Sommaire
Présidence de M. Thierry Foucaud
Secrétaires :
Mmes Michelle Demessine, Catherine Procaccia.
2. Débat sur la protection des données personnelles
MM. Yves Détraigne, pour la commission des lois ; Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.
M. François Pillet, Mmes Éliane Assassi, Françoise Laborde, Hélène Lipietz, Catherine Morin-Desailly, M. Gaëtan Gorce, Mmes Nathalie Goulet, Virginie Klès, M. Jean-Yves Leconte.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.
Suspension et reprise de la séance
3. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Philippe Paul, Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire.
Mme Nathalie Goulet, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.
déplacement du président de la république en afrique du sud
MM. Jean-Louis Carrère, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.
Mme Kalliopi Ango Ela, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.
politique économique et de l'emploi
Mme Éliane Assassi, M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
baby loup et observatoire de la laïcité
Mme Françoise Laborde, M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
MM. Jean Bizet, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Mme Patricia Schillinger, M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
M. Yves Daudigny, Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
MM. Jacques Legendre, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.
Suspension et reprise de la séance
4. Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
5. Modification de l’ordre du jour
6. Débat sur le marché du médicament et des produits de santé
M. Gilbert Barbier, au nom du groupe RDSE.
Mmes Nathalie Goulet, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mmes Françoise Laborde, Aline Archimbaud, M. Philippe Leroy.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.
7. Indépendance de l'audiovisuel public. – Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires
Discussion générale commune : M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires ; Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.
M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laborde, MM. André Gattolin, Jacques Legendre.
Clôture de la discussion générale commune.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi
Adoption du projet de loi dans les conclusions de la commission mixte paritaire.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique
Adoption, par scrutin public, de l’ensemble du projet de loi organique dans les conclusions de la commission mixte paritaire.
Mme Aurélie Filippetti, ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
8. Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie – Diverses dispositions relatives aux outre-mer. – Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires
Discussion générale commune : Mme Catherine Tasca, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires ; M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Mme Françoise Laborde, M. Christian Cointat, Mme Éliane Assassi, M. Jean-Étienne Antoinette.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique dans les conclusions de la commission mixte paritaire.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux outre-mer
Amendement n° 2 rectifié du Gouvernement. – Mmes Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois ; M. Christian Cointat. – Adoption.
Vote réservé sur l’article.
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.
Vote réservé sur l’article.
Adoption de l’ensemble du projet de loi dans les conclusions modifiées de la commission mixte paritaire.
Mmes la rapporteur, Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.
9. Simplification des relations entre l’administration et les citoyens. – Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Mmes Françoise Laborde, Éliane Assassi, M. Alain Richard.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption de l’ensemble du projet de loi dans les conclusions de la commission mixte paritaire.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Catherine Procaccia.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Débat sur la protection des données personnelles
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la protection des données personnelles, organisé à la demande de la commission des lois et de la commission des affaires européennes.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour la commission des lois.
M. Yves Détraigne, pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois a souhaité organiser ce débat, conjointement avec la commission des affaires européennes, à la suite d’une communication du président de la commission des affaires européennes, M. Simon Sutour, au sujet de la proposition de directive européenne relative au traitement des données dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.
L’actualité européenne relative à la protection des données personnelles, à la suite de la proposition en 2012 de règlement général sur la protection des données, sur laquelle le président de la commission des affaires européennes reviendra, tout comme les discussions en cours sur le projet de directive PNR, ou Passenger Name Record, pour laquelle nous sommes attentifs à préserver l’équilibre entre sécurité et liberté, a incité nos deux commissions à proposer au Sénat de débattre de ces sujets.
Cependant, la question est vaste et ne saurait se cantonner au renouvellement du cadre juridique relatif à cette matière au sein de l’Union européenne.
Si la commission des lois s’est saisie dès le mois de février 2012 des propositions de la Commission européenne, c’est que l’enjeu est de taille pour notre législation. Le règlement, lorsqu’il sera adopté, s’imposera en effet à la France et se substituera à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. C’est pourquoi la commission des lois avait présenté une proposition de résolution européenne que le Sénat a adoptée le 6 mars 2012.
Cette résolution demandait notamment au Gouvernement de veiller à ce que la possibilité pour les États membres d’adopter des mesures plus protectrices des données personnelles soit préservée. Je réitère ici cette demande.
Ce débat est ainsi l’occasion pour nos deux commissions de signifier au Gouvernement qu’elles sont vigilantes dans le suivi des résolutions européennes adoptées par notre assemblée, que ces dernières portent sur le nouveau cadre juridique de l’Union européenne pour la protection des données personnelles, sur les fichiers de passagers de transport aérien, le fichier PNR, ou encore sur l’utilisation à des fins répressives des empreintes digitales des demandeurs d’asile recueillies dans la base Eurodac ou des étrangers entrant dans l’espace Schengen pour un court séjour.
Ce débat est également l’occasion de dresser un bilan des travaux menés par la commission des lois sur les questions posées par la protection des données personnelles et d’ouvrir des perspectives.
Avec notre ancienne collègue, Anne-Marie Escoffier, j’ai été le coauteur du rapport relatif au respect de la vie privée à l’heure des mémoires numériques, présenté en commission des lois en 2009, et de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, dont notre excellent collègue Christian Cointat était le rapporteur et qui a été adoptée par notre assemblée le 23 mars 2010. Malheureusement, ce dernier texte est toujours en attente de discussion à l’Assemblée nationale. Malgré les années écoulées, certaines des difficultés que nous avions soulevées à l’époque demeurent, et certaines de nos propositions n’ont malheureusement toujours pas trouvé d’écho.
Le premier constat que nous avions formulé à l’époque était la méconnaissance de nos concitoyens, notamment des plus jeunes, des conséquences que pouvait avoir l’utilisation des nouvelles technologies de l’information sur leur vie privée. Je pense à la divulgation volontaire d’informations personnelles via les réseaux sociaux – Facebook, Google +, Twitter ou autres –, mais également à tous les outils mis en œuvre par les opérateurs pour recueillir des données personnelles à l’insu des utilisateurs : les cookies, ces petits fichiers qui facilitent certes la navigation des internautes mais permettent également de conserver en mémoire un grand nombre d’informations relatives aux habitudes de navigation ; la géolocalisation, qui permet de « tracer » les individus ayant utilisé, par exemple, un GPS ; la biométrie, bien souvent présentée comme un confort pour les individus, mais qui emporte en contrepartie leur « fichage » dans des bases de données ; le « profilage ».
Le rapport se félicitait de la prise de conscience des autorités et des efforts mis en œuvre pour réguler ces pratiques. Toutefois, le contentieux qui oppose aujourd’hui la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, à Google montre que le chemin est encore long, et qu’il passe en grande partie par l’éducation et par l’information des citoyens.
Ainsi, la première recommandation du rapport portait-elle sur le renforcement de la place accordée à la sensibilisation aux questions de protection de la vie privée et des données personnelles dans les programmes scolaires. La deuxième recommandation était relative à la diffusion d’une campagne d’information à grande échelle destinée à sensibiliser les citoyens aux enjeux liés à la vie privée et à la protection des données à l’heure du numérique, ainsi qu’à les informer des droits que leur reconnaît la loi « informatique et libertés ».
Afin de prévenir une défiance excessive des citoyens, il était préconisé parallèlement la mise en place de labels identifiant et valorisant des logiciels, applications et systèmes protecteurs de la vie privée. En 2011, la CNIL a mis en œuvre une procédure de labellisation des produits ou des procédures respectueux de la vie privée des internautes, basée sur le volontariat. C’est une initiative qui mérite d’être saluée et encouragée.
Je ne voudrais pas déflorer, s’agissant des moyens mis à disposition de la CNIL et de leur adéquation à ses missions sans cesse accrues, le prochain avis budgétaire de notre collègue Virginie Klès, qui veille à ces sujets chaque année dans la lignée des travaux de la commission.
En revanche, on peut regretter que la recommandation de rendre obligatoire la désignation de correspondants « informatique et libertés » pour les structures publiques et privées de plus de cinquante salariés n’ait toujours pas été suivie d’effets. Actuellement, cette démarche reste fondée sur le volontariat.
De même, il serait temps de relever le plafond des sanctions pécuniaires susceptibles d’être prononcées par la CNIL. L’article 47 de la loi de 1978 limite en effet la sanction financière à 150 000 euros, ou à 300 000 euros en cas de manquement réitéré dans les cinq années, à condition de ne pas excéder 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos. Face à la puissance financière de groupes mondiaux comme Google, on mesure la faiblesse du pouvoir d’intimidation de l’autorité française...
Par ailleurs, il serait grand temps de trancher la controverse juridique et de reconnaître à l’adresse IP le statut de donnée personnelle. Cette adresse numérique utilisée par les ordinateurs pour « communiquer » entre eux sur les réseaux est en effet considérée par le juge et le législateur européens comme une donnée personnelle ; cependant, cet acquis est fragile, comme le montre le projet de règlement européen. En France, la controverse n’est toujours pas définitivement tranchée, l’appréciation du juge dépendant de la faculté offerte ou non par le traitement de données d’identifier une personne physique. Une clarification au niveau national permettrait, à n’en pas douter, une meilleure défense des intérêts des internautes aux niveaux européen et international.
Dans le même ordre d’idée, notre droit mériterait d’être complété d’un droit à l’oubli sur Internet. À cet égard, la proposition de règlement européen pourrait être un complément utile à notre législation nationale dans la mesure où elle consacre le droit de toute personne à obtenir du responsable d’un traitement de données l’effacement de données à caractère personnel la concernant et la cessation de la diffusion de ces données.
La question de l’articulation de ce nouveau droit avec l’exercice de la liberté d’expression se pose néanmoins, ainsi que la commission des lois a pu le constater lors de l’examen, l’hiver dernier, de la proposition de loi relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
Pour perfectible que soit notre législation, la commission des lois se félicite, à raison, du haut niveau de protection garanti aux citoyens par la loi de 1978, qui a inspiré la directive européenne de 1995. Le rapport du groupe de travail appelait donc à soutenir la dynamique en cours tendant à la définition de standards internationaux dans le domaine de la protection des données personnelles. Cette intention était louable, mais, dans la perspective des négociations en cours au niveau de l’Union européenne, on peut craindre que le nivellement des législations en Europe ne se fasse par le bas plutôt que par le haut. Madame la ministre, à chaque fois que vous lutterez pour défendre le maintien d’un haut standard de protection pour nos concitoyens, vous pourrez compter sur le soutien du Sénat.
Je ne peux laisser de côté l’un des sujets de préoccupation majeure de la commission des lois du Sénat : la question des fichiers.
Le rapport précité recommandait de réserver au législateur la compétence exclusive pour créer un fichier de police. Sur ce point, les deux chambres du Parlement étaient unanimes, une mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale ayant abouti strictement aux mêmes conclusions que la commission des lois du Sénat. Les articles 25 et 26 de la loi de 1978 n’ont cependant toujours pas été modifiés en ce sens, en dépit du dépôt par nos collègues de l’Assemblée nationale d’une proposition de loi.
Le législateur, lui-même, doit préserver un équilibre vertueux entre sécurité et liberté lorsqu’il s’agit de créer de nouveaux fichiers. Ainsi, la commission des lois du Sénat n’aura de cesse d’appeler à la vigilance lorsqu’il s’agit de constituer des bases de données contenant des données personnelles et d’insister, à ce propos, sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Je rappellerai donc que, appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de la création d’un fichier central biométrique des cartes nationales d’identité et des passeports, lors de l’examen de la loi relative à la protection de l’identité, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, considérant que, « eu égard à la nature des données enregistrées » – il s’agissait de données biométriques –« , à l’ampleur de ce traitement » – il concernait potentiellement la quasi-totalité de la population française –« , à ses caractéristiques techniques » – il permettait non seulement l’authentification, mais également l’identification des personnes – « et aux conditions de sa consultation » – la pluralité de ses finalités –« , les dispositions de l’article 5 portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ».
À cet égard, je relève que le juge constitutionnel a repris la position défendue par le Sénat sur l’initiative de notre collègue François Pillet, donnant ainsi raison aux arguments avancés par la commission des lois lors des débats parlementaires.
Cette position nous rappelle que la protection des données personnelles, au titre du droit au respect de la vie privée, concerne chacun d’entre nous. L’évolution des technologies ne doit pas nous faire perdre de vue ce principe constitutionnel, non plus que notre responsabilité de législateur pour en assurer la préservation.
Le rapport du groupe de travail de la commission des lois concluait d’ailleurs ses recommandations par la proposition d’inscrire dans notre Constitution la notion de droit au respect de la vie privée, ainsi que cela avait déjà été proposé par le projet de loi constitutionnelle issu des travaux du Comité Vedel, en 1993.
Mme Nathalie Goulet. Utopie !
M. Yves Détraigne, pour la commission des lois. Je laisse cela à votre appréciation, mais, en tout état de cause, il est clair que le Sénat se doit d’être, comme il l’a toujours été, le gardien vigilant de nos libertés individuelles, y compris en matière de nouvelles technologies. Ce débat est aussi l’occasion de le rappeler. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le Gouvernement d’avoir accepté ce débat dont mon collègue Jean-Pierre Sueur et moi-même avons souhaité la tenue. Le Sénat est en effet ici dans son rôle, car la protection des données personnelles touche directement aux libertés fondamentales de nos concitoyens.
Chaque jour, nous pouvons constater de nouveaux progrès accomplis par les technologies de l’information et de la communication. Ils présentent bien des avantages. Ils accélèrent la circulation de l’information, la rendent plus rapidement disponible. Ils simplifient beaucoup d’actes de la vie quotidienne. Ils rapprochent les individus par-delà les distances qui les séparent. Ces progrès sont aussi des atouts pour la croissance économique. Ils offrent également de nouveaux instruments pour agir plus efficacement face aux nouvelles menaces que sont le terrorisme ou la criminalité transfrontière.
Mais nos concitoyens sont aussi en droit d’attendre que leurs données personnelles ne soient pas utilisées pour des finalités multiples, sans leur consentement. Les données qu’ils ont transmises un jour ne doivent pas ensuite pouvoir être diffusées très largement à leur insu. Nos concitoyens veulent voir leurs droits protégés face aux risques de nombreux abus. Ils veulent légitimement avoir des garanties. Ils doivent disposer de voies de recours leur permettant d’accéder à leurs données personnelles afin de les faire rectifier ou effacer.
Tout cela montre qu’une grande vigilance s’impose. C’est le devoir du législateur, qu’il soit national ou européen, d’établir des règles sûres pour prévenir les abus. C’est aussi la responsabilité des pouvoirs publics de veiller à ce que les données personnelles de nos concitoyens ne soient pas transférées de façon erratique à d’autres pays.
Le monde a découvert tout récemment avec stupéfaction l’existence du programme américain PRISM. Ce programme a permis aux services de sécurité américains de surveiller les communications des non-Américains transitant par les serveurs de Google, Facebook, Yahoo ! ou encore Microsoft, et d’accéder aux bases de ces entreprises.
Un « groupe d’experts » a été créé pour faire la lumière sur ce scandale. Il réunit les États membres, la Commission européenne et les autorités américaines. Nous voulons être informés des résultats de ces travaux.
Le Parlement européen a lui-même décidé, en juillet dernier, de créer une commission d’enquête. Cette commission devra récolter auprès de sources européennes et américaines tous les faits liés à PRISM. Il en évaluera les conséquences sur les droits des citoyens.
En septembre, des informations de presse ont indiqué que les services américains auraient surveillé l’entreprise Swift. Basée en Belgique, cette société sécurise les transferts bancaires internationaux. Si tel était le cas, ce serait une violation ouverte de l’accord conclu en 2010 entre l’Union européenne et les États-Unis.
Dans une résolution du 21 novembre 2009 – mon collègue Yves Détraigne y a fait référence –, le Sénat avait souligné les garanties qui devraient figurer dans un tel accord : garanties sur le respect des finalités de la transmission de données, sur la durée de leur conservation, sur les limitations de l’accès aux données. De fait, l’accord a prévu certaines garanties, en particulier sur la détention des données Swift dans un environnement sécurisé et avec un stockage séparé des autres données.
Quelle est l’appréciation du Gouvernement, madame la ministre ? Y a-t-il eu selon vous violation de l’accord ?
Au-delà, nous devons nous interroger sur l’efficacité du cadre juridique européen de la protection des données. Il est en cours de révision. J’ai été amené à présenter au Sénat des propositions de résolution au titre de la commission des affaires européennes et de la commission des lois, sur les textes proposés par la Commission européenne.
Le premier texte est une proposition de règlement qui fixera un nouveau cadre général pour la protection des données personnelles. Ce texte sera d’application directe dans tous les États membres. Le Sénat a mené un débat approfondi sur ce dispositif. Il fut d’autant plus approfondi que, durant tout un après-midi, nous avions auditionné la commissaire européenne Mme Viviane Reding, avec laquelle nos échanges furent francs et même parfois un peu vifs. Dans une résolution du 6 mars 2012, nous avions en particulier affirmé la nécessaire compétence de l’autorité de contrôle du pays de résidence. C’est une garantie essentielle pour les citoyens.
Plusieurs options seraient en discussion au Conseil. Au Parlement européen, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, dite « commission LIBE », doit se prononcer prochainement. Notre position est claire et unanime : nos concitoyens doivent pouvoir continuer à s’adresser à leur autorité de contrôle, à savoir la CNIL, qui a depuis longtemps fait ses preuves.
Par ailleurs, l’étendue des délégations de pouvoir accordées à la Commission européenne ne nous avait pas paru acceptable. Nous avions aussi dénoncé les dérogations inopportunes aux obligations pesant sur les responsables de traitement en matière de transferts internationaux de données. Plus profondément, il nous était apparu essentiel que les États membres gardent la possibilité de garantir un haut niveau de protection des droits des personnes concernées. Nous avons la chance en France – c’est le fruit de notre histoire et d’un certain consensus national – d’avoir une haute protection des données. Nous ne voulons pas qu’une harmonisation au niveau européen aboutisse à une uniformisation par le bas, même si nous savons que nous avons la possibilité, en le demandant, de conserver ce haut niveau.
Madame la ministre, j’aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet. Où en est la négociation sur cette question au Conseil ?
Notre pays a joué un rôle moteur dans la protection des données personnelles en Europe. Notre loi du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, a largement inspiré la directive européenne de 1995. Elle offre à nos concitoyens un cadre de protection efficace et éprouvé. Il faut bien sûr avancer sur la voie de l’harmonisation européenne. Mais, comme je l’ai indiqué précédemment, notre pays ne peut accepter de voir le niveau de protection régresser au motif de cette harmonisation. Il faut donc promouvoir une harmonisation par le haut et préserver le niveau de garanties qu’offre notre législation.
Tout cela nous avait conduits à adopter également un avis motivé sur la subsidiarité au titre de l’article 88-6 de la Constitution. En effet, c’est aussi le devoir du Sénat de veiller à ce que les propositions de la Commission européenne n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si, en l’état de la négociation, le texte permet de préserver notre niveau élevé de protection des données personnelles ?
La Commission européenne a par ailleurs fait le choix, que nous approuvons, de traiter dans un texte spécifique – une proposition de directive – la question de la protection des données personnelles dans le cadre de la coopération policière et judiciaire pénale.
Nous avons exprimé plusieurs préoccupations dans une résolution du 12 mars 2013. Oui, la sécurité des citoyens est un objectif essentiel. Il faut donc développer la coopération judiciaire et policière. Mais il faut aussi maintenir un niveau élevé de protection des droits fondamentaux, en particulier dès lors que sont en cause les données personnelles.
Là encore, que constatons-nous ? Que notre cadre juridique permet d’avoir un haut niveau de protection. Je rappelle qu’il repose sur un principe fondamental. Les traitements de données nécessaires dans le cadre des activités répressives de l’État doivent être mis en œuvre conformément aux principes généraux de protection des données. Cela n’exclut pas l’existence de dérogations à condition qu’elles soient justifiées et surtout proportionnées aux besoins.
Il faut donc dire clairement que la directive ne fournit qu’un seuil minimal de garanties. Les États membres doivent pouvoir aller au-delà et prévoir des dispositions nationales plus protectrices. Là aussi, je vous interroge sur les intentions du Gouvernement, que vous représentez ici ce matin, madame la ministre.
Nous estimons également que la directive devra être beaucoup plus précise quant aux personnes habilitées à avoir accès aux données.
Nous considérons que l’utilisation de données sensibles doit en principe être interdite. Les dérogations éventuelles à cette règle ne peuvent être tolérées que de manière exceptionnelle. En outre, le traitement des données biométriques devrait faire l’objet d’un encadrement spécifique. La durée de conservation des données est un autre enjeu majeur. Les États membres doivent prévoir un délai de conservation précis. Enfin, nous avons considéré que le dispositif sur les transferts de données aux pays tiers était largement insuffisant.
Où en est, madame la ministre, la négociation de ce texte ? Nos objections sont-elles prises en compte dans les discussions en cours ? Comme mon ami M. Détraigne l’a indiqué, si nous avons souhaité, dans le cadre de cette semaine de contrôle, instituer ce débat, c’est pour avoir un suivi quant à l’« efficacité » de nos propositions de résolution, même si nous ne méconnaissons pas les contraintes qui sont celles du Gouvernement.
L’Union européenne négocie par ailleurs avec les États-Unis un accord-cadre sur la protection des données. Où en est la négociation de cet accord ? Un lien sera-t-il établi avec les accords PNR, ou Passenger Name Record ? Cet accord-cadre respectera-t-il une cohérence avec la révision en cours du cadre juridique européen ?
La Commission européenne a en outre proposé un texte visant à créer un PNR européen. Au sein du Parlement européen, les députés de la commission LIBE ont rejeté ce texte. Ils ont considéré que la protection des données personnelles était insuffisante.
Dans une résolution du 30 mai 2009, le Sénat avait lui-même estimé que le régime de protection des données devait être clarifié. Nous avions souhaité un haut niveau de protection par référence aux standards du Conseil de l’Europe. Là encore, nous avons demandé l’exclusion des données sensibles. Le Sénat avait préconisé une durée de conservation des données de trois ans plutôt que la durée de sept ans initialement proposée. Il avait jugé nécessaires des garanties renforcées pour le transfert de données aux pays tiers.
Où en est-on de ces négociations ? Le Gouvernement a-t-il pris en compte les priorités du Sénat ?
Telles sont, mes chers collègues, les observations que je voulais faire au nom de la commission des affaires européennes sur ce sujet très important. Ce sont les libertés fondamentales qui sont concernées. Dans un contexte en constante évolution, les motifs d’inquiétude ne manquent pas. Le Sénat, madame la ministre, attend des réponses aux priorités qu’il a mises en avant, dans son rôle de vigilance pour la protection des droits fondamentaux. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. François Pillet.
M. François Pillet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’affaire du fichier SAFARI, le système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus, la France a adopté, voilà plus de trente ans, la loi fondatrice du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés ». La France a donc été un précurseur majeur en matière de protection des données. Cette loi, qui est le fondement de la protection des citoyens face aux traitements de données à caractère personnel, a doté la France d’une autorité de contrôle : la CNIL. Elle a réglementé la manière dont sont collectées, exploitées et conservées les données personnelles par les entreprises, les administrations et les individus eux-mêmes.
Pour autant, le développement rapide des nouvelles technologies suscite de nouveaux défis de taille s’agissant de la protection des données à caractère personnel et, par conséquent, de la vie privée des individus. Internet est un vecteur sans précédent de la liberté d’expression et de communication.
Eu égard au contexte de mutation technologique rapide que nous connaissons, l’effectivité du droit au respect de la vie privée suppose d’adapter les instruments juridiques propres à garantir la protection des données à caractère personnel.
La législation communautaire a été fortement inspirée par l’exemple français. Le socle de la législation européenne en matière de protection des données est constitué par la directive européenne du 24 octobre 1995, mais ce texte est aujourd’hui obsolète.
En effet, les données personnelles des citoyens sont désormais traitées par différents acteurs publics et privés à l’échelon international, et non plus seulement dans un cadre national. Les données à caractère personnel sont exploitées par les entreprises et sont précieuses pour leur activité économique.
Depuis 1995, le secteur de la donnée a été totalement bouleversé. L’État s’est doté de très nombreux fichiers, procédant à l’interconnexion de certains d’entre eux. Mes chers collègues, vous pouvez le vérifier en constatant la fréquence de publication au Journal officiel d’annonces de mise en œuvre de nouveaux traitements de grande envergure par des administrations.
Avec le développement d’Internet, les individus sont de plus en plus les acteurs de la diffusion de leurs données. Le commerce électronique implique la communication de données à un cybermarchand, tout comme la gestion d’un compte bancaire en ligne. Au-delà, le développement des forums de discussion et des réseaux sociaux a permis aux internautes, à tous les particuliers, d’être à l’origine de la diffusion de nombreuses données personnelles qui soit les concernent, soit – c'est peut-être pis encore ! – sont relatives à des tiers.
Avec le développement du numérique et le fait que ce dernier soit dorénavant au cœur de toutes les industries, les données sont un carburant essentiel de notre économie, à l’origine de gains de productivité ou de nouveaux modèles économiques, de revenus, de croissance et, au final, de création d’emplois.
Le domaine de la donnée s’est donc considérablement élargi : tous les acteurs, tous les secteurs sont à l’origine de la collecte et de la diffusion des données, et ce sans aucune mesure. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d’avoir une réforme globale du cadre applicable.
Madame la ministre, la Commission européenne prépare actuellement un projet de règlement, qui a été évoqué par les orateurs précédents. Nous attendons avec impatience et intérêt que vous nous apportiez des précisions sur l’état des négociations.
Ce règlement européen doit avoir une ambition forte : harmoniser au niveau européen le cadre protecteur des données personnelles. En effet, l’Europe au travers de son Digital agenda souhaite développer un marché unique européen dans le domaine du numérique. Ce marché unique numérique ne peut exister que si un cadre communautaire, harmonisé, commun à tous les pays européens est créé en parallèle.
Cette harmonisation est d’autant plus nécessaire que les consommateurs sont mobiles. Grâce au commerce électronique, un internaute français peut acheter des produits auprès de marchands situés au Royaume-Uni, en Espagne ou en Pologne, et inversement. Mais surtout, grâce à l’espace Schengen, il est dorénavant possible aux citoyens, et à leurs données, de se déplacer physiquement dans les différents pays de l’Union européenne.
La création d’un tel marché unique est aussi prédestinée par un autre facteur : les relations avec les autres régions et les autres continents du monde. Chaque année, la CNIL autorise plus de 800 entreprises à envoyer leurs données en dehors de l’Union européenne.
En parallèle, de plus en plus de multinationales offrent des services à des citoyens européens et français sans être physiquement installées sur le territoire français.
Construire un cadre européen uniforme rendra l’Union européenne plus forte et plus attractive. Ce cadre pourrait reposer sur plusieurs principes.
D’abord, il est nécessaire de prévoir une harmonisation maximale au sein de l’Union européenne. Il faut en effet en finir avec les « paradis numériques » : les droits et obligations reposant sur une société doivent être les mêmes que celle-ci soit établie en France, en Irlande, au Luxembourg ou en Bulgarie. C’est pourquoi le principe d’un règlement européen est la bonne voie.
Ensuite, il faut harmoniser les contrôleurs européens. Nous sommes face à un enjeu : créer un guichet unique à la fois pour les entreprises, afin de simplifier leurs démarches, et pour les consommateurs, pour rendre effectifs leurs droits. Pour autant, il faut veiller à préserver l’efficacité des réglementations nationales lorsque celles-ci protègent davantage les droits des consommateurs et la vie privée de nos concitoyens.
Au-delà de ces principes, il convient de créer, sur des bases solides, de nouveaux droits pour les consommateurs. Ces droits devront avoir un point commun : le respect, à l’avenir, de la vie privée. On ne sait pas aujourd’hui de quoi cet avenir sera fait. Nous sommes un peu inquiets face à l’apparition de techniques que l’on peut ne plus maîtriser. Le droit sait-il se rendre maître des techniques ?
Mme Nathalie Goulet. Non !
M. François Pillet. Quelles seront les applications ? Comment l’État ou les entreprises utiliseront-ils les données ? Jusqu’où la recherche scientifique, médicale ou universitaire s’aventurera-t-elle dans le secteur de la donnée massive ?
Les législateurs que nous sommes se doivent donc de concilier deux concepts qui peuvent paraître antinomiques : la stabilité juridique pour les entreprises dans un monde mouvant et la protection constante des individus.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs principes doivent être établis : la transparence, le contrôle et la sécurité ; voilà quel doit être le triptyque de la protection des données personnelles dans cette nouvelle révolution industrielle.
La transparence est un principe clé qui doit s’appliquer aussi bien aux États qu’aux entreprises. L’individu doit être en mesure de savoir les raisons pour lesquelles ses données sont collectées, comment elles seront utilisées et à quelle finalité.
Le contrôle est le second principe clé. Il faut redonner aux utilisateurs la possibilité, le soin même, de contrôler l’usage de leurs données. Cela signifie, par exemple, qu’il faut leur permettre de demander la suppression de données qu’ils ont mises sur un blog ou sur un réseau social. C’est le fameux droit à l’oubli. Il faut également offrir la possibilité aux utilisateurs de récupérer, de télécharger l’ensemble des données dont ils sont à l’origine. C’est le droit à la portabilité, que pousse le règlement européen. Ce droit au contrôle a également une signification forte : il ne revient pas à un intermédiaire, à un tiers de décider ce qu’il va advenir de mes données. C’est au citoyen d’en conserver la maîtrise.
Quant à la sécurité, elle est indispensable : il n’y a pas de vie privée sans sécurité. Il ne se passe pas une semaine sans que la presse se fasse l’écho d’un vol de données, d’une violation de sécurité. La sécurité doit donc être une priorité, et les précédents intervenants ont tenu des propos forts sur ce point.
Madame la ministre, de nombreuses actions sont à entreprendre, dont l’adoption d’un cadre européen de qualité qui soit compatible avec le besoin de renforcer une stabilité pour les entreprises et – j’insiste sur ce point auquel je suis très attaché, comme notre assemblée d’ailleurs – une meilleure protection des consommateurs et de la vie privée. Le Sénat l'a toujours démontré, en particulier dans les débats qui ont été évoqués, il est le gardien du respect de la vie privée et de la liberté personnelle de nos concitoyens.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. François Pillet. Il semble néanmoins urgent de privilégier la qualité à la rapidité.
Une seule question persiste : comment serons-nous jugés plus tard si nous ne veillons pas aujourd'hui à protéger des dérapages techniques la liberté et la vie privée de nos concitoyens ? C'est un défi fondamental !
Madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien unanime tant du Sénat que de l'Assemblée nationale pour faire respecter ces fondements essentiels de notre société. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les possibilités techniques de collecter des données personnelles sans que les personnes concernées en soient forcément conscientes ne cessent de croître.
Tout au long de sa vie, tout individu est susceptible d’être fiché, et ce à son insu, par la simple mise en œuvre de moyens techniques lors de ses déplacements, connexions, consultations d’informations ou transactions.
De plus, la lutte contre l’insécurité, le terrorisme et l’immigration est devenue, depuis une dizaine d’années, un élément de justification commode des fichages en tout genre, au mépris des libertés individuelles et publiques, dont le respect est pourtant au cœur de la démocratie.
Nous avons eu l’occasion de dénoncer ce fait à plusieurs reprises : on assiste désormais à la mise en œuvre d’une surveillance policière doublée d’un contrôle social généralisé de la population.
Ce fichage « tentaculaire » touche aussi bien les acteurs de l’éducation nationale, les bénéficiaires d’allocations sociales, les consommateurs, les clients des banques et des assurances, les nationaux étrangers, les personnes placées sous main de justice ou faisant l’objet d’un suivi psychiatrique.
Dans le même temps, le développement des réseaux sociaux a favorisé la mise à disposition volontaire d’informations personnelles, mais sans que l’on puisse réellement connaître et maîtriser l’usage qui en est fait, ni décider de leur retrait ultérieur.
Ainsi, les fichiers informatiques et les traitements automatisés de données à caractère personnel qui y sont associés sont devenus de véritables outils de gestion de la société, en même temps que de formidables pourvoyeurs d’une manne financière, par la commercialisation, de manière occulte et accélérée, de ces données auprès d’entreprises désireuses de cibler leurs offres publicitaires.
L’adoption voilà dix-sept ans de la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données fut l’acte fondateur de la protection de la vie privée à l’échelle communautaire. Toutefois, la modernisation de ce texte semble désormais à la fois urgente et indispensable.
La Commission européenne a fait le choix de réviser la directive européenne de 1995 par l’intermédiaire de deux instruments juridiques distincts.
L’un de ces instruments est une directive spécifique traitant des questions relevant de l’ancien « troisième pilier » communautaire, relatif à la coopération policière et judiciaire.
On peut regretter qu’il ait été choisi d’instaurer des règles spécifiques s’agissant de la coopération policière et judiciaire en matière pénale : les mêmes dispositions devraient au contraire s’appliquer, particulièrement dans un contexte de multiplication des fichiers en matière policière et judiciaire. Nous devrons veiller à ce que les règles applicables en matière de police et de justice ne soient pas moins protectrices que les autres.
Cela étant dit, les nouveaux droits qui semblent actuellement se dessiner pour l’ensemble des citoyens européens représentent de réelles avancées permettant de faire face aux défis des technologies informatiques. Mais ces avancées devraient, me semble-t-il, être plus ambitieuses pour être à la hauteur de l’enjeu qui concerne chacun d’entre nous : la garantie du respect de notre vie privée au sein d’un univers qui a tellement changé depuis dix ans.
Cet enjeu est de taille, et nous avons quelques inquiétudes.
D’abord, nous voulons nous assurer que les garanties offertes par notre droit national ne seront pas réduites.
Ensuite, la proximité des citoyens avec l’autorité de protection des données doit être préservée. Il ne s’agit pas de se prononcer contre un guichet unique, mais de prendre en compte la préoccupation des citoyens sur les données qui les concernent, dans leur propre langue.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui a développé depuis plus de trente ans une connaissance des acteurs comme des processus et qui participe actuellement à une démarche constructive et positive pour l’amélioration du futur cadre juridique commun, ne doit pas en ressortir affaiblie.
La résolution de notre collègue Simon Sutour adoptée par le Sénat a permis d’attirer l’attention du Gouvernement sur ce point. Le débat d’aujourd’hui doit être l’occasion de réaffirmer le souhait de notre assemblée de préserver les pouvoirs de la CNIL.
La consultation préalable de la CNIL doit être requise autant que possible dans les cas où le traitement créé contient des données sensibles et lorsqu’il utilise de nouvelles technologies susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux, et ce aussi bien pour la création d’un nouveau fichier que pour ses modifications ultérieures. De même, le pouvoir de contrôle a posteriori de la CNIL doit aussi être préservé.
Un autre point crucial est le droit à l’oubli. Tout comme la CNIL, nous déplorons le manque d’ambition de la Commission européenne en la matière. Ce droit doit être renforcé, et des obligations doivent peser sur les moteurs de recherche pour assurer sa garantie effective.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Mes chers collègues, si la révision de la directive de 1995 est nécessaire afin que l’Europe soit plus forte et mieux armée pour faire face à la mondialisation des transferts de données, nous devrons veiller à ne pas rogner sur nos dispositions parfois plus protectrices. Nous devrons aussi penser à les améliorer, car, bien que plus protectrices, elles n’en demeurent pas moins imparfaites.
Permettez-moi de vous rappeler, par exemple, qu’il existe dans notre législation nationale un fichier national automatisé des empreintes génétiques, créé à l’origine pour les délinquants sexuels, mais qui a été élargi à quasiment tous nos concitoyens, y compris le simple manifestant. N’y voyez aucune allusion à la proposition de loi adoptée par le Sénat sur l’initiative de notre groupe et aujourd’hui bloquée à l’Assemblée nationale, dont l’une des dispositions vise à retirer de ce fichier un certain nombre de personnes, en l’occurrence des manifestants qui n’ont rien à y faire...
Ainsi, vous le constatez, mes chers collègues, au niveau aussi bien européen que national, la mise en place d’un corpus juridique efficace en matière de protection des données personnelles est loin d’être achevé. Dans ce travail, gardons à l’esprit nos principes et nos valeurs dont le citoyen est le centre de gravité ! (M. le président de la commission des affaires européennes et M. Yves Détraigne applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, fidèle à sa tradition de défenseur en toutes circonstances des libertés publiques, le groupe du RDSE se réjouit naturellement de la tenue de ce débat sur un sujet qui préoccupe de plus en plus nos concitoyens.
Il s’en réjouit d’autant plus qu’il s’en était emparé très tôt au travers de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, déposée par notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier et par Yves Détraigne, votée par le Sénat le 23 mars 2010 mais toujours en attente d’examen à l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons que répéter notre regret que nos collègues députés tardent tant à agir sur une problématique aussi fondamentale pour les libertés et évolutive du point de vue technologique.
Désormais, nous connaissons bien les termes de la problématique : comment concilier les progrès des technologies de l’information et leurs apports sur l’économie ou la vie quotidienne avec le respect des droits fondamentaux de la personne, à commencer par le droit au respect de la dignité humaine et à celui de la vie privée ?
À cette question cruciale, le droit n’a pas encore su apporter de réponse satisfaisante. Un récent sondage a ainsi montré que 80 % des Français ne croient pas à la confidentialité de leurs données personnelles sur Internet. Les faits leur donnent raison : l’expansion continue d’Internet a pour corollaire l’explosion des données rendues publiques hors de tout contrôle, qu’il s’agisse des informations stockées par les moteurs de recherche ou les cybermarchands, des moyens de paiement ou encore des dérives des réseaux sociaux.
L’actualité nous montre à quel point il est urgent d’agir, de l’affaire Snowden, qui a mis au jour les agissements tentaculaires de la National Security Agency, ou NSA, aux propensions des géants comme Google ou Facebook à monnayer à des fins commerciales les données personnelles qu’ils collectent – ouvertement ou pas, d’ailleurs. Je pense en particulier au conflit qui oppose Google à la CNIL et à ses équivalents européens, s’agissant des règles de confidentialité. Plus près de nous, il n’est désormais pas rare que les recruteurs fouillent la vie privée des candidats sur les réseaux sociaux ou que le harcèlement des plus jeunes sur Internet favorise la marginalisation ou pis encore.
Madame la ministre, la France avait su, en son temps, se montrer à la pointe du sujet en promulguant, dès 1978, la loi dite « informatique et libertés ». La décision politique, pour être efficace, ne peut pourtant aujourd’hui intervenir que dans un cadre au minimum européen.
De ce point de vue, nous nous félicitons du volontarisme qui semble enfin se faire jour, comme en témoigne, par exemple, la tenue la semaine dernière d’un Conseil « Justice et affaires intérieures » consacré à cette question. Nous approuvons ainsi la proposition de la mise en place d’un guichet unique au niveau européen, qui permettrait l’harmonisation de la surveillance des traitements de données personnelles, sous la réserve, bien sûr, que tous les États membres adoptent les mêmes standards de protection de la vie privée.
C’est d’ailleurs pour contourner cette éventuelle difficulté que la garde des sceaux, avec l’appui implicite de la CNIL, a récemment mis en avant l’idée d’une procédure de codécision qui associerait chaque autorité de contrôle nationale aux procédures concernant l’un de ses résidents. Cette mesure nous paraît conforme au but recherché, à savoir garantir aux citoyens comme aux entreprises un niveau de protection optimal.
Nous serons attentifs à l’évolution de cette question dès le prochain Conseil européen qui se tiendra les 24 et 25 octobre prochain, et dont un point de l’ordre du jour sera consacré au numérique.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous ne perdons pas de vue la question de fond, à savoir la création d’un véritable droit à l’oubli numérique.
Peu de personnes ont conscience que le moindre clic sur Internet est tracé, conservé, utilisé à des fins de profilage publicitaire, lorsque ce n’est pas à des fins policières, légales ou non. Le droit à l’oubli numérique demeure, à ce stade, une chimère. Nous militons ardemment pour son instauration, dans la lignée des propositions qu’avaient formulées nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne. D'ailleurs, ce point concerne aussi bien les fichiers de données créés par les autorités que ceux qui sont créés par des entreprises.
La lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes ne doit pas servir de prétexte à la banalisation des outils de surveillance de la population, sans que celle-ci en ait du reste toujours conscience.
La question du fichier des données des passagers des transports aériens – les « données PNR » – est l’illustration de ces dérives : sous couvert de renforcer la lutte antiterroriste, la Commission européenne, influencée par les États-Unis, souhaite contraindre les compagnies aériennes à transmettre aux gouvernements des vingt-sept États membres des informations personnelles sur les passagers entrant dans l’Union européenne ou en sortant, comme leur adresse, leur numéro de téléphone ou encore leur numéro de carte bancaire. C’est à bon droit que la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a rejeté cette proposition, arguant de préoccupations quant à la conformité de cette dernière aux droits fondamentaux de la personne.
Dans le même registre, la vidéosurveillance a été benoîtement renommée « vidéoprotection », tandis que la création de fichiers a atteint un rythme quasiment industriel, qui donne le tournis à la CNIL.
Dans tous les cas, la conservation des données et le détournement de leur usage constituent une question sensible sur laquelle notre pays n’est pas exempt de reproches : je songe, par exemple, aux données du fichier automatisé des empreintes digitales, qui peuvent être conservées vingt-cinq ans en dehors de toute condamnation et ont valu à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, le 18 avril dernier, pour atteinte disproportionnée au droit à la vie privée.
Mes chers collègues, pour notre part, nous plaidons pour une sensibilisation aux dangers de la vie numérique dès le plus jeune âge, afin que les enfants deviennent, demain, des citoyens numériques informés et responsables. Faire de l’éducation au numérique une grande cause nationale pour l’année 2014, comme le soutient la CNIL, nous paraît essentiel dans notre société démocratique en mutation constante, où l’ignorance numérique produit de véritables ravages et aggrave la fracture entre citoyens. Le groupe du RDSE apporte son soutien à cette initiative et souhaite, madame la ministre, que le Gouvernement fasse de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui, dans son article 2, définit la notion de « donnée à caractère personnel », est-elle toujours suffisante ?
Si donner son numéro de sécurité sociale était inadmissible il y a quarante ans, remettre sa carte Vitale à une préparatrice en pharmacie pour lui permettre de savoir si vous avez déjà bénéficié d’un traitement paraît aujourd’hui normal ; et la lecture de cette carte n’est pourtant pas protégée.
Déposer sur Facebook la liste de ses exploits sexuels, voire délictueux est devenu banal. (Sourires.)
Il n’y a guère longtemps, les parents ne connaissaient les résultats de leur enfant qu’une fois par trimestre, via le bulletin scolaire « papier », ce qui laissait à leur progéniture la possibilité de différer l’annonce des mauvaises nouvelles jusqu’à l’arrivée d’une note meilleure… (Nouveaux sourires.) Aujourd’hui, par le biais de Téléscol, les parents suivent au jour le jour les résultats de leur enfant, le privant ainsi de toute intimité, pourtant nécessaire à leur épanouissement selon Françoise Dolto.
Dans le même temps, les empreintes digitales sont devenues un moyen de contrôler non pas le délinquant, mais l’accès à certaines cantines scolaires.
Le site internet qui permet la délivrance d’un extrait de casier judiciaire n’a prévu aucun contrôle du destinataire : la seule protection de cette donnée personnelle est l’indication – certes, à trois endroits différents du site – que « la loi interdit de faire délivrer votre bulletin à une tierce personne ». Mes chers collègues, je vous invite à le constater par vous-mêmes en vous connectant à ce site, comme je l’ai fait hier !
Le fichier génétique est au cœur même de l’intime. Initialement prévu pour les délinquants sexuels, il a été progressivement étendu à la délinquance aux biens, y compris pour les faucheurs volontaires. Or la comparaison génétique amène à y trouver une personne non fichée mais dont l’un des parents l’est, ce qui, sur trois générations, voire sur deux, étendra le champ des personnes fichées à toute la société !
Des entreprises internationales – acteurs aujourd’hui incontournables – imposent à la planète des conditions juridiques d’utilisation des données personnelles des plus douteuses, mais parfaitement légitimes au regard des normes en vigueur outre-Atlantique.
On le voit, la définition même de « donnée à caractère personnel » n’est la même ni d’une époque à l’autre, ni d’une personne à l’autre, ni d’un organisme public à l’autre, ni d’un continent à l’autre.
De plus, les données personnelles individuelles peuvent se révéler des « données personnelles sociales », nécessaires à la collectivité sans que l’identification de la personne soit pour autant requise. Ainsi, si les données médicales sont des données personnelles, elles deviennent des « données personnelles sociales » lorsqu’il s’agit de les exploiter dans l’intérêt de la société. En Suède, par exemple, toutes les données médicales sont rendues anonymes puis centralisées pour l’étude automatique des cohortes, afin d’en tirer des indications permettant une meilleure prévention, une meilleure qualité des soins ainsi qu’une meilleure utilisation des capacités médicales. La société entière – donc chacun en particulier – bénéficie de cette utilisation collective des données anonymisées de chacun.
En France, la collecte de telles données nécessite la bonne volonté des médecins, ce qui la rend moins systématique et moins exhaustive. Il est vrai que, depuis le douloureux souvenir du « fichier des Juifs », retrouvé quarante ans plus tard, la société française a totalement bloqué sa réflexion sur l’utilisation des informations personnelles sociales collectées – quand bien même elles seraient anonymisées –, notamment les données liées à l’origine ethnique.
Ce scrupule, les multinationales ou d’autres pays ne l’ont pas actuellement. En effet, ces données personnelles individuelles ou sociales sont aussi des données économiques lucratives. Aujourd’hui, notre vie privée intéresse les marchands de tout poil, les assureurs, les banques et autres services privés, qui peuvent ainsi mieux cibler leur offre de services – et mieux nous prendre dans leurs filets –, sans compter les services secrets, au nom d’une veille antiterroriste généralisée.
En réalité, le problème est double. D’une part, comment protéger les citoyens, parfois contre eux-mêmes ? D’autre part, comment utiliser les données individuelles dans un but collectif ?
Si la publication des données collectivisées et anonymisées, de manière large, gratuite et sans aucune possibilité de rétro-information individuelle, est une nécessité citoyenne, il n’empêche qu’il faut restreindre à tout prix l’accès aux données personnelles, les réserver aux services régaliens et aux usages indispensables pour l’intérêt de la personne. C’est le porteur de données qui doit être le seul et unique bénéficiaire des données le concernant.
En ce qui concerne les données sociales, l’enjeu est de couper le cordon ombilical entre la donnée personnelle et la collectivisation de ces données, sans aucune possibilité de retour en arrière.
Ce double défi passe d’abord et avant tout par la prévention, et donc par l’éducation à l’usage d’Internet. Nous devons apprendre et apprendre à nos enfants à rester maîtres de nos données.
La CNIL, en partenariat avec ses équivalents européens, pourrait jouer le rôle de gendarme, dans un cadre européen et dans le respect des exigences républicaines actuelles. Cela dit, face à la course technologique, est-elle en mesure de jouer ce rôle aujourd'hui de la même manière qu’en 1978 ? A-t-elle les moyens humains de faire face au poids économique de nos données ? Ne pourrait-on pas penser à la faire évoluer pour lui permettre de mieux répondre à ces nouveaux enjeux ?
Ne faut-il pas aussi criminaliser ceux qui veulent faire de nos vies une nouvelle marchandise et, surtout, augmenter de manière dissuasive le montant des amendes qui leur sont infligées ? Nous ne pouvons faire l’économie de cette réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. André Gattolin. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour le rapport que j’ai présenté, en mars dernier, au nom de notre commission des affaires européennes, j’ai retenu un titre volontairement provocateur : L’Union européenne, colonie du monde numérique ?
Oui, la colonisation numérique de l’Europe est en marche, et j’ai souhaité contribuer à une prise de conscience politique et à un sursaut français et européen. En effet, l’approche européenne du numérique manque d’envergure politique : qui se soucie de savoir si l’Union européenne sera consommatrice ou productrice sur le marché unique numérique ? Qui s’inquiète de la perte de souveraineté de l’Union européenne sur ses données?
C’est animée par ces préoccupations que, sur mon initiative, notre commission, dont je remercie le président, a adressé en juin dernier à la Commission européenne un avis politique fondé sur les conclusions de mon rapport. Dans la réponse qu’elle m’a adressée dans le courant du mois de septembre, la Commission énumère tous les projets législatifs en cours qui peuvent contribuer à la croissance numérique de l’Europe. Cette réponse n’est pas à la hauteur de l’enjeu stratégique, je dirais même de l’ « enjeu de civilisation » qui se joue derrière le numérique.
Mais les questions que j’ai soulevées font leur chemin, et je m’en félicite : la semaine prochaine, pour la première fois, le Conseil européen consacrera le premier point de son ordre du jour au numérique. En outre, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale vient à son tour de publier un rapport appelant à une stratégie européenne concrète en la matière.
Je me suis réjouie à sa lecture : j’y ai en effet retrouvé beaucoup des préconisations que j’avais formulées au printemps dernier.
L’heure du sursaut, madame la ministre, semble donc enfin avoir sonné en France. Elle doit maintenant sonner aussi au niveau européen car, aujourd’hui, la souveraineté de l'Union européenne sur les données qu’elle produit en ligne se trouve menacée.
Les révélations sur le programme Prism déployé par l’agence de sécurité américaine, avec la contribution des géants du net, n’ont constitué, pour moi, qu’une demi-surprise. En effet, dans le rapport, j’insistais déjà très largement sur cette perte de maîtrise des Européens sur leurs données. Perte grave, car elle engage aussi bien la protection de la vie privée que le potentiel économique que représentent ces données.
Bien sûr, l’adoption du nouveau règlement européen harmonisant les législations en la matière permettra d’accroître l’efficacité de la protection des données. Au vu de la résistance affichée par Google, qui refuse d’opérer les modifications demandées par la CNIL et ne semble pas craindre les sanctions prévues par la loi Informatique et libertés, on ne peut qu’espérer une adoption rapide du texte européen.
Malgré tout, je m’interroge sur la capacité de l’Union européenne à maîtriser de manière effective les données de ses citoyens, et ce à un double titre.
Je formulerai ainsi une première réserve concernant les menaces croissantes d’espionnage via les éléments physiques des réseaux. Les textes n’y pourront rien changer. Nous devons donc développer les capacités de cyberdéfense des États membres et renforcer les obligations des opérateurs d'importance vitale en matière de sécurisation informatique.
La Commission européenne semble en être désormais convaincue, mais a-t-elle réalisé que l’Union européenne devait alors disposer d’une base industrielle pérenne en matière de cybersécurité et d’équipements de confiance ? Voilà qui suppose la mise en œuvre d’une véritable politique industrielle dans ce domaine.
À plus court terme, je propose que l’Union européenne conditionne l’achat d’équipements hautement stratégiques, comme les routeurs de cœur de réseau, à leur labellisation par une autorité publique de sécurité. L'objectif est de nous prémunir contre l’espionnage par les pays fournisseurs.
On pourrait aussi inclure dans le périmètre des marchés de sécurité l’achat d’équipements numériques hautement stratégiques afin de pouvoir leur appliquer la préférence communautaire, qui est déjà implicitement reconnue par les règles européennes pour les marchés de défense et de sécurité.
J’en arrive à ma seconde réserve : comment le nouveau texte européen pourrait-il assurer la maîtrise des données face au développement du cloud computing – l'informatique en nuage –, qui mettra toujours plus de données entre les mains de ses fournisseurs ?
Procurant à distance l’accès à un réservoir de données et de services, le cloud computing constitue une chance, surtout pour les PME, qui peuvent ainsi profiter de facilités informatiques à la carte, sans faire d’investissements considérables. Or, ces prestataires de services en nuage sont le plus souvent américains.
Madame la ministre, votre collègue Arnaud Montebourg se trompe quand il dit que la solution, c’est que toute donnée collectée en Europe soit stockée et traitée en Europe. Il devrait connaître le caractère extraterritorial des lois américaines,…
M. Jean Bizet. Il devrait, en effet !
Mme Catherine Morin-Desailly. … qui permet aux autorités américaines d’accéder aux données européennes, même localisées sur notre territoire, dès lors qu’elles sont traitées par des entreprises relevant de la juridiction américaine.
La solution est donc assurément d'encourager l'émergence d'un cloud européen. Et, plutôt qu’un monopole public, il faudrait ici soutenir l'émergence d'acteurs privés, notamment en soutenant leur croissance par l'achat public.
L’Union européenne entend s’appuyer sur l’achat public pour promouvoir une offre commerciale d’informatique en nuage en Europe qui soit adaptée aux besoins européens. Je m'alarme, une fois de plus : l'objectif est de stimuler l’usage européen du cloud mais pas nécessairement les fournisseurs européens de ces services.
Ajoutons que le stockage à distance des données est d’autant plus préoccupant que se développe l’Internet des objets qui, en faisant communiquer entre eux tous les objets de notre quotidien, démultipliera encore les données.
En attendant, l'Union européenne doit absolument négocier un accord transatlantique à côté du partenariat commercial dont la négociation est ouverte. Elle doit pouvoir interdire le transfert de données hors de son territoire sur une requête d’une autorité d’un pays tiers, sauf autorisation expresse.
Tout cela exige donc une mobilisation politique de l’Union européenne au plus haut niveau, à la mesure des enjeux de souveraineté qui sont ici soulevés et qui en font une question absolument stratégique.
L’opportunité d’une plus grande implication de l’Union européenne dans la gouvernance de l’Internet mondial s’ouvre justement aujourd’hui, madame la ministre, à la suite des révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage d’internet par les États-Unis : pas plus tard que la semaine dernière, le 7 octobre précisément, les grands organismes de régulation de l’Internet réunis à Montevideo, en Uruguay – parmi lesquels se trouvait l’ICANN, l'association américaine qui gère le système des noms de domaine pour le web mondial – ont tous pris leur distance vis-à-vis de la mainmise américaine sur la gouvernance actuelle de l’Internet.
Rappelons que le système de gestion des noms de domaine reste aujourd’hui directement contrôlé par le département du commerce américain !
Vous vous doutez bien que ce pouvoir de contrôle est crucial et permettrait d’effacer de la carte d’internet les ressources de pays entiers. Pour les États-Unis, le contrôle de cette ressource est devenu aussi fondamental, mes chers collègues, que celui de l'eau ou de l'énergie : c'est un enjeu majeur, tant en termes de souveraineté qu’en termes de développement de leurs industries. Mais, aujourd’hui, il leur est difficile de maintenir le statu quo…
Nous sommes donc parvenus à un tournant dans l’histoire du numérique. L’Union européenne doit absolument profiter de ce qui vient de se passer à Montevideo pour réclamer, comme très récemment la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, une gestion multilatérale de ce système d'attribution de noms de domaine. Désormais, la supervision des fonctions critiques de l'ICANN doit être confiée à une structure multilatérale collégiale.
Il revient donc aujourd'hui à l’Union européenne d’entrer dans le jeu et, aux côtés des États-Unis, de construire une gouvernance de l’Internet réellement fondée sur des principes démocratiques et, bien sûr, conforme à notre charte des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé ce matin atteste l'attention constante que porte le Sénat aux questions liées à la protection des données personnelles et à l'évolution de la réglementation numérique, ce dont je me félicite.
Ce débat s'inscrit dans la perspective de l'adoption d'un règlement européen sur le sujet, texte dont on peut regretter qu’il tarde un peu à être adopté même si, naturellement, notre attention porte d'abord sur son contenu et sur les protections que cette réglementation pourra comporter.
En la matière, je note que notre Commission nationale de l'informatique et des libertés est en pointe. Elle aura besoin du soutien actif du Gouvernement dans son expression sur ces différentes questions.
Mais, plutôt que de m'interroger, comme de nombreux collègues l'ont fait avant moi, sur le contenu de cette négociation et de cette réglementation, je voudrais insister sur le type de société que nous voulons. Car tel est bien l'enjeu de fond qui ne saurait être masqué par nos débats : quelles sont les valeurs que nous tentons de promouvoir dans la construction d'une société où le numérique tiendra une place croissante ?
La première observation que je formulerai – non pour « casser l'ambiance », mais seulement pour attirer l'attention sur les préoccupations qui doivent être les nôtres –, c'est que, si le développement du numérique recèle évidemment des chances considérables – y compris pour les citoyens, et même dans le domaine des libertés –, il comporte aussi de très nombreuses menaces pour nos libertés individuelles, si nous ne prenons pas garde.
Aujourd'hui, l'interconnexion généralisée que permet internet est utilisée par les entreprises, exploitée pour les gouvernements et favorisée par nos concitoyens au travers des réseaux sociaux. Il suffit d'énoncer les menaces qui en découlent pour éveiller notre vigilance...
On a tendance à présenter ces évolutions comme positives ; je pense plutôt qu’elles sont neutres, et qu’elles peuvent devenir négatives si notre attention se relâche.
Je ferai allusion, par exemple, à ce que l'on désigne, dans ce langage caractéristique tout imprégné d’anglo-saxon, le Big data, c'est-à-dire cette masse de données que les entreprises peuvent désormais exploiter pratiquement sans limites, soit qu’elles se les procurent directement auprès de leurs clients, soit qu’elles les obtiennent par d'autres détours, notamment via les réseaux sociaux, parfois sans le consentement direct des personnes concernées.
Ce phénomène permet non seulement de développer des stratégies de marketing, ce qui est en soi acceptable, mais aussi d'établir le profil des clients et d'atteindre à une connaissance assez profonde de l'état de l'opinion d'une personne au regard de ses achats, voire de son état de santé, ce qui ne peut être accepté sans que l'on ne se pose certaines questions au préalable.
Dois-je évoquer, à ce propos, le sujet délicat de l'Open data, cette ouverture des données publiques à l'ensemble des citoyens ? Le principe n’en est pas contestable : il s'agit d'accroître encore la transparence en permettant à chaque citoyen de contrôler directement, par la consultation de ses données détenues par les administrations, la manière dont elles fonctionnent et les bilans dont elles disposent.
Mais la mise en place de ce dispositif, très fortement encouragée aujourd'hui, se fait sans aucune évaluation préalable des conséquences éventuelles sur la vie privée, car on présuppose que ces risques n’existent pas, au lieu de les anticiper et de tenter de les évaluer.
Dois-je aussi évoquer les problèmes posés par la biométrie et le fait que l'on est de plus en plus souvent confronté à ce type de contrôle qui utilise un élément du corps humain ou un prolongement du corps humain…
Mme Hélène Lipietz. Voilà !
M. Gaëtan Gorce. … pour contrôler l'accès à des restaurants scolaires, à des équipements sportifs ? Comme s'il était normal que notre corps soit asservi à ces dispositifs, sans que nous puissions réellement en débattre…
Dois-je évoquer, enfin, après mon collègue Simon Sutour, les problèmes que soulève l'exploitation des données personnelles par les structures de renseignement, par des structures policières intervenant parfois en dehors du cadre légal, comme nous l'avons vu avec l'affaire du programme de surveillance Prism, qui permet à des services étrangers de contrôler les communications des citoyens français comme des citoyens européens ?
De la même manière, quelles garanties avons-nous aujourd'hui, en France, que nos services ne se livrent pas au même exercice,…
Mme Nathalie Goulet. Secret défense !
M. Gaëtan Gorce. … n’était la conviction qu’ils sont parfaitement loyaux et respectueux des lois de la République ?
Nous savons, par exemple, que nos ministères, que nos services de renseignement sont soumis au respect de la loi. Pour autant, nous n’avons pas les moyens de vérifier qu’ils n’ont pas constitué les mêmes fichiers ou qu’ils ne procèdent pas aux mêmes contrôles, puisque ni la CNIL ni la délégation parlementaire au renseignement ne peuvent aller le vérifier…
Mme Nathalie Goulet. Eh non !
M. Gaëtan Gorce. J’en resterai là, afin de ne pas noircir le tableau à l'excès, et saisirai plutôt l'occasion qui m'est donnée pour poser plusieurs questions auxquelles les réponses me semblent dépendre non pas de considérations économiques, industrielles ou technologiques, mais d'abord d'une approche politique, philosophique et morale.
En effet, si nous renonçons à aborder ces questions selon cette approche, alors nous nous livrons pieds et poings liés, non seulement à une technologie, mais encore aux intérêts qui la gouvernent et mettent notre société cul par-dessus tête au regard des principes qui sont normalement les siens.
La première question, qui n’est pas mince et que plusieurs d'entre vous ont déjà abordée, est celle de savoir si nous ne sommes pas en train d'assister à la disparition de la notion même de « vie privée ».
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Gaëtan Gorce. Je suis frappé d’observer que certains, des techniciens, défendent avec une certaine ardeur, qui n’est pas celle des néophytes, le développement du numérique en expliquant que nous devons reconsidérer la notion de « vie privée » au regard de ce développement, plutôt que de limiter cette technologie au regard de l'idée que nous nous faisons de la vie privée.
Naturellement, ce processus est également favorisé, pour une part, par le comportement de nos concitoyens. L'individu est devenu l'axe de l'organisation sociale ; les réseaux sociaux et la possibilité que nous avons de communiquer en nous exposant à la vue des autres nous donnent encore plus d'importance et nous incitent à livrer sur nous-mêmes des informations qui en disent trop, même si, à un moment donné, nous pouvons avoir le sentiment qu’elles servent à nous valoriser dans une société où, d'une façon générale, l'information et la communication sont devenues déterminantes.
Si, cependant, nous ne devons pas protéger les personnes contre elles-mêmes, nous devons réaffirmer un principe, et le faire dans notre droit.
En effet, nous sommes confrontés à la difficulté de définir la notion de « respect de la vie privée » – cette part d'intimité que nous devons protéger, qui ne doit être connue que de nous-mêmes et de notre famille, ce « misérable petit tas de secrets » dont parle un philosophe, qui ne mérite d’être connu que de nous-mêmes…
Cette vie privée, nous ne disposons pas aujourd'hui des moyens juridiques suffisants pour la protéger, car la notion de « respect de la vie privée », affirmée dans son principe général, n’est jamais définie, y compris par rapport aux enjeux du numérique. Il serait temps que nous nous en saisissions et que nous fassions de cette préoccupation un des centres de notre activité législative.
Une proposition existe, au Sénat, des textes y font référence – la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notre code civil, le projet de règlement européen –, mais il est temps de rappeler ce que nous pourrions considérer comme étant l'ordre public en la matière, c'est-à-dire ce à quoi il n’est pas possible de porter atteinte, qu’il s'agisse de la santé, des opinions et de bien d'autres domaines sur la définition desquels nous devrions travailler, dans l'intérêt même de nos concitoyens.
La deuxième question est celle de savoir si nous serons capables – cela a été évoqué par Simon Sutour et Yves Détraigne – de recouvrer la maîtrise de ces évolutions technologiques. Nous devrons, en effet, nous garder de certaines dérives régulièrement constatées.
La première de ces dérives est une foi naïve dans les bienfaits de la technologie. Lorsque je suis intervenu sur les questions de l'Open data – l'ouverture des données –, j’ai été frappé par le déferlement de critiques qui m'ont été adressées au motif que je remettais en cause l'évolution de la technologie et ses bienfaits naturels. Comme si la technologie pouvait être, en elle-même, bonne – ou mauvaise, ce que je ne prétends pas non plus. Je dis simplement qu’elle doit être soumise au droit, c'est-à-dire aux valeurs de notre société.
Cela suppose aussi que nous sachions nous défier d'une sorte d'économisme primaire, autre dérive possible. En effet, on a très souvent tendance à aborder ces questions selon des points de vue certes d'importance - l'avenir industriel, technologique et économique de l'Europe et de la France, nos activités en la matière -, mais en oubliant que ces données doivent toujours rester subordonnées à d'autres préoccupations, celles qui se rapportent au type de société que nous voulons construire.
Madame la ministre, j’ai noté que vous n’échappiez pas tout à fait à ces tentations d’économisme à travers les déclarations qui étaient encore récemment les vôtres devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, où vous avez indiqué qu’il ne faudrait pas que nous appliquions trop de contraintes aux entreprises européennes, alors que celles qui sont en dehors du continent européen en subissent moins. Notre préoccupation serait-elle d’abord économique, avant d’être juridique et politique ? Je souhaite que nous inversions cet ordre des choses dans notre approche de ces sujets.
Troisième et dernière question : serons-nous également capables de mettre de l’ordre, sur le plan international, dans un droit qui reste diffus ? Le comportement des États-Unis, notamment à travers la fameuse loi FISA – Foreign Intelligence Surveillance Act –, qui permet aux autorités américaines d’exiger des entreprises la communication de données, y compris provenant de citoyens européens, sans que ces entreprises puissent le révéler, puisque la loi le leur interdit, et sans que l’on sache ni pour quelle finalité, ni pour quel fonctionnaire, ni pour quelle durée, un tel comportement donc est insupportable et nous devrions le dénoncer.
De ce point de vue, madame la ministre, je regrette que le Gouvernement soit resté d’une expression si prudente dans l’affaire Snowden. Soit nous savons des choses sur cette affaire qui nous incitent à cette prudence, et il faut l’expliquer ; soit nous considérons au contraire que M. Snowden a mis le doigt sur une menace essentielle pour l’avenir de nos libertés, et alors nous devons la dénoncer et dire au gouvernement américain, dans le cadre des négociations qui s’ouvrent, qu’il n’est pas question de l’accepter.
Nous pouvons évidemment reporter de quelques jours un rendez-vous sur une négociation transatlantique, mais, au vu de l’ampleur des sujets, il me semble que nous devrions indiquer que ces pratiques sont contraires aux conceptions que nous nous faisons de l’avenir de nos sociétés, que nous ne pouvons y consentir et qu’elles posent un problème politique de fond.
M. Jean Bizet. Très juste !
M. Gaëtan Gorce. Si la France, comme l’Europe, d'ailleurs, ne s’exprime pas d’une manière forte dans ces domaines, il ne faudra pas s’étonner qu’elle soit, demain plus encore qu’aujourd'hui, soumise à la loi imposée par ces grandes multinationales et, derrière, par le gouvernement américain, pour des motifs de sécurité.
Voilà les quelques éléments que je voulais aborder dans ce débat, non pas, je le répète, pour noircir le tableau ou casser l’ambiance, mais pour rappeler que, derrière ces questions, c’est notre conception de la société qui est en jeu. Madame la ministre, mes chers collègues, avant d’être un enjeu technologique et économique dont on ne saurait minimiser l’importance, la protection des données personnelles est d’abord une question de société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour reprendre l’expression de notre collègue Gaëtan Gorce, je vais, pour ma part, casser un peu l’ambiance…
Notre débat est, comme l’enfer, pavé de bonnes intentions, mais nos concitoyens du XXIe siècle – y compris les jeunes qui sont dans nos tribunes aujourd'hui - ont abdiqué la protection des données personnelles. Et toutes les CNIL du monde n’y pourront rien, pas plus que le législateur que nous sommes, parce que, volontairement ou non, nous adhérons au système, comme je vais vous le démontrer.
Je voudrais savoir, rejoignant les propos de Gaëtan Gorce, comment les psychiatres et les sociologues analysent notre rapport avec ces petits objets transitionnels, iPod, iPad et autres, que nous tenons en main fiévreusement pour « twitter », « facebooker », échanger rageusement, souvent d’ailleurs des banalités et des séquences de notre vie privée. Comment faisait-on avant ?
Notre accord est si évident pour l’usage d’internet que Twitter et Facebook sont exclus des politiques de protection, par application, sans doute, comme M. Jourdain faisait de la prose, du principe de droit volenti non fit injuria – il n’est pas porté atteinte à celui qui consent.
Mais précisément, à quoi consent-on quand on clique ? Question existentielle dans notre monde dématérialisé, question philosophique, sociale et juridique, aussi, mon cher collègue.
Un petit clic est la porte ouverte à vos données personnelles, vos localisations, vos photos : votre maison apparaît même avec une précision telle que l’on peut lire la plaque d’immatriculation de la voiture qui est garée devant chez vous, qui n’est pas forcément la vôtre, d’ailleurs. Quant au floutage, n’importe quel technicien peut l’enlever.
On abdique le respect de la vie privée, le secret de l’instruction, le droit au respect à une procédure contradictoire ; on renonce à poursuivre les sites et les auteurs grâce à l’usage de l’anonymat. Alors, l’internaute n’a plus que des droits et, dans ce contexte, aucune obligation.
Diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose, et en toute impunité, madame le ministre, du fait de l’anonymat et de l’usage de pseudonymes, souvent d’un goût douteux… Nous revoilà dans le débat sur ces sénateurs ringards qui ne comprennent rien et veulent restreindre la liberté d’expression !
Oui, nous avons abdiqué, mais je persiste. Je milite, vous le savez, pour que l’adresse IP – Internet Protocol – ne soit pas une donnée personnelle, afin qu’il soit plus facile de poursuivre les personnes qui diffament sur le net. Je suis vraiment désolée de rester la seule de mon espèce à vouloir défendre ce principe, mais je considère que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres !
Mais, voyez-vous, la vague est trop forte, trop haute, et les plus courageux renoncent à se battre, sachant qu’ils n’obtiendront pas gain de cause, même si la cause est juste et légitime.
Il reste le droit à l’oubli sur internet, qui a été brièvement évoqué. La question interpelle. À cet égard, il faut mentionner la nouvelle législation qui entrera en vigueur en Californie au mois de janvier 2015 ; elle est intéressante, puisqu’elle donnera aux mineurs le droit d’effacer de manière permanente, sur simple demande, leurs erreurs de jeunesse en ligne. Les commentaires embarrassants ou vulgaires, les vidéos et les photos compromettantes pourront ainsi disparaître sans laisser de traces, et les sites seront tenus d’offrir aux usagers le moyen de le faire.
Internet et vie privée, c’est évidemment un sujet extrêmement important ; l’adaptation de notre droit de la presse à ces nouveaux médias aussi.
Pour conclure, mon temps de parole touchant à sa fin, je dirai simplement que la technique l’emportera sur le droit. Nous serons évidemment comme dans la lutte entre l’obus et le blindage : le temps de concevoir le blindage, l’obus sera plus performant encore.
Dans un contexte postérieur au 11-Septembre, où même quand le terrorisme ne fait pas rage, le ressenti, la peur du terrorisme est telle dans nos civilisations que tous se méfient de tous, où nous avons besoin de transmettre des données personnelles dans les avions, où nous avons augmenté les capacités des forces de police et de gendarmerie sur les écoutes et le stockage des données, je doute vraiment que nos débats, encore une fois, pavés de bonnes intentions débouchent sur un résultat. La France se situera une nouvelle fois au niveau des principes, mais ne pourra ni les faire partager ni les appliquer techniquement.
Pour le coup, ces principes valent la peine d’être défendus, même si c’est, selon moi, peine perdue ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si malheureusement nous sommes peu nombreux aujourd’hui, le débat qui nous réunit tient en quatre mots : « protection des données personnelles ». La thématique semble simple, et n’exige pas que l’on consulte le dictionnaire pour la comprendre, mais elle m’inspire de nombreuses questions.
Protection, oui, mais pourquoi ? Protection contre qui ? Protection contre quoi ? Contre le vol, la diffusion, la falsification, la collecte de données personnelles, leur utilisation nuisible ?
Et que recouvre cette notion de « données personnelles » ? Notre vie privée ? Notre identité ? Mais laquelle ? Notre identité sociale, civile, numérique, commerciale, bancaire, biométrique ? Les traces que nous laissons partout à chaque clic sur Internet, à chaque paiement par carte bancaire, à chaque passage au télépéage sur l’autoroute ?
Les deux intervenants précédents ont raison : il s’agit d’un phénomène de société. Il faut donc s’interroger : dans quelle société vivons-nous, et dans quelle société voulons-nous vivre ?
Si l’on considère que les données personnelles sont d’abord et avant tout notre identité, quel rôle l’État doit-il jouer dans la protection de cette identité, c’est-à-dire dans la production d’un document de confiance garanti par lui, qui atteste dans notre vie quotidienne notre singularité sans pouvoir être ni falsifié, ni dissimulé, ni volé, en d’autres termes, une identité de confiance ?
Avec les possibilités technologiques actuelles, par exemple la biométrie, on pourrait penser que les documents d’identité signés par l’État sont des documents de confiance. Or je suis choquée de constater que l’on peut exiger jusqu’à trois pièces d’identité différentes pour un paiement par chèque, comme si aucune d’elles n’était une pièce d’identité de confiance. N’est-ce pas là déjà un problème ?
Le passeport biométrique, présenté comme le nec plus ultra, nous permet certes de nous rendre aux États-Unis sans visa, mais chacun d’entre nous est-il parfaitement conscient des traces qu’il laisse avec son passeport biométrique quand il passe une frontière, et pas seulement celle des États-Unis ? Chacun d’entre nous est-il réellement conscient de ce qu’a fait ou n’a pas fait l’État, à l’occasion de la production de ce passeport biométrique, pour protéger nos données personnelles, quand nous partons en Albanie, en Égypte, en Afrique ?
On s’interroge beaucoup sur le Passenger Name Record, le PNR,…
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
Mme Virginie Klès. … mais guère sur ce que font aujourd’hui les autres pays des données contenues dans notre passeport biométrique français.
Les données personnelles, sensibles, quelles sont-elles, finalement ? La perception que nous en avons dépend beaucoup de notre culture, de notre façon de vivre. Sans aller chercher chez nos amis outre-Atlantique, même en Europe, on constate que les données biométriques, qui sont considérées en France comme des données sensibles, ne le sont pas en Allemagne.
Les données biométriques sont d'ailleurs classées en France en deux catégories, selon qu’elles sont avec traces et sans traces : la distinction est-elle encore valable ? La voix n’est-elle pas devenue une donnée biométrique avec traces ? Dans un passé peu éloigné, des reconstitutions de voix ont permis d’identifier des suspects dans plusieurs affaires dont certaines avaient défrayé la chronique.
L’empreinte digitale, nous dit-on, est traçante. Or il est aujourd'hui possible de fabriquer de fausses empreintes digitales et d’en laisser partout. Par ailleurs, dans le cas de la combinaison d’une empreinte digitale et d’une empreinte morphologique interne, comme le lacis veineux d’un doigt, sommes-nous encore dans un concept d’empreinte biométrique traçante ? Ce n’est pas sûr !
Cette conception même des empreintes, traçantes et non traçantes, des données, sensibles et non sensibles, n’est-elle pas en train d’être dépassée ? Ne convient-il pas justement de se pencher sur la question ? Face aux évolutions technologiques, faut-il se contenter des classifications établies et s’en tenir aux principes initiaux ou bien ne doit-on pas aller de l’avant et même prendre les devants ?
Nos données bancaires sont-elles des données sensibles ? Mon compte en banque ne regarde que moi, a-t-on envie de répondre. Pourtant, il a été décidé ici même, voilà peu, de rendre publiques les données bancaires et patrimoniales de certains d’entre nous en tant que personnes publiques.
Par conséquent, les frontières évoluent sur ces questions de données sensibles, données privées, et ne répondent pas aux classifications simples de type oui/non, blanc/noir.
Chacun d’entre nous a-t-il bien conscience de toutes les traces qu’il laisse dès qu’il clique sur internet ? Les citoyens sont-ils bien conscients de la valeur commerciale de ces traces, qui, amalgamées, constituent des fichiers dont ils n’ont pas forcément connaissance de l’existence même ?
On a parlé du profilage, réalisé la plupart du temps à notre insu, de ces fichiers d’une grande valeur commerciale qui attisent les convoitises, y compris celle des hackers, et peuvent se trouver transférés dans d’autres mains, pour d’autres objectifs que ceux pour lesquels les données sont initialement collectées.
Mme Lipietz disait qu’il faut parfois protéger les citoyens contre eux-mêmes, contre leur gré. Dès lors, faut-il toujours recueillir l’accord des citoyens pour récolter des données ? L’accord exprès des personnes souffrant d’une addiction au jeu, par exemple, est-il nécessaire pour, de façon anonyme, leur interdire l’entrée des salles de jeu ? Dans certains cas, la protection des personnes ne prime-t-elle pas sur la nécessité de recueillir leur accord ?
Toutes ces frontières et distinctions paraissent évidentes en théorie, mais les termes du débat se révèlent plus complexes. Nous nous rejoindrons donc sur les principes, le double souci de la protection des libertés publiques et de la sécurité, mais d’autres questions appellent des réponses particulièrement complexes si l’on refuse de se laisser envahir par la technologie ou entraîner par elle, et si l’on veut, bien au contraire, la maîtriser en amont.
Comment conserver l’équilibre entre, d’une part, les avancées de la technologie et les bienfaits qu’elles peuvent nous apporter et, d’autre part, leur régulation, leur contrôle ? Les « CNIL » du monde entier ont-elles les moyens, aujourd’hui, de tout contrôler ? Les contrôles, quant à eux, doivent-ils être réalisés produit par produit ou selon des processes et des méthodes normalisées ?
Il est beaucoup question du contrôle privacy by design. Peut-être faut-il s’y rallier, mais peut-être faut-il aussi sanctionner très fortement – en tout cas plus qu’aujourd’hui – les entreprises qui ne sont pas capables de faire respecter le process qu’elles ont mis en place afin de garantir la sécurité et le respect de la vie privée.
Oui, cher Gaëtan Gorce, je suis entièrement d’accord avec vous : nous avons tous droit – tous ! – à ce morceau de vie privée qui ne concerne personne d’autre que nous. Il faut impérativement le respecter, même si l’équilibre est difficile à trouver. Certes, nous devons protéger les intérêts économiques de nos entreprises, en Europe et dans le monde, parce qu’il nous faut rester présents à l’échelle planétaire si nous voulons garder voix au chapitre, mais nous devons aussi garder le contrôle et savoir dans quelle société nous voulons vivre.
Notre débat n’apportera sans doute pas toutes les réponses - la matière est par nature trop compliquée -, mais, si nous avons pu soulever de bonnes questions, nous aurons avancé et servi la société dans laquelle nous voulons vivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je crois que nous aurions dû dédier ce débat à Edward Snowden, réfugié à Moscou. C’est à ce dernier que nous devons en effet des révélations sur le programme Prism qui témoignent de la capacité des autorités américaines – et de leur volonté, aussi - à surveiller une part significative des communications mondiales et des échanges de données.
M. Snowden a permis de mettre en évidence la faiblesse de toutes les protections dont nous disposons au niveau national, l’exigence d’une meilleure gouvernance mondiale sur cette question et l’obligation de chacun de ne pas être un simple consommateur, mais bien un citoyen du net, conscient de ses propres limites et de celles du net, ainsi que des risques afférents.
Cet apport significatif au débat méritait d’être salué. Avant de revenir sur ces sujets, je voudrais vous faire part de quelques chiffres, de quelques estimations : la quantité de données produite et stockée par l’homme depuis l’aube de l’humanité jusqu’en 2003 était équivalente à deux jours de production de données en 2011 ; aujourd’hui, la même quantité de données est générée en moins de dix minutes ! En dix ans, le volume de l’ensemble des données enregistrées de par le monde a été multiplié par 1 million !
Avec de tels chiffres et sachant comment les données circulent, peut-on sérieusement garantir le droit à l’oubli ? Comment éviter que les données ne circulent ou ne soient partagées sur des serveurs relevant de législations différentes ?
Dès lors qu’une personne dispose d’un accès à internet, d’une messagerie, d’une inscription dans des réseaux sociaux ou qu’elle procède à un achat sur le net, est-il possible de lui garantir le respect de son intimité, du cheminement de sa pensée, de sa correspondance, de ses identités ? Les derniers mois ont démontré que non.
Il s’agit pourtant d’un des fondements essentiels des droits de l’homme. Peut-on garantir que les données collectées, alors qu’elles peuvent avoir une valeur commerciale significative, ne seront pas valorisées, commercialisées, transmises par celui qui en est le porteur ?
Comment assurer à l’usager que la finalité de la collecte de données sera toujours respectée et que ces données ne seront pas indûment conservées ? Quelle législation appliquer lorsque l’information, les échanges, les fournisseurs, mais aussi les consommateurs, se jouent des frontières ?
Pour protéger l’individu, doit-on brider, contrôler internet, formidable outil permettant aujourd’hui à des milliards d’individus de communiquer au-delà des frontières, de se jouer des limitations des libertés que certains régimes politiques voudraient imposer ? Peut-on les suivre sur cette voie ? Cette orientation n’est pas la bonne et ne résisterait pas longtemps au progrès de la technique.
L’Internet, opportunité inouïe d’échanger et de partager des connaissances, est probablement le plus grand défi à la conception traditionnelle de la souveraineté des États et des nations. Nous devons en avoir conscience.
Nation, espace de solidarité ; nation, espace où l’on attend de l’État qu’il garantisse la sécurité des citoyens. Que ce soit en termes de données personnelles, de maîtrise des flux financiers et de la fiscalité, de délocalisation du travail, de protection du consommateur, de lutte contre la contrefaçon, internet constitue sans doute, sur tous ces aspects, un défi immense pour les États, qui doivent réinventer la manière de tenir leur rôle, non pas en multipliant le nombre de fichiers pour prétendument protéger les citoyens, mais en participant à la création d’une gouvernance mondiale, seule réponse face à cet enjeu.
Cette constatation va à l’encontre des aspirations de ceux qui prônent le repli sur soi, le recul identitaire, le refus de la globalisation comme salut face aux défis du monde. À tourner le dos à la réalité, à refuser de voir les enjeux posés par l’évolution de la technique, à se plonger dans la nostalgie, on ne rend pas service aux citoyens, on ne les protège pas : on en fait de simples sujets de la mondialisation.
Dès lors, quelles pistes proposer ?
Nous devons d’abord faire en sorte que les enjeux du numérique – ce que cela change dans la conception de la vie privée, la manière dont sont conservées et transmises les données, ce que signifie « stockage dans un nuage »… – soient compris par le plus grand nombre de citoyens.
Pour comprendre ces évolutions techniques, pour pouvoir mieux protéger, il est également important de disposer d’une avance technique. Cela passe non seulement par des investissements dans le numérique afin d’être à la pointe, mais aussi par une politique de long terme d’accueil des entreprises, de start-up, travaillant dans ce domaine. Sans compétence technique, sans capacités de stockage ou de calcul autonomes, nous ne pèserons rien quand il s’agira de défendre nos propres principes.
Un projet de règlement européen est en discussion. La position de la France, selon laquelle, lorsqu’il s’agit d’un acte entre un citoyen et une entreprise d’un pays de l’Union européenne, les autorités de type CNIL des deux pays concernés peuvent agir conjointement, doit être soutenue. En effet, ce projet ne doit pas remettre en cause les acquis obtenus par l’action de la CNIL, reconnue en France comme une institution réactive, préoccupée par la meilleure défense possible des libertés pour la protection des données et la finalité des fichiers. La CNIL rappelle ses principes utilement à chaque fois qu’une évolution législative ou réglementaire peut faire évoluer nos équilibres. Il est heureux qu’elle pilote le « groupe de l’article 29 », ou « G29 », rassemblant les autorités similaires des vingt-huit États membres.
La mise en place d’un front européen pour demander à Google de se conformer aux législations nationales relatives aux protections de données est une excellente chose. Toutefois, ces autorités expriment également des réserves sur le projet de règlement européen relatif aux données personnelles qu’il nous faut partager, qu’il s’agisse de la bonne définition des données personnelles, cela a été évoqué, de l’affirmation du droit à l’oubli, du renforcement des droits des personnes, qu’il s’agisse encore de la responsabilité de l’ensemble des opérateurs ayant à traiter des données personnelles, de l’encadrement des transferts de donnés hors de l’Union européenne ou encore de la possibilité de donner aux citoyens des droits de recours effectifs.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle est la position de la France face aux réserves émises par le G29 ?
Le débat sur ces questions semble aujourd’hui se limiter à un échange entre les États-Unis et l’Union européenne, à l’asymétrie des transmissions et à l’illégitimité des traitements qui ont été faits des données transmises aux États-Unis. Je pense bien entendu au PNR, dispositif relatif aux données des passagers aériens, et à l’accord sur le suivi du financement du terrorisme. Les faits sont établis.
L’Europe doit trouver le moyen d’agir dans une relation plus équilibrée avec les États-Unis. L’objet des échanges ne doit pas être détourné. S’il y a des désaccords, l’Europe doit pouvoir parler d’une seule voix.
Madame la ministre, comment établir ce partenariat plus équitable avec nos partenaires américains ? Ne s’agit-il pas d’un préalable à la négociation sur un traité de libre-échange ?
S’il semble ne s’agir que d’un débat États-Unis - Union européenne, c’est en raison de la place des États-Unis dans l’économie mondiale et, de manière encore plus significative, dans l’économie numérique.
Cependant, cette situation ne perdurera peut-être pas. L’économie numérique mondiale sera probablement de plus en plus multipolaire, ce qui rendra sa régulation encore plus compliquée. Dans ces conditions, notre rôle est de favoriser la concentration des compétences en Europe sur cette question, de mettre en place une régulation interne permettant de peser face aux autres acteurs mondiaux.
Nous avons beaucoup critiqué les États-Unis lors de ce débat, mais nous devons aussi savoir que le mot « liberté » est inscrit dans l’ADN de cette nation, et ce quelles que soient les dérives constatées aujourd’hui. Il s’agit tout de même d’une certaine garantie. Cela pourrait ne pas être le cas plus tard, si d’autres puissances économiques émergentes devenaient, elles aussi, des puissances du numérique. Prenons-y garde, car la menace serait alors grave pour l’ensemble du monde.
Madame la ministre, comment faire de l’Europe en général, et de la France en particulier, une terre d’accueil, de développement de l’économie du numérique ? Comment mieux attirer les start-up et les entreprises face au dumping fiscal et aux crédits d’impôt offerts par certains États du Canada et des États-Unis ?
C’est en effet à cette condition d’excellence et de compétence technique et d’innovation que nous pourrons peser de tout notre poids pour la défense de notre conception de la vie privée et des valeurs que défendait Gaëtan Gorce.
Madame la ministre, mes chers collègues, c’est un enjeu fondamental pour notre démocratie que d’être à la pointe de la technique afin de bien défendre nos valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais, dans un propos liminaire, répondre à un grand nombre des questions ayant trait à l’économie numérique en France et dans l’Union européenne. Je reviendrai ensuite plus précisément sur les questions relatives aux fichiers de police, qui relèvent davantage de mon collègue Manuel Valls.
Avant de présenter la vision que je souhaite défendre des enjeux qui se rattachent aux données personnelles dans le cadre de la politique française de l’économie numérique, il me semble important de resituer cette question des données dans le contexte d’une société et d’une économie qui deviennent dans leur ensemble numériques, comme cela a été souligné par quasiment tous les orateurs : les données, personnelles ou non, sont désormais la ressource-clé, le carburant, de cette « société de la connaissance » ou de cette « société de l’information », pour reprendre des expressions sans doute aujourd’hui quelque peu « datées », mais parlantes .
« Le numérique dévore le monde » : il a changé en profondeur notre accès à la culture, puis à l’information et bientôt à l’éducation. Il a profondément modifié des secteurs aussi traditionnels que le commerce ou la réservation hôtelière. Demain, il va changer l’économie de l’automobile, car celui qui maîtrisera les données d’une voiture pourra créer une valeur économique et une valeur d’usage pour l’assurance, l’aide à la conduite, la géolocalisation ou le confort des occupants ; Google ne s’y est d’ailleurs pas trompé.
Demain, le numérique va changer la gestion de nos réseaux urbains, je parle bien entendu des « villes intelligentes », en permettant de développer de nouveaux usages pour nos concitoyens et de nouvelles potentialités pour les collectivités territoriales.
Demain, le numérique va permettre un vrai dialogue entre nous et les acteurs de la santé et du bien-être, pour notre bénéfice, sans minimiser l’enjeu évidemment pour les comptes de la sécurité sociale.
Sur quoi repose cette transformation numérique ? Sur la capacité à traiter des grandes masses de données, à les visualiser, à les mettre en relation, à leur donner un sens, à les analyser. La capacité de notre société à maîtriser cette économie des données conditionnera des pans entiers de notre vie quotidienne, de notre économie et de notre souveraineté.
Je pense qu’il faut d’abord avoir en tête cette dynamique aujourd’hui engagée, avec ses menaces, mais aussi et surtout ses opportunités, avant d’aborder les enjeux relatifs aux données personnelles.
Permettez-moi de rappeler les trois phases de l’histoire des données personnelles.
La première phase correspond à la protection des citoyens contre la tentation de l’État de tout surveiller, de tout contrôler. La CNIL a été créée il y a trente-cinq ans. Il est normal que les débats suscités par la CNIL, ou à son propos, persistent encore dans notre société ; il s’agit d’un signe de vigilance et de vitalité démocratiques.
La deuxième phase a été celle de l’harmonisation européenne via la directive de 1995, transposée neuf ans plus tard par la France. À l’époque, le sujet semblait encore mineur, mais cette directive a déplacé le débat sur le terrain du contrôle des entreprises privées, cette fois, tout en conservant le même objet : protéger le citoyen et, in fine, limiter la collecte de données personnelles.
Nous sommes aujourd’hui dans la troisième phase : qu’on le veuille ou non, des centaines, des milliers de données sont collectées chaque jour sur chacun d’entre nous, parce qu’internet fait partie de notre quotidien, parce que nous avons des smartphones et que toutes ces machines produisent « naturellement », si j’ose dire, des données. Demain, les objets connectés envahiront notre quotidien.
La question n’est pas de savoir si cela est bien ou mal, elle est de redéfinir des règles adaptées, dans le contexte que j’ai rappelé en commençant.
Le respect des libertés publiques est toujours un enjeu, et même plus que jamais. La semaine dernière, par exemple, nous avons appris que la CNIL avait mis en demeure le CHU de Saint-Malo, car des données de santé étaient trop facilement accessibles. Ce n’est pas acceptable : personne ne doit voir ses données de santé exposées à des inconnus.
Mais ce premier enjeu se double d’un autre, majeur, de nature économique, celui-là. Il faut garder à l’esprit que le projet de règlement européen sur la protection des données, en cours de discussion à Bruxelles, a fait l’objet de 4 000 amendements, provenant, pour la plupart, des sociétés américaines du net. Elles ont bien compris l’enjeu ! Et nous ? Partiellement…
C’est – entre autres – pour répondre à cette question que je proposerai au Parlement d’adopter une loi sur la confiance et l’innovation dans l’économie numérique. Les deux termes – « confiance », « innovation » – ont leur importance.
Aujourd’hui, en Europe, nous sommes faibles pour ce qui est du numérique, car nous n’avons pas compris ce qui se jouait lors de la décennie écoulée : la transformation de toute notre société et de toute notre économie, et non pas seulement la réglementation des télécommunications ou la production de contenus culturels numériques !
Ce que nous a montré l’affaire Prism, c’est que, en l’absence d’une industrie européenne du numérique, nous ne sommes pas capables de définir des règles du jeu conformes à notre intérêt, à nos valeurs, à notre souveraineté. Que les géants du net américains travaillent en étroite collaboration avec l’État américain ne serait pas surprenant. Il ne faut pas être naïf. Ce qui est grave, c’est que nous n’avons aucune prise sur eux pour défendre nos valeurs.
La semaine dernière encore, nous avons appris que la société Google considérait que la loi Informatique et libertés ne lui était pas applicable. Or Google, je le rappelle, est utilisé par 95 % des Français pour leurs recherches sur internet ! Ce n’est pas plus acceptable. Il faut se l’avouer : nous sommes mal armés pour faire face à ces problèmes.
Aujourd’hui, notre cadre juridique est exigeant sur le fond, mais inopérant dans un certain nombre de cas. Par exemple, la Commission européenne a négocié en 2000 un accord, dit « Safe Harbor », avec les États-Unis. Depuis treize ans, cet accord permet aux entreprises américaines un accès au marché européen à des conditions moins exigeantes que celles qui s’imposent à nos propres entreprises ! Ce n’est pas normal. Disant cela, je ne suis pas inspirée par vision uniquement économiste de la société ; pour défendre nos valeurs, nous devons faire en sorte que l’ensemble des contraintes qui pèsent sur les sociétés et les entreprises européennes s’appliquent également à celles qui se considèrent en dehors de notre juridiction.
À ce sujet, j’entends que certains, des acteurs européens, surtout, proposent d’instaurer un « espace Schengen des données personnelles ». À mon sens, il faut d’abord se pencher sur la question des transferts de données hors d’Europe, afin de sécuriser les données de nos concitoyens, avant de se lancer dans des projets protectionnistes.
Le constat est lucide, mais c’est le prérequis pour définir une politique offensive en faveur du numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui, rien n’est perdu : le numérique procède par vagues d’innovations qui redistribuent les cartes tous les quatre ou cinq ans. Nous l’avons vu à nos dépens avec la disparition des fabricants européens de téléphones mobiles. La prochaine vague d’innovation reste à la portée des acteurs européens.
C’est pourquoi il faut s’assigner une vraie ambition industrielle à l’échelle européenne ; elle prend ici tout son sens. Nous devons nous donner les moyens de reconstruire une industrie numérique européenne de rang mondial. C’est l’un des trois chantiers que le Président de la République a annoncés pour l’Europe, et c’est notre principal objectif pour le Conseil européen de la semaine prochaine.
Nous devons définir une politique numérique offensive en Europe, pour gagner les prochains cycles d’innovation. C’est notre seule véritable option : toute tentative de construire des abris anti-numériques pour défendre nos valeurs serait vouée à l’échec !
Quels sont les prochains cycles ? Vous êtes nombreux à les avoir évoqués.
Il s’agit, d’abord, des objets connectés, qui vont envahir notre quotidien, à la maison comme dans les entreprises. Ces objets vont générer un déluge de données – c’est le Big data -, qui ne prendront de valeur économique ou d’usage que parce que nous saurons les traiter.
Le traitement et le stockage des données, les services associés, seront également disponibles dans une infrastructure à distance, le « cloud », ou « nuage » en français. Les nouveaux usages vont exploser dans l’éducation, dans la santé, dans les villes intelligentes. Cette vague d’innovations est une menace, mais elle est surtout une opportunité pour toute notre économie. Elle ne pourra se déployer que si nous garantissons des réseaux de qualité et, surtout, la confiance numérique.
Vous comprenez sans doute mieux les raisons pour lesquelles nous avons besoin d’une loi équilibrée, qui repose sur deux composantes complémentaires : l’innovation et la confiance dans l’économie numérique.
Cette vision industrielle, qui doit se traduire par la création d’emplois sur notre territoire, c’est aussi celle des 34 plans pour une « nouvelle France industrielle », dont 12 ont trait au numérique et portent sur les thèmes que je viens d’évoquer.
Tout cela requiert de faire respecter des règles, nos règles, par les acteurs globaux, qu’ils soient installés en France ou non. Cela impose aussi de définir ces règles de manière qu’elles stimulent l’innovation et intègrent, dès la conception, la protection de la vie privée. En France, un grand acteur de la distribution a engagé le dialogue avec la CNIL pour préparer l’arrivée des puces sans contact, qui soulèvent de nombreuses questions sur la vie privée. C’est le type d’initiative qu’il faut encourager pour que les entreprises européennes profitent d’un réel avantage compétitif.
Pour conclure cette partie liminaire, je veux redire ici l’urgence pour notre pays et notre continent de reprendre la main dans le domaine du numérique. Nous devons le faire de manière réaliste, avec pour objectif la construction d’une société de l’innovation et de la confiance numérique.
J’identifie trois leviers d’action : une ambition pour une industrie numérique européenne et française forte et responsable ; une priorité à l’éducation au numérique – à ce titre, je soutiens le projet de faire de l’éducation au numérique la grande cause nationale pour 2014 et suis heureuse de constater que la loi sur la refondation de l’école de Vincent Peillon inclut pleinement cette dimension – ; enfin, l’adoption d’une loi sur la confiance et l’innovation dans l’économie numérique, car il faut clarifier un certain nombre de points de notre cadre juridique.
De manière plus générale, il est nécessaire d’extraire les débats des cercles d’experts : les enjeux ne sont pas seulement techniques, ils sont au cœur de notre projet politique, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je me suis engagée à revenir sur les questions liées aux fichiers personnels et à la biométrie. Je souhaite donc vous apporter quelques précisions sur ces points, en fonction des informations dont je dispose.
Je commencerai par aborder la question des conséquences à tirer des révélations liées au programme Prism. Bien entendu, le Gouvernement partage les préoccupations de la CNIL en matière de protection des données à caractère personnel, et entend continuer d’inscrire son action dans le strict cadre de la loi Informatique et libertés. Une réponse des ministères de l’intérieur et de la défense à la présidente de la CNIL, qui a souhaité obtenir des informations sur le risque d’utilisation d’un dispositif d’interception massive par les services français, est actuellement en cours de rédaction.
J’en viens aux questions relatives à la biométrie et au PNR.
Comme l’ont fait certains États depuis plusieurs années – États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie – , ou comme d’autres envisagent de le faire à brève échéance, l’Union européenne et la France souhaitent s’appuyer sur les données API, pour Advanced Passenger Information, ainsi que sur les données PNR et leur traitement, afin de permettre aux services de police, de gendarmerie, de douanes et de renseignement de lutter plus efficacement contre le terrorisme, la criminalité grave et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, dont les auteurs, vous le savez, sont de plus en plus mobiles, et empruntent souvent la voie aérienne. C’est pourquoi, vous l’avez rappelé, monsieur Sutour, un projet de directive est actuellement à l’étude.
Concernant la France, notre architecture juridique reste limitée, notamment en matière de finalités, de données recueillies, d’espace géographique et de traitement mis en œuvre. Elle ne permet pas de répondre au projet de directive, du point de vue tant de la fonctionnalité que de l’organisation. Elle n’est pas, non plus, à la mesure de la menace. Cela est particulièrement vrai pour le crime organisé et le terrorisme.
C’est pourquoi la France souhaite se doter de cet outil supplémentaire. C’est l’objet de l’article 10 du projet de loi de programmation militaire, qui sera soumis très prochainement à votre assemblée.
Le Gouvernement a fait le choix d’un outil performant, mais il est évident que ce dernier doit également être protecteur des libertés. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de suivre très exactement le projet de directive en matière de garantie et de protection des données des passagers aériens : effacement des données sensibles dès leur réception, durée de conservation limitée à cinq ans, dont trois masqués, mise en place d’une « unité d’information passagers », qui sera l’interface entre la base de données et les services opérationnels, et, enfin, traçabilité des accès et des contenus.
Le ministre de l’intérieur l’a rappelé à plusieurs reprises devant votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs : la menace terroriste requiert une constante adaptation de nos services de renseignement, qui doivent disposer, dans le cadre des principes républicains, des outils juridiques nécessaires. C’est dans la recherche de cet équilibre, largement éclairée par le rapport du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le renseignement, que s’inscrivent les dispositions de la loi de programmation militaire.
Le Gouvernement ne doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vos travaux permettront d’enrichir ce texte.
Mme Nathalie Goulet. C’est pour lundi prochain !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. J’en viens au fichier national automatisé des empreintes génétiques, ou FNAEG. Mme Assassi a indiqué que ce fichier avait été créé, à l’origine, pour suivre les délinquants sexuels, et seulement eux, alors qu’il permettrait aujourd’hui d’enregistrer également les empreintes génétiques des manifestants.
Il semble donc nécessaire de préciser le champ d’application de ce fichier. Aujourd’hui, il n’est possible d’enregistrer les empreintes génétiques d’un individu que dans le cadre de la commission des infractions recensées à l’article 706-55 du code de procédure pénale, parmi lesquelles figurent les infractions de nature sexuelle, les crimes contre l’humanité, les délits d’atteinte à la vie, et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Y ont été ajoutés les crimes et délits de vols, d’extorsions, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens.
Aucun article du code pénal n’incrimine le fait de participer pacifiquement à une manifestation, mesdames, messieurs les sénateurs. La liberté de manifester fait en effet partie des droits et libertés inclus dans le bloc de constitutionnalité.
Il faut également souligner l’intérêt du FNAEG. Le fichier permet l’identification de cadavres anonymes à la suite d’une catastrophe naturelle, ainsi que la recherche de personnes disparues à l’aide de leur profil génétique, de celui de leurs descendants ou de leurs ascendants.
Je souhaite également apporter un certain nombre de précisions sur le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED.
Le 18 avril 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu une décision invitant à modifier le décret du 8 avril 1987 relatif au FAED, géré par le ministère de l’intérieur, en considérant que certaines de ses dispositions, ainsi que l’application qui en avait été faite, étaient contraires à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, portant sur le respect de la vie privée. Un projet de décret modifiant ce texte de 1987 est en cours d’adoption par le Gouvernement.
Il a pour objectif de limiter aux seuls crimes et délits le champ infractionnel au sein duquel il est possible de recourir au traitement. Il vise également à garantir un droit effectif à l’effacement des données personnelles des personnes ayant bénéficié d’un acquittement, d’une relaxe, d’un classement sans suite ou d’un non-lieu avant vingt-cinq ans, la durée maximale de conservation des données.
Dans ces hypothèses, l’effacement, demandé par l’intéressé, serait de plein droit. Le procureur de la République pourra cependant prévoir, pour les cas de non-lieu ou de classement sans suite pour insuffisance de charges, que les données seront conservées pour une durée variable de trois à dix ans, en fonction de la nature de l’infraction, pour des raisons liées à la finalité du traitement.
Ce projet de décret en Conseil d’État, dont le ministère de l’intérieur a saisi le ministère de la justice en juillet 2013, doit recueillir l’avis de la CNIL très prochainement.
Toujours dans le champ des données personnelles, j’en viens à des questions qui concernent plus particulièrement l’économie numérique.
Monsieur Détraigne, vous avez dit que le Gouvernement pourrait compter sur le Sénat chaque fois qu’il lutterait pour le maintien d’un niveau élevé de protection. C’est bien ce que le Gouvernement, singulièrement Christiane Taubira, cherche à faire dans les discussions sur le projet de règlement européen, notamment sur les questions relatives au guichet unique et aux transferts de données, que de nombreux orateurs ont abordées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous voulons maintenir un très haut niveau de protection des données. Cela peut être considéré comme une contrainte par certains opérateurs économiques en Europe, mais c’est pour nous, aussi, un facteur de la compétitivité de nos sociétés et de nos économies.
À la suite des révélations liées au programme Prism, certaines entreprises américaines s’inquiètent de voir fondre leur chiffre d’affaires, parce que la confiance dans leur capacité à protéger les données économiques ou personnelles est partiellement rompue.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, un haut niveau de protection des données personnelles de nos concitoyens peut également être un élément d’attractivité et de compétitivité pour notre économie.
Dans nos discussions européennes sur le sujet, nous ne militerons donc pas pour un nivellement par le bas des exigences de protection. Nos préoccupations sont bien celles que j’ai décrites au début de mon intervention. Je le sais très bien, le Sénat est en pointe en la matière, et nous pourrons compter sur la vigilance de ses membres.
J’en viens à la question des pouvoirs de la CNIL, évoquée par Mme Lipietz et M. Détraigne.
Le 28 février dernier, le Gouvernement a annoncé qu’il souhaitait renforcer les pouvoirs de la CNIL dans le cadre de la loi sur l’innovation et la confiance dans l’économie numérique, afin de les adapter au monde numérique actuel.
La relation entre la CNIL, autorité de contrôle, les entreprises et les utilisateurs doit évoluer. Elle doit probablement être moins réglementaire et davantage orientée vers l’accompagnement des acteurs.
Deux instruments me paraissent pouvoir être mobilisés à cette fin. Je pense, bien sûr, au règlement européen, qui modifiera les missions des autorités de contrôle nationales, comme la CNIL, mais également à la loi sur la confiance et l’innovation dans l’économie numérique que je souhaite déposer et dont l’objectif sera de clarifier certains dispositifs.
Le droit à l’oubli – question qui a été évoquée pratiquement par tous les intervenants – figure dans le projet de règlement sous la forme d’une disposition qui vise à étendre le droit de suppression par la personne concernée de contenus accessibles via des intermédiaires tels les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux. Ce droit à l’oubli nous paraît aujourd’hui effectivement nécessaire.
Cette disposition suscite cependant de nombreuses contestations et des polémiques, notamment au regard de la liberté d’expression. Mais je dois bien dire qu’aucune solution alternative n’a été apportée pour répondre au problème posé, qui est le suivant : que puis-je faire, en tant que personne, quand je ne parviens pas à faire effacer des informations me concernant par les mécanismes classiques du droit de suppression ?
Il me semble indispensable de répondre à ce besoin par l’introduction d’un principe, celui du droit à l'oubli. Ce principe est en effet pertinent parce que, in fine, il permettra au juge de trouver, au cas par cas, l'équilibre entre le droit à l'oubli et la liberté d’expression, et éventuellement la liberté de la presse. Cet équilibre sera évidemment différent selon qu’il s’agira d’une personne non publique, c’est-à-dire un particulier, ou d’une personne publique.
La question de l’applicabilité de la loi française ou de la territorialité de la loi française a également été soulevée, notamment par M. Sutour. Il s’agit effectivement d’une question extrêmement importante, car nous avons parfois bien des difficultés non seulement à faire respecter la loi mais encore à trouver des solutions pour la faire respecter.
Le cadre actuel utilise des critères pour la loi applicable qui ne sont, à l’évidence, pas adaptés au monde numérique d’aujourd’hui : il s’agit de la localisation de l'établissement principal et des « moyens de traitement ».
Le règlement européen est précisément l’occasion de clarifier l’application de la loi européenne à tous les services opérant en Europe. Cela implique de définir un critère clair de territorialité, par exemple le ciblage de résidents en Europe et la garantie de la possibilité pour chacun de faire appel à son autorité nationale.
Par ailleurs, la législation prévoit aujourd’hui plusieurs moyens pour transférer les données hors d’Europe. Ce cadre a apporté dans les faits une protection extrêmement relative des données des personnes hors d’Europe. Une révision est aujourd’hui nécessaire afin que le niveau de protection soit consolidé et que le système proposé soit acceptable dans le cadre des relations transatlantiques.
Le Safe harbor doit également être revu, afin d’assurer que le transfert des données personnelles des citoyens européens vers des pays tiers, qui n’ont pas forcément le même niveau de protection des données personnelles et de respect de la vie privée, s’opère dans des conditions qui soient plus protectrices pour nos concitoyens.
S’agissant de la question de savoir si le règlement est aujourd'hui adapté et comment doit se faire l’harmonisation des réglementations – soit par le haut, soit par le bas –, je crois qu’il est important de rappeler que, si les principes de base sont plus ou moins partagés en Europe, il reste tout de même des divergences extrêmement fortes dans leur application, entre, d’un côté, des pays qui sont plutôt protecteurs, plutôt régulateurs, tels que la France, l’Allemagne, les pays latins, et, de l’autre, des pays plus libéraux, comme le Royaume-Uni, l’Irlande, les Pays-Bas ou les pays scandinaves.
Ces différences dans les réglementations reflètent des cultures et des histoires différentes. Ainsi, par exemple, après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne a inscrit dans sa loi fondamentale l’interdiction de créer un fichier central de la population.
En raison de ces différences, la question est donc posée de savoir s’il est préférable d’adopter un règlement ou une directive. Le règlement offre selon moi le double avantage de renforcer l’intégration européenne et de simplifier le cadre juridique pour les entreprises. Cependant, il présente effectivement un risque, celui de réduire le niveau de protection actuelle des personnes en entraînant un nivellement par le bas sous l’influence, notamment, des pays les plus libéraux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, il nous faut ensemble faire en sorte que nous puissions défendre le maintien d’un haut niveau de protection et que les négociations préalables à l’adoption de ce règlement ne se fassent pas dans le sens d’une moindre protection pour les libertés publiques comme pour le respect de la vie privée.
Pour Mme Morin-Desailly, « l’heure du sursaut semble avoir sonné en France ». Nous avons beaucoup œuvré en ce sens. Nous avons d’abord travaillé dans le cadre des discussions sur le règlement européen, en particulier en ce qui concerne le guichet unique et la renégociation de l’accord de Safe harbor. Nous avons aussi et surtout œuvré – ce sera l’actualité de la semaine prochaine – à la mobilisation, notamment de nos homologues européens, autour du prochain Conseil européen, qui sera consacré au numérique.
Vous avez fait allusion à la nécessité de travailler sur l’industrie numérique européenne pour faire en sorte que nous soyons moins dépendants à l’égard d’acteurs non européens qui ne respectent pas nos réglementations, que ce soit en matière de libertés publiques, de protection de la vie privée ou de fiscalité. Il est effectivement très urgent de faire en sorte que nous puissions, par une action avisée et collective sur l’écosystème de l’économie numérique, créer des champions, des acteurs qui auront une taille mondiale et qui, eux, respecteront nos valeurs et nos réglementations.
La meilleure des batailles est bien celle-ci, selon moi : reconquérir une forme de souveraineté économique à travers l’émergence d’un véritable écosystème numérique européen. En effet, nos valeurs et nos réglementations ne prévaudront que si nous avons des acteurs qui entendent s’y soumettre.
La France a également joué un rôle important dans cette prise de conscience de la nécessité de travailler sur l’environnement de l’économie numérique afin de recouvrer cette forme de souveraineté. Nous nous sommes efforcés de mobiliser, notamment lors d’une réunion que j’ai tenu à organiser le mois dernier avec mes homologues européens, pour faire avancer cet agenda européen qui porte non pas uniquement sur la régulation des télécommunications, mais aussi sur les moyens que l’Europe doit se donner pour créer une véritable Europe du numérique fondée sur des acteurs économiques puissants.
Monsieur Gorce, à propos notamment de l’Open data, vous avez raison, il faut réfléchir aussi à un modèle de société, à la défense de nos valeurs. Je pense avoir partiellement répondu en disant que nous n’avons pas, d’un côté, ceux qui ont une vision trop économique des choses et qui essayent de courir après les acteurs américains du numérique, y compris en faisant parfois des concessions sur nos valeurs, et, de l’autre, ceux qui défendraient ces mêmes valeurs.
L’enjeu est au contraire d’aider les acteurs français et européens à acquérir ce pouvoir de marché qui nous permettra, demain, de faire prévaloir un certain nombre de valeurs et de faire en sorte que ces acteurs respectent nos réglementations, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour tous ceux qui, non européens, s’estiment soumis à d’autres juridictions.
Pour en revenir à l’ouverture des données publiques, il est vrai que c’est un enjeu de développement économique, mais pas seulement. Ainsi, j’ai pu constater qu’aux États-Unis l’ouverture d’un certain nombre de données publiques de santé a permis d’énormes progrès en épidémiologie, pour anticiper l’arrivée du virus de la grippe, par exemple.
Ces données sont bien entendu libérées moyennant des garanties d’anonymisation, afin que l’on ne puisse pas mettre en ligne des données - ou y avoir accès - qui comporteraient des indications sur des personnes nommément désignées.
Cette question comporte donc à la fois des enjeux de société, des enjeux de prévention en matière de santé publique, des enjeux économiques…
Cette politique relative aux données publiques doit évidemment être conduite d’une manière qui ne soit pas trop naïve ou trop systématique, et s’inscrire dans un cadre réfléchi établissant la manière dont nous entendons protéger la vie privée, les données personnelles, et les données publiques.
M. Gaëtan Gorce. Avec quelles garanties ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Cela fait partie de l’évolution du cadre juridique de la CNIL.
C’est la raison pour laquelle je souhaite vraiment que nous puissions avoir ensemble, au sein des assemblées, ce débat sur la manière dont nous faisons évoluer les cadres juridiques en matière de droit et de liberté numériques. Le Premier ministre l’a annoncé lors du séminaire gouvernemental sur le numérique, et c’est aussi un engagement du Président de la République.
Ces questions ne peuvent pas se régler très simplement, mais je pense qu’aujourd'hui il est important d’ouvrir avec vous ce débat sur la manière dont nous devons concilier la défense de nos valeurs avec la prise en compte du progrès de la technologie. Il ne faut pas non plus, en effet, considérer que la technologie est mauvaise en soi : elle est en elle-même plutôt neutre, ce sont la façon dont on l’utilise et les traitements que l’on en fait qui peuvent être bons ou mauvais, en fonction des valeurs que l’on souhaite défendre.
À l’heure où nous arrive le Big data – vous en avez rappelé les enjeux –, ce débat sur le cadre juridique est nécessaire, pour l’innovation. Il ne serait pas dans notre intérêt, en effet, d’empêcher l’ensemble de nos acteurs économiques d’innover et de proposer de nouveaux services à nos concitoyens : d’autres les proposeraient de toute façon, et nous ne serions plus alors que les consommateurs passifs de services développés ailleurs, avec une intelligence et des produits venus d’ailleurs.
Il faut donc à la fois permettre l’innovation et créer un cadre juridique adapté à ces nouvelles technologies, qui respecte les valeurs que nous entendons défendre dans un cadre républicain.
M. Gaëtan Gorce. Le problème, c’est que l’on ouvre le débat après avoir décidé d’ouvrir les données. J’aurais préféré que nous fassions l’inverse !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Nous le faisons en même temps, monsieur le sénateur !
À Mme Klès, qui m’a interrogée sur la biométrie et les autres types de données - j’ai déjà parlé des fichiers de police -, je répondrai que l’enjeu du règlement est bien d’harmoniser les réglementations en Europe. Il s’agit de doter l’Europe d’un cadre fort, pour la biométrie comme pour les autres types de fichiers. Le problème est vraiment très urgent et le gouvernement français l’aura bien en tête lors des négociations du règlement européen.
Sur l’ensemble de ces questions, nous pourrions débattre pendant des heures, mesdames, messieurs les sénateurs. Je suis tout à fait ravie de constater que ces sujets intéressent autant votre assemblée, qu’il s’agisse des données personnelles ou plus généralement de l’économie numérique et de l’impact de la transition ou de la révolution numérique sur notre société et notre économie.
Je souhaite que nous puissions avoir très prochainement – idéalement, en début d’année prochaine - un débat plus précisément axé sur ce que nous pouvons ensemble construire comme cadre pour favoriser l’innovation, créer les conditions du développement de l’économie numérique en France et en Europe et, évidemment, protéger les droits de nos concitoyens face à une révolution, dont parfois, c’est vrai, nous ne maîtrisons pas tous les tenants et les aboutissants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la protection des données personnelles.
L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
agroalimentaire en bretagne
M. le président. La parole est à M. Philippe Paul.
M. Philippe Paul. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire.
Vendredi dernier, le tribunal de commerce de Rennes a validé le plan de continuation de l’activité de la société Gad, actant du même coup la fermeture de l’abattoir de Lampaul-Guimiliau et la disparition de 889 emplois. Le lendemain, la presse locale évoquait la possible, sinon probable, suppression de 80 emplois par la société Jean Caby, toujours à Lampaul-Guimiliau.
En un très court laps de temps, près de 1 000 emplois seront ainsi supprimés dans cette commune de 2 000 habitants, ce qui plongera de très nombreuses familles et toute une population dans une profonde détresse. Après la suppression de 1 000 emplois chez Doux, puis de 400 autres chez Marine Harvest, l’hécatombe se poursuit dans l’agroalimentaire finistérien.
Monsieur le ministre, à l’issue de la réunion d’urgence qui s’est tenue hier à Matignon, les salariés de la société Gad ont reçu la confirmation que des mesures de soutien seraient prises sous la forme de contrats de sécurisation professionnelle. Ces salariés n’ont jamais ménagé leurs efforts pour faire vivre une entreprise dont ils étaient fiers, mais son actionnaire principal, la Centrale coopérative agricole bretonne, la CECAB, les laisse aujourd’hui brutalement au bord du chemin.
La nécessaire solidarité ne doit pas en rester là. Au-delà de l’accompagnement des salariés privés d’emploi par cette tragédie industrielle, il y va de l’avenir de tout un territoire. À cet égard, je m’associe à la demande d’un moratoire sur l’écotaxe formulée par le président du conseil régional de Bretagne. Si ce nouvel impôt est maintenu, il ne conduira qu’à affaiblir encore un peu plus l’économie d’une région excentrée, déjà pénalisée géographiquement. La sagesse et la raison commandent de réserver une suite favorable à cette demande.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Philippe Paul. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
L’égalité des territoires ne doit pas être une vaine formule. Il est de la responsabilité de l’État de tout mettre en œuvre pour soutenir la Bretagne et sa pointe occidentale, pour accompagner ce territoire dans l’épreuve qu’il traverse.
Monsieur le ministre, je souhaite savoir si, en complément des mesures annoncées hier, vous prévoyez de mettre en place des contrats de site mobilisant l’État, les collectivités territoriales et les chambres consulaires dans les bassins d’emploi sévèrement touchés, comme le pays de Landivisiau, afin de contribuer à les adapter, à les revitaliser et à leur redonner enfin espoir en l’avenir.
Plus précisément, monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler la forme de l’engagement de l’État auprès de la communauté de communes du pays de Landivisiau, qui vient de demander à la CECAB de lui céder la propriété du site de Lampaul-Guimiliau dans le but de favoriser l’arrivée d’un repreneur et la relance de l’outil ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison : la Bretagne, du moins certaines de ses filières et certains de ses territoires, traverse une période extrêmement difficile et douloureuse. C’est en particulier le cas des salariés de la société Gad, que la fermeture de l’abattoir de Lampaul-Guimiliau laisse aujourd'hui sur le carreau.
Il est de notre responsabilité de gouvernants d’apporter des réponses non seulement concrètes, mais aussi durables. C’est le sens du pacte d’avenir pour la Bretagne qu’a présenté hier le Premier ministre. Ce pacte sera mis en œuvre sans tarder et sera finalisé avant la fin de l’année, au terme d’une mobilisation que nous voulons très large, puisque nous souhaitons qu’elle réunisse l’ensemble des forces vives de la région.
Concrètement, que signifie répondre à l’urgence ? Cela veut dire accompagner les salariés licenciés des entreprises que vous avez citées ; je pense en particulier à ceux de la société Gad. Le contrat de sécurisation professionnelle comprend le maintien de près de 100 % du salaire net pendant un an pour tout salarié qui en fait la demande. Au cours de cette période sont aussi prévus un dispositif de formation, afin de préparer la reconversion, et une aide directe à la recherche d’emploi. Voilà une manière tangible de marquer la solidarité de l’État.
Cependant, il faut aller plus loin. Nous nous sommes d’ores et déjà employés, Stéphane Le Foll et moi-même, à mobiliser les entreprises du large bassin d’emploi dont fait partie Lampaul-Guimiliau. Nous travaillons en particulier avec les entreprises du secteur agroalimentaire pour examiner les possibilités d’accueil et de reclassement des salariés licenciés à Lampaul-Guimiliau. Voilà, là encore, comment s’organise aujourd'hui concrètement la solidarité.
Il faut également préparer l’avenir. Le Premier ministre a déjà annoncé une première mesure en ce sens : l’État favorisera, via l’établissement public foncier régional, la cession à la communauté de communes du site de la société Gad à Lampaul-Guimiliau. C’est ainsi que nous pourrons avancer.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué. Au-delà – et j’en terminerai sur ce point, monsieur le président –, préparer l’avenir implique d’activer les outils que sont la Banque publique d’investissement, la BPI, et le programme d’investissements d’avenir pour soutenir l’investissement, l’innovation et les exportations des entreprises agroalimentaires installées en Bretagne. Il y a un magnifique potentiel et nous croyons tous en l’avenir de ce grand secteur économique en Bretagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
iran
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
L’élection du président Rohani semble ouvrir une nouvelle page des relations entre l’Iran et la communauté internationale : le discours à l’ONU, suivi d’entretiens au plus haut niveau, la fin du négationnisme et l’annulation de la journée antisioniste sont autant de signes encourageants qui témoignent de la volonté de l’Iran de revenir sur la scène internationale.
Les négociations sur le nucléaire qui se sont déroulées à Genève ces derniers jours semblent, elles aussi, en progrès, l’Iran ayant officiellement accepté les visites inopinées sur ses sites. Même s’il semble que rien n’ait encore été transcrit dans les textes, le dialogue semble donc plus constructif.
Rentrant d’Iran, je peux, sans naïveté et en toute lucidité, témoigner que les Iraniens attendent beaucoup de leur nouveau président, qui est soumis à des pressions importantes de la part de factions extrémistes. Au passage, je vous confirme le retour en force des entreprises américaines dans ce pays…
L’image de l’Iran s’est tellement dégradée, de son fait, que l’on comprend aisément la prudence et la méfiance de la communauté internationale. C’est d'ailleurs à dessein que j’ai utilisé le verbe « sembler » au lieu de procéder par affirmations : à l’évidence, la situation demeure délicate.
Monsieur le ministre, chacun connaît vos réserves à l’égard de l’Iran. J’aimerais cependant savoir quelle position le Gouvernement entend prendre face à la nouvelle donne que constitue l’ouverture amorcée par le président Rohani et qui est si importante pour la stabilité de toute la région. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Christian Cambon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Madame la sénatrice, incontestablement, il y a un changement de ton depuis l’élection du président Rohani. Nous attendons que ce changement de ton se traduise par un changement de fond.
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Laurent Fabius, ministre. Des réunions intéressantes se sont tenues hier et avant-hier à Genève. Les problèmes relatifs au nucléaire ont été abordés. Tout a été discuté. Une nouvelle réunion aura lieu les 7 et 8 novembre prochain. Il est trop tôt pour tirer des conclusions, d’autant que le comportement de l’Iran ces dernières années – le Guide est resté le même – nous incite à ce que j’appellerais une ouverture prudente.
Je vous ai bien entendue, madame la sénatrice. Il ne faudrait pas que des initiatives individuelles contredisent ce qui est la position générale de la France. Chacun comprendra ce que je veux dire…
Nous suivons ce dossier avec beaucoup d’attention. La France est une puissance de paix, mais elle a une longue expérience et ne confond pas l’apparence avec la réalité. Croyez que, dans le dialogue qui s’est installé entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne, d'une part, et l’Iran, d'autre part, la France tiendra totalement son rôle. À cet égard, je rappelle que le Président de la République est le premier chef d’un grand État occidental à avoir rencontré le président Rohani. J’ai moi-même eu différents contacts avec mon homologue iranien.
Madame la sénatrice, je vous confirme que le gouvernement français défendra les intérêts de la France, de la communauté internationale et de la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)
déplacement du président de la république en afrique du sud
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Je suis désolé de vous interroger aussi souvent, monsieur le ministre, mais, comme vous le savez, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées suit avec attention l’évolution de la présence de la France en Afrique. Elle a d'ailleurs constitué un groupe de travail sur ce thème, qui devrait prochainement publier le résultat de ses travaux, afin de contribuer à la préparation du sommet de l’Élysée au mois de décembre prochain.
Monsieur le ministre, vous revenez d’Afrique du Sud où vous avez accompagné le Président de la République. Pouvez-vous nous dresser le bilan de cette visite d’État dans un pays qui est un acteur majeur du continent africain ? L’un des objectifs de cette visite était le renouvellement de notre partenariat politique, qui porte notamment sur la gestion des crises en Afrique. Je pense évidemment au Mali, à Madagascar et, surtout, à la situation en Centrafrique.
Ma question est double : quel bilan dressez-vous de cette visite en Afrique du Sud et que pouvez-vous nous dire de la position de la France sur la situation en Centrafrique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre Charon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Carrère, je réponds toujours avec beaucoup de plaisir et d’intérêt aux questions posées par les sénateurs, aux vôtres en particulier. (Exclamations amusées.)
Mme Catherine Procaccia. Flatteur !
M. Roger Karoutchi. Habile… (Sourires.)
M. Laurent Fabius, ministre. Je ne répondrai qu’à la première partie de votre question – j’espère que vous m’en excuserez –, car une question sur la Centrafrique me sera posée tout à l’heure.
Le Président de la République a effectué une visite d’État en Afrique du Sud que nous estimons très réussie.
L’Afrique du Sud est un pays extrêmement important non seulement en soi, puisqu’il compte plus de 50 millions d’habitants, mais aussi au regard de la position qu’il occupe au sein tant du continent africain que de la communauté mondiale. Il ne faut pas oublier que le S de l’acronyme BRICS correspond à South Africa.
Nous avons abordé tous les sujets.
Sur le plan politique, le partenariat stratégique, qui correspond tout à fait aux attentes de l’Afrique du Sud et aux nôtres, a été puissamment renouvelé et, à l’occasion de cette visite, le président Zuma a montré à l’égard de la France des attentions toutes particulières.
Sur le plan économique, le bilan de la visite est excellent. Notre grande entreprise Alsthom a ainsi signé le plus grand contrat qu’elle ait jamais conclu, ce qui créera des emplois tant en Afrique du Sud qu’en France. Celui-ci prévoit aussi un volet de formation professionnelle à laquelle les Sud-Africains sont, à juste titre, très attachés.
Sur le plan culturel, tout va bien. Les Saisons croisées, auxquelles nombre de sénateurs sont associés, remportent un franc succès.
Enfin, nous avons parlé de l’ensemble de l’Afrique. Le président Zuma a insisté sur un point que nous partageons totalement : au-delà des affinités francophones, anglophones ou lusophones, l’Afrique est une unité dans sa diversité. Et le président sud-africain a reconnu que la France y avait toute sa place. C’est ainsi que l’Afrique du Sud a apporté son soutien à notre action au Mali. Nous avons également évoqué la Centrafrique. Le président Zuma a accepté officiellement l’invitation du Président de la République au sommet de l’Élysée qui doit se tenir au début du mois de décembre prochain. À cette occasion, nous parlerons avec les Africains de la façon d’assurer leur sécurité.
Cette visite a donc été très positive ; elle fut en même temps émouvante, compte tenu du souvenir de l’Apartheid dont ce pays a su se libérer. Hommage a ainsi été rendu à Nelson Mandela. On peut dire que l’Afrique du Sud et la France sont des pays amis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE – MM. Jean-Claude Lenoir et Robert del Picchia applaudissent également.)
lampedusa
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question s’adresse également à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Quel succès !
Mme Kalliopi Ango Ela. Elle porte sur le drame du naufrage de Lampedusa, survenu le 3 octobre dernier. Plus largement, puisque l’on ne découvre malheureusement pas ces tragédies, elle concerne la nécessaire prise de conscience qu’il nous appartient d’avoir, après qu’environ 400 personnes ont encore trouvé la mort en mer Méditerranée, augmentant ainsi le déplorable et affligeant bilan de près de 25 000 décès depuis vingt ans dans des conditions similaires.
Dans une tribune intitulée « Lampedusa : l’Europe assassine », les responsables des plus grandes organisations de défense des droits humains concluent : « Non, le drame de Lampedusa n’est pas le fruit de la fatalité. Il n’est dû ni aux passeurs voraces ni aux pêcheurs indifférents. Les morts de Lampedusa, comme ceux d’hier et de demain, sont les victimes d’une Europe enfermée jusqu’à l’aveuglement dans une logique sécuritaire, qui a renoncé aux valeurs qu’elle prétend défendre. »
En effet, comme ont su l’affirmer récemment les écologistes au Parlement européen, il est désormais nécessaire « d’activer la directive sur la protection temporaire, de secourir les migrants en mer, de développer les programmes de réinstallation [et] de délivrer des visas humanitaires ».
Il me semble, en effet, qu’« organiser la mobilité » et « développer les canaux légaux de circulation » sont les seuls moyens de protéger les migrants.
Un sénateur du groupe UMP. Encore une minute !
Mme Kalliopi Ango Ela. Notre groupe l’a d’ailleurs rappelé, hier, au Sénat, à l’occasion du débat préalable au prochain Conseil européen.
Par ailleurs, le moment n’est-il pas venu de relancer le processus de Barcelone, à l’origine du partenariat Euromed, et de lui donner un nouveau souffle en invitant à une vision commune à l’échelon européen dans la résolution des conflits régionaux de la rive sud ? Cette solution passe évidemment par la reprise des négociations israélo-palestiniennes. N’est-ce pas le sens du rapport du 28 avril 2010 de M. Peillon ?
En outre, au lieu de tenter péniblement de cautériser les plaies et de contenir l’hémorragie avec des garrots nommés Frontex ou Eurosur, attelons-nous à en soigner la cause via un processus de prévention passant par le développement et la solidarité internationale, et en poursuivant notre action au sein du Partenariat de Deauville pour soutenir les pays arabes en transition et l’Afrique subsaharienne. Ce sont les termes et le sens de la décision n° 2 du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, du 31 juillet 2013 qu’il nous appartient désormais de réaliser. (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre Charon. Plus que trois secondes !
Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante (Ah ! sur les travées de l'UMP. – Mme Esther Benbassa proteste) : le Président de la République s’étant engagé, la semaine dernière, à « proposer une politique à nos partenaires qui s’articulerait autour d’un triptyque prévention, solidarité, protection », quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre afin de tenir cet engagement ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Madame la sénatrice, devant tous ces morts, je pense que sur toutes ces travées se ressent la même indignation que celle que vous venez d’exprimer.
Mme Éliane Assassi. Apparemment pas !
Mme Esther Benbassa. Manifestement non !
M. Laurent Fabius, ministre. La Méditerranée est devenue une espèce de cimetière à ciel ouvert et nous avons assisté à des scènes absolument épouvantables.
L’indignation est nécessaire, mais il faut maintenant passer à l’action. Vous y invitez non seulement le gouvernement français, mais aussi l’ensemble de l’Europe. Celle-ci s’articulera autour de deux axes, le développement et la protection.
Il faut déjà avoir à l’esprit que les migrants qui viennent en Europe ne le font pas par plaisir.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Laurent Fabius, ministre. Ils sont poussés par la faim et la misère, parfois par des régimes politiques abjects, comme en Érythrée.
Quelles que soient les mesures que l’on peut prendre, une mère qui sait que, en restant là où elle vit, ses enfants n’auront aucun avenir, voudra toujours s’en aller.
Une politique de développement est absolument fondamentale, personne dans cette enceinte ne peut le contester. Certains pays l’ont d’ailleurs pratiquée avec efficacité ; je pense notamment aux accords passés entre le Maroc et l’Espagne, mais aussi à d’autres initiatives ayant impliqué la France hier ou encore aujourd’hui.
En même temps, il faut des actions de protection. Madame la sénatrice, je suis moins sévère que vous sur un certain nombre d’instances que vous avez citées, même si elles sont insuffisamment dotées. Nous avons besoin que Frontex puisse jouer pleinement son rôle, ce qui n’est pas le cas à cause des restrictions budgétaires contre lesquelles vous vous êtes d’ailleurs à juste titre élevée.
Nous avons aussi besoin qu’Eurosur fasse son travail, car nous devons agir beaucoup plus efficacement contre les filières de passage, qui sont indispensables aux migrants et qui pratiquent des tarifs effrayants. Véritablement, on rançonne la misère humaine !
Le Président de la République, en liaison avec le président du Conseil italien, a proposé de mettre ce sujet à l’ordre du jour du prochain Conseil européen qui se tiendra à la fin du mois d’octobre. Nous y travaillons avec nos collègues de l’Europe du Sud. Un certain nombre de mesures ont déjà été esquissées ; elles seront précisées au cours de cette prochaine réunion.
Croyez bien que nous sommes décidés à agir dans ce sens. Tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous considérons que l’indignation est absolument nécessaire, mais qu’elle ne remplace pas l’action politique, qui nous appartient à tous, pour que ce scandale puisse enfin cesser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Hugues Portelli applaudit également.)
politique économique et de l'emploi
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Avant de poser ma question, je tiens à m’associer à l’émotion des jeunes qui manifestent cet après-midi pour l’arrêt des expulsions du territoire. Ne serait-ce qu’au nom des valeurs de gauche il faut entendre leur colère et, pour le moins, faire revenir au plus vite dans notre pays Léonarda, sa famille et le jeune Khatchik. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Roger Karoutchi. Sûrement pas !
Mme Éliane Assassi. J’en viens à ma question : 900 emplois sont supprimés à l’abattoir Gad dans le Finistère, 700 emplois le seront d’ici à la fin de l’année 2015 chez Natixis, 1 000 emplois sont menacés chez Alcatel.
Après PSA, Goodyear, Heuliez, Sanofi et Florange, c’est l’économie de notre pays, en particulier dans des régions comme la Bretagne, qui est visée en plein cœur.
Nous sommes bien loin de la « nouvelle France industrielle » que vous prônez, monsieur le ministre !
Il n’y a pas de fatalité devant une telle situation, mais le choix de l’austérité a été fait.
Cette austérité a un autre nom dans le domaine des finances publiques : réduction des services publics et des prestations sociales. C’est elle qui entraîne la baisse du pouvoir d’achat.
Cette austérité a un autre nom dans l’entreprise privée : réduction du coût du travail. En clair, il s’agit de préserver ou d’accroître les profits en licenciant et en bafouant le droit du travail.
Cette politique, monsieur le ministre, n’est pas conforme aux engagements de la campagne présidentielle. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Ah bon ? Alors ça !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous n’avez pas fait mieux !
Mme Éliane Assassi. Cette politique est un non-sens pour l’intérêt général. Elle ne peut plus durer, car elle a assez duré.
La gauche, si elle veut rester la gauche, ne peut valider plus longtemps des choix qui doivent avouer leur nom : ce sont des choix libéraux soumis à l’ordre libéral européen.
Monsieur le ministre, il faut aujourd’hui avoir le courage de faire un constat lucide : ce sont la colère, le désarroi, le fatalisme qui montent dans le pays ! Un vent mauvais se lève, qui apporte populisme ou xénophobie. Ce sentiment monte, car les conditions de vie de notre peuple se dégradent de mois en mois.
Nous vous l’avons déjà dit l’année dernière : en ratifiant le traité budgétaire européen, en cassant le droit du travail avec l’ANI ou en multipliant les cadeaux inefficaces aux entreprises, comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, vous faites fausse route.
Le courage, monsieur le ministre, c’est de faire la politique pour laquelle vous avez été élu : mettre un coup d’arrêt aux licenciements en interdisant les licenciements boursiers et non en accompagnant les suppressions d’emplois, diriger de manière réelle et efficace l’argent de notre pays, qui compte le plus de millionnaires en Europe, vers l’emploi.
M. Jean Bizet. Il n’y en a pas assez !
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, c’est non pas le coût du travail, mais le coût du capital qui ruine la France. Êtes-vous prêt à accepter la solution du partage des richesses et celle de la réduction des inégalités ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la sénatrice, notre appareil productif a subi des pertes de compétitivité. Les coûts de production sont trop élevés, qu’il s’agisse de ceux de l’énergie, du travail ou du capital – on ne peut nier ce dernier problème.
Face à ces difficultés, quelle est la stratégie du Gouvernement ?
M. Jean-Vincent Placé. Il n’y en a pas !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Tout d’abord, nous nous efforçons d’endiguer les pertes d’emplois. Partout sur nos territoires, nous essayons de conserver du mieux possible nos outils industriels, nos savoir-faire technologiques et humains.
Mme Éliane Assassi. Cela ne marche pas !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Évidemment, il y a des échecs, mais il y a aussi des succès. Et c’est d’eux que je souhaite vous parler.
Hier, nous avons sauvé en Alsace une entreprise importante, Clestra, qui fabrique des cloisons amovibles. Celle-ci était en cessation de paiement, ce qui faisait peser une menace sur 400 salariés. Elle vient d’être reprise et la totalité des emplois ont été sauvés. Voilà un dossier où la mobilisation de toutes les forces a permis de sauver un outil industriel ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Avant-hier, Volvo Trucks – ce n’est pas rien ! –, qui fabrique des camions sur le territoire national, a annoncé avoir décidé, dans le cadre de sa restructuration européenne, de maintenir l’usine de Blainville-sur-Orne, en Normandie, qui était menacée. Nous avons remercié cette entreprise d’avoir fait le choix de la France, malheureusement au détriment d’autres territoires européens, préservant ainsi 400 salariés.
Mme Éliane Assassi. Tant pis pour Alcatel, Gad, Florange, PSA…
M. Arnaud Montebourg, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous battons partout avec vous, les élus – et je vous en remercie –, et les commissaires au redressement productif. Il arrive toutefois que nous ne puissions pas faire face.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué les coûts de production, la compétitivité : nous avons décidé d’affronter cette réalité. Oui, nous sommes attaqués par une compétition déloyale, y compris à l’intérieur de l’Union européenne, ce qui donne lieu à des batailles politiques menées par le Gouvernement au sein des instances européennes.
M. Christian Poncelet. C’est vrai !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous ne nous contentons pas de dire que les autres sont déloyaux ; nous prenons aussi notre part de responsabilité. C’est pourquoi nous avons décidé de créer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Mme Éliane Assassi. Cela ne marche pas !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Il démarre le 1er janvier 2014, vous ne pouvez donc pas dire cela ! Nous l’évaluerons ensemble ; un certain nombre de débats utiles ont déjà eu lieu sur ce sujet.
Rendez-vous compte ! Le CICE représente pour les entreprises une réduction des coûts de production équivalant à 6 % de la masse salariale et il concerne toute l’économie ! Il s’agit d’un effort historique sans précédent pour aider les entreprises à retrouver de l’oxygène, réinvestir, se sortir de mauvaises passes.
Nous faisons aussi le choix, dans le cadre de la transition énergétique, de modérer le prix de l’énergie pour l’industrie.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Enfin, puisque vous parlez du coût du capital, sachez que la Banque publique d’investissement a été spécialement créée pour modérer le coût de l’accès au crédit…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
Mme Éliane Assassi. Cela ne marche pas !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Sur tous ces fronts, nous nous battons et nous sollicitons votre soutien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Robert del Picchia et Christian Poncelet applaudissent également.)
baby loup et observatoire de la laïcité
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
La laïcité est chère aux membres du groupe du RDSE et à la famille politique des radicaux à laquelle j’appartiens. Pour nous, elle n’est certainement pas liberticide ; au contraire, elle est émancipatrice.
Aujourd’hui, la bataille judiciaire, j’ai envie de dire le « feuilleton judiciaire », autour de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes et du licenciement de l’une de ses employées en raison du non-respect du règlement intérieur a connu un nouvel épisode : la cour d’appel de Paris a renvoyé ce matin son jugement définitif au 27 novembre 2013. Sans entrer dans des polémiques, nous ne pouvons oublier cette crèche, l’excellence reconnue de son travail et son combat militant en faveur du principe républicain de la laïcité.
Cette affaire nous oblige tous à nous interroger, parlementaires, élus et membres du Gouvernement : dans notre République, il serait possible de créer une crèche confessionnelle, comme il en existe déjà, mais pas une crèche clairement laïque ?
Au-delà de ce cas bien particulier, la question qui se pose est une question politique d’intérêt général : faut-il, oui ou non, étendre la neutralité religieuse aux crèches collectives de type associatif, familial ou encore entrepreneurial, qui s’occupent des enfants de moins de trois ans ? Le 28 mars 2013, le Président de la République a répondu à cette question par l’affirmative lors d’une interview télévisée devant les Français.
Alors que les enfants sont protégés contre toute forme de prosélytisme à l’école, ils ne pourraient pas l’être dans les crèches collectives privées qui touchent des subventions publiques ?
Comme vous le savez, sur cette question précise de l’accueil collectif des petits enfants, les membres de mon groupe et moi-même préférons l’option législative : c’est à la loi de la République et aux parlementaires de trancher cette question ! La proposition de loi que nous avions déposée et qui a été adoptée par le Sénat le 17 janvier 2012 apporte une réponse et constitue une base de travail que la navette parlementaire pourrait améliorer.
Très récemment, l’Observatoire de la laïcité, dont je suis membre, a préconisé, quant à lui, le recours à une circulaire interministérielle plutôt qu’à la loi. Cette circulaire devrait donner « des outils permettant aux crèches […] d’édicter […] des règlements intérieurs limitant l’expression religieuse […] de leurs salariés ». Les membres de mon groupe et moi-même ne partageons pas cette position et, comme d’autres membres de l’Observatoire, je n’ai pas approuvé cet avis, car l’absence de cadre législatif laisserait une trop large place à l’interprétation.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Allez-vous renoncer à légiférer sur cette question ou bien, comme l’a annoncé le Président de la République, le Gouvernement va-t-il prochainement soumettre un projet de loi au Parlement pour mettre un terme définitif à cet imbroglio judiciaire et, surtout, permettre l’application pleine et entière du principe de laïcité ? (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, en installant l’Observatoire de la laïcité, le 8 avril 2013, le Président de la République lui a demandé d’éclairer le Gouvernement sur l’encadrement du fait religieux dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants, telles que la crèche Baby Loup que vous venez de citer.
Cette approche objective et transpartisane était indispensable. La laïcité est en effet l’un des fondements de notre pacte républicain, j’ai envie de dire qu’elle en est même le fondement. Elle est profondément ancrée dans l’histoire de notre pays, mais elle est trop souvent instrumentalisée dans le débat politique.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il paraissait essentiel d’instaurer les conditions d’un dialogue apaisé et constructif sur ces questions lourdes et complexes. Le Gouvernement se réjouit donc du travail considérable accompli par l’Observatoire de la laïcité depuis le mois d’avril dernier et tient à remercier son président, M. Jean-Louis Bianco, ainsi que l’ensemble de ses membres de leur contribution à ce débat.
Au terme d’une analyse juridique, l’avis rendu par l’Observatoire précise que le droit actuel permet de répondre aux interrogations posées.
En ce qui concerne le service public, l’Observatoire de la laïcité rappelle que l’obligation de neutralité s’impose à tous les agents. Afin que ces règles soient respectées et mieux comprises, l’Observatoire recommande que les administrations publiques élaborent des chartes de la laïcité, sur le modèle de la charte de la laïcité à l’école, adoptée au mois de septembre dernier.
En ce qui concerne le secteur privé et, plus généralement, le monde du travail, puisque la question distinguait les deux situations, l’Observatoire suggère qu’une circulaire gouvernementale rappelle le cadre dans lequel un employeur peut restreindre l’expression religieuse et le port de certaines tenues vestimentaires. Ces restrictions pourraient faire l’objet de guides labellisés par l’Observatoire lui-même.
Il faut rappeler, car vous avez omis cette précision, madame la sénatrice, que, dans les situations du type de celle de la crèche Baby Loup, l’Observatoire de la laïcité recommande aux autorités publiques concernées de recourir plus largement à la délégation de service public, quand la crèche ne souhaite pas modifier son règlement intérieur.
Conformément à sa volonté initiale, confortée par cet avis de l’Observatoire de la laïcité, le Gouvernement va poursuivre sa réflexion dans un esprit d’apaisement et de responsabilité, dans le souci constant du respect des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Les négociations communautaires sur la politique agricole commune sont maintenant terminées et, contrairement à ce que le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, aviez toujours soutenu, les crédits accusent une forte baisse, 49 milliards d’euros dans le cadre financier pluriannuel, soit 1 milliard d’euros de moins par an pour la France.
Il s’agit maintenant de décider des règles de répartition nationales, concernant en particulier les 7,5 milliards d’euros d’aides directes.
Il ne faut pas fragiliser notre agriculture. Il convient au contraire de rappeler que l’agriculture est d’abord une activité de production et que la compétitivité de l’agriculture est un objectif en soi.
Or, en choisissant de surdoter les 52 premiers hectares des exploitations, vous faites exactement l’inverse et vous déséquilibrez l’ensemble de l’agriculture française, face à nos principaux partenaires, dont l’Allemagne. Loin de moi l’idée d’opposer les uns aux autres, les différents types d’exploitation, les filières ou les producteurs. Il s’agit simplement de dire que la baisse des concours publics à l’agriculture – c’est un fait ! – nous oblige à repenser notre modèle d’intervention, afin de garantir la pérennité de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire en termes d’efficacité et de compétitivité.
Monsieur le ministre, nous craignons que vos choix ne finissent par faire perdre sa vocation économique au premier pilier de la PAC. La prime aux 52 premiers hectares en est l’illustration parfaite. Unique en Europe, puisqu’elle résulte d’une décision franco-française, elle ne répond pas aux attentes des producteurs de lait, notamment de l’ouest ; elle ne résoudra pas les difficultés de l’élevage ; enfin, pour les céréaliers notamment, elle provoquera des distorsions de concurrence évaluées à plus de 100 euros par hectare.
Monsieur le ministre, quelle est donc votre conception de l’agriculture française ? Quand allez-vous sortir de la logique de la subvention pour entrer dans celle de la production et de la compétitivité d’un secteur clef de notre économie ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, je note tout d’abord une contradiction dans votre propos : vous avez parlé tout d’abord d’aides et, ensuite, de subventions. Il faudrait savoir !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Que l’agriculture n’ait pas besoin d’aides ou de subventions, c’est un sujet dont on peut discuter…
M. Jean-Claude Lenoir. Il y a d’autres aides que les subventions !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ensuite, et contrairement à ce que vous avez affirmé, la surmajoration des premiers hectares sera appliquée par d’autres pays européens. Vous avez cité l’Allemagne parmi les pays qui s’y refusaient : pas de chance, l’Allemagne va mettre en place des paiements redistributifs !
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Enfin, quelle est ma vision de l’agriculture dans les années qui viennent ? Il s’agit d’un vrai débat entre nous.
Vous venez du département de la Manche où les producteurs de lait sont souvent organisés en groupements agricoles d’exploitation en commun, ou GAEC. Prenons l’exemple de ces GAEC qui sont soumis à des quotas de production tournant autour de 700 000 litres à 800 000 litres et regroupent en moyenne trois associés : si je ne surdote pas les premiers hectares en rapport avec le nombre d’agriculteurs et de chefs d’exploitation de ces GAEC, je prends le risque de voir, demain, l’agriculture se faire sans agriculteurs ! Mon projet est de faire l’agriculture avec des agriculteurs, des éleveurs et des paysans. C’est peut-être cela qui nous différencie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Quant à la compétitivité de l’agriculture, réfléchissez deux fois avant d’en parler comme vous le faites. Celle-ci dépend de la compétitivité des hommes et des femmes qui y travaillent !
Comme Laurent Fabius, j’ai accompagné le Président de la République en Afrique du Sud. J’ai pu m’entretenir avec le directeur général de Danone-Sud Afrique, dont les compétences s’étendent au-delà de l’Afrique du Sud, et qui contrôle 45 % du marché du lait dans la région. J’ai fait le constat suivant, lorsque je l’ai interrogé sur ses approvisionnements : les fermes regroupent de 5 000 vaches à 10 000 vaches, mais le litre de lait est payé 42 centimes d’euro au producteur, c’est-à-dire, avec cette organisation de production, à un prix supérieur à celui de notre production en Europe !
Par conséquent, l’organisation de la production laitière et la productivité du travail des agriculteurs sont des éléments de la compétitivité, monsieur le sénateur. Surprimer les premiers hectares, c’est assurer à notre agriculture sa compétitivité, sa diversité et surtout l’avenir de ses agriculteurs, cultivateurs et éleveurs ! Contrairement à vous, avec cette surdotation, je n’oppose pas l’organisation de l’agriculture à sa compétitivité, car les deux sont parfaitement liées. Tel est le projet que je défends ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
industrie
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif et porte sur la situation de l’emploi industriel en France.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, notre pays connaît malheureusement, depuis des années, une désindustrialisation qui a lourdement pesé sur les grands équilibres sociaux et économiques. Depuis plus de dix ans, la compétitivité de l’industrie n’a cessé de faiblir.
Au cours des dix dernières années, notre pays aura perdu 740 000 emplois dans le secteur de l’industrie ; depuis 2009, 1 300 petites entreprises, qui faisaient notre tissu industriel, ont disparu. Les délocalisations provoquées par cette baisse de la compétitivité ont contribué à ce recul qui participe au déficit de l’État.
L’habillement et l’automobile sont très concernés par les délocalisations. Dans mon département, l’entreprise Virtuose, dont la liquidation judiciaire a été prononcée au mois d’avril dernier, illustre très bien ce phénomène et le drame de l’industrie française. Malgré un projet de reprise ambitieux et en dépit de la crédibilité du repreneur, la justice commerciale a ordonné la vente aux enchères des machines. Celle-ci a pu être reportée grâce à la mobilisation des salariés et des élus.
Comment accepter que notre outil industriel soit transféré dans des pays où le développement durable ou encore le droit social ne sont pas, ou très peu, respectés ? Ce phénomène amoindrit nos savoir-faire et notre capacité d’initiative.
L’exemple de Virtuose pose le problème de la rémunération des mandataires liquidateurs qui œuvrent à l’encontre de l’emploi et du dynamisme des territoires, condamnant progressivement la filière textile.
Le sort de l’entreprise Virtuose – avec elle, celui de l’industrie textile en France – est d’autant moins acceptable que l’on observe un regain d’intérêt pour le made in France, que vous défendez par ailleurs, monsieur le ministre. Ce regain d’intérêt est d’autant plus justifié que l’on observe, face à la nocivité constatée de certains produits low cost, une volonté de nombreuses marques de retourner vers des productions plus soucieuses de la santé des consommateurs : vers le made in France, par exemple !
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : face à cette désindustrialisation persistante, quelles sont les mesures d’urgence que le Gouvernement entend prendre pour soutenir l’activité industrielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la sénatrice, vous avez cité l’exemple d’une entreprise textile, l’une des dernières à fabriquer dans notre pays des chemises pour la mode masculine ; ce dossier est suivi par le commissaire au redressement productif de l’Alsace, M. Muller.
Nous avons pu en effet observer cette particularité. Pour une fois qu’un repreneur s’intéressait à une entreprise en faillite, le tribunal de commerce, plutôt que de donner sa chance à ce repreneur, a décidé de disperser aux enchères les actifs de cette entreprise, après avoir sollicité l’assurance de garantie des salaires pour verser leur dû aux salariés licenciés !
Cette curiosité m’a amené à réagir auprès du procureur général, en lui demandant de ne pas seulement faire du droit, mais aussi de se préoccuper d’économie. Celui-ci a défendu sa position et nous avons ainsi mené un débat entre l’institution indépendante qu’est la justice et l’institution souveraine qu’est le Gouvernement.
Cela a provoqué, comme vous venez de le signaler, une certaine mobilisation sur le terrain, laquelle montre la nécessité de réformer la justice commerciale. Les honoraires des mandataires liquidateurs font l’objet d’une étude de réforme par la Chancellerie, projet conduit par Mme Christiane Taubira. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Les commissaires au redressement productif sont maintenant présents dans les procédures des faillites et les procédures collectives. Cela ne signifie pas que nous sommes entendus ! (Mme Catherine Procaccia rit.) C’est dans ce cadre que notre représentant a imploré le parquet et le tribunal de bien vouloir donner sa chance au repreneur.
Je souhaite élargir le propos pour répondre à votre interrogation : que faire pour soutenir notre industrie ? Vous l’avez mesuré, cela commence par conserver le plus possible de ce que nous avons, cela continue par rapatrier ce que nous avons perdu, cela se termine par créer ce que nous n’avons pas.
Rapatrier ce que nous avons perdu s’inscrit dans l’action engagée en faveur des relocalisations. Je signale, à ce propos, l’émergence d’un mouvement, minoritaire, certes, mais néanmoins prometteur : il concerne un grand nombre d’entreprises, petites, moyennes ou grandes, qui refont leurs calculs après la vague de délocalisations et commencent à imaginer qu’elles peuvent produire en France.
D’ailleurs, la qualité est au rendez-vous, donnant ainsi satisfaction au consommateur. Vous avez raison de le signaler, madame la sénatrice, les consommateurs se mobilisent à leur tour et réclament maintenant le made in France. Une sorte d’alliance est finalement en train de se constituer entre producteurs et consommateurs pour reconstruire, avec nous tous, l’industrie française.
J’en viens au point le plus important : créer ce que nous n’avons pas. Le Président de la République a annoncé 34 plans industriels que nous avons élaborés à partir de projets des filières industrielles. Ainsi, nous avons un plan pour les textiles innovants, techniques et intelligents, qui conduira la filière textile à se rénover, à innover avec l’aide de l’investissement privé, de la Banque publique d’investissement et du grand emprunt.
Bref, c’est une mobilisation nationale de l’ensemble des forces productives autour de la nouvelle industrie, de la nouvelle France industrielle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
autonomie
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Madame la ministre, je souhaite que ma question – et, surtout, votre réponse – contribue à la visibilité des nouvelles politiques sociales menées en France depuis 2012. Elle revêt une acuité particulière dans un contexte européen et international qui a fait de ces politiques la véritable variable d’ajustement des budgets de crise, précarisant encore plus les populations.
À l’inverse de ce mouvement, qui assimile souvent la protection sociale à l’assistanat, ignore la solidarité et tend à mépriser celles et ceux qui y ont recours, le Gouvernement s’attache à pérenniser la couverture des régimes de base sans plus recourir aux déremboursements ni aux franchises. Il s’emploie à garantir un financement pérenne et juste des retraites qui ne confond pas invalidité et pénibilité. Plus largement, il cherche aussi à construire un avenir en élaborant une stratégie nationale de santé que déclinera le prochain projet de loi de santé publique.
M. Philippe Dallier. Tout va bien !
M. Yves Daudigny. Dans la même perspective sur le long terme, le Gouvernement s’engage pour l’adaptation de la société au vieillissement dans un projet de loi qui prendra en compte toutes les dimensions de la révolution de l’âge. Dans ce domaine, les attentes sont extrêmement fortes. Je pense, en particulier, aux aidants – familles ou amis – des personnes en perte d’autonomie, je pense aussi au poids du « reste à charge » en établissement.
Madame la ministre, vous avez déjà beaucoup œuvré pour une reconsidération des personnes âgées dans notre société. Je citerai, à titre d’exemples, le lancement de filières de la silver economy, source incontestée de croissance et d’emplois, et le projet MONALISA, dont l’objet est de créer des équipes citoyennes de mobilisation nationale pour lutter contre l’isolement social des âgés.
Madame la ministre, comment envisagez-vous la prise en compte de ces multiples problématiques dans les textes qui seront prochainement soumis à notre examen ?
Je sais d’expérience que, dès que l’on s’occupe concrètement de mise en œuvre sur le terrain, les effets d’annonce et les simplismes ne valent plus. Je sais aussi que les élus locaux, dont je suis, se retrouvent souvent d’accord à ce stade, particulièrement dans le domaine médico-social. Mes chers collègues de l’opposition, ceux avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger de manière constructive ne me contrediront pas.
Nous sommes donc une large majorité, madame la ministre, à vous écouter avec intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, vous avez raison.
M. Philippe Dallier. Cela commence bien ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. L’annonce faite par le Premier ministre, il y a quelques jours, du projet de loi Autonomie marque une véritable ambition sociale. C’est une bonne nouvelle pour 100 % des familles françaises !
Ainsi, moins de dix-huit mois après notre arrivée aux affaires, la loi si longtemps attendue, si souvent promise, a aujourd’hui un agenda, une structure et une ambition nettement posée.
Ce texte a d’abord un agenda, puisque la concertation officielle, en particulier avec les départements, s’ouvrira dès le mois de novembre prochain. Il sera examiné au cours de l’année 2014 par le Parlement et entrera en application le 1er janvier 2015.
Ce texte a ensuite une structure, puisqu’il couvrira, vous l’avez dit, monsieur le sénateur, tout le champ de l’avancée en âge et comportera deux volets.
Le premier volet porte sur la prévention et sera le moteur de ce texte, car il ne suffit pas de pallier les effets de l’allongement de la vie et du vieillissement. Le second volet, très important, concerne l’adaptation de notre société au défi de la longévité, notamment par le biais d’aménagements des logements. Nous proposerons ainsi des mesures pour faciliter l’accès aux aides techniques, en particulier à la domotique, qui constitueront, je le précise, un levier fort pour la silver economy que vous avez saluée. Des dispositions relatives à l’urbanisme et aux déplacements entreront dans le champ d’application de ce texte.
Ce texte porte, enfin, une ambition, l’accompagnement de la perte d’autonomie, et sera centré sur le domicile. En effet, s’il est un point sur lequel 100 % des Français s’accordent – peut-être est-ce le seul d’ailleurs ! –, c’est bien sur le fait de vouloir vieillir autonomes et à domicile.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Cela passe par une refondation de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, à domicile et par une amélioration des aides pour permettre aux âgés de demeurer à leur domicile.
Ces personnes ont bien souvent besoin de leurs aidants proches et familiaux.
Mme Laurence Rossignol. Ce sont surtout des aidantes !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Ceux-ci seront également concernés par ce projet de loi. Nous proposerons en particulier la création d’un droit au répit pour les préserver de l’épuisement. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Comme le Président de la République l’a annoncé, ce texte prendra effet en deux temps. L’accueil des personnes âgées en établissement sera abordé à l’occasion d’un second temps législatif, lorsque le Parlement examinera la refondation du financement de la protection sociale.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Nous serons donc au rendez-vous pour relever le défi démographique et faire en sorte que les trente années de vie que le XXe siècle nous a données au sortir du monde du travail soient non pas simplement une vie à occuper, voire à supporter, mais une vie à accomplir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
centrafrique
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Au printemps 2013, le régime du général François Bozizé, président de la République centrafricaine, s’est effondré sous les coups d’une rébellion dite « Séléka ».
Bangui, la capitale, a été pillée, ainsi que les principales villes de province. Les morts, les viols ont été nombreux.
La communauté internationale n’a guère réagi à cette situation, se limitant à offrir son soutien à un Premier ministre sans réelle autorité sur les forces de la Séléka.
Quant à la France, qui maintient des soldats à l’aéroport de Bangui, elle n’a pas voulu s’impliquer a priori dans ce conflit interne – on peut le comprendre – et elle s’est limitée à assurer la sécurité de ses ressortissants.
Peut-on pour autant se contenter de cette situation attentiste ? Je ne le crois pas. L’État centrafricain a implosé. Il ne contrôle plus son territoire vers lequel convergent des pillards venus du Tchad, du Soudan, en particulier du Darfour. Des heurts à caractère religieux se produisent dans un pays jusqu’à présent tolérant.
La disette menace, car, dans la brousse où la sécurité n’est plus assurée, les paysans n’osent plus ensemencer leurs champs.
Ne nous y trompons pas ! Si la communauté internationale continue à se désintéresser de ce drame, un territoire de 600 000 kilomètres carrés, peuplé de 4,5 millions d’habitants, frontalier de pays fragiles – la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud –, peut devenir, à son tour, le sanctuaire de tous les trafics et de tous les fanatismes.
Je connais bien la République centrafricaine pour y avoir enseigné, jadis, en tant que coopérant. Si le peuple centrafricain a toujours beaucoup, voire trop attendu de la France, il est francophile et nous avons un devoir d’aide à son égard. Ce pays fut, je le rappelle, l’un des premiers à rallier la France libre.
Aujourd’hui, ce peuple nous demande de l’aider à rétablir son État, à retrouver la paix, à choisir librement, par des élections loyales, ses dirigeants et son destin.
Bien évidemment, cette mission ne peut pas être celle de la France seule. Il faut un mandat de l’ONU, il faut agir avec l’Union africaine, mais il y a urgence.
Monsieur le ministre, quel concours la France entend-elle apporter au retour de la paix en République centrafricaine ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Cher monsieur Legendre, il ne vous a certainement pas échappé que, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a centré l’essentiel du court propos qu’il a tenu devant l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement sur la République centrafricaine.
Il ne vous a pas échappé non plus que je me suis rendu dimanche dernier à Bangui, en tant que ministre des affaires étrangères du gouvernement français, accompagné de la commissaire européenne à la coopération internationale, l’aide humanitaire et la réaction aux crises, pour évoquer les sujets que vous avez mentionnés.
Les trois initiales de la République centrafricaine sont RCA. Le problème est que ce A signifie aujourd’hui « abandon ».
La République centrafricaine est un pays de 4,8 millions d’habitants, dont 10 % sont déplacés, et qui connaît une mortalité infantile de plus de 10 %. Dans la capitale, Bangui, la sécurité est plus ou moins assurée grâce à la présence de troupes françaises, mais le reste du pays est ravagé par des bandes armées.
Alors que personne ne s’y intéressait, la France a décidé, parce que c’est sa mission, de sonner l’alarme sur la situation de ce territoire qui, comme son nom l’indique, se trouve au centre de l’Afrique.
Il est nécessaire, à cet égard, de mener une réflexion de bon sens : on ne peut pas prétendre porter attention à l’Afrique, continent d’avenir, sans porter attention et appui au centre de l’Afrique, c’est-à-dire à la République centrafricaine.
On peut schématiser ce sujet en distinguant trois grandes préoccupations.
La première préoccupation concerne la sécurité.
Dans les provinces, la situation est effrayante ; vous l’avez décrite en quelques mots, monsieur le sénateur. Pour la première fois dans l’histoire de la Centrafrique, des conflits d’ordre religieux ont éclaté entre les chrétiens, qui sont majoritaires, et les musulmans. J’ai rencontré, dimanche dernier, les chefs des trois principales religions, catholique, protestante et musulmane. Ils désapprouvent totalement ces conflits internes, qu’ils constatent, condamnent et déplorent.
Se greffe sur cette situation la coalition Séléka, qui a été dissoute par M. Michel Djotodia, chef de l’État de la transition, qui n’est pas reconnu par la communauté internationale. Les membres de cette coalition, qui ne touchent plus leur solde depuis quatre mois, à l’instar des fonctionnaires qui ne perçoivent pas leur salaire, pour une part, vont revenir à la vie civile, pour l’autre part, doivent être intégrés dans l’armée. Vous voyez les problèmes que cela peut poser...
Les quatre pays limitrophes de la République centrafricaine – le Tchad, le Congo, le Cameroun, le Gabon – ont envoyé des troupes qui comptent aujourd’hui 2 100 hommes, dont l’effectif s’élèvera à bientôt 3 500 soldats, réunies au sein de la Mission internationale de soutien en Centrafrique sous conduite africaine, la MISCA. La France, dont le contingent sur place est de 410 hommes, envisage de renforcer celui-ci en cas de nécessité.
Vous n’avez pas eu le temps de rappeler, monsieur Legendre, que notre pays a obtenu du Conseil de sécurité des Nations unies une résolution, adoptée à l’unanimité, qui fait obligation au Secrétaire général des Nations unies de présenter un rapport dans un délai de trente jours. Une deuxième résolution, qui suivra, donnera mandat à la MISCA ainsi qu’à la France pour intervenir plus largement. Enfin, une troisième résolution sera prise au printemps prochain, en vue d’une éventuelle opération de maintien de la paix.
La sécurité, qui est notre objectif majeur, est donc assurée, à la fois, par les quatre pays agissant au nom de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, la CEEAC, en liaison avec l’Union africaine, et par la France.
La deuxième préoccupation est humanitaire.
De ce point de vue, la situation, que je vous ai décrite, est abominable. L’Europe, la France, la communauté internationale et la conférence des donateurs doivent, par leur action, permettre des avancées.
La troisième préoccupation est d’ordre politique.
Des élections doivent avoir lieu, au plus tard au mois de février 2015. Or il n’y a plus d’état civil dans ce pays ! Par ailleurs, un référendum doit être organisé avant cette date en vue de l’adoption de la Constitution. Il faut donc que se mette en place un régime démocratique, alors même que les deux principaux responsables politiques, M. Djotodia et son Premier ministre, n’ont pas le droit de se présenter à ces élections et ne le feront pas, comme ils l’ont confirmé devant les représentants des Nations unies.
En bref, tout reste à faire.
Nous allons en discuter avec M. Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine, et les responsables des quatre pays limitrophes de la République centrafricaine, que je tiens étroitement au courant.
La France fera son devoir.
Telle est notre position : sans nous substituer aux Africains – j’y insiste –, nous voulons attirer l’attention de la communauté internationale sur ce conflit qui peut se révéler gravissime, agir en mobilisant à la fois l’Europe, la communauté internationale et l’ensemble de l’Afrique, et apporter à nos amis africains le soutien qu’ils méritent.
Je vous le dis, monsieur le sénateur, comme je l’ai dit aux Centrafricains : la France ne laissera pas tomber la République centrafricaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 15 octobre 2013, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune, inscrit à l’ordre du jour du lundi 21 octobre 2013, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé, avant dix-sept heures, le vendredi 18 octobre.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
5
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 17 octobre 2013, le Gouvernement a demandé d’intervertir l’ordre d’examen des projets de loi inscrits à l’ordre du jour de la séance du lundi 21 octobre 2013.
En conséquence, l’ordre du jour du lundi 21 octobre 2013 s’établit comme suit :
Lundi 21 octobre 2013
À 11 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit
- Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune.
6
Débat sur le marché du médicament et des produits de santé
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le marché du médicament et des produits de santé, à la demande du groupe du RDSE.
La parole est à M. Gilbert Barbier, au nom du groupe du RDSE.
M. Gilbert Barbier, au nom du groupe du RDSE. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays consomme trop et mal le médicament. C’est ce qui ressort du rapport qui vous a été remis le 16 septembre dernier, madame la ministre, par les professeurs Dominique Costagliola et Bernard Bégaud.
Ce constat n’est malheureusement pas nouveau. Depuis de nombreuses années et malgré quelques progrès, la France est l’un des pays développés ayant le plus fort taux de consommation de médicaments par habitant. Au hit-parade des médicaments consommés se trouvent, entre autres, antalgiques, antihypertenseurs, statines et anxiolytiques.
Ce pourrait être révélateur d’une meilleure prise en charge du patient, mais nombre d’indicateurs ne plaident pas forcément en faveur de cette hypothèse. D’ailleurs, le rapport Bégaud-Costagliola souligne aussi que notre pays est « celui dans lequel les prescriptions non conformes, qu’il s’agisse des recommandations d’autorisation de mise sur le marché, AMM, ou des données actualisées de la science semblent le plus fréquentes, si ce n’est banalisées ».
Je ne prendrai qu’un exemple. La consommation française de benzodiazépines est huit fois supérieure à celle de l’Allemagne et six fois supérieure à celle du Royaume-Uni et les durées de traitement se révèlent de deux à sept fois plus longues que celles qui sont recommandées dans les prescriptions normales !
Les prescriptions sans apparente justification ou même clairement contre-indiquées sont particulièrement prévalentes dans les populations fragiles – sujets âgés, nourrissons et jeunes enfants –, et ce en raison d’une absence d’information ou d’une information incomplète. Selon une étude récente conduite par l’hôpital européen Georges-Pompidou, certaines personnes de plus 80 ans consommeraient en moyenne dix médicaments différents par jour.
Un autre constat s’impose. Notre structure de prescription avantage les médicaments nouveaux, généralement les plus coûteux. Dans les pathologies qui nécessitent un antiagrégant plaquettaire, le Clopidogrel, dont le princeps bien connu est le Plavix, seize fois génériqué dans notre pays, pourrait dans un certain nombre de cas être remplacé par de l’aspirine, comme cela se pratique plus souvent en Allemagne ou en Italie.
L’impact sanitaire et économique de cette situation est de toute évidence considérable. Les auteurs du rapport évaluent à plus de 100 000 le nombre de malades hospitalisés pour une pathologie iatrogène, avec un coût estimé de plus de 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie en y incluant les prises en charge induites par cette pathologie. Dans un système aux ressources contraintes, vous en conviendrez, madame la ministre, ce n’est guère justifiable !
Pourquoi cette exception française ? Pour les professeurs Bégaud et Costagliola, les causes sont à rechercher dans « l’organisation de notre système de soins et de remboursement ainsi que [dans le] faible niveau de culture de santé publique qui caractérise notre pays ».
M. Roland Courteau. Oui, c’est plutôt cela !
M. Gilbert Barbier. Le verdict est sévère. À vrai dire, il rejoint toute une littérature foisonnante sur le sujet depuis de nombreuses années, que ce soit le rapport de la mission d’information du Sénat sur le médicament que j’ai conduite en 2006, celui de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur le Mediator ou encore celui de la Cour des comptes sur la sécurité sociale en 2011.
Madame la ministre, vous me répondrez que les choses évoluent. C’est sans doute vrai. Après le scandale du Mediator, nous avons adopté au mois de décembre 2011 la loi Bertrand qui renforce le contrôle du médicament et des produits de santé et instaure la transparence. Vous poursuivez d’ailleurs cette démarche en prenant les nombreux décrets prévus par cette loi.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Les améliorations apportées par cette loi sont-elles suffisantes ? Nous souhaitons, avec ce débat, faire un point sur un sujet, qui devient de plus en plus sensible aux yeux de l’opinion publique. L’affaire du Mediator et celles qui ont suivi – prothèses poly-implant, ou PIP, prothèses de hanches, anticoagulants oraux, etc. – ont gravement altéré la confiance de nos concitoyens dans le système de gestion et d’évaluation du médicament dans notre pays. Beaucoup de patients se demandent aujourd’hui à qui faire confiance. Cette attitude peut aussi, à l’inverse, être une source grave de complications par l’arrêt intempestif des traitements indispensables.
La médiatisation très large de faits établis ou supposés, soit par Internet, soit par des publications péremptoires par quelques porteurs d’opinion non dénués d’arrière-pensées, laisse le patient inquiet, dubitatif sur les risques encourus. Le vieil adage, primum non nocere, retrouve une nouvelle jeunesse, en laissant de côté l’immense progrès qu’a connu la pharmacopée au cours du siècle dernier.
Aujourd’hui, il semble de bon ton et très porteur de critiquer tour à tour les industriels du médicament qui ne viseraient que le profit financier, les agences sanitaires incompétentes, les médecins ignorants ou corrompus, le patient lui-même trop avide de consommation. Pis, certains remettent en cause, quelquefois d’une manière sournoise, des pratiques dont les bienfaits ont été largement démontrés.
Ainsi, à travers le monde, nous avons toujours un lobby anti-vaccinations extrêmement puissant. Vous connaissez la dernière hypothèse de ses tenants, contre laquelle je m’insurge peut-être plus que d’autres, étant élu de Dole, la ville natale de Pasteur, cet homme non médecin qui a pris, le 4 juillet 1885, la décision de traiter en urgence Joseph Meister. N’est-il pas curieux, voire malsain, d’entendre avancer l’hypothèse, 130 ans après, que le chien qui a mordu Joseph n’était peut-être pas porteur de la rage ? Il s’agit d’un exemple, mais il en existe bien d’autres.
En marge du médicament mais cela relève aussi du domaine de la santé publique, tout ce qui touche le mieux-être – cosmétologie, chirurgie esthétique, produits diététiques – est devenu un enjeu formidable au regard des marchés que cela représente, laissant le charlatanisme prendre le plus souvent le pas sur la sécurité du client.
Je n’oublie pas non plus les thérapies déviationnistes asservissant l’individu, comme l’a souligné le rapport de Jacques Mézard sur les dérives sectaires.
Face à tout cela, il faut d’abord être sans pitié, sans excuse pour les fraudeurs, les usurpateurs, les « sans éthique », qui portent, par ailleurs, un préjudice considérable à tous les acteurs de la filière de soins. La justice doit les sanctionner rapidement.
Face à tout cela, il faut ensuite que les autorités sanitaires fassent preuve de réactivité. Elles doivent lever rapidement le doute. Par exemple, au sujet des vaccins, elles doivent confirmer le rôle nocif ou non des sels d’alumine.
Or force est d’admettre que cette réactivité fait souvent défaut. Nos autorités tardent à énoncer le bon usage, à démentir ou à interdire si nécessaire. Pendant ce temps, les esprits sont formatés aux dires des plus bruyants. J’en veux pour preuve un certain nombre de dossiers récents qui ne manquent pas d’interpeller le public et les praticiens.
Je prendrai pour premier exemple le traitement du diabète de type 2. Le journal Prescrire énonce au mois de septembre 2012 : « Pas de place pour les gliptines ». C’est clair, péremptoire : fermez le ban.
Quatre mois après, en janvier 2013, la Haute Autorité de santé, la HAS, et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, publient les recommandations de bonnes pratiques pour cette pathologie. Au fil de ses vingt-cinq pages, ce document ne répertorie pas moins de cinquante et une recommandations pour conduire le traitement. Pourtant, pas un mot n’est dit sur l’éventuelle dangerosité des fameuses gliptines. Le médecin reste perplexe, se rappelant simplement qu’il y a quelques années, en 2008, un médicament fort répandu, l’Acomplia, devait être retiré du marché en raison des accidents observés. Au surplus, ce document émanant de nos agences ne comporte aucune donnée sur le coût du traitement. Je rappelle que cette pathologie concerne au bas mot 2,5 millions de patients dans notre pays et que l’incidence financière n’est évidemment pas négligeable.
Un autre exemple, encore plus récent, concerne les patients en fibrillation auriculaire sous traitement anticoagulant.
La HAS nous dit, en juillet 2013, que « la prescription des anticoagulants oraux non AVK ne doit pas être privilégiée par rapport à celle des AVK ». Cependant, la commission de la transparence a rendu en février un avis favorable pour le remboursement à 65 % de ce médicament, tout en concluant à l’absence d’amélioration du service rendu – classe V.
Le 20 septembre, Le Nouvel Observateur santé titrait « Alerte sur le Pradaxa », relayé bientôt par toutes les radios et toute la presse écrite. Disons-le, ce n’est pas le seul médicament dans le collimateur : dans un communiqué particulièrement alarmiste, le syndicat des jeunes biologistes médicaux pointait du doigt tous les anticoagulants oraux, n’hésitant pas à les qualifier de « bombe à retardement » et à évoquer le risque d’un prochain scandale de même ampleur que celui du Mediator. Depuis, des plaintes en justice ont été déposées. Que doivent penser les milliers de patients sous traitement par ACO ?
Si l’on peut considérer que le volet bénéfices-risques doit être prioritaire, on peut aussi avoir un regard sur les dépenses de l’assurance maladie, avec là aussi un exemple d’actualité malheureusement parlant. Il s’agit du traitement de la DMLA humide, pour laquelle seule la molécule ranibizumab – le Lucentis – est autorisée pour un coût mensuel de 895,57 euros, alors que de nombreux pays, les États-Unis en particulier, et certains services hautement qualifiés en France observent les mêmes résultats en utilisant le bevacizumab – l’Avastin – pour un coût vingt fois moindre de 45 euros mensuel. À raison de 300 000 patients traités, c’est 600 millions d’euros d’économies possibles ! Il serait peut-être utile de se pencher sur le bien-fondé de l’interdiction de l’Avastin.
Je pourrais aussi évoquer la polémique qui fait rage sur les statines. Après son Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, que je ne cautionne nullement, le professeur Even a publié le 18 février dernier La vérité sur le cholestérol. Quelques jours plus tard, dix sociétés savantes ou organismes divers contredisaient les théories avancées, notamment le collège national de cardiologie, le collège des cardiologues des hôpitaux ou encore la société française de cardiologie. Ces associations, que l’on aurait pu croire respectables, ont vite été « habillées pour l’hiver » par le professeur Even, qui pointe le « désintérêt de la plupart des cardiologues français occupés ailleurs, convaincus d’avance au berceau de leurs pères et grands-pères des risques du cholestérol et dont les convictions reposent sur un consensus ancien et mou diffusé comme une berceuse par l’industrie pharmaceutique en tribunes et congrès que les firmes organisent et financent devant des auditoires qu’elle transporte par charters entiers, loge et finance également ».
Mettons-nous un instant à la place de ces milliers de patients qui prennent chaque jour leur comprimé de statine ; il y a de quoi être perdu ! Et pendant ce temps, les autorités sanitaires restent on ne peut plus discrètes sur ce dilemme.
Passons sur le problème des pilules de troisième et quatrième génération, pour dire un mot sur un sujet qui concerne aussi la santé de nos concitoyens, les coupe-faim.
M. Gilbert Barbier. Même si je note avec satisfaction le refus d’autorisation par la Commission européenne, le 1er octobre dernier, de l’association topiramate plus phentermine – le Qsiva –, comment ne pas intervenir devant les torrents de publicité sur le net du Phen375 ? Si elle peut effectivement faire perdre du poids, cette amphétamine n’en conduit pas moins à de graves troubles du comportement, comme toutes les amphétamines d’ailleurs.
Ne vous méprenez pas, en citant ces exemples, je ne mets pas en cause la qualité du travail des directions et des personnels des autorités sanitaires, qui ont accompli des efforts importants et positifs, notamment en matière de transparence des décisions. Je m’interroge plutôt sur la multiplicité, l’absence de cohérence et le chevauchement des objectifs de ces autorités, qui s’appuient sur de nombreuses directions, commissions et groupes de travail dont la nature profondément différente peut être source de cloisonnements et parfois de rivalités.
La loi de 2011 a créé une nouvelle agence, l’ANSM, chargée de la sécurité des produits de santé pour succéder à l’AFSSAPS. Il ne s’agit pas là d’un simple changement de nom, car cette structure s’est vu confier de nouvelles missions pour mieux surveiller et mieux informer. Reste que, personnellement, je regrette que nous n’ayons pas été plus loin, en remettant radicalement en cause l’architecture de l’ensemble des organismes intervenant sur le médicament. Permettez-moi de les passer rapidement en revue.
Il y a d’abord l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, établissement public placé sous la tutelle de votre ministère, madame Touraine, et chargé de garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie, depuis les essais initiaux jusqu’à la surveillance après autorisation de mise sur le marché. Quand ce n’est pas l’European Medicines Agency, l’EMEA, c’est elle qui délivre les autorisations de mise sur le marché des médicaments en se fondant sur le rapport bénéfices-risques ainsi que sur les autorisations temporaires d’utilisation, ou ATU. C’est aussi sur elle que repose toute la pharmacovigilance, organisée comme une longue chaîne, du niveau régional au niveau national.
Il y a ensuite la Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante qui évalue les médicaments en vue de leur remboursement par l’assurance maladie – notamment au vu de leur service médical rendu, ou SMR, qui prend en compte la gravité de la pathologie, l’efficacité et les effets indésirables du médicament – et qui détermine la place du médicament dans la stratégie thérapeutique ainsi que l’amélioration du service médical rendu qu’il est susceptible d’apporter par rapport aux traitements déjà disponibles. C’est là le rôle de la commission de la transparence et de son pendant pour les dispositifs médicaux. Elle est aussi chargée du bon usage du médicament et, depuis 2008, de l’évaluation médico-économique des stratégies de soins, de prescription ou de prise en charge les plus efficientes.
Il y a en outre le Comité économique des produits de santé, instance interministérielle placée sous l’autorité conjointe du ministre de la santé et du ministre de l’économie, qui négocie le prix du médicament avec les industriels. Si le CEPS tient compte du classement de la HAS, il tient compte aussi des données économiques et des « orientations » que les ministères lui suggèrent, qui tendent souvent à privilégier les laboratoires français et les laboratoires étrangers installés et fabriquant en France, et donc créateurs d’emplois. La lettre récente adressée au président du CEPS est assez claire à ce sujet et ajoute aux missions du comité un objectif de maîtrise des dépenses de santé – il faut lire cette lettre dans le détail pour s’apercevoir qu’elle est pleine de sous-entendus.
Il y a enfin l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, qui décide du taux de remboursement à appliquer au médicament en se fondant sur l’estimation du service médical rendu de la HAS, mais pas obligatoirement, étant entendu que c’est vous, madame la ministre, qui décidez in fine.
Je ne voudrais pas stigmatiser ce système, comme le fit Jean-Paul Escande en 1998, en déplorant « la place prise par des statisticiens, des technocrates et des industriels, qui, même lorsqu’ils sont docteurs en médecine, ne s’assoient jamais au chevet d’un malade et décident, cependant, de l’avenir de la médecine et de la santé publique ». Néanmoins, je considère que sa complexité entraîne une dilution des responsabilités et favorise une réaction tardive et peu lisible aux alertes et aux interpellations, qui peuvent alors faire leur chemin, pilotées, encouragées et exploitées par certains.
Le rapport sur la réorganisation des vigilances sanitaires, que l’ancien directeur général de la santé, Jean-Yves Grall, vous a remis le 11 septembre dernier, critique lui aussi un système de surveillance sanitaire « construit par strates successives », « sans cohérence globale », « [inadapté] à la déclaration des citoyens et des professionnels de santé ». Pour ma part, je persiste à croire, comme je l’ai soutenu dès 2006, que le regroupement sous une seule autorité de tout le parcours des médicaments et des produits de santé aurait été gage d’une meilleure efficacité sur le plan sanitaire et d’une meilleure gestion des finances publiques.
La HAS devrait être recentrée sur la mission stratégique globale pour laquelle elle a été conçue et qui vise à élaborer, inspirer, susciter et conduire, ou au moins guider et réguler, l’exercice pratique de la médecine, l’organisation des soins et les actions collectives de santé publique et de prévention, sans s’occuper de l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité des médicaments et dispositifs médicaux. Dès lors, les commissions dites de transparence et des dispositifs médicaux doivent quitter la HAS et rejoindre l’Agence nationale de sécurité du médicament, en charge de l’évaluation et de la surveillance du médicament. Quoi qu’il en soit, je ne nie pas les bonnes intentions et les avancées.
Le 25 septembre, la HAS a présenté son projet stratégique pour 2013-2016. Nous avons là l’inévitable feuille de route, ce paradigme, ce modèle à la mode dans beaucoup de ministères. Qui n’a pas son road book aujourd’hui ? (Sourires.) La HAS entend se positionner sur des thématiques durables, répondre à la demande croissante d’indicateurs d’évaluation du système de santé, développer la dimension comparative dans l’évaluation des produits et technologies de santé. Sans doute faut-il se réjouir de ces évolutions. Toutefois, la HAS n’étant organisée pour cela qu’à compter du 3 octobre dernier, il est encore trop tôt pour porter un jugement sur ces évolutions.
S’agissant de l’ANSM, l’élargissement de ses missions devrait lui permettre d’avoir des moyens supplémentaires pour y répondre.
L’encadrement des prescriptions « hors AMM » constitue une autre avancée importante de la loi de 2011. Il faut évidemment bien distinguer l’usage légitime du « hors AMM », l’ATU faisant l’objet d’une recommandation de la nouvelle agence et d’un suivi des malades, de son usage illégitime, dont l’affaire du Mediator a montré la dangerosité. Cet usage doit être limité et sanctionné si besoin est.
La question de la valeur ajoutée thérapeutique dans l’évaluation du médicament a été plusieurs fois abordée lors de la discussion de la loi du 29 décembre 2011. Un médicament ne doit pas seulement être « un peu mieux que rien » ; il doit procurer un réel bénéfice au patient. Il y a là un combat à mener au niveau européen, pour convaincre nos partenaires de la nécessité de prendre en compte le bénéfice d’un médicament par rapport à des médicaments comparables.
Enfin, la dernière exigence est évidemment une information immédiatement disponible et accessible pour les professionnels de santé et des messages clairs à destination de la population, qui, du fait du laisser-faire et des erreurs passées, a perdu ses repères sur la nature et la place réelle du médicament en matière de santé.
Sur tous ces points, je vous remercie, madame la ministre, de nous éclairer. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas médecin et je n’exerce aucune profession paramédicale, mais nous sommes tous des malades en puissance. Voilà pourquoi la politique du médicament est un sujet extrêmement important.
« Les antibiotiques, c’est pas automatique ! » Ce slogan, qui a fait florès, part d’un constat : les Français n’ont l’impression de se soigner qu’à partir du moment où ils consomment des médicaments. Les excès de l’automédication, une vulgarisation – via les journaux ou des livres qui font recette : guide des médicaments, sites internet, etc. – qui rassure nos compatriotes, des médecins qui prescrivent trop, voilà des maux bien français !
Permettez-moi de citer quelques chiffres.
Les médicaments, remboursés ou non, représentent près de 40 milliards d’euros de dépenses chaque année, soit un cinquième des dépenses totales de santé et 81 % du budget des hôpitaux publics.
Notre pays dépense près de deux fois plus en matière de médicaments que les autres pays occidentaux.
Chaque année, le déficit de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, est de 10 milliards à 15 milliards d’euros, soit un peu plus du tiers des 38 milliards d’euros de dépenses en médicaments.
Sur environ 100 000 tonnes de médicaments achetés chaque année, un quart finirait à la poubelle, d’où l’idée, qui n’est pas nouvelle, d’une délivrance à l’unité, sur laquelle nous reviendrons certainement tout à l’heure.
Mes chers collègues, puisque nous sommes entre nous, je vais un peu dévier du strict sujet du médicament pour vous parler de la prévention, domaine auquel va ma préférence.
Si, par bonheur, nous abordons cette année la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale – ce qui désormais n’est jamais gagné dans cette maison –, je vous ferai des propositions sur un sujet qui m’est cher, à savoir les maladies liées à l’obésité.
« On creuse sa tombe avec sa fourchette », « l'alimentation est notre première médecine », voilà de vieux slogans aux résultats garantis… Cependant, nous avons beaucoup progressé dans la reconnaissance du lien entre santé et alimentation.
Il y a quelques années, nous avons eu ici, sur l’initiative de notre collègue Gérard Dériot, un débat sur l'obésité infantile. Il faut dire que la situation connue aux États-Unis arrive chez nous avec, comme toujours, un petit décalage.
Qualifiée par l'Organisation mondiale de la santé de pandémie de notre siècle, l'obésité touche un milliard d'êtres humains dans le monde et un Français sur dix. Or de nombreuses études aux États-Unis montrent que l'obésité a un coût : 147 milliards de dollars en 2008, contre 78,5 milliards de dollars en 1998. Ces sommes sont absolument astronomiques !
En France, des études ont également été publiées. Toutefois, les chiffres sont un peu anciens. Il serait donc intéressant, madame le ministre, de bénéficier d’une nouvelle étude sur le coût de l’obésité et des maladies qui y sont liées.
D’après un rapport de 2008, le coût annuel de prise en charge de l’obésité par l’assurance maladie est estimé entre 3 % et 7 % de l’ONDAM, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie. En outre, ce rapport souligne la corrélation entre l'augmentation de la prévalence de l'obésité et l'augmentation du nombre de personnes bénéficiant du régime des affections de longue durée. Les chiffres sont frappants ! L’ensemble des facteurs de risques et complications cardio-vasculaires liés à l’obésité sont ainsi évalués : 15,9 % des personnes ayant un poids normal sont exposées au risque de cholestérol, contre 21,5 % pour les personnes obèses. Pour le diabète, les chiffres varient de 5,8 % à 13,5 %. Pour l’hypertension, c’est encore plus flagrant : on passe de 17,6 % à 28,8 %.
Un exemple, sans doute parmi tant d’autres, illustre bien le propos : 50 % des praticiens qui prescrivent des traitements contre le cholestérol n’ont pas préalablement conseillé à leurs patients de suivre un régime ou de faire du sport. Il est beaucoup plus facile de continuer de manger gras et de prendre quelques comprimés contre le cholestérol que de faire un petit effort alimentaire et un peu de sport…
Développer la prévention était l’ambition de la dernière loi de santé publique du 9 août 2004. J’aimerais vraiment savoir, madame le ministre, si la prévention aura toute la place qui lui est due dans la nouvelle loi annoncée pour 2014.
Songeons à toute la politique du marché du médicament, de sa commercialisation et de sa distribution dont les dysfonctionnements ont été stigmatisés dans l’affaire du Mediator. Pour avoir été vice-présidente avec notre collègue Barbier de la mission commune d’information sur le sujet, je peux vous dire que l’affaire du Mediator n’est que la répétition de l’affaire du Vioxx que nous avions connue dans cette maison – même si je n’y étais pas encore élue – en 2006. Le regretté président de la mission d’information sur le Mediator rappelait ainsi que toutes les propositions nécessaires avaient déjà été énoncées en 2006. Toutefois, cela n’avait pas empêché l’affaire du Mediator puisque aucune de ces propositions n’était passée dans notre droit positif.
Les principales mesures proposées par notre mission d’information ont été reprises dans la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ce texte représente un progrès indéniable en matière de gouvernance, de pharmacovigilance, d’autorisation de mise sur le marché. En particulier, il a amélioré le traitement des problèmes de fond liés aux conflits d’intérêts. N’oublions pas qu’il y a, d’un côté, l'industrie pharmaceutique, qui représente des intérêts financiers et économiques considérables, et, de l'autre, l’intérêt général avec le bien commun le plus précieux, la santé des personnes. C'est pourquoi la loi entendait établir l’étanchéité la plus absolue possible entre intérêts marchands et protection de la santé des personnes.
À l’époque, j’avais souligné que le dispositif devait être complété. Le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, dit « projet de loi Sauvé », était de ce point de vue très important. Ce texte prévoyait la création d'une autorité de la déontologie de la vie publique, en remplacement de la commission de déontologie de la loi Sapin de 1993, qui aurait eu pour fonction de centraliser les déclarations publiques d'intérêts. Ce texte n’a toujours pas vu le jour.
Obstinée et ne renonçant pas, j’avais présenté dans le cadre du projet la loi sur la transparence de la vie publique – malheureusement, le Sénat ne les a pas adoptés, malgré mes efforts et ceux de certains de mes collègues – une série d’amendements visant à ce que les élus puissent, dans les déclarations d’intérêts, procéder à une sorte de reconstitution de carrière. Il est important de savoir ce que les gens ont fait avant d’être élus, notamment en lien avec les laboratoires pharmaceutiques. La transparence doit être la plus complète possible !
Vous en conviendrez, madame le ministre, le dispositif du projet de loi Sauvé est intéressant. Dans le projet de loi de santé publique qui doit prochainement intervenir, pensez-vous reprendre certaines dispositions, notamment celles concernant les conflits d’intérêts ? Nous ne sommes pas allés au bout du problème.
Par ailleurs, des actions ont été entreprises pour limiter le prix du médicament : baisse réglementaire des prix, développement des génériques. Là aussi, le travail qui a été fait est important. Ces actions ont conduit à une baisse de 0,8 % de remboursement de médicaments en 2012 par rapport à 2011, ce qui n’est pas rien.
Vous avez parlé, madame le ministre, de l’expérimentation du conditionnement et de la vente des médicaments à l’unité. C’est un système qui fonctionne aux États-Unis ou en Suède, même s’il est vrai qu’il s’agit de contextes totalement différents. Il nous faut poursuivre le travail entrepris avec les laboratoires afin d’éviter le gaspillage des médicaments dont le poids pèse évidemment sur la collectivité par le biais du budget de la sécurité sociale.
Je le répète, j’espère sincèrement que nous pourrons examiner cette année la seconde partie du PLFSS. Nous sommes un certain nombre de parlementaires à avoir été passablement frustrés, l’année dernière, de ne pas avoir pu travailler sur ce texte, ni d’ailleurs sur la deuxième partie du projet de loi de finances.
Pour conclure, j’évoquerai un dernier point. J’ignore quel sujet aborderont les prochains intervenants, mais, comme je l’ai déjà indiqué, n’étant pas médecin, j’essaie d’identifier les sujets sur lesquels le législateur peut intervenir dans le domaine de la politique du médicament.
Venant d’un département touché par l’amiante et ayant été vice-présidente de la mission d’information sur le Mediator et de celle sur la chirurgie esthétique, j’estime qu’il est urgent de réexaminer la possibilité d’établir des actions de groupe dans le secteur de la santé. En effet, les victimes d’accidents, de scandales liés aux médicaments ou de dysfonctionnements n’ont pas les moyens de rivaliser avec les laboratoires. Compte tenu de la charge des procédures et du fonctionnement général du rouleau compresseur que constitue notre système judiciaire, ils ne font pas le poids. Si nous ne mettons pas en place cette class action, cette action de groupe en matière de santé, nous manquerons une occasion de faire notre devoir de parlementaire et d’aider les plus fragiles, à savoir les victimes. À cet égard, je rappelle qu’une proposition de loi avait été déposée par nos collègues du RDSE sous le n° 484. Il serait grand temps de l’inscrire à l’ordre du jour.
Madame le ministre, la politique de la santé regarde tout le monde, y compris les modestes membres de la commission des affaires étrangères dont je fais partie. J’espère que nous pourrons soutenir l’action que vous menez, qui me semble frappée au coin du bon sens, dans un secteur particulièrement important pour nos concitoyens, qui est celui de la santé.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le groupe du RDSE d'avoir pris l'initiative de ce débat. Après les discussions que nous avons eues à la suite de la mission d'information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, après le rapport rendu par notre collègue Yves Daudigny sur les médicaments génériques, il me semble très intéressant que cette thématique puisse trouver un nouvel écho dans notre assemblée.
Le choix des mots est très important, et je crois que nous pouvons véritablement parler d’un « marché » du médicament, un marché juteux qui explique la concurrence que se mènent entre eux les laboratoires pharmaceutiques, certes pour permettre à nos concitoyens de se soigner, mais aussi, parfois, il faut bien le reconnaître, pour pousser à une certaine surconsommation. C'est d'ailleurs ce que vient tout récemment de dénoncer le docteur Véronique Vasseur, médecin-chef à l'hôpital Saint-Antoine. Elle propose notamment de déconditionner les médicaments en expliquant que cinq milliards de médicaments sont jetés chaque année, dont quatre ont été remboursés par la sécurité sociale.
Comme l’a dit notre collègue Gilbert Barbier, un rapport vient de vous être remis, madame la ministre, par les professeurs Costagliola et Bégaud, pharmacologues et épidémiologistes, sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament. Les pistes qu’ils proposent sont intéressantes et montrent la nécessité de mieux encadrer les pratiques en amont, plutôt que de rechercher, par la suite, des économies à faire, en développant les déremboursements par exemple. En effet, ces derniers ont des effets extrêmement négatifs sur nos concitoyens en les éloignant considérablement des soins.
Quelques chiffres nous permettent de bien mesurer l’intérêt économique de ce marché pour les actionnaires des grandes firmes pharmaceutiques.
En 2012, le marché mondial du médicament était évalué à environ 856 milliards de dollars de chiffre d’affaires, contre moins de 200 milliards de dollars en 1990. La France était, en 2012, le deuxième marché européen derrière l’Allemagne.
Sanofi, leader français, réalise des milliards de bénéfices tout en sacrifiant des milliers d’emplois. Comment pouvons-nous tolérer plus longtemps ce type de pratiques, qui sacrifie l’humain sur l’autel du profit de quelques-uns ? C’est une vue à très court terme, tant pour les salariés concernés que pour la situation de l’emploi industriel en France et celle de la recherche. Vous le savez, madame la ministre, notre groupe est totalement disponible pour qu’ensemble, à gauche, nous votions une loi interdisant les licenciements dits boursiers.
Les critères de rentabilité financière étant déterminants pour les actionnaires, cet objectif conduit également à des dérives majeures en termes d'information thérapeutique. Les scandales sanitaires sont liés avant tout à cette recherche obsessionnelle de la rentabilité financière. Aussi sommes-nous partisans d'une plus grande transparence, notamment concernant la fixation des prix des médicaments.
Parallèlement, il est urgent d'affirmer le besoin d'une production nationale publique, de travailler sur le financement d'une autre politique du médicament et de mettre en place une véritable démocratie sanitaire dont nous sommes encore loin.
La financiarisation doit laisser la place au développement de la recherche, à la production et à la distribution de médicaments et vaccins. Pourquoi est-on toujours aussi timoré quant au développement de la recherche théorique et clinique ? Pourquoi est-il si difficile de dégager des moyens humains et financiers dans un domaine aussi vital pour l'avenir de l'humanité ? D'un côté, on a des milliards d'euros pour une poignée d'individus et, de l'autre, des crédits en peau de chagrin pour des chercheurs qui voient leurs travaux minorés et, par conséquent, les progrès de la connaissance ralentis ou entravés.
Ces affirmations ne sont pas dues à un dogmatisme étroit mais à une analyse approfondie du système dans lequel nous vivons et nourrie d'expériences de terrain. Pour une part, c’est le sens de notre proposition de création d'un pôle public du médicament qui reconnaît sa finalité de service public et le détache de la sphère financière ; un service public de la recherche et du médicament, afin de faire de celui-ci, à terme, un bien commun universel ! Recherche, production, distribution du médicament doivent répondre aux besoins de santé publique nationaux et mondiaux. La puissance publique doit reprendre l'initiative et le contrôle face à cet enjeu stratégique.
J’en viens plus spécifiquement à la question que je souhaitais vous poser, madame la ministre. Je ne doute pas, mes chers collègues, que vous vous souvenez, tout comme moi, du long parcours législatif du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire de médicament et des produits de santé, examiné à l’automne 2011. Nous avions alors été nombreuses et nombreux à adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 17, notamment défendu par ma collègue Isabelle Pasquet, pour rétablir le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments.
En effet, à l’occasion de la transposition par la France de la directive 85/374/CEE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le gouvernement de l’époque avait décidé de transposer en droit interne une disposition de cette directive dont la transposition était optionnelle, c’est-à-dire laissée à la libre appréciation des gouvernements. C’est ainsi qu’a été transposée en droit français l’exonération de responsabilité sans faute pour risque de développement. Si l’exploitant démontre qu’il était, compte tenu des données acquises de la science, dans l’impossibilité de déceler le défaut du médicament, ou même ses effets néfastes, aucune responsabilité ne peut lui être imputée. La victime aura beau établir l’existence d’un dommage, ainsi que celle d’un lien de causalité entre ce dommage et le médicament, l’exploitant ne verra jamais sa responsabilité engagée. La victime ne sera donc pas indemnisée.
Très logiquement, les exploitants s’abritent derrière cette disposition. Pourtant, la France n’était pas obligée de transposer cette partie de la directive. Ce qui a été fait peut donc être défait aujourd'hui, car les conséquences de cette transposition sont importantes pour les victimes, particulièrement quand les dommages sont survenus entre 1998 et 2001. En effet, l’arrêt rendu en 2007 par la Cour de cassation précise qu’un laboratoire ne peut faire valoir le risque de développement qu’à compter de 1998, année où la France a ratifié la directive.
Or l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne peut intervenir dans le processus d’indemnisation que pour les préjudices survenus à partir de 2001. Il résulte de cette situation que les victimes des années 1998 à 2001 sont contraintes, pour obtenir réparation, de faire la démonstration que le fabricant a commis une faute qu’il ne pouvait ignorer et que l’exploitant a sciemment commercialisé un médicament qu’il savait nocif. Cette condition étant quasiment impossible à remplir, voilà pourquoi le Sénat avait adopté l’amendement sur la responsabilité sans faute. C’est lors de la deuxième lecture que l’Assemblée nationale, alors majoritairement à droite, a supprimé cette disposition.
Les nombreux scandales sanitaires avérés tels que le Distilbène, le Mediator, les pilules de troisième et de quatrième génération, ou ceux qui pourraient émerger – je pense au DT-Polio avec la présence de sels d’aluminium comme adjuvants –, ne peuvent que nous inciter à renforcer la responsabilité du fabricant ou du distributeur-importateur du médicament et, parallèlement, à renforcer les droits des patients.
Ma question est donc la suivante, madame la ministre : quelles actions comptez-vous engager pour que soit inscrit dans notre loi le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments ? Comme je l’ai souligné, la gauche était favorable à cette mesure en 2011. Pour ma part, j’ai le sentiment qu’elle provoquerait une réflexion utile à l’échelon non seulement national, mais également communautaire.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier le groupe du RDSE d’avoir proposé un débat en séance publique sur le thème des médicaments et des produits de santé. Un tel débat est particulièrement opportun, d’une part, parce que nous aurons dans quelques semaines à examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d’autre part, parce que le marché du médicament connaît des évolutions que j’espère structurelles.
Je commencerai par citer quelques chiffres. La consommation totale de médicaments – 34,3 milliards d’euros, soit 19 % de l’ensemble statistique appelé « consommation de soins et de biens médicaux » – représente 525 euros par habitant et par an.
Surtout, pour la première fois depuis cinquante ans, la valeur des ventes en pharmacies de médicaments remboursables a reculé en France en 2012. Ce recul historique résulte de plusieurs facteurs convergents : nouvelles diminutions de prix, élargissement du répertoire des génériques, généralisation du dispositif « tiers payant contre génériques », moindre progression des volumes.
Pour autant, la France part d’une situation ancienne où tant le volume de médicaments consommés que leur prix sont relativement élevés par rapport aux autres pays. La dépense française de produits pharmaceutiques, calculée en parité de pouvoir d’achat pour améliorer la qualité des comparaisons, se situe désormais au sixième rang mondial, derrière les États-Unis ou le Canada, au même niveau que le Japon, l’Allemagne ou la Belgique, mais à un niveau encore sensiblement supérieur à la moyenne de l’OCDE et au résultat de plusieurs pays du nord de l’Europe.
Au-delà des seuls médicaments, les dépenses de santé liées à ce que la comptabilité nationale appelle les « autres biens médicaux » représentaient 12,8 milliards d’euros en 2012. Ce poste de dépenses est très dynamique ; il progresse en moyenne de 5 % par an depuis 2010, soit nettement plus que les autres dépenses de santé.
Je concentrerai mon propos sur les médicaments, mais nous devons, madame la ministre, rester attentifs à l’évolution des dépenses liées aux dispositifs médicaux, que ce soit en optique, mais aussi pour les petits matériels ou les pansements, qui représentent aujourd’hui des dépenses dynamiques et élevées.
Bien des choses ont été dites et écrites sur le médicament ; j’ai moi-même récemment déposé, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, un rapport relatif aux médicaments génériques – je vous remercie de l’avoir mentionné, madame Cohen.
Les Français consomment beaucoup de médicaments, toutes les études vont dans ce sens, même si cette assertion globale mériterait d’être affinée par âge ou par classe thérapeutique. Je citerai un exemple : les personnes âgées de soixante-quinze ans ou plus consomment, en moyenne, sept molécules médicamenteuses différentes de manière régulière, ce qui représente un poste de dépenses de 940 euros par an. Qui n’a pas été effaré, un jour, de constater que ses parents ou grands-parents devaient prendre une dizaine de médicaments par jour, la plupart servant à contrecarrer les effets secondaires des premiers ? Nous avons donc d’abord un problème de comportement de la part non seulement des prescripteurs, mais aussi des patients.
Les médicaments sont indispensables, vitaux même dans certaines situations, mais ce ne sont pas des produits anodins : ils présentent, par définition, des bénéfices et des risques. Nous devons donc, au nom de la santé publique, avant même d’envisager les conséquences en termes financiers, améliorer leur « bon usage ». C’est pourquoi j’ai proposé que les pouvoirs publics lancent de grandes campagnes de communication pour modifier les comportements. Une consultation médicale ne débouche pas nécessairement sur une ordonnance, comme cela a déjà été souligné : voilà le message simple que nous devons diffuser largement ! C’est certes un investissement, mais nous pouvons en espérer de grands progrès. Les campagnes que l’assurance maladie avait réalisées sur les antibiotiques ont eu un effet réel sur la consommation, mais on constate que, depuis leur arrêt, les statistiques ne sont plus aussi satisfaisantes.
En même temps que la sensibilisation des patients, nous devons aussi agir à la source, dès la prescription. L’assurance maladie a introduit dans la convention médicale quelques éléments pour améliorer les prescriptions, mais ils restent timides et ne peuvent avoir d’effets que sur le moyen terme.
Il s’agit non seulement de moins prescrire, je l’ai dit à l’instant, mais aussi de mieux prescrire. En France, les médecins ont tendance à prescrire des médicaments princeps et ont une nette appétence pour la nouveauté. Plusieurs éléments expliquent ce phénomène culturel : la faiblesse de la place du médicament dans les études médicales et, surtout, les stratégies menées par les laboratoires, notamment la visite médicale, qui oriente clairement la prescription vers des médicaments nouveaux et onéreux. De ce fait, les médicaments génériques, qui sont, il faut le répéter et insister, « des médicaments comme les autres » pour reprendre le titre du rapport récent de la MECSS, sont encore trop peu développés en France. Leur part a certes nettement progressé, mais elle ne représente que 26 % du volume des médicaments remboursables et 14 % de leur valeur.
Même si les comparaisons internationales doivent être analysées avec circonspection en raison des champs d’étude parfois différents, elles montrent toutes que nous avons une marge de progression importante par rapport à la plupart des pays occidentaux.
Les statines constituent un cas d’école pour analyser le marché français du médicament ; je le sais d’autant mieux que j’en consomme ! Alors que les différentes études de la Caisse nationale d’assurance maladie ou de la Haute Autorité de santé démontrent qu’il n’existe aucune différence significative entre l’ensemble des molécules, la seule qui ne soit pas génériquée représente 30 % du marché français, contre 4 % au Royaume-Uni et même 0,5 % en Allemagne. Les patients français sont-ils si différents de leurs homologues allemands ou anglais ? Les résultats thérapeutiques sont-ils meilleurs en France ? Je ne le crois pas. Toujours est-il que le coût moyen journalier des traitements par statine est deux fois plus élevé en France que dans les autres pays, sans qu’une valeur ajoutée particulière soit mesurable dans les statistiques sanitaires.
Nous touchons là du doigt ce que j’ai appelé dans mon rapport pour la MECSS un « péché originel »... À défaut de vouloir imposer aux médecins de prescrire directement en dénomination commune internationale, ou DCI, la France a choisi de favoriser le développement des génériques par substitution au moment de la délivrance par le pharmacien. Cette politique a certes fonctionné, mais elle ne peut, au fond, que miner la confiance des patients dans ces médicaments.
M. Philippe Leroy. Absolument !
M. Yves Daudigny. Comment comprendre que le pharmacien remplace le produit que le médecin a explicitement prescrit ? C’est certainement la raison pour laquelle la France est l’un des rares pays où apparaissent régulièrement des polémiques ou des faux débats sur les génériques.
On l’a vu, la structure des prescriptions reste orientée en France vers les molécules les plus onéreuses et est défavorable aux médicaments génériques, si bien que le coût moyen des traitements est nettement plus élevé pour les classes thérapeutiques les plus importantes. Hormis la procédure de substitution, l’une des raisons de ce phénomène réside dans les prescriptions hospitalières. On constate en effet que les laboratoires pharmaceutiques fournissent à l’hôpital des médicaments à prix très bas, ce qui leur permet plus largement d’orienter la consommation en ville. Ce procédé bénéfique pour les finances de l’hôpital ne l’est pas pour les dépenses d’assurance maladie en ville ; nous devons réfléchir à cette contradiction.
Avant de conclure, je souhaite évoquer deux points de nature différente.
Vous le savez, madame la ministre, la nouvelle convention conclue entre l’assurance maladie et les pharmacies d’officine en 2012 prévoit une réorientation des modalités de rémunération des pharmaciens pour s’éloigner du système pernicieux actuel, presque entièrement lié au volume de boîtes vendues. Or les négociations pour mettre en place les nouveaux honoraires de dispensation n’avancent guère. Qu’entend faire le Gouvernement pour accélérer cette nécessaire évolution ?
Autre sujet très important : le contrôle des matières premières des médicaments. Le récent rapport de l’IGAS a souligné les graves défauts du système actuel de contrôle, dans le contexte d’une fragmentation et d’une mondialisation accrues de la production.
En accroissant le niveau de qualité requis, nous rendrions service aux patients européens et à l’industrie française. Quelles actions le Gouvernement entend-il mener, notamment au niveau européen, pour renforcer drastiquement les inspections et contrôles à l’étranger du processus de fabrication des médicaments et, surtout, des matières premières qui les composent ? Ne pourrions-nous, par exemple, mutualiser les équipes de contrôles avec l’ensemble des pays européens et occidentaux pour multiplier les inspections dans les grands pays producteurs que sont l’Inde et la Chine ?
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite rappeler en conclusion que la maîtrise des dépenses d’assurance maladie repose depuis plusieurs années sur des économies substantielles qui ont pesé sur le médicament : le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit encore 1 milliard d’euros en 2014. Cette politique pouvait se justifier au regard des prix français, qui étaient globalement élevés, mais, comme je l’ai déjà indiqué l’an passé lors de l’examen du PLFSS, cette politique va rapidement atteindre ses limites si elle n’est pas relayée par des actions structurelles permettant de modifier, en amont, les prescriptions et les comportements.
Campagnes de communication, prescription obligatoire en dénomination commune internationale, amélioration des prescriptions hospitalières, modalités de rémunération des médecins et des pharmaciens : voilà quelques pistes, madame la ministre, pour avancer vers de telles réponses structurelles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue du RDSE, Gilbert Barbier, a largement exposé nos interrogations sur le parcours du médicament depuis les essais cliniques jusqu’à sa surveillance au chevet du malade. Pour ma part, j’évoquerai principalement trois sujets : les médicaments génériques, la vente de médicaments sur internet ainsi que le détournement et le trafic de certains médicaments.
En juin dernier, la présence de comprimés d’un somnifère dans la boîte d’un médicament diurétique, le Furosémide 40 mg, a eu des conséquences tragiques. Si les enquêtes ont conclu à une erreur de conditionnement, fort heureusement rarissime, cet accident a néanmoins relancé une campagne de dénigrement envers les médicaments génériques. Je rappelle qu’en avril dernier un médecin publiait un ouvrage intitulé Médicaments génériques : la grande arnaque. Régulièrement, l’efficacité et la qualité de ces médicaments sont mises en cause, installant dans l’opinion un sentiment de suspicion. La France serait le seul pays à connaître de telles polémiques.
Après avoir connu une forte croissance, le marché du médicament générique s’essouffle dans notre pays puisque, sur cent boîtes de médicaments distribuées en France, seules vingt-cinq sont des génériques, contre plus de 60 % en Allemagne ou en Grande-Bretagne.
Les pouvoirs publics, après avoir tenté sans succès de mobiliser les médecins au développement du médicament générique, se sont essentiellement appuyés sur les pharmaciens d’officine, auxquels a été octroyé dès 1999 le droit de substitution, accompagné d’un fort intéressement financier à l’exercer. Ils se sont engagés conventionnellement à respecter des taux de substitution de plus en plus élevés.
Le renforcement, à la fin de juillet 2012, du dispositif « tiers payant contre génériques » a donné – c’est par exemple le cas dans mon département de la Haute-Garonne – des résultats encourageants. Après avoir progressé de 8,7 points entre juillet 2012 et mars 2013, le taux de délivrance des génériques est actuellement en baisse ; il était de 77 % en juillet dernier. La caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne a lancé une nouvelle campagne de communication, intitulée « J’aime le médicament générique », qui met l’accent sur son coût, en moyenne 30 % moins élevé.
Mais l’argument du moindre coût des génériques, accréditant l’idée d’un médicament « low cost », n’est probablement pas le meilleur moyen de rassurer les patients, d’autant que l’une des polémiques porte sur les matières premières qui entrent dans la composition des médicaments.
Selon le rapport de l’IGAS de 2012, entre 60 % et 80 % des matières premières seraient fabriquées dans des pays hors Europe, principalement en Asie, et les trop rares inspections de sites de production mettent en évidence de graves dysfonctionnements. Entre médicament d’origine et générique, on ne peut plus se contenter de dire « c’est la même chose... ou presque ».
Il faut donc un maximum de transparence et d’information pour que la population soit bien consciente que le générique n’est pas un médicament au rabais. Pouvez-vous nous confirmer que la traçabilité, la fabrication et la distribution jusqu’aux officines pharmaceutiques s’opèrent dans les mêmes conditions que pour les molécules princeps ? Les contrôles de qualité, de sûreté sont-ils assurés de la même manière ?
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est la vente des médicaments sur internet.
Depuis le 12 juillet 2013, les pharmacies françaises peuvent, après autorisation, commercialiser sur internet 4 000 médicaments sans ordonnance. Je sais que vous avez fait le maximum pour encadrer ce mode particulier de distribution, pour éviter qu’il ne soit la porte ouverte à la contrefaçon et pour préserver un conseil pharmaceutique. Il semble néanmoins que sa mise en œuvre soit difficile, pour ne pas dire confuse, entre les sites pirates qui se multiplient et ceux, agréés, qui ne sont pas toujours conformes aux règles.
En quelques semaines, l’Ordre des pharmaciens a repéré près d’une centaine de sites illégaux. Sur ces sites, on ne trouve pas de Doliprane ou d’Efferalgan, autorisés à la vente en ligne mais peu lucratifs, mais plutôt des gélules contre les dysfonctionnements érectiles ou pour maigrir. Ces produits peuvent être contrefaits ou tout simplement interdits en France, car jugés dangereux.
Ce qui est nouveau, c’est le mode opératoire, qui consiste à utiliser l’adresse en déshérence d’une pharmacie réelle et physique. Le ministère doit faire preuve de la plus grande vigilance pour garantir la meilleure sécurité possible aux patients.
Dans ces conditions, la contraception d’urgence est-elle sur la liste des médicaments qui peuvent être vendus sur internet dans la mesure où elle n’est pas soumise à prescription ? Le risque est évidemment de recevoir le produit hors délais, et surtout il me paraît indispensable de bénéficier d’un conseil médical du pharmacien.
Le troisième sujet que j’aborderai est celui, très préoccupant, du détournement et du trafic de certains médicaments. Je pense particulièrement à la Buprénorphine à haut dosage, la BHD, prescrite sur ordonnance médicale sécurisée dans le cadre de traitement substitutif des pharmaco-dépendances majeures aux opiacés, dans le cadre d’une thérapeutique globale de prise en charge médicale, sociale et psychologique. L’impact positif de ce médicament est reconnu dans la lutte contre la dépendance aux opiacés, la diminution des overdoses à l’héroïne et la réduction des risques liés à la consommation de stupéfiants. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, si la grande majorité des patients utilisent le Subutex ou BHD dans un but thérapeutique, certains d’entre eux détournent ces médicaments pour les consommer dans un cadre non thérapeutique.
Par ailleurs, d’autres détournements ont été constatés, qui donnent lieu à des reventes hors du circuit pharmaceutique et suscitent un trafic aux niveaux tant national qu’international. C’est pourquoi, en 2004, l’assurance maladie a mis en place un plan de contrôle et de suivi des traitements de substitution aux opiacés qui consiste à cibler et à suivre individuellement les personnes qui se font délivrer l’équivalent de plus de 32 milligrammes de BHD par jour. Mais force est de constater que ce médicament demeure accessible sur le marché noir, à un faible coût, et qu’il est très utilisé par les usagers actifs d’héroïne.
Dès lors, madame la ministre, des mesures sont-elles envisagées pour mettre en place un plan d’action visant à favoriser un bon usage du médicament et à lutter plus efficacement contre toute dérive ou pratique ayant pour but de détourner, trafiquer ou « mésuser » les traitements ? J’ajoute que le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies rappelle que la méthadone seule ou en association serait en cause dans 38 % des surdoses en 2011, contre 22 % en 2009, en France. Dans ce cadre, pourquoi envisager la primo-prescription de méthadone en médecine de ville ?
Enfin, j’évoquerai une dernière question qui touche à l’actualité : la cigarette électronique.
Alors qu’une majorité de députés européens vient de refuser de la considérer comme un médicament, quelle est votre position ? Envisagez-vous au moins un statut pharmaceutique pour les cigarettes électroniques contenant de la nicotine, ce qui permettrait une classification unique, et donc une réglementation comparable, pour l’ensemble des produits délivrant de la nicotine pour réduction ou arrêt du tabagisme ?
Madame la ministre, je vous remercie des réponses que vous ne manquerez pas de nous apporter. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je remercie à mon tour le groupe du RDSE d’avoir permis ce débat sur un sujet très important en matière de santé publique.
Savez-vous qu'aux États-Unis et en Europe les résultats de plus de la moitié des essais cliniques ne sont jamais publiés ?
Dans une étude de 2005, une équipe lyonnaise a analysé 976 projets de recherche dont les protocoles avaient été approuvés en France en 1994 par les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale. Le protocole était le plus souvent – dans 68 % des cas – un projet de recherche évaluant un médicament.
Au total, selon les investigateurs, six à huit ans après leur approbation par un comité de protection des personnes, 62 % des recherches achevées n'avaient fait l'objet d'aucune publication. Sur ces 62 % de recherches non publiées, il est préoccupant de constater, avec un recul de six à huit ans, qu'une étude avait eu 4,6 fois plus de chances d'être publiée lorsque ses résultats venaient confirmer son hypothèse principale. Il existe donc bien une publication sélective des seuls résultats favorables aux médicaments, qui biaise les analyses scientifiques et les décisions des autorités sanitaires, au détriment de la santé des personnes et de la pérennité des systèmes de protection sociale.
Au nom du secret commercial, les firmes s'arrogent trop souvent le droit de ne pas publier certains résultats. Et les autorités publiques et sanitaires, dans la situation actuelle, ne les contraignent pas à rendre publiquement accessibles ces données obtenues lors des essais cliniques ! Les firmes pharmaceutiques peuvent ainsi sélectionner les éléments qu'elles veulent voir publier. Il a même été démontré que certaines firmes pharmaceutiques multipliaient à l'inverse la publication d'études favorables. On connaît d’ailleurs ces études, écrites par des auteurs fantômes, qui font partie de plans de publication mûrement réfléchis, essentiels à la promotion commerciale des nouveaux médicaments.
Dans le modèle d'affaires actuel, les firmes pharmaceutiques ne consacrent donc pas la majeure partie de leurs ressources au développement et à la production des médicaments mais à une véritable gestion de la recherche grâce à trois types de stratégie cumulés : la multiplication de la publication d'études favorables à un médicament, la rétention d'informations pouvant nuire aux ventes et parfois l'intimidation, voire la neutralisation de chercheurs indépendants.
Si l'évaluation des médicaments avant leur mise sur le marché fait l'objet de critiques de plus en plus nombreuses, c'est également parce que des biais faussent souvent les méthodes d'évaluation. Les praticiens sont par exemple nombreux à constater que les traitements sont souvent moins efficaces et moins bien tolérés chez leurs patients que dans certaines publications d'essais cliniques. Cela est notamment lié au fait que les essais cliniques ont été réalisés dans des conditions qui ne reflètent guère la réalité, avec des patients sélectionnés en nombre limité et non représentatifs des patients réels, pour différentes raisons.
On constate aussi, de plus en plus régulièrement, une absence de comparaison avec les autres options thérapeutiques. Trop d'autorisations de mises sur le marché résultent ainsi des seuls essais cliniques réalisés en comparaison avec des placébos et non avec les traitements de référence. Ces essais sont contraires à l'éthique quand un traitement de référence existe, et ils ne permettent pas aux soignants et aux patients de faire un choix éclairé parmi les options disponibles.
Enfin, l'accès du public aux données cliniques n'est toujours pas garanti. Or la réalisation d'analyses contradictoires indépendantes du promoteur de l'essai dépend de la mise à disposition des données cliniques obtenues lors des essais sous une forme suffisamment détaillée. Trop souvent pourtant, les firmes pharmaceutiques et les agences s'opposent à l'accès des chercheurs et du public à ces données sous divers prétextes : les données seraient « commercialement confidentielles », il faudrait protéger les données personnelles des participants ou se prémunir des risques de « mauvaise interprétation », etc.
Au total, je suis convaincue qu'une recherche plus indépendante et davantage libérée des contraintes commerciales est nécessaire afin de faire progresser la médecine.
Un nouveau règlement européen sur les essais cliniques a justement été proposé par la Commission européenne en juillet 2012 et devrait être voté par le Parlement européen en séance plénière aux alentours de mars 2014.
Alors que la Commission européenne proposait d’affaiblir la protection des personnes en visant avant tout à « renforcer l’attractivité de l’Union européenne en matière de recherche clinique », les eurodéputés de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire ont adopté un rapport contenant plus de 290 amendements, dont plusieurs vont dans le sens d’un renforcement des exigences de transparence en matière de résultats des essais cliniques.
Si les améliorations apportées par cette commission du Parlement européen sont maintenues lors du vote en séance plénière, le nouveau règlement pourrait constituer un progrès en termes d’accès aux résultats des essais cliniques et contribuerait à la transformation du modèle actuel de recherche et de développement des firmes pharmaceutiques, qui est à bout de souffle, en un nouveau modèle permettant de mieux répondre aux besoins réels de santé publique. Comme le montre le débat, c’est bien ce que nous attendons tous !
À l’heure où le mot « transparence » est souvent employé, force est de constater que les agences de santé, les firmes pharmaceutiques ainsi que leurs relais ne la pratiquent guère. C’est donc dès maintenant et par-delà les frontières des États membres et de nos groupes politiques respectifs que nous devons œuvrer à introduire plus de transparence.
Madame la ministre, j’espère que la France défendra plus de transparence en matière de résultats des essais cliniques, notamment ceux qui sont conduits en France ou par des firmes présentes sur le territoire national.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Alain Milon, qui souhaitait intervenir cet après-midi dans ce débat, dont je salue à mon tour la qualité. Une partie de mon discours reflétera donc sa position.
La réglementation du marché des médicaments constitue un enjeu crucial pour la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Les Français sont en effet de gros consommateurs de médicaments et, comme l’a rappelé notre collègue Daudigny, ils dépensent en moyenne tous les ans environ 500 euros en produits de santé.
Le secteur pharmaceutique français revêt également une grande importance sur le plan économique : les entreprises du médicament emploient directement 100 000 personnes et représentent 4,8 % du marché mondial du médicament. Plutôt que de pointer du doigt ce secteur d’excellence tant dans le domaine économique que scientifique, mieux vaudrait associer tous les professionnels de santé aux enjeux de la sécurité sanitaire, mais sans concession.
En 2011, le drame du Mediator a illustré les carences de notre système de contrôle des produits de santé, ce qui nous a conduits à renforcer notre arsenal législatif. À cet égard, la loi du 29 décembre 2011, dite « loi Bertrand », a introduit des changements majeurs pour améliorer la surveillance des médicaments sur le marché et elle a permis à la France de rattraper une partie de son retard en la matière. Le texte s’articule autour de trois exigences : lutter contre les conflits d’intérêts entre les acteurs de santé, améliorer le paysage institutionnel du système de sécurité du médicament et consolider les mécanismes de contrôle.
La quasi-totalité des décrets d’application ont été pris par le Gouvernement. Il nous est donc possible de mesurer les effets de cette loi.
La publication officielle des déclarations d’intérêts pour toutes les personnes dirigeantes liées au secteur de la santé est une avancée que nous saluons. La mise en place de ce Sunshine Act à la française a permis de clarifier les liens entre l’industrie et les professionnels de santé en rendant publics les conventions et les avantages accordés par les entreprises pharmaceutiques. Ces mesures vont dans le bon sens : la transparence sanitaire et l’indépendance de l’expertise médicale sont devenues des réalités.
Par ailleurs, la création de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne doit pas se réduire à un énième changement de nom. Le rattachement de l’agence au budget général de l’État ne saurait pas davantage impliquer une baisse de ses moyens financiers. Surtout, il est impératif que l’ANSM collabore étroitement avec l’Agence européenne du médicament et les agences régionales de santé. N’oublions pas que le scandale du Mediator aurait pu être évité si la coopération entre les différentes agences avait été plus développée.
La loi a également voulu consolider le système de pharmacovigilance et le suivi des médicaments après leur autorisation de mise sur le marché. En particulier, les AMM font désormais l’objet d’une réévaluation tous les cinq ans par l’ANSM pour apprécier la sécurité et l’efficacité du médicament.
L’agence aura la possibilité de modifier, suspendre ou retirer l’autorisation de mise sur le marché de tout produit de santé jugé nocif. Elle pourra également interdire la prescription et la délivrance de tout médicament à risque ou qui n’aurait pas fait la preuve de son efficacité.
Selon les données du ministère de la santé, depuis 2011, l’autorisation de mise sur le marché a été reconsidérée pour cinquante-huit médicaments, notamment le Diane 35 et le tétrazépam. Comment pourrait-on, madame la ministre, améliorer l’information du Parlement, en particulier par l’intermédiaire de ses commissions des affaires sociales, sur les programmes de réévaluation décidés par l’ANSM ?
L’encadrement des produits de santé hors AMM constitue l’un des axes majeurs de la loi de 2011. Je rappelle que le Mediator avait été prescrit à 78 % hors AMM en 2008. Il convient donc d’être extrêmement vigilant pour éviter que de tels drames ne se reproduisent. Certes, les médicaments hors AMM peuvent être vitaux pour des maladies graves ou rares, mais il faut renforcer la procédure de délivrance des autorisations temporaires d’utilisation.
À terme, le régime de sécurisation des médicaments hors AMM devra être aligné sur celui des autres médicaments. En particulier, les médicaments prescrits hors AMM doivent être réévalués régulièrement. Or la loi de 2011 reste encore trop floue sur cette question ; il serait peut-être nécessaire de la préciser à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Nous souhaitons connaître la position du Gouvernement sur le sujet.
Enfin, madame la ministre, notre débat sur la sécurité sanitaire ne peut ignorer la question de la surconsommation de médicaments. Outre son inutilité, cette surconsommation pèse sur le budget de la sécurité sociale, puisque le remboursement des médicaments est le premier poste de dépenses de l’assurance maladie.
La France est l’un des pays où les prescriptions et l’usage irrationnels de produits de santé sont les plus forts. Il ne suffit pas d’encourager l’utilisation de génériques pour lutter contre cette dérive, il convient aussi et surtout de sensibiliser les Français à l’usage modéré de ces produits.
Par ailleurs, je souhaite appeler une nouvelle fois votre attention sur les garanties qui accompagnent le remplacement d’un médicament prescrit par le médecin par un autre dit « générique ». C’est là un aspect complexe de la problématique des génériques, qui doivent devenir des médicaments comme les autres.
Ce remplacement est effectué par le pharmacien, qui, placé sous le contrôle administratif de l’assurance maladie, doit chercher à diminuer les dépenses d’achat de médicaments. Ce praticien s’expose à des sanctions dans le cas où son « efficacité » en matière de substitution ne serait pas jugée suffisante. À l’inverse, le pharmacien « vertueux » se voit récompensé par des primes versées par l’assurance maladie.
Les logiques économiques propres au marché du médicament sont encore compliquées par des systèmes de marges, quelquefois particulièrement avantageux pour les génériques, et qui s’apparentent à ceux, fort complexes, en vigueur dans la grande distribution. À ce titre, il serait souhaitable qu’une plus grande transparence règne dans le « business » du médicament, si je puis utiliser cette expression américaine.
Tout en approuvant, sur le principe, cette recherche d’économies par le recours aux génériques, je m’étonne de l’ampleur de la responsabilité laissée au pharmacien, qui peut, sans concertation, modifier la prescription émise par le médecin. Cette pratique soulève des questions d’ordre éthique et modifie très profondément les relations de confiance entre le patient, le médecin et le pharmacien. En effet, comment voulez-vous faire de la pédagogie sur le bon usage des médicaments lorsque le patient ne sait plus qui du médecin ou du pharmacien prescrit son traitement ?
En outre – j’insiste tout particulièrement sur ce point –, la comparaison entre la fiche descriptive d’un médicament princeps et celle de son générique ne garantit pas toujours que les deux préparations soient parfaitement similaires. On parle de bioéquivalence entre les deux, sans que cette notion soit toutefois parfaitement définie sur les plans scientifique et juridique. Cette incertitude n’a rien de rassurant pour le patient qui, ayant connu de bons résultats avec un médicament prescrit par son médecin, se voit imposer un générique qui n’est pas garanti être en tous points semblable au médicament qui lui a été bénéfique.
De nombreux exemples illustrent l’existence d’un décalage sérieux entre la fiche descriptive d’un médicament et celle de son générique. La similitude chimique entre les deux préparations n’est pas complètement assurée et aucune garantie n’est apportée quant à leur égale efficacité. Néanmoins, les autorisations de mise sur le marché des génériques sont plus faciles à obtenir que celles des médicaments initiaux.
Je précise que les différences entre le médicament princeps et son générique peuvent porter sur la nature de la substance active et sur celle des excipients, les problèmes les plus graves concernant bien sûr les principes actifs. Il serait donc important de multiplier les expertises visant à encadrer et à garantir la sécurité des autorisations de mise sur le marché des génériques, qui, je vous le rappelle, pour certains médicaments, s’élèvent à quelques dizaines. On peut s’interroger sur la nécessité de disposer de quelques dizaines de copies pour un seul médicament. Cela ne semble guère très sérieux !
Je le répète, je ne m’oppose nullement à la recherche d’économies par le recours aux génériques, mais il faut s’entourer de solides garanties afin que ceux-ci deviennent véritablement des médicaments comme les autres en lesquels on puisse avoir entière confiance. Par conséquent, madame la ministre, vous serait-il possible de nous préciser comment garantir l’égalité d’action entre les médicaments et leurs génériques ? C’est la meilleure façon d’assurer la pérennité d’une politique d’économies que nous approuvons tous.
Enfin, j’en viens à la question de la vente en ligne de médicaments que vous avez autorisée par l’ordonnance du 19 décembre 2012 transposant une directive européenne.
Cette ordonnance nous semble envoyer un mauvais signal. Les ventes sur internet nécessitent en effet un encadrement strict. Nous aimerions donc connaître les mesures prises en ce sens par le Gouvernement.
Les dispositifs créés par la loi de 2011 doivent être mis en place le plus tôt possible. Nous nous félicitons de la création de la base informatique de données sur les médicaments rattachée au site du ministère de la santé. Cette base contribuera sans doute à un meilleur usage des produits de santé par les Français. Reste qu’il conviendra de mieux encadrer les logiciels d’aide à la prescription destinés aux médecins. De tels logiciels ne sauraient se substituer aux professionnels de santé : ils ne peuvent être qu’un support complémentaire pour les usagers.
Pour conclure, j’évoquerai les projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs qui se sont traduits par une imprévisibilité de l’environnement de l’industrie pharmaceutique. Ils sont probablement devenus aujourd’hui l’un des éléments qui pénalisent le plus l’attractivité de la France dans ce domaine. Une fois encore, le Gouvernement fait le choix des hausses de taxes plutôt que celui de réformes structurelles. Mais nous reviendrons sur ce point dans quelques jours à l’occasion des discussions budgétaires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à mon tour à remercier M. Barbier d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui nous permet d’aborder l’ensemble des questions relatives aux médicaments. Il est vrai que, dans notre pays, ces questions nous préoccupent beaucoup, peut-être même davantage qu’ailleurs – j’aurai l’occasion d’y revenir.
Ce débat m’offre l’occasion de dresser un bilan de l’action que je mène en matière de produits de santé, particulièrement de médicaments.
La question centrale est celle de la confiance. Vous l’avez quasiment tous souligné, cette confiance a été ébranlée au cours des dernières années par des crises sanitaires. À ce propos, je ferai remarquer que l’on a eu tendance à mettre toutes ces crises sur le même plan, alors qu’elles renvoyaient, en réalité, à des situations extrêmement différentes. Je ne passerai pas en revue toutes les crises que vous avez, les uns et les autres, évoquées, mais je tiens à dire que l’affaire du Mediator ne peut pas servir de grille de lecture lorsque l’on évoque les enjeux de sécurité en matière de médicaments.
Ces crises ont donc mis à mal la confiance de nos concitoyens à l’égard tant des médicaments qu’ils consomment que du système de régulation de nos produits de santé.
Ma responsabilité, celle des pouvoirs publics, est de garantir la sécurité, la juste prescription, la transparence, l’information et l’accès aux produits innovants.
Sans chercher à être exhaustive, je voudrais mettre l’accent sur cinq piliers de la politique que je conduis.
Le premier est relatif au renforcement de la sécurité de nos concitoyens, et donc de leur protection.
Madame Goulet, vous avez évoqué la question de la prévention. Il est exact que l’enjeu de la sécurité des médicaments renvoie également à la mise en place d’une politique de prévention et de sécurisation de nos produits.
Cette politique de prévention trouvera toute sa place dans la loi de santé que je présenterai l’année prochaine. Elle est l’un des axes centraux de la stratégie nationale de santé que j’ai annoncée le 23 septembre dernier et qui repose précisément sur la prévention, la réorganisation de notre système de soins de premier recours et le développement des droits des patients.
La prévention est le premier élément de cette politique que je souhaite mettre en avant. Incontestablement, pour renforcer la sécurité de nos concitoyens, il faut donc aller plus loin que ce qu’a permis la loi de décembre 2011. Vous avez d’ailleurs été un certain nombre à le souligner, notamment MM. Barbier et Leroy, et je veux insister sur ce point.
Les ruptures d’approvisionnement sont devenues un enjeu majeur : l’an dernier, nous avons affronté plus de 170 ruptures de stock de médicaments dits « indispensables ». Cette fréquence anormale est particulièrement préoccupante lorsque ces ruptures concernent des traitements nécessaires aux patients.
Sans attendre, j’ai pris des décisions au niveau national pour sécuriser l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. J’ai ainsi fixé par décret les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs. J’ai également mis en place des centres d’appel d’urgence pour informer les Français sur les situations qu’ils pourraient rencontrer. Enfin, j’ai instauré un comité de pilotage multidisciplinaire, qui me fera des propositions pour lutter plus efficacement encore contre les ruptures de stock.
À l’évidence, nous avons besoin de prendre des mesures législatives pour – j’espère que vous me passerez cette expression quelque peu triviale ! – « aller un cran au-dessus » en matière de sécurisation de l’approvisionnement. J’ai évidemment souhaité porter ce dossier au niveau européen, car ces difficultés ne se limitent pas à l’Hexagone.
Nous mettons en place des dispositifs d’alerte européens. Nous avons, par exemple, récemment rencontré, et nous rencontrons encore de manière limitée, des difficultés d’approvisionnement de plusieurs dosages de Lévothyrox. Grâce au mécanisme que nous avons mis en place au niveau européen, nous avons pu nous rapprocher de l’Italie pour pallier certaines carences.
Plus largement, nous devons assurer la qualité de nos médicaments. M. Daudigny a parfaitement raison de pointer l’enjeu que constituent la traçabilité des matières premières et la mise en place de contrôles renforcés. Certains ont avancé les pourcentages de 60 % et 70 %, mais je veux rappeler que ce sont 80 % des matières premières des médicaments qui viennent de pays tiers extérieurs à l’Union européenne. Cette situation nécessite un contrôle renforcé, qui ne peut se faire que de façon coordonnée au niveau international, aucun pays n’ayant les moyens de contrôler l’ensemble des sites producteurs. C’est ce que nous avons mis en place avec nos partenaires. Je souligne que la France est le seul État membre à avoir dédié une équipe d’inspecteurs au contrôle des matières premières.
Pour garantir la sécurité, j’ai également souhaité encadrer la vente de médicaments sur internet, en complément du droit européen.
L’achat en ligne est de plus en plus prisé par les patients, même si la vente reste limitée à certains médicaments. Il est donc primordial de réguler et contrôler ces achats. On ne peut pas admettre que circulent aussi facilement des médicaments contrefaits ou falsifiés, lesquels se retrouvent ensuite dans les armoires à pharmacie – trop remplies ! – de nos concitoyens. Je tiens à dire à Mme Laborde et à M. Leroy que j’ai fait le choix de mettre en place des garde-fous en m’appuyant sur le réseau de nos officines pour assurer la sûreté de ce nouveau mode de dispensation.
Je rappellerai très succinctement les règles que j’ai souhaité ajouter à celles posées par la directive européenne. Seuls les médicaments ne nécessitant pas une ordonnance peuvent être vendus sur internet ; ils ne peuvent, et ne doivent, être achetés que sur des sites labellisés par le ministère. Pour être labellisés, ces sites doivent être adossés à une pharmacie physique. La liste de ces sites est disponible sur le site du ministère ainsi que sur celui de l’ordre des pharmaciens. Enfin, des contrôles sont régulièrement menés : lorsque des sites manifestement malveillants ou frauduleux sont repérés, des actions en justice sont engagées, ce qui s’est déjà produit.
Madame Laborde, vous m’avez interrogée sur les moyens d’aller plus loin dans la sécurisation de ces circuits. Nous devrons ratifier la convention internationale Médicrime, qui nous permettra de lutter plus efficacement contre les produits contrefaits. Cela se fera le plus rapidement possible en 2014, car l’enjeu est important.
Enfin, il est devenu essentiel de renforcer nos mécanismes de vigilances.
Être vigilants, cela signifie qu’il nous faut vérifier que les médicaments consommés présentent toutes les conditions de sécurité et que ceux-ci sont utilisés à bon escient. C’est le sens de la mission de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui analyse le rapport entre les bénéfices et les risques tout au long de la vie du produit.
Depuis plus d’un an, l’ANSM effectue des réévaluations périodiques, notamment pour les produits anciens. Cette démarche vise à apprécier l’intérêt de conserver ou non un produit sur le marché ou de revoir éventuellement ses conditions de mise sur le marché. C’est dans ce contexte que l’ANSM a retiré l’antiacnéique Diane 35. Elle a ainsi réévalué 110 médicaments en deux ans et il y a eu, par exemple, 11 suspensions de commercialisation.
Toutefois, ce système ne nous permet pas d’anticiper et de gérer de manière optimale les situations à risque. C’est la raison pour laquelle je veux rénover plus en profondeur notre système de vigilances. J’ai ainsi confié à Jean-Yves Grall la mission de me proposer un plan de réorganisation de toutes les vigilances avec un objectif : mettre en place un système plus simple et plus réactif.
Un système plus simple signifie qu’il doit être plus immédiatement compréhensible, lisible non seulement par nos concitoyens – c'est tout de même important ! –, mais également par les professionnels de santé. C'est une exigence, car, pour dire les choses très clairement, si les professionnels de santé n’arrivent pas à s’y retrouver entre les différentes agences, je ne vois pas comment nos concitoyens, qui n’ont pas les mêmes outils que les professionnels, pourraient le faire !
Dès l’an prochain, nous engagerons cette réorganisation. Elle s’appuiera sur le rapport de Jean-Yves Grall et sur celui des professeurs Bernard Bégaud et Dominique Costagliola. Elle permettra de rendre plus efficace la surveillance relative à l’utilisation réelle des produits de santé. Lorsqu’une autorisation de mise sur le marché est accordée à un médicament, elle est assortie de conditions de prescription. Si ce produit est prescrit de manière massive en dehors de l’usage indiqué dans l’AMM, nous devons disposer de moyens simples, souples et réactifs de le détecter.
Les professionnels soulignent régulièrement le fait qu’il peut être utile et intéressant de prescrire un médicament hors AMM. Il ne s’agit évidemment pas de condamner ou d’empêcher cette possibilité, mais elle doit rester limitée. En effet, il faut adapter à un traitement particulier, à un malade particulier, la pharmacopée dont on dispose. Dès lors qu’un médicament est massivement prescrit hors autorisation de mise sur le marché - c’est ce qui s’est passé, par exemple, pour l’antiacnéique Diane 35 –, cela signifie, à l’évidence, qu’il y a un dysfonctionnement. Il faut alors se poser des questions, ce qui implique que l’agence doit pouvoir s’en saisir, soit pour revoir l’autorisation de mise sur le marché qu’elle a accordée, soit pour rappeler les prescripteurs à leur rôle et aux règles qui ont été fixées.
Je vais permettre l’accès sécurisé aux bases de données, ce qui doit permettre de renforcer encore la surveillance des produits.
Évidemment, les dispositifs médicaux seront également concernés par la rénovation de notre système de vigilances. Il est devenu urgent de renforcer l’évaluation clinique des dispositifs médicaux les plus à risque, avant leur mise sur le marché. Vous le savez, et je vous le confirme, je défends cette position avec force au niveau européen. J’insiste sur le fait que cette position ne va pas de soi, car certains États membres défendent plutôt l’idée d’une mise sur le marché rapide pour pouvoir répondre aux attentes des patients.
Pour ma part, sans nier la nécessité d’être réactif, il me paraît absolument nécessaire de garantir la sécurité des produits, notamment des dispositifs médicaux implantables - tous les dispositifs ne doivent évidemment pas être tous mis sur le même plan.
Conformément aux préconisations du professeur Vicaut, j’instaurerai la traçabilité des dispositifs médicaux.
Enfin, il s’agira de réorganiser le paysage institutionnel de notre système de vigilances, car nous avons besoin d’être plus lisibles, plus clairs et plus réactifs. Dans les missions menées par les agences sanitaires, les doublons sont trop nombreux et certains sujets ne sont pas couverts. La future loi de santé de 2014 permettra de mettre en œuvre cette réorganisation des agences.
Le deuxième pilier de la politique que j’ai engagée est celui du bon usage des produits et de leur juste prescription au meilleur coût.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été nombreux à aborder le sujet. Vous avez quasiment tous constaté que les Français consomment encore trop de médicaments. Les prescriptions sont également trop souvent ciblées sur les produits les plus onéreux ; Yves Daudigny a eu parfaitement raison de le souligner. C’est l’une des caractéristiques du système français : les professionnels de santé ont tendance à prescrire systématiquement le dernier médicament mis sur le marché, même si des médicaments plus anciens et moins onéreux seraient tout à fait adaptés au cas du patient qu’ils traitent. En fait, ils ont tendance à utiliser l’amélioration que représente le nouveau médicament pour les cas les plus banals et les plus classiques, ce qui, bien évidemment, représente un coût très significatif pour notre système de santé.
Par conséquent, nous devons encourager une meilleure information des professionnels, des patients et l’amélioration des pratiques. La règle doit être claire : au moment de la prescription, il faut prendre en compte non seulement le rapport bénéfices-risques des médicaments, mais aussi leur coût. De ce point de vue, je regrette la frilosité qui existe dans notre pays.
Cela m’amène au débat sur les génériques. Je rappelle que ce débat a d’abord été un débat économique, mais, j’y insiste, il ne s’agit pas de médicaments low cost ! Au reste, il s’agit d’un débat franco-français, qui n’existe pas dans les autres pays développés, européens notamment.
Monsieur Leroy, les règles concernant les médicaments génériques sont internationales. En effet, tout ce qui concerne le contrôle, le processus de fabrication, la définition des produits qui peuvent ou non être génériqués est défini au niveau international.
Dans notre pays, les génériques continuent d’inspirer une certaine inquiétude, même si c’est aujourd'hui moins vrai qu’il y a quelques années. Certes, les pharmaciens jouent un rôle important dans la substitution, mais cela ne signifie pas que leur rôle se confond avec celui du médecin. J’en veux pour preuve que, lorsqu’il ne dispose pas ou plus du produit prescrit ou s’il a un doute sur la substitution, le pharmacien appelle le médecin pour avoir son avis ou lui demander conseil. Nous avons tous été témoins de telles situations.
Par ailleurs, je rappelle que le médecin peut inscrire « non substituable » sur l’ordonnance.
Comme cela a été indiqué par l’un d’entre vous, nous n’avons pas l’habitude, dans notre pays, de prescrire en DCI : nous prescrivons à partir de la marque du médicament. Souvent, les professionnels eux-mêmes connaissent le médicament sous son nom de marque et non sous le nom de la molécule, ce qui explique leur tendance à prescrire le princeps plutôt qu’un générique. A contrario, le fait de ne pas apporter la mention « non substituable » sur l’ordonnance signifie que, pour eux, la substitution est possible. Les pharmaciens, qui, eux, raisonnent en termes de DCI, procèdent alors à cette substitution de façon tout à fait encadrée.
Je veux vraiment insister sur ce point, et je vous confirme, madame Laborde, que nous avons là un combat de conviction à mener. Prescrire un générique, ce n’est pas prescrire un médicament moins bien parce que moins cher ; c’est prescrire une molécule vendue sous un autre nom que celui de la marque d’origine, le brevet étant tombé du fait de l’ancienneté de l’innovation. Au fond, la marque vient protéger une innovation ; ce que la collectivité, et la sécurité sociale en particulier, doit rémunérer, c’est cette avancée, et non la vente massive d’un médicament ancien sous son nom de marque initiale.
Nous devons défendre ce point de vue. C’est dans cette perspective que je défendrai, dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, une utilisation sécurisée des médicaments biosimilaires. Nous devons encadrer l’offre de ce type de produits, qui continue de se développer.
Vous l’aurez compris, je considère que le rôle des pharmaciens en matière de prescription des génériques doit être reconnu. Monsieur Daudigny, une négociation conventionnelle doit s’engager sur l’évolution des honoraires de ces professionnels. Cette négociation est en train de se mettre en place et devrait aboutir, dans un délai que j’espère aussi proche que possible.
Le troisième pilier de la politique que je mène a trait à la nécessité de garantir l’accès à une information indépendante.
Il est nécessaire que les pouvoirs publics fournissent aux professionnels et aux Français une information fiable, gratuite et indépendante sur les médicaments. C’est dans cet esprit qu’a été lancée la base de données publique sur les médicaments, que vous pouvez consulter en vous connectant à www.medicaments.gouv.fr. Une quinzaine de jours après sa mise en ligne, cette base rencontre un très grand succès : près de 200 000 connexions ont d'ores et déjà été enregistrées, ce qui marque un intérêt réel pour l’information en matière de médicament. Il s’agit là de la première pierre du futur service public d’information en santé dont je souhaite la mise en place.
En outre, dès l’année prochaine, les patients pourront connaître le service médical rendu de leur médicament, qui sera désormais inscrit sur la boîte. Mes services travaillent actuellement sur le décret qui permettra la mise en œuvre de cette mesure.
Madame Archimbaud, l’accès de tous à l’information, c’est aussi l’accès à une information sur les essais cliniques menés sur notre territoire et même en Europe. Cette information existe, mais elle n’est pas facile d’accès. Comme vous, je considère que nous devons œuvrer pour plus de transparence en la matière. À Bruxelles, la France défend cette transparence et la réorientation ou l’évolution des politiques dans le sens de la mise à disposition de l’information nécessaire.
Pour ce qui est des médicaments, les informations sont disponibles sur les sites de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et de l’Agence européenne du médicament. Cela étant, je partage l’avis que nous devons donner à ces informations une visibilité plus importante, en particulier pour le grand public, qui ne va pas forcément consulter le site de telles institutions.
Enfin, je veux confirmer à Mme Goulet ma volonté de permettre aux patients d’être mieux protégés à travers la mise en place d’une action de groupe en matière de santé. Cette action de groupe trouvera sa place dans le projet de loi relatif à la santé que je présenterai l’année prochaine.
Le quatrième axe de la politique que je conduis concerne la transparence des décisions médicales, des expertises et des choix de sécurité sanitaire. Cette transparence est la condition de la confiance de nos concitoyens.
Comme cela a été rappelé, chaque responsable public a désormais l’obligation de publier une déclaration d’intérêts. Les experts doivent également appliquer la charte de l’expertise sanitaire, qui permet de veiller aux principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et d’indépendance. Tel est aussi le sens du décret « Sunshine Act », qui, sur mon initiative, va plus loin que ce qui avait été initialement prévu. En effet, tous les avantages consentis par des industriels à des professionnels de santé doivent désormais être publiés sur un site public, qui centralisera l’ensemble des informations. Ce site ouvrira en avril 2014, mais la collecte et le rassemblement des informations commencera dans quelques semaines. Telle sera la deuxième pierre du service public d’information en santé.
Enfin, dernier point que je ne peux pas ne pas évoquer, même si peu d’entre vous en ont fait un axe important de leur intervention : une politique du médicament, c’est bien évidemment aussi une politique de soutien à l’innovation.
L’industrie de la santé constitue un pan entier de notre économie, c’est l’une de ses forces et l’un de ses atouts. Nous devons nous en souvenir, la défendre et la valoriser. Au reste, l’égalité face à la santé, l’égalité d’accès à des soins de qualité passent aussi par le fait de pouvoir accéder à une innovation qui soit bien développée.
Par conséquent, nous devons concentrer les efforts publics sur la valorisation de l’innovation ; telle est ma volonté, et telle est celle du Gouvernement. Contrairement à ce que j’ai parfois entendu, défendre l’innovation n’est donc pas contradictoire avec la volonté de mieux réguler et de mieux encadrer la prescription ou la consommation de médicaments.
En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité de vos interventions et de l’intérêt que vous accordez à une politique du médicament qui garantisse la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le marché du médicament et des produits de santé.
7
Indépendance de l'audiovisuel public
Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public (textes de la commission nos 75 et 73, rapports nos 74 et 72).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.
M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans sa version initiale, le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public contenait des dispositions fondamentales pour l’avenir de l’audiovisuel public.
D’abord, il prévoyait la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, afin de mettre fin à la nomination par le Président de la République, qui prévalait depuis 2009.
Ensuite et surtout, il prévoyait une désignation totalement inédite des membres du CSA, avec une approbation par les commissions parlementaires, aux trois cinquièmes de leurs membres, exprimant une volonté du plus large rassemblement politique. À cet égard, si l’indépendance est un terme parfois galvaudé, elle sera bien une réalité s’agissant du nouveau CSA qui se mettra peu à peu en place.
Enfin, le projet de loi initial faisait respecter un principe fort de notre droit conventionnel : celui de la séparation des autorités de poursuite et de sanction, avec la mise en place d’un rapporteur indépendant au sein du Conseil.
Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir su trouver la voie d’une réforme à la fois ambitieuse et lisible pour le citoyen : ce mode de nomination est appelé à perdurer très longtemps.
L’Assemblée nationale, prenant acte de cette réforme du CSA, décidait quant à elle de lui confier de nouveaux pouvoirs, tout en lui attribuant parallèlement de nouveaux devoirs, en termes d’études à réaliser ou encore de comptes à rendre. En volume, le texte passait de dix à vingt articles. Une surprise se nichait dans ces évolutions, avec l’ouverture d’une possibilité, pour le CSA, d’autoriser le passage de la télévision numérique terrestre – la TNT – payante à la TNT gratuite sans appel à candidature.
Le Sénat s’est saisi pleinement de ce texte, lequel est sorti de notre hémicycle avec trente-huit articles.
Il a d’abord souhaité apporter sa part dans l’approfondissement de l’indépendance de l’audiovisuel public, en prévoyant que la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, par le Président de la République serait soumise pour avis aux commissions de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat et en accordant aux chaînes de télévision la possibilité de détenir des parts de coproduction. Cette mesure, attendue de longue date, notamment pour France Télévisions, devrait encourager les chaînes à développer des programmes de fiction plus ambitieux, qui seront fondamentaux dans la télévision de demain.
Si l’on a beaucoup parlé de l’indépendance organique des chaînes de télévision, cette mesure contribue à leur indépendance financière, et c’est à une large majorité que le Sénat, sur notre initiative, a considéré cette dernière comme étant elle aussi un impératif. À cet égard, la détention de droits par France Télévisions sur les programmes qu’elle finance participe pleinement à son indépendance financière. Cela a également été permis par des mesures facilitant la circulation des œuvres.
Dans le prolongement des avancées faites à l’Assemblée nationale, le Sénat précisait le champ des pouvoirs du CSA en élargissant sa compétence de règlement des différends aux services de médias audiovisuels à la demande, en créant un pouvoir de conciliation en matière de circulation des œuvres afin d’accompagner l’ouverture des parts de coproduction, en encadrant le passage d’une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite ou encore en limitant le champ des études d’impact obligatoires.
Dans un esprit d’équilibre et de compromis, le texte du Sénat prévoyait aussi, avec la mise en place d’une procédure de tuilage, les modalités d'une transition satisfaisante entre les présidents de l’audiovisuel public.
Enfin, il renforçait l’application de la parité dans les conseils d’administration des chaînes de l’audiovisuel public et favorisait la présence de représentants de consommateurs au sein de ces conseils d’administration, via la désignation des personnalités qualifiées par le CSA.
Toutes ces améliorations, parfois techniques, mais souvent de fond – leur énumération suffit à montrer leur importance –, sont à porter au crédit de l’ensemble des groupes du Sénat puisque tous ont vu un ou plusieurs de leurs amendements adoptés.
Je remercie ainsi la commission de la culture – nos collaborateurs ont travaillé comme des acharnés – et sa présidente de tout le soutien qu’elle m’a apporté dans mon travail de rapporteur. Je remercie également mes collègues d'avoir travaillé de manière constructive sur ce texte qui est, selon moi, fondateur pour l’audiovisuel public.
Au final, le Sénat adoptait il y a deux semaines, avec le soutien de l’ensemble des groupes de la majorité, le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public. Je vous avoue avoir été extrêmement satisfait du résultat, à tel point que je n’ai proposé, pour l'essentiel, que quelques améliorations techniques en commission mixte paritaire, notamment une ouverture en faveur des producteurs sur le pouvoir de conciliation en matière de circulation des œuvres.
Néanmoins, j’avais annoncé en séance publique que je travaillerai à l'amélioration du passage de la TNT payante à la TNT gratuite ; un amendement a ainsi permis de renforcer la sécurisation de l'encadrement de cette procédure, que nous avons voulue au Sénat. Nous souhaitions également que le Gouvernement conserve clairement la mission de préempter les fréquences hertziennes pour l’audiovisuel public. Nous avons donc proposé de supprimer l'article 6 quater A.
Force est de constater qu’à ces deux exceptions près, sur notre proposition, le texte issu de la CMP est identique à celui du Sénat. Les deux tiers des vingt-huit articles restant en discussion ont en effet été adoptés par la commission mixte paritaire dans le texte du Sénat et, pour les dix articles modifiés par la CMP, les principales modifications sont rédactionnelles.
Les deux principaux changements que nous avons évoqués sont, quant à eux, très positifs : l’un permettra au CSA de favoriser, ou non, le changement de modèle économique des chaînes de la TNT payante dans un cadre renforcé et juridiquement sécurisé ; l’autre revient sur les pouvoirs qui auraient été confiés au CSA en matière de délivrance de fréquences à l'audiovisuel extérieur.
Voilà un texte qui a démontré qu’un Sénat uni autour des valeurs de protection des libertés publiques et de promotion de l’audiovisuel était à la fois utile et puissant. Voilà aussi un texte dont la gauche pourra, longtemps encore, demeurer fière ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis extrêmement heureuse et satisfaite du travail que nous avons accompli ensemble. Je tenais à vous remercier très chaleureusement de la qualité de vos apports, qui ont permis d’enrichir considérablement le projet de loi.
Il s’agit d’un texte majeur, d'un texte important, non par le nombre de ses articles – même si celui-ci a augmenté –, mais par une dimension symbolique extrêmement forte, puisqu’il aura renforcé de manière inédite l’indépendance de l’audiovisuel public et sa continuité.
Les travaux parlementaires ont permis de moderniser l’organisation et les compétences de la régulation audiovisuelle dans ce pays, qui repose sur le CSA. Je tiens à saluer, sur ce point, votre concours précieux.
Si je devais retenir quatre mots clés pour la nouvelle régulation audiovisuelle que nous avons mise en place, il s'agirait de ceux-ci : indépendance, impartialité, lucidité et modernité.
Indépendance, car cette nouvelle régulation avait d'abord pour objet de parvenir à un mode de nomination des présidents des entreprises de l’audiovisuel public qui soit conforme aux exigences d'une société démocratique. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel procédera désormais à ces nominations. Il s'agit d'une avancée majeure au regard des dysfonctionnements et des soupçons qui étaient apparus depuis la réforme de 2009.
L’indépendance accrue conférée au CSA parachève ce mouvement. Nous avons en effet accompli un autre progrès, qui constitue une première en France : la majorité et l’opposition parlementaires seront associées, dans une relation de responsabilité, à la nomination des futurs membres du CSA, qui s'effectuera à la majorité des trois cinquièmes des membres des commissions chargées de la culture des deux assemblées. Cette grande réforme suscitera évidemment une profonde évolution, aussi bien des mentalités que du fonctionnement même du CSA, tout en lui conférant une très forte légitimité. Aussi, en complète cohérence avec l'objectif d'un renforcement de l’indépendance du secteur audiovisuel fixé par le projet de loi, le statut du CSA a été modifié : il devient une autorité publique indépendante.
Impartialité, car la nomination des membres du CSA s'appuiera désormais sur des critères de qualification afin d’assurer la nomination de personnalités à la compétence et à l'expérience indiscutable. Vos travaux ont d’ailleurs enrichi le projet de loi en ce sens.
En outre, les règles relatives aux incompatibilités auxquelles seront soumis les membres du Conseil ont été améliorées. Les modalités de communication du collège sur ses propres décisions seront clarifiées. Le CSA rendra compte, dans son rapport annuel, des études ayant fondé ses décisions d’attribution de fréquences afin que soient mieux compris le sens des décisions du régulateur et les arguments sur lesquels elles se fondent. Enfin, les nominations au CSA respecteront la parité.
Lucidité, car, compte tenu des enjeux économiques auxquels est confronté le secteur audiovisuel, des dispositions consacrent une plus large place à la prise en compte des équilibres économiques de l’audiovisuel par le CSA. Ces avancées, attendues, permettront de moderniser le fonctionnement du CSA en le rendant plus ouvert aux enjeux économiques.
Afin de garantir à la fois le développement des acteurs en place et la viabilité économique des nouveaux acteurs autorisés, toute décision d’autorisation de nouveaux services nationaux susceptibles d’affecter de manière importante le marché en cause sera désormais précédée d’une étude d’impact. Cette amélioration était, elle aussi, extrêmement attendue. Elle sera importante pour le paysage audiovisuel français.
Par ailleurs, le maintien de la publicité en journée sur les chaînes de France Télévisions donne une visibilité nécessaire non seulement à l’entreprise, mais aussi aux autres acteurs de l’audiovisuel. Elle permettra de ne pas accroître la contrainte budgétaire après 2016 dans une période où doivent être réalisés, vous le savez, des efforts considérables en vue du redressement des comptes de la société et des finances publiques.
Modernité, enfin, car la régulation a été adaptée à l’ère numérique. D’autres dispositions issues des travaux parlementaires ont permis une modernisation concernant les sujets arrivés à maturité.
Désormais, le CSA pourra réserver un appel d’offres concernant une fréquence disponible à des chaînes qui souhaitent passer en haute définition, sans pour autant que celles-ci changent de profil éditorial. Cette évolution, attendue des téléspectateurs, est importante.
Le CSA enregistrera en outre les déclarations des distributeurs et des éditeurs concernant les SMAD, les services de médias audiovisuels à la demande – c'est-à-dire la télévision de rattrapage –, et il pourra régler les différends quant à la distribution de ces services.
Le CSA voit également son rôle accru dans l’organisation dynamique du marché de la télévision numérique terrestre. Il pourra autoriser les changements de modèle économique des chaînes, notamment le passage du payant au gratuit.
Votre assemblée a souhaité que cette nouvelle compétence du CSA soit encadrée. Je m'en félicite et, comme vous, je souhaite que l’agrément délivré par le CSA, pour le passage du payant au gratuit, ne mette en péril ni le pluralisme ni, évidemment, les équilibres publicitaires du secteur. Cet encadrement est un apport du Sénat, et je constate que la commission mixte paritaire en a confirmé toute l’importance.
Enfin, à l’issue du riche débat qui s'est déroulé à la Haute Assemblée, un amendement a entraîné une évolution dans les relations entre producteurs et diffuseurs, permettant à ces derniers de prendre des parts de coproduction dans les œuvres à des conditions préservant tant l’indépendance des producteurs que la circulation des œuvres.
Nous sommes tous conscients que certains débats techniques ou de régulation doivent encore se poursuivre et nécessiteront donc un second temps législatif. Le Gouvernement sait qu’il peut compter sur l’engagement du Sénat pour œuvrer à ce que notre paysage audiovisuel soit un espace d’indépendance, de création et de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Il n’est pas sans ironie de constater que, mardi dernier, jour de notre délibération en commission mixte paritaire du projet de loi relatif à l’audiovisuel public, le comité central d’entreprise de France Télévisions annonçait un plan de départs volontaires portant sur 361 postes. L’ensemble des élus et des représentants syndicaux ont demandé le retrait de ce plan, et, je veux le dire, ils ont notre entier soutien.
France Télévisions s’est déjà vu retirer des centaines de postes, sans compter la diminution des emplois non permanents et le non-remplacement des départs à la retraite des années précédentes. On s’attaque désormais au cœur de métier de l’entreprise, puisque ce sont 90 emplois de journalistes qui seront supprimés ou encore toute l’antenne de l’Agence internationale d’images de télévision dédiée à l’actualité africaine qui a été jugée non prioritaire.
Cette « coïncidence » de calendrier invite chacun d’entre nous à une mise en perspective des mesures portées par ce projet de loi.
Pour notre part, cela conforte ce que nous avions déjà dit en première lecture. En ne procédant pas à la remise à plat du secteur audiovisuel, où des déséquilibres profonds ont été créés entre secteur public et secteur privé, et en n’intervenant pas en profondeur sur les logiques de concurrence, cette loi n’apportera pas les garanties d’indépendance suffisantes souhaitées au service public, à savoir celles qui le libéreraient d’un même mouvement des logiques d’influence non seulement politiques, mais aussi financières.
Ainsi, comme nous l'avons dit, cette loi pèche d’abord par ses absences, dans la mesure où elle n’ouvre pas de perspectives d’évolutions significatives pour les entreprises de l’audiovisuel public et manque de l'ambition nécessaire.
Nous ne nions pas les avancées de ce projet de loi, comme, par exemple, le maintien confirmé de la publicité en journée. Nous l’avions réclamé, car, sans autre perspective de financement, cette mesure était indispensable pour ne pas aggraver le sous-financement du service public.
Ce projet de loi revient également sur le fait du prince que constituait la désignation des P-DG des entreprises publiques de l’audiovisuel par le Président de la République en transférant ce pouvoir à un CSA rénové et plus indépendant. Cela va dans le sens de la garantie institutionnelle de l’indépendance des médias publics.
Toutefois, nous sommes encore loin de l’appropriation citoyenne et de la démocratisation nécessaire. Seul un représentant des usagers siégera en plus au conseil d’administration.
Les symboles de l’indépendance sont donc affichés, aussi importants soient-ils, mais les garanties d’une indépendance réelle et les moyens humains et financiers nécessaires pour qu’elle s’exerce pleinement ne sont toujours pas là. France Télévisions restera dans une situation financière fragile, et cela tant que la réforme de 2009 ne sera pas fondamentalement transformée.
En imposant la participation de l’audiovisuel public à l’effort de redressement des finances publiques, le Gouvernement n’améliore pas cette situation. Le COM, on le sait, impose à France Télévisions une diminution des dotations de l’État à hauteur de 42 millions d’euros d’ici à 2015.
Nous restons donc inquiets pour l’avenir de l’audiovisuel public. Si nous approuvons les améliorations contenues dans le projet de loi, l’imperfection du texte tient moins, selon nous, à ce qu’il énonce qu’à ce qu’il tait. On nous dit que la grande réforme est à venir. Pour l’heure, les propositions d’enrichissements que nous avions formulées en ce sens par des amendements en séance publique n’ont pas été acceptées.
Seule exception, dans la lignée des recommandations du rapport Plancade, nous avons obtenu l’introduction d’un article ouvrant la porte à une évolution des rapports entre les chaînes de télévision et les producteurs privés, notamment pour rendre au service public la maîtrise des droits sur les productions qu’il finance. L’article n’est pas exactement celui que nous avions proposé, mais il confirme que le débat est désormais ouvert sur ce point.
Je rappelle que l’enjeu est de taille. France Télévisions a une obligation d’investissements importante : 470 millions d’euros par an dans la production audiovisuelle et cinématographique, et 95 % dans la production indépendante. Ces investissements n’offrent, pour le moment, aucune contrepartie en termes de droits pour le service public.
Permettre à France Télévisions de passer des accords de coproduction et de détenir des droits sur ces œuvres reste une perspective nouvelle de financement utile pour l’avenir du service public.
Nous avions également proposé de rétablir le taux de la taxe sur les chiffres d’affaires publicitaires au niveau prévu par la loi de 2009, soit 3 %. Nous regrettons que le projet de loi pérennise le taux réduit, en principe temporaire, de 0,5 %.
Nous avions également souhaité relancer le débat sur les nouveaux modes de diffusion de la télévision et leur contribution au financement de l’audiovisuel public en proposant la taxation des revenus publicitaires par voie électronique. L’exploitation des contenus audiovisuels par les grands groupes de l’économie numérique leur assure, en effet, des revenus publicitaires considérables. Il faudra s’attaquer à ce sujet, qui est toujours devant nous.
Enfin, nous ne pouvons pas parler d’indépendance sans aborder la question de la concentration dans le secteur médiatique. Il faudrait renforcer et repenser les dispositifs anti-concentration. Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens, conformes aux dispositions défendues il y a quelques années par le groupe socialiste du Sénat, mais nous l’avons fait, pour le moment, sans succès.
À nos yeux, je le répète, les progrès de ce projet de loi sont faibles. Nous en tenons compte, mais la réforme nous paraît trop timide. Elle fait l’économie de mesures nécessaires pour que l’indépendance soit garantie dans la durée.
L’avenir et l’indépendance de l’audiovisuel public exigeront une nouvelle loi. Ne perdons pas plus de temps pour la déposer : il y va de l’avenir de l’audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour commencer, je regrette une nouvelle fois, au nom de mon groupe, l’engagement de la procédure accélérée sur ces projets de loi relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public. Notre rapporteur lui-même a laissé entendre qu’il avait renoncé à présenter certains amendements contenant des innovations importantes au motif que l’Assemblée nationale n’aurait pu se prononcer sereinement.
Toutefois, venons-en au fond du sujet. D’aucuns questionnent la capacité de ces textes à garantir effectivement, et de manière irréfutable, l’indépendance de l’audiovisuel public. Je crois qu’il serait injuste de faire un procès d’intention au Gouvernement sur ce point, car l’indépendance ne saurait être décrétée a priori et aucune loi ne peut prétendre garantir l’indépendance réelle de quelque organisme que ce soit.
En revanche, la loi peut et doit bien évidemment renforcer les garanties d’indépendance de l’audiovisuel public, et c’est ce que permettent ces deux textes. En effet, le mode de nomination des présidents des télévisions et radios publiques mis en place par la précédente majorité était particulièrement dommageable. Il était indispensable de revenir à un mode de nomination hors de tout soupçon. Je me réjouis donc que ces textes permettent de rétablir la nomination de ces dirigeants par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
En outre, le CSA sera rénové, modernisé, conforté dans ses missions, qui seront également complétées et adaptées pour tenir compte de l’évolution des enjeux ; je pense notamment au numérique. Ces dispositions mériteront d’être complétées dans le projet de loi relatif à l’audiovisuel que vous nous avez annoncé pour 2014, madame la ministre, et qui devra notamment répondre à la question de l’adaptation de la régulation à Internet.
Enfin, concernant la procédure innovante et plus démocratique de désignation de six des sept membres de ce « nouveau » CSA, puisque la nomination devra être approuvée par les trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions des affaires culturelles des deux assemblées, nous ne pouvons que nous en féliciter.
J’en profite pour rappeler que nous demandons depuis plusieurs années qu’un tel système soit retenu pour l’ensemble des nominations sur lesquelles le Parlement se prononce, y compris celles qui sont faites par le Président de la République. Nous appelons donc à une réforme constitutionnelle en ce sens.
Les dispositions relatives au CSA et à la nomination des présidents de l’audiovisuel public que je viens de mentionner ont été largement soutenues à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et adoptées conformes ou avec très peu de modifications. Elles n’ont donc posé aucune difficulté pour la commission mixte paritaire.
Qu’en est-il des autres dispositions ? Je me réjouis tout d’abord que la commission mixte paritaire ait très largement retenu les apports adoptés par le Sénat, notamment l’article 6 decies A, dont l’importance a été trop peu soulignée, issu d’un amendement soutenu par notre collègue Jean-Pierre Plancade et, plus largement, par les membres du RDSE. Cet article vise à permettre aux chaînes de télévision de détenir des parts de coproduction sur les œuvres dont elles financent une part substantielle.
Il s’agit d’une mesure importante pour l’audiovisuel, qui permettra une juste prise en compte des risques financiers que prennent les chaînes et contribuera ainsi à renforcer l’indépendance financière de l’audiovisuel public ; cette dernière, je le souligne au passage, madame la ministre, est encore loin d’être acquise. Les membres du RDSE attendent des avancées concrètes à ce sujet : il faudra poursuivre le travail entamé.
Pour terminer, il me semble que les conclusions de la commission mixte paritaire confirment le caractère inopportun du choix de la procédure accélérée que je dénonçais au début de mon intervention. Certes, les membres de la CMP sont parvenus à un accord, mais ils ont tout de même adopté dans plusieurs cas une nouvelle rédaction, qui ne sera donc débattue ni par l’Assemblée nationale ni par le Sénat.
Ainsi, l’encadrement, voté par le Sénat, de la possibilité pour une chaîne de la TNT de passer du payant au gratuit ou inversement sans avoir à faire un nouvel appel à candidatures a été revu en CMP. Je ne doute pas que la rédaction retenue a pour objet de sécuriser davantage le dispositif, mais il s’agit tout de même d’une modification substantielle, qui aurait peut-être mérité d’être débattue en séance.
Une autre modification non négligeable adoptée en CMP est la suppression de la mention « avec l’accord des parties » pour l’exercice par le CSA de son nouveau pouvoir de conciliation entre chaînes et producteurs.
Conscients des réelles avancées que ces textes contiennent, qu’il s’agisse du mode de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, de la modernisation du CSA ou de l’adaptation du secteur audiovisuel aux mutations dont il est l’objet, les membres du groupe RDSE, comme en première lecture, approuveront très majoritairement les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour étudier le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue avant-hier soir avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Le texte qui en résulte est très proche de celui que nous avions adopté au Sénat. Il entérine l’essentiel des apports de notre assemblée à cette loi, preuve, s’il en était besoin, de la justesse des amendements que nous avions approuvés.
C’est d’autant plus une gageure que, présenté en procédure accélérée, ce texte ne faisait pas l’objet d’une seconde lecture et qu’il nous fallait donc convaincre nos collègues députés de valider des aménagements importants sans qu’ils puissent être discutés par eux en séance publique.
Je dois souligner ici la très grande solidarité des sénateurs lors de cette CMP et témoigner aussi de l’esprit très constructif de nos collègues de l’opposition lors de cette discussion.
M. Jacques Legendre. Merci !
M. André Gattolin. Plusieurs des amendements importants proposés par le groupe écologiste puis adoptés par la Haute Assemblée ont ainsi pu être validés. C’est pour nous une source de grande satisfaction. Il n’y aura donc évidemment pas de suspens quant à notre vote positif sur ce texte.
Néanmoins, avant de parler de ces avancées, je voudrais revenir rapidement sur le sens général de cette loi et dire en quoi elle ouvre le champ à une véritable indépendance de notre audiovisuel public et, en particulier, de l’autorité en charge de sa régulation et de la nomination, sous le contrôle renforcé du Parlement, des présidents des sociétés nationales de programmes.
Oui, le fait que le Président de la République ne nomme plus qu’un seul membre du CSA au lieu de trois précédemment, même s’il s’agit du président de cette autorité, marque le signe d’une « déshyperprésidentialisation » du fonctionnement de nos institutions, que nous saluons en tant qu’écologistes.
La nouvelle composition du CSA et le mode de désignation de ses membres lui permettront inexorablement de prendre sa pleine indépendance à l’égard du pouvoir politique.
En effet, cette réforme, si on l’associe à l’adoption du quinquennat présidentiel en 2000, fera que, quel que soit le Président de la République élu en 2017, qu’il soit de gauche, de droite ou d’ailleurs, et quand bien même il disposerait d’une large majorité à l’Assemblée nationale, il deviendra arithmétiquement impossible de bousculer la composition du CSA, même au travers du renouvellement de trois de ses membres, qui n’interviendra qu’en janvier 2019. C’est, de fait, une très bonne nouvelle pour la démocratie et pour l’indépendance de notre audiovisuel public.
Il faut aussi souligner que ce renforcement de l’indépendance ira de pair avec une exigence accrue de transparence et de bonne gestion de la part des groupes de l’audiovisuel public, notamment à l’égard des contrats passés avec les sociétés de production extérieures et au travers du contrôle approfondi des comptes internes – deux propositions également portées par le groupe écologiste du Sénat.
Ces nouvelles obligations en matière de contrôle s’accompagneront également de la mise en place d’un audit par le CSA des résultats et des comptes des groupes au bout des quatre premières années de mandat de chacun de leurs dirigeants.
L’instauration d’une procédure de « tuilage » lors du renouvellement des équipes dirigeantes, sur le modèle de la BBC, s’inscrit dans cette même perspective. Elle garantira une plus grande continuité et un meilleur fonctionnement des groupes de l’audiovisuel public, en permettant que les passages de relais se fassent dans de bonnes conditions et en évitant certaines mauvaises pratiques jusque-là liées aux atmosphères de fin de règne qui se déroulaient en fin de mandat.
Enfin, il faut bien le dire, il n’y a pas d’indépendance sans sources de financements pérennes. Cela passe naturellement par le développement des ressources budgétaires, comme la revalorisation de la contribution pour l’audiovisuel public, mais aussi par le développement de ressources propres dont le champ est ouvert par l’amendement Plancade, au travers de l’idée d’un partage des droits audiovisuels récompensant les investissements réalisés par les chaînes en matière de programmes.
Le projet de loi a par ailleurs été enrichi par d’autres propositions du groupe écologiste. Ainsi, les usagers seront désormais représentés au sein des conseils d’administration des groupes de l’audiovisuel public par le biais des associations agréées de défense des consommateurs.
On peut cependant regretter le rejet de l’instauration d’une lettre de mission, édictée par le ministère, qui aurait fixé les attentes de l’État actionnaire. Cette feuille de route pluriannuelle aurait permis de définir un cadre pérenne sur des questions aussi sensibles que les publics visés, la vocation généraliste des offres de programme, le périmètre des sociétés en termes de canaux ou de stations, ainsi que les grandes orientations pour l’organisation de cette offre, ce que l’on appelle la mutualisation des moyens des chaînes.
Cette volonté de clarification des objectifs visés apparaît d’autant plus importante aujourd'hui au regard des dérives financières révélées cette semaine par Le Canard enchaîné et de la dégradation profonde du climat social qui semble s’installer aujourd’hui à France Télévisions.
Le cahier des charges actuel, qui sert de cadre à l’élaboration des projets des candidats à la présidence des sociétés nationales de programme, très développé en termes d’objectifs de production et de diffusion des œuvres, demeure en revanche plus qu’elliptique quant à l’organisation de ces sociétés et les objectifs qu’elles auront à atteindre en termes de satisfaction des attentes et des besoins du public.
Disons-le, l’indépendance signifie non pas l’irresponsabilité, mais, au contraire, une responsabilité accrue des acteurs qui, au nom du bien commun, bénéficient de cette indépendance. Cette logique devra naturellement être confirmée, approfondie et précisée lors de la discussion de la future loi portant sur l’ensemble de l’audiovisuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de notre débat, la commission mixte paritaire s’étant réunie il y a deux jours.
Ayant participé à cette réunion, j’ai pu constater à quel point l’examen du texte aurait nécessité une discussion plus approfondie, et non écourtée par le couperet de la procédure accélérée.
Un très long débat s’est en effet ouvert en commission, car nous devions trouver une écriture commune non seulement sur les dispositions votées à l’Assemblée nationale et que nous avions modifiées, mais également sur d’autres sujets que les députés n’avaient pas pu traiter.
Je ne comprends pas pourquoi ce texte n’a fait l’objet que d’une seule lecture dans chaque chambre. Les députés ont été privés de débat sur plusieurs points importants pour l’économie de l’audiovisuel public, et nous-mêmes n’avons pu procéder à toutes les auditions nécessaires.
M. David Assouline, rapporteur. Si ! Ce n’est pas vrai !
M. Jacques Legendre. Les articles 2 bis et 6 octies A et B ont introduit de nouvelles contraintes pour les éditeurs et distributeurs de SMAD, sans attendre les résultats d’une consultation en cours sur la régulation des nouveaux services. Or ces dispositions ne sont pas sans conséquence lorsque l’on connaît le contexte de forte concurrence internationale.
Je citerai également les articles concernant la production audiovisuelle. De nouvelles contraintes ont été introduites contre notre avis, les sociétés de production étant notamment soumises à une obligation de certification de leurs comptes.
Le sujet de la coproduction a été introduit, alors même que les principaux intéressés n’ont pas été auditionnés, comme je le disais à l’instant, et les conclusions d’une mission menée par M. Laurent Vallet sont attendues pour la fin du mois de novembre prochain.
Si nous sommes favorables sur le fond à un retour sur investissement pour les chaînes du service public – nous l’avons dit à l’occasion de l’examen du rapport de notre collègue Jean-Pierre Plancarde –, il nous semble bien prématuré de voter ces dispositions par la voie d’un amendement lors de la lecture au Sénat.
Le Gouvernement semble depuis quelque temps victime d’une fièvre de l’urgence ! Une grande loi d’ensemble sur l’audiovisuel était annoncée pour l’année 2014 : il eût été plus sage, nous semble-t-il, d’attendre son examen. Notre groupe est donc défavorable à la méthode employée, mais il s’oppose également à l’adoption de ce texte pour des raisons de fond.
La mesure la plus médiatisée est évidemment la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public : la nouvelle majorité a fermement condamné le dispositif mis en place en 2009.
Le secteur de l’audiovisuel public étant considéré comme faisant partie des activités importantes pour la Nation au sens de l’article 13 de la Constitution, notre majorité s’était en effet, à l’époque, prononcée en faveur d’une nomination par le Président de la République.
Le Conseil constitutionnel a lui-même reconnu que la nature particulière de ces fonctions justifiait ce mode de désignation. J’ajoute que, pour éviter les abus et conformément à l’article 13, le choix opéré par le chef de l’État était soumis à l’avis conforme du CSA, avec un droit de véto du Parlement.
Certes, malgré la nature de service public reconnue à l’audiovisuel public, il est possible d’estimer que les présidents de ce dernier ne doivent pas voir peser sur eux le soupçon d’une allégeance au pouvoir en place en raison de leur mode de désignation. Je partage d’ailleurs ce sentiment.
Cependant, ce n’est pas ce projet de loi qui garantira une indépendance effective de ces fonctions.
La révolution annoncée est simplement un retour à la législation antérieure, avec la nomination des présidents des sociétés nationales de programmes par le CSA. Je rappelle que ce type de nomination a été mis en place en 1982, pour ce qui était alors la Haute Autorité de la communication audiovisuelle.
La majorité, pour faire valoir l’amélioration du dispositif, insiste sur celle du mode de désignation des membres du CSA. Cependant, le président de cet organisme reste, lui, nommé par le Président de la République. C’est pour nous un étrange paradoxe !
La majorité estime que le président du CSA n’influera pas sur le vote des membres de cette instance. Cependant, il me semble au contraire que son avis sera décisif pour orienter le choix de ses collègues. Il aurait peut-être été plus simple de laisser le CSA élire lui-même, en son sein, son président.
De plus, les désignations étant faites par le CSA, le contrôle parlementaire disparaît purement et simplement, alors qu’il existait dans le dispositif de 2009.
Enfin, je ferai un parallèle avec nos débats en CMP sur l’article 6 A relatif à la nomination du président de l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel, qui, je le rappelle, appartient au Président de la République. Le sujet a donné lieu à une discussion assez soutenue au sein de la CMP. L’avis porté sur ce type de nomination était loin d’être unanime. La preuve en est que le contrôle des commissions compétentes du Parlement n’a pu être voté qu’avec l’apport des voix du groupe UMP, ce qui montre les divergences sur ce sujet au sein de la majorité.
En conclusion, notre groupe est très réservé sur la réforme de la gouvernance à laquelle procède le présent projet de loi. Il s’agit, à mon avis, d’une simple apparence de changement, quand bien même le Gouvernement communique sur « une avancée démocratique majeure ».
Je pense que l’indépendance des présidents de l’audiovisuel public restera encore pour longtemps conditionnée d’abord par leur détermination à défendre celle-ci.
Je tiens à souligner, car je ne serai pas totalement négatif, que la lecture au Sénat et la CMP ont permis de réaliser des avancées sur d’autres sujets. Je signalerai notamment l’encadrement de la procédure de passage des chaînes de la TNT gratuite à la TNT payante, qui paraît nécessaire pour préserver les équilibres en place – nous avons sur ce point soutenu les propositions de M. le rapporteur –, ou encore la procédure de tuilage, proposée par nos collègues écologistes, permettant aux nouveaux présidents des sociétés de se familiariser avec le fonctionnement de celles-ci.
Je regrette en revanche que le sujet de la radio numérique ait été introduit à la hâte dans le projet de loi et que cet élargissement du champ d’application du texte n’ait, à l’inverse, pas permis d’aborder le sujet de la réception de France 24 sur notre territoire, un sujet cher, à juste titre, à notre collègue Louis Duvernois. Mais le texte prévu pour l’année 2014 apportera sans doute l’occasion de reposer ces questions.
Avant cette échéance, notre groupe sera particulièrement vigilant lors de l’examen du projet de loi de finances. À mon avis, c’est le financement de l’audiovisuel public qui déterminera toujours son niveau d’indépendance, et c’est donc là que nous attendons des actes. Mes chers collègues, vous le comprenez : le groupe UMP ne votera pas ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
projet de loi
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public
Chapitre IER
Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
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Article 1er
(Texte du Sénat)
L’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel comprend sept membres nommés par décret du Président de la République.
« Trois membres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat. Dans chaque assemblée parlementaire, ils sont désignés en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel ou des communications électroniques, après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. » ;
2° Le cinquième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« À l’exception de son président, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est renouvelé par tiers tous les deux ans.
« Les membres du conseil ne peuvent être nommés au-delà de l’âge de soixante-cinq ans. » ;
3° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre ».
Article 2
(Texte du Sénat)
L’article 5 de la même loi est ainsi modifié :
1° A (Suppression maintenue)
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions du code de la propriété intellectuelle, les membres du conseil ne peuvent, directement ou indirectement, exercer des fonctions, recevoir d’honoraires, sauf pour des services rendus avant leur entrée en fonction, détenir d’intérêt ou avoir un contrat de travail dans une entreprise de l’audiovisuel, du cinéma, de l’édition, de la presse, de la publicité ou des communications électroniques. Si, au moment de sa nomination, un membre du conseil détient des intérêts ou dispose d’un contrat de travail ou de prestation de services dans une telle entreprise, il dispose d’un délai de trois mois pour se mettre en conformité avec la loi. » ;
2° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « ou au cinquième alinéa » ;
b) Les mots : « majorité des deux tiers » sont remplacés par le mot : « majorité » ;
2° bis Après le mot : « questions », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « en cours d’examen. Les membres et anciens membres du conseil sont tenus de respecter le secret des délibérations. » ;
3° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase, les mots : « des deux tiers » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Il cesse également, partiellement ou totalement, dans les mêmes conditions, en cas de manquement aux obligations résultant du cinquième alinéa. »
Article 2 bis
(Texte du Sénat)
Le premier alinéa de l’article 17-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Les mots : « ou de télévision » sont remplacés par les mots : « , de télévision ou de médias audiovisuels à la demande » ;
2° (Suppression maintenue)
3° Après les mots : « l’offre de programmes », sont insérés les mots : « et de services ».
Article 2 ter
(Texte de la commission mixte paritaire)
Avant le dernier alinéa de l’article 3-1 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de litige, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent. »
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Article 4 bis
(Texte du Sénat)
À la première phrase du III de l’article 44 de la même loi, le mot : « métropolitain » est supprimé.
Article 4 ter
(Texte du Sénat)
Le 3° de l’article 47-1 de la même loi est complété par les mots : « , dont une représente les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national conformément à l’article L. 411-1 du code de la consommation ».
Article 4 quater
(Texte du Sénat)
Le 3° de l’article 47-2 de la même loi est complété par les mots : « , dont une représente les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national conformément à l’article L. 411-1 du code de la consommation ».
Article 4 quinquies
(Texte du Sénat)
Le 3° de l’article 47-3 de la même loi est complété par les mots : « et une représentant l’Assemblée des Français de l’étranger ».
Article 5
(Texte de la commission mixte paritaire)
I. – L’article 47-4 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-4. – Les présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France sont nommés pour cinq ans par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la majorité des membres qui le composent. Ces nominations font l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience.
« Les candidatures sont présentées au Conseil supérieur de l’audiovisuel et évaluées par ce dernier sur la base d’un projet stratégique.
« Les nominations des présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France interviennent trois à quatre mois avant la prise de fonction effective.
« Quatre ans après le début du mandat des présidents mentionnés au premier alinéa, le Conseil supérieur de l’audiovisuel rend un avis motivé sur les résultats de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, au regard du projet stratégique des sociétés nationales de programme. Cet avis est transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« Dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, les présidents mentionnés au premier alinéa transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et aux commissions permanentes compétentes de ces mêmes assemblées un rapport d’orientation. Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles des assemblées parlementaires peuvent procéder à l’audition des présidents mentionnés au même premier alinéa sur la base de ce rapport. »
II. – À partir de la promulgation de la présente loi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre fin au mandat en cours des présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, en application de l’article 47-5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de la présente loi.
III. – Les articles 47-1, 47-2, 47-3 et 50 de la même loi sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les nominations effectuées en application des 2° et 3°, l’écart entre le nombre de membres de chaque sexe n’est pas supérieur à un. »
Article 6 A
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’avant-dernier alinéa de l’article 50 de la même loi est complété par les mots : « , après avis des commissions permanentes chargées des affaires culturelles conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ».
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Article 6 bis A
(Texte du Sénat)
Après la trente-troisième ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Président de l’Institut national de l’audiovisuel |
Commission compétente en matière d’activités culturelles |
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Article 6 ter
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « loi, », sont insérés les mots : « de l’impact, notamment économique, de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique délivrées en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 30-6, » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ce rapport comporte une présentation des mesures prises en application des articles 39 à 41-4 visant à limiter la concentration et à prévenir les atteintes au pluralisme. Il comporte notamment un état détaillé présentant la situation des entreprises audiovisuelles concernées à l’égard des limites fixées par ces mêmes articles.
« Le rapport mentionné au premier alinéa fait le point sur le développement et les moyens de financement des services de télévision à vocation locale. Il établit également un bilan des coopérations et des convergences obtenues entre les instances de régulation audiovisuelle nationales des États membres de l’Union européenne. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le mois suivant sa publication, le rapport mentionné au premier alinéa est présenté chaque année par le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel en audition publique devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire. Chaque commission peut adopter un avis sur l’application de la loi, qui est adressé au Conseil supérieur de l’audiovisuel et rendu public. Cet avis peut comporter des suggestions au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la bonne application de la loi ou l’évaluation de ses effets. »
Article 6 quater A
(Supprimé)
Article 6 quater
(Texte de la commission mixte paritaire)
I. – L’article 21 de la même loi est ainsi modifié :
1° (Suppression maintenue)
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle comprend quatre députés, dont un au moins appartient à l’opposition parlementaire, et quatre sénateurs, dont un au moins appartient à l’opposition parlementaire, désignés dans leur assemblée respective par les deux commissions permanentes chargées des affaires culturelles et des affaires économiques, à parité parmi leurs membres. Elle peut faire connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur les mesures nécessaires à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et leur mise en œuvre.
« À cette fin, elle peut auditionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Elle est consultée préalablement par le Premier ministre sur tous les projets de réaffectation des fréquences affectées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, et de modernisation de la diffusion audiovisuelle. Elle rend son avis dans un délai de trois mois. » ;
3° Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés.
II. – (Suppression maintenue)
III. – Le troisième alinéa de l’article L. 42-2 du code des postes et télécommunications est supprimé.
Article 6 quinquies
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’article 28 de la même loi est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute modification de convention d’un service national de télévision autorisé en application de l’article 30-1 ou d’un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l’article 41-3 susceptible de modifier de façon importante le marché en cause est précédée d’une étude d’impact, rendue publique.
« S’il l’estime utile, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut effectuer une telle étude pour les autres services autorisés. »
Article 6 sexies AA
(Texte du Sénat)
Au dernier alinéa du I de l’article 28-1 de la même loi, les mots : « visés aux 1° et 5° » sont remplacés par les mots : « visés aux 1° à 5° ».
Article 6 sexies A
(Texte du Sénat)
L’article 29-1 de la même loi est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Dans la mesure de leur viabilité économique et financière, notamment au regard de la ressource publicitaire, le Conseil supérieur de l’audiovisuel favorise les services ne faisant pas appel à une rémunération de la part des usagers et contribuant à renforcer la diversité des opérateurs ainsi que le pluralisme de l’information. »
Article 6 sexies
(Texte du Sénat)
À la première phrase du cinquième alinéa du III de l’article 30-1 de la même loi, les mots : « il favorise la reprise des services » sont remplacés par les mots : « il autorise en priorité les services qui sont reçus dans la même zone géographique ».
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Article 6 octies A
(Texte du Sénat)
L’article 33-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du II, les mots : « et de télévision » sont remplacés par les mots : « , de télévision et de médias audiovisuels à la demande » ;
2° À la première phrase du premier alinéa du III, les mots : « les services de médias audiovisuels à la demande et, » sont supprimés.
Article 6 octies B
(Texte du Sénat)
Au premier alinéa du I de l’article 34 de la même loi, les mots : « ou de télévision » sont remplacés par les mots : « , de télévision ou de médias audiovisuels à la demande ».
Article 6 octies C
(Texte du Sénat)
La même loi est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 42-1, après le mot : « manquement, », sont insérés les mots : « et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure, » ;
2° À la première phrase de l’article 48-2, après le mot : « adressées », sont insérés les mots : « et à la condition que ces sanctions reposent sur des faits distincts ou couvrent une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure ».
Article 6 octies
(Texte de la commission mixte paritaire)
L’article 42-3 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Sous réserve du respect des articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu’elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. Préalablement à sa décision, il procède à une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l’audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l’autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte. » ;
2° Il est ajouté trois alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice de l’application du premier alinéa, tout éditeur de services détenteur d’une autorisation délivrée en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 96 doit obtenir un agrément du Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire de l’autorisation. Cet agrément fait l’objet d’une décision motivée.
« Lorsque la modification du contrôle porte sur un service national de télévision autorisé en application de l’article 30-1 ou un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l’article 41-3 et que cette modification est susceptible de modifier de façon importante le marché en cause, l’agrément est précédé d’une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires.
« S’il l’estime utile, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut effectuer une telle étude pour les autres services autorisés. »
Article 6 nonies
(Texte de la commission mixte paritaire)
I. – L’article 53 de la même loi est ainsi modifié :
1° A La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa du I est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d’objectifs et de moyens ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de six semaines. Si le Parlement n’est pas en session, ce délai court à compter de l’ouverture de la session ordinaire ou extraordinaire suivante. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel formule un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de quatre semaines. » ;
1° B Avant le dernier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les rapports mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent II rendent compte des mesures de contrôle que ces sociétés mettent en œuvre dans le cadre de leurs relations avec les entreprises de production. » ;
1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, les rapports sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France sont transmis pour avis au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cet avis est rendu public. Les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée parlementaire peuvent procéder à l’audition du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la base de cet avis. » ;
2° Le premier alinéa du VI est ainsi modifié :
a) Les deuxième et troisième phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s’applique pas aux campagnes d’intérêt général. » ;
b) La dernière phrase est supprimée.
II . – Le 1 du IV de l’article 302 bis KG du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. La taxe est calculée en appliquant un taux de 0,5 % à la fraction du montant des versements annuels, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent à chaque service de télévision, qui excède 11 millions d’euros. »
Article 6 decies A
(Texte du Sénat)
L’article 71-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est complété par les mots : « , sauf s’il a financé une part substantielle de l’œuvre » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les décrets mentionnés au premier alinéa précisent le niveau de la part substantielle mentionnée au deuxième alinéa ainsi que l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus directement ou indirectement par l’éditeur de services lorsqu’il détient des parts de producteurs.
« Ils peuvent également prendre en compte la durée de détention des droits de diffusion par l’éditeur de services ainsi que la nature et l’étendue de la responsabilité de l’éditeur de services dans la production de l’œuvre. »
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Chapitre II
Dispositions diverses, transitoires et finales
Article 7 A
(Texte de la commission mixte paritaire)
L'article 53-1 de la même loi est ainsi rétabli :
« Art. 53-1. - Dans le cadre de leurs activités de production et de programmation, la société France Télévisions, la société Radio France et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ne peuvent conclure de contrats qu'avec les sociétés dont les comptes sociaux et les comptes consolidés ont été déposés au greffe du tribunal en vertu des articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce et certifiés, dès lors que leur chiffre d'affaires excède 5 millions d'euros par an. »
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Article 7 bis
(Texte du Sénat)
À compter du 1er janvier 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel succède en tant qu’autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale dans les droits et obligations de l’État au titre des activités du conseil en tant qu’autorité administrative indépendante. Ces dispositions s’appliquent également aux contrats de travail.
L’ensemble des biens mobiliers de l’État attachés aux services relevant du Conseil supérieur de l’audiovisuel sont transférés de plein droit et en pleine propriété au Conseil supérieur de l’audiovisuel en tant qu’autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale.
L’ensemble des opérations liées à ces transferts de droits et obligations ou pouvant intervenir en application de la présente loi sont effectuées à titre gratuit et ne donnent lieu, directement ou indirectement, à aucune perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.
Article 7 ter
(Texte du Sénat)
Dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, les nominations mentionnées au troisième alinéa de l’article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée peuvent intervenir entre deux et quatre mois avant la fin du mandat en cours.
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Article 8 bis
(Texte du Sénat)
Au deuxième alinéa de l’article 82 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les références : « , deuxième et troisième alinéas » sont supprimées.
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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons à l’issue du processus d’examen de ce projet de loi qui redonne au secteur de l’audiovisuel public indépendance et légitimité.
Le CSA est rénové grâce à un nouveau statut lui garantissant une réelle autonomie, un nouveau mode de nomination de ses membres et de nouveaux pouvoirs.
Le Parlement se voit conforté dans son rôle de garant de l’indépendance des médias, puisqu’il sera à l’origine des désignations de six des sept membres du CSA, désignations qui nécessiteront un consensus entre la majorité et l’opposition.
Les sociétés de diffusion publiques seront dotées de plus d’indépendance, puisque leurs présidents seront à nouveau nommés par le CSA, dont l’indépendance sera renforcée. Elles obtiennent également, par ce texte, la garantie d’une ressource pérenne, partielle certes, puisque la publicité en journée se trouve maintenue sans date butoir, par le présent texte.
Outre ces dispositions d’importance primordiale, la navette a permis aux parlementaires des deux chambres d’améliorer le texte et d’introduire des précisions sur les conditions d’exercice des nouveaux pouvoirs du CSA et les obligations des diffuseurs.
Je me félicite que plusieurs amendements des sénateurs socialistes soient finalement intégrés dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui. La parité entre hommes et femmes sera ainsi requise dans les nominations effectuées par le CSA dans les conseils d’administration des sociétés publiques de l’audiovisuel.
La commission du dividende numérique, qui n’avait plus de raison d’être, du fait de la nouvelle commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle, est supprimée.
Le critère de modification du marché en cause par une modification de convention a été retenu en tant qu’élément déclenchant l’étude d’impact devant être menée par le CSA.
Enfin, le délai pour le rendu des avis du Parlement sur l’exécution des COM a été porté de quatre à six semaines, ce qui permettra de bénéficier préalablement de l’éclairage du CSA.
Outre ces quelques modifications dues au groupe socialiste, je salue particulièrement le travail de M. le rapporteur, qui a permis de mieux encadrer certaines dispositions, notamment celles qui ont été introduites par l’Assemblée nationale et qui auraient pu avoir des conséquences néfastes pour certains acteurs du paysage audiovisuel.
Ainsi, le cadrage très précis de la disposition permettant au CSA de « donner son agrément à une modification des modalités de financement » d’un service conventionné, hors renouvellement de la procédure d’autorisation et hors appel à candidatures, est de nature à préserver les intérêts de l’ensemble des acteurs du PAF, tout en permettant au CSA d’utiliser ce nouveau pouvoir à bon escient.
Notre rapporteur a également très utilement complété le dispositif du présent projet de loi, en octroyant au CSA les pouvoirs supplémentaires qui s’imposaient au regard des nouveaux enjeux économiques ou technologiques : il y va ainsi de son droit de regard sur les différends concernant les services de médias à la demande, qui devront être désormais déclarés auprès de cette autorité, ou de sa mission de conciliation lors des conflits ayant trait à la circulation des œuvres.
Madame la ministre, je suis heureux de voter ce soir ce texte, principalement parce qu’il revient sur le fait du prince, celui de faire nommer les responsables de nos chaînes nationales par le Président de la République, et ce au mépris de l’un de nos plus anciens principes constitutionnels, celui de l’indépendance des médias et de leur liberté.
Je suis encore heureux de pouvoir voter en faveur de votre texte, qui rend des moyens plus stables au service public de l’audiovisuel, en rétablissant définitivement la publicité au cours de la journée sur les chaînes publiques. Il ne s’agit certes que d’un premier pas, et il conviendra sans doute d’aller plus loin pour trouver d’autres sources de financement pérenne pour le secteur.
Ce texte nous permet de fermer une très fâcheuse parenthèse pour le secteur public de l’audiovisuel qui, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2009, n’a cessé de se paupériser, de se dégrader et d’être l’objet de nombreux soupçons de partialité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je reprends la parole au nom de l’ensemble de mes collègues pour déplorer de nouveau le recours à la procédure d’urgence. Madame la ministre, vous entendrez les mêmes propos chaque fois qu’un texte ne bénéficiera pas d’une navette complète !
Néanmoins, cela n’a pas empêché les deux chambres de travailler en très bonne intelligence : nous avons bien traité les apports qui nous sont arrivés de façon inattendue de l’Assemblée nationale et, de la même manière, les députés ont su respecter les apports que nous avions formulés. Il s’agit d’un élément positif, que nous devons à l’intelligence de notre rapporteur, David Assouline, auquel le qualificatif « acharné », qu’il a employé tout à l'heure, va également très bien au teint. (Sourires.)
Chacun a été impressionné par le nombre d’auditions qu’il a menées et la façon dont elles se sont succédé, selon un rythme digne du stakhanovisme ! (Nouveaux sourires.)
Il nous a surtout impressionnés par son intelligence, parvenant à encadrer le passage d’une chaine payante à une chaine gratuite et à éviter que cela ne se fasse pas d’un simple claquement de doigts. Il a su poser des conditions respectueuses pour chacun et faire aboutir la suggestion du groupe RDSE d’un intelligent partage des droits, en proposant de veiller à la bonne circulation des œuvres, un souci que nous partageons tous. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
PROJET DE LOI ORGANIQUE
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public
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Article 3
(Texte du Sénat)
Après la trente-troisième ligne du tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 précitée, est insérée une ligne ainsi rédigée :
Institut national de l’audiovisuel |
Président |
M. le président. Sur l’article du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?...
Le vote est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté. (M. André Gattolin applaudit.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je souhaite remercier très chaleureusement M. le rapporteur, qui a accompli un travail remarquable, Mme la présidente de la commission de la culture, l’ensemble des sénateurs, les différents services du Sénat, les services de la direction générale des médias et des industries culturelles, enfin les membres de mon cabinet. Tous ont bien travaillé ! (Sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie – Diverses dispositions relatives aux outre-mer
Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer les textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (texte de la commission n° 59, rapport n° 57) et du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (texte de la commission n° 58, rapport n° 57).
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est aujourd’hui saisi des conclusions des commissions mixtes paritaires, ou CMP, qui ont permis d’établir un texte commun pour le projet de loi organique modifiant le statut de la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Se clôt ainsi pour notre assemblée une procédure marquée par la sérénité des débats parlementaires, la question calédonienne faisant désormais largement consensus au sein de la classe politique nationale. L’adoption à l’unanimité de ces deux textes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, témoigne de cet état d’esprit, qui s’est d’ailleurs prolongé au cours des travaux de la CMP, ce dont on ne peut que se féliciter.
Je voudrais profiter de cette occasion pour saluer la mémoire de notre regretté collègue Dick Ukeiwé, ancien membre de la commission des lois du Sénat, qui s’est éteint le 3 septembre dernier. Le 24 janvier 1985, à cette tribune, il interpellait vivement le gouvernement de l’époque, et dénonçait l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie.
Quelques années plus tard, les accords de Matignon, puis l’accord de Nouméa, allaient enfin donner un avenir à la Nouvelle-Calédonie et lui apporter un statut qu’il nous est demandé aujourd’hui de consolider.
Dans le projet de loi organique, l’Assemblée nationale, à l’invitation de son rapporteur M. René Dosière, a conservé les apports essentiels du Sénat, ce qui traduit la bonne écoute entre nos deux chambres. Preuve de cette convergence de vue, neuf articles du projet de loi organique ont été adoptés dans les mêmes termes dès la première lecture.
Pour les autres articles, l’Assemblée nationale s’est bornée à compléter et prolonger la logique du texte adopté. À titre d’exemple, nos collègues députés ont renforcé les garanties accordées aux membres des futures autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie, en rendant incompatibles ces fonctions avec tout mandat électif, tout autre emploi public ou toute détention, directe ou indirecte, d’une entreprise dans le secteur régulé par l’autorité indépendante.
Nous ne pouvons qu’approuver cet utile complément aux garanties déjà apportées en première lecture par le Sénat à ces membres d’autorités indépendantes : nomination après audition publique et vote positif des trois cinquièmes des membres du Congrès, déchéance du mandat par les seuls pairs ou encore rappel des compétences de l’État en matière de libertés publiques.
Je tiens à souligner que cette compétence donnée à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes permettra, dans l’immédiat, d’installer une autorité chargée de la concurrence. Elle donnera sa pleine mesure à la loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie, adoptée par le Congrès le 3 mai 2013. Elle contribuera à lutter contre le niveau élevé des prix. Sur ce point, rappelons-le, les attentes sociales sont fortes et réclament des réponses structurelles et pérennes.
Sur l’ensemble du projet de loi organique, un point a suscité une différence d’appréciation entre les deux assemblées : celui des modalités de jugement de la réparation civile à la suite d’un procès pénal, lorsque la victime et l’auteur de l’infraction sont tous deux de statut coutumier.
Le Sénat avait adopté, en première lecture, un amendement de notre collègue Thani Mohamed Soilihi. La règle posée était claire et protectrice, puisqu’elle permettait à la juridiction pénale de droit commun qui s’était prononcée sur la culpabilité de l’accusé de statuer immédiatement sur les intérêts civils, en s’adjoignant des assesseurs coutumiers. Cette solution était respectueuse de la coutume, puisque deux assesseurs coutumiers étaient présents, et elle permettait un règlement, en une fois, de l’affaire soumise à la justice.
Toutefois, convaincue par les observations formulées auprès des représentants de sa commission des lois en Nouvelle-Calédonie lors d’un déplacement au début du mois de septembre dernier, l’Assemblée nationale a été sensible au souci d’une bonne administration de la justice. Aussi, tout en partageant le même objectif que le Sénat, l’Assemblée nationale a préféré un système plus souple pour l’organisation judiciaire.
Ainsi, la juridiction pénale pourra statuer, sans assesseur coutumier, sur les intérêts civils, mais chaque partie, victime comme accusé, aura la faculté de solliciter que l’affaire soit renvoyée, pour l’aspect civil, à la juridiction coutumière.
Dans ce cas, la victime n’aura pas besoin d’introduire une nouvelle requête, qui peut être particulièrement éprouvante pour elle, puisque l’accusé sera renvoyé automatiquement devant le juge coutumier. Dans un souci de compromis, les représentants du Sénat se sont ralliés, en commission mixte paritaire, à la rédaction de l’Assemblée nationale. Je précise qu’ils y adhèrent également.
Sur les autres dispositions restant en discussion, un accord a été rapidement trouvé au sein de cette même commission mixte paritaire, sous réserve de l’adoption des propositions de rédaction présentées en commun avec mon homologue de l’Assemblée nationale, dans le seul souci d’améliorer et de préciser le texte.
Dans cet esprit, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le projet de loi organique ainsi arrêté par la CMP.
S’agissant du projet de loi ordinaire, j’ai relevé en CMP que les débats à l’Assemblée nationale avaient été riches, à tel point que le texte soumis à la commission mixte paritaire comprenait trente articles de plus que celui qui a été adopté par le Sénat.
Je voudrais également attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que plusieurs amendements gouvernementaux ont été déposés pour la première fois devant l’Assemblée nationale.
Certes, l’article 44 de la Constitution permet au Gouvernement d’user tout à fait librement de son pouvoir d’amendement devant l’une ou l’autre des chambres, mais il serait sans doute de bonne méthode qu’il puisse présenter, sur les textes relatifs aux outre-mer, des projets de loi plus complets dès le stade du dépôt, afin de permettre les conditions d’un débat complet dans chaque chambre.
De surcroît, le dépôt d’amendements par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale a pour effet de contourner le droit de priorité que le Sénat tire de l’article 39 de la Constitution, s’agissant de textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales. Les collectivités ultramarines ne doivent pas faire exception à cette règle.
Cette remarque vaut particulièrement pour l’article 29 du projet de loi qui, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, confère au conseil régional de la Martinique le pouvoir d’édicter des règles législatives et réglementaires spécifiques en matière de transports intérieurs de passagers et de marchandises dans cette région. Vous le savez, madame la ministre, des réticences se sont exprimées localement sur cette question, et il n’eût pas été inutile qu’un débat ait lieu devant notre assemblée.
J’en viens aux dispositions de ce projet de loi, qui concerne désormais l’ensemble des outre-mer. Plutôt que de présenter exhaustivement toutes les dispositions adoptées par la CMP, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur les plus significatives d’entre elles.
Je voudrais saluer, tout d’abord, le respect par le Gouvernement de la promesse faite par lui devant notre assemblée, à la suite d’un amendement de notre collègue Karine Claireaux. Cette promesse l’a conduit à proposer de compléter l’article 9 pour permettre au centre de gestion de Saint-Pierre-et-Miquelon d’exercer des compétences en matière de formation, ce que l’Assemblée nationale a accepté.
Dans le même esprit, sous réserve de sa codification, l’Assemblée nationale a conservé l’article 7, introduit par un amendement de notre collègue Louis-Constant Fleming, visant à permettre à la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin d’exercer par convention avec l’État les missions non consultatives dévolues normalement aux organismes consulaires.
De même, l’Assemblée nationale a conforté, pour les communes calédoniennes, la possibilité de créer des sociétés publiques locales, qui avait été introduite sur l’initiative de notre collègue Daniel Raoul.
Enfin, par l’article 8, l’Assemblée nationale a supprimé, comme le Sénat, l’article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales, qui permettait au représentant de l’État de se substituer aux élus locaux pour l’exercice de compétences locales, afin d’assurer la « continuité de l’action territoriale ».
Lors de son adoption, en 2011, cette disposition avait été mal vécue localement, car elle ne visait que les départements d’outre-mer tout en faisant doublon avec les mesures de droit commun, réservant ainsi aux élus ultra-marins un sort particulier qui pouvait être ressenti comme un signe de défiance.
En ce qui concerne les apports de l’Assemblée nationale, je me concentrerai sur les dispositions relatives à la Guyane, qui reprennent, sur l’initiative du groupe socialiste de l’Assemblée soutenu par le Gouvernement, les dispositions d’une proposition de loi récemment déposée.
L’Assemblée nationale a souhaité renforcer l’arsenal répressif à la disposition des forces de l’ordre pour lutter contre l’orpaillage illégal et la pêche illégale dans ce département français.
Ainsi, l’article 12 crée un délit spécifique de détention du matériel ou des outils nécessaires à l’activité d’extraction – mercure, concasseur, corps à pompe – en l’absence de déclaration préalable auprès du préfet.
L’article 13 permet à l’administration de saisir le juge pour, en cours de procédure, permettre dans des conditions précises de détruire les bateaux sans pavillon ayant servi à la pêche illégale.
L’article 24 permet, en cas de délit d’exploitation d’une mine sans autorisation connexe à une liste d’autres délits, de recourir au régime exceptionnel applicable à la criminalité et à la grande délinquance. Ces dispositions sont nécessaires pour faire face aux fléaux que sont la pêche illégale et l’orpaillage illégal, qui, en Guyane, coûtent parfois la vie aux gendarmes et militaires chargés de lutter contre eux.
Dans un autre domaine, sur proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a prévu, avec les articles 10 bis et 10 ter, une procédure de concertation, puis de fixation par l’administration des tarifs bancaires en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, où les pratiques actuelles particulièrement abusives conduisent à des tarifs parfois décuplés par rapport à ceux de la métropole, selon l’observatoire des tarifs bancaires du Pacifique. Ce nouveau cadre de régulation est donc bienvenu.
Sur l’initiative de mon homologue de l’Assemblée nationale, M. René Dosière, et du Gouvernement, les articles 20 à 23 harmonisent le code des juridictions financières en complétant la procédure applicable devant les chambres territoriales des comptes de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, sur le modèle de celle qui est applicable devant les chambres régionales des comptes.
Enfin, l’Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur visant à adapter le nouveau mode de scrutin pour les élections municipales en Polynésie française, où le nombre important de communes associées, fruit de l’histoire et de la géographie, rendait délicate son application en l’état, comme l’avait d’ailleurs relevé notre collègue Michel Delebarre lors de l’examen de la loi du 17 mai 2013 au Sénat.
Cet amendement a pour objet que, pour les communes comprenant des sections électorales, un seul mode de scrutin s’applique au sein de l’ensemble des sections électorales d’une même commune. Un tel ajout répond donc largement à la résolution votée le 13 septembre dernier par l’assemblée de la Polynésie française pour prendre en compte une spécificité locale, ce à quoi le Sénat est toujours attentif.
Je dois enfin évoquer l’article 18 relatif aux élections sénatoriales, qui rétablit l’égalité entre tous les sénateurs, en prévoyant pour les sénateurs des collectivités d’outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et des Français établis hors de France la possibilité de participer au collège électoral sénatorial comme désormais leurs homologues métropolitains. De manière générale, cet article assure les coordinations rendues nécessaires outre-mer par la loi du 2 août 2013 relative à l’élection des sénateurs.
Je soulignerai, en guise de conclusion, que la CMP a repris ces dispositions mais qu’elle a, sur ma proposition, supprimé les articles 10 quinquies et 10 sexies. Le premier entrait partiellement en contradiction avec le code des communes de la Nouvelle-Calédonie. Quant au second, il était d’ores et déjà satisfait par des dispositions réglementaires.
Aussi, au vu de ces observations, j’invite le Sénat à adopter ce projet de loi, complété par deux amendements que le Gouvernement lui soumettra et qui visent à répondre à une demande de la CMP. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je souhaite intervenir à ce stade, après Mme le rapporteur et avant Mme la ministre, pour rappeler que les propos de Mme Tasca correspondent à une position constante de la commission des lois.
Dès lors que le Gouvernement choisit la procédure dite « accélérée » et qu’il n’y a donc qu’une lecture dans chaque assemblée, et dès lors que l’article 24 de la Constitution prévoit que notre assemblée représente les collectivités locales de la République, un véritable problème se pose.
En effet, un nombre non négligeable d’amendements du Gouvernement est déposé devant l’Assemblée nationale, si bien que notre assemblée n’en est pas saisie. Ces dispositions arrivent donc en commission mixte paritaire sans avoir fait l’objet d’un débat en séance publique, ni même en commission.
Madame la ministre, j’appelle votre attention sur les propos de Mme la rapporteur, qui – je parle sous le contrôle de mes collègues – correspondent à une position constante de la commission des lois, afin que le Gouvernement en prenne bonne note pour les textes à venir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la rapporteur, vous avez éveillé en moi des envies d’être, un jour peut-être, ministre de l’outre-mer, tant vous nous avez dit avec passion l’intérêt des textes que vous avez portés !
Victorin Lurel, ministre des outre-mer, est en ce moment en déplacement officiel à la Réunion. Ce déplacement était prévu de longue date, et il me prie de l’excuser auprès de vous pour cette absence. M. Lurel aurait beaucoup apprécié être dans cet hémicycle ce soir pour vous entendre et débattre de ce sujet.
Par ailleurs, madame la rapporteur, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu à Dick Ukeiwé et je salue sa mémoire à mon tour.
Je me permettrai donc d’intervenir au nom de Victorin Lurel sur le texte que vous nous avez présenté. Je vous ai écoutée avec grand intérêt, madame la rapporteur, et j’ai beaucoup appris de votre intervention. Monsieur le président de la commission des lois, j’ai bien entendu votre observation sur la procédure accélérée, et je ne manquerai pas d’en faire état.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 9 octobre dernier sur le projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, complété par le projet de loi ordinaire portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Chacun de ces deux projets a été adopté à l’unanimité des voix au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire s’est réunie cette semaine et n’a procédé qu’à la rectification de quelques dispositions en marge. Je tiens ici, au nom du Gouvernement et de Victorin Lurel, à saluer la qualité du travail réalisé au Parlement, car les deux textes ont indiscutablement été enrichis.
Cette nouvelle réforme répond incontestablement à une nécessité.
En effet, depuis sa publication, la loi organique du 19 mars 1999 a déjà été modifiée à neuf reprises, sans que l’on revienne jamais cependant sur son architecture d’ensemble. Des améliorations, des précisions liées tout simplement à l’évolution du droit métropolitain ou à la mise en œuvre de nouveaux transferts de compétences ont très rapidement rendu nécessaire cette dixième réforme.
Pour élaborer ces deux projets de loi qui ont été soumis à la consultation du Congrès, le Gouvernement a, dans un premier temps, tiré les conséquences de trois constats.
Premier constat : il était nécessaire d’actualiser certains concepts du statut.
Le droit budgétaire et comptable des collectivités territoriales s’est modernisé durant la dernière décennie, sous l’influence, notamment, des nouvelles normes comptables.
La Nouvelle-Calédonie a souhaité la mise à jour et la « fiabilisation » de ses règles de gestion budgétaire et financière par l’extension des règles de droit commun, en matière de contrôle budgétaire, mais aussi, pour permettre à la Nouvelle-Calédonie et à ses établissements publics de déroger à l’obligation de dépôt des fonds libres auprès de l’État, ou encore, pour recourir à un nouvel outil, les sociétés publiques locales.
Le deuxième constat est à l’origine du projet de réforme présenté par le Gouvernement : il devenait nécessaire de préciser la portée de certaines dispositions du statut.
Que ce soit à l’occasion de nouveaux transferts de compétences ou lors de la mise en œuvre quotidienne de compétences déjà transférées, parfois depuis plusieurs années, la loi organique n’offre pas toujours aux institutions calédoniennes les moyens juridiques adéquats pour exercer pleinement leurs attributions.
Deux objectifs ont donc été privilégiés lors de l’élaboration de cette réforme : d’une part, combler certaines lacunes de la loi statutaire en clarifiant le pouvoir de police des présidents d’assemblées de province sur le domaine routier ; d’autre part, renforcer la sécurité juridique, en écartant les risques de conflits entre les provinces, l’État et la Nouvelle-Calédonie à propos de compétences dont le périmètre nécessite d’être précisé – d’où l’ajout des terres rares à la liste des minerais qui relèvent de la compétence réglementaire de la Nouvelle-Calédonie.
Troisième et dernier constat : il était indispensable de rétablir des mesures spécifiques à la Nouvelle-Calédonie qui avaient été votées dans le cadre de la loi organique du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, et par conséquent censurées, car elles constituaient des cavaliers législatifs. C’est pourquoi le texte que je vous présente, mesdames, messieurs les sénateurs, est davantage orienté vers la Nouvelle-Calédonie.
La première de ces mesures confiait au président du gouvernement calédonien des pouvoirs de police administrative spéciale, qui lui permettront d’exercer pleinement les compétences transférées, que ce soit donc en matière de sécurité civile, de sécurité maritime ou aérienne, en disposant notamment d’un pouvoir de réquisition des moyens du secteur privé.
La deuxième mesure censurée complétait la loi statutaire afin de supprimer l’incompatibilité entre le mandat de membre du sénat coutumier et celui de membre du conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie.
Deux autres dispositions censurées modernisaient les modalités de passation des marchés publics des provinces.
Au-delà des trois constats que je viens de rappeler et qui ont guidé le Gouvernement lors de l’élaboration des deux projets de lois, l’insertion de mesures nouvelles était vivement souhaitée par l’ensemble des élus de la Nouvelle-Calédonie.
Des propositions ont ainsi été formulées dans deux domaines. Le premier répondait, de la part des élus calédoniens, à un besoin de renforcement de la transparence et des mécanismes de contrôle, indissociables de l’exercice de compétences, dont beaucoup peuvent avoir des incidences tant financières que sociales.
L’article 1er du projet de loi organique consacre la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans les domaines qui relèvent de sa compétence, dotées des mêmes prérogatives que les autorités administratives indépendantes nationales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez apporté deux ajouts qui renforcent les garanties d’indépendance de la structure.
D'une part, il est expressément prévu dans le projet de loi organique que l’indépendance des membres des AAI doit être garantie : cette prescription s’adresse autant à la loi métropolitaine qu’à la loi du pays, qui fait l’objet d’un examen au Conseil d’État avant son adoption définitive. Le projet de loi organique prévoit également une audition publique des candidats pressentis et un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
D’autre part, le texte rappelle désormais la compétence de l’État en matière de libertés publiques, de procédures administratives, contentieuses et pénales, pour encadrer l’action de l’AAI. À cet effet, l’article 1er bis du projet de loi ordinaire habilite le Gouvernement à étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions applicables à l’Autorité de la concurrence nationale en matière de pouvoir d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions.
Le second domaine qui a suscité de nombreuses demandes d’amendements à la loi statutaire est évidemment celui du fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie.
Les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie sont aujourd’hui étendus et variés, ce qui nécessite une réactivité, une forte adaptabilité et une actualisation permanente des institutions. Qu’il s’agisse des règles d’organisation ou du fonctionnement des institutions, certaines mesures, souvent techniques, ont été proposées par les élus pour améliorer la gouvernance locale.
Le fonctionnement quotidien des instances de gouvernance calédoniennes a ainsi conduit au développement de pratiques directement tirées de l’interprétation du statut, mais qui n’avaient pas de base légale. C’est désormais le cas du règlement intérieur du gouvernement, du droit à l’information des membres des assemblées de province ou de la publication des actes des institutions par voie électronique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous disais que les débats parlementaires avaient incontestablement permis d’enrichir les textes. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’apport est indéniable, principalement dans trois domaines.
Tout d'abord, plusieurs amendements relatifs aux juridictions financières ont été déposés, qui visent à étendre le champ des contrôles de la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie et à compléter les procédures applicables, par exemple en donnant son plein effet à la règle fondamentale de séparation des ordonnateurs et des comptables.
Ensuite, concernant l’indemnisation devant les juridictions pénales des victimes du droit coutumier – vous en avez longuement parlé, madame la rapporteur –, le texte adopté en commission mixte paritaire prévoit que le tribunal pénal pourra désormais statuer sur les intérêts civils, sauf lorsque les parties s’y opposent. Une « passerelle » avec la juridiction civile composée d’assesseurs coutumiers est alors prévue. Elle devrait satisfaire l’attente légitime des associations locales de défense des droits des victimes, dont on m’a glissé au creux de l’oreille qu’elles étaient bien souvent des femmes.
Enfin, un amendement présenté par le Gouvernement a été adopté. Il vise à modérer le prix des services bancaires en Nouvelle-Calédonie. Dans l’esprit du mécanisme que Victorin Lurel avait fait voter au sein de la loi relative à la régulation économique outre-mer en matière de contrôle des prix des produits de consommation courante, cet amendement tend à instituer une négociation annuelle sur les tarifs bancaires. En cas d’échec de cette dernière, le haut-commissaire fixera chaque année les tarifs par arrêté.
Il n’est pas d’usage – vous l’avez rappelé à l’instant, monsieur le président de la commission des lois – que le Gouvernement amende un texte sur lequel la commission mixte paritaire s’est accordée. Cependant, parce qu’il nous a fallu modifier les textes au fur et à mesure que les informations nous parvenaient, le Gouvernement vous soumet aujourd’hui deux amendements.
Le premier est, si l’on peut dire, une demande pressante de la commission mixte paritaire. Une disposition du projet de loi ordinaire procédait à la ratification partielle d’un décret approuvant un projet de délibération de la collectivité de Saint-Barthélemy relatif aux dispositions et sanctions pénales du code de l’environnement de cette collectivité. Or, entre-temps, cette délibération avait été abrogée par une autre. La reprise intégrale de la nouvelle délibération dans le projet de loi paraissant difficilement envisageable, il a été suggéré au Gouvernement de demander au Parlement de l’habiliter à prendre par ordonnance les mesures nécessaires. Cet amendement vise à modifier l’article 1er bis.
Le second amendement tend à supprimer dans notre droit une redondance qui ne s’est révélée que postérieurement à l’examen du projet de loi ordinaire. En faisant encore référence à une disposition abrogée par l’article 15 du projet de loi ordinaire, l’article L. 142-3 du code de la route était devenu inopérant. Cet article ayant le même objet que l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, le Gouvernement vous propose de procéder à son abrogation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques jours, le 11 octobre, s’est tenu le onzième comité des signataires de l’accord de Nouméa, sous la présidence du Premier ministre. Les deux textes adoptés par la commission mixte paritaire y ont été présentés. Je veux vous dire que l’ensemble des partenaires calédoniens de l’État a exprimé sa satisfaction devant le travail accompli par le Parlement. Soyez-en remerciés. Au nom du Gouvernement, et en particulier de Victorin Lurel, je tiens à vous exprimer directement la même satisfaction. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quinze ans après la signature de l’accord de Nouméa, le 5 mai 1998, son préambule conserve toute sa force, et on peut affirmer que son esprit a largement contribué à fonder un lien social durable entre les communautés de la Nouvelle-Calédonie. Nous en mesurons la portée lors de chaque comité des signataires – le dernier s’est tenu le 11 octobre dernier –, puisque les autorités calédoniennes et les autorités de l’État continuent à user de cette capacité d’écoute et de dialogue qui a permis de mettre fin aux « Évènements » et d’engager la « Grande Terre » sur la voie d’un destin commun.
La politique de rééquilibrage en faveur des Kanaks, qui se poursuit encore aujourd’hui, notamment avec l’implantation d’une usine d’exploitation du nickel à Koniambo, dans la province du Nord, a participé à la réalisation de cet objectif en renforçant l’autonomie économique de cette province.
Cependant, les inégalités sociales et territoriales n’ont pas été enrayées, et la situation demeure fragile. Le chômage et l’échec scolaire touchent plus particulièrement les jeunes Kanaks. Malgré tous les atouts dont dispose ce territoire, la croissance se trouve ralentie par la volatilité du cours du nickel.
Le processus d’autonomie progressive prévu par l’accord de Nouméa, avec le transfert irréversible de compétences selon un calendrier établi et une souveraineté partagée, constitue une preuve de la capacité des autorités calédoniennes à s’entendre et à dépasser les clivages. Cette originalité est préservée par le présent projet de loi organique, qui accompagne la Nouvelle-Calédonie vers une éventuelle accession à la pleine souveraineté et vers plus d’autonomie dans l’exercice de ses pouvoirs.
Le texte ouvre ainsi la possibilité de créer des AAI, dont l’Assemblée nationale a renforcé l’indépendance en introduisant des incompatibilités avec l’exercice de certaines fonctions. La création d’une autorité de la concurrence devrait apporter une réponse structurelle à la problématique récurrente de la « vie chère ». Les autres dispositions constituent également des outils juridiques qui actualisent et modernisent l’exercice des compétences.
Les derniers transferts de compétences non régaliennes devront être bouclés avant le grand jour où se tiendra le referendum d’autodétermination, d’ici à 2018, afin que, si l’accession à la souveraineté était décidée, elle puisse être mise en œuvre efficacement. Le rythme de transfert est soutenu, et c’est pourquoi il convient de doubler les efforts. On ne peut que saluer la création récente de la structure d’appui à l’exercice des compétences, qui réunit les ministères concernés par les transferts. Elle est présidée par Jacques Wadrawane.
Le projet de loi organique fait partie d’un ensemble de mesures qui viennent en soutien des difficultés rencontrées au niveau local.
On peut citer le protocole d’accord signé en mai dernier entre les syndicats et le patronat, qui a provoqué une baisse de 10 % du prix de centaines de produits de grande consommation et un gel des prix jusqu’à la fin de l’année 2014. On peut également citer les négociations sur les frais bancaires, qui devraient aboutir à les contenir, puisqu’ils sont deux à dix fois plus élevés qu’en métropole, ce qui est inacceptable pour les ménages. L’article 10 bis du projet de loi, introduit par l’Assemblée nationale, prévoit un mécanisme de déblocage de la situation par le haut-commissaire au cas où la concertation annuelle échouerait.
La poursuite des engagements en faveur de la formation des cadres et dirigeants calédoniens constitue également une condition nécessaire à une gestion autonome. Dans tous les cas, la capacité des acteurs locaux à construire un projet ensemble et leur volonté de le faire nous rassurent sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, quel que soit son choix.
Les députés ont contribué à enrichir le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Je pense notamment aux mesures visant à renforcer la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, dont l’impact environnemental et sanitaire, qui résulte de la pollution des cours d’eau par le mercure, est insupportable. Une déclaration auprès des préfectures des matériels destinés à l’orpaillage – mercure, concasseurs et corps de pompe – sera requise et exigée lors des contrôles. En matière de pêche illégale, la destruction des « tapouilles » qui n’arborent pas de pavillon constitue un redoutable outil de dissuasion.
Toutes les dispositions très diverses de ces deux projets de loi vont donc dans le bon sens : elles contribueront à assurer un avenir plus serein aux outre-mer. C’est la raison pour laquelle le RDSE leur apporte son soutien unanime. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien qu’il soit technique, le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie n’est pas anodin. En effet, il touche à l’accord de Nouméa, qui, si l’on se réfère à l’article 77 de la Constitution, n’a pas vocation à être modifié ou révisé sans discernement. Le texte se limite donc à actualiser et à adapter, sur des points consensuels, la loi organique de 1999.
Il s’agit, il faut le souligner, de la dixième modification du statut de la Nouvelle-Calédonie. Elle consiste non pas à apporter des changements de fond, mais à mettre en œuvre des décisions prises lors de l’avant-dernier comité des signataires, qui s’est réuni le 6 décembre 2012 ; notre rapporteur l’a fort bien expliqué tout à l'heure. Son objectif est d’accompagner au mieux le transfert des compétences, en dotant les institutions calédoniennes d’instruments de gouvernance modernes en matière budgétaire et financière. Le texte vise aussi à permettre à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes locales.
Il s’agit donc essentiellement de dispositions techniques, qui, il convient d’y insister, ont été adoptées à l’unanimité tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale. Les textes des deux chambres comportaient certes quelques différences, mais celles-ci étaient mineures. Les dispositions votées reflètent le consensus politique qui existe sur la question calédonienne depuis l’adoption de l’accord de Nouméa ; notre rapporteur s’en est félicitée, et je partage tout à fait son sentiment.
Le projet de loi organique participe de l’approfondissement du processus. Il vise à améliorer le statut actuel de la Nouvelle-Calédonie. Ce projet de loi organique est apparu nécessaire à la lumière de l’expérience acquise au fur et à mesure de la mise en œuvre au quotidien des transferts de compétences. Tout ne peut être prévu, et il est donc normal que des ajustements ponctuels soient opérés pour coller au mieux aux réalités et aux besoins du terrain.
Le projet initial du Gouvernement a été, il faut le dire, grandement amélioré par le Conseil d’État et, cela va de soi, par la Haute Assemblée, conformément au rôle traditionnel de cette dernière. Il paraît aujourd’hui tout à fait cohérent et raisonnable.
En Nouvelle-Calédonie, comme dans les autres territoires ultramarins, il est un phénomène qui perturbe beaucoup de nos concitoyens : la cherté de la vie, qui est au centre des préoccupations.
L’éloignement, l’insularité, le morcellement du marché n’expliquent pas tout, et certains prix sont aberrants, pour ne pas dire scandaleux. Seule une autorité de la concurrence indépendante disposant de compétences et de moyens d’action réels peut répondre au problème, compte tenu des interactions existant entre pouvoirs politiques, économiques et sociaux.
Par ailleurs, une véritable transparence sur la formation des prix rendrait visibles les marges bénéficiaires anormales et serait ainsi une arme puissante pour les combattre. Il était donc tout à fait souhaitable de créer une telle autorité. Le Sénat comme l’Assemblée nationale ont partagé cette approche proposée par le Gouvernement.
La différence principale entre les deux assemblées, que Mme la rapporteur a évoquée tout à l’heure, porte en définitive sur la justice civile coutumière, l’Assemblée nationale jugeant sa rédaction plus protectrice que celle du Sénat, une position qui n’est pas partagée par celui-ci.
Toutefois, les deux versions s’inscrivant dans la même perspective, avec les mêmes objectifs, et aucune n’étant techniquement meilleure que l’autre, la commission mixte paritaire, d’ailleurs sur proposition de la rapporteur du Sénat, a retenu la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Le groupe UMP votera donc le projet de loi organique tel qu’il est issu de la CMP, et je me félicite de la sérénité, de l’ouverture et de la compréhension qui se sont manifestées tout au long des débats.
En ce qui concerne la loi ordinaire portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, les différences entre l’Assemblée nationale et le Sénat n’appellent pas d’observations particulières, si ce n’est pour s’étonner, comme l’ont fait Mme la rapporteur et M. le président de la commission des lois, d’une « prise de poids » assez considérable et soudaine de ce texte lors de son passage à l’Assemblée nationale.
En effet, une trentaine d’articles additionnels, la plupart sous forme d’amendements du Gouvernement, y ont été adoptés, sans que le Sénat puisse en débattre, ce qui est tout de même, vous en conviendrez, madame la ministre, fort regrettable. Lorsque vous siégiez sur ces travées, je sais que vous n’aimiez pas ce genre de pratique. Puisque vous êtes désormais au banc du Gouvernement, nous souhaiterions que vous disiez à vos collègues de respecter les deux assemblées !
Il est à noter que le texte permet la ratification de plusieurs ordonnances et contient des dispositions d’ordre technique, toutes mesures qui ne sont pas fondamentales.
Toutefois, certaines de ces ordonnances tendent à poursuivre le processus de départementalisation de Mayotte en étendant les dispositions de droit commun avec les adaptations nécessaires dans les domaines du logement, notamment, ce qui n’est pas négligeable.
Les autres ordonnances visent à adapter la législation des territoires à leur nouvelle organisation, comme en matière budgétaire et comptable dans les futures collectivités uniques de Guyane et de Martinique.
Néanmoins, ce texte contient un point extrêmement important auquel, vous le comprendrez, mes chers collègues, je suis très attaché.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « outre-mer » et en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je ne puis que me féliciter de voir que ce projet de loi corrige une sérieuse anomalie en faisant entrer dans les collèges électoraux sénatoriaux les sénateurs ultramarins et les sénateurs représentant les Français de l’étranger, au même titre que les sénateurs métropolitains, ou plutôt devrais-je dire « hexagonaux », pour faire plaisir à Christiane Taubira.
Il n’y a pas de sénateurs de seconde zone ; il n’y a que des sénateurs qui doivent être traités de la même façon, qu’ils soient ultramarins, ultra-frontaliers, métropolitains ou « hexagonaux ».
Je remercie donc chaleureusement les deux rapporteurs de la commission mixte paritaire, Catherine Tasca et René Dosière, de leur souci d’équité et leur vigilance, car c’est à eux que revient le mérite d’avoir corrigé l’anomalie pour les Français de l’étranger, le Gouvernement ayant fait le nécessaire pour les sénateurs ultramarins dans le projet de loi initial.
Tous les membres du groupe UMP voteront, bien entendu, ces textes. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ce qui concerne le projet de loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, force est de constater que les différences sont minimes entre les textes que nous avons adoptés et ceux qui ont été votés par l’Assemblée nationale. Elles portent sur les autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie, la diminution des indemnités des élus et, surtout, la question de la justice civile coutumière.
Nous avions adopté au Sénat un amendement présenté par notre collègue membre de la commission des lois, Thani Mohamed Soilihi, qui visait à proposer une solution que je qualifierais de protectrice, dans le sens où elle permettait à la juridiction pénale de droit commun, complétée par deux assesseurs coutumiers, de statuer directement.
Nos collègues députés ont préféré un dispositif quelque peu différent, même s’il reposait aussi sur le respect de la coutume. Sur ce point, notre rapporteur, Mme Tasca, a proposé de reprendre la rédaction de l’Assemblée nationale. Le consensus est donc trouvé.
Par ailleurs, un autre consensus existe, rappelons-le, depuis l’adoption de l’accord de Nouméa. C’est un laps de temps suffisamment long pour être souligné. Vous le savez, cet accord prévoit notamment un transfert progressif des compétences de l’État aux autorités locales, ainsi que la tenue d’un référendum d’autodétermination entre 2014 et 2018. Une grande partie du chemin a été parcourue, mais il reste encore beaucoup à faire.
Arrêtons-nous néanmoins sur quelques points.
En 2000, un rapport d’information de l’Assemblée nationale soulignait : « Juridiquement, le processus de Nouméa a ouvert la voie à de nouveaux modes de pensée dans notre organisation institutionnelle et administrative [...], les barrières mentales que notre vieille tradition jacobine avait élevées paraissant désormais en voie d’être surmontées ».
Malheureusement, notre pensée reste encore jacobine. L’équilibre entre l’unité de la République et les besoins propres de chacun est-il trouvé ? Je ne le crois pas.
Treize ans plus tard, notre collègue député Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la mission d’information de l’Assemblée nationale effectuée en Nouvelle-Calédonie en septembre dernier, précise : « Le processus d’émancipation de la Nouvelle-Calédonie, reconnu par la Constitution, a introduit dans notre système institutionnel et juridique – on le rappelle trop peu souvent – une dose de fédéralisme. Avec Guy Carcassonne, on peut ainsi considérer que le titre XIII de notre Constitution comporte finalement, non pas des dispositions transitoires comme son intitulé l’indique, mais une constitution en soi, celle de la Nouvelle Calédonie. Cela montre que notre pays sait aussi faire preuve d’imagination quand l’essentiel est en jeu. Et cela, nous le devons aux Calédoniens ».
Les députés René Dosière, Dominique Bussereau et Jean-Jacques Urvoas concluaient : « La Nouvelle-Calédonie devra donc une nouvelle fois se réinventer pour mieux s’émanciper. La responsabilité du Parlement, et plus largement celle de l’État, signataire et garant de l’accord de Nouméa, est de demeurer le témoin attentif et indispensable pour éviter que cette histoire ne se joue à huis clos ».
Oui, les acteurs du dossier ont su faire preuve d’imagination, mais cela ne suffit pas : il faut encore et encore imaginer, car il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment sur la question de l’emploi et du pouvoir d’achat, non seulement des Néo-Calédoniens, mais aussi de toutes les populations d’outre-mer, pour reprendre le terme constitutionnel.
Justement, en parlant de l’outre-mer, permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler quelques chiffres qui illustrent leur situation dramatique. Je prendrai l’exemple de la Réunion, que je ne connais pas particulièrement, mais dont j’entends beaucoup parler grâce à mon camarade Paul Vergès.
Une récente étude de l’INSEE a mis en avant, une fois de plus, la situation sociale de l’île. Les chiffres sont éloquents : 343 000 personnes vivent sous un seuil de pauvreté monétaire, soit 42 % de la population réunionnaise. Ce chiffre est de 14,1 % en métropole et de 24,1 % pour le département métropolitain le plus pauvre.
À la Réunion, 43 % de la classe d’âge des 15-64 ans occupent un emploi. Ce taux est de 64 % en France métropolitaine. Le taux de chômage avoisine quant à lui les 30 %, soit trois fois plus qu’en métropole.
Un tel niveau de pauvreté représente donc un défi majeur à relever en matière d’action sociale à la Réunion. La question est de savoir si l’on en prend le chemin : en somme, l’ensemble des parties concernées, élus comme Gouvernement, sont-elles capables de faire preuve de cette imagination dont a parlé le député socialiste Jean-Jacques Urvoas ?
Il faut de l’imagination, bien sûr, mais aussi de l’audace. Il n’y a pas si longtemps, la délégation sénatoriale à l’outre-mer a co-organisé un colloque intitulé : « L’audace ultramarine en hexagone ». Bien évidemment, ce titre ne peut que nous interpeller, car les Ultramarins ont toujours été audacieux. Ainsi, au cours de leur histoire tumultueuse, parfois violente, souvent fondée sur l’esclavagisme et le colonialisme, les Ultramarins ont dû mener une suite de combats pour la liberté et pour l’égalité.
Aujourd’hui, comme le rappelle souvent mon ami et collègue le sénateur Paul Vergès, il s’agit, pour l’outre-mer, de mener le combat pour la responsabilité. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous voterons ces textes. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, ces deux textes relatifs aux outre-mer vont être votés à la fois avec la satisfaction du travail bien fait et avec l’espoir que les éléments qu’ils contiennent puissent donner un nouveau souffle aux rapports entre l’Hexagone et les outre-mer.
Le cœur de ces deux textes est relatif à la Nouvelle-Calédonie et il contient des mesures importantes pour ce territoire.
L’initiative du Gouvernement a été enrichie par nos assemblées. Le temps était réduit pour ce faire, et même si les modalités de la réparation civile consécutive à un jugement pénal auraient pu faire l’objet d’échanges de vues plus larges, les membres de la commission mixte paritaire ont su se rallier à des positions communes pour proposer rapidement un texte qui, pour l’essentiel, permettra à cette collectivité unique en France de moderniser son droit et, surtout, de faire face à d’importants défis.
Ces défis, à la fois contraintes et atouts pour le territoire, ne sont pas complètement spécifiques à la Nouvelle-Calédonie. Aussi, les réponses qui leur sont apportées par la loi organique sont plus qu’intéressantes pour l’ensemble des outre-mer.
Examinons tout d’abord la méthode. Je me réjouis que le Gouvernement et les parlementaires aient manifesté un profond respect envers le gouvernement et le congrès calédoniens en faisant droit à nombre de leurs demandes législatives, qu’elles soient les conséquences d’un transfert déjà partiellement effectué, comme les pouvoirs de police, ou des demandes nouvelles, comme la capacité de créer des autorités administratives indépendantes locales.
Je retiens ensuite le respect des compétences réduites du haut-commissaire : tout en saluant son dynamisme dans l’animation de la vie calédonienne, ces projets de loi lui conservent toute sa place, mais seulement sa place, dans un territoire à la très large autonomie juridique.
À ce titre, je me félicite de la suppression par nos deux assemblées parlementaires de l’institution des pouvoirs exceptionnels du préfet dans les DOM, grâce au vote d’un amendement que j’ai déposé. Cela prouve que les relations ont changé entre les outre-mer et l’Hexagone.
Cette méthode apporte des avancées concrètes ; j’en distingue au moins trois, qui pourraient parfaitement bénéficier au reste du monde ultra-marin.
La première est la compétence accordée à la Nouvelle-Calédonie pour réglementer l’exploitation des richesses minérales de son sol. Si la police des mines appartient déjà au Congrès, au président de l’assemblée de province et au conseil local des mines, la loi organique ajoute les terres rares aux minerais déjà concernés, tels que les hydrocarbures, le nickel, le cobalt et le chrome.
Ces richesses sont d’une importance stratégique pour la France, et la présence de ces éléments capitaux pour l’industrie est une chance à exploiter.
En confiant aux autorités calédoniennes la police des mines, l’État ne se désengage pas du formidable potentiel minier de ce territoire, mais il fait confiance au gouvernement local pour la réglementation de l’exploitation de son sous-sol.
Je ne peux m’empêcher de penser à cet autre gouvernement de majorité socialiste qui, dans la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, avait doté les régions ultra-marines de compétences sur certains titres miniers.
Les décrets d’application n’ont toujours pas été pris pour cette disposition réinscrite dans le nouveau code minier. L’exemple de la Nouvelle-Calédonie prouve qu’une telle dévolution est possible. Vous aurez à cœur, madame la ministre, de l’étendre à l’ensemble des collectivités et des départements d’outre-mer.
Le deuxième élément que je retiens de la loi organique est la lutte contre la vie chère, fléau qui touche tout autant les résidents de la Nouvelle-Calédonie que ceux des autres départements et collectivités d’outre-mer.
Votre projet de loi a répondu favorablement, et avec une grande réactivité, à la demande des autorités calédoniennes de pouvoir constituer une autorité administrative indépendante en matière de concurrence. Au Sénat, le travail de Mme la rapporteur a permis de conforter cette autorité, en lui assurant l’indépendance et la légitimité nécessaires à une action efficace sur les marchés, preuve que des améliorations peuvent rapidement être apportées, même lorsque la procédure accélérée a été engagée.
Il est attendu de cette autorité locale de la concurrence qu’elle puisse contrôler et mettre fin aux pratiques abusives de certains opérateurs économiques. Toutefois, je ne crois pas réellement que la concurrence soit la panacée contre la vie chère, dans un marché aussi difficile que celui de l’archipel calédonien, où la population est inégalement répartie entre les provinces sud et nord, sans parler des îles Loyauté où résident moins de 20 000 habitants.
Une autre action contre la vie chère, que l’on ne retrouve pas dans le présent texte, mais qui mérite d’être rappelée, est la fixation à la baisse des prix des produits de première nécessité lors du protocole d’accord du 27 mai 2013. L’État a su s’engager dans l’action aux côtés du gouvernement calédonien et des acteurs économiques. Nous ne pouvons que nous en satisfaire, même si ce dispositif n’a pas vocation à durer.
Or il existe d’autres moyens de lutter contre la vie chère, les marges excessives et les pratiques abusives. Je pense à l’obligation faite aux commerçants de proposer une baisse de leurs tarifs, sous peine de se la voir imposer. En ce sens, les articles 10 bis et 10 ter du projet de loi ordinaire sont un modèle. En obligeant les établissements bancaires à présenter des propositions tarifaires raisonnables chaque année, avec la sanction d’une fixation des prix par le haut-commissaire, le Gouvernement propose une solution concrète contre les tarifs bancaires abusifs, faisant place à la négociation, mais sans échappatoire.
Cette disposition assoit le rôle de l’État face aux mécanismes trop souvent défaillants du marché. Pourquoi limiter son application à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, si ce n’est pour faire des jaloux dans les DOM ?
Le troisième élément que je veux mettre en avant dans le projet de loi organique est l’extension à la Nouvelle-Calédonie de l’outil de développement économique que constitue la société publique locale. La création toute récente de cette forme sociale, constituée exclusivement d’un capital public pour la réalisation d’une activité industrielle et commerciale d’intérêt général, est un marqueur de la nécessité, pour les collectivités publiques, quel que soit leur niveau, de s’engager dans la vie économique lorsque les opérateurs privés sont défaillants.
Les dispositions relatives aux autres collectivités d’outre-mer – je pense à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Mayotte – et l’habilitation accordée à la Martinique sont également remarquables. Je salue en particulier, pour la méthode retenue, l’article 9 de la loi ordinaire, écrit à quatre mains par notre collègue Karine Claireaux et le ministre des outre-mer. En effet, pour contourner l’obstacle de l’article 40 de la Constitution, le Gouvernement a lui-même doté d’une compétence l’autorité de gestion de la fonction publique territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont, autrement, seul le titre aurait été modifié par l’amendement sénatorial.
Je regrette que ce travail conjoint de la Haute Assemblée et du Gouvernement ne soit pas plus souvent effectif. J’espère que, en ce domaine encore, la loi organique et la loi ordinaire que nous étudions représentent une ouverture et que le principe de ces dispositions et de ces méthodes puisse être généralisé aux relations avec l’ensemble des territoires ultramarins.
Les dispositions spécifiques à la Guyane ont évidemment particulièrement retenu mon attention. Sur l’initiative de l’Assemblée nationale et de Mme le garde des sceaux, des dispositions pénales sont venues compléter l’arsenal répressif, déjà bien fourni, des luttes contre l’orpaillage clandestin et la pêche illicite.
Contre la pêche illégale, l’article 13 du projet de loi ordinaire crée une nouvelle sanction autonome : la destruction des tapouilles avec lesquelles la pêche est pratiquée. J’espère que les conditions requises pour l’application de cette sanction ne rendront pas une telle mesure inapplicable, car le constat qui en est à l’origine est réel : ces navires de pêche sont régulièrement volés, avant même que le juge ait pu statuer sur le délit.
Toutefois, je ne me leurre guère sur l’efficacité de toute mesure répressive sans les moyens effectifs de la contrainte. Sans navire capable de réaliser cette police des pêches, tous les pouvoirs du juge n’auront aucun effet sur l’exploitation irrégulière du potentiel halieutique guyanais. C’est pourquoi je salue l’effort accompli dans la loi de programmation militaire pour rendre efficace la lutte contre la pêche illégale. En effet, le Gouvernement prévoit la livraison en 2016, de deux patrouilleurs légers guyanais, ou PLG, spécifiquement conçus pour ce territoire.
Certes, pour une si courte échéance, le cahier des charges n’est pas encore achevé, les marchés ne sont pas encore passés, de même que les bureaux d’étude ou les chantiers navals n’ont pas entamé leurs travaux. Si un tel programme pour seulement deux navires est un luxe que les militaires ne peuvent que rarement s’offrir en cette période, j’ai accueilli avec espoir cette promesse de la loi de programmation militaire.
Il nous est en effet promis un modèle de navire à faible tirant d’eau, capable de sortir en mer 180 jours par an. Avec deux navires, la police des pêches et la surveillance des tirs spatiaux seront effectives quasiment toute l’année. Voilà un geste fort qui renforce singulièrement dans les actes la multiplication, jusqu’alors un peu vaine, des mesures répressives.
Je serai attentif à la réalisation de ce projet dans les délais annoncés. Je vous invite déjà, madame la ministre, à Dégrad-des-Cannes, en 2016, pour le premier accostage de ces deux patrouilleurs militaires. Hélas ! Les deux autres mesures concernant la lutte contre l’orpaillage clandestin n’ont pas les mêmes moyens. Certes, la méthode répressive est encore retenue, conformément au rapport d’inspection interministérielle, à travers un nouveau délit – la détention clandestine d’éléments servant à l’orpaillage – et une clarification procédurale, faisant de l’orpaillage en bande organisée une infraction poursuivie dans le cadre du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale. Mais aucun moyen supplémentaire particulier n’est envisagé pour lutter efficacement contre l’orpaillage clandestin, véritable fléau humanitaire, environnemental, social et économique.
Il existe cependant une possibilité d’agir autre que la répression, dont on voit aujourd’hui les limites, et le dialogue régional, dont personne n’espère plus grand-chose en Guyane. Je fais référence à la lutte économique contre l’exploitation illégale des ressources minières par une action d’envergure. J’ai écrit au Premier ministre en lui proposant une réunion avec les ministres concernés pour mettre en œuvre une exploitation publique des ressources minières de la Guyane.
Le constat est simple : les orpailleurs clandestins se sont adaptés aux actions de l’opération Harpie. Depuis deux ans, le nombre des sites illégaux a augmenté de 20 %. Ensuite, le remplacement des clandestins par des orpailleurs légaux est une solution très imparfaite : elle est impossible dans les parties les plus reculées de la Guyane, le respect des règles environnementales est sujet à caution et, quoi qu’il en soit, les quelques centaines d’artisans orpailleurs légaux ne sont pas en mesure d’occuper les mines exploitées par plus de 15 000 clandestins.
Il revient donc aux collectivités publiques d’agir. Dans l’histoire sociale de ce territoire, elles seules détiennent la légitimité pour intervenir, et les moyens importants qu’il faut mettre en œuvre sont de leur ressort.
J’évoquais la richesse minérale de la Nouvelle-Calédonie. Le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, est missionné en Guyane pour déterminer le potentiel minier guyanais, qui concerne non seulement l’or, mais aussi la bauxite, l’argent, les diamants, le nickel, le platine, le cuivre, le plomb, le molybdène, le zinc, le kaolin et les terres rares : niobium, tantale, colombo-tantalite, etc.
Les sociétés publiques locales, mais également les établissements publics industriels et commerciaux sont les formes possibles que peut emprunter l’action publique pour reconquérir les richesses minérales de la France en Guyane et affirmer la souveraineté de notre Nation sur son sol.
Aujourd’hui, la réponse pénale est marginalisée et son effectivité est réduite, après d’importants résultats qui datent maintenant de cinq ans. La seule réponse viable face à cette prédation sauvage et à cette industrie parallèle au chiffre d’affaires de 400 millions d’euros, produisant dix tonnes d’or par an, avec un coût terrible pour les populations amérindiennes et pour la forêt guyanaise, est la lutte économique grâce aux moyens puissants de l’État.
Une telle action sera à même de donner un souffle économique nouveau à l’industrie, aux dynamiques sociales et environnementales de la Guyane. Il faut donc compléter les volets législatifs répressif et diplomatique par une approche nouvelle : l’asphyxie économique des orpailleurs clandestins et le retour de la souveraineté. Il faut créer une grande entreprise minière française, seule à même d’exploiter un tel potentiel dans le respect de l’environnement, des conditions sociales des travailleurs et du partage économique de ces richesses dans l’intérêt de l’ensemble de la population. Que la force serve le droit là où il est impuissant, surtout lorsque l’enjeu est le devenir d’un territoire !
Madame la ministre, vous avez montré, avec la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d’outre-mer, que vous souteniez l’action publique et que vous faisiez confiance au potentiel de ces territoires et à la responsabilité des élus. La Guyane demande le même niveau d’engagement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc de la commission.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI ORGANIQUE
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie
TITRE IER
DISPOSITIONS VISANT À AMÉLIORER L’EXERCICE DE SES COMPÉTENCES PAR LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Chapitre Ier
Renforcement de l’exercice des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie
Article 1er
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre II de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est complétée par un article 27-1 ainsi rédigé :
« Art. 27-1. – Lorsque la Nouvelle-Calédonie crée une autorité administrative indépendante aux fins d’exercer des missions de régulation dans un domaine relevant de ses compétences, la loi du pays peut, par dérogation aux articles 126 à 128, 130 et 131, lui attribuer le pouvoir de prendre les décisions, même réglementaires, celui de prononcer les sanctions administratives mentionnées à l’article 86, ainsi que les pouvoirs d’investigation et de règlement des différends, nécessaires à l’accomplissement de ses missions.
« La composition et les modalités de désignation des membres de l’autorité administrative indépendante doivent être de nature à assurer son indépendance. La fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation. Il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité.
« Les missions de l’autorité administrative indépendante s’exercent sans préjudice des compétences dévolues à l’État par les 1° et 2° du I de l’article 21.
« L’autorité administrative indépendante dispose des crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Les crédits ainsi attribués sont inscrits au budget de la Nouvelle-Calédonie. Les comptes de l’autorité administrative indépendante sont présentés au contrôle de la chambre territoriale des comptes. »
I bis. – Après l’article 93 de la même loi organique, il est inséré un article 93-1 ainsi rédigé :
« Art. 93-1. – Les membres d’une autorité administrative indépendante créée dans les conditions prévues à l’article 27-1 sont nommés par arrêté du gouvernement. Cette nomination ne peut intervenir que si, après une audition publique du candidat proposé par le gouvernement, le congrès approuve, par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la candidature ainsi proposée. »
II. – L’article 99 de la même loi organique est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Création d’autorités administratives indépendantes, en application de l’article 27-1, dans les domaines relevant de sa compétence. »
III. – L’article 203 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Des conventions peuvent également être passées aux mêmes fins entre les autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie et les autorités administratives indépendantes ou les autorités publiques indépendantes nationales. »
Article 2
I. – L’article 134 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les matières relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, le président du gouvernement exerce les pouvoirs de police administrative et le pouvoir de réquisition. » ;
2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes mentionnées au cinquième alinéa peuvent donner délégation aux agents placés sous leur autorité pour signer tous les actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont reçu délégation, à l’exception de ceux dont la liste est déterminée par décret. »
II. – À la seconde phrase de l’article 126 de la même loi organique, après le mot : « réglementaires », sont insérés les mots : « ou non réglementaires ».
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Chapitre II
Clarification des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie
Article 4
I. – Au 11° de l’article 22, au premier alinéa de l’article 40 et au premier alinéa du II de l’article 42 de la même loi organique, les mots : « et au cobalt » sont remplacés par les mots : « , au cobalt et aux éléments des terres rares ».
II. – Au deuxième alinéa de l’article 41 de la même loi organique, les mots : « ou au cobalt » sont remplacés par les mots : « , au cobalt ou aux éléments des terres rares ».
III. – Au 6° de l’article 99 de la même loi organique, les mots : « et le cobalt » sont remplacés par les mots : « , le cobalt et les éléments des terres rares ».
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TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS
Chapitre Ier
Actualisation de la dénomination du conseil économique et social
Article 5
I. – Dans toutes les dispositions de la même loi organique, les mots : « conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « conseil économique, social et environnemental ».
II. – L’article 153 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° A Au premier alinéa, le mot : « trente-neuf » est remplacé par le mot : « quarante et un » ;
1° Au premier alinéa du 1°, après le mot : « culturelle », sont insérés les mots : « ou à la protection de l’environnement » ;
1° bis Au 3°, après le mot : « culturelle », sont insérés les mots : « ou de la protection de l’environnement » ;
2° Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Deux membres désignés par le comité consultatif de l’environnement en son sein ; ».
III. – L’article 155 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase du premier alinéa, les mots : « ou social » sont remplacés par les mots : « , social ou environnemental » ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « ou culturel » sont remplacés par les mots : « , culturel ou environnemental » ;
3° La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « pour les projets et par le président du congrès pour les propositions ».
IV. – Le présent article entre en vigueur à l’occasion du prochain renouvellement des membres du conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie.
Chapitre II
Statut de l’élu
Article 6
I. – À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 125 de la même loi organique, les mots : « 130 % du traitement de chef d’administration principal de première classe » sont remplacés par les mots : « 115 % du traitement le plus élevé dans le corps le plus élevé du cadre d’administration générale de la Nouvelle-Calédonie ».
II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 163 de la même loi organique, les mots : « du traitement de chef d’administration principal de première classe » sont remplacés par les mots : « de 90 % du traitement le plus élevé dans le corps le plus élevé du cadre d’administration générale de la Nouvelle-Calédonie ».
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Article 7 bis
I. – Après l’article 78 de la même loi organique, il est inséré un article 78-1 ainsi rédigé :
« Art. 78-1. – Selon des conditions fixées par une délibération annuelle, le congrès peut mettre un véhicule à disposition de ses membres ou des agents du congrès lorsque l’exercice de leurs mandats ou de leurs fonctions le justifie.
« Tout autre avantage en nature fait l’objet d’une délibération nominative, qui en précise les modalités d’usage. »
I bis (nouveau). – Après l’article 125 de la même loi organique, il est inséré un article 125-1 ainsi rédigé :
« Art. 125–1. – Selon des conditions fixées par une délibération annuelle du congrès, le gouvernement peut mettre un véhicule à disposition de ses membres ou des agents du gouvernement lorsque l’exercice de leurs mandats ou de leurs fonctions le justifie.
« Tout autre avantage en nature fait l’objet d’une délibération nominative, qui en précise les modalités d’usage. »
II. – Après l’article 163 de la même loi organique, il est inséré un article 163-1 ainsi rédigé :
« Art. 163-1. – Selon des conditions fixées par une délibération annuelle, l’assemblée de province peut mettre un véhicule à disposition de ses membres ou des agents de la province lorsque l’exercice de leurs mandats ou de leurs fonctions le justifie.
« Tout autre avantage en nature fait l’objet d’une délibération nominative, qui en précise les modalités d’usage. »
Chapitre III
Amélioration du fonctionnement des institutions
Article 8 A
I. – À la première phrase du dernier alinéa de l’article 76 et du deuxième alinéa de l’article 169 de la même loi organique, après le mot : « adresse », sont insérés les mots : « , le cas échéant par voie électronique, ».
II. – Au dernier alinéa de l’article 136 de la même loi organique, après le mot : « adresse », sont insérés les mots : « , le cas échéant par voie électronique, ».
Article 8
Le chapitre II du titre IV de la même loi organique est complété par des articles 177-1 et 177-2 ainsi rédigés :
« Art. 177-1. – Le président de l’assemblée de province, par délégation de l’assemblée, peut être chargé, pour la durée de son mandat, de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés ainsi que toute décision concernant leurs avenants lorsque les crédits sont inscrits au budget. Le président de l’assemblée de province rend compte à la plus proche réunion utile de l’assemblée de province de l’exercice de cette compétence.
« Art. 177-2. – Lorsqu’il n’est pas fait application de l’article 177-1, la délibération de l’assemblée de province chargeant son président de souscrire un marché déterminé peut être prise avant l’engagement de la procédure de passation de ce marché. Elle comporte alors obligatoirement la définition de l’étendue du besoin à satisfaire et le montant prévisionnel du marché. »
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Chapitre IV
Modernisation des dispositions financières et comptables
Article 12
I. – Après l’article 52 de la même loi organique, il est inséré un article 52-1 ainsi rédigé :
« Art. 52-1. – I. – La Nouvelle-Calédonie et ses établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l’État.
« II. – La Nouvelle-Calédonie et ses établissements publics peuvent déroger à l’obligation de dépôt de ces fonds, dans les conditions prévues aux I, II, IV et V de l’article L. 1618-2 du code général des collectivités territoriales. »
II. – Le 14° de l’article 127 de la même loi organique est complété par les mots : « , et prend les décisions de déroger à l’obligation de dépôt des fonds auprès de l’État, dans les conditions prévues au II de l’article 52-1 ».
III. – L’article 184-1 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Au début, est ajouté un I ainsi rédigé :
« I. – Les provinces et leurs établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l’État. » ;
2° Au début de l’alinéa unique, est insérée la mention : « II. – » ;
3° Le mot : « par » est remplacé par les références : « aux I, II, IV et V de ».
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Article 14
I. – Après l’article 84-3 de la même loi organique, il est inséré un article 84-4 ainsi rédigé :
« Art. 84-4. – I. – Tout groupement ou toute association, œuvre ou entreprise privée ayant reçu une subvention est soumis au contrôle de l’autorité de la Nouvelle-Calédonie qui l’a accordée.
« Tous les groupements, associations, œuvres ou entreprises privées qui ont reçu dans l’année en cours une ou plusieurs subventions fournissent à l’autorité qui a mandaté la subvention une copie certifiée de leurs budgets et de leurs comptes de l’exercice écoulé, ainsi que tous documents faisant connaître les résultats de leur activité.
« Il est interdit à tout groupement ou à toute association, œuvre ou entreprise privée ayant reçu une subvention d’en employer tout ou partie en subventions à d’autres groupements, associations, œuvres ou entreprises privées, sauf lorsque cela est expressément prévu dans la convention conclue entre la Nouvelle-Calédonie et l’organisme subventionné.
« II. – Lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, l’autorité administrative qui attribue une subvention conclut une convention avec l’organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée.
« Lorsque la subvention est affectée à une dépense déterminée, l’organisme de droit privé bénéficiaire produit un compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l’objet de la subvention. Le compte rendu financier est déposé auprès de l’autorité administrative qui a versé la subvention dans les six mois suivant la fin de l’exercice pour lequel elle a été attribuée.
« Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention prévue au présent II et le compte rendu financier de la subvention sont communiqués à toute personne qui en fait la demande par l’autorité administrative ayant attribué la subvention ou celles qui les détiennent, dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.
« Les organismes de droit privé ayant reçu de l’ensemble des autorités administratives une subvention supérieure à un montant annuel fixé par décret déposent au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie leur budget, leurs comptes, les conventions prévues au présent II et, le cas échéant, les comptes rendus financiers des subventions reçues, pour y être consultés.
« La formalité de dépôt au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie, prévue à l’avant-dernier alinéa du présent II, n’est pas exigée des organismes ayant le statut d’association ou de fondation. »
II. – Après l’article 183-3 de la même loi organique, il est inséré un article 183-4 ainsi rédigé :
« Art. 183-4. – I. – Tout groupement ou toute association, œuvre ou entreprise privée ayant reçu une subvention est soumis au contrôle de la province qui l’a accordée.
« Tous les groupements, associations, œuvres ou entreprises privées qui ont reçu dans l’année en cours une ou plusieurs subventions fournissent à l’autorité qui a mandaté la subvention une copie certifiée de leurs budgets et de leurs comptes de l’exercice écoulé, ainsi que tous documents faisant connaître les résultats de leur activité.
« Il est interdit à tout groupement ou à toute association, œuvre ou entreprise privée ayant reçu une subvention d’en employer tout ou partie en subventions à d’autres groupements, associations, œuvres ou entreprises privées, sauf lorsque cela est expressément prévu dans la convention conclue entre la province et l’organisme subventionné.
« II. – Lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, l’autorité administrative qui attribue une subvention conclut une convention avec l’organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée.
« Lorsque la subvention est affectée à une dépense déterminée, l’organisme de droit privé bénéficiaire produit un compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l’objet de la subvention. Le compte rendu financier est déposé auprès de l’autorité administrative qui a versé la subvention dans les six mois suivant la fin de l’exercice pour lequel elle a été attribuée.
« Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention prévue au présent II et le compte rendu financier de la subvention sont communiqués à toute personne qui en fait la demande par l’autorité administrative ayant attribué la subvention ou celles qui les détiennent, dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.
« Les organismes de droit privé ayant reçu annuellement de l’ensemble des autorités administratives une subvention supérieure à un montant fixé par décret déposent au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie leur budget, leurs comptes, les conventions prévues au présent II et, le cas échéant, les comptes rendus financiers des subventions reçues, pour y être consultés.
« La formalité de dépôt au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie, prévue à l’avant-dernier alinéa du présent II, n’est pas exigée des organismes ayant le statut d’association ou de fondation. »
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Article 16
I. – Le titre VII bis de la même loi organique est complété par un article 209-26 ainsi rédigé :
« Art. 209-26. – La Nouvelle-Calédonie et les provinces ne peuvent prendre en charge, dans leur budget propre, des dépenses afférentes à leurs services publics à caractère industriel et commercial.
« Toutefois, le congrès de la Nouvelle-Calédonie et les assemblées des provinces peuvent décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l’une des raisons suivantes :
« 1° Lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ;
« 2° Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans une augmentation excessive des tarifs ;
« 3° Lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs.
« Les décisions du congrès de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées des provinces doivent, à peine de nullité, être motivées. Ces décisions fixent les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses afférentes au service public prises en charge par la Nouvelle-Calédonie ou une ou plusieurs provinces, ainsi que les exercices auxquels elles se rapportent. En aucun cas cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d’un déficit d’exploitation. »
II. – L’article 84 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Il comprend une section de fonctionnement et une section d’investissement, tant en recettes qu’en dépenses. Certaines interventions et activités ou certains services sont individualisés au sein de budgets annexes. Ces budgets annexes sont votés en équilibre réel. » ;
2° Après le cinquième alinéa, sont insérés seize alinéas ainsi rédigés :
« Sont également obligatoires pour la collectivité :
« 1° Les dotations aux amortissements ;
« 2° Les dotations aux provisions et aux dépréciations ;
« 3° La reprise des subventions d’équipement reçues.
« Les modalités d’application des sixième à neuvième alinéas sont déterminées par décret.
« Le budget de la collectivité est voté soit par nature, soit par fonction. Si le budget est voté par nature, il comporte, en outre, une présentation croisée par fonction ; s’il est voté par fonction, il comporte une présentation croisée par nature.
« La nomenclature par nature et la nomenclature par fonction sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’outre-mer et du budget.
« Les recettes de la section d’investissement se composent notamment :
« a) Du produit des emprunts ;
« b) Des dotations ;
« c) Du produit des cessions d’immobilisations, selon des modalités fixées par décret ;
« d) Des amortissements ;
« e) Du virement prévisionnel de la section de fonctionnement et du produit de l’affectation du résultat de fonctionnement, en application de l’article 209-16-1.
« Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement se composent notamment des produits d’exploitation, des produits domaniaux, des produits financiers, des remboursements, subventions et participations, des dotations, des travaux d’équipement en régie et réductions de charges, des produits exceptionnels et des résultats antérieurs.
« Elles se composent également du produit de la neutralisation des dotations aux amortissements et de la reprise des subventions d’équipement reçues.
« Les modalités d’application des treizième à avant-dernier alinéas sont déterminées par décret. »
III. – L’article 183 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Il comprend une section de fonctionnement et une section d’investissement, tant en recettes qu’en dépenses. Certaines interventions et activités ou certains services sont individualisés au sein de budgets annexes. Ces budgets annexes sont votés en équilibre réel. » ;
2° Après le cinquième alinéa, sont insérés seize alinéas ainsi rédigés :
« Sont également obligatoires pour la province :
« 1° Les dotations aux amortissements ;
« 2° Les dotations aux provisions et aux dépréciations ;
« 3° La reprise des subventions d’équipement reçues.
« Les modalités d’application des sixième à neuvième alinéas sont déterminées par décret.
« Le budget de la province est voté soit par nature, soit par fonction. Si le budget est voté par nature, il comporte, en outre, une présentation croisée par fonction ; s’il est voté par fonction, il comporte une présentation croisée par nature.
« La nomenclature par nature et la nomenclature par fonction sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’outre-mer et du budget.
« Les recettes de la section d’investissement se composent notamment :
« a) Du produit des emprunts ;
« b) Des dotations ;
« c) Du produit des cessions d’immobilisations, selon des modalités fixées par décret ;
« d) Des amortissements ;
« e) Du virement prévisionnel de la section de fonctionnement et du produit de l’affectation du résultat de fonctionnement, en application de l’article L. 209-16-1.
« Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement se composent notamment des produits d’exploitation, des produits domaniaux, des produits financiers, des remboursements, subventions et participations, des dotations, des travaux d’équipement en régie et réductions de charges, des produits exceptionnels et des résultats antérieurs.
« Elles se composent également du produit de la neutralisation des dotations aux amortissements et de la reprise des subventions d’équipement reçues.
« Les modalités d’application des treizième à avant-dernier alinéas sont déterminées par décret. »
Article 17
I. – L’article 84-1 de la même loi organique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« En outre, jusqu’à l’adoption du budget ou jusqu’au 15 avril, en l’absence d’adoption du budget avant cette date, le président du gouvernement peut, sur autorisation du congrès, engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent, à l’exclusion des crédits afférents au remboursement de la dette.
« L’autorisation mentionnée au quatrième alinéa précise le montant et l’affectation des crédits. Pour les dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme ou d’engagement votée sur des exercices antérieurs, le président du gouvernement peut les liquider et les mandater dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l’exercice concerné par la dernière délibération budgétaire à laquelle est annexé l’échéancier de l’autorisation de programme ou d’engagement.
« Les crédits correspondants, visés aux alinéas ci-dessus, sont inscrits au budget lors de son adoption. Le comptable est en droit de payer les mandats et recouvrer les titres de recettes émis dans les conditions ci-dessus. »
II. – Après le deuxième alinéa de l’article 183-1 de la même loi organique, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« En outre, jusqu’à l’adoption du budget ou jusqu’au 15 avril, en l’absence d’adoption du budget avant cette date, le président de l’assemblée de province peut, sur autorisation de l’assemblée, engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent, à l’exclusion des crédits afférents au remboursement de la dette.
« L’autorisation mentionnée au troisième alinéa précise le montant et l’affectation des crédits. Pour les dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme ou d’engagement votée sur des exercices antérieurs, le président de l’assemblée de province peut les liquider et les mandater dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l’exercice concerné par la dernière délibération budgétaire à laquelle est annexé l’échéancier de l’autorisation de programme ou d’engagement.
« Les crédits correspondants, visés aux alinéas ci-dessus, sont inscrits au budget lors de son adoption. Le comptable est en droit de payer les mandats et recouvrer les titres de recettes émis dans les conditions ci-dessus. »
II bis. – À la première phrase du dernier alinéa de l’article 208-4 de la même loi organique, la référence : « dernier alinéa de l’article 84-1 et » est remplacée par les références : « troisième alinéa de l’article 84-1 et à l’avant-dernier alinéa ».
III. – L’article 209-6 de la même loi organique est abrogé.
IV. – Au premier alinéa de l’article 209-17 de la même loi organique, la référence : « 209-6 » est remplacée par la référence : « 209-5 ».
Article 18
I. – À l’article 84-2 de la même loi organique, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».
II. – À l’article 183-2 de la même loi organique, les mots : « de deux mois » sont remplacés par les mots : « de six semaines ».
Article 19
L’article 209-25 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, les mots : « Des décrets en Conseil d’État fixent » sont remplacés par les mots : « Un décret fixe » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « consulaires », sont insérés les mots : « et aux établissements publics d’enseignement du second degré » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « elles sont soumises » sont remplacés par les mots : « ils sont soumis ».
Article 19 bis
L’intitulé du chapitre III du titre VII de la même loi organique est complété par les mots : « ou à une province ».
Titre III
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ORGANISATION JUDICIAIRE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Article 20
L’article 19 de la même loi organique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa et sauf demande contraire de l’une des parties, après s’être prononcée sur l’action publique concernant des faits de nature pénale commis par une personne de statut civil coutumier à l’encontre d’une personne de même statut civil coutumier, la juridiction pénale de droit commun, saisie d’une demande de dommages et intérêts, statue sur les intérêts civils dans les conditions prévues par la loi.
« En cas de demande contraire de l’une des parties, prévue au deuxième alinéa, la juridiction pénale de droit commun ordonne le renvoi devant la juridiction civile de droit commun, siégeant dans les conditions prévues au premier alinéa, aux fins de statuer sur les intérêts civils. La décision de renvoi constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. »
Titre IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS FINANCIÈRES
Article 21
L’article L.O. 262-2 du code des juridictions financières est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Elle examine la gestion des établissements, sociétés, groupements et organismes, quel que soit leur statut juridique, auxquels le territoire, les provinces et leurs établissements publics apportent un concours financier supérieur à 1 500 € ou à sa contrepartie en monnaie locale, ou dans lesquels ils détiennent, séparément ou ensemble, plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants, ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion.
« Elle peut également assurer les vérifications prévues au troisième alinéa sur demande motivée du haut-commissaire, du congrès, du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou de l’établissement public.
« Elle examine la gestion des filiales des établissements, sociétés, groupements et organismes mentionnés au même troisième alinéa, lorsque ces derniers détiennent dans lesdites filiales, séparément ou ensemble, plus de la moitié du capital ou des voix dans les organismes délibérants, ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion.
« Elle peut également, dans le cadre du contrôle des comptes de l’autorité délégante, vérifier auprès des délégataires de service public les comptes qu’ils ont produits aux autorités délégantes.
« L’examen de gestion porte sur la régularité des actes de gestion, sur l’économie des moyens mis en œuvre et sur l’évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée concernée. L’opportunité de ces objectifs ne peut faire l’objet d’observations. »
Article 22
Après l’article 134 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, il est inséré un article 134-1 ainsi rédigé :
« Art. 134-1. – Le président du gouvernement déclaré comptable de fait par un jugement du juge des comptes statuant définitivement est suspendu de sa qualité d’ordonnateur jusqu’à ce qu’il ait reçu quitus de sa gestion. Dans ce cas, le vice-président du gouvernement exerce de plein droit les attributions mentionnées à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article 134. Cette fonction prend fin dès lors que le président du gouvernement a reçu quitus de sa gestion. »
Article 23
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 208-3 de la même loi organique, après le mot : « haut-commissaire », sont insérés les mots : « , le comptable public concerné ou toute personne y ayant intérêt ».
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je profite de l’occasion qui m’est offerte pour remercier M. le rapporteur et notre collègue Christian Cointat d’avoir permis l’introduction d’une disposition relative à l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France dans le projet de loi organique.
En tant que rapporteur du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, j’avais constaté un décalage avec la rédaction du texte du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs ; il a pu être corrigé de manière opportune dans le cadre de la discussion du présent projet de loi organique.
Je tenais à en remercier ceux qui ont pris une telle initiative, tout comme je salue la qualité du travail de Mme la rapporteur sur ce texte.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 23 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 346 |
Le Sénat a adopté à l’unanimité.
PROJET DE LOI
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
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Article 1er bis A
I. – L’ordonnance n° 2013-792 du 30 août 2013 portant extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna des dispositions du titre Ier de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière est ratifiée.
II. – À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 334-7 du code de la consommation, après le mot : « française, », sont insérés les mots : « les établissements de crédit mentionnés au titre Ier du livre V du code monétaire et financier, ».
Article 1er bis
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure législative visant à :
1° Modifier le code général de la propriété des personnes publiques, en vue de rapprocher les règles législatives applicables à Mayotte des règles applicables en métropole ou dans les autres collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et d’étendre, avec les adaptations nécessaires, ces règles aux collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie ;
2° Étendre et adapter, dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les dispositions de droit commun, afin de permettre aux agents publics de rechercher et de constater par procès-verbal certaines infractions aux réglementations édictées localement notamment en matière d’environnement, de chasse, de pêche, d’urbanisme, de stationnement payant ou de santé ou de salubrité publiques.
I bis. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative visant à étendre à la Nouvelle-Calédonie, avec les adaptations nécessaires, celles des dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l’État en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions.
II. – Pour chaque ordonnance prévue aux I et I bis du présent article, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Article 2
I. – Après l’article 8-2 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un article 8-3 ainsi rédigé :
« Art. 8-3. – Les sociétés publiques locales mentionnées à l’article 53-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie revêtent la forme de sociétés anonymes et sont composées d’au moins deux actionnaires.
« Sous réserve de dispositions contraires, les dispositions relatives aux sociétés d’économie mixte prévues à l’article 8-1 de la présente loi sont applicables aux sociétés publiques locales mentionnées au premier alinéa du présent article. »
II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le même jour que l’article 13 de la loi organique n° … du … portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Article 2 bis
L’article L. 311-3 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « d’office », sont insérés les mots : « sans indemnité » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
Article 3
I. Le chapitre Ier du titre VIII du livre III du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est complété par un article L. 381-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 381-9. – Les communes et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital, le cas échéant avec la Nouvelle-Calédonie, les provinces et leurs établissements publics.
« Sous réserve de dispositions contraires, l’article 8-1 et le premier alinéa de l’article 8-3 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie sont applicables aux sociétés publiques locales mentionnées au présent article. »
II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le même jour que l’article 13 de la loi organique n° … du … portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Article 4
L’article 8-1 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 précitée est ainsi modifié :
1° À la fin du 3°, du b du 5° et du 6°, la référence : « L. 1525-5 » est remplacée par la référence : « 8-2 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie » ;
2° Au a du 10°, la référence : « L. 212-41 » est remplacée par la référence : « L. 121-41 ».
Article 5
(Supprimé)
Article 5 bis
L’article 16 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives est ainsi rédigé :
« Art. 16. – I. – La présente ordonnance, à l’exception de l’article 13, est applicable :
« 1° Aux administrations de l’État et à leurs établissements publics en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ;
« 2° Aux autorités administratives de la Nouvelle-Calédonie.
« II. – Sans préjudice du I de l’article 1er, sont considérées comme autorités administratives, au sens du 2° du I du présent article, les administrations des institutions de la Nouvelle-Calédonie mentionnées au premier alinéa de l’article 2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les provinces, les communes et leurs groupements. »
Article 6
Sont homologuées, en application des articles 87 et 157 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les peines d’emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie aux articles suivants :
1° Articles 216-1, 216-2, 220-12, 240-8, 250-9, 315-2, 335-1, 335-2, 335-3, 335-4, 335-5, 335-6, 342-20, 354-3, 416-14, 416-15 et 433-15 du code de l’environnement de la province Sud ;
2° Articles Lp. 1060, Lp. 1060-1, Lp. 1060-3, Lp. 1060-4 et Lp. 1060-6 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
3° Article 9 de la délibération n° 35/CP du 7 octobre 2010 relative à l’organisation de l’action sanitaire et médico-sociale ;
4° Articles 21 à 25 de la délibération n° 104 du 15 décembre 2010 relative à l’exercice et aux règles professionnelles de la profession d’infirmier ;
5° Articles 80, 87 et 88 de la délibération n° 45/CP du 20 avril 2011 modifiant la délibération n° 168 du 5 août 1969 portant règlement d’hygiène et de médecine scolaires et la délibération n° 21/CP du 4 mai 2006 relative aux vaccinations et revaccinations contre certaines maladies transmissibles ;
6° Article 94 de la délibération n° 2012-10/API du 29 février 2012 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement en province des îles Loyauté ;
7° Articles 35, 37 et 38 de la délibération n° 2012-99/API du 3 août 2012 relative à l’exploitation des carrières en province des îles Loyauté ;
8° Article 15 de la délibération n° 259 du 24 janvier 2013 modifiant la délibération modifiée n° 375 du 7 mai 2003 relative à l’exercice de la profession de sage-femme ;
9° Articles 33 et 35 à 40 de la loi du pays n° 2013-4 du 7 juin 2013 portant statut de la mutualité en Nouvelle-Calédonie.
Article 6 bis
(Supprimé)
Article 7
Après l’article L. 960-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 960-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 960-2. – À Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, l’État peut, par convention avec la chambre économique multi professionnelle de Saint-Barthélemy ou la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, confier à celle-ci l’exercice de missions, autres que consultatives, dévolues aux chambres de commerce et d’industrie, aux chambres de métiers et de l’artisanat et aux chambres d’agriculture. »
Article 7 bis
L’article 46 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services est abrogé.
Article 7 ter
À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4433-9 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « professionnelles », sont insérés les mots : « et les associations agréées de protection de l’environnement ».
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Article 9
Le II de l’article 112 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « gestion », sont insérés les mots : « et de formation » ;
2° Le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Il met en œuvre les actions de formation relevant du Centre national de la fonction publique territoriale prévues aux troisième et quatrième alinéas et aux 2° et 3° de l’article 11 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 précitée. Une convention conclue entre le Centre national de la fonction publique territoriale et le centre de gestion et de formation détermine les modalités d’exercice de ces actions de formation ainsi que leur financement. »
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Article 10 bis
I. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre IV du livre VII du code monétaire et financier est complétée par un article L. 743-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 743-2-2. – I. – En Nouvelle-Calédonie, les établissements de crédit, les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et l’office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie participent, entre le 1er juin et le 31 juillet, sur convocation du haut-commissaire et en présence de l’Institut d’émission d’outre-mer, à des négociations visant à obtenir un accord de modération des prix des services bancaires mentionnés à l’article L. 743-2-1.
« Chaque établissement de crédit présente, au plus tard le 1er juin, ses propositions tarifaires pour l’année à venir. La négociation porte en priorité sur la baisse des tarifs qui présentent les plus fortes différences avec ceux relevés dans le rapport annuel de l’observatoire des tarifs bancaires publié par le Comité consultatif des services financiers.
« L’accord est rendu public par arrêté du haut-commissaire au plus tard le 1er septembre de chaque année et applicable au 1er janvier de l’année suivante.
« II. – En l’absence d’accord au 1er septembre et en tenant compte des négociations menées, le haut-commissaire fixe par arrêté, après avis de l’Institut d’émission d’outre-mer, le prix global maximal de la liste des services bancaires mentionnés à l’article L. 743-2-1 pour l’ensemble des établissements mentionnés au premier alinéa du I. L’arrêté du haut-commissaire est publié au plus tard le 1er novembre et applicable au 1er janvier de l’année suivante. »
II. – À titre transitoire, pour l’année 2014, le haut-commissaire peut fixer par arrêté, après avis de l’Institut d’émission d’outre-mer, le prix global maximal de la liste des services bancaires mentionnés à l’article L. 743-2-1 du code monétaire et financier en tenant compte des négociations menées avant la promulgation de la présente loi. L’arrêté du haut-commissaire est publié au plus tard le 31 décembre 2013 et applicable au 1er février 2014.
Article 10 ter
La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre V du livre VII du code monétaire et financier est complétée par un article L. 753-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 753-2-2. – I. – En Polynésie française, les établissements de crédit, les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et l’office des postes et télécommunications de Polynésie française participent, entre le 1er juin et le 31 juillet, sur convocation du haut-commissaire et en présence de l’Institut d’émission d’outre-mer, à des négociations visant à obtenir un accord de modération des prix des services bancaires mentionnés à l’article L. 753-2-1.
« Chaque établissement de crédit présente, au plus tard le 1er juin, ses propositions tarifaires pour l’année à venir. La négociation porte en priorité sur la baisse des tarifs qui présentent les plus fortes différences avec ceux relevés dans le rapport annuel de l’observatoire des tarifs bancaires publié par le Comité consultatif des services financiers.
« L’accord est rendu public par arrêté du haut-commissaire au plus tard le 1er septembre de chaque année et applicable au 1er janvier de l’année suivante.
« II. – En l’absence d’accord au 1er septembre et en tenant compte des négociations menées, le haut-commissaire fixe par arrêté, après avis de l’Institut d’émission d’outre-mer, le prix global maximal de la liste des services bancaires mentionnés à l’article L. 753-2-1 pour l’ensemble des établissements mentionnés au premier alinéa du I. L’arrêté du haut-commissaire est publié au plus tard le 1er novembre et applicable au 1er janvier de l’année suivante. »
Article 10 quater
I. – Les articles L. 1821-9, L. 6722-1 à L. 6722-3, L. 6723-1, L. 6723-1-1 et L. 6724-1 à L. 6724-3 du code des transports sont abrogés à compter du 1er janvier 2014.
II. – (Supprimé)
Article 10 quinquies
(Supprimé)
Article 10 sexies
(Supprimé)
Article 11
La section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est complétée par un article L. 123-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1-1. – Selon des conditions fixées par une délibération annuelle, le conseil municipal peut mettre un véhicule à disposition de ses membres ou des agents de la commune lorsque l’exercice de leurs mandats ou de leurs fonctions le justifie.
« Tout autre avantage en nature fait l’objet d’une délibération nominative, qui en précise les modalités d’usage. »
Article 12
I. – Le code minier est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 512-1 est complété par des 11° et 12° ainsi rédigés :
« 11° De détenir du mercure ou tout ou partie d’un concasseur ou d’un corps de pompe, depuis plus d’un mois, sans détenir le récépissé de déclaration prévu à l’article L. 621-13 ;
« 12° De transporter du mercure ou tout ou partie d’un concasseur ou d’un corps de pompe sans détenir la copie du récépissé de déclaration prévue à l’article L. 621-14. » ;
1° bis L’article L. 615-2 est ainsi modifié :
a) Au début du deuxième alinéa, la référence : « 11° » est remplacée par la référence : « 13° » ;
b) Au début du dernier alinéa, la référence : « 12° » est remplacée par la référence : « 14° » ;
2° La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre VI est complétée par un article L. 621-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 621-8-1. – Dans les cas prévus aux 11° et 12° de l’article L. 512-1, le tribunal peut prononcer la confiscation du mercure, des concasseurs et des corps de pompes ayant servi à la commission de l’infraction. » ;
3° Le même chapitre Ier est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Matériels soumis à un régime particulier
« Art. L. 621-12. – La présente section est applicable à partir de vingt kilomètres au sud des routes nationales 1 et 2 et, entre Saint-Laurent-du-Maroni et Apatou, à partir de vingt kilomètres mesurés à partir du lit mineur du fleuve Maroni.
« Art. L. 621-13. – Dans le périmètre défini à l’article L. 621-12, la détention de mercure ou de tout ou partie d’un concasseur ou d’un corps de pompe est soumise à déclaration.
« Dans les quinze jours suivant le début de la détention, la déclaration est faite par le détenteur du matériel auprès du préfet de Guyane ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les conditions et selon les modalités fixées par décret. Il en est délivré immédiatement récépissé.
« Le récépissé ou sa copie doit pouvoir être présenté aux agents habilités qui contrôlent ces matériels. En l’absence de récépissé, le détenteur doit prouver par tous moyens qu’il ne détient pas le mercure, le concasseur ou le corps de pompe depuis plus d’un mois.
« Art. L. 621-14. – Le transporteur de mercure ou de tout ou partie d’un concasseur ou d’un corps de pompe doit être en possession d’une copie du récépissé de la déclaration prévue à l’article L. 621-13. »
II. – Le I entre en vigueur à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la date de promulgation de la présente loi.
Article 13
Après l’article L. 943-6 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 943-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 943-6-1. – En Guyane, le juge des libertés et de la détention peut, à la demande de l’autorité compétente, ordonner la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions mentionnées à l’article L. 945-4, constatées par procès-verbal, dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur. Les frais sont à la charge de l’auteur de l’infraction ou de son commettant. »
Article 14
Au I de l’article 125 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, les mots : « , le titre II et le titre III de la présente loi, à l’exception » sont remplacés par les références : « et les titres II, III et IV de la présente loi, à l’exception des articles 26 et 27, ».
Article 15
L’article 4 de l’ordonnance n° 98-728 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans les territoires d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon est abrogé.
Article 16
À l’article L. 910-1 B du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, les mots : « chambres régionales des comptes ou parmi les magistrats honoraires de ce » sont remplacés par les mots : « juridictions financières ou parmi les magistrats honoraires de ces ».
Article 17
L’article L. 438 du code électoral, dans sa rédaction issue du 4° du III de l’article 42 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, est ainsi modifié :
1° Après la première occurrence du mot : « habitants, », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « dans les communes de moins de 3 500 habitants composées de communes associées, ainsi que dans les communes de 3 500 habitants et plus composées d’au moins une commune associée de moins de 1 000 habitants. » ;
2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « dont chaque commune associée compte 1 000 habitants et plus ».
Article 18
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 308-1 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux » ;
b) Au 2°, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « trois » ;
1° bis (nouveau) À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 52-12, après le mot : « législatives », sont insérés les mots : « , aux élections sénatoriales » ;
1° ter (nouveau) Au 7° de l’article L. 392, après le mot : « législatives », sont insérés les mots : « et aux élections sénatoriales » ;
2° L’article L. 441 est ainsi modifié :
a) Le 1° des I et II est complété par les mots : « et des sénateurs » ;
b) Le 1° du III est complété par les mots : « et du sénateur » ;
3° L’article L. 443 est ainsi modifié :
a) Aux 1° et 2°, après le mot : « députés », sont insérés les mots : « , les sénateurs » ;
b) Au 3°, après le mot : « député », sont insérés les mots : « , le sénateur » ;
4° À l’article L. 444, après le mot : « député », sont insérés les mots : « ou sénateur » ;
5° À l’article L. 445, après le mot : « député », sont insérés les mots : « , ni sur un sénateur » ;
6° Au premier alinéa de l’article L. 446, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
7° À la première phrase de l’article L. 448, après le mot : « députés », sont insérés les mots : « , les sénateurs » ;
8° Le 1° de l’article L. 475 est ainsi rédigé :
« 1° Des députés et des sénateurs ; »
9° Les articles L. 477 et L. 504 sont complétés par un 5° ainsi rédigé :
« 5° “conseiller territorial” et “président du conseil territorial” au lieu, respectivement, de : “conseiller général” et “président du conseil général”. » ;
10° L’article L. 531 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° “conseiller territorial” et “président du conseil territorial” au lieu, respectivement, de : “conseiller général” et “président du conseil général”. » ;
11° Le 1° des articles L. 502, L. 529 et L. 557 est complété par les mots : « et du sénateur ».
II (nouveau). – L’article 44 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « et des sénateurs représentant les Français établis hors de France » ;
2° Au dernier alinéa, après le mot : « France », sont insérés les mots : « ou sénateur représentant les Français établis hors de France ».
Article 19
L’article L. 1711-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 1711-4. – I. – Les articles L. 1424-1 à L. 1424-13, L. 1424-17 à L. 1424-19, L. 1424-22, L. 1424-24 à L. 1424-44, L. 1424-46 et L. 1424-48 à L. 1424-50 sont applicables à Mayotte à compter du 1er janvier 2014, sous réserve des adaptations prévues au II du présent article.
« II. – Pour l’application à Mayotte des articles mentionnés au I :
« 1° À l’article L. 1424-12, le deuxième alinéa et la seconde phrase du dernier alinéa sont supprimés ;
« 2° L’article L. 1424-13 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 1424-13. – À la date de la première réunion du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours, les agents du Département de Mayotte qui relèvent des cadres d’emplois de sapeurs-pompiers professionnels, les sapeurs-pompiers volontaires ainsi que les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la fonction publique territoriale, qui exercent leurs fonctions au service d’incendie et de secours du conseil général de Mayotte, sont réputés relever du service départemental d’incendie et de secours, dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les leurs.
« “À la date de la première réunion du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours, il est mis fin de plein droit aux fonctions des agents occupant les emplois de directeur et de directeur adjoint du service d’incendie et de secours du conseil général de Mayotte.” ;
« 3° Les trois premiers alinéas de l’article L. 1424-17 sont ainsi rédigés :
« “Les biens affectés par le conseil général au fonctionnement du service d’incendie et de secours de Mayotte et nécessaires au fonctionnement du service départemental d’incendie et de secours sont mis à la disposition de celui-ci, à titre gratuit, à compter de la date fixée par une convention, sous réserve des dispositions de l’article L. 1424-19.
« “Cette convention conclue entre, d’une part, le conseil général de Mayotte et, d’autre part, le service départemental d’incendie et de secours, règle les modalités de la mise à disposition, qui doit intervenir dans le délai d’un an à compter de la première réunion du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours.
« “À la date de la première réunion de son conseil d’administration, le service départemental d’incendie et de secours succède au conseil général de Mayotte dans ses droits et obligations en matière d’incendie et de secours. À ce titre, il lui est substitué dans les contrats de toute nature conclus pour l’aménagement, le fonctionnement, l’entretien ou la conservation des biens mis à sa disposition, ainsi que pour le fonctionnement des services. Cette substitution est notifiée par le conseil général de Mayotte à ses cocontractants.” ;
« 4° L’article L. 1424-18 est ainsi modifié :
« a) À la première phrase, les mots : “la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale ou” sont supprimés ;
« b) À la seconde phrase, les mots : “de la commune, de l’établissement public de coopération intercommunale ou” sont supprimés ;
« 5° L’article L. 1424-22 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 1424-22. – À défaut de signature de la convention prévue à l’article L. 1424-17 dans le délai fixé à ce même article, le représentant de l’État dans le département règle, dans un délai de six mois, la situation des biens mis à la disposition du service départemental d’incendie et de secours, après consultation du comité local mentionné à l’article L. 1711-3.
« “Sa décision est notifiée au président du conseil général et au président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours dans un délai d’un mois.” ;
« 6° L’article L. 1424-35 est ainsi modifié :
« a) Les cinquième à avant-dernier alinéas sont ainsi rédigés :
« “À compter de 2015, le montant prévisionnel des contributions mentionnées au quatrième alinéa, arrêté par le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours, est notifié aux maires et aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale avant le 1er janvier de l’année en cause.
« “À compter de 2015, le montant global des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale tient compte des charges respectives du conseil général de Mayotte, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.
« “Pour l’exercice 2015, si aucune délibération n’est prise dans les conditions prévues au troisième alinéa, la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale est calculée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de l’importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant et de ses charges.” ;
« b) Au début du dernier alinéa, sont ajoutés les mots : “À compter de 2016,” ;
« 7° L’article L. 1424-36 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 1424-36. – Jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention prévue à l’article L. 1424-17, le montant minimal des dépenses directes et indirectes relatives aux biens mentionnés à ce même article, à l’exclusion des contributions mentionnées à l’article L. 1424-35, réalisées chaque année par le Département de Mayotte est fixé par une convention passée entre le service départemental d’incendie et de secours, d’une part, et le conseil général de Mayotte, d’autre part.
« “À défaut de convention et jusqu’à l’entrée en vigueur de celle prévue à l’article L. 1424-17, le montant minimal des dépenses mentionnées au premier alinéa du présent article est fixé par le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours en tenant compte des charges respectives du Département de Mayotte et des communes.”;
« 8° Au premier alinéa de l’article L. 1424-41, les mots : “au 1er janvier 1996” sont remplacés par les mots : “à la date de la première réunion du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours” ;
« 9° À la fin du premier alinéa de l’article L. 1424-44, les mots : “dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours” sont supprimés ;
« 10° L’article L. 1424-46 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 1424-46. – Il est créé une commission de préfiguration comprenant :
« “1° Le représentant de l’État à Mayotte ou son représentant ;
« “2° Le directeur régional des finances publiques de Mayotte ou son représentant ;
« “3° Le directeur du service d’incendie et de secours de Mayotte ou son représentant ;
« “4° Le président du conseil général ou son représentant ;
« “5° Neuf conseillers généraux ou leurs représentants, désignés par le président du conseil général ;
« “6° Six maires ou leurs représentants, désignés par une association représentative de l’ensemble des maires de Mayotte ;
« “7° Un sapeur-pompier représentant les sapeurs-pompiers professionnels ;
« “8° Un sapeur-pompier représentant les sapeurs-pompiers volontaires.
« “Cette commission est présidée par le représentant de l’État à Mayotte ou son représentant ; il fixe, par arrêté, ses modalités d’organisation et de fonctionnement.
« “La commission est chargée de :
« “a) Préparer la convention de mise à disposition des biens mentionnée à l’article L. 1424-17 ;
« “b) Délibérer, dans le respect des conditions prévues à l’article L. 1424-24-1, sur le nombre et la répartition des sièges au sein du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours entre le département, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, le cas échéant.
« “Le président de la commission fixe, par arrêté, la répartition des sièges, au vu de la délibération mentionnée au b.
« “La commission exerce ses missions jusqu’à l’élection des membres du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours.
« “Par dérogation à l’article L. 1424-24-2, l’élection des membres du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours se déroule dans les quatre mois suivant le premier renouvellement général des conseils municipaux à compter de la promulgation de la loi n° … du … portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. La première réunion du conseil d’administration intervient dans le même délai.
« “Jusqu’à la première réunion du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours, élu dans les conditions prévues au présent article, le fonctionnement du service d’incendie et de secours demeure régi par les articles L.O. 6161-27 à L. 6161-41.” ;
« 11° L’article L. 1424-48 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 1424-48. – À la date de la première réunion de son conseil d’administration, le service départemental d’incendie et de secours est substitué de plein droit au service d’incendie et de secours du conseil général de Mayotte, mentionné à l’article L.O. 6161-27.” »
Article 20
Au premier alinéa de l’article L. 111-9-1 du code des juridictions financières, après les deux occurrences du mot : « régionales », sont insérés les mots : « ou territoriales ».
Article 21
I. – Après l’article L. 262-50 du code des juridictions financières, il est inséré un article L. 262-50-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-50-1. – Les observations définitives sur la gestion prévues à l’article L. 262-50 sont arrêtées par la chambre territoriale des comptes, après l’audition, à leur demande, des dirigeants des personnes morales contrôlées et de toute autre personne nominativement ou explicitement mise en cause. »
II. – Après l’article L. 272-48 du même code, il est inséré un article L. 272-48-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 272-48-1. – Les observations définitives sur la gestion prévues à l’article L. 272-48 sont arrêtées par la chambre territoriale des comptes, après l’audition, à leur demande, des dirigeants des personnes morales contrôlées et de toute autre personne nominativement ou explicitement mise en cause. »
Article 22
Les articles L. 262-53 et L. 272-51 du code des juridictions financières sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’instruction conduite par la chambre territoriale des comptes dans le cadre de la préparation du rapport provisoire et confidentiel est menée avec, en particulier, l’ordonnateur dont la gestion est contrôlée. »
Article 23
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 262-53 du même code, il est inséré un article L. 262-53-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-53-1. – Les parties peuvent se faire assister ou représenter par un avocat.
« L’ordonnateur ou le dirigeant qui était en fonctions au cours d’un exercice examiné peut se faire assister ou représenter par la personne de son choix, désignée à sa demande par le président de la chambre territoriale des comptes. S’il s’agit d’un agent public, son chef de service en est informé. Cette personne peut être désignée pour une affaire qu’elle a eu à connaître dans le cadre de ses fonctions. Elle est habilitée à se faire communiquer par la collectivité territoriale ou l’établissement public tout document, de quelque nature qu’il soit, relatif à la gestion de l’exercice examiné.
« Lorsque l’ordonnateur ou le dirigeant n’est plus en fonctions au moment où l’exercice est examiné par la chambre territoriale des comptes, les honoraires de l’avocat demeurent à la charge de la collectivité territoriale ou de l’établissement public concerné, dans la limite d’un plafond fixé par décret. » ;
2° Après l’article L. 272-51, il est inséré un article L. 272-51-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 272-51-1. – Les parties peuvent se faire assister ou représenter par un avocat.
« L’ordonnateur ou le dirigeant qui était en fonctions au cours d’un exercice examiné peut se faire assister ou représenter par la personne de son choix, désignée à sa demande par le président de la chambre territoriale des comptes. S’il s’agit d’un agent public, son chef de service en est informé. Cette personne peut être désignée pour une affaire qu’elle a eu à connaître dans le cadre de ses fonctions. Elle est habilitée à se faire communiquer par la collectivité territoriale ou l’établissement public tout document, de quelque nature qu’il soit, relatif à la gestion de l’exercice examiné.
« Lorsque l’ordonnateur ou le dirigeant n’est plus en fonctions au moment où l’exercice est examiné par la chambre territoriale des comptes, les honoraires de l’avocat demeurent à la charge de la collectivité territoriale ou de l’établissement public concerné, dans la limite d’un plafond fixé par décret. »
Article 24
Après le 18° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un 19° ainsi rédigé :
« 19° Délit d’exploitation d’une mine ou de disposition d’une substance concessible sans titre d’exploitation ou autorisation, accompagné d’atteintes à l’environnement, commis en bande organisée, prévu à l’article L. 512-2 du code minier, lorsqu’il est connexe avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 17° du présent article. »
Article 25
Au second alinéa du 1° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après le mot : « Martinique », sont insérés les mots : « , de Mayotte ».
Article 26
L’article 40 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer est ainsi modifié :
1° Les mots : « des départements d’outre-mer » sont remplacés par les mots : « de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin » ;
2° La deuxième occurrence du mot : « départements » est remplacée par le mot : « territoires ».
Article 27
L’article 84 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Pour l’application à Mayotte des articles 60 et 61 de la présente loi :
« 1° Au premier alinéa des I, II et III, la date : “1er janvier 2012” est remplacée par la date : “1er juillet 2014” ;
« 2° Aux deux premiers alinéas des I, II et III, la date : “31 décembre 2012” est remplacée par la date : “30 juin 2015” ;
« 3° À la première phrase du huitième alinéa des I, II et III de l’article 60 et du septième alinéa des I, II et III de l’article 61, la date : “1er juin 2013” est remplacée par la date : “1er janvier 2016”. »
Article 28
Le premier alinéa de l’article 72 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles est ainsi modifié :
1° Les références : « , 22 à 38, les II et III de l’article 39 et les articles 40 » sont remplacées par la référence : « et 22 » ;
2° Après le mot : « loi », sont insérés les mots : « , à l’exception de l’article 39, ».
Article 29
À compter de la promulgation de la présente loi, le conseil régional de la Martinique est habilité, en application de l’article 73 de la Constitution et des articles L.O. 4435-2 à L.O. 4435-12 du code général des collectivités territoriales, à adapter et fixer des règles spécifiques à la Martinique en matière de transports intérieurs de passagers et de marchandises terrestres et maritimes, dans les conditions prévues par la délibération n° 13-1229-1 du 28 juin 2013 du conseil régional de Martinique portant demande d’habilitation sur le transport, publiée au Journal officiel du 31 août 2013.
Cette habilitation doit permettre, sur le fondement des deuxième et troisième alinéas de l’article 73 de la Constitution :
1° La création et la mise en œuvre de l’autorité organisatrice de transports unique et du périmètre unique de transports, prévus aux articles L. 1811-2, L. 1811-3 et L. 1811-5 du code des transports ;
2° L’adaptation des conditions d’exercice de la profession de transporteur routier de personnes et de marchandises ;
3° La mise en place d’instruments de régulation, notamment contractuels, dans le domaine des transports de personnes et de marchandises ;
4° La définition des conditions de financement du transport public, notamment par l’adaptation du versement destiné au financement des transports en commun prévu aux articles L. 2333-64 à L. 2333-75, L. 5722-7 et L. 5722-7-1 du code général des collectivités territoriales ;
5° L’instauration d’un comité régional des transports chargé de la gouvernance ;
6° La définition de mesures spécifiques en matière de coordination entre les collectivités territoriales et leurs groupements, les gestionnaires de voirie et du domaine public et l’autorité organisatrice de transports unique.
Concernant les mesures qui sont adoptées dans le champ d’application du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil, le conseil régional veille à ce que les dispositions prises en application des 2° et 3° du présent article respectent le 3 de l’article 1er du même règlement et, en ce qui concerne les règles d’accès à la profession, le chapitre II dudit règlement.
Ces dispositions doivent également être compatibles avec les objectifs déterminés au plan national en matière de sécurité routière et respecter le principe de libre concurrence.
Cette habilitation peut être prorogée pour la durée maximale et dans les conditions prévues à l’article L.O. 4435-6-1 du code général des collectivités territoriales, à la demande du conseil régional.
articles 1er bis a à 1er bis
Mme la présidente. Sur les articles 1er bis A à 1er bis, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
article 1er bis
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
I ter. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative permettant d’introduire au sein du code de l’environnement de Saint-Barthélemy les règles de droit pénal et de procédure pénale destinées à sanctionner la violation des règles applicables localement en matière de droit de l’environnement.
II. – Alinéa 5
Remplacer les références :
et I bis
par les références
, I bis et I ter
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Cet amendement, qui concerne Saint-Barthélemy, a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnances, toutes dispositions législatives de nature pénale et de procédure pénale permettant de rendre effective la répression des infractions à la réglementation en matière de protection de l’environnement de la collectivité de Saint-Barthélemy.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement, comme le suivant, a été présenté à la demande expresse et unanime de la commission mixte paritaire. La commission y est donc très favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je voudrais remercier le Gouvernement d’avoir aussi vite répondu à notre appel.
Mme la présidente. Sur les articles 2 à 15, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
article 15
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 142-3 du code de la route est abrogé.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement de pure forme, destiné à éviter une redondance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme la présidente. Sur les articles 15 à 29, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote sur ces articles est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Je ne résiste pas au plaisir de remercier très chaleureusement tous nos collègues qui se sont engagés sur ces textes. Je salue également le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, ainsi que ses collaborateurs et les membres de son cabinet et de son administration pour leur appui au cours de nos travaux.
Je tenais à dire combien je me réjouis de cette nouvelle étape franchie grâce au projet de loi organique dans le processus engagé depuis maintenant plus de trois décennies en Nouvelle-Calédonie. Le Parlement est fier de pouvoir apporter sa pierre à ce processus, dont nous savons qu’il est difficile et complexe.
Je forme d’ailleurs le vœu que le mouvement ne s’arrête pas là. Les prochaines échéances que connaîtra la Nouvelle-Calédonie impliquent que l’on continue de développer le processus dans le même esprit de consensus national que celui qui a présidé à nos travaux.
J’aimerais également évoquer le projet de loi ordinaire en soulignant combien il est important que le Parlement et l’ensemble de la collectivité nationale témoignent de leur intérêt pour l’évolution des outre-mer. Il faut prendre en compte une diversité, qui, si elle ne rend pas les solutions législatives toujours très faciles à concevoir, est nécessaire pour poursuivre sur le chemin du progrès. J’espère que nos compatriotes d’outre-mer trouveront dans ces textes des réponses à leurs attentes légitimes.
Enfin, je voudrais faire une suggestion, qui paraîtra peut-être relever de la provocation compte tenu de l’heure tardive et du peu de loisirs dont disposent les parlementaires… Par un heureux du hasard du calendrier, s’est ouverte voilà deux jours, une extraordinaire exposition sur la culture et l’art kanaks au musée des Arts premiers, quai Branly. J’espère que vous trouverez le temps de vous y rendre. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que je rapporterai fidèlement au ministre Victorin Lurel les propos tenus au cours de cette séance.
J’ai bien compris que cela s’inscrivait dans le prolongement du consensus politique qui existe depuis les accords de Nouméa. Je constate aussi la prise en compte de l’ensemble des enjeux pour apporter un véritable avenir institutionnel à nos pays, que ce soit la Nouvelle-Calédonie ou les pays ultramarins. Je pense en particulier à la Guyane, à propos de laquelle vous avez émis le vœu de voir le Gouvernement prolonger les engagements pris, monsieur Antoinette.
J’ai noté la satisfaction des sénateurs présents sur la mise en place des outils d’avenir. Je pense par exemple à l’attention portée aux problèmes de l’orpaillage, à la lutte contre la vie chère, tout en veillant à ce que l’on donne partout une place équitable – je l’ai bien entendu – aux Ultramarins et aux sénateurs. Pour ma part, je soulignerai auprès du Gouvernement la nécessité d’être imaginatifs et audacieux pour nos pays d’outre-mer. (Applaudissements.)
9
Simplification des relations entre l’administration et les citoyens
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens (texte de la commission n° 64, rapport n° 63).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s’est prononcée à l’unanimité sur le texte relatif à la simplification des procédures administratives. Elle devait examiner un certain nombre de différences entre les rédactions votées par les deux chambres.
Vous le savez, le texte a été discuté en premier lieu par le Sénat, qui s’est livré à un travail de réécriture partielle pour cadrer un peu mieux la procédure d’habilitation.
En effet, il y avait eu, je le rappelle, beaucoup d’habilitations, et certaines commençaient à dater. Il fallait les reprendre pour rétablir de la cohérence.
En outre, nous avons travaillé pour améliorer le texte en faveur des usagers. Je pense notamment à la motivation des avis négatifs de l’administration.
Lors de l’examen du projet de loi par le Sénat, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à inverser de la charge de la preuve. Désormais, sauf exception, le silence de l’administration vaudrait acceptation par celle-ci. Voté tel quel, cet amendement a été intégré dans le texte transmis à l’Assemblée nationale, où les députés ont repris, pour l’essentiel, les dispositions du Sénat. Toutefois, ils n’ont pas cru devoir garder ce qui concernait la motivation des avis négatifs. Ils ont aussi adopté quelques amendements du Gouvernement, visant notamment à reconnaître le principe de sécurité juridique et à faciliter l’utilisation des procédures électroniques.
De plus, le Gouvernement a également déposé un amendement sur le droit d’asile, qui, entre nous, n’avait pas grand-chose à voir avec l’objet du projet de loi ! Mais comme on leur a expliqué l’importance que cette transposition ait lieu et qu’elle intervienne dans les délais, les députés ont voté ce cavalier, puisqu’il faut bien appeler les choses par leur nom !
Nous nous sommes retrouvés en commission mixte paritaire pour harmoniser tout cela, ce qui s’est finalement fait sans difficulté. Les députés ont accepté que l’on rétablisse la motivation des avis négatifs et les sénateurs n’ont pas fait d’obstacle au cavalier sur le droit d’asile.
À la demande du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le Gouvernement a, quasiment à la veille de la commission mixte paritaire, déposé un ultime amendement, visant à créer une nouvelle exception à la règle du silence de l’administration, en particulier pour tout ce qui concerne la sécurité nationale.
La commission mixte paritaire a avalisé tout cela, et elle a voté à l’unanimité en faveur du dispositif qui vous est soumis ce soir. Nous n’avons donc pas de raison de ne pas nous y rallier ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, contrairement à ce que j’ai fait précédemment, je n’exprimerai pas le souhait d’être à la place de Mme la ministre ; après tout, je ne suis que ministre déléguée. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est déjà beaucoup ! (Nouveaux sourires.)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Mais c’est au nom du Gouvernement tout entier que je vais vous présenter les conclusions de cette commission mixte paritaire sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens.
Mon propos sera certainement plus long que celui de M. le rapporteur. Mme Lebranchu, qui est actuellement en déplacement en Corse dans le cadre d’une mission difficile, m’a demandé de bien vouloir développer de manière approfondie les enjeux du présent projet de loi.
Le texte, qui a été adopté à l’unanimité dans les deux chambres grâce à un travail très constructif, contient plusieurs réformes structurelles qui marqueront l’histoire de notre administration.
Notre modèle français a besoin d’un nouveau souffle. Parce que nous vivons dans un monde en perpétuelle évolution, le temps est venu d’adapter notre droit. Nos administrations fonctionnent avec le souci permanent de répondre à nos attentes citoyennes et républicaines, et de s’adresser à tous les citoyens, sur l’ensemble de notre territoire. Mais l’heure est aujourd’hui venue d’accomplir le choc de simplification que le Président de la République a appelé de ses vœux.
Ce choc va de pair avec la réforme de l’État que nous avons engagée. Nous savons tous l’importance que l’ensemble des Français accordent à la puissance publique. Leur demande est très forte. Et nous savons aussi que nos services publics y répondent au mieux, au quotidien comme dans les situations d’urgence, avec organisation et efficacité. Pourtant, de nouveaux usages numériques se sont fait jour, et ils n’ont pas irrigué toutes les administrations de la même manière.
Les relations avec les administrations sont le fait de textes législatifs dispersés et disparates. À l’heure du numérique, entreprises et citoyens, qui sont parfois égarés dans un dédale de demandes et de formulaires, en appellent à plus de simplicité, de rapidité et d’efficacité.
Ce que les citoyens mesurent en fait assez mal, c’est l’origine des pesanteurs. Elles sont souvent le fait de droits et protections divers. C’est le cas par exemple de l’échange de données entre les administrations, qui ne peut pas se faire en raison de la protection des droits individuels. Si nous voulons simplifier, il faut donc en passer par la loi. C’est précisément l’objet des différentes habilitations que le Gouvernement vous soumet aujourd’hui.
Les réformes structurelles profondes sont au nombre de trois : d’abord, le droit de saisine de l’administration par voie électronique ; ensuite, la généralisation de l’accord tacite, que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur ; enfin, l’adoption d’un programme très ambitieux, que nous avons baptisé Dites-le nous une seule fois.
Notre premier objectif est de faire entrer de plain-pied l’administration dans l’ère numérique en ouvrant au citoyen la possibilité de saisir toute administration par voie électronique, y compris par lettre recommandée.
Nous allons donner aux échanges électroniques une vraie valeur, celle qu’ils ont acquise dans notre société. Communication électronique et communication épistolaire seront demain placées au même niveau et auront la même valeur. L’administration n’aura plus le choix et devra se conformer aux nouveaux usages.
Bien sûr, nous saurons mettre en place les garde-fous nécessaires pour nous prémunir des demandes abusives : c’est tout l’intérêt de procéder par ordonnance.
Dans le même esprit, nous souhaitons également ouvrir la possibilité aux usagers d’accéder à leur dossier en cours d’instruction. Ils pourront ainsi interagir avec l’administration en améliorant leur projet et en anticipant une décision favorable. Il s’agit de renforcer la transparence de l’élaboration de la décision administrative et de limiter les risques contentieux.
Pour encadrer l’ensemble de ces relations entre citoyens et administrations, un nouveau code des relations sera élaboré. Ses contours ont été dessinés lors du premier comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, au mois de décembre 2012. Destiné au public, il rassemblera les grandes lois relatives aux droits des administrés, ainsi que plusieurs règles dégagées par la jurisprudence. Il s’agit également de toiletter des dispositifs isolés qui dérogeraient sans raison à la règle générale. Il fera l’objet d’une autre ordonnance.
Nous vous proposons également une réforme structurelle sur la règle de l’accord tacite de l’administration, réforme que nous avons introduite par amendement ici même en mois de juillet dernier.
Aujourd’hui, le silence de l’administration doit être considéré comme un rejet implicite. Il s’agit d’un principe de droit qui impose au législateur de prévoir expressément toutes les procédures échappant à ce principe. Il en va ainsi de l’autorisation de travaux ou encore de la mise en chômage partiel.
Le Gouvernement souhaite renverser le principe : demain, le silence vaudra accord. Évidemment, ce travail mérite d’identifier toutes les procédures d’autorisation et d’élaborer la liste de celles qui devront faire exception : les autorisations en matière de santé publique, de défense, de sûreté nucléaire ou de protection des droits individuels seront évidemment exclues. Pas de risque qu’un médicament soit mis sur le marché, faute de réponse de l’administration !
Comme Mme Marylise Lebranchu s’y est engagée, ce travail sera effectué en concertation avec les parlementaires. En tant que ministre déléguée chargée de la décentralisation, je peux aussi vous garantir que les élus des collectivités seront associés aux travaux conduits par le Secrétariat général du Gouvernement.
Enfin, à l’Assemblée Nationale, nous avons introduit le dispositif Dites-le nous une seule fois, sur lequel je souhaite m’appesantir un peu.
Ce programme fait partie des chantiers prioritaires définis par le CIMAP du 18 décembre 2012. Il vise à diminuer considérablement le nombre de sollicitations faites aux entreprises par les différentes administrations.
Aujourd’hui, une petite entreprise est obligée d’envoyer 3 000 informations par an à l’administration. Demain, il faudra diviser ce chiffre par deux ou par trois.
La réussite d’un tel programme repose sur l’harmonisation des définitions des données demandées aux interlocuteurs de l’administration et sur la mise en place de systèmes d’échanges de données au cas par cas, qui préservent les droits et garanties individuelles.
Le Gouvernement n’est pas le premier à avoir eu l’idée d’une telle réforme. Reconnaissons à l’ancienne majorité une tentative en ce sens, avec un programme « armoire numérique sécurisée » des entreprises. Malheureusement, le dispositif, qui reposait sur le principe d’un stockage généralisé des fichiers auxquels auraient eu accès les différentes administrations, s’est révélé impossible à mettre en place, du fait du risque que ces échanges généralisés faisaient peser sur la protection des droits individuels et du fait de l’absence de chef de file réellement identifié pour conduire les différents chantiers.
Le Gouvernement a donc décidé de reprendre l’objectif, mais de limiter le programme à du partage de données au cas par cas. Il a confié cette responsabilité au Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP.
Le premier objectif consiste à éditer, d’ici à la fin 2013, une première version d’un annuaire de 100 données redondantes, précisant leur définition, leur libellé, les administrations qui collectent, celles qui les utilisent, et la nature des secrets qui les protègent. À cette fin, le SGMAP a initié une analyse précise du contenu des 1 000 formulaires recensés concernant les entreprises, pour identifier les 100 données les plus redondantes.
Les premiers résultats ont confirmé l’intérêt du chantier. Par exemple, une entreprise doit communiquer plus de 15 fois son chiffre d’affaires par an ou plus de 10 fois ses effectifs à l’administration.
Il existe toutefois des obstacles à lever, et ils relèvent de la loi. C’est l’objet de l’habilitation.
Par exemple, l’ordonnance permettra d’harmoniser les notions d’effectifs et de chiffre d’affaires pour ce qui concerne les personnes morales, ainsi que les notions de nom ou d’adresse des personnes physiques. Elle établira aussi la liste donnée par donnée et administration par administration pour lesquelles l’échange sera possible. Cette liste sera soumise à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
Enfin, pour limiter les tracasseries administratives, le Gouvernement souhaite généraliser, pour certaines pièces, le principe de la déclaration sur l’honneur, comme pour les pièces justificatives fournies avec la déclaration d’impôts : on peut notamment citer le K bis, le certificat d’immatriculation au registre des sociétés. Dès lors que la loi autorisera la consultation des données recueillies par l’une des administrations demandeuses, l’autre pourra se contenter d’une déclaration sur l’honneur.
Les trois réformes structurelles profondes que nous vous proposons de lancer aujourd’hui n’auront pas d’effet immédiat ; elles seront progressives. Je vous invite à en faire la promotion, car elles répondent aux souhaits de tous. Malheureusement, les éditorialistes qui en appellent régulièrement à des réformes structurelles les passent sous silence. Les réformes les plus structurelles ne sont pas forcément les plus médiatiques !
Avec le texte porté par mon collègue Pierre Moscovici, qui vise à simplifier les procédures applicables aux entreprises, et l’autre texte sur la réforme de la Commission consultative d’évaluation des normes, devenue le Conseil national d’évaluation des normes depuis le vote de la Haute Assemblée intervenu voilà une dizaine de jours, le texte d’aujourd’hui forme le trépied juridique du choc de simplification.
Il ne suffit pas d’en appeler à simplifier : dans un État de droit, simplifier doit se faire dans le respect des droits individuels et des libertés, mais aussi dans le souci de l’égalité et de la protection des plus vulnérables.
Simplifier n’est pas simple. Le Parlement doit y prendre sa part de responsabilité en veillant à ce que les droits fondamentaux soient préservés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l’ai souvent évoqué ici, l’action publique du XXIe siècle doit être plus efficace, plus proche des citoyens et moins coûteuse. Elle doit soutenir le changement et le progrès, et non bloquer les initiatives et les volontés d’avancer.
Le choc de simplification annoncé par le Président de la République le 28 mars 2013 est au cœur de la logique de l’amélioration de la compétitivité de nos territoires.
La force de notre État, c’est d’avoir su, et de savoir toujours et encore s’adapter. La force de nos services publics, c’est aussi de s’adapter sans cesse.
Par cette habilitation, nous allons améliorer la réactivité des services administratifs chargés de veiller au respect des procédures, et nous allons prendre des mesures qui auront des conséquences réelles sur la vie quotidienne de tous.
Aussi, avec Mme Lebranchu et le Gouvernement tout entier, nous remercions la Haute Assemblée de bien vouloir voter une dernière fois sur ce texte, et de s’associer ainsi à cette réforme. J’ai d’ailleurs lu les rapports dont elle a fait l’objet au Sénat et à l’Assemblée nationale avec délice, tant ils étaient précis et proposaient de véritables voies de simplification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où l’on demande des efforts importants à nos concitoyens, l’administration doit plus que jamais se montrer exemplaire, notamment par l’amélioration de l’accueil et de la qualité du service public.
La bonne gestion des deniers publics doit irriguer l’ensemble des administrations. Cela suppose de réaliser des économies et de concentrer les efforts sur les dépenses d’avenir et la réduction structurelle et durable des dépenses publiques.
La modernisation du fonctionnement de l’État, des collectivités territoriales et de tous les organismes en charge d’une mission de service public est urgente. Ceux-ci agissent avant tout au service des citoyens, qui doivent disposer de droits effectifs à l’égard de l’administration.
C’est une réforme d’ensemble que le Gouvernement a décidé d’entamer avec la réorganisation territoriale de l’État, décidée lors du dernier comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet dernier.
Il est possible d’avoir une efficacité de la dépense publique sans aboutir pour autant à sacrifier le service public, si l’on élimine tous les contretemps et les redondances dont sont victimes les particuliers et les entreprises. C’est bien l’objet du « choc de simplification » annoncé, choc qui vise à renforcer la compétitivité de la France grâce à un État plus rapide et plus réactif. Avec l’accès facile aux financements, l’allégement des contraintes administratives fait partie des critères retenus par les entreprises pour décider de s’implanter dans un État.
Le présent projet de loi tend à remédier à cette complexité grâce à la création prochaine d’un code de procédure administrative non contentieuse, sur lequel les citoyens et les entreprises pourront s’appuyer. Son élaboration sera l’occasion de simplifier intelligemment les démarches et de veiller ensuite à contenir la prolifération des normes. De surcroît, une telle codification constitue un gage de transparence et atténue le sentiment de défiance des citoyens à l’égard de leur administration.
En outre, le projet de loi vise à faciliter la vie des usagers avec la possibilité de régulariser les demandes en cours d’instruction et la communicabilité des avis préalables à la décision définitive. C’est également le cas de la consécration du droit de saisir l’administration par voie électronique et d’obtenir une réponse par la même voie. L’Assemblée nationale est allée plus loin en précisant que cette mesure était applicable aux lettres recommandées.
En dépit du développement des procédures électroniques, la dématérialisation généralisée des procédures a trop tardé.
Le programme Dites-le nous une seule fois, intégré au projet de loi à la demande du Gouvernement lors de son passage devant l’Assemble nationale, constitue une avancée réclamée par les usagers, notamment les entreprises, qui sont dans l’obligation de produire à de nombreuses reprises les mêmes pièces justificatives à différentes administrations cloisonnées qui n’échangent pas.
Toutes ces dispositions représentent un gain de temps considérable, pour l’usager comme pour les agents.
En première lecture, mon collègue Jean-Claude Requier avait émis des doutes sur l’application du principe « révolutionnaire » selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l’administration vaudrait acceptation, et non plus rejet.
Les services administratifs, soumis à l’obligation de résultats, doivent être préparés à ce changement difficile, sans quoi il est à craindre que le principe d’égalité devant la loi ne souffre de l’impossibilité de certains services de répondre dans des délais raisonnables et acceptables.
Cependant, il convient de nuancer la portée d’une telle mesure, puisqu’un certain nombre de dérogations légitimes sont déjà prévues, comme les décisions ne présentant pas un caractère individuel et les décisions à caractère financier, sauf en matière de sécurité sociale.
Un décret en Conseil d’État précisera d’autres dérogations fondées sur le respect des engagements internationaux et européens, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public. À la suite d’inquiétudes exprimées par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, la protection de la sécurité nationale a été ajoutée par la commission mixte paritaire.
D’autres dérogations pourront être prises par décret pour des raisons qui tiennent à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. De même, le délai de deux mois pourra être modifié pour certaines procédures. Nous mesurons ainsi les limites de ce principe, qui, comme tout principe, dispose de ses exceptions.
Un tel changement culturel, en attendant d’être pleinement « révolutionnaire », est une réelle avancée qu’il convient de saluer comme telle, car il est toujours plus difficile de simplifier que de complexifier ; nous en sommes tous conscients dans cet hémicycle.
Confiant dans les capacités d’adaptation de la France pour assurer la mutabilité de l’administration vers une performance accrue et un renforcement des droits des citoyens, le RDSE soutiendra à l’unanimité le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons voté le projet de loi autorisant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances dans différents domaines. Avant d’évoquer les dispositions du texte sur le fond, je dirai quelques mots sur la forme.
Nul ne l’ignore, nous sommes, pour notre part, opposés à la pratique des ordonnances, une pratique, certes permise par la Constitution, mais qui n’en reste pas moins un moyen de contourner les règles normales de la démocratie, notamment celles qui concernent l’élaboration et l’adoption de la loi par le Parlement. Bien qu’elles soient encadrées par les textes, les ordonnances constituent un empiétement du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif.
La position de notre groupe ne devrait pas vous surprendre, mes chers collègues. Nous avons toujours défendu l’idée selon laquelle les ordonnances portaient d’une certaine manière atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Dès lors que l’habilitation est accordée au Gouvernement, le Parlement n’a plus qu’un pouvoir de validation ou d’invalidation, et n’a plus aucune possibilité d’intervenir sur le contenu. Le Gouvernement agit donc en lieu et place du Parlement, et l’article 38 de la Constitution ne délimite son champ de compétences que de manière laconique, en mentionnant seulement « l’exécution de son programme ». En d’autres termes, aucun domaine ne lui est a priori interdit. Si le Conseil constitutionnel effectue un contrôle a posteriori, nous considérons que cela n’est pas suffisant. Une nouvelle fois, nous mettons en garde contre la banalisation de telles pratiques, qui concernent des domaines de plus en plus larges.
Cela étant précisé, nous partageons les objectifs de fond du texte, qui vise à faciliter le dialogue entre les administrations et les citoyens, à simplifier les démarches administratives, à rendre plus efficace l’action administrative, autant de mesures qui sont de nature à redonner confiance à nos concitoyens.
Tout d’abord, nous sommes favorables à l’adaptation aux évolutions technologiques et à l’instauration d’échanges avec l’administration par voie électronique, dans la mesure où cela pourra simplifier ces échanges. Nous insistons cependant sur une difficulté majeure et récurrente des relations entre l’administration et les citoyens, à savoir la déshumanisation du traitement des réclamations par les services publics. Il faut toujours garder à l’esprit que, derrière les procédures administratives, il y a des hommes et des femmes.
Sur la codification des règles qui régissent les relations entre les citoyens et l’administration, nous soutenons la démarche du Gouvernement, qui tend à créer un code orienté, avant tout, vers le citoyen. En revanche, comme ce code ne sera pas édicté à droit constant, il nous paraît difficile de le valider en amont alors que son contenu pourra être étendu par le Gouvernement.
Nous approuvons, par ailleurs, l’inversion du principe du « refus tacite », qui prévaut aujourd’hui, au profit d’une généralisation de la règle de « l’accord tacite » de l’administration en cas de silence de sa part. Cette disposition incitera probablement l’administration à accélérer ses délais de réponse et renforcera la transparence des procédures administratives.
Je souhaite enfin aborder un amendement du Gouvernement, adopté à l’Assemblée nationale. Cet amendement transpose la directive adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 11 mai 2011. Nous soutenons cette disposition – décidément, nous soutenons beaucoup de choses ce soir ! (Sourires.) –, qui consolide les droits des bénéficiaires d’une protection internationale et sécurise leur droit au séjour en leur conférant un titre de dix ans ; vous savez combien nous sommes attachés à ce sujet.
Aussi, comme je l’ai indiqué, même si nous déplorons le recours aux ordonnances, nous adhérons pleinement à la finalité d’un texte tendant à restaurer la confiance de nos concitoyens à l’endroit de l’administration. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si l’on prend en compte les débats en commission, la première lecture du texte et les propos qui viennent d’être tenus, beaucoup a déjà été dit. Je me bornerai donc à formuler quelques observations pour marquer mon approbation au projet de loi.
Tout d’abord, comme en première lecture, je tiens à souligner l’importance de la codification. Nous légiférons avec l’abondance que chacun connaît, et nous consacrons finalement peu d’énergie et de temps à vérifier l’harmonie entre les textes que nous ajoutons et ceux qui existent déjà. De ce point de vue, la codification est un outil essentiel pour le législateur : elle lui permet de savoir ce qu’il est en train de changer et de connaître les normes se trouvant au voisinage des dispositions sur lesquelles il travaille.
En raison du caractère extrêmement florissant de notre activité normative, nous devons maintenant résoudre des problèmes intéressants, situés aux confins des codes.
Comme le savent ceux qui se penchent sur la question de l’architecture du droit, celle-ci ne trouve jamais de réponse complètement satisfaisante. La coordination et l’harmonisation entre les codes portant sur des matières voisines n’ont donc pas fini de nous occuper !
En tout cas, il manquait un code sur les relations entre l’administration et le public. À la réflexion, la commission de codification a jugé qu’il ne serait pas opportun de s’arrêter aux seuls « citoyens », terme qui ne permettait pas d’englober les entreprises et les associations. Je pense qu’il s’agira d’un progrès important.
La déclaration unifiée – je pense au programme Dites-le nous une seule fois – est une très bonne innovation, qui se développera par phases. Nous serons, les uns et les autres, dans nos départements respectifs, attentifs à la manière dont les entreprises, surtout les PME, en percevront le bénéfice. Nous devrons être les porteurs de cette démarche.
Je voudrais à présent évoquer l’accord tacite. Je voterai cette disposition, avec tout le sens de la discipline qui me caractérise. Mais, mes chers collègues, ce n’est pas une mince affaire !
Sans doute l’attitude sympathique ou complaisante qui consiste par principe à dire oui doit-elle être humainement et sentimentalement saluée. Mais, en l’occurrence, il est question de l’État et de l’intérêt général. Or les demandes adressées à la collectivité n’ont pas forcément cette seule inspiration…
Il ne faut pas le méconnaître, ce que nous sommes en train de faire, et qui s’inscrit au demeurant parfaitement dans l’esprit du temps, consiste à accorder une priorité de principe à l’intérêt particulier sur l’intérêt général.
Il est vrai qu’une telle mesure ne produira sans doute pas de conséquences déplorables. Dans leur sagesse, le Gouvernement et le législateur ont prévu d’encadrer le basculement de principe. Le pouvoir réglementaire, sur la base d’une nouvelle habilitation énoncée par le texte, gardera la possibilité d’extraire de ce domaine de l’accord tacite de principe toute une série de domaines de décisions.
Permettez-moi d’expliquer pourquoi cette exclusion me paraît nécessaire.
Premièrement, parmi les multiples décisions qui seront ainsi prises dans le silence, sans aucune observation ni motivation, certaines seront nécessairement illégales. Nous le savons tous, dans tel ou tel recoin de notre territoire, lorsqu’un maire ou un titulaire de la compétence d’autorisation d’urbanisme est embêté avec un dossier, il a toujours la solution de laisser tourner la pendule et d’attendre l’expiration du délai deux mois. Si personne ne bouge dans l’intervalle, ni vu ni connu… Nul doute que cette pratique aura tendance à s’étendre.
Ne croyons donc pas que l’innovation n’aura aucun effet sur l’État de droit.
Deuxièmement, nous serons confrontés à une pendule qui cliquette : tel jour à minuit, la décision sera prise, quoi qu’il arrive. Or, dans beaucoup de domaines, les services administratifs ou techniques de l’État, des collectivités territoriales ou des organismes de protection sociale sont loin d’être désœuvrés. Des décisions tacites que personne ne souhaite interviendront donc inévitablement.
Nous avons ainsi pu constater des effets déplorables dans l’application du droit au logement opposable, fondé sur le même mécanisme, avec de surcroît une sanction financière opposée à la République. En l’occurrence, la volonté d’éviter l’échéance conduit nécessairement à des décisions précipitées et inconsidérées.
Je ne saurai trop encourager le Gouvernement à bien opérer la distinction entre les domaines dans lesquels il peut laisser s’épanouir ce principe sympathique et ceux dans lesquels il est préférable, au nom de l’intérêt général, de prendre quelques précautions.
De surcroît, nous ne tombons pas forcément juste du premier coup. Grâce, précisément, à l’articulation entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire – c’est une belle invention, dans un l’État de droit ! –, il est tout à fait possible de rectifier des frontières trop hâtivement tracées.
Ce projet de loi est pour nous tous un succès. Comme l’a affirmé Mme la ministre, ce texte va nous offrir de nouveaux supports à l’œuvre de simplification et d’allégement du droit, à laquelle nous sommes tous attachés.
Ainsi, malgré quelques sujets de réflexion pouvant éventuellement border à la réticence, nous avons, ensemble, fait du bon travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens
Article 1er A
I. – La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifiée :
1° Le troisième alinéa de l’article 20 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si cette autorité informe l’auteur de la demande qu’il n’a pas fourni l’ensemble des informations ou pièces exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces informations ou pièces. » ;
2° L’article 21 est ainsi rédigé :
« Art. 21. – I. – Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation.
« La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d’acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise.
« Le premier alinéa n’est pas applicable et, par dérogation, le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet :
« 1° Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;
« 2° Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;
« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
« 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d’État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public ;
« 5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
« II. – Des décrets en Conseil d’État et en Conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter l’application du premier alinéa du I eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d’État peuvent fixer un délai différent de celui que prévoient les premier et troisième alinéas du I, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie.
« III. – (Supprimé) » ;
3° L’article 22 est ainsi rédigé :
« Art. 22. – Dans le cas où la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l’objet d’une mesure de publicité à l’égard des tiers lorsqu’elle est expresse, la demande est publiée par les soins de l’administration, le cas échéant par voie électronique, avec l’indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n’est intervenue.
« La décision implicite d’acceptation fait l’objet, à la demande de l’intéressé, d’une attestation délivrée par l’autorité administrative.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article 22-1, les références : « aux articles 21 et 22 » sont remplacées par la référence : « à l’article 21 ».
II. – Le I est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna aux administrations de l’État et à ses établissements publics.
III. – Le I entre en vigueur :
1° Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, pour les actes relevant de la compétence des administrations de l’État ou des établissements publics administratifs de l’État ;
2° Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que pour ceux des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif.
IV. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, à modifier par ordonnances les dispositions législatives prévoyant que, en l’absence de réponse de l’administration dans un délai que ces dispositions déterminent, la demande est implicitement rejetée, pour disposer que l’absence de réponse vaut décision d’acceptation ou instituer un délai différent. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Article 1er
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnances des dispositions de nature législative destinées à :
1° Définir les conditions d’exercice du droit de saisir par voie électronique les autorités administratives et de leur répondre par la même voie ;
1° bis Définir les conditions, en particulier les garanties de sécurité et de preuve, dans lesquelles les usagers peuvent, dans le cadre de leurs échanges avec les autorités administratives, leur adresser des lettres recommandées par courriers électroniques ayant valeur de lettre recommandée lorsque cette formalité est exigée par un texte législatif ou réglementaire, et les conditions dans lesquelles les autorités administratives peuvent user du même procédé avec les usagers qui l’ont préalablement accepté ;
2° Définir les conditions dans lesquelles peuvent être communiqués aux demandeurs les avis préalables, ainsi que leur motivation lorsqu’ils sont défavorables, recueillis sur leur demande conformément aux dispositions législatives et réglementaires, avant que les autorités administratives n’aient rendu leur décision, en particulier lorsque la communication de ces avis est de nature à permettre au demandeur de modifier ou de compléter sa demande et de réduire le délai de réalisation de son projet ;
3° Élargir les possibilités de recours aux technologies permettant aux organes collégiaux des autorités administratives, à l’exception des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements, de délibérer ou de rendre leur avis à distance, dans le respect du principe de collégialité.
Sont considérés comme autorités administratives, au sens des 1°, 1° bis, 2° et 3°, les administrations de l’État et des collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans le délai mentionné au I du présent article, à adapter par ordonnances les dispositions prises en application du même I aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu’à les étendre, avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Article 2
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnances à l’adoption de la partie législative d’un code relatif aux relations entre le public et les administrations.
II. – Ce code regroupe et organise les règles générales relatives aux procédures administratives non contentieuses régissant les relations entre le public et les administrations de l’État et des collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes chargés d’une mission de service public. Il détermine celles de ces règles qui sont applicables aux relations entre ces administrations et entre ces administrations et leurs agents. Il rassemble les règles générales relatives au régime des actes administratifs. Les règles codifiées sont celles qui sont en vigueur à la date de la publication de l’ordonnance ainsi que, le cas échéant, les règles déjà publiées mais non encore en vigueur à cette date.
III. – Le Gouvernement est autorisé à apporter aux règles de procédure administrative non contentieuse les modifications nécessaires pour :
1° Simplifier les démarches auprès des administrations et l’instruction des demandes, en les adaptant aux évolutions technologiques ;
2° Simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes administratifs unilatéraux dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique ;
3° Renforcer la participation du public à l’élaboration des actes administratifs ;
4° Renforcer les garanties contre les changements de réglementation susceptibles d’affecter des situations ou des projets en cours ;
5° Assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet ;
6° (Supprimé)
7° Étendre les dispositions de nature législative ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans le respect des compétences dévolues à ces collectivités, ainsi qu’aux îles Wallis et Futuna, et adapter, le cas échéant, les dispositions ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ;
8° Rendre applicables à Mayotte les dispositions de nature législative ainsi codifiées issues des lois qui ne lui ont pas été rendues applicables.
IV. – Ces ordonnances sont publiées dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi.
V. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Article 2 bis
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures nécessaires pour :
1° Harmoniser les définitions, données et références utilisées lors des relations entre les administrations et le public, en vue de permettre les échanges d’informations ou de données entre les administrations prévus à l’article 16 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et d’éviter que soient demandées au public une information ou une donnée déjà fournies à une administration ;
2° Procéder, dans les dispositions relatives aux secrets protégés par la loi et, le cas échéant, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans la législation relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, aux ajustements nécessaires pour donner accès aux informations ou aux données du public à tout organisme autorisé à en connaître. Ces ajustements ne peuvent pas porter sur les informations ou les données qui, en raison de leur nature, notamment parce qu’elles touchent au secret médical et au secret de la défense nationale, ne peuvent faire l’objet d’une communication directe ;
3° Définir les conditions dans lesquelles des déclarations sur l’honneur peuvent être substituées à la production de pièces justificatives et préciser corrélativement les conséquences qui s’attachent à l’éventuelle inexactitude de ces déclarations.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Article 3
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnances à la modification du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique afin d’y inclure des dispositions de nature législative qui n’ont pas été codifiées, d’améliorer le plan du code et de donner compétence en appel à la juridiction de droit commun.
Il peut également apporter les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet.
En outre, le Gouvernement peut étendre, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, l’application des dispositions ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.
II. – Les dispositions codifiées sont celles qui sont en vigueur à la date de la publication des ordonnances ainsi que, le cas échéant, les règles déjà publiées mais non encore en vigueur à cette date.
III. – Les ordonnances sont publiées dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Article 4
I. – La section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 314-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 314-7-1. – La carte de résident portant la mention : “résident de longue durée-UE” délivrée à l’étranger en application de l’article L. 314-8-2 peut lui être retirée lorsqu’il perd la qualité de réfugié en application du F de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou le bénéfice de la protection subsidiaire en application du second alinéa de l’article L. 712-3. Elle peut également être retirée en cas d’obtention frauduleuse de cette qualité ou de cette protection. »
II. – Après l’article L. 314-8-1 du même code, il est inséré un article L. 314-8-2 ainsi rédigé :
« Art L. 314-8-2. – L’étranger titulaire de la carte de résident prévue au 8° de l’article L. 314-11, du fait de la reconnaissance de la qualité de réfugié, ou de la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 313-13, du fait de l’octroi du bénéfice de la protection subsidiaire, peut se voir délivrer une carte de résident portant la mention : “résident de longue durée-UE”, dans les conditions prévues à l’article L. 314-8.
« Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 314-8, est prise en compte, dans le calcul des cinq années de résidence régulière ininterrompue, la période comprise entre la date de dépôt de la demande d’asile, sur la base de laquelle a été reconnue la qualité de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire, et la date de délivrance de la carte de résident prévue au 8° de l’article L. 314-11 ou de la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 313-13.
« Son conjoint et ses enfants dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l’article L. 311-3, admis en France conformément au 8° de l’article L. 314-11 ou à l’article L. 313-13, peuvent se voir délivrer une carte de résident portant la mention “résident de longue durée-UE”, dans les conditions prévues à l’article L. 314-8. »
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 21 octobre 2013, à onze heures, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
1. Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (n° 822, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 50, 2013 2014) ;
Avis de M. Yves Krattinger, fait au nom de la commission des finances (n° 53, 2013 2014) ;
Avis de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n° 56, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 51, 2013-2014).
2. Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (n° 517, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Michèle André, fait au nom de la commission des finances (n° 11, 2013 2014) ;
Texte de la commission (n° 12, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART