souhaitent la suppression de cette « peine après la peine » et ceux qui préfèrent que l’on ne touche aux lois que d’une main tremblante.
Un certain nombre d’arguments plaident en faveur de la non-suppression de la rétention de sûreté.
Tout d’abord, ce dispositif n’a jamais réellement été mis en œuvre, à l’exception de quelques cas pouvant se compter sur les doigts d’une main. La loi portant rétention de sûreté n’étant pas rétroactive, elle ne pourra commencer à s’appliquer que dans un certain nombre d’années.
Ensuite, il nous semble que la rétention de sûreté est absolument indispensable à l’encontre de certaines personnes –peu importe qu’il s’agisse d’un nombre très limité de cas – que nous n’oserions libérer, même à l’issue de leur peine. Nous avons tous quelques noms en tête…
Enfin, la suppression de la rétention de sûreté pourrait avoir un effet pervers. Aujourd’hui, le réexamen de la situation du condamné est particulièrement encadré : la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté rend son avis après que la dangerosité du condamné a été évaluée par une équipe pluridisciplinaire au sein d’un centre national de sûreté, au cours d’un cycle de six à sept semaines.
Si la garantie de ce réexamen passé un certain délai venait à disparaître, nous craignons que les jurys populaires ne privilégient les peines de perpétuité ou de trente ans, accompagnées d’une peine de sûreté, au détriment de peines moins longues.
Pour toutes ces raisons, il nous semble que la suppression de la rétention de sûreté devrait faire l’objet d’un texte spécifique, afin d’approfondir cette réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l'amendement n° 30 rectifié.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement, identique au précédent, vise à revenir sur la suppression de la rétention de sûreté.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter au plaidoyer de Jean-René Lecerf, sinon pour rappeler que cette rétention est destinée à s’appliquer aux auteurs des crimes les plus graves, perpétrés contre les victimes les plus vulnérables.
Supprimer la rétention de sûreté et instaurer une peine de contrainte pénale dans le même texte ne me semble pas être un bon signal à envoyer.
Je rejoins Jean-René Lecerf : ne touchons à ces dispositions législatives que d’une main tremblante.
Au surplus, notre rapporteur a écrit lui-même que l’absence d’évaluation globale ne permet pas de juger de façon certaine que la rétention de sûreté n’a pas eu d’effets notoires sur la récidive.
Dans le doute, nous proposons de maintenir ces dispositions.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 91.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sans ambiguïté, le Gouvernement est favorable à la suppression de la rétention de sûreté, pour des raisons de philosophie politique et de droit.
Je profite de l’intervention de M. Lecerf, dont je connais la cohérence de pensée, pour rappeler que cette mesure est difficile à défendre, surtout après le constat d’une accumulation de défaillances.
Vous ne la défendez d’ailleurs que sur la base d’arguments prosaïques et non pas doctrinaux. Je parle bien de doctrine, non de dogme, c’est-à-dire d’une idée construite et cohérente de la logique d’une mesure.
Je n’ai jamais entendu d’arguments doctrinaux : vous vous arrêtez toujours sur quelques cas difficiles, que l’on ne sait pas traiter, et décidez, par anticipation, d’empêcher les personnes visées de commettre un nouveau crime, la rétention de sûreté intervenant après que la peine a été exécutée.
Nous avons tous le devoir de nous interroger sur ces questions. Nous avons tous le souci de ces personnes dont on peut craindre qu’elles ne commettent à nouveau des crimes.
Je rappelle, en effet, que la rétention de sûreté est réservée aux crimes. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, le Gouvernement est opposé à ce que la suppression de la rétention de sûreté se fasse dans le présent texte, qui concerne les délits. Sa demande de suppression de la suppression se fonde donc sur une question de véhicule législatif. Néanmoins, il faudra que cette question soit étudiée dans toute sa dimension.
Je ne cherche pas, mesdames, messieurs les sénateurs, à être polémique, je n’accuse pas un gouvernement plutôt qu’un autre – même s’il est vrai qu’un gouvernement d’une même couleur politique était au pouvoir ces dix dernières années, je sais que la question est bien plus ancienne -, mais ce sujet me fait penser à celui que nous avons traité hier assez longuement et de façon dense, à propos de l’altération du discernement.
Parce que toutes les mesures n’avaient pas été prises par la puissance publique, les experts comme les juridictions en étaient venus à considérer que l’altération du discernement était un facteur aggravant, et devait ainsi conduire au prononcé de peines plus lourdes.
Toute société a ses pathologies, ses malades, ses personnes à risque, et si la puissance publique ne met pas en place tous les moyens nécessaires pour prendre en charge ces réalités, elle se trouve obligée de protéger la société par des pratiques injustes. C’est ce que vous avez voulu corriger lors de nos débats d’hier, monsieur Lecerf : l’altération du discernement est une circonstance atténuante, et non pas aggravante ; elle doit par conséquent conduire à un amoindrissement de la peine, et non pas à son alourdissement.
Vous avez donc su corriger une première injustice, et je vous invite à faire de même ici, car, à mon sens, on peut faire le parallèle avec la rétention de sûreté. En la matière également, les dispositions n’ont pas été prises pour que les personnes soient soignées correctement, à temps et pendant la durée nécessaire, ni pour que celles qui présentent de vraies pathologies soient prises en charge en milieu hospitalier, avec toutes les sécurités requises, plutôt que par l’administration pénitentiaire. En conséquence de quoi, pour quelques cas seulement – ils se comptent en effet sur les doigts d’une main – on a sorti l’artillerie lourde : la punition au-delà de la punition, en prévision d’un acte qui pourrait éventuellement être commis.
La position du Gouvernement est donc extrêmement claire, et son intention est sans ambiguïté : la rétention de sûreté ne se conçoit pas et doit être supprimée. Néanmoins, sa disparition ne peut figurer dans le présent texte, qui a trait aux délits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ces trois amendements. J’aimerais néanmoins développer quelque peu mon propos.
Lors de la première réunion de la commission des lois, j’ai présenté un amendement qui tendait à supprimer la rétention de sûreté, tout en conservant la surveillance de sûreté. Cet amendement avait été adopté par la majorité présente en commission.
Lors de la deuxième réunion de la commission, la majorité avait changé, les sénateurs présents n’étant plus les mêmes. Cette situation a permis que la commission émette un avis favorable sur les amendements présentés par Jean-Jacques Hyest et Yves Détraigne.
Je le sais très bien, la rétention de sûreté concerne les crimes et la disposition visant à la supprimer était donc un cavalier législatif dans le présent texte. Il me semblait néanmoins important qu’il y ait un débat sur ce thème. À ce titre, je voudrais, mes chers collègues, vous livrer deux citations tirées de mon rapport pour illustrer mon propos.
Tout d’abord, lors de son audition par la commission des lois, Mireille Delmas-Marty a indiqué : « Ma principale critique porte sur la rétention de sûreté : le droit de la peine ne sera pas lisible et cohérent tant que cette question sera occultée. » On ne peut pas dire mieux en si peu de mots.
Ensuite, lors du débat au Sénat qui a vu l’adoption de la rétention de sûreté, en 2008 – je siégeais ici, et je m’en souviens –, Robert Badinter avait déclaré : « la rétention de sûreté altère les principes fondamentaux sur lesquels repose notre justice. En effet, […] depuis la Révolution, […] seule la justice a le pouvoir d’emprisonner un homme à raison d’une infraction commise ou, à titre exceptionnel, à raison d’une infraction dont il est fortement soupçonné d’être l’auteur. […] Pas de prison, pas de détention, sans infraction : ce principe est le fondement de notre justice criminelle depuis deux siècles. […] Or, avec la rétention de sûreté, au-delà de toutes les précautions de procédure et de tous les efforts de terminologie, nous franchissons la ligne qui sépare cette justice de liberté fondée sur la responsabilité de l’auteur de l’infraction, d’une autre justice fondée sur la dangerosité appréciée par des experts – le plus souvent des psychiatres – d’un auteur virtuel d’infractions éventuelles. C’est bien là, en effet, un changement profond de notre justice : vous me permettrez de douter qu’il s’agisse d’un progrès. »
C’est parce que je partage profondément ces propos que j’avais proposé de supprimer la rétention de sûreté. Je n’ai pas été suivi ; je le regrette. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les trois amendements identiques. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le rapporteur a raison d’indiquer qu’il avait déposé un amendement tendant à supprimer la rétention de sûreté, tout en maintenant la surveillance sûreté.
Ce rappel me permet de souligner que le débat dépasse la seule rétention de sûreté ; la surveillance de sûreté et les mesures de sûreté en général sont également concernées.
Autant j’affirme très clairement que le Gouvernement est favorable à la suppression de la rétention de sûreté, quoique dans un autre texte que celui dont nous discutons, autant je ne prétends pas qu’il faille supprimer la surveillance de sûreté ou bannir les mesures de sûreté. Nous avons un travail d’expertise à mener sur les mesures de sûreté figurant dans notre droit. Cela entre dans la mission confiée à la commission présidée par Bruno Cotte, qui aura l’occasion d’examiner, en ce qui concerne les longues peines, ces mesures de sûreté.
Vous n’êtes pas sans savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que le débat existe déjà en la matière ; des décisions ont été prises en première et en deuxième instance, une autre est sur le point de l’être par la Cour de cassation. Une question d’interprétation se pose donc sur la mise en œuvre des mesures de sûreté figurant dans notre droit.
C’est l’occasion de réaliser l’expertise de ces diverses mesures de sûreté, de manière à ce que nous puissions prendre les meilleures dispositions au meilleur moment.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 19, 30 rectifié et 91.
M. Thani Mohamed Soilihi. À titre personnel, je ne voterai pas ces amendements de suppression de la suppression. Je m’oppose en effet à la double peine que l’adoption de ces amendements permettrait de faire revivre, et qui a vocation à s’appliquer à des justiciables ayant pourtant purgé l’intégralité de la peine à laquelle ils ont été condamnés.
Je suis conscient qu’il s’agit de cas très graves. Mais, en m’appuyant sur la citation de Robert Badinter, rappelée à l’instant par M. le rapporteur, je souligne, au nom du respect des droits de la défense, que c’est à la puissance publique de réagir avec les moyens nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je respecte totalement les propos de M. le rapporteur, dont je sais la profondeur des convictions sur ce sujet.
Cela dit, je ne comprends pas que l’on puisse critiquer la loi relative à la rétention de sûreté pour son absence d’application alors que, pour l’essentiel, elle n’est pas applicable. Cette loi, en effet, n’était pas rétroactive. Peine ou mesure de sûreté, je n’entrerai pas dans ce débat, mais, dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’un éloignement de la société, ce qui me paraît suffisamment grave pour que la rétroactivité n’ait pas été envisageable.
Je tiens à préciser, en outre, que le législateur, conscient de la limite de la loi sur la rétention de sûreté, avait adopté par la suite un autre texte, d’ailleurs largement inspiré des travaux de M. Lamanda, et tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle. Cette loi prévoyait que la rétention de sûreté ne serait pas applicable aux personnes dont le discernement avait été altéré et qui présentaient une dangerosité, si elles n’avaient pas reçu, pendant leur détention, l’ensemble des soins nécessaires.
Quelques aménagements ont donc été apportés à la loi sur la rétention de sûreté. Ce point mérite au moins que nous ayons, sur ce sujet, un débat particulier, où chacun pourra s’exprimer.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19, 30 rectifié et 91.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 18 quater A est supprimé et les amendements nos 85 et 112 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L’amendement n° 85, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le chapitre III du titre XIX du livre IV est abrogé ;
2° Les articles A 37-30, A 37-31, 723-37, 723-38, 732-1 et 763-8, et le 2° de l’article 730-2 sont abrogés ;
3° Le dernier alinéa de l’article 362, le huitième alinéa de l’article 717-1 et le dernier alinéa de l’article 763-3 sont supprimés.
L’amendement n° 112, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, était ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer la référence :
II
par la référence :
III
II. – Alinéa 23, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
de l’article 706-53-13
III. – Alinéa 24
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
5° L’article 706-53-16 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
b) Aux premier et second alinéas, le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
IV. – Alinéa 32
Remplacer les mots :
le mot : « sont » est remplacé par le mot : « est »
par les mots :
les mots : « sont suspendues » sont remplacés par les mots : « est suspendue »
V. – Alinéa 33
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Au second alinéa, les mots : « de la rétention de sûreté ou » sont supprimés et la seconde occurrence du mot : « rétention » est remplacée par le mot : « surveillance » ;
VI. – Compléter cet article par onze alinéas ainsi rédigés :
13° L’article 732-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « rétention » est remplacé par le mot : « surveillance » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les articles 706-53-14 et 723-38 sont applicables. » ;
14° Au premier alinéa de l’article 706-47-1, la référence : « 706-53-19 » est remplacée par la référence : « 706-53-13 », la référence : « 723-37 » est supprimée et les références : « ,763-3 et 763-8 » sont remplacées par la référence : « et 763-3 » ;
15° L’article 769 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des décisions de rétention de sûreté, » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « de rétention de sûreté ou » sont supprimés ;
16° Au 5° de l’article 706-56-2, les mots : « ou de rétention » sont supprimés ;
17° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6141-5 du code de la santé publique, les mots : « ou des personnes faisant l’objet d’une rétention de sûreté » sont supprimés ;
18° À l’intitulé de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, les mots : « et aux personnes placées en rétention de sûreté » sont supprimés.
Chapitre VI
Dispositions visant à instaurer une contribution pour l’aide aux victimes
Article 18 quater
I. – Après l’article 707-4 du code de procédure pénale, il est inséré un article 707-5 ainsi rédigé :
« Art. 707-5. – Les amendes prononcées en matière de police, correctionnelle ou criminelle, à l’exception des amendes forfaitaires, sont affectées d’une majoration de 10 %, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, qui est perçue lors de leur recouvrement et qui est destinée à financer l’aide aux victimes.
« Cette majoration n’est pas applicable lorsque ces amendes sont majorées en application des articles L. 211-27 et L. 420-1 du code des assurances.
« Cette majoration de l’amende bénéficie s’il y a lieu de la diminution prévue à l’article 707-3 en cas de paiement volontaire. »
II. – Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complété par un article 409-1 ainsi rédigé :
« Art. 409-1. – L’article 707-5 du code de procédure pénale est applicable aux amendes douanières. »
III. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 612-42 est ainsi rédigé :
« I. – Les sanctions pécuniaires prononcées en application des articles L. 612-39 à L. 612-41 font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge de la personne sanctionnée.
« Les montants des sanctions et astreintes prévues à ces mêmes articles sont recouvrés par le Trésor public et versés au budget de l’État. » ;
2° Avant le dernier alinéa du III de l’article L. 621-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sanctions pécuniaires prononcées en application du présent III font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge de la personne sanctionnée. »
IV. – Après l’article L. 464-5 du code de commerce, il est inséré un article L. 464-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 464-5-1. – Les sanctions pécuniaires prononcées en application des articles L. 464-2 à L. 464-5 font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné. »
V. – Au second alinéa du I de l’article 44 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, après le mot : « pécuniaires », sont insérés les mots : « prononcées en application de l’article 43 font l’objet d’une majoration de 10 % destinée à financer l’aide aux victimes, dans la limite de 1 000 euros pour une personne physique et de 5 000 euros pour une personne morale, mise à la charge des organismes sanctionnés. Elles ».
VI. – (Non modifié) Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2015.
Mme la présidente. L’amendement n° 113, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 1, 2 et 6
Remplacer la référence :
707-5
par la référence :
707-6
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le I bis de l’article 11 du projet de loi, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
et qui est destinée à financer l’aide aux victimes
II. – Alinéas 9, 12, 14 et 15
Supprimer les mots :
destinée à financer l’aide aux victimes
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement concerne la sur-amende introduite dans le texte de loi pour financer l’aide aux victimes.
L’Assemblée nationale s’est sentie pressée, voire oppressée – sans doute à bon droit, si j’en juge par mon expérience –, par l’idée que cette nouvelle recette, créée pour financer l’aide aux victimes, ne puisse pas être dédiée à cette fin. Cette crainte est tout sauf fantaisiste, et les parlementaires que vous êtes savent bien que les règles de la comptabilité publique interdisent l’affectation des recettes.
Si les ressources créées pour financer l’aide aux victimes devaient disparaître et ne pas remplir le rôle qui leur a été dévolu, le texte de loi pourrait être perçu comme recelant un vice caché. Or je ne crois pas que le législateur soit disposé à assumer ce risque.
Néanmoins, j’ai rappelé les règles de la comptabilité publique : parce que nous ne pouvons pas inscrire dans la loi l’affectation de la ressource à une dépense, nous allons retirer la mention.
Je dois dire, cependant, que je le fais à mon corps défendant. Pendant deux années, nous avons travaillé à trouver des ressources diversifiées, à les rendre plausibles et à mettre en place le dispositif qui permette leur recouvrement. Il est donc important que ces ressources servent bien à l’aide aux victimes. Au nom du Gouvernement, je le dis très clairement, et de façon très solennelle, nous devrons tous y veiller.
De mon côté, si j’ai fait l’effort de développer autant mon propos – vous sentez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que je lutte intérieurement en vous présentant cet amendement, et que j’aurais aimé que cette ressource soit fléchée –, c’est pour qu’il soit inscrit dans le Journal officiel que le Gouvernement veillera à ce que ces ressources financent bien l’aide aux victimes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je rejoins totalement Mme la garde des sceaux.
L’article 18 quater crée une « taxe » de 10 % sur les amendes pénales et douanières, ainsi que sur les sanctions financières prononcées par certaines autorités administratives indépendantes, comme l’Autorité de la concurrence, afin de financer l’aide aux victimes.
La nature de cette majoration n’est pas très claire : s’agit-il d’une taxe ou d’une sanction ?
Comme on le voit dans cet amendement, il s’agit pour le Gouvernement d’une taxe, et son produit ne peut donc pas être affecté au financement de l’aide aux victimes, en vertu du principe d’universalité budgétaire.
Dès lors que Mme la garde des sceaux s’engage, comme elle vient de le faire oralement, à affecter les sommes concernées à l’aide aux victimes, même s’il n’est juridiquement pas possible de l’inscrire dans la loi, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est dix-neuf heures vingt et il nous reste dix-neuf amendements à examiner.
Je vous propose de prolonger la séance jusqu’au terme de l’examen du présent projet de loi, qui pourrait intervenir à une heure raisonnable, si chacun fait preuve de concision, sans que cela nuise pour autant à la qualité du débat. (Assentiment.)
Mme la présidente. N’en faites rien, madame la garde des sceaux ; j’ai toujours beaucoup de plaisir à vous écouter. (Nouveaux sourires.)
Titre II bis
DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ POUR MOTIF MÉDICAL
Article 18 quinquies
(Non modifié)
Après l’article 147 du code de procédure pénale, il est inséré un article 147-1 ainsi rédigé :
« Art. 147-1. – En toute matière et à tous les stades de la procédure, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d’office ou à la demande de l’intéressé, lorsqu’une expertise médicale établit que cette personne est atteinte d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé est incompatible avec le maintien en détention, hors les cas des personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement.
« En cas d’urgence, lorsque le pronostic vital de la personne est engagé, sa mise en liberté peut être ordonnée au vu d’un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle cette personne est prise en charge ou par le remplaçant de ce médecin.
« La décision de mise en liberté peut être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique.
« L’évolution de l’état de santé de la personne peut constituer un élément nouveau permettant qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle décision de placement en détention provisoire, selon les modalités prévues au présent code, dès lors que les conditions de cette mesure prévues à l’article 144 sont réunies. »
Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Par cet amendement, nous souhaitons marquer notre opposition à la réduction du nombre d'expertises médicales nécessaires à la suspension de peine des détenus, qui passerait de deux à un.
En effet, dans de nombreux cas, une expertise unique, surtout lorsqu’elle a été réalisée par un médecin qui, travaillant dans l’établissement ou qui en était proche, connaissait la personne, a abouti à des résultats inacceptables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’avis de la commission est mitigé.
À titre personnel, je suis favorable au maintien de cet article : il reprend les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Hélène Lipietz, qui, je le rappelle, avait été adoptée par le Sénat à l’unanimité, groupe UMP compris.
Mme Esther Benbassa. En effet ! Je m’en souviens !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En commission, M. Hyest a proposé un amendement dont l’adoption aurait pour effet de dénaturer le dispositif issu du texte de Mme Lipietz.
M. Christophe-André Frassa. De l’améliorer !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le vote en commission a fait apparaître un partage des voix.
M. Christophe-André Frassa. C’est bien la preuve que nous améliorons le texte !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Et, en cas de partage des voix, la commission doit s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Pour moi, cependant, la sagesse serait de repousser cet amendement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
Mme Cécile Cukierman. C’est sage ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission et appelle à la même sagesse,…
M. Christophe-André Frassa. Vous voyez bien que nous améliorons le texte !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … c'est-à-dire au rejet de cet amendement, monsieur Frassa.
La discussion sur l’article 18 quinquies doit se poursuivre ; d’ailleurs, le Sénat examinera dans quelques instants un amendement du Gouvernement en ce sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Ainsi que notre collègue Jean-Pierre Michel vient de le rappeler, l’article 18 quinquies reprend les termes de la proposition de loi de Mme Hélène Lipietz, dont j’avais d’ailleurs été rapporteur.
Je me souviens avoir entendu les représentants d’association que nous avons auditionnés expliquer que la double expertise retardait la mise en liberté et ne servait pas à grand-chose.
Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous reviendrions aujourd'hui sur une disposition que l’ensemble des sénatrices et des sénateurs, de gauche comme de droite, avaient adoptée.
Je ne vois pas l’utilité de cette double expertise, et je ne suis probablement pas la seule !
Mme la présidente. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
vital
insérer les mots :
à court terme
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après les mots :
état de santé
insérer les mots :
, physique ou mental,
II. - Alinéa 3
Supprimer les mots :
, lorsque le pronostic vital de la personne est engagé,
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le préciser ici, avec ma collègue Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, nous avons installé deux groupes de travail « santé-justice » pour mener des réflexions sur cette double thématique et évaluer l’application de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner ».
Les deux groupes ont beaucoup travaillé. Celui qui était plus spécifiquement chargé de la santé en milieu pénitentiaire nous a remis son rapport voilà une dizaine de jours – déjà ?Il est vrai que les journées sont si chargées à la Chancellerie que l’on ne voit pas le temps passer… (Sourires.)
Nous en reprenons aujourd'hui certaines des préconisations pour améliorer les dispositions de la loi Kouchner. D’ailleurs, et M. le rapporteur vient de le rappeler, nous nous inspirons de la mise en liberté pour motif médical que le Sénat avait adoptée à l’unanimité.
Le groupe de travail dont les réflexions ont porté sur la loi et sur les pratiques, via des auditions des médecins et l’étude de la jurisprudence de la Cour de cassation, a mis en lumière la nécessité d’apporter deux précisions.
D’une part, le trouble susceptible de motiver la mise en liberté pour motif médical peut être de nature physique ou mentale ; le texte de la loi Kouchner n’était pas suffisamment précis sur ce point.
D’autre part, la notion d’urgence ne doit pas se limiter aux seuls cas où le pronostic vital est engagé : l’état de santé très dégradé de certaines personnes n’est parfois pas compatible avec les conditions objectives de détention, sans même parler des conditions réelles, qui, M. Lecerf le rappelait, sont parfois jugées indignes et ont déjà valu plusieurs condamnations à l’État. Même du point de vue des conditions objectives, l’état de santé de la personne n’est pas toujours compatible avec la détention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18 quinquies, modifié.
(L'article 18 quinquies est adopté.)
Article 18 sexies
(Non modifié)
À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 720-1-1 du code de procédure pénale, les mots : « deux expertises médicales distinctes établissent de manière concordante » sont remplacés par les mots : « une expertise médicale établit ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 94 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 720-1-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « état de santé », sont insérés les mots : « , physique ou mental, », et les mots : « d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux » sont remplacés par les mots : « des personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « deux expertises médicales distinctes établissent de manière concordante » sont remplacés par les mots : « une expertise médicale établit » ;
c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « , lorsque le pronostic vital est engagé, » sont supprimés ;
d) Au troisième alinéa, avant les mots : « la durée de détention », sont insérés les mots : « en cas d’urgence ou lorsque » ;
e) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas prévus par les deux précédents alinéas, le condamné peut être régulièrement représenté par son avocat lorsque son état de santé fait obstacle à son audition ; le débat contradictoire se tient alors au tribunal de grande instance.»
II. – L’article 729 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le condamné bénéficie d’une mesure de suspension de peine sur le fondement des dispositions de l’article 720-1-1, la libération conditionnelle peut être accordée sans condition quant à la durée de la peine accomplie si, à l’issue d’un délai de trois ans après l’octroi de la mesure de suspension, une nouvelle expertise établit que son état de santé, physique ou mental, est toujours durablement incompatible avec le maintien en détention et si le condamné justifie d’une prise en charge adaptée à sa situation. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement a le même objet que le précédent, sauf que, cette fois, il s’agit non plus des prévenus, mais des détenus.
Mme la présidente. L'amendement n° 73 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, les mots : « hors les cas d'hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux » sont remplacés par les mots : « hors les cas des personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le groupe de travail « santé-justice », dans le rapport qui s’intitule Aménagements et suspensions de peine pour raison médicale, préconise de modifier l’article 720-1 -1 du code de procédure pénale pour éviter les erreurs d’interprétation.
En effet, dans sa rédaction actuelle, cette disposition a souvent pu être interprétée comme excluant toutes les personnes détenues atteintes de troubles mentaux de l’application du dispositif de suspension de peine.
Telle n’était sans doute pas l’intention du législateur, les personnes atteintes de troubles mentaux devant être considérées comme des malades comme les autres et pouvoir être soignées dans les mêmes conditions que les personnes atteintes de troubles somatiques.
Nous proposons donc une modification rédactionnelle, afin de réaffirmer que le dispositif de suspension de peine pourra s’appliquer aux personnes atteintes de troubles mentaux dont l’état de santé est incompatible avec la détention, à l’exception de celles qui font l’objet d’une mesure d’hospitalisation sous contrainte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 94 rectifié, dont l’adoption ferait tomber l’amendement n° 73 rectifié, auquel elle était également favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 73 rectifié ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’amendement n° 73 rectifié sera, me semble-t-il, satisfait par l’adoption de l’amendement du Gouvernement. (Mme Esther Benbassa acquiesce.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 18 sexies est ainsi rédigé et l’amendement n° 73 rectifié n’a plus d’objet.
Titre III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 19 A
(Non modifié)
Après le 5° de l’article 131-6 du code pénal, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis L’interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d’un dispositif homologué d’anti-démarrage par éthylotest électronique. Lorsque cette interdiction est prononcée en même temps que la peine d’annulation ou de suspension du permis de conduire, elle s’applique, pour la durée fixée par la juridiction, à l’issue de l’exécution de cette peine ; ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 19 A
Mme la présidente. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 19 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 803-6 du code de procédure pénale, il est inséré un article 803-... ainsi rédigé :
« Art. 803-... – Lorsqu’une juridiction constate qu’en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par le présent code, la détention provisoire d'une personne poursuivie est illégale et qu’elle ordonne sa mise en liberté immédiate si elle n’est pas détenue pour une autre cause, elle peut, dans cette même décision, ordonner le placement de la personne sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique si cette mesure est indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144.
« Si aucune juridiction n’est compétente, le procureur de la République saisit sans délai le juge des libertés et de la détention afin qu’il ordonne la libération immédiate de la personne et, le cas échéant, conformément aux dispositions du présent article, son placement sous contrôle judiciaire. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement concerne des situations peut-être inévitables dans l’absolu, mais dont il faut essayer de limiter autant que faire se peut l’apparition.
Les magistrats du ministère public ou du siège et les greffiers, qu’ils soient en juridiction ou en établissement pénitentiaire, effectuent leur travail de manière rigoureuse, mais des erreurs peuvent survenir, tout simplement parce que l’erreur est humaine.
Ainsi est-il arrivé récemment, et à deux reprises, de surcroît à un faible intervalle de temps, que des délais de procédure ne soient pas respectés. Dans le premier cas, personne n’avait repéré que le fax avait émis un rapport de non-transmission. Dans le second cas, il n’y avait pas eu de réaction dans les délais. Résultat ? Des détenus ayant fait appel de décisions de placement en détention provisoire ont été libérés du seul fait du non-respect des délais de procédure !
Bien entendu, l’autorité judiciaire est responsable et, en l’occurrence, la chambre de l’instruction ou le juge d’instruction ont très rapidement pris une décision de placement sous surveillance judiciaire, d’ailleurs très rigoureuse dans un cas, puisqu’elle comportait une liste d’obligations extrêmement contraignantes.
Néanmoins, pour combler cette lacune de notre procédure, nous proposons, par cet amendement, de permettre à la juridiction compétente pour ordonner la libération – la chambre de l’instruction, notamment – d’ordonner immédiatement et dans la même décision le placement sous contrôle judiciaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Madame la garde des sceaux, la commission a bien compris vos arguments. Toutefois, elle est totalement défavorable à cet amendement, pour des raisons éthiques.
En effet, votre amendement a un inconvénient notable : il pourrait être interprété comme une incitation, pour les juges d’instruction et les juridictions, à être moins rigoureux dans la gestion de la détention provisoire, qui est déjà beaucoup trop longue et beaucoup trop utilisée.
Si certaines formalités sont trop complexes et certains délais trop courts, il faut revoir la loi, modifier directement ses dispositions. Il n’est pas souhaitable de proposer une espèce de disposition-balai, qui aurait vocation à couvrir tous les cas, sans distinguer les ratés vraiment difficiles à éviter et ceux qui sont dus à un manque de diligence, à une erreur de l’instruction, voire à une faute.
Enfin, la manière dont les dispositions du présent amendement se combinent avec l’article 144-2 de code de procédure pénale n’est pas claire.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je reviens brièvement sur ce sujet, qui est extrêmement important.
Je comprends l’idée que, dans l’absolu, une telle mesure puisse être considérée comme une incitation à une moindre vigilance.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Une espèce de couverture !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cependant, dans la réalité, la nature de la mission assurée par l’institution judiciaire, la rigueur et le sérieux avec lesquels les magistrats – ministère public et siège –, ainsi que les greffiers, exercent leur profession n’autorisent pas à le penser le moins du monde
Les erreurs dont il est question font toujours beaucoup de bruit et on comprend aisément l’émotion qu’elles suscitent.
Toutefois, je rappelle que plus de 1,2 million de décisions pénales sont prononcées chaque année. Ainsi, lorsque trois erreurs interviennent dans l’année, il faut ramener les choses à leur juste proportion.
Ne considérons donc pas cette disposition comme une incitation à un manque de vigilance ! Ce serait supposer un manque de sérieux de la part des professionnels concernés, qui font un travail exigeant et exercent les responsabilités qui sont les leurs dans des conditions parfois difficiles.
Bien sûr, nous nous efforçons de pallier les difficultés qu’ils rencontrent. Ainsi, pour ce qui concerne le dernier cas en date, l’erreur provenant du greffe d’un établissement pénitentiaire, nous avons mis en place un programme de formation des chefs de greffe dans les établissements pénitentiaires. Car il s’agit d’un métier complexe, qui suppose une connaissance des textes et des procédures que l’on imagine mal à ce niveau de responsabilités.
Une série de dispositions a été prise. La mesure que je vous propose par cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra de réagir rapidement, en autorisant le placement immédiat de la personne sous contrôle judiciaire. (M. le rapporteur manifeste son scepticisme.)
J’entends et je vois votre scepticisme, monsieur le rapporteur. Néanmoins, je veux dire très fortement que les quelques cas, toujours très regrettables, à l’occasion desquels je charge l’inspection générale des services judiciaires de prendre la mesure du dysfonctionnement ayant conduit au manquement, méritent que l’on prenne des dispositions.
Pour ce qui concerne le dernier cas, il s’est avéré que le service en question était débordé. L’analyse de la situation a permis à l’administration pénitentiaire de renforcer l’équipe concernée.
Je peux entendre que cette mesure vous dérange, monsieur le rapporteur. J’ai plus de mal à accepter votre critique : voir dans le dispositif que je propose une incitation à un manque de vigilance de la part des magistrats et des greffiers, cela revient à supposer que ces professionnels de la justice ne prennent pas au sérieux la mission, extrêmement lourde, qui leur est confiée. Or tel n’est pas le cas, je puis vous l’assurer pour en avoir des preuves au quotidien !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Visiblement, il existe plusieurs raisons de droit de ne pas voter cet amendement du Gouvernement, et notre rapporteur les a fort bien exprimées.
Pour autant, je ne peux qu’inviter à trouver une solution à ces situations, que l’opinion ne comprend pas et qui remettent parfois en cause des mois d’enquête. Un malheur n’arrivant jamais seul, l’erreur concerne en général des cas dont la médiatisation est très facile.
Cet amendement soulève donc une vraie question. Au demeurant, je rejoins M. le rapporteur : prévoir dans la loi le non-respect des délais, c’est ouvrir la porte à de très nombreux contentieux.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Convaincu par les arguments de M. le rapporteur, je pense qu’il n’est pas possible d’adopter cet amendement, dans la mesure où il ne faut pas inciter a priori les professionnels à un manque de vigilance. Certes, ces derniers exercent dans des conditions difficiles. Mais il y va, je le rappelle, de la liberté des justiciables.
Par conséquent, il faudra certainement trouver une autre solution.
Une telle session de rattrapage, qui serait accordée, en tout état de cause, si des délais de procédure n’étaient pas respectés et des formalités remplies, peut inciter à une vigilance moindre. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Madame la présidente, je vous remercie d’avoir bien voulu prolonger la séance pour que nous achevions l’examen de ce texte à une heure raisonnable, mais je n’en abuserai pas.
Simplement, si j’entends Mme la garde des sceaux, elle-même doit comprendre que, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas accepter cet amendement. Ces cas existent depuis longtemps. Pourquoi prévoir aujourd'hui une telle disposition ? N’est-ce pas saugrenu ? C’est la raison pour laquelle la commission s’est prononcée contre cet amendement et confirme son avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je comprends à la fois les arguments de M. le rapporteur et ceux de Mme la garde des sceaux.
Pour ma part, j’ai également beaucoup de mal à accepter l’idée selon laquelle la disposition en question permettrait à toute une série de collaborateurs de justice d’être moins efficaces dans leur travail.
À mes yeux, ces erreurs proviennent d’une perversité de l’action de justice. Même si elles sont effectivement rarissimes, elles ont sur l’opinion un effet totalement calamiteux.
C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 95 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 19 B (nouveau)
I. – L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :
1° L’article 2 est ainsi modifié :
a) Les mots : «, le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
b) Les mots : « et le tribunal correctionnel pour mineurs» sont supprimés et les mots : « ne peuvent » sont remplacés par les mots : « ne peut » ;
2° À l’article 3, les mots : «, le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
3°L’article 6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « le juge des enfants ou le tribunal pour enfants » ;
4° L’article 8 est ainsi modifié :
a) Au huitième alinéa, les mots : «, le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
5° À l’article 8-2, les mots : « soit devant le tribunal correctionnel pour mineurs, » sont supprimés ;
6° À l’article 9, la deuxième phrase du cinquième alinéa est supprimée ;
7° À l’article 10, les mots : «ou devant le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
8 °À l’article 12, les mots : « ou du tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
9° Le troisième alinéa de l’article 13 est supprimé ;
10° Le chapitre III bis est supprimé ;
11° Les articles 24-1, 24-2 et 24-3 sont supprimés ;
12° À l’article 24-5, les mots : « ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;
13° À l’article 24-6, les mots : «, le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal pour enfants » ;
14° À l’article 24-7, les mots : « ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés.
II. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier bis du titre V du livre II est supprimé ;
2° Les articles 251-7 et 251-8 sont supprimés.
III. – Les affaires dont les tribunaux correctionnels pour mineurs ont été saisis avant la promulgation de la présente loi sont transférées aux tribunaux pour enfants compétents.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 31 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et MM. Zocchetto et Merceron.
L'amendement n° 96 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Jean-René Lecerf. Les auteurs de cet amendement s’opposent à la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, la loi qui les a mis en place est très récente et il faudrait peut-être laisser du temps au temps pour juger de leur pertinence, même si je reconnais que les premières années de fonctionnement ne plaident pas en faveur de leur efficacité.
Deuxièmement, cette disposition intéresse les mineurs, lesquels ne sont pas concernés par ce projet de loi. Selon moi, une telle suppression a donc difficilement sa place dans ce texte.
Troisièmement, enfin, nous attendons tous une réécriture de l’ordonnance de février 1945, qui est aujourd'hui devenue quasi illisible, après les dizaines de modifications dont elle a été l’objet. Si évolution il doit y avoir, elle trouverait davantage sa place dans cette réécriture de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié.
M. Vincent Capo-Canellas. Après avoir débattu de la rétention de sûreté, nous ouvrons un autre dossier symbolique et important, à savoir l’éventuelle suppression du tribunal correctionnel pour mineurs
J’observe, madame la garde des sceaux, que nous nous rejoignons sur ce sujet, sans doute pour des motifs différents. Quoi qu’il en soit, notre convergence, avec ces trois amendements identiques de suppression, montre que le sujet n’est pas mûr, en tout cas dans le cadre de ce texte.
La question de la délinquance des mineurs est tellement prégnante que l’on ne peut pas, selon moi, la traiter par petits bouts. Sans doute faut-il l’examiner dans un cadre plus global, notamment celui d’une réflexion sur l’adaptation de l’ordonnance de février 1945.
Il s’agit bien sûr d’un sujet particulièrement sensible. Toutefois, outre le fait que la création de ces tribunaux correctionnels pour mineurs est relativement récente et qu’il est difficile d’en dresser un bilan aujourd'hui, je veux rappeler que, pour un mineur, passer devant un tribunal revêt une charge symbolique et une solennité qui peuvent paraître nécessaires à sa compréhension de la réalité des actes qu’il a commis.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 96.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des lois a adopté la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Le débat à l’Assemblée nationale avait été long et vif, des députés ayant souhaité également les supprimer.
Ces tribunaux, vous le savez, constituent une excroissance procédurale. Ils s’inscrivent dans la dynamique d’un rapprochement de la justice des mineurs et des majeurs décidé à une époque où toute la parole politique consistait à faire de la délinquance des mineurs une délinquance en explosion, de plus en plus grave, violente et massive.
Or les statistiques ne confirment pas ce discours, ce qui ne signifie pas qu’un certain nombre de mineurs ne se livrent pas à des actes graves, qu’ils ne récidivent pas ou ne réitèrent pas. J’observe simplement que, quand on prend un exemple, c’est toujours le même !
Ainsi la délinquance des mineurs a-t-elle au contraire légèrement diminué sur les dix dernières années, si l’on en croit les statistiques : le nombre de mineurs incarcérés est resté stable, tandis que la part de la délinquance des mineurs dans l’ensemble de la délinquance a légèrement baissé, s’établissant aujourd'hui à 18 %.
C’est cependant à la faveur d’un certain discours sur les mineurs - les jeunes d’aujourd'hui ne seraient pas comme ceux d’hier - que furent créés les tribunaux correctionnels pour mineurs.
Je rappelle le contexte sans porter le moindre jugement de valeur, quoi que j’en pense. Pour ma part, lorsqu’il s’agit d’agir au nom de la puissance publique, je ne me contente pas de mes convictions personnelles ni de mes propres élans : je veille à vérifier la réalité des choses.
Je suis donc allée interroger les chefs de juridiction sur le fonctionnement de ces tribunaux : tous, du moins tous ceux qui se sont exprimés, ont souhaité leur suppression.
Certains se fondent sur leur conviction, considérant que la justice des mineurs doit rester spécialisée, conformément à la tradition française, qui a vu la création du juge des enfants en 1912 et l’ordonnance relative à l’enfance délinquante en 1945.
D’autres avancent des raisons pratiques, estimant que la nature collégiale de ces tribunaux correctionnels pour mineurs complique la gestion des juridictions en les encombrant. Ils notent également que les condamnations sont à peu près identiques à celles que prononcent les tribunaux pour enfants, ni plus sévères ni plus massives.
Telle est la réalité, mesdames, messieurs les sénateurs, et j’ai eu l’occasion de le faire vérifier régulièrement dans les juridictions.
Tous les praticiens, tous les professionnels, même de sensibilité différente, plaident donc pour la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, certains, je le répète, par conviction, d’autres simplement pour des raisons pratiques tenant à l’organisation de leur juridiction.
Toutefois, le Gouvernement ne souhaite pas procéder à cette suppression dans le cadre de ce projet de loi, relatif aux délits. Il convient autant que possible d’écarter tant les dispositions relatives aux longues peines que les dispositions relatives aux mineurs.
Je le répète, il est souhaitable, pour le bon fonctionnement des juridictions et pour la bonne administration de la justice, que les tribunaux correctionnels pour mineurs soient supprimés. Je vous le dis très clairement – je ne me cache derrière aucun paravent ! –, je pense, par conviction, à l’instar de certains magistrats, que la justice des mineurs doit rester une justice spécialisée. Je crois que la plupart d’entre vous partagent cet avis.
L’ordonnance de 1945 est née à un moment de grande unité nationale,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … à l’époque du Conseil national de la Résistance, quand les forces de la Résistance étaient composées de sensibilités de droite, de gauche et du centre. Dans les gouvernements qui se sont succédé, je pense, notamment, aux deux gardes des sceaux François de Menthon, qui était, me semble-t-il, centriste – il était en tout cas républicain – ou encore à Pierre-Henri Teitgen.
Cette production législative est donc le fruit d’une époque où il y avait une convergence politique sur la façon dont la société devait traiter les enfants délinquants. Je suis animée de la même conviction.
En outre, en qualité de garde des sceaux, sur un plan pratique, pour la bonne administration de la justice, j’estime que, conformément à la demande de nombreux chefs de juridiction, il est souhaitable de supprimer ces tribunaux. Toutefois, je vous demande, c’est le sens de l’amendement du Gouvernement, de ne pas maintenir dans ce texte la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. C’est ce que l’on appelle « la bipolarité ». (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a – fort heureusement ! – rejeté ces trois amendements identiques de suppression. En effet, pourquoi remettre à plus tard ce que l’on peut faire aujourd'hui, même dans le cadre d’un texte qui concerne la justice correctionnelle ?
Vous aviez demandé, madame la garde des sceaux, à M. le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, de me confier une mission sur la Protection judiciaire de la jeunesse et, plus largement, sur les mineurs. Les magistrats que j’ai rencontrés sont tous – tous, j’y insiste –, de la tête aux pieds, contre cette nouvelle juridiction et demandent l’abrogation de cette disposition le plus rapidement possible, et ce pour deux raisons.
D’une part, cette nouvelle juridiction désorganise les tribunaux. D’autre part, les condamnations ne sont pas plus sévères, contrairement à l’objectif qui était, semble-t-il, recherché.
Supprimons donc dès aujourd'hui ces tribunaux.
M. Philippe Kaltenbach. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pour ma part, je tiendrai bon en commission mixte paritaire. J’espère que vous ferez de même, mes chers collègues, car vous avez souvent montré la voie en matière de libertés publiques !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour ma part, je suis, bien sûr, très attaché, comme vous tous, au principe en vertu duquel, dans la République française, on est jugé et condamné pour des faits, et non pour des virtualités. Cette idée très forte a été évoquée précédemment à propos de la rétention de sûreté.
L’ordonnance de février 1945, cet héritage dont vous avez magnifiquement parlé, madame la garde des sceaux, instaure une justice spécifique pour les mineurs, considérant à juste titre que le mineur est un être en devenir.
Or certains multiplient les arguties pour convaincre que l’idée d’une telle spécificité serait surannée et ne correspondrait plus à la réalité de la jeunesse d’aujourd’hui. Bien sûr, la société a évolué. Mais enfin, qui va désespérer du cas d’un jeune ou, d’ailleurs, d’un adulte, mais a fortiori d’un mineur ?
Je n’ai donc pas grand-chose à ajouter à votre beau plaidoyer, madame la garde des sceaux. Vous avez relevé, comme M. le rapporteur, que tous les magistrats que vous avez rencontrés estiment qu’il convient de supprimer le tribunal correctionnel pour mineurs.
Dans le rapport de notre collègue Jean-Pierre Michel, on peut lire, à la page 185 : « La création de ces tribunaux relevait clairement d’une logique tendant à rapprocher autant que possible la justice des mineurs de celle des majeurs. Cette logique ne reçoit pas l’approbation de votre commission, qui considère que la spécificité de la justice des mineurs doit perdurer, conformément au principe qui a guidé la rédaction de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. »
J’ai bien compris la force de votre conviction, madame la garde des sceaux, ainsi que l’explication que vous donnez à votre refus de voir la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs intervenir dans le présent texte. Ce n’est pas de la bipolarité ; ce sont deux éléments. Peut-être est-ce de la dialectique ?
Quoi qu’il en soit, j’ai lu avec soin – comme toujours ! – l’objet de l’amendement n° 96 du Gouvernement. Je vous lis, madame la garde des sceaux : « Le Gouvernement n’est pas hostile à la suppression du tribunal correctionnel pour mineurs, mais il estime que cette question doit être examinée dans le cadre d’une réforme d’ensemble de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. »
Voilà qui est bien dit, madame la garde des sceaux. Aussi, je me permets ici simplement d’appeler cette réforme de mes vœux. (Mme la garde des sceaux s’exclame.)
Madame la garde des sceaux, de nombreux sujets sont inscrits à l’ordre du jour du Parlement, matin, midi et du soir ! Il y a aussi des procédures à n’en plus finir. (Mme la garde des sceaux réagit.)
J’en parlais avec Philippe Kaltenbach à l’instant, nous avons assisté cet après-midi à la mise en œuvre d’une procédure particulière, et nous respectons les procédures. Mais, dans l’emploi du temps, il y a des priorités.
C’est dans ce contexte que je me permets de vous faire remarquer que la réforme d’ensemble de l’ordonnance de 1945, que vous appelez de vos vœux, devrait être examinée en priorité, dans les prochains mois, par le Parlement.
La question des mineurs dans notre société, et singulièrement de la délinquance des mineurs, est au moins aussi essentielle que beaucoup d’autres. On doit donc trouver le temps, dans les prochains mois, de la traiter.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Il ne faut évidemment pas stigmatiser les mineurs. Nous devons aborder cette question avec sérénité.
Je vous remercie, madame la garde des sceaux, des éléments d’analyse que vous avez bien voulu nous communiquer et de la réflexion d’ensemble que vous engagez avec nous. J’entends les arguments de fond et les arguments pratiques que vous avancez.
Vous estimez qu’il faut, à une échéance relativement brève, procéder à la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, au nom de la bonne administration de la justice.
Ce débat n’est pas tabou ; on peut l’ouvrir dans le cadre de la réflexion globale que vous avez évoquée.
Concernant les statistiques que vous avez citées, vous me permettrez d’être dubitatif. Il est des territoires dans notre vieille France où la question de la justice des mineurs se pose avec une acuité particulière : un certain nombre de phénomènes ont, malgré tout, une réalité statistique.
Selon moi, il convient de traiter cette question dans un cadre global et, j’y insiste, avec sérénité. Je crains que la consécration ici de la suppression de ces tribunaux n’ait un double effet négatif. Je m’explique.
Premièrement, cette mesure ne prend pas en compte la question dans sa globalité.
Deuxièmement, si nous supprimons à ce stade, dans ce projet de loi, les tribunaux correctionnels pour mineurs, un certain nombre de contrevenants feront immanquablement l’addition, considérant que cette suppression vient s’ajouter au fait que, pour certains délits, la prison n’existe plus. Ce sera très clair pour eux. Ne leur adressons pas ces deux signaux en même temps. Il faut, au contraire, disjoindre les deux questions.
Soyons donc attentifs au signal que nous allons envoyer à un certain nombre de réitérants, pour lesquels on doit engager un travail de prévention dans le cadre de la lutte contre la récidive. Si l’on additionne ces deux mesures, je crains un effet négatif.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs ne signifie pas l’impunité pour les mineurs. Cela va certes de soi, mais il vaut mieux le préciser.
On peut remettre à demain certains sujets, mais il faut régler tout de suite la question de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs.
Compte tenu de l’importance du sujet eu égard à la place spécifique de la justice de nos mineurs dans notre droit répressif, je vous demande, mes chers collègues, de procéder immédiatement à cette suppression. Symboliquement, ce sujet ne saurait attendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je rejoins totalement l’argumentation développée par mon collègue Vincent Capo-Canellas.
J’ajoute que les dispositions essentielles de l’ordonnance de 1945 ont été constitutionnalisées, qu’il s’agisse de la primauté de l’éducatif sur le répressif ou de la minoration des peines. Cette constitutionnalisation protège aussi ces dispositions essentielles.
Je veux faire observer que la loi qui portait notamment – ce n’était pas la seule disposition ! – création des tribunaux correctionnels pour mineurs a été soumise au Conseil constitutionnel, qui en a reconnu la constitutionnalité.
Aussi, on ne saurait décider à dix – pardonnez-moi de le souligner ! –, à la sauvette, au terme de l’examen de ce texte important concernant les délits, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Certes, on peut déplorer le faible nombre de sénateurs présents à la fin de ce débat, mais nous avons eu également cette discussion en commission.
Un certain nombre de groupes parlementaires s’étaient fortement opposés à la création, il y a quelques années, sous le précédent gouvernement, des tribunaux correctionnels pour mineurs. La présente discussion s’inscrit donc en quelque sorte dans la continuité.
Bien évidemment, nous aimerions tous, à commencer même par vous, ai-je envie de dire, madame la garde des sceaux, trouver le temps, dans un calendrier parlementaire relativement contraint, de remettre à plat l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante, pour qu’elle soit au diapason du XXIe siècle, tout en lui conservant sa substantifique moelle. Pour l’heure, cela n’est pas possible.
Pourtant, supprimer les tribunaux correctionnels pour les mineurs constituerait un acte fort dans ce texte visant à mieux individualiser les peines et à prendre en considération la spécificité de chaque détenu. Cela s’inscrit dans notre volonté de mettre en place une autre justice et, plus largement, d’éviter les généralisations.
La suppression de ces tribunaux est plus qu’un symbole. Vous l’avez rappelé, ils ont été mis en place non pas pour répondre à un problème, mais pour satisfaire l’opinion publique dans l’immédiateté, ce qui ne résout pas forcément les maux de la société sur le long terme.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les trois amendements identiques visant à supprimer la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Il est certain que nous aimerions tous débattre d’une grande loi sur la justice des mineurs, mais nous avons l’occasion de supprimer dès aujourd’hui les tribunaux correctionnels pour mineurs qui, à l’expérience, ne servent à rien.
Au bout d’un moment, il faut tout de même se pencher sur l’efficacité des dispositifs votés par le Parlement.
Depuis deux ans, tous les professionnels constatent l’inefficacité de ces tribunaux correctionnels pour mineurs. Dès lors, pourquoi les conserverions-nous, d’autant qu’ils entrent en contradiction avec l’ordonnance de 1945 ?
Devrions-nous avoir peur du qu’en-dira-t-on, de l’opinion publique, de l’exploitation que certains pourraient faire de cette suppression ? Non, ça suffit ! Nous sommes ici pour légiférer, les professionnels nous demandent de supprimer ces tribunaux correctionnels pour mineurs et il s’agit de surcroît d’un engagement pris par François Hollande durant sa campagne.
M. Vincent Capo-Canellas. Enfin un engagement qui sera tenu !
M. Philippe Kaltenbach. Cette suppression a été validée par les électeurs ; il faut le dire clairement et, si nous sommes tous d’accord pour reconnaître que ces tribunaux ne servent à rien, nous devons l’assumer et porter ensemble cette suppression en convainquant l’opinion qu’il est utile de les supprimer.
Je soutiens donc pleinement la position de M. le rapporteur sur ce point, et c’est aussi l’avis, me semble-t-il, de l’ensemble des sénateurs socialistes.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Lorsque nos collègues de la majorité étaient dans l’opposition, voilà quelques années, ils nous reprochaient souvent, notamment dans le domaine pénal, de légiférer au coup par coup en réaction à tel ou tel fait divers, sans vision d’ensemble des changements introduits. Et en effet, la justice des mineurs a fait l’objet de nombreuses modifications. Elles ont peut-être été introduites en fonction des circonstances, mais faut-il pour autant les détricoter de la même manière ?
Il faut sans doute repenser la justice des mineurs, qui date pour l’essentiel de la fin de la guerre, car la situation a bien changé depuis lors. Mais nous devrions poser la problématique dans son ensemble, en tenant compte des évolutions de la délinquance des mineurs, plutôt que de détricoter au coup par coup ce qui a également été tricoté, hélas, au coup par coup.
Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Pour avoir fait pas mal de tricot dans ma jeunesse, quand j’en avais le temps, je reprendrai l’image employée par notre collègue Yves Détraigne pour dire que, malgré tout, lorsque l’on se trouve avec deux ou trois fausses mailles à la suite, il vaut mieux défaire tout le rang plutôt que d’essayer de les reprendre une à une ! (Sourires.)
Je pense effectivement que les tribunaux correctionnels pour mineurs étaient une mauvaise idée, et qu’ils constituaient une très mauvaise maille dans le tricot ! Nous avons l’occasion de les supprimer, sans pour autant que cela puisse être considéré comme un cavalier législatif.
Évitons surtout de dramatiser : avant l’existence de ces tribunaux correctionnels spécifiques, les mineurs délinquants étaient tout de même repérés et sanctionnés par des juridictions adaptées à leur qualité de mineurs. Ils le seront encore demain, quand bien même il n’y aurait plus de tribunaux correctionnels pour mineurs. Ce n’est pas parce qu’on les fait disparaître que l’on fait disparaître pour autant tout l’appareil juridique destiné à lutter contre la délinquance des mineurs.
Cet outil est peu utilisé, mal utilisé et il encombre les tribunaux ; tous les professionnels souhaitent qu’on le supprime.
Ayons donc le courage de la vérité. Ne nous cachons pas derrière des mots, en prétendant que cette suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs nous obligerait à reprendre tout de suite l’ensemble de l’ouvrage.
Oui, il faudra sans doute tout reprendre, mais cela ne nous empêche pas de supprimer dès aujourd’hui ces deux rangs qui ont été tricotés à l’envers !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On voit que c’est du vécu !
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au risque d’énerver M. le rapporteur (Sourires.), je voudrais apporter quelques précisions supplémentaires.
Pour répondre tout d’abord à l’interpellation de M. le président de la commission des lois, je lui indique que nous travaillons depuis plus de huit mois maintenant sur l’ordonnance de février 1945, dont je rappelle qu’elle a été modifiée à trente-sept reprises. Elle est donc devenue illisible au fil du temps et tous les praticiens nous demandent de la rendre plus cohérente.
Nous avons reçu les organisations professionnelles et syndicales, ainsi que les associations qui interviennent dans ce domaine, et toutes pointent la difficulté de naviguer entre sanctions et mesures éducatives. Il faut donc simplifier les procédures. Nous nous y attelons, et nous avons presque abouti.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Maintenant, vous savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que je ne suis pas en mesure de m’engager devant vous sur une date d’inscription de ce texte à l’ordre du jour. Je souhaite profondément, tout comme les professionnels concernés, qu’il soit examiné, afin de rendre la justice des mineurs plus juste et plus efficace.
J’en profite aussi pour communiquer certains chiffres, car il me semble nécessaire, au-delà du ressenti ou de l’effet que peut produire telle ou telle émission de télévision, d’éclairer la représentation nationale sur les réalités.
Or, la réalité, c’est que, je le répète, la part de la délinquance des mineurs a plutôt baissé, rapportée à l’ensemble de la délinquance.
On prétend que les mineurs délinquants seraient de plus en plus jeunes, de plus en plus violents, qu’ils commettraient des actes de plus en plus scandaleux et qu’ils seraient de moins en moins punis.
Je me contenterai de quelques chiffres, tenant à votre disposition des statistiques plus détaillées si vous le souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs.
Loin de nous l’idée de minorer la délinquance des mineurs. En revanche, nous la mesurons.
Entre 2004 et 2012, la part des mineurs dans le total des personnes interpellées est passée de 20 % à 18 %.
Le nombre de mineurs mis en cause par la police nationale a diminué de 12,6 % entre juillet 2011 et juin 2013.
Pour les mineurs délinquants, le premier contact avec la justice est fortement dissuasif. En effet, 65 % des mineurs qui ont eu un premier contact avec la justice ne récidivent pas – je précise que cette étude a été conduite sur six ans. Et l’on sait que, plus les personnes avancent en âge, plus elles sortent de la délinquance de manière générale ; c’est une tendance lourde.
Ensuite, les mineurs sont-ils vraiment de plus en plus violents ? Ils ne représentent que de 4 % à 7 % de l’effectif total des condamnés pour homicide volontaire et, sur l’ensemble des faits susceptibles d’être qualifiés de criminels, la part des mineurs est inférieure à 1 %.
Les atteintes volontaires à l’intégrité physique commises par les mineurs sont également en baisse, avec une diminution de 18 % entre 2010 et 2013. De même, les vols avec violence ont diminué de 13,9 %.
On prétend également que les mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes. Les moins de treize ans ne représentent pourtant que 4 % des mineurs auteurs de délits, selon les chiffres de 2012.
On dit aussi que les juridictions pour mineurs seraient laxistes, ce qui aurait justifié la création de ces tribunaux correctionnels spécifiques. Mais le taux de réponse pénale pour les mineurs est de 93,5 %, contre 89 % pour les adultes.
Enfin, j’ai soutenu tout à l’heure que les tribunaux pour enfants étaient aussi sévères, voire parfois plus sévères, que les tribunaux correctionnels pour mineurs, qui ont pourtant été créés pour accroître la sévérité des peines prononcées.
Les tribunaux pour enfants se montrent en effet très sévères, puisque 61 % des peines qu’ils ont prononcées en 2012 comportaient de l’emprisonnement, ferme ou avec sursis, contre 52 % en 2010 et 53 % en 2011.
Ces chiffres méritaient d’être portés à votre connaissance, mesdames, messieurs les sénateurs, même s’ils ne modifient bien entendu en rien la position officielle du Gouvernement que je vous ai communiquée.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 31 rectifié et 96.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je précise au Sénat que je demanderai à la commission des lois de me mandater pour intervenir auprès du Premier ministre afin qu’un débat sur la question de la justice des mineurs soit inscrit à l’ordre du jour de nos travaux au cours des prochains mois.
Mme la présidente. L'amendement n° 114, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer le mot :
huitième
par le mot :
neuvième
II. – Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
5° À l’article 8-2, les mots : « soit devant le tribunal correctionnel pour mineurs, » et la deuxième phrase sont supprimés ;
III. – Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
10° Le chapitre III bis est abrogé ;
IV. – Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
V. – Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
12° Au deuxième alinéa de l’article 24-5, les mots : « , le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal pour enfants » ;
VI. – Alinéas 22 à 24
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. – Le chapitre Ier bis du titre V du livre II du code de l’organisation judiciaire est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19 B, modifié.
(L'article 19 B est adopté.)
Article additionnel après l'article 19 B
Mme la présidente. L'amendement n° 74, présenté par Mme Benbassa, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 19 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 116-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 116-2 ainsi rédigé :
« Art. 116-2. – Pour les délits dont la responsabilité est fixée par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ou par l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, lorsque le juge d’instruction envisage de procéder à la mise en examen, il peut procéder comme il est dit au présent article, par dérogation aux articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale.
« S’il apparaît au cours de la procédure que des indices graves ou concordants justifient la mise en examen de la personne, le juge d’instruction l’informe de son intention par lettre recommandée avec accusé de réception en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique et en l’informant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d’un mois. Il peut aussi, par le même avis, interroger la personne par écrit afin de solliciter, dans le même délai, sa réponse à différentes questions écrites. En ce cas, la personne est informée qu’elle peut choisir de répondre auxdites questions directement en demandant à être entendue par le juge d’instruction.
« Lors de l’envoi de l’avis prévu à l’alinéa précédent, la personne est informée de son droit de désigner un avocat. En ce cas, la procédure est mise à la disposition de l’avocat désigné durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Les avocats peuvent également se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier dans les conditions mentionnées aux quatrième à dernier alinéas de l’article 114 du code de procédure pénale.
« À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis mentionné au deuxième alinéa, le juge d’instruction peut procéder à la mise en examen en adressant à la personne ainsi avisée et à son avocat une lettre recommandée avec accusé de réception selon les modalités prévues aux deux deuxième et troisième alinéas à l’article 113-8 du code de procédure pénale. Il informe à cette occasion la personne mise en examen que si elle demande à être entendue par le juge d’instruction, celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire. »
II. – L’article 80-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du présent article, dans le cas de délits dont la responsabilité est fixée par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ou par l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, l’article 116-2 du code pénal s’applique. »
III. – L’article 116 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du présent article, dans le cas de délits dont la responsabilité est fixée par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ou par l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, l’article 116-2 du code de procédure pénale s’applique. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à simplifier la procédure pénale pour les délits en matière de liberté de la presse. Il s’agit, sans porter bien évidemment atteinte aux droits de la défense, de permettre la mise en examen par simple lettre dans un cadre extrêmement circonscrit.
En l’état du droit, dans le cas des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881, le juge est tenu de convoquer physiquement les personnes poursuivies pour simplement vérifier leur identité, sans pouvoir juger au fond. Cela entraîne une perte de temps considérable, tant pour les juges d’instruction que pour les justiciables comme les directeurs de publications, contraints de faire des kilomètres pour simplement décliner leur identité.
Le groupe écologiste souhaite donc supprimer cette procédure inutile et lourde via l’introduction d’un article 116-2 dans le code de procédure pénale.
Avec mon collègue André Gattolin, nous savons que cette mesure d’allègement de la procédure pénale a le soutien des éditeurs de presse comme de nombreux magistrats. Elle permettrait en effet de rationaliser le temps du juge et de la presse, alors que la qualité du traitement des justiciables dépend largement de la charge de travail des magistrats.
Je précise que cet amendement, qui s’apparente, je le sais, à un cavalier législatif, a été déposé pour attirer l’attention de Mme la ministre sur cette question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mme Benbassa a tout dit. Sans me prononcer sur le fond, je lui confirme que cet amendement n’a pas sa place dans ce texte.
Je pense donc qu’elle sera disposée à le retirer, après que Mme la garde des sceaux lui aura répondu, succinctement… (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Succinctement ? Voilà qui est de plus en plus aimable, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
Je comprends votre intention, madame la sénatrice. Toutefois, il n’existe aucun lien direct entre la disposition que vous proposez et le texte dont nous débattons. Je vous suggère donc de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme Esther Benbassa. Vous prenez note de ce problème ?
Mme la présidente. Madame Benbassa, l'amendement n° 74 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 74 est retiré.
L'amendement n° 103, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 19 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger bénéficiant d’un aménagement de peine et purgeant une peine alternative à l’incarcération voit sa mesure d’assignation à résidence assortie d’une autorisation de travail. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 102 rectifié bis, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l'article 19 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 571-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 571-1-… - Lorsqu’un étranger condamné à des peines privatives de liberté bénéficie d’un des aménagements de peine prévus aux articles 132-25 à 132-26-3 du code pénal ou d’une libération conditionnelle, ou lorsqu’il est condamné à la peine prévue à l’article 131-4-1 du même code, la mise à exécution des mesures d’éloignement prévues au livre V du présent code est suspendue jusqu’à la fin de la mesure. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 19
(Non modifié)
Lorsqu’un sursis simple a été révoqué de plein droit par une condamnation prononcée antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi, l’article 735 du code de procédure pénale demeure applicable tant que la peine résultant de la révocation n’a pas été totalement ramenée à exécution.
Toutefois, lorsqu’une juridiction de l’application des peines est saisie de l’octroi d’une des mesures prévues aux articles 712-6 et 712-7 du même code, elle est compétente pour statuer sur la demande de dispense de révocation du sursis simple. Elle statue alors dans les conditions prévues au même article 712-6.
Mme la présidente. L'amendement n° 115, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
du code de procédure pénale
insérer les mots :
dans sa rédaction antérieure à celle résultant du II de l'article 6 de la présente loi
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 735 du code de procédure pénale permet à un détenu dont le sursis a été automatiquement révoqué de demander, après sa condamnation, à être dispensé de cette révocation. Il convient de prévoir que cet article continue de s’appliquer dans sa rédaction actuelle aux personnes dont le sursis a été révoqué de plein droit par une condamnation prononcée antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi.
C’est un peu technique,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission. C’est de bon sens !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … mais c’est en effet de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article additionnel après l'article 19
Mme la présidente. L'amendement n° 86, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 706-54 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Aux première et seconde phrases, après les mots : « des personnes », il est inséré le mot : « majeures » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Ces empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité pour laquelle elles sont enregistrées. Lorsqu'il est saisi par l'intéressé, le procureur de la République informe celui-ci de la suite qui a été réservée à sa demande ; s'il n'a pas ordonné l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction. » ;
2°Après la référence : « 706-55 », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « ou à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle ait commis l'une des infractions mentionnées à ce même article, peuvent faire l'objet, à la demande du juge d'instruction ou du procureur de la République, d'un rapprochement avec les données incluses au fichier. Elles ne peuvent toutefois y être conservées. Il est fait mention de cette décision au dossier de la procédure. » ;
3° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Cet article ne s'applique pas aux infractions commises par des salariés ou agents publics, à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. » ;
4° Après le mot : « également », la fin du quatrième alinéa est ainsi rédigée : « , de manière distincte, les empreintes génétiques recueillies à l'occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une disparition prévues par les articles 74, 74-1 et 80-4. » ;
5° Les 1° et 2° sont abrogés.
II. – L'article 706-55 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 2°, la référence : « 222-18 » est remplacée par la référence : « 222-16 » ;
2° Au 3°, la référence : « 311-1 » est remplacée par la référence : « 311-5 » et les références : « 322-1 et 322-14 » sont remplacées par les références : « 322-5 à 322-11-1 ».
III. – Le III de l'article 706-56 du code de procédure pénale est abrogé.
IV. – Après l'article 16-11 du code civil, il est inséré un article 16-11-… ainsi rédigé :
« Art. 16-11... - Un fichier national, placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques recueillies à l'occasion des recherches aux fins d'identification, prévues par l'article 16-11, à l'exception de celles des militaires décédés à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées.
« Les empreintes génétiques recueillies dans ce cadre sont effacées sur instruction du procureur de la République, agissant soit d'office, soit à la demande des intéressés, lorsqu'il est mis fin aux recherches d'identification qui ont justifié leur recueil. Les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux des personnes dont l'identification est recherchée ne peuvent être conservées dans le fichier que sous réserve du consentement éclairé, exprès et écrit des intéressés.
« Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu'à partir de segments d'acide désoxyribonucléique non codants, à l'exception du segment correspondant au marqueur du sexe.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités d'application du présent article. Ce décret précise notamment la durée de conservation des informations enregistrées. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement reprend en grande partie le texte de notre proposition de loi visant, notamment, à encadrer le fichage génétique.
Nous souhaitons tout d’abord que soit mise en place une procédure d’effacement des données enregistrées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, car leur durée d’enregistrement est actuellement exorbitante : elle peut aller jusqu’à quarante ans ! Nous déplorons que ni l’amnistie ni la réhabilitation n’aient d’effet sur le maintien des données dans ce fichier.
Nous proposons également que les mineurs, les personnes poursuivies pour des faits commis à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives, ainsi que les simples suspects ne soient pas inscrits dans ce fichier. Seules les personnes ayant été réellement condamnées devraient effectivement y figurer.
Alors que nous ne cessons de parler de réinsertion et de droit à l’oubli depuis le début de ce débat, il nous semble qu’un certain nombre de situations doivent être prises en compte. Je pense notamment à celle des militants syndicaux, afin que les peines qu’ils encourent ne soient pas aggravées. Nous avons vu notamment lors de l’affaire des cinq de Roanne que le fait de refuser un prélèvement d’ADN pouvait entraîner une condamnation supplémentaire.
J’espère vous avoir convaincue, madame la garde des sceaux et que vous réserverez un sort favorable à notre amendement, n’ayant pas été désagréable à votre égard depuis le début du débat. (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas dans ma nature !
Mme Esther Benbassa. Séductrice ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ma chère collègue, la commission a bien sûr compris le sens de votre amendement.
Vous proposez de supprimer la durée de conservation de quarante ans aujourd’hui prévue au profit d’un effacement des données « lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire ». Or on sait très bien qu’une phrase aussi imprécise peut donner lieu à toutes sortes d’interprétations ; elle pourrait même autoriser une durée de conservation supérieure à quarante ans !
Nous pensons qu’il y a là une véritable question, mais une réflexion plus aboutie est nécessaire afin de concilier à la fois efficacité et droit à l’oubli.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je sais que votre groupe est à vos côtés pour soutenir cet amendement. À cet égard, je dois saluer votre constance, tant dans votre action que dans votre argumentation.
Nous avons déjà eu un échange sur cette question, vous vous en souvenez, à l’occasion, pour ne pas dire à la faveur de l’examen d’une proposition de loi qui a connu ensuite une trajectoire un peu chaotique, sinon cahoteuse.
J’ai également eu l’occasion de vous dire, lors d’un débat sur la conservation des scellés, que le Gouvernement a entamé un travail avec le ministère de l’intérieur visant à modifier les conditions d’inscription et d’effacement des informations, ainsi que leur durée de conservation.
Deux décrets sur les conditions d’effacement des données sont pratiquement finalisés, leur publication est imminente. Vous savez en effet que le Conseil constitutionnel a formulé des observations sur ce sujet.
Nous travaillons également sur la limitation de la durée de conservation des informations concernant les mineurs.
En ce qui concerne le FNAEG, mais aussi le TAJ, le traitement d’antécédents judiciaires, je pense qu’il y a lieu de travailler de façon plus collective et plus coordonnée entre nous sur le fond.
Je vous entends donc, mais je vous propose de continuer de travailler sur le sujet et, dans cette attente, de retirer l’amendement.
Mme la présidente. Madame Cukierman, l'amendement n° 86 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Je vous entends également, madame la garde des sceaux.
Sachez que l’ensemble de notre groupe est effectivement disponible pour travailler.
Je note tout de même que le caractère « imminent » de la publication des décrets est aussi imprécis que certains éléments de notre argumentaire ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai pas les dates en tête. Je retiens les chiffres, mais pas les dates, sans doute à cause de ma date de naissance ! (Nouveaux sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes complémentaires !
Sachez aussi que nous sommes là, madame la garde des sceaux, et que nous ne lâcherons rien, sur cette question comme sur d’autres.
Je ne doute pas que ce débat aura une certaine résonance. À cet égard, j’en appelle à l’ensemble des députés faisant partie de la majorité de gauche et je leur demande d’achever l’examen en commission de la proposition de loi visant à encadrer le fichage génétique et à interdire le fichage des personnes poursuivies pour des faits commis à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives.
J’invite également le Gouvernement à convaincre les députés de la majorité, comme il sait le faire pour de nombreux textes lorsque certains d’entre eux se rebellent un peu, d’adopter ce texte.
Convaincus que tout cela se fera en bonne intelligence et, surtout, que notre groupe et vos services seront prochainement amenés à travailler ensemble sur ces questions, nous retirons notre amendement, madame la garde des sceaux.
Mme la présidente. L'amendement n° 86 est retiré.
Article 20
(Non modifié)
I. – Les articles 7 à 10 de la présente loi entrent en vigueur, pour les infractions commises à compter de cette date, le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation.
II. – Les articles 16 à 18 de la présente loi entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa promulgation.
Les dispositions des articles 16 et 17 sont mises en œuvre dans un délai d’un an pour les condamnés ayant, au moment de leur entrée en vigueur, déjà accompli au moins le double de la durée de la peine restant à subir.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 122, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
Les articles 7 à 10
par les mots :
Les articles 7, 8, 9 et 10
B. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
III. - L’article 11 bis de la présente loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation.
IV. - Hors les cas prévus par les I, II et III du présent article, les dispositions de la présente loi entrent en vigueur un mois après sa promulgation.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La loi sera promulguée juste avant l’été, ce qui pourrait placer nos juridictions en tort par rapport à la loi nouvelle si elles devaient l’appliquer au beau milieu de la période estivale. Nous demandons donc que l’entrée en application de certaines mesures soit différée d’un mois, de trois mois, ou de six mois, selon les cas.
Il s’agit là de dispositions transitoires et pratiques visant à assurer la mise en œuvre de ce texte dans les meilleures conditions et avec le souci de l’efficacité.
Mme la présidente. L'amendement n° 116, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les références :
7 à 10
par les références :
7 bis et 7 ter
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 116 porte également sur l’entrée en application de la loi.
Je suggère au Gouvernement de retirer son amendement au profit du mien, car, le Sénat ayant adopté l’article 8 ter, qui fait de la contrainte pénale une peine autonome, il faut préciser qu’elle est d’application immédiate. À défaut, on risque d’inacceptables hiatus. Nous verrons ensuite, après la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, acceptez-vous de vous rallier à l’amendement n° 116, comme vous y invite M. le rapporteur ?
Mme Cécile Cukierman. Se rallier n’est pas renoncer !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Objectivement, le projet de loi pourrait prévoir des décrets d’application, mais, pour ma part, je ne joue jamais de cette corde.
Vous l’avez vu, certains décrets d’application de la loi pénitentiaire faisaient défaut. Nous avons donc travaillé d’arrache-pied pour qu’ils soient tous publiés, ce qui est le cas aujourd'hui.
J’estime que, pour la crédibilité du travail législatif, donc du travail que vous fournissez, mesdames, messieurs les sénateurs, les règles que vous énoncez doivent être applicables. Pour cela, des décrets d’application sont parfois nécessaires. Si l’exécutif s’amuse à jouer la montre sur les décrets d’application, il décrédibilise la loi et le travail des législateurs. Je pourrais le faire, mais je me l’interdis.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais faire traîner les décrets d’application et ainsi m’offrir à moi-même les délais dérogatoires que je vous demande d’insérer dans la loi. Mais je préfère que ce soit vous qui me les accordiez et qu’ils soient clairement inscrits dans la loi. Tel est le sens de ma démarche.
Je vous demande ces délais pour des raisons pratiques. Les conseillers d’insertion et de probation que nous avons recrutés sont en formation. En outre, la constitution des groupes de travail et l’élaboration des outils requièrent des délais. Un mois, trois mois, six mois, ce sont des délais raisonnables.
Je comprends que vous soyez impatients et que vous souhaitiez que la loi soit appliquée immédiatement, mais pour les raisons que j’ai dites, je ne me rallie pas à l’amendement de M. le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je suis bien entendu hostile à l’amendement du Gouvernement, car il n’est pas applicable en l’état. Si vous souhaitez plus d’explications, je vais vous en donner, mes chers collègues, mais je vais susciter un frisson dans l’hémicycle ! (Exclamations amusées.)
Le Sénat a adopté la contrainte pénale comme peine autonome pour toute une série de délits. Or il s’agit d’une peine plus douce. Si elle n’est pas applicable immédiatement, toutes les personnes condamnées à une peine de prison pour ces délits, avec ou sans sursis, seront immédiatement libérées si elles sont en prison, car la peine à laquelle elles auront été condamnées n’existera plus.
Il faut donc prévoir l’application immédiate de la contrainte pénale afin qu’elle puisse se substituer automatiquement aux peines de prison pour les délits concernés.
Telle est la raison pour laquelle je préfère mes dates d’entrée en vigueur à celles que propose le Gouvernement !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est juste. C’est très logique !
Mme Éliane Assassi. Imparable !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
(Non modifié)
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République, à l’exception du II de l’article 15, qui n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
Mme la présidente. L'amendement n° 117, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les articles 1er à 11 quater, les articles 13 à 14, le I de l’article 15, les articles 15 sexies à 18 ter, les I, II, III et VI de l’article 18 quater, les articles 18 quinquies à 20 sont applicables aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II. – Les articles 12 et 12 bis, le II de l’article 15, l’article 15 quinquies et le IV de l’article 18 quater sont applicables en Polynésie française.
III. – Les articles 12, 12 bis et 15 quinquies sont applicables en Nouvelle-Calédonie.
IV. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article L. 155-1 est complété par la référence : « et L. 132-16 » ;
2° L’article L. 155-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° À l’article L. 132-16, les mots : « ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance, » sont supprimés. » ;
3° Au 3° de l’article L. 156-1, la référence : « et L. 132-14 » est remplacée par les références : « , L. 132-14 et L. 132-16 » ;
4° L’article L. 156-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° À l’article L. 132-16, les mots : « ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance, » sont supprimés. »
V. – L’article 99 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifié :
1° Au 2° du I, la référence : « de l’article 3 » est remplacée par les références : « des articles 2-1 et 3 » ;
2° Au II, la référence : « 3 » est remplacée par la référence : « 2-1 » ;
3°Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Pour l’application de l’article 2-1 en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« "Des conventions entre l’administration pénitentiaire et les autres services de l’État, les communes, les associations et d’autres personnes publiques ou privées définissent les conditions et modalités d’accès des personnes condamnées aux droits et dispositifs mentionnés au deuxième alinéa en détention. Les autres collectivités territoriales peuvent participer à la conclusion de ces conventions". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, visant à permettre une meilleure application du texte dans les collectivités d’outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé.
Article 22
(Non modifié)
Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur son évaluation, en particulier sur la mise en œuvre de la contrainte pénale. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de la discussion générale, nous avions clairement affiché notre volonté de nous investir pleinement dans le débat sur cette réforme, sans adopter une posture d’opposition systématique. Nous avons rappelé à plusieurs reprises que nous n’étions pas opposés à la version de la contrainte pénale proposée dans le texte initial du Gouvernement.
Cette position d’ouverture avait cependant ses limites, puisque nous avions également affiché clairement notre opposition à plusieurs des modifications introduites par M. le rapporteur, dont nous saluons une fois de plus la qualité du travail.
Pourtant, nous ne pouvons souscrire à l’idée selon laquelle la justice devrait être au service d’une idéologie. La justice est au service de nos concitoyens, et c’est en fonction de leurs besoins et de ceux de la société que doit être construit notre système pénal. C’est là une règle de bon sens, nous semble-t-il.
Nous entendons les arguments de ceux et de celles qui nous rappellent que l’une des vocations du Sénat est la protection des droits fondamentaux, et donc, à ce titre, la défense de la nécessité des peines. Toujours est-il que la sécurité et la justice sont également des droits fondamentaux et qu’il est aussi de notre devoir de les défendre. L’équilibre du texte sur lequel nous nous apprêtons à nous prononcer n’est donc pas satisfaisant. L’idéologie n’est pas l’ingrédient des bonnes lois, et le présent texte est, d’une certaine manière, une illustration de ce fait.
Malgré le soutien du Gouvernement à notre amendement de suppression, l’article 8 ter a été maintenu. Pour une série de délits, le Sénat a donc voté la suppression de la peine de référence actuellement en vigueur, l’emprisonnement, pour imposer la contrainte pénale, portant ainsi atteinte à la libre appréciation du juge, que ce texte est pourtant censé renforcer.
Le système proposé fait donc disparaître la peine de prison pour plusieurs délits, y compris en cas de récidive. Pour reprendre les mots de Mme la garde des sceaux, cette modification « procède d’une confusion sur l’objectif et le contenu de la peine de contrainte pénale […], complexifie la répression […] et aboutit à un affaiblissement de la répression ».
Nous étions également fermement opposés à la suppression de la rétention de sûreté : nos arguments ont heureusement été entendus et les amendements de suppression de l’article 18 quater A ont été adoptés. Ce régime pose pour l’heure des difficultés de mise en œuvre ; cependant, nous savons bien que certains individus extrêmement dangereux ne sauraient être remis en liberté sans que la puissance publique assure le minimum de sûreté, qui sera garanti à terme par cette disposition. Peut-être faudra-t-il peaufiner son régime dans les années qui viennent ; le débat reste donc ouvert sur ce sujet.
Le présent texte avait pour objet de tirer un trait sur les dispositifs introduits dans notre droit pénal par les précédents gouvernements. Nous avons déjà pu nous exprimer sur ce sujet lors de la discussion générale, mais je rappelle, une fois de plus, que les outils d’individualisation des peines existent déjà et que les peines planchers sont peu utilisées mais ont un important effet dissuasif.
À l’issue de nos débats, nous en restons globalement à la rédaction du texte proposée par la commission des lois sur l’initiative de son rapporteur. Je me garderai bien d’en tirer une quelconque conclusion quant à l’utilité de nos débats en séance publique ; toutefois, je ne peux que regretter que nous aboutissions à un texte qui envoie, sur plusieurs points, un signal de laxisme à nos concitoyens. L’équilibre issu des travaux de l’Assemblée nationale était manifestement plus en phase avec les positions défendues par les sénateurs du groupe UDI-Union Centriste.
Dans ces conditions, madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme vous l’aurez sans doute déjà compris, le groupe UDI-UC votera contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Les débats sur ce projet de loi dans notre assemblée n’auront pas toujours été apaisés, mais comment auraient-ils pu l’être complètement sur un tel sujet ?
Quoi qu’il en soit, les membres du groupe socialiste ne partagent absolument pas la vision de leurs collègues de l’opposition sur le texte auquel nous avons abouti.
Certes, il y a encore matière à débattre et, sans doute, à améliorer ce texte. Nous ne pouvons que regretter que le recours à la procédure accélérée n’ait pas laissé du temps au temps, n’ait pas permis de débattre de façon plus posée sur un sujet aussi important, qui est d’ailleurs inscrit dans l’histoire du Sénat. Nombre des questions abordées, telles que le respect de la dignité des personnes en milieu pénitentiaire, la protection des libertés individuelles, l’organisation de la chaîne pénale, relèvent d’un champ de réflexion constamment ouvert dans notre assemblée. Par conséquent, il est normal que l’élaboration de ce texte ait suscité une certaine passion. Je le répète, nous regrettons tous que l’engagement de la procédure accélérée nous ait placés devant une sorte d’ultimatum.
Cela étant, comme je l’ai déjà dit, au terme de ce débat, nous ne partageons pas du tout le jugement sévère porté sur le texte issu des travaux du Sénat par nos collègues de l’opposition et, hors de nos murs, par nombre de députés.
À notre sens, le travail du Sénat a conforté le projet initial de renforcer la lutte contre la récidive et de redonner du sens à la sanction pénale, celui-ci étant souvent perdu de vue du fait des difficultés de notre système pénitentiaire, en particulier, mais aussi, plus généralement, de notre justice, dont on sait que les moyens sont loin d’être à la hauteur de ses missions. À cet égard, nous apprécions, madame la garde des sceaux, le travail que vous avez accompli depuis votre arrivée place Vendôme afin d’améliorer petit à petit, raisonnablement mais de façon très déterminée, les conditions de travail de l’ensemble des acteurs de la justice. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le texte auquel nous sommes parvenus, qui soulève un certain nombre de craintes et d’interrogations au Gouvernement et à l’Assemblée nationale, est loin d’être déraisonnable, contrairement à ce que l’on peut entendre dire. Peut-être est-il un peu en avance au regard de l’état actuel de l’opinion publique et des positions adoptées par les différentes forces politiques en conséquence, mais c’est parce qu’il est inspiré par notre réelle préoccupation devant la situation présente en matière de délinquance et de prévention de la récidive.
Mes chers collègues, nous aurions pu opter pour le statu quo, adopter une posture d’extrême prudence. Nous aurions pu ne pas traiter des problèmes qui sont importants à nos yeux, mais, si nous avions fait ce choix, nous nous trouverions toujours aujourd’hui face à un mur, celui auquel toutes les majorités ont été confrontées dans le passé et le seront encore plus demain si l’on ne parvient pas à faire bouger les choses.
Aujourd'hui comme hier, la délinquance est présente dans notre société ; elle inquiète beaucoup et, surtout, elle met en péril les nouvelles générations. En effet, ce sont elles qui ont le plus à souffrir de la situation actuelle de notre justice et de notre système pénitentiaire ! Par conséquent, si nous n’adoptions pas un certain nombre d’avancées en matière de législation pénale, nous manquerions, je le crois, à notre devoir à l’égard des nouvelles générations. De ce point de vue, l’introduction de la contrainte pénale constitue, à l’évidence, une mesure courageuse, que nous vous devons également, madame la garde des sceaux.
Nous avons travaillé, au sein de la commission des lois et du groupe socialiste, pour faire avancer la réflexion. Le texte issu de l’Assemblée nationale n’était pas au-dessus de toute critique, comme en témoigne l’adoption d’un certain nombre d’amendements.
Des désaccords demeurent, entre les différentes composantes de notre assemblée, entre le Sénat et l’Assemblée nationale, avec le Gouvernement. Il nous appartient d’utiliser au mieux le temps qui reste jusqu’à la commission mixte paritaire pour nous entendre sur un certain nombre de points, sans nous figer dans une attitude de déni des évidences et des problèmes.
Madame la garde des sceaux, le groupe socialiste votera le texte tel qu’issu de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Madame la présidente, madame le garde des sceaux, chers collègues, je rejoins les propos tenus par Mme Tasca sur l’attachement particulier du Sénat à la protection des libertés. J’ai souvent dit que notre assemblée a un rôle spécifique à jouer dans deux domaines : la défense des collectivités territoriales – nous devrons attendre un peu, si j’ai bien compris, pour nous pencher sur ce dossier ! – et celle des libertés, donc. À cet égard, je pourrais évoquer par exemple la saisine du Conseil constitutionnel par le président Poher sur le sujet de la liberté d’association.
Je regrette moi aussi que la procédure accélérée ait été engagée. Sur des questions de cette nature, qui marquent de manière très profonde la politique pénale, recourir à cette procédure n’est pas, à mon avis, un bon choix. Cela étant, je n’en tiens pas rigueur au Gouvernement, sachant trop bien que son prédécesseur avait commis les mêmes erreurs à cet égard. Je crains que ce qui est vérité lorsque l’on est dans l’opposition ne devienne contre-vérité lorsque l’on passe dans la majorité…
Concernant la qualité de nos débats, pour avoir pris la peine de lire le compte rendu de ceux de l’Assemblée nationale, je ne pense pas que le Sénat ait à rougir. (Mme Virginie Klès approuve.) En effet, si nous n’avons pas les mêmes opinions, si nous nous sommes opposés sur bien des points, nous nous sommes toujours écoutés les uns les autres avec respect, et parfois même nous avons réussi à nous entendre pour améliorer le texte qui nous était soumis.
Les membres du groupe UMP, à une exception près, voteront contre ce projet de loi, pour des raisons qui ont été exprimées avec beaucoup de clarté par Jean-Jacques Hyest, en particulier, tant lors de la discussion générale qu’à l’occasion de la défense des amendements qu’il avait déposés. Il a notamment exprimé la crainte que ce projet de loi n’envoie un message d’indulgence à l’égard des délinquants ou apprentis délinquants, ce qui ne paraît pas opportun au regard des problèmes que nous connaissons.
En ce qui me concerne, je ne voterai pas contre ce projet de loi, pour deux raisons principales.
La première est que la contrainte pénale, innovation qui doit beaucoup à Pierre-Victor Tournier, dont le nom méritait à mon sens d’être prononcé au moins une fois dans cet hémicycle,…
Mme Esther Benbassa. Oui !
M. Jean-René Lecerf. … est une idée tout à fait intéressante, dont la mise en œuvre, après un large travail d’approfondissement, pourrait peut-être nous permettre de progresser sur le chemin difficile de la lutte contre la récidive, d’obtenir des résultats plus probants, plus visibles que ceux des politiques menées depuis un certain nombre d’années et dont nous avons reconnu avec bonne foi, les uns et les autres, l’insuffisance.
La seconde raison est que je ne peux pas ne pas reconnaître que, sur un certain nombre de points importants, cette réforme n’a pas désavoué la loi pénitentiaire, mais a au contraire tendu à revenir sinon à sa lettre, du moins à son esprit.
Cela étant, je ne voterai pas non plus en faveur de l’adoption de ce projet de loi, parce que la majorité a cédé à la tentation d’aborder un certain nombre de problèmes qui, selon moi, n’avaient pas totalement leur place dans ce débat, qu’il s’agisse de la rétention de sûreté – même si la réponse donnée me convient – ou des tribunaux correctionnels pour mineurs.
L’intitulé initial du texte témoigne de ce mélange des genres : « projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales ». On peut penser ce que l’on veut des tribunaux correctionnels pour mineurs, mais je suis convaincu que leur disparition ne contribuera en rien à renforcer l’efficacité des sanctions pénales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je déplore à mon tour le recours à la procédure accélérée. En effet, nos débats ont montré que certains points auraient mérité d’être approfondis, ce que le fonctionnement de la commission mixte paritaire ne permettra malheureusement pas, celle-ci ayant plutôt vocation à dégager des compromis.
Je déplore également l’irruption plus ou moins directe du Président de la République dans le débat parlementaire. Au lendemain des travaux de la commission des lois de l’Assemblée nationale, il s’est ainsi permis un rappel à l’ordre, entendant voir préserver l’équilibre du texte gouvernemental. La séparation des pouvoirs chère à Montesquieu est au fondement de notre République : il convient de la respecter.
Votre projet de loi est un texte ambitieux, madame la ministre, qui nous invite à nous interroger sur l’efficacité et l’utilité des peines, quelles qu’elles soient, qu’elles s’accomplissent en milieu fermé ou en milieu ouvert, quelle que soit leur durée, ainsi que sur le travail à mener avec la personne condamnée durant l’exécution de la peine, jusqu’à la sortie et à la réinsertion, afin d’éviter la récidive. C’est une dimension fondamentale.
La contrainte pénale ne concernera que les petits délits du quotidien auxquels chacun d’entre nous peut être confronté. Il s’agira d’interroger le prévenu sur les motivations de son acte, de lui expliquer pourquoi cet acte est interdit et comment obtenir le pardon de la société, plutôt que de le mettre en prison au risque d’en faire un récidiviste qui pourrait glisser progressivement du délit vers le crime.
Ce texte marque une volonté d’apporter des réponses constructives aux maux de notre société. Il nous invite en outre à poursuivre l’évolution nécessaire de notre justice en ce début de XXIe siècle, une justice qui doit toujours être au service des citoyens et de la société, et non, comme cela a trop souvent été le cas ces dernières décennies, constituer le bras armé de la majorité politique en place. Pour ces raisons, madame la garde des sceaux, nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, Yves Détraigne ayant déjà exposé très clairement la position de notre groupe, je me contenterai de formuler cinq observations.
Premièrement, il est clair que la prison ne règle pas le problème de la récidive ; il a même été démontré ici, parfois avec talent, qu’elle l’aggravait, malheureusement. Pour autant, la prison reste un mal nécessaire, car la société n’a pas trouvé mieux que la privation de liberté pour manifester sa réprobation face à certains délits graves et sanctionner leurs auteurs.
Deuxièmement, affirmer que la contrainte pénale réglera le problème de la récidive me paraît être une pétition de principe. Cette idée doit être considérée avec beaucoup de prudence.
Troisièmement, en réponse à l’accusation de permissivité, certains ont soutenu que, finalement, la contrainte pénale sera plus efficace que les sanctions actuelles, celles-ci n’étant pas toujours exécutées. Cet argument est compréhensible d’un point de vue tactique, mais sa pertinence devra être évaluée à la lumière des faits… Je noterai au passage, avec un peu de malice, que l’intention initiale des partisans de la contrainte pénale n’était sans doute pas d’instaurer une sanction plus dure que les peines actuelles !
Quatrièmement, il me semble que le problème de fond, c’est que la contrainte pénale n’est pas suffisamment définie dans le texte. De ce fait, elle risque de se révéler ou trop faible ou trop forte, selon la manière dont elle sera mise en œuvre. Cette absence de définition claire pose question ; elle est troublante.
Cinquièmement, je pense que, paradoxalement, l’instauration de la contrainte pénale en tant que mesure alternative à la prison, dans la continuité de la loi pénitentiaire, est sans doute une idée qui peut prospérer, mais dans un autre cadre que celui fixé par le présent texte. Il aurait fallu l’introduire dans le débat public et dans la loi avec davantage de sérénité, en l’établissant comme une alternative à la prison de manière progressive, évaluée et pragmatique. Ce n’est malheureusement pas le cas ici, au contraire.
Je conclus en remerciant le président de la commission, le rapporteur et Mme la garde des sceaux de ces échanges, qu’il faudra poursuivre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, les écologistes approuvent ce projet de loi et le voteront.
Nos travaux en commission et en séance publique ont abouti à un texte qui va peut-être changer l’esprit de la justice, si la contrainte pénale devient une peine à part entière et est expliquée correctement au public. Un effort de pédagogie sur l’intérêt de cette peine pour lutter contre la récidive reste à faire, de manière urgente puisqu’on lit déjà, dans la presse, des articles criant au laxisme. Il faut convaincre nos concitoyens que la prison n’est pas une solution pour les petits délits et qu’il existe d’autres mesures plus pertinentes.
Nous saluons également la suppression programmée des tribunaux correctionnels pour mineurs, même s’il reste encore beaucoup à faire pour ces derniers.
Le projet de loi n’oublie nullement les victimes. Au contraire, il les protège davantage. Il constitue non seulement une réforme pénale, mais aussi une réforme sociétale, visant à resserrer le lien social et à mettre fin à la binarité coupables-victimes.
Nous sommes fiers de ce texte, qui est vraiment de gauche dans la rédaction issue de nos travaux en commission et en séance publique. Il y aura toujours des reproches et des critiques ; c’est inévitable. Nous avions besoin d’un peu d’audace : cette réforme pénale met du baume au cœur. Qui pourra dire désormais que, au Sénat, nous manquons d’ambition et de liberté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens à saluer l’abnégation de M. Lecerf, qui a exposé la position de son groupe alors qu’il ne la partage pas.
Le recours à la procédure accélérée a été déploré à juste titre. Je partage ce regret, mais je voudrais le tempérer quelque peu. En effet, grâce à l’engagement de Mme la garde des sceaux, ce projet de loi a bénéficié d’une préparation exceptionnelle, et même sans précédent.
Il y a d'abord eu la conférence de consensus, préparée par une trentaine de personnalités très différentes. Cette conférence de consensus restera inscrite dans l’histoire : 2 000 personnes, représentant toutes les professions de la justice, ont été appelées à travailler ensemble dans un climat remarquable. La conférence tenue à l’UNESCO a elle aussi contribué à enclencher un véritable mouvement, qui a permis d’aboutir à l’élaboration d’un texte extrêmement novateur. En effet, il s’écarte de l’idée toute faite selon laquelle la prison serait la référence en matière de peines. Le projet de loi repose sur une vision équilibrée. Puisque nous sommes contre l’impunité, nous sommes pour la diversité des peines, et nous voulons que la contrainte pénale prenne toute sa place.
Madame Cukierman, vous avez évoqué la commission mixte paritaire, en souhaitant qu’elle soit l’occasion d’un approfondissement plutôt que de la recherche d’un simple compromis. Je partage ce vœu. Je tiens à cet égard à saluer le travail de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur. Ce dernier a veillé, avec beaucoup de vigilance, à ce que l’on respecte l’esprit du projet de loi. Cela nous a valu des critiques et des remarques, mais nous sommes très attachés à cet esprit, ainsi qu’à un certain nombre de principes fondamentaux du droit et de la justice.
Nous espérons de tout cœur parvenir à un accord avec nos collègues députés, sur la base d’un approfondissement du travail effectué dans les deux assemblées : on a assez parlé de ce texte, nous croyons très nécessaire que ses dispositions s’appliquent maintenant rapidement, dans l’intérêt des justiciables et dans celui de la société.
Qu’un tel texte puisse être voté constitue un signal d’espoir, et j’espère de tout cœur, je le redis, que nous parviendrons à maintenir l’esprit et les principes auxquels nous tenons, tout en trouvant un accord avec nos collègues députés. Nous ferons en tout cas tout ce qui est en notre pouvoir pour atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Jean-René Lecerf applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive dans le texte de la commission, modifié.
(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, sans abuser de votre patience, vous remercier très chaleureusement de la qualité de nos échanges, tant lors de la discussion générale que lors de l’examen des articles. Même la présentation d’une motion de procédure par le groupe UMP a été l’occasion d’aborder des questions de fond tout à fait intéressantes.
Le travail accompli par le Sénat, en commission puis en séance publique, a incontestablement contribué à enrichir ce texte et à renforcer l’efficacité de son dispositif, même si je regrette l’introduction d’une ou deux mesures ! (Sourires.) Les quelques jours qui nous séparent de la commission mixte paritaire vous permettront sans doute d’approfondir votre réflexion sur ces quelques points de désaccord entre nous.
En tout état de cause, vous avez renforcé la colonne vertébrale de ce projet de loi, qui est inspiré par notre souci de consolider le contrat social. Toute l’action du Gouvernement témoigne de cette préoccupation : nous entendons que l’État accomplisse son devoir de protection à l’égard de l’ensemble des citoyens, avec une attention particulière pour les victimes. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’exposer la politique d’aide aux victimes que nous conduisons depuis deux ans.
Nous avons aussi le souci de renforcer le pacte républicain, qui sous-tend les liens nous permettant de vivre ensemble. Or l’acte de délinquance brise ces liens. Il est important de faire en sorte que, au-delà de la punition, l’exécution de la peine contribue à préparer le délinquant à réintégrer le corps social, en le responsabilisant.
Monsieur Lecerf, vous avez eu raison de rendre hommage au travail obstiné accompli par Pierre-Victor Tournier sur la contrainte pénale. Il est bien l’un des artisans de cette réforme. Il n’est pas le seul, de nombreuses personnalités des milieux parlementaire, judiciaire et universitaire ayant apporté leur contribution, mais il occupe incontestablement une place particulière dans la réflexion qui a mené à ce projet de loi.
L’élaboration de ce texte a permis d’établir, de façon lucide et sérieuse, un bilan de la situation et de prendre toute la mesure de la détresse créée par l’acte de délinquance, tant chez la victime que dans la société, qui s’interroge sur les risques pouvant la menacer.
La délinquance ne se résume pas à des statistiques, et même lorsque le nombre d’actes de délinquance diminue, chacun d’entre eux, en faisant une ou plusieurs victimes, blesse la société. Chaque acte de délinquance cause de la souffrance : nous ne devons jamais l’oublier.
Nous nous sommes donné pour objectif d’être efficaces et de prévenir réellement la récidive. En effet, il s’agit non pas seulement de sanctionner plus sévèrement celle-ci, à l’instar de la loi instaurant les peines planchers, mais aussi de créer les conditions pour éviter la commission de nouveaux actes de délinquance.
Le Gouvernement a travaillé avec rigueur à la préparation de ce texte. M. le président de la commission des lois a rappelé l’organisation de la conférence de consensus. Au cours du tour de France que j’ai effectué pour présenter le projet de loi, j’ai rencontré des personnes qui avaient de fortes préventions à l’égard de son contenu. Certaines avaient été, à l’évidence, très fortement endoctrinées sur le prétendu laxisme du texte et sur nos intentions, mais, chaque fois, le dialogue s’est établi, même lorsque nos interlocuteurs étaient très peu ouverts a priori à nos arguments, et, au bout du compte, les positions ont pu évoluer. Notre pays est celui de la raison : son histoire est marquée par la philosophie des Lumières, par l’émancipation de l’individu par la raison.
Dans le passé, des textes ont été élaborés, des politiques publiques ont été mises en place, des mesures ont été prises avec l’ambition tout à fait sincère de lutter contre la récidive. Nous mesurons aujourd’hui l’insuffisance des résultats de ces politiques et de ces dispositifs. Il s’agit non pas de porter des jugements de valeur, car nous n’avons pas de temps ni d’énergie à perdre en ce vain exercice, mais de reconnaître que nous n’avons pas encore réussi à réduire de façon significative la récidive. Telle est la réalité, et le présent texte vise à y remédier.
Bien sûr, on continuera à invoquer, comme un mantra, notre supposé laxisme, mais je crois à la force de la raison dans ce pays : même après les pires égarements, il arrive toujours un moment où nos concitoyens se soumettent à ce que j’ai appelé, après Bertolt Brecht, la « douce violence de la raison ». Par conséquent, je ne doute pas que le mantra que j’évoquais finira pas s’éteindre, parce qu’il n’a pas d’emprise, de consistance, ni surtout de fondement.
En améliorant ce texte avec la hauteur de vues et le sérieux dont vous avez tous fait preuve, vous avez déjà contribué à faire reculer cette croyance erronée. Comme nous y invitait Wittgenstein, luttons contre l’ensorcellement de notre entendement par les moyens du langage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. –M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
10
Saisine du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que M. le Premier ministre a saisi aujourd’hui même le Conseil constitutionnel, en application du quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitution, afin qu’il se prononce sur le respect des règles fixées par la loi organique du 15 avril 2009 pour la présentation du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Acte est donné de cette communication.
11
Question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 26 juin 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 191-4 du code des assurances (dispositions particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle en matière d’assurance générale) (2014-414 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
12
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 juin 2014 :
À seize heures :
1. Débat sur le bilan annuel de l’application des lois.
Rapport d’information de M. David Assouline, fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, sur l’application des lois – session parlementaire 2012-2013 (n° 623, 2013-2014).
À vingt et une heures trente :
2. Débat sur la Corse et la réforme territoriale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART