Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
Secrétaires :
M. Marc Daunis, Mme Michelle Demessine.
2. Candidatures à une mission d’information
3. Mise au point au sujet d'un vote
MM. Joël Guerriau, le président.
4. Débat sur la situation des outre-mer
M. Paul Vergès, au nom du groupe CRC.
MM. Pierre Frogier, Joël Guerriau, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Étienne Antoinette, Jean-Claude Requier, Mme Aline Archimbaud, M. Robert Laufoaulu, Mme Karine Claireaux, MM. Christian Cointat, Georges Patient, Serge Larcher.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer.
5. Nomination des membres d’une mission d’information
6. Débat sur l’épargne populaire
Mme Françoise Férat, au nom du groupe UDI-UC.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
M. Joël Guerriau, Mme Éliane Assassi, MM. Yannick Vaugrenard, François Fortassin, Jean Desessard, Dominique de Legge.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.
7. Candidature à un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
8. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
9. Lutte contre la contrefaçon. – Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur ; M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois.
Mme Éliane Assassi, M. Stéphane Mazars, Mme Hélène Lipietz, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Nicole Bonnefoy, M. Richard Yung.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 rectifié de M. Joël Labbé. – Mme Hélène Lipietz. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles 7, 8 et 11 à 13. – Adoption.
Amendement n° 2 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Nicole Bricq, ministre.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
Mme Michelle Demessine.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une mission d’information
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des trente-trois membres de la mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, créée sur l’initiative du groupe communiste républicain et citoyen en application de son droit de tirage.
En application de l’article 8 de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.
Cette liste sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans un délai d’une heure.
3
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, lors du scrutin n° 158 du mardi 25 février dernier relatif à l'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en République centrafricaine, mon collègue Vincent Delahaye a été noté comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.
Je vous remercie de bien vouloir prendre en compte de cette demande de rectification, monsieur le président.
M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Débat sur la situation des outre-mer
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la situation des outre-mer, organisé à la demande du groupe CRC.
La parole est à notre doyen, M. Paul Vergès, au nom du groupe CRC.
M. Paul Vergès. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord adresser mes remerciements au président Bel et à la conférence des présidents du Sénat, qui ont bien voulu accéder à la demande portée par le groupe CRC d'organiser un débat consacré aux outre-mer.
Cette initiative a été dictée par un double constat : d'une part, la gravité de la situation régnant dans nos territoires ; d'autre part, le sentiment que cette situation est méconnue, sinon sous-estimée, tant dans sa gravité que dans ses caractéristiques propres.
Il nous a semblé nécessaire que la représentation nationale soit mieux informée et pleinement consciente des redoutables défis auxquels sont confrontés les outre-mer à un moment où les interrogations sur l'avenir et la place de la France dans le nouveau monde du XXIe siècle conduisent à une réévaluation des politiques publiques.
Le débat actuel sur le pacte de responsabilité et sur le cap ainsi fixé par le Président de la République traduit les inquiétudes légitimes des Français : prend-on le chemin du redressement et de la croissance ou va-t-on au contraire persister dans une orientation stratégique erronée et s'enfoncer dans une crise qui perdure depuis six ans ?
Ces inquiétudes sont encore plus vives dans les outre-mer, où les conséquences de la crise mondiale actuelle viennent aggraver une crise structurelle. Aucun territoire d'outre-mer, aucune région d'outre-mer n'échappent à ces conséquences combinées, mais la situation de chacun d'entre eux est spécifique et ne peut être transposable à l’autre.
C'est pourquoi je voudrais ici insister sur un point essentiel : il n'est pas possible de débattre globalement des outre-mer sans différencier leurs situations respectives.
Nous devons rompre avec une conception découlant d'une vision schématique qui tend à globaliser les situations des outre-mer dans une même approche. La diversité de leurs situations sur les plans géographique, démographique, social, économique et culturel exige une approche différenciée, au-delà des analogies qu'elles peuvent présenter.
Vous comprendrez donc que, dans le temps qui m'est imparti, je m'attacherai à évoquer le cas particulier d'un seul de ces territoires : celui de la Réunion.
En premier lieu, je tiens à insister sur la gravité exceptionnelle de la situation sociale : plus de 40 % de la population vit au-dessous du seuil national de pauvreté ; près de 30 % de la population active est au chômage.
Quelles initiatives prendrait le Gouvernement si plus de vingt-cinq millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté et si la France comptait dix millions de chômeurs ? Une telle situation ne serait pas soutenable et commanderait des mesures radicales. Or c'est la situation que nous connaissons à la Réunion et elle s'aggrave inexorablement, année après année, notamment sous le poids de la progression démographique.
Il ne s'agit pas de nier les progrès réalisés dans les domaines des équipements publics, de la santé ou de l'éducation, ni dans l’agroalimentaire ou l'import-substitution.
Mais, ce qui domine, ce sont les déséquilibres économiques et sociaux. Sur ce plan, nous avons une économie désarticulée, avec une hypertrophie du secteur tertiaire, qui représente plus de 80 % du PIB contre à peine 15 % pour le secteur industriel et moins de 5 % pour le secteur primaire.
Nous constatons aussi, à la Réunion, des inégalités sociales criantes : en 2008, selon les chiffres publiés par les services de l'État, les 20 % les plus riches concentrent 47 % des ressources, tandis que les 20 % les plus pauvres se partagent 7 % du total des ressources. Seulement 7 % !
Le rapport interdécile des niveaux de vie est de 5,2 à la Réunion, contre 3,3 en en France métropolitaine. En 2010, sur une population de 830 000 personnes, 343 000 vivaient sous le seuil national de pauvreté, et 150 000 foyers regroupant 240 000 personnes dépendaient de minima sociaux. Entre 22 000 et 27 000 ménages sont en attente d'un logement…
La situation sociale à la Réunion est jugée « hors norme » par l'INSEE.
Compte tenu du coût de la surrémunération, 65 % du personnel travaillant dans les collectivités locales, notamment dans les communes, ne peut être titularisé.
Globalement, les majorations de rémunération dans les fonctions publiques d'État et hospitalière représentent, à la Réunion, un coût annuel estimé à plus de 500 millions d'euros...
Malgré la scolarité obligatoire, la Réunion compte encore, soixante-sept ans après la départementalisation, 110 000 illettrés – c'est le chiffre officiel.
Enfin, en décembre 2013, 133 010 personnes étaient inscrites à Pôle emploi en catégorie A et 152 100 dans les catégories A, B et C ; le chômage de longue durée augmente, alors que 60 % des jeunes sont privés d'emploi.
Ces données et ces chiffres sont connus, et pourtant les mêmes politiques sont menées depuis le début de la départementalisation, c'est-à-dire depuis soixante-sept ans !
La situation que nous connaissons aujourd'hui est bien le résultat de l'application mécanique de la politique d'intégration en vigueur depuis 1946, date du classement des « quatre vieilles colonies » en départements.
Pourquoi une telle aggravation de la situation ?
D'une part, le Gouvernement, dès 1946, au nom du coût de la vie à la Réunion, a décidé d'étendre à toute la fonction publique d'État le statut colonial existant alors : surrémunérations, congés payés en France tous les trois ans, trois ans de service valant quatre annuités pour la retraite, réévaluation de la pension de 35 % par rapport à la France…
Il était prévisible, et logique, que les entreprises du secteur privé ou parapublic s'engagent dans cette voie officiellement ouverte et que, au cours des années cinquante, les personnels des assurances, des banques, de la sécurité sociale, d'EDF et de la radiotélévision publique obtiennent, eux aussi, par des accords collectifs agréés, des surrémunérations de l'ordre de 30 %, 40 %, 50 % voire 73 % par rapport à la France continentale !
Dans le même temps, et par les mêmes gouvernements, l’égalité sociale a été refusée au secteur privé pendant plus de cinquante ans.
Cette formation officielle d’une inégalité institutionnalisée, d’une part, et la sous-estimation de la transition démographique naturelle qui, sur un siècle, va voir la population réunionnaise passer de 150 000 habitants en 1946 à un million à l’horizon 2050, d’autre part, sont à la base de la crise structurelle qui frappe sur tous les plans la Réunion aujourd’hui.
Certes, des lois d’adaptation ont été régulièrement votées et mises en œuvre. Sur le plan économique, ce sont notamment les dispositifs successifs de défiscalisation ou d’allégement de charges sociales pour les entreprises : loi Pons, loi Perben, loi Queyranne, loi Paul, loi Girardin, entre autres. Tous ces dispositifs répondaient à une même logique : alléger le coût du travail et favoriser les investissements.
Force est de constater que, malgré leurs mérites, ces dispositifs n’ont pas permis d’effacer toutes les séquelles du modèle colonial de l’économie de comptoir et du colbertisme : 65 % de nos échanges se font avec la France, distante de plus de 10 000 kilomètres, ; le taux de couverture des importations par les exportations est extrêmement faible : 6 %, mes chers collègues !
Si des progrès indéniables ont été obtenus dans le domaine de l’import-substitution, notamment dans le secteur agroalimentaire, le système de « l’exclusive postcoloniale », caractérisé par la dépendance vis-à-vis des monopoles d’importation, n’a pas permis à l’économie réunionnaise de trouver les voies d’une insertion dans son environnement géo-économique.
La croissance de notre économie n’a pas été suffisamment « endogène » pour générer des créations de richesses et d’emplois à la hauteur des besoins. Parallèlement, sur le plan social, les différentes formules d’emplois aidés, mises en œuvre par tous les gouvernements successifs, ont également été impuissantes à régler le problème du chômage massif.
Tous les efforts déployés, tant sur le plan économique que sur le plan social, ont certes permis de limiter les dégâts sociaux, mais ils ont eu aussi comme conséquence de camoufler la crise structurelle, ne faisant que retarder l’explosion sociale qui se profile inéluctablement si la crise se prolonge.
Aujourd’hui, le contexte de diminution de la commande publique et de baisse du rythme de progression des transferts publics a provoqué un fort ralentissement de l’activité économique. Le sentiment qu’il n’y a plus de solutions dans le cadre actuel et que nous allons « dans le mur » si rien ne change est de plus en plus partagé par différents acteurs.
Ce n’est pas verser dans le catastrophisme que de constater les limites du modèle actuel de développement et l’état de délitement d’une société minée par le chômage de masse et l’absence de perspective pour la jeunesse. Il faut au contraire alerter sur les risques d’explosion sociale d’une société déjà implosée.
En 1986 déjà, depuis la tribune de l’Assemblée nationale, Aimé Césaire déclarait qu’une société qui ne produit plus et ne travaille plus est un fait historique, et non un événement conjoncturel. On ne peut accepter le scénario programmé d’une société dont plus du tiers de la population – et déjà 60 % des jeunes – est condamnée au chômage.
Telle est la réalité de notre situation ; il faut en prendre la pleine mesure.
Ce diagnostic est certes connu, mais il doit être inlassablement répété tant que les décisions politiques de rupture qu’il impose ne sont pas prises. Il faut en effet être bien conscient que la situation ne peut que s’aggraver.
Le premier facteur qui va jouer est celui de la poursuite de la transition démographique : la Réunion voit sa population augmenter de près de 10 000 personnes chaque année. De 840 000 en 2013, la population réunionnaise devrait se stabiliser à près d’un million dès 2030. Durant cette période, tous les besoins vont augmenter, dans tous les secteurs.
L’économie réunionnaise sera-t-elle capable de créer un nombre d’emplois permettant de faire face à l’arrivée de ces classes d’âges sur le marché du travail tout en étant confrontée au « stock » actuel de 151 000 demandeurs d’emploi ? Poser la question, c’est déjà y répondre...
Dans l’immédiat, la Réunion est confrontée à des échéances qui vont avoir un impact direct sur la vie économique et sociale En juillet 2014, c’est l’expiration du régime actuel de l’octroi de mer. Quelle va être l’économie générale du dispositif ? Quels seront les arbitrages entre les intérêts contradictoires des collectivités locales, des consommateurs et de la production locale ?
Le Gouvernement a également annoncé la déclinaison du pacte de responsabilité outre-mer. L’orientation générale de ce pacte est l’allégement des charges pesant sur les entreprises. Or, dans le même temps, le Gouvernement réduit la voilure sur les exonérations de charges outre-mer en les recentrant sur les bas salaires ; il réduit l’assiette de la défiscalisation au profit d’un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi difficilement accessible pour les entreprises ultramarines, du fait des difficultés de préfinancement.
Quelle est la cohérence entre la philosophie du pacte de responsabilité et la remise en cause des dispositifs existants ? Nous n’y voyons pour l’instant que des contradictions.
La Réunion, comme les autres collectivités, va également subir l’impact de la réduction des dépenses de l’État et notamment des concours aux collectivités : n’y a-t-il pas lieu de tenir compte de la situation financière fragile des collectivités d’outre-mer, confrontées à l’effet de ciseaux entre le besoin croissant de financement lié au rattrapage des retards et la faiblesse de leur potentiel fiscal ?
Sur le plan de l’environnement économique, la Réunion va être confrontée à l’impact des accords de partenariat économique, ou APE, libéralisant les échanges entre l’Union européenne – nous en sommes partie intégrante – et des pays de notre environnement : quelles sont les dispositions prises par le Gouvernement pour qu’il soit tenu compte de notre situation ?
Enfin, la Réunion va être confrontée à une échéance décisive en 2017, année de la fin des quotas sucriers. Comment préparer les planteurs à ce choc de compétitivité qui va livrer leur production à la concurrence du marché mondial ?
Comment trouver des solutions au surendettement de 2 000 des 10 000 TPE-PME réunionnaises, qui doivent faire face à une dette globale 1,2 milliard d’euros ?
Ces défis ne pourront être relevés que si nous réglons ces problèmes dans le cadre d’une vision globale et cohérente de notre développement, dans l’espace et dans le temps.
La Réunion ne manque pas d’atouts, mais nous devons les faire jouer maintenant, car c’est maintenant que se joue le sort de la génération à venir.
Dans une génération, à l’horizon 2040, notre environnement géo-économique sera totalement transformé. Les grandes puissances émergentes, l’Inde, la Chine, vont poursuivre leur développement en s’appuyant sur leur puissance démographique et leur environnement géographique.
Plus près de nous, l’Afrique australe et les pays de la côte orientale d’Afrique comme le Mozambique, la Tanzanie, le Kenya, connaissent également une forte progression démographique et une croissance économique remarquable de 7 % à 8 % par an.
La Réunion et ses voisins des îles de l’océan Indien se trouvent sur cet axe d’échanges émergeant entre l’Asie et l’Afrique. Madagascar sera passée de 24 millions d’habitants aujourd’hui à 50 millions d’habitants en 2050, c'est-à-dire dans une génération. C’est l’équivalent de la population française au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Avec Maurice, les Seychelles, les Comores, la Réunion peut ainsi participer à un espace francophone de près de 60 millions d’habitants.
C’est une nouvelle frontière pour notre développement qui se dessine. Tout dépendra de l’orientation qui sera prise par Madagascar. Va-t-elle faire le choix de conforter son appartenance à l’espace francophone ou faire un choix différent, sous le poids d’autres influences extérieures ?
L’enjeu est capital pour la Réunion dans cette partie de l’océan Indien. Est-on conscient à Paris de cet enjeu stratégique ?
C’est dans cette perspective que nous plaidons depuis plusieurs années pour l’émergence d’une véritable université de l’océan Indien commune aux îles de l’ancien empire colonial français et de l’actuelle Commission de l’océan Indien.
Le brassage des jeunesses de nos îles est une contribution au développement de nouvelles relations entre elles fondées sur le principe du codéveloppement. Ce codéveloppement permettrait à la Réunion de valoriser ses atouts dans les domaines de la santé, de la recherche en matière agricole, des richesses maritimes et de la pêche, de l’agriculture, des énergies renouvelables, de l’adaptation aux changements climatiques.
Sur ce plan, la conférence de Paris sur le climat en 2015 représente une occasion extraordinaire pour les territoires ultramarins de faire valoir leurs atouts. Quelle initiative la Réunion pourrait-elle prendre dans ce domaine, en ce qui concerne les îles de la Commission de l’océan Indien – Madagascar, Maurice, les Comores, les Seychelles –, à la mesure des initiatives prises dans le même sens pour le Pacifique Sud ?
Les objectifs stratégiques d’autonomie énergétique pour nos îles et d’autonomie alimentaire, dans une stratégie de codéveloppement régional, ouvrent pour la Réunion des potentialités de développement considérables, sources de créations de richesses et d’emplois. Ils fondent les bases d’une nouvelle économie répondant aux exigences du développement durable et de la cohésion sociale.
C’est en ayant à l’esprit ces perspectives que nous devons concevoir et élaborer les outils juridiques, financiers et fiscaux pour permettre à la Réunion de s’insérer dans son environnement géo-économique.
Les rendez-vous que nous avons concernant les aides aux entreprises, la réforme de l’octroi de mer, la question des APE ainsi que l’acte III de la décentralisation sont inséparables, pour un règlement cohérent, de cette vision stratégique de notre avenir.
Soixante-huit ans après le vote de la loi d’intégration à la République, à l’aube d’un XXIe siècle marqué par la globalisation des échanges et la mondialisation de l’économie, la France doit repenser sa relation avec ses territoires ultramarins, qui lui confèrent une présence dans tous les océans et la mettent aux portes des grands marchés émergents.
Je crois le moment venu, monsieur le ministre, mes chers collègues, de jeter les bases d’un nouveau compromis historique, en particulier pour la Réunion : ce compromis doit permettre de concilier notre appartenance à la France et à l’Europe – depuis notre intégration à la métropole, il y a soixante-huit ans – avec notre environnement géo-économique.
Cette nouvelle donne est fondatrice d’un nouveau pacte de développement inaugurant une nouvelle ère pour notre pays.
Puis-je évoquer, dans cette vision de la nécessité d’une décision stratégique d’avenir, la pensée du premier Président de notre Ve République, qui disait avec force que, lorsqu’il s’agit d’avenir, il faut voir loin et viser haut ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier.
M. Pierre Frogier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aurais pu évoquer, cet après-midi, ce qui va bien en Nouvelle-Calédonie. C’est pourtant de la radicalisation de la vie politique qui nous menace à quelques semaines des élections municipales et provinciales que je vais vous parler. C’est cette inquiétude que je veux exprimer devant vous, à l’occasion de ce débat sur la situation des outre-mer, et alors que nous abordons des échéances électorales déterminantes pour notre avenir.
Vous le savez, la Nouvelle-Calédonie est engagée, depuis vingt-cinq ans, dans un délicat processus de paix et de réconciliation. Elle devra, dans quelques années, décider de son destin et de ses liens avec la France.
À ce titre, l’année 2014 est particulièrement importante et symbolique : elle marque le début de la dernière mandature de l’accord de Nouméa, celle au cours de laquelle nos compatriotes devront choisir leur avenir.
C’est dans le respect, la responsabilité et la sérénité que ce choix doit être fait. Rien ne doit venir interrompre le cheminement exemplaire que nous avons emprunté ; rien ne doit troubler la difficile construction du destin commun auquel nous appelle l’accord de Nouméa.
Et pourtant, à l’heure où je vous parle, nous sommes très loin du compte !
Nous sommes entrés dans une surenchère des positionnements et des attitudes, laquelle, au mieux, risque d’escamoter le débat démocratique, au pire, de nous faire perdre les acquis de ces dernières années.
Malheureusement, monsieur le ministre, ce durcissement ne me surprend pas ! Vous le savez, cela fait un petit moment que je tire la sonnette d’alarme. J’ai toujours eu conscience que ces échéances électorales de 2014 seraient particulièrement sensibles. J’ai toujours su qu’elles risquaient d’être prises en otage et instrumentalisées par les uns et par les autres.
C’est la raison pour laquelle j’ai dit clairement, et à plusieurs reprises, qu’il fallait non pas attendre passivement 2014, mais prendre toutes les initiatives pour instaurer un climat de paix, de confiance, de reconnaissance et de dialogue, de manière à préparer sereinement cette dernière étape de l’accord de Nouméa.
C’est dans cet état d’esprit que j’ai proposé, dès février 2010, la levée des deux drapeaux. Il s’agissait d’un symbole fort, d’un geste de sincérité qui a été validé par le comité des signataires et approuvé par une large majorité du Congrès.
C’est aussi dans cet état d’esprit que j’ai souhaité la mise en place de trois comités de pilotage pour nous permettre de préparer, en confiance et dans un dialogue apaisé, cette prochaine échéance électorale.
J’ai pris tous les risques, au mépris des conséquences électorales ! J’ai pris toutes mes responsabilités, comme signataire de l’accord de Matignon et de celui de Nouméa !
Aujourd’hui, c’est la composition du corps électoral spécial, appelé à participer aux élections provinciales, qui provoque de nouveau la crispation.
À deux mois du scrutin, les indépendantistes brandissent la menace de faire radier 6 720 électeurs de la liste provinciale.
C’est une revendication irresponsable, provocatrice, qui scandalise à juste titre celles et ceux qui sont attachés à la Nouvelle-Calédonie dans la France et, au-delà, qui inquiète aussi le plus grand nombre.
C’est une revendication basée sur une logique d’exclusion qui ne correspond en rien à l’esprit de l’accord de Nouméa.
C’est une revendication exorbitante, à laquelle aucune réponse claire n’a, jusqu’à présent, été apportée par l’État.
Comment en est-on arrivé là ?
En février 2007, une révision constitutionnelle visait à priver du droit de vote aux élections provinciales toutes les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie après novembre 1998, c’est-à-dire après le référendum d’approbation de l’accord de Nouméa. C’est ce que l’on a appelé « le gel » du corps électoral.
Cette révision exigée, je le rappelle, par les indépendantistes, a été très majoritairement votée par le Parlement, contre la volonté unanime des parlementaires calédoniens. Cette réforme était pourtant contraire à l’esprit de l’accord de Nouméa, comme l’avait indiqué le Conseil Constitutionnel lui-même dans sa décision relative à la loi organique de 1999.
Mais telle était la volonté des indépendantistes, fortement soutenus par l’État. Nous sommes ainsi passés d’un corps électoral glissant, qui subordonnait le droit de votre à une durée de résidence de dix ans à la date de chaque élection, à un corps électoral gelé.
Cette réforme, monsieur le ministre, dont vous ne portez pas la responsabilité directe, a été bâclée et son texte mal écrit. La loi étant imprécise, il est revenu à la Cour de cassation de l’interpréter ; et c’est sur la base d’un arrêt de 2011 que les indépendantistes réclament la radiation de plus de 6 000 électeurs.
La Cour de cassation indique, dans cet arrêt, que pour participer à l’élection des assemblées de province et du Congrès, il faut impérativement avoir été inscrit sur les listes électorales avant le référendum de 1998.
Il ne suffit donc pas d’avoir été présent, encore faut-il avoir été inscrit ! Cela veut dire que le droit de voter repose, en Nouvelle-Calédonie, sur l’accomplissement d’une formalité purement administrative qui aurait dû être accomplie avant 1998, mais qui n’a été connue qu’après la révision constitutionnelle de 2007 ! Et le comble, dans cette interprétation, c’est qu’elle revient à déchoir de leur droit de vote des électeurs qui ont pu l’exercer en 2004 et en 2009 !
Aujourd’hui, ce sont plusieurs milliers de personnes, inscrites sur les listes électorales avant la révision constitutionnelle de 2007 qui sont susceptibles de faire l’objet de demandes de radiation pour les élections provinciales.
Si je vous dis, monsieur le ministre, que nous avons nous-mêmes recensé près de 6 000 électeurs d’origine mélanésienne également susceptibles d’être radiés de la liste électorale provinciale parce qu’ils ne justifient pas des conditions requises dans l’état actuel du droit, vous conviendrez que la situation devient ubuesque. Et nous touchons aux frontières de l’absurde quand on voit que le corps électoral du scrutin de sortie de l’accord de Nouméa – car c’est un autre corps électoral - est moins fermé que le corps électoral provincial !
Vingt-cinq ans après la signature des accords de Nouméa, nous nous retrouvons à subir des décisions qui sont à l’opposé de la volonté de vivre ensemble et de construire une communauté de destin avec la totalité des composantes de la population calédonienne.
Monsieur le ministre, face à cette véritable provocation des indépendantistes, la réponse du Gouvernement, que vous représentez à ce banc, est loin d’être satisfaisante.
Alors que le FLNKS agite depuis des mois ses menaces de radiation, alors que les commissions administratives chargées de réviser les listes électorales se réunissent dans quelques jours en Nouvelle-Calédonie, votre seule réponse – encore donnée hier par le Premier ministre à l’Assemblée nationale – consiste à exhumer un arrêt de la Cour de cassation contredisant celui sur lequel s’appuie le FLNKS.
Bref, vous faites la démonstration qu’il n’y a pas d’issue à rechercher sur le plan du droit. À une question de principe, vous essayez, en vain, de trouver une issue juridique, alors que la solution – comme toujours en Nouvelle-Calédonie – est politique.
Il nous faut maintenant, rapidement, trouver une issue à cette situation inextricable qui pourrait aboutir à la radiation de milliers d’électeurs de la liste électorale spéciale. C’est dans ce but que j’ai formulé plusieurs propositions à l’occasion de deux courriers adressés respectivement au Président de la République et au Premier ministre.
Tout d’abord, j’y indiquais que nos représentants au sein des commissions de révision s’opposeraient vigoureusement à la radiation de ces milliers d’électeurs lorsque nous estimerions que celle-ci se fait en contradiction avec les principes fixés par l’accord de Nouméa. Dans cette éventualité, il y aura donc partage de voix au sein des commissions et il reviendra à l’État de faire valoir, par le biais de ses représentants, la voix prépondérante qui lui est reconnue par les textes.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Pierre Frogier. Par ailleurs, pour clarifier l’exercice du droit de vote en Nouvelle-Calédonie, j’ai pris l’initiative de déposer sur le bureau du Sénat une proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir le droit de vote des personnes installées en Nouvelle-Calédonie avant 1998, de même que celui de toutes les personnes nées en Nouvelle-Calédonie et de leurs conjoints.
J’ai également proposé, monsieur le ministre, de réunir en urgence un comité des signataires pour dégager un consensus sur cette question essentielle. Depuis toujours, c’est cette instance qui est habilitée à traiter des questions qui fâchent et à trouver un point d’équilibre entre les partenaires. Telle est sa vocation.
Aux signataires de l’accord de Nouméa, à savoir les partenaires locaux et l’État – car, il ne faut pas l’oublier, monsieur le ministre, l’État est un des partenaires essentiels de cet accord –, d’assumer leurs responsabilités et de chercher la voix du compromis qui, depuis vingt-cinq ans, nous a permis d’avancer !
En l’état actuel, je considère que les conditions ne sont pas réunies pour que ces élections se déroulent dans un climat apaisé. Si l’action du comité des signataires ne permet pas de trouver cet indispensable consensus, ou si vous décidiez finalement de ne pas le réunir, je pense qu’un report des élections provinciales n’est pas à exclure.
Vous conviendrez avec moi que ce scrutin déterminant doit se dérouler dans la plus grande sérénité, dans la plus parfaite sincérité. Nous ne pouvons pas courir le risque que la désignation des membres des assemblées de province et du Congrès soit entachée du moindre soupçon d’irrégularité.
Pour conclure, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai encore un regret à formuler, et il est de taille !
Fallait-il nous infliger l’affront de l’envoi en Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire sur le territoire de la République française, d’une mission de l’ONU relative au processus de révision des listes électorales ?
En réalité, rien ne justifie cette ingérence du Comité de décolonisation des Nations unies qui viendrait, en France, superviser le travail de commissions présidées par des magistrats et placées sous le contrôle des juridictions de l’ordre judiciaire.
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Éric Doligé. C’est surprenant ! Très surprenant !
M. Pierre Frogier. Cette intrusion est ressentie par les Calédoniens – mettez-vous à leur place ! – comme une insupportable humiliation.
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Pierre Frogier. Je vous demande d’annuler la venue de cette mission, qui n’a d’autre justification que de satisfaire, encore une fois, une demande de la minorité indépendantiste.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la Nouvelle-Calédonie est engagée depuis vingt-cinq ans dans un processus exemplaire fondé sur le dialogue et le partage des responsabilités.
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. Pierre Frogier. La période qui s’ouvre et qui nous emmènera jusqu’en 2018, est un moment très particulier pendant lequel se jouera l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous devrons tous nous retrouver autour d’une table pour essayer de dessiner ensemble notre destin partagé, car il n’y a pas d’alternative.
Il est donc indispensable que, durant cette période, l’État joue pleinement son rôle de signataire et d’acteur de l’accord de Nouméa. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Éric Doligé. Les questions sont claires, monsieur le ministre ; les réponses le seront-elles aussi ?
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un débat sur la situation des outre-mer fournit l’occasion non seulement d’insister sur leur importance pour notre pays et de défendre leurs atouts – il faut sans cesse les rappeler –, mais aussi et surtout de souligner les difficultés qui sont inhérentes à ces territoires.
Ces difficultés sont liées la géographie, à l’éloignement, à l’histoire et à la grande diversité des outre-mer. Dans un souci d’égalité, nous devons veiller à la bonne application des lois en outre-mer et, surtout, à leur bonne adaptation.
Cette problématique a un retentissement européen. Si je me réjouis que Mayotte soit devenue depuis deux mois une région ultrapériphérique à part entière, nous devons veiller au respect scrupuleux du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prend en compte les spécificités ultramarines et nous permet d’adopter des mesures d’aides à l’outre-mer, afin de surmonter les difficultés que je viens de citer. Contraindre les régions ultramarines à adopter des règlements européens ou des lois nationales qui ne seraient pas appropriés à leur situation ne ferait qu’accroître leurs difficultés.
Aborder la situation générale de l’outre-mer en quelques minutes est impossible. La situation économique et sociale est toujours délicate ; il est nécessaire d’y prêter une attention particulière. Je me contenterai donc d’évoquer quelques sujets qui me semblent primordiaux, et de vous interroger, monsieur le ministre, sur leur prise en compte par le Gouvernement.
Dans un premier temps, j’aimerais aborder les questions relatives à la fiscalité, et, tout d’abord, la problématique des niches fiscales. Avec un déficit de 4 %, supérieur à la moyenne de la zone euro, notre pays est dans une situation financière préoccupante. Le Gouvernement cherche à économiser 53 milliards d’euros dans les dépenses publiques, ce qui représente un effort considérable. Dès lors, je suis inquiet pour les outre-mer et pour les niches fiscales qui les concernent.
Un récent rapport rédigé par Éric Doligé et Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques et de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, démontre de manière extrêmement claire l’utilité des niches fiscales en outre-mer, qu’il s’agisse des investissements locatifs, productifs ou en faveur du logement social. Ce constat vient tordre le cou à l’idée selon laquelle ces investissements ne correspondraient qu’à de l’optimisation fiscale et n’auraient aucune autre utilité.
Le travail fouillé du Sénat permet de dégager des pistes de progrès, pour un meilleur encadrement de ces quatre niches. Outre les mesures déjà adoptées dans la loi de finances pour 2014, il faut entendre toute la prudence à laquelle nous invitent les auteurs du rapport, et notamment leur mise en garde contre des réformes trop brutales.
Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer le Sénat sur l’avenir de ces niches ? Dans le cadre de la réduction de la dette, savez-vous comment Bercy traitera les départements et autres territoires d’outre-mer ?
Le ministère du budget doit envoyer les lettres de cadrage budgétaire à chaque département ministériel en avril. C’est sans doute un peu tôt, mais le ministère des outre-mer a-t-il déjà une idée de ce qui lui sera demandé ?
Le Premier ministre a annoncé une réforme fiscale. Là encore, la remise en cause des niches fiscales des outre-mer est possible. Y aura-t-il un volet spécifique les concernant ?
Dans un second temps, je traiterai de la question plus générale de la situation économique et des difficultés permanentes liées à la vie chère.
Il y a trois semaines, vous avez permis, monsieur le ministre, que les choses avancent sur la question du prix des carburants. Les arrêtés que vous avez signés réforment considérablement la méthode de leur fixation dans les départements d’outre-mer. Ils doivent permettre d’apaiser le climat dans ces cinq départements, en introduisant plus de transparence dans la formation des prix des carburants routiers, et de mieux contrôler les marges des pétroliers.
N’oublions pas que la mer est aussi une chance pour les énergies renouvelables, alors que la dépendance aux carburants est très grande. La technologie pour la production d’énergie par les hydroliennes est désormais mature ; nous pourrions en installer des dizaines, à condition de les adapter dans les zones de forts courants entre deux îles. Ces hydroliennes ne rencontrent pas les difficultés d’installation des éoliennes, qui se heurtent à la loi Littoral et courent certains risques en cas de cyclone tropical ou d’entrave à la circulation maritime.
On le voit, tout un domaine reste à conquérir pour le développement des énergies éoliennes, hydroliennes ou solaires.
Par ailleurs, la baisse des tarifs bancaires fait toujours partie des difficultés rencontrées par les Ultramarins. En Nouvelle-Calédonie, une baisse significative des tarifs de plusieurs services bancaires d’utilité courante – les frais de tenue de compte, par exemple – est prévue au cours de l’année 2014.
Du point de vue du développement économique, le Président de la République a fait part de sa volonté de créer un pacte de responsabilité entre l’État et les entreprises. Son objet est naturellement de relancer l’emploi en améliorant l’environnement normatif des entreprises. Il me semble qu’un volet relatif aux outre-mer serait le bienvenu. En effet, ce sont des territoires particulièrement touchés par le chômage, dont le taux atteint plus de 20 % en moyenne. En outre, ils requièrent des mesures spécifiques et des engagements encore plus forts.
Afin de faciliter l’installation d’entreprises, il faut un environnement favorable ; cela passe par des infrastructures modernes et de qualité. À ce titre, le développement du numérique est primordial ; il ne faut donc pas oublier l’outre-mer dans le développement de la 4G.
J’ai noté que des procédures d’attribution de licences seraient lancées au premier semestre 2014. Vos services, monsieur le ministre, devraient rencontrer les différentes collectivités le 6 mars. Comment cela se prépare-t-il ? Quel taux de couverture négociez-vous ? Ces autorisations vont rapporter de l’argent à l’État ; je pense que les sommes récoltées pourraient être consacrées à l’outre-mer.
Naturellement, le premier des leviers économiques pour l’emploi en outre-mer est le tourisme. Dans son rapport annuel présenté le 11 février, la Cour des comptes a pointé les difficultés de ce secteur en Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion et en Polynésie, où le tourisme représente respectivement 9 %, 7 %, 2,6 % et 7,7 % du PIB. La Cour souligne en particulier le manque de pilotage des collectivités.
Cette crise du tourisme est particulièrement regrettable au regard de la situation des îles tropicales concurrentes, qui sont très dynamiques. La Cour des comptes estime que les interventions des pouvoirs publics sont inefficaces et peu stratégiques. Il est notamment reproché aux collectivités régionales de ne pas suffisamment solliciter les comités régionaux du tourisme pour bâtir de plans stratégiques cohérents.
Elle estime également que l’aménagement des sites souffre de « problèmes récurrents : propreté de la voirie, organisation des transports […], manque de parking […], collecte des eaux usées, aménagements des espaces littoraux […] et défaut de signalisation », et que la coordination entre les acteurs publics est insuffisante.
En réponse, huit recommandations sont formulées.
M. Christian Bourquin. Il faut se méfier de la Cour des comptes : elle veut faire de la politique à notre place !
M. Joël Guerriau. Comment le ministère des outre-mer compte-t-il répondre à cette situation ? Comment, en particulier, compte-t-il aider les collectivités à améliorer la coordination, qui fait défaut ?
Les territoires d’outre-mer sont extrêmement divers, mais, à partir de ces situations particulières et parfois difficiles, nous devons développer des filières d’excellence. Je pense, par exemple, à la Réunion et à sa capacité à être un laboratoire de la transition énergétique. On peut développer des modes nouveaux de production d’énergie ; ce sont des emplois dans la recherche et la production qui sont à la clé.
Pour conclure, j’aimerais vous interroger, monsieur le ministre, sur la réforme en cours du code minier. La bonne gestion des ressources minières profondes concerne l’outre-mer. Quelles sont les pistes de travail ou les propositions de votre ministère dans la vaste élaboration de ce nouveau code ?
Dans mon intervention, vous l’aurez remarqué, les questions sont nombreuses : elles reflètent tout l’intérêt que nous portons à l’outre-mer. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’y avoir prêté attention. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord dire toute ma satisfaction à voir ce débat sur la situation dans nos territoires ultramarins se tenir, à l’initiative de mon collègue – je dirais même mon ami –, Paul Vergès.
En effet, sauf lorsqu’ils font face avec vigueur à leurs grandes difficultés économiques et sociales ou qu’ils sont au cœur de crises politiques et institutionnelles, comme en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles et à la Réunion en 2009, nos compatriotes d’outre-mer ont trop souvent le sentiment d’être ignorés et délaissés par la métropole, y compris par la représentation parlementaire.
Il n’y a pas de fatalité à ce que leurs difficultés de vie suscitent si peu d’intérêt. L’éloignement, l’histoire parfois douloureuse, la complexité des relations avec les populations, ou les particularités de chacune d’entre elles ne sauraient être des excuses : en outre-mer, nous ne connaissons que des citoyens français. À ce titre, ces difficultés doivent être traitées selon les lois et les politiques de la République, avec, bien entendu, la nécessaire adaptation que les spécificités de ces territoires requièrent.
Ce débat nous donne ainsi l’occasion – Paul Vergès l’a fait pour la Réunion – de mieux connaître la situation économique, sociale et institutionnelle de chacun de ces territoires, qui connaissent des contextes locaux différents, sur le plan financier comme sur le plan statutaire.
Dans ce cadre, l’intérêt réside donc essentiellement dans l’évaluation de la pertinence des politiques publiques et de leur capacité à résoudre, avec plus ou moins d’efficacité, les problèmes que rencontrent les outre-mer.
S’il fallait trouver un dénominateur commun à ces territoires, au-delà de leur diversité, je dirais sans doute la grande fragilité de leurs économies. Structurellement déséquilibrées, elles sont sinistrées, en dépit de la forte proportion de jeunes, par un chômage de masse. Ce phénomène nourrit la désespérance de cette catégorie de la population.
D’une manière générale, et sans vouloir faire un constat trop pessimiste, je voudrais m’appuyer sur un récent audit des politiques publiques conduites par l’État en direction des Français d’outre-mer. Ce rapport, qui a été présenté au Sénat au mois de janvier, est une intéressante étude sociologique. Il a été réalisé par le Collectif des états généraux de l’outre-mer. Son grand intérêt est, précisément, de montrer l’évolution des sentiments de nos compatriotes ultramarins, qu’ils vivent sur place ou dans l’Hexagone, sur les politiques mises en œuvre dans ces territoires.
Au-delà des problèmes fondamentaux et récurrents, qui ont trait à l’emploi, au logement, au pouvoir d’achat, à la cherté de la vie ou à l’inadaptation des modes de consommation aux réalités locales – questions qui ne pourraient trouver réponse qu’au terme de réformes structurelles –, l’inquiétante nouveauté révélée par cette étude est que la principale préoccupation de nos compatriotes d’outre-mer est désormais la crainte d’un renforcement des inégalités et d’un processus de paupérisation de leurs sociétés.
Aux problèmes de logement, de chômage et de grande pauvreté s’ajoutent les inégalités sociales. N’oublions pas non plus la démographie, qui a des effets très négatifs sur le logement, la sécurité, mais aussi la santé et la croissance économique.
Cette accumulation de difficultés, qui leur fait craindre un avenir encore pire pour leurs enfants, est d’abord le fruit d’une situation économique et sociale qui ne cesse de se dégrader. Après tout, on pourrait penser qu’il en va sur ces territoires comme sur l’ensemble du territoire national. Eh bien non ! Cette dégradation est encore amplifiée par les lourds handicaps de nos sociétés d’outre-mer.
Cela étant dit, je voudrais souligner les louables efforts accomplis par le Gouvernement en matière budgétaire, notamment, mais aussi dans la lutte contre la vie chère ou pour la régulation des prix pétroliers. De ce point de vue, j’ai apprécié votre détermination à ne pas céder sur la question de la réduction des marges des monopoles de ce secteur, monsieur le ministre.
Ainsi, des efforts budgétaires ont été consentis pour l’année 2014, malgré un contexte dit « contraint » : dans les départements d’outre-mer, le Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, a au moins été reconduit à l’identique, et la TVA n’a pas augmenté. Les crédits alloués aux grandes priorités, comme le logement, ont heureusement été maintenus ; certains ont même progressé, comme ceux qui sont consacrés à la jeunesse et à l’emploi.
En outre, les défiscalisations et les aides à l’investissement ont été préservées, bien que je sois critique sur la pertinence de certaines d’entre elles.
M. Jean-Jacques Hyest. Ô combien critique ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Vous me connaissez, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
Pourtant, nous le savons tous, un budget voté ne garantit pas le résultat des politiques menées.
M. Christian Cointat. C’est bien vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous le vérifions tous les jours !
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
Tout dépend de la mise en œuvre, qui reste aléatoire, surtout quand, au cours de l’exercice budgétaire, le Gouvernement proclame qu’il faut à tout prix, et dans tous les domaines, faire des économies.
C’est pourquoi, malgré un certain nombre de mesures positives, je pense, monsieur le ministre, que votre gouvernement ne se donne pas vraiment les moyens de résoudre les difficultés auxquelles sont confrontés nos compatriotes d’outre-mer.
M. Philippe Bas. C’est certain !
Mme Évelyne Didier. Avez-vous fait mieux, quand vous étiez au pouvoir, à droite ?
Mme Éliane Assassi. Ainsi, vous nous annoncez, monsieur le ministre, « une petite révolution pour l’outre-mer » ; elle se traduira par un projet de loi, que vous devriez prochainement nous soumettre.
Je crains surtout que ce texte ne soit que la déclinaison ultramarine du pacte de responsabilité proposé par le chef de l’État. Je ne souhaite aucunement vous faire un procès d’intention, monsieur le ministre, mais, ce pacte reposant essentiellement sur le principe d’une diminution des cotisations sociales des entreprises et une recherche à tout prix d’économies dans les dépenses publiques, je redoute par avance les effets négatifs qu’il pourrait avoir sur la situation économique et sociale des territoires dont nous parlons.
Je le redoute d’autant plus que la réduction des cotisations patronales est déjà très répandue outre-mer. J’ai donc mal compris pourquoi vous vous étiez encore engagé à remettre à plat tous les dispositifs budgétaires existants ! Je pense, très concrètement, au milliard d’euros d’exonérations de charges, au milliard d’euros de dépenses fiscales, aux 320 millions d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, aux 100 millions d’euros de TVA non perçue récupérable, ou bien encore aux 500 millions d’euros sur cinq ans du Fonds exceptionnel d’investissement promis par le Président de la République.
Je souhaiterais donc que vous me précisiez les choses à cet égard, monsieur le ministre.
Le temps ne me permettra pas de développer mon propos, mais j’aurais souhaité évoquer ici le gros problème de l’immigration à Mayotte.
Je sais que cette question n’est pas directement de votre ressort, mais je voudrais tout de même attirer votre attention sur la gravité de la situation dans ce département, monsieur le ministre.
Les spécificités géographiques de Mayotte, notamment sa proximité avec l’Union des Comores, au niveau de vie très inférieur, y rendent la pression migratoire exceptionnellement élevée et la mise en œuvre de toute politique de contrôle de l’immigration plus difficile.
Néanmoins, je considère que nos politiques en matière d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière ou de gestion du centre de rétention administrative sont inadaptées. Pour m’être rendue sur place et avoir visité le centre de rétention de Mayotte, je peux vous dire très sereinement du haut de cette tribune que c’est un véritable scandale !
C’est la raison pour laquelle je compte beaucoup sur les négociations engagées avec les Comores pour aboutir à un accord global sur la normalisation des relations et l’intensification des échanges entre les îles de l’archipel.
Pour conclure, je formulerai une interrogation : peut-être faut-il changer le modèle économique et, partant de cela, faire évoluer des statuts permettant d’aller vers une plus grande autonomie ? Je pense que la réponse à cette question mériterait à elle seule un grand débat.
Car, à l’évidence, ni la départementalisation ni le nouveau statut des collectivités d’outre-mer, qui sont pourtant efficaces dans de nombreux domaines, ne réussissent à lutter contre ce phénomène qui est une insulte faite à l’avenir de ces territoires : le chômage chronique de leur jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que j’aurais pu faire un discours sur la situation sociale, le développement économique, la création de l’entreprise publique minière pour l’activité aurifère en Guyane, que j’ai appelée de mes vœux, j’ai choisi, parmi les nombreuses situations de vulnérabilité dans lesquelles se retrouvent les outre-mer, d’alerter le Gouvernement sur le contexte sanitaire grave que connaissent actuellement les départements français d’Amérique avec l’épidémie de chikungunya.
Aujourd'hui, plus de 350 cas reconnus sont recensés à Saint-Barthélemy, 1 380 cas en Guadeloupe, plus de 1 800 cas à Saint-Martin - un décès est à déplorer -, 3 030 cas en Martinique et 14 cas en Guyane, dont les premiers cas autochtones sont identifiés à Kourou.
Or cette épidémie du virus chikungunya nous rappelle l’épisode catastrophique qu’ont vécu la Réunion et Mayotte voilà huit ans. Entre les mois de février et de novembre 2005, 4 500 cas étaient recensés à la Réunion ; six mois plus tard, le chikungunya infectait plus de 244 000 personnes, soit un tiers de la population de l’île, qui devait déplorer 203 décès liés à cette infection.
Il apparaît alors que nous sommes à un moment critique, à la fois en Martinique et en Guadeloupe, où tout doit être mis en œuvre pour contrôler la maladie, et en Guyane, où il faut par tous les moyens empêcher la maladie de s’installer et de se répandre.
Le gouvernement précédent avait géré cette crise tardivement, minimisant l’ampleur et la gravité d’une telle épidémie. Lorsqu’il est enfin intervenu en déployant massivement des moyens, la situation sanitaire s’était largement dégradée. Cette catastrophe, dont on sait se prémunir en métropole, nous alerte et donne une responsabilité de premier plan à ce gouvernement, dont vous faites partie, monsieur le ministre.
Cette responsabilité vous oblige, monsieur le ministre. Nous savons maintenant que la maladie est loin d’être bénigne, comme on le pensait avant 2005. Elle est virulente et, parfois, mortelle. Elle est susceptible de récidive, les malades ne développant pas toujours d’immunité. Elle peut enfin produire des séquelles à moyen et à long terme.
Les populations des départements français d’Amérique ne comprendraient pas que l’État laisse la situation empirer.
Or, actuellement, les agences régionales de santé font principalement appel aux collectivités locales, départements et communes, pour lutter contre la propagation du virus, mais ces collectivités ne sont pas en mesure de prendre l’ensemble des dispositions que requiert une telle situation.
Cette responsabilité, vous la devez aussi à l’ensemble du continent sud-américain.
En matière économique et sociale, la Guyane est considérée comme un îlot européen de développement en Amérique du Sud.
Pour ce qui est des maladies vectorielles, la Guyane risque, si rien n’est fait, d’être la porte d’entrée d’un virus qui épargnait encore le continent sud-américain. Nos voisins sud-américains attendent une réaction de la France à la hauteur de l’enjeu sanitaire. C’est donc maintenant qu’il faut agir.
Agir, cela signifie une réponse adaptée sur trois points : la lutte contre la transmission du virus, l’adaptation des capacités de prise en charge médicales et le développement de recherches sur les maladies émergentes.
Toutefois, dans l’immédiat, la lutte contre la transmission du virus demeure la priorité. Elle devrait prendre plusieurs formes.
Je citerai d’abord l’information des populations, afin que les personnes infectées se signalent et que leur environnement puisse être traité. En effet, si le vecteur de transmission de ce virus est le moustique, le réservoir est bien l’homme. Il faut donc cibler les zones de contamination pour une efficience maximale du contrôle de l’épidémie.
Or, à Kourou, où le chikungunya est présent, les agents de lutte et de prévention délivrent leur message dans des quartiers qui peuvent cumuler les difficultés socio-économiques. Comment faire entendre à une famille en situation économique difficile qu’il lui faut à la fois signaler les cas suspects et s’équiper de moustiquaires imprégnées et de répulsifs adaptés ? Il est à craindre que des répulsifs peu efficaces soient privilégiés, dans le meilleur des cas. Si l’on veut une action efficace, il faut dès maintenant distribuer des répulsifs au dosage adéquat et, pour cela, débloquer des fonds spéciaux.
L’information doit donc se doubler d’une protection des personnes.
La lutte contre l’épidémie doit également se faire par l’élimination de gîte larvaire.
Le choix de l’insecticide doit privilégier un produit efficace, ce qui nécessite d’obtenir une dérogation de l’Union européenne, car les insecticides autorisés se révèlent inefficaces contre le moustique vecteur de la maladie.
Mais il faut aussi un plan de salubrité des départements des Antilles et de Guyane. Les dépôts de déchets doivent faire l’objet d’un ramassage et des solutions doivent être trouvées pour la résorption de ces réceptacles artificiels de nidification.
En 2010, lorsque la dengue a frappé la Martinique et causé 17 morts, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, s’est vu débloquer plusieurs centaines de milliers d’euros pour éliminer plus de 2 000 véhicules hors d’usage à l’abandon sur l’île. N’attendons pas davantage pour mener un plan identique sur les Antilles et la Guyane.
J’attends une réponse à la mesure de la situation que je viens d’évoquer, et que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
Au premier temps de l’épidémie à la Réunion, en 2005, le gouvernement d’alors avait débloqué moins de 100 000 euros.
Au mois de février 2006, en déplacement sur l’île de la Réunion, le Premier ministre d’alors annonçait 60 millions d’euros pour venir en aide au secteur économique, 22 millions d’euros pour la réponse sanitaire et la prévention, 9 millions d’euros pour la recherche et 300 000 traitements antimoustiques distribués gratuitement.
Cela paraît-il une dépense inadéquate en ces temps de restriction budgétaire ?
Je cite l’étude de l’université Pierre-et-Marie-Curie sur le coût de l’épidémie de chikungunya à la Réunion. Entre la prise en charge médicale, les hospitalisations, les coûts indirects dus aux arrêts maladie, la baisse de consommation, l’effet néfaste sur le tourisme, les chercheurs ont établi le prix de l’action tardive du gouvernement de l’époque à 44 millions d’euros en fourchette moyenne et à 63 millions d’euros en fourchette haute.
La structure économique des Antilles et de la Guyane est similaire. L’arrêt des microentreprises qui en constituent le tissu aura un effet tout aussi terrible.
Ainsi, la réponse du système de santé français doit s’inscrire dans une démarche qui aille au-delà de la seule lutte anti-vectorielle, qui est un élément parmi d’autres de la lutte que nous devons mener contre le chikungunya.
Il s’agit d’organiser l’offre de soins, libérale et hospitalière, d’ajuster les plateaux techniques pour la prise en charge des formes sévères ou pour une plus grande réactivité du diagnostic.
Enfin, au-delà du plan blanc, il faut d’ores et déjà anticiper sur un renfort en personnels de santé avant même de se tourner, en recours ultime et parfois tardif, vers l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS.
Monsieur le ministre, vous faites face à une situation sanitaire grave, qui demande des réponses à la hauteur de l’enjeu, en particulier le déblocage de fonds spéciaux. J’ai toute confiance en votre capacité à apprécier la situation et apporter au Sénat des éléments sur votre action. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les 6 000 kilomètres qui séparent ma ville de Martel, dans le nord du Lot, de Fort-de-France, malgré les 9 000 kilomètres jusqu’à Saint-Denis de la Réunion et les quelque 15 000 kilomètres jusqu’à Papeete, nous sommes peut-être moins éloignés qu’il n’y paraît. (Sourires.)
Les habitants des territoires ruraux peuvent en effet partager avec les ultramarins le sentiment d’être victimes d’une fracture territoriale qui ne se résorbe pas, et même, parfois, s’aggrave. Les handicaps structurels et géographiques ne sont, certes, pas les mêmes, mais ils sont bien réels dans les deux cas.
C’est pourquoi je plaide pour l’intercompréhension entre métropolitains et ultramarins, afin de faire en sorte qu’aucun territoire de la République ne soit exclu du développement économique, de la croissance, de l’emploi, pas plus que de l’accès aux services publics : éducation, transport, énergie...
Le groupe CRC nous invite aujourd’hui à débattre de la situation des outre-mer. Il me semble difficile d’aborder en quelques minutes tous les aspects économiques, sociaux, sanitaires, sécuritaires des territoires ultramarins, dans la diversité de leurs situations.
Aussi, à la lumière de l’actualité récente des outre-mer, je me contenterai de vous interroger, monsieur le ministre, sur les perspectives de renforcement du développement économique de ces territoires, les autres enjeux étant, me semble-t-il, interdépendants de ce développement.
Je commencerai par la question de la sécurité. Comme l’a déclaré le Président de la République lors de son déplacement à Cayenne au mois de décembre dernier, la sécurité est le « préalable à tout développement économique ». La Guyane est confrontée à des problèmes de sécurité spécifiques, liés notamment à l’orpaillage et à la pêche illégale.
Cela étant, les autres territoires ultramarins ne sont pas non plus épargnés par la violence : une campagne intitulée « Déposez les armes », incitant les habitants à remettre les armes ou munitions en leur possession aux services de police et de gendarmerie se poursuit actuellement en Martinique. La Guadeloupe a déjà mis en œuvre des opérations similaires.
Notre collègue Jacques Cornano avait d’ailleurs interrogé au mois d’octobre dernier le ministre de l’intérieur, au cours d’une séance de questions d’actualité, sur la situation de la Guadeloupe, où ont été perpétrés une trentaine d’homicides au cours de l’année 2013. Le Gouvernement avait alors promis des renforts de policiers en Guadeloupe et en Martinique. J’aimerais vous interroger sur les évolutions de la situation depuis la fin de l’année 2013, monsieur le ministre. Les renforts sont-ils arrivés ?
J’en viens à un autre sujet, qui a occupé l’actualité ces derniers mois : le blocage des stations-service qui a précédé la publication des décrets réglementant la fixation par l’État des prix des produits pétroliers. Ces événements sont venus rappeler aux métropolitains que la question de la « vie chère » outre-mer restait extrêmement importante. On se souvient que le niveau élevé des prix a été à l’origine de plusieurs mouvements sociaux ces dernières années.
Monsieur le ministre, dès votre arrivée, vous avez fait de cette question un axe prioritaire de votre action.
Nous avons ainsi adopté la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, qui devait permettre de changer durablement la situation en s’attaquant aux rentes et aux concentrations. Ce texte comporte des mesures structurelles de long terme, mais aussi des dispositions d’application plus immédiates, comme le bouclier qualité-prix. Certains effets positifs se sont déjà manifestés, par exemple dans les domaines de la téléphonie ou des frais bancaires.
Je pense aussi à l’essence. Les décrets et les arrêtés de méthode réformant les modalités de fixation par l’État des prix des carburants dans les départements d’outre-mer, récemment publiés, devraient également permettre de redonner plus de pouvoir d’achat aux consommateurs ultramarins.
En outre, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement pour limiter à l’avenir le blocage des stations-service dans les outre-mer, qui constitue bien évidemment un handicap majeur pour les citoyens et les entreprises de ces territoires.
Malgré ces avancées, la situation économique et sociale des territoires ultramarins reste préoccupante. Le chômage y est toujours deux à trois fois plus élevé qu’en métropole, avec toutefois des situations assez variées d’un territoire à l’autre.
En 2012, le taux de chômage atteignait 28,5 % à la Réunion, 22,5 % en Guadeloupe et en Polynésie française et 21 % en Martinique. Entre décembre 2012 et décembre 2013, la Guyane a connu une augmentation du chômage de plus de 10 %, tandis que le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de façon plus limitée à la Réunion et aux Antilles.
Le Gouvernement s’attelle à la tâche pour redresser la situation du pays. De nombreuses mesures ont été prises pour aider les entreprises à dénicher des financements, à retrouver des marges et, ainsi, à monter en gamme et à devenir plus compétitives. Toutes ces dispositions ont un seul objectif : favoriser l’emploi.
Faudra-t-il compléter ces dispositifs par d’autres mesures, spécifiques, pour les outre-mer ? Le député de la Réunion Patrick Lebreton vous a remis, monsieur le ministre, un rapport sur la régionalisation de l’emploi outre-mer. Il y fait, notamment, plusieurs propositions concernant l’éducation et la formation professionnelle outre-mer. Comment analysez-vous ces propositions et quelles suites pensez-vous leur donner ?
Enfin, si les territoires ultramarins ne sont pas privés d’entrepreneurs et d’entreprises innovantes, vecteurs de croissance et d’emplois, la question des secteurs-clés pour l’économie ultramarine se pose. Dans son récent rapport annuel, la Cour des comptes dresse un constat sévère sur le tourisme outre-mer, qui pourrait se résumer ainsi : il existe de forts potentiels, mais ils sont insuffisamment ou inefficacement exploités.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la contribution du tourisme au développement des outre-mer était au cœur de vos réflexions dans le cadre du plan d’action pour la compétitivité auquel vous travaillez actuellement. La ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, Sylvia Pinel, planche, quant à elle, sur une redéfinition de la stratégie touristique de la France.
Les outre-mer ont certainement aussi un fort potentiel à développer en matière d’énergies renouvelables. Actuellement très dépendants des énergies fossiles, ces territoires ont indéniablement des atouts à faire valoir – solaire, éolien, biomasse, notamment – pour que les énergies renouvelables et la transition énergétique deviennent un secteur de pointe, porteur de croissance.
Monsieur le ministre, vous avez insisté à diverses reprises sur la nécessité pour les outre-mer de développer une stratégie économique de filières. Vous préparez actuellement un projet de loi relatif au développement et à la modernisation de l’économie des outre-mer. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les grandes lignes de ce projet ? Quels seront, selon vous, les secteurs-clés pour la compétitivité ultramarine de demain ?
Il en est de l’outre-mer comme de la ruralité et de l’hyper-ruralité en France hexagonale : il est urgent de mettre un terme au sentiment d’abandon qui touche les populations de ces territoires. (Mme Karine Claireaux applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la délégation à l’outre-mer, monsieur Paul Vergès, chers collègues, puisque mon temps de parole est compté, je centrerai mon intervention sur trois points.
Premièrement, je tenais, monsieur le ministre, à vous remercier d’avoir tenu tête au lobby pétrolier dans votre action contre la vie chère outre-mer.
Le chantage que vous avez subi – je veux parler de la grève des gérants de station-service instrumentalisés en sous-main par quelques compagnies pétrolières soucieuses de préserver leur rente de situation dans les outre-mer – n’était pas acceptable.
Au final, la date du 1er janvier 2014 pour la publication des décrets suivant la promulgation de la loi relative à la vie chère a bien été tenue, ce qui a entraîné une baisse du prix de l’essence à la pompe allant de 3 centimes d’euro en Martinique à 8 centimes d’euro à Mayotte.
Sur les 100 millions d’euros de bénéfices nets annuels qu’encaisse la filière pétrolière en outre-mer, ce sont au total 23 millions d’euros qui seront rendus aux consommateurs ultramarins, soit 60 à 70 euros par consommateur, ce dont nous nous félicitons.
Deuxièmement, je voulais évoquer un second lobby, celui des industries chimiques, plus précisément des producteurs de produits phytosanitaires.
En effet, les Français sont les plus grands consommateurs de pesticides en Europe, et les Antilles utilisent trois fois plus de pesticides par unité de surface que la métropole. Pourtant, en 2010, la loi Grenelle II a posé le principe, sauf dérogations exceptionnelles, de l’interdiction des épandages aériens. Force est pourtant de constater que, sur ce point, outre-mer, l’exception est la règle !
En Martinique, par exemple, une nouvelle dérogation à l’interdiction d’épandage aérien de pesticides a été signée par le préfet le 20 novembre 2013, alors que le tribunal administratif de Fort-de-France, deux semaines plus tard, annulait les deux précédentes dérogations, suite aux recours d’associations. Cette dernière dérogation a heureusement été de nouveau annulée le 3 février dernier.
On veut nous faire croire que de telles dérogations à l’interdiction d’épandage sont indispensables au développement économique de la Caraïbe. Mais comment expliquer que les bananeraies guadeloupéennes se portent bien et vivent, depuis presque un an, sans épandage aérien de pesticides, grâce aux trois annulations de dérogations préfectorales ?
Pourquoi s’obstiner à nier qu’il est bel et bien possible de faire autrement, notamment en embauchant du personnel via les aides européennes pour effeuiller de manière sévère les feuilles des bananiers ? Pourquoi ne pas encourager la diversification de l’agriculture locale en l’orientant vers d’autres cultures, telles que celle de l’avocatier, qui ne nécessite aucun pesticide et résiste aux cyclones ? Pourquoi ne pas vendre les bananes dans la Caraïbe, ce qui réduirait le temps de transport et ne nécessiterait pas de traitement contre les moisissures ? Pourquoi ne pas investir davantage dans la recherche pour trouver des solutions afin d’aller vers une agriculture sans pesticide ?
Dans ce dossier comme dans d’autres, le chantage à l’emploi existe, mais les arguments employés sont fallacieux. Par exemple, l’effeuillage manuel, ou d’autres pratiques, créerait plus d’emplois, et surtout des emplois ne mettant pas en danger les travailleurs.
Par ailleurs, cette succession de dérogations met en péril d’autres secteurs de l’économie caribéenne. Je pense à la pêche et à l’aquaculture, qui subissent les conséquences de l’empoisonnement phytosanitaire jusqu’à mille mètres des côtes. Cela a entraîné, vous le savez, des interdictions de pêche.
Nous sommes très soucieux de l’emploi local, mais il est insensé de faire croire que la santé des bananeraies dépend de l’épandage aérien. De plus, il n’est vraiment pas raisonnable d’opposer aujourd'hui emploi, développement économique et santé de la population, alors que des solutions existent pour concilier ces différents paramètres.
M. Philippe Bas. Tant mieux !
Mme Aline Archimbaud. Plus de 1 200 médecins, dont de nombreux Ultramarins, ont d’ailleurs signé très récemment une pétition nationale pour que tous les produits phytosanitaires qui ne sont pas répertoriés en agriculture biologique et ceux qui sont des perturbateurs endocriniens ne soient plus utilisés, ni par voie aérienne ni par épandage terrestre, afin de respecter le droit à un environnement sain et à une eau saine. Toute la population française a droit à la santé !
Troisièmement, le groupe écologiste, monsieur le ministre, souhaite attirer votre attention sur le projet de loi-cadre pour la biodiversité, qui sera présenté en mars en conseil des ministres.
Ce texte prévoit, notamment, de soumettre l’exploitation de toutes les espèces sauvages et la recherche sur ces spécimens à l’autorisation de l’État ou des collectivités régionales. Seuls ceux qui justifieront de capacités techniques et financières suffisantes recevront ces autorisations, des sanctions étant prévues pour les hors-la-loi.
Le problème est que presque toutes les plantes locales, comestibles, médicinales, aromatiques et utilitaires, dans les outre-mer, sont considérées comme sauvages. Il y a donc un risque pour que cet « or vert » ne bénéficie pas au développement des territoires et pour que les populations locales ne profitent pas de ses retombées financières. Cette richesse en termes de biodiversité ne doit pas être accaparée par quelques grands laboratoires au détriment du reste de la population.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous comptons sur votre vigilance particulière dans ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre collègue Paul Vergès d’avoir pris l’initiative de ce débat. Il offre aux élus ultramarins la possibilité de s’exprimer et de partager avec l’ensemble des sénateurs leurs attentes, ainsi que leurs espoirs.
Notre collègue nous permet, aussi, de montrer que, contrairement aux préjugés, l’outre-mer n’est pas un poids, mais est un formidable atout pour notre pays, lequel est grâce à ses collectivités lointaines, présent dans tous les océans du monde.
Il n’en demeure pas moins que, du fait de notre éloignement de l’Hexagone, de notre insularité, de nos histoires et de nos traditions, nous avons des spécificités que la France a su respecter. Nous avons aussi des faiblesses structurelles que la France s’efforce de combler.
À Wallis-et-Futuna, le territoire le plus éloigné de la métropole, nous cumulons tous les handicaps.
Il y a vingt ans, dans l’euphorie de la prospérité occidentale, nous rêvions de la possibilité d’un développement fulgurant, autour de la pêche et du tourisme. Puis la réalité économique et sociale nous a rattrapés. D’autres puissances mondiales ont émergé et, surtout, la crise a surgi.
Dans un environnement mondialisé, loin de tout, mais dans une vaste Océanie où la plupart des pays ont un niveau de vie inférieur au nôtre, nous ne pouvions être compétitifs. Nos exportations seraient forcément trop chères. Mal desservi par une seule compagnie aérienne qui pratique des prix prohibitifs, notre développement touristique était mort-né.
Des monopoles d’importation rendent la vie terriblement chère à Wallis-et-Futuna, tandis que seulement 10 % de la population a un emploi rémunéré, dont les deux tiers dans le secteur public.
Et ce qui devait arriver arriva, hélas ! Nous sommes entrés dans une phase de décroissance démographique qu’il sera difficile d’enrayer.
Nous voilà donc revenus aux dures réalités, auxquelles il faut s’adapter sans délai.
Il y a une douzaine d’années, j’avais plaidé pour la mise en place d’une stratégie de développement, et cette notion, qui inclut la prospective, me semble plus que jamais d’actualité.
Tout en s’adaptant régulièrement, il faut apprendre à réfléchir sur le long terme ; concernant Wallis-et-Futuna, cette réflexion commence par un axiome de base, qui est l’importance géostratégique accrue du Pacifique et le basculement des États-Unis vers la zone Asie-Pacifique.
L’annonce de la visite du Président de la République dans la région à l’automne, ainsi que la récente visite du président du Sénat en Australie et en Nouvelle-Calédonie semblent montrer une évolution importante, et la prise de conscience par la France de cette nouvelle donne géopolitique. Je m’en réjouis, d’autant que l’année dernière, malgré la demande que j’avais formulée auprès du ministre des affaires étrangères, la France n’avait pas été représentée au niveau ministériel au Forum du Pacifique, alors que Mme Clinton, Secrétaire d’État à l’époque, avait fait le déplacement.
M. Bruno Sido. Lamentable !
M. Robert Laufoaulu. Cette absence avait été remarquée, et déplorée : je suis heureux que nos autorités s’en soient rendu compte !
J’en profite pour vous suggérer, monsieur le ministre, l’idée de relancer les sommets France-Océanie tels qu’ils se pratiquaient à l’époque du Président Chirac.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Bruno Sido. C’était le bon temps !
M. Robert Laufoaulu. Dans ce grand ensemble océanien, l’isolement de Wallis-et-Futuna est relatif. Certes, nous sommes à 2 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie, à 3 000 kilomètres de la Polynésie française et à 20 000 kilomètres de la métropole. Mais nous ne sommes qu’à 400 kilomètres de Samoa, à 800 kilomètres de Fidji, à 1 000 kilomètres de Tonga.
Pour autant, cette proximité géographique n’entraîne que trop peu d’échanges. L’histoire du XXe siècle nous a coupés de ces voisins anglophones, désormais éloignés de nous psychologiquement.
Pourtant, dans la pratique antérieure, il existait des liens forts avec ces pays, car des intérêts commerciaux, voire familiaux, étaient en jeu entre les Wallisiens et les Futuniens, d’une part, et plusieurs pays voisins, d’autre part. Si je prends mon propre exemple familial, un de mes oncles directs a été pendant de très longues années l’un des principaux ministres de Tonga.
Ces liens peuvent de nouveau être mobilisés aujourd’hui dans le cadre des relations politiques et commerciales, et ce levier devrait être utilisé par la diplomatie française.
Le renforcement des liens entre Wallis-et-Futuna et les pays de la région doit être une action à promouvoir. Cela se fera-t-il dans un cadre de coopération ou d’intégration ? Cette question fait, bien sûr, débat, mais je pense qu’une intégration n’est pas encore envisageable si on comprend dans ce vocable la participation à des actions de grande ampleur comme, par exemple, un marché commun tel que celui auquel se prépare la région anglophone à travers, notamment, le PICTA et le PACER, respectivement Pacific Islands Countries Trade Agreement et Pacific Agreement on Closer Economic Relations.
Les îles Wallis et Futuna doivent entrer dans une politique de coopération au travers de projets communs à mettre en place dans différents domaines, comme celui que le Fonds Pacifique vient de lancer, sur les transports.
C’est par de tels projets que nous réussirons peut-être, par une sorte de mutualisation, à faire par exemple baisser le coût du transport d’énergies fossiles, ou à mettre en place une desserte aérienne supplémentaire pour développer un peu de tourisme de circuit.
Cette logique de la coopération commande un renforcement et une intensification des liens, par exemple la participation au Forum comme membre associé, au même titre que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
Cette insertion ne peut se faire qu’avec l’implication des élus, qui doivent être les relais avec les pays de la région, comme le Président Jacques Chirac l’avait dit.
M. Joël Guerriau. Encore lui ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Toujours lui !
M. Robert Laufoaulu. Certes, dans notre statut de 1961, le préfet est le chef de l’exécutif, mais cette mainmise est mal ressentie par nos populations et plus encore par nos voisins, qui y voient comme un relent colonial.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très conscient de la nécessité de l’intégration régionale ; vous connaissez bien ce problème, vous aussi, dans l’environnement caraïbe.
Cela n’a rien à voir avec le lien affectif qui nous lie à la mère patrie. C’est simplement le réalisme qui doit nous guider, plus encore d’ailleurs dans ce contexte de crise.
La crise, cela veut aussi dire des restrictions budgétaires. Vous vous battez courageusement, monsieur le ministre, pour maintenir le soutien de l’État aux outre-mer. Grâce à votre volontarisme et à votre enthousiasme, auxquels je tiens à rendre vraiment hommage aujourd’hui, nous ne sommes pas laissés de côté.
M. Joël Guerriau. Un ministre chiraquien ! (Nouveaux sourires.)
M. Robert Laufoaulu. Mais l’outre-mer prend aussi sa part de l’effort budgétaire national, et c’est vrai que, pour le dernier cyclone à Wallis, nous avons eu moins de fonds destinés à la reconstruction que pour le précédent cyclone à Futuna.
Nous devons chercher des ressources propres pour alimenter le budget du territoire. À l’occasion de sa dernière mission à Paris, l’assemblée territoriale a rencontré les conseillers de Bercy, afin d’ouvrir une réflexion sur la mise en place d’une éventuelle fiscalité territoriale, puisque, je le rappelle, nous avons l’autonomie fiscale.
Il faut aussi absolument et vous l’avez encore dit récemment, monsieur le ministre, relancer le registre de Mata-Utu, qui est une composante du pavillon français. Tous les enregistrements que nous avons perdus l’ont été non pas au bénéfice du RIF, le registre international français, mais au bénéfice d’autres pavillons.
Je remercie le député Arnaud Leroy de m’avoir auditionné, dans le cadre de son rapport, et d’avoir proposé d’autoriser les casinos embarqués pour les navires enregistrés à Mata-Utu, qui sont essentiellement des navires de croisière touristique.
Nous avons besoin de votre soutien, monsieur le ministre, pour obtenir du ministère de l’intérieur cette autorisation. Aidez-nous à être compétitifs et attractifs ! Plus de navires enregistrés, c’est plus de ressources pour le territoire. Une taxation des casinos embarqués, c’est aussi plus de ressources pour le territoire et c’est, en conséquence, moins de pression sur le budget de l’État.
J’espère une autre source de revenus dans l’avenir, pour le territoire, avec la probable exploitation de nos fonds sous-marins. Les campagnes d’exploration menées sous la direction de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, conjointement avec le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, Technip et Eramet, semblent très prometteuses. Mais nous sommes pour le moment trop peu associés aux négociations menées entre l’État et ces entreprises. Il faut absolument que le territoire, ses élus, sa chefferie, soient pleinement intégrés dans les décisions qui seront prises et dans la réflexion sur le volet outre-mer du code minier.
Certes, à l’inverse de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, nous ne sommes pas des décisionnaires indépendants aux termes du statut de 1961.
Pour autant, rien, absolument rien ne saurait se faire dans le dos de nos populations. L’environnement doit être respecté et notre mode de vie préservé. Bien sûr aussi, nous devons être les premiers bénéficiaires de l’exploitation de nos fonds marins, que ce soit en termes financier ou en termes de création d’emplois.
En attendant d’avoir ces développements et ces ressources futures, nous devons prioriser notre action. Nous devons, dans le cadre de l’accord particulier, poursuivre avec la Nouvelle-Calédonie un fructueux et permanent dialogue.
Je partage les préoccupations exprimées par Pierre Frogier au sujet du moment difficile que traverse aujourd'hui la Nouvelle Calédonie, qui demeure notre partenaire naturel ; nos liens sont anciens, une importante communauté wallisienne et futunienne y est installée depuis trois générations.
Aujourd’hui, la dette que l’agence de santé de Wallis-et-Futuna a contractée à l’égard de la Nouvelle-Calédonie empoisonne nos relations.
La santé étant de la compétence de l’État, cette dette doit être apurée par l’État. Il faudrait vraiment que cet apurement intervienne sans attendre, conformément à ce que le Président de la République a affirmé en novembre, lorsqu’il a reçu la délégation de Wallis-et-Futuna.
Nous devons aussi faire baisser le coût de la vie sur le territoire. Quand 10 % seulement de la population a un emploi rémunéré, comment peut-on avoir une des électricités les plus chères du monde ?
Vous l’avez bien compris, monsieur le ministre, et vous avez pris le problème à bras-le-corps. La lutte contre la vie chère est une priorité dans tous les outre-mer, et c’est avec beaucoup de courage que vous vous êtes attaqué au problème. Les populations ultramarines vous en sont reconnaissantes.
Où en sommes-nous, monsieur le ministre, dans la rédaction des ordonnances qui doivent être prises pour l’application à Wallis-et- Futuna de la loi de régulation outre-mer ?
Concernant le coût de l’électricité à Wallis-et-Futuna, des pistes ont été ouvertes grâce au rapport de la Commission de régulation de l’énergie. Un avenant a été préparé par l’entreprise concessionnaire, qui devrait entraîner une légère baisse. Mais on peut et on doit mieux faire. Surtout, à terme, nous devons être moins tributaires des énergies fossiles.
Lors d’un colloque que je parrainais il a quinze jours, au Sénat, sur l’autonomie énergétique dans le Pacifique Sud, j’ai rappelé que notre voisin Tokelau était devenu l’an dernier la première nation au monde dont l’électricité provient intégralement du photovoltaïque.
Vous avez ouvert de très utiles pistes de réflexion avant-hier sur les dispositifs fiscaux à trouver pour les collectivités d’outre-mer ressortissant à l’article 74 de la Constitution. Je souscris pleinement à ce que Brigitte Girardin a dit à l’occasion cette réunion que vous présidiez. Il faut un système adapté à chaque collectivité.
La défiscalisation du logement social est pour Wallis-et-Futuna sans objet. En revanche, un dispositif, qui reste à inventer, permettant de favoriser la transition énergétique doit être mis en place pour notre territoire. La fin de la défiscalisation du photovoltaïque nous a pénalisés, mais ne peut-on trouver un dispositif fiscal en faveur des énergies marines renouvelables ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Robert Laufoaulu. J’ai, semble-t-il, dépassé mon temps de parole… (Exclamations amusées sur diverses travées.)
M. le président. À peine…
M. Robert Laufoaulu. Je peux donc continuer ! (Rires et exclamations sur la plupart des travées.)
M. le président. J’applique le principe de tolérance en fonction du nombre de kilomètres parcourus pour gagner l’hémicycle, mais n’en abusez pas ! (Sourires)
M. Éric Doligé. M. Chirac vous aurait certainement autorisé à terminer votre intervention. (Nouveaux sourires.)
M. Robert Laufoaulu. Je conclurai donc en disant qu’il faut nous aider à développer les filières agricoles, monsieur le ministre.
En vous remerciant de votre patience, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tel est l’essentiel de mon propos. Je reverrai M. le ministre pour lui chuchoter à l’oreille ce qu’il me restait à dire ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous dire toute ma satisfaction quant à la tenue de ce débat sur la situation des outre-mer au sein de la Haute Assemblée, un débat qui témoigne de l’intérêt que le Sénat et vous-même, monsieur le ministre, ainsi que votre ministère portez à tous les outre-mer.
Cet intérêt, vous l’avez démontré lors de votre venue à Saint-Pierre-et-Miquelon, en février 2013, au cœur de l’hiver. Ce déplacement chez nous quelque huit mois seulement après votre nomination vous a permis de vous confronter aux réalités de notre territoire.
Vous avez pu mesurer les sérieuses difficultés auxquelles mon archipel doit faire face : une économie en berne, une continuité territoriale inefficace, une politique de santé balbutiante.
Si la période que nous traversons est synonyme d’incertitudes, il faut malgré tout garder espoir. Il nous faut rester mobilisés, inventifs, solidaires. La situation exige des réponses et des solutions innovantes que nous devons rechercher collectivement.
La pêche doit redevenir une activité porteuse pour l’archipel. Il faut la penser autrement. Une diversification s’impose. Il nous faut transformer et proposer des produits avec de la valeur ajoutée. Pour cela, il faut identifier et quantifier toutes les espèces dont nous disposons pour déterminer celles qui peuvent être exploitées localement. Il faut aussi des outils de travail performants et correctement dimensionnés.
Quand les volontés et les projets structurants émergent, il faut les encourager, les accompagner. Si nous sommes tous bien conscients que l’on ne retrouvera jamais l’activité d’autrefois, il y a malgré tout suffisamment de ressources pour faire vivre un pôle pêche sur chaque île.
La question du plateau continental mérite également d’être abordée ici aujourd’hui. Le Président François Hollande s’est engagé à déposer un dossier en avril pour l’extension de la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre du programme EXTRAPLAC, extension raisonnée du plateau continental.
Vous avez vous-même réaffirmé, monsieur le ministre, la détermination du Gouvernement sur ce dossier lors de la résolution adoptée il y a quelques jours à l’Assemblée nationale. Mes concitoyens et tous les élus sont mobilisés sur ce dossier. Nous sommes très attentifs car, vous l’avez bien compris, cette revendication d’un plateau continental étendu reste l’ultime alternative si l’on veut reconstruire un avenir économique pour les Saint-Pierrais et les Miquelonnais. Il y va aussi de la place de la France sur toute la surface du globe en tant que deuxième puissance mondiale de par ses outre-mer.
Je suis aussi de celles et ceux qui pensent que l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon a un rôle déterminant à jouer en tant que porte d’entrée de l’Europe en Amérique du Nord. C’est une occasion à saisir, tout comme l’est sa position géographique dans le cadre de l’ouverture de la route du Nord-Ouest.
Dans cette optique, le projet Grand port, qui englobe la création d’un terminal à conteneurs à Saint-Pierre et une nouvelle vision de la desserte maritime régionale, ouvre bien des perspectives de développement économique. Nos ports, en tant que ports d’intérêt national, doivent aussi être modernisés tant pour la pêche que pour la plaisance.
Dans ce cadre aussi, je reste très inquiète des conséquences de l’accord économique entre l’Union européenne et le Canada. Cet accord sera préjudiciable à mon archipel, car il ne tient pas compte de ses intérêts économiques et il mettra en péril son positionnement comme « tête de pont » de l’Europe en Amérique du Nord.
Le tourisme pourrait être l’un des axes de développement intéressants au vu des richesses naturelles, historiques et culturelles de l’archipel. Mais, tant que les problèmes de desserte ne seront pas réglés, et malgré toute la bonne volonté des acteurs sur le terrain, nous ne pourrons mettre en place une réelle économie touristique. Le prix du billet d’avion pour venir sur l’archipel est prohibitif et venir en bateau depuis Terre-Neuve reste très aléatoire.
Chez nous, nous devons mobiliser les énergies à tous les niveaux pour jeter les bases d’un développement économique nouveau, cohérent, réfléchi, avec des projets ancrés sur le territoire, des projets créateurs d’emplois.
Mais nous avons aussi encore besoin de l’écoute et de l’appui du Gouvernement.
S’agissant des collectivités, l’État nous aide beaucoup. J’en veux pour preuve la toute récente annonce concernant la dotation du Fonds exceptionnel d’investissement, qui permettra de sécuriser l’approvisionnement en eau potable de la ville de Saint-Pierre et d’avancer sur le dossier important du traitement des déchets au niveau de l’archipel. Pour la commune de Saint-Pierre et son modeste budget directement lié à l’activité économique et à la répartition, particulièrement inégale, des richesses de l’archipel – le statut met les communes sous la tutelle financière du conseil territorial –, cette aide est précieuse, et je vous remercie, monsieur le ministre.
Les Saint-Pierrais et les Miquelonnais ont besoin que vous continuiez à les aider à appréhender les « spécificités » de notre archipel, non pas comme des handicaps mais bien comme des richesses, des défis à relever, des atouts à valoriser.
Je crois au soutien sans faille du gouvernement de gauche pour nous accompagner, pour nous aider à mener à bien des projets qui redonnent espoir aux jeunes afin qu’ils deviennent des hommes et des femmes libres, créatifs et capables de participer à l’avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en paraphrasant Verlaine, de dire comme lui mon rêve, « un rêve étrange et pénétrant » non pas d’une femme inconnue, comme l’illustre poète, mais d’un outre-mer aux mille visages, et que j’aime, et qui m’aime et qui n’est chaque fois ni tout à fait le même ni tout à fait un autre, et m’aime et me comprend… (Sourires.)
Oui, monsieur le ministre, je fais ce rêve d’un outre-mer qui, enfin, ne serait plus à la traîne de la métropole, ne serait plus la cinquième roue du carrosse France, mais qui, au contraire, profitant pleinement de ses atouts et de ses positions géographiques autour de la planète, constituerait un réseau d’innovation, de dynamisme voire d’audace pour montrer à notre vieille et douce France la voie du futur et de la conquête économique, sociale et culturelle.
L’outre-mer n’est pas une séquelle du passé, quelque reste de l’Histoire. Absolument pas ! Il incarne au contraire la force de notre avenir, de l’avenir de la France tout entière, dans ce monde en pleine mutation où nous avons besoin de points d’ancrage dans les zones en expansion ou de renouveau.
Nous le savons tous, les centres d’intérêt de notre planète sont en train de se déplacer, en particulier vers l’Asie, le Pacifique et les zones tropicales des grands océans. Il serait temps d’en prendre réellement conscience par des actes concrets. Or nous ne donnons pas l’impression d’anticiper cette évolution. Il le faut, pourtant, si nous voulons continuer à compter sur le plan international.
Si elle ne veut pas être dépassée, l’Europe doit, elle aussi, en tant qu’union, se donner les moyens d’exister pleinement dans le concert des nations. Dans ce contexte, le rôle de la France est également fondamental en tant que moteur de développement. Ses départements et ses collectivités d’outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie lui offrent des moyens d’action dont ses partenaires ne disposent pas dans la même ampleur, sans compter le formidable relais que représentent les Français de l’étranger partout dans le monde.
Il est donc temps, monsieur le ministre, de mettre en avant nos richesses ultramarines, dont l’enjeu stratégique mérite notre compréhension et tous nos efforts. N’oublions pas l’immense zone économique exclusive maritime que nous apporte l’outre-mer, mais aussi les minerais, les terres rares, les énergies du futur, la proximité avec la prochaine modernité.
M. Philippe Bas. Très juste !
M. Christian Cointat. Donnons-lui sa chance et sortons enfin, monsieur le ministre, de ce qui demeure, qu’on le veuille ou non, une forme d’assistanat, pour entrer dans une ère de véritable développement partagé pour un bénéfice commun.
Ce rêve qui hante mes pensées peut devenir réalité si la volonté est au rendez-vous. Comme le disait Churchill, « toute volonté trouve son chemin. » Il suffit que les autorités de notre pays se convainquent que tout doit être fait pour que l’outre-mer ne soit plus à la remorque et devienne lui aussi, là où c’est possible, le « train avant » directeur de la France. Cela suppose, d’abord, d’en avoir la conviction et, ensuite, de se donner les moyens de changer la configuration de l’attelage.
Certes, les difficultés budgétaires ne nous aident pas et rendent les contraintes encore plus délicates. Mais l’enjeu est de taille et l’avenir n’attend pas. Il est indispensable que l’outre-mer puisse véritablement prendre son envol économique, social et stratégique vers les horizons prometteurs que nous souhaitons tous atteindre.
Commençons, au moins dans une première phase, par transformer ce rêve en une vision collective de la France de demain, dans laquelle l’outre-mer serait en pointe, en son nom, dans toutes les zones de renouveau du monde. Cette vision, il me semble l’avoir retrouvée dans les propos de notre collègue Paul Vergès.
Prenons, par exemple, le cas de la Nouvelle-Calédonie. Si, comme je le souhaite de tout cœur, elle choisit, le moment venu, de rester française, ne serait-il pas plus efficace, compte tenu de sa position privilégiée dans le Pacifique et de tous les atouts dont elle dispose, que ce soit elle qui, avec la Polynésie, porte les intérêts de la France dans cette région du monde et parle en son nom ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
À propos de la Calédonie, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse. Les Calédoniens sont en effervescence. Je reçois des pétitions, des protestations, des appels à soutien sur deux sujets.
L’un, qui a été évoqué par Pierre Frogier, est relatif aux listes électorales pour les élections provinciales, dont les indépendantistes demandent le retrait de près de 7 000 inscrits. Or ces listes sont déjà gelées, ce qui est, vous en conviendrez, assez spécial en démocratie. Il est donc souhaitable de ne pas aller au-delà du raisonnable…
L’autre sujet concerne le traitement qui serait réservé au Haut-Commissaire, pourtant un grand commis de l’État et un serviteur loyal de la France. Je le connais, et je peux garantir ses qualités.
Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre ? Car nous sommes inquiets. Les réseaux sociaux bourdonnent ; ce n’est pas bon signe. Pouvez-vous nous dire clairement, en vous appuyant sur des actes concrets, que le Gouvernement n’est pas en train d’abandonner la France en Nouvelle-Calédonie ? Nous avons besoin d’en être certains.
Je referme la parenthèse néocalédonienne pour évoquer la Guyane. Tout le monde sait que le Brésil est promis à un bel avenir. Nous avons tout intérêt à privilégier le rôle de la Guyane dans nos relations avec ce grand pays.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut multiplier les exemples de ce que peut nous apporter l’outre-mer. Mais, avant l’action politique, il faut bien entendu, comme l’ont dit de nombreux orateurs avant moi, régler les retards économiques et sociaux.
Si l’explosion que j’appelle de mes vœux pour propulser les ultramarins vers des lendemains heureux n’est pas immédiatement au rendez-vous, en raison de la crise financière, vous pouvez, monsieur le ministre, par cette vision partagée du futur et des lignes directrices claires, ne pas briser le rêve, et nous laisser l’espérance.
Si, déjà, le ministère des outre-mer pouvait rassembler et maîtriser la totalité de l’effort budgétaire de l’État pour tout le domaine dont il a la charge, cela donnerait un sens et une force concrète à la vision que j’évoquais précédemment. Elle pourrait prendre réellement corps.
Vous pouvez d’autant mieux y arriver, monsieur le ministre, qu’une politique bien comprise à l’égard de l’outre-mer ne peut être ni de gauche, ni du centre, ni de droite : elle doit être celle de la France en tant que telle, de la France tout entière. Nous avons des devoirs à l’égard de nos compatriotes ultramarins, mais ils nourrissent aussi des attentes au sein de notre grande communauté française.
Il nous revient de faire en sorte qu’ils occupent au cœur de la nation la place – et toute la place – qui leur revient naturellement. Alors, à leur tour, ils pourront le moment venu nous faire bénéficier de leur proximité des centres névralgiques du futur, comme de leur expérience du terrain au sein des différents continents, au contact des réalités d’un monde en mouvement et qui n’attend pas.
Oui, l’avenir de l’outre-mer, c’est notre avenir à tous. Comme disait Henri Bergson, « l’avenir n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons faire. » Alors, faites-le, monsieur le ministre ! Courage ! Franchissons enfin le boulevard périphérique qui nous étrangle dans Paris, et faisons vivre pleinement tous ces beaux coins de France, si loin soient-ils ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l’initiative de notre collègue Paul Vergès et de son groupe : ce débat sur la situation des outre-mer nous offre une excellente occasion d’interpeller le Gouvernement sur les maux dont souffrent nos régions respectives, maux qui sont les mêmes, comme vous avez pu l’entendre de la bouche des orateurs qui m’ont précédé, à savoir un PIB faible, un seuil de pauvreté élevé, un taux de chômage parmi les plus importants de France, une situation sanitaire déplorable, un déficit de logements, de l’habitat insalubre, une insécurité, pour ne citer que les principaux.
Face à ce constat de sous-développement, voire de non-développement persistant, en dépit d’une politique d’assistanat et de rattrapage menée depuis fort longtemps, des questions s’imposent.
Monsieur le ministre, le moment n’est-il pas venu de déclarer en faillite ce mode de développement des outre-mer ? Ne faut-il pas le revoir et le corriger, en mettant l’accent sur une meilleure reconnaissance des situations ultramarines et une plus grande adaptation à leur diversité ? Les outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène : chaque région d’outre-mer est différente, et des pistes spécifiques doivent être envisagées pour chacune d’entre elles.
C’est ainsi que, trop souvent, trop facilement, la Guyane est purement et simplement assimilée aux autres petites économies insulaires des autres départements et régions d’outre-mer. Par conséquent, les mesures et dispositions qui sont prises en faveur de ces derniers lui sont appliquées, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec celui des îles.
Le territoire de la Guyane est continental, d’une superficie terrestre de près de 90 000 kilomètres carrés ; il dispose d’une zone économique et exclusive de 130 140 kilomètres carrés, et de ressources tout à fait essentielles qui ne sont pas exploitées, ou qui le sont peu ou mal.
La Guyane a des spécificités : l’occupation humaine de son espace territorial, qui laisse à penser qu’un équilibrage est possible ; le taux de croissance exceptionnel de sa population, qui offre une large diversité en termes non seulement historiques, ethniques, culturels, linguistiques, mais aussi administratifs !
Voilà des éléments qui distinguent radicalement la Guyane des autres DROM, et dont il faut absolument tenir compte dans la réflexion sur son développement.
Or on nous impose, au nom d’enjeux universels, et par mimétisme avec les pays développés, des modalités de gestion de notre territoire qui sont celles de régions où la croissance économique s’est faite à partir d’une exploitation peu rationnelle de ressources naturelles ou non renouvelables, et où il est devenu indispensable de ménager des espaces sauvegardés, préservés.
Ce que nous voulons, nous, c’est assurer à la Guyane un développement durable, supprimer des inégalités criantes devant l’accès à l’emploi et aux ressources et atteindre finalement un bien-être social satisfaisant.
Nous en avons les moyens, nous, en Guyane, et nous pouvons y parvenir si nous est laissée la possibilité d’élaborer une conception spécifique de notre développement. Il n’est pas là question d’une remise en cause du statut de la Guyane par rapport à la France, mais, dans le champ économique, la Guyane doit pouvoir se distinguer, si elle ne veut pas définitivement rester le « mauvais élève » de la République, celui qui est à la traîne.
Notre démarche doit donc reposer sur les capacités guyanaises en hommes et en qualifications. Elle devra être définie avec l’ensemble de la population, dans un esprit de partenariat. Nous ne pouvons plus éternellement nous en remettre à d’autres pour construire la Guyane de demain.
C’est tout le sens, monsieur le ministre, que l’on doit donner au « pacte pour l’avenir » entre l’État et la Guyane, annoncé par le Président de la République lors de son récent passage chez nous.
Je ne pourrai terminer mon propos, monsieur le ministre, sans évoquer trois questions d’actualité.
La première porte sur l’approvisionnement en carburants routiers de la Guyane. Le Suriname, notre voisin, aura d’ici à la fin d’année du carburant aux normes Euro 5, ce qui est largement suffisant pour le niveau des normes exigées par l’Union européenne. Pouvons-nous alors escompter, à partir de cette date, une sortie du dispositif d’approvisionnement par la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles ?
La deuxième question est relative au bouclier qualité-prix. Si les prix des produits listés ont été contenus en Guyane, puisque le prix du panier a parfois été inférieur à celui qui avait été fixé au départ, en accord avec les distributeurs, la population exprime néanmoins un ressenti négatif.
En effet, le prix du bouclier est global et non par article, pour une liste qui comprend entre 90 et 150 articles. Comme il est très rare qu’un consommateur achète tous les produits de la liste, il ne peut, très souvent, vérifier que les prix des produits qu’il achète sont moins élevés qu’avant la mise en place du bouclier. C’est l’un des points qu’il vous faudra examiner, monsieur le ministre, lors des toutes prochaines négociations sur le bouclier qualité-prix, qui auront lieu, me semble-t-il, dans le courant du mois de mars.
La troisième et dernière question – et non la moindre, et elle me préoccupe, ainsi que d’autres, depuis fort longtemps – porte sur l’octroi de mer. De très fortes inquiétudes se sont exprimées quant à sa prorogation. J’espère que vous pourrez les lever. Les propos que vous avez tenus la semaine dernière, lors de votre audition par la délégation à l’outre-mer de l’Assemblée nationale, semblaient indiquer que l’octroi de mer ne serait prorogé que de quelques mois.
Pouvez-nous nous donner davantage de précisions ? Quel serait le calendrier parlementaire ? Il est inutile de vous rappeler toute l’importance de cette taxe pour nos régions déjà très affaiblies financièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le doyen, cher Paul Vergès, mes chers collègues, à l’heure où une timide embellie économique semble se dessiner sur le continent européen, en particulier en France, de nombreux indicateurs restent au rouge dans les outre-mer, en dépit d’un effort budgétaire certain ou de diverses mesures prises, notamment, pour lutter contre la vie chère.
À ce titre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les dernières évaluations de l’évolution des prix pour 2013 ?
Des avancées ont également été obtenues à Bruxelles dans la négociation de dossiers européens à forts enjeux pour nos territoires. Je pense, bien sûr, à la pêche ou à la fiscalité du rhum traditionnel des départements d’outre-mer, dossiers sur lesquels notre délégation à l’outre-mer a fait adopter par la Haute Assemblée des propositions de résolution qui ont « épaulé » le Gouvernement dans ses démarches.
Malgré ces efforts réels, la situation socioéconomique reste plus que préoccupante et les défis sont de plus en plus difficiles à relever dans une période qui, à maints égards, apparaît comme charnière pour nos outre-mer.
Aux difficultés structurelles liées aux caractéristiques de nos économies – faible diversification de la production, forte dépendance aux approvisionnements extérieurs et importance des surcoûts, vulnérabilité climatique, prédominance des TPE dans le tissu économique, ou encore forts différentiels de compétitivité dans l’environnement régional – s’ajoutent aujourd’hui d’autres facteurs de complexité qui vont peser lourd.
Je pense tout d’abord aux dynamiques démographiques de nos territoires : elles doivent être prises en compte dès aujourd’hui dans les politiques publiques. Ces dynamiques, qui divergent selon les territoires, supposent la définition immédiate de priorités : si les Antilles sont confrontées au vieillissement de leur population, d’autres départements, comme la Réunion, Mayotte ou la Guyane, doivent déjà ou vont devoir gérer une explosion démographique, avec ce que cela implique en termes de réalisation de structures éducatives, de création de foyers d’hébergement ou de construction de logements.
Ainsi, une enquête récente menée par l’INSEE et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la Guyane estime à 160 000 le nombre de logements à réaliser d’ici à 2040, ce qui imposerait une cadence de construction de plus de 5 000 logements par an, chiffre à mettre en regard des 3 320 logements sociaux construits entre 2009 et 2012.
Je profite de cette occasion pour rappeler que la sanctuarisation de la ligne budgétaire unique ne doit pas empêcher d’envisager d’autres dispositifs afin d’anticiper des phénomènes d’une pareille ampleur et d’être à même d’y faire face. La délégation sénatoriale à l’outre-mer avait demandé d’évaluer la pertinence, pour le financement du logement social dans nos territoires ultramarins, de la mise en place d’un prêt bonifié de type « PTZ », qui se substituerait au dispositif de défiscalisation. Où en est-on sur ce sujet, monsieur le ministre ?
Un autre facteur de complexification d’une situation déjà particulièrement tendue tient à la difficulté des instances européennes à prendre en compte les contraintes propres aux outre-mer.
Malgré les possibilités d’adaptation et de dérogation théoriquement offertes par l’article 349 du traité de Lisbonne, les instances européennes, notamment la Commission, persistent à s’en tenir à une interprétation restrictive. La politique commerciale de l’Union européenne constitue, en outre, une menace permanente pour nos productions locales : banane, rhum, sucre, pêche… Les dispositifs de compensation, qui interviennent par définition a posteriori, ne suffiront pas à sauvegarder ces filières, en l’absence de dispositif régulateur en amont permettant d’atténuer les effets dévastateurs des différentiels de compétitivité avec des pays producteurs qui ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales, sanitaires ou environnementales.
Bien évidemment, la sauvegarde de ces productions nécessite aussi d’imaginer des positionnements de niche et d’anticiper certaines échéances qui modifieront radicalement la donne, telle la suppression des quotas sucriers en 2017. Sur ce point, monsieur le ministre, où en est l’expertise que vous nous avez annoncée lorsque nous vous avons auditionné au mois de novembre dernier ?
Pour certains de nos territoires, les évolutions institutionnelles à venir ou en cours peuvent également ajouter aux difficultés. Ainsi, la mise en œuvre concrète de la fusion du département et de la région en Martinique et en Guyane, si elle facilitera la gouvernance après 2015, est susceptible de faire naître des tensions pendant la phase transitoire. Il faudra également veiller à ce que cette réforme ne soit pas l’occasion de confondre approfondissement des libertés locales et désengagement de l’État. De même, certaines phases du calendrier institutionnel calédonien pourraient se révéler délicates. Par ailleurs, les évolutions induites à Mayotte par l’acquisition du double statut de département et de région ultrapériphérique, par exemple la mise en place de la fiscalité, constituent également des défis à relever.
Ces échéances de diverses natures et ces transitions, qui représentent des tournants majeurs pour les territoires concernés, appellent un accompagnement particulièrement attentif de la part des autorités étatiques. Or, celles-ci n’ont pas toujours une juste vision des réalités ultramarines. Cette posture est même, parfois, délibérée. Nous avons pu le vérifier en ce qui concerne les incidences économiques des dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement dans les outre-mer ; si ce qu’il est convenu d’appeler la « défiscalisation » n’est pas la panacée, elle a eu néanmoins le mérite de drainer des financements, alors que le système bancaire se montre toujours très frileux. (M. le ministre opine.) D’ailleurs, monsieur le ministre, qu’en est-il de la mise en place du nouveau crédit d’impôt et des modalités de préfinancement qui conditionnent son effectivité ?
Le dernier rapport annuel de la Cour des comptes, qui, dans ses développements relatifs à la situation du tourisme dans les outre-mer, n’oublie pas de fustiger une nouvelle fois, au passage, la défiscalisation, fournit un magnifique exemple –un de plus – de cécité comptable : il passe quasiment sous silence la question des différentiels de compétitivité avec les pays voisins en tant que freins au développement du tourisme dans les outre-mer. Il fait également fi de l’impossibilité, pour les hôtels des Antilles, de sortir de l’engrenage de l’accumulation des dettes fiscales et sociales, qui les empêche d’emprunter et de monter des dossiers de financement pour rénover l’offre.
Monsieur le ministre, quels dispositifs envisagez-vous de mettre en œuvre pour permettre aux établissements hôteliers d’apurer cette dette sociale et fiscale, préalable à la rénovation et à l’amélioration de l’offre touristique ? Quid de la proposition de concours financier de l’Agence française de développement, dans le cadre d’un plan de rénovation et de développement présenté par la région Martinique ?
Cette problématique affecte malheureusement une grande partie du tissu économique, constitué essentiellement de très petites entreprises. À cet égard, monsieur le ministre, il faudra prendre garde à ce que la réforme à venir de l’octroi de mer ne donne pas à ces dernières le coup de grâce !
Dans ce contexte difficile et mouvant, où les inquiétudes sont légion, où la violence et la délinquance explosent et où la jeunesse, victime de taux de chômage battant tous les records, est si souvent en désespérance, la restauration de la confiance passe par des signaux forts et des actions structurantes.
Les potentiels ultramarins, notamment en matière d’économie maritime et de biodiversité, sont tout à fait remarquables, et nos territoires sont souvent pionniers dans les secteurs innovants. Cependant, on se contente encore trop souvent d’invoquer ces potentiels dans des discours incantatoires ! Saisir les chances de développement liées aux potentiels de nos territoires suppose d’élever le niveau de formation de nos populations.
C’est là un enjeu prioritaire, et la réforme en cours de l’université doit permettre d’y répondre. Le groupe de travail commun à la délégation sénatoriale à l’outre-mer et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication créé en novembre dernier remettra prochainement ses conclusions. Elles permettront de nourrir l’ordonnance qui organisera cette réforme.
Enfin, condition sine qua non pour le développement économique de nos territoires, il faut ménager davantage de stabilité et de visibilité pour les acteurs économiques ultramarins. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me serait difficile, je l’avoue, d’accepter la belle mission, proprement démiurgique, que M. Cointat a bien voulu me confier : passer du rêve à la vision, de la vision à l’espérance… Seuls les peuples des outre-mer sont à même de transformer le réel.
Je tenterai, plus modestement, de répondre à toutes les interrogations qui m’ont été adressées.
Je voudrais tout d’abord remercier le groupe CRC du Sénat, singulièrement le sénateur Paul Vergès, d’avoir choisi d’inscrire à l’ordre du jour de votre assemblée ce débat sur la situation des outre-mer.
Cette initiative a permis aux sénateurs d’évoquer les problématiques de leurs territoires, comme ils ont l’habitude de le faire lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », examen dont ils ont cependant été une nouvelle fois privés, à l’automne dernier, en raison du rejet de la première partie du projet de loi de finances.
En préambule, permettez au ministre que je suis de vous donner sa vision de la situation des outre-mer. Je crains de manquer de temps pour évoquer le changement de modèle économique, de vision, d’idéologie, pour ne pas dire de paradigme, que d’aucuns ont appelé de leurs vœux.
J’entends non pas dresser un bilan – celui-ci, par définition, se fera après moi –, mais rappeler la philosophie de l’action engagée par le gouvernement de Jean Marc Ayrault dans les outre-mer depuis vingt et un mois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage bien évidemment les inquiétudes que vous exprimez régulièrement sur le niveau atteint par le chômage dans les outre-mer.
M. Philippe Bas. Pas seulement outre-mer !
M. Victorin Lurel, ministre. C’est ce constat, plus qu’alarmant, qui a précisément justifié que l’État opère un véritable retour dans les outre-mer, après dix ans de désengagement manifeste.
Ce retour d’un État volontariste dans les outre-mer a eu une traduction concrète dans la loi de finances rectificative pour 2012 et dans les lois de finances initiales pour 2013 et 2014, en cohérence avec les engagements du Président de la République.
Dès le mois de mai 2012, nous avons mis en œuvre une stratégie globale, s’inscrivant dans la durée et, j’ose le dire, sous-tendant un changement structurel. Cette démarche a trouvé sa traduction dans la loi relative à la régulation économique outre-mer ; on ne saurait la réduire à la seule mise en place du « bouclier qualité-prix », qui est certes une mesure importante. Je le redis, nous avons adopté une vision stratégique pour faire évoluer les structures fondamentales de nos économies.
Cette loi importante, adoptée quelques mois à peine après ma prise de fonctions, s’attaque aux racines des difficultés que nous traversons en donnant les moyens de lutter contre les rentes et les exclusivités et de renforcer la concurrence et la transparence, au bénéfice du consommateur, du pouvoir d’achat et de l’emploi. J’aurai l’occasion d’y revenir, notamment en répondant à différents orateurs, mais je veux rappeler que la lutte contre la vie chère permet également de favoriser le développement de la production locale et donc, in fine, l’emploi.
Cette stratégie, vous en voyez également la concrétisation dans les priorités que permettent de servir les moyens d’intervention du ministère, notamment, c’est vrai, au travers des dispositifs de soutien à l’emploi – exonérations, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, service militaire adapté, création de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, la LADOM –, mais aussi via le maintien d’une défiscalisation mieux encadrée et l’expérimentation d’un nouvel outil de financement, tout aussi avantageux et potentiellement plus efficient : le crédit d’impôt.
Monsieur le sénateur Vergès, la réussite de cette expérimentation est pour moi une priorité. Vous avez raison : les conditions de son préfinancement sont essentielles. Je me suis engagé dans ce travail, conjointement avec le ministre du budget, en ayant le souci d’y associer directement les représentants des milieux économiques. Une instruction est en cours de préparation.
Je rappelle qu’il ne s’agit néanmoins là que d’outils, qu’il faut mettre au service d’une cohérence d’ensemble.
Le plan d’action pour la croissance, le développement et l’emploi dans les économies ultramarines que je présenterai dans les prochains mois devra repenser l’articulation de l’ensemble des dispositifs, existants ou à inventer, concourant à soutenir la création de valeur ajoutée et d’emplois, afin de promouvoir un modèle durable et compétitif pour les outre-mer. Nous allons nous atteler à définir ensemble cette vision globale, qui est ce qui nous a le plus manqué jusqu’à présent.
Madame Assassi, sachez que cette remise à plat ne vise absolument pas à tout remettre en cause ou à discuter des « avantages acquis » !
Je me garde naturellement de tout triomphalisme, mais les premiers résultats de cette nouvelle politique sont en train de se faire sentir. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Outre les résultats obtenus en matière de lutte contre la vie chère, sur lesquels je reviendrai, trois signes très encourageants attestent de la justesse de notre politique outre-mer.
Tout d’abord, même s’il faut rester prudent et si nous ne disposerons que ce soir des données concernant le mois de janvier, les chiffres attestent que, depuis un an, dans nos régions ultramarines – à l’exception, malheureusement de la Guyane –, l’inversion de la courbe du chômage des jeunes est engagée. (M. Éric Doligé s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. C’est une plaisanterie ?
M. Victorin Lurel, ministre. Au reste, la progression du taux général de chômage est aujourd’hui bien moindre qu’en métropole.
Parmi ces signes encourageants figure également l’amélioration de la situation de nos entreprises locales au regard des dettes fiscales et sociales. Cela témoigne que l’état de leur trésorerie s’améliore sensiblement. (Mme Éliane Assassi manifeste son scepticisme.) On est encore loin du compte, mais la situation évolue dans le bon sens.
Ainsi, à la fin de 2013, le taux d’impayés s’élevait à 16 % pour les DOM, soit une baisse de 3,8 points par rapport à l’an dernier et une diminution de la dette sociale de plus de 142 millions d’euros en un an seulement. Nous venons de loin, mais un reflux s’amorce.
Les taux s’améliorent pour la majorité des catégories de cotisants : ainsi, on constate une baisse de 3,3 points pour le secteur public et de 1,6 point pour le secteur privé. Le taux des entreprises privées de plus de neuf salariés s’améliore de 0,8 point, et celui des plus petites entreprises de plus de 2 points durant cette même période. Il convient de le signaler.
Enfin, l’indicateur du climat des affaires établi par l’IEDOM, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, qui poursuit sa progression au quatrième trimestre de 2013, confirme un regain de confiance et reflète un contexte économique plus optimiste.
Naturellement, notre effort doit se poursuivre et s’amplifier, mais il est bon, dans cette période de sinistrose générale, de le dire : les signaux sont positifs, même si beaucoup reste à faire.
C’est tout l’objet du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République, qui sera décliné dans les outre-mer.
En effet, les économies ultramarines n’ont pas encore retrouvé le chemin d’une croissance pérenne. La persistance d’un taux de chômage élevé en est le principal symptôme.
Handicapées par leur insularité et l’étroitesse de leur marché domestique, les économies ultramarines sont fragiles et mal armées pour affermir leur développement et affronter la concurrence, notamment régionale.
Disons-le, cette situation illustre l’échec de la politique de la précédente majorité, qui était avant tout fondée sur une addition d’outils et de mesures et sur l’illusion d’un développement endogène non financé, synonyme d’un retrait de l’État qui ne disait pas son nom.
Aussi le respect de nos engagements exigeait-il des réponses fortes.
La consolidation du budget du ministère ces deux dernières années, je l’ai dit, en a été la première et visible traduction.
Trois chantiers majeurs ont permis, en 2013, d’engager de manière adaptée dans les outre-mer une stratégie globale dans le respect des priorités fixées par le Premier ministre : la mise en œuvre de la loi relative à la régulation économique outre-mer, la réforme de la défiscalisation, le déploiement de la Banque publique d’investissement. Les premiers effets se font déjà sentir, mais il faut aujourd’hui aller plus loin et franchir une nouvelle étape.
C’est dans cet objectif que je réfléchis depuis plusieurs mois, vous le savez, à un projet de loi en faveur de la croissance et de l’emploi outre-mer.
Monsieur le sénateur Vergès, j’ai cru comprendre, au travers de certains de vos propos, que vous souhaitez que ce projet ne soit pas imposé depuis Paris. Je tiens donc à vous rassurer pleinement : comme je l’ai indiqué tout à l’heure devant l’assemblée générale d’une organisation patronale, je souhaite mener une concertation étroite. Je l’ai lancée en recevant les sénateurs d’outre-mer, de tous les bords politiques, le 10 décembre dernier, puis les députés, à la mi-janvier, pour leur faire part des grandes orientations de ce futur plan. Vous n’aviez pu être présent ce jour-là, mais je sais que vous ferez le nécessaire pour participer aux prochaines réunions que je proposerai.
Depuis le début de l’année, le pacte de responsabilité proposé par le Président de la République constitue le cadre dans lequel le Gouvernement est appelé à inscrire son action. Il doit donc être intégré dans nos réflexions. Vous en connaissez les grands axes : la poursuite de l’allégement des contraintes, des charges et de la fiscalité des entreprises ; des contreparties en termes de création d’emplois, de renforcement du dialogue social, de l’investissement et de la formation, de relocalisation des activités de production et – pourquoi pas ? – de lutte contre les inégalités salariales. La première chose à faire est de s’atteler à penser une déclinaison utile et pertinente de ce pacte dans les outre-mer.
Le Président de la République l’a rappelé le 23 janvier dernier : « La baisse des charges existe déjà en outre-mer, donc si je la propose pour toutes les entreprises, cela ne fera pas d’avantage significatif pour les entreprises ultramarines. […] je suis prêt à adapter, avec les employeurs d’outre-mer, le Pacte de responsabilité à ces territoires. »
Il nous faut donc saisir cet espace et l’investir. Nous avons commencé à le faire.
J’ai des projets, bien entendu, et ils se structurent progressivement à la lumière de mes échanges avec les acteurs politiques, économiques et sociaux, mais je souhaite écouter, avant de les formaliser. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé un cycle de réunions, afin de faire le point avec les parties prenantes sur les pistes qu’elles privilégient.
Toutefois, le projet que je veux construire avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ne se limite pas à la déclinaison législative des mesures nationales qui seront arrêtées dans le cadre du pacte de responsabilité. Nous devons actionner l’ensemble des leviers disponibles afin de stimuler la croissance et l’emploi.
Certaines idées simples, nous le savons, ont parfois le mérite d’être efficaces et rapides à mettre en œuvre, contrairement à ce que disait Paul Valéry, pour qui « le simple est toujours faux ; ce qui ne l’est pas est inutilisable ».
C’est pourquoi, afin de leur conférer la cohérence et la portée nécessaires, je souhaite que toutes ces propositions soient rassemblées dans un ambitieux plan d’action pour la croissance et l’emploi outre-mer.
Précisons tout de suite une chose : la contrainte et l’exigence d’économies que suppose notre trajectoire budgétaire nous contraindront à faire des choix, lesquels ne consisteront pas à tout raboter ou à faire table rase de ce qui existe.
Je veux tout de même rappeler les moyens considérables que le Gouvernement a obtenus lors de la négociation européenne sur les programmes opérationnels pour la période 2014-2020, en dépit du contexte budgétaire que nul n’ignore. Les fonds structurels des régions d’outre-mer augmenteront de 23 % par rapport à la période 2007-2013. Ils financeront notamment une initiative inédite en faveur de l’emploi des jeunes, à hauteur de 70 millions d’euros pour les deux prochaines années. Le FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, augmentera, quant à lui, de 31 %, et la Réunion, je me permets de le souligner, bénéficiera de 45 % de cette enveloppe.
Plutôt que de réclamer – ce n’est pas votre cas, mais je l’entends ici ou là – une avalanche de moyens supplémentaires, pour le moins incertaine compte tenu de notre situation, je vous propose aussi de travailler avec le Gouvernement à rendre plus efficaces et plus efficients les moyens dont nous disposons aujourd’hui.
Vous avez émis, monsieur le sénateur, des propositions qui sont – et c’est tout à votre honneur – particulièrement audacieuses, dont nous avons déjà écarté certaines. Tout à l’heure, j’ai posé la question du changement de paradigme. Êtes-vous prêts à faire preuve d’audace ? Êtes-vous prêts à sortir du territoire douanier d’exportation ? Non ! Êtes-vous prêts à sortir du territoire douanier européen ? Non ! Êtes-vous prêts à renoncer au statut de région ultrapériphérique ? Non ! Êtes-vous prêts, comme Saint-Barthélemy, à demander le statut européen de pays et territoire d’outre-mer associé ? Non ! Quelle est la volonté électorale et politique des populations ? Elle est en général de rester dans le droit commun : il faut donc tenir compte de ces données démocratiques.
Par conséquent, nous sommes opposés à certaines de vos propositions, monsieur le sénateur, comme je viens de le dire devant une autre assemblée. Je pense notamment à la suppression des sur-rémunérations des fonctionnaires : cette proposition, que vous partagez avec, notamment, des acteurs du monde des entreprises, a été écartée par le Président de la République lui-même lors de la campagne présidentielle.
M. Éric Doligé. Il peut peut-être y revenir ?
M. Éric Doligé. Il ne faut jamais dire « jamais » !
M. Victorin Lurel, ministre. … sur les acquis sociaux des agents en poste, d’autant qu’ils ne nous semblent pas être la cause de tous les maux outre-mer. C’est, bien au contraire, la consommation qui est l’un des principaux moteurs de l’économie outre-mer. Monsieur le sénateur Vergès, je rappelle que nous avons toujours, depuis 1946, mené une politique de la demande outre-mer : peut-être faudrait-il aussi lancer une politique de l’offre, mais ce n’est pas à Paris que l’on en décidera.
En tout état de cause, remettre en cause les sur-rémunérations serait porter un coup sévère et durable à la croissance, pis encore au développement économique. Il faut bien y réfléchir avant d’envisager un tel changement.
M. Éric Doligé. Cela mérite un débat.
M. Victorin Lurel, ministre. L’économiste Bernard Mendès-France avait publié, voilà très longtemps de cela, une analyse économétrique de la situation à la Réunion : ses conclusions différaient de ce que j’entends aujourd'hui. Il convient de raison garder et de bien mesurer les risques d’une évolution aussi fondamentale.
Le Gouvernement, bien entendu, est là pour proposer des outils, des moyens, des conventionnements, pour mettre en œuvre des politiques publiques spécifiques, mais pas – en tout cas, c’est ma conception – pour dire aux élus et aux collectivités locales ce qu’ils doivent faire.
Si certaines de vos propositions, monsieur le sénateur, en particulier en matière institutionnelle, font consensus parmi les élus locaux, le Gouvernement les accueillera de façon positive, mais il est, je le répète, hors de propos de demander à Paris de décider pour vous.
Si je prends la peine de vous répondre en détail, c’est parce que je ne voudrais pas laisser prospérer de fausses pistes et de mauvaises polémiques, reposant par exemple sur l’idée, parfois encore soutenue, en particulier dans la presse réunionnaise, qu’un mauvais traitement serait réservé à la Réunion. Je tiens aujourd'hui, à cette tribune, à faire litière de telles affirmations. Ces polémiques, souvent dirigées contre ma personne, sont blessantes lorsqu’elles relèvent d’une suspicion assez systématique et jamais étayée sur mon impartialité.
Non, le Gouvernement ne traite pas moins bien la Réunion, par exemple dans la répartition des contrats aidés. Ainsi, la Réunion a obtenu une enveloppe permettant de financer 5 000 emplois d’avenir, contre 1 500 pour la Guadeloupe ou la Martinique. Il est simplement dommage que la Réunion n’ait utilisé que 3 000 de ces emplois.
Non, le Gouvernement n’oublie pas les investissements à la Réunion. À cet égard, je ne citerai qu’un seul exemple : le financement du Pôle sanitaire de l’ouest décidé par ce gouvernement, qui vient concrétiser une décennie de combat acharné mené par votre collègue députée-maire Huguette Bello au bénéfice de la santé des Réunionnais.
C’est également ce gouvernement qui concrétise enfin les engagements pris par l’État dans le cadre du protocole de Matignon. Je connais bien sûr votre opinion, monsieur le sénateur, sur le projet retenu par la région Réunion, mais l’État se doit d’être impartial, à la Réunion comme ailleurs, et il ne pouvait priver les Réunionnais des retombées économiques de cet investissement de 1,6 milliard d’euros.
Non, je n’ai jamais décrété la mort de la canne à sucre, secteur essentiel et stratégique pour la Réunion. J’ai déclaré qu’il fallait anticiper la disparition des quotas sucriers, qui ont été condamnés par l’OMC en 2004. Il me semble important, aujourd'hui au Sénat, d’aborder ce sujet qui suscite de la frayeur, de dire qu’il y a égalité de traitement entre tous les territoires et que les moyens sont dispensés en fonction de critères objectifs. Il nous faut penser dès maintenant l’avenir. Dès l’automne dernier, un cabinet d’études indépendant a donc été missionné pour évaluer l’efficacité du système de soutiens publics actuel, dans la perspective notamment de la fin des quotas sucriers. Comment se préparer à celle-ci ? Il me semble que nous aurons tout à gagner à accroître la compétitivité-prix de la filière, à augmenter le niveau de production et à intensifier la compétitivité hors prix, qu’il s’agisse de la qualité, de la sécurité d’approvisionnement, de la logistique ou de l’exploitation des sous-produits.
D’ores et déjà, nous avons activé plusieurs leviers.
Ainsi, nous travaillons à ajuster au mieux le dispositif d’aide à la filière dans le cadre du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, le POSEI, et de l’aide nationale. L’étude actuelle doit nous permettre d’identifier objectivement les diverses situations, d’évaluer l’efficacité des dispositifs de soutiens publics et les éventuels besoins. Ses conclusions sont attendues pour la fin du mois d’avril 2014 et elles vous seront communiquées.
Nous soutenons également la production de cannes. À cet égard, la défense du foncier est une préoccupation majeure. Plusieurs outils y concourent directement, tels que la commission départementale de consommation des espaces agricoles ou l’optimisation de l’utilisation des terres agricoles, notamment à travers la mesure sur l’indivision inscrite dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de mon collègue Stéphane Le Foll.
Il convient en outre d’analyser le développement de la filière sucres spéciaux et d’accompagner la reconnaissance de la qualité, notamment grâce aux indications géographiques protégées.
Nous nous préoccupons d’encourager les nouveaux débouchés, au travers de la chimie verte, de l’innovation, de la recherche. La canne, on le sait, est une plante miraculeuse !
Il importe d’assurer la recette rhum des usines, avec le maintien du régime fiscal pour le rhum : sur ce point, une décision favorable du Conseil européen est intervenue voilà quelques jours.
Enfin, nous envisageons la possibilité que les sucres bruts non destinés au raffinage puissent être considérés comme un produit sensible dans les accords commerciaux en cours ou à venir, dès lors que le partenaire est en capacité d’exporter du sucre sur le marché européen
Au cours du premier semestre de 2014, toute une série de rencontres et de groupes de travail permettra de mutualiser la réflexion de toutes les parties sur la définition d’une stratégie d’ensemble pour la filière et d’arrêter un plan d’action et d’adaptation à la fin des quotas. L’amélioration de la compétitivité, le développement du secteur des sucres spéciaux et la mise en place des démarches de qualité et de reconnaissance géographique constituent des orientations qu’il conviendra bien entendu d’étudier.
Cette perspective de réforme du mécanisme de soutien au secteur sucrier, je le disais, n’est donc en rien une nouveauté : elle est connue depuis près de dix ans, si bien que le POSEI mis en place en 2006 a intégré cette perspective de la fin de l’organisation commune du marché du sucre et qu’une partie essentielle de l’aide au secteur est constituée d’une « aide forfaitaire à la réforme de l’OCM sucre ».
Le secteur bénéficie depuis de nombreuses années d’un soutien public important aux niveaux tant européen que national. Ces aides ont augmenté de manière inversement proportionnelle à la baisse du prix de référence du sucre sur le marché européen. Elles ont ainsi favorisé la stabilité économique de la filière canne-sucre – j’allais ajouter « rhum » – et permis aux sociétés sucrières de mettre en œuvre des investissements importants.
J’ai lu dans la presse et entendu souvent affirmer, ces jours derniers, que ces aides profiteraient plus aux Antilles qu’à la Réunion. Je tiens à répondre sur ce point. On peut entrer dans le détail des chiffres, mais il faut surtout se concentrer sur l’essentiel des aides, s’assurer que leurs modalités correspondent bien aux surcoûts rencontrés par la filière et que le dispositif de soutien est efficace.
Pour le détail de ces aides, je rappelle que le prix de la canne n’est pas fixé par l’État, mais qu’il est construit à partir du prix industriel de base auquel s’ajoutent la valorisation énergie, diverses primes liées aux zones difficiles, une aide nationale à la production de la canne, une fraction de l’indemnité compensatoire aux handicaps naturels, une aide au transport… Toutes les aides sont détaillées dans la convention canne de chaque département, signée par les planteurs.
Le prix industriel de base d’achat de la canne fixé dans les conventions prévoit un prix d’achat de 34,76 euros par tonne pour une richesse en sucre de 8 % en Martinique, de 23,81 euros par tonne pour une richesse de 9 % en Guadeloupe et de 39,49 euros par tonne pour une richesse de 13,8 % à la Réunion. On sait que les variétés de canne sont différentes d’un territoire à l’autre.
Ainsi, en Martinique, le total des aides aboutit à un montant de 84,84 euros par tonne. À la Réunion, la même assiette d’aides s’élève à 85 euros par tonne, sans compter la prime bagasse, qui vient s’ajouter. Il est donc délicat de comparer la situation d’un territoire à celle d’un autre. Surtout, je crois que nous avons besoin d’être unis sur le sujet, plutôt que de jouer la division. Le précédent de la fiscalité sur le rhum est là pour nous rappeler que c’est seulement en étant unis que nous pouvons gagner des combats.
Monsieur le sénateur, vos développements sur la nécessaire ouverture de nos régions outre-mer sur leur environnement sont naturellement frappés au coin du bon sens.
Comme certains d’entre vous le savent, une exposition intitulée « Les outre-mer : territoires d’excellence » se tient actuellement dans les salons du ministère des outre-mer. Onze entreprises y présentent des produits innovants qui démontrent un savoir-faire, souvent ignoré, dans des domaines très variés, tels que les cosmétiques, les biotechnologies, l’aquaculture, les chantiers navals, la cartographie, l’utilisation des fibres végétales, l’agroalimentaire.
Pour trouver des débouchés à ces entreprises, il faut élargir leurs marchés. Les nôtres sont souvent trop étroits. La priorité est donc de réussir l’insertion régionale, mais il faut procéder avec méthode et selon le principe de la réciprocité.
Exporter ne s’improvise pas, et il faut maîtriser toute une mécanique commerciale pour le faire de manière durable. Un apprentissage est nécessaire, or quoi de mieux que d’apprendre avec ses voisins ? Il est bien de se lancer à la conquête du marché caribéen, mais je pense que nous serions plus forts pour le faire si nous réussissions d’abord à créer un véritable marché unique antillais ou – pourquoi pas ? – antillo-guyanais. Les échanges économiques dans l’océan Indien avec l’Afrique du Sud, Madagascar ou le Mozambique sont l’avenir de la Réunion, mais sommes-nous déjà capables d’augmenter d’abord les échanges entre la Réunion et Mayotte ? Cet apprentissage achevé, ce savoir-faire commercial acquis, il faudra aussi penser à la grande exportation, pour ceux qui le pourront.
Je voudrais également insister sur la question des services. Les outre-mer sont des morceaux de France, et donc d’Europe, dans l’océan Indien, l’océan Pacifique ou l’océan Atlantique. Ils sont pour la plupart d’entre eux des morceaux d’économies développées – ce terme de « morceaux » a soulevé bien des polémiques lorsque nous étions plus jeunes – entourés de voisins qui, souvent, le sont moins. Ils offrent donc des services dans certains secteurs demandant de hauts niveaux de compétences et des infrastructures publiques efficaces. Cet atout doit être valorisé.
J’illustrerai mon propos par quelques exemples. J’ai organisé au mois de mai dernier, avec ma collègue Fleur Pellerin, une journée du numérique en outre-mer, dans le but de donner une information précise aux collectivités et aux opérateurs sur la politique du Gouvernement et de mobiliser les énergies sur les projets nouveaux, tel le plan « très haut débit », dans lequel l’État investit beaucoup d’argent.
J’ai reçu la semaine dernière le directeur de la mission « très haut débit », qui m’a fait un tableau complet de l’avancement des projets. Les choses progressent et, si elles maintiennent le rythme, les collectivités d’outre-mer peuvent devenir des territoires d’excellence numérique, ce qui les aidera à mieux surmonter les handicaps de l’insularité et de l’éloignement. Le rétrécissement du monde que provoque le développement des échanges numériques en ligne est une aubaine pour nos territoires.
Le ministère des outre-mer accueillera, le 6 mars prochain, la réunion du comité consultatif « France très haut débit », qui examinera les projets de quatre départements d’outre-mer. J’espère que des avis favorables seront donnés et que les fonds d’État seront débloqués pour mettre en œuvre ces projets. J’espère aussi que le projet guyanais sera présenté prochainement et que ce département rejoindra le groupe de tête rapidement.
Enfin, le Gouvernement a annoncé, par la voie d’un communiqué commun avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, le lancement de la sélection des candidats pour les licences mobiles 4G en outre-mer.
Depuis la journée du numérique en outre-mer que j’avais organisée avec Fleur Pellerin, nous avons, en huit mois, bien travaillé. Des dossiers majeurs sont entrés dans une phase opérationnelle pour préparer l’avenir de nos territoires.
La transition énergétique en outre-mer est un autre sujet crucial, qui a été évoqué par tous.
À la différence de l’Hexagone, qui bénéficie de la production nucléaire nationale, les outre-mer sont très dépendants des énergies fossiles. Ils doivent donc passer du pétrole aux énergies renouvelables.
Or, en ce domaine, nous sommes riches. Énergie solaire, éolien, géothermie, énergie thermique des mers, biomasse : une large palette de technologies est utilisable en outre-mer, même si certaines ne sont pas encore matures et doivent passer par une phase d’expérimentation. Avec la biodiversité, cette transition énergétique sera un de nos atouts à long terme, y compris pour relancer le tourisme.
Une fois le savoir-faire acquis, une fois que nos entreprises auront une vitrine technologique à valoriser, elles pourront exporter ces compétences dans des pays comparables, notamment insulaires. Il faut donc en faire un de nos axes de développement et de compétitivité.
Le Président de la République et le Premier ministre ont fait de la transition énergétique un enjeu essentiel pour les outre-mer. Celle-ci est en conséquence au cœur de l’action du ministère pour cette année 2014.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Victorin Lurel, ministre. La transition énergétique est en effet porteuse, dans ces territoires, de la fin de la dépendance aux importations d’hydrocarbures, d’économies au titre de la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, et donc de la solidarité nationale, par la substitution progressive des énergies renouvelables de plus en plus compétitives aux productions électriques thermiques classiques soumises aux cours des hydrocarbures, d’opportunités inédites de création de valeur ajoutée locale et d’emplois non délocalisables, de performance écologique, facteur d’image positive et donc d’attractivité économique, par exemple sur le plan touristique, et enfin de respect des engagements internationaux de la France en matière de décarbonation de son mix énergétique.
M. Jean Desessard. Mais c’est très bien, ce que vous dites là ! (Sourires.)
M. Victorin Lurel, ministre. Une première mondiale a lieu à Mayotte – on ne le sait pas toujours –, sur l’initiative d’une entreprise locale qui attend la publication prochaine d’un décret sur le stockage de l’énergie. Nous avons très significativement avancé sur cette question majeure.
Le débat national sur la transition énergétique a permis une expression complète des enjeux, contraintes et atouts des outre-mer en la matière, que ce soit au travers des débats régionaux menés dans les territoires et de leur synthèse, réalisée en juillet dernier, ou grâce à la contribution du réseau « Pure Avenir », qu’il convient de saluer et qui résulte d’une coopération entre la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Corse.
Le projet de loi en préparation permet une bonne prise en compte des enjeux, contraintes et atouts pour les outre-mer, car il prévoit, au titre de ses mesures nationales, une évolution des outils et de la gouvernance de la transition énergétique, un soutien prioritaire à la maîtrise de la demande en énergie et de l’efficacité énergétique, la lutte contre la précarité énergétique, la promotion du développement des énergies renouvelables.
Toutefois, des mesures supplémentaires, issues des travaux spécifiques aux zones non interconnectées, sont proposées et doivent constituer un véritable titre consacré à l’outre-mer au sein de la loi.
Ces mesures prennent la forme de treize propositions d’articles, en cours de négociation interministérielle, dont les plus significatives sont la mise en place d’une stratégie de rénovation énergétique du bâti existant et de retrait des équipements électriques les moins performants, l’amélioration du dispositif des certificats d’économie d’énergie, le développement de la filière photovoltaïque en auto- consommation – ce n’est pas nous qui avons cassé le modèle économique du photovoltaïque –, la création d’une redevance communale en matière de géothermie, l’obligation d’autorité organisatrice unique de transports et le développement des bornes de recharge des véhicules électriques – dont la mise en place a commencé à la Réunion –, l’évolution des paramètres d’analyse des projets de la Commission de régulation de l’énergie.
Je vous sais particulièrement mobilisé sur ces sujets, monsieur Vergès, et suis convaincu que vous serez au rendez-vous du grand débat qui se tiendra lors de l’examen parlementaire de ce texte, tout comme les autres sénateurs qui sont également intervenus sur ce sujet, ainsi que sur le futur projet de loi sur la biodiversité.
M. le président. Monsieur le ministre, nous vous remercions vivement de la précision de vos réponses, mais je dois vous demander d’être aussi concis que possible, car l’heure du débat avec Mme Pellerin sur l’épargne populaire est venue.
M. Victorin Lurel, ministre. J’avais prévu de répondre précisément à chacun, mais j’abrégerai donc mon propos.
Monsieur Frogier, en tant que signataire historique de l’accord de Nouméa, vous m’interrogez sur la préparation des élections provinciales qui auront lieu le 11 mai prochain.
Vous le savez, l’État a un rôle essentiel dans la mise en œuvre de l’accord de Nouméa de 1998. Au même titre que les indépendantistes ou les non-indépendantistes, il en est signataire, il en est garant.
J’ai toujours dit – et le Premier ministre l’a dit aussi lors du congrès, en juillet dernier – que l’État était un partenaire à part entière, neutre mais pas inactif, un partenaire engagé pour la réussite du processus de l’accord de Nouméa, mais un partenaire attentif aux aspirations de l’ensemble des communautés qui composent la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui, et respectueux des opinions de tous.
L’année 2014 est cruciale pour le destin de la Nouvelle-Calédonie. C’est en effet le congrès issu des élections provinciales du 11 mai prochain qui aura la faculté de demander à l’État, à la majorité des trois cinquièmes, d’organiser la consultation prévue par l’accord de Nouméa. Je rappelle ce que le Premier ministre avait déclaré le 26 juillet à Nouméa devant le congrès : sauf à ce qu’une solution réunisse l’ensemble des forces calédoniennes, la question de l’accès de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté sera posée, et la consultation prévue se tiendra au plus tard en 2018, dans les termes prévus par l’accord de Nouméa.
Vous appelez mon attention et celle du Gouvernement sur le processus de révision des listes électorales spéciales, qui débutera lundi prochain. À l’aune des enjeux des prochaines élections provinciales, ce processus est, nous sommes d’accord sur ce point, particulièrement important. Comme vous le soulignez, les dispositions qui fixent les conditions d’inscription sur la liste électorale spéciale et celles qui précisent les modalités de révision de celle-ci figurent non seulement aux articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999, mais aussi dans le code électoral.
Comme la révision de la liste électorale générale de droit commun, la révision annuelle de la liste électorale spéciale est faite non par les services de l’État en Nouvelle-Calédonie, mais par une commission spécialisée mise en place dans chaque bureau de vote. Au-delà des garanties prévues par le droit commun électoral, des garanties supplémentaires relatives à la composition de la commission spécialisée sont prévues par la loi organique du 19 mars 1999.
La première garantie tient à la présence, dans chaque bureau de vote, de deux électeurs de la commune désignés sur avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. En pratique, ils représentent chacune des deux grandes tendances politiques calédoniennes, non-indépendantiste et indépendantiste. À ce titre, ils peuvent intervenir librement, pour relever les difficultés susceptibles de se poser.
La seconde garantie tient à ce que la présidence de chaque commission est assurée par un magistrat de l’ordre judiciaire, désigné par le Premier président de la Cour de cassation. La voix de chacun des membres de la commission compte, puisque les décisions sont prises à la majorité. La voix prépondérante du président est celle d’un magistrat indépendant du pouvoir politique, conformément aux termes de l’article 189 de la loi organique du 19 mars 1999.
Le Gouvernement est particulièrement attaché à ce que la révision et la mise à jour de la liste électorale spéciale soient faites en toute transparence, afin que le processus soit insoupçonnable, que les élections se tiennent dans les meilleures conditions possibles et que la légitimité de leur résultat soit reconnue par tous.
L’État veillera à mettre à la disposition des membres des commissions spéciales tous les éléments qu’ils solliciteront afin de leur permettre de mener à bien leur mission. Un effort significatif sera fait tant par les magistrats qui présideront les commissions que par les délégués du haut-commissaire, afin d’informer le plus en amont possible les personnes concernées sur les démarches qu’elles doivent accomplir et sur les pièces qu’elles doivent produire afin d’être inscrites ou maintenues sur la liste électorale spéciale.
J’en viens aux demandes de radiation que vous avez évoquées, monsieur Frogier. Pardonnez-moi d’être long, monsieur le président, mais il faut être précis, car le sujet est délicat.
Il n’est pas illégal de demander la radiation d’électeurs de listes électorales. C’est une pratique courante, et pas seulement en Nouvelle-Calédonie. Comme le Gouvernement l’a toujours indiqué, il n’est pas possible de préjuger du bien-fondé de ces demandes ; je sortirais de mon rôle si, à ce stade, je portais la moindre appréciation à leur sujet.
Les commissions qui se réuniront à partir de la semaine prochaine disposent de tous les moyens pour mener à bien leurs travaux, d’autant que – c’est une spécificité calédonienne – sont membres de ces commissions deux électeurs de la commune, représentant les deux grandes familles politiques. Il n’y a pas d’automaticité dans la radiation – ni dans l’inscription, d’ailleurs –, et chaque membre de la commission, mais aussi chaque électeur concerné, est à même de présenter ses observations et, si nécessaire, les justificatifs requis.
Les décisions de la commission seront susceptibles d’un recours gracieux et d’un recours contentieux, avec possibilité de pourvoi en cassation.
L’État a-t-il une position à imposer ? Les commissions mènent leurs travaux en toute indépendance, sous le contrôle du juge. Le juge judiciaire est compétent ; c’est donc la Cour de cassation qui, en dernier ressort, tranchera les conflits qui surgiront à propos des inscriptions pour les prochaines élections au congrès de la Nouvelle-Calédonie. Les arrêts des cours suprêmes sont par construction constitutionnels. En outre, en cette matière, l’accord de Nouméa s’applique en Nouvelle-Calédonie comme une Constitution.
Comme je vous l’ai déjà indiqué, je me garderai bien de donner un avis personnel. Cela n’aurait aucun sens et méconnaîtrait les principes mêmes de l’accord de Nouméa. Le législateur peut limiter le droit de voter dans les limites constitutionnelles, c’est-à-dire, en Nouvelle-Calédonie, celles qui sont fixées par l’accord de Nouméa, mais ce sont les juges qui auront le dernier mot, car le droit de voter est une liberté fondamentale.
Sur la question du corps électoral restreint, vous pouvez avoir l’assurance que le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie œuvrera pour que l’application des règles de révision des listes électorales soit strictement conforme à l’intention des signataires de l’accord de Nouméa ; le Premier ministre l’a encore rappelé hier.
Vous vous interrogez sur la mission du comité spécial de la décolonisation en Nouvelle-Calédonie. M. Roch Wamytan s’est rendu à New York au mois de janvier. Il y a rencontré le président du comité spécial de la décolonisation, ainsi que le représentant de la France auprès de l’ONU. Il a sollicité la venue d’une mission du comité spécial de la décolonisation pendant la période de révision des listes électorales. Le président de cette instance s’y est déclaré favorable.
Le Gouvernement ne voit aucune objection à la venue d’une mission de travail du comité spécial de la décolonisation début mars, afin de poursuivre le dialogue avec cette instance et les explications sur les conditions de révision des listes électorales spéciales pour le scrutin des élections provinciales de mai prochain. J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire personnellement, mais je le redis devant la représentation nationale : il s’agit bien d’une mission de travail, et certainement pas d’une mission d’observation électorale ou d’une mission de supervision ou de contrôle. Tel est bien d’ailleurs le sens que donne à cette mission le président du comité spécial de la décolonisation.
Vous le savez, la France a une tradition de collaboration avec le comité spécial de la décolonisation au sujet de la Nouvelle-Calédonie ; cette visite s’inscrit dans ce cadre. Je veux l’affirmer avec la plus grande solennité à l’intention de tous mes compatriotes calédoniens : non, il n’y a pas de soupçon qui pèse sur vous qui travaillez à la révision des listes, pas plus ici qu’à New York ; non, vous n’êtes l’objet d’aucune vindicte.
L’État français et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie travaillent avec l’ONU depuis de nombreuses années. Il n’y a là rien d’exceptionnel, et tous, au sein du comité des vingt-quatre, se félicitent du travail mené par la France et par tous les Calédoniens depuis vingt-cinq ans.
S’agissant de la proposition de loi constitutionnelle que vous souhaitez présenter, vous savez que l’arithmétique politique ne lui permettrait pas de prospérer. Pour organiser une réunion exceptionnelle du comité des signataires, il faudrait avoir l’accord de toutes les parties ; une telle réunion ne pourra donc pas se tenir.
Comme l’a fait le Premier ministre hier à l’Assemblée nationale, j’en appelle au sens des responsabilités de chacun. Nous devons tous peser nos mots et y réfléchir à plusieurs fois avant d’engager une action. Le processus électoral doit se dérouler dans les meilleures conditions, afin que l’on ne puisse douter du sens du vote. Aucun soupçon ne doit être possible.
Pour conclure, j’ai entendu les interpellations des orateurs sur la vie chère. Notre priorité, c’est d'abord le développement économique, l’emploi et la défense du pouvoir d'achat. Nous luttons contre tous les lobbies. Il faut du courage politique pour s’attaquer à ce lourd dossier. Le Gouvernement n’a pas cédé ; nous avons prélevé 27 millions d'euros : 23 millions aux Caraïbes et 4 millions à Mayotte. À la Réunion, les conséquences de la mise en œuvre de l’article 1er de la loi relative à la régulation outre-mer se feront sentir d’ici au mois de mai.
Il ne s’agit pas d’être dithyrambique, mais nous avons changé de paradigme. Aidez-nous, notamment lors du prochain débat sur le plan d’action pour la croissance, le développement et l’emploi dans les économies ultramarines, à faire prospérer cette ambition, qui rejoint celle qu’a évoquée M. Cointat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Christian Cointat applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation des outre-mer.
5
Nomination des membres d’une mission d’information
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté une liste de candidats pour la mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame :
M. Gilbert Barbier, Mme Patricia Bordas, MM. Martial Bourquin, Jean-Pierre Caffet, Mme Caroline Cayeux, MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, Yves Daudigny, Marc Daunis, Mme Michelle Demessine, MM. Jean Desessard, Philippe Dominati, Daniel Dubois, Mmes Anne Emery-Dumas, Frédérique Espagnac, M. Gaston Flosse, Mme Colette Giudicelli, MM. Francis Grignon, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Chantal Jouanno, M. Dominique de Legge, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Gérard Longuet, Roland du Luart, Didier Marie, Jean-Jacques Mirassou, Aymeri de Montesquiou, Jackie Pierre, Jean-Pierre Plancade, Hervé Poher, Charles Revet, Dominique Watrin membres de la mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.
6
Débat sur l’épargne populaire
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’épargne populaire, organisé à la demande du groupe UDI-UC.
La parole est à Mme Françoise Férat, au nom du groupe UDI-UC.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’épargne populaire peut recouvrir deux notions : d’une part, elle désigne l’épargne réglementée dont les conditions de fonctionnement sont fixées par les pouvoirs publics ; d’autre part, elle peut désigner l’épargne répandue largement auprès de la population. Bien évidemment, notre propos se concentrera essentiellement sur l’épargne réglementée.
L’épargne réglementée constitue encore et toujours un élément incontournable dans la structure de l’épargne nationale. En France, nous épargnons en moyenne de 15 % à 16 % de nos revenus, ce qui représente plus de 4 262 milliards d’euros. Cet effort général de préparation de l’avenir est l’un des plus importants en Europe et dans le monde. Il y a certes les titres financiers, l’assurance vie et les dépôts bancaires, mais il y a aussi l’épargne populaire. L’épargne réglementée représente près de 10 % de cette masse considérable, soit 415 milliards d’euros : c’est plus que la dépense annuelle de l’État ; c’est l’équivalent de près de cinq années de déficit public.
Ne soyons pas effrayés par ces montants vertigineux. Ce sujet concerne l’ensemble de nos concitoyens. En effet, l’épargne réglementée est la question populaire par excellence : il existe plus de 95 millions de livrets d’épargne réglementée en France, et le phénomène concerne aussi bien les personnes physiques que les personnes morales. On ouvre un livret A pour les nouveaux-nés ou pour garder une épargne disponible à toute heure. On ouvre un livret d’épargne populaire, un LEP, lorsque l’on est en situation de fragilité financière. On ouvre un livret de développement durable, un LDD, ou un plan d’épargne logement, un PEL, pour préparer son avenir. Tous nos concitoyens sont concernés.
Au-delà de son indéniable fonction intégratrice et sociale, l’épargne populaire permet, grâce au travail de la Caisse des dépôts et consignations, de corriger les imperfections du marché. L’épargne populaire est l’un des outils incontournables du financement à long terme et de la réalisation de projets dans les secteurs a priori délaissés par l’initiative privée ; je pense bien évidemment au logement social.
Or, depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et le décret du 18 septembre 2012, le paysage et les pratiques de l’épargne populaire ont été profondément bouleversés. Nous sommes passés d’une épargne concentrée dans les mains de certains établissements – la Caisse d’épargne, La Poste ou le Crédit mutuel – à une épargne diffuse, répandue universellement dans l’ensemble des banques et dont les plafonds de versement ont récemment doublé.
Ces réformes avaient pour objet de répondre non seulement à une demande croissante d’investissement dans le logement social, mais aussi à de nouvelles missions conférées à la gestion de l’épargne populaire. Ainsi, le financement de l’économie ou du développement durable se sont imposées comme de nouvelles exigences collectives auxquelles les pouvoirs publics ont dû s’adapter.
Le Parlement n’a pas vraiment eu l’occasion de dresser un bilan de ces différentes réformes depuis 2008. Tel est donc l’objet de ce débat demandé par le groupe UDI-UC : il s’agit de faire le point sur la profonde mutation que l’épargne populaire a connue ces dernières années.
Près de six ans après l’entrée en vigueur du premier volet de cet important chantier législatif, il est temps de dresser un premier bilan et de tracer les contours de cette nouvelle épargne populaire qui se dessine sous nos yeux. Ce débat doit également nous permettre de relayer auprès du Gouvernement quelques inquiétudes qui sont remontées du terrain.
Tout d’abord, un premier constat chiffré : en 2008, le pays comptait 50 millions de livrets ; en 2013, il y en a plus de 64 millions.
Cette croissance majeure a des causes spécifiques. Je souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, revenir succinctement sur les grandes étapes qui ont conduit à cette profonde évolution.
Revenons quelques années en arrière : au 1er janvier 2008, le paysage de l’épargne populaire restait structuré par une idée simple. Les livrets réglementés permettent aux plus modestes d’épargner et à tout le monde de garder une réserve de précaution ou de trésorerie parfaitement liquide. Cette épargne permettait de financer soit le logement social, soit le logement pour ceux qui étaient les principaux bénéficiaires de ces produits.
Ce paysage était néanmoins fragmenté, comme le montre l’exemple du livret A : on comptait alors un peu plus de 24 millions de livrets A ouverts auprès des caisses d’épargne et 21,1 millions auprès de la Banque postale, ainsi que 5,6 millions de livrets bleus ouverts auprès du Crédit mutuel. Cela représentait un encours total de l’ordre de 140 milliards d’euros, soit environ 4 % de l’épargne totale des Français.
Pourtant, les analyses de Michel Camdessus, dans son rapport de 2007, laissaient présager une rupture dans le financement du logement social à l’horizon 2012. Plusieurs années de collecte modeste avaient alors suffi à laisser présager le pire. Il fallait agir ; c’est ce que le législateur a fait.
Ainsi, la loi de modernisation de l’économie a considérablement étendu le réseau de distribution des produits réglementés, puisque, depuis l’entrée en vigueur de ce texte, l’ensemble des établissements bancaires sont compétents en la matière. Cette extension du réseau, même si elle répondait aussi à un problème de concurrence entre banques pointé par les institutions européennes, est parvenue à atteindre son objectif : la croissance du nombre d’ouvertures de livrets a permis de lever des fonds considérables et de pérenniser le financement du logement social.
Une nouvelle avancée majeure est intervenue en 2012 : prenant acte des objectifs du Gouvernement en matière de construction de logements sociaux – de l’ordre de 500 000 par an –, le décret du 18 septembre 2012 a ouvert la voie au doublement du plafond de versement des livrets réglementés.
Cette réforme semble avoir « dopé » la collecte en 2012 et en 2013. Aujourd’hui, le seul livret A profite, d’après les données émanant de la Caisse des dépôts et consignations, à près de 64 millions de personnes. En un peu moins de six ans, ce produit d’épargne a donc gagné 14 millions de bénéficiaires supplémentaires, soit un peu plus de 2 millions par an, pour un encours total lui-même en progression : il atteignait 266 milliards d’euros à la fin de 2013. C’est 126 milliards d’euros de plus qu’en 2007, soit une croissance de près de 90 % en six ans. Ce montant est d’ailleurs en augmentation régulière, avec une collecte nette de 28,3 milliards d’euros pour les livrets A et les LDD au 31 décembre de l’année dernière.
Plus spécifiquement, ces quelque 415 milliards d’euros d’épargne populaire se décomposent de la manière suivante : 64 millions de livrets A, pour un encours de 266 milliards d’euros, ce qui en fait le produit phare de l’épargne populaire ; 10 millions de LEP, pour 48 milliards d’euros d’encours, soit des montants stables depuis 2002, ce dont il faut se féliciter ; 25 millions de LDD, pour un encours de 101 milliards d’euros.
La présentation de ces quelques chiffres montre à quel point le paysage de l’épargne populaire a changé ces dernières années. Elle a gagné en superficie, notamment grâce au travail des nouveaux distributeurs, et en profondeur, par le doublement des plafonds.
Néanmoins, l’épargne populaire semble aujourd’hui avoir à relever deux défis majeurs pour conserver la confiance de nos concitoyens : le défi de la stabilité et celui de la visibilité.
En matière de visibilité, il s’agit de préciser aujourd’hui quelles sont les finalités de l’épargne populaire. Le livret A et le LDD ont cette particularité de répondre non seulement à l’intérêt de l’épargnant, mais aussi à celui de la banque gestionnaire et de la collectivité.
En effet, la mission initiale de la Caisse des dépôts et consignations était de financer la dette de l’État par l’épargne nationale au sortir des guerres napoléoniennes. Une fois la situation assainie, la Caisse des dépôts et consignations est devenue le fer de lance des pouvoirs publics dans la préparation de l’avenir. Je profite de ce débat pour saluer le sérieux et le professionnalisme de cette institution, reconnus de tous.
On assimile avec raison l’épargne populaire au logement social, mais l’équation comporte aujourd’hui de nouvelles variables.
Il existe maintenant, tout d’abord, une variable sociale : l’épargne populaire reste inégalement abondée dans l’ensemble du territoire, ce qui montre qu’il y a peut-être encore des progrès à faire dans la mise en valeur du droit au compte et de l’accessibilité bancaire. D’une manière générale, près de 80 % des dépôts sont concentrés sur 20 % des livrets. Sur les 64 millions de livrets A, l’encours de 29,2 millions est inférieur à 150 euros et celui de 5,9 millions, qui sont inactifs depuis plus de dix ans, est inférieur à 30 euros. L’ensemble de ces livrets peu alimentés représente néanmoins un encours de 833 millions d’euros, sur un total de 266 milliards d’euros.
Sur le plan géographique, on retrouve un phénomène similaire : le nord de la France, notamment les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Haute-Normandie, ainsi que la Corse, sont les régions les moins engagées dans l’épargne populaire. Inversement, la collecte est d’autant plus dynamique que le niveau de vie est élevé ; c’est le cas en Île-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cela signifie simplement que l’épargne populaire reflète les inégalités qui traversent notre société.
Guizot encourageait tout un chacun à s’enrichir par le travail et par l’épargne, conseil qui reste, mes chers collègues, d’une brûlante actualité. Si cet effort reste vital pour la nation, il ne tient qu’à nous de faire en sorte que, à l’avenir, il demeure un gage de progrès social pour tous. L’épargne populaire doit donc participer à la croissance et à la prospérité.
Le financement de l’économie est ainsi devenu une priorité nationale. C’était déjà l’esprit du rapport thématique de la Cour des comptes de juillet 2012 ; c’est également l’esprit qui a présidé à la création de la Banque publique d’investissement ; c’est l’esprit qui inspire désormais la gestion d’une partie de l’épargne populaire.
En 2013, 20,7 milliards d’euros de prêts nouveaux sur fonds d’épargne ont été accordés, contre moins de 5 milliards d’euros par an au début des années 2000, et des efforts importants sont réalisés en ce moment même. Ces prêts sont au service de la satisfaction de besoins d’intérêt général de long terme et accompagnent les politiques publiques et le développement économique. Ils pallient également la carence du marché dans le financement à long terme du secteur public local. Nous savons tous, en tant qu’élus locaux, combien nous en avons besoin en cette époque de baisse des dotations aux collectivités.
Depuis juillet dernier, le Gouvernement et la Caisse des dépôts et consignations ont décidé de franchir une étape supplémentaire en mettant à disposition des réseaux bancaires une enveloppe de 30 milliards d’euros centralisés par les fonds d’épargne de la Caisse, à raison de 10 milliards d’euros sur le LEP et de 20 milliards d’euros sur le livret A et le LDD. Ces ressources permettront aux banques de prêter davantage pour le financement de l’économie, principalement au bénéfice des petites et moyennes entreprises.
La construction d’une politique durable du développement s’inscrit en filigrane dans les objectifs du logement social et du financement de l’économie. Le LDD, bien que moins dynamique que les autres produits de l’épargne populaire, selon l’Observatoire de l’épargne réglementée, autorise le financement de projets d’avenirs et la construction de logements selon les normes environnementales les plus abouties.
Je m’interroge néanmoins. Le fonds d’épargne centralise 65 % des sommes versées sur livrets A et LDD et 50 % des sommes alimentant le LEP : il y a donc une masse de 170 milliards d’euros, collectés par les banques au titre de l’épargne populaire, qui ne transite pas par le mécanisme de transformation de la Caisse des dépôts et consignations, alors que ces sommes doivent normalement servir les mêmes objectifs que celles qui sont centralisées par la Caisse. De quelles garanties disposons-nous sachant que la seule obligation des banques est celle d’une transmission d’information à l’Observatoire de l’épargne réglementée ? Comment ces sommes sont-elles gérées ? Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point et dresser un premier bilan de l’utilisation de cette nouvelle enveloppe de 30 milliards d’euros ?
Même si un équilibre a été trouvé entre la mutation rapide des contours de l’épargne et l’évolution de ses usages collectifs, on a pourtant pu observer avec regret un phénomène de décollecte entre septembre et novembre 2013, avec une déperdition de près de 1 milliard d’euros.
Bien qu’impressionnante, cette somme doit être mise en regard des encours que j’ai déjà cités. Ce phénomène reste néanmoins symptomatique des craintes de nos épargnants.
La première de ces craintes tient à la rentabilité du placement. En effet, comment assurer une rémunération compétitive de ces titres d’épargne dès lors que le volume des encaisses augmente ? Le rapport Duquesne du 19 septembre 2012 a ainsi préconisé de revoir le mode de calcul de la rémunération des livrets A et de poursuivre la politique de relèvement du plafond de 25 % en 2015 et en 2016.
Dans le même temps, l’assurance vie a retrouvé un attrait certain, notamment à la suite des annonces faites lors de la publication du rapport de Karine Berger, puis après l’entrée en vigueur de la dernière loi de finances rectificative. L’assurance vie devient de plus en plus attractive et pourrait capter une partie des sommes a priori destinées à l’épargne populaire. Je ne doute pas que cette tendance se trouvera renforcée lorsque le Parlement aura adopté la proposition de loi relative aux contrats d’assurance vie en déshérence de Christian Eckhert, texte dont le pendant au Sénat était la proposition de loi qui avait été déposée par notre collègue Hervé Maurey et que j’avais cosignée.
En outre, la création de nouvelles catégories d’assurance vie en faveur du développement économique ne pourra que jouer contre les livrets, réglementés certes, mais dont les taux d’intérêt tendent à baisser à mesure que l’inflation stagne.
La deuxième de ces craintes tient aux signaux contradictoires envoyés par le Gouvernement aux épargnants. Ainsi, après avoir martelé pendant des mois qu’il fallait soutenir la consommation, il a fait voter la loi sur le déblocage de l’épargne salariale pour répondre à cette exigence.
L’effort d’épargne des Français est impressionnant, mais il n’est pas illimité. On ne peut pas les encourager le matin à verser de l’argent sur leur livret A pour soutenir le logement social, leur rappeler que leur LDD participe à la sauvegarde de l’environnement à midi et leur enjoindre de consommer le soir. Cette multiplication des signaux et des espoirs fondés en l’épargne populaire nuit à la dynamique de celle-ci, pourtant relancée en 2008.
Il faut revenir à la pratique traditionnelle des Français en matière d’épargne, s’agissant particulièrement du livret A. Hormis les mineurs, dont l’épargne sera convertie en permis de conduire à leur majorité, les placements servent de « poire pour la soif » ou de caisse en cas de « coups durs ». La facilité de virement et d’utilisation permet de mettre de côté pour financer les séjours de vacances, pour remplacer un appareil électroménager qui tombe en panne ou pour avoir des liquidités s’il faut réparer la voiture ou changer la chaudière. N’oublions pas que la consommation dépend des besoins !
Enfin, une crainte s’élève progressivement depuis plusieurs semaines quant aux appétits que l’État pourrait manifester en période de disette budgétaire.
En effet, comme je l’ai déjà dit, la mission historique de la Caisse des dépôts et consignations était de participer au financement de l’État. Cette mission ne risque-t-elle pas de revenir sur le devant de la scène à l’occasion de la grave crise budgétaire que nous traversons ?
L’hypothèse de taxation des comptes d’épargne, déjà évoquée rapidement par le FMI, puis presque mise en œuvre lors de la crise chypriote du printemps 2013, semble avoir laissé des traces dans les choix effectués par les épargnants. La proposition d’assujettissement de nombreux produits d’épargne à des hausses complexes de prélèvements sociaux lors de la discussion du dernier PLFSS semble avoir achevé de convaincre de nombreux épargnants que les livrets réglementés ne resteraient plus longtemps la forteresse inexpugnable de l’épargne quotidienne. De grandes incertitudes sont apparues et ont causé manifestement le phénomène de l’automne dernier.
La fiscalisation, ou du moins la création de prélèvements sociaux ou de ponctions sur ces produits, viderait les livrets réglementés de leur substance et nous priverait de l’un des atouts économiques majeurs de notre pays. L’épargne nationale, notamment l’épargne populaire, est un levier majeur de notre force économique. Nous disposons de produits sains, robustes et accessibles à tous.
C’est en partie grâce à l’existence de cette manne financière que l’État conserve la confiance de ses créanciers, en dépit de la dégradation de notre note souveraine. Toutes les agences de notation s’accordent à reconnaître qu’un pays qui prépare son avenir, c’est un pays qui épargne et qui rassure ses créanciers. Une épargne populaire saine, c’est un gage de crédibilité pour l’État, c’est un gage de sécurité pour ceux qui financent notre endettement.
Fiscaliser de plus en plus l’épargne réglementée pourrait avoir pour effet néfaste de faire sortir cet actif du circuit économique et d’alimenter les matelas ou les bas de laine. Les plus joueurs tenteront de convertir cette épargne en pièces de monnaie et de jouer à l’oncle Picsou. Plus sérieusement, on en conviendra, cela ne serait vraiment pas profitable à l’économie !
Il serait particulièrement dommageable de consommer, par des prélèvements, l’effort de l’ensemble de la population en faveur de l’avenir. Ce serait affaiblir de surcroît la Caisse des dépôts et consignations et compromettre l’accomplissement des différentes missions des fonds d’épargne. Je crois fermement qu’il s’agit d’une limite, d’une ligne rouge à ne pas franchir, sauf à plonger dans des eaux troubles et inconnues.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Françoise Férat. Pour conclure ce rapide bilan, mes chers collègues, je dirai que les réformes de l’épargne populaire engagées ces dernières années ont, semble-t-il, été une véritable réussite, si l’on fait exception du « trou d’air » observé il y a quelques mois.
Le Parlement doit tout de même jouer un rôle dans cette affaire. La Caisse des dépôts et consignations est un acteur incontournable de la gestion de l’épargne populaire. Cette institution étant placée sous la protection du Parlement, ne pourrions-nous pas convenir ensemble, pour l’avenir, d’organiser autour de son président, à l’image de la remise solennelle en séance publique du rapport annuel de la Cour des comptes, une séance, annuelle également, dédiée à l’épargne populaire et aux activités de la Caisse des dépôts et consignations ? Cette démarche solennelle donnerait plus de corps à ce dispositif fondamental pour notre économie et notre solidarité. Les parlementaires non membres de la commission des finances pourraient ainsi appréhender ces enjeux plus aisément.
Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter aux quelques questions que j’ai soulevées. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
(M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
vice-président
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de le préciser Françoise Férat, les finalités de l’épargne populaire ont considérablement évolué dans le temps.
Les premières opérations d’épargne populaire remontent au XIXe siècle, lorsque, en pleine révolution industrielle, il fallait permettre aux populations qui venaient exercer des métiers nouveaux et commençaient à gagner un peu d’argent d’accéder à la banque. C’est ainsi que les caisses d’épargne ont été créées en 1818 et se sont développées ensuite, au service de l’intérêt public que représentait l’accès des classes populaires à l’épargne. À l’époque, ce mouvement accompagnait celui de la scolarisation et la formation à l’épargne se faisait dans les écoles, les premières caisses d’épargne ayant été créées autour d’instituteurs qui sensibilisaient les enfants à l’épargne, afin que ceux-ci apprennent ensuite à leurs parents comment gérer leur argent.
M. Charles Revet. C’était simple et efficace !
M. Joël Guerriau. Du financement de la dette publique jusqu’au financement de l’économie, un objectif est resté constant depuis plus d’un siècle : le financement du logement social.
Cette priorité donnée au logement social est l’esprit même de l’épargne populaire. C’est un cercle vertueux : l’épargne accessible aux plus modestes permet de financer à long terme la construction des logements sociaux. L’épargne populaire s’est ainsi imposée comme le vecteur historique de la solidarité entre des générations successives de locataires. Cette boucle vertueuse ne peut fonctionner que si sont réunies deux conditions sur lesquelles je centrerai mon propos : le progrès dans l’accessibilité bancaire et le droit au compte, ainsi que l’efficience du financement du logement social.
L’épargne populaire n’est véritablement populaire que lorsqu’elle peut devenir la chose de chacun. Aussi l’accessibilité bancaire et le respect du droit au compte sont-ils des principes essentiels pour que l’épargne populaire continue de jouer son rôle social.
D’importants progrès ont été réalisés depuis 2008. La loi de modernisation de l’économie, dite LME, en permettant la diffusion de l’épargne réglementée à toutes les banques a contribué à mettre l’épargne populaire à la portée de tous.
Je tiens notamment à souligner le rôle pivot joué depuis six ans par la Banque postale en la matière, puisque celle-ci doit respecter des obligations qui ne s’imposent pas aux autres banques. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, la Banque postale doit ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande, effectuer gratuitement et sans limite les opérations de dépôt et de retrait à partir de 1,5 euro – au lieu de 10 euros pour les autres établissements bancaires –, accepter les domiciliations de virements et de prélèvements de certaines opérations, notamment au profit des minima sociaux, octroyer gratuitement et sans limite des chèques de banque ou encore effectuer gratuitement des virements sur le compte à vue du titulaire du livret A.
Les derniers chiffres mis à disposition par l’Observatoire de l’épargne réglementée font état du succès remporté par cette politique volontariste. À la fin de l’année 2012, la Banque postale disposait de plus de 19 millions de livrets A sur les 64 millions qui existent en France. Or près de 54 % de ces livrets présentent un encours inférieur à 150 euros. Le livret A étant ouvert à tous, il reflète l’état de la société française, avec ses inégalités, au travers de la collecte de l’épargne populaire.
Il existe néanmoins des produits destinés à faciliter l’accessibilité bancaire et réservés à ceux de nos concitoyens qui connaissent les situations financières les plus fragiles : je pense notamment au livret d’épargne populaire.
Le nombre de LEP ouverts est resté stable depuis 2002, alors que la crise a durement frappé nos concitoyens. Les critères d’éligibilité au LEP sont effectivement restrictifs, dès lors qu’il faut nécessairement être exonéré de l’impôt sur le revenu pour pouvoir en bénéficier. Or le LEP est rémunéré plus généreusement que le livret A, le taux servi étant supérieur de 0,5 point.
L’effet redistributif du LEP devrait être amplifié à la suite de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu. Un important débat sur ce sujet a eu lieu à l’Assemblée nationale, pendant l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013 : l’éventualité d’ouvrir l’accès au LEP à plus de 7 millions de foyers supplémentaires en retenant comme critère le revenu fiscal de référence, et non plus l’impôt effectivement payé, avait alors été évoquée.
L’accessibilité bancaire est donc l’une des vocations de l’épargne populaire. Elle l’enrichit tant en alimentant ses encours qu’en lui donnant une vocation sociale, et donc finalement populaire.
En ce qui concerne le financement du logement social, le rapport Camdessus de 2007 était relativement pessimiste quant à sa pérennité. C’était avant la relance de la dynamique de la collecte par la loi de modernisation de l’économie de 2008.
Les objectifs de financement ont-ils été remplis six années après l’amorce de ces réformes ? À en croire le dernier rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée, les capacités des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations sont devenues excédentaires par rapport aux objectifs fixés.
Le régime de centralisation des encaisses mis en place par la LME de 2008 et définitivement entré en vigueur en 2011 permet désormais aux fonds d’épargne de disposer de près de 65 % de l’ensemble de la masse de l’épargne réglementée, soit plus de 255 milliards d’euros à la fin de l’année 2012. Ce levier a permis à la Caisse des dépôts et consignations de démontrer, une fois de plus, que la politique de soutien au logement social constitue le cœur de ses activités.
Le montant des prêts signés en 2012 au profit du logement social et de la politique de la ville s’est élevé à 14,9 milliards d’euros. Ces crédits ont été consentis sous forme de prêts directs, à hauteur de 12,4 milliards d’euros, ou indirects, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, via le refinancement d’établissements bancaires consentant des prêts locatifs sociaux, des prêts locatifs intermédiaires et des prêts sociaux location-accession.
Au-delà du caractère abstrait de ces chiffres, l’effort d’épargne trouve une traduction concrète au service de la collectivité. Le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations a ainsi financé, en 2012, d’après les données les plus fermement établies, la construction ou l’acquisition de plus de 105 000 logements, au lieu de 120 761 en 2011, et a contribué au financement de la réhabilitation de plus de 210 000 logements.
Parmi ces 105 000 logements, plus de 22 000 relèvent de l’habitat spécifique. Nous parlons ici de centres d’hébergement, de résidences ou de foyers d’accueil. Cet effort historique de la Caisse répond ainsi à des besoins non couverts par le marché du logement.
Il est certain que ces résultats, s’ils sont probants, ne sont pas au niveau des objectifs fixés par le Gouvernement lors de la présentation, en 2013, du « plan d’investissement pour le logement », qui prévoyait la construction de 150 000 logements sociaux par an. Or, depuis le début des années 2000, il est apparu comme une constante que ces plans ont toujours contribué à tirer la construction et l’évolution du parc locatif social vers le haut.
Ce parc, qui compte actuellement 4 400 000 logements, croît en moyenne de 1,5 % par an, selon les données fournies par la Caisse. En 2011, la croissance nette du parc a été de l’ordre de 73 000 logements, avec plus de 100 000 logements produits et 27 000 logements sortis du parc. Parmi ces derniers, 19 000 ont été démolis, mais 8 000 ont été vendus aux particuliers.
La politique du logement social appuyée par l’épargne populaire, c’est certes la construction, mais c’est aussi l’entretien, la rénovation, la modernisation ainsi que l’accompagnement des locataires vers l’accession à la propriété – n’oublions pas non plus l’adaptation des logements pour les personnes handicapées.
De nombreux efforts restent à fournir. La décollecte observée à l’automne dernier, couplée à la crise du mal-logement, tend à remettre en cause la boucle vertueuse de l’épargne populaire. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment du Parlement, de veiller à ce que l’épargnant puisse toujours contribuer, par son effort, à cette grande entreprise de progrès social qui profite aux banques, à l’État, à la collectivité, mais aussi, et surtout, aux épargnants eux-mêmes. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe UDI-UC d’avoir demandé l’inscription de ce débat à notre ordre du jour.
Permettez-moi de débuter mon propos par une citation : « Le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable est fixé de manière à ce que les ressources centralisées sur ces livrets dans le fonds prévu à l’article L. 221-7 soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social et de la politique de la ville par la Caisse des dépôts et consignations au titre de ce même fonds, affecté d’un coefficient multiplicateur égal à 1,25. […]
« Les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable non centralisées en application des alinéas précédents sont employées par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, ainsi qu’au financement des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens. […] Les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable rendent public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées. »
Dans ces extraits du code monétaire et financier se retrouve, à notre avis, le fond de notre débat de ce jour.
Je compléterai cette introduction en rappelant que, dans son programme présidentiel, le candidat François Hollande avait, entre autres mesures, annoncé le doublement du plafond du livret de développement durable, garanti une rémunération du livret A supérieure à l’inflation et annoncé, pour favoriser la construction de logements sociaux, le doublement de son plafond.
Au point où nous en sommes, rappelons donc que le taux de rémunération du livret A est aujourd’hui de 1,25 % et que son plafond n’a pas été doublé, mais n’a été porté qu’à 22 950 euros, au lieu de 15 300 euros au printemps de 2012. À la vérité, le Gouvernement semble bel et bien avoir changé son fusil d’épaule en matière d’épargne populaire, puisque la baisse de la rémunération des livrets défiscalisés, issue de la formule de calcul « Raffarin », a provoqué une relative décollecte ces derniers temps.
Mais le magot du livret A, comme celui du LDD ou des autres formules de livrets défiscalisés, continue d’intéresser au plus haut point les banquiers qui, en 2008, sur l’initiative d’établissements comme le Crédit agricole et sous la houlette de Christine Lagarde, ont combattu le « monopole » de distribution des caisses d’épargne et de La Poste, afin de pouvoir proposer, eux aussi, un équivalent du livret A.
Le livret A est devenu le produit d’appel des services financiers de BNP Paribas, de HSBC, de la Société générale et de l’ensemble de ces établissements « philanthropiques » dont la pingrerie, lorsqu’il s’agit de financer les petites et moyennes entreprises, n’a d’égale que la propension naturelle à développer des produits dérivés spéculatifs ! Il faut dire que les sommes attirent la convoitise : à la fin de janvier 2014, l’encours global atteint 267,8 milliards d’euros pour le livret A et 101,6 milliards d’euros pour le livret de développement durable.
Nous connaissons une partie des critiques formulées à l’encontre de cette épargne qui ne serait pas « vraiment » populaire, au sens où une minorité de détenteurs de livrets seraient « au plafond » et cumuleraient l’essentiel de l’encours. Il faut dire que, avec 63,3 millions de livrets A et 24,6 millions de LDD, les Français dépourvus de ce placement financier sont assez peu nombreux…
Mais comment ne pas souligner que cette ressource financière qui échappe à toute imposition ou contribution sociale – c’est une affaire d’un coût unitaire limité : 8,20 euros par an en moyenne pour le livret A et 9,15 euros pour le LDD, ce qui ne les apparente guère à des niches fiscales excessives –, relève d’un autre usage que certains autres dispositifs incitatifs que nous connaissons ?
Le détenteur d’un livret A dont l’encours atteint le plafond touchera en 2014 moins de 290 euros d’intérêts… Rien à voir, bien évidemment, avec les dispositifs incitant à l’investissement immobilier – voyez ce que nous a coûté le Scellier au regard de la crise du logement dans notre pays ! – et rien à voir avec, par exemple, le dispositif ISF-PME, dont le coût, pour les finances publiques et le bonheur des 40 000 contribuables concernés, est double de celui de l’exonération des intérêts du LDD pour 24,6 millions de livrets ! Pour les uns, c’est 9,15 euros d’exonération par livret, et pour les autres, c’est 11 000 euros de réduction d’impôt !
Le problème du devenir de l’épargne populaire est donc éminemment politique. Le Gouvernement, alors même que les politiques d’austérité à l’œuvre en Europe conduisent désormais à la déflation – à force de comprimer les salaires, on finit par faire baisser les coûts de production –, ne peut se permettre de réduire encore le taux de rémunération du livret A.
Il va falloir aussi s’expliquer sur l’usage de la collecte. Nos petites et moyennes entreprises ont des difficultés d’accès au crédit, que quelques rêveurs pensent résoudre en permettant aux plus « performantes » d’entre elles d’accéder aux marchés financiers, alors même que la cotation en bourse est d’un coût encore plus élevé !
Des centaines de milliers de nos compatriotes sont mal logés, privés de logement ou résident dans des gourbis insalubres, portant atteinte à la dignité humaine et à la décence la plus élémentaire !
Nous devons, dans le même temps, mener des politiques audacieuses et déterminées de transition énergétique et écologique, développer, en particulier, une offre de transports alternatifs à l’automobile.
Or, aujourd’hui, le Gouvernement laisse les plus récents collecteurs du livret A – les banques privées, pour aller vite – disposer à leur guise de la collecte réalisée en abaissant le niveau de la centralisation de l’encours, une centralisation que les deux réseaux historiques de La Poste et des caisses d’épargne continuent d’assumer pour l’essentiel, fidèles en cela à leurs missions de service public et d’intérêt général.
Le 30 juillet 2013, M. le ministre des finances, qui s’était déjà illustré en apportant la garantie de l’État à PSA Banque pour 10 milliards d’euros et, plus récemment, en facilitant l’entrée de l’État dans le capital du groupe automobile, a signé un décret laissant à la disposition des banques privées 20 milliards d’euros issus de la collecte du livret A et du LDD, et rien de moins que 10 milliards d’euros provenant de la collecte du livret d’épargne populaire. À quoi bon créer une Banque publique d’investissement si, parallèlement, on rend aux aventuriers de la finance rien de moins que 30 milliards d’euros !
Qu’il semble bien loin le temps où les parlementaires socialistes des deux assemblées cosignaient et défendaient des amendements pour assurer la centralisation des encours du livret A et l’utilisation de sa collecte en faveur du logement social ! Pour donner une chance à l’épargne populaire, la solution serait peut-être, mes chers collègues, de revenir sur ce décret passé évidemment inaperçu dans la tiédeur de l’été dernier… Encore une fois, les besoins sont immenses et nous devons mobiliser les outils nécessaires pour y répondre. Or ces outils, nous les avons, nos compatriotes demeurant attachés et fidèles à cette forme d’épargne presque bicentenaire : alors pourquoi s’en priver ? Entre la finance sans limites et la satisfaction des besoins collectifs, je le dis haut et fort, il va bien falloir choisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Il faut lever l’ambiguïté !
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré la crise, l’épargne des ménages représente des sommes particulièrement importantes, puisqu’elle constitue aujourd’hui un tiers de leur patrimoine total. En dix ans, son montant aura progressé de 55 %.
Rappelons que l’épargne réglementée et son adjudication permettent aux établissements de crédit de se refinancer auprès du fonds d’épargne afin de prêter directement aux organismes de logement social. C’est la raison pour laquelle elle occupe une place centrale dans les placements financiers des ménages. Sa rémunération influe donc fortement sur le coût des ressources permettant de financer les entreprises, le logement social et la politique de la ville.
Pour autant, sur les trente dernières années, la part de l’épargne réglementée est passée de 30 % à 15 % de l’épargne financière totale. Soulignons que, sur la même période, la part de l’assurance vie a, quant à elle, fortement augmenté, passant de 5 % à 40 %. Elle représentait 15 milliards d’euros en 1980, contre 1 500 milliards d’euros aujourd’hui.
Actuellement, 64 millions de livrets A sont ouverts auprès des établissements bancaires, pour un encours atteignant 250 milliards d’euros. Rappelons que la hausse de celui-ci a été supérieure à 15 % en 2012.
Je me permettrai d’évoquer ici deux points : l’importance de stabiliser et de sécuriser l’épargne réglementée et le devenir des contrats d’assurance vie en déshérence, qui recèle un enjeu budgétaire non négligeable.
Depuis le 1er mai 2011, les établissements de crédit centralisent au sein du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations un montant égal, en moyenne, à 65 % de l’encours total. Ce montant est également ajusté en fonction de l’encours des prêts au logement social et à la politique de la ville.
Souvenez-vous aussi que le Président de la République s’était engagé à doubler le plafond du livret A sur le quinquennat et à doubler immédiatement celui du livret de développement durable. Cet engagement visait, d’une part, à dégager de nouvelles ressources pour le financement du logement social – avec un objectif de construction de 150 000 logements par an – et, d’autre part, à corriger les effets de la stagnation du plafond depuis novembre 1991.
Comme convenu, le Gouvernement a donc procédé au relèvement de 25 % du plafond du livret A, passé ainsi de 15 300 à 19 125 euros, et au doublement de celui du LDD, passé de 6 000 à 12 000 euros le 1er octobre 2012. Un nouveau relèvement de 25 % du plafond du livret A est intervenu le 1er janvier 2013, ce plafond s’établissant désormais à 22 950 euros.
Sur ce point particulier, je soutiens le travail réalisé par nos collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre, qui ont remis au Premier ministre, en avril dernier, un rapport sur la dynamisation de l’épargne des ménages pour financer l’investissement et la compétitivité.
Dans ce rapport, ils plaident pour une affectation d’une part du produit de cette hausse au financement des entreprises et des grandes infrastructures, en particulier, par l’ouverture d’un droit de refinancement de 10 milliards d’euros pour les premières et de 10 milliards à 20 milliards d’euros pour les secondes, sans remettre en cause, bien entendu, la priorité donnée au financement de la construction du logement social.
Le relèvement des plafonds de l’épargne réglementée avait fait naître la crainte, chez la plupart des acteurs bancaires, d’une diminution de l’épargne fiscalisée et liquide. Pourtant, la perte de ressources liquides au bilan, estimée entre 20 milliards et 35 milliards d’euros, a été largement compensée par la mise à disposition des réseaux bancaires de 30 milliards d’euros de ressources centralisées au fonds d’épargne, destinées à augmenter l’encours de prêts aux entreprises.
Concernant le taux du livret A, la révision semestrielle du 1er février dernier a donné lieu à des divergences d’appréciation entre le Gouvernement et la Banque de France. En effet, l’application stricte de la règle aurait dû logiquement entraîner une baisse du taux à 0,75 %. De son côté, la Banque de France proposait de le fixer à 1 %, estimant que la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des épargnants justifiait une dérogation à l’application stricte de la règle.
Cependant, le Gouvernement a souhaité maintenir le taux à 1,25 %, et je suis convaincu qu’il a eu raison. En effet, la baisse de 1,75 % à 1,25 % en août dernier avait entraîné une diminution de la collecte de 3,4 milliards d’euros entre août et décembre. Une diminution supplémentaire du taux aurait eu un effet trop négatif sur le volume des dépôts. Notons, toutefois, que la collecte reste largement positive sur l’année 2013 – à hauteur de 12,1 milliards d’euros –, grâce à l’augmentation du plafond intervenue le 1er janvier.
La réforme du livret d’épargne populaire est entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Ce livret permet d’aider les personnes disposant de revenus modestes à placer leurs économies dans des conditions assurant le maintien de leur pouvoir d’achat. La loi de finances rectificative pour 2013 a élargi son bénéfice à toute personne dont le revenu fiscal de référence pour 2013 est inférieur à 19 140 euros pour une part de quotient familial. Selon les estimations, 3,3 millions de Français supplémentaires peuvent désormais souscrire un tel produit cette année.
Je voudrais à présent dire quelques mots d’une initiative de notre collègue député Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il est l’auteur d’une proposition de loi, adoptée voilà quelques jours, portant sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence.
La Cour des comptes a effectivement constaté une insuffisance des dispositions législatives qui encadrent les obligations des banques et des assurances envers leurs clients, notamment lorsque ceux-ci n’ont pas les moyens de se manifester spontanément, par méconnaissance des avoirs et prestations qui leur reviennent pourtant de droit. La Cour des comptes a également relevé une insuffisance des contrôles et, a fortiori, des sanctions par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en cas de manquement.
Le montant des encours concernés par ces dispositions n’est pas mince : il a été évalué à près de 4 milliards d’euros, dont plus de 1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires, et près de 2,8 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie et de capitalisation.
Ces sommes demeurent toutefois dans les livres des établissements de crédit et des compagnies d’assurances, sans que leurs propriétaires légitimes soient informés de leur existence.
Par ailleurs, la Cour des comptes souligne également la faiblesse des montants reversés à l’État au terme du délai de la déchéance trentenaire, limités à 50 millions d’euros en moyenne en 2011 et en 2012. L’enjeu budgétaire pourrait pourtant se révéler sensiblement plus significatif si les règles encadrant la déchéance de propriété en faveur de l’État étaient appliquées de manière beaucoup plus rigoureuse.
Le texte, qui sera débattu au Sénat mi-avril, prend acte du constat dressé par la Cour des comptes et des recommandations de celle-ci. Il a donc pour objet de renforcer la protection du droit de propriété des épargnants, mais aussi la protection des intérêts financiers de l’État, à qui les fonds doivent être retournés s’ils n’ont fait l’objet d’aucune réclamation pendant trente ans.
Mes chers collègues, l’épargne populaire, nous le savons, est une question majeure pour notre économie, tant par le montant des sommes en jeu que par l’importance qu’elle revêt pour nos concitoyens, à un moment où le pouvoir d’achat des ménages tend à se contracter et où la crainte de l’avenir incite à la constitution d’une légitime épargne de précaution. Le Gouvernement et la représentation nationale en sont conscients. Je me félicite qu’il en soit ainsi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1818, lorsque le philanthrope Benjamin Delessert créa la Caisse d’épargne et, avec elle, le livret d’épargne, qui deviendra un siècle et demi plus tard le livret A, il ciblait explicitement ce que l’on appelait à l’époque les « classes populaires ».
Pourtant, ce livret n’a pas tout de suite rencontré un franc succès auprès de cette catégorie de la population, qui faisait montre d’une certaine méfiance. En 1822, la situation était résumée en ces termes par le fondateur de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Paris, François XII de la Rochefoucauld : « La classe que vous avez plus particulièrement l’intention d’aider se persuade difficilement que des hommes d’une fortune indépendante veuillent s’occuper de ses intérêts, en rejetant jusqu’à l’idée du moindre avantage personnel. »
Près de deux siècles plus tard, la situation a bien changé et l’épargne populaire est bel et bien devenue une réalité, du moins si l’on se réfère au nombre de livrets A détenus par des personnes physiques, qui s’établissait à plus de 63 millions à la fin de 2012, soit un taux de détention équivalant à 96 % de la population française.
Outre le livret A, les deux autres principaux livrets réglementés et entièrement exemptés de prélèvements sociaux et fiscaux, c’est-à-dire le livret de développement durable et le livret d’épargne populaire, rencontrent eux aussi un franc succès, même si leur nombre est moins élevé.
Le Gouvernement a fait le choix, malgré la faiblesse de l’inflation, d’une politique volontariste, qui s’est traduite par le maintien d’un taux de rémunération relativement élevé pour ces trois livrets. En effet, alors que la Banque de France préconisait une nouvelle baisse de la rémunération du livret A et du LDD, pour la ramener à 1 %, le ministre de l’économie et des finances a choisi de maintenir le taux à 1,25%.
Ce choix politique en faveur du pouvoir d’achat des ménages favorise la confiance de ces derniers dans des produits d’épargne déjà largement plébiscités du fait de leur défiscalisation, de leur liquidité parfaite et de leur rémunération qui garantit un niveau de sécurité maximal.
Nous soutenons ces mesures qui permettent aux ménages, notamment aux plus modestes d’entre eux, de constituer une épargne de précaution, plus que nécessaire en ces temps incertains, mais il convient de ne pas oublier que l’un des principaux déterminants de l’épargne reste le revenu. Les conditions économiques dégradées, la croissance morne et le chômage endémique sont les véritables obstacles à la constitution d’une solide épargne populaire.
D’ailleurs, il convient de rappeler que si plus de 90 % de la population française détient un livret A, l’encours moyen de ces livrets, comme celui des livrets de développement durable, se situe autour de 3 700 euros, bien loin de leurs plafonds fixés respectivement à 22 950 euros et à 12 000 euros. Surtout, 64 % des livrets A ont un encours inférieur à 1 500 euros, et plus de 10 % un encours inférieur à 10 euros. L’encours moyen des livrets d’épargne populaire est, quant à lui, un peu plus élevé, puisqu’il s’établit à quelque 5 300 euros.
Ce que nous souhaitons, c’est donc avant tout l’amélioration des conditions économiques, et en premier lieu le retour des emplois et de la croissance, pour permettre à ceux qui le désirent de constituer une épargne de précaution significative.
Madame la ministre, le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage la première de ses priorités et nous lui apportons tout notre soutien. Des signes encourageants de reprise sont aujourd’hui perceptibles. Nous espérons que la diminution drastique du taux de chômage est véritablement enclenchée.
Les réformes récentes ont aussi répondu à un second objectif en matière d’épargne, celui de justice fiscale, auquel les membres du RDSE sont extrêmement attachés.
Enfin, il ne faut pas oublier que, comme le rappelaient les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre dans leur rapport d’avril 2013 sur l’épargne financière des ménages, « l’épargne réglementée bénéficie d’un traitement fiscal et social très favorable conforme à sa nature d’épargne populaire qui permet le financement de priorités d’intérêt général ».
En effet, les montants collectés au titre des livrets A et des LDD centralisés au fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations permettent de financer la politique en faveur du logement social ainsi que celle de la ville, mais peuvent aussi, ponctuellement, contribuer au financement d’autres politiques publiques, en matière d’infrastructures, de santé, etc.
Dans les prochaines années, le fonds d’épargne devrait continuer à accompagner ces politiques prioritaires, notamment pour atteindre l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an. Néanmoins, des problèmes autres que celui de l’épargne se posent.
Le véritable enjeu, pour l’épargne en France, n’est nullement celui du niveau d’épargne des ménages, d’ailleurs relativement élevé puisqu’il se situe autour de 15 % ; c’est surtout celui de son allocation.
Si une partie de l’épargne populaire contribue au financement des PME, notamment au travers des obligations qui incombent aux établissements financiers collecteurs du livret A et du LDD, l’épargne – et pas seulement l’épargne populaire – reste insuffisamment orientée vers le financement de l’économie.
Historiquement, la forte aversion au risque des ménages français, qui a été renforcée par la crise économique, les conduit, de manière tout à fait légitime, à se tourner vers les produits d’épargne les plus liquides et les moins risqués : livret A, LDD… Cela se traduit aussi par le placement de 85 % des encours d’assurance vie sur des contrats en euros ou sur les compartiments euros des contrats multisupports, dont le capital est garanti à tout moment.
De surcroît, la réglementation et la fiscalité de l’épargne incitaient peu, jusqu’à présent, à une prise de risque plus importante, qui permettrait d’orienter davantage l’épargne vers le financement de l’économie, notamment vers le développement des PME.
L’amélioration du financement de l’économie était aussi un des principaux objectifs de la réforme de l’épargne réglementée mise en œuvre en plusieurs étapes par le Gouvernement. Celle-ci s’est caractérisée, tout d’abord, par le doublement des plafonds du livret A et du LDD, puis par la baisse des taux des prêts du fonds d’épargne, et enfin par la mise à disposition des réseaux bancaires de 30 milliards d’euros provenant des ressources centralisées au fonds d’épargne, afin de leur permettre d’accroître les prêts aux PME.
Les différentes réformes engagées doivent porter leurs fruits dans les années à venir. Il nous semble qu’il faut désormais maintenir une certaine stabilité, d’ailleurs promise par le Président de la République. Cette stabilité est indispensable pour garantir la confiance des épargnants et des investisseurs, confiance qui est elle-même la clé, comme nous le soulignons souvent, de la croissance, et donc de l’emploi, lequel demeure notre priorité !
Il faut dire aussi que l’épargne populaire a permis, dans les années passées, de maintenir un parc automobile relativement important. Quant à l’épargne détenue par les personnes âgées, elle sert souvent à acheter la mobylette ou le scooter du petit-fils ou de la petite-fille…
Madame la ministre, nous sommes très attachés à l’épargne populaire car, si nombreux sont ceux qui en bénéficient, ce sont, à l’évidence, surtout les plus modestes qui tireront avantage des réformes entreprises. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC nous propose aujourd’hui un débat sur l’épargne populaire. Il convient, tout d’abord, de définir ce que signifie cette expression. S’agit-il uniquement du livret d’épargne populaire, produit financier réglementé à l’usage des personnes ayant un revenu fiscal de référence inférieur à 19 140 euros pour une part de quotient familial, de l’ensemble des livrets d’épargne réglementés, qui comprend, outre le livret d’épargne populaire, le livret A et le livret de développement durable, ou encore de toute épargne qui serait « populaire » ?
J’ai noté que le député UDI Charles de Courson avait proposé, début février, une refonte de la fiscalisation des livrets d’épargne réglementée.
Mme Muguette Dini. Nous ne sommes pas d’accord !
M. Jean Desessard. Mme Férat a cependant signalé que telle n’était pas sa position.
Mme Muguette Dini. Absolument !
M. Jean Desessard. M. de Courson propose de soumettre les intérêts des livrets A et des livrets de développement durable à l’impôt sur le revenu au-delà d’un certain seuil qu’il conviendra de fixer ultérieurement. Son argument principal est que la défiscalisation des intérêts de ces livrets coûte cher dans un contexte de restriction budgétaire : 665 millions d’euros en 2013, selon ses estimations. Il affirme également qu’une fiscalisation de ces produits ne toucherait pas les plus modestes, qui sont exonérés de l’impôt sur le revenu. Il déclare enfin que l’exonération fiscale « favorise ceux qui bourrent ces livrets comme une façon de mieux rémunérer leur épargne liquide », remettant ainsi en cause le caractère « populaire » de cette épargne, ces produits étant principalement utilisés par des personnes aisées.
J’ai bien compris que telle n’était pas la position du groupe UDI-UC du Sénat. (Mme Muguette Dini acquiesce.)
M. Joël Guerriau. Absolument !
M. Jean Desessard. Mme Férat a en effet défendu les livrets de l’épargne réglementée, qui, comme leur nom l’indique, sont réglementés, c’est-à-dire que la définition de leurs intérêts, leur collecte et l’utilisation de celle-ci sont de la responsabilité du secteur public. Ainsi, les banques reversent 65 % des sommes placées par leurs clients sur les livrets A et les LDD et 70 % de celles qui sont placées sur les livrets d’épargne populaire à un fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. Les 35 % restants sont gérés par les banques, qui ont pour obligation de les employer pour le financement des PME et des opérations de rénovation énergétique des bâtiments anciens. Le respect de cette obligation est à vérifier…
Le fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations a pour priorité de financer le développement de l’offre de logements sociaux et la politique de la ville. En 2012, cette manne financière a permis à la Caisse d’accorder 14,9 milliards d’euros de prêts. Durant cette même année, plus de 100 000 logements sociaux ont pu être acquis ou construits grâce au fonds d’épargne. En janvier 2013, le Gouvernement a décidé de doubler le plafond du livret A. Cet effort permettra de renforcer le soutien financier au logement social sur le long terme.
Les livrets de l’épargne réglementée sont ainsi socialement utiles à notre pays. Il est évidemment possible de débattre de la légitimité d’une fiscalisation, car la fixation des plafonds à des niveaux élevés profite principalement aux plus aisés. Néanmoins, d’autres produits financiers mériteraient davantage notre attention : je veux parler des assurances vie.
Si les assurances vie peuvent être considérées comme des assurances pour les proches du souscripteur en cas de décès, elles sont avant tout des produits d’épargne très intéressants pour les assurés. Le montant total de l’encours des assurances vie témoigne de l’attractivité de ces produits : 1 400 milliards d’euros à la fin de 2012. On dépasse de loin les 385 milliards d’euros d’encours cumulés des livrets A, des LDD et des LEP à la même date.
Ces placements sont beaucoup plus rentables pour les épargnants que les livrets, même si l’écart tend à se réduire. En effet, si les assurances vie proposent un taux de rémunération d’environ 3 % en moyenne selon les placements, les taux des livrets se situent entre 1,25 % et 1,75 %.
Un des écueils majeurs de l’assurance vie est que, à la différence de ceux des livrets réglementés, ses encours ne sont pas fléchés par les pouvoirs publics. Elle n’a donc aucune utilité sociale puisque ses encours ne sont pas orientés vers des investissements choisis pour l’intérêt qu’ils présentent pour l’ensemble de la société.
Certes, depuis plusieurs années, les assurances vie proposent à leurs souscripteurs d’investir dans des fonds « ISR » – investissement socialement responsable –, dont les gérants tiennent compte de critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance démocratique. Si l’émergence de ces pratiques est un point positif, il convient de rester lucide sur leur ampleur et leur impact réels. Le choix est laissé aux souscripteurs des assurances vie d’utiliser leurs fonds comme ils l’entendent, et les placements ISR ne se distinguent pas par une rentabilité financière supérieure. Ainsi, seulement 54,6 milliards d’euros ont été placés dans ces fonds en 2012 par les assureurs, selon une étude du cabinet Novethic publiée en avril 2013. De plus, il n’existe pas de cadre réglementaire définissant ces « bonnes pratiques ».
Si l’utilité sociale de l’assurance vie est plus que limitée, son régime fiscal est très avantageux, puisque les prélèvements sont uniquement effectués lors d’un mouvement de fonds : rachat total ou partiel, sortie en rente ou capital décès. Les gains sont imposés, mais uniquement au prorata des sommes retirées ; si l’on rachète 10 % du total du contrat, l’imposition ne portera que sur 10 % des intérêts produits depuis l’ouverture de ce dernier.
Pour toutes ces raisons, plutôt que de taxer les détenteurs de livrets, dont l’épargne profite à la société, il serait préférable de flécher les encours de l’assurance vie.
Mme Muguette Dini. Non !
M. Jean Desessard. Au vu des sommes en jeu, l’effet de levier serait beaucoup plus important. Plutôt que de recourir à une fiscalisation qui abonderait le budget général de l’État, nous considérons qu’il serait plus judicieux d’opter pour un fléchage vers les secteurs de notre économie et de notre société qui ont besoin de financements et que nous souhaitons développer.
À titre d’exemple, à la fin de 2012, lors de la création de la Banque publique d’investissement, les écologistes faisaient la proposition suivante : flécher 3 % des encours de l’assurance vie vers la BPI, afin de doubler son capital, et donc sa capacité de financement. Il ne s’agit là que d’un exemple. On peut également penser au financement de la transition énergétique et écologique, qui a besoin d’un sérieux coup de pouce de la part des pouvoirs publics.
En conclusion, nous remercions le groupe UDI-UC de nous avoir proposé ce débat. Nous considérons qu’il faut inclure dans notre réflexion le fléchage des encours de l’assurance vie, pour un plus grand contrôle de l’utilisation des placements des Français, afin que ceux-ci soient mis au service de toute la société. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier nos collègues du groupe centriste de cette initiative. Le sujet peut être abordé d’un point de vue technique, et j’en développerai quelques aspects, mais, à mon sens, il est avant tout politique et ne peut se réduire à la seule problématique du livret A. Notre collègue Joël Guerriau a d’ailleurs souligné sa dimension sociale, mutualiste, voire coopérative.
Historiquement, l’épargne populaire, à laquelle les Français sont attachés, s’est largement développée durant les Trente Glorieuses.
Dans les années soixante et soixante-dix, sous l’effet des augmentations de salaire et d’un faible taux de chômage, de nombreux Français ont pu emprunter pour acheter leur résidence principale. Le taux d’épargne financière et les remboursements des emprunts immobiliers ont ainsi fortement progressé pour atteindre un pic vers le milieu des années soixante-dix, autour de 20 % du revenu annuel brut de nos concitoyens.
Avec la déflation, la stagnation de la masse salariale et l’augmentation du taux de chômage au cours des années quatre-vingt, ce taux a progressivement décliné pour atteindre, en 1987, le seuil assez bas de 11 %.
Aujourd’hui, ce taux est un peu plus important et atteint environ 15 %, ce qui témoigne d’une épargne relativement forte. Celle-ci représente actuellement 10 000 milliards d’euros, ce qui équivaut à cinq années de PIB et à plus de huit fois le revenu disponible des Français.
Notre pays n’est pas le seul à enregistrer un taux élevé d’épargne : l’Allemagne et la Belgique affichent même un taux supérieur.
L’épargne des Français prend à 60 % la forme d’investissements immobiliers et à près de 40 % celle d’épargne financière, soit près de 4 000 milliards d’euros d’actifs financiers, c'est-à-dire environ deux fois la dette publique de la France.
L’année 2011 a constitué une année record pour l’épargne en France depuis 1982, avec un taux d’épargne des ménages français de 16,8 %. Cependant, depuis 2012, nous assistons à une baisse : les flux de placements financiers des ménages ont connu les niveaux les plus faibles de ces dix dernières années avec 78 milliards d’euros sur les principaux supports, contre une moyenne de 110 milliards d’euros pour les années précédentes. L’assurance vie a notamment connu une décollecte historique. Pour la première fois, la collecte nette de ce produit a été inférieure à celle du livret A.
Dans un climat anxiogène, les épargnants ont privilégié les placements à court terme, comme les livrets bancaires, voire puisé dans leur « bas de laine ». C’est le constat de l’étude annuelle sur les placements financiers réalisée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et la direction générale des statistiques de la Banque de France.
Selon une étude réalisée en 2014 par le Cercle des épargnants, l’effort d’épargne a diminué depuis 2010 de 8 %, dont une baisse de 6 % des versements réguliers. Cette tendance s’explique non seulement par la stagnation des revenus professionnels, mais aussi par la hausse record des prélèvements obligatoires sur les ménages, décidée récemment.
Madame la ministre, c’est ici que le dossier prend une dimension politique. Le matraquage fiscal engagé en 2012 a abouti à un recul du pouvoir d’achat de 0,9 % en 2012 et de 0,1 % au troisième trimestre de 2013. Cette diminution du pouvoir d’achat a un impact direct et mécanique sur la capacité à épargner, quand elle ne contraint pas les ménages à consommer une partie de leur épargne. Si l’on veut développer l’épargne populaire, il faut laisser aux classes moyennes la faculté d’épargner et ne pas leur retirer fiscalement les quelques économies qu’elles peuvent réaliser. Or c’est très exactement le contraire qui a été décidé depuis 2012. Non content de s’attaquer aux riches, qui sont allés placer leurs capitaux en dehors de l’Hexagone, le Gouvernement a matraqué fiscalement les classes moyennes.
En 2012 et 2013, ce sont 16 milliards d’euros d’impôts et de prélèvements sociaux supplémentaires qui ont frappé les économies des ménages. En 2014, contrairement aux affirmations, aucune « pause fiscale » n’est prévue, et ce seront bien 12 milliards d'euros de plus qui seront prélevés : 6,5 milliards d’euros d’augmentation de TVA, 2,5 milliards d'euros dans le cadre de la réforme des retraites et 3 milliards à 4 milliards d'euros disséminés dans la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Ces prélèvements obligatoires touchent principalement les classes moyennes et non les riches !
La fiscalisation des heures supplémentaires, la hausse du forfait social, de la TVA, des cotisations retraite, des cotisations de mutuelle, la baisse du quotient familial et la réforme de la participation sont quelques-unes des mesures qui ont eu un impact direct sur les classes moyennes et populaires, mesures dictées par des considérations plus idéologiques qu’économiques, comme en attestent les chiffres que je viens de citer. En conséquence, devenir propriétaire est aujourd'hui un rêve presque inaccessible pour la grande majorité des Français. Or être propriétaire participe de cette épargne populaire et permet d’acquérir un capital pouvant être mobilisé en cas de revers de fortune. Le revenu net moyen par foyer du candidat à la propriété s’établit en 2013 à 4 500 euros. Autant dire qu’il exclut de fait nombre de nos concitoyens. Selon les derniers chiffres publiés par l’INSEE en 2010, moins de 20 % des foyers hexagonaux perçoivent plus de 4 400 euros par mois, tous revenus confondus.
L’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu d’un grand nombre de produits financiers a également conduit certains ménages à réduire leur effort d’épargne. La volonté du Gouvernement d’harmoniser au taux unique de 15,5 % le taux des prélèvements sociaux sur les gains réalisés sur certains contrats d’assurance vie, certains PEA, PEL ou plans d’épargne salariale a suscité la colère des épargnants et provoqué leur désaffection. Nous nous y sommes fort heureusement opposés, et vos projets se sont limités à l’assurance vie.
Globalement, le taux d’épargne fluctue en fonction de la santé de l’économie. Il augmente quand l’activité se dégrade, les Français voulant se protéger d’un coup dur, mais cette théorie de la constitution d’une épargne de précaution en cas de crise trouve sa limite quand celle-ci touche directement le pouvoir d’achat. Dans ce cas, les Français n’ont d’autre choix que de puiser dans leur épargne pour leur consommation courante. C’est justement là que le bât blesse ! La crise et les mauvais choix du Gouvernement entraînent une perte de pouvoir d’achat, donc une diminution de l’effort d’épargne, alors même que l’épargne est déjà insuffisamment orientée vers le financement à moyen ou long terme des entreprises, qui sont les plus à même de créer des emplois, de la richesse, de la croissance, donc du pouvoir d’achat. Nous sommes actuellement enfermés dans un cercle vicieux maléfique qu’il convient de briser.
Au troisième trimestre de 2013, le taux de marge brute des entreprises était de 27,7 %, niveau le plus bas depuis 1985 et le plus faible de la zone euro. Les entreprises ne peuvent donc pas investir et bâtir la croissance de demain. Elles manquent de fonds propres et éprouvent de plus en plus de difficultés pour accéder aux crédits bancaires. Toute diminution de l’épargne restreint par conséquent la capacité de financement des entreprises. Il conviendrait d’orienter davantage l’épargne vers le financement de celles-ci. Certes, nous mettons au crédit du Gouvernement de tenter d’orienter une partie de l’assurance vie dans ce sens, avec les contrats euro-croissance ; c’est là un premier pas que nous tenons à souligner.
Les actions et les obligations continuent de faire peur aux épargnants. Or le problème de long terme de l’économie française vient du manque de fonds propres de nos entreprises, c’est-à-dire du manque de candidats à l’acquisition d’actions pour les financer. Sur les presque 4 000 milliards d’euros d’épargne financière, seul le quart constitue de l’épargne en actions et obligations. Il convient donc d’encourager la prise de risque chez les épargnants, par exemple au moyen d’une fiscalité attractive, plutôt que de favoriser des comportements de rente.
Là encore, on le voit, il s’agit bien d’un problème politique. Ce ne sont pas les déclarations autour de l’argent sale que constitueraient les revenus du capital et de l’ennemi déclaré que serait la finance qui peuvent donner confiance aux épargnants et les inviter à investir et à prendre des risques. Certes, afin d’orienter l’épargne financière des ménages vers le financement des PME et des ETI, le Gouvernement vient de mettre en place le PEA-PME. C’est un point positif, madame la ministre, qui va dans le bon sens. Nous regrettons cependant que le plafond d’investissement de ce dispositif soit rogné de 50 % par rapport à la version courante du PEA et que certains supports ne soient pas éligibles au PEA-PME. En outre, il faut reconnaître qu’il concernera surtout les investisseurs avertis.
Préserver les capacités d’épargne des Français passe par le maintien et surtout l’amélioration de leur pouvoir d’achat. Cela nécessite une diminution de la pression fiscale, tout comme un allégement des charges permettrait aux entreprises de retrouver de la compétitivité. Pour ce faire, le préalable, c’est la diminution de la dépense publique afin de se redonner des marges de manœuvre en termes de recettes. Tout se tient ! Je veux croire que le pacte de responsabilité annoncé permettra enfin de s’engager dans cette voie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame Férat, vous avez souhaité avoir un débat sur l’épargne populaire, sujet tout à fait essentiel à propos duquel vos différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, ont soulevé un grand nombre de points qui en confirment la richesse.
Je souhaite dire quelques mots d’introduction avant de répondre à vos interventions et de contribuer ainsi au débat.
Je résumerai mon propos liminaire de la manière suivante : la France a la chance d’être un pays où l’épargne des ménages est l’une des plus abondantes de la zone euro. Celle-ci est une ressource précieuse pour financer notre économie, et le Gouvernement a déployé de nombreux efforts pour mettre l’épargne des Français au service du financement de notre économie et de nos entreprises, en particulier des PME, auxquelles je suis particulièrement attentive. Le Gouvernement mène cette action en ayant par ailleurs le souci de la bonne protection des épargnants, car l’épargne se nourrit de la confiance.
Premier point : l’épargne des Français est abondante.
En 2013, nos concitoyens ont épargné près de 65 milliards d’euros, soit 15,6 % de leur revenu. Leur patrimoine global s’élève en tout à près de 12 000 milliards d’euros. Si l’essentiel de ce patrimoine est un patrimoine immobilier, plus d’un tiers correspond à un patrimoine financier, qui représente près de 4 200 milliards d’euros, soit 2,1 fois la richesse nationale. Pour les ménages, à l’échelon individuel, épargne immobilière et épargne financière servent à assurer un complément de retraite, à détenir une épargne de précaution ou à transmettre un capital à leurs héritiers.
Cette épargne est détenue auprès des établissements bancaires sous forme de livrets et de dépôts, des organismes d’assurance sous forme d’assurance vie, de fonds de placement à travers les OPCVM ou encore en détention directe avec l’acquisition de titres de créance et de valeurs mobilières. Cette épargne est donc mise directement ou indirectement au service du financement de l’économie. C’est même la première source de financement de notre économie.
Deuxième point : tout le Gouvernement est mobilisé pour trouver les moyens permettant de mettre davantage cette épargne au service du financement de la croissance.
Le financement de la croissance, c’est en particulier le financement des entreprises pour leur permettre de se développer, d’investir et d’innover. Cela s’inscrit dans le pacte de responsabilité proposé par le Président de la République le 14 janvier dernier, afin d’accélérer le cercle vertueux de l’innovation, de l’investissement, de la compétitivité et de l’emploi.
Aujourd’hui, près de 26 % du patrimoine financier des Français est investi in fine en actions. Pour mobiliser encore mieux l’épargne des ménages français qui ont les ressources suffisantes pour participer davantage à ces défis, des réformes majeures ont déjà été entreprises. Je ne citerai qu’un exemple, rappelé par nombre d’entre vous, celui du lancement du PEA-PME, qui intervient parallèlement à la redynamisation de l’accès des ETI aux financements de marché. Ce nouveau produit devrait permettre de drainer davantage d’épargne vers le segment des PME cotées et inciter de ce fait un nombre plus important d’entreprises en développement à rechercher auprès des marchés les ressources nécessaires à leur croissance. Le relèvement du plafond du PEA participe d’un objectif plus large de redynamisation de l’épargne en actions.
L’épargne la plus populaire, notamment le livret A, contribue également à cet objectif à travers l’intervention du fonds d’épargne, qui centralise une partie des dépôts des livrets A et des livrets de développement durable, non seulement pour le financement du logement et des investissements des collectivités locales, mais aussi pour le refinancement de la Banque publique d’investissement, BPI France. Le Gouvernement et la majorité ont ainsi souhaité donner un nouvel élan à l’épargne populaire. C’est dans cet esprit que le plafond du livret A a été relevé de 50 % et celui du livret de développement durable doublé. C’est aussi la raison pour laquelle la condition d’accès au livret d’épargne populaire a été simplifiée et améliorée, avec le passage d’un plafond d’impôt à un plafond en revenu fiscal de référence.
Troisième point : l’action du Gouvernement vise à renforcer la protection de l’épargne et à l’accompagner dans ses mutations.
Parce que les Français épargnent pour préparer leur avenir ou celui de leurs enfants, ils recherchent une certaine sécurité financière, pour assurer leur retraite ou faire face à des pertes de revenus imprévues. Il est donc essentiel de leur assurer un cadre protecteur. Le Gouvernement y est d’autant plus attentif que l’épargne ne peut se transformer en un financement durable de notre économie que si elle possède une certaine stabilité, qui ne peut s’acquérir qu’au prix de la confiance. Ainsi, nous suivons le développement de nouveaux modes d'épargne et de financement en nous efforçant systématiquement de tirer tous les enseignements de la crise.
Cela se traduit par exemple, du côté des ménages, par la volonté de faciliter l'investissement direct des particuliers dans des projets innovants. Ainsi, il sera très prochainement mis en place un cadre propice aux nouveaux modes de financement, en particulier les financements participatifs comme le crowdfunding. Celui-ci consiste à permettre, grâce aux possibilités qu’offre désormais internet, le financement d'entreprises, notamment de très jeunes entreprises en phase de création ou de développement, par un grand nombre de petits épargnants apportant à une plate-forme une multitude de petits financements. Une réforme de ce cadre devrait aboutir dans l'année afin de permettre son développement. Je suis particulièrement vigilante à ce que ce nouveau cadre offre une protection suffisante à l’épargnant.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'épargne populaire est un sujet éminemment concret. Notre capacité à transformer cette épargne, faite d’une multitude de petits montants, en des financements utiles à notre économie est essentielle et constitue l'une des priorités de l'action du Gouvernement.
Je souhaite maintenant répondre aux différents orateurs.
Madame Férat, vous avez souhaité focaliser votre intervention sur l'épargne réglementée, en particulier sur le livret A.
Vous avez mentionné la réforme de 2008, qui a conduit à la généralisation de la distribution du livret A, ce qui a entraîné un regain de la diffusion de ce produit et de la collecte de fonds, dont une large part est centralisée dans le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Comme vous le signalez, cette réforme a contribué à écarter le risque d'un manque de fonds pour le financement du logement social. Je vous remercie d'avoir rappelé que le Gouvernement, en relevant les plafonds du livret A et du livret de développement durable, y avait lui aussi fortement contribué.
Vous souhaitez que le livret A et le livret de développement durable retrouvent toute leur visibilité. Sur ce point, je ne partage pas nécessairement votre analyse. Il est indéniable, selon moi, que le livret A et le livret de développement durable sont aujourd'hui des produits très largement connus et diffusés. Les inégalités entre les montants des encours, que vous pointez à juste titre,…
Mme Françoise Férat. Ah !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. … sont avant tout le reflet d’inégalités dans la répartition même de l'épargne.
Vous m'avez interrogée sur les fonds du livret A et du livret de développement durable qui ne sont pas centralisés, notamment l'enveloppe de 30 milliards d'euros dégagée pour les banques. Je rappelle que ces fonds doivent, en vertu de la loi, être employés par les banques pour le crédit aux petites et moyennes entreprises. Et c'est bien ce qui se passe ! Les encours de crédits aux PME des banques françaises dépassent largement les exigences de la loi. Pour mémoire, cet encours est aujourd'hui de 360 milliards d'euros, soit largement plus que les 170 milliards d’euros que vous évoquiez.
S'agissant de l'enveloppe de 30 milliards d’euros décidée par le Président de la République, elle participe d'une démarche plus large destinée à s'assurer que les banques jouent pleinement leur rôle dans le financement de nos entreprises. Cette enveloppe était ainsi destinée à fournir aux banques une ressource additionnelle pour leurs activités de crédit, en particulier à destination des PME qui en ont le plus besoin.
Des premiers éléments dont dispose le Gouvernement, il ressort que les banques qui ont le plus bénéficié de cette mesure sont celles dont la production de crédit à la fin de l'année 2013 a été la plus dynamique. L'évaluation de cette mesure se poursuit plus en détail, mais il faut d'ores et déjà la considérer comme un succès.
Monsieur Guerriau, vous avez souhaité évoquer le droit au compte. C'est une question absolument fondamentale, qui faisait partie des objectifs identifiés par le Gouvernement dans le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale annoncé en décembre 2012. À ce titre, le Gouvernement a déployé de grands efforts pour favoriser le droit au compte en prenant une série de mesures destinées à en faciliter l’exercice. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires a renforcé les exigences pesant à ce titre sur les banques. Elle a également prévu d'élargir aux associations qui aident les exclus la possibilité de saisir la Banque de France pour le compte d'un tiers et de l'aider à faire valoir son droit au compte.
Je souhaite rappeler ici que, si la Banque postale joue un rôle central dans l'accessibilité bancaire, notamment au travers du livret A, le Gouvernement attend de l'ensemble des banques qu'elles y prennent leur part. En effet, le livret A est un outil imparfait pour permettre l'accessibilité bancaire, et nous devons viser l'accès à un véritable compte bancaire pour tous.
Vous avez mentionné le livret d'épargne populaire. J'aurai l'occasion d'y revenir, mais je rappelle d'emblée que la réforme votée à la toute fin de l’année dernière va à la fois relancer ce produit en élargissant le champ des épargnants qui pourront en bénéficier et en faciliter le recours.
Madame Assassi, vous avez rappelé les règles de centralisation des fonds collectés sur le livret A et le livret de développement durable, ainsi que les obligations qui pèsent sur les banques pour l'emploi des fonds non centralisés. Vous avez également évoqué le relèvement des plafonds.
Je ne partage évidemment pas votre analyse. Le Gouvernement a bien tenu ses engagements, qui étaient ceux du Président de la République. Le relèvement des plafonds du livret A et du livret de développement durable a été réalisé. Il a permis non seulement une très large hausse de la collecte, mais également, mécaniquement, l’augmentation des montants centralisés au fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Aujourd'hui, ce dernier dispose très largement des fonds dont il a besoin pour remplir ses missions, notamment le financement du logement social. Le Gouvernement n'a donc failli ni à ses engagements ni à sa mission.
Vous avez parlé du taux de rémunération du livret A. Sur ce point, le Gouvernement a pris des décisions très claires : il a veillé, comme le Président de la République s'y était engagé, à ce que le taux de rémunération de ce livret soit toujours significativement supérieur au taux de l'inflation, s'écartant ainsi de la stricte application de la formule, qui aurait conduit à des taux de rémunération inférieurs.
Je rappelle enfin que cette rémunération pèse aussi sur le taux auquel la Caisse des dépôts et consignations peut prêter aux bailleurs sociaux. C'est une contrainte que nous prenons en compte dans la définition du logement social.
Monsieur Vaugrenard, je vous remercie d'avoir abordé deux sujets essentiels pour lesquels l'action du Gouvernement et de la majorité a permis de renforcer les acquis de l'épargne populaire et les droits des épargnants.
En ce qui concerne l'épargne réglementée, je vous remercie d'avoir rappelé que le Gouvernement a tenu l'engagement qui était celui du Président de la République lors de sa campagne : d'une part, relever les plafonds du livret A et du livret de développement durable ; d'autre part, s’assurer, dans les décisions concernant la fixation du taux du livret A, que celui-ci permettait de préserver le pouvoir d'achat de cette épargne en prenant en compte l’évolution de l'inflation.
Vous avez également mentionné la réforme du livret d'épargne populaire, qui va donner une nouvelle dynamique à ce produit. Sur ce point, je souhaite souligner que le Gouvernement a pris ces décisions en ayant également à l’esprit, au-delà de la protection de l'épargne populaire, son rôle essentiel dans le financement de notre économie.
En premier lieu, comme vous l'avez dit, le Gouvernement a assuré l’affectation directe d'une partie de ces fonds vers les bilans des banques afin de leur permettre de jouer leur rôle de fournisseur de crédit, rôle qu'elles devront tout particulièrement tenir en 2014 avec la confirmation de la reprise et le redémarrage de la croissance.
En second lieu, le Gouvernement a développé de nouveaux emplois pour les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations – fonds qui centralisent ceux du livret A et du livret de développement durable –, en cohérence avec le rapport des députés Karine Berger et Dominique Lefebvre. Ces fonds permettent ainsi le refinancement de BPI France et ils ont aussi été affectés au financement des investissements des collectivités locales dans le cadre d'un plan d'action plus large visant à leur faire retrouver l’accès au crédit bancaire après le retrait de Dexia, qui, vous le savez, jouait un rôle majeur sur ce marché. Ce plan, qui a également vu la création d'une banque publique des collectivités locales avec l'appui de la Banque postale, est aujourd'hui un succès salué par tous.
Je vous remercie également d'avoir présenté les enjeux de la proposition de loi que Christian Eckert et le groupe socialiste ont présentée à l'Assemblée nationale et qui a été adoptée. Vous anticipez ainsi sur un débat qui aura lieu ici même, en avril, et vous avez bien raison de le faire, tant ce sujet se trouve en résonance avec l'impératif de protection de l'épargne populaire.
Je ne reviens pas en détail sur ce point, que vous avez fort bien présenté. Je souhaite simplement rappeler que le Gouvernement a soutenu la démarche des parlementaires, des députés comme des sénateurs, qui travaillent depuis longtemps sur ce sujet et qui ont souhaité apporter une solution aboutie et complète à la question des comptes bancaires et des contrats d'assurance vie en déshérence.
Jusqu'à présent, cette question récurrente n'avait pu être traitée que de manière partielle par le législateur et les pouvoirs publics. Offrant une solution complète, la proposition de loi dont vous aurez très prochainement à débattre tranche avec cette situation en faisant notamment appel à la Caisse des dépôts et consignations, lui faisant jouer un rôle essentiel dans la centralisation de ces avoirs délaissés afin de permettre aux clients concernés, à leurs bénéficiaires ou à leurs ayants droit de réclamer plus facilement ce qui leur est dû.
La proposition de loi prévoit également un renforcement des obligations pesant sur les établissements financiers, banques et entreprises d'assurance, afin que l’on puisse enfin envisager de trouver la solution à ce problème.
Comme vous, monsieur le sénateur, je vois ici la manifestation de la volonté du Gouvernement et de la majorité de proposer des solutions extrêmement concrètes aux Français pour la protection de leur épargne et pour le renforcement de cette valeur cardinale en économie qu’est la confiance.
Monsieur Fortassin, je vous remercie d’avoir souligné que le Gouvernement a mené, en matière d’épargne populaire, une politique volontariste. C'est bien notre sentiment également, qu’il s'agisse du livret A, du livret de développement durable ou du livret d’épargne populaire. Je vous remercie également de votre soutien à la politique économique du Gouvernement. En matière d’épargne, la politique qu’il mène s'inscrit plus largement dans la politique de financement de l’économie. Je vous remercie, enfin, d’avoir rappelé que le Gouvernement a mené une grande réforme de l’épargne réglementée ; vous en avez rappelé les objectifs, et je vous confirme que le Gouvernement veut désormais stabiliser le cadre normatif de cette épargne.
Monsieur Desessard, vous avez souligné à raison que la notion d’épargne populaire est multiforme, qu’elle peut couvrir des champs extrêmement divers. Pour ma part, dans mon introduction, j'ai souhaité en retenir une définition assez large.
Vous avez soulevé la question d’une éventuelle fiscalisation des livrets, que certains ont évoquée. Je rappelle que, à plusieurs reprises, le Gouvernement a indiqué qu’il n’entendait pas revenir sur ce point.
Vous avez également soulevé la question de l'assurance vie, qui est de loin le produit d’épargne préféré des Français. Sur ce sujet, le Gouvernement a proposé une réforme que le Parlement a adoptée il y a quelques mois dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013. Cette réforme a notamment permis la création de nouveaux produits, les contrats « euro-croissance » et « vie-génération », dont l’objectif est précisément de réorienter les encours de l'assurance vie vers les finalités et les vecteurs de notre économie et de notre société qui en ont le plus besoin : le financement en capital des PME, le financement de la construction de logements, l’économie sociale et solidaire.
Monsieur de Legge, je vous remercie de l’état des lieux très complet de l’épargne en France que vous avez dressé. En revanche, comme vous l’imaginez, je ne puis vous suivre lorsque vous parlez de matraquage fiscal et, surtout, je n’entrerai pas dans la polémique sur la question de savoir qui, du précédent gouvernement ou de l’actuel, est responsable de la hausse des prélèvements qui ont frappé le plus durement les ménages en 2012 et en 2013. À plusieurs reprises, mes collègues Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve ont démontré, chiffres à l’appui, que le gouvernement précédent en était le principal responsable.
Vous avez évoqué la question de l’accès à la propriété. Le Gouvernement a mené une action vigoureuse pour relancer la construction et relâcher ainsi la pression dans les zones tendues. Je citerai l’exemple de la mobilisation du foncier public en faveur du logement social.
S'agissant du financement des entreprises, comme j’ai pu le rappeler à l’instant, le Gouvernement cherche notamment à orienter l’épargne vers les fonds propres des entreprises, ce qui est extrêmement important. J’ai mentionné le PEA-PME et le PEA, et je vous remercie d’avoir cité la réforme de l'assurance vie, qui poursuit également cet objectif. Pour conclure, je précise que le PEA-PME pourra se cumuler avec le PEA et que, dès lors, les deux plafonds pourront s'additionner.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie à nouveau chacun d’entre vous. Vos interventions soulignent l'intérêt porté par la représentation nationale à ce sujet éminemment important qu’est l’épargne populaire, et donc au financement de notre économie, en particulier celui des petites et moyennes entreprises. Je l’ai indiqué, le Gouvernement est tout entier mobilisé pour que nous puissions utiliser l’actif important que représente l’épargne populaire pour assurer la croissance de nos entreprises et de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’épargne populaire.
7
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Catherine Deroche.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame Mme Catherine Deroche comme membre du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.
9
Lutte contre la contrefaçon
Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon (proposition n° 335, texte de la commission n° 383, rapport n° 382).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un peu plus de trois mois, la présente proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, qui en est à l’origine. Résultant d’un important travail commencé en 2011 à l’occasion de l’évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, elle vise à renforcer la lutte contre ce fléau mondial, protéiforme et exponentiel qu’est la contrefaçon, qui représente tout de même pour notre pays, bon an mal an, 6 milliards d’euros de manque à gagner par an.
Je salue la méthode. On dit souvent que trop de loi tue la loi, mais le travail et l’évaluation auxquels cette proposition de loi a donné lieu constituent une valeur ajoutée à laquelle le Gouvernement se rallie.
Le 4 février dernier, l’Assemblée nationale s’est elle aussi prononcée à l’unanimité pour l’adoption de cette proposition de loi. S’inscrivant dans vos pas, les députés ont confirmé les objectifs fixés par le texte : dissuader la contrefaçon par l’augmentation des dédommagements civils et renforcer les moyens d’action de la douane en assurant à tous les types de droits de propriété intellectuelle le niveau de protection le plus élevé.
Leur travail a abouti à un renforcement des dommages et intérêts attribués aux entreprises victimes de contrefaçon. Il sera dorénavant tenu compte du préjudice moral dans la méthode forfaitaire de réparation du préjudice et l’indemnisation versée sera obligatoirement supérieure aux droits normalement payés par le contrefacteur. Il a en outre abouti à un encadrement plus précis du fichier prévu par l’article 13 qui sera mis en œuvre par les douanes à partir des données transmises par les opérateurs de fret express.
Des questions ont été légitimement soulevées sur la nécessité de mieux encadrer ce dispositif, notamment par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui s’est autosaisie de ce texte le 23 janvier dernier. Le Sénat avait déjà précisé que cette transmission des données ne devait pas porter atteinte au secret des correspondances. L’Assemblée nationale s’est fait l’écho de ses préoccupations en défendant la transmission de toute donnée nominative, en précisant la notion d’opérateur de fret express ainsi que le champ des flux concernés, et en limitant à deux ans la conservation de ces données. Cette durée est à la fois raisonnable et nécessaire pour procéder à une analyse de risque efficace en disposant d’un nombre de données suffisant et en tenant compte de la saisonnalité de certains flux. Il s’agit bien de n’arrêter les flux qu’à bon escient. Ce dispositif en offre les moyens aux douanes.
Je souhaite aussi que les douanes et les opérateurs puissent déterminer ensemble les conditions de leur coopération, rendue nécessaire par le développement du commerce en ligne, le texte complétant d’ores et déjà les moyens offerts aux douanes en aval sans pour autant entraver le commerce légitime.
En France, 117 500 sites de e-commerce sont actifs et réalisent un chiffre d’affaires annuel de 45 milliards d’euros dans le domaine des biens et des services. Certes, l’e-commerce n’est pas aussi prospère en France que dans d’autres contrées, mais je connais les Français : lorsqu’ils s’y mettront, ils rattraperont très vite leur retard !
En Europe, près de 550 000 sites marchands s’adressent à plus de 250 millions d’acheteurs en ligne, pour un chiffre d’affaires de 312 milliards d’euros. Vous mesurez l’importance de ce type de commerce !
Conséquence directe de ce développement, les saisies de contrefaçons sur les vecteurs du fret express postal ont fortement augmenté, passant de 35 000 en 2005 à 1,4 million en 2012, soit 30 % des saisies.
Au moment où se tient le salon de l’agriculture, il faut rappeler que la France est le premier exportateur mondial de semences. Le texte adopté par l’Assemblée nationale affirme clairement, comme l’avait rappelé le Sénat auparavant, que les semences de ferme ne constituent pas une contrefaçon.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !
Mme Nicole Bricq, ministre. Un équilibre a été trouvé dans le texte pour offrir aux certificats d’obtention végétale la protection nécessaire à toute invention intellectuelle, tout en préservant les pratiques agricoles de semences de ferme.
La protection de ces obtentions végétales garantit la durabilité de l’activité de 72 entreprises semencières, parmi lesquelles se trouvent de nombreuses PME, de 9 000 emplois et de quelque 17 800 agriculteurs multiplicateurs de semence. Il faut savoir que, chaque année, 600 nouvelles variétés sont créées et que le budget dépensé dans la recherche est de 240 millions d’euros par an.
Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que vous avez examiné la semaine dernière en commission des affaires économiques, vous donnera l’occasion de discuter de ce sujet. De même, comme le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll l’a annoncé devant vous à l’occasion du récent débat, le décret élargissant la liste des semences de ferme à treize autres semences, dont les sojas, les trèfles, les lupins, les pois, a été transmis au Conseil d’État le 13 février dernier. Celles-ci viennent s’ajouter aux vingt et une prévues par la réglementation européenne. Les engagements pris ont donc été tenus.
Enfin, le Gouvernement a souhaité confirmer la position du Sénat en matière d’alignement des délais de prescription en matière d’action civile, notamment s’agissant de l’action en paiement des sommes recouvrées par les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur. Je salue ici l’esprit de compromis du rapporteur de l’Assemblée nationale, qui s’est rallié à cette position.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
Mme Nicole Bricq, ministre. Notre lutte contre ce fléau doit être portée sur tous les fronts, en France, en Europe et avec tous nos partenaires.
L’adoption de la proposition de loi permettra à la France de se mettre en cohérence avec le nouveau règlement européen du 12 juin 2013, entré en application le 1er janvier de cette année, qui encadre l’action de la douane contre la contrefaçon. Hier, le Parlement européen s’est également prononcé en session plénière sur le « paquet marques ». La rédaction votée permet la reprise des contrôles de marchandise en transit, mis à mal par la jurisprudence européenne Nokia-Philips de 2011, qui avait entraîné une chute des saisies opérées par la douane. C’est la position portée par la France qui a été adoptée. Il reste à convaincre le Conseil, qui doit maintenant statuer sur ce paquet législatif pour que puisse s’engager au plus vite le « trilogue » avec la Commission et le Parlement.
Nous menons également cette lutte contre la contrefaçon au niveau international par un renforcement des moyens dévolus à la coopération internationale et grâce à notre réseau d’attachés douaniers déployés dans soixante-dix pays. Ainsi, à l’occasion de la récente visite présidentielle en Turquie, j’ai signé un accord de coopération avec le ministère du commerce et des douanes turc qui permettra de renforcer les échanges entre nos services.
Notre arsenal pour lutter contre la contrefaçon est déjà bon et nous cherchons, avec le Parlement, à le rendre meilleur au travers de cette proposition de loi. Le classement de la chambre de commerce des États-Unis, paru le 28 janvier dernier, situe d’ailleurs cette année notre pays à la troisième position en matière de protection de la propriété intellectuelle, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. Ce classement est significatif, car il est souvent dur avec les Français. Protéger l’innovation des entreprises participe aussi de l’attractivité de notre territoire.
La proposition de loi dotera la France d’un arsenal plus efficace encore dans sa lutte contre le trafic de marchandises contrefaites. C’est grâce à l’important travail qui a été mené sur l’initiative du Sénat que ce texte a pu avancer aussi vite sans que jamais l’intérêt général soit perdu de vue par les uns et les autres. Ce dialogue constructif entre le Gouvernement et le Parlement est un bon exemple de ce que nous pouvons faire ensemble pour rendre la France plus compétitive dans la bataille économique mondiale. Si nous parvenons ce soir à la fin de ce processus législatif, la France sera à la pointe de ce combat. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, autant le dire d’emblée, notre commission des lois est satisfaite du texte adopté par l’Assemblée nationale en séance publique et propose donc au Sénat d’adopter conforme en deuxième lecture la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.
Entre la réunion de la commission des lois et la séance publique à l’Assemblée nationale, j’ai pu avoir des échanges approfondis tant avec le Gouvernement qu’avec mon homologue rapporteur Jean-Michel Clément, que je tiens ici à remercier pour son écoute, son ouverture à la discussion et au compromis. Ces échanges ont permis d’aboutir, à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale en séance publique, le 4 février dernier, à une rédaction tout à fait proche des préoccupations du Sénat et ne remettant en cause aucune de nos positions. Je ne peux que m’en féliciter.
Je rappelle que le texte dont nous discutons tire son origine d’une proposition de loi déposée par notre collègue Richard Yung le 30 septembre 2013, elle-même reprenant pour l’essentiel le texte de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon déposée par notre ancien collègue Laurent Béteille, tel que notre commission l’avait adopté le 12 juillet 2011, sans que ce texte puisse être inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
Avant de présenter les modifications apportées par l’Assemblée nationale, permettez-moi de faire le point sur la question des « semences de ferme ». Comme lors des débats en séance au Sénat, cette question a quelque peu détourné les débats de l’Assemblée nationale de l’objet même du texte, dont je rappelle qu’il consiste à renforcer les moyens de la lutte contre le phénomène de la contrefaçon, en harmonisant et en améliorant les procédures existantes, dans le respect du cadre fixé par le droit communautaire.
Je veux redire ici qu’en aucun cas ce texte ne modifie le fond du droit applicable aux obtentions végétales et à la dérogation prévue pour les semences de ferme. Je rappelle également que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, adopté par l’Assemblée nationale le 14 janvier dernier, doit être examiné en avril par le Sénat ; c’est le texte idéal pour ceux qui souhaitent avoir un débat sur les semences de ferme.
Toutefois, afin de répondre aux inquiétudes qui se sont développées sur cette question, trois amendements ont été adoptés au cours de la navette : le premier au Sénat, sur l’initiative de notre collègue Nicole Bonnefoy, et les deux autres à l’Assemblée nationale. Ces amendements ont une vertu didactique pour deux d’entre eux : rappeler la dérogation prévue par le code de la propriété intellectuelle pour les semences de ferme lorsque l’on énumère les utilisations interdites d’un certificat d’obtention végétale sans le consentement de son titulaire et préciser que les semences de ferme utilisées dans le cadre prévu par le code de la propriété intellectuelle ne sont pas des contrefaçons. Le troisième amendement a une portée plus normative, mais son impact pratique demeure très limité et ne remet pas en cause la logique d’harmonisation du texte : il s’agit d’exclure les semences de ferme de la procédure de retenue douanière et de destruction simplifiée.
Pour conclure sur cette question des semences de ferme, je déplore qu’elle nous ait éloignés du véritable enjeu de ce texte, c’est-à-dire l’activité économique et les emplois que nous perdons à cause du développement de ce fléau multiforme de la contrefaçon. Ne l’oublions pas !
J’en reviens à présent à l’objet réel de la proposition de loi, à savoir le renforcement des moyens de la lutte contre la contrefaçon.
Sur vingt et un articles en navette, huit ont été adoptés conformes par l’Assemblée nationale. Il s’agit des articles 9, 10, 14, 15, 16, 16 bis, 17 et 18.
Je souhaite dire quelques mots de l’article 16, car il a fait l’objet d’importantes discussions avec l’Assemblée nationale. Cet article vise à aligner sur le délai de droit commun de cinq ans les délais de prescription en matière civile figurant dans le code de la propriété intellectuelle, conformément à la réforme souhaitée par notre commission des lois, sur l’initiative de notre collègue Jean-Jacques Hyest, dans le cadre de la loi du 17 juin 2008.
Dans un premier temps, sur proposition de son rapporteur, la commission des lois de l’Assemblée nationale avait approuvé le relèvement de trois à cinq ans du délai de prescription de l’action civile en matière de contrefaçon. Elle avait toutefois souhaité maintenir à dix ans le délai de prescription de l’action en paiement des sommes recouvrées par les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur lorsque ces sommes n’ont pu être versées à un ayant droit, considérant qu’il s’agissait d’une action en paiement et que la réduction à cinq ans serait moins favorable aux ayants droit.
Une telle modification remettait évidemment en cause la position défendue par notre commission, attachée à l’alignement sur le délai de droit commun de cinq ans, selon une logique d’harmonisation des délais de prescription. Cependant, après discussion, sur l’initiative du Gouvernement et avec l’accord du rapporteur de l’Assemblée nationale, l’article 16 a été rétabli en séance publique dans la rédaction adoptée par le Sénat, de sorte que l’article a été voté conforme.
D’autres articles ont fait l’objet de modifications notables, mais sans dénaturer ou remettre en cause la portée du texte que nous avons voté en première lecture. Je les évoque rapidement.
À l’article 2, destiné à améliorer les dédommagements civils pour les victimes de contrefaçon, l’Assemblée nationale a quelque peu modifié les modalités de l’indemnisation forfaitaire et apporté des précisions, sans remettre en cause la rédaction du Sénat visant à écarter tout risque de dommages et intérêts punitifs, contraires à notre tradition juridique.
À l’article 5, concernant les conséquences de l’absence d’action civile ou pénale de la part du saisissant à la suite d’une saisie-contrefaçon, l’Assemblée nationale a préféré s’en tenir à l’état actuel du droit en matière de propriété industrielle, c’est-à-dire l’annulation de l’ensemble des opérations de saisie-contrefaçon – saisie réelle comme saisie descriptive –, plutôt que de suivre la voie intermédiaire adoptée par le Sénat d’une mainlevée de la seule saisie réelle, permettant à la saisie descriptive de demeurer valable dans la perspective d’une éventuelle action ultérieure devant la justice.
Suivant la logique d’harmonisation du texte, l’Assemblée nationale a cependant aligné la procédure prévue en matière de propriété littéraire et artistique, douteuse d’un point de vue constitutionnel, sur celle prévue en matière de propriété industrielle. Il s’agit d’une question de conciliation entre les droits de la défense, dans le cadre d’une procédure quelque peu exorbitante, et l’efficacité de l’action des personnes victimes de contrefaçon. Nous pouvons nous rallier sans nous renier à la solution de l’Assemblée nationale, qui a au moins le mérite de s’en tenir au droit en vigueur, lequel n’est pas contesté...
L’article 13, vous vous en souvenez peut-être, instaure une obligation de transmission aux douanes des données relatives aux colis transportés par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par la mise en place de traitements automatisés de ces données.
L’Assemblée nationale a poursuivi la démarche d’encadrement de ce dispositif – très contesté par les entreprises concernées – engagée par le Sénat sur ma proposition, au nom du principe de proportionnalité et de l’exigence de protection des données personnelles. La collecte des données relatives aux personnes concernées par les colis a notamment été supprimée, ce qui constitue une garantie substantielle pour la protection de la vie privée. En outre, le dispositif est expressément soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Le délai de conservation des données est fixé à deux ans par la loi.
S’agissant de l’exclusion des envois domestiques du dispositif, c’est-à-dire ce qui est envoyé en France à destination de la France, votée par le Sénat pour assurer une meilleure proportionnalité du dispositif, l’Assemblée nationale a estimé qu’elle posait une difficulté au regard des principes de non-discrimination et de libre circulation des marchandises dans l’Union européenne. Seuls seraient exclus du dispositif les envois en provenance ou à destination des États extérieurs à l’Union européenne, car ils sont déjà couverts par une obligation européenne similaire de transmission de données. Même si les paramètres sont un peu différents de ceux que nous avions proposés en première lecture, l’encadrement de ce dispositif sort renforcé de la navette et des débats parlementaires, ce dont il faut se féliciter.
Enfin, concernant l’article 20 relatif à l’application du texte dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie – vous savez combien la commission des lois est attentive à l’application de la loi outre-mer –, les échanges avec le rapporteur de l’Assemblée nationale ont permis de parvenir à une rédaction conforme aux textes organiques statutaires des collectivités concernées et à la répartition des compétences entre l’État et ces collectivités.
Dans ces conditions, notre commission a considéré que les positions adoptées par le Sénat en première lecture n’avaient pas été remises en cause par l’Assemblée nationale, laquelle a partagé notre vision des finalités comme des modalités d’application du texte. Elle a donc adopté la proposition de loi sans modification et invite aujourd’hui le Sénat à faire de même, car, comme vous l’avez dit, madame la ministre, il est urgent que ces mesures entrent en vigueur. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la contrefaçon a pris une dimension nouvelle ces dernières années. Le trafic mondial de produits contrefaisants représenterait 10 % du commerce mondial, soit environ 250 milliards d’euros par an. À l’échelon national, la contrefaçon pourrait entraîner chaque année jusqu’à 38 000 destructions d’emplois et 6 milliards d’euros de manque à gagner pour l’économie. Surtout, elle représente une menace pour la santé et la sécurité des consommateurs en raison de ses conséquences sanitaires et sociales, qui peuvent être désastreuses.
La lutte contre la contrefaçon est donc un enjeu majeur qui doit viser avant tout à protéger les consommateurs contre les produits dangereux et à préserver l’emploi. C’est pourquoi nous estimons que le texte qui nous est soumis va globalement dans le bon sens, étoffant l’arsenal juridique à disposition des douaniers.
Nous soutenons les principales dispositions que sont le renforcement des dédommagements civils accordés aux victimes de contrefaçon, l’harmonisation des procédures existantes en matière de contrefaçon, notamment via la clarification de la procédure du droit à l’information, la procédure de saisie-contrefaçon entre les différents droits de propriété intellectuelle, l’alignement des délais de prescription de l’action civile en matière de contrefaçon sur le délai de droit commun de cinq ans et, globalement, l’accroissement des moyens d’action juridique des douanes.
Cela étant dit, madame la ministre, se pose tout de même la question de l’efficacité des nouvelles mesures juridiques conférées à l’administration des douanes, eu égard à la situation dans laquelle elle se trouve, tant en termes d’effectifs que de moyens.
Les services des douanes ressortent particulièrement meurtris de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, qui a entraîné la suppression de plus de 8 % des postes : le nombre des agents, qui s’élevait à 22 000 au début des années quatre-vingt, est aujourd’hui d’à peine plus de 16 000. Alors que les services des douanes sont au bord de la rupture, leur budget est encore en baisse pour 2014.
Notre débat est aussi l’occasion de rappeler que le service des douanes est un levier de régulation économique, de sauvegarde du tissu industriel et de lutte contre le dumping social et écologique dont la France ne peut se passer. S’il est important de renforcer l’arsenal juridique, il nous semble tout aussi indispensable d’augmenter les moyens humains et budgétaires alloués à son application.
Ces remarques générales étant faites, je voudrais maintenant aborder deux points particuliers.
Le premier concerne les semences de ferme. Comme l’a dit mon collègue Gérard Le Cam en première lecture, nous avons soutenu pleinement l’action de la Confédération paysanne visant à introduire une exception agricole, afin que les paysans ne voient pas leurs récoltes saisies ou détruites à la moindre demande des multinationales. Nous faisons du droit des paysans à utiliser leurs propres semences végétales et animales l’une des conditions de l’existence d’une agriculture paysanne répondant à la satisfaction des besoins humains.
Je sais que l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à affirmer dans la loi que l’utilisation des semences de ferme n’est pas une contrefaçon. Reste que le débat n’est pas clos. L’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt sera l’occasion de revenir sur cette question.
Je voudrais déplorer encore une fois le mandat donné à la Commission européenne dans le cadre des négociations de l’accord de libre-échange transatlantique, qui portera sur des questions liées aux droits de propriété intellectuelle. Nous pensons qu’il devrait exclure toutes les dispositions y afférentes, car nous ne souhaitons pas importer un système dans lequel les firmes de l’industrie chimique polluent les cultures et attaquent ensuite les agriculteurs pour contrefaçon.
La Cour suprême des États-Unis a donné raison, en mai dernier, au géant de l’agrochimie Monsanto dans un litige qui l’opposait à un producteur de soja de l’Indiana, accusé d’avoir enfreint ses brevets par l’utilisation de graines transgéniques. La Haute Cour a pris cette décision à l’unanimité, considérant que la protection intellectuelle « ne permet pas à un agriculteur de reproduire des graines brevetées en les plantant et en les récoltant sans détenir une permission du propriétaire du brevet ». Voilà ce à quoi nous nous exposons !
C’est pourquoi – je le dis avec force – notre inquiétude est grande pour notre agriculture, face à la tendance actuelle d’accepter de breveter, non des inventions, mais des découvertes, et de les transformer en outil mercantile, alors même qu’elles devraient être au service de la recherche agricole, afin de favoriser la construction, avec les agriculteurs, d’un modèle agricole alternatif vertueux sur les plans social et environnemental.
Le second point a trait à l’article 13 de la proposition de loi, qui présente des risques d’atteinte à la vie privée et aux libertés publiques, dans la mesure où il prévoit la transmission aux douanes des données détenues par les opérateurs du fret express et de La Poste. Ces données seront enregistrées sur un fichier informatisé, mis à disposition de la direction générale des douanes. Le champ d’application de cet article est très large, même si l’Assemblée nationale a défini les opérateurs de fret express soumis à cette obligation en référence aux règles européennes et précisé la durée de conservation des données ainsi que les modalités de destruction. Vous connaissez notre position sur la création de fichiers, quels qu’ils soient, et nous en appelons à la plus grande vigilance.
Pour finir, mes chers collègues, je voudrais rappeler l’essentiel, en tout cas selon nous : la lutte contre la contrefaçon ne saurait se cantonner au simple champ judiciaire ; elle doit aussi avoir pour objectif de freiner les délocalisations de productions et nous permettre de repenser nos modèles d’échanges économiques, notamment avec les pays en voie de développement.
Sous réserve de ces quelques remarques, nous voterons le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la contrefaçon est un enjeu majeur pour la France et son savoir-faire reconnu dans de multiples domaines. Le 30 janvier dernier, a été lancée une mission interministérielle de réflexion et de concertation destinée à mettre en lumière les enjeux et les moyens de mise en œuvre d’une marque « France ». Cette mission, présidée par M. Philippe Lentschener, fait suite au rapport Gallois ; elle a été annoncée dans le cadre du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.
Alors que l’image de marque de la France constitue une véritable manne pour notre pays, elle se voit aujourd’hui écornée par l’inadéquation de son exploitation, ainsi que par une protection lacunaire contre certains aspects dommageables de la mondialisation. Pour reprendre l’expression de M. Lentschener, il s’agit aujourd’hui de poursuivre et de consolider un « récit national économique dont on sera fier ».
C’est de cet enjeu que traite la présente proposition de loi, fruit d’une collaboration étroite et féconde entre nos deux assemblées. Elle constitue une avancée en matière de lutte contre la contrefaçon et de préservation du made in France. Par « préservation », je n’entends pas un combat peu ou prou réactionnaire ou d’arrière-garde, mais bien la valorisation de l’atout économique que représente notre savoir-faire.
La perte directe de chiffre d’affaires pour les entreprises françaises victimes de la contrefaçon est estimée à 6 milliards d’euros par an et à 4 % à 7 % pour l’ensemble du secteur du luxe français. Aux pertes d’emplois induites s’ajoutent les pertes en matière d’innovation.
Le made in France doit être un argument de vente supplémentaire et un gage de qualité. À ce titre, nous saluons l’adoption du projet de loi relatif à la consommation et l’introduction consécutive, dans le code de la propriété intellectuelle, d’une procédure nationale d’homologation des cahiers des charges des indications géographiques pour les produits manufacturés. Les consommateurs bénéficieront désormais d’une meilleure information et ne pourront plus être les victimes d’un jeu de dupes mené par certaines marques. Il s’agit même davantage, par cette loi, de mettre en place un outil de protection et de valorisation du « made in territoires de France » plutôt que du simple « made in France ».
Par ailleurs, la procédure d’alerte au bénéfice des collectivités locales en cas d’utilisation de leur nom au sein d’une marque déposée permettra à nos collectivités et à leurs élus de se prémunir contre le risque d’exploitation de leur image de marque, ainsi que contre un risque avéré de dilution et de ternissement de cette image. Je pense en particulier à la commune de Laguiole, dans le département de l’Aveyron. Désormais, ces pratiques commerciales « déceptives » tendant à instrumentaliser le consommateur, à lui faire croire à l’origine locale des produits commercialisés seront rendues difficiles.
Avec ce texte sur la contrefaçon, nous continuons dans notre choix de valoriser le tissu productif français. La proposition de loi s’inscrit en effet dans la lignée des quatre axes dégagés par la loi de 2007 : le renforcement de la spécialisation des juridictions ; le renforcement des procédures simplifiées et accélérées devant le juge civil ; la consécration d’un droit à l’information pour contraindre les personnes en possession de marchandises contrefaisantes à fournir des informations sur leur provenance ; l’amélioration de la réparation du préjudice pour les victimes.
Avec ce texte de loi, la France se dote enfin d’un arsenal juridique digne de ce nom. Les agents des douanes voient leurs moyens augmenter, afin de lutter contre tous les types de contrefaçon et dans toutes les circonstances. Nous avons notamment étendu à l’ensemble des marchandises contrefaisantes la possibilité pour un douanier de réaliser, après autorisation du procureur, la collecte d’informations sous une fausse identité et en infiltration. De même, les perquisitions douanières se trouvent facilitées par l’autorisation de l’accès aux locaux à usage d’habitation avec le seul accord de la personne concernée. Les agents des douanes disposent désormais de procédures plus souples pour la mise en œuvre des contrôles douaniers chez les opérateurs de fret.
La procédure de saisie-contrefaçon, ô combien essentielle dans la démonstration de la preuve pour ce type de litiges, a été modernisée. Nous saluons ici la précision apportée par l’Assemblée nationale concernant l’intervention d’un expert lors d’une telle saisie. Celle-ci ne constitue désormais qu’une faculté, afin d’éviter tout risque de vice de procédure que l’absence de désignation d’un expert par le demandeur pourrait entraîner.
Progrès supplémentaire apporté par ce texte : l’indemnisation des victimes de la contrefaçon se voit améliorée. L’état actuel du droit est très peu dissuasif : le contrefacteur est condamné au paiement d’une somme équivalente à celle versée par l’exploitant régulier d’un droit de propriété intellectuelle. Sans créer de dommages et intérêts punitifs, inconnus dans notre droit positif, la loi précisera désormais que le contrefacteur s’expose au paiement d’une somme plus élevée, ainsi qu’à la réparation d’un préjudice moral.
Mes chers collègues, la contrefaçon porte atteinte à notre capital matériel et immatériel, à la part palpable de notre économie comme à sa part impalpable, qui est notre image de marque. La dentelle de Calais, les santons de Provence, les mouchoirs de Cholet : comme il serait dommage de laisser à d’autres la fierté de notre capital culturel, qui est aussi notre capital économique et un réel avantage comparatif dans la mondialisation. Préservons la créativité française, elle est notre plus grande source de richesses et une solution pour une sortie durable de la crise ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, concernant cette proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon qui nous revient en deuxième lecture de l’Assemblée nationale, j’ai cru comprendre que Mme la ministre et M. le rapporteur espéraient un vote conforme du Sénat. Je vais immédiatement les rassurer : les écologistes auront l’immense plaisir de contribuer à la fin de la navette parlementaire en votant le texte.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !
M. Richard Yung. Bravo !
Mme Hélène Lipietz. Pour une fois, j’ai évité de noyer la commission des lois sous mes nombreux amendements.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Ah ! (Sourires.)
Mme Hélène Lipietz. Je sais que M. le rapporteur et un certain nombre de nos collègues en sont soulagés, ainsi que, il faut bien l’avouer, mes collaborateurs. Toutefois, je vous proposerai deux amendements d’appel,…
M. Michel Delebarre, rapporteur. Aïe ! (Nouveaux sourires.)
Mme Hélène Lipietz. … afin de susciter la réflexion de notre sage assemblée. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) Nous sommes ici pour discuter, mes chers collègues. (Sourires.)
Le texte vise à renforcer les moyens des douanes en leur apportant des facilités et en leur procurant de nouveaux outils juridiques, afin de lutter plus efficacement contre la contrefaçon. Je suis évidemment attachée, comme nous tous, à la sécurité des consommateurs, souvent mise en danger par les produits contrefaits, dont le respect des normes de sécurité est souvent douteux.
Nous, écologistes, sommes également attachés à la préservation de l’industrie française, dont la qualité des produits est reconnue dans le monde entier, ce qui a tendance à attiser les appétits des contrefacteurs. C’est pourquoi les écologistes ont voté cette proposition de loi en première lecture, après avoir obtenu du Gouvernement la promesse que ces nouvelles procédures ne seraient pas utilisées contre les agriculteurs.
Le texte, je le rappelle, ne s’attache pas directement à définir la contrefaçon, ce qui est sans doute un tort, même si je conçois qu’il aurait probablement été fort difficile pour une proposition de loi d’aller plus loin. Toutefois, il a ravivé les débats, déjà anciens, sur l’appropriation du vivant par des entreprises privées. Le débat n’est pas clos ; il se poursuivra lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les discussions à l’Assemblée nationale ayant déjà permis des avancées dans ce domaine.
Il faudra donc que nous approfondissions un jour les questions de propriété intellectuelle. Ce n’est pas, à mon avis, le rôle de la seule commission des lois. Il me semble en effet que la commission de la culture s’occupe déjà, et ce depuis longtemps, des questions relatives aux droits d’auteur et aux droits attachés aux œuvres culturelles. Son but est de protéger la création, tout en faisant en sorte que l’accès à la culture soit le plus large possible et concerne tous les publics.
Je pense que la commission des affaires économiques du Sénat devrait aussi s’intéresser à l’évaluation économique des droits de la propriété intellectuelle. Si la plupart des économistes s’accordent sur le fait qu’une protection de l’innovation est nécessaire pour préserver les investissements privés dans la recherche et le développement, il ne faut pas occulter les enjeux actuels relatifs aux nouvelles technologies. Les droits de propriété intellectuelle et les brevets deviennent des enjeux spéculatifs pour les grandes entreprises. Elles cherchent à acquérir des portefeuilles de brevets extrêmement fournis, afin d’entraver leurs concurrents par des procès interminables, aux enjeux financiers colossaux. J’en veux pour preuve la guerre ouverte à laquelle se livrent les deux géants des smartphones depuis trois ans – l’américain Apple et le coréen Samsung –, dont les enjeux financiers s’élèvent à plusieurs milliards de dollars. On en arrive donc à une situation paradoxale, où la protection devient une entrave à l’innovation.
Enfin, je voudrais revenir sur un problème plus grave encore, celui des médicaments. Les sociétés pharmaceutiques maximisent leurs profits et, dans le monde entier, empêchent l’accès des plus démunis à un grand nombre de médicaments, alors que la recherche médicale est financée en grande partie par les États, notamment par l’éducation des futurs chercheurs. En France, la sécurité sociale elle-même peut contribuer au mouvement, en autorisant la mise sur le marché de nouvelles molécules au service médical rendu parfois insuffisant ou insuffisamment précisé.
Encore une fois dans cet hémicycle, les écologistes appellent à une réflexion sur notre modèle de développement culturel ou industriel. Nous sommes rejoints dans notre étude par le prix Nobel d’économie de l’année 2001, l’américain Joseph Stiglitz, que le président Sarkozy, dans sa grande sagesse, avait mandaté pour réfléchir à la rénovation des indicateurs de la croissance. Pour cet économiste, « le remplacement du modèle actuel par un système de récompense soutenu par l’État constituerait une solution à la fois au niveau élevé des prix et à la mauvaise orientation des recherches ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’adoption conforme du texte repose sur un large consensus, qui s’explique avant tout par l’urgence qu’il y a à agir. Je ne me lancerai donc pas dans de vastes perspectives sur la rénovation des indicateurs de croissance ou le caractère protecteur ou destructeur des brevets. Il y a des choses que je ne comprends pas, ma grille de raisonnement n’étant probablement pas la même que celle de certains de mes collègues.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre, la contrefaçon est destructrice sur le plan économique. Les chiffres annoncés sont même effrayants.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Elle détruit des emplois en France et dans le reste de l’Europe et génère des profits illicites considérables.
En France, les statistiques des douanes montrent que les articles saisis en 2012 atteignaient une valeur de 287 millions d’euros et que 65 % d’entre eux provenaient d’Asie. On peut estimer le nombre d’emplois détruits de ce fait à 38 000…
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest. … et le manque à gagner fiscal à 6 milliards d’euros.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. La contrefaçon menace non seulement la création, l’investissement, la propriété intellectuelle, mais aussi, de plus en plus, la sécurité et la santé des consommateurs. En effet, 50 % des médicaments vendus sur des sites internet douteux seraient des contrefaçons. Heureusement, par rapport à d’autres pays, la France est relativement protégée, compte tenu, il faut bien le dire, de son système de sécurité sociale.
La contrefaçon ne se limite plus aux produits à forte valeur ajoutée ou de diffusion à grande échelle ; elle porte aussi sur les produits du quotidien. Lors d’une mission d’évaluation, nous avions constaté qu’elle touchait aussi les freins, et même les freins d’avion, ou les capots de voiture, ce qui peut s’avérer extrêmement dangereux. En bref – je parle sous le contrôle de Richard Yung –, elle concerne beaucoup de produits. Par conséquent, il importe de conforter les moyens juridiques nationaux et européens pour lutter contre un fléau en pleine expansion : tel est l’objet du texte, qui nous satisfait pleinement.
Un véritable consensus entre le Sénat et l’Assemblée nationale s’est dégagé lors de la navette, qui s’explique par la volonté des parlementaires de continuer le travail engagé sur ces questions, notamment par la Haute Assemblée,…
M. Michel Delebarre, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. … et par le contenu d’un texte conforme aux préoccupations que nous avons régulièrement exprimées. Voilà qui est susceptible de répondre à ceux qui se demandent parfois à quoi sert le Sénat !
La proposition de loi s’inscrit dans la continuité des initiatives prises sous la précédente législature. Rappelons qu’une loi importante, celle du 29 octobre 2007, prévoyait déjà la spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle, le renforcement – certes insuffisant – du dédommagement civil des victimes et l’instauration d’un droit à l’information pour identifier tous les acteurs des réseaux de la contrefaçon.
Dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, inscrite dans la Constitution depuis sa révision de 2008, nous avions examiné l’excellent rapport d’information Béteille-Yung, qui a abouti à une proposition de loi déposée par Laurent Béteille et dont Richard Yung était le rapporteur. Cette proposition de loi, à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui, prévoyait la spécialisation des magistrats en matière de propriété intellectuelle, la lutte contre la faute lucrative – elle permettait la restitution au titulaire du droit auquel il était porté atteinte –, la facilitation de l’établissement de la preuve de la contrefaçon, ainsi que le renforcement des moyens d’action des douanes. La commission des lois du Sénat l’avait d’ailleurs adoptée en 2011. Nous nous étions alors arrêtés là. Heureusement, Richard Yung a repris cette proposition de loi, en en modifiant quelques aspects secondaires.
M. le rapporteur l’a indiqué, beaucoup d’articles ont été adoptés conformes ; je n’y reviens donc pas. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de citer l’article 16, qui traite des délais de prescription en matière civile. Il était important de réellement harmoniser les délais de prescription de l’action civile, tels que prévus par la loi du 17 juin 2008. Tout ce qui pourrait nous en détourner ou contribuer à remettre cela en cause ne me paraîtrait pas souhaitable, surtout qu’il s’agit là de simplifier le droit. Vous connaissez, mes chers collègues, le maquis des prescriptions en matière civile, contre lequel nous voulons lutter. Toujours est-il que l’Assemblée nationale a bien voulu rejoindre la position du Sénat sur le sujet.
Un autre point, tout aussi important à mes yeux, a été évoqué à l’occasion de la discussion du texte : je veux parler de la spécialisation des tribunaux en matière de propriété intellectuelle. Il n’est évidemment pas question que tous les tribunaux puissent traiter du sujet. Dans un certain nombre de cas, la spécialisation est nécessaire. D’ailleurs, le texte initial tendait à la renforcer. Nous avons toutefois souhaité ne pas bouleverser la répartition actuelle du contentieux de la propriété intellectuelle. Nous avons préféré clarifier la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris en la matière. L’Assemblée nationale nous a suivis, et il faut nous en réjouir. L’enjeu réside bien davantage dans le renforcement de la formation et de la spécialisation des magistrats en matière de propriété intellectuelle. Il est important que les tribunaux de grande instance compétents en la matière disposent des ressources humaines nécessaires à leur efficacité. Nous savons qu’une telle spécialisation ne s’improvise pas ; elle exige formation et expérience.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a apporté quelques modifications – certaines sont mineures, d’autres notables – que nous pouvons accepter.
C’est le cas à l’article 2, qui vise à améliorer les dédommagements civils en cas de contrefaçon.
C’est également le cas à l’article 5, qui a trait aux conséquences de l’absence d’action civile ou pénale de la part du saisissant à la suite d’une saisie-contrefaçon. L’Assemblée nationale a souhaité s’en tenir à l’état actuel du droit. Nous pouvons lui en donner acte ; ce n’est tout de même pas fondamental.
C’est encore le cas à l’article 13, qui tend à instaurer une obligation de transmission aux douanes des données relatives aux colis transportés par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par la mise en place de traitements automatisés de ces données. Il était, je le crois, utile que l’Assemblée nationale poursuive la démarche d’encadrement du dispositif engagé par le Sénat. Au sein de la commission des lois, nous avons toujours comme objectif la protection du secret des correspondances et des données personnelles.
Pour certains, l’unique enjeu du texte était de rediscuter des semences de ferme. Avouez que c’est tout de même extraordinaire ! À cet égard, monsieur le rapporteur, vous avez employé un mot qui m’a beaucoup plu : « didactique ». C’est ainsi qu’on peut qualifier l’amendement que nos collègues députés ont adopté !
Avant d’adopter la loi du 8 décembre 2011, qui a adapté le code français de la propriété intellectuelle en matière d’obtention végétale, nous avions eu un très long débat sur les semences. Je pensais alors que tout le monde avait compris. Apparemment, non ! Du coup, je suppose que nous en rediscuterons encore lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. On a beau adopter des lois qui clarifient la situation, ce qui devrait rassurer tout le monde, eh bien non, il y en a qui ne sont jamais rassurés ! Résultat, on fait des lois « didactiques », « explicatives » !
M. Richard Yung. Et pourquoi pas ?
M. Jean-Jacques Hyest. À l’instar de Mme la ministre, j’aimerais rappeler quelques éléments.
La filière semencière française est, ne l’oublions pas, un véritable pôle d’excellence. Comme cela a été indiqué, il y a 17 800 exploitations et les dépenses dans la recherche s’élèvent à 240 millions d’euros par an. Notre pays se classe au premier rang mondial pour les exportations ; il est en outre le premier producteur européen et le troisième mondial ! Pensez-vous réellement qu’abandonner tout cela n’aurait aucune conséquence économique ? Au demeurant, il faut renouveler les variétés : il s’en crée 600 nouvelles chaque année !
La loi autorise déjà la pratique des semences ou des plants de ferme de variétés nouvelles protégées pour vingt et une espèces. Il faut respecter un équilibre entre la recherche, la propriété intellectuelle, les besoins d’un certain nombre de grands groupes et d’entreprises et la réalité du quotidien des agriculteurs. C’est, à mon sens, ce qu’avait permis la loi du 8 décembre 2011.
Dans ces conditions, nous avions considéré qu’il n’y avait pas lieu de traiter une telle question dans le cadre de l’examen de la présente proposition de loi. Nos collègues pourront donc s’en donner à cœur joie sur le sujet, ainsi que sur beaucoup d’autres, lors de l’examen du texte sur l’agriculture. En vingt-six ans de mandat parlementaire, j’ai vu passer un certain nombre de lois agricoles. Cela ne fera pas de mal d’en examiner une nouvelle, qui sera d’ailleurs peut-être didactique… (Sourires.)
Mme la ministre a indiqué que le décret en Conseil d’État serait bientôt publié. Une liste de treize nouvelles semences devrait y figurer. Voilà qui devrait rassurer tout le monde !
À nos yeux, eu égard à l’enjeu économique et à l’ampleur du phénomène, qui évolue en même temps que les moyens techniques et technologiques mis à sa disposition, il faut agir avec rapidité pour lutter contre une contrefaçon que nous pourrions qualifier aujourd’hui « de masse ». Par conséquent, le groupe UMP votera la proposition de loi, heureux aboutissement d’une démarche d’évaluation et de proposition du Sénat. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 20 novembre dernier, lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi de notre collègue Richard Yung, les divers groupes ont convergé dans leur vote pour reconnaître la qualité et l’importance de ce texte, qui renforce les moyens dédiés à la lutte contre la contrefaçon.
Deux mois plus tard, à l’Assemblée nationale, les députés des groupes SRC, écologiste, RRDP, GDR, UMP et UDI se sont à leur tour accordés sur cette proposition de loi.
Je tiens à souligner la qualité du travail de nos deux assemblées sur ce texte. Je pense non seulement à l’auteur de la proposition de loi et aux rapporteurs, mais également aux représentants des diverses sensibilités.
Naturellement, des problèmes ont été soulevés et des doutes ont été exprimés. J’ai néanmoins l’impression que des solutions équilibrées ont pu être trouvées, grâce à l’apport constructif de l’ensemble des participants. Cela nous permet d’espérer aujourd’hui un vote conforme. C’est essentiel, car le fléau de la contrefaçon a explosé ces dernières années. D’après l’OCDE, le commerce de produits contrefaits a doublé depuis 2000 et représente aujourd’hui environ 10 % du commerce mondial. En France, 200 000 articles de contrefaçon étaient interceptés par les services douaniers en 1994 ; ce chiffre est passé à 8,6 millions en 2011. La contrefaçon touche ainsi avec une acuité particulièrement féroce notre pays et nos concitoyens.
Ce sont en premier lieu nos entreprises qui sont concernées, par la baisse de leur chiffre d’affaires. Par répercussion, ce sont chaque année des dizaines de milliers d’emplois qui sont perdus, près de 40 000 en France selon les estimations. Et les recettes fiscales de l’État sont sévèrement amputées ! Chaque année, la contrefaçon représente un manque à gagner de plus de 6 milliards d’euros pour les deniers publics.
La sécurité et la santé des consommateurs sont, quant à elles, sévèrement mises en danger. Je n’évoquerai même pas les risques causés par la circulation de jouets défectueux, d’appareils domestiques ne répondant à aucune norme ou de produits alimentaires non autorisés. Les ventes de médicaments contrefaits ont doublé entre 2005 et 2010 dans le monde. La France n’est bien sûr pas en reste, puisque les saisies de médicaments frauduleux ont plus que triplé dans le pays dans le seul intervalle des années 2011 à 2012.
Enfin, hors de tout cadre légal, la fabrication et le commerce de produits contrefaits participent à l’exploitation d’êtres humains et au travail illicite et servent dans bien des cas à financer les activités d’organisations mafieuses et terroristes. À l’échelle mondiale, le trafic de produits contrefaits représenterait ainsi 30 % environ des revenus de la criminalité organisée.
Bien que la France possède un arsenal juridique important de lutte contre la contrefaçon, il convient d’aiguiser encore les moyens accordés à ce dispositif global. La dernière loi relative à la lutte contre la contrefaçon est pourtant assez récente, puisqu’elle date de 2007. Mais, sept ans plus tard, le phénomène a déjà beaucoup évolué. Davantage international, il s’est amplifié et diversifié dans ses formes, sous l’effet notamment de la mondialisation et du développement exponentiel d’internet.
Sans rendre indispensable un bouleversement total de la législation actuelle, de telles évolutions démontrent la nécessité d’améliorer et d’harmoniser les mécanismes existants en la matière C’est ce que fait avec justesse ce texte, en renforçant les divers moyens légaux accordés à la justice, aux huissiers, aux douanes, aux inspecteurs des fraudes, aux policiers et aux gendarmes.
Permettez-moi de rappeler brièvement les différents apports de ce texte.
Tout d’abord, il renforce la spécialisation des tribunaux en matière de propriété intellectuelle, en précisant notamment la compétence du tribunal de grande instance de Paris en matière de brevets d’invention, particulièrement ceux qui sont le résultat de travaux accomplis par des salariés. Il y avait là un véritable problème : certains chercheurs salariés sont les auteurs d’inventions qui ne sont pas rémunérées par l’employeur. Sur ce point, le vide juridique est désormais comblé.
Ensuite, il vise à améliorer les dédommagements civils en matière de contrefaçon, en intégrant la notion de « conséquences économiques négatives » de la partie lésée, ainsi que le préjudice moral causé et les bénéfices réalisés par le contrefacteur.
Par ailleurs, il tend à actualiser et à harmoniser des procédures existantes dans les différents droits de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon, ainsi évidemment que le droit à l’information. Il est notamment instauré une procédure permettant au juge d’ordonner toutes mesures d’instruction permettant de collecter des preuves, même en l’absence de saisie-contrefaçon. Dans ce domaine, les preuves sont en effet souvent essentielles.
De surcroît, la proposition de loi simplifie l’engagement de l’action pénale pour la partie lésée par une contrefaçon et vise à alourdir les peines encourues lorsque les marchandises contrefaites sont porteuses de dangers pour la santé ou la sécurité de l’homme ou de l’animal.
Enfin, elle aligne les divers délais de prescription de l’action civile en matière de contrefaçon sur le délai de droit commun de cinq ans. Alors que les techniques de contrefaçon se spécialisent et se complexifient, c’est d’un droit clarifié et simplifié dont les victimes et les autorités publiques ont besoin pour mieux se défendre.
Pris dans son ensemble, le texte a surtout le mérite de manifester clairement la volonté des pouvoirs publics de ne tolérer aucune forme de contrefaçon et aucun des dommages qui y sont liés, et ce dans l’objectif de prémunir la société contre ceux qui commettent véritablement une atteinte à l’intérêt public, en s’emparant indûment des idées, du travail, de l’investissement d’un autre, sans son autorisation et sans se gêner de lui voler les fruits qui lui reviennent légitimement. Ce message est d’autant plus fort qu’il a suscité notre adhésion commune et qu’il continuera – je l’espère, et je vous y invite, mes chers collègues – à être soutenu par chacun d’entre nous. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne puis que me réjouir de l'accord trouvé entre les deux rapporteurs et les deux commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale. Cela nous permet d’espérer l’adoption d’une loi ce soir – enfin ! – et sa mise en œuvre rapide, peu de décrets d’application étant nécessaires, sauf en matière douanière.
J’aimerais formuler plusieurs observations.
La première concerne les semences de ferme, au sujet desquelles j’ai pu mesurer un fossé d’incompréhension. La proposition de loi n’avait pas vocation à traiter de ces semences de ferme, qui relèvent d’une pratique vieille comme le monde. Ce privilège immémorial de l’agriculteur lui permet, aux termes de la loi française, de garder à la fin de sa récolte une part « raisonnable » des grains – il appartient à la jurisprudence de définir cette notion – pour réensemencer.
Il y a plusieurs cas de figure.
Le premier est celui où les graines proviennent d’un lot acheté dans le cadre d’accords interprofessionnels. Une redevance a été payée, en général beaucoup plus faible que les royalties normales : nous sommes là dans le droit commun. Cela concerne vingt et une variétés végétales.
Le deuxième cas concerne toutes les autres variétés. Les craintes me semblent liées à l’idée, selon moi infondée, que les agriculteurs pourraient faire l’objet de poursuites pour utilisation de produits contrefaits du fait de l’absence d’accord interprofessionnel. Je pense que l’amendement adopté à l’Assemblée nationale comble le vide juridique. Nous avons donc sans doute fait le tour de la question.
M. Jean-Jacques Hyest. Hélas, non !
M. Richard Yung. D’autres cas ont été évoqués. Mme Assassi a mentionné une décision de la Cour suprême des États-Unis. En l’occurrence, la situation est beaucoup plus compliquée, puisqu’il est question d’un brevet introduit dans la plante. Je ne développe pas le sujet, qui fera l’objet d’un autre débat.
À mon avis, personne au sein du monde agricole ne prône la faculté d’utiliser des semences de contrefaçon, produites indûment et potentiellement de mauvaise qualité.
Si c’est une rose, ce n’est pas grave, sauf pour celui qui aura fait l’effort d’obtenir la variété nouvelle ; mais si c’est une céréale ou tout autre végétal cultivé pour l’alimentation, il pourra s’agir d’un plant dangereux en termes de santé publique. Et personne ne défendra une telle position.
Demain, au Salon de l’agriculture, je me rendrai sur le stand du GNIS, le Groupement national interprofessionnel des semences et plants, pour un débat. Je tâcherai de développer ces points, car il me paraît important de convaincre.
Deuxième observation, nous disposons maintenant en France d’un dispositif à peu près convenable et solide de lutte contre la contrefaçon : la loi du 29 octobre 2007 et le présent texte. Il nous restera à traiter, car notre métier de législateur nous impose de penser à l’avenir, d’un sujet difficile, celui de la cyber-contrefaçon, c'est-à-dire de l’utilisation et de la vente de produits de contrefaçon par internet. C’est une pratique face à laquelle nous sommes démunis en l’état actuel des textes. Nous examinons donc ces questions pour trouver des solutions.
Se pose aussi le problème de la spécialisation des tribunaux. C’est le cas aujourd'hui pour quatre ou cinq d’entre eux, et je suis hésitant.
M. Jean-Jacques Hyest. Il y a un équilibre !
M. Richard Yung. En revanche, nous devrons aller vers la spécialisation des juges. Je sais qu’il s’agit d’une question extrêmement délicate pour le Conseil supérieur de la magistrature,…
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Richard Yung. … comme pour le ministère de la justice, mais nous n’y échapperons pas.
Je vous signale d’ailleurs que, pas plus tard que la semaine dernière, le tribunal de Düsseldorf, qui est le deuxième tribunal de propriété intellectuelle en Allemagne, a créé une seconde cour, avec une quinzaine de juges spécialisés. Les possesseurs d’un titre de propriété intellectuelle couvrant l’Europe, ce qui est le cas de la plupart des titres, ne viennent pas chez nous : ils vont à Düsseldorf ou à Munich !
Troisième observation, vous l’avez évoqué, madame la ministre, nous devons avoir une approche beaucoup plus européenne et internationale de ces questions.
La contrefaçon, tout comme le nuage de Tchernobyl, ne s’arrête pas aux frontières ! Il faut pouvoir travailler conjointement avec les autres pays. Pour l’instant, sur ce point, nous sommes plutôt dans les limbes. Un important travail de rapprochement nous attend : il nous faudra créer des liens au niveau européen, mais aussi avec quelques grands pays partenaires. En tout cas, merci à tous ! (Applaudissements.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. Et à la prochaine fois ! (Sourires.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
Chapitre Ier
Spécialisation des juridictions civiles en matière de propriété intellectuelle
Article 1er
(Non modifié)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 615-17, après le mot : « compris », sont insérés les mots : « dans les cas prévus à l’article L. 611-7 ou » ;
2° Les articles L. 615-18 et L. 615-19 sont abrogés ;
2° bis Au premier alinéa de l’article L. 623-31, après le mot : « instance », sont insérés les mots : « , déterminés par voie réglementaire, » ;
3° (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à l’amélioration des dédommagements civils
Article 2
(Non modifié)
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 331-1-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-1-3. – Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
« 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
« 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
« 3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
« Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. » ;
2° (Supprimé)
II. – L’article L. 521-7 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 521-7. – Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
« 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
« 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
« 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
« Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »
III. – L’article L. 615-7 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 615-7. – Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
« 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
« 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
« 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
« Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »
IV. – L’article L. 623-28 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 623-28. – Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
« 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
« 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
« 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
« Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »
V. – L’article L. 716-14 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 716-14. – Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
« 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
« 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
« 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
« Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »
VI. – L’article L. 722-6 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 722-6. – Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
« 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
« 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
« 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
« Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. » – (Adopté.)
Chapitre III
Clarification de la procédure du droit à l’information
Article 3
(Non modifié)
I à V. – (Non modifiés)
VI. – L’article L. 722-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « saisie », sont insérés les mots : « au fond ou en référé » ;
b) Après les mots : « distribution des produits », sont insérés les mots : « argués de contrefaçon » ;
c) Les mots : « produits portant atteinte à une indication géographique » sont remplacés par les mots : « produits argués de contrefaçon » et les mots : « des activités portant atteinte à une indication géographique » sont remplacés par les mots : « de prétendues activités de contrefaçon » ;
2° Les trois derniers alinéas sont supprimés. – (Adopté.)
Chapitre IV
Dispositions relatives au droit de la preuve
Article 4
(Non modifié)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 332-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 332-1. – Tout auteur d’une œuvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. À cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des œuvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux œuvres prétendument contrefaisantes en l’absence de ces dernières.
« La juridiction peut ordonner la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les œuvres.
« À cet effet, la juridiction peut ordonner :
« 1° La saisie des exemplaires constituant une reproduction illicite d’une œuvre de l’esprit protégée par le livre Ier de la présente partie ou de tout exemplaire, produit, appareil, dispositif, composant ou moyen portant atteinte aux mesures techniques et aux informations mentionnées, respectivement, aux articles L. 331-5 et L. 331-11 ;
« 2° La saisie, quels que soient le jour et l’heure, des exemplaires constituant une reproduction illicite de l’œuvre, déjà fabriqués ou en cours de fabrication, ou des exemplaires, produits, appareils, dispositifs, composants ou moyens, fabriqués ou en cours de fabrication, portant atteinte aux mesures techniques et aux informations mentionnées, respectivement, aux articles L. 331-5 et L. 331-11, des recettes réalisées, ainsi que des exemplaires illicitement utilisés ;
« 3° La saisie des recettes provenant de toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit, effectuée en violation des droits de l’auteur ou provenant d’une atteinte aux mesures techniques et aux informations mentionnées, respectivement, aux articles L. 331-5 et L. 331-11 ;
« 4° La saisie réelle des œuvres illicites ou produits soupçonnés de porter atteinte à un droit d’auteur ou leur remise entre les mains d’un tiers afin d’empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux.
« La juridiction civile compétente peut également ordonner :
« a) La suspension ou la prorogation des représentations ou des exécutions publiques en cours ou déjà annoncées ;
« b) La suspension de toute fabrication en cours tendant à la reproduction illicite d’une œuvre ou à la réalisation d’une atteinte aux mesures techniques et aux informations mentionnées, respectivement, aux articles L. 331-5 et L. 331-11.
« Elle peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.
« Elle peut, dans les mêmes formes, ordonner les mesures prévues au présent article à la demande des titulaires de droits voisins définis au livre II de la présente partie. » ;
2° Après l’article L. 332-1, il est inséré un article L. 332-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-1-1. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles, même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 332-1. » ;
3° L’article L. 332-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 332-4. – La contrefaçon de logiciels et de bases de données peut être prouvée par tout moyen.
« À cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle du logiciel ou de la base de données prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. La saisie-description peut se concrétiser par une copie des logiciels ou des bases de données prétendument contrefaisants.
« La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer un logiciel ou une base de données prétendument contrefaisants, ainsi que de tout document s’y rapportant.
« L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux logiciels, bases de données, matériels et instruments mentionnés aux deuxième et troisième alinéas en l’absence de ces derniers.
« La juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.
« À défaut pour le demandeur, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit de s’être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, soit d’avoir déposé une plainte devant le procureur de la République, l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi ou du tiers saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. » ;
4° L’article L. 343-1 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « probatoires », sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ;
– sont ajoutés les mots : « , ainsi que de tout document s’y rapportant » ;
b) Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux supports, produits, matériels et instruments mentionnés aux deuxième et troisième alinéas en l’absence de ces derniers. » ;
c) Au début de l’avant-dernier alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La juridiction » ;
5° Après l’article L. 343-1, il est inséré un article L. 343-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 343-1-1. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles, même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 343-1. » ;
6° L’article L. 521-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : « le cas échéant » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux objets prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ;
7° Après l’article L. 521-4, il est inséré un article L. 521-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 521-4-1. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles, même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 521-4. » ;
8° L’article L. 615-5 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : « le cas échéant » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ;
9° Après l’article L. 615-5-1, il est inséré un article L. 615-5-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 615-5-1-1. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 615-5. » ;
9° bis Au premier alinéa de l’article L. 622-7, après la référence : « L. 615-5, », est insérée la référence : « L. 615-5-1-1, » ;
10° L’article L. 623-27-1 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : « le cas échéant » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux objets prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ;
11° Après l’article L. 623-27-1, il est inséré un article L. 623-27-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 623-27-1-1. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 623-27-1. » ;
12° L’article L. 716-7 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : « le cas échéant » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ;
13° Après l’article L. 716-7, il est inséré un article L. 716-7-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 716-7-1 A. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 716-7. » ;
14° L’article L. 722-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : « le cas échéant » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux objets prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ;
15° Après l’article L. 722-4, il est inséré un article L. 722-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 722-4-1. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 722-4. » – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 332-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 332-3. – À défaut pour le saisissant, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit de s’être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, soit d’avoir déposé une plainte devant le procureur de la République, l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi ou du tiers saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. » ;
2° (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Chapitre V
Renforcement des moyens d’action des douanes
Article 6
(Non modifié)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 335-2, les mots : « et l’importation » sont remplacés par les mots : « , l’importation, le transbordement ou la détention aux fins précitées » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 335-4 est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Est punie » sont remplacés par les mots : « Sont punis » ;
b) Les mots : « toute importation ou exportation » sont remplacés par les mots : « l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées » ;
3° À l’article L. 513-4, après les mots : « l’exportation, », sont insérés les mots : « le transbordement, » ;
4° L’article L. 613-3 est ainsi modifié :
a) Au a, les mots : « ou bien l’importation » sont remplacés par les mots : « , l’importation, l’exportation, le transbordement, » ;
b) Au c, les mots : « ou l’utilisation ou bien l’importation » sont remplacés par les mots : « , l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement » ;
5° L’article L. 623-4 est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 623-24-1, sont interdits, à défaut de consentement du titulaire du certificat d’obtention végétale, la production, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée. » ;
5° bis A L’article L. 623-24-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette utilisation ne constitue pas une contrefaçon. » ;
5° bis Au troisième alinéa de l’article L. 622-5, après le mot : « ou », sont insérés les mots : « de détenir, transborder, utiliser, exporter ou » ;
6° L’article L. 722-1, dans sa rédaction résultant du 9° du I de l’article 23 de la loi n° … du … relative à la consommation, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont interdits la production, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique. »
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Labbé, Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° La section 3 du chapitre V du titre Ier du livre VI de la deuxième partie est complétée par un article L. 615-23 ainsi rédigé :
« Art. L. 615-23. – Les articles L. 615-1 à L. 615-10 et L. 615-12 à L. 615-16 ne s’appliquent pas aux semences, plants, animaux ou préparations naturelles produits à la ferme par un agriculteur pour ses propres productions agricoles ou fermières. » ;
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Au risque de me faire huer, je souhaite revenir sur le problème des semences agricoles, dites aussi « paysannes ».
J’ai bien entendu l’inquiétude exprimée par tous, notamment par M. le rapporteur, par M. Hyest et par M. Yung : pourquoi revenons-nous régulièrement sur le problème des semences paysannes, alors que tel n’est pas l’objet de ce texte ? Très certainement parce que la loi, ou du moins les dispositifs qui l’entourent, ne sont pas assez pédagogiques pour nos concitoyens, qui ne les comprennent pas.
C’est ainsi que nous avons reçu le 25 février dernier un courriel de la Coordination rurale tendant à attirer l’attention des sénateurs sur les articles 6 et 7 de cette proposition de loi, car ils peuvent exposer à certains risques les exploitants agricoles utilisant des semences de ferme, notion ici prise au sens large.
Je suis d’accord avec les orateurs précédents et je l’ai reconnu dans la discussion générale : l’examen de ce texte n’est pas le bon moment pour aborder ces questions. Toutefois, manifestement, si nos concitoyens ne comprennent pas, c’est qu’il y a un problème d’explication de texte.
Les personnes qui sont inquiètes au sujet des semences de ferme ne sont pas plus bêtes que la moyenne nationale, ni plus obtuses. Seulement, les problèmes qu’elles rencontrent dans leur quotidien leur tiennent à cœur. Elles savent, notamment grâce à internet, ce qui s’est passé à tel ou tel endroit. Elles ont peur de la menace pesant sur ce qui, pour eux, constitue l’essence même de leur métier. Ne perdons pas de vue que le concept de semences brevetables est extrêmement moderne, et qu’il s’agit tout de même du vivant !
Les anciennes semences étaient produites par les paysans eux-mêmes, dont le travail consistait également à sélectionner les graines les plus pertinentes en fonction des sols. On n’utilisait en effet pas les mêmes semences dans le Gâtinais ou dans la Brie bocagère ! Or, subitement, toute notre société s’est spécialisée, y compris la production agricole. Les agriculteurs se sont retrouvés totalement déboussolés, et ils continuent de l’être !
Ces précisions étant apportées, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
(Non modifié)
I. – Le titre III du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 335-10 est abrogé ;
2° Après le chapitre V, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :
« Chapitre V bis
« La retenue
« Art. L. 335-10. – En dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, sur demande écrite du titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon.
« Cette retenue est immédiatement notifiée au demandeur et au détenteur. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« Sous réserve des procédures prévues aux articles L. 335-14 et L. 335-15 du présent code, la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès de l’administration des douanes soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République. L’administration des douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures conservatoires prononcées par la juridiction civile compétente sont à la charge du demandeur.
« Aux fins de l’engagement des actions en justice mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du déclarant des marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que des images de ces marchandises et des informations sur leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« La retenue mentionnée au premier alinéa du présent article ne porte pas :
« 1° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de l’Union européenne et destinées, après avoir emprunté le territoire douanier défini à l’article 1er du code des douanes, à être mises sur le marché d’un autre État membre de l’Union européenne pour y être légalement commercialisées ;
« 2° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un autre État membre de l’Union européenne, dans lequel elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont destinées, après avoir transité sur le territoire douanier défini au même article 1er, à être exportées vers un État non membre de l’Union européenne.
« Art. L. 335-11. – En l’absence de demande écrite du titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin et en dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, dans le cadre de ses contrôles, retenir des marchandises susceptibles de porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin.
« Cette retenue est immédiatement notifiée au titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« La mesure de retenue est levée de plein droit si l’administration des douanes n’a pas reçu du titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin la demande prévue à l’article L. 335-10 du présent code, déposée dans un délai de quatre jours ouvrables à compter de la notification de la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article.
« Si la demande a été reçue conformément au quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 335-10 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des douanes.
« Le présent article n’est pas applicable aux marchandises périssables.
« Art. L. 335-12. – I. – Lorsque la retenue prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin est mise en œuvre avant qu’une demande du titulaire du droit ait été déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, informer ce titulaire de la mise en œuvre de cette mesure. Ils peuvent également lui communiquer des informations portant sur la quantité des marchandises et leur nature.
« Lorsque la retenue prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin est mise en œuvre après qu’une demande du titulaire du droit a été acceptée, les agents des douanes peuvent également communiquer à ce titulaire les informations prévues par cette réglementation, nécessaires pour déterminer s’il y a eu violation de son droit.
« II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la retenue mentionnée au I sont à la charge du titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin.
« Art. L. 335-13. – Pendant le délai de la retenue mentionnée à l’article L. 335-10 et au second alinéa du I de l’article L. 335-12, le titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin peut, à sa demande ou à la demande de l’administration des douanes, inspecter les marchandises retenues.
« Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, l’administration des douanes peut prélever des échantillons. À la demande du titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin, ces échantillons peuvent lui être remis aux seules fins d’analyse et en vue de faciliter les actions qu’il peut être amené à engager par la voie civile ou pénale.
« Art. L. 335-14. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon de droit d’auteur ou de droit voisin est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 335-10 a été acceptée, les marchandises soupçonnées de porter atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin enregistré peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;
« 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises ;
« 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises.
« II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la destruction des marchandises, ni informé l’administration des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est réputé avoir consenti à cette destruction.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des marchandises dans les délais prévus, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 335-10. Le délai de dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Si les conditions prévues au I du présent article ne sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 335-10, la mesure de retenue est levée de plein droit.
« IV. – Dans le cadre de la communication d’informations prévues au troisième alinéa des articles L. 335-10 et L. 335-11, les autorités douanières informent le demandeur de l’existence de la procédure prévue au présent article. Les informations prévues au sixième alinéa de l’article L. 335-10 peuvent également être communiquées au demandeur aux fins de mise en œuvre de la présente mesure.
« Art. L. 335-15. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon de droit d’auteur ou de droit voisin est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 335-10 a été acceptée, les marchandises transportées en petits envois peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur a, dans sa demande, sollicité le recours à la procédure prévue au présent article.
« II. – La notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 335-10 est faite dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la date de la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de l’administration des douanes de détruire ou non les marchandises et indique que :
« 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai de dix jours ouvrables à compter de la notification de la retenue pour faire connaître à l’administration des douanes ses observations ;
« 2° Les marchandises concernées peuvent être détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables à partir de leur mise en retenue, le détenteur des marchandises a confirmé à l’administration des douanes qu’il consent à cette destruction. En cas de silence du détenteur des marchandises à l’issue de ce délai, le détenteur est réputé avoir consenti à leur destruction.
« L’administration des douanes communique au demandeur, sur requête de celui-ci, les informations relatives à la quantité réelle ou estimée des marchandises détruites et à leur nature.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction ou lorsqu’il n’est pas réputé avoir consenti à leur destruction, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur et lui communique la quantité, la nature, ainsi que des images des marchandises.
« IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables à compter de l’information prévue au III du présent article, de justifier auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 335-10.
« En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du détenteur des marchandises retenues, ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« V. – La définition des petits envois mentionnés au I du présent article est précisée par arrêté du ministre chargé des douanes.
« VI. – Le présent article n’est pas applicable aux denrées périssables.
« Art. L. 335-16. – Lorsque le demandeur utilise les informations qui lui sont communiquées par l’administration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au présent chapitre, l’administration des douanes abroge, suspend ou refuse de renouveler ladite demande.
« Art. L. 335-17. – En vue de prononcer les mesures prévues aux articles L. 335-10 à L. 335-13, les agents des douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes.
« Art. L. 335-18. – Un décret en Conseil d’État fixe :
« 1° Les conditions d’application des mesures prévues aux articles L. 335-10 à L. 335-16 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction des marchandises susceptibles de porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin prévue par la réglementation européenne en vigueur, ainsi que les conditions du prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction. »
II. – Le titre II du livre V de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° Après le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis intitulé : « La retenue », comprenant les articles L. 521-14 à L. 521-19 ;
2° L’article L. 521-14 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette retenue est immédiatement notifiée au demandeur et au détenteur. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature, la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au propriétaire du droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue par le présent article. » ;
c) Au début du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des procédures prévues aux articles L. 521-17-1 et L. 521-17-2, » ;
d) Le quatrième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« L’administration des douanes peut proroger le délai de dix jours, prévu au présent alinéa, de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés. » ;
e) Le cinquième alinéa est complété par les mots : « , sous réserve des procédures prévues aux articles L. 521-18 et L. 521-19 » ;
f) Au sixième alinéa, les mots : « de leur quantité, leur origine et leur provenance » sont remplacés par les mots : « des images de ces marchandises et des informations sur leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination » ;
3° L’article L. 521-15 est ainsi modifié :
aa) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au propriétaire du droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue au présent article » ;
a) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La mesure de retenue est levée de plein droit si l’administration des douanes n’a pas reçu du propriétaire du dessin ou du modèle déposé ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation la demande prévue à l’article L. 521-14 du présent code, déposée dans un délai de quatre jours ouvrables à compter de la notification de la retenue mentionnée au deuxième alinéa du présent article. » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Si la demande a été reçue conformément au quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 521-14 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des douanes.
« Le présent article n’est pas applicable aux marchandises périssables. » ;
3° bis Au premier alinéa de l’article L. 521-17, les références : « aux articles L. 521-14 à L. 521-16 » sont remplacées par les références : « à l’article L. 521-14 et au second alinéa du I de l’article L. 521-16 » ;
3° ter Après l’article L. 521-17, sont insérés des articles L. 521-17-1 à L. 521-17-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 521-17-1. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un dessin et modèle déposé est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 521-14 a été acceptée, les marchandises soupçonnées de porter atteinte à un dessin et modèle déposé peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;
« 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises ;
« 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises.
« II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la destruction des marchandises, ni informé l’administration des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est réputé avoir consenti à cette destruction.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des marchandises dans les délais prévus, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 521-14. Le délai de dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Si les conditions prévues au I du présent article ne sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 521-14, la mesure de retenue est levée de plein droit.
« IV. – Dans le cadre de la communication d’informations prévues au troisième alinéa des articles L. 521-14 et L. 521-15, les autorités douanières informent le demandeur de l’existence de la procédure prévue au présent article. Les informations prévues au sixième alinéa de l’article L. 521-14 peuvent également être communiquées au demandeur aux fins de mise en œuvre de la présente mesure.
« Art. L. 521-17-2. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un dessin et modèle déposé est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 521-14 a été acceptée, les marchandises transportées en petits envois peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur a, dans sa demande, sollicité le recours à la procédure prévue au présent article.
« II. – La notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 521-14 est faite dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la date de la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de l’administration des douanes de détruire ou non les marchandises et indique que :
« 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai de dix jours ouvrables à compter de la notification de la retenue pour faire connaître à l’administration des douanes ses observations ;
« 2° Les marchandises concernées peuvent être détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables à partir de leur mise en retenue, le détenteur des marchandises a confirmé à l’administration des douanes qu’il consent à cette destruction. En cas de silence du détenteur des marchandises à l’issue de ce délai, le détenteur est réputé avoir consenti à leur destruction.
« L’administration des douanes communique au demandeur, sur requête de celui-ci, les informations relatives à la quantité réelle ou estimée des marchandises détruites et à leur nature.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction ou lorsqu’il n’est pas réputé avoir consenti à leur destruction, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur et lui communique la quantité, la nature, ainsi que des images des marchandises.
« IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables à compter de l’information prévue au III du présent article, de justifier auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 521-14.
« En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du détenteur des marchandises retenues, ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« V. – La définition des petits envois mentionnés au I du présent article est précisée par arrêté du ministre chargé des douanes.
« VI. – Le présent article n’est pas applicable aux denrées périssables.
« Art. L. 521-17-3. – Lorsque le demandeur utilise les informations qui lui sont communiquées par l’administration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au présent chapitre, l’administration des douanes abroge, suspend ou refuse de renouveler ladite demande. » ;
3° quater À l’article L. 521-18, la référence : « L. 521-17 » est remplacée par la référence : « L. 521-17-3 » ;
3° quinquies L’article L. 521-19 est ainsi rédigé :
« Art. L. 521-19. – Un décret en Conseil d’État fixe :
« 1° Les conditions d’application des mesures prévues aux articles L. 521-14 à L. 521-17-3 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction des marchandises susceptibles de constituer une contrefaçon d’un dessin ou modèle, prévue par la réglementation de l’Union européenne, ainsi que les conditions du prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction. » ;
4° Au début de l’article L. 522-1, les mots : « Les dispositions du chapitre Ier » sont remplacés par les références : « Les chapitres Ier et Ier bis ».
III. – Après le chapitre IV du titre Ier du livre VI de la même deuxième partie, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« Chapitre IV bis
« La retenue
« Art. L. 614-32. – En dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, sur demande écrite du propriétaire d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou d’une personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon.
« Cette retenue est immédiatement notifiée au demandeur et au détenteur. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au propriétaire du brevet ou du certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou à la personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« Sous réserve des procédures prévues aux articles L. 614-36 et L. 614-37 du présent code, la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès de l’administration des douanes soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République. L’administration des douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures conservatoires prononcées par la juridiction civile compétente sont à la charge du demandeur.
« Aux fins de l’engagement des actions en justice mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du déclarant des marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que des images de ces marchandises et des informations sur leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« La retenue mentionnée au premier alinéa du présent article ne porte pas :
« 1° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de l’Union européenne et destinées, après avoir emprunté le territoire douanier défini au même article 1er, à être mises sur le marché d’un autre État membre de l’Union européenne pour y être légalement commercialisées ;
« 2° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un autre État membre de l’Union européenne, dans lequel elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont destinées, après avoir transité sur le territoire douanier défini au même article 1er, à être exportées vers un État non-membre de l’Union européenne.
« Art. L. 614-33. – En l’absence de demande écrite du propriétaire d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou d’une personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation et en dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, dans le cadre de ses contrôles, retenir des marchandises susceptibles de porter atteinte à un brevet ou à un certificat complémentaire d’exploitation.
« Cette retenue est immédiatement notifiée au propriétaire du brevet ou du certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou à la personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au propriétaire du brevet ou du certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou à la personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« La mesure de retenue est levée de plein droit si l’administration des douanes n’a pas reçu du propriétaire du brevet ou du certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou de la personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation la demande prévue à l’article L. 614-32 du présent code, déposée dans un délai de quatre jours ouvrables à compter de la notification de la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article.
« Si la demande a été reçue conformément au quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 614-32 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des douanes.
« Le présent article n’est pas applicable aux marchandises périssables.
« Art. L. 614-34. – I. – Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un brevet ou d’un certificat complémentaire d’exploitation, est mise en œuvre avant qu’une demande du propriétaire d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou d’une personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation ait été déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, informer ce propriétaire ou ce bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation de la mise en œuvre de cette mesure. Ils peuvent également lui communiquer des informations portant sur la quantité des marchandises et leur nature.
« Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un brevet ou d’un certificat complémentaire d’exploitation, est mise en œuvre après qu’une demande du propriétaire d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou d’une personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation a été acceptée, les agents des douanes peuvent également communiquer à ce propriétaire ou à cette personne habilitée les informations prévues par cette réglementation, nécessaires pour déterminer s’il y a eu violation de son droit.
« II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la retenue mentionnée au I sont à la charge du propriétaire du brevet ou du certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou de la personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation.
« Art. L. 614-35. – Pendant le délai de la retenue mentionnée à l’article L. 614-32 et au second alinéa du I de l’article L. 614-34, le propriétaire du brevet ou du certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou la personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploitation peut, à sa demande ou à la demande de l’administration des douanes, inspecter les marchandises retenues.
« Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, l’administration des douanes peut prélever des échantillons.
« Art. L. 614-36. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un brevet, d’un certificat complémentaire de protection ou d’un certificat d’utilité est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 614-32 a été acceptée, les marchandises soupçonnées de porter atteinte à un brevet, un certificat complémentaire de protection ou un certificat d’utilité peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;
« 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises ;
« 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises.
« II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la destruction des marchandises, ni informé l’administration des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est réputé avoir consenti à cette destruction.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des marchandises dans les délais prévus, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur qui, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 614-32. Le délai de dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Si les conditions prévues au I du présent article ne sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 614-32, la mesure de retenue est levée de plein droit.
« IV. – Dans le cadre de la communication d’informations prévues au troisième alinéa des articles L. 614-32 et L. 614-33, les autorités douanières informent le demandeur de l’existence de la procédure prévue au présent article. Les informations prévues au sixième alinéa de l’article L. 614-32 peuvent également être communiquées au demandeur aux fins de mise en œuvre de la présente mesure.
« Art. L. 614-37. – Lorsque le demandeur utilise les informations qui lui sont communiquées par l’administration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au présent chapitre, l’administration des douanes abroge, suspend ou refuse de renouveler ladite demande.
« Art. L. 614-38. – En vue de prononcer les mesures prévues aux articles L. 614-32 à L. 614-35, les agents des douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes.
« Art. L. 614-39. – Un décret en Conseil d’État fixe :
« 1° Les conditions d’application des mesures prévues aux articles L. 614-32 à L. 614-37 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction des marchandises susceptibles de porter atteinte à un brevet, un certificat complémentaire de protection ou un certificat d’utilité prévue par la réglementation européenne en vigueur, ainsi que les conditions du prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction. »
III bis. – La section 2 du chapitre II du titre II du même livre VI est complétée par un article L. 622-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 622-8. – Le chapitre IV bis du titre Ier du présent livre est applicable au présent chapitre. »
IV. – Le chapitre III du même titre II est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« La retenue
« Art. L. 623-36. – En dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, sur demande écrite du titulaire d’un certificat d’obtention végétale, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon.
« Cette retenue est immédiatement notifiée au demandeur et au détenteur. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au titulaire du certificat d’obtention végétale, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« Sous réserve des procédures prévues aux articles L. 623-40 et L. 623-41 du présent code, la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès de l’administration des douanes soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République. L’administration des douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures conservatoires prononcées par la juridiction civile compétente sont à la charge du demandeur.
« Aux fins de l’engagement des actions en justice mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du déclarant des marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que des images de ces marchandises et des informations sur leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« La retenue mentionnée au premier alinéa du présent article ne porte pas :
« 1° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de l’Union européenne et destinées, après avoir emprunté le territoire douanier défini à l’article 1er du code des douanes, à être mises sur le marché d’un autre État membre de l’Union européenne pour y être légalement commercialisées ;
« 2° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un autre État membre de l’Union européenne, dans lequel elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont destinées, après avoir transité sur le territoire douanier défini au même article 1er, à être exportées vers un État non membre de l’Union européenne.
« Art. L. 623-37. – En l’absence de demande écrite du titulaire du certificat d’obtention végétale et en dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, dans le cadre de ses contrôles, retenir des marchandises susceptibles de porter atteinte à un certificat d’obtention végétale.
« Cette retenue est immédiatement notifiée au titulaire du certificat d’obtention végétale. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au titulaire du certificat d’obtention végétale, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« La mesure de retenue est levée de plein droit si l’administration des douanes n’a pas reçu du titulaire du certificat d’obtention végétale la demande prévue à l’article L. 623-36 du présent code, déposée dans un délai de quatre jours ouvrables à compter de la notification de la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article.
« Si la demande a été reçue conformément au quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 623-36 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des douanes.
« Le présent article n’est pas applicable aux marchandises périssables.
« Art. L. 623-38. – I. – Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un certificat d’obtention végétale, est mise en œuvre avant qu’une demande du titulaire du certificat d’obtention végétale ait été déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, informer ce titulaire de la mise en œuvre de cette mesure. Ils peuvent également lui communiquer des informations portant sur la quantité des marchandises et leur nature.
« Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un certificat d’obtention végétale, est mise en œuvre après qu’une demande du titulaire du certificat d’obtention végétale a été acceptée, les agents des douanes peuvent également communiquer à ce titulaire les informations prévues par cette réglementation, nécessaires pour déterminer s’il y a eu violation de son droit.
« II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la retenue mentionnée au I sont à la charge du titulaire du certificat d’obtention végétale.
« Art. L. 623-39. – Pendant le délai de la retenue mentionnée à l’article L. 623-36 et au second alinéa du I de l’article L. 623-38, le titulaire du certificat d’obtention végétale peut, à sa demande ou à la demande de l’administration des douanes, inspecter les marchandises retenues.
« Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, l’administration des douanes peut prélever des échantillons.
« Art. L. 623-40. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un certificat d’obtention végétale est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 623-36 a été acceptée, les marchandises soupçonnées de porter atteinte à un certificat d’obtention végétale peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;
« 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises ;
« 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises.
« II. – Lorsque le détenteur n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la destruction des marchandises, ni informé l’administration des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est réputé avoir consenti à cette destruction.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des marchandises dans les délais prévus, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 623-36. Le délai de dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Si les conditions prévues au I du présent article ne sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 623-36, la mesure de retenue est levée de plein droit.
« IV. – Dans le cadre de la communication d’informations prévues au troisième alinéa des articles L. 623-36 et L. 623-37, les autorités douanières informent le demandeur de l’existence de la procédure prévue au présent article. Les informations prévues au sixième alinéa de l’article L. 623-36 peuvent également être communiquées au demandeur aux fins de mise en œuvre de la présente mesure.
« Art. L. 623-41. – Lorsque le demandeur utilise les informations qui lui sont communiquées par l’administration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au présent chapitre, l’administration des douanes abroge, suspend ou refuse de renouveler ladite demande.
« Art. L. 623-42. – En vue de prononcer les mesures prévues aux articles L. 623-36 à L. 623-39, les agents des douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes.
« Art. L. 623-43. – Un décret en Conseil d’État fixe :
« 1° Les conditions d’application des mesures prévues aux articles L. 623-36 à L. 623-41 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction des marchandises susceptibles de porter atteinte à un certificat d’obtention végétale prévue par la réglementation européenne en vigueur, ainsi que les conditions du prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction.
« Art. L. 623-44. – La présente section n’est pas applicable aux semences de ferme relevant de la section 2 bis du présent chapitre. »
V. – Le titre Ier du livre VII de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° Après le chapitre VI, il est inséré un chapitre VI bis intitulé : « La retenue » et comprenant les articles L. 716-8 à L. 716-16 ;
2° L’article L. 716-8 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette retenue est immédiatement notifiée au demandeur et au détenteur. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature, la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au propriétaire du droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue par le présent article. » ;
c) Au début du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des procédures prévues aux articles L. 716-8-4 et L. 716-8-5, » ;
d) Le quatrième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« L’administration des douanes peut proroger le délai de dix jours, prévu au présent alinéa, de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés. » ;
e) Le cinquième alinéa est complété par les mots : « , sous réserve des procédures prévues aux articles L. 716-8-4 et L. 716-8-5 » ;
f) Au sixième alinéa, les mots : « de leur quantité, leur origine et leur provenance » sont remplacés par les mots : « des images de ces marchandises et des informations sur leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination » ;
3° L’article L. 716-8-1 est ainsi modifié :
aa) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au propriétaire du droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue au présent article. » ;
a) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La mesure de retenue est levée de plein droit si l’administration des douanes n’a pas reçu du propriétaire de la marque enregistrée ou du bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation la demande prévue à l’article L. 716-8 du présent code, déposée dans un délai de quatre jours ouvrables à compter de la notification de la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article. » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Si la demande a été reçue conformément au quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 716-8 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des douanes.
« Le présent article n’est pas applicable aux marchandises périssables. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 716-8-3, les références : « aux articles L. 716-8 à L. 716-8-2 » sont remplacées par les références : « à l’article L. 716-8 et au second alinéa du I de l’article L. 716-8-2 » ;
5° Les articles L. 716-8-4 à L. 716-8-6 sont remplacés par des articles L. 716-8-4 à L. 716-8-9 ainsi rédigés :
« Art. L. 716-8-4. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une marque enregistrée est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 716-8 a été acceptée, les marchandises soupçonnées de porter atteinte à la marque enregistrée peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;
« 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises ;
« 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises.
« II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la destruction des marchandises, ni informé l’administration des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est réputé avoir consenti à cette destruction.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des marchandises dans les délais prévus, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 716-8. Le délai de dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Si les conditions prévues au I du présent article ne sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 716-8, la mesure de retenue est levée de plein droit.
« IV. – Dans le cadre de la communication d’informations prévues au troisième alinéa des articles L. 716-8 et L. 716-8-1, les autorités douanières informent le demandeur de l’existence de la procédure prévue au présent article. Les informations prévues au sixième alinéa de l’article L. 716-8 peuvent également être communiquées au demandeur aux fins de mise en œuvre de la présente mesure.
« Art. L. 716-8-5. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une marque enregistrée est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 716-8 a été acceptée, les marchandises transportées en petits envois soupçonnées de porter atteinte à une marque enregistrée peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur a, dans sa demande, sollicité le recours à la procédure prévue au présent article.
« II. – La notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 716-8 est faite dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la date de la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de l’administration des douanes de détruire ou non les marchandises et indique que :
« 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai de dix jours ouvrables à compter de la notification de la retenue pour faire connaître à l’administration des douanes ses observations ;
« 2° Les marchandises concernées peuvent être détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables à partir de leur mise en retenue, le détenteur des marchandises a confirmé à l’administration des douanes qu’il consent à cette destruction. En cas de silence du détenteur des marchandises à l’issue de ce délai, le détenteur est réputé avoir consenti à leur destruction.
« Les autorités douanières communiquent au demandeur, sur requête de celui-ci, les informations relatives à la quantité réelle ou estimée des marchandises détruites et à leur nature.
« III. – Lorsque le déclarant ou le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction ou lorsqu’il n’est pas réputé avoir consenti à leur destruction, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur et lui communique la quantité, la nature, ainsi que des images des marchandises.
« IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables à compter de l’information prévue au III du présent article, de justifier auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 716-8.
« En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du détenteur des marchandises retenues, ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« V. – La définition des petits envois mentionnés au I du présent article est précisée par arrêté du ministre chargé des douanes.
« VI. – Le présent article n’est pas applicable aux denrées périssables.
« Art. L. 716-8-6. – Lorsque le demandeur utilise les informations qui lui sont communiquées par l’administration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au présent chapitre, l’administration des douanes abroge, suspend ou refuse de renouveler ladite demande.
« Art. L. 716-8-7. – En vue de prononcer les mesures prévues aux articles L. 716-8 à L. 716-8-3, les agents des douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes.
« Art. L. 716-8-8. – Un décret en Conseil d’État fixe :
« 1° Les conditions d’application des mesures prévues aux articles L. 716-8 à L. 716-8-6 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction des marchandises susceptibles de constituer une contrefaçon d’une marque enregistrée, prévue par la réglementation de l’Union européenne, ainsi que les conditions du prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction.
« Art. L. 716-8-9. – Les officiers de police judiciaire peuvent procéder, dès la constatation des infractions prévues aux articles L. 716-9 et L. 716-10, à la saisie des produits fabriqués, importés, détenus, mis en vente, livrés ou fournis illicitement et des matériels spécialement installés en vue de tels agissements. »
VI. – Le chapitre II du titre II du même livre VII est ainsi modifié :
1° La section unique devient une section 1 ;
2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« La retenue
« Art. L. 722-9. – En dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, sur demande écrite d’une personne autorisée à utiliser une indication géographique ou de tout organisme de défense des indications géographiques, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon.
« Cette retenue est immédiatement notifiée au demandeur et au détenteur. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées à la personne autorisée à utiliser une indication géographique ou à l’organisme de défense des indications géographiques, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« Sous réserve des procédures prévues aux articles L. 722-13 et L. 722-14 du présent code, la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès de l’administration des douanes soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République. L’administration des douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures conservatoires prononcées par la juridiction civile compétente sont à la charge du demandeur.
« Aux fins de l’engagement des actions en justice mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des noms et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du déclarant des marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que des images de ces marchandises et des informations sur leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« La retenue mentionnée au premier alinéa du présent article ne porte pas :
« 1° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de l’Union européenne et destinées, après avoir emprunté le territoire douanier défini à l’article 1er du code des douanes, à être mises sur le marché d’un autre État membre de l’Union européenne pour y être légalement commercialisées ;
« 2° Sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un autre État membre de l’Union européenne, dans lequel elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont destinées, après avoir transité sur le territoire douanier défini au même article 1er, à être exportées vers un État non membre de l’Union européenne.
« Art. L. 722-10. – En l’absence de demande écrite de la personne autorisée à utiliser une indication géographique ou de l’organisme de défense des indications géographiques et en dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, dans le cadre de ses contrôles, retenir des marchandises susceptibles de porter atteinte à une indication géographique.
« Cette retenue est immédiatement notifiée à la personne autorisée à utiliser l’indication géographique ou à l’organisme de défense des indications géographiques. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par l’administration des douanes.
« Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées à la personne autorisée à utiliser l’indication géographique ou à l’organisme de défense des indications géographiques, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent article.
« La mesure de retenue est levée de plein droit si l’administration des douanes n’a pas reçu de la personne autorisée à utiliser l’indication géographique ou de l’organisme de défense des indications géographiques la demande prévue à l’article L. 722-9 du présent code, déposée dans un délai de quatre jours ouvrables à compter de la notification de la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article.
« Si la demande a été reçue conformément au quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 722-9 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des douanes.
« Le présent article n’est pas applicable aux marchandises périssables.
« Art. L. 722-11. – I. – Lorsque la retenue prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une indication géographique est mise en œuvre avant qu’une demande de la personne autorisée à utiliser l’indication géographique ou de l’organisme de défense des indications géographiques ait été déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, informer cette personne ou cet organisme de la mise en œuvre de cette mesure. Ils peuvent également lui communiquer des informations portant sur la quantité des marchandises et leur nature.
« Lorsque la retenue prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une indication géographique est mise en œuvre après qu’une demande de la personne autorisée à utiliser une indication géographique ou de l’organisme de défense des indications géographiques a été acceptée, les agents des douanes peuvent également communiquer à cette personne ou à cet organisme les informations, prévues par cette réglementation, nécessaires pour déterminer s’il y a eu violation de son droit.
« II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la retenue mentionnée au I sont à la charge de la personne autorisée à utiliser une indication géographique ou de l’organisme de défense des indications géographiques.
« Art. L. 722-12. – Pendant le délai de la retenue mentionnée à l’article L. 722-9 et au second alinéa du I de l’article L. 722-11, la personne autorisée à utiliser une indication géographique ou l’organisme de défense des indications géographiques peut, à sa demande ou à la demande de l’administration des douanes, inspecter les marchandises retenues.
« Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, l’administration des douanes peut prélever des échantillons. À la demande de la personne autorisée à utiliser l’indication géographique ou de l’organisme de défense des indications géographiques, ces échantillons peuvent lui être remis aux seules fins d’analyse et en vue de faciliter les actions qu’elle ou il peut être amené à engager par la voie civile ou pénale.
« Art. L. 722-13. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une indication géographique est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 722-9 a été acceptée, les marchandises soupçonnées de porter atteinte à une indication géographique peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;
« 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises ;
« 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises.
« II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la destruction des marchandises, ni informé l’administration des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est réputé avoir consenti à cette destruction.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des marchandises dans les délais prévus, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 722-9. Le délai de dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont informés.
« Si les conditions prévues au I du présent article ne sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa du même article L. 722-9, la mesure de retenue est levée de plein droit.
« IV. – Dans le cadre de la communication d’informations prévues au troisième alinéa des articles L. 722-9 et L. 722-10, les autorités douanières informent le demandeur de l’existence de la procédure prévue au présent article. Les informations prévues au sixième alinéa de l’article L. 722-9 peuvent également être communiquées au demandeur aux fins de mise en œuvre de la présente mesure.
« Art. L. 722-14. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une indication géographique est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 722-9 a été acceptée, les marchandises transportées en petits envois soupçonnées de porter atteinte à une indication géographique peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur a, dans sa demande, sollicité le recours à la procédure prévue au présent article.
« II. – La notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 722-9 est faite dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la date de la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de l’administration des douanes de détruire ou non les marchandises et indique que :
« 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai de dix jours ouvrables à compter de la notification de la retenue pour faire connaître à l’administration des douanes ses observations ;
« 2° Les marchandises concernées peuvent être détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables à partir de leur mise en retenue, le détenteur des marchandises a confirmé à l’administration des douanes qu’il consent à cette destruction. En cas de silence du détenteur des marchandises à l’issue de ce délai, le détenteur est réputé avoir consenti à leur destruction.
« L’administration des douanes communique au demandeur, sur requête de celui-ci, les informations relatives à la quantité réelle ou estimée des marchandises détruites et à leur nature.
« III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction ou lorsqu’il n’est pas réputé avoir consenti à leur destruction, l’administration des douanes en informe immédiatement le demandeur et lui communique la quantité, la nature, ainsi que des images des marchandises.
« IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables à compter de l’information prévue au III du présent article, de justifier auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 722-9.
« En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du détenteur des marchandises retenues, ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes.
« V. – La définition des petits envois mentionnés au I du présent article est précisée par arrêté du ministre chargé des douanes.
« VI. – Le présent article n’est pas applicable aux denrées périssables.
« Art. L. 722-15. – Lorsque le demandeur utilise les informations qui lui sont communiquées par l’administration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, à d’autres fins que celles prévues par le présent chapitre, l’administration des douanes abroge, suspend ou refuse de renouveler ladite demande.
« Art. L. 722-16. – En vue de prononcer les mesures prévues aux articles L. 722-9 à L. 722-12, les agents des douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes.
« Art. L. 722-17. – Un décret en Conseil d’État fixe :
« 1° Les conditions d’application des mesures prévues aux articles L. 722-9 à L. 722-15 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction des marchandises susceptibles de porter atteinte à une indication géographique prévue par la réglementation européenne en vigueur ainsi que les conditions du prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction. » – (Adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Le 4 de l’article 38 du code des douanes est ainsi rédigé :
« 4. Au titre des dispositions dérogatoires prévues à l’article 2 bis, le présent article est applicable :
« 1° Aux produits liés à la défense dont le transfert est soumis à l’autorisation préalable prévue à l’article L. 2335-10 du code de la défense, aux produits chimiques inscrits au tableau 1 annexé à la convention de Paris et mentionnés à l’article L. 2342-8 du même code, aux matériels mentionnés à l’article L. 2335-18 dudit code ainsi qu’aux produits explosifs destinés à des fins militaires mentionnés à l’article L. 2352-1 du même code ;
« 2° Aux marchandises relevant des articles 2 et 3 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane ;
« 3° Aux biens culturels et trésors nationaux relevant des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code du patrimoine ;
« 4° Aux substances classifiées en catégorie 1 par l’annexe I au règlement (CE) n° 273/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, relatif aux précurseurs de drogues ;
« 5° Aux marchandises mentionnées à l’article L. 5132-9 du code de la santé publique ;
« 6°Aux médicaments à usage humain mentionnés à l’article L. 5124-13 du même code ;
« 7° Aux micro-organismes et aux toxines mentionnés à l’article L. 5139-1 dudit code ;
« 8° Aux médicaments à usage vétérinaire mentionnés à l’article L. 5142-7 du même code ;
« 9° Aux marchandises contrefaisantes ;
« 10° Aux produits sanguins labiles et aux pâtes plasmatiques mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 1221-8 du code de la santé publique, au sang, ses composants et ses produits dérivés à des fins scientifiques mentionnés à l’article L. 1221-12 du même code ;
« 11° Aux organes, tissus et leurs dérivés, cellules, gamètes et tissus germinaux issus du corps humain ainsi qu’aux préparations de thérapie cellulaire et aux échantillons biologiques mentionnés aux articles L. 1235-1, L. 1243-1, L. 2141-11-1 et L. 1245-5 dudit code ;
« 12° Aux tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux mentionnés à l’article L. 2151-6 du même code ;
« 13° Aux sources artificielles et naturelles de radionucléides définies à l’article L. 1333-1 dudit code et relevant des articles L. 1333-2 et L. 1333-4 du même code ;
« 14° Aux déchets définis à l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement dont l’importation, l’exportation ou le transit sont régis par la section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre V du même code, ainsi que par le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets et les décisions des autorités de l’Union européenne prises en application de ce règlement ;
« 15° Aux objets de toute nature comportant des images ou des représentations d’un mineur à caractère pornographique mentionnées à l’article 227-23 du code pénal. » – (Adopté.)
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Article 11
(Non modifié)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 343-2 est ainsi rédigée :
« Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits du producteur de bases de données sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. » ;
2° La première phrase du dernier alinéa des articles L. 521-6, L. 615-3, L. 623-27 et L. 716-6 est ainsi rédigée :
« Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. » ;
3° Le quatrième alinéa des articles L. 521-14 et L. 716-8 est complété par les mots : « , soit d’avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République » ;
4° La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 722-3 est ainsi rédigée :
« Lorsque les mesures prises pour faire cesser une contrefaçon sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. » – (Adopté.)
Article 12
(Non modifié)
I. – L’article 66 du code des douanes est ainsi rédigé :
« Art. 66. – 1. Pour la recherche et la constatation des infractions prévues au présent code, les agents des douanes ont accès aux locaux des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express, définies à l’article 67 sexies, où sont susceptibles d’être détenus des envois renfermant ou paraissant renfermer des marchandises et des sommes, titres ou valeurs se rapportant à ces infractions. Cet accès ne s’applique pas à la partie des locaux qui est affectée à usage privé.
« Cet accès a lieu entre 8 heures et 20 heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l’accès au public est autorisé ou lorsque sont en cours des activités de tri, de transport, de manutention ou d’entreposage.
« 2. Chaque intervention se déroule en présence de l’opérateur contrôlé ou de son représentant et fait l’objet d’un procès-verbal relatant le déroulement des opérations de contrôle, dont une copie lui est remise, au plus tard, dans les cinq jours suivant son établissement.
« 3. Dans le cadre de ces interventions, il ne peut, en aucun cas, être porté atteinte au secret des correspondances. »
II. – (Non modifié)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
(Non modifié)
Le chapitre IV bis du titre II du code des douanes est complété par un article 67 sexies ainsi rédigé :
« Art. 67 sexies. – I. – Les entreprises de fret express exerçant les activités mentionnées au 4.2 de l’annexe 30 bis au règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaires et les prestataires de services postaux transmettent à la direction générale des douanes et droits indirects les données dont ils disposent relatives à l’identification des marchandises et objets acheminés ainsi que de leurs moyens de transports.
« Sont exclues de la transmission mentionnée au premier alinéa :
« 1° Les données mentionnées au I de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Les données relatives aux marchandises faisant l’objet d’importations en provenance d’États non-membres de l’Union européenne ou d’exportations à destination de ces mêmes États.
« Cette transmission ne peut, en aucun cas, porter atteinte au secret des correspondances.
« II. – Pour permettre la constatation des infractions mentionnées aux articles 414, 415 et 459 du présent code, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, le ministre chargé des douanes est autorisé à mettre en œuvre des traitements automatisés des données transmises en application du I du présent article.
« Seuls les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes ont accès à ces données.
« III. – Les traitements mentionnés au II respectent la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.
« Les prestataires et entreprises mentionnés au I du présent article informent les personnes concernées par les traitements mis en œuvre par la direction générale des douanes et des droits indirects.
« IV. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.
« Ce décret précise notamment :
« 1° La nature et les modalités de transmission des données mentionnées au I ;
« 2° Les catégories de données concernées par les traitements mentionnés au II ;
« 3° Les modalités d’accès et d’utilisation des données par les agents mentionnés au II ;
« 4° Les modalités du contrôle du respect de l’obligation mentionnée au second alinéa du III ;
« 5° Les modalités de destruction des données à l’issue de la durée mentionnée au V ;
« 6° Les modalités d’exercice par les personnes concernées de leur droit d’accès et de rectification des données.
« V. – Les données faisant l’objet des traitements mentionnés au II sont conservées pendant un délai maximal de deux ans à compter de leur enregistrement. » – (Adopté.)
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Chapitre VI
Dispositions diverses
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Article 19
(Non modifié)
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 722-1 est ainsi rédigé :
« Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l’Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. » ;
2° L’article L. 722-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « atteinte à l’indication géographique » sont remplacés par le mot : « contrefaçon » et les mots : « cette indication géographique » sont remplacés par les mots : « l’indication géographique concernée » ;
b) À la fin du second alinéa, les mots : « atteinte à l’indication géographique » sont remplacés par le mot : « contrefaçon » ;
3° L’article L. 722-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « pour une atteinte à une indication géographique » sont remplacés par les mots : « en contrefaçon », les mots : « auteur de cette atteinte » sont remplacés par le mot : « contrefacteur » et les mots : « portant prétendument atteinte à celle-ci » sont remplacés par les mots : « argués de contrefaçon » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « portant prétendument atteinte à une indication géographique » sont remplacés, deux fois, par les mots : « argués de contrefaçon » ;
– à la deuxième phrase, les mots : « auteur de l’atteinte à une indication géographique » sont remplacés par le mot : « contrefacteur » ;
c) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « pour atteinte à l’indication géographique » sont remplacés par les mots : « en contrefaçon » ;
4° L’article L. 722-4 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « L’atteinte à une indication géographique » sont remplacés par les mots : « La contrefaçon » ;
b) Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « portant prétendument atteinte à une indication géographique » sont remplacés par les mots : « prétendus contrefaisants » ;
5° L’article L. 722-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « pour atteinte à une indication géographique » sont remplacés par les mots : « pour contrefaçon » et les mots : « portant atteinte à une indication géographique » sont remplacés par le mot : « contrefaisants » ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « l’atteinte » sont remplacés par les mots : « la contrefaçon ».
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
...° Le titre Ier du livre IV de la deuxième partie est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Ministre en charge de la propriété industrielle
« Art. L. 413-2. - Lorsque l’un des modes de protection de la propriété industrielle a pour effet de porter atteinte à l’intérêt général, la protection peut être suspendue par décret du ministre en charge de la propriété industrielle pris après avis de l’institut national de la propriété industrielle. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. J’avais présenté un amendement similaire en première lecture.
Vous vous souvenez tous très certainement ici de la fronde des pays dits « du tiers-monde » ou « en voie de développement » – l’Afrique du Sud et l’Inde, par exemple –, qui avaient exigé d’obtenir les brevets à titre gracieux des médicaments permettant de lutter efficacement contre le Sida ou de pouvoir les copier.
Mes chers collègues, la contrefaçon ne permet-elle pas aussi le développement de produits meilleur marché pour les personnes les plus démunies ?
Comme soulignait le célèbre prix Nobel de la paix que j’ai cité tout à l’heure : « L’efficacité économique exige le libre accès au savoir, les droits de propriété intellectuelle sont conçus pour en restreindre l’usage ». Il concluait ainsi : « Au travers d’un système de récompense, les innovateurs se verraient rétribués pour leurs nouvelles avancées, mais ne conserveraient aucun monopole pour l’exploitation de celles-ci. De cette manière, la puissance des marchés compétitifs permettrait qu’une fois un médicament développé, il soit disponible au prix le plus bas possible – et non à un tarif gonflé par le monopole. »
Ces axes de réflexion montrent que la présente proposition de loi ne clôt pas définitivement le débat sur le sujet de la contrefaçon ; je suis certaine que nous aurons un jour à le rouvrir. Nous devrons nous interroger : n’existe-t-il pas une saine contrefaçon, qui permet aux plus défavorisés d’accéder aux produits accessibles aux personnes plus riches ?
Quoi qu’il en soit, comme il s’agit d’un amendement d’appel, ainsi que je l’avais annoncé au cours de la discussion générale, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Chapitre VII
Dispositions finales
Article 20
(Non modifié)
I. – La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, à l’exception de l’article 8.
II. – (Non modifié)
II bis. – L’article 8 n’est pas applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
III. – (Non modifié)
IV. – Les articles 67 bis et 67 bis-1 du code des douanes, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy. – (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.
(La proposition de loi est définitivement adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sans vouloir prolonger ce débat, je souhaite formuler une remarque.
En trois jours, quatre textes dont la commission des lois du Sénat était saisie se sont traduits par l’adoption de positions convergentes au sein de notre assemblée.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Comme quoi…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut le souligner, car on entend parfois dire qu’il est difficile de faire passer au Sénat certains textes… Certains textes ne passent pas – c’est la démocratie ! Toutefois, il y a aussi des textes qui sont adoptés après des débats importants et, dans les cas que j’ai cités, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de débat.
Je me félicite en tout cas, devant vous tous, du vote de cette proposition de loi.
J’ajoute qu’il est très heureux que ce texte ait pu être voté dans des termes conformes. Je remercie d’ailleurs Mme Lipietz, qui a contribué à ce résultat en retirant ses deux amendements.
Mme Hélène Lipietz. Ils n’auraient pas été adoptés ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, cela fait des années que nous travaillons au sein de la commission des lois sur ce sujet. Je salue à cet égard le travail qui a été mené par Richard Yung et par notre ancien collègue M. Béteille, ainsi que par la commission, sous votre présidence, monsieur Hyest, puis sous la mienne.
Nous nous sommes toujours battus, madame la ministre, pour que ces textes aboutissent. En effet, des chiffres très importants ont été cités par les uns et les autres : la contrefaçon, c’est 10 % du commerce international, 38 000 emplois détruits en France, 6 milliards d’euros de manque à gagner en termes de fiscalité !
Par conséquent, on voit bien que, en votant ce texte – à cet égard, je tiens à remercier très chaleureusement tous les collègues qui ont participé à ce débat, ainsi que M. le rapporteur et Mme la ministre –, nous travaillons pour l’emploi. Nous aurions pu revenir sur telle ou telle disposition, mais nous avions le désir que ce texte soit voté le plus vite possible, pour la défense de l’emploi dans notre pays. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Bricq, ministre. Je remercie tous les groupes qui se sont exprimés positivement sur ce texte. Il est vrai que le groupe socialiste avait repris une proposition de loi présentée par M. Laurent Béteille : lorsque ce dernier n’a pas été réélu au Sénat, M. Yung, dont on connaît la ténacité, a repris la proposition de loi de son ancien collègue, et tout le monde y a mis du sien.
Je voudrais aussi remercier, comme je l’ai fait ce matin en conseil des ministres, mon collègue Alain Vidalies, chargé des relations avec le Parlement, qui, en dépit de l’encombrement législatif, a tout fait pour que cette loi aboutisse. En votant ce texte à l’unanimité en première lecture, le Sénat a appuyé la volonté du Gouvernement. En adoptant en deuxième lecture, de nouveau à l'unanimité, le texte issu de l'Assemblée nationale, il a permis un vote conforme.
Je pense donc que l’œuvre législative produite ce soir est utile et efficace. De surcroît, elle n’épuise pas les discussions sur la propriété intellectuelle, ni même sur les COV. Je le sais parce que, même si ce régime est ancien, il est aussi, madame Assassi, celui des pays qui ont adhéré à l’OMC. Les États-Unis, qui sont membres de l’OMC, ont donc le même système que nous. La discussion sur la propriété intellectuelle, nous l’aurons bien sûr lors de la négociation transatlantique, mais les États-Unis disposent du même système et des mêmes exemptions que nous.
Du reste, l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC, impose aux États qui ont adhéré à l’OMC et à cette convention d’appliquer la même législation au niveau mondial.
Je ne poursuivrai pas le débat, mais il est possible, monsieur Hyest, que les commissions des lois de chaque assemblée aient à revenir sur la propriété intellectuelle,…
M. Jean-Jacques Hyest. Pas tout de suite quand même !
Mme Nicole Bricq, ministre. … ne serait-ce que dans quelques années, pour faire le bilan de cette loi.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Sans doute !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, nous le ferons !
Mme Nicole Bricq, ministre. Nous avons fait un bon travail. Encore une fois, merci à tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 27 février 2014 :
À dix heures :
1. Débat sur le bilan des 35 heures à l’hôpital.
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques sur la laïcité.
À seize heures :
3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (n° 395, 2013-2014) ;
Rapport de M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat (n° 394, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures quarante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART